Cours d’agriculture (Rozier)/GARANTIE

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GARANTIE, (Jurisprudence médicale des animaux.)

Code civil, Liv. III, Sect. XI, décrété le 15 ventôse an 12.

CHAPITRE IV. Des obligations du vendeur.

Dispositions générales. Art. 1602. Le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige : tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur.

Art. 1603. Il y a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.

Section II. De la garantie. Art. 1625. La garantie que le vendeur doit à l’acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose, ou les vices rédhibitoires.

De la garantie des défauts de la chose vendue. Art. 1641. Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’auroit pas acquise, ou n’en auroit donné qu’un moindre prix, s’il les avoit connus.

Art. 1642. Le vendeur n’est pas tenu des vices apparens, et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

Art. 1643. Il est tenu des vices cachés, quand même même les auroit pas connus ; à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Art. 1644. Dans le cas des art. 1642 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose, et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose, et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts.

Art. 1645. Si le vendeur connoissoit les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Art. 1646. Si le vendeur ignoroit les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.

Art. 1647. Si la chose qui avoit des vices a péri par faute de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l’acheteur à la restitution du prix, et aux autres dédommagemens expliqués dans les deux articles précédens. Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour le compte de l’acheteur.

Art. 1648. L’action résultante des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l’usage du lieu où a été faite la vente.

Art. 1649. Elle n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.

Le législateur n’a établi ici que des principes qui doivent servir de base à la garantie.

Il a pensé que les changemens à faire aux cas rédhibitoires des animaux, ne devoient point entrer dans le Code civil ; mais sans doute dans le Code du Commerce, ou bien, être l’objet de règlemens d’administration publique.

Le seul changement établi par le Code civil, est contenu dans l’art. 1644, qui porte que l’acheteur a le droit de rendre l’animal affecté de cas rédhibitoires, et d’en faire restituer le prix ou de garder ce même animal, et d’obtenir sur ce prix une réduction qui sera arbitrée par experts.

De la garantie des chevaux à Genève, aujourd’hui département du Léman, (Extrait des Édits civils., titre 21.)

Art. 1. Celui qui aura vendu un cheval morveux ou poussif, ou courbatu, sera obligé, pendant huit jours, de le reprendre, et d’en restituer le prix, s’il n’a déclaré ces vices à l’acheteur, lequel, en cas qu’il ne trouve le vendeur, pourra protester contre lui en justice, et faire visiter le cheval par experts.

Art. 2. Mais, sous prétexte d’autres vices, le vendeur ne pourra être obligé de le reprendre, s’il n’a caché ces vices par un dol évident

Art. 3. Et, s’il y a procès à l’occasion de quelque vice, et que les parties fassent difficulté de reprendre ou retenir le cheval, il sera séquestré et vendu, si le procès ne peut être sommairement liquidé, afin que sa valeur ne soit consumée en frais, à moins que l’une des parties ne voulût s’en charger au prix qu’il sera estimé par experts qui auront examiné ses qualités ou vices prétendus.

De la garantie conventionnelle. L’acheteur et le vendeur peuvent étendre, restreindre, ou même exclure la garantie d’usage, tant pour les cas que pour la durée, Mais les conditions qu’ils s’imposent dans leur convention doivent être arrêtées par écrit, à moins que le prix de la vente ne s’élevât qu’à 100 fr. La preuve par témoins n’est admise en aucune matière, quand il s’agit d’une plus forte somme.

Si le vendeur garantit l’animal sain et net, la rédhibition a lieu pour les défauts un peu considérables que l’acheteur n’auroit pas reconnus.

En stipulant un cas particulier de garantie, si l’on n’exclut pas les cas rédhibitoires d’usage, ils restent en vigueur dans la convention, suivant la coutume du lieu. Si l’on ne spécifie pas quelle sera la durée de la garantie conventionnelle, elle est aussi la même que le délai d’usage dans le lieu de la vente.

Quel que soit le mode de la vente, l’acheteur et le vendeur peuvent l’annuler de gré à gré. Après la rédhibition exercée en vertu de leur convention ou de l’usage, ils peuvent aussi contracter un nouveau marché.

L’acte de vente sans garantie n’a point d’effet, lorsque le vendeur, connoissant les défauts de son animal, les dissimule, au lieu de les déclarer : alors l’acheteur oppose à sa convention l’exception du dol.

