Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Jonas

La bibliothèque libre.


Jérôme Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879
Traduction par Bareille.
Louis Vivès (p. 509-546).

COMMENTAIRES SUR PROPHÈTE JONAS[modifier]

UN LIVRE.[modifier]

PROLOGUE.[modifier]

Trois ans environ se sont écoulés depuis l’époque où j’avais fini d’expliquer les cinq prophètes Michée, Nahum, Abacuc, Sophonie et Aggée, et retenu par un autre travail, je n’ai pu depuis continuer celui-là. J’ai écrit dans cet intervalle le livre des Hommes illustres, deux volumes contre Jovinien, une apologétique, un traité sur la meilleure manière de commenter (à Pammachius), deux livres à Népotianus ou sur Népotianus, et d’autres productions qu’il serait long d’énumérer. Après tant de temps, en entrant dans ces commentaires par Jonas, comme par une seconde porte, je prie ce Prophète, figure du Sauveur, lui dont le séjour de trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine fut l’image prophétique de la résurrection de Notre-Seigneur, de m’obtenir la faveur de la primitive Église, afin que je mérite la venue de l’Esprit saint vers moi. Puisque Jonas veut dire colombe, et que la colombe est l’emblème du Saint-Esprit, commentons donc la colombe prophétique au moyen de la venue de la vraie colombe vers nous. Je n’ignore pas que les anciens interprètes ecclésiastiques, tant grecs que latins, ont dit bien des choses sur ce livre, et en ont obscurci plutôt qu’éclairci le sens en soulevant tant de questions, au point que leur interprétation même a besoin d’être interprétée, et que le lecteur, quand il s’en sépare, est plongé dans une incertitude plus profonde qu’avant d’en aborder la lecture. Ce n’est pas, en parlant ainsi, que je veuille jeter quelque ombre sur la gloire de grands génies, et diminuer les autres pour me grandir ; mais je rappelle simplement que la tache du commentateur consiste à éclairer à fond, et en peu de mots, les points obscurs, et moins à faire preuve d’élégante diction qu’à mettre en évidence le sens du livre qu’il explique. Je me demande en quel autre endroit des Écritures, à l’exception de son livre même et des Évangiles, où Notre-Seigneur lui rend témoignage, il a été question du prophète Jonas. Si je ne me trompe, c’est de lui qu’il est écrit au livre des Rois : « La quinzième année d’Amasias, fils de Joas, roi de Juda, Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël, commença à Samarie son règne de quarante-et-un ans. Il fit le mal devant le Seigneur, Il ne se retira point de tous les péchés de Jéroboam, fils de Nabath, qui avait fait pécher Israël. Il l’établit les limites d’Israël, depuis l’entrée d’Emath jusqu’à la mer du désert, selon la parole que le Seigneur Dieu d’Israël avait prononcée par son serviteur Jonas, fils d’Amathi, prophète, qui était de Geth qui est en Opher. » 2Ro. 14, 23 et seqq. La tradition des Hébreux veut qu’il ait été ce fils de la veuve de Sarepta que ressuscita, le prophète Élie, à qui la mère disait ensuite : « Maintenant, j’ai reconnu que vous êtes un homme de Dieu, et que la parole de Dieu et la vérité sont dans votre bouche ; » c’est de cette cause que l’enfant aurait reçu son nom, Amathi en notre langue voulant dire vérité : la parole d’Elie ayant été vraie, celni qu’elle ressuscita est appelé fils de la vérité. Geth, au second mille de Saphorim, aujourd’hui appelée Diocésarée, sur la route de Tibériade, est un petit bourg où l’on montre le tombeau de Jonas, bien que certains prétendent qu’il naquit et fui enseveli près de Diospolis ou Lidda, ne comprenant"pas qu’Opher est dit pour distinguer Ce Geth des villes de même nom qu’on trouve aujourd’hui encore aux environs d’Eleuthéropolis ou de Diospolis. À son tour, le livre de Tobie – je le cite quoiqu’il ne soit pas dans le Canon, parce que les auteurs ecclésiastiques le revendiquent, l’apporte quelque chose de semblable, quand Tobie dit à son fils : « Mon fils, j’ai vieilli, et mon heure est proche où je dois quitter la vie ; prenez vos enfants et allez en Médie, mon fils, car je sais que la ruine de Ninive, prédite par le prophète Jonas, est proche. » Tob. 14, 5-6. Au reste, en tant que les histoires tant des Hébreux que des Grecs l’attestent, et surtout Hérodote, nous y lisons que Ninive fut détruite sous le règne de Josias chez les Hébreux et d’Astyage chez les Mèdes ; d’où nous comprenons qu’en premier lieu les Ninivites, ayant fait pénitence après la prédication de Jonas, obtinrent leur grâce ; mais que plus tard, s’étant de nouveau endurcis dans leurs crimes d’autrefois, ils attirèrent sur eux la vengeance divine. La tradition des Hébreux rapporte qu’Osée, Amos, Isaïe et Jonas prophétisèrent à la même époque. Voilà pour ce qui a trait aux fondements de l’histoire. D’autre part, ô Chromatius, père vénérable, je n’ignore pas quelle lourde tâche c’est que de rapporter à la figure du Sauveur tout ce qu’a fait ce Prophète : lorsqu’il prit la fuite, qu’il s’endormit, qu’il fut précipité dans la mer, qu’il fut recueilli dans le ventre de la baleine, qu’après avoir été rejeté sur le rivage il prêcha la pénitence, qu’il fut contristé à cause du salut d’une ville immense, qu’il trouva bon l’ombrage du lierre, qu’il fut réprimandé par Dieu pour avoir eu plus de souci d’une plante verdoyante soudainement séchée que d’une si grande multitude d’hommes, et le reste, que je m’efforcerai d’expliquer au courant du texte lui-même ; toutefois, afin d’embrasser tout le sens de la prophétie dans une courte préface, je ne saurais trouver un meilleur interprète de la figure du Sauveur que le Sauveur lui-même, qui inspira les Prophètes, et mit en relief dans ses serviteurs les lignes de la vérité future. Voici ce qu’il dit aux Juifs, incrédules à sa parole et qui ne veulent pas savoir qu’il est le Christ Fils de Dieu : « Les Ninivites s’élèveront au jour du jugement contre cette race, et la condamneront, parce qu’ils ont fait pénitence à la prédication de Jonas, et cependant il y a ici plus que Jonas. » Mat. 12, 41. La race des Juifs est condamnée, le monde embrassant la foi, et Niniviie faisant pénitence, Israël incrédule périt. Les Juifs ont les livres et nous avons le Seigneur des livres ; à eux les Prophètes, à nous l’intelligence des prophéties ; la lettre les tue, et l’esprit nous vivifie ; 2Co. 3, 1 ; seqq. chez eux, Barabbas, le larron, est mis en liberté, Jn. 18, 18, et c’est pour nous qu’est délié le Christ Fils de Dieu.

LE LIVRE COMMENCE.[modifier]

« Le Seigneur adressa sa parole à Jonas, fils d’Amathi, et lui dit : Levez-vous, allez en la grande 6 Île de Ninive, et y prêchez, parce que sa malice s’est élevée jusqu’à moi. » Jon. 1, 1. La traduction des Septante est la même, à cette différence près : « La clameur de sa malice est montée jusqu’à moi », Jonas est envoyé vers les Gentils pour la condamnation d’Israël, en ce que, Ninive faisant pénitence, les Israélites persévèrent dans leur iniquité. Ce qui est dit ici : « Sa malice s’est élevée en ma présence », ou « le cri de sa malice est monté jusqu’à moi », est la même chose que ce qui est dit dans la Genèse : « Le cri de Sodome et de Gomorrhe s’est multiplié ; » Gen. 4, 20 ; et à Caïn : « La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi. » Gen. 4, 10. Au figuré, Notre-Seigneur, Jonas, c’est-à-dire, « la colombe », ou « qui gémit » − car Jonas répond à ces deux interprétations, soit parce que le Saint-Esprit descendit en forme de colombe et s’arrêta sur lui, Luc. 3, 1, seqq. soit parce qu’il gémit sur nos blessures et pleura sur Jérusalem, et que nous avons été guéris par ses meurtrissures, Isa. 53, 1, seqq. − vrai fils de la vérité, puisque Dieu est vérité, Jn. 14, 1, seqq. est envoyé à Ninive la belle, c’est-à-dire au monde, parce que nous ne voyons rien de plus beau que le monde par les yeux de la chair ; aussi les Grecs lui ont-ils donné le nom de cosmos, ornement, et l’Écriture, après avoir l’apporté les œuvres, de la création, dit-elle de lui : « Dieu vit qu’il était bon ; » – il est envoyé vers Ninive, la grande cité, afin que le monde entier des Gentils l’entende, puisqu’Israël refuse de l’écouter. Il lui est envoyé, parce que sa malice est montée jusqu’à Dieu. C’est qu’après que Dieu avait construit comme un magnifique palais à l’homme qui devait le servir, l’homme s’est corrompu volontairement, que son cœur a été porté au mal dès sa jeunesse, Gen. 8, 1, seqq. qu’il a levé son front contre le ciel, et qu’ayant bâti la tour de l’orgueil, Gen. 11, 1, seqq. il a fallu que le Fils de Dieu descendit sur la terre, afin que l’homme, qui n’a pu monter jusqu’au ciel en s’enflant d’orgueil, s’y élève en s’abaissant dans la pénitence.

« Mais Jonas se leva avec le dessein de fuir à Tharsis de devant la face du Seigneur. » Jon. 1, 3. même traduction dan s les Septante. Le Prophète sait – le Saint-Esprit le lui suggère — que la pénitence des Gentils doit être la ruine des Juifs. C’est pourquoi, aimant sa patrie, il ne porte pas envie au salut de Ninive, mais il ne voudrait pas que son peuple périt. Au reste, il avait lu que Moïse, priant pour le peuple, avait dit : « Si vous leur pardonnez leur faute, épargnez-moi, ou, si vous ne le faites pas, effacez-moi de votre livre de vie que vous avez écrit », Exo. 33, 31-32, qu’Israël avait été sauvé à sa prière, que Moise ne fut pas effacé du livre, et que le Seigneur, au contraire, à l’occasion de son serviteur, fit miséricorde à tout le peuple. En disant « épargnez-moi », Moise atteste qu’il peut être frappé. L’Apôtre tient le même langage : « J’aurais désiré devenir victime soumise à l’anathème pour mes frères selon la chair, qui sont les Israélites. » Rom. 9, 3. Ce n’est pas qu’il désire de périr, lui dont la vie est Jésus-Christ et pour qui la mort est un gain ; Phi. 1, 1 ; seqq. mais il mérite d’autant plus la vie, qu’il a une volonté plus arrêtée de sauver les autres. En outre, Jonas, qui voit que ses devanciers ou ses contemporains en prophétie ont été envoyés aux brebis égarées de la maison d’Israël pour provoquer le peuple a la pénitence, et que le devin Balaam lui-même prophétisa sur le salut du peuple israélite, Nom. 22, 1, seqq. se plaint d’avoir été seul choisi pour être envoyé aux Assyriens, ennemis d’Israël, et à la plus grande ville de ces ennemis, où règne l’idolâtrie, où Dieu est ignoré. Enfin, motif plus grave que tout cela, il craignait que les Ninivites s’étant rangés à la pénitence à l’occasion de sa prédication, Israël ne fût entièrement abandonné. Le même Esprit qui lui confiait la mission de héraut chez les Gentils, lui faisait connaître que, lorsque les Gentils auraient embrassé la foi, la maison d’Israël périrait, et il tremblait que cet événement n’eut lieu en son temps même. De là vient qu’à l’exemple de Caïn, Gen. 4, 1, seqq. s’éloignant de la face du Seigneur, Jonas voulut fuir à Tharsis, dans laquelle Josèphe voit la ville de Tarse, en Cilicie, en changeant toutefois la première lettre, et qui est le nom d’un lieu de l’Inde, autant qu’on peut l’entendre d’après les Paralipomènes. Les Hébreux pensent que Tharsis veut dire la mer en général, d’après ce texte : « Vous briserez sous un vent impétueux les vaisseaux de Tharsis », Psa. 47, 8, c’est-à-dire de la mer ; et dans Isaïe : « Poussez les hauts cris, navires de Tharsis. » Isa. 20, 14. Sur ce point, il y a déjà plusieurs années, dans une lettre a Marcella, il me souvient d’avoir dit : Le Prophète n’avait donc pas le désir de fuir vers un lieu déterminé ; il prend la voie de la mer, pour aller où que ce soit en toute hâte ; dans la timidité du fugitif, il y a moins de place pour le choix oiseux d’une destination que pour la précipitation a saisir la première occasion de se mettre en mer. Nous pouvons ajouter qu’il croyait que Dieu était connu seulement en Judée, Psa. 75, 1, seqq. et que son nom n’était grand qu’en Israël ; mais après qu’il a éprouvé son action dans les flots, il le confesse et s’écrie : « Je suis Hébreu, et je crains Je Seigneur du ciel, qui a fait la mer et la terre. » Puisqu’il a fait la mer et la terre ferme, pourquoi pensez-vous, en quittant la terre, pouvoir échapper sur mer aux regards du créateur de la mer ? En même temps, il est instruit par la conversion des nautonniers, que la multitude des Ninivites, pour grande qu’elle soit, peut être sauvée par une semblable confession, Touchant Notre-Seigneur et Sauveur, nous pouvons dire qu’il quitta sa demeure et sa patrie, et que, se revêtant de la chair, il s’enfuit en quelque sorte du ciel et vint à Tharsis, c’est-à-dire sur la mer de ce monde, selon ce qui est dit ailleurs : « Dans cette mer si grande et d’une si vaste étendue, se trouve un nombre infini de poissons, de grands et de petits animaux. C’est là que les navires passeront, et que se promènera ce dragon que vous avez formé pour s’y jouer. » Psa. 103, 25 et seqq. C’est pourquoi, dans la Passion, il disait : « Mon Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi », Luc. 22, 42, de peur que, Je peuple criant à envi : « Crucifiez, crucifiez-le ! » Jn. 19, 6 ;… « nous n’avons autre roi que César », Ibid. 48, la plénitude des Gentils n’entrât et ne fussent brisés les rameaux de l’olivier franc, à la place desquels croîtraient les rejetons entés de l’olivier sauvage. Rom. 11, 1. seqq. Son amour pour ce peuple était si grand et si généreux, à cause de l’élection des ancêtres et des promesses faites Abraham, qu’attaché à la croix il disait : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ; » Luc. 22, 34 ; ou assurément, puisque Tharsis signifie « contemplation de la joie », le Prophète, en venant à Joppé, dont le nom veut dire « belle », se hâte d’aller à la joie pour jouir de la béatitude du repos, pour se livrer tout entier à la théorie, pensant qu’il vaut mieux jouir pleinement de la beauté et de la variété de la science, que de voir, à l’occasion du salut des autres nations, périr le peuple parmi lequel le Christ doit être engendré selon la chair.

