Utilisateur:Sicarov/Dictionnaire de la Bible/Tome 4.2.a MINUIT-NATRON
aux Juifs fidèles le nom de Baal. Cette explication parait assez plausible. Le nom de BôMt, « chose honteuse, » était donné par mépris au dieu Baal. Voir Idole, 8°, t. iii, col. 818. Mais peut-on en conclure, comme le font divers interprètes (M. Grundwald, Die Eigennamen des Alten Testamentes, in-8°, Breslau, 1895, p. 71, 73), que Saûlet la tribu de Benjamin rendaient un culte à Baal ? Rien, dans l’histoire du premier roi d’Israël, ne légitime cette conclusion. Il désobéit aux ordres de Dieu, mais les auteurs sacrés ne lui reprochent point de s’être livré à l’idolâtrie. Le nom de Meribbaal, porté par un de ses fils et un de ses petits-fils, loin de prouver que la famille de ce prince adora Baal, établit le contraire, Merl ou Mcrîb Ba’al signifiant « celui qui combat Baal ». Gesenius, Thésaurus, p. 819. Mefî bôset, contracté de maf’i bôëéf, ibid., p. 1085, peut être expliqué d’une manière analogue, avec F. Miihlau et W. Volck, Gesenius’Handwôrterbuçh, 8= édit., 1878, p. 496 (cf. W. von Baudissin, Studien zur semilischen Religionsgeschichte, 2 in-8°, Leipzig, 1876-1878, t, i, p. 108), dans le sens de « celui qui souffle sur Baal » ou son image, c’est-à-dire le traite avec mépris. Quant à Esbaal, il est vrai qu’il pourrait se traduire par « homme de Baal », en conservant le premier élément’U, qu’il a dans’ÎS bôsét, mais cet élément’is ne se trouve nulle part dans les noms théophores, et il est remplacé par’êS, « feu, » dans les deux passages des Paralipomènes où le fils de Saül est nommé ; cette traduction n’est donc pas naturelle. Il faut remarquer enfin que ta’al fut primitivement un nom commun, signifiant « maître ». Un des ancêtres de Saül portait ce nom de Ba’al, I Par., viii, 30, dans le sens général, car il ne pouvait porter le nom d’un dieu. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 461.
1. MIPHIBOSETH, fils du roi Saül et de Respha. II fut livré par David, avec son frère Armoni, t. i, col. 1017, et cinq autres descendants de Saûl, aux Gabaonites qui les crucifièrent, afin de se venger du mal que leur avait fait Saül et d’obtenir de Dieu la fin d’une famine. Les restes de Miphiboseth, protégés par l’admirable dévouement de sa mère, furent ensevelis avec ceux des autres victimes dans le tombeau de Cis, leur ancêtre. II Reg., xxi, 8-14. Voir Respha.
2. MIPHIBOSETH, fils de Jonathas et petit-fils de Saûl. Il n’avait pas cinq ans lorsque son père et son grand-père tombèrent sur le champ de bataille de Jezraël. Quand la fatale nouvelle arriva à Gabaa, où se trouvait l’enfant, sa nourrice s’enfuit précipitamment en l’emportant sur son épaule, selon la coutume orientale. Josèphe, Ant. jud., VII, v, 5. Voir t. ii, iig.568, col. 1787. Elle tomba avec son précieux fardeau ; le jeune Miphiboseth fut grièvement blessé dans sa chute et privé pour tout le reste de sa vie de l’usage de ses jambes. II Reg., iv, 4. Ce fut là le commencement des malheurs de cet infortuné prince et cet accident nous explique en grande partie ce qui lui arriva plus tard. Son infirmité, jointe à la déchéance de sa famille, le rendit fort timide ; il parlait de lui dans les termes les plus humbles, il s’appelait « un chien mort », II Reg., ix, 8 ; « un esclave boiteux. » II Reg., xix, 26. Emmené avec ses autres parents à l’est du Jourdain, dans le pays de Galaad, il fut élevé par Machir de Lodebar (voir Machir 2, col. 507), dans le/ voisinage de Mahanaïm, où résidait son oncle Isboselh, qui avait succédé à Saûl. David avait promis solennellement àson ami Jonathas de protégersafamille. I Reg., xx, 15, 42. Quand il régna sur tout Israël après la mort d’Isboseth, le fils de Jessé songea à tenir sa promesse. Il s’enquit de ce qu’étaient devenus les enfants de Jonathas et il apprit par un ancien serviteur de Saûl, nommé Siba, l’existence et la demeure de Mipliiboseth. Celui-ci s’était marié et avait un fils appelé Micha. David le fit Venir avec son fils à Jérusalem, lui rendit les biens de
Saûl, lui fit partager sa table et chargea Siba de prendre soin, avec les siens, de ses possessions. Siba, qui avait acquis une certaine fortune, peut-être aux dépens des héritiers de Saûl, avait quinze fils et vingt esclaves. II fut sans doute mécontent de devenir le serviteur de Miphiboseth, mais il ne pouvait résister aux ordres du roi et s’y soumit, quitte à se venger plus tard JI Reg., ix, 1-13. Dix-sept ans après, David était obligé de s’enfuir au delà du Juordain devant son fils Absalom. Siba l’avait accompagné, emmenant les ânes et les provisions de son maître pour les offrir au roi. Celui-ci lui ayant demandé où était Miphiboseth, le serviteur infidèle l’accusa d’être resté à Jérusalem pour remonter sur le trône de son grand-père. Le caractère faible et sans énergie du fils de Jonathas rendait invraisemblable le récit de Siba, mais David le crut et lui donna tous les biens du malheureux prince. II Reg., xvt, 1-4. Ce ne fut qu’après le retour de David que Miphiboseth put se justifier en lui faisant connaître ce qui s’était passé. La vérité, c’est que Siba avait trompé et trahi le fils de Jonathas ; il lui avait dérobé son âne et l’avait mis ainsi dans l’impossibilité de partir, à cause de son infirmité, mais il avait passé lui-même ce temps dans le deuil. David lui rendit la moitié de ses biens et laissa l’autre à Siba. II Reg., xix, 24-30. Nous ne savons plus rien sur le fils de Jonathas, si ce n’est que David ne voulut point livrer son fils aux Gabaonites, lorsqu’ils crucifièrent d’autres descendants de Saûl. II Reg., xxii, 7.
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MIRACLE (hébreu : ’ô(, môfêf, ma’àldl, mifld’âh, pelé’; chaldéen : ’âf, temah ; Septante : uruistov, rspaç, Oacj|wt<riov, Siivaniç ; Vulgate : signum, portentum, prodigmm, miraculum, mirabile, ostentum, virtus), acte qui, dans sa substance ou son mode de production, dépend d’une cause étrangère aux lois de la nature. L’acte peut être au-dessus de ces lois, s’il les dépasse, comme la rétrogradation de l’ombre sur le cadran d’Ézéchias, IV Reg., xx, 10 ; contre ces lois, comme la préservation des trois jeunes hommes dans la fournaise, Dan., iii, 25 ; en dehors de ces lois, comme la guérison d’un infirme par un seul mot. Act., iii, 6. La Sainte Écriture donne le nom de miracle non seulement aux actes qui ne peuvent provenir que d’une intervention directe et extraordinaire de Dieu, mais encore à ceux qui sont attribuables à des agents intelligents supérieurs à l’homme. La Vulgate n’emploie le mot miraculum que dans l’Ancien Testament. Encore’n’apparalt-il qu’une seule fois avec le sens de miracle. Is., xxix, 14. Partout ailleurs, il traduit des mots hébreux qui signifient signe, terreur, épouvante, etc. Exod., xi, 7 ; Num., xxvi, 10 ; I Reg., xiv, 15 ; Job, xxxiii, 7 ; Is., xxi, 4 ; Jer., xxiii, 32 ; xuv, 12.
1. Principes généraux. — 1° Possibilité du miracle.
— 1. Cette possibilité est la conséquence de deux vérités incontestables, affirmées dans toute la Sainte Écriture : Dieu est le Créateur tout-puissant, le Maître absolu de la nature ; les choses qu’il a créées dépendent totalement de lui, en outre que, quelles que soient les lois établies pour régir l’ordre de la nature, il peut toujours accomplir des actes qui dépassent, laissent de côté ou même contrarient ces lois. Il ne le fait jamais sans raison conforme à sa souveraine sagesse. « Il fait tout ce qu’il
~^veut. » Ps. csv (cxui), 3. « Rien n’est impossible à Dieu. » Matlh., XIX, 26 ; Marc, x, 27 ; Luc, I, 37 ; xviii, 27. Cette puissance est affirmée aussi bien dans l’ordre physique que dans l’ordre moral. Pour marquer que Dieu intervient dans certains cas d’une manière extraordinaire, la Sainte Écriture dit qu’il agit « avec une main forte et le bras levé ». Exod., vi, 6 ; Deut., vii, 19 ; xxvi ; 8 ; Ps. lxxxix (lxxxviii) 11, 14 ; cxxxvi (cxxxv), 12, etc.
2. Les lois de la nature impliquent elles-mêmes cette possibilité du miracle. En dehors des lois mathématiques, que la raison ne conçoit pas autres qu’elles sont, toutes les lois qui régissent le monde visible ne sont illi
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telles qu’en vertu d’une volonté qui les a établies dans l’état que nous constatons. Elles ne portent pas en elles-mêmes la raison d’être ce qu’elles sont. "Voilà pourquoi elles ne peuvent pas être connues a priori, comme les lois mathématiques ; elles ne le sont que par observation. C£ Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867, t. i, p. 90-95. Il n’y a donc pas à s’étonner si la volonté qui a primitivement fixé à son gré les lois de la nature soumet en certains cas la nature à des lois différentes, issues de la même initiative divine. L’auteur de la Sagesse, dans ses quatre derniers chapitres, s’appuie sur cet ordre d’idées pour montrer comment les mêmes forces naturelles, soumises aux ordres de Dieu, favorisent les Hébreux et châtient les Égyptiens. « La créature, soumise à vous, son Créateur, … se pliant à toutes les transformations, était aux ordres de votre grâce. » Sap., xvi, 24-25.
2° Raisons d’être du miracle. — Ces raisons sont multiples. La convenance du miracle ne peut guère être déterminée a priori ; car il y a toujours quelque présomption â déclarer que Dieu doit agir de telle ou telle façon, dans les choses qui dépendent de sa libre volonté. Mais étant données, d’une part, la puissance, la justice, la bonté et la sagesse infinies de Dieu, de l’autre la fragilité, les illusions et les défaillances de la volonté et de la raison humaine, il est aisé de saisir quelques-uns des motifs qui ont porté Dieu à faire des miracles. La Sainte Écriture manifeste ou insinue ces motifs.
1. Dieu fait des miracles pour rappeler à l’homme qu’il existe, en dehors et au-dessus de la nature, un Créateur et un Maître tout-puissant. « Ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour les hommes, car Dieu le leur a rendu manifeste. Depuis la création du monde, ses perfections invisibles, sa puissance éternelle, sa divinité sont visibles à l’esprit au moyen des créatures. Aussi sont-ils inexcusables, … pour avoir changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l’homme corruptible. » Rom., t, 19-23. « À travers les biens visibles, ils n’ont pu comprendre celui qui est, et, en considérant ses œuvres, ils n’ont pas reconnu le Créateur… Charmés de la beauté » des êtres créés, « ils les ont pris pour des dieux. » Sap., xiii, 1-3. « C’est pourquoi ils ont été tourmentés comme ils le méritaient par des êtres semblables à ceux-là. » Sap., xvi, 1, Le Seigneur fait donc des miracles pour rappeler à l’homme sa personnalité oubliée. Il dit au pharaon d’Egypte, par l’organe de Moïse : « Je vais envoyer toutes mes plaies contre ton cœur, contre tes serviteurs et contre ton peuple, afin que tu saches que nul n’est semblable â moi 3ur toute la terre. » Êxod., ix, 14. Cette pensée revient souvent chez les écrivains sacrés. Cf. Exod., ix, 29 ; x, 2 ; xiv, 4, 18 ; xxix, 46 ; Deut., iv, 35 ; xxix, 6 ; Ps. o (xcix), 3 ; Is., xlv, 3, etc. Cf. P. de Broglie, Les prophélies messianiques, Paris, 1904, t. Ji, p. 29-45.
2. Le miracle est aussi destiné à rappeler à l’homme, même croyant et fidèle, l’action perpétuelle de Dieu dans le monde. La Providence agit régulièrement, mais invisiblement. Son action continue passe inaperçue aux yeux des hommes inattentifs. Dieu se sert de merveilles extraordinaires pour attirer l’attention sur les merveilles ordinaires de son action directrice et conservatrice à l’égard de l’humanité. C’est ce qu’explique saint Augustin, In Joa., xxiv, 1, t. xxxv, col. 1593, à propos du miracle de la multiplication des pains. Pour obtenir ce résultat, Dieu se contente d’opérer lui-même immédiatement et instantanément des effets habituellement tributaires du temps et des causes secondaires. Cf. S. Thomas, Cont. Gent., iii, 99.
3. Très souvent le miracle a pour but d’accréditer les hommes auxquels Dieu confie une mission particulière. Il en est ainsi pour Moïse, Exod., ’iv, 2-9 ; vii, 8-10, etc. ; pour Josué, Jos., iii, 7-13 ; pour Gédéon, Jud., vi, 3640 ; pour Samuel, I Reg, , Hi, 20, 21 ; pour Élie, III Reg.,
xviii, 19-39 ; pour Elisée, IV Reg., ii, 13-15 ; pour Isaïe, Is., xxxviii, 7, 8 ; pour Daniel, Dan., ii, 28, 47 ; pour les Apôtres et les disciples du Sauveur. Matth., x, 8 ; Marc, xvi, 17, 18 ; Act., iii, 7, etc. Notre-Seigneur lui-même présente très formellement ses miracles comme preuve de sa mission divine. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1504-1507.
4. Enfin les miracles servent à confirmer la réalité soit des choses qui sont annoncées pour un avenir plus ou moins lointain, soit des faits d’ordre surnaturel que l’expérience ne peut constater directement. Ainsi l’ombre rétrograde sur le cadran d’Ézéchias pour attester la prolongation de vie qui lui est accordée. Is., xxxviii, 7, 8. Zacharie devient muet et donne par là à conclure qu’il a eu une vision dans le sanctuaire. Luc, i, 20-22. La maternité d’Elisabeth, avancée en âge, est indiquée à Marie pour la confirmer dans sa foi au mystère de l’incarnation accompli en elle-même. Luc, i, 36, 37. Les anges apparaissent à la crèche, Luc, ii, 9-14, et au sépulcre, Matth., xxviii, 2-5, pour manifester la divinité du nouveau-né et plus tard la réalité de sa résurrection. C’est pour cette raison que les miracles sont si souvent appelés des « signes » ; ils constituent des preuves visibles de faits qui échappent provisoirement ou définitivement à toute constatation immédiate.
3° Constatation du miracle. — Dans tout miracle, il y a à distinguer l’effet et la cause. L’effet peut tomber sous les sens ou l’ester inaccessible à tout procédé d’observation. — 1. Si le miracle, d’ordre purement spirituel, n’est pas constatable par les procédés ordinaires d’observation, il est ordinairement appuyé par des faits observables, qui lui servent de garantie. Ainsi, Dieu assistait invisiblement sou peuple à la sortie d’Egypte, et la colonne de nuée était le témoignage sensible de cette assistance. Exod., xiii, 21-22. La présence invisible de Dieu dans le temple de Salomon fut indiquée, au jour de la dédicace, par le feu et la gloire de Jéhovah que le peuple vit descendre sur l’édilice. II Par., vii, 2, 3. L’accomplissement du mystère de l’incarnation en Marie eut pour preuve sensible la maternité d’Elisabeth. Luc, i, 36. Le miracle invisible de la rémission des péchés du paralytique fut garanti par la guérison de l’infirme. Matth., ix, 6, 7 ; Marc, ii, 10, 11 ; Luc-, v, 24, 25. La présence du Saint-Esprit dans les Apôtres et les premiers fidèles se manifestait par le don des langues. Act., ii, 4 ; x, 46 ; xix, 6. En pareil cas, il n’y a qu’à tirer cette conclusion : le fait surnaturel invisible est vrai, puisque le fait surnaturel visible, apporté eii garantie du premier et en relation étroite avec lui, est régulièrement constaté.
2. Quand le miracle est accompli dans l’ordre physique, l’effet extérieur se constate exactement par les mêmes moyens que les effets purement naturels. Il n’est pas plus difficile à tout un peuple de voir que le Jourdain est à sec, de telle sorte qu’on puisse le traverser à pied sec, que de voir l’eau remplir ses bords. Jos., iii, 17. Quand Elisée eut ressuscité le fils de la Sunamite, celleci s’assura que la vie avait succédé à la mort avec autant de facilité et de certitude qu’elle en avait eu précédemment à constater que la mort avait succédé à la vie. IV Reg., IV, 20, 36, 37. Après sa guérison, la vision était aussi aisée à reconnaître chez l’aveugle-né que l’avait été auparavant la cécité. Joa., ix, 9, 10, 20, 21. Pour constater le côté sensible de l’effet miraculeux, les sens n’ont qu’à s’exercer dans leurs conditions ordinaires. Quelquefois le miracle a produit des modifications qui changent complètement la nature d’un corps. Les sens n’en sont pas moins aptes à saisir ce qui, dans le corps ainsi transformé, reste à leur portée. Les yeux de Moïse voient très sûrement qu’un buisson tout en feu ne se consume pas. Exod., iii, 2. Les serviteurs de Cana savent très bien qu’ils ont mis de.l’eau dans les auges de pierre et les convives sentent parfaitement que ce qu’ils boivent est du vin. Joa., ii, 9. À la transfiguration, les trois Apôtres H13
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au
n’ont pas de peine à se rendre compte de la transformation survenue dans la personne du Sauveur. Matth., xvii, 2. Après la résurrection, le corps de Notre-Seigneur n’est certainement plus dans la condition antérieure ; il est devenu comme spirituel et échappe aux lois naturelles qui régissent les êtres matériels. Il n’en est pas moins certain qu’on peut le voir et le toucher, et qu’avec ce corps ressuscité, que les Apôtres ne trouvent plus dans le tombeau et qui porte encore les traces de la passion, Jèsus-Christ accomplit dès actes qui produisent sur les sens des autres hommes la même impression que les actes antérieurs à sa mort. Matth., xxviii, 9 ; Luc, xxiv, 15-30 ; Joa., xx, 17 ; Luc, xxiv, 44-42 ; Joa., xx, 27, etc. Les faits miraculeux ne sont donc nullement soustraits, daus leur matérialité sensible, à l’observation naturelle. Ils sont constatables, absolument au même titre que les faits les plus naturels.
3. Le fait matériel une fois constaté, la raison humaine se préoccupe d’en rechercher la cause. C’est ce que ne manquent pas de faire les témoins. Ils reconnaissent alors que l’effet n’est en proportion avec aucune cause naturelle et ils le proclament. À la vue des miracles opérés sous leurs yeux, les magiciens d’Egypte, qui se connaissent en merveilles surnaturelles, s’écrient : « Le doigt de Dieu est là. » Exod., viii, 19. Nabuchodonosor tire la même conclusion lorsque Daniel lui rappelle le songe qu’il avait oublié. Dan., H, 47. Les Apôtres sont saisis d’étonnement à la vue de la tempête subitement apaisée. Matth., viii, 27 ; Marc, IV, 40 ; Luc, viii, 25. L’aveugle-né, après sa guérison, conclut judicieusement que celui qui l’a guéri ne peut venir que de Dieu. Joa., IX, 33. Jésus-Christ établit la vérité de sa mission en accomplissant des œuvres qu’aucun autre n’a jamais faites. Joa., xv, 23. Après avoir vu la guérison subite du boiteux de Lystres, les païens proclament que les dieux sont descendus chez eux sous forme humaine, et, en Barnabe et Paul, ils saluent des êtres surhumains. Act., xiv, 11, 12. Il y a une conclusion qui s’impose au bon sens : tout acte qui dépasse les forces ordinaires de la nature est attribué instinctivement et légitimement à une puissance supérieure à la nature.
4. On oppose cette difficulté que, pour admettre la réalité du miracle, il faudrait fomaltre toute la puissance des forces, de la nature ; autrement, dit-on, ce serait s’exposer à attribuer à une cause surnaturelle un effet simplement dû à une cause naturelle encore inconnue. « Si nous ne pouvons indiquer exactement où le naturel finit et où le surnaturel commence, nous pouvons néanmoins acquérir une connaissance assez exacte des propriétés de l’un et de l’autre pour distinguer leurs effets. Pour savoir que, dans un cas donné, on a transgressé une certaine loi, il n’est nullement nécessaire de connaître le recueil entier des lois… D’ailleurs, accepter ces faits tels qu’ils se sont passés, les reconnaître pour historiques, mais les attribuer à une connaissance exceptionnelle des forces secrètes de la nature, c’est supposer un miracle non moins grand que ceux qu’il s’agit d’expliquer. Il restera toujours à dire comment une science si singulière, si unique en son genre, s’est rencontrée une fois dans le monde pour .n’y plus reparaître. » Hettinger, Apologie du christianisme, trad. De Felcourt et Jeannin, Paris, s. d., 1. ii, p. 188-190. Les miracles attribués à Moïse, à Jésus-, Christ, aux Apôtres, etc., sont en contradiction très nette avec certaines lois de la nature, et, comme deux lois naturelles ne peuvent être en contradiction mutuelle quand il y a identité de circonstances, il s’ensuit que Jesfaits qui impliquent une telle contradiction ne peuvent être d’ordre parement naturel. Telles sont les guérisons instantanées opérées d’un seul mot ? les résurrections de jnorts, l’obéissance des forces physiques de l’univers à ame influence purement spirituelle, etc.
5. On ne peut non plus poser en principe que les
miracles bibliques supposent la foi de ceux qui en sont l’objet, et qu’il y a là dès lors une sollicitation mal définie du moral sur le physique, qui peut expliquer certains faits extraordinaires. Il est vrai qu’en certains cas la foi est antécédente au miracle. C’est ce que l’on constate chez la Sunamite, IV Reg., IV, 28-37 ; chez les compagnons de Daniel jetés dans la fournaise, Dan., Hi, 17 ; chez plusieurs suppliants dans l’Évangîle, Matth., vm, 10, 18 ; ix, 2, 22, 29 ; xv, 28 ; Marc, ii, 5 ; v, 34 ; x, 52 ; Luc, v, 20 ; vii, 9, 50 ; viii, 48 ; xvii, 19 ; xviii, 42, etc. ; chez ceux qui appelèrent saint Pierre auprès de Tabitha. Act., ix, 38, 40, etc. Il faut aussi évidemment que la sainte Vierge ait eu la foi pour que la merveille de l’incarnation s’accomplit en elle. Luc, i, 38, 45. Notre-Seigneur dit même qu’avec une foi sincère, bien que relativement faible, on arriverait à commander à une montagne et à en être obéi. Matth., Xvn, 19 ; xxi, 21 ; Luc, xvii, 6. Néanmoins, dans la plupart de ces 1 cas, la foi qui intervient n’est pas la foi de celui qui est l’objet du miracle, c’est la foi d’un tiers, qui demande ou espère un miracle. Mais presque toujours, le miracle apparaît dans la Sainte Écriture comme moyen de persuasion, par conséquent comme un fait antécédent à la foi, destiné à la produire et n’y arrivant pas toujours, ainsi que le manifestent l’endurcissement du pharaon malgré les plaies d’Egypte et l’incrédulité des Juifs malgré les miracles opérés par le Sauveur. La lenteur des Apôtres et des disciples à croire à la résurrection de Notre-Seigneur, malgré fes prédictions si nettes et plusieurs fois répétées, est particulièrement significative à ce sujet. Marc, xvi, 14 ; Matth., xxviii, 17. Habituellement, dans la Sainte Écriture, les miracles apparaissent comme des moyens employés par Dieu pour manifester son action, accréditer ses envoyés et produire la foi dans les esprits ; ils ne peuvent donc être regardés comme des effets de cette foi qui n’existe pas encore.
4° Interprétation des récits miraculeux. — 1. Les récits miraculeux contenus dans les Livres Saints doivent être entendus dans le sens littéral, quand il n’y a aucune raison sérieuse qui oblige ou autorise à les entendre autrement. Les miracles de l’Évangile sont particulièrement dans cette condition. En dehors de leur caractère surnaturel, qui ne légitime contre eux aucune fin de non-recevoir, rien, dans les récits très positifs des évangélistes, n’induit à croire qu’il s’agit là soit d’allégories, soit de desbriptions poétiques ou hyperboliques. Si parfois il y a lieu d’interpréter naturellement un fait d’apparence surnaturelle, on ne peut le faire que dans la mesure où la saine raison et l’autorité de l’Église le permettent. Ainsi quelques auteurs ont pensé que, dans l’histoire de la piscine de Bethesda, l’agitation de l’eau par un ange n’était que l’ébullition naturelle et périodique de la piscine, expliquée d’après les idées populaires. Joa., v, 4. Cf. Fillion, Évang. selon S. Jean, Paris, 1887, p. 97. Alors même qu’on pourrait, à la rigueur, interpréter le texte en ce sens, d’après ce principe qu’on ne doit admettre le surnaturel que quand il s’impose, il n’en restera pas moins à respecter le caractère miraculeux d’un phénomène à la suite duquel un seul malade est guéri, quelle que soit la nature de sa maladie, et sans que l’eau garde ensuite aucune vertu curative.
2. Les récits miraculeux de l’Ancien Testament ont souvent à être interprétés d’une manière moins rigoureusement littérale. On a cru reconnaître, et l’Église laisse au moins enseigner que plusieurs de ces récits revêtent des formes poétiques, ailégorigues ou hyperboliques dont il est permis de les dépouiller pour arriver à la vérité historique. Dans l’EncycliqueProuidentissimus, voir t. i, p. xxix, le bouverain Pontife remarque que, quand les écrivains sacrés parlent des phénomènes naturels, « ils les décrivent d’une manière métaphorique ou en se servant du langage communément usité
de lenr temps. » Et, en général, « Dien, parlant aux hommes, s’est conformé, pour se faire comprendre, à leur manière d’exprimer les choses. » C’est en vertu de ce principe que certains commentateurs croient pouvoir, sans manquer de respect aux Saintes Lettres, faire une part plus grande aux causes naturelles dans la production des plaies d’Egypte, dans l’apparition des cailles au désert. Voir Caille, t. ii, col. 36, etc. On a de même cherché à ramener plusieurs récits poétiques ou allégoriques à un sens littéral plus facile à expliquer. Cf. de Broglie, Confér. sur la vie surnat., Paris, 1882, t. ii, p. 138-141 ; L’idée de Dieu dans l Ancien Testament, Paris, 1892, p. 61. Ainsi en serait-il pour d’autres faits surnaturels. La plupart de leurs éléments pourraient être regardés comme des conséquences des lois naturelles ; comme dans les plaies d’Egypte, l’intervention surnaturelle se manifesterait alors seulement par l’annonce des événements, leur adaptation parfaite aux vues de Dieu, par le parti que la Providence en tire pour arriver à ses fins, etc. La question est à examiner pour chaque miracle en particulier. Mais, en principe, il n’est ni nécessaire, ni utile, ni prudent d’étendre le surnaturel au delà de la limite que lui assignent les textes sacrés. Cf. S. Thomas, Sum, tkeot., I », q. lxviii, a. 1 ; De Smedt, Principes de la critique historique, Paris, 1883, p. 48-59. L’Église s’est contentée de condamner ceux qui prétendent « qu’il ne peut y avoir de miracles, que par conséquent tous les récits à ce sujet, même ceux qui sont contenus dans la Sainte Écriture, sont à reléguer parmi les fables et les mythes, que d’ailleurs les miracles ne peuvent jamais être connus avec certitude et qu’on ne peut légitimement s’en servir pour prouver la divine origine de la religion chrétienne ». Conc. Valic, Can. de fide, iii, 4. Cette définition ne vise aucun miracle en particulier et elle laisse toute latitude pour déterminer sagement, d’après les données de l’histoire, de la science, etc., et sous le contrôle de l’Église, la limite qui sépare ou peut séparer dans chaque cas l’action ordinaire de Dieu par les forces de la nature de son action extraordinaire.
5° Distinction des faits surnaturels. — Les faits d’apparence surnaturelle, dont il est fait mention dans la Sainte Écriture, doivent être distingués selon leur auteur et leur nature. — 1. Les faits vraiment surnaturels ont Dieu seul pour auteur. En eux-mêmes, ces faits présentent toujours des caractères de puissance, de convenance, de sainteté, d’utilité, de bonté, qui permettent d’en reconnaître le divin auteur. Dieu agit tantôt directement, tantôt par l’intermédiaire des anges ou des hommes. L’action de ces derniers intermédiaires est toujours visible, et elle résulte du pouvoir conféré par Dieu de sa propre initiative ou sollicité de lui par la prière. L’intervention des anges n’est pas toujours reconnaissable. Notre-Seigneur opère des miracles par la puissance de la divinité qui est en lui. Son humanité ne constitue pas un intermédiaire dans la production du miracle, comme l’ange ou l’homme ; elle n’agit que comme instrument de la divinité à laquelle elle est personnellement unie.
2. Il y a des miracles diaboliques, c’est-à-dire des eflets produits par des êtres supérieurs à l’homme en puissance, mais qui, simples créatures, ne peuvent intervenir que dans les limites permises par la Providence. Voir Démon, t. ii, col. 1366-1373 ; Magie, t. iv, col. 562-569. L’intervention des esprits mauvais apparaît au paradis terrestre, Gen., iii, 1-5 ; Apoc, xii, G ; en Egypte, pendantles premières plaies, Exod., vii, 11, 22 ; viii, 7 ; dans la tentation de Job, i, 12 ; ii, 6 ; vii, 1 ; dans les épreuves de Sara, fille de Raguel, Tob., vi, 16, 19 ; viii, 3 ; dans la tentation, du Sauveur, Matth., iv, 1-11 ; Marc, i, 13 ; Luc, iv, 2-13 ; dans les prestiges de Simon le magicien, Act., viii, 9-11 ; dans ceux d’Élymas, Act., xiii, 8 ; dans les possessions si fréquemment
mentionnées. "Voir DÉMONIAQUE, t. ii, col. 1374-1379. Le surnaturel diabolique se reconnaît à ses caractères d’excentricité, d’inconvenance, d’impureté et-d’opposition à la doctrine révélée. Les inventions du démon et le commerce des hommes avec lui sont prévus par la Loi et sévèrement prohibés. Deut., xviii, 10-13. À la. fin des temps, les faux prophètes et les faux christs, tous agents du démon, multiplieront les prodiges au point d’ébranler les plus fidèles disciples de Jésus-Christ eux-mêmes, si ceux-ci pouvaient l’être. Matth., xxiv, 24 ; Marc, xiii, 22 ; II Thés., ii, 9.
3. lly a enfin un faux surnaturel qui n’est que de la supercherie. C’est le cas de l’idole de Bel, que ses prêtres faisaient passer pour avoir besoin de nourriture, et du grand serpent que les Babyloniens vénéraient comme un dieu. Daniel, xiv, 2, 17-19, 23, 26, dévoila ces supercheries. Les tromperies analogues étaient nombreuses dans les cultes idolâtriques. — Voir sur les miracles de la Sainte Écriture, dans les Démonstr. évang. de Migne : Clarke, Sur la vérité et la certitude de la religion chrétienne, xix, t. v, col. 1233-1243 ; Duguet, Principes de la foi chrétienne, II, l, 6 ; H, 1-5, t. vl, col. 43-49 ; de Launay, Nouvelle analyse de Bayle, v-vm ; t. vi, col. 707-716 ; Leclerc, Lettre II, sur les miracles, t. vi, col. 933-943 ; Para du Phanjas, Philosophie de la, religion, 190-211, t. x, col. 231-251 ; Statler, Certitude de la religion révélée, 142-201, t. x, col. 661-701 ; Bonnet, Recherches sur le christianisme, v-vii, t. XI, col. 487497 ; Duvoisin, Démonstr. évang., i, v-vn, t. xiii, col. 770-776, 806-841. — Voir aussi de Bonniot, Le miracle et ses contrefaçons, Paris, 1887 ; Lescœur, Jésus-Chrit, Append., De la réalité des miracles, Paris, 1888, p. 387-422 ; Id., La science et les faits surnaturels contemporains, Paris, 1897, p. 14-29, 92-101 ; Introduction scientifique à la foi chrétienne, par un ingénieur de l’État, Paris, s. d., p. 105-118, 157-172 ; Vacant, Miracle, dans le Dict. apologét. de la foi cath. de Jaugey, Paris, 1889, col. 2041-2116 ; Leroy, La constatation du miracle, Paris, 1901 ; Coste, Qu’est-ce que le miracle ? Paris, 1902 ; de la Barre, Faits surnaturels et forces naturelles, Paris 1903 ; P. de Broglie, Les conditions modernes de l’accord entre la foi et la raison, Paris, 1903, t. ii, p. 28-46 ; Id., Les fondements intellectuels de la foi chrétienne, Paris, 1905, p. 132-158.
II. Les miracles de l’Ancien Testament. — 1° Dans ta Genèse. — 1. Le séjour d’Adam au paradis terrestre et sa chute comportent plusieurs faits merveilleux. Voir Adam, t. i, col. 173-176 ; Arbre de la vie, t. i, col. 895-897 ; Chérubin, t. ii, col. 659-660 ; Eve, t. ii, col. 2118-2121 ; Paradis terrestre, Serpent ; de Broglie, Confér. sur la vie surnatur., t. ii, p, 45-226 ; Lagrange, L’innocence et le péché, dans la Bévue biblique, Paris, 1897, p. 341-379. — 2. Sur l’histoire primitive jusqu’à l’époque d’Abraham, voir CaïN, t. ii, col. 37-40 ; Longévité, t. iv, col. 355 ; Déluge, t. ii, col. -1343-1358 ; Babel (Tour de), t. i, col. 1346-1349 ; Confdsion des langues, t. ii, col. 920. — 3. L’histoire des patriarches postdiluviens renferme des révélations divines, des. apparitions d’anges, voir Ange, t. i, col. 586, et divers autres miracles, la ruine de Sodome et de Gomorrhe, Gen., xix, 15-29, voir Sodome ; l’interruption du sacrifice d’isaac, Gen., xxii, 11-13, voir Abraham, t. i, col. 80 ; Isaac, t. iii, col. 931 ; la multiplication des troupeaux de Jacob, Gen., xxx, 37-43 ; xxxi, 5-13, voir Brebis, t. i, col. 1918 ; l’explication des songes par Joseph, Gen., xxxvii, 5-11 ; xl, 9-22 ; xli, 25-36, voir Joseph, t. iii, col. 1658-1663 ; Songes, etc.
2° Pour la fondation de la nation israélite. — De nombreux et grands miracles sont opérés par Dieu pour délivrer son peuple de l’Egypte, le conduire à travers le désert et l’établir dans le pays de Chanaan. — 1. Plusieurs ont pour but de convaincre Moïse de sa mission : le buisson ardent, Exod., iii, 2, voir Buisson ardent, an
MIRACLE
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t. i, col. 1969-1970 ; la verge changée en serpent, la lèpre de la main, ~Feau changée en sang. Exod., iv, 2-9, 28-30. Voir Moïse. — 2. Sur les dix plaies d’Egypte, voir Plaies d’Egypte ; Verge ; Eau, t. ii, col. -1520-1521 ; Grenouille, t. iii, col, 347-348 ; Cousin, t. ii, col. 10931095 ; Mouche ; Peste ; Ulcère ; Grêle, t. iii, col. 336 ; Sauterelle ; Ténèbres ; Premikr-nê. La Sainte Écriture mentionne ensuite l’apparition de la colonne de nuée, Exod., xiii, 21-22, voir Colonne de nuée, t. ii, col. 853-856 ; le passage de la mer Rouge, Exod., xiv, 21-28, voir Rouge (Mer) ; l’adoucissement des eaux de Mata, Exod., xv, 23-25, voir Eau, t. ii, col. 1521 ; la chute des cailles et de la manne, Exod., xvi, 8-15, voir Caille, t. ii, col. 33-36 ; Manne, t. iv, col. 656. — 3. Pendant le séjour au désert, d’autres merveilles se produisen t : la manifestation divine du Sinaï, Exod., xix, 3-24, voir Sinaï ; l’apparition de la gloire de Dieu sur le tabernacle, Exod., xl, 32-34, voir Gloire de Dieu, t. iii, col. 251-252 ; la combustion de l’holocauste d’Aaron par le feu du ciel, Lev., ix, 23-24 ; le châtiment céleste de Nadab et Abiu, Lev., x, 1, 2 ; la seconde chute des cailles, Num., xi, 31, 32 ; la lèpre infligée à Marie, sœur de Moïse, Num., xii, 10-15, voir Lèpre, t. iv, col. 184 ; le châtiment divin de Coré, Dathan, Abiron et de tous les révoltés, Num., xvi, 19-49 ; la floraison de la verge d’Aaron, Num., xvii, 8 ; la production de l’eau par la percussion du rocher, Num., xx, 8, voir Eaux de contradiction, t. ii, col. 1523 ; les guérisons par la vue du serpent d’airain, Nuin., xxi, 9, voir Serpent d’airain ; la parole proférée par l’ànesse de Balaam, Num., xxii, 30, voir Balaam, t. i, col. 1391 ; la sépulture de Moïse. Deul., xxxiv, 5, 6. — 4. L’établissement des Hébreux dans la terre de Chanaan donne lieu à un certain nombre de miracles : le passage du Jourdain, Jos., iii, 15-17, voir Jourdain, t. iii, col. 1743-1744 ; la destruction des murs de Jéricho par le son des trompettes, Jos., vi, 20, voir Jéricho, t, iii, col. 1292-1293 ; la découverte par le sort du prévaricateur Achan, Jos., vii, 18, voir Achan, t. i, col. 129-130 ; l’arrêt du soleil et la victoire de Gabaon, Jos., x, 11-13 ; le feu sortant de la pierre pour consumer les offrandes de Gédéon, Jud., vi, 21 ; la rosée et la toison, Jud., vi, 36-40 ; l’annonce de la naissance de Samson, Jud., xiii, 2-5, et les faits extraordinaires qui remplissent sa vie.
3° Sous les rois. — La période qui s’étend de Samuel à la captivité s’ouvre par les révélations faites au jeune Samuel, I Reg., iii, 4-18 ; la chute de l’idole de Dagon devant l’arche, IReg., v, 2-5 ; le retour de l’arche conduite par deux vaches seules, I Reg., vi, 7-12 ; le châtiment des Bethsamites, I Reg., vi, 19 ; l’indication du choix de Saül par le Seigneur, I Reg., ix, 17, et ensuite du jeune David, I Reg., xvi, 12, pour être rois ; enfin l’évocation de Samuel par la pythonisse d’Endor. I Reg., xxviii, 11-20 ; voir Évocation des morts, t. ii, col. 2129-2131. — 2. Sous David, qui reçoit plusieurs fois des communications divines. II Reg., ii, 1 ; vii, 4, 5. Oza est frappé pour avoir touché l’arche, II Reg., vi, 7 ; une peste de trois jours est envoyée par Dieu à la suite du dénombrement. II Reg., xxiv, 15. Salomon est favorisé deux fois de communications divines, III Reg., iii, 5 ; ix, 2, et, à la dédicace du Temple, une nuée miraculeuse remplit l’édifice. III Reg., viii, 10,
11. — 3. Sous les rois suivants, ce sont les prophètes qui font ordinairement les miracles. Ahias annonce à Jéroboam sa prochaine royauté, III Reg., xi, 31, et à la femme de Jéroboam la mort de son fils, III Reg., xiv,
12, etc. ; à la menace d’un autre prophète, la main de Jéroboam se dessèche et son autel schismatique se brise. III Reg., xiii, 3-5. Les prophéties elles-mêmes, qu’elles se rapportent à des événements prochains ou à un avenir plus éloigné, rentrent dans la série des faits nettement surnaturels. Voir Prophétie. — 4. Le prophète Élie opère de nombreux et grands miracles, sur- tout dans le royaume d’Israël, montrant ainsi que Dieu ne se désintéresse pas de la partie schismatique de son peuple. Il prédit la sécheresse prolongée, III Reg., xvh, 2 ; est nourri par des corbeaux dans le torrent en Carith, III Reg., xvii, 4, 6, voir Corbeau, t. ii, col. 961 ; multiplie la farine et l’huile de la veuve de Sarephta, III Reg., xvii, 14-16 ; ressuscite le fils de cette veuve, 1Il Reg., xvii, 22 ; fait descendre le feu^du ciel sur son sacrifice du mont Carmel, III R&g., xviii, 34-38 ; reçoit de l’ange la nourriture qui lui donne la force de marcher quarante jours jusqu’au mont Horeb, III Reg., xix, 5-8 ; est envoyé par Dieu pour sacrer Hazaël roi de Syrie, Jéhu roi d’Israël et Elisée prophète,
III Reg., xix, 15, 16 ; fait dévorer par le feu du ciel cent deux envoyés du roi Ochozias, dont il prédit la mort, IV Reg., i, 10-12, -16 ; se fait un passage à travers les eaux du Jourdain en les frappant avec son manteau, IV Reg., ii, 8, et enfin disparait dans un char de feu.
IV Reg., ii, 11. Voir Élie, t. ii, col. 1670-1675. 5. Elisée, disciple d’Élie, se fait aussi un passage dans les eaux du Jourdain avec le manteau de son maître, IV Reg., ii, 14 ; adoucit les eaux de Jéricho, IV Reg., n t 19-22 ; annonce aux rois ligués contre Moab l’arrivée de l’eau dont ils manquent, IV Reg., iii, 16-20, voir Inondation, t. iii, col. 883 ; multiplie l’huile de la veuve, IV Reg., iv, 3-6 ; prédit à la Sunamite la naissance d’un fils, qui meurt ensuite d’insolation et qu’il ressuscite, IV Reg., iv, 16-37 ; adoucit avec un peu de farine l’amertume d’une marmite de coloquintes, IV Reg, , iv, 40, 41, voir Coloquinte, t. ii, col. 859 ; multiplie le pain pour la nourriture de cent hommes, IV Reg., iv, 42-44 ; guérit Naaman de la lèpre et la transmet à Giézi, son serviteur, pour le punir, IV Reg, , v, 10, 14, 26, 27 ; fait surnager le fer d’une hache, IV Reg., vi, 6 ; découvre au roi d’Israël les plans de guerre du roi de Syrie, et conduit à Samarie même les soldats de ce dernier, frappés d’un aveuglement momentané. IV Reg., vi, 9-20. Après sa mort, un cadavre mis en contact avec ses ossements ressuscite aussitôt. IV Reg., xiii, 21. Voir Elisée, t. ii, col. 1690-1696. - 6. Sous Ézéchias ont lieu les deux miracles de la rétrogradation du cadran solaire, IV Reg., xx, 9-11, voir Cadran solaire, t. ii, col. 27, 28, et de l’extermination de l’armée de Sennachérib. IV Reg., xix, 35. Voir Ézécihas, t. ii, col. 2145-2146. Sur le miracle de Jonas englouti par un monstre marin, Jon., ii, 1, voir Baleine, t. i, col. 1413. Enfin la captivité elle-même, dont les prophètes annoncent le commencement et la fin, doit être, à ce double titre, rangée parmi les événements merveilleux. Voir Captivité, t. ii, col. 227-240.
4° De la captivité à Jésus-Christ. — 1. Pendant la captivité, l’ange Raphaël se fait le compagnon du jeune Tobie, et communique à des objets ordinaires le pouvoir de chasser le démon et de guérir de la cécité. Tob., v,
6, 7 ; vi, 7, 9 ; viii, 2 ; xi, 13-15. À Babylone, Daniel a l’intelligence des songes, Dan., i, 17 ; ii, 2745 ; iv, 16-30, et des paroles mystérieuses de la salle du festin de Baltassar. Dan., v, 25-28. Ses trois jeunes compagnons sortent sains et saufs de la fournaise, Dan., iii, 94, et lui-même échappe miraculeusement aux dangers de la fosse aux lions. Dan., vi, 22 ; xiv, 39. — 2. Le second
Jivre des Machabées raconte aussi quelques miracles opérés pendant la période postérieure à la captivité : la renaissance du feu sacré, II Mach., i, 20-22 ; le châtiment d’Héliodore, II Mach., iii, 25-35 ; l’apparition de cinq cavaliers célestes auprès de Judas Machabée, II Mach., x, 29 ; la vision dans laquelle se montre à ce dernier le prophète Jérémie priant pour le peuple. II Mach., xv, 14.
5° Caractère des miracles de l’Ancien Testament. — 1. Ces miracles portent en général le cachet qui convient à une loi de crainte. Beaucoup sont grandioses, de manière à inculquer une haute idée de la majesté de Dieu.
Les uns sont terribles, comme le déluge, la destruction de Sodome et de Gomorrhe, les plaies d’Egypte, l’engloutissement de l’armée égyptienne dans la mer Rouge, le châtiment des révoltés du désert, la destruction de Jéricho, l’extermination de l’armée de Sennachérib, etc. Ils obligeaient à révérer en Jéhovah le Dieu qui commande à l’univers, qui a pris Israël sous sa tutelle particulière, et entend être respecté de tous les peuples et spécialement du sien. D’autres grands miracles manifestent la bonté de Dieu à l’égard des hommes voués à son service. De ce nombre sont la multiplication des troupeaux de Jacob, la manne, les cailles, l’eau accordée au désert, etc. — 2. Il y a des miracles particuliers qui constituent des actes de sévérité : le châtiment de Nadab et Abiu, celui d’Achan, des Bethsamites, d’Oza, le feu du ciel descendant, à la voix d’Élie, sur les envoyés d’Ochozias, etc. Ces miracles sont destinés à frapper de terreur un peuple encore grossier, trop facilement oublieux de la sainteté deûieu. Il fallait de temps en temps des interventions de cette nature pour mettre à la raison ceux qui étaient tentés de ne pas distinguer assez nettement entre Jéhovah et les faux dieux. — 3. Enfin, plusieurs miracles ont déjà une saveur toute évangélique, montrant que le Dieu de l’Ancien Testament est le même que celui du Nouveau. C’est l’idée que suggèrent l’interruption du sacrifice d’Abraham, les guérisons par la vue du serpent d’airain, les résurrections d’enfants par Élie et Elisée, la multiplication qu’ils font des substances alimentaires, la guérison de Naaman et d’Ézéchias, etc. — 4. Pour la longue période qui va de Moïse à Jésus-Christ, les miracles sont relativement peu nombreux. Au début, ils se multiplient et revêtent un caractère grandiose. Les conditions dans lesquelles se trouvait alors le peuple de Dieu imposaient cette nécessité. Dieu voulait délivrer ce peuple de ses ennemis et en même temps lui inculquer, pour toute la suite de son histoire, une forte idée de la puissance, de la sainteté et de la bonté du Maître auquel il appartenait. On peut dire que toute la pensée religieuse d’Israël a vécu des miracles de l’Exode. Ce sont ces grands fails que rappellent les fêtes annuelles et que célèbrent les cantiques sacrés. Les miracles du temps de Josué corroborent l’effet des précédents. De plus, ils inspirent aux peuples de Chanaan la crainte de Jéhovah. Le miracle n’apparaît plus ensuite que de loin en loin, comme pour rappeler à Israël que le Dieu de l’Exode s’occupe toujours de lui. Les miracles d’Élie et d’Elisée forment une sorte de recrudescence de l’activité divine à la veille de la captivité. On dirait que le Seigneur veut donner une dernière leçon à son peuple, lui faire comprendre ce que sa fidélité lui eût attiré de bienfaits surnaturels, lui laisser un dernier souvenir qui le soutint au cours de. ses malheurs. Les miracles de Daniel sont, à Babylone, pour les Hébreux et les Chaldéens, une nouvelle manifestation de la puissance de Jéhovah. Au retour de la captivité et en attendant l’Évangile, les miracles cessent à peu près totalement, comme les prophéties. Eccli-, xxvi, 3-8.
III. Les miracles du Nouveau Testament. — 1° Dans l’Évangile. — 1. Le Nouveau Testament débute par le récit d’apparitions angéliques à Zacharie, Luc, i, 11, et à Marie, Luc, I, 26, et de deux naissances, celle de Jean-Baptiste, qui est accompagnée de merveilles, Luc, i, 7, 36, 57, et celle de Jésus, qui constitue un miracle unique. Luc, i, 35. — 2. La vie de Notre-Seigneur, de sa naissance à son ascension, présente un grand nombre de miracles. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1503-1509. Parmi ces miracles, il en est qui touchent la personne même du Sauveur et sont sans exemple, avant ou après lui : . sa conception surnaturelle, sa transfiguration, sa propre résurrection et son ascension. Les autres accusent une puissance divine, qui s’exerce de sa propre initiative et sans nul effort. Mais le pouvoir peut en être communi qué aux hommes. Notre-Seigneur le communique en effet à ses Apôtres et à ses disciples, en les envoyant prêcher l’Évangile, Marc., xvi, 17, 18, 20 ; il ajoute même qu’avec la foi en lui on pourra, non seulement reproduire ses miracles, mais encore en opérer de plus grands. Joa., xiv, 12.
2° Dans les Acte* des Apôtres. — 1. Les premiers miracles opérés pour la fondation de l’Église sont : la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte et le don des langues, Act., ii, 2-8, voir Langues (Don des), t. iv, col. 74 ; la conversion d’abord de 3000 hommes, Act., », 41, puis de 5 000, Act., iv, 4 ; la guérison du boiteux à la porte du Temple, Act., iii, 6, 7 ; le châtiment d’Ananie et de Sapbire, Act., v, 5, 10 ; voir Ananie, t. i, col. 540, 541 ; les guérisons nombreuses par la seule ombre de saint Pierre, Act., v, 15, 16 ; les miracles de saint Etienne, Act., VI, 8, et sa vision du Fils de Dieu, Act., vii, 55 ; les miracles de saint Philippe à Samarie, Act., viii, 6 ; et son enlèvement après la conversion de l’eunuque. Act., viii, 39. — 2. Saint Pierre continue la conquête évangélique par divers miracles : la guérison du paralytique de Lydda, Act., IX, 34 ; la résurrection de Tabitha, Act., ix, 40 ; l’apparition de l’ange à Corneille et la révélation divine faite à saint Pierre, Act., x, 3, 10, 11 ; la délivrance de la prison d’Hérode, Act., xii, 7, et le châtiment subit du prince. Act., xii, 23. —
3. Saint Paul, converti par miracle, Act., ix, 3-18, frappe de cécité le magicien Elymas, Act., xiii, 11 ; guérit un boiteux à Lystres, Act., xiv, 9 ; chasse le démon qui possédait et inspirait une jeune fille, à Philippes, Act., xvi, 18 ; est, miraculeusement délivré de ses liens en prison, Act., xvi, 26 ; guérit des malades par le contact des linges qu’il a portés, Act., Xix, 12 ; à Troade, ressuscite le jeune Eutychus. tombé par la fenêtre du troisième étage, Act, xx, 10 ; reçoit la visite d’un ange qui lui annonce le salut des passagers du navire, Act., xxvii, 22-24 ; n’a rien à souffrir, à Malte, de la piqûre d’une vipère, Act., xxviii, 5, et guérit de la fièvre et de la dysenterie le père de Publius, chef de l’île. Act., xxviii, 8. —
4. Outre ces miracles, il faut encore mentionner les dons spirituels, qui mettaient les âmes des premiers chrétiens dans des états surnaturels ayant leur manifestation extérieure. Voir Dons surnaturels, t. ii, col. 1483-1487.
3° Caractère des miracles du Nouveau Testament. — 1. Les miracles de l’Évangile sont tous des miracles de puissance et de bonté. Aucun ne s’inspire d’une pensée de sévérité contre ceux qui font mal, et quand Jacques et Jean veulent faire descendre le feu du ciel sur une ville de Samarie, Notre-Seigneur les reprend en disant : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes. » Luc, IX, 55. Il faut qu’en tout le Sauveur n’apparaisse qu’avec sa bonté et son amour pour les hommes. TH., iii, 4. C’est ce qui donne à l’ensemble de ses miracles un caractère d’utilité, de charité, d’amabilité, de prévenance, qui ne se trouve nulle part ailleurs, ni avant ni après lui.
2. Les Apôtres sont l’objet de miracles qui n’ont point leurs analogues dans l’Évangile, le don des langues, les délivrances de prison, le transport subit en des lieux éloignés, etc. Ils en font d’autres qui paraissent par quelques côtés plus grands que ceux de Notre-Seigneur : saint Pierre guérit par sa seule ombre, et saint Paul par le contact des linges qu’il a portés. Mais aussi certains caractères des miracles de l’Ancien Testament reparaissent parfois, quand le réclame l’intérêt de l’Église naissante. On constate la sévérité ancienne dans les châtiments d’Ananie et de Saphire, d’Élymas et d’Hérode.’3. Tous les miracles du Nouveau Testament se présentent dans des conditions qui ne permettent aucun doute sur leur réalité. La plupart ont été entourés d’une grande publicité et les témoignages des écrivains sacrés, acceptés par les contemporains, ’offrent toutes les garanties désirables. D’autres miracles n’ont eu que de rares témoins, ou même n’en ont eu qu’un seul, comme la
visite de l’ange à Marie, la tentation de Jésus-Christ au désert, l’apparition de l’ange à son agonie, etc. Mais ces témoins sont tellement qualifiés qu’il serait déraisonnable de ne pas s’en rapporter à eux. On leur doit la même foi qu’aux témoins nombreux, quelle que soit la nature des faits qu’ils racontent. Voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152-158 ; Jean (Évangile de saint), t. iii, col. 1167-1183 ; Luc (Évangile de saint), t. iv, col. 386391 ; Mabc (Évangile de saint), col. 719 ; Matthieu (Évangile de saint), col. 876.
4. Les miracles de l’Évangile et des Actes, à part ceux qui se rapportent directement à la personne de Notre-Seigneur ou à des circonstances transitoires, comme les différents dons surnaturels, ne sont pas des faits isolés dans l’histoire de la religion. Ils ont été reproduits dans tous les siècles, offrant ainsi à chaque génération une démonstration, par analogie, de la possibilité et de la réalité des miracles évangéliques.
5. Il y a à noter une différence caractéristique entre les miracles de Jésus-Christ et ceux des hommes. Les hommes ne peuvent produire un effet surnaturel que par un pouvoir d’emprunt, qui leur vient de Dieu, seul auteur du surnaturel absolu. Ainsi, quand les Apôtres font des miracles, ou bien ils prient Dieu au préalable, comme saint Pierre à Joppé, Act., ix, 40, ou bien ils déclarent formellement que le miracle est opéré au nom et par la puissance de Dieu. Act., iii, 6 ; IX, 34, etc. Si le texte sacré n’indique ni l’une ni l’autre de ces conditions, la prédication des Apôtres donne assez formellement à entendre qu’ils n’agissent en tout qu’au nom de Dieu. S’il en eût été autrement, leur pouvoir miraculeux eût aussitôt pris fin, ou du moins eût revêtu un caractère capable de dévoiler son origine diabolique. Le Sauveur a dit en effet : « Il n’est personne qui, après avoir fait un miracle en mon nom, puisse aussitôt parler mal de moi. » Marc, ix, 38. Un acte opéré avec un pouvoir surnaturel venu de Dieu ne peut en effet accompagner une parole proférée contre Dieu. Quand, au contraire, c’est Jésus-Christ qui opère le miracle, il ne se réclame d’aucun autre pouvoir et il ne demande ce pouvoir à personne : il agit 4e sa propre initiative et par sa vertu personnelle. Sans doute il répète que « le Fils ne peut rien faire de lui-même que ce qu’il voit faire au Père », Joa., v, 19, que lui-même « il fait les œuvres de son Père », Joa., x, 37, que le Père, demeurant en lui, fait ses œuvres. Joa., xiv, 10. Mais il déclare que lui et son Père ne font qu’un, Joa., x, 30, d’où il suit que, dans la production des actes d’ordre surnaturel, Jésus-Christ n’est pas un principe d’action différent de son Père. Si, avant de ressusciter Lazare, il remercie le Père de l’avoir exaucé, tout en observant que le Père l’exauce toujours, Joa., xi, 41, 42, il ajoute qu’il ne parle ainsi qu’à cause de la foule, afin qu’elle croie que le Père l’a envoyé.
6. Notre-Seigneur n’opère en effet de miracles que pour prouver la divinité de sa mission. Il n’entend pas prouver directement sa divinité personnelle. Sans doute, agissant de sa propre initiative et par sa propre puissance, il pouvait prouver par là qu’il est Dieu. Mais cette initiative et cette puissance indépendante se supposent plus aisément qu’elles ne se démontrent, tant qu’elles restent isolées de l’affirmation du Sauveur sur sa nature divine. Logiquement, le miracle prouve donc seulement que Notre-Seigneur est l’envoyé de Dieu et que sa parole est digne de foi. Cf. Jésus-Christ, t. iii, col. 15051506. La valeur de cette parole une fois établie par le miracle, il ne reste plus qu’à l’écouter et à la croire. Les miracles des Apôtres ont une valeur analogue. Ils démontrent que les Apôtres sont les envoyés de Dieu et que le témoignage qu’ils appuient sur les miracles est vrai. Ce témoignage a ensuite la force de prouver logiquement la divinité de Notre-Seigueur et de son enseignement. Les miracles sont ainsi d’une importance capitale dans le Nouveau Testament. « Jésus-Christ a
dict. de la bible.
fait des miracles, et les Apôtres ensuite, et les premiers saints en grand nombre ; parce que, les prophéties n’étant pas encore accomplies et s’accomplis ?ant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie, sans la conversion des nations ? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent ? Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité, et qu’il eût converti les nations, tout n’était pas accompli : et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là… Les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles, et essaient de montrer qu’ils sont faux ou faits par le diable, étant nécessités d’être convaincus, s’ils reconnaissaient qu’ils sont de Dieu. » Pascal, Pensées, édit. Guthlin, Paris, 1896, p. 228-229.
- MIRAGE##
MIRAGE, illusion d’optique provenant d’une inégale réfraction des rayons lumineux à travers dés couches d’air d’inégale densité. Les objets saillants paraissent alors se dresser au milieu d’un lac immense, que le voyageur aperçoit à distance, mais qu’il ne peut jamais atteindre. Ce phénomène se produit surtout dans les déserts fortement échauffés par les rayons du soleil, particulièrement dans les plaines sablonneuses de l’Egypte. Il avait été déjà observé par les anciens. Quinte-Curce, vii, 5, raconte que, lorsque Alexandre arriva en Sogdiane, la chaleur du sol dégagea une sorte de brouillard, « de telle façon que les plaines ressemblèrent à une vaste et profonde mer. » D’après le Coran, xxiv, 39, « les œuvres de l’infidèle ressemblent à la vapeur qui s’élève dans le désert ; le voyageur altéré y court chercher de l’eau, et, lorsqu’il s’en est approchél’illusion a disparu. »
Rosenmûller, Jesai&t vaticin., Leipzig, 1793, t. ii, p. 739, Gesenius, Thésaurus, p. 1480, et beaucoup d’autres, ont pensé que le mot Sdrâb désignai t le mirage, , comme le mot arabe sarâb. Il se lit deux fois dans Isaïe„ Dans sa description de l’heureux temps de la restauration messianique, le prophète dit :
Des eaux jailliront dans le désert
Et des ruisseaux dans la solitude ;
Le Sdrâb se changera en lac
Et le sol desséché en source d’eaux. — Is., xxxv, 6, 7.
Ailleurs il dit encore en parlant du même sujet : « L& sdrâb et le soleil ne les frappera pas (yakkêm) ; car celui qui a pitié d’eux sera leur guide et les mènera vers des sources d’eaux. » Is., xlix, 10. Le Targum a conservé le mot de l’original : Naiiw, Serôbd’. Les Septante ont traduit le mot hébreu dans le premier passaged’Isaïe, par SvuSpoc, « terre sans eau » (Vulgate : arida, c terre desséchée » ). Dans le second, ils rendent Sdrâb par 6 xocuitùm, « le vent brûlant » (Vulgate : sestus, « la chaleur » ). Le verbe ndkdh, « frapper, » employé par leprophète, Is., xlix, 10, peut s’appliquer à la chaleur, au vent brûlant, au soleil, qui semblent lancer des traits ardents sur le voyageur. Il s’applique ici, d’après les exégètes, qui donnent à Sdrâb le sens de mirage, à l’ardeur de la soif qui fait souffrir si cruellement dans le désert et que la déception da mirage irrite encore davantage. D’après d’autres auteurs, si le sens de mirage peut convenir au premier passage d’isaïe, il convient difficilement au second. Aussi la signification de grande chaleur leur paraît-elle préférable. Les Septante et la Vulgate qui ont ainsi traduit, leur donnent raison. Mais il faut observer qu’ils ne pouvaient pas traduire littéra{ lement le mot, parce que le grec et le latin n’ont point’de terme signifiant « mirage ». Le nom ordinaire du roii rage en arabe est ( >U^o, sarâb, et c’est là un argument très fort en faveur de ceux qui attribuent cette signification au mot hébreu. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1480. H. Lesêtke.
IV. - 36
1123
MIRoir
1124
- MIROIR##
MIROIR (hébreu : mctr’âh et rëi, de râ’âh, « voir, y> gillâyén ; Septante : xÔTOjrrpov, opaai ; , idoitxpov ; Vulgate : spéculum), surface métallique suffisamment polie pour reproduire une image qu’on place vis-à-vis d’elle (fig. 293). — Dès le séjour des Hébreux au désert, il est
(fig. 295), quelquefois doré, en alliage de cuivre et d’étain, ce qui donnait les meilleurs résultats, ou même en argent. Cf. Pline, H. tf., xxxiii, 45 ; xxxiv, 48. Les femmes
293. — Image se réfléchissant dans un miroir. Vase grec. D’après Ed. Gerhard, Antike Bildwerke, Stuttgart, 1827-1839, pi. uni.
question de miroirs. « Il fit la mer d’airain avec sa base au moyen des miroirs des femmes qui veillaient à la porte du Tabernacle. » Exod., xxxviii, 8. Cette veillée se faisait par dévotion. Cf. I Reg., ri, 22. Il y avait là un usage que saint Cyrille d’Alexandrie, De adorât, in spir., ix, t. lxviii, col, 629, signale comme en vigueur chez les Égyptiens : (< C’était une coutume, surtout chez les femmes égyptiennes, de se rendre aux temples vêtues de tuniques de liii, en portant, avec une attitude religieuse, un miroir à la main gauche et un sistre à la droite. » Les monuments égyptiens représentent fréquemment des miroirs métalliques. Cf. t. ii, fig. 640, col. 2192 ; Wilkinson, Manners and customs oftheancient Egyptians, Londres, 1837, t. iii, p. 384 ; Erman. Aegypten und àgyptisches Leben in Alterlhuni, Tubingue, 1885, p. 316, 399. On en a retrouvé un bon nombre, et spécialement, dans le sarcophage de la reine Hatespou, de la XVIIIe dynastie, vers le xv « siècle avant J.-C., un miroir de bronze doré, à poignée en ébène garnie d’un lotus d’or ciselé (voir 1. 1, fig. 623, col. 1944). Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient élastique, Paris, t. ii, 1897, p. 96. Ces miroirs étaient ordinairement ronds ou légèrement elliptiques (t. i, fig. 294). On ne les destinait pas à être fixés à unemuraille ou à un meuble ; tous sont des miroirs à main, pourvus d’un manche tcuipté de diverses façons ou orné de figurines. Les anciens n’ont connu que les miroirs en métal, en cuivre
204. — Miroir égyptien. Musée du Louvro.
Israélites avaient emporté des miroirs d’Egypte. Elles on firent le sacrifice pour fournir le cuivre nécessaire à la
295. — Miroir punique, en cuivre, trouvé dans un tombeau de Carthage, le 2 novembre 1904. Une partie du miroir n’ayant pas été oxydée, il réfléchit encore l’image placée devant lui. D’après un dessin de M. d’Anselme.
fabrication de la mer d’airain. — L’auteur du livre de Job, xxxyn, 18, dit que le ciel est comme re’î mûsâq, « un miroir fondu, » opcidiç iiiïfji<Ku>$, « vision de ce
<ju’on verse, » xre fusi sunt, « sont fondus en airain. » Cette conception d’un ciel qui ressemble à un miroir de métal répond à la double idée que se faisaient les anciens d’un ciel plus ou moins solide, voir Firmament, t. ii, col. 2280, cf. Deut., xxviii, 23, et en même temps d’un ciel lumineux, éclairé par l’éclat du soleil et des astres et brillant comme un miroir poli. — Isaïe, iii, 23, mentionne, parmi les atours des femmes de Sion, les gilênîm, spécula. Le mot est employé une autre fois au singulier, gilldyôn, Is., toi, 1, pour désigner une tablette polie sur laquelle on écrit. II se rattache à la racine gâlâh, « être lisse. » Les miroirs ne pouvaient manquer de figurer parmi les nombreux objets de toilette qu’énumère le prophète. Les Septante traduisent par 81 « çavî| Xaxwvai, sortes de vêtements diaphanes et transparents de Laconie, comme les étoffes de Cos dont parlent Pline, H. N., xi, 26 ; Horace, i>at. i, ii, 101 ; Sénèque, De beneftc., 10, etc. La racine gâlàh
296. — Grecque se regardant dans un miroir. Terre cuite de Tanagra. D’après la Gazette archéologique, t. iv, 1878, pi. 10.
signifie aussi, en hébreu et en arabe, « être net, dénudé. » Rosenmûller, Jesajee vaticin., Leipzig, 1810, t. i, p. 130-131, défend l’étymologie adoptée par les Septante. La première est généralement préférée. — Au livre de la Sagesse, vii, 26, la sagesse est présentée comme le « miroir sans tache » de la majesté de Dieu. Cette sagesse, qui vient de Dieu et qui gouverne l’âme de l’homme, reproduit en effet en quelque manière les attributs divins. Mais, quoique le miroir soit sans tache, ce n’est encore qu’un miroir, et, comme remarque saint Paul, I Cor., xiii, 12, en cette vie, nous ne voyons les choses divines que « par un miroir », c’est-à-dire par une vision intermédiaire et imparfaite. Quelques auteurs ont pensé que saint Paul fait allusion ici, non au miroir, mais au specular, substance transparente, pierre, corne, ivoire, etc., que les anciens mettaient aux/ fenêtres en guise de vitres. Cf. Odyss., xix, 563 ; Pline ; H. N., xix, v, 23 ; Martial, viii, 14, etc. On lit dans Terlullien, Deanim., 53, t. ii, col. 741 : « La lumière des choses est confuse pour l’âme, comme à travers un specular de corne. » Saint Paul voudrait dire alors que nous voyons les choses divines comme à travers une substance qui ne laisse passer qu’une lumière incomplète et confuse. Mais l’Apôtre se sert du mot ïaanzpov, qui a toujours le sens de miroir. Cf. Pindare, Nem., vii, 14 ; Josèphe, Ant. jud., XII, ii, 10, etc. Le vitrage en pierre spécu laire se nomme en grec àfoir-rpa. — Enfin saint Jacques i, 23, compare celui qui écoute la parole de Dieu et ns la pratique pas, à « un homme qui regarde son visage dans un miroir et qui, après s’être regardé, s’en va et oublie aussitôt quel il était ». Ni l’un ni l’autre ne tirent parti de la connaissance qu’ils ont acquise. A. l’époque où écrivaient les deux Apôtres, l’industrie grecque fabriquait des miroirs de grande beauté. Il y avait des miroirs en forme de disques, avec une face convexe soigneusement polie, et une surface concave ornée de figures gravées au burin. Ces miroirs avaient un manche sculpté qui permettait de les tenir à la main, ou une sorte de socle au moyen duquel on les posait sur un meuble. Différentes peintures et des figurines (fig. 296) représentent des femmes se regardant au miroir. Cf. une peinture de Cumes, dans Monumenti an~ tichi, in-f", Milan, 1839, t. i, vis-à-vis la col, 955 ; J. E. Middleton, Engraved Gems, in-4°, Cambridge, 1891, pi. I, n. Il et p.. vu. D’autres miroirs faisaient partie d’une boite en forme de disque ; le couvercle, orné de figures en basreliefs à l’extérieur, présentait à l’intérieur une surface polie et argentée qui se relevait verticalement et réfléchissait les images. Cf. M. Collignon, Manuel d’archéologie grecque, Paris, s. d., p.’346-354. Quand il écrivait aux Corinthiens, saint Paul avait eu l’occasion de voir ces différentes sortes de miroirs à Athènes et dans les villes de Grèce et d’Asie Mineure qu’il avait parcourues.
Voir J. de Witte, Les miroirs chez les anciens, in-8°, Bruxelles, 1872 ; Baumeister, Denkmàler des clasisscheti AUerthums, 3 in-4°, Munich, 188M888, t. iii, p. 16901693 ; Mylonas, ’EXXvrvmà xa-rou-rpa, in-8°, Athènes, 1876 ; Ed. Gerhard, Etruskische Spiegel, 4 in-4°, en 5 vol., Berlin, 1843-1867 ; Id., Ueber die Metallspiegel der Etrusker, 2 part, in-4°, Berlin, 1838-1860 ; Wilkinson, Manners and customs of the ancient Egyptians, édit. Birch, t. ii, p. 350-351 ; Dumont, Miroirs grecs ornés de figures ou de traits, dans les Monuments grecs de l’Association des études grecques, 1873 ; Guhl et Koner, Leben der Griechen und Rbmer, 6e édit., in-8°, par fi. Engelmann, Berlin, 1893, p. 317, 746, ’747.
- MISAAM##
MISAAM (hébreu : Mis’àm ; Septante : MciraaX), fils d’Elphaal, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 12.
- MISACH##
MISACH (hébreu : Mêsak ; Septante : Mkt « x), nom chaldéen donné à Misaël, un des trois compagnons de Daniel. Dan., i, 7 ; ii, 49 ; iii, 12. Ces jeunes Israélites ayant été choisis pour être élevés à la cour du roi Nabuchodonosor, leur nom fut changé selon la coutume du pays. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 277. On a donné du nom de Misach les étymologies les plus diverses. Toutes les explications fondées sur le sanscrit et le perse doivent être rejetées, puisque le mot est chaldéen. Pour l’histoire de Misach, voir Misaël 3.
- MISAEL##
MISAEL (hébreu : MiSd’êl, « qui est ce que Dieu est » ), nom de trois Israélites.
1. MISAEL (Septante : Miaar^ ; UaraSiri, Alexandrinus ; Mio-aSaî dans Lev.), fils d’Oziel, de la tribu de Lévi. Exod., vi, 22. Oziel était l’oncle d’Aaron et de Moïse.
MJuand Nadab et Abiu, fils d’Aaron, eurent été frappés de mort pour avoir mis un feu étranger dans leur en-, censoir, Moïse ordonna à Misaël et à son frère Élisaphan d’emporter leurs cadavres du sanctuaire en dehors du camp et il les y transportèrent vêtus de leur tunique de lin. Lev., x, 4-5.
2. MISAEL (Septante : MiiraïjX), un des Israélites qui étaient placés à la gauche d’Esdras, lorsque ce dernier lut la loi au peuple sur un marchepied de bois dans la place située devant la porte des Eaux. II Esd., viii, 4. ’3. MI8AEL (Septante : Miirar, *), jeune Juif de race royale, un des compagnons de Daniel à la cour de Nabuchodonosor à Babylone. Il fut appelé en chaldéen Misach. Son histoire est la même que celle de ses deux compagnons Ananie (voir Ananie 5, 1. 1, col. 540) et Azarias (voir Azarias 13, t. i, col. 1210). Il est toujours nommé le second’parmi les trois jeunes gens. Dan., i, 3-20 ; ii, 17-18 ; iii, 12-97. — Mathathias, père des Afachabées, pour exciter ses fils à défendre généreusement la religion de leurs pères, leur rappela en mourant les « xemples de la protection divine à l’égard de leurs ancêtres et en particulier comment Ananie, Misaël et Azarias avaient été sauvés des flammes de la fournaise où les avait fait jeter Nabuchodonosor. I Mach., ii, 59.
- MISCHNA##
MISCHNA, recueil des lois traditionnelles des écoles pharisiennes. La Mischna est la partie principale du Talmud ; la Gemara en est le commentaire.
I. Son nom et son objet. — Le mot hébreu misnâh vient de Sânâh, « doubler, changer » (cf. senayim, « deux » ) ; il signifie « redoublement ». Il est assez souvent employé dans la Bible. Exod., xvi, 22 ; Deut., xv, 18 ; xvii, 18, etc. Les Pères le traduisent par BeuTÉpwe-iç. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxi, ad Algas., q. x ; Epist. xviii, ad Damas., 20, t. xxii, col. 1034, 374 ; In Matth., xxii, 23, t. xxvi, col. 163, etc. ; S. Augustin, Cont. adv. leg. et prophet., ii, 1, t. xxii, col. 637 ; Novell, de Justinien, 146, 1, etc. Ils donnent aux auteurs de la Mischna le nom de SeutspuTotf. Cf. S. Jérôme, In Is., 3, 10, t, xxiv, col. 133 ; In Eabac., 2. t. xxv, col. 1301, etc. Saint Jérôme indique en ces termes l’objet de la Mischna : « Lorsqu’à certains jours ils exposent leurs traditions à leurs disciples, on a coutume de dire : ol « roçot SeuTsptoffiv, c’est-à-dire les sages enseignent leurs traditions. » Epist. cxxi, ad Algas., q. x, t. xxii, col. 1034. La Mischna est donc, par opposition avec la Loi écrite dans les Livres sacrés, la « répétition » orale de la loi traditionnelle, telle que les docteurs l’enseignaient à leurs disciples. C’est ce qui fait que le verbe sânâh est pris par les auteurs juifs dans le sens d’ « enseigner ». Cf. Aboth, ii, 4 ; iii, 7 ; Taanith, lv, 4, etc. Cet enseignement n’était qu’un développement, par les docteurs, des lois mosaïques qu’il fallait expliquer et accommoder aux divers cas possibles. La Mischna considérait la Loi comme objet d’enseignement théorique, ce qui la distinguait de la Halacha, qui visait plus spécialement l’application pratique. Voir Midrasch, col. 1077.
II. Divisions de la Mischna. — Cet enseignement des docteurs juifs sur la Loi se divise en six sedârim ou « ordres », formant soixante massikfôt ou « traités », portés à soixante-trois par le sectionnement adopté dans les textes imprimés. Chaque traité est divisé en perâqîm ou « chapitres », divisés eux-mêmes par la suite en miSniyôt ou « petites leçons ». Tous ces traités sont écrits en hébreu, et, sauf les traités Aboth et Middoth, qui sont aggadistes, c’est-à-dire historiques, ils se rattachent à la Halacha ou étude de la législation. Les traités qui composent la Mischna sont les suivants :
l. prbmibb ordre ou Sédér teràHm, « ordre des semences : »
1. Berachoth, sur les prières.
2. Pea, sur la partie du champ et de la récolte à laisser aux pauvres. Lev., xix, 9, 10 ; xxiii, 22 ; Deut.,
xxiv, 19-22.
3. Demai, sur l’usage des fruits au point de vue de la dîme.
4. Kilayim, sur le mélange des espèces dans les animaux, les plantes et les étoffes. Lev., xix, 19 ; Deut., xxii, 9-11.
5. Schebiith, sur l’année sabbatique.
6. Temmoth, sur la taxe en faveur des prêtres.
7. Maaseroth, sur la dîme en faveur des lévites.
8. Hlaaser scheni, sur la seconde dime. Deut., xiv, 22.
9. Challa, sur le prélèvement en faveur des prêtres. Num., xv, 17-21.
10. Orla, sur l’interdiction des fruits d’un nouvel arbre pendant trois ans, Lev., xix, 23-25.
11. Bikkurim, sur l’offrande des prémices.
il. second obdbe ou Sédér mô’èd, « ordre des fêtes : »
12. Schabbalh, sur le sabbat.
13. Erubin, sur le chemin permis le jour du sabbat,
14. Pesachim, sur la fête de la Pâque.
15. Schekalim, sur l’impôt du didrachme. Exod., xxx, 1 ; Matth., xvii, 24.
16. y orna, sur le jour de l’Expiation.
17. Sukka, sur la fête des Tabernacles.
18. Beza ou Yom tob, sur ce qu’on peut faire un jour de fête ou de sabbat, spécialement si on peut manger un œuf pondu ce jour-là.
19. Rosch haschana, sur le premier jour de l’année nouvelle.
20. Taanith, sur les jours de deuil.
21. Megilla, sur la lecture du livre d’Esther à la fête des Phurim.
22. Moed katan, sur les jours qui sont entre le premier et le dernier d’une grande fête.
23. Chagiga ou IJagiga, sur l’obligation d’aller à Jérusalem aux trois grandes fêtes.
m. troisième ordre ou Sédêr nà&îm, « ordre des femmes : »
24. Yebamoth, sur le lévirat. Deut., xxv, 5-10.
25. Kethuboth, sur les contrats de mariage.
26. Nedarim, sur les vœux, valeur de ceux des femmes.
27. Nasir, sur le nazirat.
28. Sota, sur la procédure envers la femme soupçonnée d’adultère.
29. Gittin, sur le divorce et la lettre de répudiation.
30. Kidduschin, sur les fiançailles.
IV. quatrième ordre ou Sédér nezîqtn, « ordre des dommages : »
31. Baba kamma, « la première porte, » sur les conséquences de différents dommages causés à autrui.
32. Baba mezia, « la porte du milieu, » sur les rapports entre maîtres et serviteurs, ouvriers et employeurs, etc.
33. Baba bathra, « la dernière porte, » sur les rapports entre concitoyens.
34. Sanhédrin, sur le sanhédrin etlajustice criminelle.
35. Makkoth, sur la flagellation.
36. Schebuoth, sur les serments.
37. Eduyoth, sur les témoignages.
38. Aboda sara, sur l’idolâtrie.
39. Aboth ou Pirke Aboth, reeueil de sentences provenant de sages ayant vécu de 200 avant à 200 après J.-C.
40. Horayoth, sur les décisions erronées du sanhédrin, sur les fautes du grand-prêtre ou des princes.
v. cinquième ordre ou Sédér qôddsîm, « ordre des choses saintes : »
41. Sebachim, sur les sacrifices sanglants.
42. Menachoth, sur les offrandes.
43. Chullin, sur la manière d’immoler les [animaux non destinés aux sacrifices.
44. Bechoroth, sur les premiers-nés des hommes et des animaux.
45. Arachin, sur le rachat des personnes ou des choses consacrées au sanctuaire.
46. Temura, sur l’échange des choses consacrées à Dieu.
47. Kerithoth, sur les transgressions de défenses accompagnées d’une menace d’extermination.
48. Meîla, sur la soustraction d’un objet consacré a Dieu.
49. Tatnid, sur le sacrifice quotidien et sur le service du Temple.
50. Middoth, sur les mesures et les règlements du. Temple.
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MISCHNA
MISÉRICORDE
H30
51. Kinnim, sur les sacrifices de pigeons faits par les pauvres.
vi. sixième obdre ou Sédér tohorôp, « ordre des purifications : »
52. Kelim, sur la purification des ustensiles.’53. Ohaloth, sur la purification d’une habitation, surtout après un décès.
54. Negaim, sur les lépreux.
55. Para, sur la vache rousse.
56. Tohoroth, sur différentes sortes de moindres impuretés.
57. Mikvaoth, sur l’eau qui convient aux purifications.
58. Nidda, sur les impuretés de la vie du mariage.
59. Machschirin, sur les impuretés causées par les liquides tombant sur les fruits. Lev., xi, 34, 38.
60. Sabim, sur les flux de pus ou (le sang.
61. Tebul Yom, « c le baigné du jour, » sur l’impureté qui demeure jusqu’au coucher du soleil même pour celui qui s’est baigné.
62. Yadayim, sur le lavement des mains.
63. Dkzin, sur la purification des fruits.
III. Auteurs de la Mischna. — 1° Quand Jérusalem eut été prise et le Temple ruiné, les docteurs juifs comprirent que le rôle politique de leur nation était terminé. Il cherchèrent alors à consolider leur unité religieuse en consacrant tous leurs efforts à l’étude de leurs lois et de leurs traditions. La Mischna fut le résultat de cette activité. Cette compilation cite environ cent cinquante docteurs, la plupart assez rarement, d’autres dans presque tout les traités, les uns tenant pour l’affirmative dans une question, les autres pour la négative. — 2° La comparaison des textes et la manière dont sont habituellement groupés les interlocuteurs permet de distinguer quatre générations successives da docteurs : Première génération, de 70 à 100 : R. Jochanan ben Sakkai, K. Zadok, R. Chananja, chef des prêtres, R. Éliézer ben Jakob. — Seconde génération, de 100 à 130 : R. Gamaliel il, cité 84 fois ; R. Josua ben Chananja, cité 146 fois ; R. Éliézer ben Hyrcanos, cité 324 fois ; R. Ismaël, cité 71 fois ; R. Akiba ben Joseph, cité 278 fois, voir Akiba ben Joseph, t. i, col. 329 ; R. Tarphon, cité 51 fois, etc.
— Troisième génération, de 130 à 160 : R. Juda ben Élai, cité 609 fois ; R. José ben Chalephta, cité 335 fois ; R. Meir, cité 331 fois ; R. Simon ben Jochai, cité 325 fois ; R. Simon ben Gamaliel, cité 103 fois, etc. — Quatrième génération, de 160 à 200 : R. Juda han-Nasi, cité 37 fois, voir Juda han-Nasi, t. iii, col. 1777 ; R. José ben Juda Élaï, cité 14 fois. Ces docteurs enseignaient dans les écoles fondées à Séphoris et à Tibériade. — 3° La date des autorités citées dans la Mischna permet de conclure qu’elle a été rédigée par écrit vers la fin du second siècle. Cette rédaction est attribuée à R. Juda han-Nasi, surnommé Je Saint. Mais comme ce docteur a dû certainement avoir à sa disposition autre chose que des sources purement orales, on est amené à penser qu’il existait déjà des recueils écrits datant de la seconde et de la troisième génération des docteurs. Saint Épiphane, Hxr. xxxui, 9, t. xli, col. 563, distingue quatre êevrep<i<rsi{ des Juifs : celle de Moïse, c’est-à-dire le Deutéronome, celle de R. Akiba, celle de Juda et celle des Asmonéens, probablement la codification entreprise par Jean Hyrcan, pour fixer les doctrines des pharisiens. Il en est question dans Megillath Taanith, 10. Cf. Deronbourg, Essai de restitution de l’anc. rédaci.de Masséchèt Kippourim, dans la Revue des études juives, Varis, 1883, t. vi, p. 41.
IV. La Tosephta. — C’est un recueil, surtout aggadiste, <}ui a été ajouté à la Mischna, d’où son nom de fôséftà’, a addition. » La matière en appartient à l’époque des docteurs de la Mischna et la division par traités est la même ; seuls les traités 39, 49, 50, 51, font défaut. Ce xecueil est assez étroitement apparenté à la Mischna, dont il prétend être le complément. Les rédacteurs ont utilisé des sources antérieures à la Mischna ; ils citent
certains documents d’une manière plus complète ; par contré, ils allèguent des autorités postérieures aux docteurs de la Mischna. Ils sont donc de date plus récente que ces derniers. — Sur la Gémara et les commentaires de la Mischna, voir Taimud.
V. Valeur de la Mischna. — La Mischna, « répétition de la Loi, » finit par devenir pour les Juifs une seconde loi dont l’importance dépassait celle de la première. Beaucoup de pharisiens envisageaient déjà les choses de cette manière au temps de Notre-Seigneur, qui le leur reproche sévèrement. Matth., xv, 2, 3 ; Marc, vii, 5, 8. Ce faux jugement ne fit que s’accentuer avec le temps. La Mischna se contente de rapporter les opinions des docteurs célèbres par rapport à la pratique de la Loi. Celle-ci n’avait pu entrer dans tous les détails. Il était donc bon que des hommes sages intervinssent pour fixer ceux qui avaient besoin de l’être. Seulement ils tombèrent trop souvent dans la minutie et l’arbitraire. Leurs règles, avec leurs multiples prescriptions, finirent par occuper dans les préoccupations des Juifs autant de place qu’elles en avaient dans l’enseignement oral ; la Loi, courte et lumineuse, disparut ainsi comme étouffée par les broussailles de la haie au moyen de laquelle on prétendait la protéger. Ce fut un très grave inconvénient pour la religion juive, qui, au lieu d’être un culte « en esprit et en vérité », se réduisit, pour beaucoup, à un vain formalisme, aussi onéreux à pratiquer qu’impuissant à sanctifier, Matth., xxiii, 4 ; Luc, xi, 46 ; Act., xv, 10. Néanmoins la Mischna est pour nous une source très précieuse de renseignements. Elle nous fait connaître, avec les détails les plus circonstanciés, ce qu’était la vie juive à l’époque de Notre-Seigneur. Comme les traditions consignées dans ce livre se transmettaient depuis les anciens âges, nous trouvons là des éclaircissements sur la manière dont on comprenait et dont on pratiquait beaucoup de prescriptions légales, sur lesquelles la Sainte Écriture ne contient que de brefs articles. Bien des minuties, sans doute, sont de date relativement récente, et bien des décisions représentent des opinions particulières plutôt que des traditions autorisées. « Bien que la Mischna soit plus épurée » que la Gémara, qui en est le commentaire, « les passages de l’Écriture n’y sont guère souvent expliqués selon le sens littéral. On les a accommodés aux préjugés de la tradition, pour autoriser les décisions de leurs docteurs. » R. Simon, Hist. crit. du Vieux Testament, Amsterdam, 1685, p. 372. Cf. Cornely, Inlroduct. in U. T. libros sacros, 1. 1, Paris, 1885, p. 595. Il n’en est pas moins vrai que les traités de la Mischna sont d’un secours très utile pour l’intelligence d’un bon nombre de passages de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les traités sont d’ailleurs assez courts, bien divisés et par conséquent d’une consultation facile.
VI Bibliographie. — La Mischna a été traduite en latin et annotée par G. Surenhusius, Mishna sive totius Hebrseorum juris systema, 6 in-fol., Amsterdam, 16981703 ; en allemand, par Rabe, in-4°, Anspach, 1760-1763 ; on a aussi édité The Mischna on which the Palestinian Talmud rests, Cambridge, 1883, et Mischnajoth, Die sechs Ordnungen der Mischna, Berlin, 1887-1898. — Sur le texte même, voir Frankel, Rodegetica in Mischnam, Leipzig, 1859 ; Additamenta et index, 1867 ; J. Briill, Einleitung in die Mischnah, Francfort, 1876-1884 ; Weiss, Zur Geschichte der judischen Tradition, Vienne, 18711891 ; Derenbourg, Les sections et les traités de la Mischnah, dans la Revue des Études juives, Paris, 1881, t. iii, p. 205-210 ; Schûrer, Geschichte des judischen Volkes im Zeit J. C, Leipzig, 1901, t. i, p. 113-125.
- MISÉRICORDE##
MISÉRICORDE (hébreu : hanndh et hannôf, (ehinnâh, fahânûnîm, mots dérivés du verbe hânan, « avoir pitié ; » héséd, rahâmim et en chaldéen : rahàmîn, « entrailles, s voir t. ii, col. 1818 ; Septante : sXeoç, oïx
cipiiôçj Vulgate : misericordia, miseratio), sentiment ; qui porte à témoigner de la pitié, à porter affection et i secours à celui qui est malheureux, soit physiquement, 601t moralement.
I. Miséricorde de Dieu. — 4o Il est constamment fait mention de la miséricorde de Dieu dans l’Écriture Sainte. Même dans l’Ancien Testament, elle est rappelée à chaque page, et, selon les circonstances, implique compassion, amour, pardon, tendresses et prévenances de toutes sortes. Exod., r xix, 4 ; Deut., xxxii, 11 ; Ps. xxv (xxiv), 6 ; xl (xsxix), 12 ; lxxxix (lxxxviii), 2, 50 ; xciv (xem), 19 ; cvn (cvi), 43 ; 1 Esd., ix, 8 ; Dan., ii, 18, etc. — 2o La miséricorde divine est très grande. Num., xiv, 18, 19 ; Ps. v, 8 ; li(l), 3 ; lxviii (lxvii), 7 ; Is., lxiii, 15 ; Jon., iv, 2 ; Eccli., xvil, 28, etc. Elle remplit la terre. Ps. xxxm (xxxh), 5 ; l (Li), 3 ; cxix(cxviii), 64.Elle s’élève jusqu’aux cieux. Ps. xxxvi (xxxv), 6 ; lvii (lvi), 11. Elle s’étend sur toutes ses œuvres, c’est-â-dire se fait sentir à toutes ses créatures, Ps. cxlv (cxliv), 9. (Le parallélisme ne permet pas de traduire, dans ce dernier passage, que la miséricorde de Dieu est au-dessus de toutes ses autres œuvres.) Elle atteint toute chair. Eccli., xviii, 12. Elle s’étend jusqu’à la millième génération, c’est-à-dire indéfiniment. Exod., xx, 6 ; xxxiv, 7 ; Deut., v, 10. Elle est à jamais et remplit toute la durée des êtres créés. I Par., xvi, 34 ; II Par., vii, 3 ; Dan, , iii, 89, 90 ; I Mach., iv, 24, etc. Ces paroles : « car sa miséricorde est à jamais, » reviennent même comme refrain dans deux Psaumes, cxviii (cxvii), 1-29 ; cxxxvi (cxxxv), 1-26. — 3o Plusieurs fois la Sainte Écriture associe en Dieu la miséricorde et la fidélité, pour faire entendre que Dieu s’est engagé à traiter ses créatures avec bonté et qu’il ne faillira pas à sa parole. Exod., xxxiv, 6 ; Ps. xxv (xxiv), 10 ; XL (xxxix), 12 ; lxi (lx), 8 ; lxxxv (lxxxiv), 11 ; lxxxix (lxxxviii), 15, 25. — 4o La miséricorde de Dieu s’est particulièrement exercée vis-à-vis de David et de ses descendants, à cause du Messie à venir. II Reg., vii, 15 ; xxii, 51 ; III Reg., iii, 6 ; I Par., xvil, 13 ; II Par., i, 8 ; Ps. xviii (xvil), 51. ; Is., LV, 3. — 5o Afin de marquer qu’il va être sans pitié pour la maison d’Israël, Dieu ordonne à Osée d’appeler l’un de ses fils lo’ruhdmâh, « celui pour qui on est sans miséricorde. » Ose., i, 6, 8. Mais ensuite Dieu pardonnera et fera appeler la maison d’Israël ruhdmâh, « celle à qui on fait miséricorde. » Ose., ii, 21-23 ; cf. Rom., ix, 25. Voir Lo-Ruchamah, col. 363.
— 6o Notre-Seigneur est ému de pitié pour les malheureux qui se présentent à lui. Luc, vii, 13 ; x, 37. — 7o Saint Paul appelle Dieu « Père des miséricordes », II Cor., i, 3, et dit qu’il est riche en miséricorde. Eph., H, 4.
II. Miséricorde de l’homme. — 1o La miséricorde de l’homme envers son semblable constitue une partie essentielle du devoir de la charité envers le prochain. A ce titre, elle est souvent mentionnée par les auteurs sacrés. Gen., xxi, 23 ; Jos., ii, 14 ; xi, 20 ; II Reg., x, 2 ; m, 8 ; ix, 1 ; Job, xxxi, 1C ; Eccli., xviii, 12 ; Zach., vii, 9, etc. Cette miséricorde honore l’indigent qui en est l’objet. Prov., xiv, 31. Elle doit être accompagnée de fidélité, c’est-à-dire de constance et de justice. Jos., H, 14 ; Prov. iii, 3 ; xiv, 22 ; xvi, 6 ; xx, 28. — 2o La miséricorde est plus agréable à Dieu que le sacrifice, parce qu’elle tient à la charité commandée par la loi morale, tandis que le sacrifice est un rite extérieur commandé par la loi cérémonielle destinée à l’abrogation. Ose., VI, 6 ; Matth., ix, 13 ; xii, 7. Aussi est-il dit que « faire miséricorde, c’est offrir un sacrifice », Eccli., xxxv, 4, tandis que parfois l’offrande faite à Dieu peut constituer une violation formelle du devoir de la charité envers le prochain. Matth., xv, 5, 6 ; Marc, vii, 10-13. — 3o Notre-Seigneur recommande très instamment la miséricorde envers les autres hommes. Il promet au miséricordieux que miséricorde lui sera faite, Matth., v, 7, cf. Jacob-, ii, 13, et lui r mème pardonnera
les fautes comme on les pardonnera au prochain. Matth., vi, 12 ; Luc, xi, 4. Les paraboles du bon Samaritain, Luc, x, 30-37, et du serviteur impitoyable, Matth., xviii, 23-35, sont la mise en scène de ta miséricorde et de son contraire. — 4o Saint Paul recommande aux chrétiens d’avoir des entrailles de miséricorde.
Phil., ii, 1 ; Col., iii, 12.- MISLIN##
MISLIN, Jacques, prélat de la maison de Sa Sainteté, né à Porrentruy (Suisse), le 27 janvier 1807, mort à Vienne le 6 décembre 1878. En 1830, il était professeur au collège de Porrentruy et trois ans après il en devint le principal. Révoqué par le gouvernement bernois ea 1836, lors des troubles politiques et religieux qui précédèrent et suivirent la promulgation des fameux Articles de Baden, il entra alors comme précepteur chez le comte Ch. de Bombelles, frère cadet du ministre d’Autriche à Berne ; en cette qualité, il donna des leçonsd’histoire et de géographie aux archiducs d’Autriche, qui devinrent l’empereur François-Joseph, et l’empereur Maximilien du Mexique. Plus tard à Parme, il remplit aussi les fonctions de bibliothécaire de l’impératrice Marie-Louise, veuve de Napoléon Ier, et assista cette princesse à ses derniers moments. C’est en 1848 que M9 r Mislin fit son premier voyage en Palestine ; en 1856, il fut chargé d’accompagner le duc (aujourd’hui roi des Belges) et la duchesse de Brabant dans leur voyage en Orient. Le fruit de ces voyages et de ses études fut le livre intitulé : Les Saints Lieux, Pèlerinage à Jérusalem en passant par l’Autriche, la Hongrie, la Slavonie, les Provinces danubiennes, Constantinople, l’archipel, le Liban, la Syrie, Alexandrie, Malte, la Sicile et Marseille, 2 in-8o, Paris, 1851. La deuxième édition parut en 1858 en trois volumes in-8o, et la troisième en 1876, 3 in-8o, Paris. Il publia également : De quelques sanctuaires de la Palestine, in-8o, Paris, 1855 ; La Très Sainte Vierge est-elle née à Nazareth ou à Jérusalem ? in-8° Paris, 1863. Son ouvrage Les Saints Lieux a été traduit en italien : I Luoghi Santi, Milano, in-8o, 1858 ; en espagnol : La TieiTa Santa, Barcelone, 1852 ; en allemand : Die heiligen Orte, Vienne, 1860. Une autre traduction faite par Je D r Hartwein et publiée à Ratisbonne est si imparfaite que l’auteur se crut obligé de protester. Le mérite de Ma’Mislin est d’avoir attiré l’attention du monde catholique sur la Terre Sainte et ses sanctuaires vénérables. Depuis l’Itinéraire de Chateaubriand, aucun ouvrage de ce genre n’avait excité pareil intérêt ni exercé autant d’influence. Voir Revue 4e la Suisse catholique, Fribourg, 1879, t. x, p. 156 ; La Liberté, Fribourg en Suisse, 1878, n. 290, 291 ; le Bulletin de la Société de géographie de Paris, 4e série, t. iii, p, 530565 ; et dans le t. v, p. 36, le Discours de Malte-Brun sur les Progrès des sciences géographiques ; H. Hurter, Nomenclator literarius, Inspruck, t. iii, 1895, col. 1275.
E. FOLLETÊTE.
1. MISOR (hébreu : Mîéôr, « droit, plat » ), haut plateaudu pays de Moab, à l’est du Jourdain. Voir Moab, U, ii, 20. Comme ce mot signifie « plaine », Is., xl, 4 ; xlii, 16 ; Ps. cxliii, 10 ; I (III) Reg., xx, 23, 25, la Vulgate l’a toujours traduit par un nom commun, excepté Jos., xxi, 36. Voir Misor 2. Il est employé cependant comme nom propre et précédé de l’article, ham-MiSôr, lorsqu’il désigne le plateau de Moab et spécialement la plaine de Médaba (ftg. 297). Saint Jérôme l’a rendu par planifies, Deut., iii, 10 ; par terra campestris de tribu Ruben, Deut., iv, 43 ; par campestria Medaba, Jos., xiii, 9 ; par planitiesquse ducit Medaba, 1. 16 ; par in campeslribus, ꝟ. 17 ; par omnes urbes campeslres, ꝟ. 2 1 ; par campestris soliludo, Jos., xx, 8 ; par terra campestris, Jer., xlviii, 21. Septante : Mi<r<ip, Deut., iii, 10 ; Jos., xiii, 9, 16, 17, 21 ; Jer., xlviii, 8, 21. Eusèbe, qui a pris Miiôr pour une ville, l’appelle en grec Mio<ip, et saint Jérôme, Afisojv Onomastic, édit. Li.rsow et Parthey, 1862, p. 288, 289,
291. — Laplaine de la tribu de Juda est appelée MUôr, II Par., xxv>, 10. Jérémie, xxi, 13, donne à Jérusalem le nom de Sûr Itam-mUôr, « le rocher de la plaine » (Vulgate : Solides atque campestris). Voir Gesenius, Thésaurus, p. 643. — Le plateau de Moab était appelé par excellence ham-Mîsôr, « le (pays) plat, » à cause du contraste qu’il présente avec le sol inégal et rocheux de la partie occidentale de cette région et avec les montagnes boisées du pays de Galaad au nord. Le plateau commence â Ja hauteur des bancs élsvés qui limitent la vallée du Jourdain à l’est et s'étend, avec de légères ondulations, jusqu’au désert d’Arabie. Ii était célèbre
- MISPHAT##
MISPHAT (hébreu : MiSpât, « . jugement ; » Septante : jonrô rijç xpimuc, « fontaine du jugement » ), fontaine du désert de Sin. Nous lisons dans la Genèse, xiv, 5-7, que Chodorlahomor et ses alliés, ayant battu les Kaphaïm à Astaroth Carnaïm, et avec eux les Zuzim, puis les Étnim â Savé-Cariathaïm et enfin les Chorréens dans les montagnes de Séir jusqu’aux plaines de Phar ran, « étant revenus sur leurs pas, allèrent â la fontaine de Misphat, qui est Cadès, et ravagèrent tout le pays des Amalécites et battirent les Amorrhéens, qui habitoient à Asasonthamar (Engaddi). » L’origine du nom est inconnue. Tout ce que nous apprend le texte, c’est que
297. — Misor de Médaba. D’après une photographie de M. L. Keidet.
par ses pâturages, où l’on élevait de nombreux troupeaux. Plusieurs villes, entre autres Médaba (col. 902), Jos., xiii, 9, 16, y étaient florissantes. Les nombreuses ruines qu’on y voit encore attestent l’antique prospérité du pays. J. L. Porter, Fïve yeat’s in Damascus, 1 in-12, Londres, 1855, t. ii, p. 183-181.
2. MISOR, ville lévitique de la tribu de Ruben, d’après la Vulgate. Jos., xxi, 36. Elle ne figure point dans le texte hébreu, mais elle se trouve aussi dans les Septante, sous la forme Misw dans l'édition sixtine, sous la forme Miiûp dans le Codex Alewandrinus. C’est certainement par erreur que ce nom a été introduit comme nom de ville. dans les deux versions ; elles disent l’une et l’autre qu’il y avait quatre villes lévitiques dans la tribu de Ruben, et elles en énumèrent cinq. Il n’y avait pas, en réalité, de ville appelée Misor, mais quelques manuscrits contenaient sans doute le nom de la plaine ham-MiSôr et de là a dû naître la confusion. Certains manuscrits hébreux et même quelques éditions imprimées ne contiennent pas le t. 36 du ch. xxi de Josué, relatif aux villes lévitiques de la tribu de Ruben.
cette fontaine est la même qui fut plus tard appelée Cadès. Voir Cadès 1, t. ii, col. 13.
- MITHRIDATE##
MITHRIDATE (hébreu : Mitredâf ; Septante : M16pà8âTTj{), nom de deux officiers perses. Ce nom, qui était commun chez les Mèdes et chez les Perses, et que les auteurs grecs ont transcrit sous les formes M16pa81TïK, MiOpiSin(, MfcpiBaTTiç, dérive de Mithra, nom du soleil et du dieu Mithra en iranien, et de la racine da, « donner. » Il signifie « don de Mithra » ou « donné par Mithra ».
1. MITHRIDATE, trésorier (hébreu : gizbâr) de Cyrus, roi de Perse. I Esd., i, 8. Cyrus lui donna l’ordre de remettre à Sassabasar, c’est-à-dire Zorobabel, les vases dutemple de Jérusalem qui avaient été emportés parNabuchodonosor à Babylone, afin que le chef des captifs, en retournant en Palestine, pût les reprendre avec lui. Les Septante ont considéré gizbâr comme un nom ethnique, roc(j6apT]vd{, et la Vulgate a pris ce mot comme nom du père de Mithridate, filius Gazabar, mais on ne peut douter que gizbâr ne soit le substantif perse qui signifie « trésorier i>. Dans III Esd., H, 11, le grec rend exacte1135
MITHR1DATE — MITYLÈNE
H36
ment gizbâr par Y « ïoçvjk « |, « trésorier, » et la traduction latine placée à la fin de nos éditions de la Vulgate porte également : Mithridatus qui erat super thesauros ipsius. Saint Jérôme a traduit lui-même le pluriel chaldéen de giibdr, dans I Esd., vii, 21, par custodes arcs, publics, c’est-à-dire par « trésoriers ». Septante :-caîî yâïaej. Cf. Dan., iii, 2, 3. Voir Gazabar, t. ii, col. 124.
2. MITHRIOATE, officier perse, un des chefs qui gouvernaient la Samarie, sous le règne d’Artaxerxès. I Esd., iv, 7. Il écrivit à ce roi, avec Bésélam, Thabée, et les autres membres du conseil placé à la tête de la Samarie, afin d’obtenir de ce prince qu’il empêchât les Juifs de retour de la captivité sous Esdras, de rebâtir le temple de Jérusalem. Sur leur dénonciation, Artaxerxès fit, en effet, arrêter les travaux qui furent interrompus jusqu’à la seconde année du règne de Darius. I Esd., iv, 9-24.
- MITRE##
MITRE (hébreu : migbâ’âh ; Septante : xtëapi ; : Vulgate : mitra, tiara), coiffure des prêtres de l’ancienne loi dans les fonctions liturgiques. — 1° La mitre était une sorte de turban de fin liii, destiné à marquer la dignité sacerdotale de ceux qui le portaient et à leur servir de parure. Exod., xxviir, 40 ; xxix, 9 ; xxxix, 28 (26) ; Lev., viii, 13. Aucun détail n’est donné sur cette coiffure ; mais Moïse la distingue très nettement de celle du grand-prêtre, appelée misnéfef, Exod., xxviii, 4. Voir Cidaris, t. ii, col. 750 ; Tiare. La différence semble s’être beaucoup atténuée dans la suite des temps. La tiare du grand-prêtre est elle-même appelée v.iSapi ; , mitra, par le traducteur de l’Ecclésiastique, xlv, 14. Josèphe, Ant.jud., III, vii, 3, 7, assimile l’une à l’autre la mitre du simple prêtre et la tiare du grand-prêtre. Il dit que cette dernière était faite d’une pièce d’étoffe plusieurs fois contournée sur elle-même et cousue. C’était donc un véritable turban et il en était de même de la mitre. Seulement celle-ci était plus haute et moins large. Cf. Gem. Joma, 12, 2 ; Reland, Antiquitates sacrse, Utrecht, 1741, p. 77 ; Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 175. — 2° Le nom de mitre est donné par les versions à quelques autres coiffures. Judith, x, 3, se couvre la tête d’une mitre, [UTpa, mitra, avant d’aller trouver Holoferne. Les voiles des femmes de Jérusalem, re’âlôf, J.S., iii, 19, ’sont appelés xôap.oc, « ornement, » dans les Septante et « mitres » dans la Vulgate. Baruch, v, 2, dit que Dieu mettra la mitre d’honneur sur Jérusalem restaurée, La droiture sert à Job, xsix, 14, de turban, $ânîf, diadema, c’est-à-dire de mitre. — Sur les tebû-Um babyloniens qu’Ézéchiel, xxiii, 15, mentionne sur la tête de Jérusalem et de Samarie, voir Tiare, Coifjurb,
t. ii, col. 828-829.M1TSAR (hébreu : Mise’âr, « petite (chose), » nom d’une montagne près de l’Hermon). Ps. xlii (xli), 7. Toutes les anciennes versions ont pris ce mot pour un "Boni Commun et l’ont traduit par « petit mont ». Septante : ô’po ; (uxpo’c ; Vulgate : a monte mndico. Les -voyageurs ont donné le nom de Petit-Hermon à une colline de la partie orientale de la plaine d’Esdrelon, mais le contexte du Psaume où est nommé Miçe’dr semble montrer que cette a montagne », har, était près de l’Hermon. Le Psalmiste exilé exhale ainsi ses plaintes, Ps. xui (xli), 7 :
Mon Dieu ! mon âme est abattue.
i Aussi je pense à toi, de la terre du Jourdain,
De l’Hermon et de la montagne de Mise’âr.
Quelques interprètes traduisent « loin de la terre du Jourdain et loin de l’Hermon, loin de la petite montagne », qu’ils supposent être un nom donné au mont Sion ou à la colline sur laquelle le Temple était bâti. Voir Frdi Bæthgen, Die Psalmen, 1892, p. 123.
- MITYLÈNE##
MITYLÈNE (grec : Mrevvqv ?), latin Mitylene), capitale de l’Ile de Lesbos dans la mer Egée (fig. 298). À la tin de son troisième voyage de mission, en retournant de Macédoine à Jérusalem, saint Paul côtoya l’Asie Mineure et s’arrêta à Mitylene, venant d’Assos (t. i, col. 1138). Act., xx, 14. Le nom de Mitylene est très souvent écrit MvtiXiîv » ; . C’est l’orthographe des monnaies et d’un grand nombre d’inscriptions. Mionnet, Description des médailles, Suppl., t. vi, p. 58 ; Corpus inscriptionum atticarum, 1. 1, n. 52 c, 96 ; t. iv, p. 22, etc.
I. Description et histoire de Mitylene. — Mitylene était la plus grande ville de l’Ile de Lesbos. Elle possédait deux ports dont l’un, au sud, qui était fermé et ne pouvait recevoir qu’une cinquantaine de navires ; l’autre, celui du nord, plus vaste et plus profond, était protégé par un môle. En avant de ces deux ports était une petite île, qui formait un quartier de la ville. Mitylene était abondamment pourvu de tout. Thucydide, iii, 6 ; Strabon, XIII, ii, 2 ; Pausanias, viii, 30. La beauté de la ville et la force de ses remparts étaient célèbres.
298. — Monnaie de Mitylene.
IOVAIAN NEAN FEPMANIKOY MVTI. Tête de Julie. — fi|. KAIC[AP CEBAJCTON MYTI. Caligula, debout tenant une patère.
Horace, Epist., i, xi, 17 ; Cicéron, Contr. Rull., ri, 16. Plutarque, Pompée, 42, parle de son théâtre et Athénée, Deipnoscph., x, 24, de son prytanée ; Vitruve, i, 6, dit que le vent y était violent et les changements de température très brusques. La ville actuelle (fig. 299), qui comprend environ 14000 habitants, est peuplée pour les deux tiers de Grecs et pour un tiers de Turcs. Elle porte le nom de Métélin. La citadelle turque s’élève sur l’emplacement de l’ancienne acropole. Le port du Nord est aujourd’hui ensablé.et ne peut contenir que quelques barques. La digue hellénique existe encore sur une étendue de 200 mètres ; elle a près de 8 mètres de de largeur.
Mitylene eut une part importante à l’établissement des Grecs à Naucratis en Egypte, Hérodote, ii, 178, elle prit part à l’expédition de Cambyse en Egypte, Hérodote, m, 13-14 ; et à celle de Darius contre les Scythes. Hérodote, iv, 97. Pendant la guerre du Péloponèse, il est souvent question de Mitylene. Le révolte de Lesbos contre les Athéniens fut sévèrement réprimée. Les murs de Mitylene et sa flotte furent détruits et son territoire partage entre les Athéniens. Thucydide ; iii, 36, 49, 50. Sous Alexandre, les Mityléniens firent un traité avec la Macédoine contre les Perses. Ils passèrent, après lui, sous le protectorat des Séleucides. Les Romains saccagèrent Mitylene parce qu’elle s’était ralliée à la cause de Mithridate. Suétone, Cœsar, 2. Elle fut ensuite comprise dans la province d’Asie et après avoir été embellie par Pompée, Strabon, XIII, ii, 3, reçut le titre de ville libre. Pline, H. N., v, 31 (39). Cf..1. Marquardt, Organisation de l’Empire romain, t. n ; Manuel des Antiquités romaines, de Th. Mommsen et S. Marquardt, trad. franc., t. ix, in-8°, Paris, 1892, p. 255, 258, 260. Telle était sa situation au temps où saint Paul y aborda. Il ne parait pas qu’il y ait eu d’église chrétienne dans cette ville à l’époque apostolique. Voir Conybeare et Howson, The Life and Epistles of S’. Paul, 1877, c. xx, p. 548.
— Mitylene était la patrie de Piltacus, d’Alcée et de Sapho. Strabon, XIII, ii, 3.
II. Bibliographie. — Voir L. L. Plehn, Lesbiacorvm.. liber, in-8°, Berlin, 1826 ; Boutan, Mémoire sur Lesbos, U31
MITYLÈNE — MOAB
H38
dans les Archives des Missions scientifiques, t. v, 1864 ; A. Conze, Reise auf dev Insel Lesbos, in-4°, Hanovre, 4865 ; M. C. Cichorius, Rom und Mytilene, in-8°, Berlin, 1888 ; Th. Mommsen. dans les Sitzungsberichte der Kônigl. Akad. der Wissenscliafien, in-4°, Berlin, 1889, p. 953 ; H. Cagnat, dans la Revue archéologique, 3 « série, t. xv, 1890, p. 143 ; R. Koldelvey, Die antiken Bauresten der lnsel Lesbos, in-f°, Berlin, ’1890 ; Pal. G. Candargy, La végétation de l’île de Lesbos, in-8°, Lille, 1899 ; W. Wroth, Catalogue of Grcek Coins of Troas, Eolis and « d’ancien disciple » de Jésus-Christ. Il reçut saint Paul à Jérusalem dans sa maison, lors du dernier voyage de l’Apôtre dans cette’ville. Act. xxi, 16. Le titre d’ancien disciple qui lui est donné indique qu’il fut un des pre^ miers qui s’attachèrent au Sauveur. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, (A, t.i, p.27, le compte parmiles soixante-douze dis^eîples.Comme ce furent les compagnons de saint Paul qui le conduisirent chez Ainason, il semble que l’Apôtre ne le connaissait pas auparavant. On ne sait rien autre chose de
299. ^- Mitylène. D’après Dos deutsche Kaiserpaar in heiligen Lande, in-8°, Berlin, 1899, p. 82.
Lesbos (contenant les monnaies de Mitylène), in-8°, Londres, 1894, p. 184-215. E. Beurlier.
- MIZMOR##
MIZMOR (hébreu : mizmôr ; Septante : (J/aXu.<5< : ; Vulgate : psalmus), appellation commune des Psaumes. Ps. iii, 1, iv, 1, et suivants. La racine hdt, « couper, tailler, » puis « diviser » les sons, avec l’instrument ou avec la voix, « moduler » (au sens ancien), a été appliquée à la composition, puis à la récitation chantée des vers, en même temps qu’au jeu des instruments à cordes. Ce verbe est en chaldéen l’équivalent de l’hébreu ]y : , niggên, « toucher les cordes (avec la main), » if/âXiu), et zimrâh désigne dans* Amos, v, 23, le son des harpes ; mais ne -arabe, j- » j> zamara, s’applique particulièrement au jeu de flûte et du.hautbois. Le terme mizmôr se rencontre parfois en apposition avec le mot Sir, sous les formes de mizmôr sir, Ps. lxv, lxvii, lxviii, lxxxvii, et de tir mizmôr, Ps. XL viii, lxvi, lxxxhi, cviii ; dont la première désignerait, d’après certains commentateurs, voir Eusèbe, Comment, in Ps., t. xxiii, col. 66, la pièce chantée dans laquelle les paroles précédaient le jeu des instruments, et la seconde serait celle où le prélude musical devançait le texte. Mais la simple apposition grammaticale, qui ne constitue pas de dépendance d’un terme à l’autre, ne justifie pas cette distinction de sens que rien n’appuie par ailleurs. Voir Chant.
J. Parisot.
- MNASON##
MNASON (grec : Mvicrwv, « qui se souvient » ), chrétien originaire de l’île de Cypre, qui est qualifié
sa vie. Sa fête est célébrée le 14 juillet. Actasanctorum, julii t. iii, 1723, p. 148-149.
- MNESTHÉE##
MNESTHÉE (grec : Msvi]<j6e4 ; ), père d’Apollonius. TI Mach., iv, 21. Apollonius fut un officier d’Anliochus IV Épiphane qui l’envoya en Egypte et en Palestine. Voir Apollonius 3, 1. 1, col. 777.
MOAB (hébreu : Mô’âb ; Septante : Mwâë), nom de l’un des deux fils de Lot, du peuple dont il fut la souche et du pays occupé par eux. — Ordinairement employé seul et sans complément, le nom de Moab désigne soit le pays, soit le pays avec son peuple, fréquemment le peuple seul et deux ou trois fois seulement le fils de Lot ; le sens en est généralement déterminé par le contexte ou l’ensemble du récit.
1. MOAB, fils aine de Lot. Voir Moab 2.
2. MOAB, contrée à l’est de la mer Morte, où demeurèrent le fils aine de Lot et ses descendants, désignés sous le même nom.
I. Nom. — Le nom de Moab, lt plus ordinairement employé seul pour désigner le pays, est r mplacé parfois par l’expression « terre de Moab ». Ce terme se rencontre surtout dans le Deutêronome et les Juges. La formule iedê Môâb (âvpoc Mwdt6, regio Moabitis), constamment usitée au livre de Ruth, semble être l’équivalent de « terre » ou « pays de Moab », bien que littéralement
elle désigne plus spécialement « la campagne de Moab » ou son haut plateau. Dans la Vulgate, l’expression hébraïque « terre de Moab » est fréquemment remplacée ^par le nom de Moabitis, « la Moabitide, » qui parait être la transcription de la forme grecque MwaëîTiç, employée par les Septante et par Joséphe. — Le nom de Moab fut à l’origine cel ui du fils de Lot, qui le transmit à ses enfants par qui il passa au pays habité par eux « Les deux filles de Lot, dit l’Écriture, conçurent de leur père et l’aînée enfanta un fils qu’elle nomma Moab ; c’est le père de Moab. » Gen., xix, 36-37. Les Septante et la "Vulgate traduisent : « C’est le père des Moabites ; » on pourrait entendre encore, d’après l’analogie d’autres passages : « C’est par lui que fut peuplé le pays de Moab. » — Le nom de Moab, selon Joséphe se fondant sur le récit biblique, signifie « du père », àito mxtpoç (3N-D më-’àb). Ant. jud., i, xi, 5. Cette étymologie a
été défendue par de Wette, Tuch et plusieurs autres. Cf, Gesenius, Thésaurus, p. 775. L’orthographe du nom’de Moab employée par les anciens Moabites semble favorable à cette interprétation. Dans l’inscription de la stèle de Dîbân, le nom est constamment écrit 3XD, Màb, lig. 1, 2, 5, 6, 12, 20, et peut être vocalisé 3nd. Les
Arabes ont conservé la forme, , llo ou, >U, Maâb ou
Mâb. Les inscriptions cunéiformes transcrivent le nom d’une manière identique, Ma-’-ab, Ma-’-a-ab ; mais on trouve aussi Mu-’-a-ba et M a-’-ba.Ct, Schrader, Die Keilinsc /iriften und das dite Testament, 1883, p. 140, 257-355. La transcription araméenne Mûèa, fréquemment employée depuis le me siècle, paraît empruntée aux Assyriens. Voir d’autres étymologies dans Gesenius, Thésaurus, p. 775. — Selon les critiques rationalistes, pour qui le récit biblique est une simple légende, Moab fut originairement un simple nom de lieu, indiqué par d, et dérivé de la racine 3N>, yd’ab (avide desiderant), signifiant
terra desideràbilis, « pays plein de charmes. « Cf.Cheynej Encyclopedia biblica, Londres, t. iii, col. 3164. Cette étymologie, déjà soutenue parMaurer, est contestée par Gesenius, comme une conjecture sans fondement. Thésaurus, p. 775.
II. Géographie, — i. limites et étendue. — Le nom de « terre » ou « pays de Moab », dans la Bible et l’histoire, a une double signification ou extension : tantôt il s’applique seulement à la partie de la contrée possédée par le peuple de Moab au moment de l’arrivée de Moïse et des Hébreux et conservée par lui tout le temps de la période biblique et de son existence comme peuple distinct ; tantôt il comprend toute l’étendue du territoire occupé par les Moabites avant la conquête que fit d’une partie le roi amorrhéen Séhon et qu’ils reprirent sous les rois schismatiques d’Israël. Dans le premier sens, c’est le pays de Moab proprement dit, celui qui fut l’héritage inaliénable du peuple issu du fils aîné de Lot, et qu’il n’était pas permis aux Israélites de toucher, Deut., ii, 18-19 ; dans le second sens, c’est le pays de Moab historique ou de fait pour une longue période de l’histoire.
1° Moab dans son sens restreint. — 1. Frontière septentrionale. — Le pays de Moab, dans sa signification stricte, était tout entier au sud de l’Arnon qui formait sa frontière septentrionale. Cette rivière, au moment où les Israélites s’avançaient vers la Terre Promise, séparait Moab des Amorrhéens. Num., xxi, 13 ; cꝟ. 26. L’Arnon devint la frontière entre Israël et Moab après la conquête par les Hébreux du royaume de Séhon. Num., xxi, 25, 26 ; Deut., ii, 24, 36 ; iii, 8, 12, 16 ; iv, 48 ; Jos., XII, 1, 2 ; xiii, 9, 16 ; Jud., xi, 18, 22. La même frontière était revendiquée par Jephté, comme la frontière légitime et constante entre Israël etMoab, depuis la conquête faite sur Séhon jusqu’alors, trois siècles plus tard. Jud., xi, 18-26. Elle l’était encore ou l’était redevenue .au temps du roi Jéhu. IV Reg., x, 33. — L’identité du
Môdjeb actuel avec l’antique Arnon, reconnue déjà par le livre de Josué ou Chronique des. Samaritains (c. i, et xlii, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 130 et 179), proposée par le rabbin Estôri, Caftor va-Phérach, Jérusalem, 1897-1899, p. 632, et fondée sur des données incontestables, est universellement acceptée aujourd’hui. 2. Frontière méridionale. — La frontière méridionale du pays de Moab passait près de’lyyîm, appelée aussi lyyê hâ-’Abârim, dans la Vulgate Ijeabarim, et située à deux stations ou deux journées de marche au nord de Phunon. Les Israélites, en effet, « étant partis de Phunon vinrent camper à Obolh, et d’Oboth ils vinrent à’Yyyê hd-’Abârim sur la frontière de Moab. » Num., xxxiii, 43-45. Phunon a été reconnue en septembre 1896, par le D r A. Musil, dans le Khirbet Feinân, situé à quarante kilomètres environ au sud de Tafïléh. Cf. Al Bachir, journal arabe de Beyrouth, 20 décembre, 1897, et la revue Al Machriq, Beyrouth, 1898, p. 211-212. A quatre kilomètres au nord de Tafïléh est une ruine désignée dans la carte de Kiepert, Berlin, 1877, sous le nom de’Aime et du nom de’Ime dans d’autres cartes. Cette localité semble être le’Iyyim de la Bible. Le Deutéronome paraît d’ailleurs (cf. i, 1, et ii, 9) placer Thophel dont Tafïléh rappelle évidemment le nom, près de la même frontière de Moab et, dans tous les cas, la distance indiquée entre Phunon et’lyyîm nous amène encore dans la même région. Or, à peu de dislance au nord de’Aiméh, on descend dans une vallée profonde et abrupte connue aujourd’hui des Arabes sous le nom d’ouad’el-Jfasâ ou el-’Ahsâ : il paraît très probable que c’est là l’antique frontière méridionale du pays de Moab. Lespalestinologues modernes identifient assez communément cette vallée avec le torrent de Zared franchi par les Israélites après la station de’Iyyim. Num., xxi, 12 ; cf. Deut., ii, 13-14. Voir Zared. — Le territoire de Moab est également prolongé jusqu’à cette vallée par Isaïe. Annonçant les châtiments dont le Seigneur va frapper Moab, le prophète nous montre ce peuple en fuite « jusqu’à Çô’aï », les eaux de Nemrim desséchées et les habitants du pays portant les épavesdu pillage au nafral hâ-’Ardbîm. Is., xv, 5-7. — La vallée des’Arâbîm, « des Arabes, » suivant les Septante (çocpa^Y* "Apaêptç), « des Saules, » d’après la Vulgate, pour d’autres interprètes, aurait été dans le texte primitif « la vallée des’Abârim », près de’lyyim, sur la frontière de Moab, que franchirent les Israélites pour pénétrer dans le désert à l’est de ce pays. Ce nom lui aurait été donné à la suite de ce passage et le nom d"Arâbîm, serait une mauvaise lecture des copistes, qui auraient confondu les lettres b et r, à peine différentes dans l’ancienne écriture hébraïque. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, si « les eaux de Nemrim » du prophète ne sont pas diflérentes, et les indications d’Eusèbe le supposent, de la rivière de Vouadi Nemeird actuel que l’on rencontre à quinze kilomètres au sud du Kérak, la frontière de Moab est reculée par là au delà du bassin de cette rivière, c’est-à-dire jusqu’à l’ouadi el-f[a$â, la première vallée plus ausud. — Le site attribué à $ô’ar, la Ségor de la Vulgate, nommée Zwàp et Zudpoc par les Septante et d’autres écrivains, justifie cette induction. Joséphe. Bell, jud., IV, vin, 4, indique, en effet, cette vallée à l’extrémité du lac Asphaltile et en Arabie, c’est-à-dire à l’extrémité sud-est de la mer Morte. Eusèbe et saint Jérôme la placent au sud de « Nemrim dont parlent les prophètes Isaïe et Jérémie dans leurs visions contre Moab ». Onomaslic. ? édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 298, 299. La. carte mosaïque de Médaba la représente, à l’orient de la mer Morte et vers son extrémité. Les auteurs arabes sont unanimes à lui attribuer la même situation. Ces indications nous amènent nécessairement à Youad’eJ-Ijasâ. A sa sortie des montagnes, la rivière qui suit l’ouadi forme, dans le Ghôr Çâfîéh, un delta dont un des bras va se jeter dans la mer Morte exactement à son.
extrémité sud-est, et l’autre plus au sud va se perdre dans la Sebkhah. Sô’ardevaitse trouver soit près du premier embranchement, au nord, soit dans l’espace compris entre ces deux bras, dont le plus méridional marquait probablement de ce côté la frontière de la terre de Moab, au temps d’Isaïe. — Un autre argument montre cette frontière au même endroit au temps de Josèphe. Pour l’historien juif, la Gabalène(roëo>.tTi « ou raëa>.m ; ), Ant. jud., II, i, l ; cf. IX, ix, 1, est identique à l’Idumée ou une de ses divisions. Or, la Gabalène ou Gabalitide n’est pas différente du Gebâl des Arabes, dont la frontière septentrionale, qui la sépare du pays de Kérak et de Maâb, est précisément l’ouad’el-Hasâ. Cf. Ibn Khordabéh, Kitdb et Masâlik ou el-Mamâlik, édit. Goeje, Leyde, 1889, p. 56 ; El-Dimisqi, Cosmographie, édit. Mehren, Saint-Pétersbourg, 1866, p. 213 ; A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 67 ; Burkhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-8°, Londres, 1822, p. 400-402. — De ces diverses données il résulte que la frontière méridionale de Moab partait de l’extrémité de la mer Morte ou de la partie montagneuse qui lui fait suite et se conlondait, selon toute probabilité, avec l’ouad’el-ffasd des Arabes ; il apparaît encore que depuis les temps les plus reculés jusqu’au i er siècle de l’ère chrétienne et plus bas, elle demeura constamment la même.
3. Frontière orientale. — La frontière orientale de Moab était formée par le désert appelé, Deut., ii, 8, « le désert de Moab, » et qui se développe à l’est jusqu’à l’Euphrate. Les Israélites, après avoir stationné k’Iyyim, près de ce « désert qui est en face de Moab, à l’orient », passèrent le torrent de Zared, selon toute apparence l’ouad’el-Uasdactue, en face de’lyyim et de Thophel, au sud-est du territoire de Moab, là où la vallée commence à s’en éloigner. Moïse et son peuple avaient la défense de ne point toucher au territoire de Moab et de ne point y pénétrer contre le gré de ses habitants, et ceux-ci leur en avaient refusé l’entrée et le passage ; ils suivirent le désert qui longe le pays, en le remontant jusqu’à l’Arnon. Num., xxi, 11 ; xxxiii, 44 ; Deut., ii, 8, 13-14 ; Jud., xi, 17-18. La ligne où devait cesser l’occupation effective de Moab et où commence le désert se confond à peu près avec le chemin suivi chaque année par le grand pèlerinage musulman se rendant de Damas à la Mecque.
4. Frontière occidentale. — Tout le pays s’étendant entre le Môdjeb et le Ifasà est bordé, à l’occident, par la mer Morte, qui a toujours dû être, de ce côté, sa frontière naturelle.
5. Le pays de Moab ainsi limité mesure, dans sa plus grande longueur du nord au sud, environ soixante kilomètres, et dans sa largeur d’ouest à est, de la mer Morte au chemin-du hadjj, environ quarante kilomètres. Sa superficie, si l’on tient compte des accidents du terrain, peut être de près de 4 500 kilomètres carrés.
2° Moab dans son extension la plus grande. — 1, Frontières orientale et occidentale. — Dans sa plus grande étendue, le pays de Moab, outre la région au sud de l’Arnon dont nous venons de parler, a embrassé une portion considérable de la contrée située au nord de l’Arnon et comprise entre cette rivière et le Jaboc. Cf. Num., xxi, 26-30 ; Deut., i, 5. — Cette partie, ainsi que la première, était bornée du côté de l’orient par le désert sur le bord duquel passe le chemin du pèlerinage de la Mecque et qui est appelé, Deut., ii, 26, « désert de Cadémoth, » de la ville de ce nom, située sur ses confins. Les villes de Jassa et de Méphaath, indiquées avec la précédente, se trouvaient également sur la limite de ce désert. Cf. Num., xxi, 23 ; Jos., xiii, 18 ; Jer., XLvm, 21, et Eusèbe, Onomaslic, 1862, au mot Mi)<pa16, p. 288. — Les Araboth de Moab, c’est-à-dire la partie inférieure de la vallée du Jourdain qui appartint au peuple de Moab, aboutissait en face de Jéricho au Jourdain : ce fleuve devenait ainsi, jusqu’à la mer Morte qui la continuait, la frontière occidentale de cette partie du pays
de Moab. Cf. Num., xxil, 1 ; xxvi, 63 ; xxxiii, 48-49 ; xxxv, 1 ; xxxvi, 13 ; Deut., xxxiv, 1, 8 ; Jos., xiii, 32.
2. Frontière septentrionale. — La frontière septentrionale n’est pas déterminée d’une manière précise et elle a plusieurs fois varié. Au temps les plus reculés, elle passait au nord d’Hésébon et des villes de sa dépendance, qui, avant la conquête de SébîSn, appartenaient à Moab, Num., xxi, 25-30 ; elle se trouvait ainsi entre le territoire de ces villes d’une part, et celui de Jaier et les villes groupées autour de cette dernière qui formaient le territoire limitrophe des Ammonites, en face de Rabba (’Arnmàn) et qui furent conquises par Moïse après Hésébon. Cf. Num., xxi, 32 ; Jos., xiii, 25. Cette frontière se confondait vraisemblablement avec la vallée nommée aujourd’hui ouadi Nâ’ûr qui se trouve à peu près à égale distance entre le K/iirbet Çâr, située au nord, assez communément identifiée avec Jazer et dont le site doit, en toute hypothèse, se’chercher dans la région, et tfesbân, l’antique Hésébon, située au sud, à neuf kilomètres de cette dernière ruine. Dans la vallée du Jourdain, la frontière était sans doute formée par Vouadi Nimrîn actuel, limite naturelle, au nord de la région inférieure cultivable de la vallée du Jourdain, où se trouvent aujourd’hui les localités de Sûeiméh, Tell-Râmeh et Kefrein, identifiées avec Bethjésimolh, Betharam et Abelsatim, désignées comme villes des Araboth de Moab. Cf. Num., xxxiii, 49. Cet ouadi passe au nord et non loin du tel l Nimrim qui lui donne son nom et est le site peu contestable de Nemra ou Bethnemra. Cette dernière ville n’est point indiquée avec les précédentes comme ville des Araboth ; mais isolée du côté du nord de toute autre localité par un terrain pierreux et stérile, elle n’a pu être séparée de ses voisines, et son territoire appartient en quelque sorte nécessairement à celui des Araboth de Moab dont il forme l’extrémité septentrionale. — Le roi Mésa, quand il reconquit la contrée au nord de l’Arnon, ne put cependant reporter la frontière au delà de Médaba, car ni Hésébon, ni les villes des Araboth ne sont nommées dans son inscription de la stèle de Dibân, parmi les cités rendues par lui au pays de Moab. — Au temps des prophètes lsaïe et Jérémie, Moab avait repris ses anciennes limites. Parmi les localités de Moab nommées par le premier, xv, 4, à côté d’Hésébon on trouve Éléalé, Yel-’Al actuel, situé au nord de Jfesbân. Jérémie cite en outre, xlviii, 21, Méphaath, dont le nom, un peu modifié par le temps, a été retrouvé naguère dans celui de Nef a, donné à une ruine distante de quatorze kilomètres environ au nord-est de Ifesban. Cette localité était sans doute la plus reculée au nord du territoire de Moab limitrophe de ce côté au pays des fils d’Ammon, dont la capitale était à peine éloignée de dix kilomètres de Méphaath. La partie du territoire de Moab, au nord de l’Arnon, ainsi limitée, offre une étendue d’environ cinquante kilomètres en longueur du nord au sud, et de quarante-cinq en largeur, d’ouest à est : elle était à peu près égale à la partie située au sud et les deux réunies avaient une longueur totale de cent dix kilomètres environ et une superficie approximative de neuf mille kilomètres carrés. Le pays de. Moab, dans sa plus grande étendue, commençait au 31° de latitude nord et se prolongeait jusqu’au 31° 55’, et du 33° 10’de longitude est de Paris jusqu’au 33° 45’.
3. L’étendue générale du pays de Moab serait plus considérable encore, d’après la traduction de la Vulgate, Num., xxii, 1 : [Filii Israël] castrametati sunt in campestribus Moab, ubi trans Jordanem Jéricho sita est. D’après cette interprétation, il faudrait rattacher à Moab toute la région à l’occident du Jourdain où se trouve Jéricho. Les Septante traduisent : « ils campèrent à l’occident de Moab, non loin du Jourdain, prés de Jéricho, itapr(êa>.ov in S-Jcr^wv MoitxS itapà xm’IopSâvqv xaxà’Ispi-/ ». Les massorètes lisent : « ils campèrent aux’arbâlhde Moab, au delà du Jourdain de Jéricho. » L’hisH43
MOAB
1144
toire, le contexte, et les deux versions elles-mêmes dans les autres endroits où se retrouvent les mêmes expressions : be-arbôf. Môdb mê-êber le-Iardên Ier&hô, justifient la lecture massorétique ; les deux traducteurs se sont trompés en faisant de Jéricho le complément local non du Jourdain, mais du verbe « camper ». Les Septante ont confondu en outre, ici, be-’arbôf, nom de lieu, avec la locution adverbiale « à l’occident ». Ces erreurs incontestables ne peuvent être prises en considération pour la détermination des limites et de l’étendue du pays de Moab.
il. divisions et description. — 1° Division générale.
