Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.23

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CHAPITRE XXIII.

FORMATION DES INVARIANTS.


Emploi du dernier multiplicateur.

254.Il y a d’abord un invariant intégral qui se forme très aisément quand on connaît le dernier multiplicateur des équations différentielles.

Soient

(1)

nos équations différentielles.

Supposons qu’il existe une fonction de et telle que l’on ait identiquement

Cette fonction est ce que l’on appelle le dernier multiplicateur.

Je dis alors que l’intégrale d’ordre

est un invariant intégral. Supposons, en effet, que l’on ait intégré les équations (1), en exprimant en fonctions de et de constantes d’intégration

l’intégrale deviendra

étant le jacobien ou déterminant fonctionnel des par rapport aux on aura alors

Or

D’autre part,

Je n’écris que la première ligne de ce déterminant ; les autres s’en déduiraient en changeant en

Donc devra être le jacobien des

par rapport aux ce sera le produit du jacobien des par rapport aux c’est-à-dire de par le jacobien des par rapport aux que j’appellerai j’écris

Or, le jacobien est facile à former ; les éléments de la diagonale principale sont finis, celui qui appartient à la ième ligne et à la ième colonne s’écrit

Les autres éléments sont infiniment petits ; celui qui appartient à la ième ligne et à la ième colonne s’écrit

Il résulte de là qu’en négligeant les termes de l’ordre de on aura

d’où

On en conclut

d’où enfin

C. Q. F. D.

Équations de la Dynamique.

255.Dans le cas des équations de la Dynamique, il est aisé de former un grand nombre d’invariants intégraux. Nous avons appris, en effet, aux nos 56 et suivants, à former un certain nombre d’intégrales de l’équation aux variations et nous avons appris dans le Chapitre précédent comment on peut en déduire des invariants intégraux.

Une première intégrale (équation (3), t. 1, p. 167) est la suivante

L’invariant intégral qu’on en déduit est le suivant

Il est du deuxième ordre et fort important pour ce qui va suivre. Un peu plus loin (toujours p. 167, t. I), j’obtiens une seconde intégrale que j’écris

L’invariant intégral que j’en déduis est du quatrième ordre et s’écrit

La sommation indiquée par le signe s’étend aux combinaisons des indices et

De même, l’intégrale

où la sommation s’étend aux combinaisons des trois indices et sera encore un invariant, et ainsi de suite.

Nous obtenons ainsi invariants intégraux si nous avons paires de variables conjuguées ; l’un de ces invariants sera du second ordre, l’autre du quatrième, l’autre du sixième, …, et le dernier d’ordre

Mais il ne faudrait pas croire que ces invariants sont tous distincts. À la fin du no 247, j’ai dit, en effet, qu’on peut toujours, d’un invariant du deuxième ordre, en déduire un du quatrième ordre, un du sixième et ainsi de suite. Les invariants que je viens de définir ne sont autre chose que ceux que l’on peut déduire ainsi du premier d’entre eux.

Ces invariants peuvent se rattacher à un autre ordre de considérations ; au commencement de la page 169, tome 1, j’ai montré comment on pouvait déduire le théorème de Poisson de l’intégrale (3) de la page 167, ou, ce qui revient au même, de l’invariant intégral

En opérant de même sur l’invariant on trouverait un théorème analogue à celui de Poisson.

Soient

quatre intégrales des équations de la Dynamique.

Soit

le jacobien de ces quatre intégrales par rapport à

L’expression

où la sommation s’étend à toutes les combinaisons des indices sera encore une intégrale.

On arriverait à un théorème analogue en partant de l’un quelconque des invariants

Mais, d’après la remarque que je viens de faire à l’instant, tous ces théorèmes ne sont pas réellement distincts de celui de Poisson.

Cependant, parmi tous ces invariants, il y en a un auquel il convient d’attacher une grande importance, c’est le dernier d’entre eux

On aurait pu l’obtenir par le procédé du numéro précédent ; on sait, en effet, que les équations de la Dynamique admettent pour dernier multiplicateur l’unité.

256.Je suppose, maintenant, que les désignent les coordonnées rectangulaires de points dans l’espace, et je reprends les notations de la page 169 du Tome 1.