« Il descendit à Joppé et trouva un vaisseau qui allait à Tharsis ; il paya son passage et il y entra avec les autres, pour aller à Tharsis et fuir de devant la face du Seigneur. » Jon. 1, 3. Les Septante : « Il monta a Joppé, et trouva un navire allant à Tharsis ; il paya son passage, et il y monta, pour naviguer avec les autres jusqu’à Tharsis et fuir de devant la face du Seigneur. » Joppé est un port de la Judée, le livre des Rois et des Paralipomènes attestent ; 2Sa. 5, 1 ; seqq. 1Ch. 2, 1 ; seqq. c’est là qu’Hiram, roi de Tyr, envoyait par ses vaisseaux les bois du Liban qui devaient être transportés par terre à Jérusalem ; c’est la encore le lieu où l’on montre de nos jours, sur le rivage, les rochers où fut jadis liée Andromède, qui dut sa délivrance au secours de Persée. Les lecteurs érudits connaissent cette histoire. C’est à bon droit que le texte dit : « Le Prophète descendit », d’après la configuration de la contrée, puisque d’un pays accidenté et montagneux il venait dans les plaines de Joppé. Il y trouva un navire dont les marins détachaient le câble qui le retenait au rivage et qui allait entrer en mer ; il paya le prix de la traversée qu’allait faire le navire, ou, d’après les Septante, le prix de son passage, et il y descendit, continue l’hébreu, – car tel est le sens de Iered, – s’inquiétant en fugitif d’y trouver une cachette, ou bien « il y monta », dit la Vulgate, pour se rendre au lieu, quel qu’il fût, où allait le navire, pensant avoir échappé, pourvu qu’il quittât la Judée. Notre-Seigneur lui aussi, sur le littoral extrême de la Judée — qui était appelé très-beau, parce qu’il était en Judée, – ne veut pas enlever le pain aux enfants et le donner aux chiens ; Mat. 15, 1 ; seqq. et parce qu’il était venu vers les brebis égarées de la maison d’Israël, il donne aux nautonniers le prix du passage, en sorte que, voulant guérir d’abord son peuple, il sauve les habitants de la mer, et, au milieu des orages et des tempêtes, c’est-à-dire de sa passion et des ignominies de la croix, submergé dans l’enfer, il sauve ceux que, comme endormi dans le vaisseau, il négligeait. Mat. 8, 1. seqq. Je prie Je lecteur prudent de ne pas s’attacher au même ordre dans le sens figuré que dans histoire. C’est ainsi que l’Apôtre voit dans Agar et Sara la figure des deux Testaments, et pourtant nous ne pouvons interpréter en ce sens figuré tout ce que l’histoire raconte d’elles. Discutant au sujet d’Adam et d’Eve, il écrit aussi aux Éphésiens : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à son épouse, et ils seront deux en une même chair. Ce sacrement est grand ; il est grand, dis-je, en Jésus-Christ et en Église. » Eph. 5, 31-32, Pouvons-nous appliquer à Jésus-Christ et a l’Église tout le commencement de la Genèse, la création du monde et de l’homme, parce que l’Apôtre a invoqué ce témoignage en ce sens ? Ces paroles : « C’est pourquoi homme quittera son père », admettez qu’on les rapporte à Jésus-Christ, et qu’on dise qu’il quitta dans le ciel le Père-Dieu, afin que le peuple des Gentils fut joint à l’Église ; ce qui suit, « et sa mère », comment pourrons-nous l’interpréter, à moins de dire peut-être qu’il quitta la céleste Jérusalem, qui est la mère des saints ? et bien d’autres points plus difficiles encore. Ce passage encore qui est écrit dans le même Apôtre : « Ils buvaient de l’eau de la pierre spirituelle qui les suivait, et Jésus-Christ était cette pierre », 1Co. 10, 4, ne nous impose pas l’étroite obligation d’appliquer a Jésus-Christ tout le livre de l’Exode. Que pouvons-nous dire, en effet ? que colle pierre fut frappée par Moise, non pas une fois, mais deux, que les eaux en jaillirent et que les torrents furent remplis, Ferons-nous violence en cette occasion A tout ce que dit l’histoire en cet endroit, pour le plier au joug de la même allégorie ? et chaque endroit ne doit-il pas plutôt, selon la diversité de l’histoire, recevoir un sens spirituel différent ? De même donc que ces témoignages ont leurs interprétations, et que ni ceux qui les suivent ni ceux qui les précèdent ne demandent la même explication allégorique, de même la prophétie de Jonas ne saurait, sans grand péril pour l’interprète, être appliquée tout entière à la figure du Seigneur, se baserait-on sur ce qui est dit dans l’Évangile : « Cette race méchante et adultère demande un prodige, et, on ne lui en donnera point d’autre que celui du prophète Jonas : comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. » Mat. 12, 39-40.

« Mais le Seigneur envoya sur la mer un vent furieux, et une grande tempête s’étant élevée, le vaisseau était en danger d’être brisé. » Jon. 1, 4. Les Septante : « Le Seigneur suscita un grand vent sur la mer, et une grande tempête s’étant élevée, le vaisseau était en danger d’être brisé. » La fuite du Prophète peut aussi s’appliquer à l’homme en général, qui, méprisant les préceptes de Dieu, s’est éloigné de sa face, et s’est livré au monde, où plus tard la tempête du mal et le naufrage du monde entier sévissant contre lui, il a été obligé de reconnaître le doigt de Dieu et de revenir à celui qu’il avait fui. D’où nous comprenons que les choses que les hommes pensent leur être un moyen de salut, si la volonté divine n’y souscrit, se tournent en instruments de leur perte, et que, outre que leur secours est vain pour ceux à qui il est offert, ceux-là même qui l’offrent sont brisés pareillement. C’est ainsi que l’Égypte fut vaincue par les Assyriens, parce qu’elle était venue en aide il Israël contre la volonté du Seigneur. Le vaisseau qui a reçu celui qui était en danger est en danger lui-même ; le vent soulève les flots, la tempête naît au milieu du calme, et à cause de l’opposition de Dieu, rien n’est en sécurité.

« La peur saisit les mariniers, chacun invoque son dieu à grands cris, et ils jetèrent dans la mer toute la charge du vaisseau pour le soulager. » Jon. 1, 5. Les Septante : « La peur saisit ceux qui étaient sur le vaisseau, chacun cria vers son dieu, et ils jetèrent toute la charge du navire à la mer pour l’alléger. » Ils croient que le vaisseau s’enfonce sous sa charge ordinaire, et ils ne comprennent pas que tout le poids provient de ce qu’il porte le Prophète fugitif. Les mariniers craignent, chacun crie vers son dieu ; ils ignorent la vérité, ils n'ignorent pas la providence, et, dans l’erreur de leur superstition, ils savent qu’il y a quelque chose qu’il faut vénérer. Ils jettent la charge dans la mer, afin que le vaisseau plus léger franchisse les flots soulevés. Israël, au contraire, ni par les bienfaits ni par les maux ne comprend Dieu ; quand Jésus-Christ pleure sur lui, il a les yeux secs.

« Cependant, Jonas étant descendu au fond du navire, dormait d’un profond sommeil » Jon. 1, 5. Les Septante : « Or, Jonas descendit dans les flancs du navire, et il dormait du plus lourd sommeil. » Au sens historique, on nous montre l’esprit plein de sécurité du Prophète : il n’est troublé ni par la tempête, ni par les dangers, ayant la même égalité d’lime et pendant le calme et lorsque le naufrage est imminent. Lorsque les autres crient vers leurs dieux, jettent leurs marchandises, et que chacun fait tout ce dont il est capable, il est si en repos, en sécurité, en tranquillité d’âme, que, descendant dans le fond du vaisseau, il jouit d’un sommeil profond. Voici encore ce que l’on peut dire : Il avait conscience de sa fuite, du péché d’avoir négligé les préceptes du Seigneur, et quand les autres l’ignorent, il sait que la tempête sévit contre lui ; c’est pour cela qu’il descend dans l’intérieur du navire, et, dans sa tristesse, il se cache, pour ne point voir les flots s’enfler contre lui comme des vengeurs divins. S’il dort, c’est l’effet, non de la sécurité, mais du chagrin. L’Évangile l’apporte qu’au moment de la Passion du Seigneur, les Apôtres furent plongés dans un lourd sommeil, à cause de l’excès de leur tristesse. Mat. 26, 1. seqq. Si nous interprétons au figuré, le sommeil du Prophète, sa léthargie profonde est l’image de l’engourdissement dans l’erreur de l’homme, à qui il ne suffit pas d’avoir voulu fuir de devant la face de Dieu, et dont l’âme, écrasée par une sorte de folie, ignore la colère divine et ressemble à un donneur plein de sécurité dont la respiration égale trahit bruyamment le sommeil profond.

« Le pilote s’approcha de lui et lui dit : Comment pouvez-vous ainsi dormir ? Levez-vous, invoquez votre Dieu, et peut-être que Dieu se souviendra de nous, et ne permettra pas que nous périssions. » Jon. 1, 6. Les Septante : « Le timonier s’approcha de lui et lui dit : Comment pouvez-vous être ainsi couché ? Levez-vous, invoquez votre Dieu, et peut-être que Dieu nous sauvant do quelque manière, nous ne périrons pas. » Il est naturel que chacun, dans son propre danger, espère plus d’autrui que de lui-même ; aussi le pilote ou le timonier, qui avait à consoler les matelots timides, voyant la grandeur du péril, gourmande le dormeur, lui reproche son imprévoyante sécurité, et l’exhorte à prier Dieu lui-même pour sa part, en sorte que le danger étant commun, il y eut une commune prière. Au figuré, il y a un grand nombre d’âmes qui, naviguant avec Jonas et ayant leurs dieux particuliers, vont avec empressement vers la contemplation de la joie. Mais après que Jonas aura été la proie du sort, et que, par sa mort, aura été apaisée la tempête du monde et la tranquillité rendue il la mer, le vrai Dieu sera seul adoré et on lui immolera les victimes spirituelles qu’on n’avait pas certainement au milieu des flots de la mer du monde.

« Ils se dirent ensuite l’un à l’autre : Allons, jetons le sort pour savoir d’où ce malheur a pu nous venir ; et ayant jeté le sort, il tomba sur Jonas. » Jon. 1, 7. Les Septante : « Ils se dirent ensuite l’un à l’autre : Allons, jetons le sort pour connaître d’où cette calamité a pu fondre sur nous ; et ayant jeté le sort, il tomba sur Jonas ; » La nature de la m er leur est connue ; ils naviguent depuis longtemps et ils savent la mesure des vents et des tempêtes ; assurément, s’ils avaient vu seulement les flots comme de coutume et comme ils les avaient surmontés tant de fois, ils ne rechercheraient pas qui p eut être la cause du naufrage, et ne tenteraient pas, au moyen d’une chose incertaine, d’éviter un péril certain. On ne doit pas se hâter, sur cet exemple, d’ajouter foi aux sorts, ou de joindre ce témoignage avec celui des Actes des Apôtres, où il est· rapporté que Matthias fut désigné par le sort pour l’apostolat, Act. 1, 1, seqq. alors que les privilèges de quelques-uns ne peuvent devenir la loi commune. De même que l’ânesse parle pour la condamnation de Balaam, Nom. 22; 1 ss, que Pharaon, Gen. 41, 1, seqq. et Nabuchodonosor, Dan. 2, 1, seqq. pour leur condamnation aussi, connaissent l’avenir par des songes, et toutefois ne comprennent pas le Dieu qui le leur révèle, et que Caïphe prophétise sans entendre le sens de sa prédiction, qu’il faut qu’il y en ait un qui périsse pour tous, Jn. 11 et 18, de même le sort tombe sur notre fugitif, non parla force des sorts et surtout de sorts des idolâtres, mais par la volonté de celui qui dirigeait ces sorts incertains. Ce qui suit : « Connaissons à cause de qui ce mal est suspendu sur nos têtes », ici nous devons entendre mal sans le sens d’affliction et de calamité, selon celte parole : « À chaque jour suffit son mal ; » Mat. 6, 34 ; et dans le prophète Amos : «. Il n’arrivera aucun mal dans la ville que Dieu ne l’ait fait ; » Amo. 3, 6 ; et dans Isaïe : « C’est moi, le Seigneur, qui fais la paix et qui crée les maux. » Isa. 45, 7. Ailleurs, mal s’entend con11ue le contraire de vertu, selon ce que nous avons déjà lu dans ce même Prophète : « Le cri du mal qu’elle a fait est monté jusqu’à moi. »

« Ils lui dirent donc : Indiquez-nous quelle est la cause de ce péril où nous sommes. À quoi vous occupez-vous ? quelle est votre patrie ? où allez-vous ? quel est votre peuple ? » Jon. 1, 8. Les Septante : « Ils lui dirent donc : Apprenez-nous à cause de qui ce mal est suspendu sur nous. À quoi vous occupez-vous ? d’où venez-vous ? où allez-vous ? de quelle contrée êtes-vous et de quel peuple ? » Celui que le sort a désigné, ils l’obligent à proclamer lui-même quelle est la cause de cette terrible tempête, ou pour qui la colère divine sévit contre eux : « Indiquez-nous qui est la cause que ce mal est près de fondre sur nous. » Quelle est votre profession ? de quel pays et de chez quel peuple êtes-vous parti ? où allez-vous ? Il faut remarquer cette rapidité du discours, que nous admirons dans Virgile : « Jeunes gens, quel motif vous a poussés à entreprendre un voyage inconnu ? Où allez-vous ? dit-il. Votre race votre patrie ? En apportez-vous la paix ou la guerre ? Eneid. 5, 1. seqq. L’interrogatoire porte sur sa personne, son pays, le but de son voyage, sa ville natale, afin que de là sorte aussi la cause de leur calamité.