— Le pays de Moab, pris dans son ensemble, est naturellement divisé, par la gigantesque fissure appelée la vallée d’Arnon, en deux parties, qui, à cause de leur position respective, peuvent être appelées, l’une Moab méridional, l’autre Moab septentrional. La première partie, appelée encore au XVe siècle Madb, est connue aujourd’hui sous le nom de « pays de Kérak », belad el-Kérak ; la seconde est comprise pour sa plus grande partie, dans l’appellation de Belqâ, qui, d’après les Arabes, signifierait le « pays de Balaq », nom du roi de Moab bien connu qui appela Balaam. Jusque vers le xiv c siècle lé nom de Belqâ désignait toute la contrée depuis le Zerqà (Jaboc) jusqu’au delà du Kérak, non compris le Ghôr ou vallée du Jourdain. Cf. Et-Tahiry, Syria descripta, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1828, p. 18 ; Yaqût, Géographie, édit. F. Wustenfeld, Leipzig, 1866, t. i, p. 710. Peu différentes par leur caractère physique, les deux parties de Moab le sont profondément par le caractère moral que leur a imprimé leur destin particulier politique, historique et religieux. — Tandis que Moab méridional demeure la possession constante des Moabites depuis leur origine jusqu’à leur dispersion en tant que peuple, Moab septentrional passa par les vicissitudes les plus diverses. Propriété primitive de Moab, cette partie passe aux mains de Séhon qui en fait un royaume amorrhéen ; les Hébreux le lui enlèvent peu après pour en faire la part de deux de leurs tribus, celles de Ruben et de Gad. Disputée plus tard entre les rois d’Israël et de Moab, ceux-ci finissent par la réunir à leur territoire. Reprise en grande partie par les Juifs, à cause d’eux, elle subira le choc terrible des Romains. Dans le déroulement de ces faits, elle tient constamment attachés sur elle les regards de l’histoire, tandis que Moab méridional n’apparaît qu’accidentellement. Mais ce qui distingue surtout chacune de ces deux parties, c’est la diversité de leur importance au point de vue religieux. Sans doute la partie méridionale n’est pas sans une supériorité relative par rapport aux autres nations, à cause de la parenté des ancêtres de son peuple avec les patriarches hébreux, et à cause de son voisinage de la Terre Promise et de ses relations avec Israël ; elle ne reste pas moins confondue avec le commun des pays profanes et demeure comme eux constamment souillée par les erreurs et les ignominies de l’idolâtrie. Il en est tout autrement de la partie septentrionale. Incorporée par la conquête de Moïse à l’héritage du peuple de Dieu, elle devient partie intégrante de la Terre Sainte, et sanctifiée par le culte du vrai Dieu, elle acquerra elle-même un caractère sacré. Des souvenirs nombreux et grands se rattachent d’ailleurs à elle. Pour l’Ancien Testament ce sont d’abord ceux de la dernière période de la vie du législateur d’Israël ; sa conquête, ses instructions suprêmes à son peuple, sa bénédiction aux douze tribus et sa mort sur le mont Nébo ; puis le souvenir non moins illustre de l’ascension d’Élie. Pour le Nouveau Testament, c’est le souvenir de la prédication de Jean-Baptiste et de sa mort, du baptême du Sauveur et de son dernier séjour avant sa Passion. La mémoire de ces faits donne au pays septentrional de Moab un reflet de gloire et le couronne d’une auréole de sainteté dont l’éclat ne le cède pas à celui des saints lieux les plus célèbres et les plus vénérés.
2° Division d’après le caractère physique. — Le pays de Moab, dans son ensemble, tant au sud de l’Àrnon ou du Môdjeb qu’au nord, est formé de trois régions s’étendant parallèlement dans le sens de la longueur du pays du nord au sud et complètement différentes l’une de l’autre par l’aspect comme par la nature : une région de haut plateau ou de plaine, une région accidentée ou de montagnes et une partie basse et déprimée.
1. Le haut plateau. — Il est ordinairement nommé iedéh Môdb, « la campagne de Moab. » Ainsi Gen., xxxvl, 35 ; Num., xxt, 20 ; Ruth, iv, 3 ; I Par., i, 46 ; vih, 8 ; ou bien, au pluriel, sedê Môâb, « les champs de Moab, » Ruth, I, 1, 2, 22 ; ii, 6 ; l’un et l’autre rendus par to reeSc’ov Mmàëou àypô ; Muâê dans les Septante et par terra Moab, regio Moab, Moabitis, dans la Vulgate. Appliqué tantôt à la portion septentrionale, tantôt à la méridionale, ce nom, on n’en peut douter, était primitivement donné en général à tout le plateau. Jérémie, XLVHI, 8, semble attribuer la même extension au nom ham-Misôr, <t la plaine. » Voir Misor 1, col. 1132. Entre la conquête de Moïse et la réoccupation de la partie septentrionale par les Moabites, le nom de MUôr était particulièrement affecté à cette partie, soit d’une manière générale, soit en le précisant par le nom d’une des villes principales de la région, comme le MUôr [de] Mêdâba’. Cf. ûeut., iii, 10 ; Jos., xiii, 9, 17, 21 (texte hébreu). La portion de la plaine où fut la ville de Cariathaïm a été désignée du nom de Savé Cariathaïm, hébreu : Sdvêh Qiridtâini, « le plateau de Cariathaïm. » Gen., xiv. 5. Une autre portion, dans le voisinage de Bamoth et au haut du Phasga, était appelée èedêh Sôfîm, « la campagne des sentinelles, » Vulgate : locus sublirnis. Num., xxiii, 14. — Le plateau de Moab forme une large bande d’environ 30 kilomètres, s’étendant, du nord au sud, dans toute la longueur du pays, du côté de l’est, sur la lisière du désert oriental. Son altitude moyenne, comme celle du haut plateau de l’Asie occidentale dont il est le terme, est de 7 à 800 mètres. Son sol est ondulé, dominé çà et là de collines généralement en forme de mamelons, dont la base calcaire n’est que partiellement recouverte de terre végétale. Au nord de l’Arnon, le point appelé Umm el-Djereisât, à l’ouest de Médaba, a 896 mètres d’altitude, Ma’în 872, Djelûl 823 ; fle ? 6dn900, EVâl 934, es-Samik 927, Vmm cs-Summâq, sur la limite septentrionale, en a 968 ; plus à l’ouest, le Djebel Zabbûd a 1 140 mètres d’altitude. Au sud de l’Arnon, le plateau s’élève graduellement et plusieurs de ces sommets ont une élévation de 1100 à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer Méditerranée et de 1500 à 1600 au-dessus du niveau de la mer Morte. Ainsi Kérak est à 1026 mètres d’altitude, él-Môtéh, plus au sud, à 1167 mètres, Dat-Rds à 1165 et eUDja’far à 1254, c’est-à-dire à 1647 mètres au-dessus de la mer Morte. Le fond du plateau est une terre de couleur d’un brun plus ou moins sombre, d’une épaisseur de trois à quatre mètres et d’une grande fertilité. — Le plateau de Moab est sillnonë par une multitude de ravins, dont les principaux, Youadi Môdjeb, Vouadi Ledjjûn, Vouadi Sa’ideh, Vouadi Fiqréh, Youadi Oudléh, immenses fissures aux parois escarpées, se creusent jusqu’à 6 ou 700 mètres au-dessous du niveau de la plaine, en précipices d’un aspect à la fois terrible et grandiose. La plupart se ramifient au Môdjeb, ceux du sud en se joignant à Youadi Ledjjûn, qui traverse la plus grande partie du plateau méridional en se dirigeant du sud au nord, pour rejoindre le Môdjeb en face de’Ard’ér. Au nord, le plus grand nombre sont les confluents de Youadi Ouâléh, qui coupe le plateau septentrional en diagonale pour s’unir, sous le nom (Youadi fleiddn, an Môdjeb, à 4 kilomètres en amont de son embouchure. Les autres rejoignent les vallées moins importantes du Zerqâ-Ma’în, au nord, de Kérak, de Nenieirâ et û’el-Bîasd, au sud.
2. La région accidentée. — En s’approchant de la grande dépression du Ghôr, le plateau qui forme la par-.
300. — Carte (sans les montagnes) du pays de Afonb. Miï
MOAB
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tie principale de Moab, s’affaisse brusquement et s’incline en une pente rapide. En se précipitant vers la vallée du Jourdain ou vers la mer Morte, les torrents de l’hiver ont creusé à travers les terres et les rochers une multitude infinie de sillons qui ont formé une série de chaînes de collines, orientées d’est à ouest, et se succédant parallèlement dans toute la longueur du pays-Ces monts aux pentes accessibles, bien que parfois assez raides et glissantes dans leur partie la plus septentrionale, au-dessus de la vallée du Jourdain et le long du plateau supérieur, sont encore généralement couverts de terre où la végétation peut se développer ; mais ils deviennent de plus en plus abrupts, sauvages et stériles à mesure qu’ils se rapprochent de la mer Morte. Le long de son rivage ce sont des masses Irocheuses de grés jaunes et rouges et de porphyre, d’épaisses coulées de lave, ou de noirs monceaux de pierres volcaniques, quelquefois séparés de distance en distance les uns des autres par de profondes Crevasses à parois perpendiculaires de 100 à 200 mètres de hauteur et à peine larges de 10 mètres. — La superficie de cette région, trop accidentée pour pouvoir être mesurée avec précision, peut être estimée à la moitié de celle du plateau. — Cette longue lisière, formée ainsi d’une succession de groupes informes de collines tourmentées et entrecoupées de ravins et de gouffres, généralement d’altitude inférieure à l’altitude moyenne du plateau, ne pourrait qu’improprement être appelée une chaîne de montagnes, bien que de l’occident elle en ait l’aspect ; les Israélites semblent l’avoir désignée sous le nom général A’asédoth Çaldô(, plur. de’éiéd ou’aSed). Le nom de éSéd han-nehdlim (Vulgate : scopuli torrefttium), Num., xxi, 15, désigne précisément les escarpements des vallées de Moab. « Comme il est arrivé à la mer Rouge, ainsi [est-il advenu] aux torrents-de l’Arnon, les escarpements des torrents se sont inclinés pour laisser [les fils d’Israël] s’arrêter à Ar et se reposer sur le territoire de Moab. « L’appellation d’Asédoth de Phasga employée pour désigner la portion accidentée de territoire s’éleVant au-dessus de la mer Morte et au nord de l’Arnon, suppose l’usage de désigner de ce nom A’Asédoth toute la région ainsi accidentée de Moab, dont les parties étaient déterminées par des appellations spéciales. Les contreforts escarpés de la chaîne des monts de Judée formant la muraille occidentale du bassin de la mer Morte, furent également, aux temps anciens, désignés sous le nom d’Asédoth. Cf. 4°Deut., iii, 17 (Vulgate : radiées montis Phasga) ; (Asedoth ), i, 49 (radiées montis Phasga) ; Jos-, xii, 3 (Vulgate : Asedoth, Phagga) ; xiii, 20 (Asedoth, Phasga) ; 2° Jos., x, 40 ; xii, 8 (Vulgate : Asedoth). Pour n’être pas confondus avec ceux-ci, les conlreforts escarpés du haut plateau de Moab devaient être appelés les Asedoth « de l’orient)>, mhrâhâh (Vulgate : contra orientent), Deut., m, 17, ou « les escarpements orientaux ». — La partie inférieure bordant la vallée du Jourdain et la mer Morte est nommée « la montagne de la vallée », har hâ-émêq, nions convallis. Jos., xiii, 19. — Le massif des monts compris entre Youadi Jiesbân, au nord, et Vouadi Zerqâ-Ma’în, au sud, et par où passèrent les fils d’Israël, pour atteindre le Jourdain et la Terre Promise, fui connu sous le nom de monts Abarim. Voir Abarim (Monts), t. i, col. 16-17. Parmi les sommets du massif, on trouve men tionné « le mont Nébo, dans la terre de Moab, en facede Jéricho ». Deut., xxxii, 49 ; cf. Num., xxvii, 12 ; xxxiii, 47-48. Son nom s’est conservé jusqu’aujourd’hui dans celui de Djebel Nébâ, donné à un sommet de 806 mètres d’altitude, silué à 8 kilomètres au nord-ouest de Mâdaba. Voir Nébo (Mont).’Non loin se Irouvait « le sommet de Phasga », r’ôs hap-Pisgdh, dont le nom semble avoir servi à désigner un sommet particulier, Num., xxin, 14, le groupe de collinesdont cette hauteur était environnée et tout le massif dominant la mer Morte au nord-est. Cf. Deut., xxxiv, 1 ; Num., xxvit, 12 ; xxi,
20 ; xxxiii, 47. Le sommet du Phasga était au sud du Nébo et dominait la partie méridionale de la vallée du Jourdain, appelée jadis Jésimon, dont la ville de Bethjésimoth semble avoir pris le nom. Cf. Num., xxi, 20, et xxiii, 14. Voir Jésimon, t. iii, col. 1400. Ces derniers noms se reconnaissent dans celui de Sûeùnéh, donné à une source et à une ruine situées toutes deux vers la pointe nord-est de la mer Morte. Le sommet de Phasga pourrait être la hauteur connue sous le nom d’el’Maflùbîeh, dont l’altitude est de 840 mètres et qui se dresse en face du Nébo, au sud, de l’autre côté de Youad’edj-Djedeid. Voir Phasga. Le Nébo et le Phasga sont les seuls sommets de la région montagneuse de Moab dont l’Écriture fasse particulièrement mention. — Elle parle encore de deux vallées de cette région montagneuse, mais sans les désigner par des noms spéciaux, la vallée près de Phasga, dominant le Jésimon et où campèrent les Hébreux avant de descendre à la vallée du Jourdain, Num., xxi, 20, et « la vallée dans la terre de Moab, devant Bethphégor », où fut enseveli Moïse. Deut., xxxiv, 6. La première peut être identifiée assez probablement avec Youad’edj-Djedeid et la seconde parait être Youadi’Ayùn Mûsâ. « La vallée des passants, » gê hâ’Obrîm (vattis viatorum) dont le nom pourrait être vocalisé gê hd-’Abârîm, indiquée par lu prophète Ezéchiel, xxxix, 11, à l’orient de la mer, appartient sans doute à ce district. — Au temps du Sauveur, on désignait toute la région accidentée de Moab, depuis Liviade à Zoar, du nom de monts de Moab ou d’Arabie et le nom de « montagne de fer » paraît avoir été plus spécialement donné au pâté de rochers volcaniques qui domine la mer Morte. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 2 ; Bell, jud., IV, viii, 2.
3. La plaine inférieure. — Sifuée au pied des hxuteurs, à 1100 mètres au-dessus du niveau moyen du plateau et à plus de 300 au-dessous du niveau de la mer Morte, par la singularité de cette dépression, par son climat, par sa flore et ses produits, cette région, qui appartient à la vallée du Jourdain et aux rivages de la mer Morte, diffère essentiellement des deux autres, dont elle est la plus occidentale. Comprise dans la dénomination générale de « cercle du Jourdain », kikkâi hay-Yardên, Gen., xiii, 10, 11, ou de « vallée des Bois », ’Eméq has-Siddîm, Gen., xiv, 3, ou simplement de « la Vallée », Jos., xiii, 19, elle a dû être spécialement appelée’Arabâh de Moab, du nom donné à la vallée du Jourdain. Dans l’hypothèse de la formation de la mer Morte postérieurement à la catastrophe de Sodome, cette région, comprise entre le Jourdain à l’ouest et la montagne à l’est, se serait étendue primitivement, du nord au sud, de Bethnemra à Bala, appelée plus tard Ségor. C’est une étendue de 100 kilomètres sur une largeur moyenne de 7 kilomètres. Même avec ces 700 kilomètres carrés de superficie, cette partie aurait été encore la moindre du pays de Moab, bien que près de trois fois environ plus étendue que ce qui en demeurait quand Moïse et les Hébreux vinrent camper dans cette région, au nord de la mer Morte. À cette époque, la partie basse se rattachant au pays de Moab se composait comme aujourd’hui de quatre morceaux ou districts principaux : 1° la partie inférieure de la vallée du Jourdain, à l’extrémité septentrionale de la mer Morte, 2° le territoire de $ârah, 3° la petite péninsule du Lisàn actuel, à l’issue de la vallée de Kérak, et 4° le district appelé maintenant Gliôr es Sâfièh, à l’extrémité méridionale de la mer.
1) Le premier territoire, le plus important des quatre, est fréquemment mentionné sous le nom d’Araboth de Moab, ’Arbôt Moab, campestria Moab, « la plaine [inférieure ] de Moab. » Il est désigné aujourd’hui du nom spécial de Ghôr $eisbân et sa portion la plus occidentale, en face de Râméh, de celui de Zôr Ghdrbék, radicalement semblableau nom de’Arabâh, avec lequel il pourrait n’être pas sans rapport. Sa longueur, de lVu
adi Nimrïn à la mer Morte, ne dépasse pas 15 kilomètres, et sa plus grande largeur est à peine de 13 kilomètres. Il est plat, légèrement incliné vers le Jourdain et la mer Morte. Sa dépression au point de jonction de Vouadi Ijesbân avec Vouadi Kefrein, qui est à peu près au Centre, est de — 338 mètres. Le sol, formé d’une terre noire, est généralement très fertile.
2) Le second district est situé à 20 kilomètres au sud du précédent et de l’extrémité septentrionale de la mer Morte ou de Sûeiméh, et à moins de 3 de l’embouchure du Zerqà Ma’în. Le nom actuel de Sdrah peut rappeler celui de la ville de Sarathasar, hébreu : Sérét has-Sahar, Jos., xiii, 19, qui rappelle lui-même le nom delà localité traduit KaXXipôr) par Josèphe. Cette induction est confirmée par la carte mosaïque de Médaba. Snr cette carte, au bord de la mer Morte, â l’ouest d’une montagne où se lit le nom de [B] APOY, entre deux vallées dont l’une, au nord, ne peut être différente du Zerqà Ma’în passant sous Mekaûr et où sont des sources thermales, le Baipoa ; de l’historien juif, et dont la seconde au sud, est évidemment l’Arnon, est figurée une petite plaine plantée de palmiers. On y voit un édifice semi-circulaire d’où sort un cours d’eau et un autre édifice terminé en abside non loin duquel passe une autre rivière de bref parcours. Cette petite plaine, où se lit l’inscription ©EPMA KAAAIPOH2, représente le territoire de Sdrah dont nous parlons. — Il est indiqué, Jos., xiii, 19, « dans la montagne de la vallée, » c’est-à-dire sur la lisière de la montagne et de l’Aràbah ou du Ghôr. Sdrah (ou Sdrah), en effet, est encore dans la ligne de la montagne, mais par sa situation et ses caractères, il appartient en réalité à l’Aràbah. C’est un petit plateau incliné vers la mer Morte. De hautes collines de pierre volcanique l’entourent, rangées en hémicycle. Son étendue sur le rivage est de 3 kilomètres et sa profondeur de 2 environ. Une terre noire mêlée de pierres recouvre en partie son fond généralement de lave.
3) Le troisième territoire est à 30 kilomètres plus au sud et au delà de l’Arnon (le Môdjcb) : c’est le Lisân, « langue » de terre s’avançant en presqu’île dans la mer Morte, à l’issue de la vallée de Kérak. L’identité du nom l’a fait prendre par quelques-uns pour le Lâsôn de la Bible, Jos., xvii, 2 ; mais l’identité des lieux est bien moins certaine. Voir Morte (Mer). Dans sa plus grande longueur le Lisân mesure 17 kilomètres et forme un petit golfe, de 7 kilomètres de profondeur et de 3 de largueur, qui a servi autrefois comme aujourd’hui de port aux barques entretenant, par la mer Morte, des relations de commerce avec le pays de Moab. La superficie du Lisân avec le Ghôr, c’est-à-dire « la dépression » s’étendant le long de la montagne, n’est guère inférieure à celle du Ghôr Seisbdn ; mais formé d’une marne mêlée de sel, le Lisân est généralement stérile ; dans le Ghôr seulement se trouvent quelques kilomètres carrés de terre cultivable.
4) Le quatrième territoire est le Ghôr Sâfiêh, ainsi nommé du nom d’un village bâti au milieu d’un terrain plat et fécond sur le bord de la ramification méridionale de Youad’el-Ijiasâ. La partie du Ghôr s’étendant de l’extrémité méridionale de la mer Morte à cette limite, entre la montagne à l’est et la Sebkhah, région marécageuse prolongeant la mer Morte à l’ouest, est de 5 kilomètres de longueur et de 4 de largeur. D’après l’histoire et la carte de Médaba, c’est le pays de Sô’ar ou Ségor où Lot, , fuyant Sodome, chercha un refuge et où prirent nais^ sance les ancêtres des peuples d’Ammon et de Moab.
Çà et là, et à l’issue des vallées le long de la mer, se rencontrent encore de petits terrains plats, aptes à la culture : les Bédouins les appellent des ghûeirs, « des petits ghôrs. » Les sommets des arbres morts qui, aux alentours, s’élèvent des eaux de la mer, quelquefois jusqu’à plus de 50 mètres de distance, témoignent de l’élévation progressive des eaux, qui finiront parfaire dispa raître ces petits territoires, comme déjà sans doute elles en ont englouti d’autres de la même manière.
m. eaux. — 1° Eaux de pluie consei-vées dans les citernes et les piscines. — Toute la région supérieure de Moab, c’est-à-dire les deux tiers de son territoiro total, a toujours été complètement privée de sources et d’eau courante. Moïse, arrivé avec les Israélites à la hauteur de l’Arnon, à l’endroit qui fut^appelé Béer, reçut de Dieu l’ordre de réunir le peuple et de lui procurer de l’eau en faisant creuser un puits. Le chan composé à cette occasion et conservé dans les Nombres, xxr, 17-18, témoigne de la joie éprouvée par les émigrants à l’apparition de l’eau et par là même de la pénurie dont ils avaient souffert en suivant le plateau méridional de Moab qu’ils venaient de parcourir, depuis le passage du Zared. La même pénurie est attestée pour le plateau septentrional, par la proposition de Moïse au roi Séhon pour lui demander de laisser passer les Israélites : s Permets que nous passions par ton territoire, lui disait-il ; nous n’irons ni par les champs ni par les vignes et nous ne boirons point de l’eau des puiu. » Num., XXI, 22. Il s’agit évidemment des citernes et de l’eau de pluie conservée par leur moyen et que les habitants de la région, alors comme aujourd’hui, gardaient avec un soin jaloux et ne cédaient qu’à prix d’argent. « L’eau que tu voudras bien nous donner à boire, nous la paierons, » avait ajouté Moïse. Deut., Il, 28. On ne connaît guère qu’un endroit, et dans un cercle fort restreint, où l’eau se rencontre si l’on creuse des puits, à Vouadi Tamad, en amont des ouadis LJeiddn et Ouâléh, et à l’est de Medeinéh, sur la frontière du désert, où était la limite du royaume de Séhon, et où étaient arrivés Moïse et les Israélites quand le besoin d’eau leur fit creuser un puits où ils la trouvèrent en effet. Partout ailleurs sur le plateau, les habitants ont toujours dû se faire des citernes et des piscines pour recueillir les eaux de pluie de l’hiver, afin de les conserver pour les divers usages de la vie. Parmi les ouvrages de ce genre, les piscinesd’Hésébon sont célébrées par l’Epoux du Cantique des Cantiques, vii, 4, qui leur compare les yeux de l’Épouse. Le roi Mésa raconte avec fierté, dans l’inscription de sa stèle, comment il pourvut le Qarhâh de Dibon d’une double piscine et fit creuser dans cette ville de nombreuses citernes pour procurer de l’eau à ses habitants.
2° Sources et rivières. — Il faut descendre dans la profondeur des ravins et des vallées pour trouver des sources. Là elles jaillissent nombreuses et beaucoup d’entre elles sont fortes et abondantes. Leurs eaux sont généralement saines, légères et agréables à boire. Les fontaines de Moab méridional furent jadis obstruées par les soldats de l’armée coalisée et victorieuse d’Israël, Juda et Édom au temps du roi de Moab Mésa. IV Reg., m, 25. Aucune des fontaines de Moab n’est désignée spécialement cans les Écritures, mais plusieurs sont célèbres dans l’histoire. Celles qui sortent du pied du mont Nébo étaient réputées avoir jailli à la prière de Moïse voulant donner de l’eau à son peuple. Elles sont depuis longtemps connues sous le nom de « Fontaines de Moïse », ’Ayùn Mûsd. Voir Asédoth, t. i, col. 1076, et Nébo (Mont). La fontaine de Sùeimeh (Bethjésimoth), dans le Ghôr Seisbdn, a été, comme celle de Nébo, visitée par les pèlerins et estimée miraculeuse. Voir Bethjésimoth, t. i, col. 1687. Les anciennes relations mentionnent encore la fontaine dont les eaux servirent à l’usage de saint Jean-Baptiste, quand il résidait en cette région. Elle est désignée sur la carte mosaïque de Médaba sous le nom d’Ainôn, à l’endroit nommé Sapsas, près de Bethabara, en face de Jéricho : c’est sans doute le’Aïn eUKharrâr actuel, qui sourd à un kilomètre du Jourdain, à l’est de ce fleuve et du couvent grec du Prodromos. Voir Bethab&ra, t. i, col. 1650. Un grand nombre de ces sources donnent immédiatement nais
sance à de forts courants d’eau qui, en se réunissant, forment des ruisseaux ou des rivières relativement considérables, vu surtout la grande inclinaison de leur lit, et la brièveté de leur parcours. La rivière de Môdjeb, la plus considérable de toutes, mesure à peine, avec sa plus longue ramification, le nahar Ledjjûn 50 kilomètres. La rivière qui arrosait les ouadis famad, Ouâleh et Jfeidân est le principal affluent du Môdjeb, dont elle égale presque la longueur et l’importance. Le bassin de ces deux rivières occupe la plus grande partie du territoire total de Moab. Il est tributaire de la mer Morte.
— Au nord du Môdjeb, la seule rivière un peu considérable parmi celles qui se jettent directement à la mer Morte, est le Zerqâ Ma’in, ainsi nommé de Ma’in, ruine de l’ancienne Baalmaon sous laquelle elle prend naissance, au sud, au’Aïn ez-Zerqà, La longueur de son parcours est de moins de 20 kilomètres. Les autres rivières de quelque importance parmi celles se rendant directement au lac, au sud du Môdjeb, sont le seil-Djerrahet les rivières dès ouadis Béni Blâmmad, Qéneiyeh, Kérak et Nemeira. « Les eaux de Nemrim, » dont les prophètes Isaïe, xv, 6, et Jérémie, xlvui, 34, annoncent le dessèchement, ne paraissent pas différentes de la rivière de Nemeird actuelle. L’embouchure du courant est à 6 kilomètres au nord de l’extrémité méridionale de la mer Morte et du Ghôr $âfîéh où il faut chercher Zoara ou Ségor, et c’est « au nord de Zoara » qu’était, selon Eusèbe, la ville de Nemrim, dont la rivière porte le nom.. Onomastic, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 298. Plusieurs interprètes, il estvrai, ont cru pouvoir reconnaître les eaux auxquellesfontallusionles prophètes dans celles de Youadi Nimrin ; cette rivière, qui baigne la frontière septentrionale de Moab et arrose la plaine des Araboth, se développant autour de Bethnemra porte un nom également identique à celui de la prophétie. Il serait difficile de faire un choix, si le récit lui-même n’indiquait pas, avec suffisamment de clarté, le sud de Moab. Des eaux de Nemrim, Isaïe, xv, 7, fait en effet passer les fugitifs de Moab au nattai hd-’Ardbîm, le torrent des Saules, qui passait à l’extrémité de la terre de Moab, au sud, là où coulent les eaux de Youad’el-ffasâ actuel. Cf. Nemrim. La rivière d’el-Ifasâ, dont les eaux se divisent à la sortie des montagnes pour arroser le Ghôr $dfieh et se jeter ensuite à la mer Morte après avoir traversé la Sebkhah, est la première après le Môdjeb, par le développement de son cours et par l’abondance de ses eaux. Elle est assez couramment, avons-nous dit, identifiée avec le Zared. Voir Zared (Torrent de). Les eaux de Youadi Nimrin, au nord, sont celles de Youadi Cha’îb qui descend de l’ancien pays de Galaad et a sa source près du Sait actuel. Après avoir arrosé le Ghôr, elle se déverse au Jourdain à peu de distance au-dessus du gué el-Ghoranîéh. La rivière de l’ouadi Kefrein, qui coule au sud de Youadi Nimrin, envoie également ses eaux à la mer Morte par le Jourdain. Une partie considérable de celles-ci lui vient de Youad es-$îr. Cet affluent prend naissance sous les ruines d’es-Sir, à l’est de celles de Sâr, réputé l’ancien Jazer, en dehors du territoire de Moab. L’autre affluent principal du nahar Kefrein est le nahar ffesbân. Il a son origine à la source appelée’Aïn Ifesbân du nom de ffesbdn, l’ancienne Hésébon, située à 5 kilomètres au sud-est. Voir Hésébon, t. îir, col. 660. Le nahar ifesbân parcourt prés de 30 kilomètres avant de se joindre au nahar Kefrein, 5 kilomètres à l’ouest du Tell Râméh. Tous deux, après avoir, arrosé soit seuls, soit ensemble, le Ghôr dans toute sa largueur, se jettent au Jourdain à 5 kilomètres en aval de leur point de jonction, au sud-est, et à 3 kilomètres en amont de l’embouchure du Jourdain. — Le camp des Israélites, dans les Araboth de Moab, dressé entre Bethjésimoth (Sûeiméh) et Abelsatim (Kefrein), était parcouru par ces deux courants.
3° Eauxtliermales. —En outre de ces eaux naturelles
et ordinaires, le pays de Moab possède encore de nombreuses sources thermales et minérales. On en connaît au sud du Môdjeb, dans les vallées el-ffammad et el-Hasa. Les plus connues des explorateurs modernes, au nord du Môdjeb sont celles de Youadi Zerqà-Ma’în. Ces sources, au nombre d’une dizaine, jaillissent au fond d’un revin abrupt, sauvage et presque inabordable de la rive droite du Zerqâ au nord de Mekaûr, la Machéronte de l’histoire. Leurs eaux sont chargées de diverses substances minérales, surtout de soufre, et leur température s’élève jusqu’à 70° centigrades. Elles sont désignées aujourd’hui sous le nom de Ifammâm ez-Zerqâ, « les bains du Zerqâ. » Ce sont certainement les sources thermales de la gorge profonde qui protège Machéronte au nord, dont parle Josèphe et appelées par lui Baaru ou Baaras. Bell.jud., VII, vi, 3. Ce nom est évidemment une transcription d’un des dérivés de Béer « puits, » et probablement le mot de forme araméenne Béerah ou Béerath. Au iv° siècle, saint Jérôme traduisant Eusèbe, indique « Béelméon près de Baaru en Arabie, où les sources chaudes jaillissent spontanément du sol ». Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 103. Voir Callirhoé, t. ii, col. 69-72. — Les sources de Sârah ne sont pas très éloignées de celles du Zerqâ, mais elles en sont séparées par la vallée infranchissable du Zerqâ et par des montagnes abruptes de grés et de basalte. Le nombre des sources de Çàrah ne peut être facilement déterminé. Les nombreux ruisseaux qui en dérivent sortent souvent de fourrés inextricables, de hauts roseaux entremêlés de broussailles de toute espèce. Ces ruisseaux se divisent et se subdivisent en une multitude infinie de petits courants qui se croisent et s’entrecroisent, sillonnant le plateau dans tous les sens, et le couvrant en quelque sorte d’un réseau de canaux dont il est impossible de remonter au point d’origine pour les compter. Plusieurs de ces petits ruisseaux apparaissent seulement pendant l’hiver et tarissent l’été, laissant marquée d’un mince dépôt de sel, la ligne de leur parcours. Le nombre des sources permanentes peut être de douze ou quinze, dont cinq ou six sont plus importantes par leur débit. Deux d’entre elles, au sud du plateau, forment de petites rivières qui courent dans des ouadis peu profonds, au milieu d’arbustes divers. Leurs eaux ont près de 40° de température et paraissent mêlées de substances minérales. Deux autres sont particulièrement remarquables. La première sourd, au nord du plateau, au pied d’un rocher, dans une petite vallée qui forme la limite du territoire de Sârah. La température de l’eau à sa sortie est de 50°. Elle forme aussitôt un gros ruisseau qui court se perdre dans la mer Morte, 200 mètres plus loin. Sans autre goût qu’une très légère saveur saline trahissant peut-être une nature alcaline, ces eaux sont potables et j’en ai usé pendant quinze jours sans être aucunement incommodé. La seconde source se précipite en grondant d’un orifice profond qui s’ouvre sous une colline de basalte et de lave, vers l’extrémité nord-est du plateau. Elle n’est pas moins abondante que la première. La température de l’eau est de 60°. Les dépota de matière d’un jaune rougeâtre, laissés par ces eaux le long de leur parcours, indiquent qu’elles sont chargées de substances minérales, dont le soufre parait, comme aux sources du Zerqa, être la plus considérable. Les eaux de Çârah ne nous paraissent pas différentes des bains de Callirhoé dont parle Josèphe, et célèbres dans l’histoire. Le vieil Hérode, se sentant pris de la maladie qui devait l’emporter, vint leur demander des forces qu’elles ne pouvaient lui rendre. Ant. jud., XVII, vi, 5 ; Bell.jud., 1, xsxm, 5. — Les anciens font allusion à d’autres sources autour de Bétharan ou de Bethjésimoth, qui jouissaient de vertus diverses ou qui, à cause de leur nature minérale, étaient estimées mauvaises ou peu potables. Voir BethjésijSoth, t. i, col. 1687. Cf. El-Muqaddassi, Géographie, édit. Goeje, Leyde, 1877,
p. 184. — Ces diverses eaux thermales de Moab, selon plusieurs interprètes, seraient désignées déjà, soit en général, soit en particulier, dans la Genèse, xxxvi, 24, où il est raconté qu’Ana, fils de Sébéon, « trouva les yêniîni au désert. » L’hypothèse, quoique contestable, a réuni un cerîain nombre de partisans. Voir Ana, t. i, col. 532-533. Celles de Sârah nous paraissent clairement indiquées dans le Sihor de la montagne de la vallée, sans toutefois qu’il soit tait allusion à leurnature et à leur usage. Il est cependant un passage de l’Écriture où il pourrait en être question à ce point de vue, c’est celui du psaume lix (hébreu lx), 10, répété Ps. cvn (cvm), 10. Personnifiant le peuple de Dieu, le Psalmiste énumère diverses tribus d’Israël et plusieurs des nation ? voisines, en spécifiant le rôle de chacune par rapport à lui. Après avoir appelé Éphraïm le soutien de sa tête, Juda son législateur, et avant d’ajouter : « ma chaussure, mon pied, s’appuiera surÉdom, » il dit : « Moab est le vase où je me lave, » Môâb sir râhn, dans la Vulgate, olla spei meî. Selon toute apparence, le chantre sacré veut dire que le pays de Moab sert à Israël pour ses bains salutaires. La conduite d’Hérode indique suffisamment qu’ils n’étaient ni inconnus, ni méprisés des Israélites et des Juifs.
jv. climat et productions. — 1° Climat. — Le pays de Moab, comme le pays de Galaad, ou comme la Judée prise sur le littoral méditerranéen, a deux climats distincts : celui de la région supérieure, et celui du Ghôr : le premier est un climat tempéré, l’autre un climat chaud. Pour l’un et l’autre, il y a deux saisons : la saison des pluies de l’hiver, de novembre à avril, et la saison sèche ou l’été, de mai à octobre. Les températures que l’onpeut considérer comme extrêmes sont, pour la première zone élevée, — 3° centigrades et -ꝟ. 35°, et pour le iihôr O et-i- 50° ; ces températures sont très rares, pour le Ghôr surtout. La température la plus ordinaire de l’hiver est de + 8° à + "16° au plateau supérieur et de +- 15° à 22° dans le Ghôr. Les écarts de plus de 8 degrés entre les minima et les maxima sont peu fréquents. La distribution des pluies ne s’opère pas avec une régularité absolue : elles sont plus ou moins précoces et cessent plus ou moins tôt, et elles peuvent être plus ou moins abon dantes. La quantité moyenne est de 60 centimètres. Environ deux années sur trois la neige descend sur le plate au qu’elle recouvre en entier, mais rarement deux fois dans un même hiver. Elle se maintient parfois au delà d’une semaine, surtout dans la partie méridionale, dont l’altitude est plus considérable. Les vents de l’occident sont les plus constants. Les vents d’est soufflent plus fréquemment [en hiver et dans les mois intermédiaires de mars et d’avril, etde septembre à octobre. Brûlants pendant l’été, ils sont d’un froid vif pendant l’hiver. L’air des plateaux est sec et salubre. Quelques miasmes se développent dans le Ghôr, aux alentours de Sueiméh, où les eaux, abandonnées à elles-mêmes, forment des marais. Les Arabes du plateau et de la montagne descendent dans les diverses parties du Ghôr au commencement de la saison des pluies et l’abandonnent dès le mois de mai.
2° Flore. — Favorisée par un climat identique à celui de la Judée, la flore de Moab n’est ni moins riche, ni moins variée. Ce sont, en général, les mêmes espèces, parmi lesquelles dominent les anémones, les coquelicots et diverses sortes de lins. Les chardons et les arbustes épineux abondent après les récoltes et pendant l’été. Les bords des fontaines et des rivières sont couverts de cresson et de menthe. Le sénevé se développe dans le Ghôr et sur les rives du Jourdain. La truffe abonde dans la plaine de Médaba. Dans les terrains spéciaux des vallées qui bordent la mer Morte, les explorateurs ont trouvé plusieurs espèces de plantes inconnues à la Judée. Le retem, genêt à fleur blanche odorante (fig. 301), remplit les vallées comme les flancs des collines inférieures. Le’oscher ou asclépiade se mêle partout au
D1CT. DE LA BIBLE.
retem dans le Ghôr et à Çârah. Dans les touffes d’oléandres ombrageant les rivières, on en remarque à fleur blanche. Le tamaris, les roseaux et les diverses espèces de saules qui croissent sur les rives du Jourdain se retrouvent près de la plupart des autres rivières. Le prophète Isaïe, xv, 6-7, d’après la Vulgate, signalerait ces derniers arbres dans les vallées les plus méridionales de Moab et la végétation abondante, en général, de la région de Nemrim. Le nom de’Arû’êr donné à une ville bâtie sur le bord de l’Arnon et à une autre située plus au nord suppose la présence du genévrier dans leur voisinage. Quelques buissons de chêne et de térébinthes, de lentisques, de sumacs, épars sur les collines au nord de H esbdn et de El’&l, attestent l’existence, au temps passé, de forêts
301. — Genêt à fleurs blanches.
D’après une photographie de M. l’abbé Gélinet.
en cette région. Il y reste seulement maintenant un petit bosquet de pins rabougris et noueux. Tout le reste du plateau, tant au nord qu’au sud de l’Arnon, est complètement dépouillé de toute espèce d’arbres. On retrouve quelques chênes, quelques térébinthes et quelques caroubiers dans l’une ou l’autre des vallées qui aboutissent à l’ouadi Reidàn et qui sont au sud du Môdjeb. Le nom de’Abel haë-ëittîm, porté par une ville des Araboth, indique la présence du sent ou d’acacias désignés par l’appellation de sittîm. Cette espèce a disparu de l’endroit, mais on la retrouve à ÇdraA et en d’autres endroits. On voyait autrefois à Barou une plante, arbre ou arbuste, comparée par Josèphe à la rue et à laquelle il attribue des propriétés extraordinaires, entre autres celle de paraître semblable à une flamme pendant la nuit. Bell, jud., VII, vi, 3. Des explorateurs ont cru reconnaître cette espèce dans un grand retem qui croit au Hammam ez-Zerqd et dont le tronc atteint jusqu’à 30 centimètres de diamètre, et l’arbre le développement d’un grand amandier ; mais cette plante n’a rien de la rue, ni les autres propriétés que lui attribue l’écrivain juif..
IV. - 37
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MOAB
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3° Produits de la culture. — Les diverses céréales, l’orge, les lentilles, les fèves, les pois chiches, le doura, le kersenné et plusieurs autres espèces, sont cultivées avec succès dans la terre de Moab ou pourraient l’être comme dans les pays voisins de Galaad et de la Palestine ; toutefois la culture principale et spéciale de cette contrée paraît toujours avoir été le blé. Le blé de Moab, selon plusieurs commentateurs, est cité par le prophète Ézéchiel, xxvii, 17 (hébreu), comme le blé de choix vendu sur les marchés de Tyr, sous le nom de « blé de Mennith ». Voir Mennith, col. 970. Les blés de la Belqâ, la région où se trouvait Mennith, et ceux du pays de Kérak sont les plus recherchés aujourd’hui sur les marchés de Jérusalem, que ces pays semblent avoir toujours approvisionnés. « La terre de Moab, appelée maintenant pays de Kérak, disait en 1840 le rabbin Schwarz exprimant le sentiment populaire, est jusqu’à présent une contrée comblée des plus abondantes bénédictions : ses blés sont excellents entre tous les blés du monde et c’est de là que s’approvisionne la Ville sainte. » Tebuoth ha-Arez, Jérusalem, 1900, p. 254. — La culture de la vigne se partageait avec celle du blé le territoire de Moab, dès l’époque la plus reculée. « Nous n’irons ni par les champs ai par les vignes, » disait Moïse à Séhon en lui demandant d’autoriser les Israélites à passer à travers le pays. Num., xxi, 22.Balaam allant rejoindre Balac, passaitpar des vignes entourées de murs en pierres sèches. Num., xxii, 24. Le nom de la vigne (kérém), porté par divers endroits et les innombrables pressoirs antiques taillés dans le roc, épars sur toutes les hauteurs de Moab, témoignent de la généralité de cette culture. Les diverses essences fruitières, le figuier, l’amandier, le grenadier, le cognassier et le poirier, le pommier, l’abricotier et le pêcher, dont la culture est toujours nnie à celle de la vigne en Galaad, ne devaient pas être négligées dans le pays voisin de Moab. Quand Joram et Josaphat envahirent le territoire de Moab, le pays était couvert d’arbres fruitiers qui furent coupés par l’ennemi. IV Reg., iii, 19-25. Le géographe arabe el-Muqadassi, Géographie, édit. Goeje, Leyde, 1874, p. 180, mentionne parmi les produits des pays de l’islam vantés et recherchés, les amandes de Moab. L’on rencontre aujourd’hui entre Mekaîir elle tleidàn, deux . vallées entièrement plantées d’amandiers abandonnés et devenus sauvages, restes sans doute de la culture à laquelle fait allusion l’auteur arabe du Xe siècle. De nombreuses localités sont désignées par les noms à’Vnim er-Rummdnéh, er-Remeniên, comme des jardins de grenadiers, où l’on ne voit plus un seul pied de cette espèce. Quelques oliviers abandonnés au djebel l Atâr’ûs, près de NaSir, et en quelques autres endroits de la région du sud, sont également l’indice de la culture antique de cette espèce si estimée dans toutes les contrées du même climat. L’auteur cité nomme encore l’indigo, jadis cultivé sur une large échelle dans les parties inférieures du Ghôr. — La culture principale de cette dernière zone était celle du palmier et de la datte. À Sârah et dans divers autres endroits du Ghôr, on voit encore un certain nombre de palmiers, débris des anciennes plantations. Il n’en est pas parlé formellement dans la Bible, mais la situation de cette région identique de nature en face de Jéricho et d’Engaddi, où le palmier, au temps de l’empire romain, produisait, au dire de Pline, H. N., v, 14 ; xiii, 4, la datte la plus estimée de l’univers, ne permet pas de douter qu’elle n’ait de tout temps partagé la même gloire. La carte-mosaïque de Médaba figure des plantations de palmiers dans les plaines de Liviade, de Callirhoé et de Zoara. En ce dernier endroit cette culture donna lieu à une industrie qui, en se perfectionnant, devait devenir l’une des principales du monde civilisé. Depuis l’occupation musulmane les habitants du haut plateau de Moab transformaient par la cuisson le jus de leurs raisins en dïbs, ou en un sirop
épais et condensé, pour le vendre au loin. Les habitants de Sughâr (Ségor ou Zoara) traitèrent de même les dattes de leurs palmiers. La substance ferme et compacte ainsi obtenue s’exportait jusqu’aux extrémités de l’Occident, où elle était très recherchée pour l’édulcoration des liqueurs et des mets. Cf. El Muqadassi, loc. cit. Elle était appelée, du nom du lieu de provenance, Sughâr ou Suqqâr. Le suc de la canne déjà cultivée dans le pays à cette époque, cf. ld., ibid., p. 161, 162, 181, devait supplanter, le dibs de Sughâr et lui prendre son nom, conservé sous la forme suggar ou sukkar, le « sucre ». Saint Jérôme cite le baume avec la datte, comme produit de Ségor. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 97. — Le prophète Jérémie, faisant allusion à la splendeur de ces cultures, appelle le pays de Moab un carmel, « un jardin divin, » où ne cessaient de retentir les cris de joie et de fête. La récolte cependant et la vendange cesseront de s’y faire ; les pressoirs seront abandonnés et le vin cessera de couler. La désolation et la tristesse vont se répandre partout, et le prophète pleure sur les vignobles de Sabama dévastés et détruits. Jer., xlviii, 32-33. — La plupart de ces cultures sont encore mentionnées au XIIIe siècle par le géographe arabe Edrisi, Dikr es-Sdm, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1823, p. 4, elles devaient cesser totalement un peu plus tard. La culture du blé et de l’orge a repris sur les hauts plateaux et au Ghôr Çeisbdn, près A’er-Râméh, Kefrein et Tell-.Nimrîn. Quelques arbres fruitiers ont été replantés dans la vallée de Kérak. Près des fontaines, les terrains étroits qui s’y trouvent sont encore semés de concombres, de poireaux, d’oignons et parfois de tabac.
4° Faune. — 1. Animaux sauvages. — Le nom des deux Ariel ( « lion de Dieu » ) de Moab tués par Banaias, un des vaillants guerriers de David, II Reg., xxui, 20, et I Par., xi, 22, s’il ne désigne pas des lions, suppose du moins la présence de cet animal en Moab, comme les noms de Bethnemra, « la maison des léopards, » et Nimrîn, « les léopards, » supposent l’existence de ces derniers dans le voisinage des localités de ces noms. Le lion a depuis longtemps disparu, mais le léopard s’y retrouve encore assez fréquemment ainsi que les espèces similaires, la panthère et le guépard. La montagne au sud de Nemeirâ appelée ras el-Khanâzii’a été également désignée ainsi des nombreux sangliers qui la hantent ; de même’Ayùn ed-Dîb, « les fontaines du loup, » schaunet ed-Diâb, « la retraite des loups, » Vmni el-Qenâfid, « la mère des hérissons ou des porcs-épics, » attestent la présence des animaux de ces noms. La gazelle se montre sur les plateaux avec d’autres antilopes semblables au cerf. Le beden ou bouquetin vit en troupes à Sârah et circule sur toutes les montagnes rocheuses du rivage de la mer Morte. Le lièvre se rencontre au mont Nébo et en quelques autres lieux. L’autruche et l’onagre du désert apparaissent quelquefois sur les frontières de Moab, mais sans y fixer leur demeure. La plupart des oiseaux, des reptiles, serpents et lézards et des insectes communs à la Syrie se trouvent en Moab en plus grand nombre. Les sauterelles y font aussi de plus fréquentes apparitions. Les eaux du Môdjeb et de la vallée de Kérak sont remplies de poissons divers et estimés.
2. Troupeaux et animaux domestiques. — Soit à cause de la nature du sol et de sa disposition, soit surtout à cause de l’abondance de ses sources et de ses rivières, dans le pays de Moab l’herbe croit plus abondante et est plus permanente ; pour cette raison, il était considéré dans les temps anciens comme « une terre de troupeaux », un pays essentiellement propice à leur élevage et à leur entretien : c’est à ce titre que les Rubénites et les Gadites, dont les troupeaux étaient innombrables, demandaient à Moïse de leur laisser la possession de la partie de Moab au nord de l’Arnon, conquise parles Israélites sur les Amorrhéens.Num., xXXii, l-5. —
Les troupeaux des Rubénites étaient composés des mêmes espèces queles troupeaux des Israélites en général, et il n’est pas douteux qu’il en a été de même chez les Moabites et les autres populations qui occupèrent le pays. La vache et le bœuf devaient être communs et apparaissent comme victimes destinées aux sacrifices. Num., xxii, 40 ; xxiii, 1-4, 14, 80. Balaam, appelé par Ealaq, demande sept jeunes bœufs, pour les immoler sur les sept autels dressés par ses ordres. Aujourd’hui le bœuf est élevé exclusivement en vue du labourage. L’espèce ovine paraît à côté de l’espèce bovine dans les rites religieux, et, avec les sept bœufs, Balaam demande également sept béliers. Num., xxiii, 1, 4 ; cf. xxii, 40. La masse des sujets de cette espèce devait être innombrable. Le tribut exigé par Achab du roi Mésa était, pour Moab méridional alors seul en possession des Moabites, de cent mille agneaux et cent mille béliers couverts de leur toison. IVReg., iii, 4. La chèvre, le chameau, l’âne et le cheval, bien que la Bible ne les spécifie pas, devaient faire partie des richesses de Moab, autrefois comme maintenant. Le mulet y est aujourd’hui très commun et employé pour les travaux de la campagne’et le transport des fardeaux.’Ain el-Djâmûs, « la fontaine du buffle, » à l’ouest de Nâ’ûr, témoigne que cette espèce faisait autrefois partie des troupeaux.
v. villes. — Les ruines innombrables de villes et de villages dont est parsemé le sol de Moab, tout en attestant la multitude de ses habitants, témoignent en même temps qu’ils étaient surtout sédentaires, au contraire des habitants actuels, presque exclusivement nomades. De même qu’au pays de Chanaan, en Moab, autour des villes principales munies de remparts, ’ârê mibsdr, civitates, urbes munitæ, Num., xxxii, 36 ; IV Reg., iii, 19, étaient des villes secondaires, les benêt, ce filles, » viculi. Num., xxi, 25 ; Jos., xiii, 17, 23. Parmi ces dernières il y avait des villes plus « remarquables », ’ir mïbhôr, urbs électa. IV Reg., iii, 19. Il y avait encore « les villes de troupeaux », gidrôt s’ôn, caulx pecom, ou « les villages », hasrê, villœ. Num., xxxii, 36 ; Jo3., xiii, 23. — Le prophète Jérémie, xlviii, 24, distingue les villes de Moab en deux catégories : « les villes éloignées et les villes rapprochées, » hdr-refyoqôf ve-haq-qerôbôt, entendant sans doute par les premières les villes de Moab méridional et par les secondes celles de Moab septentrional.
1° Villes de Moab méridional. — On en trouve sept, ou clairement ou très probablement désignées comme étant de cette catégorie. Ce sont :
1. ArMoab (hébreu : ’ArMôâb). Is., xv, 1 ; Num., xxi, 28. Son nom semble être l’équivalent de’ir Mûâb, « la ville, la capitale de Moab, » comme l’indique d’ailleurs le nom de Rabbath-Moab ou Rubath-Môba qu’elle a longtemps porté. Elle a été appelée Aréopolis par les Grecs et les Romains. Cf. Eusèbe, Onomastic, au mot Moab, 1862, p. 292, 293. C’est aujourd’hui Habbah. Voir Ar, t. i, col. 814-817.
2. Gallim (hébreu, ’Eglaîrn ; Septante : ’AfaXXeiV), Is., xv, 8, est indiquée par Eusèbe, à 8 milles au nord d’Aréopolis. Onomastic, p. 10. Elle est aujourd’hui inconnue. Voir t.m, col. 98.
3. Kir Moàb (hébreu : Qîr Môâb, to Tetyoç tîjç M<oa61tiSoç, murus Moab, Is., xv, 1 ; appelée encore Qir Iférés, Jer., xlviii, 36 (cf. Is., ivi, 11 : teï^o ; èvexaivtuac), lu par les Septante q rhr’s, w pour to, xeipâêaç aùxH-oû, Vulgate : murus fictilis, murus cocli lateris, et Qir tfâréSet, Is., xvi, 7 ; IV Reg., iii, 25). Elle fut réellement « le boulevard de Moab » et probablement sa capitale. Cf. IV Reg., iii, 25. Nommée plus tard Kerak-Moba, c’est aujourd’hui le Kérak, le chef-lieu du pays. Voir Kir-Moab, t. iii, col. 1895-1907.
4. Luith (hébreu : Lûhîf ; Septante : Aoucie). Is., xv, 5 ; Jer., xlviii, 5. Il existait encore au iv siècle, d’après le témoignage d’Eusèbe, une localité du nom de Luitha,
entre Aréopolis et Zoara. Onomastic, p. 266. F. de Saulcy croit l’avoir retrouvée dans une ruine appelée Noueïd ou Noueïn. Voir col. 414-415.
5. Maspha de Moab (hébreu iMispéhMôâb ; Septante : Ma<j9V)ça6 ttiMwàë). I Reg., xxii, 3. David y mit ses parents à l’abri des persécutions de Saûl, sous la protection du roi de Moab. Elle semblerait avo^r été une résidence royale. Il est possible qu’elle fut identiqua avec la colline couverte de ruines nommée Sîhan, à laquelle le nom « d’échanguette de Moab » conviendrait très bien ; mais ce n’est nullement certain. Voir Masfha, col. 851-852.
6. Namrim (hébreu : Nimrim ; Septante : NEneipeÎHet Nsêpeîv). Is., xv, 6 ; Jer., xlviii, 34. Cette ville est connue par les eaux ou la rivière à laquelle elle donne son nom. On connaissait au ive siècle une localité du nom de Bennamarim (il faut probablement lire Bethnamarim ) au nord de Zoara. Eusèbe, Onomastic, p. 298. Le nom de Nemeirâ est encore porté aujourd’hui par une vallée et une rivière situées au nord du Ghôr §dfiéh, où se trouvait l’ancien Ségor ou Zoara. Une forteresse du nom de Bordj Nemeirâ, bâtie à l’issue de la vallée, occupe peut-être le site de la ville ancienne. Voir Nemrim.
7. Ségor (hébreu : Sô’ar ; Septante : 2-rn-wp, Zo-fiip, ZtSfopa). Is., xv, 5 ; Jer., xlviii, 34. Cette ville s’appelait primitivement Bala (Bêla’). Gen., xiv, 2. Elle fut le premier endroit où Lot se réfugia en fuyant Sodome. Gen., xix, 22-30. Elle se trouvait à l’extrémité sud-est de la mer Morte. On l’a identifiée avec le village actuel A’es-$âfiéh, dans le Ghôr du même nom. Kitchener propose plutôt le Khirbet Labrusch, grande ruine s’étendant au pied de la montagne désignée du même nom, et située à 2 kilomètres au sud-est A’es-^âfîéh. Pal. Expl. Fund, Quarterly Statements, 1884, p. 216. M. Clermont-Ganneau préfère l’endroit où se trouvent les (auàhin es-Sukkar, nom dont la traduction pourrait être « les moulins de Ségor » aussi bien que « les moulins à sucre ». lbid., 1886, p. 20. Voir Ségor.
2° Villes de Moab septentrional. — Arrachées aux Moabites par Séhon, elles furent conquises sur ce prince par Moïse et données quelques-unes à Gad, la plupart à Ruben. Le plus grand nombre d’entre elles sont citées à ce titre. Num., xxxii, 3, 33-34 ; Jos., xiii, 8-10, 27. Isaïe, xv-xvi, et Jérémie, xlviii, nomment les mêmes villes avec quelques autres comme villes de Moab. Les noms d’un grand nombre d’entre elles sont reproduits dans une forme souvent identique dans l’inscription de Mésa. Les Évangiles et Josèphe mentionnent plusieurs autres localités du même territoire, pour des époques postérieures â l’organisation des tribus.
a) Villes moabites de Gad. — Elles sont au nombre de trois, situées dans la vallée du Jourdain ou les Arabothde Moab. Ce sont :
1. Abelsatim ou Settim et Sétim (’Abêl-haS-Sittîm, Num., xxxiii, 49 ; Sittim, Num., xxv, 1 ; Jos., ii, l ; iii, l). Son nom est remplacé dans l’ancienne version arabe par celui d’el-Kefrein, porté encore par une ruine située à 10 kilomètres du Jourdain. Josèphe la nomme Abéla. Ant. jud., IV, vii, 5. Voir t. i, col. 33. ^^Betharan ou Betharam (Bêt hâ-Rân, Num., xxxii, 36 ; Bêt hâ-Râm, Jos., xiii, 27). Rebâtie par Hérode, elle fut appelée par lui Liviade, Connue du nom de Beit er-Hâméh, chez les anciens Arabes, c’est aujourd’hui Tell er-Ràmèh, où sont seulement des ruines, à 2 kilomètres au sud d’el-Kefrein. Voir t. i, col. 1664.
3. Bethnemra ou Nemra (Bêt Nimrâh-, Num., xxxii, 36 ; Jos., xvii, 27 ; Nimrâh, Num., xxxii, 3). Son nom se retrouve au Tell Nimrîn, situé à 5 kilomètres environ au nord de Kefrein. Voir Gad (Tribu de), t. nr, col. 28, et au nom particulier de chacune de ces villes. Voir t. i, col. 1697.
b) Villes moabites de Ruben. — Elles sont au nombre de trente-deux ou trente-trois.
1. Aroër ÇAro’êr), Num., xxxii, 34 ; Jos., xiii, 9, 16 ; Jer., xlviii, 19, située sur le bord de la vallée d’Arnon, aujourd’hui’Ar’âer, à 3 kilomètres au sud-est de Dibon, t. i, col. -1023.
2. Asédoth du Phasga(’4sdô ? hap~Pisgàh), Jos., xiii, 20, qui paraît désigner plutôt un territoire avec des habitations, dans le voisinage du mont Nébo. Voir t. i, col. 1076.
3. Ataroth (’Atârôf), Num., xxxii, 3, 34, aujourd’hui Khirbet’Atdrits, au sud du Zerqâ-Ma’in. Voir t. î, col. 1203.
4. Baalméon ou Belmaon et Béetbmaon (Ba’al-Mé’àn, Num., xxxii, 38 ; I Par., v, 8 ; Bêt-Ba’al-Mé’ôn, los., xiii, 17 ; Bêl-Mé’ôn, Jer., xlvhi, 23, t. i, col. 1310), aujourd’hui Ma’în, à 14 kilomètres au sud-sud-ouest de Biesbân.
5. Bamoth ou Bamothbaal (Bdmôt, Num., xxi, 19, 20 ; Bdmôf-Ba’al, Jos., xiii, 17). Elle se trouvait en face de Nébo, probablement au sud. Voir t. i, col. 1423.
6. Béer-Élim ou « le puits d’Éllm » ou « des dieux » (Béer’Elim, puteus Elim, Is., xv, 8). C’est probablement le nom de la localité élevée près du puits creusé sur la frontière sud-est au nom de Moïse et des princes. Num., xxi, 16-18. Voir t. i, col. 1548.
7. Béon (Be’ôn). Num., xxxii, 3. Si ce nom n’est pas pour Maon, il faut chercher cette localité dans le voisinage du Nébo. Voir t. i, col. 1528, 1604.
8. Bethgamul (Bèt-Gdmûl, Jer., xlvhi, 23). Probablement Khirbef-Djemeil, à 12 kilomètres au nord-est de’Ara’ér. Voir t. i, col. 1685.
9. Bethjésimoth ou Bethsimoth (Bê(-Iia-Yesimôt), Num., xxsiii, 49 ; Jos., xiir, 20, maintenant Hûeiméh dans la vallée du Jourdain et prés de la mer Morte. Voir t. i, col. 1686.
10 Betbphogor (Bêf Pe’ôr), Jos., xiii, 20, était probablement située entre le Nébo et la vallée du Jourdain. Voir t. i, col. 1710.
11. Bosor ou Bosra (Bosrâh, Jer., xlviii ; 24, Bésér, Jos., xx, 8 ; I Ghron., vi, 63 [Vulgate, 78]) est identifié par plusieurs avec le Qasr BeSelr, château ruiné situé à 2 kilomètres au nord-ouest de Dibàn. À 2 kilomètres au nord-ouest de cette dernière localité, on trouve une ruine appelée Barzâ, dont le nom peut être une métathèse de Bosra. Voir t. i, col. 1856.
12. Cariathaïm (Qiriâ(âîm), Num., xxxii, 37 ; Jos.. xm, 19 ; Jér., xlviii, 23 ; Gen„ xiv, 5, probablemen ! identique avec le Khirbet Qereiyôt, à 3 kilomètres au sud-ouest de’Atârûs. Voir t. ii, col. 270.
13. Carioth (Qeriyôt}, Jer., xi/vm, 24, 41. On rencontre un Qereîyet fêléh, entre Youadi Ouâléh et le Môdjeb, dont le nom rappelle celui de Carioth. Voir Carioth 2, t. ii, col. 283.
14. Cédimoth ou Cadémoth (Qedèmô(, Jos., xiii, 18 ; xxi, 37 (hébreu) ; I Par., vi, 64 |79]). Elle paraît avoir été située sur la frontière du désert, à l’est de Médaba : entre Jasa et Méphaat. Voir t. ii, col. 12.
15. Deblathaïm (Bêt-Diblâ(âim). Jer., xlviii, 27. Le nom i’et-Teim attaché à une ruine située à 2 kilom. au sud de Médaba, est peut être un reste du nom de Deblathaïm. Voir t. ii, col. 1330.
16. Dibon, appelée encore Dibongad (Dibôn), Num., xxi, 30 ; xxxii, 3, 34 ; Jer., xlviii, 18 ; Jos., xiii, 17. Elle fut une résidence des rois de Moab. C’est aujourd’hui Dîbân, ruine située à 2 kilomètres au nord du Môdjeb et à 3 au nord-ouest d"Arâ’ér. Voir t. ii, col. 1409.
17.Éléaléh(E7e’dié’), Num., xxxii, 3, 33 ; Is., xv, 4 ; Jér., xlviii, 34, aujourd’hui El’âl. Elle est à 2 kilomètres et demi au nord-est de Biesbân. Voir t. ii, col. 1648.
18. Helmondéblathaïm (’Almôn-Diblâtayemâh pour Diblâlâîm). Num., xxxiii, 4647. Voir Helmosdéblathaïm, t. iii, col. 585 et Deblathaïm, t. ii, col. 1330.
19. Hélon (Bolôn), Jer., xlviii, 21, ville du Misor,
identique probablement avec el-Lehûn, ruine située à 3 kilomètres à l’est de’Arâ’er. Voir t. iii, col. 586.
20. Hésébon (Ifèsbôn). Num., xxt, 26-30, 35 ; xxxii, 3, 37 ; Deut., i, 4 ; Jos., xiii, 10 ; Is., xv, 4 ; xvi, 8, 9 ; Jer., xlviii, 2, 34 ; 45, etc. Aujourd’hui Besbân, à 10 kilomètres au nord de Médaba. Elle fut la ville la plus importante de Moab septentrional et la capitale du royaume amorrhéen de Séhon. Voir t. iii, col. 657.
21. Jasa ou Jassa (Yâhsdh). Num., xxi, 23 ; Jos., xiii, 18 ; Is., xv, 4 ; Jer., xlviii, 34. Elle semble avoir été à la frontière sud-est ; mais elle n’a pas été retrouvée. Voir t. iii, col. 1138.
22. Lésa (Lésa’). Gen., x, 19. Suivant le Targum de Jonathan, ’ce serait Callirhoé. Elle devait être dans le voisinage de $ârah. Voir col. 187.
23. Matthana (Matfânàh). Num., xxi, 18, 19. Comme la précédente elle était à l’est, sur la frontière du désert. Eusèbe l’indique à 12 milles de Médaba, à l’est. Ono~ mastic, p. 274. Or, à 18 kilomètres au sud-est, on trouve la ruine de Medeinéh, qui rappelle son nom. Voir col. 869.
24. Médaba ou Màdaba (Mêdbâ"). Num., xxi, 30 ; Jos., xm, 16 ; Is., xv, 2. La ville la plus importante et la plus célèbre après Hésébonet Dibon. Son nom n’a pas changé. Voir col. 902.
25. Mennith (Minnîf). Jud., xi, 33. La situation que lui donne Eusèbe, à 4 milles d’Esbus, sur la route de Philadephie (’Amman), en fait une ville de Moab. Le Khirbet Beddih, situé à 6 kilomètres au nord de Ifesbdn, correspond à cette indication. Voir col. 970.
26. Méphaat (Mêfà’at). Jos., xiii, 18 ; Jer., xlv ; : i, 21. Son nom se trouve dans celui de Néf a, ruine située à 12 kilomètres environ à l’est-nord-est de la précédente. Voir col. 978.
27. Nabo ou Nébo (Nêbô). Num., xxxii, 3, 38 ; Is., xv, 2 ; Jer., xlviii, 1. Elle était sans doute à la montagne du même nom.. Le Targum d’Onkélos semble la faire identique à Sîâghah. Num., xxxii. 3. Voir Nébo.
28. Nahaliel (Nahâlîêh), Num., xxi, 19, était située entre Matthanah et Bamoth. Voir Nahaliel.
29. Nophé (Nôfah). Num., xxi, 30. La carte Portion of Eastern Palestine, levée par Conder et Mantell, Londres, 1881, indique un Nâiféh à 3 kilomètres et demi à l’est-sud-est de Ma’în, mais l’indication est contestable. Voir Nophé.
30. Oronaim (Bôrimaîm). Is., xv, 5 ; Jer., xlviii, 3, 5. Elle n’a pas été retrouvée. Voir Oronaïm.
31. Qiriat Hussôt. Vulgate : « la ville à l’extrémité des confins du royaume, » où Balac vint avec Balaam. Num., xxii, 39. Son site est inconnu. T. iii, col. 272.
32. Sabama ou Sabam (Sibmdh). Jos., xiii, 19 ; Is., , xvi, 9 ; Jer., xlviii, 32. Est célèbre par ses vignobles. A 6 kilomètres au nord-ouest de Hesbân, on montre uneruine dont le nom Sânab pourrait être une corruption de Sabama. Voir Sabama.
33. Saratbasar ($ere{ has-Sahar). Jos., xiii, 19. Soft nom existe dans celui de Çârah. C’est la Callirhoé de Josèphe. Voir Sarathasar.
c) Diverses autres villes. — La ville de « Béthanie au delà du Jourdain », ouBethabara, où Jean-Baptiste résida, , Joa., i, 28 ; x, 40, doit être placée dans Moab septentrional et la plaine de la vallée du Jourdain. Cf. t. ij » col. 1647-1650, 1164-1165. Josèphe mentionne encore plusieurs villes qui ne sont pas nommées dans l’Écriture. Les noms de plusieurs d’entre elles ont été rendus méconnaissables, mais plusieurs autres sont certaines : telles sont Samega, Lemba et Machéronte. La première parait identique avec la ruine appelée es-Samik que l’on trouve à 5 kilomètres à l’est de llesbân. Lemba, peut-être pour Lebba, se reconnaît dans le nom de Libbporté par une ruine qui couvre le sommet d’une large colline située à 13 kilomètres au sud de Médaba, sur la roule de l’Arnon. Machéronte, aujourd’hui Mekaûr
(fig. 302, col. 1173), est une ruine située entre le Môdjeb et le Zerqâ-Ma’în, et distante, au sud-ouest, de Il kilomètres de’Atâr-ûs et de 25 de Médaba. Cette ville est célèbre par la mort du Précurseur et la résistance acharnée qu’elle opposa aux Romains.
Prophétisant les malheurs de Moab, Jérémie lui annonçait que la dévastation passerait par toutes ses villes et qu’aucune n’y échapperait, xlviii, 8. La prophétie s’est réalisée à la lettre, La seule ville qui pendant ces derniers siècles semble avoir conservé d’une manière à peu près constante une petite population, le Kérak, malgré la force de sa situation a été plusieurs fois prise et dévastée ; elle ressemblait d’ailleurs, à cause’du caractère sauvage de ses habitants seminomades, plutôt à un repaire de bandits qu’à une ville. Toutes les autres, nulle exceptée, ont été ruinées et sont demeurées des monceaux de décombres. Depuis trente ans seulement, Médaba a commencé à se relever, et quelques paysans, établis au milieu des ruines de Râméh et de Djelûd, ou, au sud du Môdjeb, à Môtéh, à el-Khanzîréh, à Qatrabbéh, à Mezra’et à Dera’, en ont formé de tout petits villages, pauvres et misérables. Ce sont à peu près toutes les localités habitées actuellement ; les autres restent la demeure des bêtes du désert et des reptiles.
VI. monuments et bêbRIS. — Dans plusieurs des principales villes anciennes de Moab, à Hésébon, à Médaba, à Rabbah, à Chihàn, au Kérak, il n’est pas rare de rencontrer des colonnes entières ou en tronçons, des chapiteaux d’ordres divers, des pierres avec moulures, des inscriptions, des pavés en mosaïque aux dessins les plus variés et les plus artistiques. Dans ce dernier genre, la mosaïque-carte de Médaba représentant la Terre Promise avec le pays de Moab et les alentours est le plus curieux. Ces débris ont appartenu les uns à des demeures particulières, les autres à des édifices publics, portiques ou colonnades, temples, basiliques et églises. La plupart sont l’œuvre des habitants de race gréco-romaine qui depuis l’invasion des Macédoniens se sont, à diverses époques, répandus dans le pays de Moab. Plusieurs d’entre ces restes, mais dont il n’est pas facile de discerner l’origine, sont dus sans doute soit aux Arabes Nabuthéens, Ghassanides, Sassanides ou autres, qui depuis l’affaiblissement de la race moabite ont envahi peu à peu tout le pays, soit aux Juifs de l’époque asmonéenne ou hérodienne, soit quelques-uns aux Moabites eux-mêmes de l’époque ancienne.
— - Les œuvres qu’il faut faire remonter à ceux-ci sont certainement cette multitude de citernes entièrement creusées dans le roc et dont toutes les villes de Moab étaient abondamment pourvues ; et probablement les piscines les plus antiques, comme celles d’Hésébon, de Dibân, de Kérak. L’inscription de la pierre de Dibân signale plusieurs travaux utilitaires de ce genre exécutés par les ordres du roi Mésa. Cette dernière ville avait aussi un palais royal et un Qarhah où fut dressée la stèle aujourd’hui au Louvre, dont l’inscription fait le récit de ces travaux. S’agit-il d’un temple et les villes de Moab en possédaient-elles ? C’est douteux. Le nom paraît plulôt désigner une terrasse, une plate-forme à -ciel ouvert, entourée vraisemblablement d’une muraille. Les édifices sacrés des peuples primitifs étaient le plus souvent des enceintes de pierres brutes ordinairement rangées en cercle, des stèles informes étaient leurs statues, et des blocs grossièrement taillés et disposés en table leur servaient d’autels. Ce sont des monuments de cette sorte qui sont indiqués au livre des Nombres, xxii, 41, et xxiii, où il est raconté comment Balac, sur la demande de Balaam, fit élever sept autels pour y immoler des victimes. On en retrouve d’innombrables à travers tout le pays de Moab, mais spécialement aux alentours du mont Nébo, précisément là où devaient se trouver Jes hauts lieux (bàmôt) de Baal et où le roi de Moab con duisit Balaam pour lui faire maudire Israël. Un grand nombre d’autres se voient encore sur les premières collines aux abords du Ghôr, à l’est de Râméh et de Kefrein, là même où les filles de Madian et de Moab invitaient les Israélites au culte impur de Béélphégor. Num., xxv. Sans doute Variel ou l’autel mentionné par l’inscription de Dibân, le Qarhah, et la stèle^elle-même étaient des ouvrages moins imparfaits, mais c’était là probablement des exceptions. Les œuvres d’art et d’architecture ne durent pas être nombreuses en Moab : sa population, même celle de ses villes, était essentiellement vouée aux travaux de la vie agricole et pastorale et ne formait pas un peuple d’artistes.
vu. châteaux bt camps fortifiés. — Un genre de constructions, non pas exclusif au pays de Moab, mais qui s’y rencontre plus nombreux et plus remarquable que partout ailleurs, est celui du Qa$r, appelé encore Qal’ah. Ces « châteaux » sont d’immenses casernes fortifiées, ou plutôt ce sont des villes militaires, occupant souvent plus d’espace qu’une ville antique, avec des rues, des places, des magasins, des édifices publics, et munies de remparts et de tours. On les rencontre fréquemment dans l’intérieur du pays, mais surtout sur la frontière du désert où ils formaient un système serré de défense, pour protéger le pays contre l’invasion des nomades. Ceux de Zîzâ, de Belqâ, de Balû’a, de Qatrannéh, de Qaralfù, d’et-Tamrà, A’el-Khâdem, et une multitude d’autres, sont connus. Plusieurs se font remarquer par la force et la beauté de leurs murailles. Celui de’Amra, assez avancé dans le désert, est orné de peintures à fresque ; celui de Mechitta se faisait admirer par sa façade, depuis peu transportée tout entière à Berlin, et recouverte de ciselures d’uue incomparable finesse. Cf. Aloïs Musil, Kûsejr’Amra und andere Schlôsser ôstlich von Moab, in-8°, Vienne, 1902. Le plus grand nombre de ces châteaux paraissent construits par les Arabes, à diverses époques. Quelquesuns, comme celui d’el-Ledjjûn, accusent manifestement le travail des Romains. Eusèbe et saint Jérôme font d’ailleurs mention de tppoûpia aipcmomY.i, præsidia militum romanorum, établis de toute part, sur les deux côtés de l’Arnon, et spécialement de ceux de Mephaat et de Ségor ou Zoara. Onomastic, p. 62, 63, 94, 95, 288, 289. La forteresse.de’Araq el-Émir, près de Sûr (Tyr), au nord de Besbân, fut fondée par Hyrcan, fils de Joseph. Ant. jud., XII, iv, 11. Le château de Machéronte, relevé par les Asmonéens, remontait, semble-t-il, à une époque bien plus reculée. Cf. Ant. jud., XIV, v, 2-4 ; XIV, vi, 6. Comme celui de Mephaath, il avait sans doute succédé à quelqu’une des anciennes villes fortifiées de Moab. Ces « villes fortifiées », ’ârê ham-mibsdr, opposées aux gidrôft’ôn, « parcs des troupeaux, » Num., xxxii, 16-17, ou villes ouvertes de la campagne, qu’étaient-elles d’ailleurs, sinon des camps retranchés ou des châteaux ?
vin. routes. — Toutes les villes et localités de Moab étaient reliées par des voies publiques de communication. Moïse, demandant au roi Séhon, maître alors de Moab septentrional, de pouvoir passer sur son territoire pour se rendre avec les Israélites à la terre de Chanaan, lui disait par ses ambassadeurs : « Je vous en prie, laissez-moi passer par votre pays. Nous ne passerons ni par vos champs ni par vos vignes… ; nous suivrons la route royale (dérék ham-wiélek), jusqu’à ce que nous soyons hors de votre territoire. » Num., XXI, 22. La route royale était, selon toute apparence, un espace de terrain réservé pour le passage, large de 4 à 5 mètres, bordé de pierres des deux côtés et considéré comme propriété personnelle du roi, pour que personne n’eût l’audace de couper les chemins et de les annexer à ses champs. Les chemins de cette nature que l’on voit dans le même pays sont désignés comme autrefois du titre de « routes du roi », %arlq ou derb es-Sulfân. Les princes obligeaient leurs prisonniers de guerre, par3163
MOAB
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fois peut-être leurs sujets, à aplanir et à régulariser Jes endroits escarpés ou difficiles. Le roi Mésa qui avait amélioré ainsi le passage de l’Arnon, dans l’ins~ cription de sa stèle, lig. 26, écrit avec fierté ces paroles : « C’est moi qui ai fait le chemin de l’Arnon. » Le pays de Moab est ainsi un des premiers qui eut ce qu’on appelle aujourd’hui des routes classées et une sorte d’administration des chemins. — Les Romains, aménagèrent ces voies à leur usage, en les pavant aux endroits les plus scabreux et en les marquant de pierres milliaires sur lesquelles ils en attribuèrentl’établissement à leurs empereurs. La principale voie ancienne de ce genre traverse le pays dans toute sa longueur, du nord au sud, et passe par el-’Al, Hesbân, Mâdabâ, Dîbân et Rabbah. Au Kérak elle bifurque et un embranchement se dirige vers Tafïléh par Qatrabbéh, ’Eraq, el-Khan~ zîréh et Derâdjéh ; au centre, le second prend la direction du sud-est par Môtéh, Dja’far, jpat-Rds et’Ainéh. Diverses ramifications se séparent de la voie principale et vont vers l’est ou vers l’ouest. Une d’elles, partant de Màdaba, descend près du Nébo, gagne Tell er-Râméh pour atteindre le Jourdain près du gué el-Ghoraniéh : c’est la route ordinaire de la Judée. Une seconde se sépare de la grande voie au sud du Môdjeb, descend par Youadi bêni-Hammad, suit le Ghôr el-Lisdn, puis, après avoir côtoyé la mer Morte, se rend au Ghôr es-Sdfîéh pour gagner, par Y’Ardbah, le golfe d"Aqâbah. Cf. Germer-Durand, La voie romaine de Pétra à Màdaba, dans la Revue biblique, t, vi, 1887, p, 574572 ; Id., Épigraphie palestinienne, ibid., 1896, p. 601617.
x. habitants. — 1° Habitants primitifs. — Fertile, salubre et varié dans son climat, le territoire de Moab pouvait entretenir une population nombreuse et dans les meilleures conditions de bien-être. Les ruines pressées dont il est recouvert témoignent assez qu’aux temps anciens la densité de sa population n’était pas inférieure à celle du pays d’Israël, Si l’on estime celle-ci à 8 millions d’âmes, la population totale de Moab, qui devait être au moins égale à la sixième partie d’Israël, peut être estimée à 1 million 300 000 âmes, ou 650 000 âmes pour chacune des deux grandes divisions du pays. — À l’origine la contrée qui devait être celle de Moab avait été occupée par un peuple de race pareille à celle des Raphaïm et des Énacim. Les Moabites les appelèrent les Émim. Deut., ii, 10-11 ; cf. Gen., xiv, 5. Voir Émim, t. ii, col. 1732 ; Énacim, ibid., col. 1766, et Rephaim. — Les Égyptiens semblent avoir rangé les pays ou s’établit Moab parmi les contrées habitées ou parcourues par les Schaousou ou Schôs. Ce nom qui a quelque apparence de similitude avec celui de Zùz, Zûzim, employé par les Ammonites pour désigner la race habitant les contrées à l’est du Jourdain et de la mer Morte, Gen., xiv, .5 ; Deut., ii, 10-11 ; aurait-il quelque autre relation avec celui-ci ? on ne saurait le dire. Ce qui est certain, c’est qu’il était donné aux nomades de ces régions, représentés par les Bédouins actuels. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, p. 54, note 3. S’il est difficile de déterminer à quelle souche appartenaient les Émim ou les Zuzim, les Schaousou ont tous les caractères des Sémites.
2° Moabites. — Les Schaousou avaient peut-être pris pied déjà dans le pays à côté des Emim quand naquit Moab. La famille du fils de Lot se développa au milieu d’eux et finit par les supplanter, probablement en les dispersant par la guerre, peut-être en s’assimilant quelques-uns de leurs débris. La couleur arabe de la langue moabite, constatée dans l’inscription de la stèle de Mésa, semblerait justifier cette dernière hypothèse. Toutefois, la nature essentiellement hébraïque de cette langue confirme le récit de.la Bible sur l’origine commune de la race du pays de Moab et de la race Israélite : Voir Moabites>.
3° Amorrhéens. — Au retour tfe h famille deJacob de l’Egypte, les descendants de Mûab, après avoir occupé tout le pays auquel ils donnèrent teur nom, avaient été refoulés au delà de l’Arnon par un rameau de la souche des Amorrhéens qui avait pris possession de toute la région au nord de cette rivière. Voir Amorrhéens, t. i, col. 504. Plusieurs interprètes croient avoir reconnu un reste de cette i-ace dans la famille de Jambri, appelée « fils d’Amori » dans les Septante, I Mach., ix, 37, et qui étaient établis à Médaba à l’époque des Machabées. Voir Jambri, t. iii, col. 1115. Ce nom n’indiquerait-il pas plutôt déjà la présence à cet endroit de l’élément arabe ? Le nom de’Amr r’Amrii, ou Omar, est très fréquent dans les familles de cette race.
4° Madianites. — Aux côtés du roi Balac réclamant l’intervention de Balaam, on voit des Madianites avec leurs princes. Num., xxii, 4, 7. Peu après, on lestrouve, simultanément avec les Moabites et avec leurs, femmes et leurs filles dans le territoire qui sera concédé par Moïse aux Rubénites et aux Gadites, aux alentours du mont Nébo et sur la lisière de la vallée du Jourdain. Num., xxv. Pour les châtier de leurs procédés, de corruption à l’égard d’Israël, Moïse leva contre eux un corps d’armée et les poursuivit jusqu’à extermination. Les Israélites ne paraissent pas s’être éloignés beaucoup de leur camp. Num., Xxxi, 1-18. Le territoire occupé par les princes de Madian semble avoir été dans le royaume même de Séhon. ! $tir, le nom de l’un d’eux est aussi celui d’une localité située à quelques kilomètres seulement au nord-ouest de R~esbân, et celui de Reqém (Vulgate : Récem), compagnon du précédent, se retrouvait encore au xe siècle dans le nom d’er-iiaqeim, village indiqué par le géographe arabe et Muqadassi (édit. Goeje, p. 115), à un parasange (environ 7 kilomètres ) de’Amman, sur la frontière du désert. Cf. Jos. T xm, 21. On trouve encore des Madianites battus dans la terre de Moab par le roi d’Edom, Adad, qui régna avant que les Israélites n’eussent des rois. Gen., xxxvi, 35 ; I Par., i, 46. Une ruine du nom de Madian, située au au sud de l’Arnon et non loin d’Aréopolis, attestait encore au ive siècle, au témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, l’antique séjour de cette race en cet endroit. Onomasticon, au mot Madian, p. 274, 275. Voir Madianites, col. 534.
5° Israélites. — Moïse s’étant emparé sur les Amorrhéens de toute la région au nord de l’Arnon qui avait été à Moab, en concéda tout le haut plateau et toute la région accidentée, avec Bethjésimoth, à la tribu de Ruben, et à la tribu de Gad les Araboth de Moab. Ces deux tribus achevèrent d’occuper ce territoire après la conquête de la terre de Chanaan. Num., xxi, 25-31 ; xxxii, 33-38 ; Jos., xiii, 8-15, 21-29. Les Gadites paraissent avoir occupé encore la ville de Dibon, appelée de leur nom Dibon-Gad, et le territoire des alentours, compris entre Youadi Ouâléh actuel et le Môdjeb ou l’Arnon. Cf. Num., xxxii, 34 ; xxxiii, 45, et l’inscription de la stèle de Diban. — Les Israélites occupèrent la région du nord jusqu’après la mort d’Achab. Le roi Mésa, en y ramenant son peuple, ne les extermina pas entièrement et on les retrouve nombreux sous le règne de Jéroboam II. À cette époque, le nombre total des guerriers israélites d’élite de la Transjordane, exercés au combat et munis de toutes les armes nécessaires, était de 44 760, I Par., v, 18, ce qui indique un chiffre d’environ 15 000 pour la partie du pays de Moab occupée par eux. Cette portion formait alors à peu près le tiers du territoire oriental d’Israël. Cf. I Par., v, 8 ; IV Reg., x, 33, xiv, 25, et la stèle de Mésa. Le pays septentrional de Moab, dépeuplé par la déportation des Israélites au temps de Téglathphalasar, roi d’Assyrie, I Par., v, 26, fut réoccupé par les Moabites. Gf. Is., xv-xvi, et Jer., xlviii.
6° Arabes. — Tandis que les Moabites étaient affaiblis par les Assyriens, les Chaldéens, les Grecs et les Ro
mains, leur territoire, serré de toutes parts par les tribus arabes, était complètement envahi par cet élément, dans lequel eux-mêmes devaient finir par disparaître. Hyrcan, fils de Joseph et neveu du grand-prêtre Onias. quand il vint s’établir à Tyr ($ûr) sur la frontière de Moab, trouvait déjà toute la région d’Hésébon, c’est-à-dire toute la partie septentrionale de Moab, occupée par les Arabes. Jos., Ant.jud., XIV, iv, 9. — Le nom d’Arabie, donné communément depuis cette époque à tout le pays de Moab, indique la prédominance de l’élément arabe. Le plus illustre des groupes arabes qui l’habitèrent fut celui des Nabuthéens. Jean Machabée venait leur demander du secours quand il fut assassiné par les fils de Jambri, près de Madaba. I Mach., ix, 31-37. Voir NabUThéens. Une inscription tumulaire découverte en cette dernière ville et écrite dans la langue et avec les caractères propres à cette nation, montre les Nabuthéens, au r er siècle de l’ère chrétienne, établis dans tout le pays de Moab. Voir Méoaba, col. 902.
7° Juifs. — Les succès de Jean Hyrcan et plus tard ceux d’Alexandre Jannée permirent aux Juifs d’établir des colonies dans un grand nombre de localités de la région au nord de l’Arnon. Jos., Ant. jud., XIII, ix, 1 ; Bell, jud., i, ii, 6. Elles y persistèrent jusqu’à la fin de la guerre de Judée, et c’est là que nous verrons les Romains poursuivre les Juifs des derniers coups de leur fureur (70 ap. J.-C.).
8° Colonies diverses. — Les colonies gréco-romaines qui se fondèrent depuis la ruine de Jérusalem, tant au sud qu’au nord de l’Arnon, dans les principales villes, furent supplantées au vne siècle par des colonies arabes musulmanes, venues du Yémen. Les quelques familles franques qui s’y portèrent au xiie siècle, ne firent qu’y apparaître. Voir Kir Moab, t. iii, col. 1906. Depuis, si l’on excepte quelques familles de marchands syriens, celles des employés des gouvernements égyptien et turc qui se sont supplantés sur ce sol, la population a été composée exclusivement d’Arabes bédouins, vivant sous la tente, groupés en tribus et en familles. La plupart ont la prétention, difficile à justifier, de descendre des anciens habitants. — Le nombre total de la population actuelle, en permanence dans l’ancien pays de Moab, peut s’élever à près de 10 000 âmes.
III. Histoire. — I re période : depuis l’origine jusqu’aux INVASIONS ASSYRIENNES. — I. LES ORIGINES. — La contrée qui allait devenir le pays de Moab apparaît au principe, avec tous les pays des alentours, assujettie à la domination ou à la suzeraineté de Chodorlahomor, roi d’Élam et des princes de l’Asie centrale. « Pendant douze années, raconte l’auteur de la Genèse [les rois de Sodome, de Gomorrhe, d’Adama, de Seboïm et de Bala qui est Ségor] demeurèrent soumis à Chodorlahomor et la treizième année, ils se révoltèrent. La quatorzième année, Chodorlahomor vint avec les rois qui étaient avec lui [Amraphel, roi de Sennaar, Arioch, roi d’Ellasar, et Thadal, roi de GoïmJ. Ils battirent les Raphaïm à Astaroth-Carnaïm avec les Zuzim, et les Émim à Savé-Cariathaïm, » c’est-à-dire dans les plaines du pays de Moab que ces derniers occupaient. Gen., xiv, 1-5. Les Émim partagèrent le sort de leurs voisins, parce qu’ils avaient participé à leur rébellion. Les rois de la Pentapole furent battus à leur tour, leurs villes pillées et leurs habitants traînés, en captivité, Parmi les captifs se trouvait Lot, père de Moab. Gen., xiv, 12. Délivré par Abraham, Lot revint à Sodome, d’où les anges le tirèrent pour le faire échapper à la catastrophe qui allait surprendre cette ville coupable. Lot, avec ses deux filles, gagna Ségor, qui faisait partie du pays de Moab ; il alla habiter ensuite les montagnes voisines. C’est là que naquit Moab, qui devait donner son nom au pays et être la souche de sa population. Gen., xix, 29-37. — Tandis que la famille de Jacob grandissait en Egypte, les fils de Moab se multipliaient
également dans le pays de naissance de leur père et devenaient assez nombreux et assez forts pour en faire disparaître les Émim et l’occuper complètement à leur place. Deut., ii, 9-10, 19-30.
II. CONQUÊTE DE MOAB SEPTENTRIONAL PAR LES
amorrhéens, puis PAit ies_ Israélites. — Cependant vers l’époque de la sortie d’Egypte (1493) étendant que les Israélites parcouraient les déserts de la péninsule sinaïtique, l’Amorrhéen Séhon, à la tête d’une armée, réussit à s’emparer de toute la région habitée par les fils de Moab au nord de l’Arnon et à les refouler au delà de cette rivière. Il fit d’Hésébon la capitale de soif royaume. Num., xxi, 26-30. Voir Hésèbon, t. iii, col. 657663. Les quarante années que les Israélites devaient, passer au désert étant près de finir, Moïse, dont le dessein était de pénétrer dans la Terre Promise par l’est, envoya de Cadès au roi de Moab des ambassadeurs chargés de lui demander l’autorisation de passer sur son territoire. Le passage par là était plus court et il était plus facile de s’y procurer de l’eau dans les rivières des vallées qui parcourent le pays. Le roi de Moab, qui probablement était déjà Balac, refusa. Le Seigneur dit alors à Moïse : « N’attaque pas Moab et n’engage pas le combat avec lui : je ne te donnerai rien de sa terre en possession, car j’ai donné Ar en héritage aux fils de Lot. » Deut., ii, 9 ; Jud., xi, 18. Les Israélites ne voulurent pas forcer le passage, contournèrent le pays et se dirigèrent, par le désert de l’est, vers la frontière du royaume de Séhon. Arrivés au sud-est, vers l’origine des vallées de l’Arnon, Moïse fit faire au roi d’Hésébon la même demande qu’il avait faite à son voisin, le roi de Moab. Non seulement l’Amorrhéen refusa d’accéder à la proposition, mais il se porta aussitôt à la frontière, non dans le dessein d’en empêcher le passage, mais pour prendre l’offensive, repousser les Hébreux et les disperser. La bataille eut lieu à Jasa. Séhon fut vaincu et tué et les Amorrhéens furent complètement exterminés ; toutes les villes et le territoire au nord de l’Arnon passèrent aux mains des Israélites (1453). Num., xxi, 21-31 ; Deut., ii, 26-36.
m. le roi balac. — Le pays de Moab, à l’arrivée d. s Israélites, était gouverné par des rois. Le premier nommé est Séphor. Num., xii, 2, 10. Son fils Balac régnait quand Moïse s’empara sur les Amorrhéens du pays au nord de l’Arnon. Épouvanté par les succès des Israélites, le roi de Moab appela près de lui les chefs madianites qui se trouvaient dans la région : « Cette masse, leur disait-il, va tout dévorer autour de nous, comme le bœuf dévore l’herbe des champs. » Num., xxii, 4. Il semble avoir profité de leur présence et de ce que les Israélites étaient absorbés à la poursuite du roi Oget à la conquête de Basan pour franchir l’Arnon et occuper la partie de la montagne située entre cette rivière et le mont Nébo. Il s’y trouvait avec les princes de Madian quand les Israélites établirent leur camp dans la vallée du Jourdain, à l’est, en face dé Jéricho. Comprenant qu’il ne pouvait attaquer une armée qui venait de défaire deux rois puissants, ni défendre contre elle son territoire dans le cas où elle en voudrait tenter la conquête, ce qu’il redoutait avec son peuple, il se décida, sur le conseil, semble-t-il, des Madianites à recourir ^ux sortilèges et aux moyens extra-naturels. Il appela Balaam, dont le nom était célèbre au loin, pour maudire Israël. On sait comment le Seigneur obligea au contraire le devin à bénir son peuple. Num., xxii-xxiv. Cf. Balaam, t. i, col. 1396-1398. Balac voulait à tout prix trouver le moyen d’affaiblir Israël, pour l’empêcher de lui nuire. Balaam lui conseilla d’user de la corruption et de la perversion. Les Madianites prêtèrent leur infâme concours aux Moabites. La sévérité de Moïse, le zèle de Phinées et l’intervention divine triomphèrent de la tentative. Num., xxv ; xxxi, 1-18 ; Deut., iv, 3 ; Jos., xxii, 17. Balac d’ailleurs n’avait pas attendu le résultat du cota
plot pour repasser l’Arnon et laisser aux Israélites la tranquille possession de la région septentrionale. Voir Balac, t. i, col. 1399. Cependant, en châtiment de la conduite de Balac et de son peuple qui avaient appelé Balaam pour maudire Israël et lui nuire et aussi de leur dureté quand ils refusèrent de fournir des vivres et de l’eau aux Israélites et de les laisser passer sur leur territoire, Moïse défendit au peuple de Dieu d’accueillir jamais comme un dé ses membres aucun Moabite. Deut., xxm, 3 ; cf. II Esd., xiii, 1-2.
iv. le roi ÉGLOif. — Ce prince, après la mort d’Othoniel (1361), neveu de Caleb, qui avait fait respecter Israël de ses voisins, forma le dessein de l’assujettir à Moab. Ne se sentant pas assez fort pour réaliser son projet, il demanda l’aide des Ammonites et des Ama-Iécites. Les Israélites, tombés alors dans l’idolâtrie, étaient sans énergie, divisés "et abandonnés de Dieu. Après avoir soumis d’abord, comme il était nécessaire, les tribus de Ruben et de Gad, Églon passa le Jourdain et avec le concours de ses alliés, se rendit maître de Jéricho, « la ville des Palmiers. » Il avait là un palais où il résidait et venait recevoir le tribut imposé aux vaincus. Pendant dix-huit ans les Moabites maintinrent les Israélites sous le joug. Aod, de la tribu de Benjamin, à laquelle appartenait le territoire de Jéricho, résolut de délivrer son pays de la servitude étrangère. Délégué par ses compatriotes pour porter le tribut à Eglon, il lui enfonça dans le flanc le poignard qu’il avait préparé à cette fin. Sonnant alors de la trompette, il rallia autour de lui les Israélites qui accoururent des montagnes d’Éphraïm, et il alla avec eux occuper tous les gués du Jourdain par où les Moabites devaient passer pour retourner à leur pays. Ils ne se présentèrent que pour tomber sous les coups d’Aod et de ses compagnons. Près de dix mille périrent ainsi et la puissance de Moab dut se renfermer de nouveau derrière la frontière de l’Arnon (1343). Jud., iii, 11-30.
V. RELATIONS ENTRE MOAB ET ISRAËL AVANT SAVL ET
sovs les premiers rois. — Après ces événements, Moab entretint avec Israël, et pendant une période assez longue, des relations moins hostiles. Il n’apparaît pas avec les Madianites et les Amalécites dans leurs incursions sur la terre d’Israël, au temps de Gédéon, et il ne se joint pas aux Ammonites dans leurs revendications au temps de Jephté. Cf. Jud., v-vm, xi. Plus d’une fois, au contraire, pendant cette période, on voit des groupes d’Israélites ou des familles entières émigrer dans la terre de Moab et y chercher un refuge et des secours contre les malheurs du temps et les persécutions des hommes. Cf. I Par., iv, 22 ; viii, 8 ; Is.. xvi, 4 ; Jer., XL, 11-12. La plus célèbre émigration de ce genre est celle d’Élimélech de Bethléhem avec son épouse Noémi et ses deux fils à qui leur mère fit épouser deux femmes Moabites dont l’une fut Ruth, ensuite épouse de Booz, ancêtre du roi David et du Messie. Voir Ruth. — Sous le règne de Saûl (1095-1055), Moab est désigné le premier parmi les peuples voisins d’Israël adversaires du nouveau roi. Saûl triompha d’eux et de tous les autres. I Reg., xiv, 47. Cette inimitié des Moabites pour le roi d’Israël fut peut-être une des causes qui disposèrent leur roi à bien accueillir David, le compétiteur de Saûl, quand il lui amena ses parents pour lesquels sans doute il redoutait la vengeance de Saûl, son antagoniste. I Reg., xxii, 34. —Devenu roi de tout Israël, David n’en eut pas moins à combattre à son tour les Moabites. Quelle fut la cause de la rupture entre eux ? on l’ignore. David toutefois devaitavoirà leurreprocherquelque méfaitodieux, car il les traita avec une grande rigueur. Il fit coucher par terre les prisonniers de guerre, les partagea en deux parties, dont l’une devait être mise à mort et l’autre épargnée. Le pays de Moab fut assujetti au tribut et son peuple considéré comme esclave. II Reg., viii, 2 ; I Par., xviii, % C’est probablement dans cette expédition que Cabséel
tua les deusvrielde Moab. II Reg., xxm ; 20 ; IPar., xi, 22. Tout l’or, l’argent et le bronze de Moab recueilli par David en cette guerre, fut consacré au Seigneur et destiné pour le Temple futur. II Reg., viii, 12 ; I Par., xviii, 11. — Salomon prit des femmes du pays de Moab, et laissa introduire à Jérusalem le culte de leur dieu Chamos. III Reg., xi, 1, 7, 33. — La scission du royaume d’Israël en deux obédiences et les luttes de rivalités entre elles, puis les troubles intérieurs du royaume du Nord à cause des compétitions au trône et des révolutions incessantes, permirent à Moab de se relever et de secouer le joug que lui avait imposé David. Les récits de l’inscription de Mésa supposent qu’avant l’avènement au trône de la maison d’Amri, la région au nord de l’Arnon avait été, en grande partie du moins, réunie au royaume de Moab. Sous le règne de Josaphat, le roi de Moab n’avait pas craint de venir avec les Ammonites et les Iduméens porter la guerre au centre même du royaume de Juda. Mais la discorde avait éclaté entre ces alliés ; ils s’étaient massacrés entre eux et leur projet n’avait pas eu de suite. II Par., xx, 1-29.
vi. le roi mésa. — Contemporain d’Achab, roi d’Israël, de Josaphat, roi de Juda, et de leurs successeurs, Mésa chercha à délivrer son pays et à lui rendre ses anciennes frontières. Il réussit en partie. Profitant de la mort d’Achab (897), le roi de Moab refusa de payer le tribut imposé par les rois d’Israël. Joram ayant succédé à son frère Ochoiias, demanda l’assistance du roi Josaphat, et le roi ou prince d’Idumée, vassal du roi de Juda, se joignit à eux pour contraindre Mésa. Les trois alliés prirent le chemin des déserts, contournèrent la mer Morte pour attaquer Moab par le sud. Le prophète Elisée, qui accompagnait l’armée, la sauva d’un désastre en obtenant du ciel de l’eau pour l’abreuver. Les Moabites, accourus sur la frontière pour la protéger contre l’invasion, voyant l’eau rougie par les rayons de l’aurore, la prirent pour du sang et se jetèrent sur le camp pour le piller, croyant que leurs adversaires s’étaient entre-égorgés. Ceux-ci les accueillirent de pied ferme, les mirent en déroute et les poursuivirent au cœur du pays. Toutes les villes de Moab furent prises et saccagées, les champs et les jardins bouleversés et couverts de pierres, les arbres fruitiers abattus et les fontaines obstruées. Il ne restait à Mésa que sa capitale, Kir Moab, dans laquelle il s’était réfugié. Assiégée à son tour, la ville allait succomber, la brèche était ouverte, et le roi avait vainement tenté de s’échapper avec ses meilleurs guerriers. Désespéré, Mésa saisit son fils aîné qui devait régner après lui et l’immola en holocauste sur la muraille de la ville : « Une immense indignation saisit Israël qui se retira de lui et retourna en son pays » (895). IV Reg., m. Mésa attribua à la protection de Chamos, dieu des Moabites, cette délivrance subite à laquelle il paraît faire allusion dans l’inscription de la stèle commémorative élevée par lui àDibon. La mort de Josaphat, survenue peu de temps après l’expédition de Moab et la guerre que Jdram dut soutenir contre les Syriens en Galaad, permirent à Mésa de se venger de ses échecs. Il raconte lui-même, dans le document dont nous venons de parler, comment il le fit en franchissant l’Arnon, en s’emparant de Médaba et des principales villes de la région, et en remettant tout le territoire, depuis le Nébo et Médaba sous l’hégémonie de Moab. Il fixa en outre sa résidence à Dibon, après l’avoir embellie et rendue plus forte. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iii, p. 464-474 ; Mésa., col. 1014. Les successeurs de Mésa, avant de devenir les possesseurs définitifs de la région septentrionale, durent cependant se retirer plus d’une fois encore au delà de l’Arnon. Sous le règne de Jéhu, Hazaël, roi de Syrie, combattant les Israélites sur leur territoire, poursuivit son incursion jusqu’à Aroër, sur le bord de l’Arnon, IV Reg., x, 33 ; et Jéroboam II (824-872), rétablissant Israël dans toutes
ses anciennes limites, IV Reg., xiv, 25, dut lui rendre tout le territoire possédé auparavant par Ruben et par Gad. C’est au temps de Phacée, roi d’Israël, et vers la fin du règne d’Ozias qu’eut lieu la déportation en Assyrie des tribus orientales d’Israël, par Téglathphalasar (809). Moab rentra alors en possession complète de son territoire primitif.
IIe PÉRIODE : DEPUIS, LES INVASIONS ASSYRIENNES JUS-QU’A LA DOMINATION EOMAINE. — I. MENACES SES PRO-PHÈTES d’iskæl contre moab. — Les prophètes Isaïe, xv-xvi, et Jérémie, xlviii, dépeignant la situation de Moab, alors qu’il se trouvait en possession de tout son territoire, le premier au temps des rois de Juda, Ozias, Joatham etÉzéchias (810-897), le second au temps de Josias et Joachim (642-611), le montrent l’un et l’autre au comble de la prospérité. Le pays de Moab est un carmel, un « jardin divin » où régnent l’abondance, la joie et le bonheur. Les moissons couvrent son sol, les chants des vendangeurs retentissent de toute part et le vin coule à torrent des pressoirs. Is., xvi, 10 ; Jer., xlviii, 33. La force et la splendeur de Moab vont cependant disparaître, et le Seigneur va le frapper en punition de ses crimes. — Le prophète Jérémie, xlviii, énumère contre lui plusieurs griefs. Moab a mis sa confiance dans ses œuvres et ses trésors, ꝟ. 7 ; dès sa jeunesse il a vécu dans la corruption, ꝟ. Il ; son orgueil et sa présomption sont indomptables et sans limite, ꝟ. 14, 29-30. Cf. Is., xvi, 6. Moab s’est plongé dans les ignominies de l’idolâtrie, et il a fait de Chamos son dieu, dans lequel il a mis son espoir, Jer., xlviii, 13, 46. Cf. Jud., xi, 24 ; IV Reg., xxiii, 13 ; Chamos, t. H, col. 528-529. Moab s’est élevé et s’est glorifié contre Dieu, et l’a méprisé dans son peuple d’Israël dont il s’est moqué, et qu’il a insulté, 26-27. Isaïe, xvi, 4, insiste sur les torts de Moab à l’égard d’Israël ; faisant sans doute allusion à la campagne de Sennachérib contre Juda, il reproche à Moab de n’avoir pas accueilli les fugitifs d’Israël réduits aux abois ; il paraît même l’accuser de les avoir livrés à leur persécuteur. Dans la campagne d’Holopherne contre Béthulie, les Moabites conseillèrent, en effet, au général assyrien de faire garder les fontaines pour empêcher les habitants assiégés d’y puiser de l’eau et pour les obliger à se rendre. Judith, vii, 8-9. Ézéchiel, xxv, 8, ne formule d’autre motif de la colère divine contre Moab que ces paroles de joie maligne : « Voici que la maison de Juda est devenue pareille aux autres nations ! » — Sophonie, H, 8, 10, met le reproche dans la bouche même
du Seigneur : « J’ai entendu les sarcasmes de Moab et les blasphèmes des fils d’Ammon, comment ils ont insulté mon peuple et se sont exaltés sur leurs frontières. » — Selon l’expression du Psalmiste, lxxxii (lxxxiii), 3-7, Moab est entré dans le complot général des nations ennemies de Dieu ; il s’est ligué avec elles contre le peuplé saint ; avec elles il a jeté le cri de haine : se Venez, faisons-le disparaître du nombre des peuples et que le nom d’Israël soit éteint à jamais ! » Cf. Exod., xv, 15 ; IV Reg., xxiv, 2. Le prophète Amos, ii, 1, ayant probablement en vue
ces trois catégories d’infamies et de crimes : sa cor Tuption morale, son idolâtrie et sa haine du peuple de Dieu, conclut : « À cause des trois infamies de Moab,
et à cause d’une quatrième, je ne lui pardonnerai pas, parce qu’il a réduit en cendre les ossements du roL
d’Édom. » À la jalousie et à la haine contre Israël, Moab avait joint l’inhumanité à l’égard de ses voisins et des
autres peuples. — C’est à cause de ces crimes et de ces méfaits que Moab sera châtié. Il sera broyé comme la
paille sous le triturateur. Is., xxv, 10. Il mourra dans la confusion et le tumulte de la guerre. Amos, ii, 2. Moab sera traité comme Sodome et deviendra un désert poar toujours. Soph., ii, 9. Le pillage et la dévastation passeront par toutes les villes de Moab. Jer., Xlviii ; Is., xvxvi ; Ezech., xxv, 9. Sa capitale sera ruinée. Is., xv, 7 ; xvi,
"7, 11 ; Jer., xlviii, 31-36. Le feu dévorera les demeures
et les palais. Amos, ii, 2 ; Jer., xlviii, 15, 45. Les fils et les filles de Moab, ses vaillants et ses princes, ses magistrats et ses prêtres, seront exterminés par le glaive ou emmenés en captivité et dispersés. Amos, ii, 3 ; Jer., xlviii, 7, 15, 42, 46. Moab cessera d’être un peuple. Jer., xlviii, 42 ; cf. Is., xvi, 14. Ses vallées et ses plaines seront ravagées et désolées. Is., xv, 6 ; Jer., xlviii, 8, 32 ; 34. Ses eaux, mêlées de sang, ne pourront servir à la boisson. Is., xv, 6, 9 ; Jer., xlviii, 18, 34. Cependant, à la fin des temps, le Seigneur ramènera les captifs de Moab. Jer., xlviii, 47. Moab, avec Édom et une partie d’Ammon seront les seuls pays qui échapperont à la tyrannie du roi impie. Dan., xi, 41. C’est sur son territoire, semble-t-il, que seront anéanties les armées de Gog et de Magog. Ezech., xxxix, 11.
n. moab Et les assyriens et les chaldébns. — Le plus terrible instrument des vengeances divines contre Moab devait être le même dont le Seigneur voulait se servir contre les nations voisines de Moab, le bâton de sa colère, l’Assyrien dont la passion était de ruiner et de broyer les peuples, Is., x, 5-7, et le Chaldéen devait continuer son œuvre. Les premiers malheurs sont indiqués au livre de Judith, dont les documents assyriens complètent les renseignements. À la proposition du roi d’Assyrie aux nations de l’Asie occidentale de le reconnaître pour leur suzerain et de lui offrir des présents, toutes avaient refusé. Rempli de fureur, le potentat chargea son général Holoferne de le venger : « Tu n’épargneras aucun royaume et tu me subjugueras toutes les cités fortifiées, » avait dit le prince en remettant le commandement de ses troupes à ce général. Judith, ii, 7 (grec). La destruction des villes, le pillage des richesses, l’incendie des moissons, les arbres coupés, les vignes arrachées, les guerriers et tous ceux qui pouvaient faire de le résistance massacrés ; les populations emmenées en captivité, les territoires occupés, les jeunes gens incorporés dans les armées, tels furent les traitements que le vainqueur fit subir aux pays domptés. Judith, ii, m. Le pays de Moab est particulièrement désigné parmi ceux qui repoussèrent les propositions des ambassadeurs ninivites, Judith, l, 12 (grec), et il est inscrit dans les documents cunéiformes avec ceux qui subirent ces traitements. — Depuis longtemps déjà, le pays de Moab était contraint de payer le tribut aux souverains de Ninive. Salamanou, roi de Moab, est mentionné parmi les rois tributaires de Théglathphalasar III (732 ou 731 av. J.-C). Smith, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, p. 67. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iii, p. 526. Les inscriptions du règne de Sargon parlent de Moab au même titre (710). Vigouroux, ibid., p. 590. En 701, le roi de Moab Kamosnadab vient à la rencontre de Sennachérib qui s’avance vers la Judée pour soumettre Ezéchias, lui offre le tribut et lui baise le pied. Prisme de Taylor, col. 2, lig. 53 ; cf. Vigouroux, ibid., t. iv, p. 25. Le roi Moussouri est nommé après Manassé de Juda et le roi d’Édom, parmi les rois qui viennent (673) apporter le tribut à Asarhaddon. Prisme brisé d’Asarhaddon, col. 4, lig. 15 ; Vigouroux, ibid., p. 71.’Le nom de ce même prince se trouve encore parmi les noms des vingt-deux tributaires de l’Assyrie, au temps , d’Assurbanipal (668). Cylindre C, lig. 5 ; Vigouroux, ibid., p. 87. — Quelques années plus tard, à la sollicitation de Samassamoukin, le frère révolté d’Assurbanipal (667-625), tous les princes de l’Asie antérieure se soulevèrent contre le roi de Ninive en lui refusant le tribut. C’est le même fait, croit-on, dont parle le livre de Judith. Cf. Vigouroux, ibid., 1. III, c. v, p. 90-92. Dans tous les cas, les châtiments infligés aux peuples rebelles sont identiques, et après avoir mentionné les Arabes bédouins et plusieurs peuples dont les noms se retrouvent au livre de Judith, Assurbanipal ajoute comment il entra sur les territoires de Bet-Ammon, du Hauran H71
MOAB
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et de Moab. Annales d’Asswbanipal, Cylindre a, col. 6, lig. 121 ; cf. Vigourous, ibid., p. 120. — Moab s’était remis de ses désastres et la prospérité à laquelle Jéré’mie fait allusion leur est postérieure. À quelle époque et comment arrivèrent les nouveaux malheurs dont ce prophète, Sophonie et Ézéchiel menacent Moab ? la Bible ne le dit pas. Moab toutefois, on le voit par l’histoire, après la ruinedeNiniveet au temps de Nabuchodonosor (582) passa, avec ses voisins, sous le joug de Babylone. Cf. Josèphe, Aht, jud., X, ix, 7. Sa décadence paraît dater de cette époque. Au retour des Juifs de la captivité, la race amoindrie de Moab achevait de se confondre avec les tribus arabes par lesquelles son sol était envahi : elle cessait d’être un peuple.
111. ENVAHISSEMENT DE MOAB PAR LES ARABES. —
l°Sous les Perses et les Grecs. — Moab passa sous le joug des Perses, avec Babylone et le reste de l’Asie occidentale. Les Juifs revenus à Jérusalem retrouvèrent parmi leurs voisins de la Transjordane méridionale des Moabites, avec les filles desquels plusieurs d’entre eux contractèrent des alliances. I Esd., ix, 1 ; Il Esd., xiii, 1-4, 23. Il semble que ce soit dans la même région qu’il faille chercher la résidence de Gosem l’Arabe dont les Juifs de Jérusalem eurent plus d’une fois à se plaindre. II Esd., 11, 19 ; vi, 1, 2, 6 ; cf. IV, 7. — L’invasion d’Alexandre (332) et des Grecs macédoniens avait placé Moab sous l’hégémonie de ces conquérants. Hyrcan, fils de Joseph, avait profité du départ pour la Perse du roi Antiochus III, pour exercer pendant sept années (182-175) une sorte de souveraineté sur le district septentrional de Moab. L’avènement d’Antiochus Épiphane, auquel les Arabes pouvaient se plaindre, mit liii, par la mort volontaire d’Hyrcan, à cette tentative d’ingérence des Juifs dans le pays. Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 11. Voir Galaad, t. iii, col. 56-57. Dès ce moment, le pays de Moab était considéré déjà comme une simple province de l’Arabie. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, I, 4 ; v, 2 ; Bell, jud., i, iv, 3 ; XIII, xiii, 3.
2° Au temps des Juifs. — Les Asmonéens cherchèrent à remettre les Juifs en possession de la partie de territoire de Moab dont Moïse avait fait la conquête sur les Amorrhéens. Profitant des troubles dans lesquels se trouvait la Syrie, Jean Hyrcan vint s’emparer de Médaba, de Saméga et de tout le pays des alentours. Ant. jud., XIII, ix, 1 ; Bell, jud., i, ii, 6. Son petit-fils, Alexandre Jannée, devenu roi de Judée (106-79), pénétra dans le pays au delà du Jourdain. Il y trouva les Galaadites et les Moabites, les combattit et les assujettit au tribut. Ant. jud., XIII, xiii, 5. Il occupa les deux villes déjà conquises par son père et s’empara en outre d’Hésébon, de Nabo, de Betharam, appelée plus tard Liviade, de Lemba (Libb), de Zara (Sarath), d’Oronaïm et de plusieurs autres villes. Ant. jud., XIII, xv, 4. — Si les noms de Rabba et d’Agallaïm, dont font mention certains manuscrits, étaient authentiques, il en résulterait que le roi juif aurait poussé ses conquêtes assez loin au sud de l’Arnon. Josèphe semble l’affirmer ailleurs. Il désigne en effet, Bell, jud., III, III, 5, comme limite entre la Judée et l’Arabie, au commencement du règne d’Hérode l’Ancien, une localité du nom de Jarda. Cet endroit ne parait pas différent du lieu situé au sud de Machéronte et appelé, ibid., VII, vi, 5, Jardès, transcription fautive, semble-t-il, pour Zarda ou Zardès, forme grécisée employée par l’historien juif à la place du nom du Zared.
— Les places prises par Jannée appartenaient auparavant à Arétas, roi des Arabes-Nabuthéens, dont la résidence était alors à Pétra, au sud de la Moabitide. Ibid. Cette nation paraît avoir été en possession de la Moabitide méridionale depuis longtemps déjà. C’est de là peut-être que les Nabuthéens vinrent à la rencontre de Judas Machabée (166-161) et de son frère Jonathas, quand ils franchirent le Jourdain pour aller au secours de leurs frères de Galaad, I Mach-, v, 25 ; et c’est vers
cette région que paraissait se diriger Jean Machabée pour leur demander du secours, quand il fut surpris et assassiné par les hommes de la famille de Jambri. Ibid., îx, 35-36. Celte ville et son territoire n’étaient sans doute pas en ce moment en possession des Nabuthéens, alors alliés et amis des Asmonéens et des Juifs, ibid., mais elle dut tomber en leur pouvoir peu après cet événement et peut-être à son sujet. L’opposition que faisait à Alexandre le parti des Pharisiens et les avantages que remporta sur lui Arétas durent lui faire négliger un instant sa conquête. Il ne laissa pas moins en mourant la plupart de ces villes en la possession des Juifs et tout le territoire situé au nord du grand affluent de l’Arnon, le nahar el-Ouâlêh actuel, et dont Machéronte formait la frontière. Ant, jud., XIII, xiv, 2 ; XIV, i, 4 ; cf. Ant. jud., XVIII. v, 1 ; Belljud., III, iii, 3.
— Hyrcan II, fils aîné d’Alexandre, pour obtenir l’appui d’Arétas contre son frère et rival Aristobule, promit de lui rendre toutes les villes conquises par son père. Ant. jud., XIV, I, 4. Cette promesse ne paraît pas avoir été tenue. La discorde des deux frères attira les armes des Romains dans cette partie de la Moabitide (63), Alexandre, fils d’Aristobule, songeait à. en faire son refuge et à se retirer à Machéronte. Avant d’avoir pu atteindre cette forteresse, il dut l’abandonner aux mains du préteur Gabinius dont il était poursuivi et qui la fit démanteler. Ant. jud., XIV, v, 2-4 ; Bell, jud., i, viii, 5-6. Aristobule, échappé de Rome, s’y réfugia avec son fils Antigone, et essaya de s’y défendre ; mais, après deux jours de siège, se voyant tout couvert de blessures, il dut se rendre de nouveau aux Romains. Ibid., XIV, vi, 1.
— Hérode l’Ancien (47-4), en se faisant attribuer par le sénat romain le royaume de Judée, reçut en même temps la partie de la Moabitide reconquise par les princes asmonéens. Elle fut dès lors annexée à l’ancien pays de Galaad, devenu la province de Pérée. Un des premiers soins d’Hérode fut de chercher à s’en assurer la possession en fortifiant Hésébon et en y mettant une garnison, Josèphe, Ant. jud., XV, viii, 5.
Ce pays fut souvent l’objet de son attention et de ses soins. Il y fonda la ville de Machéronte (fig. 302) près du château du même nom, Belljud., VII, vi, 2. Il y releva et embellit la ville de Betharam à laquelle il donna le nom de Liviade. Ant. jud., XVIII, ii, 1 ; Bell, jud.., II, IX, 1. iSe sentant défaillir, il se fit transporter de Jéricho à Callirhoé, espérant y recouvrer la santé par l’usage des bains. Ils ne firent qu’aggraver son mal. Ant. jud., XVII, vi, 5 ; Bell, jud., i, xxxiii, 5. Par son testament, il légua la Pérée à son fils Hérode Antipas, et lui transmit ainsi le domaine de cette région. Ant. jud., XVII, viii, 1. — Ce prince semble l’avoir choisie pour son séjour préféré, et il fit de Machéronte sa résidence. Ces lieux devinrent ainsi le théâtre de son union incestueuse et adultère, et du drame qui la suivit. Antipas avait d’abord épousé la fille d’Arétas III, son voisin, qui ré-*^ gnait sur le reste de la Moabitide. Épris d’une passion coupable pour Hérodiade, la femme de son frère Philippe, il vécut avec elle et renvoya la fille d’Arétas. Celle-ci, instruite du pacte, demanda d’aller à Alachéronte ; elle voulait s’échapper et de là gagner les États de son père, « car Machéronte était sur la frontière du royaume d’Hérode et d’Arétas. »
Revenu de Rome où il avait dû se rendre, Hérode prit Hérodiade. Jean-Baptiste était alors dans les anciennes Araboth de Moab et près de Betharam, non loin de Machéronte, où il prêchait le baptême de la pénitence (30 après J.-C). Le monde venait à lui en foule de la Judée, de la vallée du Jourdain et de tous les pays circonvoisins, pour l’écouter et demander le baptême. C’est alors que Jésus de Nazareth voulut être baptisé par lui. Jean condamnait la conduite d’Hérode. Celui-ci le fit prendre et le jeta dans la prison de Machéronte. Hérode avait invité tous les grands de la Galilée, dont il était
également le tétrarque, à venir en cette ville célébrer avec lui la fête de l’anniversaire de sa naissance. Hérodiade profita du serment imprudent du prince pour lui demander la tête de l’homme de Dieu. Hérode le fît aussitôt décapiter. Joa., j, 28 ; x, 40. "Voir Bethabara, t. i, Col. 1647, et BetHaNIE, t. i, col. 1661 ; Matth., m, 1-17 ; Xtv, 1-12 ; Marc, l, 2-11 ; vi, 17, 29 ; Luc, iii, 1-23 ; Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1-2. Arétas, irrité de la conduite d’Hérode à l’égard de sa fille, lui déclara la guerre. Le tétrarque fut complètement défait et le peuple crut à une vengeance du ciel, à cause du crime de Machéronte. Ibid. — Quelques années plus tard, Antipas, poussé par Hérodiade jalouse du litre de roi ob corps de troupes pour la surveiller ; car dès les premiers jours de la révolte, les Juifs s’étaient empressés de l’occuper (67). Ibid. La guerre était achevée et déjà Vespasien et Titus avaient triomphé à Rome, et Machéronte, pourvue d’armes et de munitions laissées par Hérode l’Ancien, était encore aux mains des Juifs (71). Lucilius Bassus fut envoyé avec une armée etlaxe légion prise en Judée, pour l’assiéger. Il avait ordre de la ruiner jusque dans ses iondements. Les Romains craignaient qu’elle ne demeurât pour les Juifs un centre de ralliement où ils pourraient continuer la guerre ou la recommencer. Elle eût prolongé la résistance si un incident n’eût mis les assiégeants en sa possession. Un des plus
302. — Machéronte. D’après de Luynes, Voyage autour de la mer Morte, pi. 36.
tenu de Caligula par Agrippa Ier, étant allé demander le même titre, fut exilé dans les Gaules et sa tétrarchie en général réunie à la province romaine de Syrie (39). Ibid., XVIII, vii, 1-2. La Moabitide septentrionale parait avoir été réunie au royaume arabe-nabuthéen dont toute la Moabitide méridionale, depuis Machéronte, n’avait pas cessé de faire partie. C’est ce qu’indique l’inscription nabuthéenne de Médaba écrite la 46e année du règne d’Arétas IV Philodèrne. — Claude, en même temps qu’il nommait Félix gouverneur de Judée (52), séparait du territoire moabite Juliade (Liviade-Bétharam ) avec 14 bourgs des alentours et Abela (Albel’satiro), pour les annexer au royaume d’Agrippa lé Jeune. Bell, jud., II, xiii, 2 ; Ant. jud., XX, viii, 4.
— Au commencement de la guerre de Judée, les Juifs, échappés de Gadara, et poursuivis par Placide, lieutenant de Vespasien, se portèrent en cette partie de la vallée du Jourdain ; mais repoussés de partout, la plupart périrent dans les eaux du Jourdain et du lac Asphaltite, ou sous les coups des soldats. Bell, jud., IV, vii, 6. Les Romains prirent possession de la région jusqu’à Machéronte, près de laquelle ils laissèrent un
vaillants défenseurs de la ville ayant été pris par les Romains, ses compagnons proposèrent de rendre la place en échange de la vie et de la liberté de cet homme et de la leur. Les Romains acceptèrent et ils épargnèrent en effet le guerrier et les auteurs de la proposition, mais ils massacrèrent impitoyablement le reste des habitants qu’ils trouvèrent encore. Le plus grand nombre, prévoyant qu’ils ne seraient pas épargnés, s’étaient enfuis pendant la nuit et réfugiés dans la forêt de Jarden, sur la frontière d’Arabie, où, depuis le commencement du siège de Jérusalem, étaient déjà venus se ^cacher un grand nombre de Juifs. Bassus poursuivit les fugitifs, fit envelopper la forêt par sa cavalerie et y mit le feu. Les Juifs réunis en groupe tentèrent de forcer le cordon en se précipitant sur les Romains. Ceux-ci ne se laissèrent pas entamer et trois mille Juifs succombèrent dans cet effort suprême. Un seul put s’échapper furtivement, Judas, fils d’Ari. Bell, jud-, VII, VI, 5. C’est ainsi que le pays de Moab fut le dernier boulevard de la défense du peuple juif contre les Romains.
IIIe PÉRIODE : DEPUIS LA DOMINATION ROMAINE. —
I. asservissement aux romaixs. — Les premiers rap117E
MOAB
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ports de Moab avec les Romains remontent à la-venue de Pompée à Damas (63 av. J.-C). Damas était alors la Capitale du royaume arabe-nabathéen, dont Moab faisait partie. Le roi Arétas II y avait établi son siège, appelé par les Damasquins, après la mort d’Antioçhus Denys, tandis qu’Alexandre Jannée régnait en Judée. Ant. jud., XIII, xv, 2. Les Komains s’étaient contentés alors de soumettre l’Arabie au tribut et Moab ne les vit pas encore. Gabinius paraît être le premier d’entre eux qui mit le pied Sur la terre de Moab, quand il poursuivait Alexandre, fils d’Aristobule. Bassus abandonna, semblei-il, aux Arabes, la région où il venait d’exterminer les Juifs. Ce fut Trajan qui réduisit définitivement l’Arabie, qui comprenait le pays de Moab, en province romaine (106). Bell, jud., IV, viii, 1. — De cette époque datent le commencement de l’administration du pays par ce peuple, l’établissement des colonies étrangères et l’expansion de la civilisation occidentale dont on retrouve les nombreuses traces dans toute la contrée. — Avant les Romains, les Grecs, il est vrai, avaient couvert de leurs colonies et de leurs établissements les régions voisines de Basan, de Galaad et d’Ammon, mais ils ne paraissent pas avoir eu aucun établissement important en Moab. Si l’on excepte quelques œuvres des Asmonéens et les travaux d’Hérode à Hésébon, à Liviade et à Machéronte, c’est encore par les Romains, disciples des Grecs, et par les Byzantins que la terre de Moab s’est embellie de monuments et de fondations marquées à l’empreinte de l’art et de la civilisation helléniques. Le plus grand nombre des œuvres des Arabes paraissent exécutées sous l’influence du prestige romain. Prolongée par les empereurs de Constantinople, la domination romaine s’exerça jusqu’au temps de l’invasion musulmane (325-635).
II. im christianisme en moab. — Parallèlement à la civilisation gréco-romaine se développait en Moab une autre civilisation plus grande et plus noble dans son expression, plus importante et plus salutaire dans ses effets, la civilisation morale.et religieuse du christianisme. La terre de Moab en fut le berceau simultanément avec la Judée et la Galilée. Théâtre principal des prédications du Précurseur et école où se préparèrent les premiers apôtres, Pierre et André, pour s’attacher à Jésus lors de son baptême, elle fut encore témoin de la première manifestation publique du Messie et Rédempteur aux hommes et de l’inauguration de son ministère évangélique. Joa., i, 19-40, Ce que dit l’Évangéliste du séjour du Sauveur, à la fin de sa carrière, « à Béthanie au delà du Jourdain, » c’est-à-dire en cette même région de Moab, où un grand nombre vinrent l’entendre et « crurent en lui », Joa., x, 40-42 ; cf. i, 28, ne permet pas de douter que sa prédication n’y ait laissé des disciples. Le pays de Moab fut vraisemblablement évangélisé, deux ou trois ans plus tard, par le converti Saul, qui deviendra l’apôtre des nations sous le nom de Paul. Après s’être échappé de Damas, Saul passa en effet en Arabie, Gal., I, 17, et le pays de Moab était l’endroit de l’Arabie où résidaient principalement les Juifs auxquels Saul s’adressait à cette époque. Cf. Act., IX, 20, 22 ; XHI, 46. De bonne heure du moins, cette contrée vit se former chez elle d’importantes églises judéo-chrétiennes, car selon le témoignage de saint Épiphane, Adv. hier., t. xxi, col. 436, la Moabitide et la Nabathée furent les principales régions où se recruta et se développa la secte des Ébionites.
— Au IVe siècle, la Moabitide était tout entière couverte d’innombrables communautés chrétiennes groupées autour des sièges épiscopaux d’Hésébon, de Médaba, de Liviade, de Rabbath-Moba, de Kérak-Moba, de Zoara et quelques autres moins célèbres. Cf. S. Jérôme, In Is., xvi, 1, t. xxv, col. 176 ; Reland, Palxstina, p. 212-224 ; Lequien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. iii, p. 698734. Coraiatha, l’ancienne Cariathaïm, était une des rares localités de cette époque formées exclusivement de chré tiens. Eusèbe, Onomasticon, édit. LarSow et Parthey, Berlin, 1862, p. 25. Les nombreuses églises de Médaba, dont les ruines témoignent de la splendeur, indiquent combien florissantes étaient ces chrétientés. Voir MÉ-DABA, col. 902. À côté des sanctuaire^ de Bethabara, de Liviade, du mont Nébo, et d’autres établis pour consacrer leurs souvenirs bibliques et évangéliques, s’étaient élevés de vastes monastères où se perpétuait la vie de prière, de sacrifice et de sainteté. Les pèlerins y accouraient des contrées les plus lointaines, pour se fortifier dans la foi et la vertu, à la vue des saints exemples et par la méditation des récits de l’Écriture dont ces lieux virent se dérouler les événements. Voir Bethabara, t. i, col. 1649-1650 ; Béthaban, t. i, col. 1664-1665, et Nébo (Mont). Cependant, l’excessive prospérité temporelle ne devait pas tarder à produire en Moab, comme dans le reste de l’empire, le relâchement des mœurs (cf. S. Grégoire de Nysse, Ep. ii, De his qui adeunt Jerosol., t. xlvi, col. 1012-1013) et à sa suite, l’insouciance, l’imprévoyance et la faiblesse qui devaient ouvrir le pays à une nouvelle invasion : celle de l’islam. Par elle devait s’achever la ruine de Moab et se réaliser les derniers traits du tableau de désolation tracé par les prophètes d’Israël.
/II. la conquête MUSULMANE. — Situé sur la limite du Hedjâz, et frontière de l’Empire au midi, le pays de Moab devait être le premier à subir les attaques des armes musulmanes. Dès l’an 8 de l’hégire (629), Mahomet avait dirigé une première expédition contre la Belqà. Ses guerriers avaient été complètement défaits à Môtéh. Une seconde expédition avait été arrêtée dans sa marche par la mort du prophète (632). Abou Bekr confia la direction d’une troisième à Khàlid ben Sa’id (634). Le général musulman fut à peine arrêté dans sa marche par la résistance des Arabes chrétiens de la contrée, et il vint fixer son camp à la hauteur de Qastal, au nord de Médaba, près de la frontière septentrionale antique de Moab. Yazîd et Abou Obeidah, avec les nouvelles troupes réclamées par Khâlid, vinrent.achever rapidement l’occupation de toute la contrée, dont la victoire décisive de Yarmouk, sur les troupes d’Héraclius, devait assurer à l’islam la tranquille possession (636). Cf. Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes, Paris, 1847, t. iii, p. 211-214, 313-322, 422-448. — La prospérité matérielle ne disparut cependant pas immédiatement du pays de Moab. Les descriptions des géographes arabes, la liste des produits et les statistiques des revenus des khalifes attestent que jusqu’au sile siècle l’agriculture et les diverses industries qui s’y rattachent n’étaient guère moins florissantes qu’aux époques antérieures.
En 1100, Godefroy de Bouillon, ayant fait une incursion dans la région, en avait ramené d’innombrables troupeaux. Guillaume de Tyr, Historia rerum transmarinorum, 1. IX, c. xxii, t. cci, col. 453-454. De même le roi Baudouin Ier pénétra deux fois dans la Moabitide, et pour soustraire les chrétiens de la contrée aux vexations des princes musulmans, en même temps que pour peupler sa capitale presque déserte, il leur proposa de venir à Jérusalem, ce que firent un grand nombre en venant s’y établir avec leur famille, leurs richesses et leurs troupeaux, Id., ibid., . X, c. viii, xi, col. 463, 464 ; 1. XI, c. xxvii, col. 514-516. La principauté du Kérak établie en 1136, en plaçant le pays sous la sauvegarde des Francs, mit ses habitants à l’ahri des attaques du côté de la Syrie et de l’Egypte et des incursions des Bédouins, et en retarda un instant la déchéance. La capitulation de Kérak, en 1188, livra bientôt le pays aux compétitions des princes de Damas et du Caire. La décadence ne pouvait manquer de marcher rapidement. L’occupation de la Syrie par les Turcs (1517) fut le signal de la ruine totale. Laissé, avec les contrées voisines, à des gouverneurs ayant leur résidence à Damas, et dont l’unique souci était de rançonner les populations, il n’y eut plus
aucune sécurité dans le pays. La culture devint impossible. Les villes et les villages se vidèrent absolument d’habitants et tombèrent en ruine. Toute la contrée ne différa bientôt plus en rien du désert et finit par être complètement abandonnée aux tribus nomades. Au commencement du xve siècle, s’il faut en croire Et-Tahiry, Syria descripta, édit. Rosenmûller, Leipzig, 1828, p. 19, 21, la principaulé de Kérak était encore couverte d’un nombre immense de bourgades florissantes et la Belqâ, c’est-à-dire la partie septentrionale de Moab seule comptait plus de 300 villages. Au commencement du xix 8 siècle, il n’y en avait plus un seul debout sur tout le territoire de l’ancien Moab. — La ruine religieuse n’a pas été moins profonde. Les Arabes vainqueurs n’imposèrent point formellement leur religion au pays soumis ; mais les habitants des principales villes, en grande partie gréco-romains et qui formaient en quelque manière l’ossature du peuple chrétien, ne tardèrent pas à disparaître et furent remplacés par des émigrés du Yémen ou des autres régions de l’Arabie, tous disciples du Coran. L’arrivée des Francs (1099) et la création au Kérak d’un évêché latin appelé la Pierre du Désert (1136) relevèrent pendant quelque temps le courage des chrétiens. Voir Kir-Moab, t. ii, col. 1795-1797. En 1301, la majorité de la population du pays de Kérak était encore chrétienne et se sentait assez forte pour refuser, d’obtempérer à un décret vexatoire du sultan d’Egypte, maître de la région. Cf. Makrizi, Histoire des sultans mameluks, trad. Quatremère, Paris, 1845, t. ii, p. 177. Cependant depuis la chute du royaume franc de Jérusalem, les chrétiens, livrés sans appui et sans recours aux caprices du fanatisme aigri des adversaires de la Croix, semblent avoir perdu courage et des défections plus ou moins considérables finirent par donner la prépondérance à la religion de Mahomet. Le groupe de ces chrétiens peut être considéré comme le dernier reste de l’ancienne population moabite, tien qu’il soit mêlé de l’élément arabe-nabuthéen. Isolés et sans relation possible avec le monde catholique, sansévêque de leur rite syriaque pour leur donner des prêtres, ils recoururent pour en obtenir aux patriarches grecs, quand ceux-ci furent revenus à Jérusalem. C’est ainsi qu’ils se trouvèrent engagés dans le schisme photien. Leur nombre, dans la première partie du siècle dernier, se trouvait.réduit à peine au sixième de la population totale, descendu lui-même au centième de l’ancien. Ils sont demeurés groupés au Kérak et dans ses alentours, jusqu’à l’année 1879. À cette époque, une fraction de deux à trois cents environ d’entre eux demanda un prêtre au patriarche latin de Jérusalem. Le (missionnaire s’établit, avec son petit troupeau, dans les ruines de Médaba. La modeste colonie a été, pour la région et pour tout le pays, le principe d’un mouvement de renaissance auquel ilfaudra peut-être appliquer les paroles de la prophétie : « Je ramènerai les captifs de Moab, aux derniers jours, dit le Seigneur. » Jer., XL viii, 47. Vers le même temps, le missionnaire de Mâdabà tentait d’établir au Kérak un autre centre catholique ; et y a réussi depuis 1894. L’année précédente, un détachement de troupe turque s’était emparé du Kérak, après une résistance insignifiante de la population, et avait pris possession de la contrée (octobre 1893). L’ancien pays de Moab, auquel a été rattachée toute la. partie qui s’étend jusqu’au Zerqà, l’ancien Jaboc, forme actuellement un sandjak ou déparlement dirigé par Un mutsarref, ou préfet. Son chef-lieu est le Kérak et il dépend de la province (ouâlayiéh) de Damas.