Nous avons trouvé, page 170, l’intégrale suivante des équations aux variations

L’invariant intégral correspondant s’écrit

De même, à l’intégrale

correspond l’invariant

à l’intégrale

correspond l’invariant

Mais tous ces invariants ne présentent pas grand intérêt puisqu’on peut les déduire immédiatement des intégrales des forces vives, du centre de gravité et des aires.

Il n’en est pas de même du suivant qui existe lorsque la fonction est homogène par rapport aux

Nous avons vu, au no 56, que si est homogène de degré les équations aux variations admettent pour intégrale

ou, en supprimant les indices,

Plus généralement, si est homogène d’ordre on obtiendrait, par le même procédé, l’intégrale suivante

d’où l’invariant intégral

invariant qui est d’une nature toute particulière puisqu’il dépend du temps.

La seconde intégrale peut s’écrire

c’est donc une intégrale de différentielle exacte ; et il est aisé de voir que

n’est autre chose que la constante des forces vives que j’appellerai

L’invariant est du premier ordre ; c’est donc une intégrale prise le long d’un arc de courbe quelconque. Soient donc et les valeurs de la constante des forces vives aux deux extrémités de cet arc.

Cet arc n’est autre chose que la figure que nous appelions dans le Chapitre précédent ; quand cette figure se déforme pour devenir comme je l’ai expliqué au Chapitre précédent, et ne varieront pas.

Il résulte de cela que nous aurons

L’intégrale

n’est donc pas constante quand la figure (qui se réduit ici à un arc de courbe) se déforme ; mais ses variations sont proportionnelles au temps.

L’intégrale est constante, si les deux extrémités de l’arc correspondent à une même valeur de la constante des forces vives.

Elle l’est encore, en particulier, si l’arc de courbe est fermé. Cette intégrale est donc ce que j’ai appelé, dans le Chapitre précédent, un invariant relatif.

Mais, si l’on suppose l’arc de courbe fermé, on peut ajouter sous le signe une différentielle exacte quelconque sans changer la valeur de l’intégrale ; ajouter, par exemple,

avec un coefficient constant quelconque.

Ainsi les intégrales

sont aussi des invariants relatifs.

Nous avons vu, au no 238, que d’un invariant relatif du premier ordre on peut toujours déduire un invariant absolu du second ordre. L’invariant du second ordre que l’on obtient ainsi n’est autre chose que

que nous avons étudié plus haut.

Il est un cas où l’expression

qui figure sous le signe devient une différentielle exacte. C’est celui où ce qui arriverait si l’attraction, au lieu de suivre la loi de Newton, s’exerçait en raison inverse du cube de la distance. Alors

est donc un polynôme du premier degré par rapport au temps, et comme

l’expression est un polynôme du second degré par rapport au temps.

C’est le résultat auquel est parvenu Jacobi au début de ses Vorlesungen.

Mais, en général,

n’est pas une différentielle exacte.

Dans le cas particulier de l’attraction newtonienne, notre invariant prend la forme

Les invariants intégraux et les exposants caractéristiques.

257.On peut se demander s’il existe d’autres invariants intégraux algébriques que ceux que nous venons de former.

On pourrait appliquer, soit la méthode de Bruns, soit celle dont j’ai fait usage aux Chapitres IV et V ; en effet, les invariants intégraux correspondent, comme nous l’avons vu, aux intégrales des équations aux variations et l’on pourrait appliquer à ces équations les mêmes procédés qu’aux équations du mouvement elles-mêmes.

Mais il vaut peut-être mieux modifier ces procédés, au moins dans la forme.

Soit un système quelconque d’équations différentielles

(1)

et leurs équations aux variations

(2)

Cherchons d’abord les invariants intégraux du premier ordre de la forme

(3)

où l’expression sous le signe est linéaire par rapport aux différentielles et où les sont fonctions algébriques des

Ces invariants correspondent aux intégrales linéaires des équations (2).

Quelles sont donc les conditions pour que les équations (2) admettent des intégrales linéaires par rapport aux et algébriques par rapport aux  ?

Supposons que l’on donne aux des valeurs qui correspondent à une solution périodique de période Alors les coefficients des équations (2) seront des fonctions connues de qui seront périodiques et de période et l’on en tirera la solution générale des équations (2) sous la forme suivante

(4)

les étant des fonctions périodiques de les seront les exposants caractéristiques et les des constantes d’intégration.