« Il leur répondit : Je suis Hébreu, et je crains le Seigneur Dieu du ciel qui a fait la mer et les continents. » Jon. 1, 9. Les Septante : « Il leur répondit : Je sais le Seigneur, et j’adore le Dieu du ciel, qui a fait la mer et les continents. » Il ne dit pas : Je suis Juif, le schisme des dix tribus ayant fait donner, ce nom au peuple à cause des deux autres ; il dit : Je suis Hébreu, c’est-à-dire passant, comme Abraham, — qui pouvait à bon droit s’exprimer ainsi : « Je suis étranger et voyageur comme tous mes, pères ; » Psa. 38, 12 ; et dans le psaume : « Ils sont passés d’une nation à l’autre, et d’un royaume à un autre peuple ; » et Moïse : « Je passerai et je verrai cette grande vision. » Exo. 3, 3. Je crains le Seigneur Dieu du ciel ; non les dieux que vous invoquez et qui ne peuvent sauver, mais le Dieu du ciel, qui a fait la mer et les continents ; la mer sur laquelle je fuis, et le continent que je fuis. Le texte oppose élégamment au nom de mer celui de continent, et non celui de terre ; et un trait suffit à nous montrer le Créateur de toutes choses dans celui qui est le Seigneur du ciel et de la terre et de la mer. On se demande comment il peut dire avec vérité : « Je crains le Seigneur Dieu du ciel », quand il ne fait pas ce qu’il ordonne. On peut répondre, puisque les pécheurs eux-mêmes craignent Dieu, le propre des serviteurs est, non d’aimer, mais de craindre. Ici toutefois crainte peut s’entendre pour culte, selon le sens de ceux qui entendaient Dieu, qu’ils ignoraient encore.

« Alors ils furent saisis d’une grande crainte, et ils lui dirent : Pourquoi avez-vous fait cela ? car ils avaient su de lui-même qu’il fuyait de devant la face du Seigneur. » Jon. 1, 10. Les Septante : « Les mariniers furent saisis d’une grande crainte, et ils lui dirent : « pourquoi avez-vous fait cela ? car ils avaient su qu’il fuyait de devant la face du Seigneur, parce qu’il le leur avait indiqué lui-même. » L’ordre chronologique est interverti. Comme on pourrait objecter qu’ils n’avaient aucun sujet de crainte de cet aveu qu’il leur avait fait : « Je suis hébreu, et je crains le Seigneur Dieu du ciel, qui a fait la mer et les continents », le texte ajoute aussitôt qu’ils furent saisis de crainte, parce qu’il leur avait indiqué qu’il fuyait la présence du Seigneur et qu’il n’obéissait pas à son ordre. De là leur accusation : « pourquoi avez-vous fait cela ? » si vous craignez Dieu, pourquoi fuyez-vous ? quand vous proclamez que celui que vous adorez est tout-puissant, comment croyez-vous pouvoir lui échapper ? Ils sont saisis d’une grande crainte, parce qu’ils comprennent qu’il est un saint et un homme d’une nation sainte – à Joppé, où ils avaient levé l’ancre, ils avaient connu le privilège du peuple hébreu, – et néanmoins ils ne peuvent receler le fugitif. Ils le reprennent pour sa faute, ils confessent leur crainte ; ils le prient, puisqu’il a commis le péché, d’y porter lui-même remède ; ou assurément, en cette parole : « Pourquoi avez-vous fait cela ? » ils ne récriminent point ; ils interrogent pour savoir pourquoi il a fui, serviteur son Seigneur, fils son père, homme son Dieu. Quel est ce mystère, et pourquoi fuir la terre, chercher un refuge sur les mers, abandonner la patrie et se rendre dans des lieux étrangers.

« Ils lui dirent donc : Que vous forons-nous pour nous mettre à couvert de la violence de la mer ? Car les vagues s’élevaient et grossissaient de plus en plus. » Jon. 1, 11. Les Septante : « Ils lui dirent donc : Que vous ferons-nous, afin que la mer s’apaise pour nous ? car les vagues s’élevaient, et les flots grossissaient de plus en plus », C’est à cause de vous, vous avouez, que les vents, les flots, la mer, les abîmes sont bouleversés ? Vous avez déclaré la cause du mal, indiquez donc le remède, En ce que la mer s’élève contre nous, nous comprenons que nous portons pour vous le poids de la colère divine Puisque nous le portons a cause de votre péché, que pouvons-nous faire pour que Dieu ne soit plus irrité ? « Que vous ferons-nous ? » vous mettrons-nous à mort ? mais vous êtes un serviteur du Seigneur ; vous épargnerons-nous ? mais vous fuyez Dieu. Notre devoir est de prêter nos bras à l’exécution ; le vôtre, de commander ce qu’il faut faire, afin que s’apaise la mer, qui par son courroux atteste maintenant le courroux du Créateur. Et l’historien donne aussitôt la raison de cette question : « La mer allait et grossissait toujours », Élie allait sur ordre qu’elle en avait reçu, elle allait pour venger son Seigneur, elle allait pour poursuivre le Prophète fugitif. Elle grossissait de moment en moment, et aux yeux des matelots comme en suspens, elle s’élevait en vagues plus grandes, pour montrer qu’elle ne pouvait différer plus longtemps la vengeance du Créateur.

« Il leur répondit : Prenez-moi et me jetez à la mer, et elle cessera d’être violente contre vous ; car je sais que c’est à cause de moi que celte grande temple est venue fondre sur vous. » Jon. 1, 12. Les Septante : « Prenez-moi et me jetez A la mer, et elle s’apaisera pour vous ; car je sais que c’est à cause de moi que les flots ont grossi contre vous. » C’est contre moi que mugit la tempête, elle me cherche, et c’est pour me saisir que Je naufrage vous menace : il me prendra pour que vous vivier par ma mort. « Je sais que c’est à cause de moi que s’est élevée cette violente tempête. » Je n’ignore pas que c’est pour mon châtiment que les éléments sont bouleversés, que le monde est dans la confusion, que la colère me poursuit, que le naufrage sévit contre vous : ces flots mêmes vous commandent de me jeter à la mer. Si je porte le poids de la tempête, vous recouvrerez la tranquillité, Admirable magnanimité de notre fugitif ! il ne tergiverse pas, il ne dissimule rien, il ne nie pas ; il a fait l’aveu de sa faite, il en accepte volontiers la peine : il aspire à périr, de peur que d’autres ne périssent à cause de toi, et qu’au péché de sa fuite ne s’ajoute encore la responsabilité de la mort d’autrui, Voila pour l’histoire, D’autre part, on n’ignore pas que les vents courroucés, auxquels l’Évangile nous dit que Notre-Seigneur commanda de s’apaiser, Mat. 6, 1, seqq. et la barque en péril, dans laquelle Jésus dormait, et la mer grossissante, qu’il gourmandait ainsi : « Tais-toi, rentre dans le silence », doivent être rapportés au Sauveur réveillant l’Église en danger do périr, ou les Apôtres qui, en l’abandonnant dans sa Passion, le précipitaient en quelque sorte dans les flots. Ce Jonas nous dit : « Je sais, que c’est à cause de moi que cette tempête terrible est venue fondre sur vous », parce que les vents me voient aller avec vous en Tharsis, C’est-à-dire naviguer vers la contemplation de la joie, pour vous conduire avec moi a cette joie, et, afin que là où nous sommes, mon Père et moi, vous soyez vous aussi. Jn. 14, 3. Voila pourquoi les vents sont en fureur, pourquoi frémit le monde, qui est sous l’empire du malin esprit ; 1Jn. 5, 19 ; c’est pour cela quo les éléments sont troublés, que la mort veut me dévorer, pour vous faire périr en même temps, et elle ne comprend point, semblable qu’elle est au poisson qui mord a l’hameçon, qu’elle mourra par ma mort, « Prenez-moi et me jeter à la mer. » Il ne nous appartient pas de recourir à la mort, mais nous devons la recevoir volontiers d’une autre main que la nôtre. De là vient que, dans les persécutions, il n’est pas permis de se donner la mort, hors le cas où la chasteté est en péril, mais on doit tendre le cou au fer de celui qui frappe. Apaisez ainsi les vents, nous dit-il, versez mon sang en libations dans la mer : moi mourant, la tempête qui sévit contre vous a cause de moi, s’apaisera,

« Cependant les mariniers ramaient pour retourner vers le sol ferme, et ils ne pouvaient point, parce que la mer continuait A se soulever contre eux. » Jon. 1, 13. Les Septante : « Les mariniers s’efforçaient de regagner la terre, et ils ne pouvaient point, parce que la mer continuait à s’insurger contre eux. » Le Prophète avait prononcé la sentence contre lui-même ; mais eux, apprenant qu’il était un adorateur de Dieu, n’osaient pas porter les mains sur lui, et c’est pour cela qu’ils s’efforçaient de regagner la terre ferme et d’éviter cette dure extrémité de verser son sang ; aimant mieux périr eux-mêmes que le perdre. Combien tout est changé ! là le peuple qui servait Dieu, crie : « Crucifiez, crucifiez un tel homme ! » Jn. 19, 6 ; ici, il est ordonné à ceux-ci de le mettre à mort, la mer est en fureur, la tempête le leur commande, et, négligeant leur propre péril, ils s’inquiètent seulement du salut d’autrui. De là l’expression des Septante, παρεβιάξοντο, « ils désiraient faire violence Il à la nature et la vaincre, pour ne point porter leur main profane sur le Prophète, Si ces mariniers ramaient en arrière pour regagner la·terre ferme, c’est qu’ils pensaient que, hors du sacrement de celui qui devait souffrir, le navire pouvait être délivré du danger, tandis, que la perte de Jonas devait être le relèvement du navire.

« Ainsi, ils crièrent au Seigneur et lui dirent : Nous vous prions, Seigneur, afin que la mort de cet homme ne cause pas notre perte, et ne faites pas retomber sur nous le sang innocent, parce que c’est vous-même, Seigneur, qui faites en ceci ce que vous voulez. » Jon. 1, 14. Les Septante : « Alors, ils crièrent au Seigneur, et lui dirent : Empêchez, Seigneur, que la mort de cet homme cause notre perte, et ne faites pas retomber sur nous le sang du juste, car c’est vous, Seigneur, qui faites en ceci ce que vous voulez. » Admirable foi des mariniers ! ils sont eux-mêmes en danger de périr, et ils prient pour le salut d’un autre. Ils savent que la mort du péché est pire que la perte de la vie. « Ne faites pas retomber sur nous le sang innocent. » Ils attestent le Seigneur, afin que, quoi qu'ils doivent faire, cela ne leur soit pas imputé, et ils disent, en quelque sorte : Nous ne voulons pas mettre à mort votre Prophète, mais il a lui-même proclamé votre colère, et la tempête l’atteste, parce que, Seigneur, vous avez fait en ceci comme vous avez voulu ; votre volonté s’accomplit par nos mains. La parole des matelots ne nous semble+elle pas être la confession de Pilate, qui se lava les mains en disant : « Je suis pur du sang de cet homme. » Mat. 27, 24. Les Gentils ne veulent pas que Jésus-Christ périsse, ils protestent contre la responsabilité d’avoir versé le sang innocent, et les Juifs disent, au contraire : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ; » Ibid. 25 ; aussi ne seront-ils pas exaucés s’ils lèvent leurs mains au ciel, parce qu’elles sont pleines de sang, « Parce que c’est vous-même, Seigneur, qui avez fait en ceci comme vous avez voulu ; » ce qui nous arrive, la tempête qui mugit, les vents qui sévissent, la mer qui grossit ses flots, le sort trahissant re fugitif, ce fugitif indiquant ce qui doit être fait, tout cela, Seigneur, est effet de votre volonté ; vous avez tout fait en ceci comme vous avez voulu. De là le langage du Sauveur dans le psaume : « Ma volonté, Seigneur, a été de faire votre volonté. » Psa. 39, 9.

« Puis ayant pris Jonas, ils le jetèrent dans la mer, et sa fureur s’arrêta aussitôt. » Jon. 1, 15. Les Septante : « Puis, ayant pris Jonas, ils le jetèrent dans la mer, et son soulèvement s’arrêta aussitôt. » Le texte ne, dit pas : Ils saisirent, ni ils se précipitèrent pour saisir, il dit : Ils prirent, comme quand on porte avec déférence et honneur ; il ne leur résistait pas, il leur tendait les mains et se mettait à leur merci quand ils le jetèrent à la mer, et la mer s’arrêta, parce qu’elle avait trouvé celui qu’elle cherchait. Lorsqu’un homme qui poursuivait un : fugitif, et précipitait le pas à sa suite, l’a atteint, il cesse de courir, il s’arrête et tient fortement celui qu’il a saisi ; de même la mer, irritée tant qu’elle n’avait pas Jonas, dès qu’elle a englouti en son sein l’objet de ses désirs, est pleine de joie, elle l’entoure de caresses, et cette joie ramène la tranquillité. Il suffit de considérer, d’une part, avant la. Passion, de Jésus-Christ, les erreurs du monde, les vents opposés des diverses doctrines, le navire et tout le genre humain, c’est-à-dire la créature du Seigneur près de périr, et d’autre part, après la Passion, la tranquillité de la foi, la paix de l’univers la sécurité de tous, la conversion à Dieu, pour voir comment la fureur de la mer s’est apaisée dès que Jonas y a été précipité.