Procédure. Mode et effets de la rédhibition. L’acheteur perd son droit à la rédhibition, s’il fait des actes qui annoncent de sa part une prise de possession définitive ; par exemple, s’il coupe les oreilles, la queue de l’animal, etc.

Il doit, avant l’expiration du délai, proposer d’abord, ou faire proposer au vendeur de reprendre l’animal ou les animaux vendus.

Si le vendeur y consent, l’acheteur doit le lui rendre pendant la durée de la garantie ; s’il refuse, il doit le faire sommer par un huissier, aussi avant l’expiration du délai.

L’acheteur ne doit pas se laisser arrêter par des promesses informes de la part du vendeur, par la considération de son amitié, etc. ; sa sûreté exige que le marché ne soit modifié que par une garantie conventionnelle en forme.

Quelques jurisconsultes veulent qu’on joigne à l’exploit le procès-verbal d’un expert qui constante le cas rédhibitoire. Cela ne nuit pas à l’action, mais l’artiste qui auroit fait un procès-verbal de la sorte, sur la réquisition de l’une des parties, seroit censé prendre les intérêts de son commettant, et non agir avec impartialité : c’est pourquoi il ne pourroit être nommé expert d’office dans cette affaire.

Cependant, s’il veut renoncer à cette nomination, il peut faire le certificat en question. Cette pièce alors est considérée comme l’avis d’un conseil qui ne peut plus être juge dans le procès.

L’acheteur peut tout simplement intenter sa demande, d’après laquelle le tribunal ordonne la visite par un expert qu’il nomme lui-même.

Cet expert doit, dans son procès-verbal, exposer avec un détail suffisant les choses qu’il observe dans l’animal, et répondre nettement à la question qui lui est faite par le tribunal. Le signalement de l’animal sera marqué dans ce rapport ; ou, si l’artiste opère en présence des parties, il fera mention qu’elles ont reconnu la bête pour être celle qui est l’objet de la contestation.

Pour obtenir la rédhibition, l’acheteur doit offrir l’animal, ou fournir des pièces authentiques pour établir qu’il a été saisi par la police, ou qu’il est péri sans sa faute. Il est tenu à la remise des profits et des restes ; tels seroient un poulain né depuis la convention, ou des harnois et ustensiles que la police n’auroit pas fait détruire.

Le vendeur doit le prix qu’il a reçu, l’intérêt de l’argent, les frais du marché, lus dommages causés par l’animal ; par exemple, le prix des animaux que la maladie rédhibitoire auroit infectés, les amendes payées, et les frais de désinfection.

Les frais de fourrière ne sont exigibles que du jour de l’action ; le travail de l’animal est censé avoir égalé sa dépense avant qu’il fut déposé en fourrière. Dans tous les cas, la partie qui succombe doit les frais de fourrière, d’expertise, et de procédure.

À Paris, le tribunal de commerce n’admet point de demande en rédhibition, si le prix de la vente est au dessous de 50 francs, à moins que le cas ne soit une maladie contagieuse ; mais les équarrisseurs ou exportateurs sont exclus de la faveur de cette exception, parce qu’on suppose que l’animal leur a été vendu pour être tué.

Plusieurs animaux étant vendus collectivement, s’il s’en trouve un qui ait un cas rédhibitoire, le marché est résolu pour tous. Il en seroit autrement, si chaque animal avoit eu un prix distinct, et que le défaut ne fut pas de nature à se communiquer par la cohabitation. Cependant, si, dans le marché collectif, les animaux affectés de cas rédhibitoires ne sont que l’accessoire, et que leur valeur soit petite comparativement avec l’objet principal, il n’y a point de rédhibition. C’est ainsi qu’un cheval poussif ne seroit pas une raison d’annuler la vente du terrain d’un haras et des chevaux qui le composent.

Origine de la garantie en France. Les premières rédactions du Droit coutumier écrit ne datent que du quinzième siècle, et il est bien peu de coutumes qui fassent mention de la garantie des animaux.

Les usages sur la garantie paroissent être du nombre de ceux qui se conservent encore dans la mémoire des hommes.

On a eu cependant une autre source de coutumes écrites : les jugemens des tribunaux sur ces matières ont fourni des décisions que la jurisprudence a recueillies. (Voyez Cas rédhibitoires.)

Mais c’est sur-tout dans la rédhibition des animaux que les décisions de ce genre ont mérité le reproche que leur fait Montesquieu, d’être souvent contradictoires, soit parce que les tribunaux ont eu des opinions différentes, ou parce qu’il est difficile qu’ils aient une opinion sur cette matière, soit parce que les affaires pareilles sont tantôt bien, tantôt mal défendues.