Nous pourrons ensuite résoudre les équations linéaires (4) par rapport aux inconnues et nous trouverons

(5)

les étant des fonctions périodiques de

Il y aura donc, entre les relations de la forme (5) et il n’y en aura d’ailleurs pas d’autres.

Si les équations (1) et (2) admettent intégrales distinctes linéaires par rapport aux et algébriques par rapport aux il pourra se faire que quelques-unes de ces intégrales cessent d’être distinctes quand on y remplace les par les valeurs qui correspondent à une des solutions périodiques des équations (1).

Comment cela pourra-t-il se faire ?

Soient

ces intégrales linéaires, où les seront des fonctions algébriques des et qui correspondront à invariants intégraux de la forme (3).

Elles sont distinctes, c’est-à-dire qu’il n’y a pas entre elles de relations identiques de la forme

(6)

où les coefficients sont des constantes et qu’il n’y en a pas non plus de la forme

(6 bis)

les étant des intégrales des équations (1).

Est-il possible alors qu’il y ait entre elles une relation de la forme

(6 ter)

les étant fonctions quelconques des seulement. D’après le no 250, si une pareille relation avait lieu, les rapports des fonctions devraient être des intégrales des équations (1).

Nous aurions donc

les étant des intégrales et par conséquent

ce qui est contraire à l’hypothèse.

Il ne peut donc pas y avoir entre les de relation identique de la forme (6 ter).

Mais si l’on donnait aux les valeurs qui correspondent à une solution particulière périodique ou non, il pourrait arriver que le premier membre de (6) s’annulât identiquement. Il arriverait alors que l’équation (6), qui n’est pas satisfaite identiquement quels que soient les le serait quand on remplacerait les par des fonctions convenablement choisies de , à savoir par celles de ces fonctions qui correspondent à une solution particulière.

J’appellerai singulière toute solution particulière pour laquelle cette circonstance se produira.

Cela posé, deux cas peuvent se présenter.

Ou bien les solutions périodiques des équations (1) sont toutes singulières.

Ou bien elles ne sont pas toutes singulières.

258.Considérons une solution singulière

Soit

d’où

Comme la relation (6) n’est pas identiquement vérifiée on n’a pas identiquement

(7)

mais comme la relation (6) doit être vérifiée par la solution ces relations (7) (qui d’après nos hypothèses sont algébriques) devront être satisfaites pour les valeurs des qui correspondent à la solution

Soit maintenant

puis

La solution devra évidemment satisfaire aux relations

(7 bis)

puis aux relations

(7 ter)

et ainsi de suite.

Nous formerons donc successivement les relations (7), (7 bis), (7 ter), etc. et nous nous arrêterons quand nous serons arrivés à un système de relations qui ne seront que des conséquences de celles qui auront été précédemment formées.

Les relations (7), (7 bis), (7 ter), etc. seront algébriques d’après nos hypothèses, et leur ensemble formera ce que j’ai appelé au no 19 un système de relations invariantes.

Si donc un système d’équations différentielles admet une solution périodique singulière, il admettra un système de relations invariantes algébriques.

Il est probable que le problème des trois corps n’admet pas de relations invariantes algébriques autres que celles qui sont déjà connues. Je ne suis pas toutefois encore en mesure de le démontrer.

Cela posé, supposons que nous ayons plusieurs solutions singulières ; pour chacune d’entre elles on devra avoir

(8)

Seulement les constantes pourront ne pas être les mêmes pour deux solutions singulières différentes. Il n’est donc pas évident que ces deux solutions singulières devront satisfaire à un même système de relations invariantes. C’est cependant ce qui arrive ainsi que nous allons le démontrer.

Supposons, pour fixer les idées, la suite des raisonnements serait la même dans le cas de Considérons les relations

(17)

Formons le Tableau T des coefficients tous les déterminants formés à l’aide de quatre colonnes de ce Tableau devront être nuls.

S’ils ne le sont pas identiquement, nous trouverons ainsi une ou plusieurs relations auxquelles devront satisfaire toutes les solutions singulières, où entreront seulement les et où n’entreront pas les indéterminées

S’ils le sont Identiquement, considérons trois des relations (17), nous en déduirons

les étant des mineurs du premier ordre du Tableau T.

On aura donc

(18)

Cette relation (18) devra être identique, car le coefficient de est un des déterminants du Tableau T que je suppose identiquement nuls.

Nous aurions donc là une relation de la forme (6 ter), ce qui est contraire à notre hypothèse, à moins que l’on n’admette que tous les ne soient identiquement nuls.