4. Bibliographie. — Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, dans l’Arabie Pétrée et sur la rive gauche du Jourdain, in-4°, Paris (sans date), 1. 1, p. 23182 ; Mauss et Sauvaire, Voyage de Jérusalem à Kérak et Chaubah, appendice de l’ouvrage précédent, t. ii, p. 81-140 ; L. Lartet, Géologie, ibid., t. iii, p. 61-75, 180-188, 206-208, 232-237, 292-293 ; F. de Saulcy,
Voyage autour de la mer Morte, in-8°, Paris, 1865, t. i, p. 266-399 ; t. a, p. 1-CO ; Lucien Gautier, Autour de la mer Morte, in-8°, Genève, 1901, p. 48-122 ; Tristram, Land of Moab, in-8°, Londres, 1874 ; Conder, Heth and Moab, in-8°, Londres, 1884 ; The Survey of Eastern Palestine, Memoirs, 2 in-4°, Londres, 1889 ; Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-8° Londres, 1822, p. 363-404 ; Seetzen, Reisendurch Syrien, Palâstina, Berlin, 1854, t. i, p. 406-427 ; t. ii, p. 317-377 ; Irby et Mangle, Travels in Egypt and Nubia, Syria and Asia Minor, in-8°, Londres, 1823, p. 335-487 ; E. Palmer, The désert of the Tih and the country of Moab, dans Pal. Expl. fund, Quarterly Statement, 1871, p. 4073 ; F. J. Bliss, Narrative of an expédition to Moab and Gilead, ibid., 1895, p. 203.233, 332-373 ; Gray Hill, A journey East of the Jordan and the Dead Sec, ibid., 1896, p. 24-47 ; G. A. Smith, The Roman Road between Kerak and Madeba, ibid., 1904, p. 367-385 ; 1905, p, 3948 ; Schick, Berichte ûber eine Reise nach Moab, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, 1879, p. 1-13 ; R. Briinow, Reisebericht, dans Mitheilung und Nachrichten des deutschen Palâstina Vereins, 1898, p. 33-39, 49-57 ; 1899, p. 23-29 ; R. E. Briinow et A. Domaszewski, Die Provincia Arabia, in-4°, Strasbourg, 1904, 1. 1, p. 1-110. L. Heidet. MOABITE (hébreu : Mô’db, ham-Mô’àbî, Mô’âbl, ham-Mô’âbîyâh [Mô’âbl, ham-Mô’dbt, ne se lit quo dans le Deutéronome, les Paralipomènes et I Esdras, ham-Mô’âbîyâh que dans Ruth ; I (III) Reg., xi, 1, II Par., xxiv, 26 (ham-Mô’abif), II Esd., xiii, 23] ; Septante : Mwiê, Mb>a6(TY| ; , Mwa6îTtç ; Vulgate, au masculin : Moabita, Moabites ; au féminin : Moabitis), nom ethnique des descendants de Moab et des habitants du pays de ce nom.Gen., xix, 37 ; Num., xxi, 13, etc. — La capitale des Moabites est appelée Ar M oabitarum par la Vulgate. Num., xx, 28 ; cf. xxii, 36 ; Deut., ii, 29. — La Vulgate nomme le pays de Moab regio Moabitis, dans la livre de Ruth, i, 1, % 6 ; ii, 6 ; iv, 3. — La loi interdisait, Deut., xxiii, 3 (4), de faire entrer les Moabites dans l’assemblée du peuple, même après la dixième génération. — L’Écriture nomme plusieurs rois moabites, Balac, fils de Séphor, Num., xxii, 10, etc. ; Églon, Jud., iii, 12, etc. ; Mésa, IV Reg., iii, 4, etc. Jethma, t. in k col. 1520, un des vaillants soldats de David, était d’origine moabite. I Par., xi, 46. David descendait lui-même de Ruth la Moabite. Ruth, i, 22, etc. La belle-sœur da Ruth, Orpha, était aussi Moabite. Ruth, i, 4, etc. — Salomon épousa des femmes moabites qui le firent tomber dans l’idolâtrie, III Reg., xi, 1. —Un des meurtriers du roi Joas était fils d’une Moabite appelée Semarith. II Par., xxiv, 26.
- MOADIA##
MOADIA (hébreu : Mô’adyâh ; Septante : MàaSaf), un des prêtres qui revinrent de Babylone en Palestine avec Zorobabel. II Esd., xii, 17. Au ꝟ. 5, son nom est écrit Madia. Voir Madia, col. 532.
- MOBONNAÏ##
MOBONNAÏ (hébreu : Mebunnaï, : Septante : èx twv viïmv ; ils ont lu mibnê, « du fils » ), nom d’un des principaux officiers de David dans II Beg., xxiii, 27. Un jjrand nombre de commentateurs croient que dans II Reg., xxii, 18, il est appelé Sobochaï au lieu de Mobonnaï, de même que dans I Par., xx, 4, et, avec une légère différence d’orthographe, Sobbochaï, dans I Par., xi, 29, et xxvii, 11. Sibekaï, qui se lit partout en hébreu, excepté II Sam., xxiii, 27, doit être le nom véritable, d’après la plupart des critiques. Il était Husatite ou originaire de Husat, de la race de Zarahi. I Par., xxvii, 11. Voir Husathite et Husati, t. iii, col. 784. Il fut un des gibbôrîm, I Par., xi, 29, et un des selisîm de David. II Reg., xxiii, 27. Voir Armée, t. i, col. 978. Il s’était rendu célèbre en terrassant Saph ou
Saphaï, géant de la race d’Arapha ou des Raphaïm. II Reg., xxi, 18 ; I Par., xx, 5. Il fut placé à la tête du huitième corps d’armée, lequel était chargé du service le huitième mois. ; de l’année et comprenait vingt-quatre mille hommes. I Par., xxvii, 11.
- MOCHMUR##
MOCHMUR (Septante : Mo-/y-oôp ; omis dans VAlexandrinus et dans la Vulgate), torrent (^ei, u.ippoç) mentionné seulement dans le texte grec de Judith, vii, 18 : « Les enfants d’Ésaù montèrent avec les enfants d’Ammon et ils campèrent dans les montagnes vis-à-vis de Dothaïn, et ils envoyèrent des hommes au sud et à l’est
I Par., ix, 8. Il était l’ancêtre d’Éla, un des principaux Benjamites qui s’établirent à Jérusalem après la captivité.
- MODIN##
MODIN (Septante : MmSeiv et MwSee’.u. ; on rencontre encore MwSetv, McaSeeiv, Mo>Sae£v et MwgaEÎrj.), ville de Judée, patrie des Machabées et où ils furent ensevelis.
— Dans le Talmud ce nom est écrit : Môdïkti et Môdx’îf. Il semble dériver de la racine yâda’, « connaître, » et signifier « la ville de l’étude, de la science ou des savants » (fig. 303).
I. Situation. — 1° D’après l’Écriture et Josèplie. —
303. — Scheikh el-Gharbaouy, près à’El-Mêdieh. D’après une photographie de M. L. Heidet.
vis-à-vis d’Ékrébel, qui est près de Chus, sur le torrent de Mochmur, et le reste de l’armée des Assyriens était campé dans la plaine. » Les noms propres Mochmur et Ékrébel sont peut-être altérés. L’ouadi appelé Mochmur devait être situé au sud-est de Dothaïn.
- MOCHONA##
MOCHONA (hébreu : Mekônah ; manque dans les Septante), ville de Juda qui tut habitée après la captivité par des hommes de cette tribu. II Esd., xi, 28. Elle paraît avoir eu une certaine importance, car le texte mentionne ses dépendances. D’après le contexte, elle était dans le voisinage de Siceleg et, par conséquent, dans le sud de la Palestine, mais son site n’a pas été identifié. Reland, Palsestina illustrata, 1714, t. ii, p. 892, croit que Mochona est le Mechanum (ou plutôt Machamim), mentionné par saint Jérôme (Onomastic, au mot Bethmacha, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 117), entre Éleuthéropolis et Jérusalem. Cette hypothèse est inconciliable avec le contexte de II Esd., xi, 28.
M OCHORI (hébreu : Sf ikrt ; Septante : Ma-/ ?p ; À lexandrinus : Moyjifi), fils d’Ozi, de la tribu de Benjamin.
Modin appartenait à la région montagneuse de la Judép, bien qu’elle fût peu éloignée de la plaine. La Vulgate, I Mach., ii, 1, la place dans la montagne, en rendant l’expression èv Mw6=îv, par in monte Modin. Le récit biblique, IMach., XVI, 1-10, indique d’ailleurs cette situation indirectement. Simon Machabée averti par son fils Jean Hyrcan des menées de Cendebée, dont la résidence était à Jamnia, contre les Juifs, chargea Jean et son frère Juda d’attaquer cet adversaire de leur peuple. Jean vint passer la nuit à Modin et le lendemain descendit dans la plaine. Arrivé au bord d’un torrent, il se trouva en face de l’ennemi qui se tenait sur la rive opposée. Jean passa le ravin, à la tête de ses troupes et livra le combat. Battus, les Grecs se réfugièrent à Cédron (ou Gédor, probablement Qàtrah, entre’Aqir et’Esdûd, l’Azot des Grecs). Voir Cédron 2, t. ii, col. 386-387. Jean les y poursuivit et jusqu’aux forts d’Azot qu’il livra aux flammes. Il résulte de ce récit que Modin était au nord de’ouàdi-§urâr, l’ancien Sorec, qui paraît être le torrent auquel l’histoire de cette expédition fait allusion. D’après l’interprétation Ja plus commune d’un autre passage, I Mach., an, 29, le monument sépulcral élevé
par Simon sur la tombe de s es parents, à Modin, était en vue de la mer, d’où il apparaît que cette ville était en un lieu élevé et dominant, pas trop éloigné de la côte. Elle semble avoir été sur le seuil de la Judée, d’après II Mach., xiii, 13-15. Josèphe l’appelle « un village de la Judée », xti(ir) tîjç’Iou6 « îac Ant.jud., XII, vi, 1.
2° D’après le Talmud et les Anciens documents chrétiens. — Le Talmud de Babjlone, Pesahim, 3, b, indique Modin à quinze railles de Jérusalem ; l’expression de « distance éloignée », employé ailleurs, 93, b, permet de croire que les milles auxquels ce texte fait allusion sont plus considérables que le mille romain. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 99 ; Estori ha-Parchi, Qaftor va-Phérach, nouvelle édit., Jérusalem, 1897-1899, p. 291. — Eusèbe place « le bourg de Modeim près (ttXïIuiov) de Diospolis (Lydda) », Onomastican, édit. LarsoW et Parthey, Berlin, 1862, p. 290. Sur la carte-mosaïque de Madaba, Modin, figurée par un groupe de maisons avec cette inscription : « Modeim qui est maintenant Moditha d’où étaient les Machabées, » se trouve au nord de Nicopolis (Emmaùs) et à l’est de Diospolis (Lydda).
S* D’après les pèlerins et écrivains du XIIe siècle et des âges suivants. — À partir de l’époque des Croisades, les indications sont différentes des précédentes et contradictoires entre elles. D’après Jean de Wûrzbourg (vers 1130) copiant Fretellus (vers 1120) Modin est à sept milles de Jérusalem, sur la route de Ramatha (Ramleh), et à huit milles de Lydda. Desoriptio Terrée Sanctm, c. Vf, t. clv, col. 1071. Cette distance équivalant à 15 kilomètres nous conduirait au khirbet Kebâra, situé entre Qastal et Qariat el-Enab. Théodorich, vers 1172, la place dans les montagnes appelées alors Belmont, entre la patrie de saint Jean ÇAîn-KâHm) et Fontenoîd-Emmaùs (Qariat el-Enab). De loch sanctis, édit. Tobler, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 87. La localité indiquée peut être la précédente, ou Sôbâ ou Qastal. De Villamont (1589) désigne, 1. II, c. xi, assez clairement Qastal, en indiquant « le château de Modin » entre Qariat que l’on prenait alors pour Anathoth et la vallée de Qoloniéli, sur une cime dominante, et en les distinguant, c. xii, de la localité bâtie également sur une haute montagne et appelée par les Turcs Soba, qu’il identifie avec Ramatha, Voyages du seigneur de Villamont, Lyon, 1611, p. 212. Depuis cette époque et presque jusqu’à nos jours, la grande multitude des pèlerins nomment ou indiquent Soba. — Burchard, Marin Sanut, et plusieurs des cartes du xme siècle ou du xive semblent confondre Modin avec Tell es-Sdfîéh. Au Juif Ishaq Helo, en 1334, on l’indiquait à Ramléh. Les chemins de J érusalem, dans Carmoly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 1847, p. 247. Le cordelier Jean Thenaud (1512) paraît s’arrêter au même lieu. Le voyage d’Oultremer, édit. Schefer, Paris, 1882, p. 117. Toutes ces indications et d’autres encore, qui sont données comme l’expression de la tradition locale, sont de simples hypothèses, souvent naïves, dont l’une ou l’autre plus ou moins généralement acceptée, s’est transmise pendant une période assez longue pour prendre l’apparence d’une tradition.
II. Identification. — Le rabbin Schwarz, en 1833, pensait avoir retrouvé le nom de Modin dans une localité située à l’ouest du khirbet Djéba’, à quatre heures de marche à l’ouest de Jérusalem et à une heure de Qastal, dont le savant israélite se figurait avoir entendu/ prononcer le nom Mêdà’n. Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 116. À l’endroit indiqué on trouve une ruine appelée Bafen (non Mèdân) es-seghtr, ou Bathen-le-Petit. Robinson, en 1838, combattant la prétendue tradition de Sôbâ, proposait Lafroûn, fondé sur les seules données scripturales et sur Eusèbe. Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, p. 64, note. V. Guérin avait accepté, en 1863, cette identification ; mais, ayant eu plus tard connaissance de l’existence d’une
localité appelée el-Médiéh, dans laquelle le P. Emmanuel Forner, curé franciscain de Bethléhem, avait déjà reconnu, en 1866, le nom de Modin, il se rallia à cette identification et la soutint énergiquement. Médîéh, ou Modiéh, a pu en effet dériver de Modeim ou Modiith, comme el’Azarîeh de Lazarium, Tabarîéh, de Tibe~ rias, etc. El-Medîéh est d’ailleurs près de Lydda, dont il n’est distant que de 10 kilomètres, au’sud-sud ?est. De Me~ diéh, V. Guérin avait distingué très clairement des navires passant près de la côte, ce qui lui permettait de conclure que de la mer on avait pu apercevoir le monument sépulcral des Machabées. À ces trois arguments, l’illustre palestinologue en ajoute un quatrième. Ayant découvert en 1870, près d’el-Medîéh, des tombeaux qui paraissaient avoir été recouverts d’une construction monumentale, il crut pouvoir les identifier avec les sépulcres des Machabées, et conclure de là à l’identification indubitable d’el-Medîéh avec Modin. Samarie, t. ii, p. 403. Plusieurs savants contestèrent l’exactitude de la conclusion de V. Guérin à propos des tombeaux, mais, à cause des autres raisons, l’identification de la localité avec la patrie des Machabées fut généralement adoptée. — Cette identification a été combattue cependant dans la Revue biblique, en 1892, dans l’article intitulé : La Bible et les études topographiques en Palestine, p. 109-111. Selon l’auteur de l’article : 1° il est douteux qu’el-Medîéh, qui dut faire partie de la tribu de Dan, appartînt à la Judée au temps des Machabées ; 2° le passage I Mach., xiii, 25-30, doit s’interpréter : « il fit sculpter des navires dont les navigateurs sont à même d’apprécier le fini de l’œuvre ; » 3° Modin doit se trouver assez près de Jérusalem, sur la route directe de Jérusalem à Cédron et non à plus de 20 kilomètres au nord de cette route ; 4° le nom à’el-Mediéh, n’ayant pas la troisième consonne de Modin, ne peut en dériver ; 5° on conteste en outre l’identité des tombeaux découverts par M. Guérin avec ceux des Machabées. — « Ces arguments ne sont nullement concluants pour la thèse, » dit M. Is. Abrahams dans l’article Modin, de VEncyclopedia biblica de Cheyne, t. iii, Londres, 1903, col. 3181. 1° Le territoire de Dan, en effet, avait certainement été occupé par les Juifs, au retour de Babylone, avec les villes de Hadid, aujourd’hui Haditâ, Neballat (Beit-Nebdlâ ) et Lod (Lydda), situées au nord ou à l’ouest A’el-Mediéh. Cf. II Esd., xi, 34. El-Mediéh avait été inclus à la Judée avec ces localités. La cession ou plutôt la restitution faite aux Juifs par Démétrius Nicator des villes de Lydda, Ramathaïm et Éphraïm (I Mach., xi, 34), qui avaient été enlevées aux Juifs et rattachées à la Samarie, démontre qu’el-Mediéh n’en avait jamais été distraite. — 2°Quelle que soit l’interprétation que l’on puisse donner à. I Mach., xiii, 25-30, la marche militaire de Jean et de Judas, de Jérusalem à Modin, suppose une distance de 30 à 40 kilomètres et amène sur le bord de la plaine où le récit les montre descendant de suite le lendemain matin. — 3° Les circonstances obligent souvent les armées en campagne à prendre des détours, et l’on peut supposer mille raisons pour expliquer celui d’Hyrcan et des Juifs ; rien d’ailleurs dans le récit n’indique une marche directe. — 4° Il n’est pas possible de nier qu’eJ Mediéh ou Modiéh (^VviA-o), qui se prononce devant
~une voyelle Medtét, avec t articulé, ne soit bien dérivé de Moditha usité aux ve et vie siècles, comme es-Sdfîéh est dérivé de Saphitha et que le Moditha de cette époque ne soit pas le site de l’actuel Mediéh. — 5° On peut contester actuellement l’identité de tels tombeaux d’el-Mediéh avec ceux des Machabées ; mais leur monument existait encore, comme en témoignent Eusèbe et saint Jérôme, aux iv « et ve siècles de l’ère chrétienne et avant l’invasion arabe, et il n’est pas possible de rejeter Videntification de la Moditha d’alors avec la Modin de la Bible, identification garantie par la présence du me
Hument sépulcral des Machabées. — La carte de Médaba, découverte en 1896, en témoignant de cette dernière identification, et en montrant Moditha dans la situation générale où se trouve el-Medîéh, a achevé de confirmer l’identification proposée par le P. Forner, soutenue par V. Guérin et adoptée par la généralité des palestinologues. Toutefois, par suite de l’extension du nom à plusieurs places différentes de la même régioD, il est moins facile de déterminer l’emplacement précis de la ville antique, comme on va le voir parla description du lieu. ILL. Description. — Le territoire auquel s’applique le nom A’el-Mediéh s’étend sur les deux côtés d’un ravin assez profond appelé ouâd’el-Mediéh. Il est en grande partie couvert d’oliviers, parmi lesquels se trouve le petit village A’el-Mediéh, et plusieurs ruines. Le village, situé à l’ouest de l’ouâdi, se compose de trente à quarante maisons mal bâties où habitent environ 200 fellahîn musulmans. Les citernes, taillées dans le roc, que l’on voit soit au village, soit aux alentours, indiquent qu’el-Mediéh occupe la place d’une ancienne localité et que cette localité était plus étendue que le village actuel. Au sud et à peu de distance se dresse un monticule en forme de cône tronqué, en partie artificiel, dont la hauteur au-dessus de la mer Méditerranée est de 243 mètres. Son sommet est couvert de ruines informes. Les fellahîn appellent ces ruines el-’Arba’în, « les Quarante [martyrs], s nom attribué, en Palestine, à une multitude de ruines d’anciens monastères ou de monuments religieux ; le monticule est désigné sous le nom de ràs el-Medîéh, « le sommet de Mediéh. » Au pied, au nord-ouest, est une ancienne piscine et dans son voisinage on remarque plusieurs grottes sépulcrales d’aspect judaïque. — Le terrain onduleux situé en face du village A’el-Mediéh, au côté occidental de la vallée, est désigné généralement du nom de Khirbel el-Medîéh, à pause des ruines qui le recouvrent. Une nécropole remarquable, entièrement creusée dans le roc, attire d’abord l’attention lorsqu’on arrive du sud. Une première grotte sépulcrale affectant la forme ordinaire des tombeaux juifs anciens, montre son entrée tournée vers l’orient. Une douzaine de grands blocs monolithes, de 2 mètres environ de longueur sur 1 de largeur, sont épars sur le sol rocheux supérieur. Destinés à fermer l’entrée des autres chambres sépulcrales, pratiquées horizontalement dans le roc, plusieurs d’entre eux gardent leur place, tandis que quelques-uns en ont été écartés par les violateurs des tombeaux. La plupart de ces chambres renferment deux tombes formées chacune d’un arcosolium cintré recouvrant une auge sépulcrale. Cette nécropole est connue sous le nom de gobûr el-Yahvd, « les tombeaux des Juifs. » Tout à côté se voit un pressoir à vin à plusieurs compartiments, différent par ses formes des pressoirs antiques de la Judée. Le sommet de la colline dans laquelle ont été pratiquées ces tombes, du côté du sud-est, est couvert de débris de poterie, de maçonnerie, de cubes de mosaïque et on y observe quelques arasements de constructions. Selon V. Guérin, cet emplacement est appelé khirbet el-Yehûd ; il est inscrit sur la grande carte anglaise du Palestine Exploration Fund, 1887, sous le nom de khirbet Mediéh. C’est le nom qu’à plusieurs reprises j’ai entendu employer, bien qu’il serve encore à désigner l’ensemble de toutes les ruines que l’on trouve à l’ouest de l’ouâdi. Plus au nord, au bas de la colline, se trouve une piscine en partie creusée dans le roc et en partie construite, et, à côté, les restes d’une construction bâtie en blocage. Les habitants A’el-Mediéh leur donnent le nom, ainsi qu’au reste des débris de constructions qui les avoisinent, de khirbet el-Iiamnxâtn, < ! la ruine des Bains. » En cet endroit, M. Clermont-Ganneau, alors chancelier du consulat de France à Jérusalem, a découvert un baptistère chrétien, avec une inscription grecque relatant le nom de la donatrice Sophronia, et non loin une grotte sépulcrale avec une autre
inscription grecque. Cette dernière partie des ruines a été désignée à M. Guérin sous le nom de khirbet Zakarich,
— Ces ruines occupent un col assez large formé par la colline dont nous venons de parler et une autre située au nord-nord-est, dominée par un petit sanctuaire musulman à coupole appelé scheikh el-Gharbaouy. L’altitude du lieu est de 233 mètres. Parmi les restes d’habitations arabes construites autour du monument précédent, on remarque, sur une belle plate-forme, les arasements d’un grand édifice rectangulaire mesurant 27° 77 de longueur sur 6 m 71 de largeur. « Un certain nombre ds magnifiques blocs encore en place dominent cette enceinte et permettent d’en déterminer l’étendue, « dit V. Guérin. Les Arabes l’appellent el-Kala’h (qala’ah), « le Château. » Il s’y trouve divers tombeaux, comme on le verra plus loin. — « Le tombeau dont on voit les ruines à cet endroit, » ajoute M. Mauss qui visita le khirbet Mediéh, en 1870, quelques jours après V. Guérin, « est complètement isolé… L’importance des ruines permet de supposer qu’il a appartenu à une famille puissante dans le pays. Il devait avoir un aspect monumental à en juger par les dimensions de ce qui a été conservé. Il y a place pour sept tombes, ainsi qu’on peut s’en assurer par l’examen du plan. J’ai supposé à l’extrémité occidentale du rectangle un sépulcre double, comme celui de l’extrémité est. Si l’hypothèse est juste, on peut facilement dans l’intervalle placer trois autres sépulcres simples qui pouvaient avoir chacun son vestibule ou corridor de dégagement. » Dans V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 411-412.
IV. Emplacement précis de la ville de Modin. — Parmi les diverses ruines dont nous venons de parler, les palestinologues se demandent lesquelles sont celles de l’antique Modin. Rien de ce que l’on voit au village A’el-Mediéh ou au sommet du monticule voisin ne parait annoncer à V. Guérin une ville de quelque importance, comme dût être la ville des Machabées. Le scheikh de la localité lui a en outre assuré que le village était nommé autrefois el-Miniéh. Il faut, selon ce savant, chercher le site de la ville ancienne à l’occident de la vallée. Modin, dans cette hypothèse, aurait occupé la colline méridionale dans laquelle sont creusés les qobûr el-Yahûd et ces tombes seraient la nécropole de la ville. Le khirbet el-tlarnmâm ou Zakariéh serait les restes d’un taubourg de la ville byzantine qui succéda à la ville juive. — Pour d’autres au contraire, tous ces débris, au milieu desquels on rencontre des inscriptions grecques, des emblèmes et des monuments chrétiens, sont purement romains ou byzantins. Le pressoir décrit et d’autres que l’on voit non loin sont différents des pressoirs anciens que l’on rencontre si fréquemment dans les montagnes de la Judée, et l’on constate à la fraîcheur de leur état qu’ils appartiennent à une époque relativement récente. Le site A’el-Mediéh est bien celui de la ville juive, Rien dans l’Écriture ou l’histoire n’attribue à Modin une grandeur spéciale. Elle est qualifiée du nom de ville comme tant d’autres localités, qui dans notre manière de parler seraient appelées des villages. Josèphe, Eusèbe et saint Jérôme ne la nomment du reste pas autrement : v.i>y.-r, vicus. Les citernes constatées au delà du périmètre du village actuel la montrent cependant plus étendue que celui-ci, et la forme de ces citernes et des tombeaux voisins atteste son antiquité. Seule la piscine et les ruines du monticule, qui ressemble lui-même à une acropole, indiquent qu’elle pourrait bien avoir eu une certaine importance. Meniéh est une prononciation défectueuse de Mediéh, et l’existence simultanée de deux noms différents de consonance si rapprochée pour deux localités voisines paraîtrait bien peu probable. — À défaut de documents historiques, des fouilles faites au Ràs el-Medîéh pourraient donner la solution de la question. Bien qu’il ne soit pas absolument absurde de placer la ville de Modin à l’est de la.
Vallée et son monument sépulcral à l’ouest, il est plus naturel de chercher celui-ci, conformément aux usages des Hébreux, dans le voisinage immédiat de la ville ; sa découverte, si toutefois elle est encore à’faire, pourrait fournir un argument prépondérant. Nous toucherons à cette dernière question après avoir relaté les quelques faits historiques qui constituent l’histoire de Modin, parmi lesquels l’érection de ce monument est un des plus importants.
V. Histoire- — La gloire de Modin est le reflet de l’éclat dont brille l’illustre famille des Machabées : cette ville fut leur berceau, le centre où ils levèrent l’étendard de l’indépendance religieuse et politique en face du despotisme cruel de l’hellénisme, où plus d’une fois ils réunirent leurs forces pour les organiser, et enfin le champ de triomphe où le monument sépulcral élevé sur leurs tombes célébra longtemps devant les générations leur foi, leur sublime patriotisme et leur héroïque vaillance. -" La famille sacerdotale des Machabées ou des Asmonéens aurait été originaire de Jérusalem et serait venue s’établir à Modin vers le commencement de la persécution religieuse d’Antiochus IV Épiphane, d’après I Mach., ii, 1, du moins selon l’interprétation qu’en donne l’historien Josèphe, Ant.jud., xii, vi, 1, suivi par un grand nombre d’autres. L’écrivain juif a mal lii, ce semble, ce passage. L’expression « il fut enseveli par ses fils dans le tombeau de ses pères à Modin », formulée I Mach., ii, 70, une première fois à propos de Mathathias le père des Machabées. répétée pour Judas, ix, 19 ; et celle analogue employée, xiii, 25, pour Jonathas, « il [Simon] recueillit les ossements de son père Jonathas et les ensevelit à Modin sa ville, » ne permettent pas de douter que leur famille, à supposer qu’elle eût d’abord été établie à Jérusalem, ne fût depuis longtemps fixée à Modin. Au lieu de lire : « En ces jours-là se leva Mathathias… de la famille de Joarib de Jérusalem et il vint s’établir à Modin, » le verset de I Mach., ii, 1, doit se lire : « Mathathias… de la famille de Joarib, quitta Jérusalem (où il pouvait être pour son ministère) et se retira à Modin, » avenir) àitb’ItpousaVriii et non’Icoipîâ àm>’IepovuaMiiJi.. — Aux premiers temps de la persécution hellénique, un certain nombre de personnes s’étaient réfugiées à Modin où elles pensaient peut-être demeurer tranquilles, en raison de son éloignement de la capitale de la Judée ; mais l’agent d’Antiochus chargé d’imposer aux populations le culte de la Grèce les y suivit. I Mach., ii, 15. Mathathias, qui était selon toute apparence le principal personnage de la localité, fut appelé ; l’employé chercha à le séduire pour entraîner les autres par son exemple. Mathathias répondit par un refus catégorique, et comme en même temps un Juif se présentait pour apostasier, Mathathias indigné l’égorgea sur l’autel même élevé par les païens où il venait immoler, tua l’envoyé royal renversa l’autel et appela tous les Juifs fidèles à s’unir à lui et à ses fils pour défendre la religion. Ibid., ii, 15-27. La situation de Modin n’était pas assez forte pour qu’ils pussent s’y maintenir contre les dominateurs du pays ; Mathathias l’abandonna pour se retirer dans les régions plus escarpées des hautes montagnes. Ses succès paraissent lui avoir permis de revenir en sa patrie pour y mourrir ; du moins ses fils purent y ensevelir sa dépouille mortelle. Si les triomphes de ses fils et l’intérêt de leur cause les obligèrent à se tenir plus au centre de la Judée, ils aimèrent à retourner de temps en temps y à leur patrie, pour s’y retremper dans les généreux sentiments qui avaient donné l’impulsion à ce mouvement. C’est ainsi que Juda vint organiser à Modin la petite armée qu’il voulait opposer à Antiochus Eupatôr et à Lysias, son lieutenant, qui venait d’envahir de nouveau la Judée ; en face du tombeau de son glorieux père il pouvait, plus éloquemment qu’ailleurs, exhorter ses compagnons « à combattre vaillamment et jusqu’à la mort pour la loi, le temple, la ville [sainte], la patrie et le
peuple ». II Mach., xiii, 14. Pour la même raison peut-être,
Jean Hyrcan et son frère Juda amenèrent-ils leur
troupe à Modin, avant d’attaquer Cendebée sous les
murs de Cédron. I Mach., xvi, 4. Le monument élevé,
par leur frère Simon, comme un temple sur le sépulcre de
Mathathias et de ses quatre autres fils, tous tombés victimes
de leur patriotisme religieux, ne pouvait qu’exciter
le courage dans les cœurs et le noble c uesir de les
venger.
VI. Le monument sépulcral des Machabées. — C’est après avoir enseveli à Modin la dépouille mortelle de son frère Jonathas, que Simon songea à honorer la mémoire de ses parents par un mausolée monumental. L’Écriture raconte ainsi cette œuvre : « Simon construisit sur le sépulcre de son père et de ses frères un monument élevé aux regards, de pierre polie de face et en arrière. Il dressa au-dessus sept pyramides, celles (en mémoire) de son. père et de sa mère en face l’une de l’autre et les quatre autres (en mémoire) de ses frères. Il les entoura d’une vaste construction formée de grandes colonnes et fit sur les colonnes des panoplies en souvenir éternel, et près de ces groupes d’armes des navires sculptés de nature à être vus de tous ceux qui naviguent sur la mer. Tel est le sépulcre qu’il fit à Modin [et qui subsiste] jusqu’aujourd’hui. » I Mach. f xm, 27-30. La septième pyramide, Simon se la réservait sans doute. Le monument était encore debout vers la fin du Ier siècle, après la guerre de Judée, quand. Josèphe écrivit ses Antiquités judaïques, XIII, vi, 5., Au iv « siècle, Eusèbe atteste que « le mausolée des Machabées se montrait jusqu’alors ». Onomasticon, p. 290. Au v siècle, saint Jérôme constate encore leur permanence et s’étonne que l’on puisse montrer leurs reliques à Antioche. De nominibus et locis hebraicis, . t. xxiii, col. 911. Ou bien saint Jérôme accuse les Antiochéniens de confondre les sept frères martyrs de* II Mach., vii, dont les restes paraissent en effet avoir été vénérés, à Antioche, avec la famille de Mathathias, ou bien il confond lui-même celle-ci avec les premiers. Cette confusion a été invoquée pour expliquer la présence d’une croix dans la mosaïque des tombeaux découverts par V. Guérin au khirbet Scheikh el-Gharbaouy^ et identifiés avec le monument des Machabées. — Depuis le Ve siècle ce monument s’était perdu de vue, à cause sans doute de la situation de Modin, en dehors des routes suivies par les pèlerins. Au moyen âge on en parle quelquefois, mais si ce n’est pas une simple mention historique c’est une confusion. Il n’est pas douteux qu’il n’ait été détruit dans la triste période qui suivit les croisades, si déjà il ne l’avait été auparavant. En 1870, V. Guérin pensait que la construction rectangulaire du khirbet el-Gharbaouy avait contenu sept chambres contiguës, construites en belle pierre de taille et contenant chacune une auge sépulcrale pratiquée dans le roc dont le fond était tapissé de petits cubes de mosaïques ; ces sept chambres auraient été surmontées d’une série de sept pyramides dressées sur la même ligne et qui reposaient chacune sur le plafond de chaque chambre. Selon lui, le rectangle aurait été lui-même environné d’un portique soutenu par les colonnes monolithes que décoraient les ornements dont parle le livre des Machabées ; les tronçons découverts auraient été les débris de cette colonnade et l’attestation de son existence en cet endroit. Le docte explorateur concluait : « Il n’y avait plus de doute possible, j’avais définitivement retrouvé le tombeau des Machabées, et la fosse que j’avais rencontrée avait peut-être reçu les cendres de l’héroïque et saint vieillard Mathathias, qui, étant mort le premier, avait occupé probablement la première chambre sépulcrale. » Le rapport de M. Mauss, bien que supposant aux tombes une disposition relative un peu différente, confirmait la plupart des détails relevés par M. Guérin.
— Cependant la même année 1870, le D r Sandreczki
IV. - 38
1187
MODIN — MOHOLITES
1188
contestait indirectement les conclusions de l’explorateur français en présentant pour les tombeaux des Machabées, les qobùr eUYahûd. — M. Guérin fit observer que le nombre de 28 à 30 tombes renfermées dans cette nécropole est trop considérable pour que l’on puisse y voir le sépulcre dont parle le livre des Machabées. On ne voit non plus au-dessus aucune trace de construction rappelant le monument élevé par Simon, et l’état du sol ne permet pas d’en supposer. On peut objecter en outre la forme des tombeaux, plutôt grécoromaine que judaïque, et l’existence d’une croix taillée en relief sur le côté d’un des blocs monolithes destinés à fermer ces sépulcres. — Ces deux dernières objections sont aussi celles qui ont été faites contre l’identification du monument du hhirbet Scheikh el-Gharbaôuy avec celui des Machabées. M. Clermont-Ganneau, ayant exécuté de nouvelles fouilles à cet endroit, en 1873, constata dans le fond blanc de la mosaïque du tombeau découvert par M. Guérin, une croix formée de cubes rouges, jaunes et noirs, et conclut à l’origine chrétienne du tombeau et du monument. — M. Guérin répliqua que les chrétiens ayant confondu avec la famille deMathathias les sept frères martyrs, avaient, à dessein d’orner les tombeaux vénérés par eux comme ceux de ces derniers, fait ultérieurement cette mosaïque. — Mais à cette première difficulté, M. Clermont-Ganneau joignit cette autre : les restes de la construction découverte, par la nature et la forme de leur appareil et par la disposition de celui-ci, sont identiques, à une multitude de constructions similaires, comme par exemple le monument sépulcral de Teïàsir, non loin de Beisân, qui sont certainement d’origine gréco-romaine ou byzantine et non judaïque. — Un grand nombre de savants, avec Conder, Is. Abrahams et d’autres, pensent que l’on devrait chercher les tombeaux des Machabées et les restes de leur monument au Rds el-Mediéh. Ce monticule, regardé comme un lieu saint, un maqàm, par les habitants du pays, et remarquable par sa forme, renferme incontestablement d’anciennes constructions dont la nature étudiée pourrait apporter quelque lumière dans la question.
VI. Bibliographie. — Victor Guérin, Description de la Samarie, 1875, t. ii, p. 51-64, 403-426 ; cf. Découverte du tombeau des Machabées au hhirbet el-Mediéh, dans la Revue archéologique, t. xxiv, 1872, p. 264-277 ; Clermont-Ganneau, Archxological Researches in Palestine, Londres, t. ii, 1896, p. 358-377, 475-478 ; Fr. Liévin de Hamme, Guide indicateur de la Terre-Sainte, 2e édit., Jérusalem, 1887, p. 130-131 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 297-298, 340-352 ; Sandreczki, dans Palestine Exploration Fund Quarterly Statement, The Rock of el-Medyeh, 1870, p. 245-252, cf. p. 390 ; lbid., 1873, p. 93 ; 1897, p. 221 ; Revue biblique, t. i, 1892, p. 123-124 ; Is. Abrahams, Modin, dans Cheyne, Encyclopeedia biblica, t. iii, Londres, 1903, col. 3180-3181. L. Heidet.
MŒLLE (hébreu : moah ; Septante : y.v0.61 ; Vulgate : medulla), substance jaunâtre ou rougeâtre qui remplit les cavités osseuses.^ Elle a les apparences de la graisse, mais elle en est très différente par sa composition, qui comprend des éléments propres et en outre des capillaires et des nerfs dont la section est très douloureuse dans les amputations. — Il est des hommes heureux qui meurent « avec la moelle de leurs os toute fraîche », c’est-à-dire sans avoir connu la souffrance qui dessèche les os. Job, xxi, 24. La parole de Dieu est pénétrante comme le glaive qui sépare les jointures d’avec la moelle. Heb., iv, 12. Voir Nerfs. Des mets succulents sont des mets « pleins de moelle », memuhàyim, medullata. Is., xxv, 6. La moelle constitue en effet un aliment délicat. — Dans plusieurs autres passages, Gen., xlv, 18 ; Num., xviii, 12 ; Deut., xxxii, 14,
les versions mentionnent la moelle au lien de la graisse, liêleb, nommée en hébreu. La laine, sammérét, des cèdres est la partie supérieure de leur frondaison^ et non tù iniypma., « les choses de choix, » ou la moelle, medulla, Comme traduisent les versions. Ezech., xvii, 3, 22.
H. LeSèTRE.
- MOHAR##
MOHAR (hébreu : môhar ; Septante : opepvi, ; Vulgate : dos), prix payé par les parents du fiancé, d’après la coutume orientale, aux parents de la jeune fille donnée en mariage à leur fils, Gen., xxxiv, 12 ; Exod., xxii, 16 ; I Sam., xviii, 25. Voir Dot, ii, t. ii, col. 1495.
- MOHOLA##
MOHOLA (hébreu : Mahlâh, « maladie [ ?] ; » Septante : ô MasXâ), nom, dans la Vulgate, d’une personne dont le sexe est controversé : c’est, selon les uns, un fils, selon les autres, une fille de Hammôlékét (Vulgate : Regina, « Reine » ), de la tribu de Manassé. Le nom de son père n’est pas mentionné, mais celui de deux de ses frères, ’Hhôd (Vulgate : Virum décorum, Homme Beau ou Bel Homme ; voirlsHOD, t. iii, col. 989) et Abiézer (voir Abiézer 1, t. i, col. 47), nous est donné dans I Par., vii, 18. On ne connaît d’ailleurs que leurs noms.
— Dans le texte hébreu, l’aînée des cinq filles de Salphaad qui héritèrent de leur père est aussi appelée Mahlâh, comme le personnage de I Par., vii, 18, mais la Vulgate a transcrit son nom Maala comme l’avaient fait les Septante. Num., xxvi, 30, etc. Voir Maala, col. 468.
- MOHOLI##
MOHOLI (hébreu : Mahlî, « malade [1] i>), nom de deux Lévites. Ce nom dérive de la même racine que Mahlâh. Voir Mohola.
1. MOHOLI (Septante : MooXsî, Exod., vi, 19 ; MooXf, Num., iii, 20 ; I Par., vi, 19 (hébreu, 4) ; xxiii, 21 ; xxiv, 26, 28 ; I Esd., iii, 18), fils aine de Mérari et petit-fils de Lévi. Il fut la souche de la famille des Moholites, une des branches de la grande famille lévitique des Mérarites. Voir Mérarites, col. 988, et Moholites. Nous ne savons rien de particulier sur sa personne, sinon qu’il eut deux fils appelés Éléazar et Cis, I Par., xxiii, 21 ; xxiv, 28 (voir Éléazar 4, t. ii, col. 1651, etOs3, col. 781), et un troisième appelé Lobni, I Par., vi, 29 (hébreu, 14), s’il n’y a pas de lacune dans le texte. Voir Lobni 2, col. 319. — Un des descendants de Moholi est mentionné I Esd., viii, 18.
2. MOHOLI (Septante : MooXi), lévite de la famille de Mérari, de la branche desMusites, portant le même nom que son oncle, le fils aîné de Mérari. Il eut deux frères, Eder et Jerimolh, I Par., xxiii, 23 ; xxiv, 30, et un fils appelé Somer. I Par., vi, 46-47 (hébreu, 31-32).
- MOHOLITES##
MOHOLITES (hébreu : ham-Mahli ; Septante : Sî}u.os À MooXc’; Vulgate : Moholitm, Num., iii, 33, et partout ailleurs : Moholi, familia Moholi), branche de la famille lévitique des Mérarites descendant de Moholi. Num., iii, 33 ; xxvi, 58. Lorsqu’on fit le dénombrement des deux branches de Mérarites au mont Sinaï, les Moholites et les Musites, elles comptaient ensemble six mille deux cents hommes. Num., iii, 34. Les Moholites eurent, comme leurs frères, des fonctions particulières à remplir lorsque David les partagea entre les lévites. I Par., xxiii, 21 ; xxiv, 26, 28, 31. — Esdras mentionne un descendant de Moholi parmi les Lévites qui retournèrent avec lui de captivité en Palestine. Il est d’ailleurs difficile de savoir quel était son nom. Esdras ayant envoyé des messagers à Chasphia pour lui amener des ministres de la maison de Dieu, « ils nous amenèrent, dit-il, comme la main bienfaisante de notre Dieu était sur nous, ’îs iékél, d’entre les fils de Mahli (Moholi), fils de Lévi, fils d’Israël, et Sèrêbyâh. » I Esd<, viii, 18. La Vulgate a traduit’ÎS iékél, par virum doclissimum, « homme très savant » ou homme de sens, et elle fait, comme le texte hébreu, de Sêrêbyâh, qu’elle transcrit Sarabia, un personnage différent de ’iš ṡékél, distingué du premier par la conjonction et. Parmi les exégètes modernes, les uns croient que la conjonction et est fautive et ils prennent Sarabia pour le nom de l’homme de sens ; d’autres supposent que ’iš ṡékél est simplement un nom propre signifiant « homme de sens » et distinct de Sarabia ; d’autres enfin, tout en admettant que Sarabia est un second personnage, ne pensent pas que le premier s’appelait ’iš ṡékél, mais que son nom propre, qui précédait cette qualification, s’est perdu. L’explication la plus simple est celle qui regarde ’iš ṡékél comme un nom propre, désignant un lévite autre que Sarabia, mais elle a contre elle les raisons suivantes : 1o Esdras indique après chaque nom le nombre des personnes qui accompagnaient celui dont il vient de parler et le nombre n’est marqué ici qu’après le nom de Sarabia. 2o Il n’est pas question de ’iš sékél dans la suite du livre d’Esdras, non plus que dans Néhémie, tandis qu’il y est fait plusieurs fois mention de Sarabia. I Esd., viii, 28 ; II Esd., viii, 7 (Sérébia) ; ix, 4 ; xii, 8 (Sarébias) ; ix, 5 ; x, 12 ; xii, 24 (Sérébia). Sans doute ’iš sékel aurait pu mourir aussitôt après son arrivée en Palestine, mais on peut penser qu’Esdras ne l’aurait pas nommé le premier de la liste, I Esd., viii, 18, s’il n’avait pas joué un rôle important après son retour dans sa patrie. Quoi qu’il en soit, le contexte semble bien désigner Sarabia comme un Moholite. Les Septante ont fait du premier élément de ’iš ṡékél un nom commun et du second un nom propre (défiguré dans la dernière lettre) : ἀνὴρ Σαχώυ. Voir Sarabia.
MOINEAU. Voir Passereau.
MOIS (hébreu : ḥôdeš, c’est-à-dire « nouvelle [lune] » ; yéraḥ, qui signifie « lune », et par extension le mois qui était lunaire ; Septante : μήν qui signifie aussi « lune » et « mois » ; Vulgate : mensis), douzième partie de l’année. III Reg., iv, 7 ; I Par., xxvii, 1-15. Comme les mois hébreux étaient lunaires, ils ne fournissaient pas en un an trois cent soixante-cinq jours. Pour les faire coïncider avec les saisons, nous savons qu’on intercalait en moyenne tous les trois ans, un treizième mois, mais il n’en est jamais fait mention dans l’Écriture. Pour la description des mois, voir Calendrier, iii, t. ii, col. 65-67, et chacun des noms de mois. Du temps des Séleucides, on se servit en Palestine des noms de mois macédoniens. II Mach., xi, 21, 30, 33, 38. Sur la manière dont les Hébreux célébraient le premier jour du mois, voir Néoménie.
MOÏSE (hébreu : Môšêh ; Septante : Μωϋσῆς ; Vulgate : Moyses), libérateur et législateur d’Israël.
I. Depuis sa naissance jusqu’à sa mission.
1o Naissance. — Au plus fort de l’oppression des Israélites en Égypte, alors que le roi avait ordonné de tuer à leur naissance tous les enfants mâles du peuple opprimé, Exod., i, 22, un homme de la famille de Lévi épousa une femme de sa tribu. Celle-ci conçut et enfanta un fils. Exod., ii, 1-2. De prime abord, il semblerait que ce fils est le premier-né du mariage de parents innommés, si la suite du récit n’introduisait sur la scène une sœur de l’enfant plus âgée que lui, ꝟ. 4. Une généalogie incomplète des fils de Jacob nous renseigne plus loin, Exod., vi, 20, sur les noms des parents, Amram, voir t. i, col. 522, et Jochabed, voir t. iii, col. 1580, et sur l’existence d’un frère aîné, Aaron, ayant trois ans de plus que son puîné. Exod., vii, 7 ; cf. vi, 26-27. Le nom de la sœur, Marie, est donné Num., xxvi, 59. Voir col. 776. Pour expliquer comment le troisième enfant de cette famille avait pu être présenté comme un premier-né malgré la naissance antérieure d’Aaron et de Marie, le targum de Jérusalem a imaginé un véritable roman. Selon lui, quand le roi d’Égypte eut ordonné aux sages-femmes égyptiennes de faire périr les petits garçons d’Israël, Exod., i, 15, 16, Amram quitta sa femme, déjà mère de Marie et d’Aaron, et la reprit plus tard. Moïse fut le premier-né de ce second mariage. Quelques commentateurs modernes, à l’encontre d’Exod., vi, 20, ont supposé qu’Amram avait eu deux femmes, dont la première aurait donné le jour à Marie et à Aaron. La mère, ayant vu que le nouveau-né était beau et bien fait, désobéit à l’ordre cruel du Pharaon, et au lieu de faire mourir l’enfant, elle le cacha pendant trois mois. Exod., ii, 2. En agissant ainsi les parents étaient guidés par la foi, Heb., xi, 23, parce que Dieu avait sur cet enfant des vues spéciales, Act., vii, 20. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 3, 4, raconte qu’Amram, voyant sa femme enceinte, avait imploré Dieu qui le réconforta dans une vision et lui prédit la naissance d’un fils qui délivrerait les Israélites. Cette prédiction remplit de crainte les époux ; mais Jochabed accoucha sans douleur, ce qui présageait le grand rôle que son fils devait remplir. Le texte sacré ne mentionne rien de miraculeux dans la naissance de Moïse. Il ne l’appelle pas « premier-né », et s’il ne parle pas d’abord d’Aaron, qui était né avant lui, c’est parce qu’il va raconter l’histoire de Moïse.
2o Exposition sur le Nil. — Quand la mère crut ne pouvoir plus cacher l’existence de l’enfant, craignant, dit Philon, De vita Mosis, l. I, Paris, 1640, p. 604, les perquisitions et la délation, elle résolut de l’exposer sur le fleuve, le confiant ainsi à la Providence. Elle fit une nacelle de papyrus, qu’elle enduisit de bitume et de poix ; elle plaça le petit enfant dans cette sorte de berceau, qu’elle déposa parmi les roseaux sur le bord du fleuve. Exod., ii, 3. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ii, p. 282, 587-588. La sœur de l’enfant, retenue par l’amour fraternel, dit Philon, De vita Mosis, l. I, in-fo, Paris, 1640, p. 604, appostée par sa mère, pensent les commentateurs modernes, demeura sur la rive et se tint à quelque distance pour observer et voir ce qu’il adviendrait. Exod., ii, 4. D’après les rabbins, elle attendit ainsi une heure. Talmud de Jérusalem, traité Sota, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 240, 241. Or la fille du Pharaon, nommée Θέρμουθις d’après Josèphe, Ant. jud., I, ix, 5, Μέῤῥις d’après Eusèbe, Præp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729, et Bathya selon les rabbins d’après I Par., iv, 18, vint au fleuve pour se baigner, ou, selon Josèphe, loc. cit., pour s’égayer sur la rive. Suivant Philon, elle était la fille unique du roi. Mariée et sans enfant, elle désirait ardemment un fils. Elle se tenait ordinairement renfermée dans son palais ; mais elle en était sortie ce jour-là pour se baigner avec ses suivantes. Cf. Artapan, dans Eusèbe, Præp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. Pendant que ses dames d’honneur allaient et venaient sur les bords du fleuve, elle aperçut la petite barque au milieu des roseaux ; elle envoya une esclave la prendre et la lui apporter ; l’ouvrant, elle vit un enfant qui vagissait et, émue de compassion à ce spectacle, elle dit : « C’est un enfant des Hébreux. » Exod., ii, 5, 6. Elle reconnut son origine, sinon à la circoncision que pratiquaient les Égyptiens, du moins aux circonstances de la persécution. Philon et Josèphe disent qu’elle fut frappée de la grandeur et de l’élégance de l’enfant. Le premier ajoute qu’elle l’adopta dès lors pour son fils. Mais, parce qu’il n’aurait pas été prudent d’introduire tout de suite à la cour cet enfant hébreu, elle résolut de le faire élever avant de l’amener chez elle. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 5, dit qu’elle fit appeler successivement plusieurs femmes égyptiennes pour l’allaiter, mais que l’enfant refusa leur sein. Marie, sa sœur, intervint alors comme par hasard et proposa de le confier à une femme israélite. Elle alla chercher sa mère, dont l’enfant accepta le sein. Sauf ce détail, qui semble peu
d’accord avec le texte sacré, cette intervention de Marie est racontée dans l’Exode, ii, 7, 8. La fille du roi confia l’enfant à sa mère, comme, s’il lui était étranger ; elle lui recommanda de le nourrir et lui promit un salaire. Cf. Act., vii, 21. La mère prit son fils avec joie et l’éleva. Philon signale le soin mis par la Providence de confier à la famille la première éducation du futur libérateur d’Israël. Voir t. iii, col. 1580. Quand l’enfant fut assez fort, quand il eut trois ans, selon Josèphe, An t. jud., Il, ix, 6, quand il fut sevré, vers trois ou quatre ans, selon Philon et les commentateurs, cf. Gen., xxr, ’8, sa mère le rendit à la fille du roi, qui l’adopta. Exod., ii, 9, 10. L’enfant était plus grand que ne le sont les enfants de son âge ; il était beau et bien fait. La fille du roi, au dire de Philon, avait simulé une grossesse en vue de faire passer son fils adoptif pour son véritable fils. Suivant Josèphe, Ant. jud., Il, ix, 7, elle le présenta à son père, à qui elle le proposa comme son successeur au trône, si elle n’avait pas elle-même de fils. Elle déposa l’enfant dans les bras du roi, qui le serra sur sa poitrine et lui mit son diadème sur la tête. Mais l’enfant jeta bas le diadème royal et le foula aux pieds. Cet acte fut regardé comme un mauvais présage pouf l’Egypte, et un scribe fit une prédiction de malheur. Pour effacer la fâcheuse impression produite sur le roi par ces incidents, Thermutis emporta bien vite son fils adoptif. Ce sont là des fables inventées plus tard par les Juifs.
3° Nom. — En adoptant l’enfant hébreu, la fille du roi lui donna un nom. Elle le nomma ntfa, MôSé/i, « parce que, dit-elle, je l’ai sauvé de l’eau. » Exod., ii, 10. Le récit de l’Exode rattache ainsi le nom de Moïse à la racine hébraïque nuro, mdsdh, employée à la forme hiphil. II Sam., xxii, 17 ; Ps. xviii, 17. Mais les critiques modernes rejettent cette étymologie pour deux raisons : 1° parce que la forme active du nom de Moïse signifie : « sauveur » et non « sauvé » ; 2° parce que la fille du Pharaon, ne parlant pas hébreu, n’a pu donner à ce nom la dérivation et la signification indiquées dans l’Exode. Le nom de Moïse a donc plutôt, selon eux, une origine égyptienne. Les Juifs alexandrins s’en rendaient compte ; aussi ont-ils recherché dans la langue copte l’étymologie de ce nom. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 6, faisait dériver le nom de Moïse de deux mots égyptiens : (tu, signifiant « eau », et ùariç, signifiant « sauvé », et il arrivait ainsi à la signification de l’Exode ; Moïse voulait dire « sauvé des eaux ». Ailleurs, Cont. Apio ?i., 1. I, n. 31, il indique seulement la dérivation de lq’j, « eau », en gardant le même sens - : èx toû uSa-roç (KoGévxa. Philon, De vita Mosis, p. 605, tient le nom de Moïse pour un nom égyptien qui signifie : « sauvé des eaux, » [iw ; désignant l’eau. Cf. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 897 ; Eusèbe, Pr$pp, evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. Eusèbe cite Artapan qui dit que les Juifs appelèrent Mouaaîov celui que la fille du roi avait nommé Mwuuov. Plusieurs savants maintiennent encore cette dérivation et font provenir le nom de ntfD de mu, t. eau, » et de ses, « tirer. » La plupart des égyptologues pensent aujourd’hui que nufn est la transcription hébraïque du mot égyptien mes, ’mesu, qui signifie « enfant » et qui était employé à l’état isolé ou en composition comme dans les noms propres Amosis, Tuthmosis. Ils se demandent seulement si la fille du roi égyptien s’est bornée à appeler son fils adoptif nies, l’enfant, cf. Exod., n, 6, ou si elle avait fait entrer dans son nom celui de quelque divinité égyptienne, qui serait tombé plus tard pour écarter toute allusion idolâtrique du nom du libérateur d’Israël. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 824. — Quoi qu’il en soit de l’étymologie, les Hébreux ont conservé à leurlibérateur le nom égyptien que sa mère d’adoption lui avait donné. On ignore quel nom ses parents lui avaient imposé à la circoncision, et si ce nom était vraiment
Joachim, comme le prétend une tradition juive recueillie par Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 897. Manéthon, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, 26, 28, prétendait que le législateur des Hébreux était un prêtre d’Héliopolis, nommé’Oaapaitf, nom dérivé de la divinité Osiris, et que, changeant son nom, il s’était fait appeler MMÙ’crijç. Manéthon ajoutait, d’ailleurs, que ce prêtre, lépreux lui-même, s’était mis à la tête des lépreux relégués par les Egyptiens et s’était révolté contre l’Egypte. Voir col. 179.
4° Éducation. — La tradition juive, Act., vii, 22, rapporte que Moïse, à la cour royale, fut élevé dans toute la sagesse des Égyptiens, et qu’il était puissant en paroles et en œuvres. Philon, De vita Mosis, i, p. 606, énumère complaisamment les sciences que Moïse aurait étudiées, même la doctrine occulte des Égyptiens, cachée sous les hiéroglyphes, et les sciences des Chaldéens et des Assyriens. Il vante aussi les vertus de ce jeune homme, qui était regardé comme le petit-fils du roi et son successeur, qui demeura chaste et modeste au milieu des richesses et des plaisirs, et qui se conduisait comme un philosophe digne de ce nom. Eupolème, cité par Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900, et par Eusèbe, Preep. evang., ix, 26, t. xxi, col. 728, fait de Moïse un sage, qui le premier connut l’alphabet et la grammaire. Josèphe, Ant. jud., II, ix, 7, ajoute que les Hébreux mettaient en lui leur espérance, tandis que les Égyptiens se tenaient en défiance. Il raconte ensuite, ibid., x, 1, 2, que Moïse fut placé par le roi à la tête de l’armée égyptienne pour marcher contre les Éthiopiens. Les Égyptiens pensaient le faire périr dans cette guerre. Moïse sut habilement garantir son armée contre les morsures des serpents, gagna une bataille et mit le siège devant Saba, qui fut plus tard Méroé. Tarbis, la fille du roi éthiopien, s’éprit d’amour pour lui et lui fit proposer de l’épouser. Moïse accepta sa main et revint victorieux en Egypte. Cf. Artapan, dans Eusèbe, Preep. evang., ix, 27, t. xxi, col. 729. On ne peut faire aucun fonds sur ces renseignements.
5* Fuite au pays de Madian. — Lorsqu’il fut devenu homme, Exod., ii, 11, âgé de 40 ans d’après saint Etienne, Act., vii, 23, Moïse sortit pour visiter ses frères, les fils d’Israël. Le diacre Etienne a compris cette démarche, non pas d’une visite passagère, mais bien d’une résolution définitive de partager leur sort. L’Épltre aux Hébreux, xi, 24-26, célèbre la foi de Moïse qui le pousse à renoncer à l’adoption royale de la fille du Pharaon et à préférer aux richesses et aux plaisirs de la cour l’affliction des siens, dans l’espoir de la récompense divine. Moïse constata l’oppression des Israélites, et Philon ajoute que, ne pouvant empêcher les sévices, il consolait les malheureux opprimés. Ayant vu un Égyptien maltraiter un de ses frères, il le tua et l’ensevelit dans le sable. Eupolème rapporte, d’après les apocryphes, que Moïse tua l’Égyptien Xôya) [lovto, « par sa seule parole, s Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900. Il se croyait seul et sans témoin, quand il accomplit cet homicide, cédant à un mouvement d’indignation que saint Augustin, Cont. Faustum, xxii, 70, t. xlii, col. 444, n’excuse pas complètement. Au jugement de saint Etienne, Act., vii, 24, 25, Moïse, en frappant l’Égyptien oppresseur, pensait que ses frères comprendraient que Dieu voulait les sauver par son moyen ; mais ils ne le comprirent pas. En effet, cet acte de justice avait été remarqué. Moïse le sut le lendemain, quand, s’interposant entre deux Hébreux qui se querellaient, le coupable lui reprocha cette ingérence et lui demanda qui l’avait constitué chef et juge sur eux, ajoutant : « Est-ce que tu veux me tuer comme tu as tué hier l’Égyptien ? » Moïse [eut peur lorsqu’il se vit ainsi découvert. Exod., n, 11-14 ; Act., vii, 2f>28. Le Pharaon, probablement Ramsès TI (voir ce nom), apprit ce qui s’était passé, et il cherchait à faire mourir Moïse. Mais celui-ci se cacha et
s’enfuit au pays de Madian. Philon fait remarquer que le mécontentement du Pharaon ne provenait pas du meurtre accompli, le roi n’ayant pas un si grand respect de la vie de ses sujets, mais il lui déplaisait de constater que son petit-fils et successeur avait, au sujet de l’oppression des Israélites, des sentiments différents des siens. D’ailleurs, les grands du royaume calomnièrent Moïse, qui s’enfuit afin de mettre sa vie en sûreté. Cf. Artapan, dans Eusébe, -Prœp. eucmj7., ix, 27, t.xxi, col. 732. Les rabbins ajoutent d’autres fables et racontent comment Moïse avait été sauvé de l’épée du Pharaon. Selon les uns, l’épée rebondit sur le cou de Moïse et tua par contre-coup le bourreau. Selon d’autres, un ange prit la forme de Moïse et fut arrêté à sa place. Selon d’autres « ncore, tous les hommes du Pharaon devinrent sourds ou muets, ou aveugles, et ne purent renseigner leur maître sur Moïse. Talmud de Jérusalem, traité Berachoth, ix, 2, trad. Schwab, Paris, 1871, t. i, p. 155. Ignorant les mœurs du pays de Madian, il se cacha quelque temps. Fatigué, il s’assit auprès d’un puits, Exod., Il, 15, n’osant pas entrer dans la ville de Madian, malgré la faim qui le tourmentait. Josèphe, Ant. jud., II, xi, 1.
Les sept filles de Raguël ou Jéthro, voir t. iii, col. 15211522, vinrent au puits abreuver les troupeaux de leur père. Des bergers survenant les en empêchèrent. Moïse se levant prit la déiense des bergères et fit boire leurs brebis. De retour chez leur père, elles louèrent la belle conduite de l’Égyptien qui était venu à leur aide. Raguël l’envoya chercher et lui offrit l’hospitalité. Moïse consentit à demeurer avec lui ; il épousa une de ses filles, la plus belle, dit Philon, nommée Séphora. Elle lui donna un fils, qu’il appela Gersam. Exod., H, 16-22. Voirt iii, col. 213. La Vulgate, Exod., Il, 22, mentionne immédiatement après la naissance d’Éliézer, second fils de Moïse ; mais le texte hébreu ne contient pas_ à cet endroit cette mention, qui probablement a été empruntée à Exod., xviii, 4. Si, comme le dit saint Etienne, Act., vii, 30, Moïse passa 40 années au pays de Madian, il faut en conclure qu’il servit Raguël plusieurs années avant d’épouser Séphora ou que celle-ci n’enfanta Gersam qu’après un certain nombre d’années de mariage, puisque Gersam était encore petit enfant quand son père retourna en Egypte. Exod., iv, 20. Moïse eut la garde des troupeaux de son beau-père, et Philon admire dans < ; ette circonstance la sollicitude de la Providence qui faisait ainsi faire à Moïse l’apprentissage du gouvernement des hommes.
II. Mission de Moïse. — 1° Dieu la révèle. — Longtemps après la fuite de Moïse, Exod., ii, 23, après 40 ans, Act., ii, 30, puisque Moïse avait 80 ans quand il se présenta devant le Pharaon, Exod., vii, 7, le roi d’Egypte, dont la fille avait adopté Moïse, mourut. Les Israélites qu’il avait opprimés crièrent vers le ciel, et au souvenir de son alliance avec leurs pères, Dieu eut pitié d’eux. Exod., ii, 23-25. Or, dans ces conjonctures, Moïse, qui faisait paître le troupeau de son beau-père, le conduisit au fond du désert et parvint au mont Horeb. Exod., iii, 1. Voir t. iii, col. 753. Dieu (ou son ange) lui apparut dans un buisson ardent, qui ne se consumait pas. Exod., iii, 2. Voir t. i, col. 1969-1970. Attiré par cette merveille, Moïse s’approcha pour s’en rendre compte ; mais Dieu lui interdit d’avancer plus loin et lui ordonna d’ôler ses sandales, parce que le lieu que ses pieds foulaient était une terre sainte. Exod., iii, 3-5. Dieu se fit connaître à lui comme le Dieu de ses pères, et Moïse se cacha le visage, n’osant regarder le Seigneur. Il lui annonce ensuite qu’il l’a choisi pour délivrer son peuple de l’oppression d’Egypte et pour le conduire au pays des Chananéens. Exod., iii, 6-10 ; Act., vii, 30-35. Moïse décline modestement cet honneur ; mais Dieu lui promet son assistance et l’assure du succès de sa mission, eu lui donnant l’ordre de lui faire offrir, après la déli vrance de son peuple, un sacrifice sur le mont Horeb. Exod., iii, 11, 12. Moïse accepte la mission qui lui est confiée ; mais il demande quel est le nom de ce Dieu qui l’envoie. Dieu lui révèle alors son nom. Exod., iir, 13-15. Voir t. iii, col. 1223-1233. C’est au nom de ce Dieu que Moïse annoncera aux anciens du peuple la mission dont il est chargé. Ils l’écouteront et ils iront avec lui demander, au nom de leur Dieu ? au Pharaon d’aller à trois journées de chemin dans le désert pour offrir un sacrifice. Le Pharaon ne cédera que par la force ; mais Dieu frappera l’Egypte de grands coups. Les Égyptiens laisseront enfin partir les Hébreux et leur feront de grands présents. Exod., iii, 16-22.
Moïse craint de nouveau de ne pas être cru par les siens. Dieu détruit sa résistance par des actes et lui fait produire les signes qui attesteront sa mission divine. La verge qu’il tenait à la main est changée en serpent, à l’aspect duquel Moïse prend la fuite. Dieu lui ordonne de saisir par la queue ce serpent qui redevient verge. La main de Moïse, mise dans son sein, se couvre de lèpre, et remise une seconde fois dans son sein, reprend son état naturel. Si ces deux signes, réalisés sur place, ne suffisent pas à convaincre les Israélites, Dieu dit à Moïse qu’il pourra changer l’eau en sang. Exod., iv, 1-9. Moïse recourt encore à un dernier refuge. If n’a jamais eu de facilité de parler, vraisemblablement par suite d’un défaut naturel qui rend sa langue épaisse (d’après Philon, sa voix était grêle et sa parole lente} ; mais depuis que Dieu converse avec lui, sa langue est encore moins libre et plus empêchée. Dieu lui rappelle sa puissance créatrice et lui promet de l’assister spécialement et de lui apprendre ce qu’il devra dire. Moïse récuse encore la mission et prie Dieu d’en charger un autre. Dieu s’irrite de tant de résistance. Il donne à Moïse un aide. Aaron, son frère, qui est éloquent, viendra à sa rencontre et parlera à. sa place ; il sera auprès du peuple son porte-parole et Moïse lui suggérera ce qu’il devra dire. Enfin, Dieu commande à Moïse d’emporter la verge, avec laquelle il opérera des miracles. Exod., iv, 10-17.
2° Moïse exécute sa mission. — Moïse retourne donc chez son beau-père, et sans lui divulguer la mission divine dont il était chargé, il lui annonce seulement qu’il retourne en Egypte voir si ses frères sont encore en vie. Les rabbins, Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, ix, 1, trad. Schwab, Paris, 1886, t. viii, p. 226, ont conclu que le vœu, fait par Moïse, de demeurer toujours chez Jéthro, avait été annulé pour une cause survenue postérieurement. Jéthro laisse partir son gendre en paix. Moïse prend avec lui Séphora, sa femme, et ses fils, dit le texte actuel ; mais si la naissance d’Éliézer, Exod., ii, 22, est une addition, le récit original n’aurait parlé que de Gersam, et Moïse n’aurait eu alors qu’un fils, le seul mentionné. Exod., iv, 25. La mère et l’enfant étaient sur un âne, et Moïse tenait dans sa main la verge miraculeuse. Au début de son voyage, Dieu. lui prédit l’endurcissement du Pharaon, qui ne sera vaincu que par la mort de son fils aîné. Exod., iv, 18-23. En cours de route survint un incident sur lequel nous ne sommes pas clairement renseignés. Durant une halte de nuit, le Seigneur se jeta sur Moïse pour le tuer. Exod., iv, 24. Le récit biblique ne dit explicitement ni pourquoi ni comment. Mais du contexte on conclut que la menace divine était provoquée par le fait que Gersam n’avait pas été circoncis. Le targum de Jérusalem a imaginé que Jéthro s’était opposé à la circoncision de son petit-fils. Les rabbins ne pouvaient admettre que Moïse ait négligé de remplir ce devoir ; ils ont supposé que son unique tort fut de retarder la circoncision soit avant son départ de Madian, soit à cette halte en remettant l’opératfon au lendemain. Talmud de Jérusalem, traité Nedarim, iii, 10, ibid., p. 187. Séphora comprit la raison du danger que courait son mari ou son enfant, d’après les mêmes
rabbins, et prenant une pierre aiguë, elle circoncit son fils. Puis elle toucha ses pieds. De qui ? De Dieu, ou de son ange, présent sous une forme sensible, suivant le targum d’Onkelos ; mais plutôt ceux de Moïse ou de l’enfant, en faisant toucher, à dessein ou par hasard, du prépuce ou de la pierre ensanglantée les pieds de son mari ou de son fils. Targum de Jérusalem, loc. cit., p. 188. B, Bæntsch, Exodus, Gœttingue, 1903, p. 35, suppose que Moïse n’était pas circoncis (il interprète Jos., v, 9, dans le sens que les Israélites avaient cessé de circoncire leurs enfants pendant leur séjour en Egypte) et que Séphora fit toucher le prépuce de son fils aux pieds (euphémisme pour virilia) de son mari afin de lui appliquer le rite de la circoncision et le mettre à l’abri de la colère divine. Elle expliqua, en effet, son geste par ces paroles : « Vous m’êtes un époux de sang, » et Dieu laissa Moïse, quand elle eut dit ces paroles, à cause de la circoncision accomplie. Exod., iv, 25, 26. Quant à l’expression : « époux de sang, » les rabbins l’entendaient en deux sens différents. Selon une version, Séphora aurait dit à l’ange : « L’époux de sang (mon mari, pour qui j’ai circoncis mon fils et accompli l’alliance de sang), est recherché par loi, laisse-le-moi en vie. n Selon une autre, elle aurait dit à son fils : « Toi circoncis, grâce au sang versé, tu me restes vivant. » Talmud de Jérusalem, loc. cit., p. 187. Le mot arabe, hathan, signifie, en effet, « circoncis. » En outre, la phrase : « Et il le laissa, » qui est généralement entendue de Dieu qui, satisfait, épargna la vie de Moïse, est appliquée dans le Pentateuque samaritain à Moïse qui renvoya Séphora chez son père. Le P. de Hummelauer, Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 63-64, nonobstant la forme masculine du verbe, l’entend de Séphora, qui quitta Moïse. Il veut ainsi rendre compte de l’absence de Séphora dans la suite du récit et de son retour mentionné Exod., xviii, 2.
Cependant Dieu ordonnait à Aaron d’aller à la rencontre de son frère. Aaron vint dans la région de l’Horeb et ayant rencontré Moïse, il le baisa. Moïse lui raconta la mission qu’il avait reçue de Dieu et les miracles qui s’étaient réalisés. Dès lors, Aaron fut le compagnon et l’interprète de son frère. Arrivés ensemble à la terre de Gessen, ils réunirent les anciens. Aaron leur rapporta tout ce que Dieu avait dit à Moïse et fit devant le peuple les miracles qui devaient confirmer la mission reçue. Le p juple crut et comprit que Dieu voulait le délivrer ; aussi tous se prosternèrent-ils devant Moïse et Aaron. Exod., iv, 27-31.
3° Moïse devant le Pharaon. — Reçus par le peuple, Moïse et Aaron remplissent auprès du roi d’Egypte la difficile mission dont Dieu les avait chargés. Au nom du Dieu d’Israël, ils demandent au Pharaon la liberté pour les Israélites d’aller dans le désert offrir un sacrifice. Pharaon, qui ne connaît pas le Dieu d’Israël, refuse l’autorisation demandée. Moïse et Aaron insistent et déclarent qu’ils doivent sacrifier au désert sous peine d’être punis par la peste ou par le glaive. Le roi ne voit dans cette demande qu’un moyen détourné de faire chômer les Israélites ; il congédie brutalement les deux frères et il surcharge les Israélites, exigeant la même quantité de briques, tout en refusant de fournir la paille nécessaire. Voir 1. 1, col. 1933. Les préposés des travaux furent battus de verges, parce que leurs ouvriers n’aboutissaient plus à satisfaire à la tâche imposée. Leurs réclamations ayant été vaines, ils se plaignirent amèrement à Moïse du sort que sa démarche leur avait attiré. Moïse, à son tour, se plaignit à Dieu que son intervention n’ait fait qu’aggraver les maux d’Israël. Exod., v, 1-23. Pour le réconforter, Dieu lui renouvela toutes ses promesses. Exod., vi, 1-8. Voir t. iii, col. 1233. Moïse le rapporta aux Israélites, qui ne l’écoutèrent point, - tant ils étaient accablés par l’angoisse et l’oppression. Exod., vi, 9. Dieu lui ordonna d’aller trouver de nouveau le Pharaon. Moïse,
rejeté par les Israélites, craint que le roi l’écoute moins encore, d’autant que ses lèvres sont incirconcises ; mais Dieu réitère ses ordres, Exod., vi, 10-13, 27-30. Aaron sera le prophète ou l’interprète de son frère. Dieu endurcira le cœur du Pharaon et multipliera les prodiges pour l’amollir. Il n’aboutira que par la sévérité ; mais les Égyptiens sentiront la puissance de son bras. Moïse et Aaron se soumirent aux ordres de Dieu. Moïse avait alors 80 ans. Exod., vit, 1-7. Artapan prétend que Moïse fut mis en prison par le roi d’Egypte, mais qu’il put s’échapper et parvenir auprès du Pharaon endormi. Il l’éveilla et lui dit à l’oreille le nom de Dieu ; le roi tomba aussitôt sans vie ; mais Moïse le ressuscita. Clément d’Alexandrie, Strom., i, 23, t. viii, col. 900-901 ; Eusèbe, Prxp. evang., ix, 27, t. xxi, col. 733.
La suite du récit biblique nous apprend comment Moïse et Aaron remplirent leur mission auprès du Pharaon et par quels signes Dieu triompha de l’endurcissement du roi d’Egypte. Le premier prodige réalisé devant le roi fut le changement de la verge en serpent. C’est par la main d’Aaron qu’il eut lieu. Le Pharaon appela des sages et des magiciens, qui par leurs enchantements et les secrets de leur art changèrent, eux aussi, des verges en serpents. Voir t. ii, col. 1444, 1445 ; t. iv, col. 564. La tradition juive a conservé les noms de deux de ces magiciens, Jannès et Mambrès. II Tim., iii, 8. Voir t. iii, col. 1119 ; t. iv, col. 635-636. Ce prestige endurcit le cœur du roi, qui resta insensible à la demande de Moïse et d’Aaron. Exod., vii, 8-13. Alors Dieu résolut de trapper de plus grands coups, et le récit sacré rapporte dix miracles successifs, connus sous le nom de « plaies d’Egypte ». Ces événements, quoique conformes à des phénomènes naturels à l’Egypte, sont miraculeux et sont présentés comme des fléaux ou des calamités publiques. Même ceux qui rentrent dans la catégorie des faits qui se produisent tous les ans en Egypte apparaissent comme des prodiges divins par leur caractère extraordinaire ; ils ont lieu aussi au moment choisi et annoncé par Dieu. Ils ont toujours été considérés dans la Bible comme de véritables miracles de Dieu. Deut, vi, 22 ; vii, 18-20 ; xi, 3 ; xxix, 2-4 ; xxxiv, 11 ; Jos., xxiv, 5 ; Ps. civ, 26-38 ; cv, 12, 21-23 ; Act., vii, 36. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. ii, p. 305-313. On peut les partager en deux groupes : les uns sont des actes de vengeance ou des représailles par lesquels Dieu punit sévèrement le refus de laisser partir son peuple ; les autres sont plutôt des prodiges, des signes, par lesquels Moïse et Aaron légitiment leur mission divine, et que les magiciens ne peuvent imiter. C’est ou bien Aaron sur l’ordre de Moïse, ou bien Moïse sur l’ordre de Dieu, ou bien Dieu lui-même qui les accomplissent tour à tour. Les deux premiers sont imités par les magiciens, dont l’art est impuissant à reproduire le troisième. Ils sont aussi gradués et deviennent de plus en plus forts. Les trois premiers s’étendent à toute l’Egypte ; les suivants épargnent les Israélites. Les uns sont annoncés ; les autres arrivent soudain et sans avertissement préalable. L’ensemble constitue entre Dieu et le Pharaon un combat, dans lequel se manifeste la toute-puissance divine sur la nature entière. L’impression produite va aussi croissant : si les premiers prodiges laissent le roi insensible, les autres l’ébranlent, l’épouvantent et le dernier le terrifie et le fait céder, de sorte que le triomphe reste à Dieu.
1. La première plaie est celle de l’eau changée en sang. Elle a pour but d’amollir le cœur du roi et elle doit être annoncée au roi comme une preuve de la divinité du Dieu des Hébreux. Elle est opérée par la verge de Moïse et d’Aaron et elle a pour effet que l’eau du Nil et de ses bras, des canaux, des marais et dés réservoirs est changée en sang dans toute l’Egypte. Il ne s’agit pas
! du phénomène annuel, connu sous le nom de « Nil
rouge », voir Nil, mais du changement réel de l’eau en
sang vérilable. La simple coloration rouge ne serait un miracle qu’autant qu’elle aurait eu lieu à une époque différente de celle où les eaux du Nil deviennent naturellement rouges. D’ailleurs, l’eau ainsi changée fit périr lea poissons et cessa d’être potable non seulement dans le fleuve lui-même et ses canaux, mais encore dans les étangs et réservoirs de l’Egypte entière. Ces effets n’arrivent pas dans le phénomène du Nil rouge. Les magiciens imitèrent ce prodige par leurs enchantements, et le Pharaon ne fut pas touché. Il rentra dans son palais sans avoir accordé à Moïse ce qu’il demandait. Exod., vu, 14-24. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 314-322.
2. Sept jours après, Exod., vii, 25, Dieu fit annoncer par Moïse au Pharaon que, s’il ne laissait pas partir le peuple d’Israël, tout son empire serait envahi par des grenouilles qui, sortant du Nil, pénétreraient partout, même dans les maisons, et souilleraient le pain et les viandes. L’événement se réalisa comme il avait été prédit. Les magiciens imitèrent le prodige opéré par Aaron ; mais leur contrefaçon ne fit qu’aggraver le fléau. Le Pharaon dut recourir à l’intercession de Moïse et d’Aaron pour faire cesser la plaie. À l’heure fixée par le roi et sur la prière de Moïse, les grenouilles périrent. Pharaon, délivré de ce fléau, n’accorda pas à Moïse l’objet de sa demande. Exod., viii, 1-15. Voir t. iii, col. 347-348 ; F. Vigouroux, loc. cit., p. 323-325.
3. La troisième plaie, dont Dieu frappa l’Egypte pour vaincre l’obstination du roi, fut l’invasion des moustiques. Voir ce nom. Les magiciens ne purent imiter ce prodige et reconnurent son caractère divin. Exod., viii, 19 ; Vigouroux, loc. cit., p. 325-327.
4. Le Pharaon, ne cédant pas, attira sur son royaume un quatrième fléau, qui lui fut annoncé ; c’est celui des mouches (voir ce nom), qui couvrirent l’Egypte entière à l’exception de la terre de Gessen où habitaient les Israélites. L’événement se réalisa au lendemain de sa prédiction. Le Pharaon épouvanté permit à Moïse d’offrir à Dieu le sacrifice qu’il réclamait, mais sur la terre d’Egypte. Moïse refusa la transaction proposée et réitéra sa demande d’aller dans le désert à trois jours de marche. Le Pharaon céda et réclama l’intercession de Moïse. Celui-ci pria le Seigneur et le lendemain les mouches disparurent de l’Egypte. Mais le roi revint sur la parole donnée et ne permit plus aux Israélites de partir. Exod., vm, 20-32 ; F. Vigouroux, loc. cit., p. 327-328.
5. Un cinquième fléau, la peste des animaux, fut annoncé au roi pour l’amener à changer de résolution. Le lendemain de cette prédiction, les bestiaux de l’Egypte périrent, mais pas ceux des Israélites, Le prodige constaté ne suffit pas encore à vaincre la résistance du Pharaon. Exod., IX, 1-7.
6. Une représaille divine vint punir l’endurcissement royal. Une poignée de cendre, jetée en l’air par Moïse devant Pharaon, produisit des ulcères chez les hommes et les animaux ; le mal atteignit les magiciens eux-mêmes. Mais le cœur du roi demeura dur et insensible. Exod., ix, 8-12. C’est pourquoi Dieu résolut de frapper de plus grands coups.
7. Il fit annoncer par Moïse au Pharaon une grêle extraordinaire qui tuerait les hommes et les bêtes restés dans les champs. Les Égyptiens qui tinrent compte de la menace divine firent rentrer chez eux leurs serviteurs et leurs bestiaux ; les autres les laissèrent à la campagtfe. Moïse ayant levé sa verge vers le ciel, il tomba sur toute l’Egypte une grêle, accompagnée d’éclairs et de coups de tonnerre, telle qu’on n’avait jamais vu la pareille dans le pays, ou elle est rare et bénigne. L’orge et le lin furent ainsi détruits ; mais le froment et l’épeautre, qui étaient plus tardifs, ne furent pas hachés. La terre de Gessen fut entièrement épargnée. Voir t. iii, col. 336-337. Le Pharaon reconnut sa faute et supplia Moïse et Aaron d’intercéder auprès de Dieu pour obtenir la cessation de l’orage.
Mais quand ses vœux furent exaucés, il oublia sa promesse et refusa encore de laisser partir les Israélites. Exod., ix, 13-35, Sur ces trois dernières plaies, voir Vigouroux, loc. cit., p. 329-333.
8. Pour vaincre l’obstination du roi et manifester de plus en plus sa puissance, Dieu augmenta les coups de sa vengeance et envoya les sauterelles (voir ce mot) ravager le reste des récoltes que la grêle avait épargné. Cette huitième plaie fut annoncée à Pharaon pour le lendemain, s’il ne cédait pas. Sur les instances des grands de sa cour le roi consentait à laisser partir les hommes seulement pour offrir à Dieu dans le désert le sacrifice demandé ; mais les femmes, les enfants et les troupeaux devaient rester en Egypte. Moïse n’accepta pas ces conditions ; il fut congédié brutalement, mais aussitôt il étendit sa main et sa verge sur l’Egypte. Dieu fit souffler un vent d’est, qui souleva des essaims considérables de sauterelles, en quantité telle qu’on n’avait jamais vu une pareille invasion. Elles ravagèrent tout le pays. À la vue du désastre, le Pharaon reconnut de nouveau ses torts et pria Moïse d’intercéder encore. Dieu fit lever un vent d’ouest qui enleva les sauterelles et les jeta dans la mer Rouge. Le Pharaon, toujours endurci, refusa de laisser partir les Israélites. Exod., x, 1-20 ; voir Vigouroux, loc. cit., p. 334-340.
9. Par représailles, Dieu répandit sur l’Egypte pendant trois jours des ténèbres si épaisses qu’on pouvait les toucher, tandis que le soleil continuait à luire au pays occupé par les Israélites. Pharaon fit alors de plus larges concessions ; il ne retenait plus que les troupeaux. Moïse refusa, puisqu’il fallait des animaux pour le sacrifice. Le Pharaon persista dans son refus, et défendit à Moïse de reparaître devant lui. Exod, x, 21-29 ; voir Vigouroux, loc. cit., p. 341-347. Moïse déclara fièrement qu’il ne reviendrait plus et sortit du palais en colère. Exod., xi, 9.
10. Une dernière plaie, plus terrible que les précédentes, devait vaincre l’obstination du roi. Dieu l’annonce à Moïse, qui recommandera aux Israélites de demander aux Égyptiens des vases d’or et d’argent. Le coup décisif sera la mort de tous les premiers-nés des hommes et des animaux durant la même nuit. Alors les Égyptiens supplieront les Israélites de partir. Exod., xi, 1-8. Dieu institua à qe moment les rites tant de la première Pàque que de sa célébration annuelle à l’avenir, Exod., xii, 1-20, voir Pâque, el Moïse communiqua aux anciens du peuple les ordres de Dieu. Exod., xii, 21-27. Les Israélites célébrèrent la première Pâque. Or il arriva qu’au milieu de la nuit le Seigneur fit mourir tous les premiers-nés d’Egypte, de sorte qu’il n’y avait aucune maison où il n’y eût un mort. Un cri de terreur s’éleva dans tout le pays, et le Pharaon, ayant fait appeler Moïse et Aaron cette nuit même, leur ordonna de partir et d’emmener même les troupeaux. Les Égyptiens pressaient les Israélites de s’éloigner au plus vite, et ils leur donnèrent de bon cœur des vases d’or et d’argent et beaucoup de vêtements. Exod., xii, 28-36.
4° Sortie d’Egypte. — Après un séjour de 430 ans en Egypte, les Israélites quittèrent ce pays ; ils partirent de Bamessés et vinrent à Socoth, où ils firent cuire la pâte non levée qu’ils avaient emportée. Exod., xii, 37-41. C’est à cette occasion que fut instituée la fête de la Pàque, Heb., xi, 28, et que Dieu exigea la consécration des premiers-nés d’Israël. Exod., xii, 42-xm, 16. Les rabbins prétendaient que la voix de Moïse, lorsqu’il promulgua l’immolation de l’agneau pascal, fut entendue dans toute l’Egypte, longue de 40 jours de marche, comme celle de Pharaon, autorisant le départ des Israélites. Talmud de Jérusalem, traité Pesahim, v, 5, trad. Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 76. Moïse emportait les ossements de Joseph pour se conformer à la recommandation de ce patriarche. Exod., xiii, 19. Les Israélites, guidés par la nuée lumineuse, se dirigèrent vers la mer
Rouge et de Socoth vinrent camper à Etham.Exod., xiii, 17-22. Moïse reçut de Dieu l’ordre de changer la direction de sa marche et d’aller vers la pointe septentrionale de la mer Rouge. Le Pharaon (voir Mènephtah, col. 965), se repentant d’avoir laissé partir les Israélites, les poursuivit avec son armée. Il les rejoignit à Phihahiroth, en face de Béelséphon. Se voyant serrés de près par les Égyptiens, les Israélites se plaignirent à Moïse, qui leur rendit confiance en leur annonçant la miraculeuse protection de Dieu. Exod., xiv, 1-14. Cf. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, ii, 6, trad. Schwab, Paris, 1883, p. 158. Dieu, en effet, donna ses ordres à Moïse et lui communiqua son plan de faire passer aux Israélites la mer Rouge à pied sec et d’y engloutir l’armée égyptienne. Exod., xiv, 15-18. Protégés par l’ange du Seigneur, qui se tenait à l’arrière du camp, les Israélites passèrent la mer, entrouverte sur un geste de Moïse, mais les Égyptiens périrent au milieu des flots qui se rejoignirent. À la vue de cet éclatant prodige, les Israélites eurent confiance en Dieu et en Moïse, son serviteur. Exod., xiv, 19-31. Voir Rouge (Mer). Michée, vi, 4, reconnaît Moïse, Aaron et Marie comme les libérateurs d’Israël et ses guides dans la sortie d’Egypte. Le passage de la mer Rouge est resté dans la tradition juive comme un des bienfaits les plus signalés de Dieu à l’égard de son peuple. Josué, xxiv, 6, 7 ; Deut., xi, 4 ; Ps. lxxvi, 17-21 ; civ, 39 ; cv, 7-12 ; Is., lxiii, 11-13 ; I Cor., x, 2 ; Heb., xi, 29. Moïse entonna un cantique d’action de grâces, que les Israélites chantèrent avec lui, Exod., XV, 1-21. Les rabbinsont imaginé des circontances extraordinaires sur la manière dont le chant de ce cantique fut exécuté, et ils ont prétendu que les enfants, sur les genoux ou dans le sein même de leurs mères, ont pris part à ce chant. Talmud de Jérusalem, traité Sota, v, 4, trad. Schwab, Paris, 1885, p. 287-288.
III. Moïse, chef et législateur d’Israël dans le désert. — 1° De la mer Rouge au Sinaï. — Des rives de la mer Rouge, Moïse conduisit les Israélites dans le désert de Sur, où ils marchèrent trois jours sans trouver d’eau. Quand ils rencontrèrent une source, ils n’en purent pas boire parce qu’elle était amère ; aussi appelérent-ils ce lieu Mara. Le peuple murmura contre Moïse qui, au moyen d’un bois, adoucit miraculeusement les eaux et les rendit potables. Dieu éprouvait ainsi les siens, et il leur donna cette leçon que, s’ils lui obéissent et lui sont fidèles, ils n’ont rien à redouter. Exod., xv, 22-26. Voir col. 707-711. La station suivante fut à Élim. Exod., xv, 27. Voir t. ii, col. 1680-1683. Dans le désert de Sin, le peuple murmura de nouveau contre Moïse .et Aaron ; il regrettait les viandes d’Egypte et craignait de mourir de faim dans la solitude. Dieu lui promit un pain du ciel et de la viande à satiété. Le soir même, une quantité de cailles couvrirent le camp. Voir t. ii, col. 33-37. Le lendemain matin, il y eut tout autour du campement une couche de rosée, qui fut appelée manne et qui servit de nourriture aux Israélites durant tout leur séjour au désert. Exod., xvi, 1-31. Voir col. 656^63. Cf. Ps. civ, 41 ; cv, 13-15 ; Joa., vi, 32 ; I Cor., x, 3. À Raphidim, il n’y avait pas d’eau. De nouveaux murmures s’élevèrent encore contre Moïse qui, craignant d’être lapidé, eut recours au Seigneur. Le rocher d’Horeb, frappé par la verge de Moïse, donna de l’eau en abondance. Exod., xvii, 1-7. Cf. Deut., vi, 16 ; Ps. lxxyii, 15, 16 ; cxiii, 8 ; I Cor., x, 4, Les Amalécites attaquèrent les Israélites à Raphidim. Tandis que Josué combattait dans la plaine, Moïse priait sur la montagne. Tant que ses mains étaient élevées, Israël était victorieux ; quand, vaincu par la fatigue, il les abaissait, Amalec avait l’avantage. Aaron et Hur firent donc asseoir Moïse sur une pierre et lui soutinrent les mains des deux côtés. La victoire fut complète au coucher du soleil. Moïse en écrivit le récit et dressa un autel comme mémorial éternel. Exod., xvii, 8-16. Cf.
Judith, iv, 13. Voir t. i, col. 430. Cf. Talmud de Jérusalem, traité Rosch haschana, iii, 8, trad. Schwab, Paris, 1883, t. v, p. 90-M.
Jéthro, ayant appris l’exode des Israélites, ramena à Moïse Séphora et ses deux fils. Si Gersam seul était primitivement mentionné, Exod., ii, 21 ; iv, 20, il faudrait conclure qu’Éliézer est né après le départ de son père. F. de Hummelauer, Exodus et Leviticus, p. 184. Moïse prévenu alla à la rencontre de son beau-père, le salua et le baisa. Il lui raconta ce que Dieu avait fait pour Israël en Egypte ; Jéthro en bénit Dieu à qui il offrit des sacrifices. Le lendemain, Moïse s’assit pour rendre la justice et il y fut occupé du matin au soir. Jéthro s’étonne que Moïse seul remplisse la fonction de juge. En vain, Moïse allègue-t-il que le peuple le consulte et qu’il lui apprend les ordonnances de Dieu. Jéthro conseille à son gendre d’établir des juges pour le règlement des affaires courantes et de se réserver les questions religieuses. Moïse suit ce conseil et établit des juges et des chets en Israël. Exod., xviii, 1-27 ; Deut., i, 12-18. Voir t. iii, col. 1522-1523.
2° Au pied du Sinaï. — Le troisième mois après l’exode, les Israélites arrivèrent au pied du Sinaï et y dressèrent leurs tentes. Dieu appela Moïse du sommet de la montagne et le chargea de proposer au peuple une alliance spéciale. Le peuple accepta les propositions divines. Après trois jours de préparation, le Seigneur se manifesta au milieu des éclairs et du tonnerre, et dans cet appareil saisissant, il promulgua les conditions do l’alliance, le décalogue et un code spécial, nommé le livre de l’alliance. Exod., xix, 1-xxm, 33. Cf. Deut., i, 6 ; iii, 10-19, 33, 36 ; v, 5-22 ; Act., vil, 38 ; Heb., xii, 21. Voir t. i, col. 388. Moïse servait d’intermédiaire entre Dieu et son peuple. Deut., v, 23-31. L’alliance fut conclue par l’engagement du peuple à observer toutes les ordonnances divines et par un sacrifice solennel. Moïse lut le livre de l’alliance et il répandit sur le peuple la moitié du sang versé. Dieu se manifesta à Moïse et aux anciens. Exod., xxiv, 1-11. Moïse monta ensuite seul au sommet du Sinaï et y passa quarante jours et quarante nuits, Exod., xxiv, 12-18, durant lesquels il ne prit aucune nourriture. Deut., ix, 9. Dans cet intervalle de temps, Dieu communiqua à Moïse une série d’ordonnances sur les objets du culte et les vêtements sacerdotaux. Exod., xxv, 1-xxxi, 17. En le congédiant, il lui remit les deux tables de la loi, écrites de sa main. Exod., xxxi, 18.
Pendant le long séjour de Moïse sur le Sinaï, le peuple, ignorant ce qui lui était advenu, pria Aaron de lui fabriquer des dieux, une idole, et Aaron leur fit un veau d’or. Il éleva un autel et annonça pour le lendemain une grande solennité. Dieu avertit Moïse de cette apostasie, qu’il voulait punir par l’extermination des coupables. Moïse s’interposa et calma la colère de Dieu, en lui rappelant ses antiques promesses. Il descendit de la montagne avec les tables de la loi. Josué, entendant les cris du peuple, crut aux clameurs d’une bataille ; mais Moïse, mieux au courant, discernait le bruit des chœurs. En approchant du camp, il vit le veau d’or et les Israélites qui dansaient tout autour. Entrant alors dans une grande colère, il jeta les tables de l’alliance qu’il tenait à la main, et les brisa au pied de la montagne. Exod., xxxii, 1-19. Cf. Deut., ix, 8-21 ; Ps. cv, 19-23 ; Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 5, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 184-185. Saisissant ensuite le veau d’or, il le fit fondre au feu et le réduisit en poudre ; il jeta cette poudre dans l’eau et la fit boire aux Israélites. Il adressa des reproches à Aaron. Comme le peuple était désarmé, il rassembla tous ceux qui étaient demeurés fidèles au Seigneur. C’était la tribu de Lévi. Moïse ordonna aux fils de Lévi de tuer les coupables, qui périrent au nombre de 23000 hommes, ou 3000 seulement, selon le texte hébreu. Moïse promit aux fils de Lévi une bénédiction lâôi
MOÏSE
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spéciale en récompense de leur fidélité et de leur courage. Exod., xxxii, 20-29. Voir col. 202.
Le lendemain, Moïse reprocha au peuple son crime et s’engagea à en obtenir de Dieu le pardon. Étant remonté vers le Seigneur, il sollicita l’oubli de la faute, préférant plutôt être effacé du livre des vivants. Le Seigneur promit à Moïse son assistance pour l’accomplissement de sa mission, mais refusa de pardonner aux coupables. Exod., xxxii, 30-35. Il tiendra ses promesses, mais il menace d’abandonner son peuple. Celui-ci se mit à pleurer. Dieu exigea la continuation du deuil. Moïse transporta sa tente hors du camp, où le peuple allait le consulter et où Dieu se manifestait à Moïse face à face. Exod., xxxiii, 1-11. (Ce récit est enchevêtré.) Moïse intervient de nouveau auprès de Dieu et le supplie dé ne pas l’abandonner et de l’aider dans l’accomplissement de sa mission. Dieu cède à sa sollicitation et lui révèle sa gloire comme preuve qu’il le protège et qu’il ne délaisse pas son peuple. Exod., xxxiii, 12-23. Voir t. iii, col. 251.
Après avoir ainsi rendu sa grâce à son peuple coupable, Dieu voulut renouveler l’alliance violée par l’adoration du veau d’or. Il dit à Moïse de tailler deux tables de pierre pareilles aux premières et de monter seul le lendemain matin auprès de lui. Moïse obéit à son ordre et monta avec les deux tables. Exod., xxxiv, 1-4. Unrabbin a imaginé que Moïse s’était enrichi par les déchets de ces tables, taillées dans des matériaux fort précieux. Mais un autre rabbin expliquait autrement la richesse de Moïse ; il disait que Dieu lui découvrit dans sa tente une mine de pierres précieuses et de perles. Talmud de Jérusalem, traité Scheqalim, v, 2, trad. Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 295. Dieu descendit dans la nuée, et Moïse le priait humblement d’effacer les iniquités de son peuple. Dieu renouvela ses promesses, promulgua de nouveau le décalogue et résuma les ordonnances du culte qu’il imposait. Exod., xxxiv, 5-26. Moïse écrivit ces parolesde l’alliance et demeura surleSinaï quarante jours et quarante nuits sans manger ni boire. Exod, , xxxiv, 27, 28 ; Deut., ix, 18, 25 ; x, 10. Il descendit de la montagne avec les deux tables écrites de sa main. Des rayons de lumière partaient de son visage, depuis qu’il s’était entretenu avec Dieu, et il l’ignorait. Aaron et les anciens d’Israël n’osaient l’approcher. Moïse les convoqua avec le peuple et leur communiqua les ordres qu’il avait reçus de Dieu. Moïse couvrit ensuite son visage d’un voile, qu’il enlevait pour parler à Dieu et qu’il remettait pour converser avec les Israélites. Exod., xxxiv, 29-35. Cf. II Cor., lu, 7, 13-16. La Vulgate disant que Moïse était cornutus, on a pris l’habitude de le représenter avec des cornes sur le front, en donnant à ce mot un sens qu’il n’a pas. Moïse renouvela les prescriptions relatives au tabernacle, aux vases sacrés et aux vêtements sacerdotaux. Les Israélites offrirent volontairement et surabondamment les matériaux nécessaires que des ouvriers habiles mirent en œuvre. Exod., xxxv, 4-xxxix, 42. <Juand tout fut achevé, Moïse bénit le peuple. Exod., xxxix, 43. Dieu lui donna ensuite ses ordres pour la -consécration du tabernacle et des prêtres. Moïse les « xécuta fidèlement, érigea le tabernacle, le plaça dans l’arche, disposa tous les instruments du culte, et Dieu vint habiter le tabernacle. Exod., XL, 1-36. De ce tabernacle, Dieu promulgua les lois sur les sacrifices. Lev., i-vn. Il régla aussi ce qui concernait la consécration d’Aaron et de ses fils. Moïse leur imposa les vêtements sacrés, oignit Aaron, Eccli., xlv, 18, et tous les objets du culte, et offrit un triple sacrifice pour la consécration des prêtres. Il ordonna enfin à ces derniers de demeurer dans le tabernacle pendant sept jours. Lev., vm. Le huitième jour, les prêtres inaugurèrent leurs fonctions. Lev., ix. Les deux fils aines d’Aaron, Nadab et Ahiu, furent dévorés par le feu pour avoir mis un feu profane dans leurs encensoirs. Moïse fit porter leurs cadavres ihors du camp et dél’endi de prendre le deuil. Lev., x,
1-7. Dieu promulgua â Moïse et à Aaron les lois relatives à la pureté. Lev., xi-xv. Il communiqua à Moïse seul les rites de la fête de l’expiation, Lev., xvi, voir t. H, col. 2136-2139, les lois de la sainteté, Lev., xvii-xxvi, et quelques autres lois. Lev., xxvii. Les rabbins concluent de Lev., xxiii, 44, que Moïse institua parmi les Israélites l’usage de lire le Pentateuqué, les samedis, jours de fêtes, néoménies et jours de demi-fêtes, Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, iv, 1, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 247.
Le premier jour du second mois de la deuxième année après l’exode, Dieu ordonna à Moïse de faire le dénombrement du peuple, tribu par tribu, sauf celle de Lévi. Num., i. Sur le procédé suivi par Moïse dans ce dénombrement selon les rabbins, voir Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin, i, 4, trad. Schwab, Paris, 1888, t. x, p. 241-243. Dieu régla aussi l’ordre des campements et des marches. Num., Ji. Il associa les lévites aux prêtres, en ordonna le dénombrement et détermina leurs fonctions propres. Num., iii, 5-iv, 49. Voir col. 205-207. Diverses lois particulières furent encore promulguées. Num., v, vi. Les chefs des douze tribus firent des offrandes au tabernacle. Num., vii, 1-88. Quand Moïse entrait dans le tabernacle, il entendait la voix de Dieu qui lui parlait du propitiatoire. Num., vii, 89. Il lui indiqua à quelle place il fallait mettre le candélabre et lui décriait les rites de la consécration des lévites, et fixa la durée de leur ministère. Num., vin. Quand l’époque de la célébration de la seconde Pâque fut venue, Dieu renouvela ses ordonnances relatives à cette fête et régla quelques particularités de la solennité. Num., IX, 1-14. Il détermina aussi les signaux du départ et de l’arrêt dans les campements. Num., ix, 15-x, 10.
3° Les campements dans le désert, — Le vingtième jour du même mois, les Israélites quittèrent le Sinaï et vinrent camper au désert de Pharan. Num., x, 11-28. Moïse invita Hobab à s’associer au peuple d’Israël et à lui servir de guide dans le désert. Num., X, 29-32. Voir t. iii, col. 725-726. Pendant trois jours, les Israélites marchèrent guidés par l’arche, et Moïse priait au départ et à la halte. Num.. x, 33-36. Le peuple fatigué de la marché s’irrita contre le Seigneur, qui mit le feu à l’extrémité du camp. Deut., IX, 22. Il recourut à Moïse, qui intercéda pour lui auprès du Seigneur, et le feu s’éteignit. Num., xi, 1-3. La troupe des Égyptiens qui s’était jointe aux Israélites se dégoûta de la manne et se prit à regretter les viandes de son pays. Elle entraîna Israël dans sa convoitise. Moïse entendant les pleurs de ses frères se plaignit vivement au Seigneur irrité, préférant la mort à la lourde charge qu’il lui avait imposée. Dieu fit convoquer soixante-dix anciens et annoncer au peuple pour le lendemain la viande nécessaire à l’alimentation de tous pendant un mois entier. Pour vaincre l’incrédulité de Moïse, il lui assura que sa parole est toute-puissante ; Moïse convaincu fit choisir soixante-dix anciens et les plaça auprès du tabernacle ; Dieu leur communiqua une part de l’esprit qu’il lui avait donné à lui-même. Moïse ne fut pas jaloux des dons prophétiques faits à Eldad et Médad, et il répondit à Josué que son désir était de voir le peuple entier prophétiser. Num., xi, 4-30. Des cailles vinrent une seconde fois rassasier le peuple, qui fut puni de sa gourmandise. Num., xi, 31-34 ; Deut., ix, 22 ; Ps. lxxviii, 25-31. Voir t. ii, col. 33-34.
Marie et Aaron eux-mêmes parlèrent contre Moïse à cause de sa femme qui était Éthiopienne. Les commentateurs se sont demandé quelle était cette femme éthiopienne de Moïse. Quelques-uns ont cru qu’après la mort de Séphora, Moïse avait réellement épousé au désert une autre femme d’origine éthiopienne, et ils ont rapporté à ce mariage la légende de Moïse ayant, d’après Josèphe, Ant. jud., X, ii, pris pour femme la fille du roi d’Ethiopie. Voir t. ii, col. 2013-2014. Mais
on comprendrait difficilement que Moïse, au lieu de choisir une femme de son peuple, ait pris une étrangère. Aussi d’autres commentateurs pensent-ils que cette femme est la Madianite Séphora, naguère ramenée au camp par Jéthro. Ils estiment ou que le nom de « Couschite » pouvait désigner une Madianite, ou que Séphora avait des Éthiopiens parmi ses ancêtres, et ils supposent que cette femme ayant pris de l’influence et de l’autorité sur Moïse, Marie et Aaron en conçurent de la jalousie et firent ressortir qu’eux aussi avaient reçu des oracles divins. Moïse, qui était le plus doux des hommes, ne vengea pas son autorité contestée ; mais Dieu intervint, affirma la supériorité de Moïse, à qui il parlait face à face, et punit Marie de la lèpre. Aaron avoua sa faute, et Moïse intercéda pour sa sœur. Mais Dieu voulut que Marie, comme lépreuse, demeurât sept jours hors du camp. Num., xii, 1-15. Voir col. 776-777.
Au désert de Pharan, Dieu ordonna à Moïse d’envoyer en Chanaan des explorateurs constater les forces et les richessesdupays.Auboutdequarantejours ils revinrentà Cadès et rendirent au peuple rassemblé compte de leur voyage. Si le pays était riche, il était occupé par de fortes races. Aussi la foule commença-t-elle à murmurer contre Moïse. Caleb essaya en vain de la calmer. Les autres explorateurs exagérèrent la taille et la puissance des Çhananéens. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 5, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 187-188. Le peuple se mit à crier et pleura toute la nuit. Il se révolta contre Moïse et Aaron, et voulut se donner d’autres chefs pour retourner en Egypte, Moïse et Aaron se prosternèrent devant lui, Cabeb et Josué tentèrent de calmer son effervescence ; ils auraient été lapidés, si Dieu ne s’était montré dans sa gloire. Le Seigneur irrité voulait faire périr tous les rebelles. Moïse intercéda pour Israël coupable ; il fit appel à l’honneur de Dieu qui serait compromis aux yeux des païens par la mort de son peuple de choix ; il en appela aussi à sa miséricorde. Dieu mitigea sa sentence de mort et décida que tous les Israélites murmurateurs, depuis l’âge de vingt ans, sauf Caleb et Josué, mourraient dans le désert et n’entreraient pas dans la Terre Promise. Leurs enfants seuls y pénétreront après 40 années de vie errante dans le désert. Les explorateurs coupables moururent, frappés par le Seigneur, et le peuple reçut avec douleur la sentence qui le condamnait. Num., xiii, 1-xiv, 39 ; Deut., i, 19-45 ; Ps. cv, 24-27 ; Heb., iii, 8-10, 15-19. Voir t. ii, col. 57. Le lendemain, malgré les remontrances de Moïse, les Israélites tentèrent d’avancer vers le pays de Chanaan et attaquèrent les Amalécites et les Çhananéens. Moïse et l’arche n’allèrent pas au combat, et les Israélites furent battus et repoussés. Num., xiv, 40-45.
Dieu communiqua alors à Moïse de nouvelles lois.Num., xv. Survint bientôt la révolte de Coré, de Dathan et d’Abiron. Les révoltés rejetaient l’autorité de Moïse et d’Aaron. Moïse en appela au jugement de Dieu. Dathan et Abiron refusèrent de s’y rendre. Moïse irrité supplia Dieu de ne pas agréer leurs sacrifices. Coré et’sa troupe de lévites se présentèrent avec leurs encensoirs. Dieu ordonna au peuple de se séparer de Dathan et d’Abiron, qui furent engloutis en terre avec leurs familles et leurs biens, parce qu’ils avaient blasphémé contre le Seigneur. Les lévites furent brûlés dans le feu, et leurs encensoirs furent réduits en lames, qui demeurèrent attachées à l’autel comme un monument de la vengeance divine. Num., xvi, 1-40 ; Deut., xi, 6 ; Ps. cv, 16-18. Voir t. ii, col. 969-972. Cf. Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin, x, 1, trad. Schwab, Paris, 1889, t. xi, p. 42-43. Le lendemain, le peuple murmura contre cette punition et reprocha à Moïse et à Aaron de faire périr le peuple de Dieu. Moïse et Aaron s’enfuirent au tabernacle, et aussitôt la gloire du Seigneur s’y manifesta. Dieu était décidé à exterminer le peuple entier que déjà le feu dévorait ; mais Moïse envoya Aaron avec son encensoir
se placer entre les vivants et les morts et grâce à cette intervention, le châtiment cessa, après avoir atteint 14700 hommes. Num., xvi, 41-50. Dieu confirma encore l’honneur sacerdotal d’Aaron par le miracle de sa verge fleurie. Num., xvii. Voir t. i, col. 7-8. Il régla alors les droits et les devoirs des prêtres et des lévites, Num., xviii, ainsi que la manière de se purifier de l’impureté contractée au contact d’un cadavre. Num.,
XIX.
Ces événements s’étaient produits à Cadès. Voir t. ii, col.13-22. Les Israélites y demeurèrent longtemps. Deut., i, 46. Comme ils y manquaient d’eau, ils se mutinèrent de nouveau contre Moïse et Aaron, qui supplièrent leSeigneur de désaltérer son peuple. Dieu ordonna à Moïse de frapper le rocher, de sa verge miraculeuse, devant le peuple assemblé. Moïse interpella les rebelles et levant la main, frappa deux fois de sa verge le rocher. Il en sortit une grande abondance d’eau. Dieu cependant reprocha à Moïse et à Aaron de n’a voir pas eu en lui assez de confiance pour le glorifier devant le peuple, et en punition de ce manque de confiance, il déclara qu’ils n’introduiraient pas eux-mêmes les Israélites dans la terre de Chanaan. Num., xx, 2-12 ; Deut., xxxii, 51. En quoi a consisté leur faute ? Est-ce parce que Moïse a frappé deux fois le rocher, comme si un seul coup n’eût pas suffi ? H semble plutôt que son discours, Num., xx, 10 ; trahit quelque défiance, non pas sans doute à l’égard de la toute-puissance divine, mais plutôt à l’égard de sa miséricorde, comme s’il craignait qu’à cause des murmures du peuple, Dieu ne voulût plus faire de prodiges pour lui. Moïse irrité parla inconsidérément, dit le psalmiste. Ps. cv, 33. Voir t. i, col. 8. Le P. de Hummelauer, Numeri, Paris, 1899, p. 154-220, a supposé à cet endroit du livre des Nombres une lacune provenant de la suppression du récit de ce qui s’était passé à Cadès-Barné pendant 37 années de séjour. Par respect pour Moïse et pour le peuple juif, on a fait disparaître l’histoire de la mésaventure du législateur d’Israël et d’une longue apostasie de la masse des Israélites. Moïse aurait frappé le rocher deux fois, non pas le même jour, mais à 37 ans d’intervalle. La première fois, l’eau ne coula pas, et le peuple, croyant qu’il avait perdu sa puissance, s’éloigna de lui et abandonna le culte du Seigneur. Après 37 années d’égarement, il revint à Moïse et au Seigneur. Moïse frappa une seconde fois le rocher et les eaux coulèrent en abondance. Le P. de Hummelauer a accumulé en faveur de son sentiment une longue série d’arguments qui sont loin d’être concluants. Laissant de côté les détails étrangers, recueillons seulement ce qui concerne le séjour des Israélites à Cadès-Barné.
Le P. de Hummelauer croit avoir trouvé une preuve de cette longue apostasie dans Amos, v, 25, 26. Le prophète demande aux Israélites si pendant les 40 années de leur séjour dans le désert, ils ont offert des sacrifices à Dieu et il leur reproche d’avoir pratiqué l’idolâtrie. Saint Etienne répète les mêmes accusations. Act., vii, 42-43. Josué fut obligé de faire circoncire tous les Israélites, parce que tous ceux qui étaient nés dans le désert n’avaient pas reçu ce signe de l’alliance. Jos., v, 4-7. Le P. de Hummelauer interprète encore dans ce sens Ps. lxxx, 8, et il pense que les lévites seuls étaient restés fidèles à Moïse durant cette longue et universelle apostasie ; c’est pourquoi le sacerdoce leur fut maintenu. Deut., xxxiii, 8-10. Le Talmud de Jérusalem, traité Taanith, m, 4, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 168, dit aussi « que durant les 38 ans du séjour d’Israël au désert, ce peuple mis pour ainsi dire au ban n’a pas parlé à Moïse ». Quoi qu’il en soit, il est certain que l’histoire de ces 38 années n’est pas racontée en détail dans le Pentateuque. L’auteur du Deutéronome, ii, 14, la résume en disant que ces 38 années se passèrent’dans les stations qui eurent lieu depuis le départ de Cadès-Barné jusqu’à l’arrivée au torrent de Zared. Cf. ii, 1-13. Or, quelle qu’en
soit la cause, Moïse n’intervient que dans quelques incidents de cette période.
De Cadès, il envoya une ambassade au roi d’Édom pour lui demander de passer sur ses terres. Les envoyés rappelaient à ce roi la parenté des deux peuples, la sortie d’Egypte et s’engageaient à traverser directement le pays, sans se livrer au pillage et en payant leur nourriture. Le roi refusa le libre passage et déclara qu’il s’y opposerait à force armée. Les Israélites durent donc faire un détour. Num., xx, 14-21 ; Deut., ii, 1-8. De Cadès ils arrivèrent au mont Hor. Là, Dieu annonça à Moïse la mort prochaine d’Aaron son frère et lui ordonna d’investir Éléazar du sacerdoce, sur la montagne même où mourut Aaron. Num., xx, 22-30 ; xxxiii, 38-39 ; Deut., x, 6. Voir t. i, col. 8. Après avoir battu Arad, les Israélites contournèrent le pays d’Édom ; mais le peuple s’ennuya de la longueur du chemin et se récria contre Dieu et contre Moïse. Des serpents venimeux en firent périr beaucoup par leurs morsures. Reconnaissant leur faute, les Israélites prièrent Moïse d’intercéder pour eux. Le Seigneur ordonna à Moïse d’élever un serpent d’airain, doi, t la vue guérit les blessés. Num., xxi, 1-9. Cf. IV Reg., xviii, 4 ; Sap., xvi. 5-7 ; Joa., iii, 14, 15 ; Talmud de Jérusalem, traité Rosch haschana, iii, 9, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 91, 92 ; traité Aboda Zara, m, 3, Paris, 1889, t. XI, p. 211.
Après diverses stations sur les confins de Moab, Num., xxi, 10-20 ; Deut., ii, 8-25, les Israélites firent demander libre passage à Séhon, roi des Amorrhéens, qui refusa, livra bataille, mais fut taillé en pièces. Ils s’emparèrent de la contrée qu’il occupait. Num., xxi, 21-31 ; Deut., ii, 26-37. Voir t. iii, col. 660. Moïse envoya prendre Jazer. Num., xxi, 32. Les Israélites défirent aussi Og, roi de Basan. Dieu avait déclaré à Moïse qu’il le leur livrait. Num., xxi, 33-35 ; Deut., iii, 1-11 ; xxix, 7, 8 ; xxxi, 4. Cette double victoire fut pour Moïse une occasion d’encourager Josué, chef de l’armée. À cette époque, Moïse supplia le Seigneur de le laisser entrer dans la Terre Promise. Mais Dieu n’exauça pas sa prière et lui permit seulement de considérer cette terre du haut d’une montagne. Deut., iii, 21-27. Balac, roi de Moab, appela Balaam pour maudire les Israélites. Num., xxii-xxiv. Voir t. i, col. 1390-1398, 1399. À Settim, les Israélites péchèrent avec les filles moabites et adorèrent Béelphégor. Deut., iv, 3. Voir 1. 1, col. 1543. Dieu ordonna à Moïse de faire pendre les chefs du peuple. Phinées fut loué pour son zèle, et Dieu décréta l’extermination des Moabites. Num., xxv, 1-18. Dieu fit faire à Moïse un nouveau dénombrement du peuple. Aucun de ceux qui avaient été dénombrés au Sinaï, à l’exception de Josué et de Caleb, ne fut plus trouvé vivant. Num., xxvi. À l’occasion des filles de Salphaad, Moïse régla la succession des filles héritières.Num., xxvir, l-ll. À cette époque, Dieu interdit encore à Moïse d’attaquer les Ammonites. Deut., ii, 16-23.
Dieu avertit Moïse de sa mort prochaine et le fit monter sur le mont Abarim pour contempler de là la Terre Promise, dans laquelle il ne devait pas entrer. Moïse demanda au Seigneur de lui donner un successeur. Dieu désigna Josué, que Moïse présenta au grand-prêtre Éléazar et qu’il intronisa. Num., xxvii, 12-23 ; Deut, iii, 28 ; xxxi, 7, 8, 14-21, 23. De nouvelles lois furent promulguées. Num., xxvhi-xxx. Dieu prescrivit à Moïse d’attaquer les Madianites avant sa mort. L’armée envoyée par Moïse fut victorieuse et, dans son butin, elle ramena les femmes et les enfants madianites. Moïse fit tuer les petits garçons et les femmes qui avaient fait pécher les Israélites ; il ne réserva que les petites filles et les vierges. Num., xxxi, 1-20. Dieu régla ensuite le partage du butin qui fut effectué par Moïse et Éléazar. Num., xxxr, 25-54.
Les Israélites occupaient dès lors tout le pays situé à l’est du Jourdain. Les fils de Ruben et de Gad demandèrent à Moïse cette portion du territoire chananéen pour leur part. Moïse leur reprocha vivement leur
égoïsme et compara leur conduite à celle des explorateurs qui découragèrent le peuple. Mais les Rubénites et les Gadites promirent d’aider leurs frères à conquérir le reste de la Palestine. Moïse accepta leurs généreuses propositions et les fit agréer par les autres tribus. Le pays situé à l’est du Jourdain fut donc attribué aux deux tribus de Ruben et de Gad et à la moitié de la tribu de Manassé. Num., xxxii, 1-33 ; Deut., iii, 12-20. i)ans la plaine de Moab, Dieu donna à Moïse l’ordre d’exterminer toute la population chananéenne et de. partager le territoire par le sort. Num., xxxiii, 49-56. Il fixa aussi les limites du pays à conquérir, Num., xxxiv, 1-15, et les noms des chefs qui devaient présider au partage. Ibid., 16-29. Il détermina encore les villes lévitiques et les villes de refuge, Num., xxxv, 1-15, ainsi que les lois sur l’homicide. Ibid., 16-34. Une démarche des descendants de Galaad fournit à Moïse l’occasion de régler le mariage des femmes héritières pour que le lot, une fois échu à une famille, ne passe pas à une autre famille. Num., xxxvi.
C’est encore dans les plaines de Moab et après la victoire remportée sur les rois Séhon et Og que, le premier jour du onzième mois de la 40° année après l’exode, Moïse résuma dans un discours les faits qui s’étaient produits depuis le départ de Sinaï, aussi bien que les principales obligations morales, imposées par Dieu à Israël. Deut., i, l-iv, 43. Après ce discours Moïse désigna trois villes de refuge pour la partie du pays située à l’est du Jourdain. Deut., iv, 41-43 ; cf. Num., xxxv, 14. Un second discours de Moïse exposa à tout le peuple réuni l’ensemble des prescriptions morales, données par Dieu au Sinaï, et les motifs de les observer. Deut., v, 1-xxvi, 19. Voir Pentateuqde. Cette seconde promulgation de la loi fut suivie de l’ordre donné par Moïse d’en faire plus tard une solennelle proclamation sur le mont Hébal. On en gravera le texte sur un autel de pierre et on prononcera des bénédictions pour ceux qui l’observeront et des malédictions contre ceux qui y seront infidèles. Deut., xxvii, 1-xxviii, 68. Dans un autre discours, Moïse rappelle encore les bienfaits de Dieu à l’égard des Israélites et exhorte vivement ceux-ci à obéir aux commandements de leur bienfaiteur. Deut., xxix, 1-xxx, 20.
4° Derniers actes et mort de Moïse. — Moïse, âgé de 120 ans, déclare aux Israélites qu’il ne peut plus les conduire ; il les fortifie dans la confiance en Dieu et transmet ses fonctions à Josué devant tout le peuple assemblé. Deut., xxxi, 1-8. Il écrivit le Deutéronome et le remit aux lévites qui devaient le garder et le lire au peuple tous les sept ans. Ibid., 9-13, 24-29. Dieu dit à Moïse d’amener Josué au tabernacle. Il lui révéla les égarements futurs d’Israël et la vengeance qu’il en tirera. Ibid., 14-18. Il lui ordonna ensuite d’écrire un cantique qui témoignerait contre les Israélites prévaricateurs. Moïse l’écrivit et l’apprit au peuple. Ibid., 19-22, 30. Ce cantique est reproduit, Deut., xxxii, 1-43. Après l’avoir lu, Moïse recommanda au peuple de ne pas en oublier le contenu. Ibid., 44-47.
Dieu ordonna ensuite à Moïse de monter sur le mont Abarim pour y mourir. Ibid., 48-52. Moïse bénit toutes les tribus d’Israël. Deut., xxxm. Gravissant la montagne, jl.£pntempla tout le pays de Chanaan, et Dieu lui renouvela la promesse faite aux patriarches, de le donner en possession aux Israélites. Deut., xxxiv, 1-4. Moïse, le serviteur de Dieu, mourut donc en ce lieu sur l’ordre de Dieu. Le Seigneur l’ensevelit lui-même, ou plutôt, comme ont traduit les Septante, on ensevelit Moïse dans la vallée en face de Phogor, et personne n’a jamais connu l’endroit de sa sépulture. Moïse avait 120 ans. Sa vue n’avait pas baissé, et ses dents ne s’étaient pas ébranlées. Les Israélites portèrent le deuil de Moïse dans les plaines de Moab pendant trente jours. Deut., xxxiv, 5-8.
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MOÏSE
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Josèphe, Ant. jud., IV, viii, a défiguré le récit de la mort de Moïse. D’après lui, quand Moïse eut remis la loi aux prêtres, le peuple assemblé se mit à pleurer. En s’éloignant, Moïse fit signe qu’il ne fallait pas le pleurer et demanda à ceux qui étaient à côté de lui de ne pas le suivre. Seuls, Éléazar, Josué et les anciens l’accompagnèrent. Parvenu au sommet du mont Abarim, il congédia les anciens et embrassa Éléazar et Josué. Soudain, la mort se jeta sur lui ; on cessa de le voir, et il fut emporté dans une vallée étroite. Il a écrit lui-même qu’il était mort, pour qu’on ne crût pas que, à cause de sa grande vertu, il était allé à Dieu. Philon, Vita Mosis, 1. iii, p. 696, dit aussi que Moïse, encore vivant, a raconté sa mort prochaine. Il a été enseveli sans témoin par les puissances immortelles et il n’a pas de sépulcre. Les rabbins ont pris à la lettre l’expression : « Il mourut sur la bouche du Seigneur, » Deut., xxxiv, 5, et ils ont prétendu que l’âme de Moïse s’envola après un baiser de Dieu. Ils disent aussi que personne n’a été autant honoré après sa mort que Moïse, dont Dieu lui-même daigna s’occuper pour l’ensevelir dans" la vallée. Selon eux encore, il était pour ainsi dire étendu sur les ailes de la providence, lorsqu’il mourut à quatre milles du campement de la tribu de Ruben ; il a été enterré sur le territoire de la tribu de Gad. Deut., xxxiii, 21. Les anges de service et les Israélites dirent ensemble de Moïse : La paix viendra ; ils reposeront sur leurs couches ceux qui ont marché dans le droit chemin. Is., lvii, 2. Talmud de Jérusalem, traité Sota, i, 9, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 240, 242. Rabbi Abahou déclarait que Moïse s’était égaré et était monté au ciel, parce qu’il s’était dit fils de l’homme, lbid., traité Taanith, ii, 1, Paris, 1883, t. vi, p. 156. Dans VAssomption de Moïse, soi-disant dernier entretien du patriarche avec Josué, voir t. i, col. 759, il était parlé de l’altercation de l’archange Michel avec le diable au sujet du corps de Moïse. Selon quelques exégètes, l’apôtre saint Jude dans son Épître, 9, aurait emprunté à cette source apocryphe la mention de ce combat et notamment les paroles de l’archange : Imperet tibi Deus. Cf. Didyme, Enarrat. in epist. Judas, t. xxxix, col. 1814, 1815. Quelques écrivains ecclésiastiques ont connu cet apocryphe et ont extrait de la partie qui n’a pas encore été retrouvée des détails sur le trépas de Moïse. Origène, In Josue, hom. ii, 1, t. xii, col. 834, avait lu dans un petit livre qu’après la morl de Moïse, on avait vu deux Moïse, l’un vivant en esprit et l’autre à l’état de cadavre. Clément d’Alexandrie, Strom., vi, t. ix, col. 356-357, est plus précis. Josué vit en esprit deux Moïse, l’un enlevé avec les anges, l’autre emporté sur les montagnes pour être honorablement enseveli dans les vallées. Caleb avait eu la même vision, mais n’avait pas vu autant de choses que Josué. Il deseendit le premier et raconta ce qu’il avait vu ; Josué, descendu à son tour de la montagne, parla et du corps de Moïse et de la gloire de Moïse avec les anges ; il avait vu davantage, parce qu’il était plus pur. Ailleurs, Strom., i, 23, t. viii, col. 897, 900, Clément dit, selon les apocryphes, que Moïse après son enlèvement se nommait Mil%i. Dans une lettre à saint Augustin, Epist. t CLviii, n. 6, t. xxxiii, col. 695-696, Evode parle aussi des deux Moïse d’après les apocryphes, auxquels il n’accorde pas créance. Œcuménius, Comment, in Epist. Judse, t. cxix, col. 713, expliquant le combat de saint Michel avec Satan au sujet du corps de Moïse, rapporte que l’archange ensevelissant Moïse, en fut empêché par le diable qui reprochait à Moïse l’assassinat de l’Égyptien, crime pour lequel Moïse ne méritait pas une sépulture honorable. Voir Michel, col. 1071. Les rabbins ont imaginé toute sorte de légendes sur la mort de Moïse. Sur cette littérature légendaire, voir Schûrer, Geschichte des iûdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, ’& édit., Leipzig, t. iii, 1898, p. 219-220. Le targum sur les hagiographes assure en deux endroits, Ps. lxviii ; Cant., i, 5,
que Moïse a été enlevé au ciel. Quelques Pères semblent croire ou affirment positivement que Moïse n’est pas mort, parce que, comme Hénoch et Elie, il conversa avec Jésus transfiguré. S. Hilaire de Poitiers, lnMatth., xx, 10, t. ix, col. 1032 ; S. Ambroise, De Cain et Abel, l, 2, n. 8, t. xiv, col. 319. S. Jérôme, Comment, in Amos, t. xxv, col, 1089, dit que Moïse était monté au ciel. Mais la plupart distinguent le trépas de Moïse de l’enlèvement d’Élie et ne parlent que de la translation de l’âme de Moïse au paradis. Les commentateurs pensent généralement que Dieu a permis que le tombeau de Moïse fût ignoré pour empêcher les Hébreux, trop enclins à l’idolâtrie, de rendre à leur libérateur des honneurs divins.
IV. Jugement sur Moïse. — 1° L’Écriture a fait à plusieurs reprises l’éloge de Moïse. Selon la finale du Deutéronome, xxxiv, 10-12, « il ne s’éleva jamais en Israël de prophète semblable à Moïse, qui ait vu le Seigneur face à face, ni qui ait fait des miracles et des prodiges pareils à ceux que Dieu opéra par son intermédiaire en Egypte devant le Pharaon, ses serviteurs et tout son royaume, ni qui ait agi avec un bras aussi puissant et exécuté des merveilles comparables à celles que fit Moïse en présence de tout Israël. » Cf. Act., vii, 36. L’auteur de l’Ecclésiastique, xlv, 1-6, a célébré l’amour que Dieu et les hommes ont eu pour Moïse. Dieu l’a glorifié devant les rois et lui a fait opérer des prodiges. Il l’a élevé devant son peuple, et à cause de sa foi et de sa douceur, l’a choisi comme son intermédiaire entre lui et Israël ; il en a fait le législateur d’Israël. La mémoire de Moïse est en bénédiction parmi les siens. L’épître aux Hébreux, iii, 1-6, a comparé Jésus, l’apôtre et le pontife de notre foi, à Moïse. Tous deux ont rempli avec fidélité leur mission dans la maison du Seigneur. La gloire de Jésus est cependant supérieure à celle de Moïse, parce que sa mission a été supérieure à la mission de Moïse. Dans la maison du Père céleste, Moïse n’était qu’un serviteur ; Jésus était le fils de la famille. Saint Paul a loué encore en Moïse sa foi ayant résisté à toute épreuve. Heb., xi, 23-29.
2° La mission de Moïse fut double : il a été le libérateur et le législateur de son peuple. Le souvenir de l’oppression des Israélites en Egypte et de leur délivrance miraculeuse par le ministère de Moïse est demeuré très vivant dans la tradition juive, et l’exode est un fait dont la vérité historique est indéniable. Cf. abbé de Broglie, Caractère historique de l’Exode, dans les Annales de philosophie chrétienne, mai 1887. Sur le rôle de Moïse comme législateur et sur les caractères de sa législation, voir Loi mosaïque, col. 329-347. Moïse a-t-il codifié cette législation et est-il l’auteur du Pentateuque ? Voir Pentateuque. Si l’on en croit le titre du Ps. lxxxix (héb. xc), ce chant serait une prière, tefillâh, de Moïse, homme de Dieu. Origène, adoptant en cela l’opinion des rabbins, attribuait encore à Moïse les onze Psaumes suivants, qui sont anonymes. Selecta in Psalmos, t. xii, col. 1056-1057. Cf. S. Hilaire de Poitiers, Tract, super Psalmos, prol., n. 3, 4, t. ix, col. 233-235. Les rabbins rapportaient, en effet, au même auteur tous les chants anonymes qui dans le Psautier succédaient à celui qui lui était attribué par le titreMais Cosmas Indicopleuste, Chronographia, 1. v, t. lxxxviii, col. 248, rapportait le Ps. xc à un chef de chœur, nommé Moïse, de l’époque de David. Sur l’Assomption de Moïse, voir t. i, col. 759, et sur l’Apocalypse de Moïse, ibid., col. 764765. Sur ces livres apocryphes et d’autres encore, attribués à Moïse, voir Fabricius, Codex pseudepigraphus V. T., Hambourg, 1722, t. i, p. 835-849 ; G. Brunet, Dictionnaire des apocryphes de Migne, Paris, 1858, t. ii, col. 623-631. James a publié une prière que Moïse aurait faite le jour de son décès. Apocrypha anecdota, dans Texts and Studies, Cambridge, 1893, t. ii, n. 3, p. 166173. Elle était imprimée déjà dans le Liber antiqui
iatum biblicarum, publié sous le nom de Philon, Bâle, 1527.