La Jurisprudence française, en cela, se compose donc aujourd’hui de quelques points du Droit romain usité dans nos provinces méridionales, de quelques coutumes, d’arrêts, de règlemens, et enfin, d’usages non écrits, mal établis, le tout assez peu raisonné, et sur·tout peu d’accord.

En ce qui est des usages non écrits, il y en avoit chez les Romains, même du temps de Justinien. Il les approuve et en exprime le caractère, en les appelant des coutumes journalières, admises par le consentement de ceux qu’elles régissent, et servant de supplément à la loi.

Mais si l’on compare les usages de la vie civile, répétés chaque jour, avec les cas souvent assez rares qui donnent lieu à la rédhibition des animaux, quelle différence ! Les uns sont à la portée du bon sens de tous les citoyens, et leur fréquence en fait répéter chaque jour l’approbation ; les autres, au contraire, sont rares et exigent des connoissances assez approfondies de l’économie animale. On trouve des juges avancés en âge qui ne se souviennent pas qu’on ait jamais formé de demande en rédhibition dans leur juridiction : comment pourroient-ils connoître l’usage ? Il est d’ailleurs difficile de trouver des témoins pour attester un usage non écrit, dont les applications sont très-rares ; il est sur-tout dangereux, si l’on veut innover ou lever une incertitude, de suivre l’avis d’un seul homme, et sur-tout d’un homme peu versé dans les connoissances physiologiques et pathologiques qui, en cela, doivent servir de flambeau au législateur.

Cependant, il n’y a qu’une vingtaine d’années (en 1781), un maréchal, consulté par le tribunal de Commerce de Paris, déclara que le cornage ou sifflage étoit un cas rédhibitoire pour les chevaux, et qu’il devoit l’être ; et, sur ce témoignage, le Parlement, suivant les conclusions de la partie publique, rendit un arrêt portant : que dorénavant le cornage ou sifflage seroit rédhibitoire.

À cause de cette incohérence des usages, on a proposé aux tribunaux de Commerce d’ordonner la rescision des marchés, toutes les fois qu’il y a dol évident, ou que l’animal vendu ne remplit pas le but de la vente. Mais ces dispositions seroient loin d’être assez précises. N’est-il donc pas possible de trouver un petit nombre de principes féconds pour établir a garantie des animaux, de manière que les détails en découlent, et qu’ils aient assez de liaison pour former un système ?.

Motifs de la garantie. Dans tous les marchés ordinaires, le vendeur est bien décidé à céder sa marchandise pour le prix auquel il consent ; et, après le marché, son seul soin est de vérifier s’il reçoit de bonne monnoie ; alors il a l’équivalent qu’il désire.

Dans le commerce des animaux sur-tout, la condition de l’acheteur est bien différente. Un usage plus ou moins long, un service plus ou moins avantageux, ont donné au vendeur une entière connoissance des qualités de l’animal ; l’acheteur au contraire n’a qu’un instant, et souvent peu de facilité pour faire son examen. Si c’est à l’écurie, on n’y voit pas bien clair ; on apperçoit à peine les formes les plus intéressantes ; les animaux sont pressés l’un sur l’autre. Dans les foires et dans les marchés, les fait-on trotter quelques pas ? le coup d’œil est gêné, croisé par des chevaux que d’autres marchands font trotter en même temps ; ne soupçonnant pas qu’une partie soit affectée d’un défaut même considérable, on n’y fait pas attention séparément. Si le vendeur n’a point d’inquiétude sur l’argent qu’il a reçu, il s’en faut de beaucoup que l’acheteur puisse être dans la même sécurité par rapport à l’animal qu’on lui livre.

Dans tel cheval, la maladie n’existe que par intervalles ; c’est l’épilepsie ou mal caduc, ou bien la fluxion périodique, ou même encore une claudication qui n’est bien sensible qu’après un certain temps de repos. Celui-là est attaqué d’une maladie contagieuse, et, peu de temps après qu’elle a été communiquée, le mal n’a point fait assez de progrès pour être appercevable ; tels sont, au commencement de la maladie, le charbon, le claveau, etc. Les hommes de l’art les plus connoisseurs, fortifiés par la plus longue expérience, y faisant la plus grande attention, y seroient trompés souvent, puisqu’il n’y a point alors de symptômes. Ces cas réfutent l’opinion de Bornier et de Ranchin, qui prétendent que le vétérinaire ne doit point jouir de la faculté de la rédhibition, parce qu’il est censé connoître tous les défauts des animaux.