Si tous les mineurs du premier ordre du Tableau T sont identiquement nuls, formons les mineurs du second ordre.

Soient trois de ces mineurs obtenus en prenant dans le Tableau trois colonnes quelconques et en y supprimant les lignes 1 et 4 pour 2 et 4 pour 3 et 4 pour

Il viendra

(19)

Cette relation doit même être identique ; car le coefficient de dans le premier membre est un des mineurs du premier ordre de T que je suppose tous identiquement nuls.

Ce serait donc encore une relation de la forme (6 ter), à moins que l’on ne suppose que tous les mineurs du second ordre ne soient identiquement nuls.

S’il en est ainsi, il viendra identiquement

ce qui est encore une relation de la forme (6 ter).

Il ne peut donc arriver que tous les déterminants du Tableau T s’annulent identiquement. Nous aurons donc au moins une relation (et, par conséquent, un système de relations invariantes), à laquelle toutes les solutions singulières des équations (1) devront satisfaire.

On pourrait conclure immédiatement que toutes les solutions des équations (1) ne peuvent être singulières.

Mais ce n’est pas tout ; nous pouvons élargir notre définition des solutions singulières.

Nous venons de définir les solutions singulières par rapport à intégrales des équations (2) linéaires par rapport aux et correspondant à invariants (linéaires et du premier ordre) des équations (1).

Nous pourrions définir absolument de la même manière les solutions singulières par rapport à intégrales quelconques

des équations (2) et des équations (2 bis) obtenues en remplaçant les par les

Ces intégrales devront être homogènes et de même ordre, tant par rapport aux que par rapport aux ce seront des polynômes entiers par rapport à ces variables ; mais elles ne seront pas forcément linéaires par rapport aux elles pourront donc correspondre à des invariants intégraux d’ordre supérieur, ou à des invariants intégraux du premier ordre, mais non linéaires.

De plus, ces intégrales devront être distinctes, c’est-à-dire qu’elles ne devront pas satisfaire identiquement à une relation de la forme (6), (6 bis) ou (6 ter).

Je dirai alors qu’une solution particulière S est singulière si, pour les valeurs de qui correspondent à cette solution, une relation (6) est satisfaite.

Nous aurons alors

étant un monôme formé par le produit d’un certain nombre de facteurs élevés à une puissance convenable, et les étant des fonctions algébriques des

Nous poserons d’ailleurs, comme plus haut,

et nous n’aurons rien à changer aux raisonnements qui précèdent. Nous arriverons à la même conclusion.

Toutes les solutions singulières par rapport aux intégrales satisfont à un même système de relations invariantes algébriques.

Ces résultats sont encore vrais si l’on envisage des intégrales de la forme suivante

La définition des solutions singulières, par rapport à ces intégrales, sera encore la même et ces solutions singulières satisferont à un même système de relations invariantes algébriques.

On n’aurait qu’à répéter la démonstration qui précède sans y rien changer. Seulement, les coefficients des quantités qui joueraient dans cette démonstration le même rôle que les pourraient être soit des soit des produits de et de soit des produits de la forme

259.Je ne veux pas entrer ici dans le détail des raisons qui me font regarder comme vraisemblable que, dans le cas du problème des trois corps, toutes les solutions périodiques ne peuvent pas être singulières.

Cela m’entraînerait beaucoup trop loin démon sujet ; j’y reviendrai plus tard ; mais en attendant, je vais provisoirement admettre cette proposition en faisant seulement observer combien il est peu probable que toutes les solutions périodiques du problème des trois corps satisfassent à un système de relations invariantes, ce qui serait nécessaire d’après le numéro précédent pour qu’elles pussent être singulières. Reprenons les notations et le numérotage d’équations du no 257.

Si les équations (1) et (2) admettent intégrales distinctes linéaires par rapport aux et algébriques par rapport aux ces intégrales ne cesseront pas d’être distinctes quand on y remplacera les par les valeurs qui correspondent à une solution périodique non singulière.

En écrivant que ces intégrales sont des constantes, et remplaçant dans les équations ainsi obtenues les par les valeurs correspondant à une solution périodique, on obtiendra équations de la forme (5), mais où l’exposant sera nul. Ces équations devront donc figurer parmi les équations (5). Donc pour que les équations (1) admettent q invariants intégraux distincts linéaires par rapport aux il faut que, pour toute solution périodique non singulière, des exposants caractéristiques soient nuls.