3° Enfin, Moïse fut poète inspiré et prophète. Il a chanté le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18, le cantique des derniers jours de sa vie, Deut., xxxii, 1-43, adressé à son peuple. Apoe., xv, 3. La prédiction d’un prophète semblable à Moïse, qu’elle annonce toute la série des prophètes Israélites ou le grand prophète messianique, Deut., xviii, 15-19, et la bénédiction prophétique, prévoyant le sort futur des tribus d’Israël, Deut., xxxiii, 1-29, placent Moïse à la tête des grands voyants, que Dieu a suscités au milieu de son peuple choisi. Au jour de la transfiguration, il apparut aux Apôtres s’entretenant avec Jésus et Élie". Matth., xvii, 3-4 ; Marc, ne, 34 ; Luc, rx, 30. 33. Jésus en a appelé à son témoignage et a déclaré aux Juifs que Moïse les accuserait, parce que sur sa parole, ils n’avaient pas cru que Jésus était lui-même le fils de Dieu. Joa., v, 45-47. La parole de Moïse, comme celle des prophètes, suffisait par sa propre autorité à confirmer les doctrines qu’elle exprimait. Luc, xvi, 29, 31 ; Act. xxvi, 22. Les Juifs considéraient comme un blasphème toute parole qu’ils estimaient contraire à la loi et aux traditions dérivant de Moïse. Act., vi, 13-14. — Les Pères de l’Église n’ont pas seulement considéré ces prophéties comme étant de Moïse, ils ont reconnu encore dans le sauveur et le législateur d’Israël une figure prophétique du Messie, véritable sauveur et législateur de l’humanité entière. Cf. card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, p. 326-329. C’est le dernier trait, et non pas le moins beau, de la physionomie religieuse de Moïse. Les premiers chrétiens ont fréquemment reproduit dans les catacombes des traits de l’histoire de Moïse dans lesquels ils reconnaissaient des allusions prophétiques aux mystères de la religion chrétienne spécialement au baptême, symbolise par l’eau sortant du rocher. « Moïse frappant le rocher, figure aussi saint Pierre, le chef du nouvel Israël de Dieu. » Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 473-475 ; P. Allard, Rome souterrain*, 2e édit., Paris, 1877, p. 367-368, 416-421 ; H ; Alarucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, t. i, Notions générales, Paris, 1900, p. 281-282, 328 ; J. Wilpert, Die Malereien der Katakomben Roms, in-f°, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 40, 143, 266-281, 388-389, 421-423.
Artapan, dans Eusèbe, Priep. evang., IX, 27, t. xxi, col. 736, retrace ce portrait physique de Moïse : « On dit que Moïse était de haute stature, de couleur blonde, couvert de longs cheveux grisonnants et majestueux. » reyoviv ai 8é <pi)(71 t’ov Mûliuov ( « xxpbv, TU)^pàxi)v, itoXiôv X0[iiyrK)v, ࣠« 0[jt, aTix6v.
V. Moïse d’après les critiques rationalistes. — Les critiques rationalistes modernes accordent généralement peu de valeur historique à la tradition juive sur Moïse, telle qu’elle est consignée dans la Bible. La plupart, acceptant les conclusions de la critique littéraire du Pentateuque, distinguent diverses rédactions de cette tradition et prétendent que la plus ancienne est postérieure de plusieurs siècles aux faits qu’elle est censée rapporter. Voir Pentateuque. À une pareille distance des événements, là tradition est déjà embellie par la légende et elle représente non pas le Moïse historique, mais le Moïse tel que l’imagination populaire l’avait grandi aux cours des âges. H. Winckler explique par l’astronomie la légende historique de Moïse, qui n’est plus à ses yeux qu’une émanation du Jahvé-Tammouz de la steppe. Geschichte Isræls in Einzeldarstellungen, 2e partie, Leipzig, 1900, p. 86-95 ; Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Berlin, 1902, p. 209-212. Pour Cheyne, Encyclopxdia biblica, art. Moses, Londres, 1902, t. iii, col. 3203 sq., Moïse était primitivement un clan, le clan de Jahvé, qui habitait au nord de l’Arabie. Ce nom ethnique a été appliqué par la tradition à un
individu, dont l’histoire légendaire reproduit quelques traits de l’histoire réelle du clan. Ordinairement toutefois les critiques regardent Moïse comme un personnage historique, dont l’existence est certaine ou au moins très probable, mais dont l’histoire a été embellie et le rôle grandi par la légende. Ils s’appliquent dès lors à dégager des embellissements légendaires le fond historique de la vie et de la mission de Moïse. rJ ?
Moïse appartenait au clan hébreu qui avait pénétré en Egypte et qu’on appelle, soit le clan de Joseph, soit la tribu d’Éphraïm-Manassé. Ces Hébreux nomades s’étaient établis sur les frontières de l’Egypte, et avaient reconnu ou subi la suzeraineté des Hyksos ou rois pasteurs de cette contrée. Ils séjournaient dans les environs de Tanis et ils continuèrent à y mener la vie pastorale. Après un assez long séjour de tranquillité, ils furent employés par une nouvelle dynastie à de dures corvées, aux travaux de terrassiers et de briquetiers, dans les constructions publiques. Las enfin des exactions dont ils étaient l’objet et profitant peut-être de grands malheurs qui tombèrent sur l’Egypte, ils quittèrent le pays et se jetèrent avec d’autres bandes dans le désert de la péninsule du Sinaï, où ils étaient à l’abri des poursuites de l’Egypte, d’ailleurs affaiblie. Ils s’établirent ensuite à Cadès, où ils abandonnèrent peu à peu la vie nomade de bergers pour s’adonner à l’agriculture. Or Moïse fut le chef de cet exode de l’Egypte et l’organisateur de la nationalité et de la religion hébraïque tant au Sinaï qu’à Cadès. Plus tard, l’histoire et le rôle de ce chef d’expédition et de cet organisateur furent grandis par l’imagination. Lès éléments légendaires se retrouvent notamment dans l’enfance de Moïse, ses miracles devant le Pharaon et sa fuite au Sinaï.
Pour les critiques, la circonstance de Moïse sauvé des eaux n’a aucun fondement historique. Le point de départ de cette légende est dans cette idée des Hébreux que leur libérateur avait dû la conservation de sa vie à un dessein providentiel de Dieu. D’autres personnages de l’histoire ancienne, Sémiramis, Œdipe, Cyrus, Romulus, ont été de même préservés de grands dangers à leur naissance. Voir A. Jeremias, Das Alte Testament im Lichte des alten Orients, Leipzig, 1904. p. 254-258. Le nom égyptien de Moïse, signifiant « enfant », a été interprété plus tard dans le sens de la légende et a reçu la signification de « sauvé des eaux » qu’il a dans le récit biblique. Cette étymologie, trouvée après coup, ne prouve pas la réalité du fait, dont elle prétend donner l’explication. De même, c’est pour glorifier leur libérateur que les Hébreux ont imaginé son adoption, fort invraisemblable en elle-même, par la fille du Pharaon et son éducation à la cour royale. On l’a fait aussi pour le même motif instruire dans la science et la sagesse des Égyptiens. Ses rapports réels [avec les Madianites et les Kénites (Cinéens) ont été enjolivés dans la légende de son voyage au pays de Madian et de son séjour auprès de Jéthro. Il avait peut-être épousé une femme d’une de ces tribus. La légende a fait de son beau-père le scheifc et le prêtre de la contrée. Dans ses relations avec les Kénites, Moïse apprit à connaître Jahvé, le dieu du Sinaï, à moins que, comme quelques-uns le pensent, Jahvé n’ait été déjà le dieu de sa famille ou de son clan, ou même, selon d’autres, des quelques tribus nomades israélites en contact avec les Kénites. Moïse aurait présenté à ses contribues ce dieu comme le dieu des ancêtres. Il aurait fait peut-être de la sortie d’Egypte une affaire de religion. De là la légende des apparitions de Jahvé à Moïse au désert du Sinaï et la mission divine de délivrer les siens.
La tradition historique de Moïse libérateur de son peuple a, aux yeux de la plupart des critiques, un fondement historique. Mais la fable s’y est jointe au point qu’il est difficile de discerner exactement les faits réels. Il pourrait se faire qu’il n’y eût à retenir que le fait seul
de la sortie d’Israël de l’Egypte et de son entrée dans la péninsule du Sinaï. Voir Valeton, dans le Manuel de l’histoire des religions, de Chantepie de la Saussaye, trad. franc., Paris, 1904, p. 190-191. Bien que la plupart des critiques maintiennent ce fait à la date traditionnelle, c’est-à-dire sous le règne de Ménephtah, quelques-uns en devancent la réalisation, parce que Ménephtah aurait battu les Israélites, lorsqu’ils étaient déjà établis en Palestine. Mais les premiers distinguent deux dans d’Hébreux, l’un, celui de Joseph, ayant émigré en Egypte, l’autre étant demeuré constamment au sud de la Palestine, et ils concilient par cette distinction tous les faits qu’ont révélés les inscriptions. Quant aux détails de cette sortie et notamment ceux qui concernent les plaies d’Egypte, ils sont légendaires. Leur caractère historique ne ressort ni de la triple attestation qui en est faite dans les documents E, J et P, ni de la couleur spécifiquement égyptienne de la plupart des plaies, ni de leur correspondance avec des phénomènes naturels. Ce serait faire acte de rationalisme que de les ramener à de simples phénomènes naturels, puisque les trois narrations les présentent comme des actes miraculeux, ayant une portée théologique et devant prouver au Pharaon la puissance de Jahvé. Les narrateurs, au courant des choses égyptiennes
- ont donné à leurs récits la couleur locale. Mais
leur triple témoignage ne prouve pas la réalité des faits. Une légende, répétée deux ou trois fois, cent fois même, n’en devient pas pour cela une histoire réelle. Toutefois ces rédacteurs n’ont peut-être pas inventé cette légende et il est possible qu’ils l’aient empruntée à la tradition antérieure. Mais on ne peut plus aujourd’hui rétablir l’état primitif de la tradition hébraïque sur la sortie d’Egypte, et Bæntsch, qui développe ces idées, ne s’y intéresse plus. Exodus, Leviticus, Numeri, Gcettingue, 1903, p. 57. Il se demande toutefois s’il y a, sous cette triple tradition, un fond historique. On a supposé qu’à l’époque où les Israélites préparaient leur départ d’Egypte pour se soustraire à la tyrannie du Pharaon, ce pays a éprouvé des calamités particulièrement graves, qui ont facilité aux Israélites la réalisation de leur projet et qu’ils ont attribuées à l’intervention de leur Dieu. Cette supposition ne paraît pas à Bæntsch absolument nécessaire. Les Israélites ayant toujours été persuadés que Jahvé les avait arrachés à la puissance égyptienne « d’une main forte et de son bras étendu », le peuple a donné libre carrière à son imagination, a inventé les événements par lesquels Dieu aurait manifesté sa puissance et les a présentés sous la forme d’un drame vivant, joué entre Moïse et le Pharaon. L’imagination populaire a grandi aussi le passage miraculeux de la mer Rouge, qui n’a peut-être pour base qu’un accident de marée ayant englouti une caravane. D’ailleurs, la poursuite des fuyards israélites par l’armée égyptienne est la plus invraisemblable de toutes les fables qui remplissent cette légende. Renan, Histoire du peuple d’Israël, 6e édit., Paris, 1887, t. i, p. 163-164.
Pour des raisons tirées du contenu, de la forme poétique et du style du cantique chanté par Moïse après le passage de la mer Rouge, les critiques modernes nient généralement son authenticité. Les plus modérés, tels que Dillmann et Kittel, pensent que la tradition d’un cantique chanté alors par les Israélites est fondée et même qu’il a existé un cantique plus court, réellement composé par Moïse, mais retouché et développé pour former le morceau actuel. Cornill voit dans le poème entier une amplification récente d’Exod., xv, 1, renseignement qui appartenait seul à l’ancienne tradition. C’est d’ailleurs un chant liturgique, un véritable cantique pascal. Eirileitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 61.Kuenen, Wellhausen et Reuss, sans regarder le chantd’un cantique immédiatement après le passage de la mer Rouge comme absolument impossible, le tiennent toutefois pour in vraisemblable. Le genre et le style du cantique ne présentent aucun indice d’une haute antiquité, et les idées exprimées ramènent sa composition à l’époque de Salomon. Jûlicher en rabaisse encore la date. La forme, le cercle des idées et la théologie exprimée répondent à l’âge deutéronomique. L’auteur est ou bien le rédacteur qui a combiné les documents élohiste et jéhoviste, ou même un rédacteur postérieur qui l’a composé sur la donnée jéhoviste. Exod., xv, 20, 21. Bæntsch, op. cit., p. 128-129, attribue ce cantique au rédacteur deutéronomiste. Le P. Lagrange, Deux chants de guerre, dans la^ Revue biblique, 1899, t. viii, p. 532-541, reconnaît que le cantique actuel, de structure compacte, répond bien au temps qui a suivi le passage de la mer Rouge, et que rien n’empêche, absolument parlant, d’en attribuer la composition à Moïse. Mais un poème si régulier n’a pu être rédigé dans un moment d’enthousiasme, et l’auteur a dû se mettre dans la situation supposée et développer une donnée historique. Le fond du cantique serait donc de Moïse, mais la forme est un indice de modernité. Osée, il, 15, fait peut-être allusion à Exod., xv, 21. Isaïe, xii, 2, cite le cantique actuel ; mais ce passage n’est pas un dés plus anciens du recueil. Une inspiration semblable se retrouve, Is., lxiii, 11. Ces souvenirs et l’espérance voilée de nouveaux prodiges de Dieu pour ramener Israël vers la sainte montagne du temple, font penser que le cantique est du temps de la captivité à Babylone. LeP. deïïummeliLueT, Exodus et Leviticus, p. 152, attribue le cantique à Moïse, tout en reconnaissant, p. 160, qu’il suffirait que le fond provienne de Moïse, et qu’on pourrait admettre que la forme ou, au moins, la dernière strophe est d’un rédacteur postérieur, tel qu’Esdras. Cf. H. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribourgen-Brisgau, 1893, p. 233-235.
Le séjour du clan hébreu fugitif au Sinaï sous la conduite de Moïse est un des faits dont les critiques reconnaissent généralement la réalité et qu’ils placent à la base de la légende mosaïque. Ils y rattachent même le rôle qu’ils attribuent à Moïse dans la constitution de la religion d’Israël. Le voyage d’Israël au désert fut une traversée plutôt qu’un séjour ; néanmoins l’impression en resta très vivace dans la mémoire du peuple, et toutes les circonstances dont on avait gardé le souvenir plus ou moins déformé furent présentées comme des interventions miraculeuses du dieu protecteur du clan. Bien que Moïse n’ait pas reçu sur le Sinaï ou l’Horeb une révélation surnaturelle de Jéhovah, il ne doit pas moins être considéré comme le fondateur et le premier organisateur de la religion du clan israélite. Que Jéhovah ait été le nom du dieu, honoré par les ancêtres, ou celui du dieu local du Sinaï, que Moïse aurait donné au dieu du clan, Moïse fit accepter son culte à la confédération de tribus placée sous sa direction. Le clan fugitif emmenait avec lui des mécontents égyptiens et il s’adjoignit d’autres tribus nomades de sa parenté, qui avaient toujours habité au désert ou sur les frontières méridionales de la Palestine. Moïse réunissant des populations si disparates en constitua un peuple, une nation compacte, sinon très homogène, par le lien religieux. Jéhovah, le dieu des Cinéens et peut-être le dieu des ancêtres du principal clan israélite, devint le dieu propre et exclusif d’Israël, qui fut dès lors son peuple spécialement consacré à son culte. Jéhovah n’était pas encore, pour l’Israélite, le Dieu unique, créateur du ciel et de la terre, mais seulement l’unique Dieu national. Moïse serait ainsi le fondateur, non pas du monothéisme qui sera l’œuvre des prophètes d’Israël, mais d’un certain hénothéisme qui fit de Jéhovah le dieu exclusif des Israélites, en sorte que pour Israël servir un autre dieu était un crime digne de mort. Moïse fut reconnu par les tribus confédérées comme l’envoyé et le mandataire de Jéhovah. Il institua un sacerdoce, qui ressembla peut-être au sacerdoce des Cinéens, s’il est bien vrai que lui-même ait été
le gendre de Jéthro, prêtre de la contrée sinaïtique. Pour quelques critiques, Moïse serait aussi l’inventeur de l’oracle sacerdotal par urinï et lummim, qui permettait de consulter Jéhovah dans toutes les circonstances de la vie ordinaire. Moïse aurait aussi organisé le culte et il faudrait lui attribuer l’ancienne fête de Pàque, qui n’était que l’offrande des premiers-nés des animaux et des prémices des fruits, et l’institution des néoménies ou nouvelles lunes. Moïse, qui fut le fondateur de la nation autant que de la religion israélite, dut donner à son peuple quelques règlements qui furent considérés comme provenant de Dieu. À cette époque, on ne faisait encore aucune différence entre le droit humain et le droit divin. Toutes les ordonnances étaient des préceptes ou des défenses divines ; on ne connaissait que des péchés et pas de délits. Mais les ".ritiques sont en désaccord au sujet de savoir si l’ancienne tradition avait conservé le souvenir d’une loi morale édictée par Moïse et si notamment le décalogue avait été promulgué par Moïse durant le séjour d’Israël au désert. Wildeboer n’hésite pas à attribuer à Moïse la promulgation du décalogue. Mais plus généralement les critiques nient que le décalogue en tout et même en partie puisse remonter si haut. La principale raison qu’ils en donnent, c’est que les rédacteurs des documents élohiste et jéhoviste, qui reproduisent chacun un teste un peu différent des dix préceptes moraux, en relatant l’ancienne tradition, rapportent bien que Moïse a brisé les tables de la loi, mais ne disent pas qu’il en a fait de nouvelles ; dans leurs récits, la restauration de ces tables est une addition rédactionnelle. Les critiques cherchent par suite à fixer l’âge de la rédaction du décalogue ; ils n’aboutissent pas à des conclusions identiques. Le P. Lagrange, qui admet les résultats des critiques au point de vue de la composition littéraire du Pentateuque, est loin d’accepter toutes leurs conclusions. Aussi n’éprouve-t-il aucune difficulté à reconnaître que le code de l’alliance, code à la fois civil, criminel, moral et religieux, Exod., xx, 1-xxm, 33, peut être aussi ancien que Moïse. La méthode historique, 2e édit., Paris, 1904, p. 175-176. D’ailleurs, il estime que le document élohiste, qui contient ce code, est un « document voisin des faits et véritablement historique ». Revue biblique, 1899, t. viii, p. 632.
Les critiques accordent encore un certain fondement historique aux événements qui se sont passés au désert, par exemple, aux révoltes et aux murmures dont la tradition avait gardé le souvenir. Ces faits s’expliquent par la difficulté de grouper en un unique corps social les éléments divers de la population. Le long séjour à Cadès, le plus loin possible de l’Egypte dans le désert, servit à l’organisation du peuple. Quelques-uns y rattachent la construction de l’arche faite à l’imitation des temples égyptiens, pour remplacer dans le camp la montagne de Jéhovah dont on s’était éloigné. Plus généralement, on pense que les Israélites, tout en continuant à mener encore la vie pastorale, s’y livraient de plus en plus à l’agriculture et s’y habituaient à la vie sédentaire. Ils y formèrent finalement un peuple, une nation ; et ayant conscience de leurs forces, ils attaquèrent les tribus chananéennes, leurs voisines, et battirent les rois Og et Séhon. Ils firent peu à peu la conquête de la Palestine, mais Moïse était mort et Josué, le chef guerrier, est le héros légendaire de l’expédition.
La mort de Moïse, comme celle de tous les grands hommes, a été entourée de circonstances extraordinaires. En particulier son dernier cantique, Deut., xxxii, et la bénédiction des tribus d’Israël, Deut., xxxiii, sont des morceaux poétiques dont la composition est postérieure au séjour des Israélites dans les plaines de Moab. Si Dillmann rapporte le dernier cantique à l’époque des luttes d’Israël contre les Syriens au IXe siècle, les autres critiques le rabaissent d’un ou - de deux siècles, en le rapportant aux guerres ou des
Assyriens ou même des Chaldéens. La bénédiction des tribus est regardée par Dillmann et Kittel comme antérieure à l’écrivain élohiste qui l’a insérée dans son œuvre. Reuss l’attribue au contraire au document jéhoviste et en place la composition à la fin du re « siècle ou au commencement du vme. Kuenen y voit l’œuvre d’un lévite, qui ne peut pas être plus ancienne que le VIIIe siècle. Cornill J’attribue à un Israélite du royaume du nord de la première moitié du vne siècle. Cf. H. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, p. 236-242 ; Cornill, Einleitung in das A. T., p. 63-65 ; Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. 114, 122-123.
Sur l’ensemble des vues des critiques, voir H. Ewald, The History of Israël, trad. anglaise, Londres, 1883, t. ii, p. 35-42 ; J. Wellhausen, Israël, dans Encyclopâdio, britannica, reproduite la suite de Prolegomena to the History ef Israël, trad. anglaise, Edimbourg, 1885, p. 429-440 ; E. Konig, The religions history of Israël, trad. anglaise, Edimbourg, 1885, p. 27-40 ; B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1881, t. i, p. 113141 ; Id., Die Entstehung des Volkes Israël, 3e édit., Giessen, 1899, p. 7-15 ; Id., Biblische Théologie des A. T., Tubingæ 1905, t. i, p. 28-46 ; E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, 6e édit., Paris, 1887, t. i, p. 154-210 ; R. Smend, Lehrbuch der alttestamenllichen Religionsgeschichte, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 32-45, 280-285 ; K. Budde, Die Religion des Volkes Israël bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 1-35 ; H. Cornill, Der isrælitische Prophetismus, 4° édit., Strasbourg, 1903, p. 16-27.
La réfutation de ces vues exigerait de nombreuses pages. Nous signalerons seulement l’arbitraire de la méthode. Après avoir traité de légendaire toute l’histoire de Moïse, les critiques rationalistes extraient de la légende ce qui leur paraît possible ou vraisemblable et abandonnent le reste comme inadmissible. Or on voudrait savoir quel critérium leur sert à frire ce départ. Ils n’en ont le plus souvent d’autre que leu. » propre sentiment, fondé sur une conception spéciale de l’histoire et de la religion des peuples anciens en général et d’Israël en particulier. Ce n’est pas là la vraie critique. Ce qui est rationnel, c’est d’accepter la tradition d’Israël sur ses origines historiques et religieuses, quelle que soit d’ailleurs l’époque de sa rédaction que nous n’avons " pas à étudier ici. Voir Pentateuque. Supposé même que la critique des sources pût servir à élaguer quelques détails ou à interpréter quelques événements, elle ne pourrait suffire à elle seule à contredire l’ensemble de la tradition israélite sur Moïse, le libérateur du peuple choisi et son législateur civil et religieux.
Bibliographie. — Philon, De vita Mosis, dans Opéra, in-f », Paris, 1640, p. 602-696 ; Josèphe, Ant. jud., 1. II, c. ix-xvi ; 1. III, IV, dans Opéra, édit. Havercamp, 2 in-f°, Amsterdam, 1726, t. i, p. 97-258 ; Clément d’Alexandrie, Strom., l, 23-28, t. viii, col. 895-925 ; Eusèbe, Prsep. evang., 1. IX, c. xxvi, xxvii (cité Eupolème et Artapan), t. xxi, col. 727-736 ; G. Mylius, Commentatio de persona, vita et rébus gestis Mosis, in-4°, Wittemberg, 1585 ; A. de Fuentes y Biota, Vita del profeta Moyssen, in-8o, Bruxelles, 1657 ; Ch.-L. Hugo, Histoire de Moïse, in-8o, Luxembourg, 1699, 1709 ; I. Campbell, Life of Moses, in-f°, Londres, 1728 ; Êisfeld, Leben Mosis, in-8o, Iéna, 1761 ; J. J. Hess, Geschichte Mosis, 2 in-8o, Zurich, 1777 ; L. Berthold, Dissertatio de rébus a Mose in JEgypto gestis, in-4°, Erlangen, 1795 ; Thym, Dissertatio de vita Mosis a Philone conscripta, in-4°, Halle, 1793 ; J. Townsend, The character of Moses established as an historian, 2 in-4°, Londres, 1813, 1815 ; W. F. Hufnagel, Moseh, wie er sich selbst zeichnet in seinen fûnf Bùchern, in-8o, 1822 ; G. A. Schumann, Vitse Mosis pars 1, in-8o, Leipzig, 1826 ; F. Nork (Korn), Das Leben Mosis ans
dem astrognostUchen Standpunkt betrachter, in-8°, Leipzig, 1838 ; Vervost, Appendix de Moysis vita et gestis, in-18, Paris, 1843, 1846 ; J. G. Breay, The history of Mo&es pratically considered, in-8°, Londres, 1848 ; B. Béer, Leben Moses nach Auffassung der jùdischen Sache (inachevé), in-8°, Leipzig, 1863 ; J. Danko, Hisloria revekttionis divines V. T., in-8°, Vienne, 1862, p. 93-128 ; J. Lauth, Moses der Ebràer, Munich, 1868 ; 6. Rawlinson, Moses, his life and Urnes, 2e édit., in-12, Londres (1887) ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. H, p. 280592. Pour une bibliographie plus détaillée, voir E.-M. Œttinger, Bibliographie biographique universelle,
la moisson était chétive. Job, xxix, 23 ; Prov., xvi, 15 ; Zach., x, 1. La première pluie, trois mois avant la moisson, était également nécessaire. Am., iv, 7. Après la pluie du printemps, on pouvait faire la moisson sans en avoir d’autre à redouter. Jer., v, 24 ; Prov., xxvi, 1. Le « temps de la moisson » marque, dans la Sainte Écriture, la saison du printemps, c’est-à-dire le commencement de la saison sèche, s’étendant du milieu du nisan au milieu de sivan, comprenant par conséquent avril et mai. Gen., xxx, 14 ; Jud., xv, 1 ; I Reg., xii, 17 ; II Reg., xxi, 9, 10 ; xxiii, 13 ; Judith, viii, 2 ; Prov., vt, 8 ; Jer., viii, 20, etc. Cf. Iken, Antiquitates hebraicæ Brème, 1741, p. 440. La chaleur commençait alors à deve 304. — Moissonneurs égyptiens. Musée du Louvre.
Paris, 1866, t. i, col. 1249-1251 ; G. Brunet, Dictionnaire des apocryphes deMigne, Paris, 1858, t. ii, col. 631-634.
E. Mangenot.
2. MOÏSE (APOCALYPSE DE), livre apocryphe. Voir
- APOCALYPSES APOCRYPHES##
APOCALYPSES APOCRYPHES, 1. 1, col. 764-765.
3. MOÏSE (ASSOMPTION DE), livre apocryphe. Voir Apocalypses apocryphes, t. i, col. 759.
- MOISSON##
MOISSON (hébreu : qâsîr ; Septante : 6epnru.ôç ; "Vulgate : messis), récolte des céréales (fig. 304). Voir t. i, fig. 45, col. 277-278. Pourcelle des fruits, voir Récolte, Vendange.
I. Au sens propre. — 1° Son époque. — En Palestine, la moisson de l’orge se faisait en avril et s’ouvrait légalement le second jour de la fête de la Pâque ; celle du blé pouvait tarder jusqu’en mai. Sur les plateaux, les moissons mûrissaient moins vite. Un peu après la Pâque, les apôtres trouvent déjà du blé mûr et le mangent. Matth., xii, 1 ; Luc, vi, 1. On comptait sur la pluie de l’arrièresaison ou du printemps pour rendre la moisson abondante. Deut., xi, 14 ; Jer., iii, 3 ; v, 24. Si elle faisait défaut,
nir très forte, Is., xviii, 4, le Jourdain, grossi par la fonte des neiges du Liban, débordait, Jos., iii, 15, et la neige fournissait un rafraîchissement apprécié. Prov., xxv, 13. Les semailles se faisaient depuis la seconde quinzaine d’octobre jusqu’en décembre, quelquefois même jusque soixante-dix jours avant la Pâque. Cf. Babyl. Berachoth, ꝟ. 18, 2 ; Menachoth, ꝟ. 85, 1. C’est donc entre novembre et janvier que Notre-Seigneur pouvait dire à ses apôtres : « Encore quatre mois, ëti TerpâixTivôf êoti (sous-entendu xpôvoç), encore (un temps) de quatre mois, et c’est la moisson. » Joa., iv, 35. La présence du mot ïti, « encore, » ne semble pas indiquer que la phrase de Notre-Seigneur soit un proverbe pouvant se dire en tout temps. Il n’en est pas moins possible pourtant de la prendre en ce sens ; car, en Palestine, les moissons mettent à peu près régulièrement quatremois à mûrir ; elles sont plus ou moins tardives selon que les semailles elles-mêmes l’ont été. Cf. Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, p. 339.
2° Ses conditions. - On coupait le blé ou l’orge à la faucille, Is., xvii, 5, ordinairement assez près de l’épi, Job, xxiv, 24, de manière à n’avoir pas trop à se courber
pour moissonner. C’est ainsi que procédaient les moisson- [ semblait en tas, Ruth, iii, 7, pour les transporter ensuite ncurs égyptiens (fig. 304). Voir aussi t. i, fig. 45, col. 277 j f à dos d’animaux ou sur des chariots, Am., ii, Î3, soit dans
305. — Tableau complet de la moisson. Tombeau de Ti. Musée Guimet.
1. ii, <jg. 629, 670, col. 2181, 2183. De la main gauche, on saisissait une poignée d’épis et on la coupait de la droite. On faisait des gerbes, Ps. cxxix (cxxyiii), 7, qu’on ras
des greniers, Malth., xiii, 30, soit plus ordinairement jusqu’à l’aire où l’on battait le grain. Voir Aire, t. i, col. 324. La moisson était accompagnée de réjouissances.
IV. — 39
fa., IX, 3. Sur le second registre supérieur de la figure 305 qui reproduit une scène de moisson, on voit à gauche un joueur de flûte et en face de lui un autre Égyptien qui bat des mains en cadence et chante probablement, pour entraîner les moissonneurs à la besogne. Les gais propos et les rafraîchissements achevaient d’entretenir les courages. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, p. 342 ; Id., études égyptiennes, La culture et tes bestiaux dans les tableaux de l’Ancien Empire, in-8°, Paris, 1888. C’était une honte de dormir à l’heure où il fallait moissonner. Prov., x, 5. — Après le déluge, Dieu avait promis à Noé que désormais les moissons se succéderaient régulièrement. Gen., viii ; 22. Mais divers accidents pouvaient empêcher le maître
sommer sur place. Deut., xxiii, 35. Le droit de glanage était aussi consacré par la loi. Lev., xix, 9 ; Deut., xxiv, 19. Voir Glanage, t. iii, col. 249. Cf. Is., xvii, 5, On ne pouvait moissonner ni l’année sabbatique ni l’année jubilaire. Lev., xxv, 5, 11. Quelquefois une année sabbatique et une année jubilaire, en se suivant immédiatement, empêchaient deux moissons consécutives. IVReg., xix, 29 ; Is., xxxvii, 30. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1750. À la fête de la Pàque, on présentait au sanctuaire les prémices de la moisson de l’orge, qui mûrissait avant le blé. Exod., xxxiv, 22, et, à la Pentecôte, celles de la moisson du blé. Lev., xxiii, 10. Cette dernière fête, qui terminait la période de la moisson, s’appelait fyag Itaq-qâsîr, « fête de la moisson. » Exod., xxiii, 16.
du champ de moissonner : la sécheresse ; qui ne permettait pas au grain de germer et engendrait la famine, Gen., xlv, 6 ; le pillage de la moisson par les affamés, quand le maître ne veillait pas, Job, v, 5 ; l’incendie de la moisson encore sur pied, Jud., xv, 5 ; Judith, ii, 17 ; les ravages des sauterelles. Joël, I, 11, etc. Le paresseux et le contemplateur de nuages ne devaient pas s’attendre à recueillir une moisson. Prov., xx, 4 ; Eccle., xi, 4 ; II Cor., IX, 6. — Les moissons de Palestine étaient assez abondantes pour fournir les marchés d’exportation de Tyr. Ezech., xxvii, 17 ; cf. Is., xxrvi, 17. — Les oiseaux du ciel sont nourris par la Providence sans avoir besoin de semer ni de moissonner. Matth., vi, 26 ; Luc, xii, 24.
3° Dispositions législatives. — L’observation du sabbat était rigoureusement prescrite, même en temps de labourage ou de moisson. Exod., xxxiv, 21. En moissonnant, on devait laisser un coin du champ pour le pauvre. Lev., xix, 9°) xxiii, 22, En dehors de ce cas, personne ne pouvait moissonner dans le champ d’autrui ; mais le passant avait le droit d’y cueillir des épis pour les con iio de M. L. Heidet.
4° Coutumes juives. — Voici comment les Juifs s’acquittaient de ces dernières prescriptions. Le soir de la Pâque, dés le début de la nuit qui commençait le 16 du mois de nisan, des délégués du sanhédrin partaient solennellement de Jérusalem avec une corbeille et une faucille, traversaient le Cédron, et, dans un champ voisin, coupaient une certaine quantité d’orge, acheté aux frais du trésor. Ils l’apportaient aux prêtres dans les parvis du Temple. Ceux-ci en tiraient un dixième d’épbi de fleur de farine, qu’ils mélangeaient d’huile et d’encens, pour faire les gâteaux qui devaient être offerts, puis mangés par les prêtres. Josèphe, Ant. jud., III, x, 5, dit que l’on croyait juste de faire honneur à Dieu des prémices de l’orge, pour le remercier des biens reçus de sa munificence. Tant que cette offrande de prémices n’était pas feite, personne n’avait le droit de mettre la faucille an blé, à l’orge, à l’épeautre, à l’avoine ou au seigle. Cf. Sukka, iii, 12 ; Gem., Rosch Haschana, 7, 2 ; Clialla, i, 1 ; Menachoth, x, 3 ; vi, 6 ; Schekalim, iv, 1. Quand les Apôtres prirent dès épis dans un champ et les froissèrent, la Pàque était donc certainement passée ; car,
au HeU de leur faire remarquer que leur action n’était pas permise le jour du sabbat, on leur eût objecté que la moisson n’était pas encore ouverte. Matth., xii, 2 ; Luc, Vi, 2. — À la Pentecôte, on offrait au Temple deux pains fermentes, faits avec de la farine provenant de la moisson du froment de l’année. Ce froment avait dû être moissonné en terre d’Israël. Cf. Siphra, ꝟ. 77, 1. A partir de ce jour, on pouvait présenter au Temple des gâteaux faits avec la farine de l’année. Cf. Menachoth, x, 6 ; Reland, Antiquitates sacras, Utrecht, 1741, p. 233, 234, 239. — La moisson commençait donc officiellenient en Palestine au milieu de nisan, soit dans la première quinzaine d’avril, et elle se prolongeait jusqu’au milieu de sivan, ou fin de mai. On moissonnait l’orge au début et le blé à la fin. II. Au sens FiGunÉ. — 1o La prospérité ou le malheur.
— La moisson, effet de la semence et de la culture, figure les effets heureux ou funestes de la bénédiction ou de la malédiction divines, de la conduite bonne ou mauvaise de l’homme. La joie de la moisson figure celle que cause la confiance en Dieu. Ps. iv, 8. Une moisson est préparée à Juda, quand Dieu ramènera les captifs de son peuple. Ose., vi, 11. Alors ceux qui ont semé dans les larines moissonneront dans la joie. Ps. cxxvi (cxxv), 5, 6. Par contre, le cri de guerre retentit sur les moissons de Moab, pour annoncer la ruine de ce peuple. Is., xvi, 9. Tyr et Sidon, condamnées par le Seigneur, sont comme une moisson que la faucille va couper. Joël, JH, 13. Une nation vengeresse doit dévorer la moisson de ]a maison d’Israël. Jer., v, 17. Israël coupable sèmera, mais ne moissonnera pas. Mich., VI, 15. Ses ennemis eux-mêmes sèmeront du froment et récolteront des épines. Jer., xir, 13. En général, l’homme recueille ce qu’il a Semé, c’est-à-dire subit les conséquences de ses actes. II Cor., ix, 6 ; Gal., vi, 8, 9. Ceux qui sèment l’iniquité moissonnent le malheur. Prov., xxii, 8 ; Ose., Vin, 7 ; x, 12, 13 ; Eccli., vii, 3. — Saint Paul dit qu’en retour des biens spirituels qu’il sème dans les âmes des fidèles, il a bien le droit de moissonner un peu de biens temporels. I Cor., ix. 11.
2o La fin du monde, — Elle est représentée sous la figure d’une moisson. Matth., xiii, 30, 39 ; Apoc, xiv, 15, 16.
3o La moisson spirituelle. —La semence évangélique est jetée dans les âmes ; la conversion et la sanctification de ces âmes est comparée à une moisson, en vue de laquelle il faut demander à Dieu des ouvriers. Matth., ix, 37, 38 ; Marc, iv, 29 ; Luc ; , x, 2 ; Joa., iv, 36-38. Le maître du champ moissonne là où il n’a pas semé, au dire du mauvais serviteur. Matth., xxv, 24, 26 ; Luc, xix, 21, 22. Le maître relève cette insolence en rappelant au serviteur négligent qu’il a reçu un bien à faire valoir et qu’il aurait dû travailler pour que ce bien fructifiât, c’est-à-dire pour que la grâce divine produisît en lui une
moisson spirituelle.- MOISSONNEUR##
MOISSONNEUR (hébreu : qôsêr, ’an$ê qàirr, « hommes de moisson, » Is., xvii, 5 ; Septante : (Jspiïiov, Siptcrrriç ; Vulgate : messor), celui qui moissonne (fig. 307).
— Dans le livre de Ruth, ii, 3-m, 15, on voit les moissonneurs au travail. Ils ont un surveillant, Ruth, ii, 5, des vases pour se désaltérer, Ruth, ii, 9, du grain rôti à manger, Ruth, ii, 14 ; ils moissonnent successivement l’orge et le froment, Ruth, H, 23, et en font des gerbes. Ruth, ii, 7, 15 ; iii, 7. Ce furent des moissonneurs de Béthsamès qui virent l’Arche les premiers à son retour de chez les Philistins. I Reg., VI, 13. Samuel avertit les Israélites que le roi qu’ils désiraient prendrait leurs fils pour récolter ses moissons. I Reg., viii, 12. Jérémie, ix, 22, parle des hommes qui, frappés par la mort, tomberont comme la gerbe derrière le moissonneur. L’herbe des toits ne suffit pas à remplir la main du moissonneur. Ps. cxxix (cxxviii), 7. Le prophète Haba 1 eue allait porter leur nourriture aux moissonneurs, quand l’ange le saisit et le transporta auprès de Daniel. Dan., xiv, 32. Saint Jacques, v, 4, réprimande ceux qui font tort de leur salaire aux moissonneurs qu’ils ont
307. — Moissonneur égyptien. Bas-relief du tombeau d’Uranna.
D’après N. de G. Davies, The Rock tomba of Sheikh Sdid,
in-f°, Londres, 1901, Frontispice.
employés. —Le laboureur suit de près le moissonneur, quand la moisson est tellement abondante qu’elle réclame un long temps pour être fauchée, recueillie et battue. Am., ix, 13. — Les ennemis qui viendront frapper Israël feront comme le moissonneur qui fauche les blés et ne laissent que quelques épis pour le glanage. Is., xvii, 5. Les moissonneurs de la fin du monde seront
les anges. Matth., xiii, 39.- MOLADA##
MOLADA (hébreu : Môldddh ; Septante : MtoXaSS ; on trouve encore les leçons erronées : Mtoêaoa, Alexandrïnus, Jos., xv, 26 ; KaXaâajj., Vaticanus, Jos., xix, 2), ville primitivement assignée à Juda, Jos., xv, 26, don^ née ensuite à Siméon, xix, 2, et repeuplée de Juifs après le retour de Babylone. II Esd., xi, 26. — 1o Situation.— Nommée avec Bersabée et Sabée, elle doit, sans doute, se chercher sous la même latitude ou dans leur voisinage. Les interprètes croient généralement Molada identique à la ville de Malatha de l’Idumée, près de laquelle Agrippa Ier se retira, à son retour de Rome et avant la mort de Tibère. Jos., Ant. jud., XVIII, vi, 6. Cf. Reland, Palœstina, p. 901, 886. L’Idumée, d’après l’historien juif, commençait alors à Bethsur (bordj Sûr), au /nord d’Hébron, et comprenait Adora (auj. Bord) et Marissa, voisine de la Bethogabra de Josèphe (Beit Bjibrïn), c’est-à-dire une grande partie du territoire de l’ancienne tribu de Juda et tout le territoire de Siméon. — La forme Malatha permet de supposer que le vrai nom de cette localité pouvait être Malahah ou Malhafa’; il dériverait ainsi, non de yâlad, « enfanter, » comme l’a cru Gesenius, Thésaurus, p. 595, mais de mâlah, « être salé. » Cette conjecture peut sembler d’autant plus probable que le nom Maleaha (variante Maleathia) se trouve pour désigner la même ville dans la Nolilia dignitatum imperii
Romani. Cf. Reland, Palxstina, p. 231. Elle était la résidence de la première cohorte, flavia, et est nommée entre Arindela et Thamana.
2° Identification. — Eusèbe indique Molada dans la tribu de Siméon, et Malatha, écrit par lui MaXaiOot et MaXafloi dans la Daroma ou région méridionale de la Palestine, près d’Éther ou Jéther et à quatre milles d’Arad. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Londres, 1862, p. 178, 232, 292. Jos. Schwarz croit avoir retrouvé Molada à une heure et demie au sud-ouest de tell’Arad. Tebuoth ha-Arez, nouvelle édit., Jérusalem, 1900, p. 120. Le rabbin semble désigner ainsi la ruine appelée Kuseiféh, située à 6 kilomètres au nord-ouest de Tell’Arad, distance qui correspond exactement à celle indiquée par Eusèbe. — Robinson identifie Molada avec Tell el-Milh ou el-Meléh, situé à 12 kilomètres à l’ouest-sud-ouest de Tell’Arad. Pour cet explorateur, el-Milh est une corruption de la forme grecque Malatha dérivée elle-même de Molada. Cf. Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. ii, p. 619-627. Cette identification a été acceptée comme certaine ou du moins comme très probable par un grand nombre de palestinologues. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 218 ; V. Gué-, rin, La Judée, t. iii, p. 183-185 ; R. von Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 65 ; ld.Bibel-Atlas, ibid., 1882, p. 21. — Tell él-Meléh est une colline artificielle composée de débris de constructions et de terre. Ces restes n’ont rien de remarquable. Le sommet de la colline sert de cimetière aux Arabes de la région. Au nord-est est un puits environné d’auges en pierre d’apparence très antique, où les Bédouins viennent abreuver leurs nombreux troupeaux. Les eaux sont abondantes mais saumâtres, et les chevaux se décident difficilement â en boire. — En raison de cette circonstance, quelques géographes pensent que le nom du puits, bîr el-Meléh, qui est d’origine arabe, passé au tell. La distance marquée par Eusèbe doit aussi faire chercher .ailleurs Molada. Suivant Conder, Tell el-Meléh occuperait plutôt le site de la ville appelée, Hr ham-Melah, civitas Salis, « la ville du Sel, » Jos., xv, 62, et il faudrait chercher Molada au khirbet Dereidjât, situé à 6 kilomètres, équivalant exactement aux quatre milles d’Eutsèbe, au nord-ouest de Tell’Arad. Cf. C. R. Conder, dans The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 404-416 ; Armstrong, Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 128 ; Buhl, Géographie des alten Palàstina, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1890, p. 182. — À 12 kilomètres^ sud-sud-ouest de Tell’Arad, on signale encore une localité appelée Mefallah, dont le nom pourrait être une de ces métathèses, si fréquentes -dans le pays, pour Malatha ; mais la distance de VOnomasticon ne lui convient pas exactement non plus. Cette difficulté, aussi bien pour cette localité que pour tell el-Meléh vu les erreurs de mesures assez nombreuses de VOnomasticon, n’est pas très sérieuse. Pour cette dernière, celle du nom ne l’est pas davantage : les anciens .ont pu, comme les modernes, désigner la ville de la nature saline des eaux voisines, et former son nom d’un dérivé de la racine mélah, en usage chez eux comme chez les Arabes. L. Heidet.
- MOLATHI##
MOLATHI, MOLATHITE (hébreu : ham-Mehôlâpi ;
: Septante : 6 MaouXaOfruc, 6 MaiouXaOt ; Alexandrinus ;
; MufljXa81Triç ; Vulgate : Molathita, de Molathi), originaire
de Mehôlàh ou habitant de cette ville. Hadriel, fils de Berzellaï, à qui le roi Saùl donna sa fille Mérob en mariage, est appelé « le Molathite », IReg^Sam.J.xviir, 19 ; II Reg. (Sam.), xxi, 8, probablement parce que lui
ou ses ancêtres étaient nés à Mehôlah. Un certain nombre de commentateurs pensent que Mehôlah n’est pas autre qu’Abelméhulah, avec suppression du premier
.élément du nom. Cette opinion ne manque pas de vrai semblance, mais elle n’est point certaine. Pour le site d’Abelméhula, voir t. i, col. 33.
- MOLCHOM##
MOLCHOM (hébreu : Malkâm, « leur roi[ ?] ; » Septante : MeXxâç ; Alexandrinus : Menait), le quatrième des sept fils de Saharaïm et de Hodès, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 9.
MOUD (hébreu : Môlid, « qui fait engendrer ; » Septante : MwriX ; Alexandrinus : MwXâê), le second des fils d’Abisur et d’Abihaîl, de la tribu de Juda, descendant de Jéraméel. I Par., ii, 29.
- MOLLET##
MOLLET, partie postérieure de la jambe, entre l’articulation du genou et le talon. Cette partie charnue, située en arrière du tibia et du péroné, se compose des jumeaux, muscles extenseurs de la jambe, et du soléaire, muscle extenseur du pied, rattachés à l’os du talon par le tendon d’Achille. Il n’est point question du mollet proprement dit dans le texte hébreu ni dans les Septante. Mais, par deux fois, Deut., xxviii, 35, Jud., xv, 8, la Vulgate traduit par sura, « mollet, » l’hébreu êôq, « jambe. » Voir Jambe, t. iii, col. 1113. Le sens de ces
passages n’en est pas modifié.- MOLLI K Tobie##
MOLLI K Tobie, bénédictin, né le 13 juin 1751, à Raab en Hongrie, mort dans la même ville le 15 avril 1824. Il embrassa la vie monastique de l’abbaye de Saint-Martin de Pannonie le 17 novembre 1768. Parmi ses écrits nous remarquerons] : Pentateuchus secundum litteralem mysticumque sensum familiari sanctis Patribus methodo per brèves videlicet homilias explicatus atque omnigena historix theologimque éruditions illustratus, in-4°, Erlau, 1785 ; Dissertationes trinse de LXXH interpretum grseca Veteris Testamenti versione, in-8°, Raab, 1819. — Voir Scriptores Ord. S. Benedicti qui 1750-1880 fuerunt in imperio Austriaco-Hungarico (1881), p. 301. B. Heuhtebize.
- MOLOCH##
MOLOCH (hébreu : ham~Môlék, toujours avec l’article, excepté I (III) Reg., xi, 7), dieu des Ammonites.
1. Nom. — Son nom signifie « roi », ce qui explique les manières diverses dont il a été rendu par les Septante et par la Vulgate. Les Septante l’ont rendu par 6 MoXdx, IV Reg-, XXIII, 10, 13 ; ô MoXô^ (3aatXe-jç, Jer., xxxii, 35 ; âp-^wv, Lev., xviii, 21 ; xx, 2, 3, 4, 5 ; à paat-Xeùç aireûv, 1Il Reg., xi, 7 ; IV Reg., xxiii, 10 ; MeX^c (Atexandrinus) ; MeX^ôij. (Lucien) ; IV Reg., xxiii, 13 ; ’A[ieXxô[i (Alexandrinus), IV Reg., xxiii, 13 ; MeX^rôX, Jer., xlix, 1, 3 ; MoXiSx, Amos, v, 26. On trouve aussi MûX/ôX, MoXx<5(i, etc., dans quelques manuscrits. Dans les Actes, vii, 43, son nom est écrit MoXdj^. C’est le seul endroit du Nouveau Testament où il soit mentionné, dans le résumé historique que fait le diacre saint Etienne des infidélités d’Israël. — Plusieurs savants modernes, G. Hoffmann, Versuche zu Amos, viii, 14, dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissenschaft, 1883, p. 124, croient que le nom du dieu devait se prononcer régulièrement Mélek, comme le mot signifiant « roi », mais que c’est par dérision qu’on l’appelait Môlek, en lui attribuant les voyelles du mot bôSe{, « honte. » Cf. la substitution de bôsep à Ba’al, Jer., iii, 24. Voir Miphiboseth, col. 1108.
La signification « roi » du nom du dieu Moloch crée une ambiguïté dans plusieurs passages de l’Ancien Testament où traducteurs et commentateurs se divisent, les uns y voyant un nom propre, les autres un nom commun. Dans le texte hébreu lui-même, il n’est pas toujours aisé de reconnaître si le mot Mlk signifie le dieu Moloch ou simplement un roi. Les massorètes l’ont ponctué comme désignant le dieu dans Lev., xviii 21 ; xx, 2, 3, 4, 5 ; I (III) Reg., xi, 7 ; H (IV)Reg., xxiii, 10. Ils l’ont ponctué comme désignant un roi dans les pas
sages suivants, où, d’après certain -, commentateurs, ils auraient dû lire Moloch : Is., xxx, 3d ; lvii, 5. — Lesmassorètes ont considéré le mot Mlkm, comme nom divin, Milcom, dans trois passages seulement, I (III) Reg., xt, 5, 33, et II (IV) Reg., xxiii, 13. Ils ont lu Malkam, « leur roi, » dans plusieurs endroits où divers critiques lisent Milcom. II Sam. (II Reg.), xii, 30 (Septante : MoXxôf. toî-paffiXÊioi ; ) ; I Par., xx, 2 (Septante : MoX/bp. toû’Pcmti-X £wç) ; Jer., xlix, 1, k Cf. Amos, I, 15 (Septante : oi(3a<ji>£’.î)> Amos, v, 26 ; Soph., i, 5. D’après les Septante (toj PeunXéwç a-JTôv), la Vulgate et divers critiques modernes, dans ce dernier passage, il s’agit du dieu Moloch et non du roi, et cette opinion est fort probable. Sur Amos, i,
308. — Stèle votive à Moloch-Baal. Haut. : 0-20 ; larg. : 0-14.
Musée Lavigerie à Saint-Louis de Cartbage.
On y lit : Gippe de Moloeh-Baal ; vœu fait par Bod-Astaroui,
fila de Bod-Melqarth, etc.
15, les sentiments sont très partagés : les uns traduisent : « leur roi (des Ammonites) sera emmené en captivité ; » les autres : « Milcom (ou Moloch) sera emmené captif. » On peut alléguer en faveur de cette dernière explication que le passage semblable de.Jérémie, xlix, 3, s’applique certainement à Moloch. Dans Amos, v, 26, au contraire, l’interprétation de Milkam par Moloch, au lieu de « votre roi », souffre plus de difficultés. Les anciens commenta-, teurs ont généralement vu dans ce passage une allusion à l’idolâtrie des Israélites dans le désert du Sinaï et supposé qu’ils y avaient adoré Moloch. Les Septante, Aquila, la Vulgate, la Peschito ont rendu Malkekém par Moloch. Cf. Act., vii, 43. Beaucoup de modernes adoptent une autre explication et, au lieu de « tente de Moloch », traduisent Sikkuth (ou Sakkuth), « votre roi. « Voir Kion, t. iii, col. 1892.
Le mot mélék ou mélech entre comme élément composant dans un grand nombre de noms propres, chez tous les peuples sémites, et il y a lieu de croire que
dans beaucoup de cas, c’est de Moloch ou d’un dieu considéré comme roi qu’il s’agit, par exemple, dans les stèles votives de Carthage (fig. 308, 309), quoiqu’on puisse soutenir que dans certains noms Mé lech doive s’entendre du roi régnant. Sennachérib, dans le Prisme de Taylor, mentionne un roi édomite appelé Malik-rammu. Eb. Schrader, Die Keilimchrtften und das dite Testament, 1872, p. 57. Dans l’onomastique phénicienne, plusieurs noms propres renferment aussi l’élément Mlk, Malkyathon, Abdmalk, Bodmalk, etc. Voir M. A. Levy, Phônizischer Wôrterbuch, 1864, p. 28, 35 ; Id., Phônizische Studien, t. iv, 1870, p. 82. Cf. M. de Vogué, Stèle de Yehavmélek, roi de Gebal, Paris, 1875, p. 6. Chez les Hébreux eux-mêmes, nous rencontrons MalkUû’a (Melchisua), I Reg., xiv, 49 ; Malkiram (Melchiram), I Par., m, 18 ; 18 ; Natanmélék (Nathanmélech), IV Reg., xxiii, . 11 ; Regem mélek (Rogommélech), nom d’un Juif babylonien, Zach., vii, 2. Ébedmélek (Abdémélech), mentionné Jer., xxxix, 16, était Éthiopien. Il est possible que dans, la catégorie de noms hébreux Mélek désigne Jéhovah^ « ..A
tv). ?.$ i pî i &r,
309. — Autre stèle votive à Moloch-Baal. Haut. : 0-32 ; larg. : 0-18, .
Musée Lavigerie à Saint-Louis de Carthage.
On y lit : Cîppe de Moloch-Baal ; vœu fait par Magon,
fils d’Adonibaal, fils de Magon, fll9 de Bod-Astharoth, etc.
considéré comme le roi de son peuple. Cf. Is., vi, 5, où. le Dieu d’Israël est appelé ham-mélek, « le roi. » II. Culte. — Moloch était le dieu des Ammonites.
III Reg., xi, 5, 7, 33} IV Reg., xxiii, 13. Cf. Amos, i, 15 ( ?), Des prêtres particuliers étaient attachés à son culte, , Jer., xlix, 3, mais nous n’avons aucun détail sur la manière dont ils l’honoraient. C’est par l’histoire de l’idolâtrie en Israël que nous savons qu’on lui offrait des. victimes humaines et surtout des enfants. On « faisait, passer », hé’ëbîr, les enfants par le feu et on les consumait en l’honneur du dieu, Lèv., xviii, 21 ; Jer., xxxii, 35 ; Ezech., xx, 26, à qui ils servaient de nourriture. Ezech., xvi, 20 ; xxiii, 37 (lé’ëkôl, le’oklah ; Vulgate ad devorandum). Le Lévitique interdit sévèrement ce : rite barbare. Lev., xviii, 21 ; xx, 2, 3, 4, 5.. Cf. Deut., . xviii, 10. Il n’en fut pas moins pratiqué plus d’une fois, dans le royaume d’Israël, IV Reg., xvii, 17, et même dans le royaume de Juda. IV Reg., xxiii, 10 ; Is., lvii, 5 ; Jer., vii, 30-32 ; xix, 1-13. Cf. Ps. cv (cvi), 37-38 ; Ezech., xvi, 20-21 ; xxiii, 37-39. Les rois eux-mêmeseurent la cruauté d’offrir ainsi leurs fils à Moloch : c’est, ce que fit Achaz, roi de Juda, IV Reg., xvi, 3 ; II Par.„ xxviii, 3 ; c’est ce que fit aussi son petit-fils Manassé..
IV Reg., xxi, 6. Ces sacrifices s’accomplissaient à Topheth (voir Topheth), dans la vallée de Géennom (t. hl, col. 153), ce qui, du temps de Notre-Seigneur, avait fait donner le nom de cette vallée, transformé en-fésvva ou,
géhenne, à l’enfer. Voir Géhenne, t. iii, col. 155. S. Jérôme, InJer., vii, 31, t. xxiv, col. 755 ; ïn Matth., x, 28, t. xxvi, col. 66. Jérémie, xix, 5, dit que les enfants immolés à Topheth étaient offerts â Baal, mais il emploie le nom de Baal comme synonyme de Moloch. Cf. Jer., xxx] [, 35. — En même temps que Moloch était honoré par ces sacrifices humains dans la vallée qui s’étend au sud de Jérusalem, on lui rendait aussi un culte sur un Mmâh ou haut lieu que lui avait érigé Salomon, devenu idolâtre, sur le mont du Scandale, au sud-est de Jérusalem. III Reg., xi, 5, 7, 33. Il est fait encore mention de ce bamdh, à l’occasion de sa destruction par Josias, IV Reg., xxiii, 13, mais nous ignorons de quelle manière on honorait Moloch sur ce haut lieu. — Sophonie, i, 5, reproche aux Juifs de jurer par Melchom ou Moloch en même temps que par Jéhovah, et confirme ainsi ce que nous apprennent les autres livres sacrés des hommages rendus par les Israélites au dieu des Ammonites. Certains interprètes traduisent cependant Melchom par « leur roi » dans ce passage de Sophonie. Après la captivité de Babylone, on ne trouve plus de traces du culte de Moloch chez les Juifs.
III. Les sacrifices humains chez les Assyro-Chaldéens. — On admet généralement aujourd’hui que Moloch était une personnification du soleil divinisé,
Fr. Lenormant, Éludes accadiennes, t. iii, part, i, p. 112 ; Id., Les premières civilisations, 2 in-8°, Paris, 1874, t. ii, p. 197. Cf. C. Bail, dans les Proceedings of Ike Society of Bibl. Arch., 2 février 1892, p. 149152. Mais quelques cylindres chaldéens paraissant bien représenter des scènes de sacrifices humains. Voir J. Menant, Les sacrifices humains, dans ses Recherches sur la glyptique orientale, part. i, in-4°, Paris, 1883, p. 150-156 ; Id., Collection de Clercq, 2 in-f », Paris, 1885, p. 18. L’un d’entre eux (fig. 310) nous montre la victime à demi agenouillée devant un dieu et derrière elle un personnage qui tient le bras levé pour la frapper. Rien n’indique qu’on la fasse passer par le feu. Il faut remarquer à ce sujet qu’on ne brûlait pas vifs ceux qu’on offrait à Moloch ; on ne les jetait dans le feu comme une sorte d’holocauste qu’après les avoir immolés en sacrifice. Deut., XII, 31 ; cf. xviii, 10 ; Ezech., xvi, 20 ; xxiii, 37 ; Jer, , vii, 31 ; xix, 4-6 ; cf. xxxii, 35 ; IV Reg., xvii, 31. Un autre cylindre, en basalte noir, publié par M. C. J. Bail, Glimpses of Babylonian Religion, Ruman Sacrifices, dans les Proceedings of the Society of Biblical Archseology, 2 février 1892, t. xiv, p. 152-153, nous montre les flammes qui manquent dans le précédent (fig. 311). Le dieu à qui l’on offre le sacrifice est debout sur une pyramide à quatre degrés, qui est son temple. Le pied gauche est posé sur le plus bas degré, le pied droit sur le plus haut.
310. — Sacrifice d’enfant. Cylindre choldéen en hématite provenant de la collection du duc de Luynes. Bibliotb. nationale.
comme le Baal phénicien. W. Baudissin, Studien zur semitischen Religionsgeschichte, 1876, p. 152. C’est sans doute pour cette raison qu’on lui offrait des victimes humaines qu’on brûlait en son honneur. Les Phéniciens, qui personnifiaient le soleil en Baal, lui immolaient également des hommes. Eusèbe, Prsep. evang., i, 16, t. xxi, col. 272. Les Carthaginois faisaient de même. Diodore de Sicile, xx, 14 ; S. Augustin, De civ. Dei, vii, 19, t. xli, col. 209. Il y a lieu de croire que cette coutume barbare existait également chez les Chaldéo-Assyriens. En effet, l’Écriture, IV Reg., xviii, 31, raconte que les Répharvaïtes qui furent déportés par Sargon, roi d’Assyrie, en Samarie, brûlaient au feu leurs enfants pour honorer Adramélech et Anamélech qui étaient les dieux de Sépharvaïm ou Sippara. On peut observer que le second élément de ces deux noms divins est Mélech, le nom même de Moloch. On n’a aucune raison de confondre Moloch avec ces deux divinités, mais l’existence des sacrifices d’enfants chez ces colons assyriens est ainsi constatée. Les inscriptions cunéiformes n’ont fourni jusqu’à ce jour, il est vrai, aucune preuve positive constatent cette coutume. Les textes que M. Sayce et Fr. Lenormant avaient cru pouvoirtraduire dans ce sens n’ont pas cette signification. Western asiatic Inscriptions, t. iv, pi. 26 ; t. iii, pi. 61, Obv., 1. 33 ; Sayce, On human sacrifice among the Babylonians, dans les Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. iv, part, i, 1876, p. 25-31 ; Id., Astronomy of the Babylonians, ibid, , t. iii, 1874, part, i, ligne 162, p. 274 ;
311. — Autre sacrifice humain. Cylindre chaldéen.
D’après C. J. Bail, Glimpses of Babylonien Religion,
dans les Proceed. of the Society of Biblvrch., t. xiv, p. 152.
De la main droite il tient une épée courte et recourbée, de la gauche, un sceptre. Derrière lui est dressé un petit autel avec des offrandes. Devant lui, un roi ou un prêtre ou plutôt sans doute un roi pontife tient son sceptre avec les deux mains. La scène capitale se passe devant ces deux personnages, en tenant compte de la forme cylindrique de l’objet sur lequel elle est représentée, quoique, pour éviter de couper les acteurs du drame, elle soit figurée derrière eux sur le dessin. Deux personnages revêtus de la peau de léopard qui distingue les prêtres égyptiens, tiennent l’un et l’autre le bras droit levé comme pour frapper. Avec la main gauche, l’un d’eux tire en arriére la tête d’un homme agenouillé sur un genou, tandis que l’autre le tient par la barbe, afin de dégager son cou qui va être coupé. À droite de la victime est un oiseau de proie qui s’apprête à le dévorer ; à sa gauche, une antilope s’enfuit. Au-dessus de lui s’élèvent des flammes.
IV. Idole de Moloch d’après les rabbins et saint -Cyrille. — 1° Plusieurs commentateurs pensent que les Ammonites représentaient Moloch sous une forme humaine, puisqu’il portait une couronne, d’après II Reg., xii, 30, et I Par., xx, 2, en entendant ces textes du dieu Moloch. Les rabbins ont attribué à Moloch une tète de taureau, Yalkut (voir Cara 2, t. H, col. 241), et Kimchi, dans son commentaire de IV Reg., xxiii, 10, raconte qu’il y avait en dehors de Jérusalem une statue d’airain creuse représentant Moloch ; dans l’intérieur était un temple à sept compartiments. Raschi, In Jer., vil, 31, dit aussi que la statue de Moloch était d’airain et creuse ; on la faisait rougir et quand elle était ainsi
embrasée, on y jetait les enfants qu’on lui offrait en sacrifice et l’on étouffait le bruit de leurs cris au son des tambours. Voir Scholz, Gôtzendienst, 1877, p. 187, 191. Diodore de Sicile, xx, 14, raconte que Chronos, le Moloch de Carthage, était représenté par une statue d’airain, aux bras étendus, et creuse, brûlant par le feu allumé à l’intérieur, les enfants qu’on lui mettait dans les bras. Plusieurs critiques croient que ce passage de Diodore ou d’autres croyances populaires analogues, sont la source des descriptions dé Yalkut et de Kimchi. Quoi qu’il en soit, aucun auteur ancien, en dehors des rabbins du moyen âge, ne parle du taureau-Moloch de Jérusalem. Voir Baudissin, Moloch, dans Herzog, Real-Encyklopàdie, 2e édit., t. viii, 1882, p. 174. — Félix Lajarda publié, dans son Introduction à l’étude du culte public et des mystères de Mithra en Orient et en Occident, Planclies, in-f°, Paris, 1847, pi. lxviii, fig. 25, un scarabée de cornaline de vieille roche, représentant un dieu oriental, assis, à tête de taureau, qu’on a supposé être une représentation de basse époque du dieu Moloch (fig. 312), mais cette attribution est loin d’être certaine.
312. — Dieu à tête de taureau.
D’après F. Lajaid, Introduction au culte de Mithra.
Atlas, pi. lxvhi.
2° D’après saint Cyrille d’Alexandrie, In Amos, v, 2527, n » 55, t. lxxi, col. 512 ; Théophylacte, In Act., vii, 43, t. cxxv, col. 621 ; Œcuménius, In Act., vii, 43, t. cxviii, col. 148, Moloch portait sur le front une pierre brillante, lt’90v Staçavîj. Leur affirmation n’est pas justifiée. Théophylacte et Œcuménius ont reproduit mot pour mot les paroles de saint Cyrille. Ce Père a peut-être emprunté sa description aux rabbins. Il est raconté, dans II Reg., xii, 30, que David s’empara de la couronne de Melchom ou Moloch, à Rabbath-Ammon. La Vulgate, au lieu de Moloch, lit avec l’hébreu, « leur roi, » mais un grand nombre de commentateurs modernes, comme on l’a vu plus haut, traduisent « Milcom », le dieu des Ammonites. D’après cette interprétation, l’idole était parée d’une couronne. La tradition rabbinique ajoutait que dans cette couronne brillait une pierre précieuse, un aimant d’après Kimchi. Il est possible que ce soit à cette source qu’a puisé le docteur alexandrin.
V. Bibliographie. — Voir dom Calmet, Dissertation sur Moloch, dieu des Ammonites, en tête du Lévitique, dans son Commentaire littéral, Paris, 1717, p. 592-603 ; Movers, Die Phônizier, 4 in-8°, Bonn, 1841-1856, t. i, p. 322-414 ; P. Scholz, Gôtzendienst und Zauberwesen bsr den allen Hebrâer, Ratisbonne, 1877, p. 182-197 ; Frd. Bæthgen, Beitrâge zur semilischen Religionsgeschichte, Berlin, 1888, p. 15-16, 37-40, 84-85, 238, 254255, 263 ; W. von Baudissin, Jahve et Moloch, in-8°, Leipzig, 1894 ; Alfred Jeremias, Moloch, dans W. H. Ros cher, Ausfùhrliches Lexikon der griechiscfwn und rômischen Mythologie, t. ii, 1890, col. 3106-3110 ; M. J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, in-8°, Paris, 1903, p. 99-109. F. Vjgouroux.
- MONACENSIS##
MONACENSIS (CODEX). Les trois manuscrits suivants, contenant des parties d’une ancienne.-version latine, sont conservés actuellement à la Bibliothèque royale de Munich et proviennent du monastère de Freising fondé au VIIIe siècle par saint Corbinien.
I. Manuscrit palimpseste du Pentateuque, d’après une ancienne version latine. Biblioth. royale de Munich, lat. 6225 (Fris. 25). C’est un volume in-4° du IXe siècle comprenant Job, Tobie, Judith, les deux livres d’Esdras, avec une ancienne version préhiéronymienne d’Esther jusqu’à xi, 3. Mais des 115 feuillets que ce codex renferme, 39 sont palimpsestes (de 76 à 115 sauf 92). Malheureusement, comme le format primitif était plus grand, les feuillets ont été rognés et il ne reste de l’ancien manuscrit que la colonne intérieure avec un tiers environ de la colonne extérieure. La lecture est en outre très difficile, parce que l’écriture du IXe siècle, au lieu d’être oblique ou interlinéaire relativementà l’écriture ancienne lui est exactement superposée. Cependant les’marges, où l’écriture palimpseste existe seule, facilitent un peu le travail de lecture et de restitution. Les parties qu’on a pu déchiffrer avec plus ou moins de certitude sont : Ex., ix, 15-x, 24 ; xii, 28-xiv, 4 ; xvi, 10-xx, 5 ; xxxi, 15xxxiii, 7 ; xxxvi, 13-xl, 32 ; Lev., iii, 17-iv, 25 ; xi, 12xiii, 6 ; xiv, 17-xv, 10 ; xviii, 18-xx, 3 ; Nu m., iii, 34-iv, 8 ; iv, 31-v, 8 ; vii, 37-73 ; xi, 20-xii, 14 ; xxix, 6-xxx, 3 ; xxxi, 14-xxxvi ; Deut., viii, 19-x, 12 ; xxii, 7-xxin, 4 ; xxviii, 1-31 ; xxx, 16-xxxii, 29. L’écriture palimpseste de ces fragments est du Ve ou VIe siècle. Cf. L. Ziegler, Bruchstïtcke einer vorhieronymianischen Uebersetzung, Munich, 1883. Malgré son état fragmentaire, ce manuscrit est très important, parce que les reliques de l’ancienne version latine de l’Ancien Testament sont fort peu nombreuses.
II. Un manuscrit des Évangiles selon l’ancienne version latine est coté lat. 6224 (Fris. 24) à la Bibliothèque royale de Munich. Il y fut transporté en 1802 de Freising, mais il existait avant la fondation de ce monastère, car s’il n’est pas du vie siècle, comme le prétendait Tischendorf, il est au moins du vne. Dans son état actuel il comprend 251 feuillets de parchemin à deux colonnes de 20 lignes chacune et mesure m 251 x ii, 211.
— L’ordre primitif des Évangiles était Matthieu, Jean, Luc, Marc. Un relieur maladroit a cherché à rétablir l’ordre ordinaire et il en est résulté un désordre étrange. De plus, le manuscrit est mutilé. Il manque 22 feuillets qui devaient contenir Matlh., iii, 15-iv, 23 ; v, 25- vi, 4 ; vi, 28-vn, 8 ; Joa., x, 11-xii, 38 ; xxi, 8-20 ; Luc, xxiii, 33-35 ; xxiv, 11-39 ; Marc, i, 7-21 ; xv, 5-36. L’écriture est une onciale ou plutôt une demi-onciale assez ferme qui rappelle un peu celle du Lugdunensis. La décadence s’y fait sentir dans les ligatures et la forme presque cursive de certaines lettres. Les titres et les premières lignes de chaque Évangile sont en capitales coloriées. Le scribe s’appelait Valérianus ; on ne sait rien de plus de lui. Une main malhabile du vin » ou du ix « siècle a ajouté des notes liturgiques. —Le Monacensis, désigné en critique, depuis Tischendorf, par la lettre g, est rangé par Hort parmi les textes italiens avec le Brixianus (f), tandis que le Vercellensis (a), le Veronensis (b) et le Vindobonensis (i) représenteraient le texte européen. White, qui en a donné une édition précédée d’une savante préface (The four Gospels from the Munich Ms. q, etc., Oxford, 1888, fasc. 3 des Old-Latin Biblical Texts), ne partage pas tout à fait cet avis : « L’impression générale laissée dans l’esprit par l’étude de ce codex est que si les leçons sont italiennes, les traductions sont européennes. »
III. Un autre manuscrit, conservé à la même biblio
thèque sous la cote lat. 6436 (Fris. 336), se compose d’un certain nombre de feuillets de garde arrachés à la couverture de volumes provenant de Freising. Ce curieux manuscrit d’une ancienne version latine du Nouveau Testament comprend actuellement (août 1904) : huit feuillets doubles, huit feuillets simples, plus un fragment de feuillet double tiré de la couverture du codex lat. 63Il et deux bandes de parchemin tirées de la couverture des codex lat. 6220 et 6277. 22 feuillets furent d’abord publiés par Ziegler, ltalafragmente der Paulinisclien Briefe, etc., Marbourg, 1876. Ils contenaient’-Rom. , xiv, 10-xv, 3 ; I Cor., i, 1-m, 5 ; vi, 1-vn, 1 ; xv, 14° 43 ; xvi, 12-Il Cor., ii, 10 ; II Cor’, iii, 17-v, 1 ; vil, 10, vin, 12 ; ix, 10-xi, 21 ; xii, 14-xiii, 10 ; Gal., ii, 5-m, 5 ; Eph., i, 16-n, 16 ; Phil., i, 1-20 ; iv, 11-1 Thess., 111 ; I Tim., i, 12-n, 15 ; v, 18-vi, 13 ; Heb., vi, 6-vin, 1 ; IX, 27-xi, 7. L’année suivante, Ziegler publia ses Bruclistûcke einer vorhieronym. Uebersetzung der Petrusbriefe, Munich, 1877. Ces fragments (I Pet. i, 8-19 ; ii, 20-m, 7) avaient été déchiffrés par lui sur la couverture du codex lat. 6230 où les feuillets de garde, aujourd’hui disparus, s’étaient jadis imprimés par décalque, lorsque la colle était encore fraîche et humide. Ziegler y joignait d’autres fragments (I Pet., iv, 10-Il Pet., i, 4), conservés en partie sur deux bandes de parchemin arrachées à la couverture des codex lat. 6220 et 6221. Il y joignait aussi la première Épltre de saint Jean (à partir de iii, 8) d’après un double feuillet mutilé qui faisait partie du codex lat. 6436. Ce dernier texte a cela d’intéressant qu’il renferme le comma johanneum (I Joa., v, 7) mais après Je_verset 8, comme le Cavensis, sous cette forme : quia sps [sic] estjveritas qoni (am très sunt qui testi/icantur ) in terra, sps et aqua et Sk(nguis et très suvt gui te8)TlFlCANTim in cœlo pater e(J Filius et Spiritvs sanctus et là) très unum sunt. si testim (onium) etc. Les parties comprises entre parenthèses sont restituées par conjecture. D’après Ziegler, le texte des Épitres catholiques semble être celui dont Fulgence de Ruspe (468-533) s’est servi ; Westcott et Hort se demandent s’il n’appartiendrait pas plutôt à la recension italienne. — On peut rattacher à ce manuscrit deux feuillets découverts en 1892 dans la bibliothèque de l’Université de Munich et publiés par Wôlfflin, Neue Bruchstûcke der Freisinger ltala (dans les Sitzungsberichte… der Akad. der Wissenschaften : u Mïmchen, Munich, 1893, p. 253-280) ; ainsi que deux autres feuillets de l’abbaye de Gôttweig, sur le Danube, feuillets publiés par Rônsch dans la Zeitschrift fur wissensch. Theol., t. xxii, Leipzig, 1879, p. 224-238. Ces deux feuillets contiennent Rom., v, 16-vi 4 ; vi, 6-vi, 19 ; Gal., iv, 6-19 ; iv, 22-v, 2. — Gregory, Textkritik, etc., 1900, p. 611-613, désigne les fragments des Épitres catholiques par la lettre q (déjà attribuée au Monacensis lat. 6224 des Évangiles). Il appelle ries fragments de saint Paul publiés en 1876 par Ziegler (sauf Phil-, iv, 11-23 ; I Thess., i, 1-10, feuillet du vn « siècle qu’il désigne par î* 2) et r 3 le texte de l’abbaye de Gôttweig. IV. On a encore nommé Monacensis un manuscrit grec oncial des Évangiles, écrit au ix* ou au Xe siècle, et coté Ms. fol. 30 à la bibliothèque de l’Université de Munich. Les Évangiles, où le texte et le commentaire alternent, sont rangés dans l’ordre suivant : Matthieu, Jean, Luc, Marc (ce dernier sans commentaire). Le codex passa successivement de Rome à Ingolstadl, de là à Landshut, puis à Munich en 1827. Les lacunes sont suppléées en cursive. Collationné par Scholz, Tischendorf et Tregelles, il est d’une valeur secondaire. On le désigne généralement en critique par la lettre X : von Soden l’appelle A*. F. Prat.
- MONARCHIE##
MONARCHIE, gouvernement du peuple par un roi.
— Abraham, Isaac et Jacob avaient vécu en nomades et gouverné eux-mêmes leur famille. Après la sortie d’Egypte, Moïse conserva le régime patriarcal, fondé sur
la famille naturelle : les familles diverses étaient groupées en tribus, et avaient chacune leur chef particulier, selon l’ordre de primogéniture. Dans le désert et au moment de la conquête, les douze tribus eurent un chef unique, Moïse d’abord, puis Josué, mais une fois qu’elles se furent établies et fixées dans la Terre Promise, elles ne furent plus unies que par les liens de la parenté et de la religion, sans être soumises à une autorité supérieure unique, sans former un corps de nation compact et sans pouvoir politique central. Ce manque de cohésion était une grande cause de faiblesse, et tous les voisins des Hébreux ayant un roi à leur tête pouvaient facilement soumettre à leur joug les tribus isolées. Moïse avait prévu ces conséquences. « Quand tu seras entré dans le pays que te donne Jéhovah ton Dieu, que tu en auras pris possession et que tu y auras établi ta demeure, si tu dis : Je veux me donner un roi qui soit sur moi, comme toutes les nations qui m’entourent, tu placeras au-dessus de toi un roi que Jéhovah ton Dieu aura choisi. Tu prendras pour l’établir roi sur toi un de tes frères ; tu ne pourras pas te donner pour roi un étranger qui ne serait pas ton frère. » Deut., xvii, 14-15.
I. ÉTABLISSEMENT ET DURÉE DE LA MONARCHIE. — Ce ne
fut cependant qu’après un temps assez long que la royauté fut établie en Israël. L’idée en avait germé peu à peu parmi le peuple ; après avoir beaucoup souflert des invasions madianites, il avait voulu conférer le pouvoir à Gédéon, mais ce juge l’avait refusé. Jud., viii, 22-23. Son fils Abémélech s’attribua le titre qu’avait refusé Gédéon ; son entreprise n’aboutit qu’à un échec à cause de sa tyrannie. Jud., ix. Les Israélites sentaient pourtant de plus en plus le besoin d’unité pour être capables de résister à leurs ennemis. La puissance redoutable des Philistins, peuple de race japhétique qui avait grandi au sud-ouest du pays, qui était exercé à la guerre et avait entre les mains des armes supérieures, devint tout à fait menaçante pour Israël fractionné et divisé. Ca danger qui menaçait ainsi les tribus, joint aux plaintes que suscita la conduite des fils de Samuel, I Reg., viii, 3^5, produisit un mouvement d’opinion si fort en faveur de la royauté qu’elles demandèrent expressément à Samuel de mettre un roi à leur tête. I Reg., viii, 5. Le vieux juge ne fut point d’abord favorable à leur requête, mais après leur avoir exposé les charges que leur imposerait la royauté, sans parvenir à les dissuader, il se rendit à leurs désirs, sur l’ordre de Dieu, et Saùl devint, par le choix divin et par l’élection populaire, le premier roi de son peuple, I Reg., viii, 6-22. La monarchie ainsi inaugurée ne conserva son unité que pendant le règne des trois premiers rois. Saùl, rejeté de Dieu à cause de ses infidélités, céda la place à David, et ses descendants occupèrent le trône de Juda jusqu’à la captivité de Babylone. Dix tribus avaient fait : schisme après la mort de Salomon ; elles furent emmenées en captivité en 721 avant J.-C., après la ruinedu royaume du nordLa monarchie fut restaurée plus tard sous les Machabées (voir Machabées, col. 482) jusqu’à ce qu’elle succombât sous les coups de la domination romaine (63 avant J.-C).
II. Caractère de la monarchie. — La monarchie israélite fut théocratique, selon le mot inventé par Joséphe pour expliquer aux Grecs quelle en était la nature : ©coxpatca, &i ov tice ?7toi ëiaffânevoî tôv Xôyov. Contr. Apion., ii, 16. Dieu était le roi d’Israël avant l’établissement dé la royauté, Deut., xxxiii, 5 ; Jud., vii, 23 ; I Reg. (Sam.), viii, 7 ; cf. Exod., xv, 18 ; xviii, 19 (texte hébreu) ; il continua à l’être après. Le roi terrestre ne fut que le représentant visible de Jéhovah, qui de i meura toujours le roi invisible. Le roi temporel ne fut pas un maître absolu, placé’au-dessus de toutes les lois ; le Seigneur lui imposa sa volonté en l’astreignant à respecter la Loi qu’il avait donnée à sou peuple par
Moïse, Deut., xvil, 18-20 ; cf. III Reg., xxi ; de plus, toutes les fois qu’il le jugea utile ou nécessaire, il lui intima ses ordres par ses prophètes. Le ministère prophétique donna à la royauté en Israël un caractère spécial qu’elle n’a jamais eu et n’a jamais pu avoir ches aucun autre peuple. Les prophètes furent les interprètes de Dieu auprès de la personne royale, et ils opposèrent une résistance inébranlable, quoique non toujours victorieuse, à ses tentatives de tyrannie, d’idolâtrie et d’abus, de quelque nature qu’il pût être.
Outre ce caractère théocratique, la monarchie israélite eut aussi un caractère démocratique. Le peuple prit une part capitale à l’établissement de la royauté ; les droits du monarque, consignés dans un livre par Samuel, lui furent communiqués et acceptés par lui.
I Reg., X, 24, 25. Quand Israël reconnut David comme roi, il fit alliance, berît, avec lui. Il Reg., II Reg., iii, 21 ; v, 3. Les dix tribus exposent leurs griefs à Roboam et refusent de lui obéir, parce qu’il ne veut pas leur rendre justice. III Reg., xil, 3-20. À l’avènement de Joas, le grand prêtre Joïada renouvela l’alliance, berît, entre le peuple et le roi. IV Reg., Xi, 17. Après la mort de Josias, tombé sur le champ de bataille, le peuple lui donna pour successeur son fils Joachaz. II Par., xxxvi, 1.
III. Ordre de succession. — La royauté fut d’abord élective. Dieu choisit Saûl, I Reg., ix, 15-17, mais il le fit désigner au peuple par le sort et le peuple l’agréa comme roi. I Reg., x, 17-27. Il en fut de même pour David. Le Seigneur l’indiqua d’abord à Samuel, I Reg., xvi, 12-13 ; puis, après la mort de Saûl, la tribu de Juda à laquelle il appartenait, le plaça à sa tête comme roi,
II Reg., H, 4, à Hébron, et plus tard tout Israël lui conféra le même titre. II Reg., v, 1-3. Le premier roi d’Israël, Jéroboam, avait appris par le prophète Achias que Dieu lui donnerait dix tribus, III Reg., XI, 29-30, mais ce fut l’assemblée du peuple qui le proclama roi,
III Reg., xii, 20.
Une fois la monarchie établie, le principe d’hérédité fut naturellement reconnu, selon l’usage général. Aussi, malgré la répudiation que Dieu avait faite de Saûl, son fils Isboseth régna-t-il après la mort de son père sur la majorité des tribus, II Reg., ii, 8-10, et ce ne fut qu’après l’assassinat de ce prince qu’elles se soumirent à David. La couronne semblait revenir de droit à l’aîné, et c’est pourquoi le fils aîné de David, Adonias, y aspirait et fut soutenu par de nombreux partisans. III Reg., I, 5, 9, 24-25. Mais le droit de succession n’était pas encore rigoureusement fixé et, par la volonté de Dieu et le choix de David, ce fut Salomon, plus digne que son frère de la royauté, qui lui succéda. III Reg., i, 2940. La dérogation faite en sa faveur au droit d’aînesse fut approuvée par le peuple. III Reg., i, 40. La succession fut régulière, dans la suite, dans le royaume de Juda, excepté sous les derniers rois, où plusieurs d’entre eux furent imposés par les conquérants, mais la dynastie de David se maintint sur le trône de Jérusalem jusqu’à la captivité de Babylone. Voir Juda (Royaume de) 7, t. iii, col. 1774. En Israël, des révolutions violentes amenèrent plusieurs changements de dynastie. En temps ordinaire, le fils aîné succéda aussi au père dans le royaume du nord. Voir Israël (Royaume d’), t. iii, col. 1000. Lorsque la royauté fut rétablie sous les Hasmonéens, l’ordre de succession fut plus ou moins exactement respecté. Voir Machabéés 1, col. 483. Sur le pouvoir des rois, leur cour, leurs revenus, etc., voir Roi. — Cf. E. Lévy, La Monarchie chez les Juifs en Palestine selon la Bible et le Talmud, in-8°, Paris, 1885.
- MONDE##
MONDE (grec : xô<t(j.o ; ; Vulgate : mundus), mot employé rarement dans l’Ancien Testament et fréquemment dans le Nouveau, dans des significations très diverses.
1° Ancien Testament. — Dans la Vulgate, mundus traduit divers mots hébreux : ’ères, « la terre, » dans Job, xxviii, 24 (Septante : t » )v un’oopocvov xâoav) ; ’ôlâm, dans l’Ecclésiaste, iii, 11, où l’hébreu porte : « [Dieu] a mis aussi dans leur cœur (la pensée de) l’éternité, » comme l’ont rendu les Septante, mais où le latin dit : « Il a livré le monde à leurs disputes ; » le même mot’ôlâm dans Habacuc, iii, 6, colles mundi, où il s’agit dé’ « collines antiques ». Le mot mundus d’Ecclésiastique, xiv, 12, n’a rien qui lui corresponde dans l’hébreu ni dans le grec ; Eccli., xxvi, 21, il répond à l’âv û^ioToiç du grec ; Eccli., xliii, 10, au xiinnoç du grec (rien ne correspond en hébreu, ꝟ. 9). Le mot mundus se lit une fois dans la Genèse latine pour traduire le nom égyptien de $âfenat pa’enéah (voir Joseph 1, t. iii, col. 1668) : « Sauveur du monde, » traduction qui n’est pas littérale. — On voit par là qu’il n’existe dans la langue hébraïque aucun terme qui signifie spécialement le « monde s. L’idée exprimée par ce mot est d’origine grecque et latine. On lit six fois mundus dans le second livre des Machabéés, m, 12 ; vii, 9, 23 ; ma, 18 ; xii, 15 ; xiii, 14, pour désigner Dieu ou la création, son œuvre, et il traduit partout le grec y.daivoc.
2° Nouveau Testament. — Le terme grec x<j<7u.oc signifie tout d’abord « ordre », Iliad, , xii, 223 ; Thucydide, m, 77 ; Xénophon, Œcon., viii, 20 ; ensuite, « ornement, » Iliad., Xiv, 187 ; I Pet., iii, 3 ; cf. mundus muliébris, Ezech., xxiii, 40, et par extension « le monde », à cause sans doute de l’ordre avec lequel le Créateur a disposé toutes ses œuvres et aussi à cause de leur beauté. Voir Sap., vii, 17 ; xvi, 17 (texte grec). Quem x<5<T[iov Græci nomine ornamenti appellarunt, eum nos a perfecta absolutaque elegantia mundum, dit Pline, H. N., ii, 3. Cf. Platon, Gorgias, 1. 1, p. 508. On croit que c’est Pythagore qui a le premier employé le mot x6ay.oi dans le sens de « monde ». — Dans la Vulgate, mundus se dit : — 1. De l’universalité des choses créées, Matth., xvi, 26 ; Luc, xi, 50 ; Joa., viii, 12 ; I Cor., viii, 4 ; Heb., iv, 3 ; ix, 26 ; Apoc, xiii, 8 ; xvll, 8, etc. — 2. De la terre habitée, Matth., iv, 8 ; Rom., i, 8 ; Apoc, xi, 15, etc. ; Joa., i, 10 ; vi, 14 ; xi, 27, etc. — 3. Dans un mauvais sens, de ce qu’il y a de vicieux et de vain parmi les hommes. I Cor., ii, 12 ; iii, 19 ; vii, 33, 34 ; Gal., vi, 14 ; II Pet., i, 4 ; I Joa., ii, 15, etc.
— 4- Des habitants de la terre, II Cor., i, 12, c’est-à-dire des hommes, Matth., xiii, 38 ; Joa., i, 29 ; Rom., iii, 6, etc., en particulier de ceux qui ne sont pas disciples de Jésus, Joa., vii, 4, 7 ; I Cor., i, 21, etc., et aussi des gentils opposés aux Juifs, dans Luc, xii, 30 ; Rom., xi, 15 ; Eph., H, 12. — 5. Il s’entend quelquefois des hommes d’une même génération ou d’une même époque. II Pet., ii, 5 ; Eph., ii, 2. — Pour la création du monde, voir Création et Cosmogonie, t. ii, col. 1101, 1034. — Pour la Fin du monde, voir t. ii, col. 2262.
MONiTOR, saurien long de cinq à six pieds, tenant le milieu entre le crocodile et le lézard ordinaire. C’est l’Hydrosaurus niloticus, commun en Egypte, et qui a existé aussi en Palestine. Voir Lézard, t. ii, col. 226.
- MONNAIE##
MONNAIE, pièce de métal précieux, pesée ou frappée, servant au commerce. Elle n’a pas de nom spécial en hébreu. On la désigne en général par les mots késéf, « argent ; » nehôsét, « bronze ; « grec : àpyùpiov, vôjjno-ijia ; Vulgate : aes, argentur », numisma, nummus, pecunia. Les principaux termes employés dans l’Ancien Testament pour désigner les monnaies particulières sont les suivants : 1° Hébreu : iéqr.l ; Septante : aivXoi, Stêpdtx (iov ; Vulgate : siclus. 2° Hébreu : béqa’; Septante : Spaxw, biniou toj 313pâx(AO’j ; Vulgate : dimidium sicli, 1/2 sicle. 3° Hébreu : re&a’; Septante : « taptov o-ixXou ; Vulgate : quarta pars stateris, 1/4 de sicle. 4° Hébreu : gwâh ; Septante oêoXo ; ; Vulgate, obolus,
1/20 de sicle. Voir Obole. Les monnaies de compte étaient : 1° le kikkdr ou talent ; Septante : TaXav-rdv ; Vulgate : talentum. Ce mot signifie proprement « cercle ou globe ». 2° Lamânéh ; Septante jjlvS ; Vulgate : mna, « portion, part. » La mine valait suivant les cas 50 ou GO sicles, le talent 60 mines.
I. La monnaie pesée. — i. chez les hébreux. — Le premier système employé pour évaluer la monnaie fut la pesée. C’est le procédé usité chez tous les peuples de l’antiquité jusqu’à l’invention de la monnaie frappée par Gygès, roi de Lydie, et il continua à rester en usage, dans le peuple, même après cette invention. Les Hébreux se servirent de la pesée, comme toutes les nations avec qui ils étaient en relation. Le verbe Sâqal, « peser, » est synonyme de payer. Gen., xxiii, 16 ; II Reg. (Sam.), xviii, 12 ; Is., xlvi, 6 ; Jer., xxxii, 9 ; I Esd., viii, 25 ; Esther, iii, 9. Les sommes d’argent sont désignées par les mêmes termes que les poids qui les représentent : talent, mine, sicle, etc. Il en était de même en Egypte et en Assyrie. Un texte grammatical assyrien emploie le même mot que l’hébreu. « Sdqal, « peser, » se dit pour payer en argent et mâdad, « mesurer, » pour payer en grains. » Fr. Lenormant, iZ istoire de la monnaie, in-8°, Paris, 1878, 1. I, p. Il ! . L’opération du pesage de la monnaie est figurée sur les monuments égyptiens. Voir Balance, t. i, fig. 420 et 421, col. 1408. On comprend la nécessité de peser avec des balances justes et de ne pas tromper sur le poids. Le juste est loué parce qu’il se sert d’une balance juste et le voleur blâmé parce qu’il se sert d’une balance fausse, Lev., xix, 36 ; Ps. lxi (hébr., lx), 10 ; Prov., xi, 1 ; Ezech., XLv, 10 ; Amos, viii, 5. Voir Balance, t. i, col. 1405. Le plus ancien texte de la Bible où il soit question de métal comme représentant un signe de richesse, et en même temps par conséquent un moyen d’échange, est celui où il est parlé de la fortune d’Abraham. « Il était, dit la Gen., xiii, 2, très riche en troupeaux, en or et en argent. » La Vulgate a supprimé le mot troupeau. Cf. Gen., xxiv, 35. Abimélech donne à Abraham mille pièces d’argent pour acheter un voile à Sara. Gen., xx, 16. Les Septante traduisent l’hébreu’éléf késéf, mille argenteos, par x& l « Si’BpaxiJia, interprétation du mot en valeur contemporaine des traducteurs. Lorsque Abraham acheta à Éphron la caverne et le champ de Manibré, pour y faire sa sépulture et celle de sa famille, Éphron lui demanda 400 sicles d’argent qu’Abraham lui pesa en argent ayant cours parmi les marchands. Gen., xxiii, 15-16. C’est la première fois qu’on trouve le mot sicle, qui signifie un poids d’argent, d’après le système chaldéo-babylonien, en usage dans le commerce. L’argent dont se servaient les marchands est appelé en hébreu késéf’obér lassôhêr ; Septante : àftipmt Soxîjjov èu, fttfpoi ; ; Vulgate : argentum probatse monetse publiese. Abraham pesa l’argent, vay-iSeqôl, en présence des fils de Heth, Jacob paya aux fils d’Hémor une portion de champ cent qesitâh, mot que les Septante traduisent par àjjivôç et la Vulgate par agnus. Gen., xxxiii, 19. Le même terme se retrouve dans Jos., xxiv, 32, et dans Job, xlii, 11. On a voulu voir là une monnaie frappée à l’effigie d’un agneau. C’était peut-être un poids ayant la forme d’un agneau, comme les poids égyptiens ou assyriens avaient la forme de lions, de gazelles, ou d’autres animaux. Wilkinson, À popuiar account of the ancient Egyptians, 2 in-12, Londres, 1854, t. ii, p. 151, explique ce mot par la coutume qu’avaient certains peuples anciens de prendre la brebis comme une sorte d’étalon de la valeur monétaire. Gesenius, Thésaurus, p. 1241, attribue au qesitâh la valeur de 4 sicles, mais ce n’est qu’une conjecture. Cf. En somme on ignore ce qu’était le qeHtâh. Les frères de Joseph le vendirent aux marchands ismaélites vingt pièces d’argent, Gen., xxxvii, 28 (Septante : vingt pièces d’or). — Lorsqu’ils vinrent acheter du blé en Egypte, à l’époque de la famine, ils
apportèrent, pour le payer, de l’argent que Joseph fit remettre à l’entrée de leurs sacs. Gen., XLH, 25, 27, 35 ; Xliii, 12, 15, 21, 22 ; xliv, 1, 8. C’était de l’argent de bon aloi. Gen., xliii, 23. Il était enfermé dans des bourses dont l’usage est plusieurs fois rappelé dans la Bible. Voir Bourse, t. i, col. 1899. Dans la loi mosaïque les contributions des Israélites au sanctuaire, Exod., xxx, 13 ; xxxviii, 27 (hébreu et Sept., 27) ; les vœux, Lev., xxvii, 3-8 ; les sacrifices expiatoires, Lev., v, 15 ; le rachat des premiers-nés, Num., iii, 47, 50 ; xviii, 15-16, sont évalués en sicles d’argent de vingt gêrah. Les textes montrent aussi qu’on établissait en argent le prix des animaux, des maisons, des champs, du blé, Lev., xxvii, 13, 15, 16, 25 ; de la nourriture et de la boisson. Deut., ii, 6, 28 ; xiv, 21, 26. Les sévices contre les personnes étaient punis par des amendes évaluées en argent, Exod., xxi, 22, 30, 32 ; nous trouvons une estimation semblable dans la loi de Hammourabi, trad. Scheil, in-16, Paris, 1904, § 24, 113-115, 198, 199, 201, 203, 204, 208-214, 216, 217, 221-223, etc., p. 6, 18, 20, 41-54.
Quand ils s’emparèrent de la terre de Chanaan, les Hébreux y trouvèrent le même système monétaire, Jos., vii, 21. Au temps des Juges et des Rois on continua à s’en servir. Une femme d’Éphraïm réclame à son fils onze cents pièces d’argent qui lui ont été volées. Celui-ci, nommé Michas, les rendît à sa mère, qui en donna deux cents à un ouvrier pour qu’il en fit une image en métal. Jud., xvii, 3-8. Le même Michas paya dix pièces d’argent par an à un lévite, en plus du vivre, du couvert et du vêtement, pour qu’il lui servît de père et de prêtre. Jud., xvii, 10. Voir Michas, col. 1061. Le serviteur de Saûl réserve un lingot d’un quart de sicle pour payer la consultation que son maître demande à Samuel afin de retrouver ses ânesses. I Reg. (Sam.), ix, 8. La Vulgate traduisit ici sicle par statera. Joab dit à l’homme qui lui annonce qu’Absalom est suspendu à un chêne : « Je t’aurais donné dix sicles d’argent et un baudrier si tu l’avais tué. » Le messager répond qu’il n’aurait pas touché au fils du roi, même si on lui avait pesé mille sicles. II Reg. (Sam.), xviii, 11-42. David achète l’aire et les bœufs du Jébuséen Oman 50 sicles d’argent,
II Reg. (Sam.), xxiv, 24 ; dans I Par., xxi, 25, il est question de sicles d’or, mais c’est évidemment une altération. Salomon achète des chars égyptiens au prix de 600 sicles d’argent et des chevaux à 150 sicles l’un.
III (I) Reg., x, 29 ; II Par., i, 17. Pendant le siège de Samarie par Bénadad, roi de Syrie, la famine était si grande qu’une tête d’âne se vendait quatre-vingts sicles d’argent et le quart d’un cab de fiente de colombe, c’est-à-dire environ 29 centilitres, valait cinq sicles.
IV (II) Reg.’, VI, 25. Elisée avait prédit cette famine et annoncé que le boisseau de fleur de farine se vendrait un sicle et deux boisseaux d’orge le même prix. IV (II) Reg., vii, 1. La Vulgate dit un statère. Jérémie achète le champ de son cousin Hanaméel dix-sept sicles d’argent, les lui pèse et signe le contrat. Jer., xxxii, 8-12. La Vulgate traduit sicle par stater. Voir Contrat, t. ii, col. 929.
Le sicle d’argent a donc été pendant toute cette période l’unité monétaire, c’est de lui qu’il est question lorsqu’on parle de pièces d’argent sans en désigner le nom. Gen., x, 16 : xxxvii, 28 ; xlv, 22 ; Jud., xvi, 5 : xvii, 2, 4, 10 ; IV (II) Reg., vi, 25 ; II Par., i„17. Il est aussi question de pièces d’or, IV (II) Reg. (Vulgate), v, 5, en particulier d’une pièce appelée darkémon solidus. I Par., xxix, 7. Voir Darique, t. ii, col. 1297. Le talent, kikkdr, sert de monnaie de compte pour les sommes considérables ; on compte par talents d’or, III (I) Reg., ix, 14, 28 ; x, 10, 14 ; XV (II) Reg., xviii, 14 ; xxiii, 33 ; I Par., xix, 6 ; xxix r 4 ; II Par., viii, 18 ; ix, 9, 13 ; xxxvi, 3 ; etc. ; par talents d’argent III [V) Reg., xvl, 24 ; xx, 39 ; IV (II) Reg., v, 5, 22, 23 ; xv, 19-20 ; xviii, 14 ; xxiii, 33 ; I Par., ixix, 4, 7 ; II Par., xxv, 6 ; xxxvi, 3. Le talent est
une valeur numérique et non une pièce monétaire. Naaman fait deux sacs contenant chacun un talent, IV (II) Reg., y, 23, c’est-à-dire renfermant une somme équivalente. — Pour réunir mille talents d’argent qu’il doit payer au roi d’Assyrie, Manahem, roi d’Israël, lève un impôt de 50 sicles par tête. IV (H) Reg., xv, 19, 20. — Les peuples voisins avaient le même étalon que les Israélites et leurs comptes sont établis de la même façon. Nous en avons des exemples pour les Madianites, Jos., vii, 21, les Philistins, Jud., xvi, 5 ; pour les Ammonites, I, Par., xix, 6 ; II Par., xxvii, 5 ; pour les Syriens. IV (II) Reg., v, 5. 22, 23.
Après le retour de la captivité, nous retrouvons la même monnaie en Palestine. Artaxerxès fait donner 100 talents d’argent à Esdras pour ses besoins. I Esd., vii, 21. Néhémie dit que les gouverneurs de Palestine exigeaient du peuple 40 sicles par jour. II Esd., v, 15 ; pour la construction du temple il lève un impôt d’un tiers de sicle par an. II Esd., x, 32. On compte aussi l’argent par mines. I Esd., ii, 69 ; II Esd., vii, 70-71. Nous voyons alors apparaître la monnaie frappée des Perses, la darique d’or. I Esd., ii, 69 ; II Esd., vii, 70-71.
Pour se rendre compte de la valeur de la monnaie pesée chez les Hébreux il faut d’abord étudier les systèmes monétaires des Égyptiens et des Chaldéo-Syriens dont ils se sont servis.
II. LA MONNAIE PESÉE CHEZ LES ÉGYPTIENS. — Le
commerce en Egypte se faisait surtout par échange. G. Maspero, Hist. anc., t. i, p. 323-324. Cependant on se servit de bonne heure des métaux comme équivalents de la valeur des objets vendus. On pesait chaque fois le métal dans des balances. Dans le commerce intérieur le métal en usage était surtout le cuivre. L’unité de poids et, par conséquent, l’unité monétaire de cuivre, était le tabnou qu’on désigne aussi sous le nom à.’outen ou de deben. Le vrai nom est tabnou G. Maspero, Hist. anc, t. i, p. 324 ; E. Babelon, Les origines de la monnaie, in-8°, Paris, 1897, p. 51, n. 1. Le labnou pesait de 90 à 98 grammes. Sur les hiéroglyphes, il est représenté par un fil replié ^=> ou S2 dont on pouvait rogner les extrémités pour l’ajustage du poids. Fr. Lenormant, La monnaie dans l’antiquité, t. i, p. 104-105 ; E. Babelon, Les origines, p. 51. Le tabnou est divisé en dix kites. On possède au musée de Boulaq des étalons du tabnou et de ses subdivisions. A. Mariette, Monuments divers recueillis en Egypte et en Nubie, Paris, 1872, pi. 97-100. Les gratifications aux soldats, les salaires d’ouvriers, les objets mobiliers, les champs, les maisons, les céréales, les esclaves, les amendes, sont évalués en tabnous de cuivre. G. Maspero, Du genre dpistolaire chez les Égyptiens, in-8, Paris, 1872, p. 77 ; Recueil de travaux relatifs à l’Egypte et à l’Assyrie, t. i, 1879, p. 57 ; Fr. Lenormant, La monnaie dans l’antiquité, t. i, p. 9596 ; E. Babelon, Les origines de la monnaie, p. 53-54. Cf. les ostraca du Brilish Muséum, n. 5633, 5636, 5649. A partir de la dix-huitième dynastie, c’est-à-dire du xv » siècle avant J.-G., le commerce avec les Asiatiques se fit au moyen de l’or et de l’argent que l’on continua à peser. Pour plus de facilité, les métaux précieux servant au paiement avaient la forme d’anneaux. On voit sur les monuments des corbeilles remplies de ces anneaux (fig. 313). Fr. Lenormant, Hist. ancienne, 9e édit. in-4 « , Paris, 1883, t. iii, p. 58. On possède dans, les musées, notamment à Leyde, des anneaux d’or qmV ont servi ainsi de monnaie et dont les poids se rapportent au système chaldéo-babylonien. Leemans, Egyptische Monumenten van het nederl. Sluseum, Leyde, 1839-1876, t. ii, pi. xli, n. 296. Quelques-uns sont recourbés en S comme les tabnous. Un anneau d’or publié par M. Michel Soutzo et qui paraît avoir servi au même usage est ouvert et pèse 17 gr. 40. Des points au nombre de 84, marqués par moitié sur chaque face, paraissent marquer des subdivisions. L’anneau est équi valent en poids à 1/6 de tabnou. E. Babelon, Les origines, p. 52 (fig. 314).
Les scribes égyptiens évaluaient l’or et l’argent asiatique en tabrums. C’est ainsi que, dans la grande ins 313. — Anneaux d’or et d’argent servant de monnaie. Thèbea. D’après Wilkinson, The mannera of the anc. Egyptians, 1. 1, p. 286.
cription du temple de Karnak, Thothmès III dit qu’il reçut des Khétas de Syrie 301 tabnous d’argent, environ 27892 grammes, en 8 anneaux. Chaque anneau valait donc 37 ou 38 tabnous et pesait 3462 grammes. Fr. Lenormant, La monnaie, 1. 1, p. 103 ; E. Babelon, Les origines, p. 53. 301 tabnous valaient 5 mines ou 250 sicles du système babylonien, le sicle pesant 14 gr. 53 ; l’écart entre les deux poids est très minime. Fr. Lenormant, lbid. ; Brandis, Das MûnzMassund Gewichlwesen
314. — Anneau d’or servant de monnaie appartenant au baroa de Saurma. D’après M. Soutzo, Étalons pondéraux primitifs, pi. iii, A. B. C.
im Vorderasien, in-8°, Berlin, 1866, p. 91 ; F. Hultsch, Griechische und rômische Métrologie, 2e édit., in-8°, Berlin, 1882, p. 374. Un ostracon de pierre calcaire qui est au musée du Louvre, Th. Deveria, Catalogue des manuscrits égyptiens, ix, 10, p. 188, indique la conversion des sicles en monnaie égyptienne et le prix du change. Fr. Lenormant, Histoire de la monnaie, 1879, t. i, p. 105-106. Les marchands peu scrupuleux falsifiaient les anneaux, mêlant aux métaux plus précieux la quantité de métaux moins précieux, qu’ils pouvaient supporter sans que le poids fût changé. On arrivait ainsi à mêler, par exemple, un tiers d’argent à deux tiers d’or. C’est la crainte de cette fraude qui maintint Tùsage des échanges dans le peuple. G. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 324-326 ; Lectures historiques, in-8, Paris, 1890, p. 21-23 ; Fr. Lenormant, Histoire ancienne, t. iii, p. 57-59. On se servait aussi de balances fausses. Aussi dans le Livre des Morts, le défunt mentionne parmi ses vertus, celles de n’avoir pas tiré sur le peson et de n’avoir pas faussé le fléau de la balance. G. Maspero, .Hist. ancienne, 1. 1, p. 189.
ni. LA MONNAIE PESÉE CHEZ LES CBALDÉENS, LES
assyriens et les BABYLONIENS. — Les tablettes cunéiformes nous font connaître l’existence, dès le xxil 8 siè
cle avant J.-C. d’un autre système de poids pour les métaux, en usage dans l’Asie antérieure. La base de ce système était la mine, dont la soixantième partie était le sicle. Le talent valait 60 mines ou 30 kilos 300 grammes environ. British Muséum, À Guide to tlie babylonian and assyrian Antiquities, in-8°, Londres, 1900, p. 141450, n. 1-6 ; 10-13 ; 17, 36, 37, 52, 62, 71, 88, 87, 89, 94, 102, 117, 119. Cf. Loi de Bammourabi, textes cités plus haut. La mine pesait entre 492 et 485 grammes, le sicle environ 8 grammes 42. C. F. Lehmann, Dos Altbabylonischen Massund Gewichtsystem, in-8o, Leyde, 1893 ; Fr. Lenormant, La monnaie, t. i, p. 111 ; E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque nationale, Les Achéménides, in-4o, Paris, 1893, p. v. Les comptes du temple de Tell-Loh prouvent que, vers l’an 2000, le sicle fut divisé en 180 shé, pesant environ Oo r 047. Mais cette subdivision fut abandonnée par la suite. G. Reisner, Altbabylonische Maasse und Gewichte, dans les Sitzungsberichte der Berliner Akadem. d. Wissenschaften, 1896, p. 417-426. Les tablettes de Tell-el-Amarna montrent que les peuples de la Mésopotamie, de la Syrie et des Iles, se servaient du même système de poids monétaires. H. Winckler, Der Tfiontafelfund von El Amarna, édit. anglaise, Tell el Amarna letters, in-8o, Berlin, 1896, n° 2, lig. 15 et 21 ; n° 5, lig. 27, 32 ! n° 7, lig. 11, 14 ; n » 25, lig. 10 ; n° 26, lig. 9 ; n » 27, lig. 18 ; n° 33, lig. 6 ; p. 9, 13, 15, 81, 85, 93. (Les deux éditions sont identiques, sauf la langue de la traduction.)
Des documents datés du vu et du vi 8 siècle, c’est-âdire depuis le règne d’Asarhaddon jusqu’à la prise de Babylone par Cyrus, donnent l’indication de prêts, de location ou le prix de maisons, d’esclaves, d’animaux, etc., en talents, mines et sicles d’argent. Opperl et Menant, Documents juridiques de V Assyrie et de la Chaldée, in-8°, Paris, 1877, p. 182, 185, 202 ; Fr. Lenormant et E. Babelon, Hist. anc, t. v, p. 98, 100 ; Histoire de la monnaie, t. l, p. 98-100 ; E. Babelon, Les origines, p. 56-57 ; British Muséum, À Guide to the babylonian and assyrian Room, p. 173-186, n. 72, 75, 76, 81, 86, 88-96, 99, 102, 104-105, 109, 116, 119, 126, 130, 131, etc. Après la prise de Babylone par Cyrus, on continua à compter de la même façon. À Guide, p. 186-194, n. 227, 241, 254, 257, 259, 265, 267, 269275, 283, 286, 294-295, 297, 298, etc. Il est rarement question de paiements en or. On trouve cependant dans les comptes l’indication de mines de ce métal. Oppert et Menant, Documents, p. 207, 241, 244, 249. Il est peu parlé de talents et de mines de cuivre. Ibid., p. 171187. L’or était toujours pesé d’après ce système et l’on taillait les lingots à l’étalon du sicle de 8 grammes 42. On pesait l’argent au même poids lorsqu’il s’agissait de sommes considérables. L’or valait 13 fois 1/3 le même poids d’argent. Pour les petites sommes on se servait d’un sicle particulier de tl grammes 22 environ, de façon à avoir entre l’argent et l’or un rapport qu’on pouvait exprimer en nombres entiers ; la mine pesait 45 sicles. Fr. Lenormant et E, Babelon, Hist. anc, t. v, p. 113114. Une partie des lingots d’argent en circulation dans l’Assyrie venaient de la Syrie, ils étaient taillés d’après l’étalon du sicle syrien de 14 grammes 53. La mine syrienne pesait 50 de ces sicles ; 15 sicles valaient 2 sicles d’or du système chaldéo-babylonien. Les documents assyriens appellent la mine syrienne, mine de Karkemis. Fr. Lenormant. et E. Babelon. Hist. anc., t. v. p. 114-115 ; Fr. Lenormant, La monnaie, t. i, p. 112, 114. Les métaux servant de paiement en Assyrie étaient non pas divisés sous forme d’anneaux comme en Egypte, mais sous forme de lingots ovoïdes. Fr. Lenormant, La monnaie, p. 113.
IV. VALEUR DE LA MONNAIE -PESÉE CHEZ LES HÉ-BREUX. — Les mots qui désignent la monnaie pesée chez les Hébreux sont, ainsi que nous l’avons indiqué,
le talent, qui est seulement une valeur de compte ainsi que la mine ; les monnaies usuelles sont le sicle, le béqa’et le gérah. Les Septante donnent pour équivalent au sicle le didrachme grec, au béqa’ou demisicle la drachme, et au gérah l’obole. Exod., xxi, 32 ; xxx, 13 ; xxxviii, 26 (hébreu) ; Lev., v, 15 ; xxvii, 25 ; Num., iii, 47, 50 ; xviii, 16.
Après la sortie d’Egypte et la construction de l’arche, les prêtres gardèrent prés du sanctuaire un étalon du sicle, séqel haqqôdéé, Septante : SiSpaxjio-v ou <rra8[i : ov tô âytov ; Vulgate : pondus, mensura, siclus sanctuarii. Lev., v, 15, xxvii, 25, 47, 50 ; xviii, 16, et, par anachronisme, siclus juxta mensuram templi. Exod. xxx, 13. Le sicle était divisé en 20 gérah. Exod., xxx, 13 ; xxxviii, 25 ; Lev., v, 15 ; xxvii, 25 ; Num., iii, 47, 50 ; xviii, 16.
Lorsque le Temple fut construit, l’étalon sacré y fut conservé. I Par., xxiii, 29. Nous ignorons la forme de cet étalon. Les divisions et les multiples du sicle restèrent les mêmes. Il en est question dans un texte très obscur d’Ézéchiel, xlv, 12. L’hébreu et la "Vulgate rapportent ainsi ce verset : « Le sicle vaut 20 gérah (oboli) ; 20 sicle, et vingt-cinq sicles et quinze sicles font une mine. » Dans ce calcul, qui paraît étrange, la mine vaut 60 sicles. Les Septante ont la variante suivante : « Que cinq sicles soient cinq et dix sicles dix, » c’est-à-dire pesez juste, et ils ajoutent : « que 50 sicles soient une mine. » La mine, d’après ce calcul, ne vaudrait que 50 sicles. Au temps des rois, il y avait un autre poids appelé le poids royal, II Reg. (Sam.), xiv, 26, littéralement « les pierres du roi », Sept. crîxXoç $o « ; ù.i-n.6q ; Vulgate, pondus publicum, mais on ne voit pas qu’il ait servi à peser l’argent. Les prêtres devaient exercer un contrôle sur le poids des monnaies. Il est aussi question d’un scribe royal, sôfér ham-mélek, Septante : Ypatuixreùç TO-j $a.aù.éu>i, qui assiste le délégué di grand-prêtre dans la levée des troncs du Temple. IV (II) Reg., xii, 912 ; II Par., xxiv, 8. Ce personnage devait jouer un rôle semblable à celui que jouent les scribes égyptiens figurés sur les monuments qui représentent des pesées de monnaie ou à celui dont il est parlé sur le poids d’Abydos en forme de lion, sur la base duquel on lit l’inscription araméenne suivante : « Contrôlé par devant les conservateurs de l’argent. » De Vogué, Revue archëol., 1862, t. i, p. 30 ; Corpus inscrïpt. semitic, pars II », 1. i, 1889, p. 101 ; Les Hébreux se servaient du système chaldéo-babylonien, car sans cela le commerce leur eût été impossible avec les peuples qui les environnaient et qui tous s’en servaient eux-mêmes.
IL La. monnaie frappée. — I. son intention. — La difficulté qui naissait de l’obligation de peser à chaque fois l’or, l’argent ou le cuivre qui servaient aux échanges donna l’idée de marquer sur les lingots iia signe qui en fixerait la valeur. Ce signe ne pouvait être accepté en garantie qu’à la condition qu’il y fût placé par le souverain ou l’État. La monnaie fut donc frappée par les rois et les cités. Aristote, Politique, I, iii, 14, édit. Didot, t. i, p. 190. Gygès, roi de Lydie, est l’auteur de cette invention. Hérodote, i, 94 ; G. Radet, La. Lydie au temps des Mermades, in-8o, Paris, 1892, p. 158-169 ; E. Babelon, Les origines de la monnaie, p. 215-232. Mais Gygès ne fit qu’estampiller des lingots. Crésus fit de la véritable monnaie et frappa le fameux statère d’or qui avait le poids du sicle babylonien d’or et d’un statère d’argent correspondant au sicle d’argent. B. Head, Hist. Numorum, in-8’, Oxford, 1887, p. 546. Darius, fils d’Hystaspe, fut le premier qui frappa des monnaies perses. E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque nationale. Les Perses Achéménides, in-4o, Paris, 1893, p. il. Le statère d’or portait dans le langage courant le nom de darique, la Bible les désigne en hébreu sous celui de àdarkemôn, darkemôn, que les Septante traduisent par-j6p.iay.a ^pû^iov, (ivâ, et la Vulgate par solidus ou drachma. Voir Dahique, t. n*
col. 1204. Il est question de cette monnaie dans 1 Esd., vm, 27 ; II Esd., vii, 70-71. Le darique et la monnaie de poids un peu supérieur, le sicle d’argent, circulèrent dans la Palestine.
II. MONNAIES AYANT COURS EN ÏODÉB SOUS LA DOM (NA-TION grecque. — Quand Alexandre s’empara de la Palestine, il y trouva en circulation la monnaie de Tyr, de Sidon, de Gaza, établie d’après le système phénicien (fig. 315). Le sicle ou statère qui en était l’unité pesait en 315. — Double sicle de Sidon. — Navire surmonté de ses mâts et entouré d’un grenetis. — $. Le roi de Perse dans un char avec son cocher, à gauche.
viron 14 grammes. Le roi de Macédoine essaya d’y introduire le système monétaire attique, mais ses successeurs y renoncèrent. Les Ptolémées rétablirent le système phénicien (fig. 316). Head, Histor. Num., p. 711 ;
316. — Tétradrachme d’or de Ptolémée. — Tête de Ptolémée I" diadémée, à droite ; grenetis. — A). nTOAEMAlor BAIIAEÛS, M. Aigle sur la foudre.
Hultsch, Métrologie, 2e édit., p. 646 ; R. S. Poole, British Muséum, Catalogue of gr. coins, The Ptolemies, in-8°, Londres, 1883, p. xxiii-xxiv. Tyr, qui était passée sous la domination des Ptolémées, frappa des monnaies portant au droit l’Hercule syrien (fig. 317). Sidon, Ptolé 317. — Tétradrachme d’or de Tyr. — Tête de l’Hercule syrien lauré, à droite. — A). Aigle à gauche sur un gouvernail, portant une palme sur l’épaule gauche. TrPOr IEPAE KAI AEÏAOr. Dans le champ, date B et une massue.
maïde, Gaza, Joppé furent les monnaies royales où se fournirent les Juifs. £. Babelon, Catal. des monnaies de la Bibliothèque nationale, Les rois de Syrie, p. CLiv-cxcrv, 48-52, 218-220, 228-247, 290-294. Josèphe, Ant. jud., XII, IV, 1, indique le total du tribut payé par Onias II à Ptolémée III Evergète, il se montait à vingt talents d’argent, soit 120~000 drachmes. Dans le système ptolémaique l’or valait 12 fois 1/2 l’argent ; 8 drachmes d’or équivalaient à une mine ou à 100 drachmes d’ar£ent. Hulstch, Métrologie, 2e édit., p. 646. La drachme
d’or valait donc environ i 125 francs, III Mach., i, 4 ; la drachme d’argent valait environ C90, le talent 5450 francs, soit 109000 francs pour vingt talents. III Mach., iii, 28. Le revenu total des possessions asiatiques des Ptolémées montait à 8 000 talents, soit à 43 millions 800 000 francs. Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 4. Le sicle ptolémaique étant équivalent au statère ou didrachme, terme par lequel les Grecs désignèrent le tétradrachme lorsque le didrachme ne fut plus en usage, on comprend pourquoi les Septante traduisirent dans le Pentateuque le mot sicle par didrachme alors que tétradrachme serait plus exact. (Ce dernier terme ne se trouve que dans Job, xlij, 11). De même le mot béqa* est traduit par Spayj"> Gen., xxiv, 22 ; Exod., xxxviii, 26 ; Sept., xxxtv, 2. Lorsque la Palestine devint province de la Syrie en 198 avant J.-C, les Séleucides, à côté des monnaies du système attique, adoptèrent bientôt celles du système phénicien qui furent frappées à Antioche, à Sidon, à Tyr, à Ptolémaïde, à Ascalon, et dans d’autres cités. Cf. F. Babelon, Les rois de Syrie, p. clxxxiii ; P. Gardner, British Muséum, Catalogue of greek coins, The Seleucid Kings of Syria, in-8°,
318. — Deml-chalque d’Antiochus Sidètes. — Fleur de lotus sur sa tige. Grenetis. — ^. Bæiæsïi ; antjoxoï ErEPrETOr. Ancre.
Londres, 1878 ; B. Head, Historia numor., p. 637. Anliochus III fit remise aux Juifs d’une partie des impôts et donna 20 000 drachmes pour le service du Temple, Josèphe, Ant. jud., XII, iii, ; 3. Sous Antiochus IV Épiphane, Jason, pour obtenir le souverain sacerdoce de ce prince, lui offrit 440 talents d’argent et lui en promit 150 autres s’il obtenait la permission d’établir un gymnase et une éphébie et d’inscrire les habitants de Jéru-t salem parmi les citoyens d’Antioche. Cette somme ne futpayée que trois ans après. II Mach., iv, 8-9, 24. L’envoyé de Jason, Ménélas, surenchérit et obtint le souverain sacerdoce pour 300 talents d’argent de plus. D’autres sommes sont mentionnées en talents d’argent, I Mach., xi, 28 ; xiii, 16, 19 ; xv, 31, 35 ; II Mach., viii,
319. — Monnaie d’Antiochus Gryphus. — Tête diadémée d’Antiochus Gryphus à droite. Grenetis. — % BAEIAEBE AHTIOXOr EIMANOrE. Rose avec deux houtons sur sa tige.
10, 11 ; en talents d’or et d’argent, II Mach., iii, 11 ; en drachmes d’argent. II Mach., iv, 19. Dans ce passage, la Vulgate met des didrachmes. Judas Machabée lorsqu’il demanda au Temple un sacrifice expiatoire pour les morts, envoya une somme en drachmes d’argent. II Mach., xii, 43. Sous Antiochus VII Sidétes, des demichâîques furent frappées à Jérusalem. Elles portent au droit une fleur de lotus et au revers le nom d’Antiochus. Elles sont datées des années 181-182 de l’ère des Séleucides, 131-132 av. J.-C. E. Babelon, Les rois de Syrie, p. cxliii, p. 151, n. 1166-1167, pi. xxii, n. 1 (fig. 318). Antiochus VIII Gryphus frappa également à Jérusalem des monnaies de bronze à la fleur de lotus. Le Cabinet des médailles possède une pièce de deux leptes de cette frappe. E. Babelon, Les rois de Syrie, p. CXLIII, 188, n° 1448, pi. xxv, fig. 15 (fig. 319).
III. LA MONNAIE FBAPI’ÉB DES MACBABÉES. — Le droit
de frapper monnaie fut toujours considéré comme un droit régalien. Les rois de Syrie autorisèrent cependant certaines villes, auxquelles ils concédaient en même temps le titre de villes libres, à frapper de la monnaie. E. Babelon, Catalogue des monnaies de la Bibliothèque nationale, Les rois de Syrie, in-4o, Paris, 1890, p. CXI. En 143-142 av. J.-C, Antiochus VII Sidetes accorda ce droit à Simon Machabée. « Je te permets, dit-il, de frapper de la monnaie à ton coin, dans ton pays. » En même temps il proclamait Jérusalem ville libre et sacrée. I Mach., xv, 6-7. Les anciens numismates depuis Eckhel jusqu’à Madden ont attribué à Simon Machabée un certain nombre de monnaies d’argent et de bronze qui furent trouvées surtout dans deux cachettes à Jérusalem et à Jéricho, Th. Reinach, Les monnaies juives, in-16, Paris, 1888, p. 20, 45-49, suivi en cela par d’autres, notamment par E. Babelon, Les rois de Syrie, p. CXLiv, ont combattu cette opinion et ont reporté ces monnaies à l’époque de la première révolte juive contre les Romains, c’est-à-dire au temps de Vespasien. Leur principal argument était la présence de monnaies d’argent. Le monnayage de l’argent, disaient-ils, était réservé aux rois de Syrie ; ceux-ci n’ont jamais accordé aux cités libres que le droit de frapper des monnaies de bronze. Cela est vrai pour les villes qui continuaient à faire partie du royaume de Syrie, mais aucun texte ne prouve qu’il ne pouvait en être autrement des États indépendants. Dans la traduction anglaise de son livre qui a pour titre The Jewish Coins, in-16, Londres, 1903, p. 9-15, M. Th. Reinach est complètement revenu sur sa première opinion et attribue, comme Madden et ses prédécesseurs, les monnaies dont il s’agit à Simon. Il donne pour raisons, le poids des sicles, qui est de 14 grammes, c’est-à-dire qui ont le poids tyrien en usage au temps des Machabées et qui ne l’était plus au temps de Vespasien ; le caractère des inscriptions qui sont en lettres dites samaritaines ou phéniciennes ; enfin le fait qu’on a trouvé des monnaies de cinq années et que la révolte du temps de Vespasien n’a duré que quatre ans. Il serait du reste extraordinaire que Simon n’eût pas usé du droit de monnayage et, si ces monnaies ne sont pas de lui, on n’en possède aucune. Ces monnaies portent au droit une coupe avec l’inscription hébraïque en caractères dits samaritains : « Sicle ou demi-sicle d’Israël, » au revers un lys à trois fleurs avec l’inscription : « Jérusalem la Sainte. » Au-dessus de la coupe au droit est marquée l’année par un s, initiale du mot’senaf, année, et le chiffre à partir de l’an 143-142, ère de la liberté. L’inscription : s Jérusalem la Sainte » (fig. 320-321), rappelle celle de Tyr, Tvpou iepàç. On
£20. — Sicle de Simon Machabée. — bs-iw » ’jpw (en caractères phéniciens) ; « sicle d’Israël. » Coupe surmontée de H ; grenetis.
— r). nmp D’hïni » ; « Jérusalem la sainte ; » lys fleuri ; grenetis.
possède des sicles des années 1 à 5 et des demi-sicles des quatre premières années. Il existe des monnaies de bronze absolument semblables aux monnaies d’argent. Madden, p. 65-71. — Le premier prince asmonéen dont le nom figure sur les monnaies est Jean Hyrcan Ier (135-106 avant J.-C). On ne possède de lui, comme de ses successeurs du reste, que. des pièces de bronze. Celles qu’on considère comme les plus anciennes portent au droit l’inscription « Jean le grand-prêtre et la communauté des Juifs », et au-dessus la lettre A. Mad den, p. 76, y voit l’initiale d’Alexandre II Zebina.roi de Syrie et suzerain de la Judée. Ce peut être aussi le
321. — Demi-sicle de Simon Machabée. — îpwn’Sn ; « demisicle. » — Revers semblable à celui de la fig. 320.
chiffre 1, date de l’année. Le sens du mot fyébér est très controversé. Certains numismatistes lui donnent le sens de yspouuta, conseil des anciens. Madden, p. 77. D’autres au contraire, et c’est le plus vraisemblable, traduisent ce mot par : communauté. Ce serait alors l’équivalent du grec xosvrfv ou itoXÉTii>|ji.a. Cf. II Mach., xii, 7 ; Corpus inscr. grsec., t. iii, n. 5361 ; E. Nestlé, dans la Zeitschrift fur die Alttestam. Wissenschaft, 1895, p. 288-290. Voir Jean Hyrcan, t. iii, fig. 211, col. 1155. Les monnaies suivantes portent au droit la même inscription sans la lettre A. Madden, p. 78-79. Enfin d’autres donnent à Jean le titre de Ro’S liêbèr, prince de la communauté, ce qui équivaut au grec lOvâp/yjç. Madden, p. 80 (fig. 322). Voir EthnaRque, t. ii, col. 2033. Le type du
322. — Monnaie de Jean Hyrcan. — TffSi Vrin |n ; n vsv » D'["n]n>n "on. « Jehokanan le grand-prêtre, chef de la communauté des Juifs, » dans une couronne de laurier ou d’olivier.
— n). Deux cornes d’abondance et une tête de pavot.
revers, les deux cornes d’abondance, figure d’arbord sur les monnaies des rois d’Egypte, en particulier sur celles d’Arsinoé, femme de Ptolémée Philadelphe, et les rois de Syrie l’adoptèrent, probablement à l’occasion d’un mariage avec une princesse égyptienne. Jean Hyrcan l’emprunta à Alexandre II Zebina. Mionnet, t. v, p. 83, n. 730-731 ; E. Babelon, Les rois de Syrie, p. cxviii, cm.
— Le successeur de Jean Hyrcan, Aristobule (105-101), frappa des monnaies du même type que les précédentes seul le nom change. Sur ces monnaies il prend le nom juif de Judas. Madden, p. 82. Voir Machabées, fig. 457, col. 483. — Les monnaies d’Alexandre Jannée (104-78) sont très nombreuses. Elles peuvent se ranger sous quatre types :
1o Les monnaies à la fleur. Ces monnaies portent au droit une fleur entrouverte (fig. 323) où une palme avec
323. — Monnaie d’Alexandre Jannée. — ymu TV. « Jonathan le roi. » Fleur épanouie. — n). BAEIAEQS AAESANAPOr. Ancre à deux traverses entourée d’un cercle.
l’inscription hébraïque : « Jonathan le roi, » entourée d’un grenetis, au revers l’inscription grecque : BASI-AEQS AAEEANAPOY avec une ancre dont la partie supérieure a deux traverses. L’inscription grecque manque sur le revers-de celles qui ont au droit une palme (fig. 324). La frappe de ces monnaies fut probablement une des causes du conflit avec les pharisiens,
Voir Machabées, t. IX, col. 484. La fleur du droit ressemble à celle du revers de quelques petits bronzes
p. 100, n. i. Cette monnaie est absolument identique, sauf le nom, à celle qui est attribuée à Jean Hyrcan II et dont nous avons parlé plus haut. D’autres monnaies avec des types divers portent au droit les mots BASIAEÛS ANTIrONOV et au revers la légende hébraïque : « Mattalhias le grand-prètre et la communauté des Juifs. » Quelques 824. — Autre monnaie d’Alexandre Jannée » « Jonathan, le roi ; » paloie. — b}. Corne d’abondance ; grenetis.
d’Antiochus VIII Épiphane surnommé Gryphus. Babelon, Les rois de Syrie, p. 188, n. 1448.
2o Le second groupe est celui des monnaies au type sacerdotal, sur lesquelles Alexandre a ajouté au droit la
325. — Autre monnaie d’Alexandre Jannée. — Vil JÎ13 IIW’-TïTn nam. c Jonathan le grand-prètre et la communauté des Juife. » Couronne de laurier. — fi). Deux cornes d’abondance.
mention de son titre royal [BA2IAE[QS] ou de son nom grec [A]AESA. Madden, p. 86-87. Voir Machabées, t. îy, col. 485, fig. 159.
3o Le troisième type porte simplemennt l’inscription sacerdotale au droit : « Jonathan le grand prêtre et la communauté des Juifs. » Madden, p. 88 (fig. 325). Sur
326. — Autre monnaie d’Aloxandre Jannée. — Même inscription avec la variante |nav. — S). Même revers avec grenetis.
quelques-unes le mot Jonathan est écrit Yehonatan. Madden, p. 88 (fig. 326). Ces monnaies datent de la réconciliation d’Alexandre avec les pharisiens.
4o Le quatrième type présente au droit les mots hébreux « Jonathan le roi » dont les lettres sont placées dans les espaces intermédiaires des rayons d’une étoile à huit branches, au revers se trouve l’inscription BASIAEQS AAES AN APOTautour d’une ancre et entourée d’un grenetis. Madden, p. 00. Ce type date de la fin du régne et fut continué par Alexandra (fig. 327). Voir Machabées,
327. — Monnaie d’Alexandra. — BASIMSrHS AAESAN[APAE] ; ancre ; grenetis. — S). Étoile à huit branches.
t. iv, fig. 160, col. 485. Madden, p. 91-92. On attribue à Jean Hyrcan II une monnaie du même type, à cause des lettres [BJASIAEÛS qui se trouvent au droit, mais l’attribution est fort douteuse. C’est peut-être une monnaie d’Aristobule Ier. Madden, p. 92-93.
D’autres monnaies reproduites par Madden, p. 96-99, ne peuvent être classées avec certitude. Elles appartiennent probablement à la période qui s’est écoulée entre Alexandre Jannée et Antigone (78-40). Les monnaies d’Anligone, fils d’Aristobule II (40-37), sont très nombreuses. Un des types porte au droit une fleur de la tige de laquelle sort à droite un bourgeon et à gauche une feuille, au ré-vers une palme au milieu de la légende : « Mattatiah le grand-prètre et la communauté des Juifs. » Madden,
328. — Monnaie d’Antigone. — [BAEIAJEQI ! ANTirfONOï 1 ]. Autour, une couronne. — H|. n> -&n Vil IHD n>rWD. n Mathathias le grand-prêtre et la communauté des Juifs. s Deux cornes d’abondance entre les deux ! W. « . An 1. »
unes portent les dates des années 1 et 2. Madden, p. 1C0102 (fig. 328-329). On attribue aussi à Antigone des mon 329. — Autre monnaie d’Antigone. — [BAEIAJEM ANTiroNOï autour d’une couronne. — fi). Même légende autour de deux cornes d’abondance.
naies portant au droit divers types dont le sens est très discuté, les uns y voient la table des pains de proposition, d’autres quatre arbres plantés parallèlement ; au revers, le chandelier à sept branches. Madden, p. 102 (fig. 330). A la dynastie asmonéenne succéda celle des princes
330. — Monnaie attribuée à Antigone. — Arbres en ligne ; grenetis.
— RJ. Chandelier à sept branches.
iduméens, Hérode le Grand et ses descendants. — 1o Il semblerait, d’après l’immense richesse d’Hérode Ier, qu’il ait dû frapper de nombreuses monnaies. Joséphe, Ànt. jud., XVII, viii, 1, cf. Zonaras, v, 16, dit qu’il laissa à sa sœur Salomé cinq cent mille pièces d’argent frappé, àpfupsou èm<ri ; u.ov, et qu’il donna à César dix millions d’argent frappé et à d’autres cinq millions. Mais cet argent devait être en monnaie romaine, car la frappe de l’or était interdite d’une manière générale dans les contrées soumises à Rome, et rares
331. — Monnaie d’Hérode I". — BAE1AEQE HPQMJï. Casque 4 jugulaires ; dans le champ r. TP. — fi). Bouclier macédonien daas un disque à rayons ; grenetis.
