Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874/Stances/VII

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Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874/Stances
Œuvres complètes de Théodore Agrippa d’AubignéAlphonse Lemerre éd.3 (p. 87-88).

VII.

Liberté douce & gratieuse.
Des petis animaux le plus riche tresor,
Ha liberté, combien es tu plus precieuse
Ni que les perles ni que l’or !
Suivant par les bois à la chasse
Les escureux sautans, moy qui estois captif,
Envieux de leur bien, leur malheur je prochasse,
Et en pris un entier & vif.
J’en fis présent à ma mignonne
Qui luy tressa de soie un cordon pour prison ;
Mais les frians apas du sucre qu’on luy donne
Luy sont plus mortelz que poison.
Les mains de neige qui le lient,
Les attraians regars qui le vont decepvant
Plustot obstinement à la mort le convient
Qu’estre prisonnier & vivant.

Las ! commant ne suis je semblable
Au petit escurieu qui estant arresté
Meurt de regretz sans fin & n’a si agreable
Sa vie que sa liberté.
O douce fin de triste vie
De ce cueur qui choisist sa mort pour les malheurs,
Qui pour les surmonter sacrifie sa vie
Au regret des champs & des fleurs !
Ainsi aprés mille batailles,
Vengeans leur liberté on a veu les Romains
Planter leurs chauds poignards en leurs vives entrailles,
Se guerir pour estre inhumains.
Mais tant s’en fault que je ruine
Ma vie & ma prison qu’elle me plaist si fort,
Qu’en riant je gazouille, ainsi que fait le cigne,
Les douces chansons de ma mort.