« Alors ces hommes conçurent polir le Seigneur une crainte pleine de respect ; ils immolèrent des hosties ; au Seigneur, et firent des vœux. » Jon. 1, 16, même traduction dans les Septante. Avant la Passion du Seigneur, dans leur crainte, ils crièrent vers leurs dieux ; après sa Passion, c’est le Seigneur lui-même qu’ils craignent, c’est-à-dire qu’ils vénèrent et adorent, et ils conçoivent, non pas seulement de là crainte, comme le disait plus haut le texte, mais une grande crainte, selon cette parole : « De toute votre âme, de tout votre cœur et de toute votre pensée. » Mat. 13, 37. Ils immolèrent des hosties, », non qu’ils eussent la possibilité, en pleine mer, d’offrir des victimes matérielles ; mais en ce sens qu’un esprit contrit est le sacrifice qui plaît a Dieu ; Psa. 50, 1 ; seqq. de même qu’il est écrit ailleurs : « Immolez à Dieu un sacrifice de louanges, et rendez vos vœux au Très-Haut. » Psa. 49, 14… « Nous Vous rendrons, Seigneur les génisses de nos lèvres. » C’est ainsi qu’ils immolent en mer des hosties, et : qu’ils en promettent d’autres par le vœu de ne s’éloigner jamais du Dieu qu’ils ont commencé d’adorer. Ils conçurent une grande crainte, parce que la mer tranquille et la tempête en fuite leur montrait la vérité des paroles du Prophète. Jonas fugitif sur mer, naufragé, mort, sauve le navire ballotté par les flots ; il sauve des idolâtres ballottés ; jusque-là entre les erreurs et les sophismes divers du monde, et Osée, Amos, Isaïe, Joël, qui prophétisaient à la même époque, ne peuvent amender le peuple en Judée. Ce qui montre bien que la tempête ne peut être apaisée que par la mort du fugitif.

« Le Seigneur tînt prêt un grand poisson pour engloutir Jonas. » Jon. 2, 1. Les Septante : « Le Seigneur commanda alors à une grande baleine et elle dévora Jonas. » Le Seigneur ordonne à la mort et à l’enfer de recevoir le Prophète. La mort, dont la gueule avide croit avoir affaire à une proie, le rejettera avec autant de regret qu’elle met de joie à l’engloutir. Alors s’accomplit cette parole d’Osée : « Ô mort, je serai ta mort ; je serai ta morsure, ô enfer. » Ose. 13, 14. Le texte hébreu porte « un grand poisson », ce que les Septante et Notre-Seigneur, dans l’Évangile, expliquent, en allant au plus court, par le mot « baleine. » Sans doute, Dag Gadol veut dire « grand poisson », mais c’est la désignation évidente d’une baleine. Il est à remarquer que, le Prophète trouve une sauvegarde là où l’on pensait qu’il dut trouver sa perte. Quant à ce qui est dit : « Le Seigneur tint prêt », ou c’est qu’il le fit dès le commencement, en créant le monstre dont il est écrit dans le psaume : « Ce dragon que vous avez formé pour s’y jouer ;» ou bien, il fit venir la baleine auprès du navire, afin qu’elle reçut en elle Jonas, précipité dans la mer, et qu’elle lui fournît un refuge contre la mort, en sorte qu’ayant, sur le navire, eu conscience de la colère de Dieu, il comprît sa bonté dans la mort.

« Et Jonas demeura trois jours et trois nuits dans le ventre de ce poisson. » Jon. 2, 2. Les Septante : « Et Jonas demeura trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine. » Notre-Seigneur, dans l’Évangile, explique le mystère de ce passage, Mat. 12, 1, seqq. et il serait superflu, ou de répéter son explication, ou de dire autre chose que ce qu’a déclaré celui-là même qui l’a souffert. Nous nous demandons seulement comment il demeura trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Certains divisent en deux jours et, deux nuits le parascevé, quand le soleil disparaissant depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, la nuit succède au jour, et, ajoutant le sabbat, estiment qu’il faut compter trois nuits et trois jours ; pour nous, par synecdoche, nous entendons le tout de la partie, en sorte que, depuis le moment où il est mort dans le parascevé, nous comptons un jour et une nuit, puis un autre pour le sabbat, et quant à la troisième nuit, qui est sous la dépendance du jour du Seigneur, nous la rapportons au commencement du jour qui suit, parce que, dans la Genèse, la nuit n’appartient pas au jour qui précède, Gen. 50, 1, seqq. mais au suivant, c’est-à-dire qu’elle est le commencement du lendemain, et non pas la fin de la veille. Pour plus de clarté, je m’exprime plus simplement. Supposons qu’un homme soit parti d’un endroit à neuf ; heures, et qu’il soit arrivé à un autre endroit, le jour suivant, à trois heures : si je dis qu’il a voyagé deux jours, on ne m’accusera pas aussitôt de mensonge, parce que celui qui a marché, au 51 eu d’y avoir employé toutes les heures de l’un et de l’autre jour, n’y en a employé qu’une partie. Je ne crois pas qu’il y ait d’autre explication. Que si quelqu’un, ne l’acceptant pas, peut donner un sens meilleur du mystère de cet endroit, son avis doit être suivi de préférence.

« Et du sein de ce poisson, Jonas adressant sa prière au Seigneur son Dieu, lui dit. » Jon. 2, 2. Même traduction dans les Septante, sauf un changement de place pour les mots. Puisque Jonas est la figure du Seigneur, et en ce qu’il fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, est un emblème de la Passion du Sauveur, sa prière doit figurer aussi l’Oraison dominicale. Il y a des gens, je le sais, à qui il paraît incroyable qu’un homme ait pu être sain et sauf trois ; ours et trois nuits dans le ventre d’une haleine. Ces gens sont assurément ou des fidèles ou des infidèles. Si ce sont des fidèles, ils seront obligés d’ajouter foi à des mystères bien plus grands : Comment trois enfants jetés au milieu des flammes d’une fournaise ardente, demeurèrent si bien sains et saufs, que leurs vêtements — n’avaient même pas l’odeur du feu ; Dan. 3, 1 ; seqq. comment la mer se retira, et forma de part et d’autre homme deux murs, pour livrer passage au peuple israélite ; Exo. 14, 1 ; seqq. comment les lions, dont la faim excitait la fureur, regardèrent, sans y toucher, leur proie avec crainte, comme s’ils avaient eu la raison de l’homme ; et bien d’autres traits du même genre. Si ces personnes sont des infidèles, qu’elles lisent les quinze livres des Métamorphoses d’Ovide et toutes les histoires de la Grèce et de Rome, et elles y trouveront le changement de Daphné en laurier et des sœurs de Phaéton en peupliers ; comment Jupiter, le plus grand des dieux du paganisme, fut changé en cygne, coula en pluie d’or, prit la forme de taureau, et autres fables où l’obscénité contredit à la sainteté de la divinité. Ils croient à cela, et ils disent que tout est possible à Dieu ; pour des turpitudes, ils défendent la toute-puissance de Dieu, et ils la lui dénient pour des choses honnêtes. Quant au texte lui-même : « Et du ventre de ce poisson, Jonas adressant sa prière au Seigneur son Dieu, lui dit », nous comprenons par là qu’après s’être senti sain et sauf dans le sein de la baleine, le Prophète ne désespéra pas de la miséricorde du Seigneur et tourna toutes ses pensées vers la prière. C’est que Dieu, qui avait dit au sujet du juste : « Je suis avec lui dans la tribulation ; » Psa. 90, 15 ; « lorsqu’il m’invoquera, je répondrai : Me voici », lui vint en aide, et ayant été exaucé, il peut s’écrier : « Vous m’avez l’empli de joie dans l’affliction. » Psa. 4, 2.

« J’ai crié au Seigneur dans le fort de mon affliction, et il m’a exaucé. J’ai crié du fond de l’enfer, et vous avez entendu ma voix. » Jon. 2, 3. même traduction dans les Septante, à cette variante près : « Vous avez entendu ma voix, mon cri du fond de l’enfer. » Il dit, non pas « je crie », mais « j’ai crié », et il rend grâces, non pas pour l’avenir, mais au sujet du passé ; il nous montre que, dès l’instant où, précipité dans la mer, il a vu la baleine, sa masse monstrueuse, sa gueule affreusement béante qui l’engloutisse, ait, il s’est souvenu du Seigneur, et qu’il a crié, soit que les eaux se soient divisées pour livrer passage à son cri, soit qu’il ait crié dans toute l’affection de son cœur, selon l’expression de l’Apôtre : « Criant dans vos cœurs : Père, Père ! » Rom. 8, 15. Il a crié vers celui qui connaît seul les cœurs des hommes, et dit à Moïse : « Que criez-vous vers moi ? » Exo. 14, 15, quand l’Écriture atteste que Moïse n’a fait entendre aucun cri avant cela. De même nous lisons dans le premier psaume des Degrés : « J’ai crié vers le Seigneur lorsque j’étais dans l’accablement de l’affliction, et il m’a exaucé. » Psa. 119, 1. Par fond de l’enfer, il faut entendre le ventre de la baleine, d’une si monstrueuse taille que son sein est comparé à l’enfer. Mai, s il est mieux d’appliquer le mot à la mission de Jésus-Christ, qui, sous le nom de David, fait entendre ce chant dans le psaume : « Vous ne délaisserez point mon âme dans l’enfer, et vous ne permettrez pas que votre saint voie la corruption. » Psa. 15, 10. Il fut vivant en enfer, et libre parmi les morts.

« Vous m’avez jeté au cœur de la mer, jusqu’au fond de l’abîme qui m’a entouré de toutes parts. » Jon. 2, 4. Les Septante : « Vous m’avez jeté jusqu’au plus profond de la pleine mer, et ses eaux m’ont entouré de toutes parts. » Quant à la personne de Jonas, l’interprétation n’est pas difficile : il fut enfermé dans le ventre de la baleine au plus profond et au milieu de la mer, dont les eaux l’entouraient de toutes parts. Quant au Sauveur, prenons cet exemple du psaume soixante-dix huit : « Je suis enfoncé clans une boue profonde, et je n’y trouve pas où poser le pied ; e suis descendu dans la profondeur de la mer, et la tempête m’a submergé. » Psa. 68, 3. C’est qu’il est dit de lui dans un autre psaume : « Cependant, vous avez rejeté et méprisé, éloigné de vous votre Christ ; vous avez renversé l’alliance que vous avez faite avec votre serviteur, vous avez jeté par terre et souillé dans la poussière son sanctuaire, vous avez détruit toutes les haies qui l’environnaient, », etc. Psa. 88, 39-41. En comparaison de la céleste béatitude, et de ce lieu dont il est écrit : « Sa demeure est dans la sainte paix », Psa. 75, 5, l’habitation terrestre est pleine de flots, pleine de tempêtes. Le cœur de la mer désigne l’enfer, que l’Évangile appelle aussi « le cœur de la terre. » Mat. 12, 40. Comme le cœur est au milieu de l’animal, l’enfer passe pour être au centre de la terre. Au figuré, il dit qu’il est au cœur de la mer, c’est-à-dire au milieu des tentations. Et pourtant, bien, qu’au milieu des eaux amères, étant tenté à tous égards, mais exempt de péché, il n’éprouve aucune atteinte des eaux amères, mais il est entouré de cc fleuve, dont nous lisons ailleurs : « Un fleuve impétueux répand la joie dans la cité de Dieu. » Psa. 45, 5. Les autres buvant les flots salés, dit-il, moi, au milieu des tentations, je me désaltérais aux eaux les plus douces. Et qu’il ne vous semble pas impie qu’ici le Seigneur dise : « Vous m’avez plongé au fond de l’abîme », lui qui s’exprime ainsi dans le psaume : « Parce qu’ils ont persécuté celui que vous avez frappé, » Psa. 68, 27, selon le langage qui est mis dans la bouche du Père, dans Zacharie : « Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées, Zac. 13, 7.

« Tous vos abîmes et tous vos flots ont passé sur moi. » Jon, 2, 4. Les Septante : « Tous vos soulèvements et tous vos flots ont passé sur moi. » Que les flots grossis aient passé sur Jonas, que la tempête en fureur ait grondé sur lui, cela ne fait doute pour personne ; mais on se demande comment les soulèvements, les abîmes et les flots de Dieu peuvent avoir passé sur le Sauveur. « La vie des hommes sur la terre est une épreuve », Job. 7, 4, ou, d’après hébreu, « une milice », parce que nous combattons ici pour recevoir ailleurs la couronne. Il n’y a pas d’homme qui puisse soutenir toutes les épreuves, toutes les tentations, sauf celui-là seul qui fut tenté en toutes choses, selon notre ressemblance, sans commettre le péché, De là le langage tenu aux Corinthiens : « Vous n’avez eu encore que dos tentations humaines et ordinaires ; Dieu est fidèle et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais, en permettant la tentation, il vous donnera d’en sortir victorieux, en sorte que vous aurez la force de soutenir les épreuves. » 1Co. 10, 13, C’est parce que toutes les tentations et les accidents n’arrivent qu’avec la permission do Dieu, qu’il est parlé ici de ces vagues et de ces flots de Dieu, qui n’engloutirent pas Jésus, mais passèrent à côté de lui, le menaçant d’un naufrage qu’ils ne pouvaient réaliser. Toutes les persécutions et tous les orages, dit-il, qui ballottaient le genre humain et brisaient tous les esquifs, ont grondé sur ma tête ; J’ai soutenu les tempêtes, j’ai vaincu la rage des ouragans, afin que les autres puissent naviguer avec plus de sécurité,

« Et j’ai dit : Je suis dans l’abjection, loin de la présence de vos yeux. » Jon. 11, 5. Les Septante : « J’ai dit : Je suis dans l’abjection, loin de vos yeux. » Avant que j’aie crié du fond de mon affliction, et que vous m’ayez exaucé, parce que j’avais accepté la forme et la nature d’un, esclave, j’ai imité la faiblesse d’un esclave, et j’ai dit : « Je suis dans l’abjection, loin de la présence de vos yeux. » Lorsque j’étais avec vous, que je jouissais de votre lumière, et que, dans votre lumière, j’étais moi-même la lumière, je ne disais pas : Je suis dans l’abjection. Après être descendu au plus profond de la mer, et avoir été entouré de la chair de l’homme, je parle comme homme et je dis : « Je suis dans l’abjection, loin de la présence de vos yeux. » Je me suis exprimé ainsi comme homme ; mais comme Dieu, aux hommes pour qui, puisque j’avais votre forme et votre nature, à mon Père, je n’ai pas cru que ce fat une usurpation de me croire égal à vous, Phi. 2, 1, seqq. voulant élever le genre humain jusqu’à vous, afin que là où nous sommes vous et moi, ils soient aussi, tous ceux qui ont cru en vous et en moi, je dis ce qui suit.

