Page:Saint-Bernard - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome 2, 1866.djvu/294

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suis pas si simple que je ne sache ce que représentait La robe de plusieurs couleurs de Joseph était une image de l’Église. la robe de Joseph, non pas de celui qui sauva l’Égypte, mais du véritable Joseph qui sauva le monde, non plus de la famine qui ne mettait que la vie du corps en danger, mais de la mort qui frappe le corps et l’âme en même temps. Tout le monde sait en effet, qu’elle est de différentes couleurs, cette variété même en fait précisément la beauté ; mais de plus elle est trempée dans le sang, non d’un chevreau qui est l’emblème du péché, mais d’un agneau qui est celui de l’innocence, c’est-à-dire trempée dans le sang du vrai Joseph, et non pas dans un sang étranger ; car c’est lui qui est l’Agneau plein de douceur, l’Agneau qui garde le silence, non pas seulement sous la main de celui qui le dépouille, mais encore de celui même qui le tue, de l’Agneau qui ne fit pas le péché, mais qui effaça tous les péchés du monde. On fit dire à Jacob : « Voilà une robe que nous avons trouvée, voyez si ce n’est pas celle de votre fils (Gen., xxxvii, 32) ; » et vous, Seigneur, voyez aussi si ce n’est point là la robe de votre Fils unique ? Oui, Père tout-puissant, reconnaissez que c’est celle que vous avez faite de différentes couleurs, pour le Christ votre Fils, quand vous lui avez donné des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des docteurs, et mille autres ornements qui concourent à rendre sa robe d’une plus admirable beauté, pour la consommation des saints qui tendent à la perfection, selon la mesure de l’âge et de la plénitude du Christ (Ephes., iv, 12). Oui, mon Dieu, daignez reconnaître la pourpre de ce sang précieux dont elle a été mouillée et, dans cette pourpre, le brillant insigne et la preuve glorieuse de l’obéissance de votre Fils, selon ces paroles : « Pourquoi donc vos vêtements sont-ils rouges ? — C’est parce que j’ai été seul à fouler le vin, et de tous les peuples, pas un homme n’était avec moi (Isa., lxiii, 2). »

6. Eh bien donc ! puisque le Fils s’est montré obéissant à son Père jusqu’au pressoir de la croix qu’il était seul à fouler, car il n’a trouvé d’appui que dans son bras, selon ces autres paroles du Psalmiste : « Pour moi, je suis seul jusqu’à ce que je passe (Psalm., cxl, 10), » exaltez-le maintenant, mon Dieu, et donnez-lui un nom qui soit au-dessus de tous les noms, qu’on ne puisse entendre sans fléchir le genou, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers (Philipp., ii, 10). Qu’il s’élève dans les cieux, qu’il entraîne à sa suite la captivité captive, et qu’il répande ses dons sur les hommes (Ephes., iv, 8). Mais quels dons, quels présents et quel héritage laissera-t-il à l’Église, son épouse ? Qu’il lui laisse sa robe, sa robe, dis-je, de différentes couleurs, cette robe qui était d’un seul morceau et d’un seul tissu, depuis le haut jusqu’au bas. Cette variété de couleurs vient de la variété des ordres religieux qu’elle renferme, et qui sont comme autant de morceaux d’étoffes brillantes ; et ce tissu sans couture, c’est l’unité d’une indissoluble charité, selon ce mot de l’Apôtre : « Qui donc me séparera de l’amour du Christ (Rom., viii, 35) ? » Quant à la diversité des couleurs dont elle brille, écoutez encore comment le même Apôtre l’explique : « Il y a diversité de grâces, dit-il, mais il n’y a qu’un même Esprit ; il y a aussi diversité d’opérations, mais il n’y a qu’un même Seigneur (1 Corinth., xii, 4). » Puis après avoir énuméré les diverses grâces qui sont comme les couleurs différentes dont elle brille, il continue pour montrer qu’elle est sans