étaient les villes autorisées à la frappe de l’argent. Lenormant, La monnaie dans l’antiquité, t. il ; Madden,
p. 107. C’est ce qui explique pourquoi les monnaies d’Hérode Ier sont toutes de bronze. Ces monnaies ne portent que l’inscription grecque BASIAEÛS HPQAOT et des emblèmes empruntés aux monnaies grecques ou aux monnaies asmonéennes. Voir Hérode, t. iii, fig. 133, col. 641. Le monogramme qui figure auprès du trépied
a la forme du chrisme-fma > s il ne doit pas être confondu avec lui. De Saulcy, Numismatique des Juifs, p. 128, et Madden, p. 108, y voient très vraisemblablement la marque de la valeur de la pièce TPtâç ou TPfyaXxoî. D’autres monnaies portent au droit, 1e casque àjugulaires et au revers le bouclier macédonien entouré d’un disque à rayons (fig. 331), ou au droit un caducée et au revers une grenade avec des feuilles (fig. 332), ou encore
332. — Autre monnaie d’Hérode I". Même inscription. Caducée. — S|. Grenade.
au droit un trépied surmonté d’offrandes (fig. 333). Les monnaies au type asmonéen, c’est-à-dire à l’ancre et à la
333. — Autre monnaie d’Hérode I". — Trépied entre deux palmes. — È|. dæiæqb HPQAOr, couronne entourant une sorte de croix. Grenetis.
double corne d’abondance, sont plus petites (fig. 334). Une petite monnaie d’Hérode porte au revers un aigle debout
334. — Autre monnaie d’Hérode I". Même inscription. — Ancre à deux traverses. Grenetis. — $. Double corne d’abondance. Grenetis.
adroite. M. de Saulcy, Numismatique des Juif s, p. 131, y voit une allusion à l’aigle d’or qu’Hérode avait fait pla 335. — Autre monnaie d’Hérode I". — BAEIA[E£ffi]. A. Corne d’abondance. — 1$. Aigle. Grenetis.
cer au-dessus de la grande porte du Temple (fig. 335). Pour toutes les monnaies d’Hérode, voir Madden, p. 107-114.
2o Les monnaies d’Archélaus (4 avant J.-C.-6 après J.-C.) sont reconnaissables au titre d’ethnarque que lui donna Auguste. Josèphe, Ant. jud., XVII, ii, 4 ; Bell, jud., II, vi, 3. Voir Abchélaus, t. i, fig. 247, col. 924. Ces monnaies portent au droit une ancre, une proue de navire, une double corne d’abondance, une grappe de raisins ; au revers, un navire à cinq rames, un casque à panache et à jugulaires, une. branche d’olivier ou de chêne (fig. 336-337). Madden, p. 115-118.
3o Hérode Antipas(4avantJ.-C.-40après J.-C.) porte sur
ses monnaies le titre de tétrarque. Au droit est une branche de palmier et le nom d’Hérode ; au revers, une
336. — Monnaie d’Archélaus. — Proue de navire portant un trident. Dans le champ H. Grenetis. — S}. EeN[APXHE], entouré d’une couronne de laurier. Grenetis.
couronne entourant tantôt le nom de Tibériade, voir HÉ-RODE 3 Antipas, t. iii, fig. 135, col. 648, tantôt le nom de
337. — Autre monnaie d’Archélaus. — HPQ. Double corne d’abondance portant une rangée d arbres. — ]$. EÔNAfPXHE] N. Navire armé de rames.
CaiusCæsarGermanicu s, c’est-à-dire de Caligula (fig.338). Le palmier est probablement la Canna communis qui
338. — Monnaie d’Hérode Antipas. — HPfiAHE TETPaPXHE. Palme. — fl. TAIQ KAIEAPI rEPMAN[IKQ]. — Couronne de laurier. L. Mr. Grenetis.
poussait auprès du lac de Génésareth ou de Tibériade. Josèphe, Bell, jud, , III, x, 8. Les monnaies qui portent le nom de Tiberias sont datées des années 33, 34 et 37 du règne d’Antipas, c’est-à-dire de 29-30, 30-31 et 33-34 après J.-C. Celles qui porte’nt le nom de Caligula sont datées des années 43 et 44, 39-41 après J.-C. Madden, p. 118-122. 4o Les monnaies d’Hérode Philippe II (4 av. J.-C.-34 ap. J.-C.) lui donnent. le titre de tétrarque. Elles portent au droit la tête à droite d’Auguste ou de Tibère et, au revers, un temple tétrastyle entre les colonnes duquel est inscrite l’année de la frappe (fig. 339). L’effigie impé 339. — Monnaie d’Hérode Philippe II. — |KA]ICAPI [£ED]ACTO. Tête d’Auguste laurée, à droite. — fl. -HAinnor TETfPAPXOï]. Temple tétrastyle. Entre les colonnes L.I.B an 12.
riale était une grave infraction à la loi de Moïse. Ces monnaies sont datées des années 12, 16, 19, 33 et 37, qui correspondent à 8. 11, 14, 28, 32 après J.-C. Madden, p. 125-126.
Les monnaies d’Hérode Agrippa Ier (37-44 après J.-C.) sont de deux types différents. Les unes portent au droit un parasol avec le nom d’Agrippa et au revers trois épis de blé sortant d’une tige. Elles sont datées de l’année 5 du règne d’Agrippa, c’est-à-dire 40-41 après J.-C. D’autres ont été publiées avec les chiffres des années 7-9, mais
elles sont douteuses. Voir HéROde Agrippa Ier, t. iii, fig. 139, coi. 651. D’autres monnaies portent au droit la tête d’Agrippa Ier et au revers le nom de la ville de Césarée ou au droit la tête de Caligula et au revers un quadrige, une Victoire, le nom de Césarée et celui d’Agrippa. Sous Claude, elles portent au droit le nom d’Agrippa avec le titre de <Î>IA0KA12AP et, au revers, deux mains entrelacées avec une inscription dont la lecture a été très discutée, mais qui est une allusion à l’alliance conclue avec les Romains. On trouve enfin des monnaies ayant au droit la tête d’Agrippa Ie’et au revers
(fig. 343). Madden, p. 184-185. Une de ces monnaies porte la date de l’an 14 de Claude (54-55 après J.-C), Une autre porte le nom de Néron. On n’a. aucune monnaie de Festus. — Pour les monnaies des procurateurs, cf. Madden, p. 170-189.
V. LES MONNAIES DES DEUX RÉVOLTES JUIVJ38. — En
mai 66 après J.-C., les Juifs se révoltèrent Contre Rome. La révolte se termina par la prise de Jérusalem et la destruction du Temple par Titus en 70. Une seconde fois, à la fin du règne de Trajan, une insurrection éclata dans les colonies juives de Mésopotamie, de Cypre,
340. — Monnaie d’Agrippa P’. — BAEIAErE MErAE ArPIIHIAE « IAOKAIEAP. Agrippa I" diadème adroite. — fil.KAISAPIA H nrOS [jiBBAETQJ AIMENI. Figure de femme à gauche, tenant de la main droite un gouvernail et de la main gauche une corne d’abondance.
le nom d’Agrippa II, avec la date de l’an 2 d’Agrippa I" (38 après J.-C), Madden, p. 133-139.
Agrippa II frappa également des monnaies sans le nom d’un empereur, voir AURiPPA II, t. i, fig. 49, col. 287 ; mais la plupart d’entre elles ont au droit le buste d’un César, Néron, Vespasien, Titus et Domitien, au revers figurent la Victoire écrivant, portant une corne d’abondance, une couronne ou des palmes, un palmier, une couronne, deux cornes d’abondance, avec le nom d’Agrippa et la reproduction de jeux impériaux (fig. 340 341. — Autre monnaie d’Agrippa II. — KEPDN KAI[EAP], Tète de Néron lauré à droite. — r). Eni-BAElAE[QE]-ArPinn[Oï[-Ni ; pa-N1E. Couronne d’olivier.
341). Ces monnaies sont parfois datées, mais on ne sait pas exactement d’après quelle ère. Madden, p. 144-179. IV. MONNAIES DES PROCURATEURS DE JUDÉE. — Les
procurateurs romains de Judée frappèrent, pour l’usage du pays, des monnaies de cuivre, sur lesquelles, par respect, pour la loi mosaïque, ils s’abstinrent avec soin de mettre le buste impérial. Les seuls emblèmes qu’on y trouve sont des épis, des palmiers, des cornes d’abondance, des couronnes, des vases, des feuilles de vigne, un bâton augurai ou lituus, des boucliers. Les procurateurs nommés dans le Nouveau Testament dont nous possédons les monnaies sont : 1o Ponce Pilate, dont les monnaies portent au droit une coupe à libation, simipulum, ou un lituus, au revers, trois cornes d’abon 343. — Monnaie de Claudius Félix. — NEPQ KAArfAIOS]. KAIEAP. Au centre deux boucliers et deux javelots croisés. — r). Palmier : au-dessus BPIT[anis]kŒ], au-dessous KAI[eaP], û droite et à gauche L.IA « an 14o (54-55 ap. J.-C).
d’Egypte et de Cyrénaïque. — Les Juifs de Palestine se révoltèrent à leur tour sous Hadrien, en 133, Il est difficile de classer certaines monnaies de cette période et de savoir si elles appartiennent à la première ou à la seconde révolte. On peut attribuer à la première certaines monnaies de bronze qui ont pour type un vase à anse avec ou sans couvercle, l’éfrog et les deux lûbab, c’est-à-dire le cédrat et les rameaux que les Juifs portaient dans la fête des tabernacles, ou encore un palmier entre deux corbeilles de fruits ou une coupe. Ces monnaies ont pour légende uniforme les mots : « Déli 344. — y’51 T31N n : ur. « Quatrième année ; un quart, n Deux corbeilles remplies de branches. — R). p’ï nbfrUb. « La rédemption de Sion. » Êthrog.
vrancedeSion, » et la date en toutes lettres de l’an 4 : ce serait alors celles du siège de Jérusalem ; enfin l’indication de la valeur un 1/2 sicle ou 1/4 de sicle. Ces monnaies paraissent, en effet, des monnaies obsidionales, ayant une valeur fiduciaire, car ce ne sont pas des sicles, puisque le sicle est une pièce d’argent. Th. Reinach, Les monnaies juives, p. 49 (fig. 344). — Dans la seconde insurrection, les chefs furent Barcochébas, « le fils de l’Étoile, » qui se prétendait le Messie et portait le nom de Simon ou de Siméon, et Éléazar, descendant d’une famille sacerdotale. Les monnaies frappées par ces deux
342. — Monnaie de Ponce-Pilate. — TIBEPIOr KA1EAPOÉ L. K « an 16o (29-30 ap. J.-C). Siwpulum. — A). IorAIA KAIEAPOS. Trois épis liés ensemble.
dance liées entre elles ou une couronne, (elles sont
. datées des années 16, 17 et 18 de Tibère (30-31 après
J.-C.) (fig. 342) ; Madden, p. 182-183) ; 2o Claudius Félix
DXr. OS IA BIBLE,
245. — Tïtoïi IItSn. « Eléazar le prêtre. » Vase à anse. Dans lo champ une palme. — R). "W> nSaiS rint* niïf. « Première année de la rédemption d’Israël. » Grappe de raisin.
chefs des insurgés sont de valeurs et de types très divers. On peut les ranger dans les catégories suivantes :
1o Deniers ou drachmes et tétradrachmes de l’année 1 de la délivrance d’Israël : — a) Deniers ou drachmes avec le nom d’Êléazarle prêtre (fig. 345) ; — b) Tétradrachmes
IV. - 40
4251
MONNAIE
1252
avec la légende « Jérusalem » autour de la porie du Temple (fig. 346).
2° Les deniers ou drachmes et les têtradrachmes de la seconde année : — a) Deniers ou drachmes avec le nom
46 — rfwn ». a Jérusalem. » Temple tétrastyle. Au milieu signe conventionnel de la Belle Porte. — $. dSwtv n’soS nnM nzvr. a Première année de la rédemption d’Israël. » Éthrog ; loulab.
de Simon ou Siméon, avec une couronne ou une grappe de raisins. Les types du revers peuvent être rangés en quatre groupes : l’aiguière surmontée d’une branche d’olivier, la Ivre à trois cordes, deux trompettes, une branche de palmier. — 6) Têtradrachmes avec la légende au droit « Jérusalem ». — c) Têtradrachmes avec la légende « Siméon ».
3° Monnaies non datées avec la légende « Délivrance de Jérusalem >>. — a) Deniers ou drachmes de Siméon. — 6) Têtradrachmes de Siméon. Parmi cette grande variété de pièces, quelques-unes sont des monnaies frappées à nouveau où l’on voit encore la trace du type premier. Telle est, par exemple, une drachmedu British Muséum. C’était originairement une
monnaie de Césarée de Cappadoce. On y lit encore au revers les lettres ArTOKP. KAIC, et au droit [AHjMAPX. La pièce a été retournée. Cf. Wroth’s, Catalogue of the Greek Coins of Galatia, Cappadocia, in-8°, Londres, 1899, p. 54. Madden, p. 234-238 (fig-347). Les monnaies de bronze sont également datées des deux années. Celles de Ja pre 348. — 1MP[EPAT0R] T[ITtIS] CAES[AR] VESP[ASIANUS] AVG[USTTJS] P[ON-TIFEX ] M[AXIMUS] TR[IBTJNITIAE] PfOTESTATIS] P[ATER PATRIAE] C0[N]S1TJL] VIII. Tête de Titus laurée à gauche. — fi|. IVD[AEA] CAP[TA]. Palmier. À gauche, une Juive assise sur une cuirasse ; à droite un Juif debout, les mains derrière le dos, tournant sa tête à gauche ; devant lui un casque et un bouclier. Dans le champ SfENATUS] C[ONSULTO].
Reinach, Les monnaies juives, p. 5H>7. La classification de Madden, p. 187-246, et souvent ses lectures, doivent être rectifiées d’après le travail de Hamburger. Les-monnaies des insurgés furent considérées comme sans valeur. LeTalmud dit qu’elles ne sont pas acceptées pour la seconde dime. Th. Reinach, Les monnaies juives, p. 66-67.
VI. MONNAIES ROMAINES FRAPPÉES À L’OCCASION DES
guerres entre les juifs. — La défaite des Juifs par Vespasien et Titus fut pour ces empereurs l’occasion de frapper des monnaies commémoratives de leur triomphe. Il en existe en or, en argent et en bronze. Elles portent au droit le buste de l’empereur et au revers deux captifs, un Juif et une Juive à droite et à gauche d’un palmier. La légende est tantôt en latin IVD^A CAPTA ou DEVICTA (fig. 348), tantôt en grec IOTAAIASEAAÛKTIAS. Ces monnaies ont pour prototype celle que frappa C. Sosius, après la défaite du dernier prince asmonéen Antigone. Cohen, Monnaies consu^ laires, p. 203 ; Monnaies impériales, 2e édit., t. i, p. 47 ; Madden, p. 99, n. 3. Une des monnaies de Titus porte au revers IVDjEA NAVALIS, Cohen, Monnaies impériales, 2e édit., t. i, p. 365 ; Madden, p. 222, c’est une allusion aux victoires remportées par. les Romains sur les pirates juifs de Joppé, Entre les deux insurrections se
place le grand bronze de Nerva (96-98) dont le revers présente l’image d’un palmier et la légende FISCI IVDAICICALVMN1A SVBLATA, suppression des délations du fisc judaïque, par l’abolition de l’impôt du didrachme payé autrefois au Temple de Jérusalem et depuis Domitien à celui de Jupiter Capitolin. Voir Capitation, t. II, fig. 68, col. 215. Un bronze d’Hadrien fait allusion à son voyage en Judée qui fut l’occasion de la seconde révolte. Il est daté de son troisième consulat, 130 après J.-C, et présente au revers Ja figure de la Judée entourée de ses enfants offrant un sacrifice à l’empereur, avec cette légende ADVENTVÏ AVG ÏVD/EX Madden, p. 231, n. 2 (fig. 349). Après la
317 TWDtJ. « Siméon.s Grappe de raisin. — B). qWti » IWltlS. « La délivrance de Jérusalem. » Lyre à trois cordes.
mière année portent le nom d’Éléazar ou de Siméon. Madden, p. 198-206, rapporte à torl ces monnaies à un Éléazar de la première révolte et à un Siméon de la même époque. Les monnaies de la seconde année portent le nom de Siméon ou d’Israël au droit, et au revers une grappe de raisins, une feuille de vigne ou une branche de palmier, enfin un certain nombre ne portent pas de date. Ces pièces sont les plus petites des chalci et les plus grandes des dichalci, c’est-à-dire que la première valait 1/48 de la drachme ou du denier, et la seconde 1/24. L. Hamburger, Die Silbermûnzprâgungen wâhrend desleUten Aufstandes der Isræliten gegen Rom, dans la Zeitschrift fur Numismalik, 1892, p. 240-237 ; Th.
349. - HADRJANVS AVG[VSTVS] CO[N]S[VL] III.PA[TEB] P[A-TRIAE ]. Buste d’Hadrien barbu, à droite, avec le paludamentum et la cuirasse. — % ADVENTVÏ AVG[VSTI] IVDAEAE. Hadrien tendant la main droite vers la Judée qui tient de la main droite une patène et de la gauche une boite. Devant elle un autel avec du feu. De chaque côté de la Judée, un enfant tient une palme. Au bas de l’autel un taureau. En exergue S[ENATUS] C[ONSULTO].
révolte, Hadrien fonda à Jérusalem la colonie d’^Elia Capilolina. On possède Joute une série de monnaies de bronze de cette colonie depuis Hadrien jusqu’à Valérien. (fig. 350). Madden, p. 249-27J*,
III. La monnaie dans le Nouveau Testament. — 11 est souvent question de monnaie dans le Nouveau Testament. La monnaie d’or est désignée par le mot xpu<rô<, aurum, Matth., x, 9 ; Jac, v, 3 ; ^p Uff (Qv, Act., iii, 6 ; xx, 33 ; 1 Pet., 1, 18 ; la monnaie d’argent par apyupo ; , argenlum, Matth., x, 9 ; Jac, v, 3 ; ou àp-pipiov, Act., lu, 6 ; xx, 33, I Pet., i, "18. Le mot àpyupeov désigne aussi la monnaie en général, comme en français l’argent. Matth., xxv, 18, 27 ; xxviii, 12, 15 ; Marc., xiv, 11 ; Luc,-ix, 3 ; xix, 15, 23 ; xxiii 5 ; Act., vii, 16 ; viii, 20.
850. — IMPfERATORI] CAES[ABrj TRAIANO HADRIANO. Buste d’Hadrien lauré, à droite, avec le paludamentum. — ^. COL[0-N 1A] AEL[IA] KAP1T[0LINA]. En exergue, COND[ITA]. Deux bœufs attelés à droite. Près d’eux un étendard fiché en terre.
La Vulgate traduit ce mot par argentum ou par pecunia. Le mot xpî)|xa, pretium, Act., iv, 37, est aussi traduit par pecunia, Act., viii, 18, 20 ; xxiv, 26 ; il en est de même du mot x « ^">s 1 u i signifie exactement la monnaie de bronze et que la Vulgate traduit par pecunia. Matth., x, 9. Le mot xépjta, ses, est aussi employé pour désigner la monnaie en général. Joa., H, 15. Voir Changeurs de monnaie, t. ii, col. 548. De même le mot v6ftt<j[ta, Numisma. Matth., xxii, 19.
Les termes grecs monétaires employés dans le Nouveau Testament sont : 1° le didrachme, double drachme équivalent à un demi-sicle et servant à payer l’impôt au Temple, Matth v xvii, 24 ; voir Didrachme, t. ii, col. 1428 ; Capitation, col. 217-219.
2° La drachme, Luc, xy, 8, pièce valant 1/4 de sicle. Voir Drachme, t. ii, col. 1502.
3° Le statère, azaxfip, ou tétradrachme. Matth., xvii, 26. En effet, cette pièce représente l’impôt de la capitation pour deux personnes, Jésus et Pierre. Voir Statère. Il y avait en circulation dans la Palestine des stalères ou tétradrachmes d’Athènes et aussi d’Antioche. Ces derniers étaient à l’effigie d’Auguste. Madden, p. 295.
4° Le lepton, petite pièce de cuivre. Voir Minutum, col. 1108. Les termes romains sont : 1° le denier, Syjvif. o-i, denarius, Matth., xviii, 28, xx, 2, 9, 10, 13 ; xxii, 19 ; Marc, vi, 37 ; xii, 15 ; xiv, 5 ; Luc, vii, 41 ; x, 35 ; xx, 24 ; Joa., vi, 7 ; xii, 5 ; Apoc., vi, 6. Voir Denier, t. ii, col. 1380. Le denier était équivalent à la drachme. On a souvent traduit dans le langage courant le mot àpY’Jpia, ar<7e « te£, Matth., xxvl, 15 ; xxvii, 3, 5, 6, 9 ; cf. Zacharie, xi, 12, 31, par deniers. Mais le texte ne dit pas de quelle pièce d’argent il s’agit. Nous ne savons donc exactement de quel prix a été payée la trahison de Judas, s’il a reçu des sicles, des tétradrachmes, des didrachmes ou des deniers.
5° Vas ou assarius, àffuàpwv, Matth., x, 29. L’as était de bronze et valait au temps de J.-C, 6 à 7 centimes. Voir As, t. i, col. 1051.
6° Le Dipondius, àucripia Svo, Luc, xii, 6, ou double as. Voir Dipondius, t. ii, col. 1440.
7° Le quadrans, y.oSpâvrir)j, Marc, xii, 42, quatrième partie de Tas. Voir Quadrans.
8° La monnaie de compte est représentée par le talent, Matth., xviii, 23-35 ; xxv, 14-30, et la mine. Luc, xix, 13-25. Voir Mine, Talent.
IV. La valeur des monnaies chez les Juifs dans les temps voisins de J.-C. — Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 1, dit que la mine d’or juive valait deux livres romaines 1/2. La livre romaine de 12 onces pesait 327a r 45. La mine d’or hébraïque pesait donc 818s’65 environ. Le
même historien, Ant. jud., III, Vlll, 10, donne an sicle d’argent la valeur de 4 drachmes attiques ou 4 deniers romains. La drachme attique pesait environ 4s r 36 et valait environ 0, 95 centimes ; Le sicle d’argent était donc un tétradrachme pesant environ 17s r 40 et valan) ; à peu près 3 f 50. Les Talmuds donnent toute une série de divisions de monnaies en usage chez les Juifs, mais ce sont presque toutes des monnaies romaines dont les noms sont traduits. Cf. Talmud de Jérusalem, traduction Schwab, in-8°, Paris, 1877-1890, t. ix, p. 199-201. L’unité monétaire est le dinar, c’est-à-dire le denier. Le s’êla vaut 4 dinars, c’est l’équivalent du sicle ou tétradrachme. Le dinar vaut 60 ma as, la ma’a vaut 32 proutas et plus tard 24, le poids de la prouta étant augmenté. La mine est équivalente à 100 zouz de Tyr.
V. La monnaie dans les paraboles. — Notre-Seigneur Jésus-Christ s’est servi plusieurs fois dans les paraboles de termes empruntés au système monétaire. Dans la parabole du serviteur sans pitié pour son débiteur, le serviteur doit 100 talents à son maître qui lui remet sa dette, et il jette en prison sans pitié un débiteur qui lui doit cent deniers. Le maître irrité châtie ce créancier impitoyable. Ainsi le Père céleste traitera ceux qui ne pardonnent pas à leur frère. Matth., xviii, 28-35. Dans la parabole des vignerons, le denier est le salaire de la journée de travail, image de la récompense donnée par Dieu. Malth., xx, 2. Dans la parabole des talents et dans celle des mines, Matth., xxv, 14-30 ; Luc, xix, 11-27, ces sommes représentent les grâces et les dons divers accordés par Dieu et qu’on doit faire fructifier comme un capital. La femme qui possède dix drachmes, qui cherche avec tant de soin celle qu’elle a perdue et se réjouit avec ses voisines lorsqu’elle l’a retrouvée, est l’image du zèle avec lequel le Sauveur cherche à ramener à lui le pécheur égaré, et de la joie qui est au ciel quand il se convertit. Luc, xv, 8-10.
Bibliographie. — C. Cavedoni, Numismatica Biblica, in-8 « , Modène, 1850. — F. de Saulcy, Recherches sur la numismatique judaïque, in-4°, Paris, 1854 ; Numismatique de la Terre-Sainte, in-4°, Paris, 1874. — F. W. Madden, The Coins of the Jews, in-4°, Londres, 1881. — Th. Reinach, Les monnaies juives, in-16, Paris, 1888 ; The Jewish Coins, in-16, Londres, 1903.
— G. C. Williamson, The money of the Bible, in-16, Londres, 1894. — H. Bœckh, M etrologische Untersuchtmgen ûber Gewichte, Mûnzfûsse und Masse des Alterthums, in-8°, Berlin, 1838. — J. Brandis, Das Mûnz-Masseund Gewichtwesen im Vorderasien, in-8°, Berlin, 1866. — Fr. Lenormant, La monnaie dans l’antiquité, in-8°, Paris, 1878. — F. Hultsch, Griechische und Rômische Métrologie, 2e édit. in-8°, Berlin, 1882. — B. Head, Historia Numorum, in-8°, Oxford, 1887. — E. Babelon, Les Origines de la monnaie, in-iS, Paris, 1897.
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MONS (NOUVEAU TESTAMENT DE). Voir Françaises (Versions) de la Bible, vi, 6°, t. iii, col. 2367-2368.
- MONTAGNE##
MONTAGNE (hébreu : fcar, araméen : tûr, Dan., ii, 35, 45 ; Septante et Nouveau Testament : opoç).
I. Nom. — Ce nom s’applique dans la Bible : — 1°-A. de grandes masses de terre ou de roches plus ou moins isolées et plus ou moins élevées, à des monts dé tachés, comme le Sinaï (har Sînai ; rà opoç tô 2wï), Exod., xix, 11 ; le Garizim (har Gerizîm ; opoc TapiÇiv), Deut., xi, 29 ; le Nébo(/ia>-^Ve6ô, opoç Naêsiù), Deut., xxxii, 49 ; le Thabor (har Tâbôr ; opo ; Bxêtôp), Jud., iv, 6, etc. ;
— 2° À des chaînes de montagnes, comme le Liban (har haULebânôn, & À ! 6avo « ), Jud., iii, 3 ; les montagnes de Basan (har iMMn ; opo ; mov), Ps. lxvii (hébreu, lxvhi), 16, etc. ; — 3° À la partie montagneuse d’un pays, f, ôpetvrç (sous-entendu y.wpa), Gen., xiv, 10 ; Luc, i, 39 ; c’est ainsi que Jos., xi, 16, « la montagne d’Israël » (har lêrd’êl ; z’o è’po ; ’IffpaTjX), indique le kighland de la Pa
lestino par opposition au lowland ou « la plaine » (Sefêlâh ; ta Taitetvo) ; Jos., xv, 48, pour la triim de Juda, les villes de « la montagne » sont distinguées de celles de « la plaine » (8efêlâh ; } Treôi’vi]), ꝟ. 33 ; de même ailleurs il est question de « la montagne d’Éphraïm » (har’Êfrâim ; tô ô’po ; tô’EçpaîtOj Jos., xvii, 15 ; de « la montagne de Nephthali » (har Naftâlî ; tô ô’po ; tô NeçôaXi), Jos., xx, 7, etc. ; — 4° Même à de simples col-Unes, comme « le mont Sion f> [har Siyôn ; ô’po ; Stiàv), IV Reg., xix, 31 ; Ps. ii, 6 ; « la montagne des Oliviers » (har haz-zêpîm ; tô ô’po ; tSv ëXguûv). Zach., xiv, 4 ; Matth., xxiv, 3. Les Hébreux avaient pourtant un nom spécial pour désignera la colline » ; c’est gib’âh, d’une racine inusitée, mais se rapprochant de mots qui signifient « élevé en forme de bosse », et ce mot, en grec pouvô ; , est le plus ordinairement employé. En plus d’un endroit gib’dh est nettement distingué de har. Cf. Ps. cxlviii, 9 ; Is, ii, 14 ; ljv, 10. La colline représente généralement un monticule aux contours arrondis et dont les pentes se confondent doucement avec le sol environnant ; détachée au milieu d’une plaine ou d’un plateau, elle s’appelle « tertre » ou « butte », (êl en hébreu, tell en arabe. Cf. Jos., xi, 13. Gib’âh est parfois rendu dans les Septante par 61 ; , Oîvo ; . Deut., XII, 2 ; Job, xv, 7. D’autre part, le mot collis, dans la Vul. gâte, rend aussi : gai, « monceau, » IV Reg., xix, 25 ; bâmâh, « haut-lieu. » Ps. lxxvii (hébreu, lxxviii), 58. L’hébreu har est resté uni à certains noms qu’il accompagnait primitivement, au point de ne former avec euxi qu’un seul mot. On trouve ainsi’Apfioc-f^ojv, Armagedon, Apoc, xvi, 16, pour har Megiddô ou Mageddo, « la montagne de Mageddo, » et, dansMarinus de Naplouse <v> siècle), ’Ap-faptWv pour har Gerhîm, le mont Garizim. Voir Armagëdon, 1. 1, col. 967 ; Garizim, t. iii, col 106.
11. Montagnes mentionnées dans la Bible. — Voir pour les détails les articles qui concernent chacun de ces noms.
1° Loin de la Palestine.
1. Montagnes d’Arménie (hébreu : hârê’Arârât ; Septante : t « ô’p ?i xà’Apapdc), Gen., mu, 4.
2. Montagnes d’Ange (mentionnées seulement dans la Vulgate), dans la Cappadoce. Judith, ii, 12.
3. Montde Séphar (hébreu : Sefàrâh har haq-qédém ; Septante : Sa ?ripa 6’po ; àvaToX(5v), dansrvrabie.Gen., x, 30.
2° Au sud de la Palestine :
4. Montagnes de Séir (hébreu : har èê’îr ; Septante : rà ô’pr] Srie(p), Gen., xiv, 6 ; xxxvi, 8, 9, etc., dansl’Iduraée, avec lesquelles on peut identifier la Montagne d’âsaû (hébreu : har’Éiâv ; Septante : ô’po ; ’Ho-aû) ou , de l’Idumée. Abdias, 8, 9, 19, 21.
5. Mont Hor (hébreu : Hôr hârhâr ; Septante : "Qp to ofoj). Num., xx, 22, 25, 27, etc.
6. Mont Sinaï (hébreu : har Sîndi ; Septante : tô opoîTÔ Stvâ). Exod., xix, 11, 18, 20, etc.
7. Mont Horeb (hébreu : har flôrêb ; Septante : tô .ô’po ; to Xwprçê). Exod., iii, 1 ; xxxiii, 6, etc.
8. Mont Pharan (hébreu : har Pâ’rân ; Septante :
- po ; * « pâv). Deut., xxxiii, 2 ; Hab., iii, 3.
9. MontSépber (hébreu : har Sâfér ; Septante : Sa ? âp). Num., xxxiii, 23, 24.
10. Mont Gadgad (hébreu : hôr hag-Gidgdd ; Septante : Vo ô’poç TaSyâS). Num., xxxiii, 32. On lit simplement hag-Gudgôdàh, avec hé local. Deut., x, 7. Les Septante et la’Vulgate, dans le premier passage, ont confondu hôr, « caverne, » avec har, « montagne. x> L’existence de ce mont est donc problématique.
3° À l’est de la Palestine, en allant du sud au nord : .
ii. Montagnes d’Abarim (hébreu : har ou harê hd
- Abârim ; Septante : Ôpo ; ou Spu’Aoapîji), Num., xxvii,
42 ; xxxiii, 47, 48, chaîne du pays de Moab, dont les "trois sommets principaux sont :
12. Mont Nébo (hébreu : har Nebô Septante : ô’po ; ’N « 6aûX Deut., xxxii, 49 ; xxxiv, 1
13. Mont Phasga (hébreu : hap-Pisgâh ; Septante ; $aoi&). Deut., iii, 17, etc.
14. Mont Phogor (hébreu : hap-Pe’ôr ; Septante : $oY6p). Num., xxiii, 28.
15. Montagne de Galaad (hébreu : har Jiag-Gïl’âd ; Septante : to ô’po ; r « X « à8). Gen., xxxi, 21, 23, 25, etc.
16. Montagne de Basan (hébreu : har Basân ; Septante : o’po « în6°v ; Vulgate : monspinguis).Vs.LXVii (héb.LXVin), 16.
4° Au nord de la Palestine :
17. Montagne du Liban (hébreu : har hal-Lebânôn ; Septante : 6 Aî6avo ; ). Jud., iii, 3, etc.
18. Montagne de l’Bermon (hébreu : har JJermôn ; Septante : ’Aepjiwv), Deut., iii, 8, etc., appelée aussi Mont Sion (hébreu : har Si’ôn ; Septante : Sijciv), Deut., iv, 48. Un de ses sommets est appelé :
19. Mont Baalbermon (hébreu : har Ba’al Ifémiôn ; Septante : tô ô’poç to’Aep[i(iv). Jud., iii, 3.
5 « Dans la Palestine, du nord au sud :
A. 20. Montagne de Nephthali (hébreu : har Naffdli ; Septante : to ô’po ; to NsçOatXJ), Jos., xx, 7, etc.
21. Mont Thabor (hébreu : har fâbôr ; Septante : ô’poç ©a6° p), Jud., iv, 6, 12, 14.
B. 22, Montagne d’Éphraïm (hébreu : har’Éfraîm ; Septante : tô ô’po ; tô Eçptxiu.), Jos., xvii, 15 ; xix, 50, etc., dont les principaux sommets sont :
23. Mont Carmel (hébreu : harhak-Karmél ; Septante : o’poctb Kapu^Xiov).UIReg., xviii, 19 ; IV Reg., ii, 25, etc.
24. Mont Gelboé (hébreu : har hag-Gilbôa’; Septante : ta ô’pTj reX60ué). I Reg., xxxi, 8, etc.
25. Mont de Samarie (hébreu : har Sômrôn ; Septante : tô ô’po ; tô Ssjjtspiiv). III Reg., xvi, 24.
26. Mont Hébal (hébreu : har Êbal ; Septante : ô’po ; r « t gàX). Deut., xi, 29.
27. Mont Garizim (hébreu : har Gerizim ; Septante ; ô’po ; faptïîv). Deut., Xi, 29.
28. Mont Selmon (hébreu : ’har $almôn ; Septante : ô’po ; 2eX|j.(iv). Jud., IX, 48.
29. Mont d’Amalec (hébreu : har hà-’Amâlêqî ; Septante : ô’po ; toS’A(j.aXrj)t). Jud., xir, 15.
30. Mont Gaas (hébreu : har Gâ’ai ; Septante : tô ô’po ; l’ai ; ). Jud., Il, 9.
31. Mont de Béthel (hébreu : har Bêf-’êl ; Septante : tô ô’po ; BaiOvjX). Jos., xvi, 1 ; IReg., xiir, 2.
32. Mont deWodin (MwSeetv). I Mach., ii, 1.
33. Mont Sémeron (hébreu : har ijemâraîm ; Septante : tô ô’po ; Soiiipuv). I Par., xiii, 4.
C. 34. Montagne de Juda (hébreu : har Yehûdâh ; Septante : ôpo ; ’Ioû&a), Jos., xi, 21 ; xx, 7, etc., dont on mentionne les points suivants :
35. Mont Éphron (hébreu : harl Êfrôn ; Septante : tô ô’po ; ’Eçptiv). Jos., xv, 9.
36. Monts de Béther (hébreu : hârèBâfér ; Septante ; ôp/j %otX<o[iâTU)v). Cant., ii, 17.
37. Mont Séir (hébreu ; har Sè’îr ; Septante : ô’po ; ’Ao-o-ip). Jos., xv, 10.
38. Mont Jarim (hébreu : har Ye’àrîm ; Septante : lïôXt ; lapi’v). Jos., xv, 10.
39. Mont de Baala (hébreu : har hab-Ba’âlâh ; Septante : opta, im Kèa). Jos., xv, 11.
40. Mont Haras (hébreu : AarjEférés/ Septante : êv
- & op£(T<î> ôffrpaxwêstj. Jud, , i, 35.
41. Mont d’Azot (’AWtouô’po ; ). I Mach., ix, 15..
42. Montagne des Amorrhéens (hébreu : har Kà-’Ëmôrî ; Septante : opoo’A|iopp « i’o>v), Deut., i, 7, 19, 20, massif méridional de Juda.
D. Collines de Jérusalem :
43. Mont Sion (hébreu : har $iyyôn ; Septante : ô’po ; Siwv). IV Reg., Xix, 31 ; Ps. ii, 6.
44. Mont Moria (hébreu : har ham-Môriyàh ; Septante : ô’po ; toû’A[iup ! a]. II Par., III, 1.
45. Mont des Oliviers (hébreu : har haz-zêtîm ; Septante : tô ôpoçTÛv èicttûv). Zaçh., XIV, 4 ; Matth., xxiv, 3 ; Marc, xi, 1 etc.
46. Mont de l’Oiïanse (hébreu : har ham-mashît : Septante : tb à’poc toO Moo9â6). IV Reg., xxiii, 13.
III. Origine ; — Nous n’avons point ici à entrer dans de longs détails sur la formation des montagnes. Rappelons seulement qu’elle se rattache en général à trois causes, qui suffisent pour expliquer l’origine des montagnes bibliques, que nous venons de mentionner. Ces causes sont : 1° Une déformation de l’écorce terrestre, produisant une surélévation plus ou moins étendue. La plupart des chaînes montagneuses ont été ainsi produites à différentes époques géologiques, quelques-unes à intervalles successifs, et ont gardé depuis les premiers âgés leurs caractères dominants. À cette catégorie appartient le massif du Sinaï, qui remonte aux premières assises continentales et a maintenu sa position suréminente pendant la submersion générale des contrées voisines, aux époques crétacée et tertiaire. — 2° Une accumulation de matériaux provenant d’éruptions volcaniques. Les laves vomies par les cratères ont fini par former autour des cônes de projection des amas plus ou moins larges, qui constituent les flancs plus ou moins raides des montagnes. À ce genre appartiennent les monts du Djôlan et du Hauran, à l’est du Jourdain. Le Djebel Hauran, avec sa série de cônes volcaniques, correspond aux montagnes de Basan, Ps.Lxvii (hébreu lxviii), 16-17, et ses éruptions ont donné naissance au singulier pays qu’on appelle le Ledjah, l’ancienne Trachonitide. Voir Auran, t. i, col. 1253 ; Basan, t. i, col. 1486 ; Angob 2, t. i, col. 950. — 3° Le morcellement par érosion d’un massii de terrain, isolant des parties qui demeurent comme des éminences au-dessus du pays environnant. Cl. A. de Lapparent, Leçons de géographie physique, Paris, 1898, p. 708. Il s’agit ici de plateaux que l’action de l’eau a creusés en vallées plus ou moins larges et plus ou moins profondes, de manière à les diviser en hauteurs détachées. Telles sont les montagnes d’Édom et de Moab ; tel le massif méridional de la Judée, etc. Cette troisième cause ne peut devenir efficace que s’il s’est produit, au préalable, un abaissement relatif du niveau de base ; la production d’une montagne par simple érosion est donc toujours subordonnée à un mouvement du terrain. Elle peut d’ailleurs, en s’appliquant aux structures de la première et de la deuxième classe, en transformer absolument le caractère.
IV. Les montagnes dans l’Écriture. — Les termes dont se sert l’Écriture pour désigner les différentes parties de la montagne en font une sorte de personnification : — 1° Hô’S, « la tête, » le sommet. Gen., viii, 5 ; Exod., xix, 20, etc. — 2°’Aznôt, « les oreilles, » allusion possible à quelques saillies de la montagne, se retrouve dans le nom d’une ville Irontière de la tribu de Nephthali, près du Thabor, c’est-à-dire Azanot-Thabor. Jos., xix, 34. — Z°Kâtêf, « l’épaule, » lecôté.î)eut., xxxiii, 12 ; Jos., xv, 8, 10 ; xviii, 16. — 4° Kislôt, « les flancs, » se retrouve également dans le nom d’une ville de la tribu d’Issachar, CésélethThabor ou Casalolh (hébreu : Kislôt Tàbôr ; hak-Kesullô{). Jos., xix, 12, 18. — ¥ ïarhah, € la cuisse » ouïe côté. Jud., Xix, l, 18 ; IVReg., six, 23. — 5° Pour « les côtés », on rencontre aussi : sad, I Reg., xxiii, 26 ; II Reg., xiii, 34 ; sêla’, II Reg., xvi, 13.
— La Bible parle des sources et torrents des montagnes, Deut, , viii, 7 ; des métaux qu’elles renferment en leur sein, Deut., viii, 9 ; des pierres de construction qu’elles fournissaient, III Reg., v, 15 ; II Par., ii, 2 ; des arbres* vignes et herbes qui couvraient leurs flancs, II Par., sxvl, 10 ; des cavernes et sépulcres qui y étaient creusés, Jud., vi, 2 ; IV Reg., xxiii, 16 ; des animaux qu’elles abritaient, I Reg., xxvi, 20 ; Ps. x (hébreu, xi), 2 ; Ps. cm (hébreu, civ), 18, etc. ; de l’écho qui s’y fait entendre, Sap., xvii, 18. Les montagnes, comme les autres parties de l’univers, sont appelées à chanter la gloire de Dieu. Is., xux, 13 ; Ps. cxlviii, 9. Enfin, c’est la solitude des montagnes que Noire-Seigneur choisissait
pour s’abîmer dans la prière, Matth., XIV, 23 ; c’est sur une montagne qu’il promulgua la charte de son royaume, Matth., v, 1 ; qu’il se transfigura, Matth., xvil, 1 ; sur uno petite colline de Jérusalem qu’il consomma la rédemption du monde, Matth., xxvii, 93 ; sur le mont des Oliviers qu’il monta au ciel, Act., i, 9, 12. — Pour les montagnes considérées au point de vue du culte des lausses divinités, voir Hauts-Lieux, t. iii, col. 449. A. Legendé^e.
- MONTANO##
MONTANO, MONTANUS. Voir Arias Montano, t. i, col. 953.
- MONTFAUCON##
MONTFAUCON (Bernard de), bénédictin, né au château de Soulage dans le diocèse de Narbonne le 13 janvier 1655, mort à Saint-Germain-des-Prës à Paris, le 21 décembre 1741. Après avoir suivi la carrière desarmes pendant quelques années il entra au monastèrede la Daurade de Toulouse et y revêtit l’habit des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. Il fit profession le 13 mai 1676. Après avoir habité les monastères, de Sorèze, de Grasse et de Sainte-Croix de Bordeaux, il vint en 1687 à Saint-Germain-des-Prés. De ses nombreux ouvrages, nous n’avons à mentionner que les deux suivants : La vérité de l’histoire de Jîtdith, in-12, Paris, 1690 ; Hexaplorum Origenis quse supersunt multis Patribus aucliora quam a Flaminio Nobilio et Joanne-Drusio édita fu.crv.nl : ex manuscriptis et ex libriseditis eruit et notis iUustravit D. Bemardûs de Montfaucon, 2 in-f>, Paris, 1713. — Voir dom Tassin, Histoire littéraire de la congr. de Saint-Maur, p, 585 ; ; Vanel, Nécrologe des religieux de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, p. 199 ; Ch. de Lama, Biblioth. des écrimins de la congr. de S.-Maur (1882), p. 151 ; Ém. de Broglie, Bernard de Montfaucon et les Bernardins^ 2 in-8°, Paris, 1891. B. Heurtëbize.
MOOS (hébreu : Ma’as, « colère ( ?) ; » Septante : Maâç), . fils aîné de Ram et petit-fils de Jéraméel, de la tribu de Juda. Il eut pour frère Jamin et Achar. I Par., ii, 27.
MOPH (hébreu : Môf), nom de la ville Memphis ; dans le texte hébreu. Is., xtx, 13 ; Jer., ii, 16 ; Ezech. xxx, 13, 16 ; Ose., ix, 6. Voir Memphis, col. 954.
- MOPHIM##
MOPHIM (hébreu : Mupîm ; Septante : Monupep. ( ?), ’. Alexandrinas : ’Ocpipiv), le huitième des fils de Benjamin énumérés dans la Genèse, lorsque Jacob et sa lamillese rendirent en Egypte. Gen., xlvi, 21. Son véritablenom est douteux. Il paraît être le même que celui qui, est appelé Supham, Num., xxvi, 39 ; Sepham, I Par., vu, 12 ; Sephuphan, I Par., viii, 5. Voir ces divers noms et Suphamites.
- MOQUERIE##
MOQUERIE, actes ou paroles par lesquels on témoigne son mépris d’une manière plaisante. La moquerie traite par le ridicule ce qui est attaqué sérieusement par l’imprécation ou l’injure. Voir t. iii, col. 853, 878-La moquerie a des noms différents, suivant qu’elles’adresse à Dieu ou aux hommes.
I. La moquerie envers Dieu (hébreu : lâsôn, Septante : ûêpic). — 1° Le moqueur s’appelle U ?, mot que : les versions rendent par plusieurs termes différents, "Septante : Xoqjuic, « xoXàaroç, àvipioo ; , avoptoç, « iratSevcoc, , aspwv, xoexôç, iuepr^avoj ; Vulgate : dérisor, detractor, illusor, indoclus, pest-ilens, staltus. Se moquer se dit Us ou lus, et nâ’as, |iuXTf|pî(eiv, xataysXà^, racpoÇivstv, âxv.Xiveiv, illvdere, deridere, irritare, incitare. Il estquestion du Je » surtout dans le livre des Proverbes. Les. lêsîm y apparaissent comme des esprits frivoles et sceptiques, qui n’ont que mépris pour les choses de Dieu et tournent en ridicule ceux qui parlent en son nom. Ils sont hautains et arrogants, Prov., xxj, H, 24, nesupportent pas la contradiction, Prov., xiii, 1 ; xv, 12, .
-1259
MOQUERIE - MORALE
1260
n’ont souci ni du péché, Prov., xiv, 9 ; xxiv, 9, ni de la justice, Prov., xix, 28, méprisent tous les avis, qu’ils viennent de Dieu, Prov., i, 30 ; v, 12, ou de leur propre père, Prov., xv, 5, raillent ceux qui les reprennent, Prov., ix, 7, fomentent les querelles, Prov., xxii, 10 ; xxix, 8, et, bien loin d’arriver à la sagesse, Prov., xiv, 6, ne se plaisent qu’à leur propre moquerie. Prov., i, 22. L’auteur sacré rapporte plus au long les projets et les discours de ces moqueurs, Prov., i, 10-19, dont le livre de la Sagesse, ii, 1-20, retracera un portrait plus détaillé. Saint Jude, 10, dira d’eux : « Ils blasphèment tout ce qu’ils ignorent, et, comme les bètes sans raison, ils se corrompent dans ce qu’ils connaissent naturellement. » Ils ont été les libertins et les libres-penseurs de l’époque. Comme en définitive on ne se moque pas de Dieu, Gal., vi, 7, c’est Dieu qui se moquera des moqueurs, Prov., iii, 34 ; ils porteront la peine de leur faute, Prov., ix, 12, et trouveront leur châtiment. Prov., xix, 25, 29. — 2° Les moqueurs dataient de loin. Ceux qui se sont moqués de Dieu au désert ne virent pas la Terre Promise, Num., xiv, 23, et furent châtiés. Num., xvi, 30. Heureux qui fuit la compagnie de ces hommes impies, Ps. r, 1, qui méprisent Dieu. Ps. xi (x), 13. Ils se moquent de Dieu, Is., v, 24, mais Dieu les menace, Is., xxviii, 22, et les exterminera. Is., xxix, 20. Une des causes qui attirèrent les malheurs sur Israël fut que les princes eux-mêmes donnaient la main aux moqueurs. Ose., vii, 5. — 3° Notre-Seigneur voulut être lui-même l’objet de la moquerie. On se moqua de lui quand il alla ressusciter la fille de Jaïre. Matth., ix, 24 ; Marc, v, 40 ; Luc, viii, 53. Les pharisiens se moquaient de lui. Luc, xvi, 14. Pendant sa passion, il fut en butte aux moqueries des valets du grand-prêtre, Matth., xxvi, 67, 68 ; Marc, xiv, 65 ; Luc, xxii, 63-65 ; d’Hérode, Luc, xxiii, 11 ; des soldats de Pilate, Matth., xxvii, 28-30 ; Marc, xv, 17-19 ; Joa., xix, 2, 3 ; des princes des prêtres, des membres du sanhédrin et des passants, Matth., xxvii, 39-43 ; Marc, xv, 29-32 ; Luc, xxiii, 35-37 ; des larrons, Matth., xxvii, 44 ; Marc, xv, 32 ; Luc, xxiii, 39 ; enfin des soldats de garde au pied de la croix et des autres assistants. Matth., xxvii, 47, 49 ; Marc, xv. 35.
II. La moquerie envers les hommes (hébreu : la’ag, mistêmdh, qélés, qalldsdh, èehoq, seriqôf, èerêqdh ; Septante : îtaiyviot, [wxi : r|pi<7[id ; , ôve181a|irf ; , filux ; , yliiaapia, fauXi(7[iôç, irjpiyiia, crjpi(T(j.o ; ; Vulgate : derisus, irrisio, subsannalio, sibilus). — 1° Plusieurs verbes expriment l’acte de se moquer : hébreu : mûq, sdhaq, ffâtal, ’ànag, fd’a' ; Septante : fikci.v, xocTayeXîv, (uixTr, pîÇetv, yXtvâ&n, Sia^XeuàÇeiv, xàîaippoveïv, lvTpu9âv ; Vulgate : ridere, deridere, ivridere, illudere, subsannare. — 2° Jacob craint que, s’il se présente comme étant Ésaû, son père ne pense qu’il se moque de lui. Gen., xxvii, 12. Job, xxx, 1, se plaint d’être la risée des plus jeunes, et ses détracteurs l’accusent de boire la moquerie comme l’eau. Job, xxxiv, 7. Michol se moque de David qui danse devant l’arche. II Reg., vi, 20. Élie se moque des prêtres de Baal, qui ne peuvent faire intervenir leur dieu. III Reg., xviii, 27. Jérémie, xx, 7, 8, constate que ses oracles attirent sur lui les moqueries. La captivité a puni les Israélites de leurs moqueries envers les envoyés de Dieu. II Par., xxxvi, 16. La mère des Machabées se moquait du tyran en exhortant son dernier enfant. II Mach., vii, 27. Les Juifs se moquaient des Apôtres au matin de la Pentecôte, Act., ii, 13, et les Athéniens se moquèrent de saint Paul sur l’Aréopage. Act., xvir, 32. —3° En général, la moquerie est le fait des méchants qui en veulent aux bons. Job, xii, 4 ; Ps. lxxiii (lxxii), 8 ; Is., lvii, 4. Mais arrivera un jour où les justes se riront de l’impie. Ps. lu (li), 8. — 4° Quand ils sont infidèles à Dieu, les Israélites deviennent la risée de ceux qui les entourent. Ps. xuv (xlih)„14 ; lxxix (lxxviii), 4. Samarie se moque de Jérusalem, Ezech., xxiii, 32 ; Israël fait la risée des nations, Ezech., xxxvi, 4 ; l’Egypte
se moque des chefs israélites, Ose., viî, 16 ; tous rient de Jérusalem à cause de ses crimes, Ezech., xxii, 4 ; e’Aa est l’objet des sifflets. Jer., xviii, 16 ; xix, 8 ; xxv, 9 ; xxix, 18. Mais ceux qui se moquent de Jérusalem viendront un jour à ses pieds. Is., Lx, 14. —5° On se moque des choses que l’on ne craint pas. La femme forte se moque de l’avenir. Prov., xxxi, 25. L’onagre se rit du tumulte des villes, Job, xxxix, 7, l’autruche se rit du cheval, Job, xxxix, 18, le cheval se rit de la peur, Job, xxxix, 22, et le crocodile se rit des piques. Job, xli, 20.
- MORALE##
MORALE, ensemble des règles qui commandent la conduite de l’homme envers Dieu, envers le prochain et envers lui-même.
I. Les principes généraux. — 1° La morale de l’Écriture Sainte suppose tout d’abord un Dieu créateur, qui commande à sa créature et a le droit d’en être obéi. Exod., xx, 2. Ceux qui disent : « Il n’y a pas de Dieu ! » sont des insensés qui tombent dans la corruption, commettent des abominations et ne font pas le bien. Le Dieu qu’ils nient tirera vengeance de leur folie volontaire. Ps. xiv (xiir), 1-4. — 2° Dès l’origine, Dieu, qui avait fait l’homme « à son image, selon sa ressemblance », Gen., i, 26, 27, par conséquent intelligent et libre, lui imposa sa volonté d’une manière expresse et positive, en annonçant que la transgression de cette volonté entraînerait une sanction. Gen., iii, 3. L’homme désobéit et fut châtié. Gen., iii, 17-19. Néanmoins, dans sa déchéance, il ne perdit pas son caractère d’être moral, par conséquent intelligent et libre, et, bien qu’entamé par le mal, il garda le pouvoir et l’obligation de résister aux sollicitations du péché. Gen., iv, 7. Voir Liberté, col. 237. Dieu, du reste, à l’appel de la prière de l’homme, est là pour l’aider dans sa lutte contre le mal, Ps. cxli (cxl), 1-4, et, quelque difficile que soit cette lutte, la grâce divine le met toujours à même de triompher. II Cor., xii, 9. Voir Grâce, t. iii, col. 290. — 3° Une sanction est assurée à la morale. Cette sanction ne consiste pas seulement dans le sort ménagé sur la terre aux bons et aux méchants, voir Impie, t. iii, col. 846 ; Mal moral, physique, col. 598-604 ; elle n’est complète et définitive qu’au moment où l’homme, par son âme immortelle, voir Ame, t. r, col. 466-472, entre dans son éternité. C’est pourquoi il est écrit : « En toutes tes actions souvienstoi de ta fin, et tu ne pécheras jamais. » Eccli., vii, 40 (36). Voir Jugement de Dieu, t. iii, col. 1837-1843 ; Ciel, t. ii, col. 751-756 ; Enfer, t. ii, col. 1795.
II. Les différentes sortes de morale. — Toute règle des mœurs a son origine dans la volonté souveraine de Dieu s’imposant à la créature. Cette volonté peut être essentielle, déterminant des règles qui découlent de la nature même de Dieu et ne sauraient être autres qu’elles ne sont : de là, la morale naturelle. Cette volonté peut aussi s’exercer librement, déterminant des règles qui découlent de la puissance, de la sagesse, de la bonté ou de la justice de Dieu, mais qui pourraient être autres qu’elles ne sont : de là, la morale positive.
1° La morale naturelle. — Cette morale tient à l’essence même de Dieu, à la nature de l’homme et aux rapports nécessaires de l’un vis-à-vis de l’autre. Elle est naturellement inscrite au cœur de l’homme, Rom., i, 18-23 ; ii, 14, 16, et fait partie de sa conscience raisonnable, de sorte que l’homme ne peut l’ignorer, au moins quant à ses préceptes fondamentaux. Dieu d’ailleurs a jugé à propos de formuler cette loi au Sinaï, pour mieux la rappeler à son peuple et en faire la base de toutes ses autres prescriptions. Exod., xx, 2-17. Le Décalogue n’est autre chose en effet qu’un résumé de la loi naturelle. Seul, le troisième précepte, qui fait partie de la loi naturelle en ce sens que l’homme doit consacrer à Dieu une certaine portion de son temps et que lui-même, en vertu de sa constitution native, a besoin d’un repos régulier, est complété par la réglementation positive du temps
à consacrer à Dieu et de la manière d’employer ce temps. J.e Décalogue n’est pas le seul endroit des Livres Saints où il soit question de lois naturelles. Les Livres sapientiaux en particulier les rappellent fréquemment. Job, ’xxxr, i-34, énumère différents devoirs à remplir vis-àvis de soi et vis-à-vis du prochain, la chasteté, la justice, la charité, la sincérité, etc. Les Proverbes forment un code assez détaillé de morale naturelle ; on y trouve consignés les principaux devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, ceux de la vie domestique et de la vie civile, les exhortations à la fuite des vices, etc. Cf. Lesêtre, Le livre des Proverbes, Paris, 1879, p. 38-44. Il en faut dire autant des Psaumes, de l’Ecclésiaste, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, et même des Prophètes, dans lesquels il est fait très souvent mention de préceptes de îa loi naturelle et des conséquences graves que leur violation entraîne pour les individus et pour les sociétés. En permettant que ces préceptes tiennent une si grande place dans la Sainte Écriture, Dieu a voulu montrer qu’il ne jugeait pas indigne de lui de rappeler aux hommes que ces préceptes, si simple qu’en soit parfois l’objet, ont à ses yeux une très grande importance et qu’en somme ils Constituent la base première et indispensable de toute la vie morale. Aussi, en plusieurs circonstances, les prophètes déclarent-ils que la pratique des vertus naturelles, justice, bonté envers le prochain, etc., l’emporte sur les préceptes de la morale positive. Is., lviii, 3-7 ; Ose., vi, <3 ; Eccle., iv, 17 ; Matth., rx, 13 ; xii, 7. Saint Jacques, i, 27, dira même que la vraie religion, aux yeux de Dieu, consiste à prendre soin des orphelins et des veuves, et à se préserver pur de ce monde, par conséquent à pratiquer surtout deux préceptes naturels, la charité envers les deshérités et la fuite de la corruption.
2° La morale positive. — Elle comprend des préceptes ajoutés à la loi naturelle par la libre volonté de Dieu. A vrai dire, Dieu n’a jamais laissé l’homme en face de la seule loi de la nature ; mais il a pu arriver souvent que ses préceptes positifs fussent ignorés et que leur transgression n’entrainât par conséquent qu’une responsabilité atténuée sinon nulle. Trois législations successives ont manifesté la volonté divine imposée aux hommes.
— 1. La législation primitive. Un premier précepte positit fut imposé à nos premiers parents, celui de ne pas toucher au fruit de l’arbre défendu, et ils le transgressèrent. Gen., ii, 17 ; iii, 6. Après la chute, Dieu prescrivit à Adam le travail, que la loi naturelle lui imposait déjà ; mais la volonté divine intervint à ce sujet, parce qu’au travail s’ajoutait désormais la peine, et par conséquent une certaine répugnance de la nature. Il faut également attribuer à une volonté positive de Dieu l’institution et la réglementation des sacrifices, qui apparaissent dès Gain et Abel, Gen., iv, 3, 4, ainsi que l’invocation du nom de Jéhovah, mentionnée dès l’époque d’Énos, fils de Seth. Gen., iv, 26. Au temps de Noé existe déjà la distinction des animaux purs et impurs, au point de vue des sacrifices. Gen., viii, 20. Dieu intervient après le déluge pour ordonner à Noé et à ses entants de se multiplier et de remplir la terre, leur permettre de se nourrir des animaux, et leur défendre cependant de manger la chair contenant encore le sang. Gen., ix, 1-4. Cette défense n’eut cependant pas
! e caractère de l’universalité et de la perpétuité, bien
que les Israélites l’aient observée rigoureusement et que les Apôtres en aient rappelé l’obligation. Act., xv, 29. Dieu manifesta encore ses volontés particulières à Abraham et aux patriarches, tantôt pour commander au père du peuple choisi des choses qui le concernaient personnellement et requéraient son obéissance en vertu de la loi naturelle elle-même, Gen., xii, 1 ; xxii, 2, 12, tantôt pour prescrire des institutions qui devaient s’imposer à toute sa race. Gen., xvii, 11-14. — 2. La législation, mosaïque. Ce fut celle que Dieu fit promulguer par Moïse. Elle ne concernait que le seul peuple
hébreu, quant à ses dispositions positives, et perdit son caractère d’obligation après l’accomplissement de la rédemption. Voir Loi mosaïque, col. 329-347. — 3. La législation évangélique. Promulguée parNotre-Seigneur, elle fixa la forme définitive que devait avoir la morale pour conduire l’homme au salut. Voir Loi nouvelle, col. 347-353. Cette morale comprend à la fois dçs préceptes auxquels tous sont rigoureusement tenus d’obéir sous peine de péché, voir Péché, et des conseils dont la pratique ne s’impose pas à tous, mais qui sont destinés à mener les âmes à une plus haute perfection. Voir Conseils évangéliques, t. ii, col. 922-924.
III. Le progrès des idées morales. — 1° À l’origine.
— Il ressort des premiers récits de la Genèse que la morale n’est pas le résultat d’une évolution de la conscience humaine, prenant peu à peu possession d’ellemême et s’imposant des lois d’abord rudimentaires, puis plus élevées et plus compliquées. Le premier homme apparaît au contraire comme le sujet intelligent d’un Dieu qui lui commande et qui châtie sa désobéissance, tout en lui ménageant le moyen de se relever. L’atteinte à la vie humaine, crime dont le premier fils d’Adam se rend coupable, n’a pas du tout le caractère d’un acte demi-inconscient, comme celui de la brute qui lutte pour la vie sans se soucier du droit que les autres ont à vivre eux aussi. Cf. Horace, Sat., i, iii, 99-114. Caïn homicide n’a agi qu’après délibération consciente, Gen., IV, 5-7 ; il cherche à dégager sa responsabilité en quelque manière, Gen., iv, 9, mais il se rend très bien compté de sa culpabilité et se reconnaît digne du châtiment. Gen., iv, 13, 14. Aussitôt Dieu intervient pour formuler ce principe de haute moralité, qu’à lui seul appartient l’exercice suprême de la justice, et que l’homicide commis par Caïn n’autorise personne à ravir la vie à qui que ce soit. Gen., iv, 15. Ainsi, au point de vue de la moralité, l’homme n’est pas un sauvage qui s’élève peu à peu des régions de l’inconscience et de l’irresponsabilité ; c’est un être intelligent, recevant dès le premier instant la loi de son Créateur, y contrevenant ensuite librement, se dégradant lui-même par cette première transgression, mais gardant toujours la claire notion du bien et du mal, avec la possibilité, ménagée par la grâce divine, de maintenir ou de relever sa vie morale à un niveau supérieur.
2° À l’époque patriarcale. — Pendant que, chez les peuples idolâtres, le niveau de la morale ne cessait de s’abaisser, Sap., xiv, 22-31, pour aboutir à des excès dont la conscience ne’savait même plus s’émouvoir, cf. de Broglie, La morale sans Dieu, Paris, 1886, p. 1-65, des idées plus pures et plus élevées sur la nature et l’action de Dieu maintenaient chez les patriarches, ancêtres du peuple hébreu, une moralité bien supérieure. « Marche devant ma face et sois irréprochable, » Gen., xvii, 1, fut-il dit à Abraham. Se conduire en toutes choses avec la conscience d’être vu par Dieu constituait, en effet, une excellente règle de vie morale. Mais encore cette règle n’était-elle pas capable de déterminer et d’em<pêcher à elle seule dans le détail tout ce que le regard divin pouvait approuver ou réprouver. Aussi, à côté de la grande foi et de l’obéissance des patriarches, la Sainte Écriture signale-t-elle dans leur histoire des actes ou des pratiques répréhensibles. Telles sont les dissimulations d’Abraham à son voyage en Egypte, Gen., xii, 11-16, et pendant son séjour à Gérare, Gen., xx, 2. 3 ; les procédés employés par Rébecca pour assurer à Jacob la bénédiction d’Isaac, Gen., xxvii, 13-27 ; les fourberies de Laban à l’égard de Jacob, Gen., xxix, 21-30 ; la conduite des fils de Jacob envers leur frère Joseph, Gen., xxxvii, 18-36, conduite dont la culpabilité n’éveille que tardivement les rpmords de leur conscience, Gen., xlii, 21 ; le meurtre par Moïse d’un Égyptien qui frappait un Hébreu, Exod., II, 11, 12, dernier cas qui comporte, il est vrai, des circonstances très atténuantes, etc. D’odieux
crimes sont commis par Siméon et Lévi, Gen., xxxiv, 25-31, et d’indignes libertés sont prises par Juda et Thamar, Gen., xxxviii, 13-26, sans que la pensée de Dieu arrive à contrebalancer l’influence de passions violentes. De plus, c’est à ces ancêtres d’un peuple à tête dure que remontent la polygamie et le divorce, dont la loi mosaïque sera obligée de tolérer l’usage.
3° Sous les Juges. — Dès l’époque des Juges, après la disparition de la génération qui avait vu les merveilles dont avait été accompagnée la conquête du pays de Chanaan, il s’éleva d’autres générations oublieuses de Jéhovah et de ses œuvres. Jud., H, 10. Les patriarches n’avaient servi que le vrai Dieu ; ils s’étaient détournés fidèlement des fausses divinités adorées par leurs ancêtres ou leurs voisins. Des Chananéens idolâtres et grossièrement immoraux, qui continuèrent à vivre au milieu d’eux, les Israélites reçurent les pires exemples ; ils ne furent que trop portés à les imiter. L’idolâtrie entra rapidement dans leurs goûts et dans leurs mœurs. Les châtiments répétés qu’elle leur attira ne les corrigèrent point. Le culte des idoles entraîna naturellement les plus lamentables conséquences pour la moralité des Israélites. Le crime de Gabaa, Jud., xix, 22-30, mit en mouvement toute la nation. Les Benjamites n’hésitèrent pas à prendre parti pour l’auteur de l’attentat, qui était de leur tribu ; les autres Israélites entrèrent en lutte contre eux et exterminèrent presque totalement la tribu. La loi de Moïse ne réussissait pas à prévenir tous les crimes ; les interventions divines elles-mêmes n’amenaient que des conversions momentanées. La conduite impie et avare des fils d’Héli et la coupable inertie de leur père montrent que, même parmi les membres les plus qualifiés du sacerdoce, la moralité était descendue à un degré inférieur. Iîteg., ii, 12-17, 22-29. Toutes ces circonstances étaient peu favorables au progrès de la morale. L’historien sacré résume cette époque en disant que « chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Jud., xxi, 24. Ces paroles, sans doute, caractérisent l’état social. Mais on peut, au moins dans une certaine mesure, les appliquer aux mœurs, que devaient régler la loi naturelle et la loi mosaïque, mais dont aucune autorité vivante ne corrigeait efficacement les écarts et ne relevait le niveau.
4° Sous les rois. — Avec Samuel, modèle de religion et d’intégrité, I Reg., xii, 3-6, la loi morale reprit faveur en Israël. Samuel inaugurait le ministère que tant de prophètes devaient continuer après lui. Ce ministère exerça sur les mœurs d’Israël une efficace et heureuse influence, qui aurait encore été augmentée par la centralisation religieuse et administrative, si les exemples donnés par les rois n’avaient souvent produit un effet tout opposé. Samuel affirma solennellement la nécessité de l’obéissance à Jéhovah, en appuyant cette obéissance par la promesse des récompenses et l’indication des châtiments. Il prit soin que le roi ne concentrât pas dans ses mains le pouvoir politique et le pouvoir sacerdotal, ce qui eût pu mettre la morale à la merci du prince. I Reg., xiii, 13, 14. Il rappela à Saùl, en lui signifiant la sentence qui le rejetait, qu’aux yeux du Seigneur « l’obéissance vaut mieux que le sacrifice », I Reg., xv, 22, principe qui établissait péremptoirement la prééminence de la loi morale sur la loi cérémonielle. Le roi David avait certainement des idées morales très élevées, comme le prouvent beaucoup de ses Psaumes : Voir David, t. ii, col. 1323. Il n’en commit pas moins de grands crimes, sous l’empire de la passion. Il resta près d’une année entière sans prendre souci de ses forfaits. Il fallut une intervention du prophète Nathan pour qu’il se décidât à dire : « J’ai péché. >> II Reg., xi, 2-xii, 13. On doit admettre, en cette conscience royale, non l’ignorance de la loi morale, puisque David prendtoutes les précautions pour cacher sa conduite, mais une inconcevable faiblesse de volonté devant les sommations de la passion. Néanmoins, en David apparaît ce qu’on n’a pas
encore vu dans les âges précédents : un repentir profond et sincère, une émouvante expression de ce repentir dans les Psaumes, une résignation humble et constante pour accepter les épreuves qui sont la condition de l’expiation et enfin un effort énergique pour faire remonter sa vie morale au niveau qui convient. On voit que, si le mal est encore puissant, même sur les meilleures âmes, celles-ci comprennent qu’il faut s’en dégager et faire effort pour assurer en soi le triomphe de la loi, expression de la volonté divine. Sur le point de mourir, David exhorte son fils Salomon à la fidélité envers le Seigneur, mais il n’a pas d’autre motif à lui suggérer que celui de la prospérité temporelle. Puis, il lui recommande d’exercer après sa mort certaines vengeances dont lui-même a dû s’abstenir par serment. III Reg., ii, 3-9. De la part du « saint roi », instruit de son devoir, pieux, repentant, arrivé au terme d’une carrière dans laquelle l’action de Dieu avait tenu tant de place, il y a là des actes qui montrent que bien des délicatesses commandées par la morale n’étaient encore ni comprises, ni senties. Son fils, Salomon, objet de tant de faveurs singulières de la part du Seigneur, scandalise et démoralise ses sujets par son luxe et ses complaisances inexplicables envers l’idolâtrie étrangère. Après le schisme, les mœurs baissent sensiblement. La Sainte Écriture en fait porter la responsabilité aux rois impies qui ont « fait pécher Israël », Jéroboam, III Reg., xiii, 34 ; xiv, 16, etc. ; Raasa.
III Reg., xvi, 2 ; Éla, III Reg., xvi, 13 ; Zamri, III Reg., xvi, 19 ; Amri, III Reg., xvi, 26 ; Achab, III Reg., xxi, 22 ; Ochosias, III Reg., xxil, 53, et, en Juda, Manassé.
IV Reg., xvii, 21 ; xxi, 11. Sans doute, durant cette période, il ne manqua pas de vrais Israélites dont la vie eut une grande dignité morale. Chez plusieurs rois même, Josaphat, Joas, Azarias, Joatham, Ézéchias, Josias, pendant tout le cours ou la plus grande partie de leurrègne, on constate une piété et une vertu qui égalent celles de David ou ne s’en éloignent guère, sans connaître les graves écarts de ce dernier. Néanmoins, dans l’ensemble de la nation, la morale, peut-être mieux expliquée et mieux comprise, finit pourtant par être de moins en moins pratiquée.
5° Chez les prophètes. — C’est surtout dans les paroles ; et les écrits des prophètes que. l’on peut constater, durant la période royale, le mouvement progressif des idées morales chez les Hébreux. Les prophètes en sont constitués les gardiens et les promoteurs. « Empêcher la Loi de tomber dans l’oubli, en recommander sans cesse l’exacte observalion, réprimer l’idolâtrie et toutes les autres violations de la Loi, préparer ainsi Israël à la venue du Messie, qui est la fin de la Loi, telle était la mission des prophètes. Ils l’ont accomplie avec une parfaite impartialité ; n’ayant en vue que l’honneur de Dieu et le bien du peuple, ils s’adressaient aux grands et aux petits… Presque toujours ils avaient à braver l’opinion de leur temps ; mais ils étaient munis d’un courage invincible. n> J.-B. Pelt, Hist. de l’Ancien Testament, Paris, 4e édit., 1904, t. ii, p. 144. Dieu prit soin. de les envoyer aussi bien à Israël qu’à Juda.
1. Le prophète Elie, à une époque où l’idolâtrie exerce une influence prépondérante, a mission de restaurer le sentiment de la crainte de Dieu en annonçant ou en faisant exécuter les châtiments mérités. III Reg., xvii, 1 ; xviii, 40 ; IV Reg., 1, 16. En. même temps, il récompense magnifiquement la charité d’une pauvre femme du peuple, III Reg., xvii, 14, 23, et a des ménagements pour le repentir momentané d’Achab. III Reg., xxi, 29. Elisée continue le ministère d’Élie, de manière à confirmer l’idée des conséquences temporelles attachées par Dieu au bien, IV Reg., iv, 5-7, 35 ; v, 14, ou au mal. IV Reg., v, 27, etc. — 2. Les prophètes écrivains insistent également sur l’idée de la sanction temporelle qui suit le bien ou le mal, surtout quand il s’agit des nations. Joël, i, 13-15, invite les pécheurs au repentir
et à la pénitence effective, mais toujours en considération du châtiment à craindre. Il veut qu’on prie pour obtenir le pardon, et fait intervenir dans cette prière la notion déjà plus désintéressée de la gloire de Dieu : « Épargnez votre peuplé, » car les autres diraient : « Où est leur Dieu ? » Joël, II, 17 ; cf. Ps. CXV (cxm), 1, 2. De fait, il ajoute immédiatement : « Jéhovah a été ému de jalousie pour sa terre. » Joël, ii, 18. — 3. Avec Jonas s’introduit, d’une manière très concrète, cette autre idée, que Dieu s’intéresse au sort de tous les hommes et qu’il est sensible à leur repentir, quels que soient d’ailleurs leurs méfaits, leur nationalité, leur croyance. Jonas est personnellement rebelle à l’acceptation de cette idée de la pitié divine envers tous ; il faut que Dieu lui fasse sévèrement la leçon, Jon., iv, 10, 11. — 4. Amos remet en lumière la pensée déjà formulée par Samuel, 1 Reg., xv, 22, que l’obéissance ponctuelle aux préceptes liturgiques ne signifie rien et ne sauve pas du châtiment, si l’on n’y joint la pratique des vertus morales. Am., iv, 4-12 ; v, 4-6, 21-25 ; vi, 12. — 5. Osée va plus loin ; il montre que le culte lui-même est profané, spécialement par les prêtres et les chefs du peuple, qu’on ne saurait par conséquent compter sur lui pour suppléer aux vertus absentes. Ose., IV, 1-v, 12 ; vii, 3-7. Et pourtant, observe-t-il, Dieu a témoigné à son peuple un amour incomparable, Ose., XI, 1-4 ; ce peuple ne devrait-il pas comprendre l’obligation d’aimer ce Dieu qui l’a prévenu depuis Abraham et Jacob ? Ose., xii, 5-7. — G. Isaïe proclame lui aussi la supériorité de la loi morale sur la loi cérémomelle. 1s., i, 10-20. Il provoque la reconnaissance d’Israël envers un Dieu qui a tout fait pour lui. Is., v, 1-7. Tout en annonçant les châtiments prochains, il fait entrevoir le Messie futur, modèle de bonté et de justice, Is., xi.il, 1-4, sauveur de son peuple et de tous les habitants de la terre, Is., xlv, 14-25, par ses souffrances et sa mort volontaire etexpiatrice. Is., Lin, 1-12. Tel est le divin idéal placé sous les yeux d’Israël ; pour en approcher, il faut se rendre digne de la rédemption par la pénitence qui expie, par la pratique loyale de la justice et delà charité, Is., lviii, 5-7, et par cette largeur de vue qui, loin de restreindre aux seuls Israélites la possibilité du salut, l’étend à toutes les nations et à tous les hommes ; Is., lx, 4-9. Avec le grand prophète, la morale commence donc déjà à être éclairée de quelques-unes des lueurs de l’Évangile. — 7. Après avoir attiré l’attention des grands et des riches sur la responsabilité que leurs exemples pervers leur font encourir, Michée, vi, 8, reprend le thème dé ses prédécesseurs sur l’insuffisance des observances rituelles et conclut que Jébovah demande avant tout à son peuple « de pratiquer la justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec son Dieu ». — 8. Ces prophètes ont écrit pendant la période des invasions assyriennes. Ils travaillaient à élever le niveau des idées morales, mais ne paraissent pas avoir été toujours compris. — 9. Pendant la période des invasions chaldéennes, Sophonie, ii, 3, annonce encore les châtiments, mais recommande aux humbles du pays, restés fidèles à la loi divine, de rechercher la justice et l’humilité, afin d’échapper à la colère de Jéhovah. — 10. Cependant les mœurs ne s’amendent pas. Jérémie, vii, 1-28, reproche à ses compatriotes leur vaine confiance dans leur Temple et dans leurs sacrifices. Leur grand crime est d’avoir foi en l’homme et non en Jéhovah. Jer., xvii, 5-7. Un temps viendra cependant où Dieu mettra sa loi au dedans d’eux, l’écrira sur leur cœur et sera leur Dieu comme ils seront son peuple. Jer., xxxi, 30. Ce sera le temps du Messie, par l’action duquel la morale atteindra sa perfection. Cf. II Cor., iii, 3-11. — 11. Ézéchiel, xviii, 25-29, établit cette règle que « la voie du Seigneur » procure seule la justice et la vie, même pour le pécheur, et que ce n’est pas à l’homme à opposer sa prétendue rectitude à celle de Dieu. Dans sa description du royaume
messianique, il montre Dieu paissant lui-même son troupeau avec justice, Ezech., xxxiv, 15, 16, 31, le sauvant « par pitié pour son saint nom », donnant à ses enfants un cœur nouveau et un esprit nouveau, Ezech., xxxvi, 16-27, et régnant dans la cité restaurée qui s’appellera : « Jéhovah est là. » Ezech., xlviii, 35. C’est l’annonce de la loi de grâce, qui comportera la résidence du Dieu Sauveur au milieu de son peuple et dans le cœur même de ses enfants.
6° De la captivité au dernier prophète. — 1. Au sein de la captivité, Daniel élève très haut par ses exemples l’idéal de la morale. On le voit refuser les mets de la table royale pour ne pas se souiller, Dan., i, 8, prendre en main, avec une singulière énergie, la défense de la justice, Dan., xiii, 48-62, garder fidélité à la loi de ses pères au péril de sa vie et prier trois fois le jour en se tournant vers Jérusalem. Dan., VI, 6-17, etc. Au milieu des grandeurs, le prophète reste un vrai serviteur de Jéhovah, soumis à la loi mosaïque, entendue dans son vrai sens, mais en même temps zélé pour la pratique des grandes vertus morales, charité, justice, humilité, détachement des biens de ce monde, etc. Le même idéal inspire ses trois compagnons, ainsi que Joakim et sa femme Susanne, comme il avait inspiré déjà Tobie et bien d’autres, sans doute,
— 2. Zacharie rappelle que les pratiques extérieures, comme le jeûne, n’ont de valeur morale que si elles sont accompagnées d’une vraie justice et d’une charité sincère envers tous. Zach., vii, 4-10 ; vni, 14-17, Il promet la venue de l’esprit de grâce et de supplication, et la purification des âmes que procurera le Messie, Zach., xii, 10 ; xiii, 1. —3. Enfin Malachie revient encore sur l’inutilité de rites cultuels que n’accompagne pas la pratique des grandes vertus morales ; Dieu n’en veut décidément plus, et il se prépare un sacrifice qui sera digne de lui. Mal., i, 6-14 ; III, 1-4. — 4. Ainsi tout l’effort des prophètes tend à un double but : donner aux œuvres légales et liturgiques, qui sont commandées par Dieu, la valeur qu’elles comportent en y joignant la pratique sérieuse des vertus morales, sans lesquelles rien ne peut plaire à Dieu ; puis, montrer dans le règne messianique l’idéal religieux et moral vers lequel doivent tendre les âmes.
7° Du dernier prophète à l’Évangile. — 1. Pendant le temps qui s’écoula entre le dernier prophète et la venue du Sauveur, les appels à une vie morale supérieure furent entendus par beaucoup d’Israélites, qui ne se laissèrent détourner du progrès spirituel ni par les exemples que donnaient les plus qualifiés de leurs compatriotes, ni par les séductions ouïes violences des étrangers. Dans l’Ecclésiastique, le fils de Sirach rappelait avec autorité les préceptes de la morale traditionnelle et citait en exemple les Israélites illustres qui en avaient fait la règle de leur Yie. L’auteur de la Sagesse montrait un idéal encore plus élevé, en entr’ouvrant plus largement les horizons de l’autre vie. Enfin, les Machabées, animés par le zèle de la Loi, pratiquaient certaines vertus au degré héroïque et sacrifiaient leur vie pour assurer à la fois l’indépendance de leur nation et leur liberté religieuse. Ce qui donne le mieux l’idée de ce que pouvait être la morale théorique et pratique chez les pieux Israélites des derniers temps, c’est le spectacle admirable que présentent tant de personnages qui apparaissent dans l’Evangile, après avoir été élevés sous la Loi ancienne, Zacharie et Elisabeth, Joseph, Siméon, Anne, sans parler de Marie et de Jean-Baptiste ; puis, plus tard, Nicodème, Nathanaël, Lazare et ses sœurs, et d’autres en grand nombre dont la loi de grâce perfectionna la vertu. D’Abraham et de David à Jean-Baptiste, on sent que d’énormes progrès ont été opérés, bien que l’influence évangélique en prépare de plus grands encore. — 2. D’autre part, tous les efforts des maîtres en Israël tendirent, durant cette période, à confondra
l’idéal du bien avec une fidélité minutieuse et servile à la Loi, cette loi « qui n’amena rien à la perfection ». Heb., vii, 19. Tout se résumait pour eux dans une obéissance scrupuleuse à la Loi, en vue d’une récompense prochaine que devait leur assurer le Messie temporel qu’ils imaginaient. C’était vraiment le zèle de la Loi, non le zèle religieux et désintéressé des Machabées,
I Mach., ii, 27, mais un zèle qui n’était plus conforme à la sagesse. Rom., x, 2. De là les pratiques dont l’observance méticuleuse cevait conduire le vrai Juif à la perfection : le sabbat avec ses multiples conditions, la pureté et l’impureté légales, les marques extérieures de religion, phylactères, prières rituelles, etc., la distinction entre les aliments, etc. « C’était un formidable fardeau qu’une fausse légalité faisait peser sur les épaules du peuple. Matth., xxiii, 4 ; Luc, xi, 46. Rien n’était abandonné à la liberté individuelle, tout était placé sous le joug de la lettre. À chaque pas, à chaque mouvement, l’Israélite zélé pour la Loi devait se demander : Qu’est-il ordonné ? Pour aller et venir, pour le travail d’état, pour la prière, pour le repas, à la maison ou dehors, de l’heure la plus matinale jusqu’à la plus tardive, de la jeunesse à la vieillesse, un formalisme mort et mortel lui imposait sa contrainte. Une saine vie morale ne pouvait se développer sous un pareil faix. Au lieu d’obéir à une impulsion intérieure, c’est surtout du dehors qu’elle recevait la règle qui la faussait. Pour celui qui prenait celle-ci au sérieux, la vie était un supplice continuel. Car, à tout instant, il était en danger de transgresser la loi, d’autant plus qu’à cause du formalisme extérieur dont il dépendait, il était souvent dans l’incertitude d’avoir réellement satisfait à la loi. D’autre part, l’orgueil et les ténèbres étaient presque inévitables chez celui que la connaissance et la réglementation de la loi érigeaient en maître.
II pouvait se dire qu’il avait satisfait au devoir, parce qu’il n’avait rien négligé et avait accompli toute justice. Mais il n’en est pas moins certain que cette justice des scribes et des pharisiens, Matth., v, 20, qui regardait de haut les pécheurs avec d’orgueilleuses pensées à l’égard de Dieu, Luc, xviii, 9-14, et faisait pompeusement parade de ses œuvres aux yeux du monde, Matth., vi, 2 ; xxiii, 5, n’était ni vraie ni agréable à Dieu. » Scbûrer, Geschichte des jûdischen Volkes ini Zeit J. 67., Leipzig, t. ii, 1898, d. 495, 496. Tel était l’idéal moral substitué à celui des prophètes et des pieux Israélites par les docteurs qui ont précédé immédiatement la promulgation de l’Évangile.
8° Dans l’Évangile. — Avec le Nouveau Testament, les lumières et les grâces se multiplient : la morale devient en conséquence plus élevée, d’une pratique plus difficile, et toutefois, à raison des exemples, des mérites et des secours spirituels venant de Jésus-Christ, plus universellement connue, comprise et suivie, non plus seulement parmi le peuple juif, mais chez les nations qui peuplent le monde entier. Il y a progrès au point de vue de l’élévation des préceptes, de l’esprit intérieur qui doit en inspirer la pratique, du nombre et de la diversité des âmes qui en font la règle de leur vie. Cf. S. Irénée, Adv. hœres., iv. 11, 37, 38, t. vii, col. 1002-1003, 1103-1109. La morale évangélique, tout en s’élevant beaucoup plus haut que celles qui l’ont précédée, part pourtant du même principe naturel, le Décalogue. L’Église, interprète de la pensée du Sauveur et de son Évangile, n’apporte que. deux modifications, moins à la lettre qu’à la disposition du Décalogue. Pour les Hébreux, le premier précepte commandait de considérer Jéhovah comme le seul Dieu, et le second défendait de faire des images taillées ou peintes pour les adorer. Sous la loi évangélique, le péril de l’idolâtrie est écarté et les deux anciens préceptes peuvent être réunis en un seul, qui commande l’amour et le culte-de Dieu. Par contre, le dixième précepte du Décalogue est décomposé en deux, sous la loi évangélique, afin de réprouver distinc tement les désirs contraires à la chasteté et ensuite ceux qui sont contraires à la justice. « Au peuple grossier que conduisait Moïse, il fallait interdire par un précepte spécial l’idolâtrie ; il n’était pas opportun d’entrer dans trop de détails sur les péchés de pensée. Au peuple chrétien, il n’est plus nécessaire de défendre l’idolâtrie extérieure ; en revanche, il faut pénétrer plus avant dans le cœur. Ainsi la nouvelle division est justifiée. » De Broglie, Confér. sur l’Idée de Dieu dans VA. T., Paris, 1890, p. 178-190. Ainsi le progrès s’accuse jusque dans la formule des préceptes élémentaires.
IV. Les codes de la morale. — 1° La morale mosaïque est codifiée dans le Pentateuque, dont les quatre derniers livres ont précisément pour but de formuler les préceptes imposés aux Hébreux. Voir Pentateuque. Ces préceptes sont rappelés incidemment dans les autres livres de l’Ancien Testament, et surtout dans les écrits des prophètes. Certains autres livres, les livres poétiques et sapientiaux, s’occupent encore davantage de morale et entrent souvent dans le détail des devoirs naturels ou positifs. Voir Écclésiaste (Le livre de l’), t. ii, col. 1537 ; Ecclésiastique (Le livre de l’), t. ii, col. 1550-1553 ; Job, t. iii, col. 1575 ; Proverbes, Psaumes, Sagesse. — 2° La morale évangélique est beaucoup moins codifiée que celle de Moïse. Le discours sur la montagne en résume les points principaux qui avaient besoin d’être mis en relief au regard de la loi ancienne. Matth., v-vii ; Luc, vi, 20-49. Mais les autres préceptes sont épars à travers les écrits des évangélistes. Sur l’ensemble de cette morale, voir Jésus-Christ, t. nr, col. 1486-1487. Dans leurs ÉpUres, les Apôtres rappellent l’enseignement moral du Sauveur ou touchent à d’autres points passés par lui sous silence. Voir t. ii, col. 870, 991, 1861 ; t. iii, col. 75, 550, 1097, 1198. Mais ces documents écrits ne présentent la morale évangélique ni dans son ensemble, ni d’une manière didactique et complète. C’est par voie d’enseignement oral que les Apôtres, et par conséquent l’Église, ont reçu mission d’apprendre aux hommes à garder tout ce que le Sauveur a commandé. Matth., xxviii, 20. — Consulter aussi, au sujet de la morale, les articles qui traitent des vertus, Aumône, t. i, col. 1244 ; Charité, Chasteté, t. ii, col. 591, 624 ; Humilité, t. iii, col. 777 ; Miséricorde, t. iv, col. 1130 ; etc., et ceux qui traitent des vices et des péchés, Adultère, Avarice, Blasphème, 1. 1, col. 242, 1285, 1806 ; Colère, Fornication, Fraude, t. ii, col. 883, 2314, 2398 ; Gourmandise, Ignorance, Incontinence, Ingratitude, Injustice, Ivresse, t. iii, col. 281, 837, 870, 877, 878, 1048 ; Luxure, Moquerie, t. iv, col. 436, 1258, etc.
- MORASTHI##
MORASTHI, MORASTHITE (hébreu : ham-Môrasfî ; Septante : 6 MtopaiÔiÔiiî ; 6 M(i>pa<r8ét ; Vulgate : de Morasthi, Jer., xxvi, 18 ; Morasthites, Mich., i, 1), originaire de Morasthi ou plutôt, selon le nom hébreu, de Moréscheth-Gath. C’était la patrie du prophète Michée. Jer., xxvi, 18 ; Mich., i, 1. Voir Moréscheth-Gath.
- MORÉH##
MORÉH (hébreu : Môréh ; Vaticanus : Jud., vii, 1 ; Mwpat ; Alexandrinus : ’Aêûp ; les mêmes manuscrits traduisent ce mot par ijd/*)Xr|, Gen., xii, 6, et Deut., xi, 30 ; la Vulgate le rend par illustris, Gen., xir, 6 ; intram et leadens procul, Deut., xi, 30 ; excehus, Jud., vii, 1), nom d’un chêne avec son territoire et d’une colline. — L’étymologie et la signification de Môréh sont incertaines. Le copiste du texte samaritain a lii, Deut., xi, 30, masfâ’, « observatoire. » La version samaritaine a traduit, Gen., xiii, 6, et Deut., xi, 30, par liazûbdli, « vision. » La Peschito qui en fait l’équivalent de mamré (Mombré), Gen., xii, 6, et Deut., xi, 30, ainsi que l’arabe, Gen., xii, 6, y voit une « élévation », Ramthâ’. Jud., vu, 1. Ainsi les traducteurs semblent laire dériver Môréh, tantôt de ydrâh, « jeter, fonder, élever, arroser, instruire, » tantôt de rd’âh, « voir, » ou d’autres racines
encore. On l’a pris aussi pour un équivalent de mortâh dont celui-ci serait le féminin. Cf. Math. Poli, Synopsis criticorum, Francfort-sur-le-Main, in-f°, 1712, col. 134135 ; Gesenius, Thésaurus, p. 627, 819 ; Vercellone, Varim lectiones Vulgatee latin » Bibliorum, in-4°, Rome, 1860-1862, 1. 1, p. 513-514 ; t. ii, p. 106-107.
1. MORÉH 4CHÊNE de) (hébreu : ’Êlôn Môrêh, Gen., xti, 6 ; ’êlônè (pluriel), Deut., xi, 30 ; Septante : 8p0 ; Ù’^Xti ; Vulgate : vallis illustris, Gen., xiii, 5 ; vallti intrans et tendens procul, Deut., xi, 30), territoire près de la ville de Sichem où était un chêne célèbre.
I. Nom et situation. — Il est évident que’Êlôn-Môréh désigne un petit territoire des alentours de Sichem ; mais ce nom, pour les Septante, les plus anciens traducteurs de la Bible et les plus à même de connaître la signification du mot’êlôn, est tout d’abord celui d’un « chêne » ou d’un « bouquet de chênes », ’êlônè, C’est le chêne qui aura donné son nom à la région où il était planté. La signification de « vallée », vallis, ou « vallée bordée de collines », convallis, Gen., xiii, 18, donnée par la Vulgate à ce mot, est celle que lui attribuent le Targum d’Onkélos, le rendant, Gen., xii, 6, par mêsar, et De-it., xi, 30, par mêérè, « lieu plat, » et, après lui, généralement tous les interprètes juifs. La version samaritaine a adopté la même traduction. La Peschito, la version arménienne, l’ancienne version latine, et celles en généra ! qui suivent les Septante, voient aussi dans’Èlôn « un chêne ». La version arabe qui y reconnaît, Gen., xii, « des chênes, » ballout, y voit « des prairies » ou des « campagnes », moroudj. Deut., xi, 30. La Vulgate elle-même admet la signification de « chêne ». Jud., ix, 6. Le’élôû mûssdb’âsér bi-Sekém de ce verset est pour elle quercwnx quse stabat in Siclieni, « le chêne planté à Sichem. » Tandis que les autres traducteurs ont lu « le chêne de la station » (Septante), « le chêne de Maspha » ou « de l’observatoire » (Syriaque et Arabe) ; ou encore « le chêne de la stèle » (Targum de Jonathan) ; la Vulgate a vu dans m upsdb, le participe hophal de nos âb, « planter. » Par là saint Jérôme reconnaît que l’Écriture elle-même donne à’èlôn le sens de « chêne », car le participe mussâb, « planté, dressé, » ne peut convenir à une plaine ou une vallée. Le’èlôn bi-éekém, « le chêne de Sichem, » de ce passage ne paraît pas différent de Y’êlôn Môréh du « territoire de Sichem », meqôni Sekém, de Gen., xii, 6, ou de Y Êlôn Môréh situé « à côté », ’êsél, des monts Garizim et Hébal du Deut., xi, 30. Il est, selon toute apparence, identique encore à l’arbre « près de Sichem », hâ-’êlâh’âsér’im Sekém, de Gen., xxxv, 4, sous lequel Jacob enterra les emblèmes idolâtriques de ses gens et à l’arbre « qui était au sanctuaire du Seigneur », hâ-’êlah’âSér be-ntiqdaS Jehôvàh, également « à Sichem », be-àekém, de Jos., xxiv, 26, sous lequel Josué dressa une grande pierre commémorative. Dans le premier cas, hâ-êldh est, dans toutes les versions, « le térébinthe, » et dans le second cas « le chêne », sans que l’on voie d’autre raison de cette distinction sinon que le mot’ëlâh, comme’êlôn, s’employait indifféremment pour désigner les deux espèces d’arbres. Voir Mambré, col. 626, 627. En ces divers cas, sauf Jos., xxiv, 26, où le traducteur, induit en erreur par la présence du « sanctuaire du Seigneur », s’imagine qu’il s’agit de Silo, la version arabe remplace le nom antique de Sichem par le nom moderne de Nabolus, témoignant ainsi de l’identité topographique de cette localité avec la ville biblique. Suivant plusieurs interprètes, le nom de Môrêh, quelle que soit d’ailleurs son étymologie et sa signification, serait ici comme Mambré ailleurs, le nom du possesseur du lieu où se trouvait le chêne ou la chênaie de Sichem. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 627, 814. — Le chêne de Môrêh se trouvait dans la partie du territoire hélqaf hai-Sddéh, situé entre Salem et Sichem, et devant cette dernière ville, où Jacob, arrivant
de Sucoth de la vallée du Jourdain, à l’est, établit son campement et qu’il donna, avant de mourir, en propriété à son fils Joseph. Gen., xxxiii, 18, 19 ; xxxv, 4. Le « domaine » de Joseph, renfermant le puits de Jacob, était près de la route passant à l’est de Sichem, conduisant par la Samarie, de Judée en Galilée et au pied de la montagne sainte des Samaritains, c’est-à-dire du Garizim. Joa., v, 3, 6, 20 : Le peuple de Sichem réuni près du chêne, pouvait entendre toutes les paroles de Jonathan, fils de Gédéon, s’adressant à lui de la montagne adjacente, ’èsél. Jud., ix, 6-7 ; cf. Deut., xi, 30. — Au rve siècle, on montrait « le chêne » (BccXavoç, Balanus, id est quercus ) des Sichémites où fut créé roi Abimélech, dans la banlieue (Eusèbe ; upoaoTeiotç ; Jérôme : in suburbanis) de Neapolis, près du tombeau de Joseph. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, p. 96, 97. Balanus semble être le nom du lieu en usage chez les Gréco-Romains ; les indigènes parlant le syriaque devaientle nommer dans leur langue Balouta’et c’est sans doute ce même nom que nous rencontrons sous la forme de Baldtah, encore donné aujourd’hui à un petit village situé à moins de deux kilomètres à l’est de Ndblous (fig. 351). — La Chronique samaritaine, c. xxvii, édit. Juynboll, Leyde, 1848, p. 27, désigne le Merdj Balâfâ, comme le lieu de la grande réunion de l’armée d’Israël conduite par Josué. Au xme siècle, les Juifs, au témoignage du géographe arabe Yaqout, rattachaient le souvenir d’Abraham, à Buldtak, « village du district de Ndblous, où se trouve une source abondante et prés duquel fut enseveli Joseph. » Mo’agem el-Boldân, édit. F. Wùstenfeld, Leipzig, 18661870, t. i, p. 710. « Baldla’est dans le champ qu’acheta Jacob, » dit le rabbin Estôri ha-Parchi, Caftorva-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1897, p. 287-288. S’il n’est pas possible de tracer les limites précises du « domaine de Joseph » ou de’Êlôn-Môréh, sa situation du moins est parfaitement déterminée par le village de Balâfa’, le puits de Jacob et le sépulcre de Joseph, trois points dont l’authenticité paraît aussi certaine qu’elle peut l’être. Voir Jacob (Puits de), t. iii, col. 1075.
II. La chênaie de Môréh du Deutéronome. — V’Êlônê Môréh, près des monts Garizim et Hébal, du Deut., xi, 31, n’est-elle pas différente de Y’Êlôn Môréh ( près de Sichem », de Gen., xii, 6, et ne faut-il pas la chercher dans la vallée du Jourdain et près de Galgala dans le voisinage de Jéricho ? — D’après ce passage, en effet, les monts Garizim et Hébal sont in campestribus, bâ-’Ârâbàh, d’après le texte massorétique, c’est-à-dire « dans la vallée du Jourdain », contra Galgalam, mûl hag-Gitgal, en face de Galgala, ou près de cette ville, selon les Septante : l^ônevov toû ro>,-j<iX, gwæ est juxta valleni tendentem et intrantem procul, c’est-à-dire près, à côté de’Êlônè Moréh, ’êsél’Êlônè Môrêh « la vallée avançant et s’étendent au loin » de la Vulgate. Ce texte a fait le tourment des interprètes et des commentateurs. A cause de lui et du récit de la solennité inséré, Jos., vii, 30-35, entre celui de la prise de Haï et l’épisode de l’ambassade des Gabaonites, Eusèbe, saint Jérôme, saint Épiphane, le mosaïste de Médaba et un grand nombre d’autres se sont crus obligés de chercher avec l’Hébal un Garizim près de Jéricho, à côté duquel il faudrait placer le’Êlônè Môréh de ce verset. Cf. Garizim, t. ii, col. 106-107. Le Targum d’ailleurs justifie cette interprétation et presque toutes les versions, par leur arialogie avec la traduction de la Vulgate. S’il existe déjà deux Môréh certains, l’un en Samarie et l’autre en Galilée, pourquoi n’en admettrait-on pas un troisième en Judée ? dit le P. Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1901, p. 274-276. Les géographes ne l’admettent cependant pas, et Buhl, avec d’autres, pour résoudre la difficulté, propose ; Géographie der alten Palâstina, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 202-203, de voir dans la Galgala de ce passage non la Galgala voisine de Jéricho, mais une autre Galgala qu’il identifie avec le petit vil te
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MORÉH (CHÊNE DE)
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lage de Djeleidjil, situé à moins de 4 kilomètres au sud-est de Sâlém et qui est en réalité à peu prés en face de l’antique vallée de Sichem. Seulement aucun dêterminatif ajouté au nom de Galgala n’autorise à le distinguer du célèbre Galgala de la vallée du Jourdain qui vient tout d’abord à l’esprit quand on prononce ce nom. Il en est de même de, ’Êlôn-Môrêh. L’épisode du livre de Josué, viii, paraît du reste être une intercalation hors de son ordre chronologique, laquelle devrait avoir plutôt sa place au ch. xxii » ou au xxirje. Le texte en question peut d’ailleurs s’interpréter sans qu’il soit besoin d’aucun des subterfuges auxquels on a eu recours.
par Moïse pour la cérémonie des bénédictions et des malédictions loin de Sichem et ailleurs qu’à Balâtâh. III. Description. — Balâtâh est un tout petit village de moins de vingt maisons arabes, à voûte et terrasse, bâti au pied du Djebel fôr, l’antique Garazim, au nord, là où la montagne vient de fléchir d’est à ouest, en lace, du coté au sud, du Djebel el-hlâmiyéh, l’ancien Hébal, à l’entrée orientale de la belle vallée de Ndblous. Le petit village est traversé par un canal dallé où courent les eaux pures et limpides d’une source abondante prenant naissance du côté oriental et venant aboutir à un petit bassin d’origine antique bien que restauré plusieurs
351. — Balâtâh. D’après une photographie de M. L. Iîeidet.
— D’abord la leçon bâ-Arâbdh, rmva pourrait être une
TT - : mauvaise lecture des massorètes ou des copistes et les Septante ont lu ma’ârâbâh, rmyn, d et non 3, éu’i
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SuufKôv, « à l’occident. » L’expression mûl hag-Gilgal doit, par la convenance du contexte et sans forcer aucunement le sens du mot mûl se rendre par « à l’opposé » de Galgala, c’est-à-dire parallèlement à la vallée du Jourdain, la région de Galgala.’Êsél a été à tort attaché à Galgala par le traducteur de la Vulgate ; tous les membres de la phrase se rapportent au sujet exprimé au commencement, les monts Garizim et Hébal que l’auteur a principalement en vue : ce sont Garazim et Hébal qui sont’esél, « à côté » de’Êlônê-Môréh et non Galgala. La traduction veut dire : Le mont Garazim et Hébal… ne sont-ils pas au delà du Jourdain, derrière le chemin [du côté] où se couche le soleil (le grand chemin de la région à l’occident du Jourdain, allant du nord au sud en suivant la ligne de faîte des montagnes), dans le pays des Chananéens qui habitent à l’occident (du Jourdain), à l’opposé de Galgala (ou dans la région montagneuse juxtaposée à la vallée, du Jourdain qui est la contrée de Galgala), à côté de’Êlônê-Moréh ? Il n’y a donc aucune raison de chercher la chênaie de Môréh choisie
fois. Diverses espèces d’arbres parmi lesquelles on. remarque quelques chênes de médiocre développement, rejetons peut-être de l’antique’Êlôn Môréh, forment aux alentours un petit bosquet. Des jardins ordinairement plantés de chicorée, de concombres, de poireaux, d’oignons et de tomates, environnent le village. Le jardin, où se voit le puits de Jacob et les ruines des monuments qui le recouvraient jadis, aujourd’hui entoura d’un mur, leur est contigu du côté de l’est. Non loin au nord, et sur la lisière de la campagne semée de blé ou de dourà, s’élèvent les deux petites coupoles blanches, qui depuis quelques années abritent le tombeau du patriarche Joseph. Du village le regard embrasse toute la région septentrionale du spacieux et fertile sahel Mah. nah. encore appelé en cette partie sahel el-’Askar, et s’étend sur les montagnes qui l’enveloppent. Sur les pentes de ces monts s’élèvent, entourés de petits boisd’oliviers et de figuiers, les villages d’el-’Askar. dont le nom rappelle peut-être le Sicharde l’Évangile, ’Azmout, . Deir-ffatab Sàlim dont le nom est identique à la Salem rencontrée par Jacob sur le chemin de Sochot à Sichem et qui paraît avoir donné jadis son nom à la partie septentrionale du sahel.
IV. Histoire. —’Êlôn Môréh est la première station.
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mentionnée par la Bible où le patriarche Abraham, venant de Mésopotamie dans la terre de Chanaan, établit son campement pour résider avec sa famille. Le Seigneur lui apparut en cet endroit pour renouveler la promesse qu’il lui avait tâite en son pays, en lui disant : « Je donnerai cette terre à tes descendants. » Abraham éleva en ce lieu un autel au Seigneur qui lui était apparu, ajoute la Gen., xii, 6-7. C’est le premier autel élevé à Jéhovah dans la Terre Promise. Ce fut sans doute ce souvenir sacré qui amena Jacob en ce même endroit, après son retour de Mésopotamie. Ayant quitté Socoth, il vint s’établir devant Sichem. Il paraît avoir eu l’intention de s’y fixer définitivement avec les siens, car il acheta des fils d’Hémor, le fondateur de Sîchem, ’pour le prix de cent qesitdh, le champ où se trouvait le chêne et où il avait établi son campement. Reprenant la tradition de son ancêtre, il dressa un nouvel autel qu’il nomma’El Ëlohê Hràêl, « El, Dieu d’Israël. » Gen., xxxiii, 18-20. La crainte des représailles (à cause des habitants de Sichem), occasionnées par l’aventure de Dina, obligea Jacob à quitter’Êlôn Môréh où, avant de partir pour monter vers Bethel, il enterra sous le chêne les idoles que ses gens avaient apportées avec eux de Mésopotamie. Gen., xxxiv, xxxv, 1-5. — Cependant Jacob semble avoir voulu maintenir son droit de propriété sur le territoire de Môréh et c’est vraisemblablement avec cette intention que ses fils venaient faire paître leurs troupeaux dans la campagne de Sichem. Nul endroit n’était plus favorable pour leur campement que la chênaie de Môréh. C’est là sans doute que Joseph, envoyé d’Hébron par son père pour prendre des nouvelles de ses frères, vint les chercher, quand il apprit qu’ils avaient quitté ce lieu pour passer à Dothaïn. Gen., xxxvii, 12-17. Avant de mourir, Jacob transféra ce champ en héritage à son fils bien-aimé, et Joseph sur le point de quitter la vie, fit jurer aux siens de rapporter ses ossements dans la terre de Chanaan, pour les y ensevelir dans le champ de Sichem qui était son domaine. Ce devoir devait être rempli par Josué, après la conquête du pays de Chanaan. Gen., xlviii, 22 ; l, 24 ; Ex., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32 ; Act., vii, 16 ; Joa., iv, 52. — Êlôn Môi’ehétoit demeuré, dans le souvenir des fils d’Israël, le premier sanctuaire consacré par leur père à Jéhovah et à son culte, et c’est sans doute pour y renouer le fil de ce culte traditionnel que Moïse prescrivit à son peuple de s’y rendre aussitôt après la conquête de Chanaan, afin d’y élever de nouveau un autel et d’y accomplir la sublime cérémonie des bénédictions et des malédictions. Deut., xi, 29-30 ; xxvir, 4-26. — Cet autel fut dressé, selon toute vraisemblance, sur le domaine de Joseph, la terre de Môréh, là où devaient être posées les pierres blanchies à la chaux sur lesquelles seraient écrites les paroles de la Loi. Ces pierres semblent, Deut., xxvii, 6-4 ; Jos., viii, 32, être les pierres mêmes de l’autel. La. grande pierre dressée par Josué « sous le chêne du sanctuaire du Seigneur », be-miqdas Yehôvâh, Jos., xxiy, 26, n’est peut-être pas différente de ces monuments, ou bien les avait remplacés. L’autel et les pierres, il est vrai, devaient être établies « au mont Hébal i>, mais l’expression be-har’Ebàl peut s’entendre aussi du voisinage de la montagne non loin de laquelle se trouvaient le Garizîm et Môréh. — Josué tint trois assemblées à Môréh : la première est la réunion convoquée pour la cérémonie des bénédictions et des malédictions, Jos., viii, 30, 34, si toutefois elle ne doit pas être confondue avec l’une des deux autres ; la seconde eut lieu après la soumission complète du pays, alors que Josué était déjà avancé en âge. Les anciens, les chefs du peuple et des guerriers y avaient seuls été invités. Josué avait voulu les engager à demeurer fidèles observateurs de la loi de Moïse. Jos., xxm.’Êlôn Môréh n’est pas nommé en cette occasion, mais il n’est guère douteux que cette réunion ne se fit au même lieu où devait se tenir la troisième, c’est-à-dire près « du sanc tuaire s et du chêne de Môréh. À cette dernière toutes les tribus avaient été appelées. Josué, voyant approcher l’heure de sa mort, avait voulu rappeler à son peuple sa vocation spéciale, les miséricordes de Dieu à son égard et lui faire prendre l’engagement solennel de rester à jamais fidèle à Jéhovah. C’est pour conserver la mémoire de cet événement que fut élevée sous le chêne la grande pierre du MiqdaS. Jos., xxiv. — Par ces souvenirs, par sa position centrale, étant à peu près à égale distance de Dàn et de Bersabée, et par la commodité de son site, ’Êlôn Môréh semblait l’endroit prédestiné pour les grandes assemblées du peuple. — Deux de ces réunions seulement sont mentionnées par l’histoire biblique qui en laisse toutefois présumer une troisième. La première est celle de la population sichémite. Elle se réunit prés du chêne planté près de Sichem pour proclamer roi Abimélech, fils de Gédeon. Jud., ix, 6. Tout Israël s’assembla de nouveau près de Sichem, après la mort d, e Salomon, pour établir roi son fils Roboam, III Reg., xii, 1 ; II Par., x, 1. On sait comment les intrigues de Jéroboam et le refus du fils de Salomon d’alléger les charges du peuple, provoquèrent la scission entre les tribus du nord et celles du sud. III Reg., xii ; II Par., x. L’assemblée dans laquelle Jéroboam fut reconnu roi par les Israélites du nord semble, comme la précédente, s’être tenue à Môréh. Cf. III Reg., xii, 20. — Les populations déportées en Samarie, par les rois d’Assyrie, à la place des Israélites, confondirent les souvenirs se rattachant à l’êlôn Môréh. Indutt en erreur par le nom, semble-t-il, ils crurent y voir Moriah où Abraham voulut immoler son fils Isaac, puis Mambré et Béthel, « la maison de Dieu. » De là procède sans doute la vénération des Samaritains pour le mont Garizim dont Môréh forme la base. — Les efforts accomplis après la captivité par les chefs des Juifs, pour éloigner toute cause d’idolâtrie et de division, et aussi le sentiment d’hostilité profonde qui s’établit entre les Samaritains et les Juifs ne permirent plus guère à ces derniers de continuer à faire de Môréh un but de pèlerinage comme ils l’avaient fait auparavant de Maspha en Galaad, de Galgala, de Bersabée et de Mambré ; son souvenir ne se perdit cependant pas chez eux, on le constate par le récit de l’Évangile. Joa., iv, 5-6. — Au ni" siècle, « les habitants du pays, honoraient encore, en mémoire des patriarches le chêne prodigieux sous lequel Jacob avait caché les idoles près de la pierre, » assure Jules Africain, Chronic. fragmenta, t. x, col. 72. Depuis le triomphe de la religiondu Dieu d’Israël sur le paganisme gréco-romain, les pèlerins, tant chrétiens que juifs, tant mahométans que samaritains, n’ont pas cessé de visiter l’emplacement du chêne de Môréh ou le champ de Joseph pour y évoquer ses souvenirs.
Voir S. Jérôme, Epist. crm, ad Eustochium, t. xxii, col. -888-889 ; Id., Qusestiones in Genesim, t. xxiii, col. 1004 ; Anonyme (c. 333), Itinerarium à Burdigla Hierusalem usque, édit. de l’Orient latin, Genève, 18771880, p. 16 ; Théodosius (c. 330), De terra sancta, ibid., p. 71 ; Antonin de Plaisance (c. 570), De locis sanctis, ibid., p’. 94 ; Arculphe, De locis sanctis, ibid. (c. 670), p. 180-181 ; S. Willibaldi Hodœporicon (786), p. 270 ; Frétellus (c. 1120), Liber locorum sanctorum, t. clv, col. 1045 ; Théodoricus (c. 1172), Libellus de locis sanctis, édit. Titus Tobler, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 9395 ; Phocas (1185), De locis sanctis, dans Bolland, Acta sanctorum, maii t. ii, p. 10 ; Fragments sur la Galilée (c. 1187), dans Itinéraire français, Genève, 1882, p. 7374 ; Aly el-Herewy, Voyage, dans Archives de l’Orient latin, Paris, 1881, t. i, p. 599 ; Burchard du Mont-Sion (1283), Descriptio Terrée Sanctse, 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 54-56 ; Rodolphe de Suchem (1336), Reyse zum heilige Land, dans Heyssbuch des heyligen Landes, Francfort-sur-le-Main, 1583, fol. 452 ; Gerson de Scarmela (1561), « Sépulcre des Justes, » dans Cor
moly, Itinéraires de la Terre-Sainte, Bruxelles, 1847, p. 386 ; Uri de Biel (1564), « Tombeaux des Patriarches, » ibid., p. "445 ; Barges, Les Samaritains de Naplus, Paris, 18, p. 71 ; Victor Guérin, Samarie, t. i, p. 382 ; Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1871, p. 142, 252, 518-519 ; Couder, Balatah, dans Pales t. Expl. Fund. Quarterly Statetnents, 1877, p. 149. L. Heidet.
2. MORÉH (COLLINE DE) (hébreu : gibeat ham-Môrêh ; Valicanus : Taësaô [iwpaf ; Sinaiticus : Taëaa9a |iwpâ ; Alexandrinus : (Wjiov toO’Aë<ôp ; Vulgate ; collis excelsus), mont de la tribu d’Issachar, près duquel étaient canipés les Madianites, quand Gédéon les battit avec ses trois cents hommes, Jud., vu.
I. Nom et situation. — « Le mont Moréh, » pour la
donné aussi à ces monts. Voir Gelboé, t. iii, col. 157158. — L’identité de la fontaine de Harad avec l’actuelle’aln Djâloud, ou Djalout dans la plupart des écrivains arabes, ne paraît pas contestable : sa situation est indiquée par les récits bibliques et la tradition locale semble l’avoir toujours désignée. Cf. Coran, H, 250252 ; Maçoudi, Les prairies d’or, édit. Barbier de Meynard, Paris, 1864, 1. 1, p. 99-102, 108. Les Arabes, il est vrai, confondent Gédéon avec Saül qui campa aux mêmes lieux, I Reg., xxviii, 4 ; xxix, 1 ; et ce seraient les guerriers de ce dernier qui auraient été choisis quand ils buvaient l’eau à la fontaine. Cf. Jud., vii, 3-6. Ils confondent encore la campagne de Saül contre les Philistins dans laquelle David défit Goliath avec la campagne contre les Philistins dans laquelle le premier roi
352. — Le Djebel Dafyy. D’après une photographie de M. L. Heidet.
version syriaque qui traduit son nom par ramfa’, serait, comme pour la Vulgate, « le Haut-Mont » ou « le Grand-Mont » ; ce serait à peu près l’équivalent de Maspha, « l’observatoire » comme d’autres interprètes l’ont rendu ailleurs. Pour quelques-uns ce serait « la montagne en état de braver les efforts des ennemis » ou « Mont fort » ou encore « le mont de l’Archer », « le mont du Maître ; du Docteur. » Le targum de Jonathan y voit a la colline s’avançant sur la plaine ». — Cette plaine est « la vallée » dans laquelle (bâ-’êmêq) ou sur la lisière de laquelle le texte et la plupart des versions, Jud., vii, 1, placent la colline de Môréh, c’est-à-dire la grande plaine de Jezraèl ou d’Esdrelon, le Merdj ibn-Amér actuel, appelé encore simplement le Merdj, où les Madianites, suivant l’indication positive de l’Écriture, Jud., vi, 35, avaient établi leur camp. — La colline était peu distante de la fontaine de Harad près de laquelle Gédéon était venu, suivant le texte hébreu, camper avec les siens, au mon t Gelboé, puisqu’il peut aller deux fois, dans un espâBë de temps nécessairement fort restreint, de son camp au camp des Madianites. Cf. Jud. vii, 1, 3, 8 ; et vu, 9-10. — Au lieu de Gelboé on lit dans le texte et la plupart des versions Galaad, c’est une erreur des copistes, à moins qu’on ne suppose que ce nom ait été
d’Israël fut défait et tué, et enfin la victoire de Gédéon sur les Madianites avec la victoire de Saül sur les Philistins et celle de David sur Goliath. Djdlout est le nom arabe de Goliath. Cette confusion est fort ancienne puisque en 333, on montrait au pèlerin de Bordeaux, près de Stradelon (Jezraël^ aujourd’hui Zéra iii), « le< champ où David tua Goliath. » Itinerarium a Burdigala Hierusalem usque, Pat. lut., t. viii, col. 790. Cette tradition, malgré la confusion des personnes et des faits ne témoigne pas moins de l’identité de Vaïn Djâloud avec la fontaine Harad de la Bible. — Le « champ » ainsi indiqué par cet itinéraire est l’oud(a’Djâloud, la partie orientale de la vallée de Jezraël dans laquelle était le camp des Madianites, et sur le bord de laquelle s’étendait la colline de Môrèh. L’ouâfa’ou « vallée basse », s’étend sur une largeur de cinq kilomètres, de’Ain Djâloud, au sud, jusqu’au Djebel DaMy (fig. 352) au nord, au pied duquel est Soulam, l’ancienne Sunam près de laquelle était le camp des Philistins, quand ils se préparaient à attaquer Saûl. I Reg., xxviii, 4. — Les Madianites, au temps de Gédéon, avaient établi leur camp au même endroit près de Sunam, au pied du Dal.iy où viendront plus tard les Philistins, et le Djebel Dahij actuel est celui désigné comme l’antique colline Môréh.
Les indications bibliques et la suite du récit ne permettent pas d’en douter. Le texte hébreu, en effet, place le camp de Madian au nord de la fontaine Harad et du camp de Gédéon." « Gédéon se leva, dit-il, et tout le peuple qui était avec lui, et ils campèrent à la fontaine Harad ; et le camp de Madian était pour lui au nord, à partir de la colline Môréh, dans la vallée, » hâyâhlô mi$-fàfôn. Jud., vii, 1, Les Septante ont lu de même : TrapÊjjLëoX-r) Moc8cà[i rjv a>z& àito pop£â ânà ra8aa8|Ao>pat li xofXavt. C’est le Djebel Dahy clairement indiqué. Le camp de Madian se développait au pied de la colline, entre elle et la fontaine, dans la vallée, c’est-à-dire partie sans doute dans le Merdj et partie dans Vouâta’Djâloud. — Les allées et venues de Gédéon se comprennent ainsi facilement. Il en est de même de la suite du récit. Quand le bruit des trompettes et l’éclat des lampes de l’armée de Gédéon eurent répandu le trouble et la terreur dans le camp ennemi, les Madianites prirent la fuite en se dirigeant vers Bethsetta et la vallée du Jourdain. Jud., vii, 23-21. Le nom de aillah se retrouve aujourd’hui dans celui du petit village de Satta’, situé à 12 kilomètres au sud-est de Soulam, au pied des collines qui prolongent le Djebel Dahy vers l’est et sur le chemin qui, suivant leur base méridionale, se dirige toujours au sud-est, vers le Jourdain. C’est la direction que devaient suivre les fuyards pour regagner leur pays ; leur point de départ pour fuir était donc au nord-est de Satta’, là où est Soulam et le Dahy.
II. Le récit de la Vulgate^ — Le récit de la Vulgate est loin d’être aussi précis. « Gédéon, y lit-on, se levant de nuit, et tout le peuple avec lui, but à la fontaine qui est appelée Harad ; le camp de Madian était dans la vallée, au côté septentrional de la grande colline, in valle ad septentrionalem plagani collis excelsi. Au lieu de rattacher l’indication, mis-sdfôn, « au nord, » à Gédéon et à son camp, le traducteur la rapporte à la colline et fait de hàyâh-lô, « se trouvait » au lieu de « était (avec le complément lô), par rapport à lui ». Avec cette interprétation la situation de la colline n’est plus déterminée, alors que le narrateur semble cependant avoir voulu faire connaître la positon respective des deux camps. Et puis, grammaticalement aussi bien que logiquement, lô, masculin, se rapporte nécessairement à Gédéon et non à mahânéh, féminin ; pour traduire « se trouvait » il faudrait, hdyâh-lâh ; enfin le récit lui-même ne comporte pas cette traduction.
Malgré tout il faudra toujours chercher la colline de Môréh au Djebel Dahy ou à l’un des sommets du petit massif auquel il appartient. On ne peut en effet supposer une des collines de la chainede Carmel ni des monts de Nazareth bordant la plaine où les démarches de Gédéon seraient absolument impossibles ; on ne peut davantage s’arrêter au^ Djebel Foqou’a ou mont de Gelboé, où la fuite vers Sat(a’, au nord, serait un contresens. Mais en plaçant le camp de Madian au nord du Djebel Dahy, le chemin de 12 kilomètres environ qu’a à faire trois fois Gédéon serait une course un peu longue avant le combat. Puis Gédéon avec sa petite troupe, arrivant du sud, coupait la retraite aux Madianites qui ne devaient plus fuir vers le sud-est, et vers Sa((a’, mais se trouvaient contraints de s’échapper par le nord, pour gagner Vouadi Sarrâr qui sépare le massif du Dahy du Thabor, et aboutit, par Vouadi el-Bireh, à la vallée du Jourdain. De toute manière, il appparait que le traducteur a été induit en erreur par la particule mi, a, mig-gibe’af Môréh, laquelle était peut-être primitivement a, be-gib’at, et qu’on lisait : « le
camp de Madian était par rapport à lui (Gédéon) au nord, près du mont Môreh, dans la vallée. » En tout cas, et si l’on admet la lecture d, la seule interprétation
possible n’en est pas moins celle des Septante indiquant
clairement, avec le texte hébreu, le mont Môréh au Djebel Dahy, ou, si l’on aime mieux (ce à quoi rien ne paraît s’opposer), à tout le petit massif dont le Dal.nj fait partie.
III. Le nom de « petit Hermon » attribué au Dahy. — Le mont Môréh, si l’on devait s’en rapporter à l’appellation des pèlerins étrangers, qui désignent fréquemment et depuis assez longtemps le Djebel Dahy sous le nom de « petit Hermon », serait identique aux Hermoniim a monte modico de Ps. xii, 7. Cette désignation prétend s’appuyer sur le mot de saint Jérôme, Epist. cviii, ad Eustochium, t. xxii, col. 889, montrant à sainte Paule romaine, du sommet de Thabor, « contemplant au loin, les monts Hermon et Hermoniim et la vaste plaine de la Galilée, » inspiré sans doute par la parole du Psaume lxxxviii, 13 : « Le Thabor et l’Hermon tressailleront à votre nom. » Outre l’inexactitude de la traduction de l’hébreu : mê-’éréç Yardën ve-Hêrmômm, niéhar Miç’âr, « de la terre du Jourdain et des Hermoniim, |et] du mont Misar » (hébreu : xlii, 7), la double hypothèse n’est point fondée. Le rapprochement idéal du Thabor et d’Hermon dans le Psaume n’implique aucunement un voisinage physique et saint Jérôme nous montre les Hermoniim « loin », procul, du Thabor et du Djebel Dahy. Voir Hermoniim, t. iii, col. 637, et Mitsar, t. iv, col. 1135.
IV. Description. — Le Djebel Datftj est le principal sommet d’un petit massif de collines, à base calcaire mais couvertes de pierres volcaniques, complètement séparé du Thabor et des monts de la Galilée inférieure par la large vallée du Sarrâr. Il s’avance sur la plaine semblable à un immense promontoire d’où l’on peut surveiller toute la contrée. Sa hauteur au-dessus de la Méditerranée est, d’après la carte de Palestine de VExploration Fund. de 515 mètres et 460 au-dessus du Merdj ibn-’Amer. Le Tell’Adjjoul qui le continue au nord-est n’a plus que 334 mètres d’altitude, la colline de Qoumiéh, au sud-est, et non loin de laquelle est le village de Satta’, 255, et celle de Taiibéh, à l’est, 126 seulement. À la partie supérieure du mont est un Maqdm, ou petit sanctuaire mahométan avec le tombeau d’un santon appelé néby Dahy. De là le nom donné à un village ruiné, situé tout auprès et à la colline elle-même. De ce point, la vue est des plus étendues et des plus belles. Au pied du mont se déroule l’immense et fertile plaine d’Esdrelon, prolongée vers l’ouest par le spacieux ouata Djâloud. Le Thabor, à la forme arrondie, la termine au nord-est. Au nord, se déroulent les montagnes de la Galilée inférieure au milieu desquelles apparaît Nazareth éclatante de blancheur. La chaîne de Carmel, par derrière laquelle étincelle comme un immense miroir d’argent la mer de Syrie, se développe à l’ouest, dominée par le Mul.iraqah, la montagne du sacrifice d’Élie. Au sud, en avant des montagnes de la Samarie se confondant avec l’azur du ciel, se dresse la Seih Sibel, là où il faut chercher la célèbre Béthulie, et plus près le djebel Foqou’a, le Gelboé où Gédéon réunit ses braves et où Jonathas tomba, avec son père Saùl. À l’est, par delà la large issue de Vouâta’Djaloud où se développe la campagne verdoyante de Bessdn, arrosée par de nombreux courants, et au-dessus du Ghôr où le Jourdain décrit ses méandres, les monts empourprés du Djaulàn et de l’Adjloûn ferment l’horizon.
Les pentes de la colline sont généralement pierreuses et dénudées ; mais sa large base sur laquelle s’élèvent les villages de Nain, la Naïm des Évangiles, el-Fouléh, . le castellum Fabse ies Croisés, et Soulam, la Sunam, souvent visité par Elisée, devient de plus en plus fertile à mesure qu’elle s’abaisse vers la plaine.
C’est là, aux abords de cette dernière localité, située en face du Gelboé au pied duquel jaillit la fontaine de Harad, que les Madianites avaient établi leur camp quand Gédéon, avec ses trois cents hommes munis de troinv
pettes et de leurs lampes, vint jeter parmi eux la terreur et le désordre et sauver son peuple de leurs incursions et de leurs déprédations. Jud-, vu. Le camp des Philistins était au même endroit, entre Sunam et Aphec, cf. I Reg., xxviii, 4 ; xxix, 1, guand le roi de Geth y vint avec David ; mais les chefs des Philistins obligèrent celui-ci à s’en retourner. David attendit la nuit pour s’éloi’gner de Moréh, tandis que dans le même temps Saùl déguisé passait avec deux de ses hommes non loin du camp philistin, à l’est, et franchissait la colline pour aller sur le versant septentrional consulter la pythonisse d’Endor. I Reg., xxviji, xxix. — La base du Djebel Dahy, à portée de sources abondantes, s’élevant au-dessus des marécages de’Afouléh, se formant au principe de l’ancien torrent de Cison, et des terrains détrempés de l’ouata’Djaloud, était des plus favorables aux armées passant dans la région pour y placer leur camp. Aussi semble-t-il que ce soit là que Débora et Barac, avant les jours de Gédéon, vinrent attaquer l’armée des Chananéens confédérés marchant sous les ordres de Jabin contre les Israélites, Jud., iv, 7, 14 ; v, 21, et que plus tard Bénadad, avec les Syriens, viendra s’établir pour provoquer le roi Achab. III t Reg., XX, 26 ; cf. Aphec 4 et 5, t. i, col. 729, 730. — Le nom à’Apoulou mentionné dans les inscriptions des monuments égyptiens paraît indiquer que dès les temps antérieurs à la conquête de Josué, les Pharaons rencontrèrent plus d’une fois déjà les armées des rois d’Asie postées à la même place, pour leur fermer l’entrée du pays, quand ils débouchaient en face, par les défilés voisins de Mageddo. — À une époque plus rapprochée de la nôtre, les Croisés, s’y heurtèrent souvent entre les troupes de l’islam, et au seuil de nos temps, Bonaparte et Kléber y trouvèrent l’immense armée des Turcs à laquelle ils livrèrent, le 26 avril 1790, le combat appelé par eux la a bataille du mont Thabor », mais qui fut en réalité la bataille du mont Môréh.
Voir Rich. von Riess, Biblische Géographie, in-f », Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 65 ; Id., Bibel-Atlas, ibid., 1882, p. 21 ; Armstrong, W’ison et Gonder, Narnes and Places in the Old Testament and Apocrypha, Londres, 1887, p. 29 ; Bœdeker, Palestine et Syrie, Leipzig, 1882, p. 363 ; V. Guérin, Galilée, t. i, p. 114-115 ; Bunl, Geographie des allen Palàstina, Fribourg et Leipzig, in-8°, 1896, p. 103, L. Heidet.
- MORÉSCHET-GATH##
MORÉSCHET-GATH (hébreu : MôrésetGaf), ville de Palestine, patrie de Michée, I, 1 ; Jer., xxvi, 18, et nommée seulement une fois par ce prophète, Mich., i, 14, où nous lisons : « C’est pourquoi lu renonceras, [fille de Sion, ] [à posséder] Moréscheth-Gath. » Dans les ꝟ. 10, 15, Michée énumèré plusieurs villes qui deviendront la proie des ennemis de Juda et il leur annonce leur malheur en faisant sur leur nom un jeu de mots : Môrésef Gat veut dire « possession, héritage de Gath » (Vulgate : Geth), et la fille de Sion devra renoncer à la posséder. Les Septante et Vulgate ont traduit le premier élément du nom : xXïipovoju’a TéO ; hereditas Geth, quoiqu’il s’agisse de Morasthi, comme l’observe saint Jérôme In Mich., t. xxv, col. 1161. — Les sentiments sont très partagés sur Moréscheth-Gath. Les uns pensent que le nom indique une localité voisine de Geth ; d’autres croient que ga{ est ici le nom commun qui signifie « pressoir » et n’a aucun rapport avec la ville de ce nom ; d’autres encore supposent que, Gath ne fait point partie du nom propre et traduisent : « Tu dois renoncer à Moréscheth, ô Gath (la ville de Geth) ; » d’autres enfin identifient Moréscheth-Gath avec Marésa. Voir Marésa 3, col. 757. Cette identification n’est guère conciliable avec le texte même de Michée, qui, t. 25, nomme Marésa séparément, dans son énumération. — Quoi qu’il en soit d’ailleurs des diverses opinions des commentateurs, Moréscheth-Gath était située dans la plaine de
Juda, d’après le contexte. Eusèbe et saint Jérôme, Onomast. , 1862, p. 292, 293, disent que Morasthi est un village à l’est d’Èleuthéropolis. Il était non loin de cette ville, ajoute saint Jérôme, In Mich., prol., t. xxv, col. 1151, 1152, où il appelle Morasthi : haud grandis viculus. Dans son récit du pèlerinage de sainte Paule, Epist. viii, ad Eustoch., 14, t. xxii, col. 880, le saint docteur nous apprend de plus qu’on avait élevé une église chrétienne sur le tombeau de Michée à Morasthim. On ne peut alléguer aucune objection sérieuse contre le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 328, propose d’identifier Moréscheth-Gath avec le Khirbet Mâr iï(mraaactuel, à vingt minutes au sud-est de Beit-Djibrin, l’ancienne Éleuthéropolis, et il croit retrouver l’église chrétienne dont parle saint Jérôme dans l’église de Saintevnne qui donne son nom au Khirbet Mâr Hanna. « Elle formait, dit-il, ibid., p. 321, un rectangle long de soixante-deux pas sur cinquante-trois de large, orienté de l’ouest à l’est et terminé de ce côté par une abside formant saillie au dehors. L’église était divisée en trois nefs… Sous [ta nef septentrionale ] règne, dans la partie nord-ouest, une double crypte voûtée en plein cintre et formant deux chambres souterraines contiguës… Cette remarquable basilique, qui date peut-être des premiers siècles du christianisme, a dû subir des remaniements considérables à l’époque de l’occupation des croisés. » Ed. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1867, t. ii, p. 68, avait précédé V. Guérin dans cette identification.
- MORELLE##
MORELLE (hébreu : hêdé’q, hèdéq ; Septante : àxivôïi, <7T)ç êxTptiYcov ; Vulgate : spinm, paliurus), plante épineuse.
I. Description. — Les Morelles ou Solanum forment un vaste genre qui a donné son nom à la famille des
353. — Morelle.
Solanées, et se compose d’espèces très différentes d’aspect. Ce sont tantôt des herbes annuelles ou vivaces, tantôt des arbrisseaux soit dressés soit sarmenteux. Mais une section se distingue entre toutes par les aiguillons qui recouvrent la tige. De ce nombre est une plante de Palestine localisée dans les endroits les plus
arides autour de Jéricho et sur les bords de la mer Morte. C’est un arbrisseau d’aspect blanchâtre à cause du duvet qui recouvre toutes ses parties. Les rameaux sont chargés d’épines courtes, recourbées, à base élargie et comprimée, d’abord velues, puis glabres. Les feuilles pétiolées ont un limbe ovale, à base obliquement cordiforme, superficiellement ondulé-crénelé. Les fleurs disposées en cymes extra-axillaires ont une corolle bleu-pourprée trois fois plus longue que le calice. Elles demeurent stériles, à l’exception d’une seule à la base de l’inflorescence qui produit une baie globuleuse delà grosseur d’une cerise. Les fleurs du sommet ne portent que des étamines à anthères conniventes et s’ouvrant par un pore apicilaire. Linné l’avait appelé Solanum sanctum, devenu S. Hierochontinum pour Dunal ; c’est encore le S. coagulans de Forskal (fig. 353). F. Hy.