« Mais de nouveau, je vois votre temple saint. » Jon. 2, 5. Les Septante : « Pensez-vous que, néanmoins, je verrai votre temple saint. » Le mot grec ἇρα, que la Vulgate rend par « pensez-vous », peut s’interpréter par « donc », comme pour indiquer la dernière conclusion du raisonnement avancé, du syllogisme entouré de ses preuves, conclusion émise sans hésitation et sans incertitude, avec la confiance d’une ferme adhésion ; de là notre traduction : «(Néanmoins, je vois de nouveau votre temple saint », selon ce qui est dit au nom du Fils dans le Psaume : « Seigneur, j’aime la beauté de votre maison et le lieu du tabernacle de votre gloire ; » Psa. 25, 8 ; et le passage de l’Évangile où il est écrit : « Mon Père, glorifiez-moi auprès de vous de cette gloire que j’eus avant que le monde fût fait ; » Jn. 17, 5 ; à quoi le Père répond du haut des cieux : « Je vous ai glorifié et je vous glorifierai. » Jn. 12, 28. Ou certainement, parce que nous lisons dans l’Évangile : « Mon Père est en moi, et moi je suis en mon Père », Jn. 14, 11, comme le Fils est le temple du Père, ainsi le Père est le temple du Fils, qui a dit lui-même : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu ; » Jn. 16, 28 ; car le « Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. » Jn. 1, 1. Ou bien encore le Sauveur, Dieu et homme à la fois, comme homme, sollicite ce qu’il promet comme Dieu, avec la pleine assurance de posséder la nature divine qu’il eut toujours. Pour ce qui est de la personne de Jonas lui-même, il est évident que, descendu au fond de la mer, avec l’ardeur du désir et la confiance de la foi, il soupirait après la vue du temple du Seigneur ; il était ailleurs en esprit, il contemplait autre chose que l’abîme où était son corps.

« Je me suis vu jusqu’à l’âne au milieu des eaux qui m’environnaient, l’abîme m’a enveloppé de toutes parts. » Jon. 2, 6. Les Septante : « Je me suis vu jusqu’à l’âme au milieu de l’eau qui m’entourait ; le plus profond abîme m’a enveloppé. » Ces eaux qui sont voisines des abîmes, qui roulent et coulent dans les terres, et qui entraînent beaucoup de limon avec elle~, s’efforcent de mettre à mort, non le corps, mais l’tune, puisqu’elles sont amies du corps, dont elles aiment les voluptés. De là, d’après ce que nous avons déjà dit, le langage du Seigneur dans le psaume : « Sauvez-moi, Seigneur, parce que les eaux sont entrées jusque dans mon âne ;) ; Psa. 68, 1 ;… « notre âme a traversé le torrent ; » Psa. 123, 5 ;… « Que l’ouverture du puits ne m’ensevelisse pas, et que l’enfer ne se ferme point sur moi ; » Psa. 68, 16 ; qu’il ne me refuse point une issue ; j’y suis volontairement descendu, que j’en remonte sans obstacle ; je suis un captif volontaire ; je dois délivrer les captifs, afin que s’accomplisse cette promesse : « S’élevant vers les hauteurs, il a emmené la captivité captive. » Psa. 67, 19. Et en effet, ceux qui étaient auparavant captifs dans la mort, Jésus les a pris pour les rendre à la vie par abîmes, nous devons entendre certaines forces mauvaises, ou les puissances chargées d’infliger les tourments et les supplices, vers lesquelles, nous dit l’Évangile, les démons eux-mêmes demandaient à ne pas aller. Luc. 8, 1. seqq. Aussi la Genèse dit-elle que les ténèbres planaient sur l’abîme. Gen. 1, 1. seqq. Parfois on entend par abîme les mystères, les sens les plus cachés, les secrets de Dieu : « Vos jugements sont un abîme très-profond ; Psa. 35, 7 ;… « un abîme appelle un autre abîme, au bruit des cataractes que vous envoyez. » Psa. 12, 8.

« Les flots de la mer ont couvert ma tête, je suis descendu jusque dans les racines des montagnes, les gonds de la terre m’ont enfermé pour jamais. » Jon. 2, 7. Les Septante : « Ma tête est entrée dans les fissures des montagnes ; je suis descendu dans la terre, dont les gonds sont pour moi des barrières éternelles. » Nul ne doute que la mer couvrit la tête de Jonas, qu’il descendit jusqu’aux racines des montagnes, et qu’il arriva jusqu’au plus profond de la terre, jusqu’aux gonds et aux colonnes, pour ainsi dire, qui, par la volonté de Dieu, supportent le globe, dont il est dit : « J’ai affermi ses colonnes. » Psa. 74, 4. Quant à Notre-Seigneur et Sauveur, voici, ce me semble, ce qu’il faut en entendre, d’après l’une comme d’après l’autre version. Son cœur, sa tête, c’est-à-dire son âme, qu’il daigna prendre avec le corps pour notre salut, est descendue dans les fentes des montagnes, que les flots recouvraient, qui s’étaient dérobés à la liberté du ciel, que l’abîme entourait, qui avaient fait scission avec la majesté divine ; elle pénétra ensuite jusqu’aux enfers, lieux auxquels étaient entraînées les âmes dans la boue la plus profonde des péchés, puisque le Psalmiste a dit : « Ils descendront dans les parties les plus inférieures de la terre, ils seront le partage des renards. » Psa. 62, 10, 11. Ce sont là les gonds de la terre, et comme les serrures des plus profonds cachots des lieux des supplices, qui empêchent que des enfers sortent les âmes captives. De là l’expression significative des Septante : Κάτοκοι αἰώνιοι, c’est-à-dire qui désirent retenir toujours ceux dont ils se sont une fois emparés. Or, notre Seigneur, dont il est écrit dans Isaïe, sous le nom de Cyrus : « Je briserai les portes d’airain, et je réduirai en poudre les gonds de fer », Isa. 45, 2, est descendu jusqu’aux racines des montagnes, et a été enfermé par les verrous éternels, pour délivrer tous ceux qui avaient été emprisonnés.

« Vous élèverez néanmoins ma vie hors de la corruption, ô Seigneur mon Dieu. » Jon. 2, 7. Les Septante : « Et que ma vie monte hors de la corruption, ô Seigneur mon Dieu. » Expression fort juste : « Vous élèverez ma vie » ou « ma vie montera hors de la corruption », puisqu’il était descendu vers la corruption et les enfers. C’est là ce que les Apôtres estiment avoir été prédit de Notre-Seigneur dans le psaume quinze : « Vous n’abandonnerez point mon âme dans l’enfer, et vous ne souffrirez pas que votre saint voie la corruption. » David assurément mourut et fut enseveli ; « mais c’est la chair du Sauveur qui ne devait pas voir la corruption. D’autres expliquent notre texte en disant qu’en comparaison de la céleste béatitude et du Verbe de Dieu, le corps humain, semé dans la corruption, n’est que corruption lui-même, ce qui est signifié touchant le Juste, au psaume cent deux : « C’est lui qui guérit toutes vos infirmités, qui rachète votre vie de la mort. » De là le langage de l’Apôtre : « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? » Rom. 7, 24. La corruption, c’est donc ce corps de mort ou ce corps abject. Ceux qui avancent cette explication y cherchent un détour vers leur hérésie, pour représenter l’Antechrist sous la figure du Christ, et se rendre maîtres des Églises, afin d’accorder grasse chère à leur ventre, et de vivre selon la chair, tout en discutant contre la chair. Quant à nous, nous savons que le corps pris dans le sein de la Vierge immaculée n’a pas été corruption, mais il a été le temple de Jésus-Christ. Si, d’autre part, nous en venons à l’enseignement de l’Apôtre aux Corinthiens, où il parle de corps spirituel, 1Co. 15, 1, seqq. pour ne point paraître rechercher les contestations, je me contenterai de dire que le même corps qui a été enseveli et la même chair qui a été enfermée dans le sol ressuscitent, et que, sans changer de nature, cette chair se dépouille de son abjection pour se revêtir de gloire ; « car il faut que ce qui est corruptible se revête d’incorruptibilité, et que ce qui est mortel se revête d’immortalité. » Ibid. 53. Quand l’Apôtre dit ce, il montre pour ainsi dire le corps du doigt : ce en quoi nous naissons, ce en quoi nous mourons, ce que craignent de recevoir ceux qui doivent être punis, ce que la virginité attend pour sa récompense, que l’adultère redoute pour son châtiment. Appliqué à Jonas lui-même, le texte peut s’entendre ainsi : Dans le ventre de la baleine, conformément à la nature du corps, il eût dû se corrompre, devenir l’aliment du monstre et se décomposer comme tout aliment se décompose, au lieu qu’il y demeura sain et sauf et intact. C’est dans un élan d’affectueuse gratitude qu’il dit : « Seigneur mon Dieu », en ce qu’à cause de la grandeur du bienfait qu’il reçoit, il regarde comme son Dieu ; à lui seul, le Dieu de tous.

« Dans la douleur profonde dont mon âme a été saisie, je me suis souvenu du Seigneur. » Jon. 2, 8. Les Septante : « Lorsque mon âme était en défaillance et près de me quitter, je me suis souvenu du Seigneur. » Lorsque je n’avais aucun secours à attendre, le souvenir du Seigneur a été mon salut, conformément à ce qui est écrit : « Je me suis souvenu du Seigneur, et j’ai été rempli de joie. » Psa. 76, 4… « Je songeais aux jours anciens, et j’avais les années éternelles dans l’esprit. » Ibid. 6. Alors que j’étais sans espoir de salut, que dans le ventre de la baleine la fragilité de la chair ne me permettait plus aucun espoir de ne pas perdre la vie, ce qui semblait impossible, le souvenir du Seigneur l’a réalisé. Je me voyais enfermé dans le sein de ce monstre, et il n’y avait pas pour moi d’autre espérance que le Seigneur. D’où nous apprenons qu’au temps où, d’après les Septante, notre âme tombe en défaillance et se sépare violemment.de la charpente corporelle, nous devons tourner notre pensée uniquement vers Celui qui est Notre-Seigneur, que nous soyons dans le corps ou hors du corps. Ce texte s’applique sans difficulté au Sauveur, qui a dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort ; » Mat. 26, 38 ;… « mon Père, si cela est possible, que ce calice passe loin de moi. » Ibid. 39… « Je remets mon esprit en vos mains ;» Luc. 23, 46 ; et d’autres paroles semblables.

« Afin que ma prière arrive jusqu’à vous, jusqu’à votre temple saint. » Jon. 2, 8. même traduction dans les Septante. Dans mon affliction, je me suis souvenu du Seigneur, afin que, du fond de la mer et des racines des montagnes, ma prière monte jusqu’au ciel, et arrive jusqu’à votre temple saint, où vous jouissez, ô mon Dieu, d’une éternelle béatitude ; il faut remarquer cette particularité d’une prière faite pour une autre prière : il prie pour que sa prière monte jusqu’au temple de Dieu. Il demande, comme pontife, que le peuple soit délivré en son corps.

« Ceux qui s’attachent inutilement à la vanité abandonnent la miséricorde qui les eût sauvés. » Jon. 2, 9. Les Septante : « Ceux qui s’attachent aux vanités et aux mensonges ont abandonné la miséricorde qui les eût sauvés. » Dieu est miséricordieux de sa nature et prêt à sauver, dans sa clémence, ceux que sa justice ne peut épargner ; et nous, par notre faute, nous perdons et abandonnons cette miséricorde toute prête et qui s’offre il nous d’elle-même. Le texte ne dit pas : « Ceux qui font des choses vaines », de peur que Dieu parût condamner tous les hommes, car il n’y a que vanité des vanités et tout est vanité, Ecc. 1, 2, et dé nier sa miséricorde à tout le genre humain ; il dit : Qui s’attachent aux vanités ou au mensonge, et qui leur ont donné toute l’affection de leur cœur ; qui ne se contentent, pas de faire ce qui est vain, mais s’en font les gardiens, comme d’un trésor qu’ils croient avoir trouvé et qu’ils aiment. Et voyez ici la grandeur d’âme du Prophète : au fond de la mer, enveloppé d’une nuit perpétuelle dans le ventre d’un colosse, au lieu de penser à son propre danger, il s’élève à des considérations générales sur la nature humaine, « Ils abandonnent la miséricorde qui les eût sauvés. » Bien qu’offensée, la miséricorde, en qui nous pouvons entendre Dieu lui-même, puisque « le Seigneur est miséricordieux et compatissant, patient et plein de clémence », Psa. 144, 8, pourtant, elle n’abandonne pas, elle n’a pas en aversion ceux qui s’attachent à la vanité, et elle attend au contraire leur retour ; mais eux, de leur propre mouvement, abandonnent la miséricorde qui les attend, qui s’offre à eux d’elle-même. Cette prophétie peut aussi s’appliquer à Notre-Seigneur au sujet de la perfidie des Juifs, qui, pendant qu’ils gardent avec sollicitude les préceptes des hommes et les enseignements des Pharisiens, la vanité et le mensonge, ont abandonné Dieu, qui avait toujours été plein de miséricorde pour eux.