Cette exclusion seroit plus raisonnable, quand il s’agit de défauts qui échappent au commun des marchands, faute de connoissances suffisantes, ou faute d’assez d’attention : telles sont la pousse, la courbature, la ladrerie, la sommelière, la morve développée, etc.

Il est aussi des vices très-dangereux : c’est un cheval méchant, qui mord, qui rue, qui n’est traitable que pour une seule personne ; un autre est rétif, peureux, ombrageux, quand il est frappé de quelque chose d’extraordinaire ; il recule, il bondit de côté, au point d’exposer la vie de celui qui le mène. De tous ces cas, les uns rendent l’animal impropre au service, les autres l’exposent à être saisi par la police, et sacrifié pour raison de la sûreté publique ; d’autres enfin le rendent nuisible ; et cependant tous ces défauts ne peuvent être reconnus pour tels par ceux qui font ordinairement le commerce ; mais ils sont connus le plus souvent, ou soupçonnés du moins par les vendeurs. N’est-il pas juste qu’ils soient responsables de ceux qui existoient au moment de la vente ?

Un dernier fondement de la garantie, c’est qu’il est dans l’opinion du vulgaire que certains vendeurs ont des moyens de cacher le mal, et de le faire disparoître au point qu’il n’est plus appercevable pendant un temps. De là est venue l’idée de la garantie ; elle semble plutôt une justice qu’une faveur envers l’acheteur.

Le délai lui donne le temps de connoître l’animal, et rend sa condition moins inégale, comparativement avec celle du vendeur.

La garantie existe donc, parce qu’il y a un défaut ; mais quel défaut ?

Les Lois romaines, dit Varron, engagent à garantir sains et sans défauts tous les animaux que l’on vend ; les chèvres néanmoins, ajoute-t-il, en sont exceptées, parce que la garantie n’auroit pu se faire sans fraude et sans mensonge, puisqu’elles ont toujours la fièvre. Chez les Romains, on n’étoit donc pas plus exempt que chez nous de voir les dictons de l’ignorance envahir l’opinion des gens instruits. Le cri tremblant de la chèvre n’est point une raison de juger qu’elle a toujours la fièvre.

De ce qui précède, nous concluons que la garantie doit reposer sur les bases suivantes :

1°. Le défaut doit être réel.

2°. Il faut que le défaut soit grave, c’est-à-dire qu’il réduise l’animal à une valeur beaucoup moindre ; qu’il le fasse périr, le rende inutile, ou même nuisible, parce qu’il blessera ou infectera d’autres animaux, et que celui qui l’a en sa possession sera tenu de dommages beaucoup plus grands que son prix.

3°. Pour admettre un défaut à jouir de la garantie, ce défaut doit être caché, c’est-à-dire, existant, quelque temps sans se développer, ou bien étant un mal caractérisé par des accès sans aucuns signes dans les intervalles ; ou bien enfin, dans un sens moins rigoureux, ce défaut ne pouvant être reconnu que par ceux qui ont fait une étude approfondie de l’organisation des animaux.

La justice réclame comme quatrième condition, que le défaut soit antérieur à la vente, ou bien, comme on le dit quelquefois, qu’il soit du fait du vendeur, du moins quant à sa cause.

Mais il est difficile de se procurer des écrits, des témoins, de réunir des faits qui prouvent cette préexistence. On a estimé le temps moyen que le mal est à se développer, en prenant pour base sa nature : cette détermination a dispensé de recourir à des preuves souvent impossibles.

La garantie doit être uniforme en France. Les variétés des climats de la France ne causent que de légères différences dans les maladies des animaux nourris sur son sol. Par rapport à la législation, les vices et les maladies de la même espèce peuvent être considérés comme y ayant le même caractère ; ce sont les mêmes causes, les mêmes symptômes, les mêmes suites, elles doivent donc donner lieu à la même action ; et, si l’on admet la garantie, elles doivent avoir la même durée sur tout le territoire français. Le règlement étant général, celui qui souffriroit une garantie pourroit la réclamer pareille à son tour dans une juridiction différente.

La jurisprudence davroit être constante et uniforme.

La raison et le goût, dont les préceptes ont été dirigés dans tous les siècles vers les productions du génie et des arts, ont profité du zèle des gouvernemens pour étendre leur influence dans le sanctuaire des lois. L’unité d’objet, l’unité de dessein, sont devenues aussi des principes de législation.