II. Exégèse. — Le hédéq se présente deux fois dans la Sainte Écriture, Prov., xv, 19, et Mich., vii, 4. Dans ces deux endroits il est pris comme terme de comparaison :
Le chemin du paresseux est comme une haie de hédéq, Mais le sentier des hommes droits est aplani.
(Prov., xv, 19.) Michée, après avoir remarqué que les hommes de bien ont pour ainsi dire disparu du pays de Juda, ajoute, vu, 4 :
Le meilleur d’entre eux est pareil au hédéq, Le plus droit est pire qu’une haie de ronces.
Le contexte, les versions, les commentaires rabbiniques s’entendent à voir dans le hédéq, une épine. Mais quelle espèce particulière ? Ni le contexte, ni les versions ne l’indiquent. Si les docteurs juifs sont d’accord pour chercher une espèce particulière d’épine, ils la déterminent de façon très diverse. Plus communément et à juste raison on rapproche le hédéq hébreu du jjJia., hadaq, arabe, 0. Celsius, Hierobotanicon, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 40. C’est une plante épineuse de la famille des Solanées ; en Palestine et en Arabie on donne le nom de hadaq au Solanum coagulans de Forskal, le même que le Solanum Sanctum de Linné. On le trouve dans la vallée du Jourdain, et autour de la mer Morte. Ibn El Beithar, Traité des Simples, dans Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxiii, l re partie, 1877, p. 424, applique aussi ce nom de hadaq au Solanum cordatum de Forskal : s C’est le nom arabe que l’on donne, à Jérusalem et dans les environs, à une espèce d’aubergine sauvage qui croit à Jéricho et dans toute la vallée du Jourdain. Elle porte des piquants recourbés. Le fruit d’abord vert, passe ensuite au jaune. Son volume est celui d’une noix et sa forme celle d’une aubergine, et il en est de même des feuilles et des branches. Il en est de même dans le Yémen, où cette plante est pareillement connue. Il en est une autre espèce moins grande, très épineuse, à feuilles petites, à rameaux grêles, s’élevant à la hauteur d’une coudée. » Les Arabes lui donnent le nom de chardon du scorpion. — Si les Septante au lieu de traduire par épine dans Michée, vii, 4, ont rendu par « ri) ! èxTpu>Y< » v, tinea comedens, le mot hébreu, c’est qu’à la place de la leçon actuelle pins, hehédéq, sicut spina, ils ont dû lire apnns, hehârôqêb, comme l’animal qui ronge (fait tomber en pourriture) les arbres.
E. Levesque.
- MORIAH##
MORIAH (hébreu : Môriyâh), nom, dans l’hébreu, d’une contrée et d’une montagne de la Palestine. Gen., ïsii, 2 ; II Par., iii, 1. La Vulgate ne mentionne que la montagne, Moria. II Par., iii, 1.
A. MORIAH (Terre de) (hébreu’érés ham-Môriyâh ; Septante ; t) yîi r, 0<j « iXir) ; Vulgate : terra visionis), contrée de la Palestine, où se trouvait la montagne sur laquelle Abraham devait immoler Isaac. Gen., xxii, 2. L’embaçras des versions pour rendre le mot n » "ia,
DICT. DE LA BIDLE.
Môriyâh, montre combien il est difficile d’en découvrir la véritable élymologie. Les Septante, en le traduisant par û< ! /ï]Xyj, semblent avoir lu dTid, tndrôtn, « élevé. »
7
Certains auteurs prétendent qu’ils l’ont plutôt rattaché à la racine nui, râ’âh, « voir, » dont le participe fémi TT
nin hophal rwra, mor’âh, correspondant à « ce qui est
T : t
visible de loin », équivaut à « une chose élevée ». Cf. Rosenmûller, Scltolia m Vêtus Testamentum, Gen., Leipzig, 1821, p. 369. De même Aquila, en mettant TcaTaçavî), « apparent, évident, » le rapproche de nui, « voir, » selon les uns, de i^n, ’ôr, n briller, » selon les autres. On reconnaît la racine nui, râ’âh, dans le Pen T T
taleuque samaritain, nNTian, que la version samaritaine rend par nnnn, « vision ; » dans Symmaque : tîjç àmaaioa ; dans la Vulgate : visionis. Le Targum d’Onkelos : Nanbis nna, ’ar’dh fûlhdnâh, t terre du
t t : t ; culte » ou « de l’adoration », et la version arabe ^.l S^LoJ, ’arol el’-abâdat, qui a le même sens, supposent la racine NT, yârê’, « craindre, honorer. » La version
"T
syriaque : jLtiâJto)))&)> « la terre des Amorrhéens, » a lu nbk*n, hâ-’Émôri, au lieu de nnsn, ham-Môriyydh.
v : t t Les Amorrhéens étaient la plus importante des tribus qui occupaient la Palestine avant l’arrivée des Israélites. Il semble que pour l’auteur sacré lui-même, Môriyâh, est un dérivé de râ’âh, puisqu’il dit au t- 14 : « Abraham appela le nom de ce lieu Wi> niïrt, Yehovâh ir’éh,
Jéhovah voit, » c’est-à-dire « pourvoit » ou « pourvoira », allusion à la réponse faite par le patriarche à son fils, demandant où était la victime, i. 8. La difficulté est d’expliquer grammaticalement la formation de ce mot, qui devrait être, avec le participe hophal, n>n>no, Mor’éh
Yâh, çavepwBetç Kùpio{, et, avec le substantif « vision », ~ » rwiD, Mar’êh Yâh, « vision du Seigneur. » Quelques
t " : auteurs cependant expliquent et admettent cette contraction. Cf. Rosenmûller, Scholia in Genesim, p. 369. Gesenius, Thésaurus, p. 819, suppose que l’étymologie première se rattache plutôt à la racine ma, mârâh, dont
T T
Môriyyâh serait le participe féminin, avec la signification de « réfractaire, résistant », c’est-à-dire « citadelle, sommet de montagne ». C. J. Bail, The Book of Genesis, Leipzig, 1896, p. 74, conclut ainsi : « En tout cas, n>,
T
Yâh, ne peut être le nom divin, qui ne se trouva jamais dans les noms de lieu, et comme l’ethnique na, nna, est inconnu, on est tenté de croire avec Bleek que la leçon originale était man y^ N, ’erés ham-Môréh, « la
terre » ou a la chênaie de Môréh » (près de Sichem, Gen., xii, 6 ; Jud., vii, 1), qui aura été altérée plus tard intentionnellement à cause du Temple samaritain. Mais, en somme, nous préférons la leçon ou conjecture de la version syriaque (terre des Amorrhéens), malgré l’allusion évidente des j. 8 et 14 à l’étymologie de Môriyâh. » On voit que le problème est loin d’être élucidé.
La situation de cette « terre de Moriah » n’est pas plus facile à déterminer. La montagne du sacrifice n’était qu’une des montagnes de ce pays. Le texte sacré n’en donne pas le nom ; il nous dit seulement que s le troisième jour [depuis son départ de Bersabée], Abraham, levant les yeux, aperçut l’endroit au loin ». Gen., xxir, 4. L’indication est trop vague pour qu’on puisse même hasarder des conjectures. La tradition juive a identifié le lieu de l’immolation avec le mont Moria ou la colline du Temple, à Jérusalem. Ce n’est qu’une tradition relativement tardive et qui n’a rien de certain. Voir Moriah 2. On a pensé aussi, comme nous venons de le voir, que la contrée de Moriah pouvait être celle où se trouvait « la chênaie de Moréh », m"in fibN’êlôn Môréh, c’est-à IV. - 41
1283
- MORIAH##
MORIAH (TERRE DE) — MORS
128£
dire près de Sichem. Gen., xii, 6. Les Septante ont rendu Môréh et Môriijâh par le même mot, û’^lXr, . C’était le premier endroit où Abraham avait planté sa tente en arrivant dans la terre de Chanaan, là qu’il fut favorisé d’une apparition divine et qu’il éleva un premier autel au Seigneur, Les Samaritains d’aujourd’hui vénèrent encore sur le Garizim l’endroit où, d’après eux, Abraham fut appelé à faire son sacrifice. Il y a à cela une grave difficulté, c’est la distance considérable qui
existe entre Bersabée et Sichem.2. MORIAH (MONT) (hébreu har ham-Môriyàh ; Sep tante : 8p<KToO’Au.wpia ; Vulgate : mons Moria), colline de
Jérusalem, sur laquelle Salomon bâtit le Temple. II Par.,
III, 1. C’était, ajoute le texte, le lieu préparé par David
.sur l’aire d’Oman le Jébuséen. II Reg., xxiv, 18-25 ;
I Par., xxi, 18-28. Elle se trouvait au nord-est de la ville sainte. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1317, et Temple.
— Une tradition dont Josèphe, Ant. jud., i, xiii, 1, 2 ; VII, xiii, 4, est déjà l’écho manifeste, et qui a été à peu près universellement acceptée jusqu’à présent, identifie le mont Moria avec la montagne de « la terre de Moriah », sur laquelle Abraham devait immoler son fils. Gen., xxii, 2. Voir Moriah 1. Le Targum d’Onkelos fait allusion à cette croyance dans sa paraphrase de Gen., xxii, 14, lorsqu’il fait dire au patriarche que les générations futures viendront adorer en ce lieu, parce que lui-même y a adoré Jéhovah. Le Targum de Jérusalem, de son côté, parle de « la montagne de la maison du sanctuaire de Jéhovah » où Abraham offrit son fils Isaac. Comment se fait-il cependant qu’on ne rencontre aucun vestige de cette tradition chez les écrivains de l’Ancien et du Nouveau Testament ? Si la croyance qui se révèle dans les dernières années de l’histoire juive a ses racines dans une croyance plus ancienne, il est singulier qu’on n’y fasse aucune allusion dans les récits détaillés qui concernent le lieu sacré : par exemple, l’érection de l’autel primitif par David, II Reg., xxiv, 25 ; I Par., xxl, 26 ; la construction du Temple par Salomon, III Reg., vi ;
II Par, , m ; sa réédification après la captivité et sa purification sous les Machabées. Ni les prophètes, ni l’auteur de l’Épître aux Hébreux, ni les orateurs ou écrivains qui se plaisent à mettre en relief les origines religieuses de la nation, n’ont mentionné ce rapport entre le sacrifice de leur père et le lieu privilégié de leur culte. Comment, d’autre part, accorder cette tradition avec le récit de la Genèse ? La colline de Moria, sans monuments, perdue au milieu de celles qui environnent Jérusalem, ne pouvait être visible de loin. Cf. Gen., xxii, 4. Ces arguments suffisent pour montrer ce qu’il y a de
fragile dans cette opinion.- MORIN Jean##
MORIN Jean, théologien catholique, né à Blois en 1591, mort à Paris le 28 février 1659. Appartenant à une famille protestante, il fut envoyé à Leyde pour y terminer ses études. Les discussions de ses coreligionnaires sur leurs doctrines firent naître des doutes dans son esprit, et de retour à Paris, il fut amené à l’Église catholique par le cardinal du Perron. Il entra alors dans la congrégation de l’Oratoire et en 1635 accompagna la reine Henriette en Angleterre. Urbain VIII en 1640 l’appela à Rome pour travailler à un projet de réunion des Grecs et des Latins. Mais au bout de neuf mois un ordre de Richelieu le fit revenir en France. De ses nombreux écrits nous ne citerons que les suivants : Exercitationes ecclesiasticæ in utrumque Samaritanorum Pentateuchutn, de illorum reli-gione et moribus., ., in-4o, Paris, 1631 ; Exercitationes Biblicse de hebrsei grsecique textus sinceritate, germana LXX interpretum translations dignoscenda, illiusque cum Vulgata conciliatione, in-4o, Paris, 1633 ; Diatribe elenctica de sinceritate hebrsei grœcique textus dignoscenda et animadvereiones in censurant Exercitationum ad Pentateuchum
Samaritanum, in-8o, Paris, 1639. Jean Morin publia en outre BibiiaLXX interpretum grxco-latina, 31n-{", Paris, 1628 : il y a joint les notes de Nobilius, Il donna une traduction du Pentateuque samaritain pour la Polyglotte de Le Jay. — Voir [M. Constantin], Sviographia vitse ]. Morini Blesensis, congregalionis Oratorii presbyteri, in-4o, Paris, 1660 ; Nicéron, Mémoires pour l’histoire des hommes illustres, t, ix, p. 90 ; Dupin, Biblioth. des auteurs ecclésiastiques du xvip siècle, 2e p., p. 250 ; Richard Simon, Hist. critique du Vieux Testament, p. 464 ; A. Ingold, Essai de bibliographie oratorienne.
1880, p. 112.- MORING Gérard##
MORING Gérard, théologien catholique belge, né à Bommel, dans la province de Gueldres, mort à Saint-Trudon, le 9 octobre 1556. Il fut docteur et professeur de théologie à l’université de Louvain, ensuite chanoine et curé de Saint-Trudon, qui appartenait à l’ordre des bénédictins, à Saint-Trond, dans le diocèse de Liège ; il remplit ces dernières fonctions jusqu’à sa mort. Il a laissé plusieurs ouvrages, parmi lesquels : Commentarius in Ecclesiasten, in-8o, Anvers, 1533.
A. Régnier.
MORS (hébreu : métég, résén ; Septante : ^aXtvcîç, kï)u.<Sî ; Vulgate : camus, frenum), pièce de métal qu’on
354. — 1. Mors égyptien, probablement en bronze et en cuir.
D’après R. ZschiUe et Forrer, Pferdetrense, pi. i, fig. 18.
D’après une sculpture égyptienne, vers 1400 av. J.-C. 2-6. Mors assyriens, bas-reliefs sculptés en pierre, pi. ii, fig. 18 22. Les n. 21 et 22 se trouvent au British Muséum. Entre 800
et 5O0 av. J.-G.
7. Mors romain de Pompéi en bronze. PI. v, fig. 5. Musée de
Naples, i" siècle avant J.-C.
passe en travers de la bouche du cheval et sur les extrémités de laquelle on tire pour le diriger. — Les monuments figurés montrent les chevaux menés parfois à l’aide d’une simple bride. Voir t. H, fig. 218, col. 620 ; fig. 250, col. 680 ; fig. 430, col. 1151 ; t. iii, fig. 104,
col. 432. Le plus souvent, les chevaux sont pourvus d’ut mors. La forme du mors ne paraît pas différer sensiblement chez les anciens peuples, Égyptiens, voirt. i, fig. 226s col. 903 ; t. ii, fig. 193, col. 566 ; Assyriens, voir t. i, fig. 228, col. 904 ; fig. 229, col. 905 ; fig. 235, col. 908 ; t. n. fig. 91, col. 304 ; fig. 195, col. 569 ; fig. 674, col. 1997 ; Héthéens, voir t. iii, fig. 143, col. 673 ; Perses, voir t. ii, fig. 197, col. 573 ; fig. 481, col. 1307 ; Cypriotes, voir t. ii, fig. 194, col. 568 ; Romains, voir t. i, fig. 381, col. 1283, etc. Une bride ne pouvait suffire, en effet, pour maîtriser des chevaux fringants. Les deux mots hébreux, métég, résén, s’appliquent à la fois à la bride et au mors. Yoir Harnais, t. iii, col. 432. Le mors sert à diriger le cheval, le mulet et l’âne. Ps. xxxii (xxxi), 9 ; Prov., xxvi, 3 ; Zach., xiv, 20 ; Il Mach., x, 29 ; Jacob., iii, 3 ; Apoc, xiv, 20. Au figuré, Dieu met le mors aux lèvres de Sennachérib, pour le faire retourner dans son pays. IV Reg., XIX, 28 ; Is., xxxvil, 29. Ce passage fait allusion à un usage barbare des rois d’Assyrie qui mettaient un mors aux lèvres des ennemis vaincus. Le père de Sennachérib, Sargon, s’est fait représenter à Khorsabad tenant ainsi un captif auquel il crève les yeux avec sa lance. Voir t. i, fig. 158, col. 637. Ézéchiel, xxix, 4, dans sa prophétie contre l’Egypte, dit que Nabuchodonosor traitera de la même manière le roi de ce pays. Asarhaddon avait infligé ce supplice au pharaon Tharaca. Voir t. ii, fig. 620, col. 20H, et une autre figure semblable, t. ii, fig. 601, col. 1914. Ézécbiel, xxxviii, 4, prédit aussi le même châtiment à Gog, roi des Scythes. Dieu lui-même est comme un mors entre les mâchoires des peuples, afin de les conduire où il veut. Is., xxx, 28. Rejeter le mors ou le frein, c’est ne garder aucune retenue. Job, xxx, 11. Il faut mettre un frein à sa bouche pour parler avec sagesse. Eccli., xxviii, 29. Voir R. Zschille et R. Forrer, Die Pferdetrense, in-f », Berlin, 1893.
MORT (hébreu : mâvét ; Septante : ôivaToç ; Vulgate : mors), séparation de l’âme immortelle d’avec le corps périssable.
I. Introduction de la mort dans l’humanité. — 1° Puisque Dieu menace l’homme de la mort comme d’un châtiment qui doit l’atteindre s’il désobéit, il s’ensuit que la mort n’eût pas atteint l’homme s’il n’avait pas désobéi. On conçoit très bien que le corps de l’homme, uni à une âme immortelle, eût pu rester indéfiniment uni à cette âme. Sans doute, sa nature matérielle le soumettait aux transformations et aux détériorations qu’impose aux corps ordinaires leur rôle actif ou passif. Mais l’âme pouvait parfaitement être douée par Dieu d’une torce telle, qu’elle maintînt le corps dans une vie indéfinie, en réparant continuellement ses éléments usés ; et l’homme tout entier, après un temps plus ou moins long passé sur la terre, pouvait ensuite être transporté dans son séjour définitif, où son âme et son corps auraient été soustraits à toute cause de déchéance. Tel fut certainement le dessein primitif de Dieu. Cf. S. Augustin, De Gènes, ad KM., ix, 6, t. xxxiv, col. 396. S’il en eût été autrement, la menace de mort intimée à l’homme n’aurait plus eu de sens. La restreindre seulement à une mort spirituelle répugne à tout l’ensemble du récit, dans lequel un châtiment corporel doit correspondre à la part prise par le corps à la faute commise. D’ailleurs la mort corporelle est un châtiment beaucoup plus encore pour l’âme que pour le corps, puisque c’est l’âme qui prévoit, craint et souffre tout ce qui se produit de mauvais dans le corps.
2° La répugnance invincible de l’homme pour la mort indique assez formellement que celle-ci ne lui est pas naturelle, et qu’une cause accidentelle l’a introduite dans l’humanité. L’animal, avec sa nature inférieure, n’a pas la crainte de la mort, qu’il ne prévoit pas ; la mort n^est donc pas pour lui un châtiment. D’autre part, le principe vital qui anime son corps, pas plus que le
principe végétal qui fait vivre la plante, ne sont nécessairement immortels et ne répugnent à une dissolution définitive. Ilspeuventdoncdisparaltreen même temps que lecorps, sans que la constitution naturelle des êtres en soit atteinte. L’âme de l’homme, au contraire, est créée pour animer un corps. La séparation d’avec le corps constitue donc pour elle un état violent, contre nature, et cet état ferait à jamais de l’âme un être anormal, si Dieu ne lui rendait son corps à un moment donné, ou s’il ne modifiait essentiellement la nature de l’âme immortelle. Cette modification n’aura pas lieu ; c’est le corps qui, après la résurrection, sera rendu à l’âme. L’état du Sauveur, vivant après sa résurrection avec son âme et son corps réunis ensemble à jamais, est l’indication et la preuve de ce que Dieu veut faire un jour pour l’homme. 3° La nature accidentelle de, 1a mort pour l’homme est formellement enseignée dans plusieurs passages de la Sainte Écriture. Dans la Genèse, ii, 17 ; iii, 3, Dieu annonce à l’homme que, s’il mange le fruit défendu, il « mourra de mort », c’est-à-dire mourra très certainement. Adam et Eve purent se faire une certaine idée de ce que serait la mort pour eux, en voyant des animaux mourir sous leurs yeux. Ils se rendirent compte que leur corps, privé de la vie que l’âme lui communiquait, deviendrait subitement inerte, sans mouvement ni sentiment, et serait bientôt saisi par la corruption. La sentence divine : « Tu es poussière et tu retourneras en poussière, ». Gen., iii, 19, leur fit comprendre encore mieux ce que serait la mort. La parole : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras, » Gen., ii, 17, n’entraîna pourtant pas l’exécution immédiate de l’arrêt, soit que le mot « jour » doive être pris ici dans un sens très large, soit que Dieu, dans sa miséricorde et pour l’accomplissement de ses desseins ultérieurs, ait voulu accorder un long sursis à l’homme coupable. — L’auteur de la Sagesse, i, 13, 14, dit que « Dieu n’a pas fait la mort et ne prend pas plaisir à la perte des êtres vivants, mais qu’il a tout créé pour subsister et les générations du monde pour se conserver, qu’il n’y a pas un principe d’extermination en elles ni une domination de l’Adès sur la terre ». Ce passage est expliqué clairement par un autre : « Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, içOspoia, il l’a fait à l’image de son propre être,-ni ; iBîac ifitÔTïiTOi ; , et c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde. » Sap., ii, 23, 24. Si Satan n’avait pas tenté l’homme, ou si l’homme n’avait pas succombé à la tentation, la mort n’aurait donc pas atteint l’humanité. On ne peut pas dire qu’il s’agit seulement ici de la mort spirituelle, car c’est à « l’homme » et non à « l’âme » que l’auteur sacré attribue l’incorruptibilité originelle. — Notre-Seigneur fait allusion à la manière dont la mort a été introduite dans l’humanité quand il dit aux Juifs qu’ils tiennent de leur père, le diable, « homicide dès le commencement. » Joa., viii, 44. Or, c’est de la mort corporelle qu’il est question, comme l’indique une des paroles qui précèdent : « Vous cherchez à me mettre à mort. » Joa., viii, 37. — Saint Paul explique très explicitement que « le péché est entré dans le monde par un homme, et par le péché la mort », Rom., v, 12 ; que les autres « sont morts par le péché d’un seul », Rom.j v, 12, 15 ; que « le salaire du péché, c’est la mort », Rom., vi, 23, non seulement la mort spirituelle, causée immédiatement par l’acte même du péché, mais la mort corporelle, qui s’impose ensuite comme conséquence plus ou moins lointaine, « même à ceux qui n’ont pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. » Rom., v, 14. Saint Paul appelle la mort l’aiguillon du péché, I Cor., xv, 56, ce qu’on peut entendre en ce sens que le péché pousse la mort contre l’homme comme l’aiguillon excite la bête de somme. Ainsi le comprend saint Augustin, De peccat. merit. et remis., iii, 11, t. xliv, col. 197 : « C’est l’aiguillon qui fait la mort, et non pas elle qui le fait. Nous mourons par le
péché, ce n’est pas par la mort que nous péchons, s — Enfin, « il a été décrété pour les hommes qu’ils ont à mourir une fois. » Heb., ix, 27. La mort ne résulte donc pas d’une loi naturelle, mais d’un décret positif, qui aurait pu n’être pas rendu.
II. Différents genres de mort. — 1° La mort la plus naturelle est celle qui est la conséquence de l’âge. Voir Vieillesse. — 2° Beaucoup meurent accidentellement par suite de maladies diverses. Voir Maladie, col. 611.
— 3° Un grand nombre périssent de mort violente, victimes d’accidents fortuits, comme ceux que tuent des animaux furieux, Exod., xxi, 28, 29, etc., frappés par une main criminelle, voir Homicide, t, iii, col. 742, 743 ; tombant à la guerre, voir Guerre, t. iii, col. 362 ; emportés par la violence des forces naturelles, comme au déluge, Gen., vii, 21 ; àSodome, Gen., xix, 25 ; à la mer Rouge, Exod., xiv, 28, etc. ; ou par l’effet de la vengeance divine, comme les premiers-nés des Égyptiens, Exod., xii, 29 ; Coré, Dathan et Abiron, Num., xvi, 32 ; les soldats envoyés à Élie, IV Reg., i, 10, 12, etc. — 3° Il en est qui, pour certains crimes, sont mis à mort par la justice des hommes. Voir Supplices. — 4° Les Hébreux croyaient qu’on ne pouvait voir Dieu ou son ange sans mourir aussitôt. Gen., xxxii, 30 ; Jud., vi, 22 ; xiii, 22. De là l’effroi dont étaient saisis ceux qui étaient favorisés d’une apparition surnaturelle. Tob., xii, 17, Luc, i, 13, 30, etc. Dieu avait dit à Moïse : « Personne ne peut me voir et rester vivant, » Exod., xxxiii, 20 ; et quand il l’appela sur le Sinaï, il déclara que même celui qui toucherait la montagne mourrait. Exod., xix, 12, 22. Cette cause de mort fut peu fréquente ; elle alteignit cependant les Bethsamites qui regardèrent l’arche d’alliance, I Reg., vi, 19, 20, Oza qui la toucha, II Reg., vi, 6, 7, etc.
En dehors de ces cas particuliers dans lesquels la mort apparaît comme la conséquence d’une transgression positive, la croyance que la vue de Dieu ou de son envoyé faisait mourir n’était pas fondée. Tout d’abord, il n’a jamais été possible à l’homme de voir Dieu directement. Exod., xxxiii, 20 ; Joa., 1, 18. Quant aux anges, ses envoyés, leur vue n’a été mortelle ni à Abraham, Gen., xviii, 1-10, ni à Tobie, xii, 17, ni à Zacharie, Luc, i, 13, ni à tant d’autres qui ont été favorisés de leurs apparitions. Seulement, sous la loi de crainte, l’homme se rappelait toujours la sentence de mort portée par Dieu en personne contre les premiers parents, et, par une association d’idées que. ce souvenir lui imposait et dont la loi de grâce devait seule triompher, il s’imaginait que Dieu ne pouvait guère intervenir visiblement que pour exercer une justice rigoureuse. Aussi, quand ils apparaissent, les anges commencent-ils habituellement par rassurer ceux auxquels ils sont envoyés. Jud., vi, 23 ; Tob., xii, 17 ; Dan., x, 19 ; Luc, i, 13 ; ii, -10 ; Apoc, I, 17, etc. Dans les manifestations extraordinaires de sa puissance divine, Notre-Seigneur rassure de même ses Apôtres, qui sont sous l’empire du préjugé commun. Matth., xvii, 7 ; xxviii, 10 ; Marc, v, 36 ; vi, .50 ; Luc, xxiv, 36 ; Joa., vi, 20. L’ange Gabriel, en paraissant devant Marie, lui dit aussi de ne pas craindre. Mais l’évangéliste marque expressément que, si la Sainte Vierge est troublée, c’est uniquement à cause des pa-Toles de l’ange. Luc, I, 29-30. La crainte de la mort est donc étrangère au sentiment qui anime Marie.
III. Les hommes en face de la mort. — 1° Ce que David dit de lui-même, dans un péril particulier, peut s’appliquer à tout homme : « Il n’y a qu’un pas entre moi et la mort. » I Reg., xx, 3. La mort est commune à -tous, Eccli., jx, 20, elle approche sans cesse, Eccli., xi, 20, et ne saurait tarder. Eccli., xiv, 12. Elle dépend du Seigneur, Ps. lxviii (lxvii), 21 ; Sap., xvi, 13, qui envoie la vie ou la mort à son gré. I Reg., ii, 6. Il viendra prendre la vie comme un voleur, Luc, xji, 39 ; J Thess., v, 2 ; II Pet., iii, 10 ; Apoc, iii, 3 ; xvi, 15, au moment où iparfois l’on se promettra de longs jours. Luc, xii, 19 20. La mort entre par les fenêtres, Jer., ix, 21, c’est-à-dire du côté où elle n’est pas attendue. Elle sépare de tout. « Est-ce donc ainsi que sépare la mort amère ? » dit à Samuel le roi amalécite Agag, dans la Vulgate. I Reg., xv, 32. La pensée est juste ; mais, dans le texte hébreu, Agag dit seulement : « Voici que l’amertume de la mort est passée, » s’imaginant que le prophète va l’épargner. Cette perspective de l’abandon des choses de ce monde rend la pensée delà mort amère, Eccli., xli, 1, tandis qu’au contraire son arrêt semble bon à ceux qui n’ont ici-bas que privations et misères. Eccli-, xli, 3 ; cf. Eccle., vii, 2 ; Eccli., xxx, 17. — 2° Comme la mort ouvre à l’homme un avenir nouveau, la mort est appelée bonne ou mauvaise, selon la nature de l’avenir auquel elle conduit. La mort des justes est désirable. Num., xxiii, 10. La mort de ceux qui aiment Dieu a du prix à ses yeux, Ps. cxvi (cxv), 15, et ceux qui meurent dans le Seigneur, c’est-à-dire en grâce et en amitié avec lui, sont bienheureux. Apoc, xiv, 13. Les impies au contraire ont beau s’imaginer qu’ils peuvent faire un contrat avec la mort, pour qu’elle les épargne encore. Is., xxviii, 15, 18. Ils se font illusion et leur mort est pire que tout. Ps. xxxiv (xxxm), 22 ; Eccli., xxviii, 25. Le livre de la Sagesse fait un tableau saisissant de la mort du juste et de celle du pécheur, ainsi que du sort qui attend l’un et l’autre dans la vie future. Sap., ii, 1-v, 24. — 3° Pour marquer le caractère transitoire de la mort, Notre-Seigneur, Joa., xi, 11, 12, et les Apôtres,
I Cor., vii, 39 ; xi, 30 ; xv, 6, 18, 20 ; I Thés., iv, 12, 14 ;
II Pet., iii, 4, l’appellent un sommeil.
IV. La mort au sens figuré. — 1° Plusieurs expressions métaphoriques se rapportent à la mort naturelle. Celui qui est digne de mort est appelé « fils de mort ».
I Reg., xx, 31 ; xxvi, 16 ; II Reg., xii, 5 ; III Reg., ii, 26. « Le premier-né de la mort, » Job, xviii, 13, est probablement l’ange qui amène la mort, dont il est comme le premier ministre. Cf. Ps. lxxxix (lxxxviii), 28 ; Heb., ii, 14. Les « portes de la mort », Job, xxxvhi, 17 ; Ps. ix, 15 ; Sap., xvi, 13 ; les « traits de mort », Ps. vii, 14 ; les « lacets de la mort », II Reg., xxii, 6 ; Ps. xviii (xvii), 6 ; Prov., xxi, 6 ; les « douleurs de mort », Ps. xviii (xvii), 5 ; les « terreurs de mort », Ps. lv (liv), 5 ; cxv (cxiv), 3 ; la « tristesse jusqu’à la mort », Eccli., xxxvii, 1 ; Matth., xxvi, 38 ; Marc., xiv, 34, etc., représentent les diverses causes qui mènent à la mort. « Goûter la mort, » Luc, ix, 27 ; Joa., viii, 52 ; Heb., ii, 9, et « descendre dans la mort », Prov., v, 5, c’est mourir. La « réponse de mort », tô im5xpi|ia toû GavoreoO,
II Cor., i, 9, est l’arrêt de mort auquel il faut s’attendre. Dans l’Apocalypse, vi, 8, la mort estpersonniûée par un cavalier monté sur un cheval pâle. — 2° Assez souvent la mort désigne, non plus la séparation de l’âme et du corps, mais la privation de tout ce qui peut contribuer au véritable bonheur, en ce monde ou en l’autre. Ainsi le péché, qui prive de l’amitié de Dieu, « mène la mort. Prov., xi, 19. Les chemins tortueux du mensonge et du vice conduisent à la mort. Prov., xii, 28 ; xiv, 12 ; xvi, 25 ; Sap., i, 12. Au contraire, la justice, Prov., x, 2 ; xi, 4, et l’aumône, Tob., xii, 9, délivrent de la mort. Les « ombres de la mort », si souvent mentionnées dans la Sainte Écriture, désignent soit le malheur qui pèse lourdement sur quelqu’un, Job, iii, 5 ; X,
21, 22 ; xii, 22 ; xxiv, 17 ; xxviii, 3- ; xxxiv, 22, soit celui qui menace, Ps. xxiii (xxii), 4 ; xliv (xun), 20 ; lxxxviii (lxxxvii), 7 ; cvn (cvi), 10, soit la condition malheureuse de ceux qui vivent privés de la vérité, de la vertu et du salut. Is., ix, 2 ; Jer., xiii, 16 ; Matth., iv, 16 ; Luc, 1, 79.
— 3° D’autres fois, il s’agit de la mort spirituelle, de cellequi atteint l’âme dans son unionavec Dieu. Joa., vi, 50 ; XI, 26 ; I Joa., Hl, 14, etc. Saint Paul appelle son corps « un corps de mort », Rom., vii, 24„parce que, par ses convoitises, il entraîne l’âmeàla perte de sa vie spirituelle. — 4° La « seconde mort », Apoc, ii, 11 ; xx,
6, 14 ; xxi, 8, est la mort éternelle, celle qui frappe à jamais l’homme que la mort corporelle, la première mort, a saisi en état de mort spirituelle.
V. Jésus-Christ et la mort. — 1° Si la mort est la conséquence du péché, Notre-Seigneur, exempt du péché par nature, n’a pas été sujet de la mort. C’est, eu effet, ce qu’il déclare lui-même. Personne ne lui ôte la vie, il la dépose lui-même, avec le pouvoir de la reprendre comme il veut. Joa., x, 18. Le prince de ce monde, Satan, l’exécuteur delà sentence de mort contre les hommes coupables, ne peut rien sur lui. Joa., xiv, 30. C’est donc volontairement, sans y être aucunement obligé, que Jésus-Christ subit la mort. — 2°’En subissant la mort
sa constitution et ses eaux des phénomènes dont il est intéressant de rechercher la nature et l’origine ; il suscite daas l’histoire des Hébreux plus d’un problème qu’il importe d’étudier.
I. Noms. — 1° La mer Morte est le plus ordinairement appelée, en raison de la qualité de ses eaux, yâm hammélah, « mer de sel » ou « mer Sal’e » ; Septante : 6àXa<r<ra tûv àXûv, Gen., xiv, 3 ; Je ; ., xii, 3 ; xviii, 19 ; 81Xa<T<ra âXôj, Jos., iii, 16 ; -^ ba.li<jaar àXoxri, Num., xxxiV, 3, 12 ; Deut., iii, 17 ; Jos., xv, 2, 5 ; Vulgate : mare salis, Gen., xiv, 3 ; mare salsissimum, Num., xxxiv, 3, 12 ; Deut., iii, 17 ; Jos., xii, 3 ; xv, 2, 5 (salsissimum est une faute de la Vulgate, Jos., xvi, 8, où il s’agit de la Médi 355. — Vue de la mer Morte, prise de’Ain Djidi (Engaddi). D’après le duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Atlas, pi. 26.
et en expiant le péché qui méritait la mort, Jésus-Christ ce a détruit la mort ». II Tim., i, 10. Par sa mort, il a anéanti celui qui avait la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable. Heb., Il, 14, 15. Ces paroles signifient que, depuis le sacrifice du Sauveur, la mort, dans quelque sens qn’on l’entende, ne peut plus exercer d’action nuisible contre ceux qui profitent de la rédemption. Finalement, la mort sera jetée dans l’étang de feu, c’est-à-dire que la mort corporelle et la mort spirituelle, unies ensemble, auront abouti sans retour à la mort éternelle, Apoc., xx, 14, et, en vertu de la victoire de Jésus-Christ, « il n’y aura plus de mort. » Apoc, xxi, 4.
Voir Morts.- MORTE##
MORTE (MER) (appelée ainsi dans une glose de la Vulgate, Jos., III, 16, mais ordinairement en hébreu : yâm hamj mélah, « mer de sel ; » Septante : î bâlaaotx tS>v àXûv ou àXuxrj, Gen., xiv, 3 ; Num., xxxiv, 3, 12, etc.), nom usuel du lac méridional de la Palestine, qui reçoit les eaux du Jourdain. Il porte dans la Bible et les auteurs profanes d’autres dénominations ; il présente dans
terranée) ; xviii, 19. — 2° En raison de sa situation dans la profonde dépression de l’Arabah, elle est nommée yâm hd-’Ardbâh ; Septante : 6aXà<r<ra "Apetêa, Deut., iii, 17 ; Jos., iii, 16 ; xil, 3 ; 6aXâ<ma trie "Apaêô, IV Reg., xiv, 25 ; Vulgate : mare deserti, Deut., iii, 17 ; Jos., xii, 3 ; mare solitudinis, Deut., iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; IV fieg., xiv, . 25, le mot’Arabah signifiant « plaine, solitude, désert »..
— 3° Par opposition à la Méditerranée, elle est dite ydm.haq-qadmônî, « mer orientale ; » Septante : t 61Xot<r<ja : t| npôç àyotToXà ; $oivtxûvoç, Ezech., XLVII, 18 ; 6àXa<r<ra rj icpÛTT), Joël, II, 20 ; Zach., XIV, 8 ; Vulgate : mare orientale. — 4° Ézéchiel, xlvii, 8, l’appelle même simplement hay-yâm, « la mer, » en la distinguant de « la grande mer >>, la Méditerranée, xlvii, 10. — 5° Dans les TaU muds, on trouve les deux noms de « mer de sel » et d& « mer de Sodome ». Ce dernier, dû à la proximité de la. ville de Sodome, se lit également dans le IVe livre : d’Esdras, v, 7. Cf. Reland, Palœstina, Utrecht, 1714J. t. i, p. 237 ; A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 24, 26. — 6° Josèphe la nomme, en raison de l’asphalte qu’elle contient, « lac Asphaltite, ».
fi’AsçaWTt ; ).f|J.vï|, Ant. jud., i, rx ; IV, v, 1 ; IX, x, i ; Bell, jud., i, xxxiii, 5 ; III, x, 7 ; IV, viii, 2 ; XiVvyj ^ àuçoeXtoç^poç. Anf. jud., XVII, vi, 5. Pour lui, comme pour le Talmud, elle est aussi t| SoSo^sti ; >i’|tvi), « le lac de Sodome. » Ant. jud., V, i, 22. — 7° Le nom de « trier Morte » semble avoir été mis en usage, chez les Grecs, OiXocuua vexpà, par Pausanias, v, 7, et Galien, iv, 19, et, chez les Latins, par Justin, xxxvi, 3, ou plutôt par Trogue Pompée, dont il résume l’ouvrage. Il est aussi employé par Eusèbe, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 290, et S. Jérôme, Comment, in Dan., xi, 45, t. xxv, col. 574. Il se rencontre dans une glose de la Vulgate, Jos., iii, 16, et est motivé par l’absence de tout être vivant dans les eaux du lac. — 8° Au XIIe siècle, le géographe arabe Edrisi, Géographie, traduction Jaubert, Paris, 1837, t. i, p. 338, la nomme « mer » ou « lac de Za’râ (Zoar ou Ségor) », et ajoute qu’elle s’appelait également « c mer de Sàdûm (Sodome) et de Ghâmura (Gomorrhe ) ». — 9° Enfin les Arabes lui donnent communément le nom de bahr el-Lûf, « mer de Lot, » patriarche, dont Mahomet a reproduit l’histoire dans le Coran, et dont le nom est resté pour eux comme inséparable de cette région maudite. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 54, 64.
II. Description. — 1° Aspect général. — La mer Morte représente ordinairement à l’esprit l’image de la désolation, d’un « lieu d’horreur et de vaste solitude », Deut., xxxii, 10, où la nature, devenue l’instrument de la justice divine, a gardé l’ineffaçable empreinte de la malédiction. Tout contribue à donner cette idée : le nom même et les souvenirs qui se rattachent à ce petit coin de terre ; les crimes des hommes que les éléments du ciel, unis à ceux de la terre, punissent par la plus . effroyable catastrophe. Il est certain que, si l’on compare ce lac perdu dans un désert à ceux près desquels on va, en France, en Italie et en Suisse, chercher des rives enchanteresses, un air pur et la gaieté, on peut dire qu’il y a la différence de la mort à la vie. Deux murailles lie montagnes dénudées l’enferment à l’est et à l’ouest. Fig. 355. Nulle ville sur ses bords, aucun mouvement de bateaux sur ses flots (un bateau à voiles fait aujourd’hui un service assez régulier entre l’embouchure du Jourdain et le Kérak), nulle vie dans son sein ; on croyait même autrefois que les oiseaux du ciel ne pouvaient s’aventurer au-dessus de ce lac empoisonné sans être frappés de mort. C’est faux, mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a là le silence du désert, presque un tombeau. Cependant la première impression n’est pas. toujours si triste. Il en est ainsi souvent pour les choses dont on s’est fait d’avance un idéal de beauté ou un type de laideur. La réalité apporte un correctif à l’idée préconçue. Cette nappe d’eau tranquille, dont la limpidité, sur les bords, vous tenterait d’en boire, brille au soleil comme un miroir de cristal. Les crêtes qui l’entourent se reflètent dans ses flots tantôt bleus, tantôt verts, et, sous ies rayons d’une lumière éblouissante et pure, les rochers prennent une variété de coloris, du rouge sombre à la blancheur éclatante, qui donne au tableau un aspect grandiose. L’aridité des montagnes et la teinte sévère des rochers nus sont adoucies çà et là par des bouquets de verdure, saules, tamaris, acacias, qui forment couronne autour des fontaines ou dans certains bas-fonds bien arrosés.
2° Situation ; forme ; bassin. — La mer Morte est le plus bas et le plus considérable des trois lacs qu’entretiennent les eaux du Jourdain. Elle occupe la partie la plus profonde de cette longue et extraordinaire vallée qui court depuis les pentes méridionales du grand Hermon, au nord, jusqu’au golfe d’Akabah, au sud, et qu’on appelle YArabah ou le Ghôr. Voir Arabah, t. i, col. 820. Par un phénomène unique sur la’surface du globe, son niveau est à 392 mètres au-dessous du niveau de la Méditerranée et de la mer Rouge. De
1 forme allongée, elle va directement du nord au sud,
; avec une légère inclinaison de la pointe septentrionale
i vers le nord-est. Voir fig. 356. Cette forme serait régulière, bien arrondie aux deux bouts, si le bassin n’était divisé dans sa longueur en deux parties inégales par une presqu’île que les Arabes ont appelée d’un nom pittoresque et juste el-Lisân, « la Langue. » C’est, en effet, une bande de terre qui se détache de la côte orientale et coupe le lac aux deux tiers, projetant à son extrémité deux pointes orientées du nord-est au sud-ouest, et formant avec la rive opposée un détroit large de 4 à 5 kilomètres. La portion septentrionale est longue de 45 kilomètres ; celle du sud constitue un petit bassin ovale, dont nous aurons à étudier la disposition particulière. Dans son ensemble, le laça une longueur de 75 kilomètres et sa plus grande largeur est de 16 kilomètres. Sa superficie peut être évaluée en moyenne à 920 kilomètres carrés. Deux chaînes de montagnes ou de collines le bornent à l’est et à l’ouest. D’un côté elles tombent à pic jusqu’à ses flots, qu’elles dominent de 1000 à 1200 mètres, profondément déchiquetées par d’étroites fissures, qui servent de passage à de nombreux torrents ; ce sont les monts de Moab. De l’autre, elles descendent en plan incliné, moins abruptes, mais plus arides, moins profondément coupées, mais fendillées aussi par les ouadis dont les eaux temporaires courent sur des lits de galets, à travers des ravins sauvages ; c’est le désert de Juda. Ses rives en zigzags longent le pied des falaises, ne laissant en certains endroits qu’un peu d’espace où l’on puisse cheminer. Au nord et au sud, il se termine par deux baies dont la grandeur varie suivant les saisons. Au nord-ouest, la montagne se rapproche du rivage, avec lequel elle fait un angle aigu. Le sol de la plaine est formé d’un lit de cailloux, qui s’élève rapidement, et qui est couvert de bois flottés, troncs d’arbres dépouillés de leur écorce, que le flot a poussés çà et là (fig. 357). Le bord de l’eau est marqué par une frange de roseaux qui se rétrécit et vient se terminer à un petit cap nommé Râs Feschkhah, dont les rochers abrupts plongent dans la mer, à une hauteur de 400 mètres environ. Au-dessous de ce cap, les roches s’éloignent à l’ouest, et la plaine côtière, « ’élargissant peu à peu, se rétrécit ensuite jusqu’au Râs Mersed, près duquel on rencontre l’oasis d’Aïn Ujidi, l’ancienne Engaddi. Voir Engaddi, t. ii, col. 1796. Au delà, une longue plaine, élevée de 30 à 90 mètres au-dessus de la mer, large de 2 à 5 kilomètres, court entre les collines stériles et le rivage découpé en plusieurs petites baies. À peu près en face de la pointe méridionale de la Lisân, les montagnes se rapprochent et ne laissent plus qu’un étroit sentier jusqu’au Djébél Vsdum. Le long de cette côte occidentale, on trouve un certain nombre de sources, les unes fraîches, les autres chaudes, plusieurs saumâtres ; d’autres sulfureuses, citons Aïn Feschkhah, Aïn el-Ghuéir, Aïn Terâbéh ; AïnDjidi. Les principaux torrents qui descendent à la mer sont, du nord au sud, Youadi en-Nâr ou torrent de Cédron, Youadi ed-Déradjéh, Youadi el-Aréidjéh, Youadi el-Khabera, Vouadi Suféisif, Youadi Nimréh, Youadi Hathrurah, Youadi Zuéirah. — La baie méridionale confine aux marais salins de la Sebkhah, dont nous parlons plus loin, et à travers laquelle les deux ouadis Djeib et Fiqréh amènent les eaux de l’Arabah et des plateaux voisins. Au delà des fourrés de roseaux qui bordent le lit de plusieurs ouadis, s’étendent, vers le sud-est, les plaines fertiles du Ghôr es-Safiyéh et du Ghôr el-Mezra’à. À partir de ce dernier point, les rochers du plateau de Moab tombent à pic dans la mer, et forment une énorme muraille ininterrompue, à travers laquelle quelques torrents se sont creusé un lit. Les plus importants, qui se déversent dans la mer sur cette rive orientale, sont, du sud au nord. Youadi eUHessi, l’oMadi Neméirah, Youadi Modjib, l’ancien Arnon (voir Arnon, t. i, col. 1020), Youadi Zerqa Ma’in, près duquel
se trouvent les sources thermales de Callirrkoé (voir Calurrhoé, t. ii, col. 69), Youadi Anazëh, Voiiadi Ghuéir. Enfin l’embouchure du Jourdain est située à peu près au milieu de la haie septentrionale, penchant du côté de l’est. La mer Morte reçoit ainsi toutes les eaux d’une région considérable ; son hassin présente un développement de 360 kilomètres dans sa longueur, avec une largeur qui va jusqu’à 100 kilomètres. Sur le pourtour de la mer Morte, voir 0. Kersten, Umwanderung des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina Vereins, Leipzig, t. ii, 1879, p. 201-244.
3° Dépression. — Le niveau de la mer Morte, avons-nous dit, est de 392 à 393 mètres au-dessous dn niveau de la Méditerranée et de la mer Rouge. Ce phénomène géologique, unique au monde, n’avait été soupçonné ni par les anciens ni par les modernes jusqu’en 1837. Au commencement du xix « siècle, en 1806, Seetzen, explorant à l’ouest et à l’est les bords du lac, disait qu’il serait intéressant de savoir la hauteur de sa surface au-dessus de la Méditerranée. Cf. U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, édit., Fr. Kruse, Berlin, 1854, t. i, p. 425. Le premier, il a tracé une assez bonne esquisse de la carte. Voir le même ouvrage, à la fin du tome iv, la carte n° 2. Mais il n’a eu une connaissance exacte ni des dimensions de la mer, dont il exagère la largeur, ni de la forme de la Lisân, ni à plusforte raison de la profondeur des eaux. C’est H. Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1840, t. iii, p. 87, qui, en 1837, a fourni la première indication de l’énorme enfoncement de la vallée en cet endroit. « Nous ne fûmes pas peu étonnés, dit-il, lorsque, déjà près de Jéricho, et encore plus sur les bords de la mer Morte, nous vîmes le vifargent de notre baromètre, qui n’était pas construit pour une pareille pression, dépasser de beaucoup la limite de l’échelle graduée. Nous fûmes obligés d’évaluer à vue d’œil la hauteur de la colonne de mercure ; et bien que nous eussions fait cette estime aussi juste que possible, à cause du résultat si inattendu qui en ressortait, la dépression de la mer Morte au-dessous du niveau de la Méditerranée se trouva cependant être au moins de 598 pieds et demi, ou, en chiffres ronds, 600 pieds français, c’est-à-dire environ 640 pieds anglais (195 mètres). Nous cherchâmes par tous les moyens imaginables à infirmer ce résultat. Nous voulûmes l’expliquer d’abord par une perturbation atmosphérique le jour de notre observation ; mais le violent orage de la veille aurait fait baisser plutôt que monter la colonne. Nous rejetâmes ensuite la prétendue faute sur le dérangement de notre baromètre lui-même, qui avait supporté tant d’épreuves ; mais pendant notre retour à Jérusalem, le mercure revint à la même hauteur moyenne qu’avant notre départ pour Jéricho. Ce n’est qu’après mon retour en Bavière et avec bien de l’hésitation, que j’osai rendre publique une mesure qui bouleversait tant les idées reçues… À peine cette publication était-elle faite, que la dépression extraordinaire de la mer Morte se trouva confirmée, d’abord par M. Beek, puis par M. Bussegger et d’autres observateurs ; et notre appréciation même, donnée avec tant de réserve, resta alors beaucoup au-dessous des autres. » En cette même année 1837, MM. Moore et Beek purent faire en bateau, pendant deux semaines, quelques expériences sur le lac. Ils arrivèrent au même résultat que Schubert, en ce qui concerne la dépression bien déterminée, mais la nature très peu certaine de leur moyen d’observation, l’ébullition de l’eau, ne leur donna qu’un chiffre même inférieur à celui de l’explorateur bavarois, c’est-à dire environ 500 pieds aoglais, équivalant à 152 mètres, soit 240 mètres de moins que le chiffre vrai. Un an plus tard, 1838, M. le comte de Bertou, doutant encore de la réalité du fait, de l’exactitude dçs chiffres que lui avait communiqués M. Moore, vint chercher sur les lieux mêmes la solution du problème. Les résultats barométriques qu’il obtint à Jéricho
et à la mer Morte lui causèrent la plus grande surprise. « J’étais préparé, dit-il, à reconnaître une dépression assez considérable ; mais j’étais loin de penser qu’elle pût être de 273 mètres dans la première localité et do 406 mètres dans la seconde. Je fus donc conduit à penser que les différences de niveau n’étaient pas les seules causes qui agissaient sur la colonne de mercure, et que peut-être les circonstances atmosphériques, modifiées par d’abondantes évaporations, pouvaient y jouer un rôle important. De retour à Jérusalem, je pus me convaincre que mon baromètre n’avait pas cessé d’être exact, car le mercure y reprit le niveau auquel il s’était maintenu avant que je l’eusse transporté à la mer Morte, et je savais que ce niveau différait peu de celui que d’autres voyageurs avaient remarqué précédemment. » Cf. Bulletin de la Société de Géographie, Paris, octobre 1839, p. 113 ; tirage à part, p. 6. M. de Bertou contrôla, l’année suivante, ce premier nivellement par une seconde opération, qui l’amena à la même conclusion, avec une légère exagération du chiffre, 419 mètres. En regard des évaluations données par les explorateurs plus récents, dans des conditions d’exactitude bien supérieures, celles du savant français ne gardent plus qu’une valeur historique. Les observations barométriques du lieutenant Lynch, de la marine des États-Unis, en 1848, donnèrent 401 mètres 15. M. Vignes, de l’expédition du duc de Lujnes en 1864, après des expériences faites à Jaffa, au bord de la mer, à Jérusalem et à Ain Feschhhah, au bord de la mer Morte, conclut au chiffre de 392 mètres. Cf. Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Paris, t. ii, p. 4. Enfin, peu après, le capitaine Wilson et les officiers de YOrdnance Survey, par une suite de nivellements géodésiques de la Méditerranée à Jérusalem et de Jérusalem à la mer Morte, fixaient le niveau à 1292 pieds anglais, ou 393 mètres. Cf. Survey of Western Palestine, Mernoirs, Londres, 1881, carte, 1. i, p. 23.
4° Niveau. — Il est clair que ce niveau n’est pas invariable. Nous verrons plus tard ce qu’il fut dans les temps préhistoriques et historiques. Aujourd’hui ses variations dépendent des saisons pluvieuses ou sèches. Comme la mer Morte n’a pas d’issue, il n’est autre chose que la balance qui s’établit entre la quantité d’eau déversée et la quantité d’évaporation. Or, le Jourdain, à lui seul, verse journellement dans ce bassin, au moins à certaines époques de l’année, 6 500 000 tonnes d’eau. Ajoutons à cela un volume à peu près égal fourni par tous les torrents réunis qui y aboutissent de l’ouest, du sud et de l’est, et nous aurons ainsi douze ou treize millions de tonnes d’eau qui y arrivent chaque jour. D’autre part, la chaleur intense qui règne, en été, dans cette profonde dépression, fermée à l’est et à l’ouest par de hautes parois de rochers, fait du lac une sorte de chaudière dont l’évaporation est extrêmement puissante. Lorsque, à certains moments, on l’observe des hauteurs de Bethléhem et de Jérusalem, on voit pendant le jour d’immenses masses de vapeurs blanchâtres s’en dégager continuellement et se dissoudre lorsqu’elles sont arrivées dans l’atmosphère sèche des régions supérieures. M. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 174, estime cette évaporation à au^ moins 6500000 tonnes d’eau par jour, c’est-à-dire la quantité fournie par le Jourdain. Mais elle est naturellement moins forte en hiver, alors qu’au contraire les torrents, nourris par des pluies plus ou moins abondantes, donnent un apport plus considérable. Le niveau monte donc généralement de décembre à ami. Il baisse progressivement dans l’autre partie de l’année, où les ouadis sont presque toujours à sec et les rayons du soleil brûlants. Les anciens voyageurs ont jugé, d’après les lignes de bois flotté qu’on trouve sur le rivage, que la crue pouvait aller de quatre à six mètres. Des observations faites en ces derniers temps, au moyen 1295
- MORTE##
MORTE (MER)
d’une marque pratiquée dans le roc entre’Aïn et Râs Feschkhah, n’ont pas donné une cote aussi élevée dans le changement de niveau. Du 30 mars 1901 au 31 décembre 1902, on a constaté une baisse d’un mètre environ. En 1903, la crue et la baisse ont été à peu près égales et n’ont guère dépassé 65 centimètres. Certaines années de sécheresse, surtout consécutives, peuvent amener une baisse que des années pluvieuses auront peine à compenser, et vice versa. Cf. E. W. Gurney Masterman, Observations of the Dead Sea levels, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statenienl, Londres. 1902, p. 155-160, 297-299, 406 ; 1903, p. 177178 ; 1904, p. 83-95, 163-168. Pour établir une échelle de proportion qui permît d’évaluer les variations importantes de la mer Morte, il faudrait que les expériences s’étendissent à un certain nombre d’années. Il est cependant plusieurs faits qui prouvent que, depuis une cinquantaine d’années, le niveau s’est élevé. L’histoire de l’îlot appelé Rudjm el-Bahr et situé tout à fait au nord est curieuse à ce point de vue. À l’époque où Lynch visita la contrée, 1848, c’était une petite presqu’île bien marquée. En 1851, M. de Saulcy le mentionne comme une petite île séparée de la terre par une eau peu profonde, que les chevaux traversent sans difficulté. Le Frère Liévin, Guide-indicateur de la Terre-Sainte, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 282, note 2, dit de son côté : « En 1860, j’ai pu me rendre deux fois à pied sec jusqu’à l’Ilot. En 1861, mon cheval avait de l’eau jusqu’aux genoux ; en 1862, il en avait, dans certains endroits, jusqu’au ventre, et en 1863 les eaux avaient crû davantage. Depuis lors il m’a été impossible de m’y rendre si ce n’est en nageant. » En 1882, il mesura la distance qui existait entre le rivage et les restes d’un mur placé vers le milieu de l’Ile, et il trouva 243 mètres. Depuis 1892, l’Ilot a disparu. La même crue se manifeste à la digue qui unit la Lisân au rivage occidental. On a remarqué également que les passages qui existaient autrefois au pied du Râs Feschkhah et du Djebel Usdum, du côté de la mer, sont aujourd’hui submergés. Cf. Gray Hill, The Dead Sea, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1900, p. 273-282 ; E. W. Gurney Masterman, dans la même revue, 1902, p. 159.
5° Profondeur. — La profondeur de la mer Morte n’est pas moins étonnante que sa dépression ; elle présente des phénomènes qui nous aideront singulièrement à découvrir l’origine du lac. Nous la connaissons aujourd’hui, grâce surtout aux sondages pratiqués par I expédition scientifique de Lynch. Voir la carte qui se trouve à la page 268 de son ouvrage, Narrative of the United States’Expédition ; les cotes sont marquées en brasses, nous les réduisons en mètres à la figure 356. PI usieurs lignes de sonde ont été établies en forme de zigzags d’une côte â l’autre. Voir fig. 357, 358 (d’après Lynch, p. 268). En suivant le bord occidental, nous trouvons, jusqu’à deux kilomètres de la côte, un fond qui se maintient à 25, 35 et 45 mètres, pour tomber immédiatement à 115, 210, 219, 283, et arriver au point le plus enfoncé de la cavité, à 399 mètres. À moins d’un kilomètre de la côte orientale, au contraire, la profondeur est déjà de 100, 200 mètres, et la progression, beaucoup plus rapide que sur le côté opposé, descend vers le fond de la cuve par des pentes de 331, 336, 347 mètres. La ligne de dépression est donc bien plus accentuée à l’est qu’à l’ouest. C’est aussi sur la rive orientale que les montagnes qui encaissent la mer Morte en sont le plus rapprochées et présentent un escarpement plus raide, ce qui est, du reste, conforme à Une loi orographique bien connue. Le point le plus profond est à la hauteur du Nahr Zerqa Ma’in, au tiers environ de la largeur du lac à partir de la côte orientale : la sonde accuse là 399 mètres. En descendant vers le sud, du. côté de la Lisân, les plus grandes profondeurs sont de 356, 344, 254 et 196 mètres. Elles se ter 1296
minent à la presqu’île. À l’entrée septentrionale du délroit, en effet, au milieu même de la passe, on n’arrive plus qu’à 102 mètres au maximum, et la dépression diminue graduellement à mesure qu’on avance vers le sud. À l’issue méridionale, elle n’est plus que de 5 à 6 mètres. Enfin, dans la cavité qui termine la mer, au sud de la Lisân, le fond, même au centre, n’est guère
356. — Carte de la mer Morte et de ses alentours.
que de 4 mètres. Ce n’est qu’une nappe d’inondation, prolongement du gouffre qui, seul, par ses abîmes, ses courants et les mouvements de ses Ilots, mérite le nom de mer. Il y a donc deux parties bien distinctes dans le lac que nous étudions. La première est une cuve très, profonde, dont la pente est presque à pic au long de la côte orientale, et plus inclinée vers la côte opposée. La seconde n’est en somme qu’un petit étang. Avant de rechercher la cause de ce tait, étudions la nature des. eaux du Bahr el-Lût.
6° Eau. — Tout est vraiment extraordinaire dans la mer Morte. Ses eaux sont, au premier aspect, d’une limpidité qui surprend ; elles n’ont cependant point
4. De Aïn Feschkhah au bord oriental
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3. De Aïn Teràbéh au Zerqa Ma’in
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8. Gué près de la pointe sud de Lisân.
9. À travers la lagune mérid 1’. de l’Est à l’Ouest.
308. — Coupes de la mer Morte.
grande transparence, car le fond reste invisible à une petite profondeur. D’un très beau bleu dans certaines conditions atmosphériques, elles présentent généralement une légère teinte verdâtre, due probablement aux matières salines dissoutes ou tenues en suspension à l’état de fines particules. Si l’on a la curiosité d’en avaler une gorgée, on sent un goût salé, horrible, qui laisse dans la bouche la plus amère saveur. Il semble que ce soit un affreux mélange de sedlitz, d’eau de mer et d’huile de pétrole. Ce goût très désagréable provient de sels de magnésie et de soude dont la quantité paraît varier suivant les différentes époques de l’année. Si l’on s’y lave les mains, à l’instant même elles sont couvertes d’une efflorescence blanchâtre et restent gluantes jusqu’à ce qu’on les trempe dans l’eau douce.
Cette eau a en même temps une densité considérable, qui varie entre 1160 et 1230. Cette dernière est constante à partir d’une certaine profondeur, ce qui prouve que les eaux douces, plus légères, se ramassent dans les couches supérieures. Voir Vignes, Notes sur la mer Morte, dans le Voyage d’exploration à la mer Morte du duc de Luynes, Paris, t. ii, p. 5. Les analyses chimiques qui ont été faites ne donnent pas toutes les mêmes résultats. Voici celle que nous trouvons dans le D r Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliji, p. 173 :
Sel marin ou chlorure de sodium G, 0125
— — de magnésium… 16, 349
— — de potassium …. 0, 963
— — de calcium 1, 0153
Bromure de magnésium 0, 504
Sulfate de chaux 0, 078
Eau 74, 8899
s La forte proportion de brome, ajoute-t-il, l’absence complète d’argent, de cœsium, de lithium, de rubidium et d’iode est une preuve de plus que le lac n’a jamais communiqué avec les océans. » Les parties salines qui, dans les autres mers, sont dans la proportion de 4 p. 100, sont ici de 26 1/4 p. 100. La pesanteur spécifique de la mer Morte dépasse donc d’un sixième celle de l’eau douce. On voit combien la Bible a raison d’appeler ce lac Yâm ham-mélak, « la mer de sel.- » C’est à cause de cette grande densité que l’eau porte le corps d’une façon extraordinaire et qu’il est presque impossible de s’y noyer. Le corps flotte comme un morceau de bois, sans efforts, mais la difficulté qu’on éprouve à bien diriger ses mouvements empêche de nager rapidement. Les éléments corrosifs de l’eau picotent les yeux d’une manière cuisante.
Il est reconnu depuis longtemps que les êtres organisés ne peuvent vivre dans cette mer si justement appelée Morte. Aristote, Meteorologica, 1. III, c. iii, rapporte cette tradition ; S. Jérôme, Comment, in Ezeck., XL vii, t. XXV, col. 473, la confirme. Nous la retrouvons au xii 8 siècle avec le géographe arabe Edrisi, Géographie, trad. Jaubert, t. 1, p. 338. Les voyageurs modernes les plus compétents sont unanimes pour affirmer le fait. Lynch déclare, dans le rapport officiel de son expédition, que, pendant tout le temps qu’il a navigué sur le lac, il n’y a rien vu d’animé, et qu’il a soumis, à son retour en Amérique, de l’eau qui en provenait à un microscope très puissant, sans pouvoir y découvrir le plus petit animalcule ou la moindre trace de substance animale. Cf. Lynch, Narrative, p. 377, note. « L’eau de cette mer, dit M. Lartet, Essai sur la géologie de la Palestine, 1 « partie, Paris, 1869, p. 261, est extrêmement riche en chlorure et en bromure de magnésium, et c’est sans doute à l’abondance de ces sels qu’il taut attribuer l’absence complète, dans cette petite mer, de toute espèce de ces êtres animés qui vivent généralement dans les nappes d’eau salée. Ce qu’il y a de certain, c’est que des animaux accoutumés
à vivre déjà dans une eau fortement salée y meurent instantanément, comme nous avons pu le constater en transportant dans l’eau de la mer Morte de petits poissons qui vivent dans une lagune située au nord du Djebel Usdum, souvent envahie par l’eau de mer et alimentée par une source chaude d’eau salée. » Il ne faudrait cependant pas croire, comme on l’a dit quelquefois, que ces eaux exhalent des vapeurs pest-ilentielles, capables de faire périr sur le coup les oiseaux mêmes qui oseraient les traverser. Ce qu’il y a de certain, c’est que, durant les mois chauds et l’automne, il se produit des miasmes qui occasionnent des fièvres intermittentes très dangereuses.
Molyneux, en 1847, a constaté sur les eaux du lac un
lac Asphaltite une grande quantité de fragments de bitume rejetés par les flots, provenant soit de sources situées profondément sous les eaux, soit des gîtes bitumineux environnants. Ce produit, qui renferme des traces de libres ligneuses, est dû probablement à l’action des sources thermales, voisines du lac, sur certaines couches de lignites. Voir Bitume, t. i, col. 1802. Diodore de Sicile, xix, 25, décrivant la mer Morte, nous dit : « Il s’élève tous les ans sur sa surface une quantité d’asphalte sec de la largeur de trois arpents, pour l’ordinaire, quelquefois pourtant d’un seul, mais jamais moins… Cette matière, qui change souvent de place, offre de loin l’aspect d’une île flottante ; son^ apparition s’annonce près de vingt jours à l’avance par
359. — La ligne blanche de la mer Morte. D’après Lucien Gautier, Autour de la mer Morte, pi. 2.
singulier phénomène. « Il y avait à la surface de la mer, dans toute sa longueur, presque directement du nord au sud, une large bande d’écume qui ne partait pas de l’embouchure du Jourdain, mais quelques milles anglais plus à l’ouest, et qui, en agitation constante et avec des bouillonnements, traversait comme un torrent impétueux la nappe immobile des eaux. Deux nuits de suite, nous nous sommes approchés en bateau de cette ligne blanche d’écume et nous avons pu observer au-dessus d’elle, dans les airs, une bande blanche également semblable à un nuage, et qui allait aussi en ligne droite du nord au sud, à perte de vue. » Cf. Ritter, Die Erdkunde, 15° partie, t. viii, 2e édit., 1850, p. 706. M. Lucien Gautier, Autour de la mer Morte, Genève, 1901, p. 21, a pu suivre du regard, pendant plusieurs jours, et photographier cette « ligne blanche ». Voir fig. 359. M. Blanckenhorn, Oie Entstehung und Geschichte des Todlen Meeres, p. 59, pense que ce phénomène rend très vraisemblable l’existence d’une fente thermale et asphaltique au fond de la mer Morte. 7° Asphalte. — On trouve toujours sur les bords du
une odeur forte et désagréable de bitume, qui rouille au loin, à près d’une demi-lieue à la ronde, l’or, l’argent et le cuivre. Mais toute cette odeur se dissipe dès que le bitume, matière liquide, est sorti de cette masse. Les habitants enlèvent l’asphalte à l’envi les uns des autres, comme feraient des ennemis réciproques, et sans sa servir de bateaux. Ils ont de grandes nattes faites de roseaux entrelacés qu’ils jettent dans le lac ; et, pour cette opération, ils ne sont jamais plus de trois sur ces nattes, deux seulement naviguant avec des rames, pour atteindre la niasse d’asphalte, tandis que le troisième, armé d’un arc, n’est chargé que d’écarter à coups de traits ceux qui voudraient disputer à ses camarades la part qu’ils veulent avoir ; quand ils sont parvenus à l’asphalte, ils se servent de fortes haches, avec lesquelles ils enlèvent comme d’une terre molle la part qui leur convient ; après quoi ils reviennent sur le rivage. Ces barbares, qui n’ont guère d’autre sorte de commerce, apportent leur asphalte en Egypte et le vendent à ceux qui font profession d’embaumer les corps ; car, sans la mélange de cette matière avec d’autres aromates, il se
rait difficile de les préserver longtemps de la corruption à laquelle ils tendent. » Les Arabes voisins de la mer Morte prétendent que l’apparition de l’asphalte est toujours précédée de commotions souterraines. Ainsi, , en 1834, à la suite d’un violent tremblement de terre, on en vit une grande masse échouer vers l’extrémité méridionale du lac. De même, après celui de 1837, des masses considérables, semblables à de petites iles, flottèrent sur les eaux, et de nombreux quintaux furent vendus à des marchands de Beyrouth et de Jérusalem. D’après les indigènes, le bitume découlerait, en outre, sur plusieurs points, des roches de la rive orientale. M. Lartel regarde ces gisements comme problématiques ou, en tous cas, peu considérables. Mais il a constaté, sur le bord occidental, plusieurs gisements de cette nature, entre autres, ceux auxquels Strabon, XVI, ii, 44, fait allusion, quand il parle de « roches distillant de la poix, aux environs de Moasada (Masada) ». Il a, en effet, remarqué, dans le lit de l’ouadi Sebbéh, qui limite au sud la colline de ce nom, des fragments d’asphalte, indiquant le voisinage d’un gisement de cette substance au milieu des calcaires dolomitiques crétacés dans lesquels est entaillé ce profond ravin. Cf. Bulletin de
un lambeau sénonien recommence à se montrer, mais il descend cette fois vers la mer Morte. El-Khadr marque donc le sommet d’un pli saillant ou anticlinal. À partir de Bethléhem, on suit constamment les couches peu épaisses du sénonien, lesquelles, rejetées par une série de cassures ou de plis brusques en échelons, arrivent ainsi à une altitude voisine de celle du niveau de la Méditerranée. Alors apparaît au-dessous, dominant le lac, une falaise de cénomanien, au pied de laquelle, contre le rivage, se montrent des dépôts disloqués, entremêlés d’asphalte et appartenant tous à l’époque quaternaire. Toute différente est la disposition du terrain sur la rive orientale. À part des ondulations locales de peu d’importance, les couches géologiques se rapprochent, en général, de la position horizontale. À la base, nous trouvons de très anciens tufs volcaniques, qui supportent un grès surmonté par un calcaire avec fossiles du carboniférien tout à fait supérieur. Sur ces couches, qui se relèvent vers le lac, s’appuie le grès de Nubie, invisible de l’autre côté, et supportant 600 mètres de marnes cénomaniennes horizontales, avec une couverture d’environ 100 mètres de sénonien, La stratification, sur les deux rives opposées, se prête donc bien à
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360. — Coupe géologique des montagnes de Juda, prolongée, à travers la mer Morte, jusqu’aux montagnes de Moab. D’après Blanckenhorn, dans la Zeitschrifl des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xix, pi. m.
la Société géologique de France, 2e série, t. xxiv, p. 20 sq.
III. Origine et histoire. — Comment s’est formée cette mer que nous venons de décrire ? Son origine se ratlache-t-elle, comme on l’a cru souvent, à la catastrophe des villes maudites, Sodome et Gomorrhe ? Il y a là des problèmes intéressants à étudier. Disons tout de suite que le lac, au moins dans sa partie septentrionale, la plus profonde, préexistait à la destruction des cités bibliques. C’est là un fait incontestable et facile à prouver au point de vue géologique.
1° Formation géologique. — L’étude du terrain a été faite par des savants compétents, comme M. L. Lartet, dans le Voyage d’exploration à la mer Morte du duc de Luynes, Paris, t. iii, Géologie, p. 241-268 ; M. Max Blanckenhorn, Entslehung und Geschichte des Todlen Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xix, 1896, p. 1-59. Ce dernier surtout a bien mis en lumière l’origine et l’histoire de la mer Morte. Son travail a été analysé par M. de Lapparent dans la Bévue biblique, Paris, 1896, p. 570-574. Partons de la Méditerranée (fig. 360) et franchissons en ligne droite le dos d’âne que forment les montagnes de Juda entre la plaine et le lac Asphaltite. Malgré l’ascension constante, nous rencontrerons, jusqu’au point culminant d’El-Khadr (860 mètres d’altitude), qui domine Bethléhem (777 mètres), des assises de plus en plus anciennes. Ainsi, près de la côte, le sénonien sort de dessous les dépôts marins récents, mais il disparait quand on atteint 412 mètres, à Khirbet Zanû’a, l’ancienne Zanoé, pour céder la place à des couches plus anciennes, celles du cénomanien. Au haut du plateau,
l’idée d’une dislocation, postérieure au dépôt des couches crétacées et consistant en une traînée de plis brusques et de cassures, qui accompagnent le flanc oriental de l’anticlinal de Bethléhem. En effet, loin de se correspondre d’une rive à l’autre de la mer Morte, comme dans le cas où son bassin aurait été simplement creusé par érosion, les falaises occidentales et orientales du lac n’appartiennent pas au même niveau géologique, et c’est bien là la disposition générale des failles. La conclusion à tirer, c’est qu’il y a là quelque chose de fort analogue à l’effondrement d’une clef de voût „ une rupture survenue dans l’un des versants d’un jïli brusque qui tendait à se former.
On peut, d’après M. Blanckenhorn, distinguer six phases principales dans l’histoire de la mer Morte, depuis son origine jusqu’à nos jours. Vers la fin du pliocène, ce qui correspond à la première époque glaciaire de l’Europe, le lac, moins profondément encaissé qu’aujourd’hui, était beaucoup plus long. Il s’étendait au nord jusqu’au lac de Tibériade, et, grâce à l’extrême abondance des pluies, son niveau s’élevait un peu plus haut que celui de la Méditerranée. Sa largeur variait entre 5 et 25 kilomètres. On voit encore aujourd’hui un des dépôts qui se sont produits sur ses anciens bords et dont plusieurs coquilles sont identiques avec celles qui vivent actuellement dans les eaux douces de la Palestine. Il se trouve assez loin au sud, dans la vallée de l’Arabah, à Ain Abu Uéridéh, sur le flanc occidental du Samrat el-Fedân. Il se compose de couches horizontales de marne blanche, de sable et d’argile, renfermant un grand nombre de coquillages, qui appartiennent aux espèces. Melania tuberculala, Mull., et Melanopsis Saulciji, ,
Bourg. Cf. E. Hull, Mount Seir, Londres, 1889, p. 99100 ; Memoir on the Geology and Geography of Arabia Petrasa, Palestine and adjoining districts, Londres, 1889, p. 80, fig. 13. Après cela, le niveau du lac baissa de 300 mètres, landis que ses eaux se concentraient au point de déposer le gîte de sel et de gypse connu sous le nom de Djebel Usdum, qui n’est que le reste d’une masse autrefois plus étendue vers l’est, et dont une partie a dû s’abîmer ultérieurement dans, la profondeur. Il existe, en effet, à la pointe sud-ouest de la mer Morte, une croupe singulière, isolée, longue de Il kilomètres sur un de large à la base, et haute d’environ 45 mètres, mais dominant de plus de 100 mètres le niveau du lac. Les flancs en sont si raides et si crevassés que l’asccnsiôn en est difficile. Elle surgit au milieu des plaines basses et fortement imprégnées de sel, sans offrir de liaison apparente avec les derniers chaînons des montagnes de Juda, qui se terminent non loin de là ; elle se présente comme un hors-d’œuvre au milieu des terrains qui l’entourent. Des bancs de sel gemme forment une base de plus de 20 mètres d’épaisseur. Ils sont
Ligues de boia flotté.
Mer Morte.
qu’île, d’où le nom qu’on leur a donné de dépôts de la Lisân. Ces sédiments se présentent, en général, sous la forme d’innombrables feuillets de marnes d’un gris clair alternant avec des couches extrêmement minces, de couleur et quelquefois de nature toute différente et souvent exclusivement composées de substances salines, telles, par exemple, que du gypse lenticulaire ou des argiles salifères. Toute la masse se compose, d’ordinaire, de lits peu épais ; on y trouve, irrégulièrement distribués, du soufre et de l’asphalte. Ces terrains étant peu cohérents, les eaux les ont découpés dans tous les sens, de façon à leur donner parfois des formes étranges, qui les font comparer tantôt à des cités détruites, tantôt à des forteresses démantelées, d’autres fois à des campements. C’est ce qu’il est facile de remarquer, à l’ouest, près de l’embouchure de Vouadi Seyal, et au nord de la mer Morte, en allant vers Jéricho ; le Jourdain a creusé son lit et déposé ses alluvions au milieu de ces dépôts. Cf. Lartet, Géologie, p. 175 ; Atlas, pi. iii, coupe des anciens dépôts de la mer Morte ; Blanckenhorn, Entstehung und Geschichte des Todten Meeres, pi. iv, prof, iv ; Hull, Me Lits de graviers.
Marnes en feuillets très minces.
361. — Coupe des anciens dépôts de la mer Morte, près de V embouchure de Vouadi Seyal. D’après Lartet, Géologie, dans le Voyage d’exploration à la mer Morte, publié par le duc de Luynes, Atlas, pi. in.
recouverts par des argiles bigarrées de rouge et de vert, renfermant souvent de très beaux cristaux prismatiques de gypse et aussi par des couches composées de très petits cristaux lenticulaires de gypse serrés les uns contre les autres de façon à donner un grain grossier à Ja roche qu’ils constituent. La montagne est creusée de cavernes dont le sol est encombré de blocs de sel gemme et dont la voûte est ornée de stalactites empruntées à la même substance. Voir fig. 362. Cf. L. Lartet, Géologie, dans le Voyage d’exploration à la mer Morte du duc de Luynes, t. iii, p. 87-89 ; Hull, Memoir on the Geology, p. 83-84.
Pendant qu’en Europe sévissait la seconde époque .glaciaire, le niveau du lac remonta de 80 ou 100 mètres. Par suite de sa stagnation, il se forma, à cette hauteur, une importante terrasse de cailloutis avec gros blocs, dont il est facile de suivre les traces sur les bords occidentaux, à la passe de Zuuéirah, puis près de Masada, dans Vouadi Seyal près d’Aïn Onéïbéh, dans Vouadi Debr près. de Nébi Mûsa, au Djebel Qarantal près de Jéricho. Sur les bords du lac de Tibériade, on a trouvé des coquilles lacustres appartenant à la faune actuelle de la Judée. Pendant la seconde époque interglaciaire, eurent lieu les épanchemenls de lave qui ont été signalés à l’embouchure de la vallée du Yarmûk, et ceux de Vouadi Zerqa, à travers lesquels le cours d’eau actuel a creusé son lit. L’humidité revenant ensuite, une basse terrasse s’est formée, bien caractérisée dans la presqu’île de la Lisân et dans la basse vallée du Jourdain. Elle consiste en dépôts marneux et arénacés qui paraissent constituer à eux seuls presque toute cette pres rnoir on the Geology, p. 84-86. Voir fig. 361. Au midi, les dépôts de la Lisân constituent en grande partie cette ligne arquée d’anciennes falaises qui limite la plaine marécageuse de la Sebkhah. De là, ils s’étendent assez loin dans la vallée de l’Arabah ; les entailles considérables au fond desquelles coulent Vouadi Djeib et quelques autres torrents en montrent des coupes fort intéressantes. À l’est, ils ne sont représentés que par quelques lambeaux, accrochés aux accidents de terrain, ce qui tient à la disposition des escarpements de la falaise orientale. — Enfin, le dernier épisode de ces origines consiste dans la destruction ou l’affaissement des anciennes terrasses situées à l’extrémité méridionale du lac. La partie peu profonde située au sud de la Lisân, serait due à la catastrophe qui anéantit Sodome et Gomorrhe. La période historique nous met ainsi en face d’un premier problème, dont il nous faut chercher la solution.
2° La mer Morte et la destruction de Sodome. — En racontant l’expédition de Chodorlahomor et de ses alliés contre les cinq rois de Sodome, de Gomorrhe, d’Adama, de Séboïm et de Ségor, la Genèse, xiv, 3, nous dit que les armées se rencontrèrent « dans la vallée des bois, qui est maintenant la mer de sel ». Or, ajoute-t-elle, j. 10, « la vallée des bois avait beaucoup de puits de bitume. Et les rois de Sodome et de Gomorrhe tournèrent le dos et tombèrent là. » Plus loin, enfin, xix, 24, 25, elle nous apprend que ces deux villes et la région d’alentour furent détruites par une pluie de soufre et de feu, tombée du ciel. Le champ de bataille est appelé en hébreu’êméq haé-siddîm, « la vallée des champs, » en
supposant que àiddîm se rattache à èddéh, « champ. » Les Septante ont traduit, ꝟ. 3, par ^ $A ?a.yl ?) àXyxrj, et, ꝟ. 10, par t, xoiXa ; ï| âXvx-r, , « la vallée salée, » et la Vulgate par vallis silvestris, « la vallée des bois. » Quoi qu’il en soit du nom, cette plaine avoisinait sans doute les villes de la Pentapole, puisque les rois envahisseurs se réunirent en cet endroit, et que les rois menacés y rassemblèrent aussi leurs forces pour défendre leurs cités et le territoire qui en dépendait. L’opinion la plus probable place ces villes au sud de la mer Morte. On a cependant cru autrefois qu’elles occupaient l’emplacement même du lac, qui se serait formé à cette époque par l’effondrement du sol, effet de la catastrophe. Les apologistes du xviif siècle ont soutenu cette fausse théorie. Cf. JBullet, Réponses critiques, 1826, t. i, p. 156 ; du Clôt, La Sainte Bible vengée, 1824, t. ii, p. 186. C’est une erreur qu’il n’est plus permis de défendre aujourd’hui. La géologie, nous l’avons vii, prouve que la mer Morte existait bien longtemps avant l’apparition de l’homme sur la terre. D’ailleurs, dans une pareille hypothèse, que seraient devenues les eaux du Jourdain, ces 6500000 tonnes qu’il verse journellement dans le
Haut plateau de Juda.
naturel de solution. À l’époque d’Abraham, cette mer existait, mais alors elle ne comprenait que le grand et profond bassin septentrional, qui s’étend jusqu’à la Lisàn. La Pentapole devait embrasser dans ses limites cette presqu’île, la lagune méridionale, le canal qui la rejoint à la zone antérieure, c’est-à-dire au lac proprement dit, et peut-être aussi le Sebkhah, qui s’arrondit en plaine marécageuse au sud de cette lagune. On peut supposer, si l’on veut, que ce territoire ainsi délimité était également arrosé par le Jourdain, qui aurait traversé le troisième lac comme il traverse ceux de Mérom et de Tibériade, et en serait ressorti à l’ouest de la Lisân, pour arroser la vallée de Siddim. Le lieutenant "Vignes a remarqué, après Lynch, que les courants occasionnés par le fleuve sont très sensibles dans la partie nord de la mer, et qu’on les retrouve encore avec une vitesse d’un demi-mille à l’heure dans le canal entre la.Lisân et le râs Senin. Le Jourdain, sortant avec un volume d’eau beaucoup moins considérable qu’il n’était entré, pouvait donc arroser, sans l’inonder, la grande plaine qui devint plus tard la lagune et la Sebkhah. Ses eaux n’avaient pas contracté assez d’amertume et de salure pour
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362. — Coupe géologique du plateau de Juda et du Djebel Usdum. D’après Hull, Memoir on the Geology, p. 84.
bassin, au moins en certaines saisons de l’année ? On pouvait autrefois, dans l’ignorance où l’on était de la nature du terrain, supposer qu’elles allaient, en suivant tout droit Youadi Arabah, se jeter dans le golfe Élanitique. Mais les explorateurs qui ont parcouru la vallée dans toute sa longueur ont constaté, entre la mer Morte et le golfe d’Akabah, une ligne de faite dont l’altitude est évaluée à 240 mètres au-dessus de la Méditerranée. Cf. Duc de Luynes, Voyage d’exploitation à la mer Morte, t. ri, p. 10-11. C’est un barrage que le Jourdain n’a jamais pu franchir. Inutile de recourir à l’hypothèse d’affaissements gigantesques, qui auraient, à une certaine époque, arrêté le cours du fleuve et concentré ses eaux dans le fond de la dépression. Elle est également condamnée par l’étude stratigraphique du terrain. Voir Arabah, t. ï, col. 820, et fig. 201, 202, col. 823, 825. Faut-il enfin imaginer un lac souterrain, recouvert d’une puissante couche végétale, qu’auraient fécondée de nombreux canaux dérivés du Jourdain ? Les eaux se seraient ainsi perdues à la fois par l’irrigation, l’évaporation et des infiltrations dans le sein de la terre. Au moment de la destruction des villes maudites, le feu du ciel, embrasant les nombreux puits de bitume qui parsemaient la vallée de Siddim, aurait communiqué au sous-sol une conflagration générale, d’où un affaissement des couches supérieures et l’apparition ou la réapparition du lac souterrain. Nous n’avons point besoin de toutes ces inventions pour mettre d’accord l’assertion biblique et les données de la science.
La disposition de la mer Morte, avec les deux parties si distinctes qui la composent, nous offre un élément tout
être impropres à féconder la plaine. Réparties de tous côtés, elles pouvaient s’épuiser et se perdre à la longue, en se divisant dans d’innombrables petits canaux, subdivisés eux-mêmes en rigoles, et soumises, par conséquent, à des infiltrations continues et à une évaporation incessante sous cette zone torride. Cf. V. Guérin, Samarie, t. ï, p. 91. C’est donc cette plaine méridionale, autrefois vallée de Siddim, que la catastrophe de Sodome a pu transformer en un lac peu profond. « Il suffirait d’un abaissement de sept à huit mètres seulement pour que la lagune, c’est-à-dire la portion méridionale du lac, fût mise à sec. Ce faible abaissement de niveau pourrait résulter de changements physiques presque insaisissables par l’attention humaine. Il n’y aurait donc rien d’improbable à ce que la mer Morte ait eu autrefois sa pqinte méridionale à la presqu’île de la Lisân. .. Des effets de glissements, comme ceux dont nous avons cru reconnaître la trace sur le ffanc oriental du Djebel Usdum, ont pu, à la suite des tremblements de terre, venir ajouter leur action à celle de ces fluctuations de niveau ; et, s’il est vrai, comme on s’accorde à le croire, que la montagne de sel porte encore le nom à peine altéré de Sodome, et lui soit voisine, cette ancienne cité a bien pu disparaître par suite de la dénivellation dont nous venons de mentionner les traces, puis se trouver recouverte par les eaux de la mer Morte et les alluvions des affluents méridionaux. » Telle est la conclusion du savant géologue qui a spécialement étudié le lac Asphaltite, M. Lartet, Géologie, p. 267. Remarquons-le cependant, la Genèse jie dit pas que les villes coupables ont été submergées dans cette mer ; elle
nous assure, au contraire, qu’elles ont été détruites par une pluie de soufre et de feu. Gen., xix, 24-25. Nous trouvons la même conclusion dans le travail si important de M. Blanckenhorn, Entstehunq und Geschichte des Todten Mceres, p. 51-59, qui déclare que les indications de la Bible s’accordent très bien avec les données que fournit l’observation. Le récit sacré correspondrait ainsi au dernier des violents épisodes de la formation du Ghôr.
3° La mer Morte à l’époque de Josué. — Ce dernier problème a été soulevé ces dernières années par M. Clermont-Ganneau, dans son Recueil d’archéologie orientale, Paris, t. v, 1902, p. 267-280. Voici comment. La mer Morte est mentionnée dans le livre de Josué à propos des limites des deux tribus de Benjamin et de Juda. Nous lisons, Jos., xv, 5 : « La limite méridionale part de l’extrémité de la merde Sel, de la langue (hébreu : min hal-làSôn) tournée vers le midi. Et la limite du côté nord est depuis la langue de la mer (mil-lesôn hayyâm), depuis l’extrémité du Jourdain, » c’est-à-dire depuis l’embouchure du fleuve dans la mer Morte. Au sujet de Benjamin, il est dit, Jos., xviii, 19 : « Et la limite (venant de Jérusalem) traversait jusqu’à l’épaule de Beth-Haglah au nord, et ses issues étaient jusqu’à la langue de la mer Salée au nord, jusqu’à l’extrémité du Jourdain au sud. » Voir Benjamin 4, t. î, col. 1589, et Juda 6, t. iii, col. 1756, et les cartes. Jusqu’ici l’on avait cru que cette « langue de la mer » désignait l’extrémité actuelle du Jac Asphaltite au nord, et sa pointe méridionale, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mais alors la limite sud de Benjamin est obligée, dans la plaine du Ghôr, de fléchir vers le sud-est et forme une sorte de crochet qu’on ne s’explique pas. Le premier jalon qu’elle rencontre, en partant de l’embouchure du Jourdain pour aller vers Jérusalem, c’est Beth-Haglah, localité parfaitement représentée par Qasr et’Aïn Hadjlâ. C’est le dernier jalon si l’on part de Jérusalem. Or, au lieu de faire dévier la ligne à partir de ce point, si on la prolongeait suivant sa tendance normale vers l’est ou le nord-est, elle aboutirait à peu près à la hauteur de Qasr-el-Yehûd, c’est-à-dire à 7 ou 8 kilomètres au-dessus de l’embouchure actuelle du fleuve. Cette rectification est justifiée surtout par le terme de lâSôn dont se sert l’auteur biblique. Que signifie, en effet, cette expression, langue de la nier, qu’il emploie à trois reprises différentes ? La pointe nord du lac n’offre présentement rien qui puisse correspondre à cette dénomination si expressive. Il ne s’agit pas non plus de la presqu’île à laquelle les Arabes ont donné le nom de Lîsân. La Lâsôn du livre de Josué n’est pas une langue de terre s’avançant dans la mer, mais bien une « langue de mer » s’avançant dans la terre. M. Clermont-Ganneau aurait pu rappeler ici Is., xi, 15 : leSôn yam Misraim, « la langue de mer de l’Egypte, » qui désigne probablement un des bras de la mer Rouge, le golfe de Suez. L’expression employée indiquerait donc un prolongement de la mer Morte en forme de langue ou de pointe, au nord et au sud. Il serait facile de la retrouver au nord. Le Jourdain, en effet, s’est creusé dans le Ghôr un lit proprement dit, une sorte de rigole relativement étroite, que les Arabes appellent le Zôr, Or, à peu près à la hauteur de Qasr-el-Yehûd, le Zôr présente, sur la rive occidentale, un élargissement remarquable, qui va en augmentant dans la direction du sud-ouest, et qui s’étend jusqu’au point où les montagnes de Juda se rapprochent de la rive occidentale de la mer Morte, à’Aïn el-Feschkhah, Voir la carte de Benjamin, t. i, col. 1588. Cet évasement triangulaire constitue un bas-fond stérile, imprégné de sel, plus ou moins boueux suivant la saison, qui peut être considéré comme le bassin, aujourd’hui desséché, d’une vaste nappe d’eau étroite et allongée. C’est cette nappe d’eau, d’une faible épaisseur, qui exis% tait au temps où nous reporte le livre de Josué, et que ce livre appelle « la langue de la mer Morte », sorte de
lagune formée par le mélange des eaux du lac avec celles du fleuve. Cette langue septentrionale avait pour pendant au midi celle de la Sebkhah, qui, aujourd’hui, n’est qu’un marais, constituant, en forme de poche plate, comme un appendice de la lagune méridionale, mais anciennement devait être, elle aussi, couverte d’une mince nappe d’eau. Si la Sebkhah s’est maintenue plus longtemps à l’état de marécage, cela tient, en partie, à ce que de ce côté il n’y a pas de grand cours d’eau, comme le Jourdain, venant y jeter ses alluvions. Cette dernière langue serait « la IdSôn tournée vers le sud » dont parle Josué, xv, 2. M. Clermont-Ganneau confirme ces données par le témoignage historique de I Mach., ix, 45, et de Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 5, où il est question des marais du Jourdain, voisins de son embouchu re. — Nous ^ souscrivons volontiers à cette ingénieuse hypothèse du savant professeur. Mais il se trompe, croyons-nous, lorsqu’il dit, p. 273, notel, que la différence de niveau entre l’état actuel de la mer Morte et son état à l’époque dont il est question « serait à évaluer à une centaine de mètres ». À ce compte, Beth Hoglah n’aurait pas existé, puisque Qasr Hadjla, n’étant qu’à 68 mètres au-dessus du lac, aurait été submergé. D’après ce que nous avons exposé plus haut, il faut réserver pour les âges préhistoriques une pareille hauteur des eaux. La différence actuelle entre Qasr el-Yehûd et la surface de la mer Morte est de 38 mètres, ce qui suffit pour former, au nord et au sud, les deux langues dont nous avons parlé. Nous croyons aussi que la Lisân émergeait déjà à ce moment. Avec ces réserves, l’hypothèse ne nuit en rien aux explications que nous avons données sur l’emplacement de la vallée de Siddim. Elle pourrait même avoir une importance considérable pour la critique littéraire, « puisqu’elle a pour conséquence, dit M. Clermont-Ganneau, p. 267, de faire attribuer à la rédaction du livre de Josué, ou des sources qui Ont pu servir à sa rédaction, une date vraiment ancienne, ce déplacement de l’embouchure du Jourdain, solidaire du retrait de la mer Morte, n’ayant pu s’opérer que progressivement, sous l’action séculaire de grandes forces naturelles dont la puissance égalé la lenteur. » Les deux problèmes que nous venons de traiter sont les seuls qui Concernent l’histoire de la mer Morte, dont le nom n’est guère employé ailleurs que pour la délimitation de certaines tribus ou de la terre d’Israël. Num., xxxiv, 3, 12 ; Deut, m, 17 ; iv, 49 ; Jos., xii, 3 ; IV Reg., xiv, 25 ; Ezech., xlvii, 18.
IV. Bibliographie. — Nous n’indiquons ici que les ouvrages les plus importants sur la mer Morte. U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, etc., édit. Kruse, Berlin, 1854, t. ii, p. 217-384 ; comte de Bertou, Dépression de la vallée du Jourdain et du lac Asphaltite, dans le Bulletin de la Société de Géographie, Paris, oct. 1839 ; F. Lynch, Narrative of the United States’expédition to the river Jordan and the Dead Sea, in-8°, Londres, 1849 ; Officiai Report of the United States’expédition, in-4°, Baltimore, 1852 ; De Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, 2 vol. et atlas ; Vignes, Extrait des Notes d’un voyage d’exploration à la mer Morte, in-4°, Paris, 1865 ; Carte du cours inférieur du Jourdain, de la mer Morte et des régions qui l’avoisinent, Paris, 1866, 1 feuille, au 240000e ; L. Lartet, Note sur la formation du bassin de la mer Morte, in-89, Paris, 1866 (extrait du Bulletin de la Société géologique) ; E. Robins’ori, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 499-537 ; Id., Physical Geography of the Holy Land, in-8°, Londres, 1865, p. 187-216 ; O. Fraas, Dos Todte Meer, in-8°, Stuttgart, 1867 ; Terreil, Composition des eaux de la mer Morte, dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, Paris, 1866, p. 1329-1333 ; duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Paris, 3 in-4°, et atlas ; G. A. Smith, 77je historical Geography ofthe Holy Land,
în-8°, Londres, 1894, p. 499-516 ; de nombreux articles dans le Palestine Etcploi*ation Fund, Quarterly Statement, Londres ; cf. Index to the Quarterly Statement, 1869-1892, p. 64 ; M. Blanckenhorn, Entstehung und Geschichte des Todten Meeres, dans la Zeilschrift des Deutschen Palûstina-Vereins, Leipzig, t. xix, 1896, p. 1-64, avec cartes ; Nock einmal Sodom und Gomorrha, dans la même revue, t. xxi, 1898, p. 65-83 ; Lucien Gantier, Autour de la mer Morte, in-8o, Genève,
1901.1. MORTIER (hébreu : tnedôkâh, mak(ès ; Septante : Outot ; Vulgate : mortarium, pila), récipient à parois
ï"
863. — Mortier.
D’après Joly, L’homme avant les métaux, p. 185.
épaisses dans lequel on écrase des grains et d’autres corps solides à l’aide d’un pilon. Voir Pilon. — Les premiers hommes écrasaient avec une pierre, frangere axo, JEneid.y ï, 179, les grains dont ils voulaient se
les métaux, Paris, 1888, p. 185, ’Les Hébreux se servaient de mortiers. Ils en avaient au désert pour écraser la manne. Num., xi, 8. Les mortiers sont nommés dans ce passage en même temps que les meules ; ils remplissaient un office analogue. Il devait aussi exister des mortiers destinés à concasser des olives pour obtenir de l’huile, Exod., xxvii, 20, à réduire en poudre le parfum qui était présenté devant le Seigneur. Exod., xxx, 36, etc. L’auteur des Proverbes, xxvii, 22, remarque que, « si on pile l’insensé dans un mortier, au milieu des grains avec le pilon, sa folie ne se séparera pas de lui, » sans doute à l’inverse de l’huile qui se sépare de l’olive quand on l’écrase. Les mortiers étaient en usage chez les Égyptiens (fig. 364). À l’époque gréco-romaine, on connaissait un mortier, oXpioç, mortarium, en forme de bassin peu profond, creusé dans la pierre ou quelque autre substance dure, cf. Pline, H. N., xxxiv, 18, 50 ; Columelle, xil, 57, 1 ; Caton, De re rustic, 74, et un autre mortier plus profond, îfSn), pila. Cf. Caton, De re rustic, 63 ; Ovide, Ibis, 573 ; Pline, H. N., xviii, 11, 29, etc. La pila et le mortarium se prennent d’ailleurs assez souvent l’un pour l’autre..— Sur la localité qui porte, dans Sophonie, i, 11, le nom de Maktês et qui est appelée Pila dans la Vulgate, voir Macthesch, col. 531.
— La Vulgate a traduit par mortaria, « mortiers, » et mortariola, « petits mortiers, » Nom., iv, 7 : vii, 1486, etc. ; Jer., lii, 19, le mot kaffôf, qui désigne des ustensiles en usage dans le culte mosaïque, et ayant la forme du creux de la main, kâf, par conséquent des espèces de tasses ou coupes. H. Lesètbe.
2. MORTIER, mélange agglutinant servant à retenir ensemble les matériaux d’une construction. Le mortier est ordinairement une composition de chaux, d’argile, de sable et d’eau dans des proportions diverses. Ces matériaux étaient à la disposition des anciens. Voir Argile, t. ï, col. 949 ; Chaux, t. ii, col. 642. — Dans la construction de la tour de Babel, ce fut le bitume qui servit de ciment, homér, hï|X6ç, cgementum. Gen., xr, 3. Voir Bitume, t. ï, col. 1803. En Egypte, les Hébreux
864. — Egyptiens se servant de mortiers. D’après Wilkinson, The Manners and Customs of the ancient Egyptians, 1878, t. ii, p. 240.
nourrir. Pour plus de commodité, ils creusèrent ensuite en forme d’auge la pierre qui portait les grains à concasser, afin de les empêcher de s’échapper. On a retrouvé dans les stations préhistoriques de grossiers mortiers en pierre dure, avec le pilon cylindrique destiné à écraser la blé (fig. 363). Cf. N. Joly, Uh&nvme avant
fabriquèrent des briques et travaillèrent aux constructions de Phithom et de Ramessès. Exod., 1, 11-14. Dans ces constructions, on a retrouvé les couches de briques reliées ensemble par du mortier. Cf. Naville, dans l’Egypt Exploration Fund, Report of the first gênerai meeting, 1883, p. 12. Le mortier servait aussi à faire
des enduits. Voir Enduit, t. ii, p. 1783. Il est question de cet enduit, ’âfdr, xoîc, lutum, Lev., xiv, 42-48, à propos de la lèpre des maisons. Ézéchiel, xiii, 10-15 ; xxii, 28, en parlant des taux prophètes, dit que le peuple bâtit une muraille, et qu’eux la couvrent de mortier, (âfêl, mais que la muraille s’écroulera par le fait des intempéries, sans que le mortier dont on l’a recouverte empêche sa ruine. Les Septante traduisent fâfêl par àXotçTi, « enduit gras » ou « vernis ». La Vulgate le rend par lutum absque paleis, « argile sans paille, » et elle appelle cet enduit absque temperatura ou absque tempefamento, « sans constitution, s c’est-à-dire sans les éléments qui assureraient sa solidité. On lit dans l’Ecclésiastique, xxii, 21 : « Une palissade sur la hauteur ne tient pas contre la force du vent. » La Vulgate ajoute entre les deux membres de la phrase : cmmenta sine impensa posita. Les cxmenta sont des pierres brutes qu’on employait pour la construction des murailles. Cf. Cicéron, Pro Mil., 27 ; Vitruve, I, v, 8 ; II, vii, 1. Vimpensa est la maçonnerie elle-même, cf. Palladius, i, 13, par conséquent le mortier. Le sens de l’addition est donc : « Un mur en pierres sèches ne tient pas contre la violence du vent. » Les Hébreux ne se servaient de mortier proprement dit que pour les constructions de quelque importance, dont les pierres n’auraient pas suffisamment tenu en place par leur propre poids. Les maisons communes n’avaient que des murs d’argile mêlée de paille. Voir Maçon, col. 519 ; Maison, col. 589. On enduisait de mortier l’intérieur des citernes artificielles creusées dans un sol perméable, afin d’y pouvoir conserver l’eau. Cf. Jer., ii, 13 ; Citerne, t. ii, col. 788,
- MORTIFICATION##
MORTIFICATION, acte volontaire de renoncement ou de pénitence. — 1° Le substantif (grec : vsxpta<rt ; ; Vulgate : mortificatio), ne se rencontre qu’une fois dans l’Écriture, II Cor., iv, 10, et là même il ne signifie pas la vertu morale désignée par le mot mortification, mais la mort violente, semblable à celle de Jésus-Christ, à laquelle nous expose la haine des persécuteurs. Dans l’Ancien Testament le verbe mortificare, opposé à vivificare, a toujours le sens de « faire mourir », jamais celui de pratiquer la vertu de mortification. Ainsi Dieu a le pouvoir de donner la vie (vivifical) et de l’enlever (mortificat). I Reg., H, 6. Dans la même acception, il est dit que l’impie cherche à donner la mort au juste, Ps. xxxvi, 32 ; cf. xlii, 22 ; cviii, 17 ; Prov., xix, 16. Le participe mortificatus a également le sens de « mis à mort ». Ps. lxxviii, 11 ; cf. II Cor., vi, 9. Saint Paul est le premier qui ait employé ce verbe dans le sens de vertu morale, ou de mort mystique par la répression de la concupiscence, des passions et du péché. C’est la doctrine de l’apôtre que la vie de l’homme dans le péché est une vraie mort, Rom., viii, 13, puisqu’elle exclut la grâce sanctifiante qui est la vie de l’âme et qu’elle conduit à la damnation qui est la mort éternelle. Par contre, s’abstenir du péché, le combattre, en triompher, c’est mourir au péché et cette mort est la vie de la grâce. Rom., vi, 2, 7, 10, 11, 13 ; Eph., ii, 1, 5 ; cf. v, 14. Aussi le chrétien pour vivre spirituellement doit d’abord entrer dans cette mort, Col., ii, 30 ; iii, 3, et mourir non seulement au péché lui-même, mais à la concupiscence qui y conduit, à la vie des sens qui est une occasion permanente de péché, au corps lui-même, si souvent l’instrument du péché. I Cor., ix, 27. De là le mot très caractéristique de mortification.
2° Le but de la mortification corporelle est de signifier la mortification intérieure ou de l’exciter. Il doit toujours y avoir harmonie et connexion entre l’une et l’autre, et l’Écriture réprouve expressément la mortification extérieure qui n’est pas accompagnée de la mortification intérieure : c’est une pure hypocrisie. Is., lviii, 3-7 ; Jer., xiv, 12 ; Matth., vi, 16, 17. À plus forte raison péprouve-t-elle la mortification pharisaîque pratiquée
D1CT. de la bible.
par vaine gloire et superstition. Matth., vi, 16-18 ; Col., ii, 23. Dans l’Ancien Testament la fête de l’expiation avec son caractère pénitentiel n’est instituée que pour exciter la mortification intérieure dans le repentir et la componction du cœur. Lev., xvi, 29, 31 ; xxiii, 27, 32 ; Num., xxix, 7.
3° La mortification a sa place dans la vie privée et a pour objet le perfectionnement moral de l’âme, tantôt pour l’exciter à la pénitence, tantôt pour expier les fautes commises ou conjurer la colère de Dieu, III Reg., xxi, 27-29, et obtenir miséricorde. Ps. xxxiv, 13 ; Tob., iii, 10 ; Dan., ix, 3 ; Act., iii, 2, 3. Elle entre également dans la vie publique avec le caractère de supplication solentj nelle soit pour détourner un malheur, Judith, iv, 8, 12 ; Esth., iv, 3, 16, soit pour obtenir l’assistance divine dans une entreprise difficile. Jud., xx, 26 ; II Par., xxxi, 13 ;
Il Mach., xiii, 12. Des privations corporelles des athlètes et des coureurs en vue de la récompense, saint Paul s’élève à la mortification pratiquée en vue de la gloire éternelle, I Cor., ix, 25, et en esprit de foi. Hebr., xi, 37, 38.
4° Les principales pratiques de mortification extérieure mentionnées dans l’Écriture sont l’usage de la cendre qu’on répandait sur la tête et le visage (voir Cendre, t. H, col. 407) ; le jeûne, qui tantôt était une pratique publique et légale, tantôt une pratique privée et facultative (voir Jeune ; t. iii, col. 1528) ; l’emploi du cilice. Voir Cilice, t. ii, col. 761. Par mortification on faisait abstinence, à l’exemple des Nazaréens qui renonçaient à toute liqueur enivrante, Num., vi, 3 (voir Abstinence, t. i, col. 100) ; on déchirait ses vêtements (voir Déchirer ses vêtements [Usage de], t. ii, col. 1336) ; on poussait des soupirs et on versait des pleurs, Joël, ii,
12 (voir Larmes, col. 92) ; on couchait sur la dure, Is., lviii, 3, 7. Jésus-Christ, dans sa vie entière et particulièrement dans son jeûne au désert s’offre comme un modèle de mortification, Matth., ix, 2 ; Marc, l, 13, bien que ses détracteurs l’aient accusé d’une vie immortifiée. Matth., xi, 19. Et, bien qu’il déclare lui-même qu’il n’est point venu aggraver le fardeau des traditions pénitentielles, mais plutôt les adoucir, Matth., xi, 19, il recommande l’usage de la mortification corporelle, Matth., ix, 14, 15 ; Marc, ii, 18-20 ; Luc, v, 33-35. Saint Jean-Baptiste est aussi présenté dans l’Evangile comme un modèle de mortification, Matth., iii, 4 ; xi, 18 ; Marc, i, 6 ; saint Paul se présente lui-même aux fidèles de Corinthé, comme ayant embrassé volontairement et pour l’amour de Jésus-Christ une vie très mortifiée. II Cor., vi, 5 ; xi, 27. La récompense de la mortification est ici-bas la joie intérieure et la surabondance spirituelle, II Cor., vi, 9, 10, et dans l’autre vie la couronne immortelle. I Cor., ix, 25. P. Renard.
- MORTS##
MORTS (hébreu : mêf, mêfim ; Septante : vexpot, xoi(iw|iévoi ; Vulgate : mortui, àefuncti), ceux qui ont été frappés par la mort.
I. Les idées des anciens Hébreux sur les morts. — 1° Il est incontestable que les anciens Hébreux ont cru à l’immortalité de l’âme. Voir Ame, t. i, col. 466-471. Pour eux donc, au moment de la mort, l’être humain se divisait en deux : le corps, qui retournait à la terre, dans le tombeau, et l’âme, qui se rendait dans un séjour appelé le sche’pl, yoir Sche’ol. C’est là que ceux qui mouraient étaient réunis à leurs pères. Gen., xxv, 17 ; xxxv, 29 ; xlix, 32 ; Deut, , xxxii, 50 ; Judith, xiv, 6, etc. On savait qu’il était bon de mourir de la mort des justes. Num., xxiii, 10. Mais on ne se rendait pas compte de ce qu’était le sche’ôl ; on le considérait comme un séjour d’inaction et de silence, Ps. vi ( 6 ; xxx (xxrx), 10 ; lxxxviii (lxxxvii), 11-13 ; cxiv (cxiii), 17 ; Eccli., xiv, 17 ; etc., comme un pays de ténèbres et d’horreur. Job, x, 21, 22. On donnait le nom de refâ’îm, » faibles, « aux âmes qui habitaient dans ce séjour. Is., xiv, 9, 10 ; xxvi, 14, 19 ; Prov., ii, 18 ; ix, 18 ; xxi, 16.
IV. — 42
î » Leur séjourdansle pays d’Egypte permit aux Hébreux d’observer la place très considérable que le culte des morts tenait dans la vie des Égyptiens. Chez ces derniers, les tombeaux étaient les véritables demeures de l’homme, des demeures éternelles, àtStot oïxot. Dîodore de Sicile, i, 51. Les morts, avec leurs corps momifiés, y séjournaient entourés par les représentations des objets et même des serviteurs dont ils avaient besoin pour continuer dans l’autre vie les occupations de la vie présente. L'âme, souvent figuré dans les peintures par un petit être ailé, revenait vers sa momie, et y jouissait du culte que ses proches venaient lui rendre. Un rituel ou Livre des morts déposé dans la tombe indiquait à l'âme ce qu’elle devait savoir et faire pour arriver jusqu’aux dieux Horus et Osiris, y subir son jugement, et enfin d'être admise aux jouissances de l’autre vie. Le culte des morts se compliquait de multiples invocations aux dieux, de sacrifices, de festins funèbres et de toutes sortes de pratiques superstitieuses. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 6e édit., t. iii, p. 524-527 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 180-194. Rien n’est plus frappant que la différence qui subsista toujours entre les Égyptiens et les Hébreux, malgré quatre cents ans de voisinage immédiat, dans la manière de concevoir et de pratiquer le culte des morts. Chez les Hébreux, ce culte est réduit à la plus simple expression. Il faut des circonstances exceptionnelles, comme la mort de Jacob, Gen., l, 1-3, 7-11, ou celle de Joseph, Gen., L, 26, pour que ces derniers empruntent aux Égyptiens quelques-uns des détails matériels de leur culte des morts.
3° Chez les Chaldéens, ancêtres des Hébreux, le culte des morts était beaucoup plus sommaire. On croyait à la survivance de l'âme, sans toutefois regarder son sort comme indissolublement lié à celui du corps. On tenait à ne pas laisser ce dernier à l’abandon, mais on lui donnait une sépulture assez simple, ou même on le brûlait. L’esprit du mort abandonné sans sépulture revenait tourmenter les vivants, jusqu'à ce qu’il eût obtenu la nourriture, les vêtements, les armes dont il était censé avoir besoin dans l’autre monde ; prières, libations, offrandes s’imposaient également à ses enfants et à ses héritiers. En retour de ces dons divers, il les protégeait. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 683-689. Dans un rituel babylonien à l’usage des exorcistes, publié par H. Zimmern, Beitrâge mr Kenntnis der babylonischen Religion, Leipzig, 1901, n. 52, les morts qui tourmentent les hommes reçoivent des libations et même de la viande, au cours d’un sacrifice aux dieux, mais ils n’apparaissent ni bons et puissants comme les dieux, ni méchants et redoutables comme les démons. Il suffit de les apaiser en les rassasiant ; il n’est pas question de les prier ni de leur offrir un sacrifice. Ci. Lagrange, Les prêtres babyloniens, dans la Revue biblique, 1901, p. 401, 402.
4° Moïse dut épurer ces croyances chaldéennes au sujet des morts. Il ordonna aux Hébreux de formuler solennellement cette protestation devant le Seigneur, quand ils prenaient part aux festins qui suivaient l’acquittement des dîmes : « Je n’ai rien mangé de ces choses pendant mon deuil, je n’en ai rien distrait pour un usage impur, je n’en ai rien donné à l’occasion d’un mort. » Deut., xxvi, 14. La pratique chaldéenne de l’offrande d’aliments aux morts était donc interdite. Pour ôter toute idée de culte idolâtrique rendu aux morts, Moïse prit soin de passer presque complètement sous silence la doctrine de l’immortalité de l'âme. Le culte spiritualiste imposé aux Hébreux devait suffire, en effet, pour les détourner du grossier matérialisme et maintenir dans leurs esprits la croyance naturelle à l’autre vie. De fait, c’est seulement dans les derniers temps avant Jésus-Christ que les doctrines matérialistes, accueillies de temps en temps
par des esprits superficiels, Is., xxii, 13, eurent des adeptes plus nombreux, Sap., ii, 1-11, et prirent corps dans la secte des sadducéens. Enfin, c’est encore pour empêcher toute tentative de culte superstitieux, que Dieu fit ensevelir Aaron au mont Hor, dans la péninsule Sinaïtique, Num., xx, 25-28, et Moïse, dans une vallée du pays de Moab, Deut., xxxiv, 5-6, en un endroit où son sépulcre resta à jamais caché. Moïse avait pris soin d’insérer dans sa législation une prohibition sévère de toutes les pratiques se rattachant à la nécromancie. "Voir Évocation des morts, t. ii, col. 2128.
II. Le culte des morts chez les Hébreux. — 1° Le culte des morts obligeait les Hébreux à certains devoirs envers la dépouille de ceux qui n'étaient plus. Voir Embaumement, t. ii, col. 1728 ; Ensevelissement, t. ii, col. 1816 ; Funérailles, t. ii, col. 2421. La privation de sépulture était considérée comme une malédiction des plus graves. Jer, , viii, 2 ; xiv, 16 ; xvi, 4, 6 ; xxii, 19 ; I Mach., vii, 17, etc. Il n'était pas permis de laisser un cadavre humain à la surface du sol. Le mort ainsi abandonné était appelé met misvdh, « mort de précepte, » parce qu’il y avait obligation pour quiconque le rencontrait, fût-il même prêtre, nazaréen ou grand-prêtre, de lui procurer la sépulture. On pouvait l’inhumer là où il se trouvait. Cl. Reland, Palestina illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 261 ; Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 79 ; Iken, Antiquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 613. Aux soins matériels envers les morts se joignait l’expression du chagrin. Voir Deuil, t. ii, col. 1396. Les sages recommandaient de ne s’y abandonner qu’avec mesure. Eccli., xxxviii, 16-24 ; cf. vii, 37 ; xxii, 10.
2° Mais il y avait dans la législation mosaïque des prescriptions qui mettaient nécessairement obstacle à toute exagération dans le culte des morts. Au contact d’un mort ou de ses restes, tout Israélite contractait une grave impureté qui le séparait pratiquement de la société de ses semblables pendant sept jours entiers et l’obligeait à des purifications importantes. Num., xix, 2-22. Voir Lustration, col. 423. Il était difficile à l’Israélite d'éprouver la tentation de rendre des honneurs superstitieux à un cadavre ou à un tombeau qui lui faisaient contracter des impuretés si gênantes. Il devait être porté bien plutôt à s’en éloigner. À l'époque de Notre-Seigneur, les Juifs rebâtissaient les tombeaux des prophètes et les décoraient. Matth., xxiii, 29 ; Luc., xi, 47. C’est un des rares indices d’un hommage spécial rendu aux morts dans le cours de l’histoire juive. Le Sauveur ne le blâme pas. Il recommande cependant à son disciple de « laisser les morts ensevelir leurs morts ». Matth., viii, 22. Ce conseil paraît vouloir faire entendre que, sous la loi nouvelle, il n’y aura plus à s’embarrasser des longues formalités qui entravent celui qui a perdu l’un des siens, que ces soins et l’impureté prolongée qu’ils entraînent devront être abandonnés aux morts, c’est-à-dire à ceux qui ne sont pas entrés dans la vie évangélique.
3° Dans l’histoire de Tobie, l’ensevelissement des morts apparaît comme une œuvre de pitié digne de louange. Le saint homme vit dans un pays où la privation de sépulture est regardée comme un grand malheur. Il procure donc une dernière demeure aux morts et aux victimes des persécuteurs. Tob., i, 20, 21. Il est momentanément victime de sa charité, Tob., ii, 3-5, 10, 11, mais à la fin l’ange Raphaël lui assure que sa conduite a été agréable à Dieu. Tob., xii, 12.
III. La prière pour les morts. — 1° Il n’est question de la prière pour les morts que dans l’un des derniers livres de l’Ancien Testament. À la suite d’une victoire, Judas Machabée se mit en devoir de procurer la sépulture à ceux de ses compagnons qui avaient péri dans le combat. Mais on s’aperçut que les morts portaient sous leurs tuniques des ex-voto idolâtriques ramassés à Jamnia. Alors même que ce fait n’impliquait aucune adhésion à l’idolâtrie, il y avait là cependant une souillure
et une infraction â la loi mosaïque. On y vit la cause de la mort qui avait frappé ces hommes. Judas Machinée fit alors une collecte dont le produit fut envoyé à Jérusalem, afin que des sacrifices fussent offerts pour les péchés de ces soldats. L’auteur sacré observe ici que cette offrande de sacrifices suppose la foi en la résurrection, et la récompense assurée à ceux qui sont morts dans la piété, mais que ceux-ci toutefois ont besoin d’être délivrés de leurs péchés. II Mach., xii, 39-46. La pratique des sacrifices offerts pour les morts ne se constate dans aucun des livres sacrés antérieurs à cette époque.
2° Dans le Nouveau Testament, il est question de baptême pour les morts, I Cor., xv, 29, baptême que des chrétiens recevaient à la place de personnes mortes sans l’avoir reçu, et auquel ils attribuaient à tort une efficacité. Voir Baptême des morts, t. i, col. 1441. Saint Paul recommande aussi aux chrétiens de ne pas s’affliger, au sujet de leurs morts, comme ceux qui n’ont pas d’espérance. I Thés., iv, 13. Il fait allusion au feu du purgatoire qui doit éprouver la solidité des œuvres de celui qui passe dans l’autre vie. I Cor., iii, 13-15. Il ne mentionne pas expressément la prière pour les morts ; la pratique de cette prière remonte néanmoins aux origines de l’Église. On trouve le mémento des défunts dans les plus anciennes rédactions de Ja messe romaine ou gallicane. Cf. L. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1889, p. 174, 201. Les Juifs ont aussi introduit cette prière dans leurs usages. Pendant onze mois, le fils récitait une formule spéciale pour l’âme de son père et, chaque sabbat, à la synagogue, on disait une prière pour les morts. Cf. Iken, Antiquitates hebraicse, p. 615.
IV. Les morts spirituels. — 1° Ce sont ceux qui ont perdu Ja vie spirituelle de l’âme, celle qui résulte de l’union de l’âme avec Dieu. Dans l’Ancien Testament les morts spirituels sont les pécheurs, qui se détournent du bien pour courir à la mort de l’âme. Prov., viii, 36 ; Sap., i, 12 ; Eccli., xxxvii, 21 ; Jer., xxi, 8, etc. Dans le Nouveau, ce sont aussi les pécheurs, Col., ii, 13, et ceux qui refusent la vie nouvelle apportée par le Sauveur. Joa., iii, 36 ; v, 40 ; vi, 54 ; xx, 31 ; Eph., ii, 1, 5, etc. Certains chrétiens s’imaginent avoir cette vie et cependant sont morts. Apoc, iii, 1. Ceux dont la foi n’est pas agissante et ne produit pas de bonnes œuvres ont une foi morte. Jac, II, 17, 20, 26. — 2° Les Apôtres parlent aussi de ceux qui sont morts, non plus à la vie surnaturelle, mais au mal, au péché, Rom., vi, 2, 11 ; I Pet., ii, 24, en union avec Jésus-Christ, Rom., vi, 8 ; Col., Il, 20, dont ils partagent la vie cachée, dans la mesure où ils sont véritablement morts aux choses mauvaises
de ce monde. Col., iii, 3.MOSA, nom dans la Vulgate de trois Israélites. Deux d’entre eux s’appellent en hébreu Môsd, « issue, sortie, » le nom du troisième est écrit MêSa dans l’original. Un nom de ville dont l’orthographe diffère à peine de celle des deux premiers noms, Môsdh, et qui a la même signification, est traduit dans la Vulgate par Amosa, t. i, col. 519.
1. MOSA (hébreu : Môsà’; Septante : Mo<rà), de la tribu de Juda, le second des trois fils que Caleb, fils d’Hesron (Caleb 2, voir t. ii, col. 58) eut d’une de ses femmes de second rang appelée Épha. I Par., ii, 46.
2. MOSA (hébreu : MêSa’, « lieu de retraite, solitaire [ ?J ; » Septante : M « râ ; Alexandrinus : Motrâ), le troisième des sept fils que Saharaïm, de la tribu de Benjamin, engendra, dans le pays de Moab, de sa femme Hodés. I Par., viii, 9.
3. MOSA (hébreu : Môsd’; Septante : Mocktoî, I Par., Tlll, 36, 37 ; Masaâ, I Par., IX, 42, 43 ; Lucien : Moxrâ),
descendant du roi Saûl, fils de Zamir et père de Banaa, I Par., viii, 36, 37 ; ix, 42, 43.
- MOSEL##
MOSEL (hébreu : Me’ûzzâl ; Septante : il’AutJX), nom de lieu, dans la Vulgate Ezech., xvii, 19, Saint Jérôme a considéré le Me initial comme faisant partie du nom propre. Les commentateurs s’accordent généralementaujourd’hui à voir, comme les Septante, une préposition dans me, a. dé, » et ils traduisent : « de Uzal, » ou « depuis Uzal ». Uzal désigne dans Ézéchiel une localité d’Arabie. Voir Uzal.
- MOSER Nonnosus##
MOSER Nonnosus, bénédictin bavarois, né le 13 fé}vrier 1694, mort le 22 novembre 1756. Il fut abbé du monastère d’Attel et publia : Psalterium Davidis in très partes distributttm explanatione litlerali ac mystica aff’ectuose ac in modum meditationum dilucidatum. Accedunt Cantica canlicorum Salomonis, in-4’, Straubingen, 1741. —Voir Ziegelbauer, Historia rei literariss Ordinis S. Ben., t. IV, p. 35, 39 ; [D. François], Bibliothèque générale des écrivains de l’Ordre de Saint-Benoît,
t. ii, p. 335.- MOSÉRA##
MOSÉRA (hébreu : Môsérdh ; Septante : Mio-aoof), station des Israélites dans le désert, où mourut et fut enseveli Aaron. Deut., x, 6. Elle est mentionnée entre Béroth des fils de Jacan (hébreu : Be’êrôf Benê Ya’âqdn) ou simplement Benéjaacan (hébreu : Benê Ya’âqdn), d’après Num., xxxiii, 31, 32, et Gadgad. Mâsêrâh est ou un nom avec hé local, Môsêr-àh, ou un substantif féminin, dont le pluriel est Môsêrôt. Quoi qu’il en soit, on le regarde généralement comme identique a Monéroth, dont il est question dans le catalogue des stations du désert. Num., xxxiii, 30-31. Mais cette assimilation fait naître une difficulté, une sorte de contradition entre les deux textes. D’après Deut., x, 6, les enfants d’Israël allèrent de Béroth-Benéjaacan à Moséra, puis à Gadgad. D’après Num., xxxiii, 30-31, ils allèrent au contraire de Moséroth à Benéjaacan et à Gadgad. D’après Deut., x, 6, Aaron mourut à la première station après Benéjaacan, tandis que ce fut à la sixième, d’après Num., xxxiii, 31-38. Quelques auteurs ont cherché une solution en imposant aux Israélites des allées et venues assez compliquées et d’ailleurs invraisemblables. La critique littéraire nous fournit probablement la meilleure explication. Le ꝟ. 6 de Deut., x, fait partie d’un petit bloc erratique, ꝟ. 6-9, encastré dans les discours de Moïse. Il est facile de voir, à la simple lecture, que le morceau ne se rattache ni à ce qui précède ni à ce qui suit. On peut donc, selon toute vraisemblance, pour ne pas dire toute évidence, regarder les ꝟ. 6 et 7 comme un fragment de l’itinéraire des Hébreux, correspondant à celui de Num., xxxiii, 30-33. On trouve les mêmes noms dans les deux textes : Mosérar Moséroth, Benéjaacan=Béroth-Bénéjaacan, mont Gagdad =Gadgad, Jétébatha. La recension deutéronomique offrirait ainsi une variante rédactionnelle par rapport à l’ordre des stations Moséra et Benéjaacan, à moins qu’on n’aille jusqu’à supposer un aller et retour entre les deux points. Léon de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, in-f°, Paris et Leipzig, 1841, p. 122-123, avait déjà, à la suite de plusieurs exégètès, admis, non sans hésitation, cette interpolation. /Elle est aujourd’hui acceptée sans réserve par des auteurs catholiques, comme F. de Hummelauer, Comment, in Deut., Paris, 1901, p. 265. Mais il reste encore à expliquer comment Moséra, qui est identique à Moséroth, peut être le lieu de la mort et de la sépulture d’Aaron, puisque Moséroth est séparé par plusieurs stations du mont Hor. Num., xxxiii, 30-37. Voir Moséroth.
- MOSÉROTH##
MOSÉROTH (hébreu : Môsêrôt ; Septante : Vaticanus : MaaaovpwO, Num., xxxiii, 30 ; MacaoupoùO,
xxxm, 31 ; Alexandrinus : Macropo-jf), dans les deux endroits), un des campements des Israélites dans le désert. Num., xxxiii, 30, 31. Il est cité entre Hesmona (hébreu : HaSmônâh) et Benéjaacan (hébreu : Benê Ya’âqân). Môsêrôf est généralement regardé comme lé pluriel de M ôsêrâh, qui indique, Deut., x, 6, le lieu de la mort et de la sépulture d’Aaron, Or, nous savons par d’autres textes, Num., xx, 25-30 ; xxxiii, 38, qu’Aaron mourut sur le mont Hor. La situation de cette montagne est aujourd’hui discutée. Voir Hor 1, c. iii, col. 747. Mais quelle que soit l’opinion qu’on adopte, on doit conclure que Moséra=Moséroth était une station voisine de ce lieu célèbre. Cependant Moséroth, dans le catalogue des campements israélites, est éloigné de Hor. Cf. Num., xxxiii, 30-38. Comment résoudre cette difliculté ? Par une simple transposition, qui, du reste, est exigée par le contexte lui-même. Si l’on maintient, en effet, l’ordre des stations suivant le texte actuel, les Hébreux sont conduits en une seule étape d’Asiongaber, sur le golfe Elanitique, à Çadés, actuellement Ain Qedéis, loin vers le nord-ouest. L’auteur du catalogue si détaillé ne pouvait ignorer le situation de ces points importants. Il n’a pas dû vouloir non plus s’écarter délibérément de la tradition qui ne conduisait les Israélites à Asiongaber qu’après l’échec de la tentative de Cadès, et pour tourner le territoire iduméen. Pour trouver les stations intermédiaires entre Asiongaber et Cadès, il suffit de transporter les ꝟ. 36 b -41 a après le t. 30o. De cette façon, Moséroth vient immédiatement après le mont Hor, et l’on explique très bien ainsi comment la tradition pouvait indifféremment désigner le lieu de la mort d’Aaron par Hor ou MoséraiMoséroth. Cf. M. J. Lagrange, L’itinéraire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 273. — On a proposé d’identifier Moséra ou Moséroth avec le Djebel Madera, montagne isolée, située au nord-est d’Ain Qedéis. Cf. H. Clay Trumbull, Kadesh-Bamea, New-York, 1884, p. 132-139. Cette hjpolhèse demande confirmation. Cf. H. Guthe, H. Clay Trumbull’s Kadesh Barnea, dans la Zeitschnft des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. viii, 1885,
p. 213.MOSES BEN NACHMAN. Voir Nachmamde.
MOSOBAB (hébreu : Mesôbàb, « revenu ; » Septante : Mooogà6), un des chefs de la tribu de Siméon qui, avec plusieurs de ses compatriotes, se trouvant trop à l’étroit dans leur pays, émigrèrent à Gador, du temps du roi Éiéchias. I Par., iv, 34. Voir Gador, t. iii, col. 34.
MOSOCH (hébreu : MéSëk ; Septante : Mocrôx), mentionné dans la table ethnographique de la Genèse, x, 2 ; cf. I Par., i, 5, comme le siiiéme des sept descendants de Japhet, entre Thubal’et Thiras, éponyme d’un peuple d’Asie Mineure, désigné par Hérodote et Strabon sous le nom de Môa^ai, et souvent mentionné dans les inscriptions assyriennes sous la forme Mu-uski ou Mu-us-ki, contrée et’peuple. On voit par ces transcriptions grecque et assyriennes que les Septante et la Vulgate ont mieux conservé la prononciation véritable que le texte hébreu. — Quant au MeSek, Mosoch, de I Par., i, 17, c’est une erreur de copiste pour Mas, Mes, Gen., x, 23, descendant de Sem par Aram. Voir Mes, col. 1013. Celui du Psaume cxx, 5, opposé à Cédar dans l’hébreu, est employé au sens métaphorique, pour désigner une population ennemie et barbare du nord le plus lointain, comme Cédar personnifie les pillards nomades du midi ; les Septante et la Vulgate l’ont rendu seulement, Ps. cxix, 5, par (incolatus meus) prolongatus est, (un exil) long et lointain.
1o Pris au sens propre, Mosoch est presque toujours accompagné de Thubal, dans la Bible, les inscriptions
cunéiformes et Hérodote. Josèphe y voyait avec raison une nation de l’Asie Mineure, les Cappadociens, Ant. jud., i, vi, 1, qu’il localisait près des Ibères d’Asie. Cette dernière indication, mal comprise, et appliquée aux Ibères d’Espagne, a donné occasion à beaucoup d’auteurs de transporter Mosoch en Europe. Saint Jérôme, Lib. hebr. qussst. in Gen., x, 2, t. xxiii, col. 950, y voit encore après Josèphe les Cappadociens et leur capitale Mazaca ; mais les Talmuds et le Targum des Paralipomènes y voient la Mœsie Danubienne ; Eusèbe, d’après Georges le Syncelle, Chronogr., édit. de Bonn, 1829, 1. 1, p. 91, y voit les Illyriens. Knobel, Dis Vôlkertafel, die Genesis, Giessen, 1850, p. 119-123, y voit enfin les Ligures. Bochart a repris la localisation asiatique de Josèphe, en montrant dans Mosoch les Mrfcrxot d’Hérodote, toujours accompagnés dans son texte par les Ttë<xp7)v< » comme Mosoch dans la Bible par Thubal. Cette identification a été depuis pleinement confirmée par les inscriptions cunéiformes qui placent toujours dans cette région les Muski communément accompagnés des Tabali. Elles nous apprennent que Mosoch était situé dans la Petite-Arménie, au nord-est de la Cappadoce, au nord de la Mélitène, au delà des frontières septentrionales de l’Assyrie, dans la région montagneuse du cours supérieur de l’Euphrate, entre le Khumukh ancien ou Comagène et le Kas-ki ou pays des Cholches.
2o D’après Ézéchiel, xxvii, 13, les habitants de ce pays étaient marchands d’esclaves et d’ustensiles d’airain, et Ty rieur servait d’intermédiaire pour les écouler dans tout le bassin de la Méditerranée. Leur présence dans la table ethnographique de la Genèse montre que c’était une nation puissante. Les inscriptions assyriennes du XIIe au vne siècle nous montrent les MuSki comme un peuple redoutable, capable par sa vaillance et par sa situation d’accès difficile, de s’opposer à la conquête assyrienne. Théglathphalasar Ier (xiie siècle) nous dit que les Mosques, qu’aucun roi précédent n’avait jamais soumis, envahirent la Comagène avec une armée de 20000 hommes conduits par cinq rois ; mais il les en chassa et les contraignit à payer tribut. Assur-nasir-habal (883-858) reçut encore leur tribut. Ils ne sont guère plus mentionnés jusqu’à l’époque de Sargon (722-705). Cette fois leur roi Mita s’entendit avec Rousa ou Oursa, roi d’Arménie, pour secouer la domination assyrienne, puis envahit au sud-ouest, la Cilicie, jusqu’à la Méditerranée : les généraux de Sargon les repoussèrent, imposèrent à Mita, avec un tribut, l’abandon de quelques districts que Sargon peupla d’Araméens après en avoir envoyé les habitants en Chaldée. Depuis lors les Mosques ne font plus parler d’eux dans les annales assyriennes. Cependant le coup fatal leur fut porté seulement au VIIe siècle, par les Scythes, qui envahirent tout à la fois l’Arménie, Thubal et Mosoch au temps d’Assurbanipal ou sous ses faibles successeurs, vers l’an 650. Une cinquantaine d’années plus tard, Ézéchiel, xxxil, 26-27, menace l’Egypte d’un sort analogue à celui de « Mosoch et Thubal, et leur multitude…, morts par l’épée pour avoir semé la terreur sur la terre des vivants. » Ils sont descendus dans le schëôl comme Assur, Élam, Édom, c’est-à-dire que leur pouvoir a été détruit totalement comme celui de ces derniers royaumes. Plus loin, xxxviii, 2, 3 et xxxix, 1, le même prophète représente le pays de Thubal et celui de Mosoch comme appartenant en effet à Gog, que les annales d’Assurbanipal nous mentionnent comme chef des Scythes, voisin de l’Arménie. Il est vraisemblable que les vaincus se confondirent avec les envahisseurs, qui les entraînèrent dans leurs différentes expéditions vers le sud. Néanmoins une portion des Mosques résistèrent au torrent et se cantonnèrent dans le nord, ainsi que les Tabab ThoubaUTiSaprivo ! , jusqu’aux rives orientales du Pont-Euxin, où ils formèrent, au temps de Darius, une grande
portion de la XIXe satrapie de l’empire perse. Hérodote, m, 94. D’après le même historien, vil, 78, ils donnèrent leur contingent à l’armée de Xerxés marchant contre la Grèce. Strabon, XI, ii, 14-18, les place un peu plus avant dans l’intérieur des terres, et dit que leur pays a été partagé entre la Colchide, l’Ibérie et l’Arménie. Voir pour les identifications anciennes, Calmet, Commentaire littéral, Genèse, 1715, p. 250, où il ne rejette pas l’opinion de Génébrard, qui voit dans Mosoch le père des Moscovites. — Bochart, Phaleg., iii, 12, édit Leusden, Amsterdam, 1692, col. 179 ; Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the O. T., t. i, 1885, p. 66 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradiez ? 1881, p. 250 ; Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschungen, 1878, p. 155-162 ; Lenormant, Les origines de l’histoire, t. H, part, i, p. 406 ; part, ii, p. 181 et suiv. Voir aussi pour l’histoire de Mosoch, Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 591, 643 ; t. iii, p. 3, 16, 56, 239-244, 259 ; Menant, Les Annales des rois d’Assyrie, p. 36, 72, 165-167,
189 ; Schrader, Keilinschriftliche £ibliothek, t. i, p. 1819, 64-65, 42-43, 74-75.2. MOSOCH (hébreu : Mésék ; Septante : Moaéy), neuvième et dernier fils de Sem, d’après I Par., i, 17.D’après la Genèse, x, 23, qui est plus précise, il était le petit-fils et non le fils de Sem, et elle l’appelle Mès.Voir Mes, col. 1013.