« Mais pour moi, je vous offrirai des sacrifices avec des cantiques de louanges·; je rendrai au Seigneur tous les vœux que j’ai faits pour mon salut. » Jon. 2, 10. Les Septante : « Mais, pour moi, je vous offrirai des sacrifices, avec des cantiques de louanges et de confession ; je vous rendrai, Seigneur, tous les vœux que j’ai faits pour mon salut. » Ceux qui s’attachent à la vanité ont abandonné la miséricorde qui les eût sauvés ; mais moi, qui ai été dévoré par cette baleine pour le salut de plusieurs, je vous ferai, avec des cantiques de louanges et en confessant votre nom, des sacrifices où je m’offrirai moi-même. Et en effet, « Jésus-Christ, notre agneau pascal, a été immolé », 1Co. 5, 7, et, comme vrai pontife, il s’est offert pour nous lui-même, qui est l’Agneau. « Je confesserai votre nom », comme je l’ai déjà fait ; en disant : « Je vous rends gloire, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre ;» Mat. 11, 25 ; et je rendrai les vœux que j’ai faits au Seigneur pour le salut de tous, afin que tout ce que vous m’avez donné ne périsse pas éternellement. Jn. 6, 39. Nous voyons ce que le Sauveur a promis dans sa Passion pour notre salut ; gardons-nous de faire que Jésus ait menti en nous ; soyons purs, exempts de toute souillure des péchés, afin qu’il nous offre à Dieu le Père en victimes, comme il le lui avait promis.

« Le Seigneur donna l’ordre au poisson, et il vomit Jonas sur la terre ferme. » Jon. 2, 11. Les Septante : « Dieu commanda au poisson, et il rejeta Jonas sur le sol ferme. » La prière que nous avons rapportée plus haut a été faite, sous la figure de Jonas, par Notre-Seigneur, dans le ventre de cette baleine dont Job a dit, en son langage mystique : « Que sur celui qui a maudit le jour tombe la malédiction de celui qui doit prendre la grande baleine. » Job. 3, 8. Il est donc ordonné à cette monstrueuse baleine et, aux abîmes et aux enfers de rendre à la terre le Sauveur, afin qu’après être mort pour délivrer ceux qui étaient retenus dans les fers de la mort, il les l’amène en grand nombre avec lui à la vie. Quant au mot « il vomit », nous devons l’entendre comme écrit emphatiquement, en ce sens que la vie sortirait victorieusement du fond des entrailles de la mort.

« Le Seigneur parla une seconde fois à Jonas, et il lui dit : « Lève-toi, va dans Ninive la grande « ville, et publie, comme tu l’as publié déjà, ce que je dis. » Jon. 3, 1-2. Les Septante : « Le Seigneur s’adressa une seconde fois à Jonas, et lui dit : Lève-toi, va dans Ninive la grande ville, et publie ce que tu as publié déjà et que je t’avais dit. » Dieu ne dit pas au Prophète : Pourquoi n’avez-vous point fait ce qui vous avait été commandé ? celui-ci a été suffisamment repris par son naufrage et par son séjour dans le ventre de la baleine, pour que, n’ayant pas honoré le Seigneur dans l’ordre qu’il en recevait, il le bénisse dans sa délivrance. Au reste, il serait superflu, après qu’un serviteur qui a péché a été éprouvé par les souffrances, de vouloir lui imputer ce qu’il avait fait, une correction de cette sorte étant moins un amendement qu’une réprobation. Or, Notre-Seigneur après sa résurrection est envoyé une seconde fois à Ninive, en sorte qu’après avoir d’abord fui, pour ainsi dire, en disant : « Mon Père, si cela se peut, que ce calice s’éloigne de moi », Mat. 26, 39, et n’avoir pas voulu donner aux chiens le pain des enfants de Dieu, Mat. 15, 1, seqq. maintenant, parce que ceux-ci ont poussé cette clameur : « Crucifiez, crucifiez cet homme ; nous n’avons d’autre roi que César », Jn. 19, 6, 15, il se hâte d’aller volontiers à Ninive, afin de publier après sa résurrection ce qu’il avait reçu l’ordre de publier même avant sa Passion. Tout ce dont il reçoit l’ordre, en quoi il obéit, qu’il ne veut pas, qu’il est contraint de vouloir ensuite, et en quoi il fait en second lieu la volonté du Père, on doit l’appliquer à sa nature d’homme et à sa forme d’esclave, à laquelle conviennent de telles paroles.

« Jonas se leva et se rendit à Ninive, selon la parole du Seigneur. Ninive était une grande ville de Dieu, de trois journées de chemin. Jonas commença d’y entrer et d’y marcher pendant un jour. » Jon. 3, 3. Les Septante : « Jonas se leva et se rendit à Ninive, comme le lui avait dit le Seigneur. Ninive était une grande ville appartenant à Dieu, d’une étendue environ de trois journées de chemin, et Jonas commença de s’y avancer « environ jusqu’à une journée de marche. » Jonas exécuta sur l’heure l’ordre qui lui était donné. Ninive, où se rendait le Prophète, était une grande ville et d’une enceinte si considérable qu’à peine pouvait-on en faire le tour en trois journées de marche. Mais Jonas, se souvenant de l’ordre reçu et du naufrage essuyé, fit diligence et parcourut en un jour la distance de trois journées de marche. D’autres entendent simplement qu’il publia la prophétie dans le tiers de la ville, et que ses paroles parvinrent aussitôt au reste de la population. Quand à Notre-Seigneur, il est dit ici qu’après sa résurrection d’entre les morts, il publie la parole de Dieu, quand il envoie les Apôtres avec mission de baptiser ceux qui étaient à Ninive, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, c’est-à-dire en trois journées de chemin. Et ce mystère lui-même du salut de l’homme s’achève en une journée de chemin, c’est-a-dire pur la confession d’un seul Dieu, Jonas prêchant moins aux Apôtres que dans les Apôtres, puisqu’il dit lui-même : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles », Mat. 28, 20. Nul ne doute que Ninive soit une grande ville de Dieu, lorsque le monde et toutes choses ont été faits par lui, et que rien n’a été fait sans lui, Jn. 1, 3. Il est à remarquer aussi que le texte n’emploie pas l’expression « trois jours et trois nuits », ou « un jour et une nuit », mais qu’il dit absolument « trois jours », et « un jour », pour montrer que, dans le mystère de la Trinité et dans a foi en un seul Dieu, il n’y a rien de commun avec les ténèbres.

« Il cria, et il dit : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite. » Jon. 3, 4, Les Septante : « Ml parla hautement, et il dit : Encore trois jours, et Ninive sera détruite. » Le nombre trois que porte la version des Septante ne convient nullement a la pénitence, et cette traduction ne laisse pas que de me surprendre, quand en hébreu il n’y a aucune ressemblance entre les deux mots, ni de lettres, ni de syllabes, ni d’accents, trois se disant salos et quarante arbïm. En outre, le Prophète, ayant fait pour venir de la Judée en Assyrie un long voyage, devait demander une pénitence digne de sa prédication, afin que des blessures anciennes et pleines de pourriture pussent être guéries par la longue application du remède. Le nombre quarante convient aux pécheurs et au jeûne, à la prière et au cilice, aux larmes et à la persévérance dans l’oraison. C’est ainsi que Moise jeûna quarante jours sur le mont Sinai, Exo. 34, 1, seqq. et Élie quarante jours également, quand il fuyait Jézabel, la famine ayant été déchaînée contre la terre d’Israël et la colère de Dieu étant suspendue sur elle. 2Sa. 19, 1. seqq. Le Seigneur lui-même, le vrai Jonas envoyé pour prêcher au monde, jeûna quarante jours, et nous laissant l’héritage du jeûne, c’est sous ce nombre qu’il prépare nos âmes à se nourrir de son corps. Il cria, dit le texte, et l’Évangile nous montre l’accomplissement de cette parole : « Debout dans le temple, il criait et 1 disait : Qu celui qui a soif vienne à moi, et qu’il boive. » Jn. 7, 37. Toute parole du Sauveur est qualifiée de cri, parce qu’il prêchait de grandes choses.

« Les hommes de Ninive crurent en Dieu ; ils publièrent un jeûne, et ils se couvrirent de cilices, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. » Jon. 2, 5. même traduction dans les Septante. Ninive a cru et Israël persévère dans son incrédulité. Le peuple incirconcis a cru, et le peuple circoncis persiste à être infidèle. Ils croient d’abord les hommes de Ninive qui étaient parvenus à l’âge de Jésus-Christ. Ils publient un jeûne, ils se revêtent de cilices, depuis le plus grand jusqu’au plus petit : nourriture et vêtement conformes à la pénitence, et, après avoir offensé Dieu par le luxe de la table et des habits, ils lui plaisent en condamnant les choses par où ils l’avaient invité d’abord. Le cilice et le jeûne sont les armes de la pénitence, les secours des pécheurs : le jeûne d’abord et le cilice ensuite ; en premier lien ce qui est caché, et en second lieu ce qui est apparent ; le jeûne qu’on montre toujours a Dieu, le cilice qu’on montre parfois aux hommes. S’il faut retrancher l’une de ces deux choses nécessaires, mieux vaut le jeûne sans le cilice, que le cilice sans le jeûne. La pénitence commence au plus grand pour finir au plus petit ; c’est que nul n’est exempt de péché, sa vie ne serait-elle que d’un seul jour, et les années de sa vie se compteraient-elles sur les doigts. Job. 14, 1. seqq. Puisque les étoiles ne sont point pures en présence de Dieu, combien moins le sont le ver et la pourriture, ceux, qui sont tenus du péché d’Adam envers Dieu ? L’ordre des idées est des plus beaux : Dieu donne ordre an Prophète, le Prophète fait la prédication à la ville ; les hommes croient d’abord, et, après qu’ils ont publié un jeûne, tout âge se revêt du cilice. Les hommes ne publient pas le cilice, mais seulement le jeûne ; mais ceux à qui la pénitence est ordonnée joignent avec raison le cilice au jeûne, afin que la mortification des sens et leur extérieur suppliant plaident mieux leur cause devant le Seigneur.

« Cette parole parvint au roi de Ninive ; il sortit de son trône, quitta ses vêtements, se revêtit d’un sac et se coucha sur la cendre. On cria et on publia dans Ninive, de la part du roi et de ses princes : Que les hommes, les chevaux, les bœufs et les brebis ne prennent aucune nourriture, n’entrent pas dans les pâturages, et ne boivent point d’eau ; que les hommes soient couverts de cilices, ainsi que les animaux, et que leurs clameurs s’élèvent vers le Seigneur avec force ; que tout homme se convertisse et fuie l’iniquité qui souille ses mains, Qui sait si Dieu ne reviendra pas vers nous pour nous pardonner, s’il ne s’apaisera pas, s’il ne révoquera pas l’arrêt de notre perte qu’il a prononcé dans sa colère ? » Jon. 3, 6 et segq. Les Septante : « La prédication arriva au roi de Ninive il se leva, de son trône ; il se dépouilla de son manteau, se couvrit d’un sac et s’assit sur la cendre, On publia dans Ninive, de la part du roi et de tous ses grands : Que les hommes, les chevaux, les bœufs et les brebis ne prennent aucune nourriture, n’entrent point dans les pâturages et ne boivent point de l’eau. Les hommes et les animaux se couvrirent de cilices ; ils crièrent fortement vers le Seigneur ; tous sortirent de leur voie mauvaise et s’éloignèrent de l’iniquité qui souillait leurs mains, et ils disaient : Qui sait si Dieu changera sa sentence et révoquera l’arrêt de notre perte qu’il a prononcé dans sa colère ? » Ce roi de Ninive, qui est le dernier à entendre la prédication, descend de son trône, se dépouille de son vêtement d’autrefois, se revêt du sac, s’assied sur la cendre, et ne s’en tenant pas A sa propre conversion, prêche ainsi la pénitence à ses grands : « Que les hommes, les chevaux, les bœufs et les brebis » se mortifient par la faim, se couvrent de sacs, et, ayant condamné leurs vices anciens, se consacrent entièrement à la pénitence, – ce roi, dis-je, pour certains, ce serait le diable, qui, à la fin du monde, sous prétexte qu’aucune créature raisonnable et ayant été créée par Dieu ne doit périr, descendant de son orgueil, ferait pénitence et serait rétabli dans sa dignité originelle. Ils appuient leur opinion de cet exemple, pris de Daniel, que Nabuchodonosor, après avoir fait pénitence pendant sept ans, fut réintégré dans sa première puissance, Dan. 4, 1. seqq. Mais l’Écriture sainte ne dit rien qui justifie cette opinion, et elle détruit entièrement la crainte de Dieu dans les hommes, qui se laissent facilement glisser sur la pente des vices, en se disant que le démon lui-même, qui est le fauteur du mal et la source de tous les péchés, après avoir fait pénitence, peut être sauvé ; nous la devons donc rejeter de nos esprits. N’oublions pas que, dans l’Évangile, les pécheurs sont envoyés au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges, Mat. 25, 1, seqq. et que c’est d’eux qu’il est dit : « Leur ver ne mourra pas, et leur feu ne s’éteindra jamais. » Isa. 66, 26. Sans doute, Dieu est clément ; quand nous sommes pécheurs nous-mêmes, nous ne nous faisons pas une joie d’exagérer sa sévérité, et nous aimons à lire dans le psaume que « le Seigneur est juste et miséricordieux », que « notre Dieu est plein de miséricorde. » Psa. 114, 8. La justice de Dieu est enveloppée de miséricorde, et c’est avec ce tempérament qu’il procède au jugement : il est bon sans cesser d’être juste, et il est juste sans, cesser d’être bon. « La miséricorde et la vérité sont allées l’une au-devant de l’autre ; la justice et la paix se sont embrassées. » Psa. 84, 11. Au reste, si toutes les créatures raisonnables sont égales, si de leur propre mouvement, ou elles s’élèvent par leurs vertus, ou elles descendent au fond de l’abîme par leurs vices, et si, le long cercle des temps et des siècles sans nombre, les choses doivent être remises en leur premier état, en sorte que la gloire de tous ceux qui ont combattu soit la même, quelle distance y aura-t-il entre la vierge et la prostituée ? quelle différence entre la mère de Notre-Seigneur et – cette comparaison seule est un crime – les prêtresses des plaisirs publics ? Gabriel et le diable seront-ils sur le même rang ? sur le même rang, les Apôtres et, les démons ? sur le même rang, les Prophètes et les faux prophètes ? sur le même rang, les martyrs et les persécuteurs ? Faites telle supposition qu’il vous plaira, doublez le nombre des années et les temps, et réservez pour les châtiments des siècles et des siècles encore : si la fin de tout cela est semblable pour tous, tout le passé n’est rien, parce que nous nous attachons, non pas Ace que nous avons été transitoirement, mais Ace que nous serons pour toujours. Mais ce n’est pas ici le lieu d’écrire plus longuement contre ce dogme pervers et contre le piège diabolique de ceux qui enseignent secrètement ce qu’ils nient en public. Il nous suffira d’indiquer notre sentiment sur le texte que nous analysons, et, comme le veulent des commentaires, d’expliquer en peu de mots qui est ce roi de Ninive, à qui la parole de Dieu parvient en dernier lieu.