Cherchons maintenant les invariants intégraux de la forme

(7)

Ces invariants correspondront aux intégrales des équations (1) et (2) qui sont quadratiques par rapport aux À l’invariant (7), correspondra, en effet, l’intégrale

qui devra être quadratique par rapport aux et algébrique par rapport aux Remplaçons dans cette équation les par les valeurs qui correspondent à une solution périodique non singulière ; il viendra

(8)

est un polynôme quadratique homogène par rapport aux dont les coefficients sont des fonctions périodiques de

Toutes les équations de la forme (8) doivent pouvoir se déduire des équations (5) et cela de la manière suivante :

Dans le cas d’un problème de Dynamique et, en particulier, dans le cas du problème des trois corps, nous avons vu que les exposants caractéristiques sont deux à deux égaux et de signe contraire. Nous pouvons donc grouper les équations (5) par couples ; soient

(5 bis)
(5 ter)

En multipliant l’une par l’autre les équations (5 bis) et (5 ter), on obtiendra une équation de la forme (8), et toutes les équations de la forme (8) devront être des combinaisons linéaires des équations ainsi obtenues.

Si donc on suppose que les équations (1) ont la forme canonique des équations de la Dynamique et qu’elles contiennent couples de variables conjuguées, nous aurons couples d’équations analogues à (5 bis) et (5 ter) et, par conséquent, pour chaque solution périodique, il y aura équations de la forme (8) linéairement indépendantes.

Parmi ces équations et parmi leurs combinaisons linéaires, choisissons-en une ; soit opérons de même pour toutes les autres solutions périodiques ; nous aurons alors un certain polynôme homogène et du deuxième degré par rapport aux et dont les coefficients seront des fonctions des définies seulement pour les valeurs de qui correspondent à une solution périodique.

Il reste à savoir si le choix peut être fait de telle façon que les coefficients de soient des fonctions algébriques des ou même des fonctions continues des Je pose le problème sans chercher pour le moment à le résoudre.

Cherchons maintenant les invariants du deuxième ordre, c’est-à-dire ceux qui ont la forme d’une intégrale double

est une fonction linéaire des produits (les coefficients de cette fonction linéaire étant bien entendu des fonctions des ). Ces invariants du second ordre auront la signification suivante :

Reprenons les équations (1) et (2) (nous conserverons toujours le numérotage du no 257) et formons en outre les équations

(2 a)

Elles nous conduiront à des équations analogues à (5) et que j’écrirai

(5 a)

Elles ne différeront d’ailleurs des équations (5) que parce que les lettres y sont accentuées.

Les invariants du second ordre correspondront alors, d’après le Chapitre précédent, à celles des intégrales de (1), (2) et (2 a) qui sont linéaires par rapport aux déterminants

et algébriques par rapport aux

Soit

une de ces intégrales ; si l’on y remplace les par les valeurs qui correspondent à une solution périodique, on obtiendra une équation de la forme

(9)

sera une fonction linéaire par rapport aux déterminants

et dont les coefficients seront des fonctions périodiques de

Voici maintenant comment on pourra former toutes les relations de la forme (9) relatives à une solution périodique donnée.

Dans le cas des équations de la Dynamique, les équations (5 a) se répartissent en couples comme les équations (5) ; soit

(5 a bis)
(5 a ter)

un de ces couples ; multiplions (5 a bis) par (5 ter), (5 a ter) par (5 bis) et retranchons ; nous obtiendrons une équation de la forme (9). Chaque couple d’équations nous en donnera une, et toutes les autres équations de la forme (9) ne seront que des combinaisons linéaires de celles qu’on peut ainsi former.

Parmi toutes les équations de la forme (9) ainsi obtenues, choisissons-en une ; opérons de même pour toutes les autres solutions périodiques ; nous aurons alors une relation

dont le premier membre sera une fonction linéaire des déterminants ; les coefficients de cette fonction linéaire seront des fonctions des définies seulement pour les valeurs des qui correspondent à une solution périodique.

Il reste à savoir si le choix peut être fait de façon que ces coefficients soient des fonctions algébriques ou même des fonctions continues des

Revenons maintenant aux invariants du premier ordre linéaires. D’après le no 29, la forme des équations (4) et par conséquent celle des équations (5) se trouve modifiée quand deux ou plusieurs des exposants caractéristiques deviennent égaux.