- MOSOLLAM##
MOSOLLAM (hébreu : MeSullâm, « celui que [Dfeu] récompense, « nom, dans la Vulgate, de dix-neuf Israélites. Ce nom fut particulièrement en usage après la captivité. Les personnages appelés MeSullâm sont au nombre de vingt dans le texte hébreu, mais notre version latine n’en compte que dix-neuf parce qu’elle a transcrit le nom de l’un d’entre eux Messulam. IV Reg., xxii, 3. Voir Messulam, col. 1041. Elle a écrit aussi le nom de Mosollam 9, Mesollam, s’il faut réellement identifier ce dernier, II Esd., x, 125, avec le Mosollam de I Esd., viii, 16, et II Esd., xii, 25. La forme complète du nom devait être MeSélêmyâh. Voir Mesollomia. Cf. les noms analogues -Mesollamith, Mesollamoth.
1. MOSOLLAM (Septante : MoaoXXâpi), fils aîné de Zorobabel. I Par., iii, 19.
2. MOSOLLAM (Septante : MoffoXXîti), un des chefs de la tribu de Gad qui habitaient dans le pays de Basan, sous le règne de Joatham, roi de Juda, et de Jé-Toboam II, roi d’Israël. I Par., v, 11, 17.
3. MOSOLLAM (Septante : Mo<roXX « [j.), un des chefs fcenjamites, de la famille d’Elphaal, qui habita Jérusalem après la captivité. I Par., viii, 17. Il est le même que le suivant, d’après certains commentateurs.
4. MOSOLLAM (Septante : MoaoXXâfj.), de la tribu de Benjamin, père de Salo, et, d’après quelques-uns, le même que le précédent. Salo fut un des habitants de Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 7. Ce qui empêche d’affirmer l’identité de Mosollam 3 et 4 avec certitude, c’est que le benjamite Mosollam qui habita Jérusalem après la captivité est appelé fils de Joëd, II Esd., xi, 7, tandis que celui de I Par., ix, 7, est appelé fils d’Oduïa et descend d’Asana.
5. MOSOLLAM (Septante : MoaoXXâ(i), chef benjamite, fils de Saphatias, qui habita Jérusalem après la captivité. D descendait de Jébanias. I Par., ix, 8.
6. MOSOLLAM (Septante : Mo<roXXâ(i), prêtre, fils de Sadoc et père d’Helcias qui vécut à Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 11 ; II Esd., xi, 11. On admet communément que le prêtre Sellum, mentionné I Par., vi, 12-13, I Esd., vil, 2, n’est pas autre que Mosollam, dont
le nom a été abrégé par la suppression de la première syllabe.
7. MOSOLLAM (Septante : MoaoUâp.), prêtre, fils de Mosollamith’et père de Jeza, descendant d’Emmer. Il habitait Jérusalem. I Par., K, 12.
8. MOSOLLAM (Septante : Moo-oXX « |jl), lévite, musicien, de la branche de Caath. Il fut chargé, avec d’autres lévites de surveiller les réparations qui furent faites au temple de Jérusalem du temps du roi Josias. II Par., xxxiv, 12.
9. MOSOLLAM (Septante : MenoXXâ|j.), un des chefe qui furent envoyés par Esdras à Chasphia auprès d’Eddo pour en ramener en Palestine des lévites et des Nathinéens. I Esd., viii, 16. Divers commentateurs l’identifient avec les Mesollam, de Esd., x, 15, et le Mosollam de Il Esd., xii, 25. Voir Mesollam, col. 1022.
10. MOSOLLAM (Septante : MaaoXXifi). un des fils de Bani, contemporain d’Esdras qui avait épousé une femme étrangère et qui fut obligé de la renvoyer. I Esd., x, 29.
11. MOSOLLAM (Septante : MoffoXXâ|j.), fils de Barachie, descendant de Mésézébel, qui, du temps de Néhémie, répara en deux endroits différents une partie des murs de Jérusalem. II Esd., III, 4, 40. Il maria sa fille à Johanan, fils de Tobie. II Esd., VI, 18. Tobie, ennemi des Juifs, s’était assuré par ce mariage de son fils et par son propre mariage, une influence considérable à Jérusalem.
12. MOSOLLAM (Septante : MeaovXân), fils de Bésodia, travailla avec Joïada, fils de Phaséa, à la réparation de la porte ancienne, à l’angle nord est de Jérusalem, du temps de Néhémie. II Esd., iii, 6.
13. MOSOLLAM (MeaoXXâji), un des principaux Israélites qui, du temps d’Esdras, se tinrent sur l’estrade à la gauche de ce dernier, lorsqu’il lut au peuple le livre de la Loi. II Esd., viii, 4. Aucune indication particulière n’est donnée sur Mosollam qui est simplement nommé ; il peut ne pas être distinct de quelqu’un des précédents, contemporains comme lui d’Esdras, tejs que Mosollam, 9, 11, 12 ou 19.
14. MOSOLLAM (Septante : MenovXi|j.), prètre contemporain de Jérémie qui signa l’alliance du peuple avec Dieu. II Esd., x, 7. C’est peut-être le même personnage que Mosollam 16 ou 17.
15. MOSOLLAM (Septante : MsnouXXau.), un des chefs du peuple qui signèrent, du temps de Néhémie, l’alliance des Israélites avec Dieu. II Esd., x, 20. Il peut être le même que Mosollam 13.
16. MOSOLLAM (Septante : MisaouXân), chef des prêtres de la familie d’Esdras du temps de Joacim. II Esd., xii, 13.
17. MOSOLLAM (Septante : MeaoX<4|i)> prêtre, chef de la famille sacerdotale de Genthon du temps de Joacim. II Esd., xliTie.
18. MOSOLLAM (Septante : Mo70Xdc|x), lévite qui vivait du temps de Néhémie et était gardien d’une des portes du temple de Jérusalem. II Esd., xii, 25. Il est possible que ce soit le même que Mosollam 9.
19. MOSOLLAM (Septante : Msaotlip), un des chefs du peuple qui firent partie de la procession solennelle organisée par Néhémie pour la dédicace des murs de Jérusalem après leur restauration. II Esd., xii, 33.
- MOSOLLAMIA##
MOSOLLAMIA (hébreu : Meselêmydh, celui que Yâh » ou Jéhovah récompense ; Septante : MoffcOiXafi : ), orthographe, dans I Par., ix, 21, du nom du lévite appelé ailleurs Mesélémia. Voir Mesélémia, col. 1021.
- MOSOLLAMITH##
MOSOLLAMITH (hébreu : Mesillemif, « rétribution ; » Septante : Maatlptùli), prêtre, fils d’Emmer et père de Mosollam 7. I Par., ix, 12.
- MOSOLLAMOTH##
MOSOLLAMOTH (hébreu : Mesillêmôt, « rétribution » ), nom de deux Israélites.
1. MOSOLLAMOTH (Septante : MtocroXantiO), P ère de Barachje, de la tribu d’Ephraïm. Voir BaraCHie 5, t. i, col. 1447.
2. MOSOLLAMOTH (Septante : Mscraptjjiie), prêtre, fils d’Emmer et père d’Ahasi. II Esd., vi, 13. Divers commentateurs l’identifient avec Mosollamith, quoique le fils de celui-ci soit nommé Mosollam et non Ahasi.
- MOSQUENSIS##
MOSQUENSIS (CODEX). ~ I. Manuscrit grec oncial des Évangiles, datant du IXe siècle, maintenant à la bibliothèque du Saint-Synode de Moscou, sous le n. 9 du dernier catalogue (autrefois n. 399). Il avait appartenu au monastère de Vatopédi (Mont-Athos) et n’arriva à Moscou qu’en 1655, Manquent : Matth., v, 44-vi, 12 ; îx, 18-x, l ; XXII, 44-xxiii, 35 ; Joa., xxi, 10-25. Mais à partir de Joa., vii, 39 il est cursif. Matthsei le collationna deux fois en 1779 et en 1783 : la première fois, les deux dernières lacunes signalées ci-dessus n’existaient pas encore. Matthsei, Pauli epist. ad Thessal. Timoth., Riga, 1785, p. 265-271. Sa ressemblance avec le Campianus M est frappante. On le désigne en critique par la lettre V ou mieux V"". Von Soden lui attribue le sigle s 75.
II. Un autre manuscrit grec oncial de saint Paul et des Épîtres catholiques est conservé à la même bibliothèque sous le n° 93 (autrefois 98). Il vient également du Mont-Athos (monastère de Saint-Denys). Manquent : Rom., x, 18-1 Cor., VI, 13 ; I Cor., viii, 7-11. Il a été’aussi collationné par Matthsei, Pauli Epist. ad Rom. TU. et Philem., Riga, 1782. En critique il est désigné par Ii ou K c ath. paui, pour le distinguer du Cyprius K, v. Von Soden lui affecte le sigle J<, pour indiquer que le texte est accompagné de scholies de saint Jean JJamascène.
F. Pbat.
- MOTAIS Alexandre Marie##
MOTAIS Alexandre Marie, né à Saint-Méen (Ule-et-Vilaine ) le 20 janvier 1837, mort dans la même ville le 19 février 1886. Élevé par une mère profondément chrétienne, A. Motais fit ses études littéraires au petit séminaire diocésain établi dans sa ville natale, et en 1857 entra au grand séminaire de Rennes. Nommé vicaire à Montfort-sur-Meu, puis à Saint-Étienne de Rennes, il exerça le ministère paroissial pendant ses quatre premières années de sacerdoce. Il s’agrégea ensuite à une société de prêtres séculiers fondée à Rennes par M. l’abbé Guitton sous le nom d’Oratoire, afin de s’y consacrer à l’étude des sciences bibliques. Quatre années de travaux préparatoires lui permirent d’acquérir les connaissances indispensables à l’exégète, en particulier celle des langues orientales qu’il vint apprendre à Paris. Nommé en 1872 professeur d’Écriture sainte et d’hébreu au grand séminaire de Rennes, il’occupa sa chaire avec beaucoup de succès et de distinction jusqu’à la fin de sa vie. Dans son enseignement très solide et très goûté, le professeur se proposait surtout d’inspirer à ses élèves le goût des études bibliques, de les tenir au courant des controverses actuelles sur l’Écriture sainte, et de les initier à une bonne méthode de travail pour l’avenir. Ses études ne ralentirent jamais son zèle sacerdotal : il prêchait, donnait des retraites, et jusqu’à ses derniers jours il remplit dans un important orphelinat de jeunes filles toutes les fonctions d’aumônier. Il avait été nommé en 1881 chanoine
honoraire de Rennes par Ms’Place, qui l’honorait d’une estime particulière et lui avait confié la direction des conférences ecclésiastiques du diocèse et la rédaction du rapport annuel. A. Motais a écrit : Salomon et VEcclésiaste, étude critique sur le texte, les doctrines, l’âge et l’auteur de ce livre, 2 in-8°, Paris, 1876 ; L’Ecclésiaste, introduction critique, traduction française d’après l’hébreu, et commentaires, in-8°, Paris, 1877, dans la collection de La Sainte Bible avec commentaires éditée par Lethielleux ; Moïse, la science et l’exégèse, examen critique du nouveau système d’interprétation proposé sur l’Bexaméron par Ms r Clifford, évêque de Clifton, in-8 « , Paris, 1882 ; Le déluge biblique devant la foi, l’Écriture et la science, in-8°, Paris, 1885, le plus connu et le plus discuté de ses ouvrages, où il soutient la non-universalité du déluge relativement à l’espèce humaine. — Après sa mort, M. l’abbé Robert, un de ses élèves, a édité sous le titre Origine du monde d’après la tradition, in-12, Paris, 1888, une série d’articles qu’avait publiés M. Motais dans la Controverse (1883), la Revue catholique de Louvain (1883 et 1884), les Annales de philosophie chrétienne (1885) et qu’il s’était proposé de réunir lui-même en volume. D. Le Hir.
- MOUCHE##
MOUCHE, insecte de l’ordre des diptères (fig. 365). Voir Insectes, t. iii, col. 885. Les mouches sont surtout pernicieuses par la trompe dont elles sont pourvues, et qui leur permet de percer la peau pour sucer le sang de l’homme ou des animaux. En certains pays et en certaines saisons, elles constituent un véritable fléau. Deux noms désignent les mouches dans la Sainte Écriture.
1°’Arob, nom des mouches de la quatrième plaie d’Egypte. Exod., viii, 21, 24, 29 ; Ps. lxxviii (lxxvii), 45 ;
w
865. — Mouche commune ou domestique.
cv (crv), 31 ; Sap., xvi, 9. Ce mot est un nom collectif, qui reste toujours au singulier. Il vient probablement de’éréb, « mélange, » et suppose un ensemble d’êtres malfaisants fondant sur les Égyptiens. Comme dans les autres plaies, ces êtres doivent appartenir au même genre. Ce sont, d’après les Septante, xuvô|iuia, des mouches qui s’attaquent aux chiens et sans doute aux autres animaux, cf. Élien, Nat. anim., iv, 51 ; d’après la Sagesse, y.vïa, la mouche en général ; d’après Aquila, Ttâniiuia, toute espèce de mouches ; d’après la Vulgate, omne genus muscarum, toute espèce de mouches, et musca gravissima, une mouche pernicieuse. Les mouches, ordinairement très abondantes en Egypte, y rendent parfois la vie presque intolérable. Les Européens établis dans le pays ne parviennent à s’en défendre qu’en ayant toujours un chasse-mouches à : la main. Il y en a de beaucoup d’espèces. « Leurs essaims y sont si multipliés qu’on mange des mouches, qu’on boit des
mouches et qu’on respire des mouches. » Wood, Bible Animais, Londres, 1884, p. 633 ; Munis, Palestine, Paris, 1881, p. 120. Elles affectent de se poser sur le visage, spécialement au coin des paupières, et donnent ainsi un caractère de virulence aux ophtalmies si fréquentes sur les bords du Nil ( Rien n’est pénible comme de voir le très grand nombre de pauvres enfants qui ont ainsi les yeux couverts de mouches, sans pouvoir se défendre contre elles. La mouche commune, musca (fig. 365), est beaucoup plus irritante en Egypte que dans les autres pays. Le cousin partage avec elle le soin de tourmenter les habitants. Voir Cousin, t. ii, col. 1093. D’autres espèces, comme le tsetsé (fig. 366), s’attaquent aux ani 366. — Mouche tsetsé (Glossina palpalts).
D’après E. Ed. Austen, À monography of the Tsetse-fltes,
1903, pi. 1.
maux, le taon, œstru (fig. 367), aux quadrupèdes, surtout aux bœufs et aux chevaux, Vhippoboscida aux chevaux, le tabanus marocanus aux chameaux, etc. Au moment de la quatrième plaie, les mouches d’Egypte devinrent beaucoup plus exaspérantes que d’ordinaire, tant par leur multiplication que par la cruauté de leurs piqûres.
367.
Taon.
Elles pénétraient dans les maisons, Exod., viii, 21, et le pharaon fut bientôt obligé de céder. 2° Zebûb, la mouche de Palestine en général, (iuïa, musca. Les mouches de Syrie sont les mêmes qu’en Egypte, mais moins nombreuses et moins importunes, Chauvetlsambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 95. Elles y étaient pourtant assez gênantes pour qu’à Accaron, les Philistins eussent un dieu des mouches, Beelzébub, pour qu’il les préservât de ces insectes, de même que les Grecs avaient leurZsùç’Aicopiutoç, Pausanias, V, xiv, 2, ou dieu p.uiarpoç, « chasse-mouches ». Pausanias, VIII, xxvi, 7. Le Beelzébub d’Accaron fut probablement à l’origine le dieu qui chassait les mouches des sacrifices. Dans l’épopée chaldéenne sur le déluge, tablette xi, 1. 162,
on lit que « les dieux se ressemblèrent au-dessus du sacrificateur comme les mouches ». On compta ensuite sur le dieu pour proléger contre les mouches même dans l’usage commun de la vie. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 85. Voir Beelzébub, t. ii, col. 1547. Les mouches pénétraient partout. Leurs cadavres infectaient et faisaient fermenter l’huile du parfumeur. Eccle., x, 1. Isaïe, vii, 18, dit que le Seigneur sifflera les mouches et qu’elles envahiront les vallons désolés, les fentes des rochers, les buissons et les pâturages. Les mouches désignent ici, sous un nom méprisant, les Égyptiens qui doivent venir châtier Juda. Les Arabes appellent encore dthebab le zebûb ancien. Ils donnent ce nom à la mouche qui suce Je sang et spécialement à celle qui tourmente les animaux en Palestine, comme dans la vallée du Nil. Cet insecte pique les hommes comme les animaux ; il fait même périr des chameaux, quand ceux-ci ne sont pas suffisamment soignés à la suite dès piqûres reçues. Le dthebab est une longue mouche grise qui se multiplie surtout dans la saison chaude, en juin et en juillet. Les mouches sont encore fort gênantes dans la vallée du Jourdain, sur le bord de la mer et en maints autres endroits. On a vu parfois des tribus nomades obligées de lever leur camp pour échapper à leur invasion. Cf. Wood, Bible Animais, p. 632-634. Parmi les dix miracles permanents qu’ils prétendaient’constater dans le Temple, les rabbins comptaient celui-ci : « On ne voyait jamais de mouches dans les abattoirs du Temple. »
Pirké Aboth, v, 8.MOUCHE DE L’OLIVE. Voir DACUs.t. ii, col. 1201.
MOUCHERON. Voir Cousin, t. ii, col. 1095, 3°.
- MOUCHETTES##
MOUCHETTES (hébreu : mélqàfyayim, duel provenant du verbe làqah, « prendre ; » Septante : Xaëîç ; Vulgate : emunctoria), instrument de métal composé de deux espèces de couteaux s’articulant l’un sur l’autre par le milieu, et servant à manipuler et à couper les mèches des lampes. Moïse et plus tard Salomon firent fabriquer des mouchettes d’or pur pour le service des lampes du sanctuaire. Exod., xxv, 38 ; xxxvii, 23 ; Num., iv, 9 ; III Reg., vii, 49 ; II Par., iv, 21. — Le même mot hébreu sert à désigner, dans Isaïe, vi, 6, la pincette, Xa." ! i, fo rce P s > avec l a quelle l’ange prend le charbon
sur l’autel. Voir Pincettes.- MOUETTE##
MOUETTE (hébreu : sahaf ; Septante : Xàooç ; Vulgate : larus), oiseau de mer, , de l’ordre des palmipèdes etdela famille des longipennes. Cet oiseau a la tête assez grosse, le bec allongé et pointu, les ailes longues et aiguës (fig. 368). Il vole lourdement, mais avec continuité et malgré les plus fortes tempêtes. Il dépose ses œufs dans les creux des rochers et vit de toutes sortes d’animaux, morts ou vivanls, qui flottent sur les eaux, ou échouent au bord de la mer. Ce genre de nourriture donne à la chair de la mouette un mauvais goût et une odeur désagréable. La législation mosaïque la proscrit de l’alimentation. Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15. La mouette est caractérisée par ses cris continuels, sa lâcheté devant le moindre ennemi et sa voracité. Aristophane, Aves, 567, 591, donnée nom de Xapocà l’homme vorace et rapace. A cause de leur genre de vie, les mouettes sont aussi appelées vautours de mer. Les espèces dont la taille atteint ou dépasse celle du canard, portent le nom de goélands. — Il existe, en Palestine plusieurs espèces de mouettes, qui fréquentent les côtes de la mer et celles du lac de Tibériade, le larus ichthyætus, ou mouette grand aigle, qui dépasse les autres en taille et en beauté, le larus Andouini, qui est très abondant, le larus ridibundus ou mouette rieuse, ainsi nommée à cause de son cri, le larus argentatus et le larus fuscus, qui
doivent leur nom à la couleur de leur plumage, etc. Il est probable que, sous le nom de Sahaf, le texte sacré vise d’autres espèces d’oiseaux de mer analogues à la mouette et dont la présence est signalée en Palestine, tels que les pétrels, les puffins et les sternes, tous palmipèdes longipennes, comme les mouettes. Les pétrels ne se plaisent que dans les mers agitées, d’où leur nom scientifique de procellaria. Ils ont de longues ailes et
grisâtre et laineuse au-dessous (fig. 369). Les mouflons habitent par troupes dans les montagnes, surtout en Sardaigne et en Corse, et il est très difficile de les chasser. C’est d’eux que viennent nos moutons domestiques. Le mouflon du nord de l’Afrique, ovis îragelaphus, appelé aoudad par les Arabes, se rencontre sur toute la côte de la Méditerranée. On le trouve représenté dans les anciens monuments égyptiens (fig. 370). C’est le mouflon
368. — Mouette.
un vol rapide ; ils effleurent les vagues et semblent marcher sur l’eau, comme saint Pierre, ce qui leur vaut leur nom vulgaire de pétrels. On en rencontre de plusieurs espèces sur les côtes d’Egypte et de Syrie et il y en a à vendre sur les marchés. Les puffins ne se distinguent des pétrels que par une disposition particulière de’la mandibule inférieure. Le puffinus cinereus et le puffinus anglorum volent en longues files de plusieurs centaines sur les côtes orientales de la Méditerranée. A cause de leur allure inquiète et de leur sombre plumage, les puffins passent aux yeux des musulmans pour avoir en eux l’âme des condamnés. Les sternes ou hirondelles de mer sont remarquables par la longueur de leur bec effilé et de leurs ailes. Leur queue est fourchue. Ils saisissent leur proie au vol ou à la surface des flots, en poussant des cris aigus. Ils fréquentent aussi les côtes de Palestine. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p, 210 ; The Fauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 135. Aussi bien que les mouettes, les pétrels, les puffins et les sternes ont une chair coriace et indigeste, comme en général celle de tous les oiseaux de mer. Ils ne pouvaient donc servir à l’alimentation chez les Hébreux.
- MOUFLON##
MOUFLON, mouton sauvage de montagne. L’espèce européenne a l m 20 de long et m 80 de haut. Les cornes,
369. — Mouflon.
triangulaires à la base, se terminent en lames. La queue est courte et la toison fauve ou noire et rude au-dessus,
370. — Chasse à l’abu (mouflon).
D’après P. E. Newberry, Béni Hassan, t. ii, pi. rv.
à manchettes, au pelage court et roussâtre, aux cornes longues, se touchant à la base et se recourbant en arrière pour se ramener ensuite en dedans. La taille est celle du mouton ordinaire. Une espèce probablement identique est connue en Arabie Pétrée sous le nom de kebsch. Malgré la longueur et le poids de ses cornes, le mouflon est singulièrement vif et alerte pour sauter de roc en roc. On regarde comme probable que le mouflon qu’on signale dans les régions montagneuses entre la Circassie et la Perse, se trouvait autrefois dans d’autres pays, et particulièrement dans le Liban. Cl. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 73 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 188. — Le mouflon serait désigné sous le nom de zémér et rangé parmi les animaux qu’il est permis de manger. Deut., xiv, 5. Ce ne pouvait être, en tous cas, une nourriture très à la portée des Hébreux. Toutefois, il est certain que, pour ce mot qu’on ne lit qu’en ce passage, la traduction des versions : xajiiriXoiràpSaXiî, camelopardalus, o girafe, » est absolument inacceptable. Voir CamÉléOpard, t. ii, col. 91, et Chamois, t. ii, col. 528.
- MOULE À BRIQUES##
MOULE À BRIQUES (hébreu : malbên ; Septante : itXivôfov ; Vulgate : typus laterum), forme en bois dans laquelle on met l’argile qui doit servir à faire des briques, des tuiles, etc. Actuellement encore, en Egypte, les briquetiers emploient un moule de forme rectangulaire, composé de quatre planchettes en bois dur, dont l’une se prolonge de manière à pouvoir servir de manche. L’ouvrier place le moule sur un sol bien uni, y met de l’argile qu’il égalise avec la main et ensuite soulève le moule pour faire d’autres briques à la suite. Voir Brique, t. ii, col. 1932. Des moules de forme analogue sont représentés dans la figure 616 du t. ii, col. 1932. Cet instrument si simple, en usage chez les anciens Égyptiens, se retrouve chez les autres peuples qui construisaient avec des briques. — Quand David eut vaincu les Ammonites, il les mit aux scies, aux herses de fer et aux haches de fer, et il les fit passer aux moules à briques. II Reg., XII, 31. Cela ne signifie pas, comme on a souvent traduit, qu’il les mit sous ces instruments ou dans des fours à briques pour les faire périr, mais seulement qu’il les « préposa à » (n, be) ces instruments pour qu’ils devinssent eux-mêmes, au service des Israélites, des esclaves bûcherons, laboureurs, briquetiers, etc. Ce sens, le seul acceptable grammaticalement, a déjà été défendu, contre les anciens traducteurs, par~"S J. A. Danzius, De Davidis in Ammonitas erudelitate mitigata, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Leyde, 1732, t. i, p. 671-675. Voir Four, t. ii, col. 2338. Le mot
malbên signifie g moules à briques », ainsi qu’ont traduit les Septante et la Vulgate. Au lieu de malbên, signalé en qeri, le chethib a dans le texte actuel malien, mot qui se rapproche de milkom, Moloch, divinité des Ammonites, et qui désignerait une statue de cette divinité. La leçon du qeri est préférable et a pour elle l’autorité des versions et le sens général de la phrase. - » Nahum, iii, 14, s’adresse à Ninive, dont il prédit la ruine, et lui dit : « Répare tes forteresses, entre dans la boue, foule l’argile, rétablis le malbên. » Septante : itXivÔov ; Vulgate : laterem. Il s’agit encore ici du moule à briques que les Ninivites auront à rétablir et à utiliser pour réparer leurs fortifications. — Dans Jérémie, xliii, 9, il est aussi question du malbên, dans l’argile duquel le prophète reçoit l’ordre de. cacher de grandes pierres, dont la dimension n’est pourtant pas considérable, puisqu’il doit les prendre dans-sa main. La version grecque traduit èv tû xpu ? Iw, « dans la cachette, » mots qui ne sont ni dans le texte du Vatican, ni dans l’Alexandrin, mais proviennent d’autres manuscrits, et la Vulgate : in crypta quse est in muro latericio, « dans la cave qui est dans le mur de briques, » combinant ainsi l’idée exprimée dans l’hébreu avec celle que rend le texte grec. On entend ici par malbên soit une place rectangulaire comme un moule à briques, soit un pavage en briques, soit une place faite avec de l’argile à briques. Ct. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 448. C’est en effet au-dessus de ces pierres cachées dans l’argile que Nabuchodonosor doit dresser son trône ; mais cette argile figure le sol de l’Egypte, sur laquelle le roi de Babylone doit asseoir sa domination, en l’appuyant sur un fond de pierres, c’est-à-dire d’une manière solide. Pas plus que dans les deux passages précédents, le mot malbên ne saurait désigner un four à briques, ainsi que l’ont cru plusieurs commentateurs, cf. Rosenmûller, Jeremias, Leipzig, 1827, t. ii, p. 249, car en Egypte on ne se servait guère que de briques séchées au soleil. Voir Maçon, col. 513-514.
L’explorateur anglais Flinders Pétrie croit avoir retrouvé à Tell Defennéh, l’ancienne Taphnès, l’emplacement auquel fait allusion Jérémie, Devant un monceau de ruines, composé de briques brûlées et noircies, il constata l’existence d’une surface de 30 mètres sur 18, toute pavée en briques reposant sur le sable. Cette plateforme ne paraît avoir porté aucune construction. Elle était analogue à celles que les habitants du pays se ménagent devant leur maison, au moyen d’une couche de limon battu ; et qu’ils entretiennent bien unies et bien propres. Elle ne serait autre que « la plate-forme en briques, à l’entrée de la maison du pharaon, à Taphnès ». Jer., xliii, 9. C’est là que Nabuchodonosor aurait dressé son trône. Les ruines que précède la plateforme représentent un palais construit par Psammé-. tique Ier, vers 665 ; on a trouvé un sceau de bronze d’Apriès dans une des chambres. La campagne de Nabuchodonosor contre Apriès eut lieu entre 573 et 571. Cl. FI. Pétrie, Tanis, Part 11, Nebesheh (Am) and Defennéh Tahpanhes, Londres, 1888, p. 47-15 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv,
p. 249-251.’- MOULIN##
MOULIN, appareil composé de deux pierres, appelées meules, et servant à écraser le grain, par compression -et par frottement, pour le réduire en farine. Voir Meule, col. 1049.
- MOUSSE##
MOUSSE, famille de plantes cryptogames. Certains auteurs ont voulu, mais sans raison suffisante, identifier quelque espèce de mousse avec le’êzôb, qui est dit croître dans les murs. III Reg., iv, 83 (hébreu, v, 13). Pour la Pottia truncata que des exégètes ont nommée particulièrement, c’est une mousse terrestre et non murale. Voir Hysope, t. iii, col. 798. E. Levesque.
- MOUSTACHE##
MOUSTACHE (hébreu : èâfâm ; Septante : (tjotoiÇ ; Vulgate : barba), partie de la barbe qui recouvre la lèvre supérieure. On donnait certains soins à la moustache, on la coupait pour qu’elle ne recouvrit pas la bouche ; mais on s’abstenait de ces soins dans les temps de deuil. II Reg., xix, 24. On tenait la moustache recouverte par le manteau quand on était lépreux, Lev., xiii, 45, quand on ne savait que répondre, Mich., iii, 7, ou qu’un deuil obligeait au silence. Ezech., xxiv, 17. Les Septante n’emploient le mot qujo-raÇ que dans le premier texte ; dans les trois autres, les versions traduisent par des équivalents : uzôi.%, xe ^1> os > vultug. Voir
Barbe, 1. 1, col. 1450.MOUSTIQUE. Voir Cousin, t. ii, col. 1092-1095.
MOUT (hébreu : ’âsîs, (îrôS ; Septante :-fXuxa5[115ç, fieOxoç, oîvoç véo ; ; Vulgate : mustum, vinuni novum), jus du raisin ou de quelque autre fruit avant la fermentation. Le sucre n’étant pas encore transformé en alcool par la fermentation, le moût est doux et sucré ; il n’en cause pas moins l’ivresse quand il est pris en quantité excessive, la fermentation se produisant alors à l’intérieur de l’estomac. — 1o Il est assez probable que le jus de la vigne bu par Noé n’était encore que du moût. Gen., IX, 21. Isaac souhaite à son fils Jacob du blé et du moût en abondance. Gen., xxvii, 28. Ces deux produits servaient à caractériser une terre fertile. Deut., xxxiii, 28 ; IV Reg., xviii, 32 ; Is., Xxxvi, 17. L’épouse du Cantique, vin, 2, promet à l’époux de lui faire boire du moût de grenades. Quand les apôtres, au jour de la Pentecôte, se mettent à parler diverses langues, plusieurs auditeurs disent par moquerie qu’ils sont « pleins de moût ». Act., ii, 13. Bien qu’on trouve déjà des grappes mûres en Palestine dès le mois de juillet, la vendange ne commence qu’avec septembre dans les vallées les plus chaudes et se continue ailleurs jusqu’à la fin d’octobre. Cf. Tristam, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 408. La Pentecôte se célébrait en mai. On n’avait pas alors de grappes mûres et l’on ne pouvait faire de moût. Il faut donc que le mot fXeûxoç, employé ici par saint Luc, désigne simplement une espèce de vin sucré, mais fermenté, comme en savaient fabriquer les anciens. Cf. Aristote, Meteor., iv, 3, 13, etc. — 2o Dans le sens figuré, le moût représente des jouissances et des biens de différentes sortes. Le moût sera enlevé de la bouche des ivrognes d’Israël. Joël., i, 5. Mais à l’époque de la restauration, le moût ruissellera des montagnes. Joël., m (hébreu, iv), 18 ; Am., ix, 13. Les oppresseurs d’Israël seront enivrés de leur propre sang comme de moût. Is., xlix, 26. Israël coupable pressera le moût, mais ne boira pas le vin. Mich., vi, 15. Dieu l’épargnera cependant, comme on épargne la grappe qui contient seulement un peu de moût. Is., lxv, 8. Le moût, qui en fermentant fait éclater les outres, représente la pensée qu’on ne peut contenir, Job, xxxii, 19, ou la doctrine nouvelle qu’on ne peut emprisonner dans des pratiques anciennes. Matth., îx, 17 ; Marc, ii, 22.
MOUTARDE. Voir Sénevé.
- MOUTON##
MOUTON, nom générique qui sert à désigner en français les animaux de l’espèce ovine (fig. 371-372). A proprement parler, ce nom ne convient qu’à l’animal que la mutilation a rendu impropre à la reproduction. La loi défendait d’offrir en sacrifice les animaux qui avaient subi la castration, et le texte ajoutait : « Ne faites point cela dans votre terre, » c’est-à-dire dans le pays de Chanaan, quand vous y serez établis. Lev., xxii, 24. Plusieurs auteurs pensent que la chose défendue, c’était la castration elle-même. Cf. Rosenmûller, Scholia in Levit-, Leipzig, 1798, p. 127. D’autres croient que le législateur prohibe seulement l’offrande de tels animaux, le
9
1331
MOUTON
MUET
1332
verbe’âédh, < faire, » ayant assez souvent le sens d’ « offrir ». Exod., x, 25 ; xxix, 36, 38, 39, 41 ; Lev., ix, 7 ; xv, 15 ; xvi, 9 ; III Reg., viii, 64 ; IV Reg., xvii, 32 ; II Par., vii, 7. Cf. Fr. de Hummelauer, Comm. in Exod. etLevil., Pari », 1897, p. 511 ; Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 644. Toutefois Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 40, et la tradition juive enseignent que la mutilation des animaux était prohibée, aussi bien que celle de l’homme. Le mouton mâle entier s’appelle
Job, vl, 24 ; xiii, 13. Saint Jérôme, In Matth., ix, 32, t. xxvi, col. 60, observe que le mot xtitpoç désigne plus habituellement le sourd que le muet, dans le langage commun, mais que l’Écriture l’emploie indifféremment dans les deux sens. Le mutisme accidentel est produit par la paralysie ou la lésion grave des muscles de la glotte, des cordes vocales, ou même de la langue. Dans ce dernier cas, les sons produits sont inarticulés. Ce résultat peut être dû à une grande frayeur, comme
87t. — Moutons représentés sur les monuments assyriens. D’après The Bronze ornaments of the Palace Gates of Balawat, pi. 37 et 44.
bélier, et le mouton femelle brebis. Voir Bélier, t. i, col. 1562, et Brebis, 1. 1, col. 1911.
MUET (hébreu : ’illêm, de’dlani, * lier, » d’où né’ëlam, « être muet, » être lié par la langue ; Septante : xtiço ; âXaio ; , SXoyoc, atpwvo ; ; Vulgate : mutus), celui qui ne possède pas l’usage de la parole. — 1° Le mutisme peut être congénital ou accidentel. Le mutisme congénital tient ordinairement à la surdité. Le muet ne parle pas parce qu’il n’entend pas ceux qui parlent autour de lui. Sa longue est si bien conformée comme celle des autres, qu’aujourd’hui l’on parvient, par des exercices prolongés, à faire parler les muets sans qu’ils s’entendent eux-mêmes. En grec, le xwœo ; est à la fois le muet, Hérodote, I, 47, et le sourd, Eschyle, Sept., 202 ; xwçâw signifie « rendre muet », xiooio). « rendre sourd, >î et dans les Septante, xwçsOui veut dire « être sourd » ou « muet ».
il arriva pour Héliodore dans le Temple, II Mach., iii, 29 ; à un vif sentiment d’élonnement et de respect, comme celui qui saisit Daniel pendant que l’ange lui parlait, Dan., x, 15, ou à une intervention divine, comme dans le cas de Zacharie, puni de son incrédulité par un mutisme temporaire. Luc, I, 20, 22, 64. — Sur le mutisme volontaire ou commandé, Ps. xxxvill (xxxix), 3, 10 ; Ezech., iii, 26 ; xxiv, 27 ; xxxiii, 22, etc., voir Silence. — 2° C’est Dieu même qui fait le muet et le sourd, Exod., iv, 11, c’est-à-dire que ces infirmités ne se produisent pas sans sa permission. Comme le muet est incapable de parler pour sa propre défense, il est recommandé au roi Lamuel d’ouvrir la bouche en faveur de sa cause. Prov., xxxi, 8. Après le passage delà mer Rouge, la Sagesse ouvrit la bouche des muets et rendit éloquente la bouche des enfants, Sap., x, 21, ce qui signifie que tous les Israélites, sans exception, firent
éclater leur reconnaissance, chacun à sa manière. Le psalmiste souhaite que les Jèvres menteuses deviennent muettes. Ps. xxxvii (xxxvin), 14. Isaïe, xxxv, 6, dit qu’aux temps messianiques « la langue du muet tressaillera de joie ». Dans sa réponse aux envoyés de Jean-Baptiste, Notre-Seigneur ne signale pas la guérison des muets parmi les merveilles qu’il opère ; mais il parle de l’ouïe rendue aux sourds, et ce miracle suppose ordinairement que la parole est aussi restituée au sourd-muêt qui en a perdu l’usage. Matth., xi, 5 ; Luc, vii, 22. De fait, Notre-Seigneur guérit souvent des muets. Saint Matthieu, xv, 30, 31, dit que des foules nombreuses lui amenaient des muets et qu’elles étaient ensuite dans l’enthousiasme en voyant les muets parler. Plusieurs guérisons de muets sont racontées avec quelque détail. Un jour, le divin Maître a devant lui un muet qui est possédé du démon ; le démon chassé, le muet parle aussitôt et les témoins du miracle manifestent leur admiration. Matth., ix, 32, 33. Le mutisme de cet homme était donc causé par le démon et ne datait probablement pas de la naissance. Aussitôt délivré, cet
Les mauvais pasteurs sont comparés à des « chiens muets, qui ne saventpas aboyer ». Is., Lvi, 10. Le Messie ira à la mort comme une brebis muette, qui ne bêle pas quand on la mène à la boucherie. Is., lui, 7. Une bête naturellement muette, l’ânesse de Balaara, a adressé la parole au faux prophète. II Pet., ii, 16. Saint Jude, 10, compare les impies à des bêtes sans raison, aXoya. La Vulgate traduit ce mot par muta, muettes. Le grec aXo-fOÇ signifie en effet « sans parole », qui ne parle pas, mais bien plus fréquemment « sans raison ». Les deux sens conviennent ici, mais le second est plus expressif et s’applique communément aux animaux. Cf. Sap., xi, 15, 16. — 4° Plus encore que les animaux, les idoles sont muettes, incapables d’entendre et de 9j répondre. Bar., vi, 40 ; Hab., ii, 18 ; I Cor., xil, 2.
MUIS (Siméon Marotte de), né à Orléans en 1587, mort à Paris en 1644. Il fut nommé de Muis, ou plutôt du Muis, par son père, qui possédait un vignoble dans le territoire du Muis, entre Orléans et Saint-Mesmin. Dès l’âge de vingt-sept ans, il fut choisi pour enseigner
372. — Soldats assyriens taisant cuire un mouton. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. it, pi. 35-36.
homme se met à parler, ce qu’il savait sans doute faire avant sa possession. S’il n’avait jamais parlé auparavant, le miracle serait encore plus grand. Une autre fois, il s’agit encore d’un possédé, qui est à la fois aveugle et muet. Le Sauveur le guérit de même par l’expulsion du démon. Matth., xii, 22 ; Luc, xi, 14. Saint Marc, vii, 32-34, raconte la guérison d’un sourd et muet qui n’es ; pas possédé du démon. Le Sauveur le prend à part, met ses doigts dans ses oreilles et de la salive sur sa langue ; puis levant les yeux au ciel et soupirant, il dit : Ephphetha, « ouvre-toi. » Aussitôt l’homme entend, « le lien de sa langue est dénoué et il parle comme il faut. » Cet homme était [j.oyiX « Xoc, mot qui signifie « parlant difficilement », mais qui, dans le grec des Septante, désigne aussi le muet, ’illêm. Is., xxxv, 6. Notre-Seigneur lui touche la langue avec de la salive, ce qui indique bien que l’organe de la parole avait besoin de guérison, et que la surdité n’était pas ici l’unique cause du mutisme. Ensuite cet homme parle comme il faut, locution qui n’implique pas la simple disparition d’un bégaiement, mais l’acquisition d’une faculté qui manquait précédemment à ce malheureux. En vertu du miracle, non seulement il peut parler, mais encore il sait parler. C’est ce que suppose l’admiration de la foule, proclamant que le Sauveur fait parler les muets, àakox>i, ceux qui ne parlent pas. — 3° Les animaux sont muets, mais ils ne sont pas aphones.
l’hébreu au collège Royal (Collège de France), à la place de Victor Cayet : ses provisions lui furent données à Tours le 24 juillet 1614. Il exerça durant trente ans ces fonctions de « lecteur et professeur royal des Lettres sacrées et hébraïques ». Il reçut le sacerdoce seulement en 1620 ou 1621 : il avait été un peu auparavant nommé chanoine de l’Église de Soissons, et devint plus tard archidiacre de la mêmeÉglise, Les contemporains louent, outre son érudition, sa piété et l’aménité de son caractère.
Ses ouvrages sont, par ordre de dates : 1° Commenlarii hebrseo-latini R. Davidis Kimlti et R. Salonwnis Jarhi in Malachiam, interprète S. M. de Muis… Accedit R. D. Kimhi in Psalm. exil commentarius, in-4°, Paris, 1618. Sous ce titre général on trouve réunies dans un même volume, dont la pagination n’est pas continue, les publications suivantes : le texte hébreu de Malachie et des commentaires de Kimchi et de Jarchi, " la traduction latine de Malachie et des deux commentaires ; le texte hébreu et la traduction latine du psaume cxii et du commentaire de Jarchi sur ce Psaume ; 2° In Psalmum xix trium erudilissiniorum rabbinorum [D. Kimchi, Aben-Ezra, S. Jarchi] commentarii, hebraïce cum latina interprétations Simeonis de Muis, in-8°, Paris, 1620 ; 3° Roberti Rellarmini lnslitutiones lingus hebraïca- ; accessit ejusdem exercitatio in Psalmum xxxiv, una^cum Simeonis M « sii annolalionibus : quibm adjecla est Silva
radicutn hebraicarum, autore J. B. Martignac, S. J. : tmxiiia per eumdem Musium recognita, in-8°, Paris, 1622 ; les notes ajoutées par S. de Muis sont distinguées par les initiales S. M. ; 4° Commentarius litteralis et historicus in 50 Pialmos Davidis priores, in-8°, Paris, 1623. Essai du commentaire complet ; o" Varia sacra variise rabbinis contexta, in-8°, Paris, 1629. Cet ouvrage, désigné aussi sous le titre de Varia sacra in Pentateuchum, contient des notes tirées des rabbins sur le Pentateuque et sur quelques passages des Juges et de Samuel (I et II Reg.). Il a été reproduit dans les Critici sacri d’Angleterre ; 6° Commentarius litteralis et historicus in omnes Psalmos et selecta Veteris Testamenti cantica, cum versione nova ex hebraïco, in-f°, Paris, 1630. Il faut signaler la réédition donnée par Paquot, 2 in-4°, Louvain, 1770, où l’on a réuni les notes de Muis et celles de Bossuet ; 7° Assertio veritatis hebraicee adversus Joan.-Morini Exercitationes in ulmmque Samaritanorum Pentateuchum, in-8, Paris, 1631 ; 8° Assertio veritatis hebraïcse altéra, in-8°, Paris, 1634 ; 9° Epistola ad CM. qua defenditur lxx et Vulgatse interpretatio versus iO Psalmi XIX sive xx : Domine, salvum fac regem, adversus Joannem Dal-Useum, in-8°, Paris, 1636. Ejusdem Epistola altéra ad eumdem super litteris ad ipsum a Joanne Dalliieo datis de interprétations versus ejusdem, in-8°, Paris, 1636. Ces deux lettres, souvent jointes au n° 8, font ensemble 32 pages. Il y a un post-scriptum qui ne se trouve pas dans toutes les éditions ; 10° Castigatio animadversionum M. Joannis Morini Blesensis in censuram exereitationum ecclesiasticarwniadPentateuchum samaritanum, sive hebraicee veritatis assertio tertia, in-8°, Paris, 4639 ; 11° Notée ad librum 1 Criticse sacra Ludovici Capelli. Publiées dans l’édition de Gapel de 1650, pages 635-646. — On cite encore quelques opuscules de S. de Muis publiés dans les ouvrages d’autres écrivaius, par exemple : des vers hébreux, en tête du commentaire de Kimchi sur quatre Psaumes publiés par Bourdelot en 1619 ; une approbation du dictionnaire hébraïque-rabbinique de Philippe d’Aquin, en 1629 ; des vers hébreux sur la prise de La Rochelle, dans un recueil de poésies en plusieurs langues composées pour célébrer cet événement. — En 1650, Claude d’Auvergne, successeur de Muis au Collège de France, donna une nouvelle édition de ses principaux ouvrages, sous ce titre : Simeonis de Muis opéra omnia in duos tomos dislribula, Paris, 2 en 1 in-f°. — Outre ces ouvrages imprimés, S. de Muis a laissé un manuscrit de 500 feuillets sur les fautes qui se trouvent dans la Polyglotte de Le Jay. Ce travail avait été entrepris par ordre de Richelieu, piqué de ce qu’on ne lui^vaitpas dédié la fameuse Bible, et désireux de la décrier avant même qu’elle fût livrée au public. Il pourrait être intéressant de rechercher ce manuscrit. Voir les renseignements donnés par le P. Le Long. Biblia Parisiens, polygl., % 15 (dans la Bibliotheca sacra, édit. de 1733, p. 34). On conservait aussi dans la bibliothèque de l’ancienne abbaye de Saint-Victor un manuscrit intitulé Libellus de benedictionibus Patriarcharum, attribué à S. de Muis. — Tous les ouvrages de Muis témoignent d’une grande érudition, mais que l’auteur sait mettre en œuvre avec beaucoup de méthode et de clarté. Dans la discussion avec le P. Morin, il se fit le défenseur du texte hébreu, que son adversaire disait très corrompu et décriait au profit du Samaritain, des Septante et de la Vulgate. Les arguments donnés de part et d’autre contribuèrent à faire avancer la question de la valeur et de l’autorité relative des versions et des textes anciens.
La meilleure gloire de Muis est dans son commentaire sur les Psaumes. L’auteur s’efforce surtout d’établir le sens littéral par l’étude directe de l’hébreu et par les explications des rabbins. Les Pérès et les auteurs chrétiens sont peu cités. Cependant Muis, très attaché au
sens catholique, se sert fréquemment de son érudition hébraïque pour défendre la traduction et les interprétations traditionnelles. En regard de la Vulgate est placée une traduction latine nouvelle, œuvre de S. de Muis. Cette version, tout en s’écartant très peu de la Vulgate elle-même, permet de constater toutes les différences dignes d’attention entre celle-ci et l’hébreu : les variantes sans importance sont seulement notées en marge. L’ouvrage de Muis a été très loué par Godeau, Ellies du Pin, Calmet, etc. Valérien de Flavigny exprime bien son mérite en disant dans son Approbation « doctus, facundus, catholicus ». Bossuet écrit au P. Mauduit (lettre du 7 mars 1691), à propos des commentateurs des Psaumes : « Parmi les catholiques, Muis emporte le prix, à mon gré, sans comparaison. »
Voir R. Simon, Histoire critique duVieux Testament, 1. III, c. xviii, p. 425 ; 1. III, c. xviii, p. 470-471 (édit. 1685) ; Ellies du Pin, Bibliothèque, XVIIe siècle, seconde partie, p. 320 sq. (édit. 1708). On s’est surtout servi, pour rédiger le présent article, de la notice manuscrite de dom Geron sur S. de Muis. Notices manuscrites de dom Geron, Bibliothèque publique d’Orléans, ms. 467, t. ii, ꝟ. 73 sq. R. de LA Broise.
- MULET##
MULET (hébreu : péréd, piràah, « mule ; » Septante : » lquovo « ; Vulgate : mulus, mula), produit hybride de
/
873. — Mulet.
l’âne avec la jument ou du cheval avec l’ânesse. De là Je nom grec du quadrupède,-fnxfovoî, « demi-âne. » — 1° Histoire naturelle. — Le mulet est un produit dû à l’intervention de l’homme. Par sa conformation générale, il tient des deux animaux dont il provient, ayant plus spécialement les jambes du cheval et les oreilles de l’âne (fig. 373). Comme tous les produits issus de croisements entre espèces différentes, le mulet est impropre à la reproduction ; cependant l’incapacité de la mule sous ce rapport ne paraît pas être absolue. Le mulet a des qualités qui, dans certaines circonstances, le font préférer au cheval. Il est plus robuste et plus sobre, supporte mieux la chaleur, a la marche plus sûre dans les chemins escarpés et gravit plus aisément les sentiers de montagnes, même avec de pesantes charges. Il vit aussi plus longtemps. Son nom assyrien, puridu, le rapide, le courrier, indique à quel usage on l’employait. Les premiers mulets orientaux durent naître dans les contrées qui s’étendent entre le Gange et le littoral méditerranéen de Syrie, quand les chevaux asiatiques se rencontrèrent avec les ânes africains. Cf. Piètrement, Les chevaux dans les temps préhistoriques" et historiques, Paris, 1883, p. 718-728. On les trouve représentes
sur les monuments assyriens (fig. 374), Il est déjà question de mules portant le fardeau, dans le poème babylonien sur Gilgamès, Cf. Haupt, Dos Babylonische Nimrodepos, Leipzig, 1884-1892, p. 43. Les auteurs classiques font également remonter assez haut l’apparition du mulet. Cf. Diodore de Sicile, II, 11 ; Hérodote, i, 188 ; iii, 153 ; vu, 57 ; lliad., x, 115 ; xxiv, 702 ; Aristote, Hist. animal., i, 6 ; vi, 22. 24, etc. Actuellement, en Palestine, le mulet est d’un usage habituel. Il sert souvent de monture ou de bête de charge. Son endurance et l’aisance avec laquelle il chemine à travers les sentiers les plus accidentés le rendent précieux. Les Arabes le dédaignent et ne montent que des chevaux ; mais la population sédentaire l’utilise d’autant plus volontiers que la cavalerie militaire et les Bédouins accaparent tous les chevaux. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 124, 125.
2° Dans la Bible. — La loi mosaïque défendait les
374. — Mulet chargé.
D’après The bronze ornaments of the Palace Gates
of Balawat, pi. 27.
croisements entre quadrupèdes d’espèces différentes. Lev., xix, 19. Cette loi ne fut pas observée à la lettre. Si les Hébreux ne firent pas eux-mêmes ces croisements, ils ne laissèrent pas du moins de se procurer des mulets. Ceux-ci, du reste, n’apparurent en Palestine qu’à l’époque de David, c’est-à-dire peu après l’introduction du cheval dans le pays. Voir Cheval, t. ii, col. 677. Ils servaient de monture (fig. 375). Les fils de David montaient chacun un mulet, II Reg., xra, 29, et Absalom fuyait du champ de bataille sur son mulet quand sa chevelure se prit aux branches d’un térébinthe. II Reg., xviii, 9. David avait sa mule, sur laquelle on fit monter Salomon pour qu’il fût sacré à Gihon. III Reg., i, 33, 38, 44. On amenait en tribut des chevaux et des mulets à Salomon. III Reg., x, 25 ; II Par., ix, 24. Achab possédait en nombre ces deux sortes d’animaux. III Reg., xviii, 5. Isaïe, lxvi, 20, prédit qu’on ramènerait les exilés sur des chevaux, des mulets et des dromadaires. De fait, ceux qui revinrent de la captivité avec Zorobabel amenaient 736 chevaux, 245 mulets, 435 chameaux et 6720 ânes. I Esd., ii, 66 ; II Esd., vii, 68. Dans cette énumération, les mulets sont de beaucoup les moins nombreux, ce qui indiquerait qu’ils étaient soit plus rares, soit plus chers en Mésopotamie. Ces animaux servaient souvent comme bêtes de charge. I Par., xil, 40 ; IV Reg., v, 17 (fig. 371372). Les Tyriens les faisaient venir de Thogorma, en Arménie. Ezech., xxvii, 14. Zacharie, xiv, 15, prédit une plaie qui doit atteindre chevaux, mulets, chameaux et ânes. Ûn_psalmiste met le cheval et le mulet au même rang, au point de vue de l’inintelligence. Ps. xxxii (xxxi),
9. Ces différents textes montrent que, de David au retour de la captivité, les Hébreux se servaient sans scrupule du mulet aussi bien que du cheval, de l’âne et du chameau. Le mulet n’est pas mentionné dans le Nouveau Testament. — Dans l’énumération des descendants d’Ésaû, il est dit qu’Ana, fils de Sébëon, trouva hayyêmim dans le désert. Gen., xxxvi, 24. Ce mot, que la Vulgate traduit par aquas calidas, « eaux chaudes, » est rendu différemment par les autres versions, Septante : l « (ttv ; Théodot. : laiietv ; Aq., Symm. : yiphv ; Chald. : gêbbârayd’, les géants, probablement les Émim. Voir Émim, t. ii, col. 1732. Les anciens auteurs juifs ont traduit par hêmiônos, rififovo ; , mulet. H. Milne-Edwards, dans les Comptes rendus de l’Acad. des q j sciences, t. lxix, 1869, p. 1284, pensait qu’il s’agit probablement ici des hémiones proprement dits, équidés qui, par leur taille et leur forme, sont intermédiaires entre le cheval et l’âne, et qui abondaient dans l’Inde et dans la Perse. Voir Onagre. Ces différentes explications, par 375. — Mulet monté.
D’aprèa Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 35.
ticulièrement celle qui suppose la découverte de mulets, sont tout à fait problématiques. On se range communément à celle de saint Jérôme, Lib. qusest. hebr. in Gènes., t. xxii, col. 994, qui, d’après une étymologie empruntée à la langue punique, traduit par « eaux chaudes », source thermale. La source en question serait celle de Callirrhoé. Cf. Buhl, Geschichte der Edomiter, Leipzig, 1893, p. 46. Voir Callirrhoé, t. ii, col. 69-71. — Au livre d’Esther, viii, 10, 14, il est dit que le roi envoya dans toutes les provinces des courriers à cheval, montant des coursiers, hâ’âhastrânîm benê hârammâkîm, ce qu’on traduit quelquefois par « mulets nés, de juments ». Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 76, et Rœdiger, Additamenta, p. 68. Mais le mot’âhastrdnîm est vraisemblablement un dérivé de l’ancien mot perse chschatra, « supériorité. » Il serait donc question seulement de « coursiers de race supérieure, fils de juments », c’est-à-dire provenant des haras où sont élevées des bêtes de choix, capables de grande vitesse. Cf. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 30 ; Oppert, dans les Annales de philosophie chrét., Paris, 1864, p. 23, 24. Dans les Septante, Esth., viii, 1Î, m1 n’est parlé que de chevaux, et dans la Vulgate, Esth., viii, 10, 14, que de veredarii, « courriers. »
- MULTITUDE##
MULTITUDE, très grand nombre de personnes ou de choses. — Il est fréquemment question de multitude dans les Livres Saints. L’hébreu se sert d’un certain nombre de noms pour la désigner :
1° Ancien Testament. — i » Hâmôn. de hàmâh, « frémir, » 7cXrj60ç, X « ô ; , mullitudo, populus. Is., v, 13 ; xxxin, 3, etc. Ce mot désigne la multitude des nations, Gen., xvii, 4, 5 ; des peuples, Is., xvji, 12 ; des guerriers.
1339
MULTITUDE — MUR
1340
Jud., iv, 7 ; Dan., xi, ll. —2° Kâbêd et kobéd, de kdbad, « être nombreux, » papsiet Suvâ|U{, multus comitatus, M Reg_, x, 2 ; iiXîjOoî, multitudo. Nah., iii, 3. — 3° Melo’, de mâld’, « remplir, » itXîiOo ; , multitude ». Gen., xlviii, 19 ; Is., xxxi, 4.-4° Marbéh et marbtf, de râbâh, « se multiplier, » it)r)80 ; . Is., xxxiii, 23 ;
II Par., ix, 6. — 5° ’Êdâh, de yâ’ad, au niphal, « se rassembler, » <rovx*(u>f ! , ccetus, la multitude d’Israël, Exo’d., xii, 3, 19 ; Lev., iv, 13 ; Jud, , xx, 1 ; xxi, 10 ;
III Reg., viii, 5 ; xii, 30, etc. ; la foule des peuples, Ps. vii, 8 ; lxviii (lxvii), 31 ; ou même des bêtes. Jud., Xiv, 8. ~ 6° Qâhdl, de qdhal, « convoquer, » (ruvaycafTi, populus, ï7Mi)aia, ecclesia, cœtus. Num., xxii, 4 ; I Reg., xvii, 47 ; I Esd., x, 1 ; .1er., xxvi, 17 ; xxxi, 8. Voir Assemblées, t. i, col. 1127. Ce mot s’emploie pour désigner la foule des prêtres, II Par., xxxi, 18 ; des méchants, Ps. xxvi (xxv), 5 ; des saints, Ps. lxxxix (lxxxviii), 6 ; des morts. Prov., xxi, 16, etc. — 7° Rob, de rdbab, « être nombreux, » tu), sù>v, 7rX^60c plures, multitudo. Lev., xxv, 16 ; Is., i, 11, etc. Le même mot sert souvent pour marquer la multitude, c’est-à-dire la grandeur de la puissance, Ps. xxxm (xxxii), 16 ; de la miséricorde, Ps. li (l), 3 ; des péchés. Ose., ix, 7, etc. Le mot concret rabbîm, itoXXoî, multi, se rattachant à la même racine, s’emploie pour le collectif, « la multitude, n C’est en ce sens qu’il est employé dans les paroles de l’institution de l’Eucharistie : sanguis gui pro multis effundetur. Matth., xxvi, 28 ; Marc, xiv, 24. — 8° Rebdbdh, du même radical, désigne la grande multitude, |u>pt15sç, decem millia. Lev., Xxvi, 8 ; Deut., xxxii, 30 ; Jud., xx, 10, etc. — 9° Séf’âh, tcXoûtoç, inundatio. Deut., xxxiii, 19. — La porte d’une ville est appelée ba{rabbim, O’JytxTïjp TroXXûv, filia multitudinis, Cant., vii, 4, parce que c’est par cette porte qu’entre la multitude des habitants, ou mieux parce que les assemblées se tiennent à cet endroit.
2° Nouveau Testament. — l°Les Évangiles mentionnent fréquemment la foule qui se pressait autour de Notre-Seigneur. Cette foule était composée de Galiléens, de Syriens et d’autres habitants des environs de la Palestine, et quelquefois de Juifs. Elle est appelée assez rarement îtXîjOo ; , multitudo, Marc, iii, 8 ; x, 46 ; Luc, vi, 17 ; Tin, 37, et plus de cent vingt fois ô’/Xoç, turba. Saint Luc, i, 21 ; vi, 17 ; vii, 1, 16 ; xviii, 43 ; xx, 6, 9, 26 ; xxii, 2 ; xxiii, 13, et saint Matthieu, xxvii, 64, la désignent aussi par le mot Xxôç, plebs, « peuple. » On trouve une fois dans saint Jean, xii, 19 : 6 x6<r[ioç, mundus lotus, « tout le monde. » Celte foule accourt auprès de Nôtre-Seigneur, le presse et ne lui laisse même pas le temps de manger. Marc, H, 4 ; iii, 20 ; v, 31 ; îx, 24 ; Luc, v, 1, 19 ; vi, 19 ; rai, 19, 42 ; elle l’admire, Matth., vil, 28, ix, 33 ; Xv, 31 ; xxii, 33 ; Marc, xi, 18 ; Luc, xi, 14 ; l’acclame, Matth., xxi, 8, 9 ; Joa., xii, 17 ; s’étonne, Matth., xii, 23 ; craint, Matth., ix, 8 ; s’agite, Matth., ix, 23 ; est méprisée, Joa., vii, 49, et redoutée par les princes des prêtres, Matth., xxi, 26, 46 ; Marc., xii, 12 ; Luc, xx, 6 ; XXII, 2, et pourtant se laisse mener par eux. Marc, xv, 11 ; Luc, xxiii, 18. — 2° Dans les Actes, les deux mots wXtjOoç, multitudo, et 5j(Xo{, turba, sont employés conjointement pour désigner les foules. Le premier mot sert soit pour les foules déjà converties, Act., iv, 32 ; v, 14 ; VI, 2 ; xv, 30, etc., soit pour celles qui ne le sont pas encore. Act., ii, 6 ; v, 16 ; xiv, 4 ; xvii, 4, etc. Le second mot sert pour les foules non converties, sauf Act., i, 15.
— 3° Il n’est plus ensuite parlé de foules que dans les visions de l’Apocalypse, vii, 9 ; xix, 1, 6.
- MUNIM##
MUNIM (hébreu : Me’urdm ; Septante : Moouvi’jjl, I Esd., ii, 50 ; Metvwv, II Esd., vii, 52), Nathinéens originaires de Maon. Voir Maonites, ii, 5°, col. 705.
- MUNSTER Sébastien##
MUNSTER Sébastien (1489-1552). Voir Latines (Versions ) NON DÉRIVÉES DE LA VW.GATE, II, 1, Col. 124.
MUR (hébreu : gâdêr, gedêrâh, gedérêt, hôniâh, qïr, sûr ; Septante : tetyoîi Tcspt’rsixoî, f^ny^àç, Vulgate : muras, antemurale, maceria, paries), ouvrage de maçonnerie s’élevant verticalement avec une épaisseur relativement peu considérable, mais sur une longueur qui peut être très grande. Dans la Sainte Écriture, il est question de différentes sortes de murs.
1° Murs de clôture. — Ils étaient ordinairement peu élevés et construits en pierres sèches. Comme ils n’avaient aucun enduit, la tempête pouvait les renverser. Ezech., xiii, 12. Les serpents se réfugiaient dans les intervalles des pierres et mordaient ceux qui démolissaient le mur. Eccle., x, 8. Ces sortes de murs servaient à protéger : — 1. Les vignes. L’ànesse de Balaam cheminait ainsi entre deux murs de vigne quand l’ange apparut. Num., xxii, 24. Une vigne qui n’était pas protégée par un mur avait à souffrir toutes sortes de dégâts de la part des passants et des bêtes sauvages. Ps. lxxx (lxxix), 13 ; Is., v, 5. Une vigne bien tenue était toujours close. Matth., xxi, 33 ; Marc, xii, 1. — 2. Les maisons ou certaines pièces de terre. La postérité de Joseph est comparée aux branches qui s’élèvent pardessus la muraille. Gen., xlix, 22. Le bien-aimé vient voir l’épouse par-dessus le mur. Cant., ii, 9. Autour du champ du paresseux, le mur est renversé. Prov., xxiv, 31. C’est sur ces sortes de murs que les sauterelles engourdies par le froid s’arrêtent avant de reprendre leur vol. Nah., iii, 17. Les aveugles tâtonnent le long de ces murs pour se conduire. Is., ux, 10. Quand on en élève un nouveau, ils ne reconnaissent plus leur chemin. Os., ii, 8. — 3. Les bercails. On les entourait de murs de pierres sèches, pour mettre les troupeaux à l’abri des loups et des autres bêtes. Voir t. ii, fig. 611, col. 1987. Il est plusieurs fois parlé de ces clôtures de bercails. Num., xxxii, 16, 24, 36 ; I Reg., xxiv, 4 ; Soph., ii, 6 ; Jer., xlix, 3.
2° Murs des maisons. — On les construisait en pierres, en briques et souvent en simple torchis facile à percer par les voleurs. Matth., xxiv, 43 ; Luc, xii, 39. Voir Maison, col. 589. Ces murs étaient parfois attaqués par l’humidité, et la loi prescrivait certaines mesures à prendre pour faire disparaître cette lèpre des maisons. Lev., xiv, 37-39. Voir Lèpre, col. 186. Saûl, en voulant atteindre David, plantait sa lance dans’le mur de la maison. I Reg., xviii, 11. Le sang de Jézabel rejaillit contre le mur du palais de Jezraël. IV Reg., ix, 33. Ézéchias malade se tournait du côté du mur de sa chambre et priait. IV Reg., xx, 2. Dieu livra aux Chaldéens les murs des palais de Sion. Lam., ii, 7, 8- Dans les maisons acquises par la rapine, la pierre crie du milieu de la muraille, Hab., ii, 11, c’est-à-dire que toute la maison proclame l’injustice du propriétaire.,
3° Murs des villes. — Seules, les villes de quelque importance étaient entourées de murailles. Telles furent celles du pays de Basan, Deut., iii, 5 ; III Reg., iv, 13 ; Jéricho, où la maison de Rahab était voisine de la muraille, Jos., ii, 15, et dont les murs tombèrent d’euxmêmes au son des trompettes israélites, Jos., vi, 5, 20 ; Heb., XI, 30 ; Aphec, III Reg., xx, 30 ; Gaza, Am., i, 17 ; Ecbatane, Judith, i, 2 ; Chébron, I Mach., v, 65 ; Casphin, II Mach., xii, 13-15 ; Éphron, Il Mach., xii, 27 ; Damas, Act., ix, 25 ; II Cor., xi, 33, etc. — Un certain nombre de villes de Palestine étaient enceintes de murailles. Lorsqu’une maison de ces villes était vendue, le vendeur conservait pendant un an le droit de la racheter, mais, passé ce temps, elle demeurait à perpétuité la propriété de l’acquéreur, bien que les autres immeubles vendus retournassent au propriétaire primitif l’année du jubilé. Lev., xxv, 29, 31. Dans les villes léviliques, la propriété des lévites s’étendait de mille coudées autour des murs. Num., xxxv, 4. Dieu annonça aux Israélites que, s’ils se rendaient infidèles à sa loi, les murs de leurs viiles seraient renversés. Deut., xxviii, 52. Il y eut ett effet mi
MUR
1342
des alternatives de renversement, II Tar., xxvi, 6 ; II Mach., x, 35, et de relèvement pour les murs de ces villes. Judith, iv, 4 ; I Mach., xiii, 33. — 3. En cas de siège, c’étaient les murs de la ville qu’on attaquait. IIReg., xi, 20, 21, 24 ; xx, 15, 21. Les assiégés se tenaient sur ces murs. IV Reg., vi, 30 ; xvi, 26, 27 ; II Par., xxxil, 18. Le vainqueur les franchissait, II Reg., xxii,
chus, I Mach., i, 33 ; vt, 62, et relevés par les princes Machabées. I Mach., iv, 60 ; x, II, 45 ; xii, 36, 37 ; xiii, 10, 33 ; xiv, 37 ; xvi, 23 (fig. 376). Voir Jérusalem, t. iii, col. 1351-1377.
5° Murs du Temple. — Ils furent élevés par Salomon, III Reg., vi, 1-38, et, après la captivité, relevés par Zorobabel. I Esd., iii, 8-13 ; v, 2-5 ; vi, 3-5. Le prophète
376. — Ruines des anciens murs do Jérusalem. D’après J. Btiss, Excavations at Jérusalem, 1898, p. 29.
30 ; Ps. xviii (xvii), 30, et en abattait parfois une plus ou moins grande étendue. II Par., xxv, 25. On fixait aux murailles de la ville les dépouilles de l’ennemi vaincu : les Philistins attachèrent le cadavre de Saül aux murs de Bethsan, I Reg., xxxi, 10, et Judith suspendit à ceux de Béthulie la tête d’Holopherne. Judith, xiv, 1, 7. C’est aussi sur la muraille de sa ville que le roi de Moab,
Ézéchiel, viii, 7, 10 ; xxiii, 14 ; xiii, 10, 12, en parle dans ses visions. Alcime fit détruire les murs du sanctuaire intérieur. I Mach., ix, 54. Les Apôtres firent remarquer à Notre-Seigneur la beauté des murs du Temple bâti par Hérode (fig. 377), et le Sauveur en prédit la ruine, Mallh., xxiv, 1, 2 ; Marc, xiir, 1, 2 ; Luc, xxi, 5, 6. 6° Les murs au sens métaphorique. — Servir de mu 377. — Restes du mur du temple de Jérusalem où vont pleurer les Juifs. D’après une photographie.
désespérant de son salut, immola son propre fils. IV Reg., ht, 27.
4° Murs de Jérusalem. — Il est souvent parlé des murs de la ville sainte, bâtis par Salomon, III Reg., m, 1 ; tx, 15 ; réparés par Ézéchias, II Par., xxxii, 5, et par Manassé, II Par., xxxiii, 14 ; détruits par les Chaldéens, II Par., xxxvi, 19 ; IV Reg., xxv, 10 ; Jer., l, 15 ; Ps. Lxxxrx (lxxxviu), 41 ; Mich., vii, 11 ; restaurés par Néhémie, I Esd., v, 3 ; II Esd., iii, iv, xii, 27 ; Ps. li iiS), 20 ; Eccli., xlix, 15 ; détruits de nouveau par Antio raille à quelqu’un, c’est le protéger efficacement. I Reg., xxv, 16 ; Is., xxvi, 1 ; Ezech., xiii, 5 ; xxii, 30. Le riche croit que sa richesse le protège comme une haute muraille. Prov., xviii, 11. L’épouse du Cantique, viii, 9, 10, est comparée au mur d’une place forte. Des murs de fer ou d’airain sont des murs irrésistibles. Jer., i, 18 ; Ezech., iv, 3 ; II Mach., xi, 9. La mauvaise langue est capable de renverser les murs des puissants, Eccli., xxvih, 17, c’est-à-dire d’ébranler les situations les plus solides. Une muraille qui penche et se désagrège est
l’image d’un homme réduit à l’impuissance. Ps. lxh (lxi), 4. L’homme qui n’est pas maître de lui-même est comme une vïlle sans murailles. Prov., XXV, 28. Au passage de la mer Rouge, les Hébreux virent les eaux comme un mur à droite et à gauche. Exod., xiv, 22, 29 ; Judith, v, 12. — Saint Paul appela le grand-prêtre Ananie « mnraille blanchie », à cause de son hypocrisie. Act., xxiii, 3. Les murailles de la Jérusalem céleste sont en pierres précieuses. Tob., xiii, 21 ; Apoc, xxi, 12-19.
— Jésus-Christ a renversé le mur de séparation, c’est-à-dire la loi mosaïque, qui empêchait les Juifs et les gentils de ne faire qu’un seul peuple. Eph., ii, 14.
H. Lesêtbe.
- MURATORI##
MURATORI (Canon de). Voir Canon des Écritures, t. ii, col. 169-171.
- MURIER##
MURIER (hébreu : beka’im ; Septante : (ruxâfiivoî ; Vulgate : morus), arbre dont les Israélites n’utilisaient que les fruits ; ce n’est qu’à une époque tardive après l’ère chrétienne que les habitants de la Palestine ont cultivé le mûrier pour élever avec ses feuilles des vers à soie.
1. Description. — Les mûriers sont des arbres de la
378. — Morus nigra.
famille des Urticées, caractérisés surtout par leurs fruits dont la nature est très complexe, puisqu’ils résultent de la soudure de plusieurs fleurs distinctes, comprenant les péricarpes avec leurs enveloppes, en une sorte de fausse baie qui devient succulente à la maturité. Tous les organes végétatifs sont riches en latex, qui s’écoule par les blessures sous forme de lait blanc. Les feuilles pourvues de stipules petites et caduques ont un limbe rude, ovale, cordiforme, plus ou moins denté ou même lobé. Les fleurs mâles sont disposées en chatons allongés et solitaires, les femelles en épis courts ou capitules, souvent réunis par deux à l’aisselle des feuilles. Les principales espèces sont : 1° le mûrier blanc (Morus alba L), qui semble originaire de Chine, mais se cultive partout où l’on élève les vers à soie ; ses fruits portés sur des pédoncules distincts restent pâles et insipides ; 2° le mûrier noir (Morus nigra L) dont les fruits sessiles, noirs, luisants à la maturité, sont gorgés d’une pulpe juteuse et sucrée qui les rend comestibles (tig. 378).
F. Hy.
II. Exégèse. — 1° Saint Luc employant ouxonopla au ch. xix, 4, et <juxâ(iivt » ; au ch. Xvn, 6, paraît vouloir distinguer entre les deux arbres désignés par ces termes. Le premier est certainement le sycomore ; le second serait le mûrier noir. « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, dit Notre-Seigneur à ses disciples, Luc, xvii, 6, vous diriez à ce mûrier, <ru*âu.iv<o : Déracine-toi et transplante-toi dans la mer, et il vous obéirait. » En cette circonstance le Sauveur dut employer plusieurs comparaisons dont saint Luc et saint Matthieu ont conservé chacun une. Car dans la formule semblable de saint Matthieu, xxi, 21, au lieu de mixàtuvoç, « mûrier, » on lit Apoç, « montagne. » Pour les anciens auteurs grecs le <njy.à(iivoç est bien l’arbre que les Latins appelaient morus. Dioscoride, i, 181 ; 0. Celsius, Hierobotanicon, i, p. 289. — Le nom de la mûre, <ruxa| « vea, se rencontre certainement une fois dans l’Ancien Testament. Il est dit dans I Mach., vi, 34, qu’on présentait aux éléphants pour les exciter au combat le sang de la grappe et des mûres. On sait que Virgile, Eglog., vi, 22, donne aux mûres l’épithète de sanguinea, à cause de la couleur rouge de leur suc. Cependant on constate avec étonnement que les Septante, pour traduire l’hébreu Hqmîn ou Uqmof, emploient le mot (njxôpuvoç, <iuxâiiivov. I Reg., x, 27 ; I Par., xxvii, 28 ; II Par., i, 15 ; ix, 27 ; Is., ix, 10 ; Atnos, vil, 14. Car siqmîn est certainement le sycomore.
2° Le terme hébreu qui désigne le mûi’ier est probablement beka’im qu’on trouve employé dans II Beg., v, 24, et dans le lieu parallèle. I Par., xiv, 15. Les Philistins ayant fait irruption dans la vallée des Bephaïm, David consulta le Seigneur pour savoir s’il devait les attaquer. L’oracle lui répondit de ne pas les attaquer de front, mais de faire un détour pour les prendre en flanc : « Marche sur eux du côté des beka’im. Quand tu entendras comme le bruit de quelqu’un qui marche sur la cime des beka’im, tu t’élanceras au combat. » La Vulgaie a rendu ce mot dans les deux endroits parallèles par pyrus, « poirier, » les Septante ont aussi traduit par aniov, « poirier, » dans I Par., xiv, 14-15 ; mais dans II Reg., v, 23-24, ils ont mis xXay8n.<àv, « lieu des pleurs, » rapprochant sans doute beka’im de bekî, « pleur. ^ La Vulgate a traduit de même le singulier baka’, dans Ps. lxxxiv (Vulgate, Lxxxm) : ’7 : in valle lacrymarum, sens qui ne convient guère au contexte. Quelques exégètes, retenant ce rapprochement, ont vu dans be’êméq habbdkd’, la vallée du baumier ; cet arbre suintant une substance odorante comme des pleurs. Voir t. i, col. 1372. Mais il n’est pas nécessaire de rapprocher bâkâ’de bekî, <i pleur, » et l’on peut continuer à voir dans ce mot le singulier de beka’im, « le mûrier noir. » Les rabbins ont entendu ainsi le mot hébreu beka’im.
3° D’après les rabbins et les anciens auteurs juifs, les mûriers auraient abondé autrefois en Palestine, Tract. Maaseroth, i, 2 ; en particulier entre Jérusalem et Sichem. Mais ce n’est que tardivement, et pour ainsi dire de nos jours qu’on a cultivé les mûriers noirs et blancs pour l’élevage des vers à soie. « L’on voit, dit Belon, Observations de plusieurs singularités, 1. II, c. lxxxviii, 1588, p. 327, grand nombre de villages qui cultivent les arbres diligemment, mais surtout les mûriers noirs et blancs, et nourrissent quantité de verms (vers) à faire la soie. » D’ailleurs le mûrier était connu depuis longtemps en Egypte. On a trouvé des restes de Morus nigra, dans les tombeaux à Haouara. V. Loret, Xa flore pharaonique, 2e édit., 1892, p. 46.
E. Leyesque.
- MURMURE##
MURMURE (hébreu : telûnâh ; Septante : yoYYuo-jtiS ; ; Vulgate : murmur), dans l’Écriture, ne signifie pas simplement une plainte, mais une plainte inspirée par l’esprit de désobéissance et de révolte envers Dieu. C’est de cette façon coupable que les Israélites murmurèrent iSio
MURMURE — MUSELIÈRE
1346
contre Moïse et Aaron et contre Dieu à Mara, Esod., xv, 24, dans le désert de Sin, xvi, 1-12 ; Num., SX, 6 ; à Raphidim, Exod., xvii, 1-3 ; à Tabérah (Embrasement), Num., xi, 1-3 ; dans le désert de Pharan, Num., mi, 31 ; Xiv, 2-36, etc., et c’est à cause de leur manque de soumission et de confiance en Dieu qu’ils en turent punis. Ps. lxxi, 30 — Le livre de la Sagesse, i, 11, recommande de ne pas se laisser aller aux murmures ; saint Paul les condamne, en rappelant les châtiments qu’ils attirèrent sur les Hébreux dans la péninsule du Sinaï. I Cor., x, 10. Cf. Phil., ii, 14.
- MUSACH##
MUSACH, mot hébreu, mûsak, que la Vulgate reproduit sans le traduire : « Le musach du sabbat, qu’il (Achaz} avait bâti dans Je Temple, et l’entrée extérieure du roi, il les transporta dans le Temple du Seigneur, à cause du roi des Assyriens. » IV Reg., xvi, 18. Achaz en était à cette période de son règne, où, pour plaire au roi d’Assyrie, il s’efforçait d’introduire dans le Temple de Jérusalem les formes cultuelles en usage dans les temples des dieux d’Assur. Voir Achaz, t. i, col. 135. Le mot hébreu mûsa k vient du verbe sâkak, « couvrir, protéger. » II désigne donc quelque chose qui couvre et protège, non une simple tente, puisqu’il est question de construction, mais un ouvrage de maçonnerie, un portique. La Vulgate suppose que cette conslruction était l’œuvre d’Achaz ; l’hébreu’âSér bânû, « qu’ils construisirent, » attribue la construction à d’autres. Le texte peut se traduire ainsi : « Il changea le portique du sabbat, qu’on avait construit dans la ma.ison, et l’entrée extérieure du roi dans la maison de Jéhovah, par égard pour le roi d’Assyrie. » On n’a aucun renseignement sur ce portique et sur cette entrée royale, et l’on ne voit pas comment leur modification pouvait flatter le roi assyrien. Le portique servait pour le sabbat, comme son nom l’indique. Il avait sans doute été construit pour ménager l’ombre au roi quand il venait ce jour-là prier dans le Temple ou assister aux cérémonies. L’entrée extérieure était probablement celle qu’avait fait pratiquer Salomon. III Reg., x, 5. Un passage d’Ézéchiel, xlvi, 1, 2, mentionne un portique du parvis intérieur, à l’orient, ouvert seulement les jours de sabbat ou de néoménie, et un vestibule dans lequel le prince arrive du dehors pour pénétrer dans le portique. Il est à croire que ce vestibule et ce portique sont ceux que modifia Achaz. Ils étaient à l’orient, c’est-à-dire du côté de l’entrée du parvis des femmes et du parvis d’Israël. Le porti que, sans doute situé dans ce dernier parvis, devait do nner sur le parvis des prêtres, dans lequel le roi avait fait changer l’autel et modifier la œaer d’airain et ses bassins. IV Reg., xvi, 10-17. De cet endroit, il pouvait assister aux sacrifices et aux cérémonies que les prêtres accomplissaient. L’hiphil hêsêb, « mployé par le texte, ne signifie pas « détruire », mais « changer », comme on change un nom en un autre, IV Reg., xxiv, 17, et aussi « changer de place », comme traduit la Vulgate. L’une et l’autre opération étaient possibles ; la première est plus probable, le roi ayant dû procéder p our le portique comme il avait fait pour l’autel et la mer d’airain. Il modifia les édicules dans le goût assyrien. L’hébreu porte en ketib mlsak. La leçon n’était donc pas assurée. Les Septante ont lu massad, flejjii^iov, « fondement : » « Il bâtit le fondement du siège dans la maison du Seigneur. » La traduction n’est pas vraisemblable, car, dans tout ce passage, il n’est ques tion que de modifications apportées par Achaz aux choses existantes, et l’on ne peut dire de quel siège il serait fait mention. La Vulgate, ne comprenant pas le sens du mot, à préféré le reproduire tel quel. — Mûsak a donc un sens analogue à celui de mâsâk, qui revient souvent pour désigner le rideau <jui fermait l’entrée du Tabernacle, Exod., xxvi, 36 ; xxxix, 38 ; xl, 5, et ceux du parvis, Exod., xxxv, 12,
17 ; xxxa, 34, 38 ; XL, 5, 21. Ailleurs, II Reg., xvii, 19,
il désigne une couverture qu’on peut étendre sur
l’ouverture d’un puits pour dissimuler la présence
d’hommes cachés à l’intérieur. La nuée de la sortie
d’Egypte s’étendait sur les Hébreux lemdsâk, « en couverture, » pour les protéger. Ps. cv (civ), 39. Enfin,
dans lsaïe, xxii, 8, il est dit de Juda, menacé par les
ennemis qui sont à ses portes, qu’on lui a été son
mâsâk. Rosenmûller, Jesaiæ vaticinia, Leipzig, 1793,
t. H, p. 501, regarde comme certain, à la suite de
Schultens, que l’enlèvement du voile est ici un symbole
de honte et d’ignominie, comme quand on ôte
celui d’une femme ou d’une vierge. Mais le mot mâsâk
ne désigne jamais un voile de toilette ; c’est un rideatè
qui ferme une enceinte, une couverture qui protège
contre le froid de la nuit. Si on a ôté à Juda son mâsâk,
c’est qu’il est maintenant à découvert, que rien ne
le sépare plus de ses ennemis, que ses préparatifs de
défense sont vains, comme l’indique Je contexte. Nous
appelons en français troupes de « couverture » celles
qui sont postées à la frontière, entre l’ennemi et le
pays à protéger. Dans un sens analogue, Juda n’est plus « couvert », ni par ses défenses naturelles, ni par le
le Dieu qui « couvrait » les Hébreux à la mer Rouge.
- MUSARAIGNE##
MUSARAIGNE, petit mammifère nocturne, presque aveugle, et insectivore, assez semblable à la souris, habitant des trous dans la terreou les vieux murs. Le mus araneus n’a guère que huit centimètres de long, sans compter la queue. Son museau est très pointu et ses poils sont doux et soyeux (fig. 379). Il se dégage de son corps une humeur
379. — Musaraigne.
grasse et odoriférante. Ce petit animal détruit un grand nombre d’insectes nuisibles. Les Égyptiens traitaient avec honneur les musaraignes et transportaient leurs restes à Buto. Hérodote, ii, 67. — Les Septante ont vu la musaraigne, nvyà).Yi, mygale, dans la’ânàqâh, rangée parmi les animaux impurs. Lev., xi, 30. La version chaldaïque y voit la sangsue. La musaraigne existe bien en Palestine. Cf. Tristram, TheFauna and Flora of Palestine, Londres, 1884, p. 24. Mais la place qu’occupe le mot’ânâqâh dans le texte du Lévitique rend peu probable le sens que lui attribuent les Septante. Dans le verset précédent, le législateur a prohibé la taupe, la souris et une espèce de lézard, selon leurs espèces. Il est à croire que la musaraigne est comprise dans les espèces de la souris et de la taupe. La série suivante, commençant par la’ânâqâfi, se continue par des noms de sauriens. On infère de là, avec beaucoup de vraisemblance, que la’ânâqâh est aussi un saurien, comme l’animal qui précède et celui qui suit. Ce saurien serait le gecko.
Voir Gecko, t. iii, col. 144.- MUSCULUS##
MUSCULUS, non latinisé de Meuzel. Voir Meuzel, col. 1055.
- MUSELIÈRE##
MUSELIÈRE (Septante : çtixôç), appareil servant à emprisonner la bouche de certains animaux. Le mot
IV. -43
1347
MUSELIÈRE - MUSIQUE DES HÉBREUX
1348
grec désigne la muselière proprement dite, Lucien, V. auct., 22, et la partie inférieure de la tête du cheval. Eschyle, Sept., 463. Les Septante emploient ailleurs ce mot pour nommer le mors ou anneau passé aux naseaux de l’animal qu’on veut dompter. Is., xxxvii, 29. On lit dans l’Ecclésiastique, xx, 31 (28) : « Les présents et les cadeaux aveuglent les yeux des sages, et, comme une muselière (çipui ; ) à la bouche, arrêtent la réprimande. » Cette muselière, appelée en latin fiscella, était un petit panier, en osier ou en jonc tressé, dont on entourait la bouche des bœufs, des chevaux ou des animaux vicieux pour les empêcher soit de mordre, soit de couper les jeunes pousses des vignes pendant qu’on labourait (fig. 380). Caton, De re rustic, 54, 5 ; Pline, S. N., xviii, 49, 2. Le <pip.6j est un obstacle qui met l’animal dans
380. — Muselière. Colonne de Théodose. D’après Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 271.
l’impossibilité sèit de manger, soit de faire entendre sa voix. De même, les présents ferment la bouche du sage qui devrait parler pour condamner le vice. La Vulgate a traduit le second membre de phrase : « Et comme un muet (mute), il détourne dans leur bouche leurs réprimandes. » Le texte hébreu devait porter ici un substantif dérivé du verbe’âlam, « lier, » et le traducteur aura lu’illêm, <t muet. » Voir Muet, col. 1331. Saint Jérôme, In Mich., iii, t. xxv, col. 1183, traduit, en conformité avec les Septante : les présents, « comme un frein (frenutn) dans la bouche, détournent la réprimande. » La loi mosaïque défendait de mettre une muselière au bœuf qui foulait les épis, lô’tahsôm, où <PHj.<û<t&k ; , non alligabis os. Deut., xxv, 4.
MUSI (bébreu : MûU [dans I Par., vi, 19, MuH] ; Sepm tante : ’Oiiouost, Exod., vi, 19 ; ailleurs Mouo-i), petit-fils de Lévi, le second des fils de Mérari. Exod., vi, 19 ; Num., iii, 20 ; I Par., vi, 19, 47 ; xxiii, 21, 23 ; xxiv, 30. Il eut trois fils, Moholi, Éder et Jérimoth. I Par., xxiii, 23 ; xxiv, 30. Tous ses descendants furent appelés de son nom Musites. Voir Musites, col. 1360.
- MUSICIEN##
MUSICIEN (grec : nov<Tm<î « ; Vulgate : musicus), celui qui joue d’un instrument de musique. Les musiciens ne sont pas nommés dans le texte hébreu ; ils ne le sont que dans les versions de l’Ecclésiastique, xxxii, 7, 8 ; de I Machabée, ix, 41 ; et dans le grec d’Apocalypse, xviii, 22. Partout ailleurs, musicus est un adjectif, « musical, de la musique, concernant la musique. » Voir Musique.
MUSIQUE DES HÉBREUX. - I. Noms. - 1° Le mot Ur s’applique aux « voix » des chanteurs en même temps qu’au « son » des instruments : I Par., xv, 16 ; II Par., v, 13 ; xxix, 28 ; I Reg., v, 12 ; Ps. cxxxvii, 3, 4. L’expression kelê Sr désigne « les instruments de mu sique ». Amos, vi, 5 ; I Par., xv, 16 ; II Par., xxxiv, 12.
— 2° Qôl, la « voix », désigne spécialement le « chant », dans I Par., xv, 16 ; Il Par., xx, 19 ; et aussi le « son » des instruments, dans II Reg., xv, 10 ; Il Par., v, 13 ; Job, xxi, (2 ; Ezech., xxvi, 13. — 3° Niggén, « palper, toucher » les cordes, ty&llw. I Reg., xv, 16 ; Isaïe, xxxviii, 20, donne le dérivé : — 4° Negînâh, le « jeu » des instruments à cordes : I Reg., xvi, 6 ; Ps. iv, l ; Habac, iii, 19 ; Isaïe, xxxviii, 20 ; II Esd-, xii, 27 ; puis, par dérivation, aussi bien que le grec tyôlpoç, le « chant s accompagné d’un instrument à cordes ; enfin, tout thème poétique chanté. Ps. txxvii, 7 ; Thren., iii, 63 ; v, 14 ; Ps. lxxvii, 7 ; lxix, 13. Le pluriel negînôt peut être pris comme appellation générique des instruments à cordes, l’s. iv, 1 ; probablement aussi le mot gittit. Voir Gitî’It, t. iii, col. 246. Dans l’hébreu rabbinique negînâh est l’ensemble du système d’accents réglant le chant des textes scripturaires. VoirE. David, La musique chez les Juifs, dans les Archives israélites, Paris, 1873, p. 44 ; F. Consolo, Libro dei canti d’Isræle, Florence, 1892, p. 3. — 5° Zimmêr, en poésie, signifie « jouer » ou « chanter » ; de la racine idî, idmar, « diviser » les sons. D’où : —6° Mizmôr, « psaume. » Voir Mizmor, col. 1137 ; et :
— 7° Zemârâh, équivalent chaldéen de èir et de negînâh : Dan., iii, 5. — tyZimrâh a le même sens dans Amos, v, 23 ; Ps. lxxxi, 3. — 9° Pâraf, Amos, vi, 5, a la même signification que zdmar. — Jouer de la trompette se dit :
— 10° MâSak, « prolonger » le son, Exod., ix, 13 ; et :
— 11° Tdqa « sonner » (coup). I Reg., xiii, 3. — Jouer de la flûte se dit : — 12° Ifallêl, 1 Reg., i, 40. — 13° K Anàh, signifie « chanter », spécialement « répondre en refrain ». Num., xxi, 17 ; Ps. cxlvii, 7 ; Ose., ii, 17 ; Exod., xv, 21 ; xxxii, 18. Voir Chant, t. ii, col. 555. — 14° Chanter se dit encore hasmïa qôl, Deut., iv, 36, ou simplement haSmi’a, I Par., xvl, 42, & faire entendre [la voix] ; »
— 15° Rânan, « crier, chanter. » Levit., ix, 24. — 16° Terû’âh, I Sam. (I Reg.), iv, 5, exprime le <c bruit », les « clameurs », et aussi le « son » delà trompette. Num., xxix, 1. — 17° Têqa% Ps. cl, 3, est le « son » de la trompette. Voir Tâqa’, il", — 18° Hâmôn, Amos, v, 25, et : — 19° hémyâh, Is., iv, 11 ; xvi, 11, signifient la « résonance » de l’instrument, la « vibration » des cordes. — 20° ’Aldmô (, désigne les sons ou les voix élevées^ Voir Alamot, t. i, col. 333. — 21° Nâbâ « improviser, chanter sou& l’inspiration. » Exod., xv, 20 ; I Par., xxv, 2, 31. —
— 22° Higgdyôn, Ps. ix, 17, semble être comme le syriaque hegydnà, (ieIétyi, le thème poétique scandé ou rythmé, et sa modulation musicale. Voir Pitr a, Analecta novissima, Paris, 1876, t. i, p. xlvij. — 23° Siggâyôn serait assez vraisemblablement la désignation d’un rythme ou d’un genre de mélodie, Ps. vii, 1 ; de même que : — 24° Miktâm, Ps. xvl, 1, « chant » ou a poème » ; voir Miktam, col. 1084, et encore : 25° Maskil, Ps. xxxii, 1, « poème. » Mais ces noms n’ont pas de signification musicale certaine. Voir Maskil, col. 832. — 26° Qînâh, II Reg., i, 17 ; Jcr., vii, 27, II Par., xxxv, 25, signifie, comme néhî, Amos, v, 16, un « chant lugubre ». — 27° Sélâh peut désigner l’interlude musical entre les : strophes des psaumes. Voir Sélah. — 28° Sahar, Ps. xxii,
1, pourrait être rapproché de l’arabe ^yv>, « chant,
incantation. » — 29°nVN, Ps. xxxil, 1, désigne peut-être le mode éolien de la musique grecque et nr.’, Ps. lvi, 1, le mode ionien. Voir Ayelet, t. i, col. 1296. — D’autres termes musicaux, spécialement les noms d’instruments, trouveront leur place dans la suite de cet article.
II. Manifestations de l’art musical chez les Hébreux. — La Genèse rapporte à Jubal, fils de Lamech, le premier usage des instruments de musique. Gen., iv, 20. La première mention du chant et des instruments après le déluge se réfère à la Syrie. Gen., xxxl, 27. Mais l’Egypte comme la Chaldée, posséda très anciennement l’usage du chant et des instruments. Exod., xv,
20 ; xii, 35 ; Num., x, 10. — La musique s’associait, chez les Hébreux comme chez leurs voisins d’Egypte (fig. 381) et d’Assyrie, comme aussi chez les Orientaux modernes, à tous les actes de la vie. Le chant et les instruments sont pour ces peuples une jouissance indispensable. Comme expression de la joie, la musique était inséparable de toute fête. Job, xxi, 12 ; Ps. xxx, 12 ; Jer., xxxi, 4, 13. Elle s’identifiait avec la, religion et se joignait aux cérémonies du culte. Num., x, 10 ; II Reg., vi, 5, 12 ; II Par., vii, 6. Elle faisait le charme des réunions et paraissait aux noces, aux festins. II Reg., Xix, 35 ; Is., xxiv, 8 ; I Mach., ix, 39 ; Eccli., xxxil, 7 ; xlix, 2 ; Cf. Eccle., H, 8 ; au couronnement des rois. II Reg., xv, 10 ; III Reg., i, 40 ; IV Reg., ix, 13 ; iî, 14 ; II Par., xxiii, 11. On chantait aux moissons et aux vendanges. Jud., ix, 27 ; Is., ix, 3 ; xvi, 10 ; xxv, 6 ; Jer., xxxi, 4, 5 ; Ps. iv, 8. Les Hébreux chantent en chœur autour du puits découvert dans le désert, Num., xxi, 17, 18 ; Samson rythme et chante ses énigmes. Jud., xiv, 14, 18. Les prophètes et les psalmistes modulent musicalement leurs sentences. Ps. lxxviii, 2 ; Eccli., xliv, 4, 5. Voir
nisation musicale du culte ses commencements, et fit fabriquer des instruments en grand nombre pour les lévites, I Par., xxiii, 5, qui devaient accompagner les
_ psaumes. Il régla l’ordre du chant dans les cérémonies.
" I Par., xxiii, 31 ; Eccle., xlvii, 11, 12. D’après Josèphe, David formait lui-même les musiciens. Ant. jud., VII, xii, 3. Il organisa les classes des chanteurs et instrumentistes. I Par., xv, 22 ; xvi, 5, 6 ; xxv, 1-7. Voir Chanteurs du Temple, t. ii, col. 557. — À l’époque de la construction du Temple, les arts mécaniques n’étaient pas avancés chez les Hébreux. I Reg., xiii, 19. Il leur fallait recourir sans cesse à leurs voisins. Salomon fit fabriquer des instruments musicaux aveCqles bois précieux rapportés d’Ophir. II Par., ix, 10, 11. — Le service quotidien ainsi établi dura jusqu’à la captivité. Néhémie le reconstitua après le retour. II Esd., xii, 36. IV. Caractère de la musique des Hébreux. — L’imperfection de nos connaissances sur la musique dans l’Asie ancienne ne nous permet pas de déterminer suffisamment le caractère de l’ancienne musique hébraïque, ni de connaître, sinon dans une mesure très restreinte,
381. — Égyptiennes jouant de la harpe, du luth, de la double flûte, de la lyre et du tambourin. D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, pi. clxxv.
I Par., ii, 57 ; Eusèbe, Prtep. Ev., xi, 5, t. xxi, col. 852 ; I Reg., x, 5 ; xix, 20. Élie appelle un harpiste pour prophétiser. IV Reg., iii, 15, voir I Par., xv, 22, 27 ; et Saûl calme par l’audition de la musique les accès de son mal.
I Reg., xvi, 16. La musique, d’abord cultivée dans les écoles des prophètes, voir Chant, t, ii, col. 555, entra tout à fait, sous les rois, dans lts habitudes de la vie privée et servit à célébrer les réjouissances profanes. Amos, vi, 4-6 ; Is., v, 12 ; Eccle., ii, 8 ; Jud., xxi, 21. Les courtisanes l’employaient comme un moyen de séduction. Is., xxiii, 16. On l’associait enfin aux deuils et aux
"funérailles, à cause de sa signification religieuse, comme aussi à cause de la puissance qu’elle exerce sur les sens et qui fait qu’elle peut servir à l’expression des sentiments les plus opposés. Gen., iv, 9-11 ; II Reg., i, 17 ;
II Par., xxxv, 25. Voir Jer., vii, 27 ; Amos, v, 16 ; Matth., xi, 17. Les anciens chrétiens faisaient aussi une part à la musique vocale dans leurs synaxes. Col., iii, 16. — L’absence de musique marquait la tristesse et la désolation. Is., xxiv, 8, 9 ; Ps. cxxxvii, 2 ; Job, xxx, 31.
III. Usage rituel de la musique. — Moïse n’avait rien ordonné au sujet de la musique, si ce n’est l’usage de la trompette, destinée à convoquer le peuple, à conduire la guerre, annoncer les calendes, les jubilés, les têtes et accompagner l’offrande des sacrifices. L’usage’de cet instrument était réservé aux prêtres. Num., x, 2-11. Mais, en n’établissant pas d’ordonnances, le législateur n’avait rien proscrit ; aussi, plus tard, les circonstances s’y prêtant, David put mettre les instruments de musique au service du tabernacle. Il donna à l’orga leurs idées sur cet art. Quelques points seulement peuvent être proposés, avec une extrême réserve.
1° Les Hébreux ne possédèrent ni système, ni pratique musicale qui leur appartînt en propre. Ils eurent moins à prêter à leurs voisins qu’à recevoir d’eux. La musique fut en Palestine ce qu’elle était dans le reste de l’Orient. Quoi qu’il en soit, la pratique musicale de l’ancienne Asie semble n’offrir aucune prise à la recherche historique ; les Sémites ne nous ont pas légué, en effet, comme l’ont fait plus tard les Grecs, de documents authentiques, fragments musicaux ou traités théoriques. La tradition orale est trop incertaine à pareille distance de temps, et il ne nous reste, à défaut de bases plus solides, que les hypothèses des théoriciens.
2° L’art musical proprement dit débuta par la culture des instruments à cordes. Ce fait est exprimé dans la légende antique, par le mythe de la lyre de Mercure. L’accord des instruments anciens donnait différentes échelles tpflales, limitées à quatre ou cinq termes. A. Gevaërt, Histoire et théorie de la musique dans l’antiquité, t. i, Gand, 1875, p. 3-5. Avant l’invasion en Syrie de la musique arabe, la tonalité était purement diatonique. Mais les instruments à cordes conservés de l’antiquité ne peuvent, dans l’état où ils se retrouvent, fournir de résultat sur la nature de ces systèmes. Les flûtes et hautbois égyptiens ont permis à V. Loret de reconstituer des tonalités ; voir Les flûtes égyptiennes antiques, dans le Journal asiatique, 1889, t. xjv, p. Ut, dont la valeur est de beaucoup réduite si l’on considère que ces instruments étaient construits avec si peu de
précision que, sur quarante modèles étudiés, il n’y en a pas deux qui offrent des résultats identiques. V. Loret, L’Egypte au temps des Pharaons, Paris, 1889, p. 165, 166. D’ailleurs les conclusions de l’auteur ne s’étendraient pas au delà de l’Egypte. — Dans l’Asie ancienne, l’Inde était en possession d’une échelle tonale, qui représentait à peu près celle des physiciens modernes. Voir J. Weber, La musique ancienne des Hindous, dans le journal Le Temps, 10 juin 1880. Les tonalités arabes qui possèdent d’autres intervalles, dus à des altérations, n’apparurent en Syrie qu’à la suite de la conquête musulmane. Voir Land, Recherches sur l’histoire de la gamme mrabe, Leyde, 1894, p. 63, 65 ; Carra de Vaux, Le traité des rapports musicavx de Safi-eddin, dans le Journal asiatique, 1892, p. 279. Aussi est-ce la tonalité diatonique, partie constituante des systèmes musicaux de l’ancienne Asie, qui doit se retrouver à l’origine de la musique hébraïque, avec cette première différence, toutefois, constatée par l’étude des échelles employées de nos jours en Asie, que la tierce majeure est sensiblement plus basse que le troisième degré de notre gamme. Voir J. Parisot, Musique orientale (extrait de la Tribune de Saint-Gervais), Paris, 1878, p. 13, 14 ; Essai sur le chant liturgique des Églises orientales, dans la Revue de l’Orient chrétien, juillet 1898, p. 226 ; Rapport sur une mission scientifique en Turquie et en Syrie, dans les Nouvelles archives des Missions scientifiques et littéraires, Paris, 1902, t. x, p. 169, 172.
3° Dans les systèmes orientaux, chacune des notes de l’échelle est apte à servir de note finale. Ce procédé produit des modes variés, dont le plus grand nombre sont des modes mineurs ; d’où le caractère doux et mélancolique de cette musique.
4° La reconstitution des mélodies serait hors de notre portée. La tradition ou la routine a pu les conserver dans une certaine mesure ; mais la musique, comme l’architecture et le langage lui-même, s’altéra avec le temps : nous n’en voulons que cet indice de l’introduction de la musique grecque dans l’antique Orient et peut-être des modes grecs dans les titres des Psaumes. Voir Ayelet, t. i, col. 1296. Il nous faudrait en outre connaître le système rythmique des textes, sur lesquels se formait la mélodie. La tradition syrienne nous présente des successions de pieds toniques où les syllabes atones alternant avec les syllabes accentuées, donnent
des mesures régulières à deux temps : 2 m I * J I *> où encore, la note forte étant doublée de valeur, le
rythme devient ternaire : 3 a J | a é ; 3 J I a J | O ; enfin, le même procédé peut servir à varier davantage ces rythmes. Voir J. Parisot, Essai d’application de mélodies orientales, dans la Tribune de Saint-Gervais, septembre 1900, p. 292.
5° Un autre procédé oriental, applicable peut-être à la musique hébraïque, consiste à donner sous la dernière syllabe du vers une modulation finale, composée de plusieurs notes. C’est dans ce sens que plusieurs auteurs anciens semblent interpréter le diapsalma des Psaumes. Voir Vincent, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. xvi, 1847, p. 218, note O. Voir Sélah.
6° Nous pouvons encore distinguer, par le rapprochement de la musique traditionnelle des Orientaux, deux sortes de chants dans la musique hébraïque : le récitatif et le chant orné. Le récitatif s’est conservé dans la lecture modulée, avec accents et cadences, qui se fait dans les synagogues. Fort antique dans son origine, il a son analogue dans la récitation du Coran dans les mosquées, et mieux encore dans les lectures des églises de tous rites en Orient. C’est le développement de ce récitatif qui a produit les chants ornés, appliqués aux textes en vers. Le chantre oriental scande et mesure les vers, auxquels il donne en même temps la mélodie ;
celle-ci, d’abord courte et irrégulière, est amenée à l’unité par son application au texte rythmé, pour se développer ensuite plus richement. Les vers forment les strophes, qui se répètent semblables, et auxquelles l’assistance répond par l’acclamation ou le retrain. Ps. cxxxvi ; Dan., iii, 57-88. Voir M. Grûnwald, Ueber der Einfluss Psalmen auf die Entstehung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890. Voir Refrain.
V. Instrumentation. — Nous devons juger de la musique instrumentale des Hébreux par celle des Égyptiens, des Assyriens, et, pour la dernière époque, par celle des Grecs. L’archéologie nous permet de substituer des conclusions satisfaisantes à beaucoup des données incertaines que l’on possédait autrefois.
L’antiquité orientale a connu trois catégories d’instruments : celles des instruments à cordes, pincées ou frappées, des instruments à vent, et des instruments de percussion. L’archet, qui prit origine dans l’Inde, ne pénétra dans l’Asie occidentale qu’à une époque tardive. Les Hébreux ne paraissent pas en avoir fait usage, et les monuments égyptiens ou assyriens n’en donnent pas de représentation. L’Écriture contient des instruments de chacune des trois classes indiquées ;
1° Instruments à cordes. —Les instruments à cordes, usités chez les Hébreux, furent tous de la famille des harpes. Ils se distinguaient par leur forme, leur étendue et leur mode de maniement, obtenant ainsi des noms différents. — 1. Le premier mentionné est le kinnôr. Gen., iv, 21 ; xxxr, 27. On l’assimile au trigone égyptien. Voir Harpe, t. iii, col. 435. Mais le nom hébreu a pu s’appliquer à plusieurs variétés de harpes. — 2. À l’époque des rois apparaît le nébél. I Reg., vi, 5 ; x, 15 ; Ps. lvii, 9 ; Is., v, 12 ; Amos, v, 23. En hébreu, bzi, nébél, signifie « outre », ce qui permet de se figurer
cet instrument comme pourvu d’une partie rebondie, formant corps de résonance. Voir Nable. C’était en tous cas un instrument distinct du kinnôr. Voir I Reg., x, 5 ; Ps. xxxiii, 2 ; lvii, 9 ; II Esd., XII, 27. —3. L’Écriture mentionne aussi le nable à dix cordes, (nébél)’âsor. Ps. xxxiii, 2 ; cxliv, 9 ; xcii, 4. Ce peut être aussi une harpe à huit cordes que désigne le terme de seminip. I Par., xv, 20 ; Ps. vi, 1 ; xii, 1. Voir.Harpe, t. iii, col. 438. Les progrès successifs caractérisés par la disposition nouvelle des instruments et par l’augmentation du nombre des cordes firent époque dans les traditions musicales des anciens. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir ces instruments perfectionnés mentionnés à leur apparition par les écrivains bibliques. — 4. Nous ne savons quelles dénominations les auteurs hébreux donnèrent aux instruments à manche du type de la guitare, du luth ou de la mandoline. Voir Édut, t. ii, col. 1598. Ces instruments étaient en usage chez les Égyptiens, et les Hébreux les connurent sans doute, de même que les instruments gcecs, à une époque postérieure. Voir. Luth, col. 430, et Lyre, col. 450. Ils se retrouvent dans le texte chaldéen de Daniel, sous leurs noms grecs. Ce sont la iabbekâ’, ou sabbekd’, Dan., iii, 5-15, aay.ëir i, autrement appelée « lyre phénicienne », Athénée, iv, 23 (voir Ducange, au mot Sambuca), qui donnait des sons très aigus ; pesantêrin, le vJ/aXtripiov (voir Psaltérion) ; la qîterôs, ou cithare, qui différait de la lyre principalement par la disposition et la matière de la boite sonore. Voir A. Gevaërt, Histoire et théorie de la musique dans l’antiquité, G and, 1881, ii, p.250 ; Guhl et Kohner, La vie antique, t. i : La Grèce, Paris, 1884, p. 290, 291. On trouve des représentations de la cithare ou de la lyre sur les monnaies juives du premier siècle de notre ère. Originaires de l’Asie, perfectionnés par les Grecs, ces instruments retournaient à leur premier berceau, à la suite des conquêtes de la civilisation hellène. Voir Vigouroux, ’Lo Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. v, p. 319. — 5. Les cordes s’appelaient minnim. Voir 1353
MUSIQUE DES’HÉBREUX
1354
ci-dessus. Elles étaient faites non de métal, mais de boyaux d’animaux. On les touchait avec la raain^I Reg. xvi, 23. Voir Sap., xix, 17 ; plus tard on connut le plec tre. Voir Plectre.
2° Instruments à vent. — Ceux-ci appartiennent à deux classes, celle des trompettes et celle des ilûtes. Ce dernier nom comprenait chez les anciens la famille des ilûtes proprement dites et celle des hautbois. VoirFLUTE, t. ii, col. 2291. — l.Les cornes d’animaux durent servir très anciennement à faire des trompettes ; d’où le nom de qérén, « corne, » donné à cet instrument. Jos„ vi, 4, 5. Il semble que le Sôfdr fût synonyme du qérén, ou du moins lui ressemblât par sa forme. Voir Trompette, tlORNE, t. ii, col. 1011. Ifasôserah, Num., x, 2, était une autre sorte de trompette en métal, analogue aux trompettes égyptiennes, droite ou recourbée, et évasée en forme de pavillon. — 2. Les flûtes et hautbois sontappelés hâlîl, I Reg., x, 5 ; nelyilôf, Ps. v, 1 ; ’ûgâb, Gen., iv, 21 ; Job, xxi, 12 ; mais l’exacte détermination de ce dernier nom est encore à faire. Voir Flûte, t. ii, col. 2291. Ce peut être la flûte de Pan, l’instrument des bergers,
donne à conclure que les harpistes et flûtistes devaient jouer à notes rapides. Les premiers sont représentés dans l’atlitude nécessaire au jeu fatigant des muscles, voir Harpe, t. iii, col. 439 ; les doigts étendus pour l’exécution de passages rapides et de notes répétées. Les flûtistes soutiennent leur instrument à l’aide du pouce, les quatre autres doigts de chaque main restant libres pour ouvrir et boucher rapidement les trous. Ces procédés ont persévéré jusqu’à nos jours dans le monde musical oriental. Voir M. Fontanes, Les Egyptes, Paris, 1882, p. 356, 357 ; Salvador Daniel, La musique arabe, Alger, 1879, p. 73. La multiplicité des notes supplée ainsi au manquede puissance des instruments, qtii ne servent pas d’ailleurs à produire d’effets d’harmonie simultanée, caractéristique de la musique occidentale. L’accouplement des instruments, ou « le concert », Eccli., xl, 21, loin de former comme parmi nous une partie intégrante de la musique, ne constituait qu’un accessoire ; les voix d’hommes et les voix de femmes ou d’enfants chantaient à l’unisson ou à l’octave ; les instruments suivaient à peu près les voix pour les guider ou les soutenir, ou pour
382. — Musiciens de Suse, du temps d’Assurbanipal. Koyoundjik. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 48-49.
ou la syrinx ou sifflet, comme l’instrument appelé mairôqitâ, dans Daniel, iii, 5, et, d’après quelquesruns, serîkôt, dans Juges ; mais ce dernier mot signifie simplement « sifflement ». $umpôniâh, Dan., iii, 5, etsimpônidh. Dan., iii, 10, serait la cornemuse ou musette des
J, %
arabes modernes, J^Svl, qui est encore appelée sam bônyâ, dans les dialectes syriaques vulgaires. Le terme grec de o-uy-cpam’a, dans Luc, xv, 25, aurait peut-être le sens de « concert », réunion de voix et d’instruments.
3° Instruments de percussion. — Cette catégorie appartient à l’antiquité la plus reculée et se trouve dans les civilisations les plus rudimentaires, comme accompagnement obligé de la danse rythmée. — 1. L’Écriture mentionne le tambourin, tôf, dont le nom, en arabe,
9
jjp, comprend diverses variétés de tambours ou tambourins légers, montés en bois en terre ou en métal (timbales).
— 2. Les cymbales, selselîm, II Reg., VI, 5, et mesilfâïm, cymbales doubles, I Par., xiii, 8 ; les castagnettes, dont le nom sémitique n’est pas certain ; les sonnettes ou grelots, pa’âmon, que la Bible ne présente pas toutefois comme employées en guise d’instrument musical, Exod., xxviii, 33 ; les sonnailles ou lamettes de métal, mëfillôt, servant d’ornement, Zach., xiv, 20 ; le sistre, mena’naîm, ll Reg., vi, 5 ; puis un autre instrument, qui reste indéterminé, sâlii, I Reg., xviii, 6, sont les différents types de cette catégorie. Voir Clochettes, t. ii, col. 807. VI. Exécution musicale. — L’exécution musicale était fort différente de celle à laquelle notre éducation nous habitue. À la vérité, l’inspection des monuments
marquer le rythme ; tout au plus pratiquait-on un contre-chant ou des ornements mélodiques, analogues au procédé en usage en Grèce au vu 8 siècle avant notre ère, et que les Arabes modernes exécutent, sans autre règle que celle de la fantaisie ou de la routine. Cette pratique, connue aussi des « chanteurs de luth » du xve siècle, semble avoir été celle des musiciens populaires, à toutes les époques.
C’est précisément parce que les instruments ainsi accouplés ne produisaient pas d’effets polyphoniques, que les Asiatiques, à Jérusalem comme à Babylone, en réunissaient un si grand nombre dans chaque catégorie. Leurs associations d’instruments comprenaient indifféremment tous les types ensemble (fig. 382 ; voir la suite de ce bas^ relieꝟ. 1. 1, fig. 192, col. 555) ou plusieurs d’entre eux, groupés sans préférence. Nous trouvons, en effet, les nables, les flûtes, les tambourins et les kinnors, I Reg., x, 5 ; Job, xxxt, 12 ; nables, tambourins, cymbales, trompettes, I Par., xiii, 8 ; nables, kinnors et cymbales, I Par., xv, 16 ; nables, kinnors et trompettes, II Par., xx, 28 ; cornes et trompettes, I Par., xx, 28 ; flûtes et tambourins accompagnant la danse, Judith, iii, 10 (Vulgate) ; flûte et voix, III Reg., i, 40 ; flûte et psaltérion, Eccli., XL, 21 ; mais le concert de ces deux derniers instruments est ici d’influence gréco-alexandrine. Il importe toutefois de constater que les flûtistes quoiqu’on les troue partout chez les anciens (fig. 383), manquent dans les nomenclatures des musiciens au service du Temple. I Par., xxv. Voir Flûte, t. ii, col. 2295.
De ces observations nous devons conclure que les Sémites n’élevèrent pas la musique, comme le firent les
Égyptiens, précurseurs des Grecs, au rang des sciences sacrées. Les Sémites la développèrent dans un sens moins austère. Nous en avons la preuve quand nous voyons, sous la xviiie dynastie, l’influence asiatique prédominer aux bords du Nil, et changer en l’amollissant le caractère de la musique égyptienne. Nous ne savons si les vices d’exécution de la musique orientale actuelle proviennent de l’influence arabe, ou s’ils existaient plus anciennement. Au dire de Clément d’Alexandrie, les chants hébreux étaient réguliers et harmonieusement cadencés, les mélodies simples et graves : â(j.[ie).T|ç eûXofla. yi.a awppcdv… aùuTiipà -/.ai <ruippcûvtxa (liVri » Bsedag.,
383. — Musiciens étrusques. Tombeau étrusque. D’après H. Lavoix, Histoire de la musique, p. 59.
II, iv, Venise, 1750, p. 194, 195 ; comme cellesdes temples égyptiens. L’exécution du chant était cependant bruyante dans certaines solennités extérieures. L’enthousiasme faisait élever la voix, et l’on chantait très fort, beqôl gâdôl, lema’àlâh, en élevant [le son]. II Par., xx, 19 ; I Par., xv, 16. Voir Chanteurs du Temple, t. ii, col. 557, Les Orientaux aiment les instruments bruyants et les notes hautes. Tandis que notre goût musical applique ordinairement à l’expression de la douleur des mélodies de teinte morne, conçues dans un diapason grave, les Orientaux emploient ici des variétés élevées des modes majeurs. Leurs plaintes s’exhalent en sons aigus. Cette tradition musicale a passé dans le répertoire ecclésiastique ancien de l’Occident. Il en est de même dans les chants populaires de nos provinces. Voir J. Parisot, Essai sur les tonalités, dans la Tribuns de Saint-Gervais, Paris, 1898, p. 196.
Lorsque la musique grecque étendit son prestige en Syrie, les Juifs l’accueillirent. Le chant et l’accompagnement instrumental devinrent unart noble. Eccli., XLiv, 5 ; xxxv, 3. La musique entra tout à fait dans les mœurs, et les Juifs. s’y adonnèrent avec succès. Si l’on voulait retrouver des vestiges de l’ancienne musique juive, c’est moins dans les synagogues européennes, où les traditions musicales se sont depuis longtemps altérées ou perdues, voir E.David, La musique chez les Juifs, dans les Archives israélites, Paris, 1873, p. 54 ; que dans les communautés orientales, qu’il faudrait opérer des recherches. Celles-ci, en effet, se prévalent d’un particulier attachement à leurs usages liturgiques, et quelques-unes ont joui jusqu’à nos jours d’une existence ininterrompue.
On nous saura gré de transcrire ici quelques mélodies israélites, recueillies à la synagogue de Damas, dont l’existence n’a jamais été interrompue, et dont les traditions rituelles et musicales peuvent remonter à une haute antiquité. Ce sont quatre récitatifs ou formules de lecture modulée, dont la parenté avec lès anciens chants chrétiens est remarquable ; deux chants ornés non strophiques, puis deux spécimens d’hymnes. Ces
airs nous semblent représenter mieux que les chants israélites occidentaux, l’art judéo-oriental dont nous avons cherché à étudier le caractère. Voir J. Parisot, Récitatifs israélites et chants de synagogue, dans les Nouvelles archives des Missions scientifiques, t. X, 1902, p. 174, 178-202.
RÉCITATIFS LITURGIQUES
I. job, iii, 1-4
M. J — 132. Lent.
1.’A-hâ-rê-kên pâ-talj, ’i-yôb’et pî-hû : va ye-qal-lêl’e{ yô-mô. 2. Vay-ya-’an’i - yô - b :
=f=^±J- ^=^ ^^^f
vay-yô - mar : 3. Yô-bad yôm iv-vâ-léd bô, vehal laye-lâh â-mar - - hô-râh gâ - bér. 4. Hay =â yôm ha-hû M. J = 126.
^ÊPEiEfe^p^
— ye-hî hô - ëék…. 2 : CANTIQUE, I, 1-3
Sîr ha8-sî-ri - - m’â-sér li Sal-ômôh.
IS-â-qê-nl minne-Sî-qôt pî-hû ; ki tô-bim dô dé - - kâ mîy-yâ - - in. le-rê - ah
ma-né - kâ tô-bîm : Sé-mén {û-râq së-mé kâ’al kê
n *â-lâmôf’a-hê-bû
kâ. 4. MoS-qê-nî’a-hâ-ré-kâ nâ-rû-sâh : hé-bî-’a-ni
hammé-lék hâ-dâ-râ v nâ-gî-lâh vc-niâ
^l||g
œe-bâh bâ - k..
1357
MUSIQUE DES HÉBREUX
4358
3. LAMENTATIONS, I, 1-4
Cette mélodie est spéciale aux synagogues de Damas. M. 120 = J
1.’Ê-kâ yâ-Se-bàh bâ-dâ d : hâ-’îr rab-bâ - ti
"âm : hâ-ye-Jâh ke-’almânâh : rabbâ-ti bag-gô-îm.
la - m-mé - da
Sa-râ - tî bamme-dî-nôt hâ-ye-}âh lâ-mas.
2. Bâ-kô tib-kêh bal-layelah : ve-dim-’â-tâh
m
JE ^^CTQ EgEEEiE
1=11111’al lè-hë-yâh : ’en lâh me-na-hêm mikkol’ô - hà gJTi^g ^ Q
bé-âh : kbl rê -’é - âh bâgdû bâh : hâyû lâh
le -’ô - yebîm. 3. Gâ-le-tâh yehû-dâh mê’ô - nî
umê - rôb’â-bô-dâh : hîh y â-Se - bâh bag-gô îm : là’màse-’âh nia - nô-ah : kolrod-fé-hâ his g5 =§E^EEg§ p^ SEE^§pp3g :
êî-gû-hâ : bên hamme-çà-rîm. 4. Dârkê - si-yô-n’â-bè-lôt : mibbë-lî bâ-’ê mô’èd : kol Se-âre - hâ
sô-mêmîn : kohnê-hâ né-’ë-nâ-hîm. 4. PIRKÉ ABOT. N. I.
M, 112. = J Lent.
fe^EjEÉ^^P
Ben zô- ma
Largement.
ballômêd mî. k. kûl
his - ka
1 - ti
si - hâ
ê-zê - hû gi-b-bô - - (o)r ha ^^^S^
kkôbê - S é - t i - s-rô…
CHANTS ORNÉS
5. DE L’OFFICE DE LA PENTECOTE (Fragment)
M.J=122. p.
[yarad] dôdî le-gan-nô
la’a-rû-ga - t ralîenî.
p &Q/ J ^
6. DE L’OFFICE DE KIPPUR
(Dicté par TawfiH Sasson, de Damas) M.J = 80. p.
Sê - ma* qô - li
WË’â-êer
i - se - ma’be - qô
Q.ꝟ. 1 4 ^~ n ^ ^m7)Zm ^
lô - t… ve - ni - lia - ô - t ve-ha
no - râ’a - lî
mÊsm
là - t.
CHANTS STROPHIQUES
7. HYMNE DE L’OFFICE QUOTIDIEN DU MATIN’À-dôn’ô - lâ-m’a - Ser ma - lak bè-té-rém
g^ÉÉ
kol ye - §ir ni-be - râh (1).
(1) Les accents mélodiques ee trouvent placés sur clos eemi-voyellps. A co point de vue, l’application est fautive-, mais la mélodie tout archaïqMe prime ici le tente.
8. HYMNE DE L’OFFICE DE ROS HASANA
M. # = 8
ï
HE
éô - êf ke âf le 2 ^H _i u ^^P
mo yad
<ë - bê rab - bô
^^^^m^Êrn
yi - se has-da-k
im^^^E^^ï
V û-qera’Se - Jar’D.C.
rô - bô.
VII. Bibliographie. — J. Brown, Musical instruments and their homes, NewYork, 1888 ; Burette, Dis sertation sur la symphonie des anciens, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 1762, t. iv ; Dissertation sur la mélopée de l’ancienne musique, dans les Mémoires de l’Académie, t. v ; T. K. Cheyneet J. Sutherland, Encyclopœdia biblica, Londres, 1902, t. iii, col. 2325-2344 ; F. L. Cohen, Rise and developement of synagogue music. Anglojewish kistorical exhibition, Londres, 1888 ; F. Consolo, Libro dei Canti d’Isræle, Florence, 1892 ; F. Salvador Daniel, La musique arabe, Alger, 1879 ; Ernest David, La, musique chez les Juifs, Essai de critique et d’histoire, extrait des Archives israélites, Paris, 1873 ; Frz. Delitzsch, Physiologie und Musik in ihrer Sedeutung, besonders die Hebraîsche, Leipzig, 1868 ; C. Engel, Music of the most ancient nations, Londres, 1864 ; Fétis, Histoire générale de la musique, Paris, 1869 ; F.-A. Gevaêrt, Histoire et théorie de la musique dans l’antiquité, Gand, 1875-1881 ; M. Griinwald, débetder Einfluss der Psalmen attf die Entslehung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890 ; J.-P. Land, Recherches sur l’histoire de la gamme arabe, Leyde, 1894 ; A. Jacquot, Dictionnaire des instruments de musique, Paris, 1886 ; H. Lavoiï, Histoire de la musique, Paris, 1886 ; J. Levin Saalschûtz, Geschichte und Wûrdigung der Musik bei den Hebrâern, Berlin, 1829 ; J. MacClintock
and J. Strong, Cyclopœdia of Biblicdl Literature, NewYork, 1890, t. vi, p. 751-763 ; S. Naumbourg, Recueil de chants religieux et populaires des Israélites, précédés d’une étude historique, Paris, 1874 ; Pfeiffer, Musik der Hebraâer, Erlangen, 1779 ; J.-B. Pitra, Hymnographie de l’Église grecque, Rome, 1867 ; Id., Analecta novissima) spicilegio Solesmensi parafa, t. ï, Paris, 1876 ; De Sola, The ancient mélodies of the Spanish and Portuguese Jews (Londres), 1857 ; F, Vigouroux, La Rible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iv, p. 305-322 ; Id., Les instruments de musique de la Rible, extrait du Bessarione, Rome, 1903, et Bible Polyglotte, t. iv, p. 631-656 ; Villotteau, Recherches sur l’analogie de la musique avec les arts, Paris, 1807 ; Id., De l’état actuel de l’art musical en Egypte, dans la Description de l’Egypte publiépar ordre du gouvernement français, t. xiv, Paris, 1807 ; A. S. H. Vincent, Notices sur divers manuscrits grecs relatifs à la musique, dans les Notices et extraits de manuscrits de la Bibliothèque du Roi, t. xvi, Paris, 1847 ; J. Weiss, Die musikalischen Instrumente in den heiligen Schriften, Grâtz. 1895. J. Parisot.
- MUSITES##
MUSITES (hébreu : ham-MûSî : Septante : ô Mo-jot, Vulgate : Mttsitae), branche lévitique des Mérarites descendant de Musi. Num., iii, 33. Les Musites sont aussi nommés, Num., xxvi, 58, mais en cet endroit la Vulgate a traduit ham-MûH par familia Musi, au lieu de Musitse.
- MUSSO Corneille##
MUSSO Corneille, commentateur italien, né à Plaisance, de la noble famille de ce nom, en 1510, mort le 10 janvier 1574. Dès l’âge de douze ans, il donna, en plusieurs villes d’Italie, des prédications qui ravissaient les foules, attirées par la curiosité d’entendre prêcher un enfant. Entré dans l’ordre des mineurs conventuels il y brilla par des vertus, des talents et des services qui le firent élever à l’évêché de Bitonte, dans la Pouille. Les cardinaux Cantareno et Bembo disaient voir en lui moins un orateur et un savant qu’un ange de Dieu, et le cardinal Frédéric Borromée a fait de lui un grand éloge dans son livre sur les orateurs sacrés de son temps. Corneille Musso a produit de nombreux ouvrages, dont quelques-uns d’exégèse, publiés après sa mort : 1° Commentaria in omnes D. Pauli Epistolas, in-4°, Venise, . 1588 ; 2° In Epistolam D. Pauli ad Romanos, in-4°, Venise, 1588 ; 3° In Psalmum cxxis, seu De profundis, Venise, 1588 ; 4° Commentaires sur le Magnificat, probablement en langue italienne, car ils furent traduits en latin par le P. Philippe Bosquier, du même ordre, et imprimés à Cologne, in-f°, 1621. P. Apollinaire.
- MUTILATION##
MUTILATION, blessure portant gravement atteinte à l’intégrité du corps humain.
I. Les lois. — 1° La mutilation était prescrite par la loi comme réparation d’une autre mutilation infligée à quelqu’un au cours d’une dispute. La vieille loi chaldéenne du talion, si formellement consacrée par le code d’Hammurabi, cf. Scheil, Textes élamites-sémitiques, Paris, 1902, art. 194-214, p. 94-99, devait être alors appliquée : œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure, blessure, meurtrissure égalesà celles qui avaient été reçues. Exod., XXI, 22-25. Cette pénalité avait pour but d’empêcher les sévices graves dont une colère inconsidérée eût pu être la cause. Il est vrai que cette mutilation légale ne fut pas toujours appliquée. Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 35, dit que, si lelésé y consentait, on la remplaçait par une indemnité pécuniaire dont ce dernier fixait le taux. Les deux parties trouvaient ordinairement leur compte à cet accommodement. Si, en frappant son esclave, un’maître lui faisait perdre un œil ou une dent, l’esclave avait droit à sa liberté. Exod., xxi, 26, 27. — 2° En dehors des cas
du talion, la loi mosaïque ne prescrit qu’une seule mutilation. Si, au cours d’une rixe entre deux hommes, une femme, même pour défendre son mari, saisit les parties indécentes de l’adversaire, les juges doivent lui couper la main sans aucune pitié, Deut., xxv, 11, 12.
— 3° Ces deux cas exceptés, toute espèce de mutilation était sévèrement interdite, surtout celle qui atteint la génération. Voir Castration, t. ii, col. 343 ; Eunuque, t. ii, col. 2045. Celui qui avait subi une mutilation de cette espèce ne pouvait faire partie du peuple d’Israël. Deut., xxiii, 1. — 4° Certaines mutilations rendaient impropre au sacerdoce. La loi excluait le harûm et le sârû’a. Le premier mot signifie le « fendu » et le second 1’ « allongé ». Les Septante rapportent ces qualificatifs l’un au nez, l’autre à l’oreille, et la Vulgate tous les deux au nez.Xev., xxi, 18. Il est probable que ces deux qualificatifs ne doivent pas être ainsi spécialisés et qu’il faut traduire simplement : le « mutilé » et le » monstrueux », celui qui a quelque membre coupé, et celui qui a un membre développé anormalement. Cf. Rosenmûller, In Levit., Leipzig, 1798, p. 123 ; de Hummelauer, In Exod. et Lev., Paris, 1897, p. 505. Le rituel babylonien exclut également du service des dieux celui qui n’est pas accompli dans sa forme et dans ses proportions, qui est louche, édenté, a un doigt coupé, etc. Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 235. — 5° Notre-Seigneur abolit la loi du talion ; il n’est donc plus permis de mutiler celui par qui on l’a été soi-même. Matth., v, 38, 39. La peine du talion ne devait être appliquée que par les juges, mais les rabbins en avaient étendu le droit aux particuliers. Quand le Sauveur ajoute qu’il faut s’arracher l’œil, se couper la main ou le pied qui portent au mal, Matth., v, 29, 30 ; xviii, 8, 9 ; Marc, ix, 46, il ne veut pas parler de mutilations corporelles. Il fait entendre seulement que, pour éviter le péché grave, son disciple doit être prêt à sacrifier même les choses qui lui sont les plus agréables ou les plus utiles. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 224.
II. Les faits. — Il est assez souvent, question de mutilations dans la Sainte Écriture. — 1° La tête coupée ne constitue pas une mutilation strictement dite, puisque la mort s’ensuit instantanément. Voir Tête. — 2° D’autres mutilations laissent l’homme vivant. Telles sont celles de la langue, H Mach., vii, 4, voir Langue, col. 73 ; de l’oreille, Matth., xxvi, 51 ; Marc, xiv, 47 ; Luc, xxii, 50 ; Joa.. xviii, 10 ; du nez, Ezech., xxiii, 25 ; la perforation des yeux, IV Reg., xxv, 7 ; la section de l’épaule, II Mach., XII, 35 ; celle des mains et des pieds, Il Mach., vil, 4 ; xv, 30, 32 ; celle des doigts, Jud., i, 6, 7 ; les incisions diverses, voir Incision, t. iii, col. 868, etc.
H Lesêtre
- MUTINENSIS##
MUTINENSIS (CODEX). - Manuscrit oncial des Actes, du ix o siècle, conservé à Modène, Biblioth. d’Esté, II. G. 3. Manquent : Act., i, 1-v, 28 ; ix, 39-x, 19 ; xiii, 36-xiv, 3 ; xxvii, 4-xxviu, 31. La dernière lacune est suppléée par une main du Xe siècle, les autres par une écriture carsive. Ce même codex contient les Épîtres catholiques et celles de saint Paul en cursive du xii" siècle. Le manuscrit, d’importance secondaire, a été collationné par Scholz ; puis, avec plus de soin, par Tischendorf en 1843 et par Tregelles en 1846. On désigne la partie onciale par la lettre H, plus exactement H lct. La partie cursive porte le n. 112 pour les Épîtres catholiques et le n. 179 pour saint Paul. Von Soden désigne tout le codex par le sigle a 6. F. Prat.
