Chapitre VII. — Initiale
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§ 283. Le mot peut commencer par une consonne, par un groupe de consonnes ou par une voyelle.
La consonne ou le groupe de consonnes sont toujours explosifs, même dans le corps de la phrase, la syllabation n’étant pas modifiée par le sandhi (§ 294).
Il existe certaines limitations quant à la nature des consonnes qui peuvent se présenter à l’initiale non modifiée du mot ; comme les formes à initiale modifiée se rencontrent actuellement en dehors du sandhi, ces limitations, qui intéressent la morphologie ou le vocabulaire, n’intéressent plus la phonétique, et seront ici laissées de côté.
On a vu (§ 252) qu’il ne peut y avoir de groupes explosifs qu’à l’initiale, tout groupe médian étant implosivo-explosif. Or certains groupes sont dissociés, sauf lorsqu’ils sont explosifs (chap. iii). Il en résulte que ces groupes ne peuvent se rencontrer qu’à l’initiale du mot : c’est le cas, par exemple, dès à présent, de h + liquide ou nasale et d’occlusive + nasale ; cela tend à devenir, avec le développement de la voyelle svarabhaktique (chap. iii), le cas de presque tous les groupes d’ouverture et de sonorité croissantes ; l’opposition de gnʹi:ᵊv (gníomh) « action » à agʹɩnʹɩ (aigne) « esprit » ; hrɑ:ⁱgʹ (thráigh) « se retira (en parlant du flux) », à kɑhərəχ (cathrach), gén. de kahɩrʹ (cathair) « ville » ; de χrɑ:ⁱʃ (chrádhais) « tu contrarias », à ɑχərən (achrann) « confusion » ; l’impossibilité, en revanche, de formes comme *αgʹnʹɩ,*kɑhrəχ, *ɑχrən, témoignent du fait que l’initiale du mot est une place privilégiée qui peut présenter des combinaisons phonétiques éliminées par le langage à toute autre place. D’autre part, deux des phonèmes du parler : ǥ et ç, ne se rencontrent qu’à l’initiale.
§ 284. Tandis que, dans la plupart des langues, l’initiale, soustraite aux variations d’origine morphologique, est un des éléments les plus stables du mot dans l’identification duquel elle joue le premier rôle, il n’en va pas de même en irlandais où, comme dans les autres langues celtiques, l’initiale est fléchie grammaticalement. L’étude de ces alternances initiales sort du cadre d’une phonétique descriptive ; le principe doit cependant en être mentionné, l’existence de ces alternances ayant certainement facilité les confusions et flottements dans la qualité de la consonne initiale qui ne sont pas rares dans le parler.
§ 285. L’initiale (consonantique) d’un même mot peut revêtir trois formes : « normale », « aspirée » et « nasalisée » (il va de soi que ces termes n’ont pas ici leur valeur phonétique rigoureuse). Le tableau suivant donne la relation entre les trois formes de l’initiale d’un même mot.
normale | aspirée | nasalisée |
— | — | — |
p, pʹ | f, fʹ | b, bʹ |
t, tʹ | h | d, dʹ |
k, kʹ | χ, ç | g, gʹ |
b, bʹ | v, vʹ | m, mʹ |
d, dʹ | ǥ, j | n, nʹ |
g, gʹ | ŋ, ŋʹ | |
m, mʹ | ṽ, ṽʹ | m, mʹ |
f, fʹ | zéro | v, vʹ |
s, ʃʹ | h, (ç) | s, ʃʹ |
n (nʹ), l (lʹ), r (rʹ) ne sont pas sujets à alternance (sauf dans le cas de rʹ, alternant avec r, § 84), fait qui constitue au reste une des principales singularités phonétiques du parler par opposition aux autres parlers irlandais.