Si, par exemple, neuf de ces exposants sont égaux à zéro, on pourra écrire les équations (5) correspondantes sous la forme

(10)

désignant un polynôme entier par rapport à ayant pour coefficients des constantes.

Ces polynômes sont de degré au plus ; et, pour préciser davantage, ces polynômes sont au nombre de le premier se réduit à une constante, le second est de degré un au plus, le troisième de degré deux au plus, et ainsi de suite, et enfin, le dernier de degré au plus.

Dans le cas où le degré de ce dernier polynôme atteint son maximum et est égal à l’avant-dernier polynôme est la dérivée du dernier, le e la dérivée du e et ainsi de suite.

Dans tous les cas, on peut répartir les polynômes en plusieurs groupes ; dans chaque groupe, le premier polynôme se réduit à une constante et chacun d’eux est la dérivée du suivant.

Pour qu’il existe invariants intégraux linéaires, il ne suffit donc pas que des exposants caractéristiques soient nuls ; il faut encore que des polynômes Ph se réduisent à des constantes (ou, ce qui revient au même, que ces polynômes se répartissent au moins en groupes).

Quelle est alors, au point de vue qui nous occupe, la signification des équations (10) où ne se réduit pas à une constante ?

Nous avons au no 216 défini un invariant intégral dont le rôle est très important. Cet invariant est de la forme

et étant des fonctions algébriques par rapport aux et linéaires par rapport aux différentielles

Un pareil invariant correspond à une intégrale des équations (2) de la forme suivante

et sont des fonctions algébriques par rapport aux et linéaires par rapport aux

Si dans cette intégrale, je remplace les par les valeurs qui correspondent à une solution périodique, il viendra

(11)

et sont des fonctions linéaires par rapport aux dont les coefficients sont des fonctions périodiques de

Voici maintenant comment on peut obtenir toutes les relations de la forme (11) en partant des équations (10).

Considérons deux polynômes le premier se réduisant à une constante, et le second étant du premier degré, le premier étant la dérivée du second. Les équations (10) correspondantes s’écriront

(10 bis)
(10 ter)

les et les étant périodiques en on en déduit

ce qui est une relation de la forme (11).

Remarquons encore que l’équation (10 bis), élevée au carré, nous fournit une relation de la forme (8) et que des équations (10 bis) et (10 ter) on peut déduire une relation de la forme (9), à savoir

260.Appliquons ce qui précède au Problème des trois Corps, et cherchons quel peut être pour ce Problème le nombre maximum des invariants intégraux des diverses sortes étudiées dans le numéro précédent ; à savoir :

Première sorte : invariants linéaires par rapport aux différentielles

Deuxième sorte : invariants où la fonction sous le signe est la racine carrée d’un polynôme du second degré par rapport aux différentielles des

Troisième sorte : invariants du second ordre, linéaires par rapport aux produits de différentielles

Quatrième sorte : invariants de la forme considérée à la fin du numéro précédent, c’est-à-dire de la forme

Ces diverses sortes d’invariants correspondent aux diverses sortes d’intégrales des équations (2) et (2 a), à savoir :

Première sorte : intégrales linéaires par rapport aux

Deuxième sorte : intégrales quadratiques par rapport aux

Troisième sorte : intégrales linéaires par rapport aux déterminants

Quatrième sorte : intégrales de la forme

et étant linéaires par rapport aux ξ.

Nous pouvons regarder comme extrêmement vraisemblable que toutes les solutions périodiques du Problème des trois Corps ne sont pas singulières.

Dans le Problème des trois Corps, Je nombre des degrés de liberté est six ; le nombre des exposants caractéristiques est douze ; d’après ce que nous avons vu au no 78, il y en a six et six seulement qui s’annulent ; les six autres sont deux à deux égaux et de signe contraire. Il y a donc six équations de la forme (10) et six polynômes dont quatre de degré zéro et deux de degré un. Ou bien encore il y a trois couples d’équations de la forme (5 bis), (5 ter), quatre équations de la forme (10 bis), deux équations de la forme (10 ter).

Voyons donc combien il y aura au plus d’invariants de chaque sorte indépendants.

