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Seigneur-lige, se prend quelquefois pour celui auquel est dû l’hommage-lige ; mais en Bretagne il signifie le seigneur le plus prochain, c’est-à-dire, le seigneur immédiat. Voyez la Coutume de Bretagne, articles ccclxxij. ccclxxv. ccclxxviij. ccclxxxiv, & les mots Lige, Hommage-lige, & Seigneur prochain.

Seigneur de lois, ou en lois. On entendoit anciennement par-là une personne versée dans l’étude du droit, un jurisconsulte. On créoit des chevaliers en lois. Voyez Beaumanoir, ch. xxxviij. p. 203. lign. 28, & le recueil des Ordonnances de la troisieme race, tom. III. pag. 48 de la préface, & pag. 346 de l’ouvrage, lign. 22.

Seigneur moyen-justicier, est celui qui ne tient en fief que la moyenne-justice. Voyez Justice.

Seigneur de paroisse, est celui dans la haute-justice duquel une église paroissiale se trouve bâtie. Néanmoins dans le comté de Chaumont, ceux qui ont la moyenne justice sur le terrain où est bâtie l’église, se qualifient seigneurs de la paroisse. Voyez Guyot en ses Observations sur les droits honorifiques, pag. 128.

Seigneur en partie, est celui qui n’a pas à lui seul la totalité de la seigneurie d’un lieu, mais seulement une portion de cette seigneurie.

Seigneur patron, est celui qui jouit d’un droit de patronage attaché à sa seigneurie. Voyez Patron, Patronage, Seigneur, Seigneurie, Droits honorifiques.

Seigneur plus près du fond, c’est le seigneur immédiat. Voyez la coutume du Poitou, art. 22 ; Angoumois, tit. 1, art. 12.

Seigneur prochain ou proche, en Bretagne signifie le seigneur immédiat dont on tient en plein fief, à la différence du seigneur supérieur ou suzerain dont on releve en arriere-fief. Bretagne, art. 372, 375, 378, 384.

Seigneur profitable, en la coutume de Clermont, art. 108 & 109, est celui qui jouit du fond même de l’héritage, à la différence du seigneur direct, qui n’a droit de réclamer sur cet héritage que la foi ou le cens. C’est ce que l’on appelle ailleurs seigneur utile, & pour parler plus clairement, le propriétaire.

Seigneur redouté ou très-redouté, titre donné anciennement à quelques-uns de nos seigneurs. Philippe le bel fut le premier qui souffrit qu’on lui donnât ce titre. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tome I. p. 793, & les lettres histor. sur les parlemens, tome II. p. 254.

Seigneur spirituel, on entend par ce terme un prélat qui a la puissance publique ecclésiastique dans un certain district, comme un évêque, un abbé ou autre bénéficier. Voyez Abbé, Évêque, Jurisdiction ecclésiastique, Prélat.

Seigneur subalterne, est le seigneur justicier autre que le roi, duquel il est inférieur & vassal ou arriere-vassal, & ressortit en la juridiction royale. Voyez la coutume de Berry, tit. 2, art. 14, 21, 35 ; tit. 5, art. 28, 55 ; tit. 6, art. 6, tit. 9, art. 10, tit. 10, art. 3.

Seigneur suzerain, s’entend quelquefois de tout seigneur autre que le souverain ; mais dans l’usage ordinaire on entend par ce terme le seigneur qui est au-dessus du seigneur dominant, & duquel un héritage releve en arriere-fief. Voyez Suzerain & Suzeraineté.

Seigneur temporel, est celui qui a la seigneurie publique profane d’un lieu, à la différence du seigneur spirituel qui n’en a la jurisdiction que pour le spirituel.

Seigneur très-foncier, voyez Chef, Seigneur & Seigneur foncier.

Seigneur vicomtier, quasi vice-comitis, est celui qui a la moyenne justice ; c’est ainsi qu’il est appellé dans les coutumes de Ponthieu, Artois, Amiens, Montreuil, Beauquesne, Vimeu, Saint-Omer, Lille, Hesdin, &c.

Seigneur utile, c’est le propriétaire, celui qui retire les profits du fond, à la différence du seigneur direct qui n’en retire que des droits honorifiques. Voyez la coutume d’Orléans, art. 135, Anjou, 103, Bourbonnois, 473, Auvergne, ch. ij. art. 1 & 3, Berry, tit. 6, art. 17, & autres.

Seigneur, (Critiq. sacrée.) en hebreu adonai, jehovah, en grec, κύριος, en latin dominus. Le nom de seigneur convient à Dieu par excellence, & à J. C. mais nous trouvons aussi dans l’Ecriture que cette épithete est donnée aux anges, aux rois, aux princes, aux grands, au souverain sacrificateur, aux maîtres par leurs serviteurs, & en général à tous ceux qui méritent du respect. (D. J.)

Seigneur, (Littérat. & Médaill.) Domitien s’arrogea en même tems le titre de dieu, deus, & de seigneur, dominus, comme le dit Suétone : ces deux titres lui sont donnés conjointement par Martial, l. V. epit. 8, edictum Domini, Deique nostri. Les médailles donnent ces mêmes titres à Aurélien. M. Spon rapporte une inscription de Caracalla avec le titre de seigneur de la terre & de la mer. (D. J.)

Seigneur grand, Homme grand, (Langue franç.) ces deux expressions, grand seigneur, & grand homme n’indiquent point une même chose ; il s’en faut de beaucoup ; les grands seigneurs sont communs dans le monde, & les grands hommes très-rares ; l’un est quelquefois le fardeau de l’état, l’autre en est toujours la ressource & l’appui. La naissance, les titres, & les charges font un grand seigneur ; le rare mérite, le génie & les talens éminens font un grand homme. Un grand seigneur voit le prince, a des ancêtres, des dettes & des pensions ; un grand homme sert sa patrie d’une maniere signalée, sans en chercher de récompense, sans même avoir aucun égard à la gloire qui peut lui en revenir. Le duc d’Epernon & le maréchal de Retz étoient de grands seigneurs ; l’amiral de Coligny & la Noue étoient de grands hommes.

Quand les Romains furent corrompus par les richesses des provinces conquises, on commença à voir naître de leur avilissement, l’époque du nom de grand seigneur, & le philosophe réserva le titre de grand homme à ces rares mortels qui aiment, qui servent & qui éclairent leur pays. Celui qui obtient une noble fin par de nobles moyens, qui disgracié rit dans l’exil & dans les fers, soit qu’il regne comme Antonin, ou qu’il meure comme Socrate, celui-là est un grand homme aux yeux des sages ; mais les simplement grands seigneurs n’ont par-dessus les hommes ordinaires qu’un peu de vernis qui les couvre. J’ajouterai qu’un de nos poëtes voulant peindre les grands seigneurs, au lieu de dire qu’ils ne sont tels que par les caprices de la fortune & du hazard, nous les représente sous la figure d’un léger ballon que le sort

Pousse en l’air plus ou moins fort,
Dont il se joue à sa maniere ;
D’un globe de savon & d’eau
Que forme avec un chalumeau
D’un enfant l’haleine légere.

Ce n’est pas ici le lieu d’en dire davantage. Voyez Grands & Grandeur. (D. J.)

SEIGNEURIAGE, s. m. (Gram. & Jurisprud.) est en général un droit qui appartient au seigneur à cause de sa seigneurie ; mais ce terme n’est guere usité que pour exprimer le droit qui appartient au roi pour la fonte & fabrication des monnoies. Voyez l’article suivant. (A)