Quelle est la puissance chez les hommes de l’éloquence profane et de la sagesse selon le monde, on le voit par Démosthènes, Cicéron, Platon, Xénophon, Théophraste, Aristote, et les autres orateurs et philosophes, qui sont regardés comme les rois des hommes et dont les préceptes sont reçus, non pas comme des enseignements de mortels, mais comme des oracles de dieux. De là le langage de Platon : Heureuses les républiques, si les philosophes y étaient rois, ou si les rois y étaient philosophes. Sur ce qu’il est bien difficile que de tels hommes croient en Dieu, je néglige l’expérience de chaque jour et je passe sous silence les exemples que donnent les histoires de l’antiquité païenne, pour m’en tenir au témoignage de l’Apôtre, qui écrivait aux Corinthiens : « Considérez, mes frères, qui sont ceux d’entre vous qui ont été appelés a la foi. Il y en a peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu d’illustres ; mais Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages, il a choisi les faibles selon le monde pour confondre les forts, il a choisi les plus vils et les plus méprisables selon le monde. » etc. 1Co. 1, 26-28. De là la parole de l’Écriture : « Je détruirai la sagesse des sages, et je rejetterai la science des savants ; » Ibid, 19 ; et ce que Paul dit encore : « Prenez garde que quelqu’un ne vous séduise par la philosophie et par de vaines subtilités. » Col. 2, 8. Par tout cela, il est évident que les rois du monde sont les derniers à entendre la prédication de Jésus-Christ, à se dépouiller du faux éclat de l’éloquence et des vaines fleurs du langage, revenir à la vérité simple et sans apprêt, à s’asseoir dans la cendre de l’humble foi du peuple, a détruire ce qu’ils avaient d’abord prêché. Nous en avons un exemple dans saint Cyprien : d’abord soutien de l’idolâtrie, il acquit une telle renommée d’éloquence, qu’il enseigna l’art oratoire à Carthage ; mais il entendit enfin la parole de Jonas, et, s’étant tourné vers la pénitence, il parvint à un tel degré de vertu, qu’il confessa publiquement Jésus-Christ et tendit pour lui le cou au glaive du bourreau, Voila un roi de Ninive qui descendit de son trône, et qui échangea la pourpre contre un cilice, les onguents parfumés contre de la boue, non point la houe des sens, mais celle du discours, de là ce qui est dit de Babylone dans Jérémie : « Le calice d’or de Babylone qui enivre toute la terre », Jer. 51, 7. Qui ne s’est pas enivré à la coupe de l’éloquence profane ? de quel esprit ne s’est-elle pas emparée, grâce à un heureux arrangement des mots et à ses éclatants dehors d’érudition ? Les puissants, les nobles et les riches croient difficilement à Dieu, et beaucoup plus difficilement qu’eux y croient les hommes éloquents ; les richesses, l’abondance et la luxure aveuglent leur esprit, et, au milieu des vices qui les circonviennent, ils ne peuvent voir les vertus et la simplicité de l’Écriture sainte ; ils jugent, non d’après la grandeur des pensées, mais sur les apparences viles de la lettre. Mais lorsque ceux-là mêmes qui enseignaient d’abord le mal, s’étant soumis à la pénitence, enseigneront le bien, on verra les peuples ninivites convertis par une même prédication, et s’accomplir ce mot d’Isaïe : « Pourvu qu’une nation soit née. » Les hommes et les animaux couverts pareillement de sacs et criant au Seigneur, il faut les entendre en ce sens que, par la prédication de Jonas, les hommes raisonnables et les insensés, les savants et les simples d’esprit font pénitence, conformément à ce qui est dit dans le psaume : « Seigneur, vous sauverez les hommes et les bêtes. » Psa. 35, 7. On peut aussi entendre, et surtout d’après cet exemple : « Le soleil et la lune se revêtiront du cilice ; » Eze. 32, 7 ; et celui d’Isaïe : « Je revêtirai le ciel du cilice », Isa. 50, 3, par animaux recouverts de sacs, l’extérieur lugubre, le chagrin et la tristesse, appelés sac par métaphore. Dans les mots : « Qui sait si Dieu reviendra et pardonnera ? » l’événement est laissé en suspens et incertain, enfin qu’ayant des doutes sur leur salut, les hommes fassent pénitence avec plus de zèle, et provoquent davantage Dieu à la pénitence.

« Dieu considéra leurs œuvres, et voyant qu’ils s’étaient convertis en quittant leur voie criminelle, il eut pitié d’eux, et il ne leur fit point le mal qu’il avait résolu de leur faire. » Jon. 3, 10. Les Septante : « Dieu vit par leurs œuvres qu’ils avaient quitté leurs voies mauvaises, et il se repentit du mal qu’il avait menacé de leur faire, et il ne le leur fit point. » Dans l’un et l’autre sens, ou Dieu, en ce temps-là, menace les habitants de Ninive, ou chaque jour il menace les peuples du monde entier, afin qu’ils fassent pénitence. S’ils se convertissent, il renoncera lui-même à sa sentence, il sera changé par la conversion du peuple. Jérémie et Ézéchiel, plus explicites sur ce point, enseignent que le Seigneur n’accomplit, ni ses promesses de bienfaits, si les bons tombent dans les vices, ni ses menaces de maux contre les méchants qui reviennent au salut. Dieu donc voit, d’après leurs œuvres, que les Ninivites ont quitté la voie du mal ; il ne lui a pas été fait en paroles des promesses, comme en faisait souvent Israël : « Tout ce que le Seigneur dira, nous l’exécuterons », Exo. 24, 3 ; mais il a considéré les œuvres, et comme il aime mieux le retour du pécheur que sa mort, Eze. 18, 1, seqq. il a volontiers changé de résolution, parce qu’il a vu le changement des œuvres ; ou plutôt Dieu a persisté dans sa résolution, qu’il a eue dès le commencement, de leur faire miséricorde, puisque quiconque désire punir, n’annonce pas hautement qu’il punira. Le mot mal doit être ici, par les raisons que nous avons données ailleurs, être entendu dans le sens de supplices et de tourments, et non dans celui que Dieu puisse faire aucun mal.

« Alors Jonas fut rempli d’une profonde affliction et il s’irrita. Il pria le Seigneur, et il lui dit:» Jon. 4, 1. Les Septante : « Jonas éprouva une tristesse profonde et une grande confusion. Il adressa une prière au Seigneur ; et il lui dit. » En voyant l’entrée de la plénitude des nations, et l’accomplissement d e la prophétie du Deutéronome : « Ils m’ont irrité à l’occasion de dieux qui ne le sont pas, et, à mon tour, je les irriterai au sujet d’une nation qui n’est pas mon peuple, je provoquerai leur colère au sujet d’une nation insensée », Deu. 32, 21, il désespère du salut d’Israël, et il est frappé d’une grande douleur, qui éclate dans ses paroles ; il expose les motifs de son chagrin, et il dit en quelque sorte : J’ai été seul choisi parmi un si grand nombre de Prophète !, pour annoncer à mon peuple sa ruine par le salut des autres. Ainsi, il ne s’attriste pas, comme le croient d’aucuns, de ce que la multitude des nations est sauvée, mais de ce qu’Israël périt. De là vient que Notre-Seigneur lui-même pleura sur Jérusalem, Luc. 19, 1, seqq. ne voulant pas 6ter le pain aux enfants pour le donner aux chiens ; Mrc. 7, 1 ; seqq. que les Apôtres prêchèrent d’abord à Israël ; Act. 13, 1 ; seqq. et que Paul désire être rendu anathème pour ses frères, les Israélites, à qui appartiennent l’adoption des enfants, et la gloire, et l’alliance, et les promesses, et la loi, qui ont pour pères les patriarches et de qui Jésus-Christ même est sorti selon la chair. Rom. 9, 1. seqq. Il est d’ailleurs bien vrai que Jonas nom qui veut dire « affligé », – éprouva une bien grande douleur et que son âme fut triste jusqu’à la mort, puisqu’afin d’empêcher, autant qu’il était possible, la ruine du peuple juif, il endura les plus cruelles tortures. Dans le sens littéral aussi, le nom d’affligé convient à merveille à ce Prophète, dont il marque les travaux, les pérégrinations et les souffrances du naufrage.

« N’est-ce pas là, Seigneur, je vous le demande, ce que ; e disais lorsque j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je prévoyais, et c’est pour cela que j’ai fui vers Tharsis ; car je savais que vous êtes un Dieu clément, bon, patient, plein de miséricorde, et qui pardonnez aux hommes leurs péchés. Je vous conjure donc, Seigneur, de retirer mon âme de mon corps, parce que la mort vaut mieux pour moi que la vie. » Jon. 4, 2-3. Les Septante : « Ô Seigneur, ne sont-ce pas là les discours que je tenais, quand j’étais encore dans mon pays ? C’est en prévision de cela que je voulais fuir a Tharsis ; car je sais que vous êtes bon et enclin au pardon, patient et plein de miséricorde, et vous repentant des maux dont vous menacez. Et maintenant, Seigneur mon maître, ôtez mon âme de mon corps, parce qu’il vaut mieux pour moi mourir que vivre. » Nous avons rendu par « je vous le demande », et les Septante ont traduit par « ô », le mot hébreu Anna ; c’est une interjection habituelle a celui qui supplie, et elle marque l’intention d’attendrir. Comme sa prière, et il dit que c’est avec juste raison qu’il a voulu fuir, accuse en quelque manière Dieu d’injustice, il tempère ses plaintes en leur donnant la couleur d’une supplique. N’est-ce point la, dit-il, ce que je disais, quand j’étais encore dans mon pays ? Je savais que c’est 14 ce quo vous feriez ; je savais que vous êtes miséricordieux, et je ne voulais pas vous annoncer comme sévère et cruel ; c’est, pour cela que je voulais fuir à Tharsis, vaquer à la contemplation, et, au milieu de la mer de ce monde, jouir du repos et du loisir. Je me suis éloigné de ma maison, j’ai quitté mon héritage, je suis sorti de votre sein, et je suis venu. Si je vous peignais miséricordieux, clément et, pardonnant le mal, nul ne ferait pénitence ; si je vous peignais sévère, et si je n’annonçais que le juge, je savais que c’était contraire à votre nature. Dans cette alternative, fuir que détourner de la pénitence par la douceur, ou vous peindre tel que vous n’êtes pas. Prenez donc, Seigneur, mon âme, parce que la mort vaut mieux pour moi que la vie ; prenez mon âme qui a été triste jusqu’à la mort ; prenez mon âme, je remets mon esprit entre vos mains, Luc. 21, 1, seqq. parce que la mort vaut mieux pour moi que la vie. Vivant, je n’ai pu sauver la seule nation d’Israël ; je mourrai, et le monde sera sauvé. Le sens littéral est évident, et il peut, quant à la personne du Prophète, s’entendre ainsi, comme je t’ai dit souvent, qu’il est attristé et veut mourir, de peur que la conversion de la multitude des nations n’amène la ruine éternelle d’Israël.

« Le Seigneur lui dit : Crois-tu que ta colère soit juste ? » Jon. 4, 4. Les Septante : « Les Septante : « Le Seigneur dit à Jonas : Avez-vous raison de vous affliger si vivement ? » Le mot hébreu Aralac peut se rendre par « êtes-vous irrité ? » ou par « êtes-vous affligé ? » L’une et l’autre interprétation convient, et au Prophète, et à Notre-Seigneur : ou il est irrité, de peur de paraître avoir menti à occasion des Nivites, ou il est attristé, parce qu’il comprend qu’Israël doit périr. Remarquez avec quel tact Dieu ne dit pas : Votre colère ou votre tristesse est injuste, pour ne pas ajouter l’affliction ses reproches ; ou encore : Votre colère ou votre tristesse est juste, pour ne pas contredire lui-même sa sentence. Il interroge celui-là même qui est dans l’irritation et dans la tristesse, afin qu’il expose les motifs de sa colère et de son chagrin, ou, s’il se tait, que son silence prouve la vérité du jugement de Dieu.

« Et Jonas sortit de la ville, et s’assit du côté de l’Orient ; là, il se fit une petite cabane de feuillage, et se reposa à l’ombre, attendant ce qui arriverait à la ville. » Jon. 4, 5. Même traduction dans les Septante : Caïn, fratricide et homicide, consacrant le monde souillé du sang de son frère, éleva le premier une ville et lui donna le nom de son fils Enoch. Gen. 4, 1. seqq. Aussi le prophète Osée dit-il : « Je suis Dieu et je ne suis pas un homme, je suis saint au milieu de vous, et je n’entrerai pas dans la ville ;» Ose. 11, 9 ; car, comme l’enseigne le Psalmiste, les issues de la mort appartiennent au Seigneur. Psa. 67, 1. seqq. C’est pourquoi l’une des villes de refuge des fugitifs est appelée Ramoth, ou vision de la mort. Et vraiment, quiconque est fugitif, et, à cause de ses péchés, indigne d’habiter Jérusalem, est habitant de la ville de la mort, au-delà du cours du Jourdain, qui veut dire descente. La colombe ou l’affligé sort donc d’une telle ville, et se fixe du côté de l’Orient, d’où vient le soleil ; là, il est dans sa tente, où il contemple le cours des temps, dans l’attente de ce qui arrivera à la ville. Avant que Ninive fût sauvée et que le lierre ne devint sec, avant que l’Évangile de Jésus-Christ brillât et que fût accomplie cette prophétie de Zacharie : « Voilà l’homme, et l’Orient est son nom », Zac. 6, 12, Jonas était sous son ombrage. C’est que n’était pas encore venue la vérité, dont l’Apôtre-Évangéliste a dit : « Dieu e st vérité. » 1 Jn. 4, 8. Le texte ajoute élégamment : « Là », près de Ninive, « il se fit une petite cabane de feuillage. » Il la fit pour lui seul, nul des Ninivites ne pouvant, en ce temps-là, habiter avec le Prophète ; et il était assis sous cet ombrage, ou dans l’attitude d’un juge, ou retiré dans sa majesté et les reins ceints dans sa force, afin que tout son vêtement ne tombât pas à ses pieds et vers nous, qui sommes au-dessous, et fussent retenus à lui par une étroite ceinture. Quant à ces mots : « Afin de voir ce qui arriverait à la ville », ils sont conformes à la coutume des Écritures, qui font parler Dieu selon le langage des hommes.