Je précise ce que j’entends par là ; je ne regarderai pas comme indépendants invariants de la première sorte

ou invariants de la seconde sorte

ou invariants de la troisième sorte

ou invariants de la quatrième sorte

quand il y aura entre une relation identique de la forme

étant des intégrales des équations (1).

Il est clair d’abord qu’il ne pourra pas y avoir plus de quatre invariants de la première sorte, autant que d’équations (10 bis). Ces quatre invariants sont déjà connus.

Il ne pourra pas y avoir plus de treize invariants de la seconde sorte, dont trois proviendraient des trois couples d’équations de la forme (5 bis), (5 ter) et les dix autres s’obtiendraient à l’aide des carrés des quatre équations (10 bis) et de leurs produits deux à deux. Ces dix derniers existent réellement ; mais ils ne sont pas indépendants des quatre invariants de la première sorte puisqu’on peut les en déduire par le procédé du no 245. Il pourrait donc y a voir trois invariants nouveaux.

Il ne pourra pas y avoir plus de onze invariants de la troisième sorte dont trois proviendraient des trois couples d’équations de la forme (5 bis) (5 ter) ; six s’obtiendraient en combinant deux à deux les quatre équations (10 bis) ; deux en combinant les deux équations (10 ter) avec l’équation (10 bis) correspondante.

Sept de ces invariants sont connus ; l’un est l’invariant  du no 255, les six autres sont ceux qu’on déduit des quatre équations (10 bis), mais ils ne peuvent pas être regardés comme indépendants des quatre invariants de la première sorte puisqu’on peut les en déduire par le procédé du no 247.

Il pourrait donc y avoir quatre invariants nouveaux de la troisième sorte.

Enfin il ne peut pas y avoir plus de deux invariants de la quatrième sorte, autant que d’équations (10 ter).

L’un de ces invariants est connu, c’est celui du no 256 ; il pourrait encore y avoir un invariant nouveau.

Il est probable que ces invariants nouveaux, dont la discussion précédente n’exclut pas la possibilité, n’existent pas ; mais pour le démontrer, il faudrait recourir à d’autres procédés, par exemple à des procédés analogues à la méthode de Bruns.

Emploi des variables képlériennes.

261.L’invariant de la quatrième sorte du no 256 peut encore être mis sous une autre forme.

Soit un système quelconque d’équations canoniques

(1)

Considérons l’intégrale suivante prise le long d’un arc de courbe quelconque

Supposons que l’on écrive les équations de l’arc de courbe le long duquel on intègre en exprimant les et les en fonction d’un paramètre et que les valeurs de ce paramètre qui correspondent aux extrémités de l’arc soient et L’intégrale sera égale à

Supposons que nous considérions notre arc de courbe comme la figure du Chapitre précédent qui varie avec le temps et se réduit à pour

Alors les les et les fonctions des et des telles que seront des fonctions de et de

Il viendra

ou

en intégrant par parties

Or
donc
(2)

Si nous supposons que soit homogène de degré par rapport aux il viendra

Soit alors la constante des forces vives de telle sorte que l’équation des forces vives s’écrive

Soient et les valeurs de cette constante qui correspondent à et à il viendra

(3)

Donc n’est pas un invariant proprement dit ; mais sa dérivée, par rapport au temps, est constante et, pour nous servir de l’expression définie au numéro précédent, c’est un invariant de la quatrième sorte.

262.Supposons, maintenant que présente une autre sorte d’homogénéité.

Partageons les couples de variables conjuguées en deux classes, et désignons, par les couples de variables conjuguées de la première classe, par les couples de variables conjuguées de la seconde classe.

Je suppose que soit homogène d’ordre par rapport aux aux et aux de telle sorte que l’on ait

Posons alors

ou
d’où
ou

ou, en intégrant par parties,

ou

ou enfin

ce qui montre que est encore un invariant de la quatrième sorte.

263.Appliquons ce qui précède au problème des trois corps et voyons ce que devient l’invariant du no 256 avec les diverses variables choisies.

Au no 11, nous avons pris comme variables

est homogène de degré −2 par rapport aux variables de la première série : donc

sera un invariant.

La même homogénéité subsiste si l’on prend pour variables, comme au no 12,

Donc

sera un invariant.

Si l’on prend comme variables (voir no 12)

la fonction sera homogène de degré −2 par rapport aux aux aux aux et aux

Il en résulte que

est un invariant.