On voit disparoître les contradictions choquantes qui existoient dans nos ordonnances et dans nos coutumes ; ces réformes sont l’ouvrage de la froide raison, et ne pourroient aucunement être attribuées à la fureur des factions. Mais si les lumières et le zèle du législateur lui font chercher le bien hors des anciennes règles, sa sagesse, avant qu’il adopte des changemens, doit lui en faire calculer les effets. Eh ! que pourroit-il craindre ? Les usages sur la rédhibition des animaux ne sont pas de ces coutumes anciennes qui tiennent au caractère national. Il n’est pas question d’abandonner un système de lois pour en établir un autre. Nous proposons seulement de passer, de quelques usages bien équivoques et bien incohérens, à un ordre de principes raisonnés dans une petite partie de la législation qui n’intéresse point la politique, qui ne contrarie aucune affection, et ne tient pas même aux intérêts de famille. Dans un moment où l’on a posé des bases nouvelles sur les successions, sur les mariages, ce ne sont point des craintes qui pourroient empêcher d’établir des règles générales et bien combinées pour une simple branche de commerce qui est d’une importance beaucoup moindre.

La grande tentative de donner à la France des lois uniformes s’arrêteroit-elle à la garantie des animaux ? Quand une puissante révolution a donné à l’État une forme nouvelle, quand le génie qui communique l’impulsion aux législateurs a calmé les haines, rallié tous les partis à force de travaux, mais sur-tout par de bonnes lois, laisseroit-ii subsister l’imperfection dans un point qui réclame sa part des améliorations ?

Pour établir d’une manière raisonnable la garantie des animaux, nous proposons que le Code du Commerce donne les détails suivans, comme explicatifs de l’article 1643 du Code civil, ou que le gouvernement en fasse l’objet d’un règlement d’administration publique, suivant le vœu du projet du Code du Commerce ;

« Les cas rédhibitoires seroient, pour toutes, les espèces d’animaux domestiques, le charbon et les maladies pestilentielles ; pour le cheval, l’âne, le mulet, le taureau, le bœuf et la vache, la méchanceté : et pour les moutons, le claveau. L’action pour ces cas devroit être intentée par l’acquéreur, avant l’expiration du huitième jour ; si cependant le huitième jour étoit une fête, elle pourroit n’être intentée que le neuvième.

» Seroient aussi rédhibitoires, pour tous les animaux, la rage ; pour le cheval, l’âne, le mulet, le taureau, le bœuf et la vache, l’épilepsie ou mal caduc ; la fluxion périodique pour les chevaux, et le tournis pour les moutons mérinos. La garantie seroit de quarante, jours pour ces quatre cas.

» En outre, les chevaux, ânes et mulets, qui seroient morveux ou simplement jeteurs, qui seroient affectés du farcin, de la pousse, de la courbature, seroient dans la courte garantie, et pourront être l’objet de la rédhibition, si elle étoit demandée avant l’expiration des vingt-quatre heures qui suivroient la conclusion du marché.

» Il en sera de même des chevaux, ânes et mulets qui seroient affectés de claudication par intervalles, d’immobilité ; qui refuseroient le service, ou seroient rétifs, ombrageux, corneurs, siffleurs ou gros d’haleine.

» Seront pareillement dans la courte garantie (de 24 heures) le cochon, pour la ladrerie ; et la vache laitière, pour la phthisie pulmonaire nommée sommelière, quand elle sera vendue par des marchands forains, et non par des nourrisseurs de ville.

» Il n’y aura point de garantie ni de longue, ni de courte durée, toutes les fois que le prix, de la vente sera au dessous de cinquante francs, si ce n’est pour les cas de maladies contagieuses ; exception dont ne jouiront pas les exportateurs ou équarrisseurs.

» Les cas que le vendeur pourroit prouver avoir déclarés, cesseront d’être rédhibitoires.

» Il est libre à tous les acheteurs et vendeurs de faire des conventions particulières, pour rejeter tous les cas, ou quelques uns seulement, et d’en substituer d’autres, ainsi que d’autres délais.

» Dans les communes où il y a des marchés d’animaux, le maire, ou un commissaire de police, après avoir entendu le rapport d’un homme de l’art, prononceroient sans délai et sans appel pour tous les cas de la courte garantie. Il leur seroit adressé à cet effet une instruction où les cas rédhibitoires seront caractérisés.