« Et le Seigneur Dieu fit naître un lierre, qui s’éleva sur la tête de Jonas, pour le couvrir de son ombre et le protéger, parce qu’il avait supporté des fatigues ; et Jonas eut une trè8 grande joie de l’ombrage de ce lierre. » Jon. 4, 6. Les Septante : « Le Seigneur Dieu ordonne à la citrouille, et elle s’éleva au-dessus de la tête de Jonas, de manière à former un ombrage au-dessus de lui, et le protéger contre ce qui pouvait l’incommoder ; et Jonas éprouva une grande joie à cause de cette citrouille. » Sur ce passage, une certain Canthérius, de l’antique lignée des Cornélius, ou – comme il s’en vante lui-même, – de la descendance d’Asinius Pollion, m’accusait, dit-on, de sacrilège, naguère à Rome, parce qu’au lieu de citrouille je parle de lierre ; il a craint sans doute, que si, au lieu de citrouilles, naissaient des lierres, il n’eût plus pu boire en secret et dans les ténèbres. De fait, on a coutume de voir dans ces vases, nommés gourdes, les images des Apôtres ; mais il n’entend pas donner à son nom une telle origine. Si les noms changent si facilement, qu’on donne le nom des Emiles, consuls, aux Cornélius, tribuns séditieux, je suis surpris qu’il ne me soit pas permis de dire lierre au lieu de citrouille. Mais, arrivons aux choses sérieuses : Pour concombre ou lierre, le texte hébreu porte Ciceion, et en langue syriaque et punique, ciceia. C’est une sorte de plante ou d’arbuste aux feuilles larges comme le pampre, à l’ombre très-épaisse, se soutenant sur son propre tronc ; elle naît abondamment en Palestine, surtout dans les terrains sablonneux ; il est merveilleux, si l’on jette sa semence en terre, de voir la rapidité avec laquelle elle naît et s’élève en arbre, et à peine l’a-t-on vue en herbe qu’on la retrouve arbuste quelques jours après. Pour moi, au temps ou j’interprétais les Prophètes, je voulais d’abord transcrire le nom hébreu lui-même, la langue latine n’ayant pas de mot pour ce genre d’arbuste ; mais je craignis que les grammairiens, si je leur laissais l’entière liberté du Commentaire, ne vissent là quelque bête de l’Inde, ou quelque montagne de Béotie, ou toute autre monstruosité de cette sorte, et, je suivis les anciens traducteurs, qui ont mis lierre, en grec χισσὁς, n’ayant pas mieux à dire. Recherchons donc le sens historique, et avant d’aborder le sens mystique, discutons la lettre seule. La nature du concombre et du lierre est de ramper sur la terre, et de ne pouvoir s’élever au-dessus qu’au moyen de fourches ou de tuteurs qui les soutiennent. Comment donc, à l’insu du Prophète, une courge s’élevant en une seule nuit, lui eût-elle fourni un ombrage, puisqu’il est contre sa nature de s’élever au-dessus du sol sans le soutien de quelque tuteur, pièce ou roseau ? Quant au cicéion, tout en manifestant un miracle dans sa naissance subite et en montrant la puissance de Dieu dans la protection de son verdoyant ombrage, il suivait néanmoins sa nature. Le texte, pour ne pas abandonner complètement la citrouille, à cause de l’ami de la gourde, peut s’appliquer à la personne du Sauveur, de telle sorte que nous rappelions ce témoignage d’Isaïe : « la fille de Sion demeurera comme une loge de branchages dans une vigne, comme une cabane dans un champ de concombres, et comme une ville livrée au pillage. » Isa. 1, 8. Disons, puisqu’il n’est question nulle part ailleurs de la citrouille dans l’Écriture, qu’où le concombre naît, la aussi d’habitude croît la citrouille. Israël est comparé à cette plante, en ce qu’il cacha autrefois sous son ombre Jonas attendant la conversion des Gentils, et lui fut un sujet de grande joie en lui faisant un ombrage et une tente, plutôt qu’une maison, une cabane ayant l’apparence d’un toit sans avoir les fondements d’une maison. Quant au cicéion, notre plante médicinale, croissant rapidement et devenant promptement sec, if est en tout comparable à Israël, jetant de maigres racines en terre et s’efforçant à la vérité de s’élever, mais ne pouvant égaler la hauteur des cèdres et des sapins de Dieu. C’est là encore, à mon avis, ce que signifient les sauterelles dont se nourrissait Jean, qui a dit comme figure d’Israël : « Il faut qu’il croisse et que je diminue. » Jn. 1, 36 ; – la sauterelle, petit animal aux ailes débiles, qui s’élève au-dessus du sol sans pouvoir voler haut, en sorte qu’elle est plus qu’un reptile et moins qu’un oiseau.

« Mais dès le point du jour du lendemain, le Seigneur envoya un ver qui rongea la racine de la plante, et elle devint toute sèche ; et après le lever du soleil, Dieu fit souffler un vent brillant ; et, les rayons du soleil donnant sur la tête de Jonas, il fut vivement agité et souhaita de mourir, disant encore : Il vaut mieux pour moi mourir que vivre. » Jon. 4, 7, 8. Les Septante : « Mais le lendemain matin, Dieu donna l’ordre A un ver de ronger la racine de la citrouille, et elle devint toute sèche. Dès que le soleil fut levé, le Seigneur fit souffler un vent brillant, et la tête de Jonas étant exposée aux rayons du soleil, il se trouva dans un malaise extrême ; il éprouva le dégoût de la vie, et il dit encore : La mort m’est meilleure que la vie. » Avant le lever du soleil de justice, l’ombrage était verdoyant et Israël ne devenait pas sec ; après qu’il s’est levé, et que sa lumière a dissipé les ténèbres de Ninive, un ver est envoyé dès le point du jour du lendemain, et ce ver, au sujet duquel le psaume vingt-et-un porte ce titre : « Pour l’assomption matinale », et qui, après être sorti de la terre sans aucune semence, a dit : « Je suis un ver et non pas un homme », Psa. 21, 7, frappe l’ombrage, qui, abandonné du secours de Dieu, perd toute sa verdure. Le Seigneur fait souffler ce vent brûlant qu’a prophétisé Osée : « Le Seigneur fera s’élever et venir du désert un vent brûlant, qui séchera les veines d’Ephraïm et tarira sa source ; » Ose. 13, 15 ; et Jonas est dans l’abattement, et il souhaite de nouveau de mourir dans le baptême avec Israël, afin que celui-ci recouvre dans le bain du salut la sève qu’il a perdue dans l’incrédulité. Aussi Pierre tient-il ce langage aux Juifs desséchés : « Faites pénitence, que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevez le don de l’Esprit saint. » Act. 2, 38. Certains commentateurs, dans lever et le vent brûlant, veulent voir les généraux romains qui, après la résurrection de Jésus-Christ, détruisirent Israël de fond en comble.

 Alors le Seigneur dit à Jonas : Croyez-vous avoir raison de vouS irriter à cause du lierre ? Jonas lui répondit : J’ai raison de m’irriter jusqu’à mourir. » Jon. 4, 9, seqq. Les Septante : « Le Seigneur Dieu dit à Jonas : Êtes-vous grandement attristé au sujet de cette citrouille ? Jonas dit : J’en suis triste jusqu’à la mort. » Le Prophète, interrogé de même sur les Ninivites faisant pénitence et sur le salut de la ville des Gentils : « Pensez-vous avoir raison de vous irriter ? » n’avait rien répondu, pour marquer par son silence qu’il approuvait la décision divine ; sachant que Dieu est clément, bon, patient, plein de miséricorde et de pardon pour les fautes des hommes, il ne s’attristait pas du salut des nations ; mais ici, après que la ci-, trouille Israël est devenue sèche, à cette question distincte : « Pensez-vous avoir raison de vous irriter au sujet de ce lierre ? » il répond avec assurance : « C’est avec raison que je, m’irrite » ou « que je suis triste jusqu’à mourir ; » car je n’ai pas voulu sauver les uns pour que les autres périssent, et pour me faire un gain des étrangers, perdre les miens. Et vraiment jusqu’à ce jour Jésus-Christ a pleuré sur Israël ; il pleure sur Jérusalem jusqu’à la mort, non point la sienne, mais celle des Juifs, afin qu’ils meurent comme incrédules, et qu’ils ressuscitent comme confesseurs du Fils de Dieu.

« Le Seigneur lui dit : Vous vous affligez au sujet d’une plante qui est venue sans vous, qui s’est accrue en une nuit et qui est morte le lendemain ; et moi je n’épargnerais pas la grande ville de Ninive, où il y a plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer la droite de la gauche, et une multitude d’animaux ? » Jon. 4, 10-11. Les Septante : « Le Seigneur lui dit alors : Vous êtes plein de pitié pour cette citrouille, qui est venue sans vous, que vous n’avez point nourrie, qui est née en une nuit et a péri après une nuit ; et moi je ne ferais pas miséricorde à la grande ville de Ninive, où demeurent plus de douze myriades d’hommes qui ne savent pas discerner la droite de la gauche, et de nombreuses brebis ? » Il est de la dernière difficulté d’expliquer comment, selon le sens mystique, il est dit au Fils : « Vous vous affligez sur ce lierre, qui est venu sans vous et que vous n’avez point fait croire, alors que toutes choses ont été faites par lui et que rien n’a été fait sans lui. Jn. 1, 3. Aussi s’est-il trouvé un interprète de ce passage qui, pour résoudre cette question pendante, est tombé dans un blasphème. S’emparant de cette parole de l’Évangile : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? il n’y a de bon que Dieu seul », Mrc. 10, 18, il a l’apporté la bonté infinie au Père, plaçant le Fils à un degré inférieur en comparaison du Père parfaitement et vraiment bon. Ce disant à son insu, il est tombé dans l’hérésie de Marcion, qui veut qu’il y ait un, Dieu exclusivement bon, et un autre juge et créateur, plutôt que dans celle d’Arius, qui, tout en proclamant le Père plus grand que le Fils, ne nie pas cependant le Fils comme créateur. On doit donc montrer de l’indulgence pour ce que je vais dire, et mes efforts doivent rencontrer la bienveillance et le secours de prières, plutôt que le dédain et des oreilles rebelles ; critiquer et médire, les ignorants mêmes le peuvent, tandis qu’il est des hommes de science qui ont connu les sueurs du travail, ou de tendre la main à ceux qui sont las, ou de montrer le chemin aux égarés. Notre-Seigneur et Sauveur n’a pas travaillé pour Israël comme pour le peuple des Gentils. Israël dit avec assurance : « Voilà que, depuis tant d’années que je vous sers, je n’ai jamais transgressé vos ordres, et vous ne m’avez jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis ; mais, dès que votre fils, qui a consumé tout son héritage avec des courtisanes, est venu, vous avez fait tuer le veau gras pour lui ; Luc. 15, 29-30, et cependant ce père, au lieu de le repousser, lui dit avec bonté : « Mon fils, vous êtes toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à vous ; mais il fallait un festin et vous deviez vous réjouir, parce que votre frère étant mort, il est ressuscité, et qu’étant perdu, il est retrouvé. » Ibid. 31, 32. C’est pour le peuple des Gentils qu’a été immolé le veau gras, et qu’a été répandu ce précieux sang, au sujet duquel Paul discute à fond dans son épître aux Hébreux. Heb. 10, 1. seqq. À son tour, David a dit dans le psaume : « Le frère ne rachète point son frère ; l’homme étranger le rachètera. » Psa. 48, 8. Jésus-Christ a décidé que le peuple des Gentils croîtrait, et il est mort afin que le peuple des Gentils vécût ; il est descendu aux enfers, pour que ce peuple montât aux cieux. Pour Israël, rien de tout cela n’a été fait. Aussi porte-t-il envie à son plus jeune frère, parce que celui-ci, après avoir consumé tout son bien avec les courtisanes et les débauchés, reçoit l’anneau et la tunique neuve, et recouvre sa dignité d’autrefois. Les mots « qui est née en une nuit », signifient le temps antérieur à la venue de Jésus-Christ, qui a été la lumière du monde, — temps dont il est dit : « La nuit est déjà avancée et le jour s’approche. » Rom. 13, 12, Et les Juifs périrent en une seule nuit, lorsque le soleil de justice se coucha pour eux et qu’ils perdirent la parole de Dieu. Quant a la ville de Ninive, grande et toute belle, elle est la figure de l’Église, où il y a un nombre d’habitants plus grand que les douze tribus. C’est ce que signifient aussi les fragments des douze corbeilles dans le désert. Mrc. 5, 1. Ces habitants ne savent pas discerner la droite de la gauche, soit à cause de leur innocence et de leur simplicité, pour mettre en évidence l’âge de l’enfance, laissant à comprendre combien grand doit être le nombre des hommes, quand celui des enfants cat si considérable ; soit parce que, la ville étant grande, et une grande maison contenant, non-seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi des vases de bois et d’argile, 2Ti. 2, 20, il y avait en elle un grand nombre d’habitants qui ne savait pas, avant avoir fait pénitence, discerner le bien du mal, la droite de la gauche. « Et une multitude d’animaux ; » et, en effet, ils sont nombreux dans Ninive les hommes insensés, qui sont comparés aux bêtes sans raison et qui leur sont devenus semblables.