Le signe signifie qu’on doit ajouter à chaque terme celui qu’on en déduit en accentuant les lettres. Ainsi

Si enfin, nous prenons les variables des nos 131 et 137

nous verrons de même que

sera un invariant de la quatrième sorte.

Remarque sur l’invariant du no 256.

264.Au no 256, nous avons envisagé le cas où les désignent les coordonnées de points de l’espace et où les équations de la Dynamique prennent la forme

étant homogène de degré par rapport aux

Nous avons vu que dans ce cas

est un invariant de la quatrième sorte.

Deux cas particuliers méritent quelque attention. Supposons

il vient alors

et est un invariant de la première sorte.

C’est ce qui arrive en particulier quand on suppose plusieurs points matériels s’attirant en raison directe de la distance. La vérification est alors fort aisée.

On a, en effet, dans ce cas,

et

étant une constante absolue pendant que et sont des constantes d’intégration qui sont d’ailleurs différentes pour les différents couples de variables conjuguées. Il vient alors

d’où

ce qui montre que

est bien un invariant puisque le temps en a disparu et que les constantes d’intégration et leurs différentielles y figurent seules.

Soit maintenant c’est un cas qui est réalisé en particulier quand plusieurs points matériels s’attirent en raison inverse du cube des distances.

L’invariant devient alors

Mais la quantité sous le signe est la différentielle exacte de l’expression

de sorte que si l’on désigne par et les valeurs de correspondant aux deux extrémités de l’arc d’intégration, il viendra

Si nous supposons en particulier que l’une des extrémités de l’arc d’intégration corresponde à une situation particulière du système où les points matériels sont en repos et à une très grande distance les uns des autres ; les forces mutuelles seront très petites de sorte que les vitesses de ces points matériels resteront très longtemps très petites et les distances très grandes. Il en résulte que sera nul, ainsi que aussi bien pour toutes les valeurs de que pour et il restera

On aura donc

étant une nouvelle constante, et celle des forces vives ; ou bien

ou

ou, en intégrant,

étant une troisième constante.

C’est le résultat obtenu par Jacobi au début de ses Vorlesungen über Dynamik.

Cas du problème réduit.

265.On peut reprendre la question que nous avons traitée au no 260, en prenant des problèmes se rattachant au problème des trois corps, mais un peu simplifiés.

J’envisagerai d’abord ce que j’appellerai le problème restreint, c’est-à-dire le problème du no 9 où deux masses décrivent des circonférences concentriques pendant que la troisième masse infiniment petite se meut dans le plan de ces deux circonférences.

Le nombre des degrés de liberté est alors deux ; il y a un couple de la forme (5 bis), (5 ter), une équation (10 bis) et une équation (10 ter) (cf. no 259).

Nous pourrons donc avoir au plus un invariant de la première sorte, déjà connu, deux invariants de la deuxième sorte, dont un connu, deux invariants de la troisième sorte, dont un connu, un invariant de la quatrième sorte, déjà connu.

Nous pourrons également considérer le problème plan, c’est-à-dire le problème des trois corps se mouvant dans un même plan.

Enfin, nous pouvons supposer que l’on ait réduit le nombre des degrés de liberté par le procédé du no 16 ; soit dans le cas du problème général ; on arrivera alors à ce que j’appellerai le problème général réduit ; soit dans le cas du problème plan ; on arrivera alors à ce que j’appellerai le problème plan réduit.

La discussion à laquelle on serait conduit dans ces différents cas peut se résumer dans le Tableau suivant :

  PROBLÈMES
  RESTREINT. PLAN. GÉNÉRAL. PLAN
RÉDUIT.
GÉNÉRAL
RÉDUIT.
Nombre des degrés de liberté 
2 4 6 3 4
Nombre des couples (5 bis), (5 ter
1 2 3 2 3
Nombre des équations (10 bis
1 2 4 1 1
Nombre des équations (10 ter
1 2 2 1 1
Nombre maximum des invariants possibles :
         
Première sorte 
1 2 4 1 1
Deuxième sorte 
2 5 13 3 4
Troisième sorte 
2 5 11 3 4
Quatrième sorte 
1 2 2 1 1
Nombre maximum des invariants nouveaux possibles :
         
Première sorte 
0 0 0 0 0
Deuxième sorte 
1 2 3 2 3
Troisième sorte 
1 3 4 2 3
Quatrième sorte 
0 1 1 0 0
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