§ 286. Le fait qu’à certaines formes du mot différentes initiales étaient confondues (ainsi t et tʹ, s et ʃ, f et initiale vocalique), que par ailleurs occlusives sourdes ou sonores et spirantes alternent constamment à l’initiale d’un même mot, a dû faciliter les flottements de la consonne initiale, qu’on observe assez fréquemment. Il convient cependant de spécifier que certains de ces flottements ne rentrent pas dans le cadre de ces alternances et ne s’expliquent pas directement par celles-ci. Il n’en subsiste pas moins que celles-ci ont dû les favoriser, en diminuant la valeur de l’initiale comme élément d’identification du mot.
Nous nous limitons aux exemples où des doublets encore en usage chez différents individus attestent un flottement actuel dans la nature de l’initiale en question.
§ 287. f : initiale vocalique :
fʹëimʹənəs et ëimʹənəs (feidhmeanas) « emploi » ; ɩ vʹëimʹənəs et ɩ nʹëimʹənəs (i bhfeidhmeanas) « occupé, employé ».
s : ʃ et t : tʹ :
sɑχəs et ʃαχəs (seachas) « outre » ; sʌrə et ʃαrə (sara) « avant que » ; sɪ:lʹɩmʹ et ʃi:lʹɩmʹ (sílim) « je pense » ; tʲλkʷɩgʹ et tᴜkʷɩgʹ (tiocfaidh) « viendra » ; tʹitʹɩmʹ et tɪtʹɩmʹ (tuitim) « tomber ».
Autres alternances palatale-vélaire :
sg̬ʷɪ:lʹɩmʹ et ʃg̬ʹi:lʹɩmʹ (sgaoilim) « je libère » ; drɪdʹɩmʹ et dʹrʹidʹɩmʹ (druidim) « je me mets en mouvement ».
Cf. également § 235.
Occlusive sourde : occlusive sonore :
klʹïsmərtʹ et glʹïsmərtʹ (cliosmairt) « discussion, chahut » ; kʲλtə et gʲλtə (giota) « morceau ».
Occlusive : spirante :
pʷɪ:hɩrʹəχt et fʷɪ:hɩrʹəχt (faoithireacht) « huer ».
Occlusives alternant entre elles :
tʹrʹɑ̃mpəlɑ̃:n et pʹrʹɑ̃mpəlɑ̃:n (treampalán) « sorte de bourdon ».
§ 288. Initiale vocalique.
L’initiale vocalique est caractérisée par une ouverture complète (sans coup de glotte), l’attaque vocalique étant toujours douce.
A l’initiale, les flottements dans le timbre de la voyelle sont particulièrement fréquents. Ceci s’explique par le fait que le timbre d’une voyelle est dans une large mesure déterminé par les consonnes qui la suivent et la précèdent (cf. IIᵉ Partie, chap. 1). Dans le cas de la voyelle initiale, l’influence exercée par la consonne qui suit n’est pas contrebalancée par une consonne précédente. Aussi, là où, étymologiquement, cette voyelle est de celles qui, en position médiane, seraient encadrées de consonnes de qualités contraires (Séries III et IV, §§ 106 et 107), observe-t-on des fluctuations du type de celles déjà mentionnées § 109 et 110, dues à l’influence de la consonne suivante. On a ainsi : a ou α, ö ou ɛ, i ou ɪ, i: ou ɪ: devant consonne palatale (§ 109, 2º), ï, λ ou ᴜ, α ou ɑ, devant consonne vélaire (§ 110, 2º).
Il en va de même pour les diphtongues, dont le premier élément d’arrière, en l’absence d’une consonne précédente, subit l’influence assimilatrice du deuxième élément d’avant, ainsi αi, à côté de ai (§ 195) et ɑi à côté de ᴀɪ (§ 196).
Développement d’un phonème additionnel : voir chapitre x.
On voit que, plus encore dans le cas de l’initiale vocalique que dans celui de l’initiale consonantique, le début de mot, loin d’être une place particulièrement résistante, est au contraire une place particulièrement sensible et sujette à fluctuations.