« Les acheteurs pourroient déposer entre leurs mains le prix du marché, et ils devroient le remettre dans les mêmes espèces au vendeur, mais seulement après l’expiration de la garantie de droit ou de convention.

» À cet effet, si l’acheteur fait des poursuites en rédhibition, il sera tenu d’en donner avis au maire ou au commissaire de police du lieu du marché, avant l’expiration du délai.

» Les maires ou commissaires de police tiendroient ou feraient tenir un registre sur lequel on inscriroit les animaux dont on auroit déposé le prix, ainsi que les noms et les demeures du vendeur et de l’acheteur.

» L’acheteur pourroit intenter l’action en rédhibition, quoiqu’il n’eût pas déposé le prix, ni fait la déclaration des animaux.

» Le vendeur encourroit de plus la peine de l’amende, s’il vendoit, même dans des lieux particuliers, ou exposoit en vente dans les marchés publics, des animaux attaqués, ou seulement suspects de maladies contagieuses graves.

» Il seroit défendu de présenter aux marchés aucun animal méchant, de quelque espèce que ce soit, sous peine de cinquante francs d’amende. En outre, tout animal qui auroit blessé ou tué un autre animal, ou un homme, seroit tué sur-le-champ, sans préjudice des dommages dus à la partie qui auroit souffert, ou à ses ayant-cause.

» Dans toute affaire pour la rédhibition d’animaux, lorsque les frais égaleroient le prix de la vente, le tribunal seroit tenu d’arrêter la procédure ; et si l’enquête ne l’avoit pas éclairé assez pour donner son jugement, il ordonneroit que l’animal, ou les animaux qui sont l’objet de la question, soient vendus à l’enchère, et que les pertes et les frais fussent supportés également par les parties. »

De quelques défauts que la loi ne doit pas comprendre dans la garantie. Il est des cas que nous ne comprenons pas au nombre des défauts qui doivent jouir de la garantie, parce qu’ils sont trop rares ou trop sujets à varier, ou enfin parce qu’il faudroit un trop long délai pour les constater.

Tels seroient les claudications rhumatismales, l’incontinence d’urine ou de sperme ; dans les femelles, l’avortement habituel, le renversement habituel de la matrice ; la stérilité dans des animaux achetés pour la génération, etc.

On a vu aussi des défauts de conformation assez graves, qu’on ne peut appercevoir que par l’usage, mais qui sont si rares, et qui peuvent être si différens, que nous n’avons pas cru devoir en faire mention particulièrement.

Moyen de reconnaître les maladies qui entrent dans la garantie telle qu’elle est. Le charbon, la rage, le claveau, sont rédhibitoires comme maladies contagieuses. (Voyez ces mots.) Le farcin et la morve sont aussi réputés maladies contagieuses (Voyez Farcin.)

La morve, dans son état complet de développement, a pour caractères, 1°. un flux particulier par l’un des naseaux, ou par les deux ensemble ; 2°. un engorgement des glandes de la ganache sans la participation des tissus voisins ; 3°. des ulcères nommés chancres à la membrane du nez.

Si un cheval a quelqu’un de ces symptômes, sans les réunir tous les trois, il n’est considéré, aux yeux de la police, que comme suspect de morve ; et cependant il est dans le cas de la rédhibition, en vertu de l’arrêt du Conseil d’état, du 26 juillet 1784, article 7.

Courbature. Le vulgaire entend par cette expression une affection vague commençante, et particulièrement un embarras des organes musculaires, des organes respiratoires ou digestifs.

On a restreint l’acception de la courbature rédhibitoire à ce qu’on appelle la courbature ancienne ou chronique, qui consiste dans des indurations aux poumons, l’hydropisie sur-tout dans la poitrine.

Cette affection est le plus souvent la suite de la Péripneumonie, de l’Avortement. (Voy. ces mots.)

Le cheval étant bien reposé, s’il a moins de dix expirations, ou plus de vingt-cinq par minute, si l’animal est maigre ou bouffi, s’il a la tête lourde, s’il a la peau sèche, le poil terne, la peau adhérente aux os ; si les crins s’arrachent facilement, s’il marche avec raideur, s’il sue spontanément, ou à cause d’un exercice très-léger, la coïncidence de ces symptômes doit faire juger la courbature.

Pour les autres cas rédhibitoires, Voyez Cornage, Sifflage, Épilepsie ou Mal caduc ; Fluxion périodique, Immobilité, Ladrerie, Pommelière, Tournis, etc.

(Ch. et Fr.)