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portées dans la masse des humeurs, d’où elles peuvent encore être tirées utilement jusqu’à ce qu’elles dégénerent de leurs bonnes qualités par les effets de la chaleur animale : telles sont celles qui forment les sucs digestifs. Les humeurs excrémentielles sont celles qui étant fournies à la masse du sang, ou ne sont pas susceptibles d’acquérir des qualités qui les rendent utiles à l’économie animale, ou qui ayant eu ces bonnes qualités, les ont ensuite perdues par leur disposition naturelle ou acquise, à dégénérer, à devenir nuisibles, si elles étoient plus longtems retenues dans le corps animal ; ensorte qu’il est nécessaire à la conservation de l’état sain, qu’elles en soient totalement séparées par une excrétion convenable ; telles sont l’urine, la matiere de la transpiration.

Les humeurs de la seconde classe sont recrémentitielles de leur nature, quoiqu’elles soient destinées à être portées hors de l’individu dans lequel elles ont été préparées ; mais elles n’en sont pas expulsées ou tirées à titre d’excrément, & seulement pour servir à des fonctions utiles & nécessaires dans d’autres individus ; ainsi la semence virile sert à féconder la femme, & le lait à nourrir les enfans, qui sont une suite de cette fécondation.

Voilà tout ce qu’on peut dire pour donner une idée générale des humeurs, qu’il est plus intéressant de connoître chacune en particulier, relativement à leur composition, leurs qualités & leur destination spéciale, sur-tout à l’égard du sang, qui est comme l’assemblage des matériaux dont sont formées toutes les autres humeurs : ainsi voyez Sang, Lymphe, Sérosité, Mucosité, Bile, &c.

Il este à dire quelque chose en général des vices des humeurs ; elles deviennent morbifiques lorsqu’elles dégénerent tellement de l’état naturel, qu’elles procurent du désordre dans les fonctions.

Les mauvaises qualités que sont susceptibles de contracter les humeurs dans leur composition & dans leur consistence, sont les vices simples que l’on peut y concevoir indépendamment de ceux des parties qui les contiennent. Ainsi on peut se représenter avec les Pathologistes, la dégénération des humeurs, en tant qu’elles pechent par acrimonie muriatique ou aromatique, par acescence ou par alkalescence. Voyez Acrimonie, Acide, Alkali. Ou en tant qu’elles n’ont pas une consistence convenable, proportionnée à l’âge, au tempérament, aux forces de l’individu, parce qu’elles pechent à cet égard par excès ou par défaut ; ce qui consiste dans l’épaississement ou la dissolution. Voyez Sang & ses vices, Epaississement, Dissolution.

La dépravation générale des humeurs est connue assez communément sous le nom de cacochymie. Voyez Cacochymie. Et pour un plus grand détail sur les vices dominans dans la masse des humeurs, consultez les œuvres medicales de Boerhaave, leurs commentaires, & le traité des fievres continues de M. Quesnay.

Humeurs animales, (Chimie.) Voyez Substances animales.)

* Humeur, (Morale.) On donne ce nom aux différens états de l’ame, qui paroissent plus l’effet du tempérament, que de la raison & de la situation.

On dit des hommes qu’ils agissent par humeur, quand les motifs de leurs actions ne naissent pas de la nature des choses : on donne le nom d’humeur à un chagrin momentané, dont la cause morale est inconnue. Quand les nerfs & le physique ne s’en mêlent pas, ce chagrin a sa source dans un amour-propre, délicat, trop humilié du mauvais succès d’une prétention déçue ou du sentiment d’une faute commise. L’humeur est quelquefois le chagrin de l’ennui. Courir

chez un malheureux pour le soulager ou pour le consoler, se livrer à une occupation utile, faire une action qui doive plaire à l’ami qu’on estime, s’avouer à soi-même la faute qu’on a faite ; voilà les meilleurs remedes qu’on ait trouvé jusqu’à présent contre l’humeur.

Humeur, bonne, (Morale.) La bonne-humeur est une espece d’épanouissement de l’ame contente, produit par le bon état du corps & de l’esprit.

Cette heureuse disposition, dirai-je, ce beau don de la nature, a quelque chose de plus calme que la joie ; c’est une sorte de gaieté plus douce, plus égale, plus uniforme, & plus constante ; celui qui la possede, est le même intérieurement, soit qu’il se trouve tout seul ou en compagnie ; il goûte, il savoure les biens que le hazard lui présente, & ne s’abat point sous le poids du chagrin dans les malheurs qu’il éprouve.

Si nous considérons cet homme avec les autres, sa bonne-humeur passe dans l’ame de ceux qui l’approchent ; sa présence inspire un plaisir secret à tous ceux qui en jouissent, sans même qu’ils s’en doutent, ou qu’ils en devinent la cause. Ils se portent machinalement à prendre du goût ou de l’amitié, pour celui dont ils reçoivent de si bénignes influences.

Quand j’envisage physiquement la bonne-humeur, je trouve qu’elle contribue beaucoup à la santé, chez les vieillards, qui ont peu d’infirmités ; j’en ai vû plusieurs qui conservoient toujours ce caractere de bonne-humeur, qu’ils avoient montré dans leur belle saison ; j’ai vû même, assez souvent, régner la bonne-humeur dans des personnes dont la santé étoit fort délicate, parce que ces personnes jouissoient du calme de l’esprit, & de la sérénité de l’ame. Il n’y a guere que deux choses qui puissent détruire la bonne humeur, le sentiment du crime, & les douleurs violentes ; mais encore si l’ame d’une personne douée naturellement de bonne-humeur, éprouve de l’angoisse dans les maux corporels, cette angoisse finit avec le mal, & la bonne-humeur reprend bientôt ses droits.

Je voudrois, s’il étoit possible, munir les mortels contre les malignes influences de leur tempérament, les engager à écarter les réfléxions sinistres qui les rongent, & à peser sur celles qui peuvent leur donner du contentement. Il y en a plusieurs, prises de la morale & de la raison, très propres à produire dans notre ame cette gaieté douce, cette bonne-humeur, qui nous rend agréables à nous-mêmes, aux autres, & à l’auteur de la nature ; jamais la Providence n’a eu dessein que le cœur de l’homme s’enveloppât dans la tristesse, les craintes, les agitations, & les soucis pleins d’amertumes. L’univers est un théatre dont nous devons tirer des ressources de plaisirs & d’amusemens, tandis que le philosophe y trouve encore mille objets dignes de son admiration. (D. J.)

Humeur, terme de Mégissier : faire prendre de l’humeur aux peaux, est un terme qui signifie tirer de la riviere les peaux de mouton qu’on veut passer en mégie, les mettre dans une cuve seche, & ses y laisser s’humecter, afin de les préparer à recevoir une façon qui se nomme ouvrir les peaux. Voyez Mégie.

HUMIDE, adj. (Phys.) Voyez Humidité. Les anciens philosophes regardoient l’eau comme le premier humide, primum humidum, & comme la cause ou le principe de l’humidité des autres corps, qui sont plus ou moins humides, selon qu’ils tiennent plus ou moins de cet élément. Voyez Eau & Elément. Chambers.

Humide, (Médecine.) l’une des quatre qualités premieres par lesquelles les Galénistes distinguoient