- MYNDE##
MYNDE ( grec : M-JvSo ; ; latin : Myndus), petite ville maritime de la province de Carie, siiuée entre Milet et Halicarnasse (fig. 384). Mynde est citée dans I Mach., xv, 23, parmi les villes auxquelles fut envoyée la lettre du consul Lncius en faveur des Juifs. Le port de Mynde est mentionné par Slrabon, XIV, ii, 28. Hérodote, v, 33,
parle de ses navires. Mynde était protégée par de fortes murailles, qui lui permirent de résister à Alexandre le Grand, Arrien, Anab., i, 21. Diogène Lærte, vi, 2, 57, cite un mot de Diogène le Cynique, qui comparant la grandeur des portes à la petitesse de la ville, disait :
384. — Monnaie de Mynde.
Tête de Zeus, à droite. — 1$. MTNilOH 4HM0*2K. La coiffure d’Isis. Foudre. i. « Habitants de Mynde, fermes vos portes ponr que votre cité ne se sauve pas. » Le territoire de Mynde contenait des mines d’argent dont le commerce avait attiré une colonie juive. Les ruines qui sont à Gumishlu, entre autres celles d’un ancien port, sont probablement celles de Mynde. Cf. Col. Leake, Journal of a tour in Asia Minor, in-8°, Londres, 1824, p. 228 ; Paton, dans le Journal of Hellenic Sludies, 1887, p. 66 ; 1896, p. 204.
E. Beurijer.
MYRE (grec : MOpa), ville de Lycie (fig. 385). Le nom de Myra ne se trouve pas dans la Vulgate, mais il se rencontre dans le texte grec reçu des Actes, xxvii, 5. Dans son voyage de Césarée à Rome, saint Paul, après avoir traversé la mer de Cilicie et de Pamphylie, parvint à Myre en Lycie. La Vulgate a remplacé Myre par Lystre, nom qui se trouve dans le Sinaiticus, dans VAlexandrinus et dans le Codex Gigas. Voir Lystre, col. 464,
385. — Monnaie de Myre.
MTP(EQN). Buste d’Artémis Éleuthère, voilée, de face.
i$. Victoire debout, à droite, tenant une couronne.
On trouve aussi le nom de Myre à côté de celui de Patare, autre ville de Lycie, dans le Codex Bezse, dans le Gigas et dans l’ancienne version égyptienne. Act, . xxi, 1. C’est dans son voyage de Macédoine à Jérusalem par Troade, Assos, Mitylène, Chio, Samos, Milet, Cos, Rhodes, Cypre et Tyr, que saint Paul serait passé par Patare et Myra. Le nom de Myra se présente sous la double forme du singulier féminin et du pluriel neutre, mais cette dernière forme est la plus usuelle. Corpus inscript, grsec., n. 4288 ; Ptolemée, VIII, xvii, 23. Au temps de saint Paul, Myre était une ville maritime de peu d’importance. Elle ne le devint guère que sous le Bas-Empire. Saint Nicolas, évêque de Myre sous Constantin, était né à Patare. Myre est située à 4 kilomètres environ de la iner, sur une colline, près d’une rivière navigable qui se termine par un excellent port nommé Andrise. Appien, Bell, civil., iv, 82 ; Strabon, XIV, iii, 7. Voir Lycie, col. 440. Voir Ch. Fellows, Discoveries in Lycia, in-8°, Londres, 1841, p. 169 ; Spratt and Forbes, Trayels in Lycia, in-8°, Londres, 1847, t. i, p. 131 ; Ch. Texier, Asie Mineure, in-8°, Paris, 1862, p. 691-694 ; Id, , Description de l’Asie Mineure, 3 in-f », Paris, 1839-1849 (vingt planches, 212-231, des ruines de Myre qui comptent parmi les plus belles de l’Asie Mineure) ; O. Benndorf et G. Niemann, Reisenin Lykien, in-f », Vienne, 1884 ; Tomaschek, Bistorische Topographie von Kleinasien im Mittelalter, dans les Sitzungsberichte der Wiener Akadeniie der Wissenschaften, 1891 ; W. Ramsay, St. Paul, the traveller and the roman citizen, in-8°, Londres, 1895, p. 297-300, 319.
EBecrlier.
1363
MYRRHE
1364
- MYRRHE##
MYRRHE (hébreu : môr ; Septante : qu.13pva ; Vulgate : myrrha), espèce de gomme résine odorante.
I. Description. — Comme le baume de la Mecque, la myrrhe est sécrétée spontanément ou après excision, sous forme d’un liquide visqueux et d’une odeur agréable par un arbrisseau du genre Balsamodendron. Elle en diffère par la faible proportion d’huile essentielle et par la prédominance d’une matière gommeuse. C’est donc une gomme-résine en concrétions mamelonnées, qui, à l’état sec, prennent une teinte brun foncé ou rougeâtre : la saveur en est acre, et l’odeur fortement balsamique. — L’arbre à myrrhe dans son aspect général reproduit le baumier décrit plus haut, t. i, col. 1519 ; il fait partie de la famille des Burséracées, dont toutes les espèces ont une écorce riche en canaux sécréteurs dans sa région profonde au contact des fibres péricycliques. Appelé d’abord Balsamodendron Myrrha par Nées d’Esenbeck, il a été plus exactement défini par 0. Berg sous le nom de B. Ehrenbergianum, en souvenir du naturaliste, qui le premier le rapporta d’Arabie. — Plusieurs autres Balsamodendron répandus dans la zone tropicale fournissent des gommes-résines, appelées Bdellium d’Afrique ou de l’Inde, très voisines de la myrrhe et souvent mélangées avec elle, mais cette dernière à l’état pur provient exclusivement des régions avoisinant la mer Rouge. F. Hy.
II. Exégèse. — 1o L’identification du môr hébreu avec la myrrhe ne présente aucune difficulté : les Septante rendent toujours ce mot par <ru, ûpva et les Latins par myrrha. Le nom même se retrouve en arabe sous
la forme ^i, morr, qui sans nul doute désigne la myrrhe. Les Grecs emploient aussi le synonyme |iûp(3a, qui comme le latin myrrha a la même origine que le mot hébreu. 0. Celsius, Hierobotanicon, in-8o, Amsterdam, 1748, t. i, p. 520-535.
2o Les parfums ont toujours tenu une grande place dans la vie des orientaux ; or, dans les compositions aromatiques dontils parfumaient leurs habitations, leurs vêtements, et dont ils couvraient leur corps, la myrrhe entrait pour une large part. Aussi les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament qui font allusion à ces usages, mentionnent fréquemment la myrrhe. À la cour d’Assuérus, les femmes pendant six mois se purifiaient avec de l’huile de myrrhe. Esth., ii, 12. On en répandait sur les vêtements, dans les lits :
La myrrhe, l’aloès et la casse s’exhalent de tes vêtements. « st-il dit dans l’épithalame sacré dujPs. xlv (Vulg., xliv), 9.
J’ai parfumé ma couche
De myrrhe, d’aloès et de cinnamome,
dit la courtisane des Proverbes, vii, 17. La myrrhe revient souvent dans le style imagé et symbolique du Cantique des cantiques. Ici, i, 13, c’est l’époux qui pour l’épouse du Cantique est comme un sachet de myrrhe ; là, iii, 1, c’est î’épouse « qui monte du désert »,
Comme une colonne de fumée
Exhalant la myrrhe et l’encens, Tous les aromates du parfumeur.
Plus loin, iy, 14, l’épouse est comparée à un jardin fermé, où l’on trouve la myrrhe et l’aloès et toutes les plantes embaumées, où, iv, 6 ; v, 1, l’époux vient cueillir sa myrrhe et son baume.
De mes mains a coulé la myrrhe,
De mes doigts la myrrhe répandue sur la poignée du verrou,
dit l’épouse v, 5. Au ꝟ. 13, les lèvres de l’époux sont comparées à des lis rouges,
D’où découle la myrrhe la plus pure.
De même au chap. xxiv, 15, de l’Ecclésiastique, la sagesse personnifiée exprime son éloge en ces termes :
Comme une myrrhe choisie, j’ai répandu une odeur suave.
Cette substance précieuse était portée par les marchands d’Orient en Occident, à Rome. Mais à l’époque que décrit l’Apocalypse, xviii, 13, à Rome personne n’achètera plus de myrrhe, d’encens. Elle entrait dans les présents qu’offrent les Orientaux en abordant de grands personnages. Ainsi les mages présentent à l’enfant Jésus de l’or, de l’encens, et de la myrrhe. Matth., Il, 11.
3o La myrrhe employée si fréquemment pour parfumer les vivants servait aussi à embaumer les morts. On en faisait un usage journalier en Egypte : Hérodote, ii, 86, indique la myrrhe parmi les substances aromatiques, dont on remplissait les corps. Le rituel de V embaumement publié par G. Maspero, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxiv, 1er partie, 1883, p. 31, 56, mentionne « les grains de
© II* « => 1 1 1 1 khari, « myrrhe, » venus en profusion du To nouter », t. ii, col. 1727. Des fragments de myrrhe ont été trouvés dans les tombeaux d’Egypte. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., 1892, p. 95. Les Juifs employaient également la myrrhe dans leurs embaumements. Aussi pour l’embaumement de Jésus-Christ, Nicodème avait apporté centlivres d’un mélangede myrrhe et d’aloès. Joa., xix, 39. Voir t. iii, col. 1729.
4o Un parfum si précieux devait naturellement être employé dansée service du culte. Ainsi entrait-il dans ! a composition de l’huile parfumée réservée à l’onction sainte, et qu’il était absolument interdit de reproduire pour les usages profanes. « Prends parmi les meilleurs aromates, est-il dit, Exod., xxx, 23, cinq cents sicles de myrrhe vierge, » im "ia, môr deror, myrrhe vierge ou liquide qui coule d’elle-même de l’arbre et supérieure à la myrrhe résineuse ou sèche qu’on obtient au moyen d’incisions. Mélangée dans l’huile d’olive au cinnamome, à la canne odorante, à la casse, cette myrrhe devait former un parfum composé selon l’art du parfumeur. -La myrrhe entrait de même en Egypte pour une large part dans la composition du fameux parfum sacré, appelé kyphi. V. Loret, Le kyphi, parfum sacré des anciens Égyptiens, dans le Journal asiatique, juillet-août 1887, p. 128, 132.
5o D’après saint Marc, xv, 23, on offrit à Jésus au moment de le crucifier du vin mêlé de myrrhe, i<ru.upvtï (iévov otvov. Selon saint Jérôme, Comm. in Matth., xxvii, 48, t. xxvi, col. 212, suivi par Maldonat, Beelen, Bisping et en général la plupart des exégètes modernes, ce breuvage était donné au condamné à mort pour assoupir ses douleurs. Mais la plupart des Pères pensaient que le vin avait été rendu amer en le mélangeant de myrrhe par la malice et la cruauté des Juifs. Ce sentiment leur paraissait vérifier davantage l’accomplissement de la prophétie du Ps. lxix (Vulgate, lviii), 22.
Pour nourriture, ils me donnent l’herbe amère, Dans ma soif, ils m’abreuvent de vinaigre.
La question est de savoir si c’était la coutume de donner aux condamnés une boisson assoupissante. Ce qui est certain, c’est qu’on ne voit nulle part cette coutume chez les Romains et les Grecs. Sans doute ils aimaient à mêler à leurs vins des herbes aromatisées. « Les vins les plus estimés, dit Pline, H. N., xiv, 15, étaient chez les anciens parfamés avec de la myrrhe, » Voir Boisson, t.i, col. 1842. Ils ne mettaient que la quantité de myrrhe suffisante pour aromatiser les vins, et l’on voit que leur intention n’était pas de faire une boisson assoupissante. Au contraire c’était une coutume juive attestée par les anciens rabbins. « À celui qui va à la mort, dit le Talmud de Babylone, Sanhédrin, 6, 1, tu donneras à boire un grain d’encens dans un verre de viii, afin qu’il perde conscience de lui-même. » D’ajoute que cette boisson était préparée et offerte souvent par les femmes de Jérusalem. Cf. Bamidbar-Rabba, 10, 5,
206, 4. Cette pratique s’autorisait de ce passage des Proverbes, xxxi, 6 :
Donnez des liqueurs fortes à celui qui périt,
Et du vin à celui dont le cœur est rempli d’amertume.
Le savant Maimonide dans son traité In Sanhedr., 13, assure qu’à l’heure de la mort on présentait au condamné des grains d’encens dans une coupe de viii, pour lui enlever la connaissance et l’empêcher de sentir la douleur. J. H. Friedlieb, Archéologie de la Passion, trad. Fr. Martin, in-8°, Paris, 1897, p. 177. Dioscoride, I, 77, attribue ce pouvoir assoupissant à la myrrhe, lorsqu’elle est mélangée en quantité suffisante. « Comme les gommes-résines fétides…, la myrrhe, dit Dechambre, Dict. des sciences médicales, est antispasmodique et calmante ; c’est à l’huile essentielle qu’elle renferme que j’attribue la propriété ontalgique que j’ai souvent constatée dans la myrrhe. » Les soldats, se conformant à cet usage juif, offrirent ce breuvage à Jésus-Christ ; mais l’ayant goûté, Matth., xxvii, 34, il ne voulut point boire, résigné à goûter au contraire toutes les amertumes de cette mort. — Au lieu de myrrhe, saint Matthieu dans le passage parallèle, xxviii, 34, met x a ^> (< ne’: * « ils lui donnèrent à boire du viii, otvov, mêlé de fiel. » Il est vrai que les Septante se servent de ce mot pour désigner des choses amères, comme l’absinthe, le pavot. Le premier Évangéliste marquerait par ce terme un vin mêlé d’amertume, et de la sorte il ne différerait pas sensiblement de saint Marc, qui parle « d’un vin mêlé de myrrhe ». On peut dire aussi avec Hengstenberg, Commentary on the Psalms, in-8°, Edimbourg, 1867, t. II, p. 374, que saint Matthieu, ayant toujours les yeux fixés sur les prophéties de l’Ancien Testament, a voulu rendre l’allusion au Psaume plus sensible en se servant des termes mêmes qu’il trouvait dans la version grecque des Psaumes. Ce rapprochement est plus marqué encore si on lit avec quelques manuscrits grecs et le texte reçu ô’Çoç, « vinaigre, » au lieu de oTvoç, « vin : » « ils îui donnèrent du vinaigre mêlé de fiel. * MaUh., xxvii, 34. Car la version des Septante traduit ainsi le j). 22 du Ps. lxvih :
Ils mettent du fiel dans ma nourriture Et ils m’abreuvent de vinaigre.
6° L’arbre qui produit la myrrhe, le Balsamodendron myrrha de Nées, n’existe pas en Palestine. La myrrhe était un produit importé d’Arabie. C’est le lieu d’origine qu’assignent les anciens, comme Hérodote, iii, 107 ; Dioscoride, 1, 77 ; Théophraste, ix, 4 ; Pline, xii, 33-35 ; Strabon, xvi, iv, 4, 19. Elle venait aussi de la Nubie et des contrées voisines. C’est de la terre de Pouânit, la côte des Somalis, que les Égyptiens tiraient ce produit, G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 250. C’est encore en Arabie, « sur les côtes de l’Afrique orientale que croissent les arbres à myrrhe : on les trouve dans l’Yémen, dans l’Hadramaout et dans le pays des Somalis. » Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, l re partie, dans l’Orient classique, in-8°, 1897, p. 355.
E. Levesque.
- MYRTE##
MYRTE (hébreu : hâdas ; Septante : (jmpmvii ; Vulgate : myrtus, myrtetum), arbrisseau odorant et toujours vert.
I. Description. — Parmi les arbrisseaux qui donnent aux rivages de la Méditerranée leur caractère de région toujours verte, le myrte est le représentant unique d’une famille riche en types variés, répandus dans toute îa zone intertropicale et surtout en Australie. Il n’y croit spontanément que dans les localités les plus chaudes et les mieux abritées, mais de temps immémorial son aire de dispersion a été étendue par la culture, à cause de son parfum pénétrant.
Le Myrtus communis de Linné (fig. 386) peut atteindre
la taille d’un homme : ses rameaux dressés et tomenteux sont tout recouverts de feuilles opposées et sessiles, dont le limbe ovale pointu, entier sur les bords, ponctuéglanduleux, d’un vert brillant plus foncé au-dessus, présente une extrême variété de dimensions et de formes, tantôt plus court et subarrondi, tantôt étroit et presque linéaire. Les fleurs solitaires à l’aisselle des feuilles sont portées par de longs pédoncules filiformes munis de deux bractéoles tout au sommet. Les sépales, coriaces et pointus comme les feuilles, sont largement ovales triangulaires, longuement dépassés par autant de pétales blancs, concaves, et imbriqués dans l’estivation. Les étamines sont nombreuses et libres, blanches à anthères
386. — Myrtus communis.
jaunâtres ; l’ovaire infère, d’abord surmonté d’un long style central et d’un disque quinquelobé, devient à la maturité une baie noire bleuâtre de la grosseur d’un pois, couronnée par le calice persistant. Les 2 ou 3 loges de ce fruit sont remplies de graines osseuses, obliquement réniformes, renfermant un embryon courbé en anneau sans albumen. F. Hy.
II. Exégèse. — Toutes les versions s’accordent pour voir dans hâdas le nom du myrte. Si dans Zach., i, 8, 10, 11, les Septante traduisent par ôpswv, « montagne, » c’est, qu’ils ont lu en ces trois endroits, onnn, héhârvm, « les montagnes, » au lieu de D’DTn, hâdassîm, « les myrtes. » Dans Is., xli, 19, et lv, 13, le syriaque tra duit hâdas) par r-^J, ’oso’, qui est le nom du myrte araméen ndn, ’âsa’. Dans la paraphrase chaldéenne de Jonathan, on a conservé le mot hâdas, comme dans l’hébreu. L’arabe rend le mot hébreu par ^i, ’as, qui est un des noms du myrte, aussi commun que rîhân. Dans l’Arabie du sud on emploie au lieu de’as, v __ y M.^>Â, hadas, identique au nom hébreu. I. Lôw, Aramâische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 50. À la fête des Tabernacles, qui eut lieu au retour de Babylone, Néhé
mie invita les Juifs de Jérusalem à aller chercher sur la montagne des rameaux d’olivier, d’oléaster, de hâdas, « myrte, » de palmier et d’autres arbres touffus, alin de construire des tentes selon l’usage antérieur à l’exil. Dans les descriptions symboliques de l’âge messianique, Isaîe n’oublie pas, à côté des cèdres, des cyprès, des oliviers, de mentionner le myrte au feuillage toujours vert.
Je mettrai dans le désert le cèdre L’acacia, le myrte et l’olivier. Is„ xli, 19.
Au lieu de l’épine s’élèvera le cyprès
Et à la place de la ronce croîtra le myrte. Is., lv, 13.
Dans la vision de Zacharie, i, 8, 10, 11, le prophète voit un ange sous forme humaine, monté sur un cheval roux, qui se tenait entre des myrtes dans un lieu ombragé. Le texte de Néhémie, viii, 15, suppose que le myrte poussait sur les montagnes des environs de Jérusalem. Si par hdliâr, la montagne, il désigne spécialement le mont des Oliviers et non pas le pays montagneux au sudest de Jérusalem, il faut avouer qu’actuellement on ne rencontre plus le myrte sur cette montagne. Mais, dit H. B. Tristram, The natural History of tlie Bible, 8e édit., in-8°, Londres, 1889, p. 366, on le trouve dans beaucoup de vallons autour de Jérusalem, et il est très abondant près de Bethléhem, d’Hébron, et de l’ancienne Debir. Il croît en grande quantité dans la Samarie, et la Galilée. Encore aujourd’hui les Juifs de Jérusalem l’emploient pour la fête des Tabernacles. Cꝟ. 0. Celsius, Hierobotanicon, m-S°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 17-22. — Le nom hébreu d’Esther, ii, 7, était hàdassah, Vulgate, Édissa : il est formé de hâdas et signifie « Myrte ». On a comparé l’assyrien haddsâtu, fiancée, où l’on reconnaît (ladâëu, « myrte, » avec le nom hébreu hàdassah. P. Jensen, Elamilische Eigennamen, dans Wiener Zeitschrift fur die Kunde des Morgenlandes, Vienne, 1892, t. vi, p. 209-212. E. Levesque.
- MYSIE##
MYSIE (grec : Muciia), contrée située au nord-ouest de l’Asie Mineure (fig. 387).
I. Description et histoire de la Mysie. — La Mysie (fig. 388) avait pour limites au nord l’Hellespont et la
S87. — Monnaie de Mysie. kaaïaion KAIpAPA LEBA] CTON. Tête de Claude à droite. — ftl SEBAETOr rjEPrAMHNOl. Auguste debout dans un temple distyle.
Propontide, à l’est les montagnes de l’Olympe qui la séparaient de la Bithynie et de la Phrygie, au sud les monts Temnus qui la séparaient de la Lydie et à l’ouest la mer Egée. Ses limites n’ont cependant jamais été bien fixées, surtout du côté de la Phrygie ; cette incertitude était proverbiale chez les anciens. Strabon, XII, IV, 5 ; viii, 2. La Mysie comprenait ciuq parties : 1° La Petite Mysie, ou Mysie Olympène, appelée aussi Mysie Hellespontiaque, qui comprenait les districts du nord, sur les bords de l’Hellespont et de la Propontide, jusqu’au mont Olympe. Xénophon, Agesil., i, 14 ; Ptolémée, V, ii, 2, 3, 14 ; Strabon, XII, iv, 10. Elle était arrosée par le Rhyndacus. — 2° La Grande Mysie, formant la partie sud de la contrée la plus éloignée de la mer. La principale ville de cette région était Pergame, aussi l’appelait-on Mysie Pergamène. Strabon, XII, viii, 1 ; Ptolémée, V, ii, 5, 14. — 3° La Troade au nord, sur la côte occidentale depuis le promontoire de Sigée jusqu’à la baie d’Adramyttium. — 4°L’Éolide entre les rivières Caicus et Hermus. — 5° La Teuthranie, sur la frontière du sud ainsi appelée du
nom de Teuthras, prince mysien. Strabon, XII, viii, 1 ; XIII, i, 69. — Ces divisions et leurs noms changèrent souvent. Sous les Perses, la Mysie faisait partie de la seconde Satrapie et comprenait seulement la partie située au nord-est. Hérodote, iii, 90. La partie ouest de la côte de l’Hellespont portait le nom de Basse Phrygie et le district situé au sud de celle-ci, le nom de Troade.
La plus grande partie de la Mysie est montagneuse. Elle est traversée par les rameaux du Taurus, l’Ida et le Temnus. La plaine est arrosée par un grand nombre de rivières, la plupart petites et non navigables. On y trouve des lacs assez considérables [et des marais. Le pays était moins fertile que le reste de l’Asie Mineure. Les principales villes de Mysie étaient Assos (voir Assos, t. i, col. 1138) ; Adramyttium ou Adruméte (voir Adrumète, t. i, col. 241) ; Alexandria Troade (voir Troade) ; Pergame (Voir Pergame) et Prusa. Homère, lliad., ii, 858 ; x, 430 ; xiii, 5 ; mentionne les Mysiens. Après la
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388. — Carte de Mysie.
période de la guerre troyenne, ils entrèrent en lutte avec les Phrygiens, puis ils furent compris dans l’empire des Lydiens, avec qui, d’après Hérodote, vii, 74, ils étaient apparentés. Strabon, XII, IV, 6 ; viii, 3. Une autre tradition les fait venir de Thrace’. Strabon, XII, vm, 3. Leur langage était un composé de lydien et de phrygien. Strabon, XII, viii, 4. Les Mysiens suivirent le sort de toutes les nations île l’Asie Mineure. Après avoir fait partie de l’empire lydien, ils passèrent sous la domination des Perses, puis sous celle d’Alexandre et des Séleucides. En 188 avant J.-C, ils furent incorporés au royaume de Pergame, Tite Live, xxxviii, 3739 ; puis en 133 à la province d’Asie, Tite Live, Epitome, L
l, Lix ; Plutarque, n&. Gracc/t., 14 ; Justin, xxxvi, 4. Voir Asie, t. 1, col. 1094.
II. Saint Paul en Mysie. — Saint Paul passa une première fois en Mysie lorsqu’il alla d’Asie en Macédoine. Empêchés par l’Esprit-Saint de prêcher en Asie, l’apôtre et ses compagnons traversèrent la Phrygie et le pays des Galates. Arrivés près de la Mysie, ils se disposaient à entrer en Bithynie, mais l’esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils franchirent alors la Mysie et descendirent à Troade où ils s’embarquèrent pour la Macédoine. Act., xvi, 7-8, 11 ; II Cor., ii, 12. Saint Paul revint de Macédoine par le même chemin. Act., xx, 5, 6. Il y toucha aussi dans son voyage à Rome.Act., xxvii, 2 ; cf. II Tim., lv, 13. — Voir H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. franc, in-8°, Paris, 1887, p. 64-^8.
£. Beurljer.
- MYSTÈRE##
MYSTÈRE (grec : nuircTJpiov ; Vulgate : mysterium), chose secrète ou impossible à comprendre totalement.
— 1° Dans l’Ancien Testament, les versions se servent du mot prjoT^ptov ppur désigner un secret, en hébreu sôd. Prov., xx, 19 ; Judith, ii, 2 ; Eccli., xxii, 27 ; xxvii,
24 ; II Mach., xiir, 21, Elles traduisent aussi par t mystère » le mot râz, qui désigne dans Daniel, ii, 19, 27-29, 47, le secret inconnu et inintelligible du songe de Nabuchodonbsor. — 2° Dans le Nouveau Testament, le mot « mystère » s’applique ordinairement à la vie nouvelle apportée au monde par Jésus-Christ, aux actes divins qui l’établissent, aux vérités qu’elle révèle, aux grâces qu’elle confère et à ses diverses conséquences. Notre-Seigneur appelle « mystères du royaume de Dieu » les vérités qui ne ressortent pas d’elles-mêmes de l’enseignement des paraboles et qui ont besoin d’être spécialement expliquées aux apôtres. Matth., xiii, 11 ; Marc, iv, 11 ; Luc, viii, 10. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1496. Saint Paul désigne par le même nom l’incarnation du Sauveur, les divers actes de sa vie et sa manifestation par la prédication évangélique, Rom., xvi, 25 ; Eph., iii, 4 ; vi, 19 ; Col., i, 26 ; iv, 3 ; la relation qui existe entre le Père et le Christ Jésus, Col., ii, 2 ; l’objet de la foi en général, ITim., iii, 9 ; la résurrection des corps. I Cor., xv, 51, etc. Toutes ces vérités constituent des mystères, dont la connaissance serait inutile sans la charité. 1 Cor., xiii, 2. On ne peut parler de la sagesse de Dieu qu’en mystère, parce qu’elle est infinie. I Cor., Il, 7. L’aveuglement d’Israël, malgré les manifestations qui ont accompagné l’incarnation du Fils de Dieu, est aussi un mystère. Rom., xi, 25. Les apôtres sont les dispensateurs des mystères de Dieu, en tant que chargés de prêcher les vérités et de communiquer les grâces de l’Évangile. I Cor., iv, 1. À leur ministère s’oppose l’action de Satan, dont toute l’étendue est incompréhensible aux hommes, et qui constitue un « mystère d’iniquité », II Thés., ii, 7. Dans un sens restreint, celui qui se sert du don des langues fait entendre des mystères, c’est-à-dire des choses qu’on ne comprend pas. I Cor., Xiv, 2. Saint Jean dit qu’à la voix du septième ange sera consommé le mystère de Dieu, c’est-à-dire la manifestation de justice et de puissance qui précédera la fin du monde. Apoc, x, 7. Il appelle encore « mystère » le nom de « grande Babylone » écrit sur le front de la femme maudite, parce que ce nom recèle un abîme de dépravation et de honte. Apoc, xvii, 5. Quand l’Église donne le nom de « mystères » soit en vérités révélées qui dépassent la portée de la raison, soit aux actes de la vie du Sauveur, elle ne fait donc que se conformera un usage déjà adopté par les écrivains du Nouveau Testament.
H. Lêsètke.
- MYSTIQUE##
MYSTIQUE (SENS). Les livres inspirés présentent cette particularité que parfois, sous la lettre, se cache un sens plus profond que celui que les mots signifient, une pensée mystérieuse qui révèle un secret dessein de Dieu. Léon XIII, dans l’encyclique Providentissimus Deus, a rappelé en ces termes cette particularité des Livres Saints : Eorum enim verbis, auctore Spirxtu Sancto, res multse subjiciuntur quse humansi vim aciemque rationis longissime vincunt, divina scïlii’.et mysteria et quse cuni Mis continentur alla multa ; idque nonnunquam ampliore quadam et reconditiore sententia, quam eovprimere litlera et hermeneuticœ leges indicare videantur ; alïos prxterea sensus, vel ad dogmata illustranda vel ad commendanda preecepta vitse, ipse litteralis sensus profecto adsciscit. Voir 1. 1, jk xx-xxi. Ce sens, caché sous la lettre, a été appelé sens mystique, parce qu’il renferme et dévoile les secrets mystères de Dieu. Nous en exposerons successivement la nature, les espèces, l’existence, l’étendue et la valeur dogmatique.
I. Nature. — Le sens mystique est le sens que le Saint-Esprit, auteur principal de l’Ecriture, a voulu manifester, non pas immédiatement par les mots qu’employaient les écrivains sacrés, mais médiatement par quelques-unes des choses qu’expriment ces mots. Il provient directement des faits racontés et indirectement des mots qui les énoncent.
Les divers noms qui lui ont été donnés désignent ses différents caractères. Saint Paul avait distingué, dans les institutions de l’ancienne loi, l’esprit de la lettre, Rom., H, 29 ; vii, 6, et déclaré la loi mosaïque spirituelle, Rom., vu, 14 ; il avait dit de l’Écriture que la lettre tue et l’esprit vivifie. II Cor., iii, 6. Au rapport de Philon, De vitacontemplativa, les Thérapeutes comparaient la Loi à un être vivant, dont le corps était les mots et l’âme le sens invisible, caché sous les mots. Ces expressions et ces idées ont fait nommer spirituel un sens perçu, non par les yeux du corps, mais par l’esprit qui le découvre sous la lettre, un sens qui, pour l’école d’Alexandrie, était l’esprit de l’Écriture, dont la lettre n’était que la chair ou le corps. Il ressort non des mots, mais des _ faits et des personnages figuratifs de l’avenir ; c’est pourquoi il est dit encore sens figuré, dénomination équivoque, qui ne distingue pas le sens spirituel du sens littéral métaphorique. Parce qu’il résulte des figures ou des types, il vaut mieux l’appeler sens figuratif ou typique.
D’après son acception étymologique, « type » signifie empreinte, et offre l’idée d’une marque produite sur un objet par un facteur supérieur. Suivant le langage usuel, le type est une figure, une image qui dessine matériellement un objet dont il est la représentation ; c’est aussi un symbole, objet, personne, fait, qui, de sa nature ou par convention, représente une idée, un personnage, un autre objet. Dans les types bibliques, l’institution divine remplace les analogies naturelles ou la convention. Quand des personnes, des événements sont formés et dirigés par Dieu pour figurer, préparer, annoncer des choses futures, des œuvres supérieures, en particulier ce qui concerne la nouvelle alliance, le Christ ou son Église, ils sont des types de l’avenir. Dieu a imprimé en eux la pensée de cet avenir, et ils l’expriment. Le type n’est pas comme la prophétie l’annonce de l’avenir au moyen de la parole ou d’actes qui s’identifient à la parole ; c’est une prophétie per res, c’est-à-dire par des événements disposés providentiellement en vue d’un objectif appelé antitype. Le type diffère donc des actions symboliques, par lesquelles les prophètes prédisaient parfois l’avenir, et des symboles qui ne présentent aucune analogie avec ce qu’ils signifient ou annoncent un effet immédiat. Il diffère aussi du mémorial d’une chose passée et des signes destinés à confirmer les promesses divines. Il prépare et prédit un avenir éloigné, avec lequel il a des ressemblances, et dont il reproduit quelques linéaments. Saint Paul s’est servi le premier de ce terme, quand il a appelé Adam tjitoî toO (téXXovToc, « le type de l’homme futur, s Rom, ,-v, 14, et certains événements du séjour des Hébreux au désert des tOxoi, « types, » pour notre instruction. I Cor., x, 6, 11. L’objet que le type représente a été nommé par lui, Heb., xi, 24, et par saint Pierre, I Pet., iii, 21, àvirfcuîtot, antitype.
II. Espèces diverses. — Comme le sens spirituel est fondé immédiatement sur les choses ou types, les exégètes distinguent autant d’espèces de sens spirituel que de sortes de types bibliques. Or, suivant la nature de l’antitype auquel ils correspondent, et qui a rapport soit au dogme, soit à la morale, soit à l’avenir céleste, les types sont allégoriques, tropologiques ou moraux, et anagogiques. Les premiers, qui sont les plus nombreux, ont pour objectif le Messie et son royaume, l’Église, qu’ils annoncent et préfigurent. Saint Augustin, De civitate’Dei, XVII, v, 2, t. xii, col. 533, les a nommés prophetia facti, « prophétie de fait. » Ce sont des personnages, Adam, Rom., v, 14 ; Melchisédech, Heb., vil, etc. ; Isaac et Ismaël, Gal., iv, 22-24 ; Moïse, I Cor., IX, 2, 11 ; des choses, l’arche de Noé, I Pet., iii, 20, 21 ; la loi ancienne, Heb., x, 1 ; les victimes et les cérémonies du culte juif, Heb., xi, 9 ; les jours de fêtes, Col., ii, 16, 17 ; des événements, le renvoi d’Agar et
d’Ismaël, Gal., iv, 30, 31 ; le passage de la mer Rouge, I Cor., x, 1. Voir t. i, col. 369. Les types anagogiques prédisent la béatitude éternelle, et sont des images du ciel. Voir Anagogique (Sens), 1. 1, col. 534-535. Les types tropologiques contiennent des leçons morales pour la conduite des hommes. La manne recueillie avant le lever du soleil apprenait aux Israélites qu’il convenait d’élever son cœur à Dieu, dès le matin, pour bénir l’auteur de tout bien. Sap., xvi, 28. La nuée, la manne et le rocher signifiaient que les chrétiens ne doivent pas céder à la gourmandise, devenir idolâtres, commettre des fornications, tenter le Christ et murmurer. 1 Cor., x, 1-11. Le sens allégorique représente donc et prophétise Jésus-Christ ou l’Église, le tropologique présente une leçon morale par l’exemple du passé, et l’anagogique donne une idée de la félicité céleste au moyen des choses d’icibas.
III. Existence. — L’existence du sens mystique n’est pas une conséquence nécessaire de la nature des Livres saints. Elle dépend de la libre volonté de Dieu, leur auteur, qui a préordonné certains événements passés à figurer des événements futurs et supérieurs, et les a fait raconter dans la Bible avec cette signification spéciale, qui constitue le sens spirituel. Nous ne connaissons son existence que parce que Dieu lui-même nous l’a manifestée, et elle ne s’impose à notre foi, que parce qu’il est constant que le Saint-Esprit l’a voulue et réalisée. Seuls donc, les organes infaillibles de la révélation détermineront avec certitude les sens spirituels voulus par Dieu, en affirmant le caractère typique des événements figuratifs.
Or l’Église a toujours reconnu et enseigné l’existence du sens mystique dans la sainte Écriture, et son enseignement s’appuie sur la parole de Dieu elle-même. À la naissance du christianisme, la foi aux types et aux figures de l’Ancien Testament était universelle en Judée. Jésus, ses disciples, les Juifs de toutes les sectes, amis et contradicteurs du Sauveur, tous y croyaient. Jésus, il est vrai, ne donne aucune démonstration formelle et expresse de la légitimité de cette croyance ; mais il l’approuve, en la partageant. Pour prouver sa mission messianique, it fait un appel incessant à l’Ancien Testament, et montre en lui la réalisation des types les plus clairs de l’histoire d’Israël, et les plus propres à ouvrir les yeux de ceux qui refusaient de le reconnaître pour le Messie préfiguré dans l’ancienne alliance. Ses auditeurs comprenaient ses applications claires et ses allusions discrètes, Matth., xxi, 42-46 ; les Pharisiens, revêches et querelleurs, étaient réduits au silence, et vaincus par une argumentation sans réplique, ils n’osaient plus l’interroger. Matth., xxii, 42-46. Qu’on ne prétende pas que Jésus s’accommodait aux idées de ses contemporains, et maniait habilement l’argument ad hominem. Toute accommodation à une opinion erronée est indigne de son caractère absolument véridique. Il tirait ses arguments de la vérité même des faits, et les rationalistes eux-mêmes reconnaissent, dans ces citations bibliques, une justesse d’appréciation et une profondeur de vues tout à tait remarquables. D’ailleurs, Jésus ne s’est pas borné à relever le caractère typique de quelques faits isolés de l’Ancien Testament, tels que le serpent d’airain, type de sa croix, Joa., iii, 14 ; Élie, figure de saint Jean-Baptiste, Marc, ix, 10-12 ; les persécutions des prophètes, annonce prophétique des persécutions de ses disciples, Matth., v, 12 ; xxiii, 34, 35 ; Luc, xi, 49-51 ; il a considéré et présenté l’ancienne alliance, ses institutions et son histoire comme essentiellement figuratifs. Ce n’est pas seulement tel ou tel chapitre qui lui rend témoignage, c’est la Bible entière, dans toutes ses parties. Joa., v, 39, 45, 46 ; Luc, xxiv, 27.
Les Apôtres, instruits par le Maître et sous l’inspiration du Saint-Esprit, ont signalé à l’occasion le caractère typique de quelques faits de l’Ancien Testament.
Les exemples, cités précédemment, sont tous tirés de leurs écrits. Saint Paul, Rom., ix, 24-27, parlant des nations qui doivent se réunir au Christ, insinue la future conversion des Juifs, en interprétant des témoignages d’Osée, ii, 24 ; i, 10, et d’Isaïe, x, 22 ; i, 9, relatifs, dans le sens littéral, à des événements alors accomplis. Il prouve que le Christ est la fin de la Loi et la justification de tous les croyants, Rom., x, 4-9, par des paroles que Moïse a dites au sujet de l’ancienne loi. Lev., xviii, 5 ; Deut., xxx, 12, 14. Il démontre la filiation divine du Christ, Heb., i, 5, en citant ce que Nathan avait prédît de Salomon, type du Messie. II Reg., vii, 14. Et qu’on ne dise pas, comme on l’a récemment prétendu, que cette exégèse allégorique des écrivains inspirés du Nouveau Testament est une exégèse « créatrice », découvrant un sens que Dieu, auteur principal de l’Ancien Testament, n’avait pas mis dans les passages scripturaires qu’ils interprètent ainsi. Si ces écrivains inspirés découvrent dans l’Ancien Testament un sens mystique que les mots n’expriment pas par eux-mêmes, c’est que l’Esprit qui les inspire l’y avait caché et le révèle aux hommes par leur moyen. Même en employant lès procédés et en suivant la méthode de l’école juive allégorisante, ils le faisaient sous la direction de l’Esprit inspirateur qui éclairait leur pensée et guidait leur plume. Leur exégèse était donc réellement expositive.
Les premiers chrétiens crurent au caractère figuratif de l’ancienne alliance, les plus anciens écrits des Pères de l’Église en sont la preuve. La lettre attribuée à saint Barnabe, les œuvres de saint Clément de Rome, de saint Irénée et de Tertullien contiennent l’exposition de nombreuses figures bibliques. Dans son dialogue avec le Juif Tryphon, saint Justin démontre la divinité de Jésus-Christ par l’interprétation des prophéties typiques. L’école exégélique d’Alexandrie a poussé trop loin, il est vrai, l’explication allégorique de l’Écriture, en accordant la prépondérance au sens spirituel sur le sens littéral ; mais l’abus ne doit pas faire condamner la recherche légitime des sens spirituels. L’école d’Antioche s’est maintenue dans de justes limites, et l’étude du sens littéral ne lui a pas fait négliger celle du sens mystique. Théodore de Mopsueste lui-même ne niait pas l’existence et la vérité des figures bibliques ; il rejetait à tort quelques types avérés de l’Ancien Testament. Voir Kihn, Tbeodor von Mopsuestia und Junilius als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 128. Les théologiens de l’école et les commentateurs chrétiens de tous les siècles ont continué la tradition primitive. L’Église n’a jamais varié dans sa doctrine sur la typologie biblique ; ses enfants ont pu la développer plus ou moins largement, l’appliquer plus ou moins heureusement, tous l’ont reconnue et proclamée légitime. Léon XIII ne se borne pas à constater, comme nous l’avons rappelé plus haut, l’existence des sens spirituels certains, exprimés par les écrivains sacrés, organes de l’Esprit-Saint ; il recommande encore à l’interprète de l’Écriture de ne pas négliger les explications allégoriques des Pères : Caveat idem ne Ma negligat quse ab eisdem Patribus ad allegoricam similemvesententiam translata sunt, maxime quum ex litterali descendant et multoi’um auctoritate fulciantur. Talem enim interpretandi rationem ab Apostolis Ecclesia accepit, suoque ipsa exemplo, ute re patet liturgica, comprobavit, non quod Patres ex ea contenderent dogmata fidei per se demonstrare, sed quia bene frugiferam virtuti etpietati alendse nossent experti. Encyclique Providentissimus Deus. Voir t. i, p. xxm.
Les monuments primitifs de l’Église romaine sont d’irrécusables témoins de l’antiquité de cette doctrine. Dans les peintures et les sculptures des Catacombes, le Christ et l’Église, la résurrection et les vertus chrétiennes sont très souvent figurés sous des imagée empruntées à l’Ancien Testament. Joseph, Moïse, Samson, symbolisent Jésus-Christ, les sacrifices d’Abel et d’Abraham ;
son sacrifice ; l’arche de Noé, le passage de la mer Rouge, figurent l’entrée des hommes dans l’Église ; la manne, l’eucharistie ; l’enlèvement d’Élie, l’histoire de Jonas, la résurrection future ; les quatre fleuves du paradis, les quatre vertus morales. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2 B édit., Paris, 1877, à ces mots. Tout dans ces représentations n’était pas laissé au caprice et à l’arbitraire. Le cycle des symboles bibliques était restreint, et le nombre des sujets permis aux artistes soigneusement limité. La manière même de les traiter, au moins au me siècle, ne semble pas avoir été tout à fait libre. « Les peintures empruntées à l’histoire biblique n’offrent, dans l’art des catacombes, ni l’exacte abondance des détails qui convient à la reproduction littérale d’un fait, ni la variété et l’aisance qui appartiennent à une œuvre d’imagination : elles ont la sobriété sévère d’une œuvre dirigée vers un but spirituel, subordonnée à l’expression d’une vérité abstraite. Elles semblent participera l’immobilité, à la fixité du dogme… L’exécution seule appartenait à l’artiste ; les rapports des sujets entre eux, le parallélisme des peintures, leur ordonnance générale, étaient plus ou moins dirigés par l’autorité ecclésiastique. Telle ou telle histoire était choisie, non pour elle-même, mais pour la vérité à’laquelle elle était associée dans la pensée de l’Église. » P. Allard, Rome souterraine, 2e édit., Paris, 1877, p. 357. Le témoignage de la tradition monumentale en laveur de la typologie sacrée a donc une valeur doctrinale. — La tradition juive est restée parallèle à la tradition catholique. Après l’ère chrétienne, les Juifs ont continué à rechercher l’esprit sous la lettre de l’Écriture, l’histoire de leur exégèse le prouve. Souvent même les rabbins ont fait un abus effréné des sens mystiques.
IV. Étendue. — Si les cabalistes seuls ont cherché un sens mystérieux sous chaque lettre et chaque mot de l’Écriture, quelques écrivains catholiques et protestants prétendirent, aux XVIIe et xviir siècles, que chaque phrase, chaque proposition de la Bible contenait sous la lettre un sens spirituel. Coccéius († 1669) voyait le Christ partout dans l’Ancien Testament. Des jansénistes français, entre autres l’abbé d’Étemare, donnèrent dans ce travers. Toutes les actions, tous les événements, toutes les cérémonies de l’Ancien Testament étaient à leurs yeux des figures prophétiques de ce qui devait arriver dans la loi nouvelle. Les plus exaltés expliquaient par l’Écriture ainsi entendue ce qui se passait de leur temps-Ils sont connus sous le nom de figuristes. Les antifiguristes, leurs adversaires, répondaient facilement à leurs arguments. Un texte tronqué de saint Paul : Tout leur arrivait en figures, I Cor., x, 11, était pour le figurisme un faible appui ; car l’Apôtre ne dit pas : tout, dans un sens absolu et général, mais : toutes ces choses, circonscrivant sa pensée aux faits qu’il avait énumérés dans les versets précédents. La parole de Jésus : « Il est nécessaire que tout ce qui a été écrit sur moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes, s’accomplisse, » Luc, xxiv, 44, n’était pas une preuve plus forte ; le Sauveur n’affirme pas que tout le contenu de l’Ancien Testament le concerne, il assure seulement que tout ce que l’Écriture dit de lui aura son accomplissement.
Quelques témoignages patristiques, détachés du contexte, paraissent, il est vrai, favoriser le figurisme ; mais, remis dans leur cadre naturel et rapproehés d’autres passages des mêmes écrivains, ils perdent le sens allégué. Plusieurs anciens se sont formellement prononcés contre l’universalité du sens mystique de l’Écriture. S. Augustin, De civitate Dei, XVII, iii, t. xli, col. 526 ; S. Basile, Hom., lx, in Hexæm., n. 1, t. xxix, col. 188 ; S. Jérôme, Comment, in Jon., i, iii, t. xxv, col. 11231124 ; S. Bonaventure, Breviloquiwm, proœm., § 7 ; Nicolas de Lyre, Prologus in moralitates Bibliorum, etc. Tous les Pères grecs et latins ont restreint le sens spi rituel à certains passages de l’Écriture. Léonard, Traité du sens littéral et du sens mystique des Saintes Écritures, Paris, 1727, c. vn. Les antifiguristes sont leurs successeurs directs. D’ailleurs, si les moindres détails de la Bible étaient figuratifs, que signifieraient les pays, les villes, les fleuves, les montagnes, et les peuples nommés dans les Livres Saints ? Que représenteraient les puits creusés par les bergers d’Isaac, le plat de lentilles de Jacob, les chameaux d’Éliézer, les ânesses de Saûl, la tour de Phanuel, la chevelure d’Absalom, la graisse du roi Églon, la claudication de Miphiboseth, la goutte d’Asa, la queue du chien de Tobie ? L’interprétation allégorique de ces détails, et de beaucoup d’autres semblables, ne peut être que puérile et forcée ; ceux qui s’y complaisent portent peu de respect à la parolft de Dieu. Le Roy, Examen du figurisme moderne, 1736 ; Mignot, Examen des règles du figurisme moderne, 1737 ; A. J. Onymies, De usu interpretationis allegoricse in Novi foederis tabulis, Bamberg, 1803. Mais dans quelles limites le caractère figuratif appartient-il aux faits racontés dans l’Écriture ? Jésus-Christ et les Apôtres ont clairement enseigné que l’ancienne loi, dans son ensemble, figurait la nouvelle, et il est vrai de dire des deux Testaments avec saint Augustin, Quœstiones in Heptateuchum, 1. II, t. xxxiv, col. 623 : In Vetere Novum latet et in Novo Vetvs patet. Tous les sens mystiques indiqués dans le Nouveau Testament sont certains ; nous devons les accepter comme vrais, car les auteurs inspirés les ont établis avec une autorité infaillible. Cf. F. de Hummelauer, Exegetisches zur Inspirations f rage, Fribourg-en-Brisgau, 1904, p. 80-84. Mais les écrivains sacrés n’ont pas épuisé la matière ; après eux, et à leur exemple, les Pères de l’Église se sont livrés à l’investigation du sens spirituel de l’Écriture. Toutes les interprétations allégoriques des auteurs ecclésiastiques ne s’imposent pas à notre assentiment ; seules, celles qui présentent le caractère de la tradition ecclésiastique doivent être admises comme certaines. Fleury, Discours sur l’histoire ecclésiastique, 5e discours, n. 11. Or, il faut pour cela que les Pères soient unanimes dans leur affirmation, et qu’ils proposent l’explication typique, non pas seulement comme un sens que l’étude leur a fait découvrir dans le texte sacré, mais comme un enseignement reçu de l’Église. Ils ne sont plus alors interprètes privés de l’Écriture, mais témoins de la tradition apostolique, et leur interprétation est authentique. Proposent-ils des sens allégoriques, anagogiques ou tropologiques, qu’eux-mêmes ont découverts, ils exposent leurs pensées propres, dont la valeur est proportionnée à la science personnelle de ces docteurs, et à l’analogie plus ou moins parfaite que ces sens figurés ont avec le sens littéral. Au jugement des théologiens, rappelé par Léon XIII, leurs interprétations allégoriques de l’Écriture, si elles ne peuvent servir à la démonstration des dogmes, ont été de leur temps et peuvent encore aujourd’hui être utiles à la piété et à l’édification. Toute explication mystique qui contredirait la lettre, eût-elle été exposée par un Père de l’Église, serait dénuée de probabilité intrinsèque. L’autorité des commentateurs est moindre que celle des Pères, et leurs interprétations allégoriques, si elles ne sont pas fondées, peuvent JHre discutées et même condamnées.
Ces règles/s’appliquent à l’interprétation spirituelle de tous les livres sacrés. Mais c’est une question débattue entre les exégètes, de savoir si le Nouveau Testament contient, comme l’Ancien, des sens mystiques. De l’aveu de tous, quoique les écrits du Nouveau Testament ne renferment pas de typé messianique, relatif à la personne même du Messie, il est cependant légitime de suivre l’exemple des saints Docteurs, et de tirer des faits évangéliques des sens moraux ou anagogiques, pouvant servir à l’édification des fidèles. Mais y a-t-il dans le Nouveau Testament des types prophétiques an
nonçant et préfigurant l’Église ? Les uns le nient au nom de la perfection de la nouvelle alliance. L’Ancien Testament préparait une autre alliance, parce qu’il était incomplet et imparfait. Complète en elle-même, l’économie de la nouvelle loi ne peut être la préparation et la figure d’une autre économie, supérieure et plus parfaite. D’ailleurs, la clarté qui règne dans les écrits du Nouveau Testament est inconciliable avec l’existence de types, qui sont nécessairement obscurs. Patrizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, Borne, 1876, C. xi, q. m. Les autres pensent que quelques faits de la vie de Jésus-Christ et quelques événements postérieurs à l’Ascension figuraient prophétiquement l’avenir prochain de l’Église. La perfection de la nouvelle alliance n’a pas empêché les Pères, dans leurs commentaires, et l’Église, dans sa liturgie, de reconnaître que la loi de grâce précède, prépare et préfigure la gloire, comme elle-même a été précédée, préparée et préfigurée par la loi de crainte. Les débuts historiques de la religion chrétienne peuvent donc non seulement faire présager, mais prophétiser réellement ses développements futurs et son apogée au ciel. D’autre part, le sens typique n’exige pas toujours et nécessairement une obscurité qui serait incompatible avec la lumière évangélique ; du reste, le Nouveau Testament a ses obscurités. Ces raisons, jointes à l’auiorité de ouelques Pères, rendent au moins probable la présence, dans le Nouveau Testament, de quelques types prophétiques de l’avenir de l’Église. F. Schmid, De inspirations Bibliorum vi et ratione, Brixen, 1885, n. 196-218 ; Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam, Rome, 1881, t. III, p. 100-105.
V. Valeur démonstrative. — Malgré l’indécision de quelques théologiens, il est évident que le sens spirituel, dont l’existence est certaine et démontrée, a par lui-même la valeur de preuve. Notre-Seigneur et les écrivains sacrés l’ont employé dans leur argumentation. Matth., ii, 15, 17, 18 ; xiii, 35 ; Joa., xix, 36. Ce sens a la même origine et le même auteur que la lettre, tous deux ont été voulus par le Saint-Esprit ; ils ont donc la même autorité. Mais d’où résultera la démonstration Ce l’existence du sens spirituel ? La correspondance du type avec Pantitype ne sera pas une preuve suffisante. Seuls les témoignages de l’Écriture et de la tradition authentique et la proposition infaillible de l’Église détermineront avec certitude les sens spirituels de l’Écriture. Toute interprétation allégorique, dénuée d’une telle attestation, pourra servir à l’édification, elle ne prouvera pas une thèse. Un sens spirituel probable ne fournit qu’un argument probable. Aussi les théologiens emploient-ils rarement le sens spirituel ; il serait inutile et inopportun d’y recourir dans la controverse, puisque les rationalistes et les hérétiques nient son existence ou sa valeur démonstrative. D’ailleurs, suivant la remarque de saint Thomas, les preuves provenant du sens spirituel ne sont pas nécessaires à la démonstration de la doctrine de la foi, quia nihil sub spirituali sensu continetur fidei necessarium, quod Scriptura per litteralem sensum alicubi manifeste non tradat. Sum. theol., 1% q. i, a. 10, ad l 1 ™. Voir Berthier, Tractatus de locis theologicis, Turin, 1888, n. 253-255.
VI. Ouvrages a consulter. — La plupart des Introductions générales à l’Écriture Sainte ; Santo Pagnino, lsagoge ad mysticos sacrée Scripturæ sensus, Cologne, 1540 ; de Bukentop, Tractatus de sacrm Scripturx sensibus, Paris, 1716, c. vi-xii ; Acosta, De vera Scripturas interpretandi ratione, Rome, 1590, 1. II, c. xiv-xvii ; Serarius, Prolegomena biblica, Mayence, 1604, c. xxi, q. vi-xi ; Bonfrère, Prœloquia in totam Scripturam Sacram, Anvers, 1625, c. xx, sert. li-rv ; C. Unterkircher, Hermeneutica biblica catholica, 3e édit. par J. V. Hofmann, Inspruck, 1846, p. 18-22, 181-184 ; J. Danko, De Sacra Scriptura, Vienne, 1867, p. 265-272 ; F. X. Pa trizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, 2e édit., Rome, 1876, p. 162-264 ; F. Schmid, Deinspirationis Bibliorum vi et ratione, Brixen, 1885, p. 183-234 ; Schneedorfer, Synopsis hermeneuticæ biblicse, Prague, 1885, p. 52-66 ; V. Zapletal, Hermeneutica biblica, Fribourg, 1897, p. 34-51 ; Székely, Hermeneutica biblica generalis secundum principia catholica, Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 233-239, 249-254 ; card. Meignan, De Moïse à David, Paris, 1896, Introduction, p. xih-lx. Les principaux sens mystiques de l’Écriture ont été réunis dans la Clavis, attribuée à saint Méliton, Pitra, Spicilegium Solesmense, Paris, 1855, t. ii, m ; Analecta sacra, 1883, t. n ; S. Eucher, Formularium spiritalis. intelligentise liber unus, Patr. Lat., t. l, col. 727-772 ; Lauretus, Silva seu hortus floridus allegoriarum totius sacres Scripturse, Barcelone, 1570 ; Antoine de Rampelogo, Aurea Biblise, édition corrigée, 1623 ; Huet, Préparation évangélique, 9’pfop., c. Clxx ; Ph. Krementz, Das Altes Testament als Vorbild des Neuen, Coblentz, 1866 ; Das Evangelium in lib. Genesis, ibid., 1867 ; Grundlinien zur Geschichtstypik der hl. Schrift, 1875.
E. Mangenot.
- MYTHIQUE##
MYTHIQUE (SENS). - I. Notion. - Le sens mythique est celui que l’on donne aux passages de ia Sainte Écriture que l’on considère comme de simples mythes. Or, le mythe (fxûOoç) peut d’une façon générale se définir : un récit qui a les apparences de l’histoire sans en rvoir les réalités, et dont toute la vérité réside dans l’idée qui l’a inspiré et à laquelle il sert de vêtement, ou dans le fait primitif qui a été son point de départ et dont il est devenu comme l’illustration. Cette définition générale convient soit au mythe spontané, sorte de légende populaire où la foule anonyme incarne inconsciemment ses préoccupations, ses aspirations et ses croyances, soit au mythe réfléchi, fiction volontaire que crée un auteur en vue de prouver une thèse ou de faire valoir un enseignement. — Le mythe a joué un rôle important dans la formation des traditions les plus anciennes, communes aux peuples de l’antiquité. Chez les Indous et les Perses, les Grecs et les Latins, les Germains et les Slaves, comme chez les Assyriens et les Égyptiens, nous trouvons un grand nombre de légendes merveilleuses qui paraissent comme autant de solutions données par l’imagination populaire aux questions qui intéressaient l’humanité dans son enfance. D’où vient le monde ? Pourquoi le ciel et la terre ? Pourquoi les mouvements des astres et les saisons ? Comment l’homme est-il venu à l’existence ? Quelle est l’origine des peuples, des villes, des arts ? Les mythes conçus en réponse à ces diverses questions reposent généralement sur une conception animiste de l’univers, consistant à supposer aux phénomènes naturels des agents conscients et libres et à rapporter toutes choses, dans le monde et dans l’histoire, à une multitude de dieux, demi-dieux et héros. De là ces contes fantastiques, où se sont donné libre carrière, d’abord l’imagination, la curiosité enfantine, la poésie spontanée de la foule, plus tard les combinaisons réfléchies des poètes, harmonisant leurs symboles, ou des scribes sacrés, revêtant leurs leçons morales et religieuses du voile de l’allégorie. D’autre part, à côté de cette mythologie proprement dite, se rapportant aux origines des choses, il y a tous les mythes dont abonde l’histoire des ancêtres et des grands hommes de la nation, transformée et idéalisée par l’effet du prestige qui a grandi avec Péloignement.
L’attention attirée sur les mythes anciens par les nombreuses études entreprises depuis la fin du xvra « siècle, et ravivée de nos jours par les découvertes faites dans la littérature primitive de l’Egypte et de l’Assyrie, devait naturellement amener la critique indépendante à se poser la question du mythe par rapport à nos Livres Saints. La Bible contient des récits où sont
racontées les origines du monde et de l’humanité : ces récits ne sont ils pas mythiques, comme ceux que présentent sur les mêmes sujets les annales des peuples païens ? Elle nous décrit les origines d’Israël et remet sous nos yeux toute la suite de son histoire : là encore n’est-ce pas au mythe qu’il faut attribuer tant d'événements merveilleux, d'épisodes extraordinaires, d’interventions miraculeuses de Dieu et de ses anges ? Enfin, n’est-ce pas encore le mythe qui expliquera ce qu’offre de prodigieux la vie de Jésus racontée en nos Évangiles ?
II. Exposé des systèmes d’interprétation mythique. — I. l’interprétation mythique appliquée a l’ancien testament. — C’est aux livres de l’Ancien Testament que l’on a d’abord appliqué le système de l’interprétation mythique. Le savant philologue C. G. Heyne, professeur à Gœttingue, venait en 1783 d’exposer cette idée que le mythe doit être regardé comme un symbole expressif des croyances et des mœurs populaires, si bien que, sous son enveloppe imagée, le savant peut découvrir et l’histoire et la philosophie des anciens : À mythis omnis priscorum hominum cum historia tum philosophia procedit. Apollodori Atheniensis Bibliothecm libri très et fragmenta, Gœttingue, 1782-1783, t. i, p. xvi. En même temps que ces principes étaient appliqués aux légendes sacrées de Rome et d’Athènes, les critiques allemands songeaient à les appliquer aux pages miraculeuses de la Bible. — Dès 1802, G. L. Bauer composait son Hebrâische Mythologie des Alten und Neuen Testaments, und Parallelen aus der Mythologie anderer Vôlker, besonders der Griechen und Rômer, 2 in-8°, Leipzig, 1802, où la plupart des faits bibliques étaient mis en parallèle avec les fables grecques et romaines. — Peu après, J. S. Vater présentait le Pentateuque en particulier comme une collection de fragments dont il expliquait par le mythe les récits miraculeux. Commenlar ùber den Pentateuch, 3 in-8°, Halle, 1802-1805. — Cependant celui qui fut le principal propagateur du mythisme en Allemagne, et que l’on peut regarder comme le père du mythisme biblique dans son application à l’Ancien Testament, fut W. M. Lebrecht de Wette (1780-1849). D’après de Wette, Kritik der mosaischen Geschichte, 1807 ; Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanonischen und apokryphischen Bûcher des Alten Testaments, 1817, les livres historiques de l’Ancien Testament, et en particulier le Pentateuque, n’ont été écrits que longtemps après les événements ; leurs rédacteurs ont rapporté de bonne foi des légendes populaires, élaborées peu à peu au cours dés âges, grossies et embellies tandis qu’elles passaient de bouche en bouche, et qui ont fini par constituer « l'épopée théocratique d’Israël », à peu près comme les multiples fragments de rhapsodes inconnus ont constitué VIliade et l’Odyssée, que l’on attribue à Homère. Le critique avait soin d’ajouter que les Écritures ne laissaient pas d'être pour lui, même dans leurs éléments mythiques, une chose sainte et sacrée, puisque, à défaut de la vérité historique, elles gardaient du moins la vérité idéale, celle des conceptions grandes et nobles qui avaient inspiré leurs mythes pleins de poésie. — Le double procédé de de Wette, consistant à rejeter bien après l'époque des faits racontés la composition des divers livres de l’Ancien Testament, et à mettre sur le compte de l’idéalisation légendaire ou du mythe ce que ces écrits renferment de miraculeux, est le procédé qu’ont suivi depuis lors, en le complétant et perfectionnant, les critiques de l’Allemagne protestante. Tels, H. Ewald, Geschichte des Volkes Isræls, 1843-1859 ; Th. Nôldeke, Die Alttestamentliche Litleratur, 1868 ; Eb. Schrader, Einleitung in dos A. T., de « le Wette, 8e édit. remaniée, 1869 ; J. Wellhausen, Geschichte Isræls, 1878 ; 2e édit., Prolegoniena ivr Gesch. Isræls, 1883, etc.
D1CT. DE LA BIBLE.
Mais, si nous voulons prendre une idée un peu complète de la manière dont aujourd’hui l’interprétation mythique est appliquée à l’Ancien Testament, il nous faut considérer à part : les descriptions des origines du monde et de l’humanité aux premiers chapitres de la Genèse, les récits de l’histoire des patriarches et des origines du peuple de Dieu, les annales qui nous rapportent le développement de l’histoire d’Israël sous les Juges et sous les Rois, enfin les divers livres qui racontent quelque épisode détaché ou histoire particulière.
1° Les premiers chapitres de la Genèse. — Ce que contiennent les premiers chapitres de la Genèse, au dire des critiques indépendants, ce sont des fictions ingénues où l’esprit populaire a traduit sa philosophie et sa théologie enfantines, en réponse aux questions que se posait la curiosité des premiers âges sur l’origine des choses. Ces fictions mythiques appartiennent à un fond de légendes commun à tous les peuples sémitiques ; elles sont étroitement apparentées aux mythes primitifs de Babylone, Dans l’ensemble, on peut les considérer comme de vieux mythes polythéistes, purifiés par la tradition Israélite et adaptés au point de vue du monothéisme hébreu.
Telle est la thèse exposée par H. E. Ryle, The early Narratives of Genesis, Londres, 1892. D’après ce critique, le récit biblique de la Création, l’histoire du Paradis terrestre et celle du Déluge, sans être en dépendance directe vis-à-vis des mythes assyrobabyloniens, ont une commune origine. Les Hébreux étaient frères des Chaldéens ; en quittant la Mésopotamie pour la terre de Chanaan, ils emportèrent avec eux leurs légendes ancestrales, qui s'étaient élaborées côte à côte avec celles de Babylone et de Ninive, comme elles, mélangées d’un polythéisme grossier. Plus tard, sous l’influence de l’inspiration, les saints et les prophètes d’Israël débarrassèrent ces légendes de leurs éléments païens, les revêtirent de cette noble simplicité qui caractérise le pur monothéisme, et infusèrent aux vieux mythes un esprit nouveau, leur faisant exprimer, sous l’enveloppe primitive, les sublimes vérités que la révélation destinait au peuple de Dieu. — Ainsi, le récit de la Création reproduit « la cosmogonie très simple qui avait cours dans la branche hébraïque de la race sémitique » ; le récit de la Chute remonte en dernière analyse « à la mythologie religieuse » commune aux peuples de Mésopotamie ; le récit du Déluge rappelle « quelque cataclysme local qui submergea le berceau originel de la race sémitique ». Quant aux autres récits des premiers chapitres de la Genèse : l’histoire de Caïn et d’Abel est probablement une ancienne légende reçue des ancêtres polythéistes et épurée de ses éléments païens ; les Caïnites devaient figurer primitivement des demi-dieux ou des héros, ramenés ensuite aux proportions d’hommes ordinaires ; l'épisode des Fils de Dieu et des filles des hommes est sans doute un souvenir d’une légende hébraïque strictement païenne ; de même l’histoire de la Tour de Babel doit appartenir à la mythologie hébraïque primitive, où l’on rattachait l’origine de la diversité des langues au mystère qui enveloppait une tour sacrée gigantesque. — En résumé, « ce que nous trouvons dans les onze premiers chapitres de la Genèse, ce sont des récits populaires, nullement scientifiqueS^qui, dans la tradition hébraïque primitive, exprimaient, sous une forme vivement imagée, les idées courantes touchant les origines de l’univers et celles de la société humaine. L’inspiration n’a point révélé à l'écrivain une connaissance scientifique exacte de choses qu’il ignorait ; mais l’auteur israélite a été mû par l’Esprit-Saint à recueillir de différentes sources les matériaux d’une relation suivie, qui, en s’incorporant la tradition ancienne dans sa plénitude et sa variété, fût le moyen voulu par Dieu pour l’instruction des hommes. » P. 135.
IV. - 44
L’interprétation de H. E. Ryle a été adoptée de tous points par le Dictionary of the Bible de Hastings, Edimbourg, 1898-1903 : art. Cosmogony (0. C. Whitehouse), 1. 1, p. 505 et suiv. ; Fall (J. H. Bernard), t. ii, p. 97 ; Flood (F. H. Woods), t. i, p. 839 ; Tongues, Confusion of (S. R. Driver), t. iv, p. 792 ; Abel et Cain (W. P. Paterson), t. i, p. 5 et 339. Cf. Ottley, À short History of the Hebrëws to the Roman Period, Cambridge, 1901.
Dans YEncyclopsedia biblica de Cheyne, Londres, 1899-1903, H. Zimmern, art. Création et Déluge, émet l’idée que les récits bibliques de la Création et du Déluge sont en dépendance réelle vis-à-vis des mythes babyloniens correspondants, bien qu’ils ne se rattachent pas directement à ces mythes, dans la forme où nous les possédons aujourd’hui, et qu’ils supposent un long développement des mythes primitifs dans le domaine de l’hébraïsme, antérieurement à la rédaction des premiers chapitres de la Genèse. D’après ce critique, nos récits génésiaques ne se comprennent bien que si l’on voit à leur base la description mythique de phénomènes naturels propres à une terre d’alluvions, telle qu’est la Babylonie. — <£ La question à laquelle doit répondre une cosmogonie, dit M. Zimmern, art. Création, § 3, t. i, col. 940, est celle-ci : Comment le ciel et la terre sont-ils venus pour la première fois à l’existence ? Or, la réponse donnée dans la Genèse est inintelligible de la part d’un Israélite, car elle implique une façon de se représenter les choses strictement babylonienne. Comme le monde se renouvelle chaque année et chaque jour, ainsi, pensait le Babylonien, a-t-il dû apparaître à l’origine. A la suite des longues pluies hivernales, la plaine de Babylone ressemble à la vaste mer (en assyrien, tiâmtu, tidmat). Mais vient le printemps, où le dieu du soleil printanier (Mardouk) fait réapparaître la terre, et de ses rayons puissants divise les eaux de Tiâmat, qui formaient auparavant comme un seul tout, les envoyant, partie en haut sous forme de nuages, partie en bas aux rivières et canaux. Ainsi a-t-il dû en être au premier printemps, au premier nouvel an, quand, après un combat entre Mardouk et Tiâmat, le monde organisé vint au jour. Ou bien (car Mardouk est aussi le dieu du soleil matinal), de même que le soleil chaque matin traverse en vainqueur la mer cosmique (Tiâmat), et du chaos de la nuit fait apparaître, d’abord le ciel, puis la terre, ainsi le ciel et la terre ont-ils dû apparaître pour la première fois au matin de la Création. » En somme, ce qui se laisserait découvrir à l’origine du récit cosmogonique de la Genèse, c’est un mythe naturaliste babylonien, fondé sur l’observation d’un phénomène habituel, à savoir le dessèchement de la plaine babylonienne après les grandes inondations hivernales ; ce phénomène aurait été agrandi et reporté aux origines du monde, sous la forme, inspirée par l’animisme polythéiste, d’un combat entre Mardouk, le dieu du soleil, et Tiâmat, la déesse de la mer. — Le récit du Déluge ne serait lui-même qu’une variante du mythe babylonien de la Création : à son point de départ il faut encore placer un mythe naturaliste, le mythe de l’hiver, qui, en Babylonie particulièrement, est un temps de grandes pluies, et du dieu-soleil, avec qui il faut sans doute identifier le héros de l’histoire. Art. Déluge, § 8-9, t. i, col. 1059. — Les récits de la Genèse seraient donc en définitive des mythes babyloniens, transformés et adaptés au point de vue monothéiste du peuple hébreu. Cf. Id., Die Keilinschriften und dos Alte Testament, de Schrader, 3e édit. remaniée, w partie, Berlin, 1902 et 1903.
Telle est aussi l’opinion de H. Gunkel, Genesis ûbersetzt und erklàrt, Gœttingue, 1901, avec cette différence toutefois que, pour ce dernier critique, comme pour le Rév. Ryle, le mythe babylonien du Déluge, dont le récit génésiaque ne serait qu’une recension adaptée à l’esprit
religieux d’Israël, serait basé sur le fait d’une inondation locale, grossi et transporté aux temps primitifs comme déluge universel.
ta même thèse était exposée en 1902 par Frd. Delitzsch, dans sa conférence sur Babylone et la Bible, Babel und Bibel, Leipzig, 1902. Cette retentissante conférence, prononcée devant l’empereur d’Allemagne, a provoqué les adhésions ou les protestations de toute une littérature de brochures et articles de revues. — Dans les Preussische Jahrbùcher, mars 1903, en réponse à la lettre de Guillaume II à l’amiral Hullmann, A. Harnack félicitait Delitzsch « d’avoir prêché au grand jour ce que l’Église et l’École se refusaient à entendre jusque-là, mais que l’on savait déjà depuis longtemps, à savoir l’origine babylonienne de nombre de mythes et de légendes de l’Ancien Testament ». Cf. H. Zimmern, Keilinschriften und Bibel, Berlin, 1903.
Les articles de Zimmern sur la Création et le Déluge, dans YEncyclopsedia biblica, contiennent des additions de l’éditeur général, T. K. Cheyne, où les récits bibliques sont mis en rapport, non plus seulement avec les mythes babyloniens, mais avec les mythes des autres peuples antiques, en particulier des Egyptiens. Art. Création, § 5 et 11, t. i, col. 941, 945 ; art. Déluge, § 18, t. i, col. 1063. Cf. M. Vôlter, Aegypten und die Bibel, Leyde, 1903. — Les autres récits des premiers chapitres de la Genèse sont interprétés, par le même Cheyne, dans un sens mythique analogue à celui proposé par Ryle. L’histoire de l’Eden reposerait sur un mythe, dont les éléments ont été idéalisés et moralises, et c’est cet idéalisme moral, infusé dans le vieux mythe, qui lui donne « un intérêt permanent pour les hommes religieux ». Art. Adam and Eve, § 4, 1. 1, col. 62. L’histoire de Caïn représenterait un mythe israélite, ayant pour but « d’expliquer le phénomène étrange de la vie nomade, perpétuellement errante dans le désert, et le développement excessif de la coutume barbare de venger le sang répandu ». « Caïn est mis en contraste avec Abel, parce que la vie pastorale, avec la fixité de domicile, paraissait aux Israélites la vie idéale. » Art. Cain, § 4 et 5, t. i, col. 621. Enfin, l’histoire de la Tour de Babel n’est qu’un « vieux mythe où l’on expliquait par la construction interrompue d’une tour la dispersion des nations ». Art. Babel (Tower of], § 3 et 6, t ; i, col. 411-412,
2° Histoire des patriarches. — a) Le mythe ethno~ graphique, social, religieux. — Après les récits relatifs aux origines du monde et de l’humanité, l’histoire des patriarches ou des origines d’Israël. Au jugement de l’école libérale, toute cette histoire doit également s’interpréter par le mythe, et plus particulièrement par le mythe ethnographique. — Dans cette hypothèse, le patriarche est moins un personnage individuel qu’une tribu personnifiée en celui qui est censé son ancêtre ou son héros éponyme. Par exemple, Jacob et ses douze fils représentent les douze tribus israélites, comme Ismaël et les siens représentent les dans du désert. Les rapports matrimoniaux et généalogiques figurent en quelque sorte les relations des tribus. Le mari est la tribu plus importante : Israël, Ismaël, ou Joseph. La femme est la tribu plus faible, absorbée dans le groupe plus fort : telle Dina, Lia, Rachel. Les mariages successifs marquent l’accroissement d’un peuple ou les migrations d’une tribu. Le concubinat est l’agrégation d’un clan secondaire à une tribu supérieure. La naissance d’un enfant représente l’origine d’un groupe nouveau. Ainsi les rapports entre peuples deviennent rapports de parenté. C’est le mythe ethnographique.
D’après un certain nombre de critiques, ces mythes ethnographiques seraient comme une enveloppe légère, à travers laquelle on pourrait suivre toute l’histoire des tribus, de leur origine, de leurs migrations, de leurs mélanges et relations au cours du temps passé. — C’est ainsi qu’aux yeux d’H. Ewald, Geschichte des Volkes
Isræls, 1813-1859, Abraham, Isaac, Jacob, représentaient les tribus hébraïques émigrant successivement de leur berceau primitif dans la terre de Chanaan, et les douze fils de Jacob, les douze tribus en lesquelles s’était effectivement partagée la nation ; le critique admettait même qu’Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, avaient été des personnages réels, chefs de migrations aux divers stades de l’histoire. — Telle est encore à peu près l’opinion de de A. Dillmann, Die Genesis, 6e édit. 1892, et de R. Kittel, Geschichte der Hebrâer, 1888.
Mais la tendance des critiques libéraux semble être de réduire de plus en plus la contribution que les anecdotes patriarcales sont censées pouvoir fournir à l’histoire du passé. — Pour eux, ces légendes refléteraient plutôt l’état social et religieux des temps postérieurs ; nous aurions affaire en grande partie à des récits mythiques où se serait incarnée la philosophie de l’histoire et de la religion, telle qu’elle avait cours à l’époque, relativement récente, qui les a vus naître. Edom était toujours en guerre avec Israël : de là le mythe d’Esaù et de Jacob se disputant dans le sein de leur mère. Israël avait fin i par dominer Edom : de là les ruses de Jacob supplantant Esaù. Les incursions araméennes étaient un danger incessant pour Israël : cela était figuré par les démêlés de Laban avec Jacob. Ainsi se trouvait transportée dans le passé la situation historique du présent.
Cependant le mythe répondait aussi à des questions. On se demandait d’où venait Israël, comment il se trouvait établi en Chanaan, pourquoi telle tribu occupait tel territoire, pourquoi Joseph avait un droit sur Sichem, pourquoi Galaad était limité entre Israël et Aram : la réponse était figurée dans ce qui était censé arrivé aux premiers ancêtres ou accompli par eux, et le mythe donnait satisfaction à la curiosité de l’histoire.
Il contentait aussi l’instinct religieux. Beaucoup de mythes ont pour but d’expliquer les pratiques du culte et d’illustrer les lieux consacrés par la tradition. À cet effet, les sanctuaires populaires de Sichem, Béthel, Bersabée, Hébron, sont mis en rapport avec la personne des patriarches. D’une façon générale, le procédé revient à projeter dans le passé les préoccupations religieuses du présent. Les sacrifices accomplis par les patriarches, leur intimité avec Dieu, les théophanies répétées, sont le reflet des conceptions monothéistes récentes, transportées par le mythe aux époques primitives d’Israël. Cfr. J. Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte Isræls, Berlin, 1883 ; Stade, Geschichte des Volkes Isræls, Berlin, 1887 ; Gunkel, Die Genesis, Gœttingue, 1901 ; Bernh. Luther, Die isrælitischen Stâmrne, dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissenschaft, Giessen, 1901, etc.
Cette thèse radicale paraît avoir été adoptée dans son ensemble par VEncyclopxdia biblica de Cheyne. À en croire ses divers rédacteurs : « les histoires des patriarches nous font entrer dans le royaume de la pure légende. » G. F. Moore, art. Historical Literature, § 2, t. ii, col. 2076. Il peut y avoir « un noyau traditionnel » de vérité dans la biographie d’Abraham ; « la légende hébraïque peut avoir parlé d’un ancien héros (au sens .grec du mot) portant ce nom et relié spécialement avec Hébron ; » mais son mariage avec Sara symbolise une union de tribus ; sa séparation d’avec Lot représente la séparation entre Israël et Moab ; l’expulsion d’Agar répond à la séparation des Ismaélites d’avec les Israélites ; Ismaël et ses douze fils sont des éponymes de tribus. T. K. Cheyne, art. Abraham, § 4, t. i, col. 25 ; Sarah, % 2, t. iv, col. 4284 ; Th. Nôldeke, art. Bagar, § 1, t. ii, col. 1933 ; lshmæl, § 2, t. ii, col. 2212. De même, Isaac est à la fois un nom de tribu et un héros semi-divin ; l’histoire de son sacrifice est conçue en vue de condamner la pratique du sacrifice humain et de justifier le
: sacrifice de substitution d’une victime animale. Cheyne,
art. Isaac, § 1, 5, t. ii, col. 2175, 2178 ; Jacob comme
Ésaû, Rébecca comme Rachel représentent des tribus. Cheyne, art. Jacob, § 1, t. H, col. 2306 ; Esau, col, 1333 ; Rebekah, § 2, t. iv, col. 4019 ; H. W. Hogg, art. Rachel, t. iv, col. 4002. Cependant, Joseph et Moïse sont des personnages réels ; les récits où ils figurent contiennent un certain fond historique mêlé de multiples fictions légendaires et embellissements mythiques. Cheyne, art. Joseph et Moses, t. ii, col. 2584, et t. iii, col. 3218.
Beaucoup plus modérée est la thèse de S. R. Driver, The Book of Genesis, Oxford, 1904. D’après le professeur d’Oxford, les patriarches sont plus probablement des personnages historiques et les récits qui les concernent sont véridiques dans les grandes lignes, quoique leurs caractères aient été idéalisés et leurs biographies nuancées en maints détails par les sentiments et les idées des âges postérieurs. C’est la même pensée que l’on retrouve dans le Dictionary of the Bible de Hastings, art. Abraham, Hagar, Isaac (EL E. Ryle), t I, p. 15 ; t. ii, p, 277, 484 ; lshmæl, Jacob, Joseph (S. R. Driver), t. ii, p. 504, 533, 771 ; Moses (W. H. Bennett), t. iii, p. 445.
6) Le mythe astral. — Cependant, l’histoire des patriarches n’a pas été expliquée seulement par le mythe ethnographique, social ou religieux. On a aussi proposé l’explication par le mythe astral, plus ou moins dérivé de la mythologie chaldéenne. — Selon le principe posé par E. Stucken, Astralmythen der Hebrâer, Babylonier und Aegypter, Leipzig, 1896-1901, les anciens auraient conjecturé le passé comme ils conjecturaient l’avenir, d’après leurs connaissances des astres, de sorte que les traditions se rapportant aux premiers âges seraient un simple produit de la science astrologique et refléteraient le ciel astronomique comme en un miroir. Sur les procédés critiques de Stucken, voir E. Cosquin, Fantaisies biblico-mythologiques d’un chef d’école, dans la Revue biblique, janvier 1905, p. 5-38. — À la suite de Stucken, H. Winckler, Himmels und Weltenbild der Babylonier als Grundlage der Weltanschauung und Mythologie aller Vôlker, Leipzig, 1901, estime que toutes les mythologies, y compris la mythologie biblique, dérivent de la mythologie chaldéenne, laquelle a uneorigine purement astrologique et météorologique. L’histoire des patriarches tout entière sera donc soumise à cette interprétation. Les patriarches sont les divinités astrales honorées dans les principaux sanctuaires de la Palestine et transportées dans l’arbre généalogique des Hébreux. Abraham, qui a pour père Térah, probablement ïérah, « la lune, » qui vient d’un centre de culte lunaire, Uru, et qui meurt dans un autre centre de culte lunaire, Haran, n’est pas autre que Sin, le dieulune honoré en Chaldée, ou une émanation de ce dieu. Sara, qui veut dire « princesse », doit être pareillement une déesse (les déesses reçoivent en assyrien le titre de « reine » ou de « reine des cieux » ), donc probablement la dame Iëtar, épouse du dieu Sin. La double relation d’Abraham avec Sara, en qualité d’époux et de frère, est incontestablement d’origine mythique : elle doit exprimer la relation de Tammouz’Adonis avec I&tar, c’est-à-dire le rapport de la lune avec le mois. Jacob sera également un dieu lunaire ; Joseph, un dieu solaire, et spécialement le Baal-Berith de Sichem ; Moïse, une émanation de Jahvé-Tammouz du’.steppe. H. Winckler, Geschichte Isræls in Einzeldarstellungen, ne Partie, Die Légende, Leipzig, 1900. Cf. Stucken, op. cit. — Les théories de l’assyriologue de Berlin ont été adoptées dans l’ensemble par H. Zimmern, Die Keilinschriften und das Alte Testament, de Schrader, 3e édit. ; II « partie, remaniée par Zimmern, Berlin, 1903 ; O. Weber, Théologie und Assyriologie in Streite um Babel und Bibel, 1903. — D’autres assyriologues, comme A. Jeremias, Das Alte Testament ini Lichtedes Alten Orients, Leipzig, 1904, limitent l’influence des mythes astrologiques de la Chaldée à la forme seulement, tout au plus à certains détails des récits bibliques.
3° Les Juges et les Rots. — La suite de l’histoire d’Israël, sous les suges et sous les Rois, ne serait pas exemple elle-même de toute influence mythique. D’une façon générale, il y aurait un départ à faire entre la substance des récits, qui serait historique, et les multiples détails, qu’aurait ajoutés la tradition, soit en idéalisant les grands héros de l’histoire, soit en projetant dans le passé les formes sociales ou les conceptions religieuses des temps postérieurs. Cf. Encyclopœdia biblica, art. Historical Literature (G. F. Moore), § 5 sq., t. ii, col. 2077 sq. ; Judges (Id.), § 17, t. ii, col. 2634 sq. ; Kings (E. Kautzch), t. H, col. 2665 sq. ; Ckronicles (S. R. Driver), t. i, col. 767 sq. — Ainsi d’après T. È. Cheyne, art. Prophétie Literature, § 6, ibid., t. iii, col. 3859, « on ne saurait dire dans quelle mesure les scènes si frappantes de la biographie d’Élie peuvent être regardées comme historiques. La narration, dans sa forme actuelle, a évidemment un caractère subjectif. On peut voir sûrement, non seulement dans tel ou tel détail, mais dans la couleur générale des récits, la main d’un narrateur qui idéalise son héros. » — B. Stade, art. Samuel, ibid., t. iv, col. 4270, estime que la biographie de Samuel contient un « noyau d’histoire », mais que « le portrait traditionnel a été embelli sous l’influence des idées religieuses plus récentes ». De même au jugement de T. K. Cheyne, art. Saul, David, Solomon, ibid., t. i, col. 1019 ; t. iv, col. 4302, 4680, les vies de Saûl, de David, de Salomon, sont historiques dans leur substance et dans leurs grandes lignes ; ce qui est idéalisation mythique, transformation légendaire, garde la valeur de renseignement sur le caractère de l’époque où s’est accompli ce travail complémentaire.
Les critiques, qui découvrent le mythe astral dans l’histoire des patriarches, prétendent le retrouver jusque dans l’histoire des Juges et des Rois. À en croire E. Stucken, Astralmythen, et H. Winckler, Geschichte Isræls, cf. Die Keilinschriften und das Aile Testament, de Schrader, 3e édit., h » partie, remaniée par Winckler, 1902, les Juges tiennent à la fois de l’histoire et du mythe, du mythe plus que de l’histoire : Josué est le génie du sanctuaire de Benjamin ; Samson est un dieu solaire ; Débora une Astharté pleurant Adonis près du chêne des Lamentations. — De son côtépT. K. Cheyne, art. Samson, § 2, t. iv, col. 4268, croit qu’on peut ramener Samson à un mythe solaire primitif : « Il est possible, dit-il, qu’il y ait eu un héros solaire, analogue à Gilgamesh, et portant le nom ou le titre de Samshan ; ce nom se sera attaché à quelque champion réel ou imaginaire des Danites, ou d’Israël lui-même, contre les Philistins oppresseurs. Peut-être aussi certains exploits du Samson légendaire ont-ils quelque affinité avec des mythes naturels. » — Quant aux Rois, Saûl, David, Salomon, ce sont sans doute des personnages en chair et en os, et la substance de leur histoire est véritable. Néanmoins, la légende astronomique leur aurait donné une couleur mythique dans les détails. Ainsi, au dire de Winckler, Saül apparaît comme une figure mythologique du dieu-lune. Sin, le dieu lunaire des Babyloniens est appelé « l’oracle » ; or Sa’ùl peut signifier « le consulté ». Le symbole du dieu-lune est la lance ou l’épieu ; or Saül a toujours la lance à la main. La mélancolie du roi représente l’assombrissement mensuel du disque lunaire. Sa décapitation est un autre symbole de la lune envahie par les ténèbres : elle a lieu près de la ville de Bets’àn (Bethsan), où l’on peut voir facilement Bethsin, donc une ville consacrée à Sin, un centre de culte lunaire. David, par contre, sera un héros solaire, plus spécialement Ninib, ou le soleil croissant. Salomon sera également le dieu soleil, probablement Reseph, un Apollon chananéen, ou Nebo, le soleil d’hiver à son déclin. Sa mère Bethsabée, on Balséba’, « fille de sept, » ne peut êlre qu’un reflet pseudo-historique de
IStar, la fille mythologique du dieu-lune, dont le symbole numérique était le chiffre sept.
4° Esther, Tobie, Judith, Job, Jonas, Daniel. — En dehors des annales proprement dites qui nous relatent la suite de l’histoire nationale (livres des Juges, livres des Rois, Paralipomènes, etc.), nous avons aussi des écrits ayant la forme de l’histoire et qui se rapportent à quelque personnage particulier ou à quelque épisode détaché de la vie d’Israël. Ce sont les livres d’Esther, de Judith, de Tobie, de Job, de Jonas, et de Daniel. Or l’interprétation que les critiques indépendants tendent à donner à ces écrits offre beaucoup d’affinité avec l’interprétation mythique. Nous aurions en ces divers livres des récits fictifs, créés de toutes pièces par l’auteur, ou bien empruntés à la tradition courante, aux contes populaires, à quelque légende sans doute brodée sur un certain fond de réalité. Dans la pensée de l’auteur, comme dans l’esprit de la légende, ces récits fictifs seraient conçus en vue de faire valoir une idée ou de symboliser un enseignement ; comme les mythes, ils ne vaudraient que pour la leçon qu’ils contiennent, ou pour le renseignement qu’ils fournissent sur la psychologie du temps qui les a vus naître.
Au jugement de S. R. Driver, Literature of the Old Testament, 7e édit., Edimbourg, 1898, p. 483, le livre d’Esther doit avoir seulement une base historique ; les éléments du récit ont été fournis à l’auteur par la tradition ; aidé par sa connaissance de la vie et des » coutumes persanes, il les a combinés en un tableau harmonieux, où il se propose, non seulement d’expliquer l’origine de la fête des Phurini et de la recommander, mais encore d’exalter l’influence des Juifs et de faire valoir leur importance. Cf. [G. Wildeboer, Die Litteratur des À lien Testaments, Gœttingue, 1895, p. 445 sq. ; J. A. M’Clymont, art. Esther, Dict. of the Bible, de Hastings, t. i, p. 775. Pour T. Nôldeke, art. Esther § 2, Encycl. bibl., t. ii, col. 1402, l’ouvrage n’est pas un roman historique, mais une pure fiction, un conte fabuleux, qui a pour but d’encourager les Juifs à l’observance de la fête des Purirn.
Mêmes opinions au sujet du livre de Judith. D’après M. Gaster, art. Judith, §5, Encycl. bibl, t. H, col. 2644, « un simple incident d’une guerre de l’antiquité, signalé par l’héroïsme d’une jeune fille, tel est le canevas sur lequel un écrivain récent à brodé ce conte richement orné, dont il a fait une leçon de réconfort et d’encouragement. » Cf. F. C. Porter, art. Judith, dans le Dict. of the Bible, t. ii, p. 823. D’après C. H. Cornill, Einleitung in das Alte Testament, Fribourg-en-B., 4e édit., 4896, p. 271, nous avons affaire à « un roman tendancieux » ; <( la tendance est d’encourager les Juifs à lutter sans crainte, pour l’honneur de Dieu, contre la suprématie païenne. » D’après G. F. Moore, art. Historical Literature, § 16, Encycl. bibl-, t. it, col. 2086, « la mise en scène est purement fictive ; si quelque incident réel a fourni le noyau de l’histoire, les circonstances du fait avaient été complètement oubliées. Ce qui en ressort nettement, c’est la leçon de confiance en Dieu et de fidélité à la Loi. »
Le livre de Tobie, au dire de T. K. Cheyne, art. Jonah, § 2, Encycl. bibl., t. ii, col. 2566, appartient au genre midrasch. Le midrasch est « le développement imagi naire d’une pensée ou d’un thème suggéré par l’Écriture, et spécialement une>exposition didactique ou homilétique, ou hien encore une histoire religieuse édifiante ». J. T. Marshall, art. Tobit, Dict. of the Bible, t. iv, p. 788, estime que ce midrasch doit reposer sur une histoire réelle. W. Erbt, art. Tobit, § 7, 8, 17, Encycl. biblica, t. iv, col. 5114, 5118, est plutôt d’avis qu’il a s » base dans le domaine du folk-lore, ou des contes populaires, en particulier dans le conte étranger d’Ahikar.
On a prétendu autrefois que le livre de Job devait
s’interpréter par le symbolisme et que son héros n’était que la personnification typique d’Israël, comme le Serviteur souffrantd’Isaîe. S. R. Driver, Literature ofthe Old Testament, p. 412, regarde Job comme étant probablement un personnage réel ; son histoire aurait un fondement dans la tradition, et l’auteur du livre en aurait fait « le véhicule pour l’exposition de ses idées personnelles touchant la signification religieuse et morale de la souffrance ». G. Wildeboer, op. cit., p. 385, admet cette base historique comme possible. Au sentiment de K. Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, l’auteur aurait exploité un « livre populaire », où l’on s’efforçait de répondre à cette question : « Existe-t-il une vertu désintéressée ? » et lui-même aurait combiné ses propres conceptions avec ces éléments préexistants, en vue de Tésoudre un autre problème, celui de la souffrance du juste. T. K. Cheyne, art. Job, § 1, 4, Encycl. bibl., t. ii, col. 2464, 2468, parle simplement d’une légende populaire, adaptée par, un sage hébreu à son but didactique ; la légende viendrait probablement de Babylonie, et Job pourrait se rattacher à l’Éa-bani ou au Gilgamès des mythes chaldéens. Cornill, op. cit., p. 241, se contente de dire : « Nous avons là purement et simplement un récit librement inventé, où la forme historique ne sert qu’à donner une expression plus énergique aux conceptions de l’auteur. »
L’opinion de Cornill, op. cit., p. 187, est exactement la même au sujet du livre de Jonas. Cf. G. Wildeboer, op. cit., p. 341. Driver, op. cit., p. 324, estime que les matériaux du midrasch ont été empruntés à la tradition et qu’ils servent à faire valoir cette leçon, « que les desseins miséricordieux de Dieu ne sont pas limités à Israël, mais peuvent s’étendre aux paiens, s’ils font pénitence. » W. Nowack, Die kleinen Propheten, Gœttingue, 1897, p. 175, etE. Kautzsch, Abriss der Geschichte des Alttestamentlichen Schrifltums, Tûbingue, 1897, p. 120, pensent plutôt à une « légende prophétique », ou g conte populaire », librement exploité. E. Konig, art. Jonah, Dict. of the Bible, t. ii, p. 746, préfère également l’hypothèse d’un emprunt au folk-lore à celle d’un fond primitif historique. L’écrit appartiendrait d’ailleurs au genre des « récits symboliques ». Jonas, dont le nom signifie « colombe », représente Israël ; il paraît comme prophète, parce qu’Israël est appelé à remplir le rôle de prédicateur vis-à-vis des Gentils ; s’il « st englouti par la mer, à cause de son infidélité, et ramené ensuite au jour, c’est pour symboliser Israël, puni d’abord par l’exil à Babylone, pour avoir été infidèle à sa mission, et ensuite miséricordieusement rétabli par Dieu. Telle est l’interprétation que fait valoir à son tour Cheyne, art. Jonah, § 3, Encycl. bibl., t. ii, col. 2567, mais en y joignant une interprétation mytho-. logique : le grand poisson qui engloutit Jonas serait le dragon de l’océan souterrain, symbole de l’empire de Babylone, qui absorba effectivement Israël, non pour le détruire, mais pour le garder et lui donner lieu de faire pénitence.
D’après Driver, op. cit., p. 510, et The Book of Daniel, Cambridge, 1901, p. ixviii, Daniel doit être considéré comme un personnage ayant réellement vécu au temps de l’exil babylonien ; son histoire a un fondement véritable dans la tradition. Les données traditionnelles transmises par voie orale, peut-être même déjà mises par écrit, ont été exploitées, sous Antiochus Épiphane, par un auteur qui les a mises en rapport avec les circonstances de l’époque où il écrivait. Par contre, A. Kamphausen, art. Daniel, § 10, Encycl. bibl., 1. 1, col. 1008, ne croit pas en l’existence d’un Daniel contemporain de l’exil, bien que le livre puisse contenir plus ou moins de matière traditionnelle. Pour Cornill, op. cit., p. 214, c’est simplemente l’ouvrage d’un Juif pieux et fidèle à la Loi, qui, sous le règne d’Antiochus Épiphane, voulut encourager ses coreligionnaires, au sein de la persécu tion, en plaçant dans la bouche d’un prophète exilien des prédictions qui annonçaient l’approche du royaume des cieux ». Cf. Wildeboer, op. cit., p. 443. E. L. Curtis, art. Daniel, Dict. of the Bible, t. i, p. 554, trouve que l’écrit offre des parallèles frappants avec les livres de Jonas, de Tobie et de Judith, et voit dans les chap. i-vi « un échantillon de VHagada juive de la basse époque, qui consistait à inculquer des leçons morales et spirituelles par le moyen de contes imaginaires ». Enfin, au sentiment de H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, Gœttingue, p. 320 sq., l’appendice sur Bel et le Dragon se trouverait en dépendance du mythe babylonien qui représente le dieu Mardouk, vainqueur de Tiàmat, le monstre du chaos.
II. l’interprétation mythique appliquée AU Èbïïveau TESTAMENT. — Le Nouveau Testament a été soumis comme l’Ancien à l’interprétation mythique.
1° Système de Ch. Dupuis. — Le premier essai important qui en ait été fait est celui de Charles François Dupuis, qui fit imprimer en pleine Terreur un ouvrage sur l’Origine de tous les cultes, ou la Religion universelle, 3 in-4°, Paris, an m (1794) ; Cf. Abrégé de l’origine de tous les cultes, in-8°, Paris, an vu (1798), Le système de Dupuis offre de grandes analogies avec celui de Winckler, fondé sur la mythologie astrale. D’après le philosophe français, les anciens auraient donné à leurs descriptions de la nature la forme d’une histoire, où les personnages représenteraient les divers phénomènes dans leurs multiples relations. Le soleil aurait été le principal héros de ces romans merveilleux. Or, c’est une histoire de ce genre qu’il faudrait chercher dans le christianisme. A en croire Dupuis, « la vie de Christ n’est que la légende solaire connu, chez les chrétiens. » Le Christ Agneau, réparateur du mal que le serpent tentateur a introduit dans le monde, c’est le soleil qui, au printemps, dans son passage sous le signe de l’Agneau, répare dans la nature le mal amené par l’hiver ou le serpent d’automne. N’est-il pas appelé « l’Orient », « la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ? » N’est-il pas né de la Vierge céleste, au solstice d’hiver, à l’instant où paraîtle soleil nouveau ? Ses douze apôtres sont manifestement les douze signes du zodiaque, et Pierre, leur chef, avec sa barque et ses clefs, ne peut être que le vieux Janus, à la tête des douze divinités qui représentent les mois. Ainsi le Christ n’est que le dieu soleil, objet du culte de tous les peuples, et la secte qui l’adore, une secte mithriaque, branche de la religion de Zoroastre, qui a pris le nom de chrétienne.
2° Mythisme de Strauss. — Différent est le système que le D r David Frédéric Strauss inaugurait en 1835, dans Dos Leben Jesu, kritisch bearbeitet, 2 fti-8°, Tûbingue, 1835 et 1836 (Vie de Jésus, ou Examen critique de son histoire, trad. franc, par E. Littré, 1839). C’était une adaptation au Nouveau Testament du mythisme que de Wette avait appliqué à l’Ancien. Déjà quelques tentatives avaient été faites pour soumettre à cette interprétation mythique certains chapitres de la vie de Jésus, en particulier les récits de son enfance et ceux de l’ascension. Strauss prétendit y réduire toute l’histoire du Sauveur. Le mythe qu’il place ainsi à la base de l’histoire évangélique n’est point une fiction individuelle et réfléchie, unejable inventée à plaisir par quelque poète ou romancier ; c’est le produit spontané de la foi primitive de l’Église, incarnant inconsciemment ses croyances et ses préoccupations en une multitude de récits, qui d’abord se sont élaborés dans la tradition orale, puis ont été consignés de bonne foi par les évangélistes. « Le mythe, écrit-il, a pour fondement, non une conception individuelle, mais la conception générale et supérieure d’un peuple ou d’une communauté religieuse. » C’est « la production, non d’un individu, mais de sociétés entières et de générations successives, parmi lesquelles la narration, transmise de bouche en bouche, et recevant
l’addition involontaire d’embellissements, tantôt d’un narrateur et tantôt d’un autre, s’est grossie comme la boule de neige ». Vie de Jésus, lntrod., § xiv ; trad. Littré, 2° éd., Paris, 1853, t. i, p. 107, 108. Dès lors, peut-il dire, « nous nommons mythe évangélique un récit qui se rapporte immédiatement ou médiatement à Jésus, et que nous pouvons considérer, non comme l’expression d’un fait, mais comme celle d l’une idée de ses partisans primitifs. » Ibid., § xv, p. 116.
Strauss ne peut prétendre reléguer toute la vie de Jésus dans le royaume des mythes, il est obligé de reconnaître qu’elle tient profondément à l’histoire. Bien plus, il convient que sa critique « ne dépouille pas la vie de Jésus de tous les traits qui purent se prêter à être regardés comme des miracles » (§ 14, p. 113). Le mythe évangélique ne peut, en effet, s’expliquer que par « la puissante impression » produite par le Sauveur, et cette impression elle-même suppose de toute nécessité, dans sa personne et dans ses discours, quelque chose de cet extraordinaire que relatent nos documents. Mais comment faire le départ entre ce qui est mythe et ce qui est histoire ? Strauss a fixé sur ce point les règles de la critique. « Un récit n’est pas historique, dit-il, § xvi, p. 118, premièrement quand les événements relatés sont incompatibles avec les lois connues et universelles qui règlent la marche des événements… » Donc, tout ce qui est voix célestes, apparitions divines, miracles, prophéties, apparitions et actes d’anges ou de démons, doit être impitoyablement rayé de l’histoire. Ibid. Et voici à quel signe caractéristique on reconnaîtra principalement que le récit non historique doit être ramené à un mythe : « Si le fond d’un récit concorde d’une manière frappante avec certaines idées qui prévalent dans le cercle même où ce récit est né, et qui semblent plutôt être le produit d’opinions préconçues que le résultat de l’expérience, alors il est plus ou moins vraisemblable, d’après les circonstances, que le récit a une origine mythique… Ainsi, nous savons que les Juifs voyaient, dans les écrits de leurs prophètes et de leurs poètes, des prédictions, et, dans la vie des anciens hommes de Dieu, des types du Messie ; cela nous suggère le soupçon que ce qui, dans la vie de Jésus, est visiblement figuré d’après de tels dires et de tels précédents, appartient plutôt au mythe qu’à l’histoire. » § xvi, p. 121-122.
Le mythe, ainsi compris, sera, soit un mythe pur, s’étendant à la substance même du récit, soit un mythe mêlé à l’histoire, lorsque l’élément mythique n’est qu’un accident dans une histoire véritable. Et voici d’après quelles règles on pourra faire le discernement. « Dans lès cas où non seulement le détail d’une aventure est suspect à la critique, et le mécanisme extérieur exagéré, etc., mais encore où le fond même n’est pas acceptable à la raison, ou bien est conforme d’une manière frappante aux idées des Juifs d’alors sur le Messie ; dans ces cas, non seulement les prétendues circonstances précises, mais encore toute l’aventure, doivent être considérées comme non historiques. Au contraire, dans les cas où des particularités seulement dans la forme du récit d’un événement ont contre elles des caractères mythiques, sans que le fond même y participe, alors du moins il est possible de supposer encore un noyau historique au récit. » § xvi, p. 126.
Il est aisé maintenant de retracer la genèse du mythe évangélique, ainsi exposé. « Le mythe pur, dit Strauss, aura deux sources qui, dans la plupart des cas, concourent simultanément à sa formation ; seulement, tantôt l’une, tantôt l’autre prédomine. La première de ces sources est l’attente du Messie sous toutes les formes, attente qui existait parmi le peuple juif avant Jésus et indépendamment de lui ; la seconde est l’impression particulière que laissa Jésus en vertu de sa personnalité, de son action et de sa destinée, et par laquelle il modifia l’idée que ses compatriotes se faisaient du Messie. C’est presque
uniquement de la première source que provient, par exemple, l’histoire de la transfiguration… Au contraire, c’est de la seconde source que dérive le récit où le rideau du temple est décrit se déchirant au moment de la mort de Jésus ; car le motif principal qui parait en avoir dicté la conception est la position de Jésus lui-même, et, après lui, de ses disciples vis-à-vis le culte juif et le Temple. » § xv, p. 116. Peut-être aussi faut-il faire intervenir, dans la formation de ce dernier trait » l’abus d’une métaphore. Il est question dans l’Épltreaux Hébreux, x, 19, de la voie du véritable sanctuaire que Jésus-Christ nous a ouverte par son sang sous le voile de sa chair. « Un auditeur peut avoir pris ce. voile au propre, et imaginé le fait sans soupçonner la fiction. » Nouvelle vie de Jésus, trad. Nefftzer et Dollfus, Paris, t. i, p. 203. — Impression profonde laissée par Jésus, besoin de montrer en lui le Messie des prophètes, tels sont aussi les deux facteurs qui ont concouru à former le grand mythe de la résurrection. Les apôtres, malgré le drame du Calvaire, restaient persuadés que Jésus était le Messie ; or le Messie devait vivre éternellement : il n’avait donc fait que passer dans sa gloire messianique ; le Psalmiste n’avait-il pas d’ailleurs déclaré : « Tu ne me laisseras pas dans le sépulcre, et tu ne souffriras point que ton saint éprouve la corruption ? » D’autre part, parmi les attributs du Messie figurait la résurrection corporelle des morts : rien donc de plus naturel que la pensée de son retour à la vie et de sa propre résurrection. Sous l’influence de ces croyances messianiques et de l’impression gardée du Sauveur, l’imagination des Apôtres s’exalte : elle leur fait prendre pour apparitions réelles ce qui n’est que vision intérieure et subjective, provoquée peut-être par quelque objet qui trompe leurs sens et fournit matière à leurs illusions. Enfin, la même exaltation d’esprit, sans doute aussi quelque préoccupation apologétique, au cours de la controverse avec la synagogue, leur suggèrent les circonstances du prétendu miracle : apparitions des anges, garde demandée par les Juifs, sceau apposé sur le tombeau, cicatrices des plaies, montrées par Jésus, vues et touchées par les Apôtres. Vie de Jésus, § cxxxviii, t. ii, p. 640-644 ; cf. Nouvelle vie de Jésus, t. i, p. 203.
Dans le mythe historique, ou mêlé à l’histoire, interviennent également l’impression faite par le Sauveur et l’idée préconçue de sa personne ou de son œuvre. Sous l’influence de cette impression et de cette idée, l’imagination s’empare d’une donnée particulière de son histoire et brode tout autour ses conceptions mythiques. Quant à la donnée, qui sert ainsi de thème à l’imagination, c’est m tantôt un discours de Jésus, par exemple les discours sur les pêcheurs d’hommes et sur le figuier stérile, discours que nous lisons maintenant transformés en histoires merveilleuses ; tantôt c’est un acte ou une circonstance réelle de sa vie : ainsi son baptême, événement réel, a été orné des détails mythiques que racontent les Évangiles ; il est possible encore que certains récits de miracles aient pour fondement des circonstances naturelles qui ont été ou présentées sous un jour surnaturel ou chargées de particularités miraculeuses)I. Toutes ces diverses conceptions sont des mythes, « en tant qu’une idée est le point de départ de la portion non historique qu’elles renferment. » Vie de Jésus, § xv, p. 117.
Strauss s’est enfin posé la question de savoir si « la qualification de mythe, applicable à la poésie légendaire et naïve qui domine dans les trois premiers Évangiles, convient également à des inventions plus ou moins réfléchies, comme celles du quatrième Évangile ». Dans sa Vie de Jésus, il observait qu’ « une fiction, même quand elle n’est pas complètement sans calcul, peut cependant encore ne comporter aucune fraude… Dans l’antiquité, surtout dans l’antiquité juive, et parmi des cercles soumis à l’action religieuse, l’histoire et la.
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fiction, la poésie et la prose, n’étaient pas séparées d’une manière aussi tranchée que parmi nous ». Et il se contentait de dire : « En soi, (ces fictions d’un individu ) ne sont pas mythiques ; elles ne le deviennent qu’autant que, trouvant croyance, elles passent dans la légende d’un peuple ou d’un parti religieux, car alors il est clair que l’auteur les a conçues, non d’après ses propres pensées, mais en accord avec les sentiments d’une foule d’hommes. » § xiv, p. 114-115. — C’est « une querelle de mots », dit-il dans sa Nouvelle vie de Jésus, t. i, p. 205. « Dans ce nouveau travail… j’ai fait la part plus large à la fiction voulue et réfléchie, mais je n’ai trouvé aucun motif sérieux de changer de terminologie. Je maintiens que le nom de mythe convient même aux fictions réfléchies d’un individu, dès que ces fictions sont devenues des croyances, dès qu’elles ont passé dans la légende d’un peuple ou d’un parti religieux. » « La plupart des récits du quatrième Évangile, par exemple, offrent, jusque dans les moindres détails, une suite et un plan si rigoureux, qu’à moins d’être franchement historiques, ils ne peuvent guère passer que pour des morceaux combinés en pleine connaissance de cause, s « J’appelle donc mythe tout récit dénué d’autorité historique, quelle que soit son origine, dans lequel une communion religieuse reconnaît un élément fondamental de sa foi, parce qu’il contient l’expression exacte de ses principaux sentiments et de ses plus chères idées. » lbid., 1. 1, p. 204, 209.
Quelle est la valeur restante de l’Évangile, ainsi interprété par le mythisme ? Strauss tient à le définir dans la préface à sa première édition : « L’auteur sait, dit-il, que l’essence interne de la croyance chrétienne est complètement indépendante de ces recherches critiques. La naissance surnaturelle du Christ, ses miracles, sa résurrection, et son ascension au ciel, demeurent d’éternelles vérités, à quelque doute que soit soumise la réalité des choses en tant que faits historiques. » Vie de Jésus, t. i, p. 3. En réalité, pour le critique allemand, les vérités qui demeurent sont des vérités abstraites, entièrement indépendantes des faits évangéliques et de la personne de Jésus, n’ayant de relation qu’avec le fait et la personnalité de l’humanité en général. C’est à l’humanité en général qu’il faut rapporter les attributs que l’Église donne au Christ. Il n’y a « d’éternelles vérités » dans l’Évangile que ce qui peut convenir à l’humanité, laquelle est véritablement « le Dieu fait homme, c’est-à-dire, l’esprit infini qui s’est aliéné lui-même jusqu’à la nature finie, et l’esprit fini qui se souvient de son infinité ». T. ii, p. 712. Ainsi le mythisme de Strauss aboutit, en fin de compte, au panthéisme d’Hegel, où Dieu ne se distingue pas de l’homme et où l’homme devient Dieu.
3° Système de Renan. — Si nous avons longuement analysé le système du célèbre écrivain de Tubingue, c’est que ses principes sont devenus les règles de l’exégèse évangélique, dite indépendante, et que, sauf des variantes dans les détails, les mêmes idées ont inspiré depuis lors les critiques rationalistes, ou protestants libéraux, les plus renommés. — Renan, dans sa Vie de Jésus, Paris, 1863 ; 13e édit., 1867, n’a guère fait que reproduire en français le système mythique de Strauss, en adoptant son panthéisme hégélien. Toutefois, entre 1835 et 1863, de grands travaux critiques s’étaient accomplis, qui avaient abouti, d’une part, à constater définitivement l’authenticité de la plupart des Épitres de saint Paul, et, d’autre part, à reconnaître aux Évangiles une origine beaucoup plus ancienne et surtout une dépendance vis-à-vis de documents beaucoup plus primitifs que Strauss ne l’avait supposé. On ne trouvait donc plus un temps suffisant pour la formation d’un ensemble de mythes aussi considérable que celui qu’avait imaginé le docteur allemand. Renan dut admettre l’historicité de la grande masse des faits évan géliques, y compris les nombreuses guérisons opérées par Jésus et la croyance des Apôtres en de multiples apparitions de leur Maître ressuscité. Dès lors, tout le procédé du critique français fut de donner, des faits qui s’imposaient comme historiques, un essai d’explication naturelle, un peu selon la méthode de Paulus, perfectionnée ; et, pour ce qui était trop évidemment surnaturel, trop absolument réfractaire à toute interprétation naturaliste, d’en nier l’historicité, en l’attribuant au travail mythique de la légende, selon les principes inaugurés par Strauss. — Des « biographies légendaires », tel est le qualificatif qu’il donne à nos Évangiles. Ibid., 13= édit., Introd., p. lxxxix. Et, comme il place la composition des Synoptiques peu après l’an 70 et qu’il fait dépendre directement saint Marc de la tradition orale de saint Pierre, saint Matthieu et saint Luc de documents écrits remontant à l’époque même des Apôtres, force lui est de supposer que le « travail de métamorphose » mythique s’opéra « dans les vingt ou trente années qui suivirent la mort de Jésus et imposa à sa biographie les tours absolus d’une légende idéale ». lbid., p. ra. Bien plus, il en vient à dire que c’est du vivant même de Jésus que s’inaugura ce travail. « Peut-être, dit-il, un œil sagace eût-il pu reconnaître dès lors le germe des récits qui devaient lui attribuer une naissance surnaturelle. » lbid., p. 250. On peut se demander s’il ne sut pas lui-même « quelque chose des légendes inventées pour le faire naître à Bethléhem ». P. 249. ci Sa légende était ainsi le fruit d’une grande conspiration toute spontanée et s’élaborait autour de lui de son vivant. » P. 250.
4° Systèmes récents. — Le rationalisme panthéistique de Strauss et de Renan ne semble guère plus de mode aujourd’hui, même en Allemagne. Les critiques libéraux estiment très généralement que leur appréciation de la valeur historique des Évangiles, et l’élimination qu’ils font de tout ce qui s’y trouve de trop manifestement miraculeux, laissent subsister la valeur essentielle du christianisme comme religion véritable et définitive, et la valeur du Christ comme organe de la révélation et médiateur suprême pour aller à Dieu. Mais, à part cette différence d’appréciation d’ensemble et de conclusion pratique pour la foi, c’est bien le même système auquel recourent ces critiques : élimination du surnaturel trop saillant par l’hypothèse d’un travail mythique de la pensée chrétienne, qui se serait opéré antérieurement à la rédaction finale des Évangiles, sous l’influence, soit de l’impression profonde laissée par Jésus, soit des conceptions messianiques héritées de la tradition juive, soit même des mythes étrangers, familiers aux milieux païens. Cf. H. J. Holtzmann, Einleitung in dus Neue Testament, 3e édit., Fribourg-en-B., 1892 ; Die Synoptiker, 3e édit., Frib., 1901 ; A. Jûlicher, Einleil. in dos N. T., 3e édit., Frib., 1901, p. 290 sq. ; P. W. Schmiedel, art. Gospels, § 137 sq., Encycl. bibl., t. ii, col. 1876 sq., etc. — C’est ainsi que l’on prétend expliquer la conception virginale et les épisodes de l’Enfance, le baptême et la tentation, les résurrections de morts et les miracles sur la nature, les déclarations de la dignité messianique faites par Jésus, les démons ou ses disciples, enfin la transfiguration, la résuirection^eH’ascension.
A) Récifs de la Conception et de l’Enfance. — o) D’après N. Schmidt. — Le récit de la conception virginale est rattaché par N. Schmidt, art. Son of God, § 17, Encycl. bibl., t. iv, col. 4699, à une méprise de l’Église de la gentilité sur le titre de Fils de Dieu, employé par Jésus. A en croire ce critique, on se représenta d’abord que Jésus avait été adopté particulièrement de Dieu comme Fils à son baptême ; la génération du Fils de Dieu était censée s’être opérée par l’investissement de l’Esprit-Saint, survenant en forme de colombe. Or, c’est « ce mythe primitif qui semble avoir fait place ensuite à
celui de la naissance virginale ». La génération diyine, supposée d’abord réalisée au baptême, fut reportée à l’origine de sa vie ; on s’imagina que Jésus avait dû être Fils de Dieu dès sa naissance, donc qu’il avait dû naître, non d’un homme, mais de Dieu. D’après M. Schmidt, « cette conception mythique, qui se trouvait largement répandue dans l’antiquité, semblé être une tradition tardive, formée dans l’Église chrétienne de la gentilité. »
6) D’après H. Vsener. — Un autre critique allemand, collaborateur de YEncyclopsedia biblica, H. Usener, art. Nativity, § 14-20, t. iii, col. 3348-3352 ; cf. Id., Religionsgeschichlliche Untersuchungen, 1889, p. 69 sq. ; i, Dos Weihnachtsfest, expose la même idée sous une forme plus complète : « Les plus anciennes rédactions évangéliques, dit-il, connaissaient seulement Jésus comme né à Nazareth, de Joseph et de Marie. Mais elles enseignaient aussi qu’il était le Messie prédit par les prophètes ; » ce fut « le germe qui devait donner naissance au dogme de la divinité du Chrisi, et même à celui de la préexistence du Fils de Dieu ». D’après la croyance juive, « le Messie devait être un descendant de David et l’élu de Dieu. De ce principe découla peu à peu, comme une première et inévitable conséquence, que Jésus avait dû avoir pour père un descendant de David et qu’il avait dû naître à Béthléhem. Une deuxième Conséquence nécessaire fut que l’élu de Dieu devait être mis en relation étroite avec Dieu ; il était né et avait grandi comme homme : il fallait donc une consécration divine qui l’eût investi de son office de Messie ; de là le baptême au Jourdain. » Cependant, « l’idée de la divinité gagnait toujours du terrain, il devint de plus en plus impossible de retarder jusqu’à sa trentième année son adoption comme Fils de Dieu ; on sentit qu’il avait dû être dès sa naissance l’instrument choisi du ciel. Ainsi naquit l’histoire de la nativité. »
La première forme de ce récit ne contenait pas l’idée de la naissance surnaturelle : Jésus y était présenté comme le premier né de Joseph et de Marie, investi dès sa naissance de la vocation messianique. C’était une « représentation purement judéo-chrétienne de la naissance du Messie ». On retrouve cette forme primitive du mythe dans le chapitre Ier de Luc, si l’on a soin d’en enlever les versets 34-35, qui renferment l’idée de la virginité de Marie, cf. J. Hillmann, Die Kindheitsgeschichte Jesu nach Luc, dans les Jahrbùclier fur protestantliche Théologie, 1891, p. 231 sq., et qui sont probablement un emprunt à la tradition de Matthieu. Cf. A. Harnack, Zu Luc, i, 34 f., dans la Zeitschrift fur die Neutest. Wissenschaft, 1901, p. 53 sq.
Une deuxième forme élaborée dans les milieux païens, fit valoir l’idée de la conception virginale. D’après Usener, c’est cette deuxième forme que reproduit directement l’Évangile de saint Matthieu. « Cette narration, dit-il, est entièrement dominée par l’idée que Jésus a été conçu par la vertu de l’Esprit Saint dans le sein de la vierge Marie. » « Ici nous entrons sûrement dans un cercle d’idées païennes. » Le thème général a élé illustré par les épisode de l’étoile, des mages, du massacre des Innocents, et « la broderie vient de la même source que la chaîne et la trame ». « À toute l’histoire de la naissance et de l’enfance, et pour chacun des détails que rapporte Matthieu, on peut trouver un substratum païen. L’histoire a donc dû se former dans les cercles chrétiens de la gentilité, probablement dans ceux de la province d’Asie. » Et c’est ainsi que le récit de la naissance de Jésus « a été mis en rapport avec les demandes de la foi ». Cf. P. W. Schmiedel, art. Mary, % 11-16 ; ïbid., t. iii, col. 2960-2964 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der Neutest. Théologie, Fribourgen-B. , 1897, t. i, p. 414 sq.
c) D’après A. Réville. — Cette interprétation donnée aux premiers chapitres de saint Matthieu et de saint
Luc n’est bien, sous une forme d’apparence plus critique, que l’interprétation mythique mise en avant par Strauss. A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 365, l’exprime nettement, lorsqu’il résume ainsi sa pensée : « Il nous paraît certain que les récits, conservés dans les évangiles de Luc et de Matthieu, concernant la naissance de Jésus, rentrent à peu de chose près dans la catégorie de ces traditions légendaires où les idées qu’on veut exprimer tiennent plus de place que la réalité des faits racontés. » Cf. p. 386. — L’explication que donne ce dernier critique du récit de la fuite en Egypte est particulièrement dans la manière de Strauss. « Son séjour en Egypte, dit-il, p. 402, fait partie, avec la visite des mages, d’une légende inspirée par le genre d’universalisme qui s’accorde avec le point de vue judéo-chrétien. » Ce que nous exprimerions en disant : « L’Évangile fut porté en Egypte dès les premières années de la période apostolique, » se serait traduit dans l’esprit et le langage de la légende mythique sous cette forme : « le Christ dès les premiers jours fut porté en Egypte, » p. 400 ; « les mages, représentants du monde païen, ont reconnu la royauté sur le monde entier du Messie juif. » P. 396.
d) D’après O. Holtzmann. — O. Holtzmann, Leben Jesu, Fribourg-en-B., 1901, p. 68, note 1, résume tout ce point de vue mythique dans cette conclusion : « Le charme de ces histoires de la Nativité ne dépend pas de leur vérité historique, mais de leur signification intérieure : elles expriment la joie du monde divin aux approches du salut de l’humanité ; l’attente du Rédempteur, l’hommage des grands de la terre à celui qui, étant dans la pauvreté, leur octroie à tous la vraie richesse ; la protection de Dieu à l’égard du Saint que le monde cherche à faire périr. Puisque toutes ces idées sont vraies, nous ne sommes pas obligés de déclarer ces récits faux, alors même qu’ils sont, historiquement parlant, non conformes à la réalité. »
B) Récits de la Tentation. — C’est encore dans le mythe que M. Réville, op. cit., t. ii, p. 19, cherche l’explication de la tentation du Christ au désert. « Nous n’avons incontestablement ici, dit-il, que le développement mythique d’un fait historique. La paradosis a fait rentrer dans cette retraite au désert les combats intérieurs qui se livrèrent dans l’âme de Jésus, à plusieurs reprises, avant et pendant le cours de son action publique. » « Le chiffre précis de quarante jours semble typique, en rapport avec les quarante ans de séjour du peuple d’Israël dans le désert. » P. 13. « Les bêtes sauvages sont les passions dévorantes qui déchaînent les révolutions violentes ; les anges conseillent et donnent les armes pures de la persuasion et de l’appel aux consciences. Selon cette explication que nous croyons vraie, il y a déjà quelque chose de mythique dans la brève et mystérieuse description du second Évangile. » P. 14.
C) Déclarations messianiques et prédictions de la Passion. — D’après W. Wrede, Dos Messiasgeheimnis in den Evangelien, Gœttingue, 1901, il faudrait aussi attribuer au travail de la pensée chrétienne sous les influences de la foi, en d’autres termes, au mythe, les prophéties qui sont prêtées à Jésus touchant sa mort et sa résurrection, et même les déclarations de sa qualité de Messie qui se trouvent placées dans sa bouche ou sont censées lui être adressées par les démons ou ses disciples. — Jésus, de son vivant, ne se serait aucunement donné pour le Messie, et il n’aurait nullement prédit ni sans doute prévu sa mort tragique. Après sa mort, ses disciples, ayant acquis l’assurance qu’il était ressuscité, de quelque manière que se soit formée leur conviction sur ce point, furent persuadés qu’il était devenu Christ par cette résurrection. Étant le Messie depuis sa résurrection, il leur parut qu’il avait dû être, pendant sa vie, un Messie en expectative, caché et ignoré. De là ce mélange de lumière et d’obscurité, de publicité et de réserve, avec lequel la tradition postérieure finit
par se représenter la manifestation de Jésus comme Christ. De là, eiï particulier, les déclarations expresses attribuées aux possédés ou aux disciples, et le silence immédiat que leur impose Jésus. De là, pareillement, les prédictions que le Sauveur est censé avoir faites de sa passion prochaine, et l’inintelligence prêtée à ses disciples relativement au sens de ses paroles. Idée du secret messianique, silence imposé aux démons, inintelligence des disciples : autant de moyens suggérés par la foi à l’apologétique des premiers jours, pour concilier le fait de la passion avec la messianité réelle de Jésus, d’autre part pour expliquer comment le Sauveur n’avait pas été reconnu Messie de son vivant, malgré la foi que l’on avait présentement en sa messianité. Sur tous ces points, les Évangiles refléteraient donc, non l’exactitude de l’histoire, mais les préoccupations de l’Église primitive ; ce qu’ils rapportent serait un produit inconscient de la foi chrétienne, c’est-à-dire, à le bien prendre, un mythe.
D) Miracles. — Le mythe expliquerait pareillement les récits d’épisodes miraculeux qui ne paraissent en aucune façon susceptibles d’une explication naturelle. Les critiques libéraux font, en effet, un choix parmi les miracles évangéliques. Ils consentent à admettre comme historiques « les miracles de guérison analogues à ceux que les médecins sont capables d’opérer encore aujourd’hui par les [moyens psychiques ». P. W. Schmiedel, art. Gospels, § 144, dans YEncycl. bibl., t. ii, col. 1885. Cf. A. Jûlicher, op. cit., p. 292 ; 0. Holtzmann. op. cit., p. 58-59 ; A. Harnack, Bas Wesen des Christentums, Leipzig, 1900, p. 18 ; A. Réville, op. cit., t. ii, p. 76 et suiv. ; etc. Mais ils excluent a priori de l’histoire tous les autres et, pour les expliquer, recourent à la théorie du mythe, de la même manière que Strauss.
a) Résurrections. — D’après T. K. Cheyne, art. Jairus et Nain, dans YEncycl. bibl., t. ir, col. 2316, et t. iii, col. 3264, les deux récits de résurrection du fils de la veuve de Naïm et de la tille de Jaïre, viendraient d’une transformation graduelle de données primitives fort simples. — Jésus répond aux messagers de Jean-Baptiste d’aller dire à leur maître : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts sont ressuscites, les pauvres reçoivent la bonne nouvelle. » Luc n’a pas compris que « les morts sont ressuscites », devait s’entendre dans un sens allégorique, comme le montre la sentence connexe : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. » L’Évangéliste s’est imaginé des résurrections de morts véritables, et comme spécimen il présente celle du fils de la veuve de Naïm. Sans doute aussi faut-il faire intervenir l’influence des souvenirs de l’Ancienne Loi : Élie et Elisée avaient ramené des morts à la vie ; Jésus ne pouvait être inférieur aux anciens prophètes. — Quant au récit de la résurrection de la fille de Jaïre, contenu dans les trois Synoptiques, il doit appartenir « aux plus anciennes couches de la tradition évangéliq.ue ». Néanmoins, les trois Évangélistes, dont l’idée était troublée par les souvenirs d’Élie et d’Elisée, ont dû se méprendre sur le sens profond de la parole de Jésus : « Elle n’est pas morte, mais elle dort ; » ils auront transformé en résurrection de mort ce qui n’était que guérison de malade, — A. Réville, op. cit., t. ii, p. 68 sq., explique le même récit par « l’amplification graduelle du merveilleux » ; « à la base, dit-il, on a lieu de soupçonner un fait qui peut être intéressant ou même exceptionnel, et qui n’a rien pourtant de miraculeux. »
b) Le figuier desséché. — Les miracles extraordinaires opérés sur la nature auraient également pour origine, selon le principe déjà indiqué par Strauss, un travail de la pensée chrétienne, qui, prenant pour point de départ une sentence de Jésus, l’aurait peu à peu traduite dans un fait prodigieux, qui en serait devenu comme l’illustration concrète. Ainsi, l’épisode du figuier
desséché sur le chemin de Béthanie serait dû à une sorte de matérialisation de la parabole du figuier maudit : « L’enseignement de la parabole, dit M. Réville, ibid., p. 70, s’est trouvé transformé en fait matériel et miraculeux, symbolique aussi et de même sens, mais d’une tout autre nature que les paroles qui l’ont suggéré. »
c) Les multiplications de pains. —- Les deux multiplications des pains doivent être rangées dans la même catégorie. — D’après M. Réville, ibid., p. 73, Jésus avait dû dire « quelque chose comme cela : Il en est de la doctrine du Royaume comme des cinq ou sept pains qui ont procuré de quoi nourrir des milliers d’hommes ; cela ne paraissait rien ; non seulement cela a suffi, mais encore il en reste des corbeilles pleines ». Dès lors, « on est conduit à penser que les multiplications miraculeuses ont été suggérées, avec l’aide de réminiscences de l’Ancien Testament, par la tendance à transformer en fait réel et matériel ce qui était originairement et simplement une idée très belle, d’une grande profondeur, exprimée sous forme figurée et comparée à un fait tout récent. » P. W. Schmiedel, art. Gospels, § 142, t. ii, col. 1883, estime que l’histoire a pu naître d’une sentence figurée, telle que celle-ci, Matth., v, 6 : « Bienheureux ceux qui ont faim, car ils seront rassasiés. »
d) La pêche miraculeuse et le poisson au statère. — Jésus a dit encore : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes : » tel est, au dire de M. Réville, ibid., p. 74, « le mot qui doit avoir été le générateur du récit » de la pêche miraculeuse. — Quant au « miracle du statère ou de la pièce de monnaie trouvée à point nommé dans la bouche d’un poisson que Pierre a été pêcher tout exprès », il « exhale le parfum de la purelégende et n’a d’importance qu’à titre d’éclaircissement de la position adoptée par [Jésus vis-à-vis du régime politique de son temps ». Ibid., p. 75.
e) La marche sur les eaux. — D’après M. Schmiedel, art. cit., § 142, col. 1883, « il n’est pas difficile de conjecturer les expressions employées par Jésus, sur lesquelles on a pu broder le récit de la marche sur les eaux et celui de l’apaisement de la tempête. Ce doit être quelque chose d’analogue à Marc, xi, 22-24, et à Luc, xvii, 6, quelque chose comme ceci : « Si vous avez « de la foi gros comme un grain de sénevé, vous serez « capable de commander à la tempête, et elle vous obéira ; « vous serez apte à marcher sans crainte sur la mer « troublée de la vie. » « Nous pouvons être sûrs, dit-il ailleurs, art. Simon Peter, § 6, t. iv, col. 4569, que l’histoire de la marche de Jésus sur les eaux était originellement une parabole où était proposée d’une manière graphique cette idée que, si les disciples avaient la foi, ils pourraient marcher avec assurance sur la mer agitée de la vie. L’addition relative à Pierre a pour but d’illustrer la thèse par un contraste : celui qui n’a pas la foi sera nécessairement submergé s’il n’appelle le Seigneur et ne reçoit son aide. On peut même supposer que la raison qui a fait choisir Pierre pour héros de l’histoire est qu’il était regardé comme le chef de l’Église, et que ce qui se rapportait à sa personne devait être considéré comme s’appliquant à l’Église entière. » L’auteur ajoute, à la suite de Strauss, que la même explication peut être apportée pour d’autres miracles que ceux qui sont attribués à Jésus lui-même : tels, le trait du voile du temple déchiré, et’celui des tombeaux ouverts à la mort du Sauveur. Art. Gospels, § 142, col. 1883. — A. Réville préfère voir dans le récit de la marche sur les eaux « le reflet d’une vision déterminée par l’idée toujours plus exaltée que les disciples se faisaient de leur Maître ». Op. cit., t. H, p. 203. Ce qui était simple objet d’une vision idéale, serait devenu dans la tradition^vangélique un événement réel. Cette vision est d’ailleurs « fort belle, d’une grande poésie. Jésus marchant en toute sérénité sur les eaux tumultueuses, c’est la saisissante
image de sa grandeur morale et de sa supériorité sur toutes les oppositions ameutées contre lui ».
f) Transfiguration. — Simple vision également, d’après M. Réville, lbid., p. 205, le fait primitif que la tradition a traduit par le récit actuel de la transfiguration. « Il est oiseux de prétendre ramener à des faits positifs un récit d’un idéalisme aussi prononcé. Ce qu’il faut en dégager, c’est l’idée, et l’idée revient à ceci que Jésus, dans la conviction des trois apôtres, est confirmé dans son autorité par la Loi et les prophètes, dont Moïse et Élie sont respectivement les types traditionnels, et dont il a dit qu’il venait, non les abolir, mais les accomplir. s> — D’après M. Schmiedel, art. Simon Peter, § 8, t. iv, col. 4570, l’épisode illustrerait plutôt d’une façon sensible un fait de la conscience intérieure du Sauveur. Jésus aurait pris conscience de sa messianité « à un point particulier au cours de son ministère », sans doute peu avant la confession de Pierre : c’est le fait primitif qui serait traduit symboliquement dans notre récit miraculeux. Plus tard, l’origine de la conscience messianique aurait été reportée au baptême, avec la parole du Père céleste qui l’exprime, jusqu’à ce qu’eniin elle fut avancée à l’époque même de la naissance. Dans cette hypothèse, « le rôle de Pierre, de Jacques et de Jean, a dû être beaucoup moins actif » que ne le rapportent les Évangiles. « Qu’ils aient été présents, on ne doit pas le nier ; mais leur activité se serait bornée à ceci, qu’ils furent impressionnés profondément, peut-être au sortir du sommeil, par l’extraordinaire majesté avec laquelle Jésus vint à eux, après avoir ouï la voix du Père céleste. Cette voix, ils ne l’auraient pas entendue directement eux-mêmes, mais ils en auraient eu connaissance par Jésus. »
E) Résurrection et ascension de Notre-Seigneur. — Finalement, le même système d’interprétation est appliqué aux récits de la résurrection et de l’ascension. Nous trouvons la chose résumée au mieux dans P. W. Schmiedel, art. Résurrection dnd Ascension narratives, % 17 sq., Encycl. bibl., t. iv, col. 4061 sq.’Avec l’ensemble des critiques, y compris Renan, le professeur de Zurich convient que « les apparitions de Jésus eurent lieu réellement, c’est-à-dire, que ses disciples eurent réellement l’impression de le voir. Pour attribuer purement et simplement ces apparitions à l’invention où à la légende, il faudrait non seulement nier l’authenticité des Épîtres pauliniennes. mais encore refuser tout caractère historique à Jésus ». « Les récits primitifs de la résurrection sont d’ailleurs contemporains des faits auxquels il se rapportent. » « D’autre part, il est tout à fait à croire que les disciples eurent l’impression de voir en pleine réalité les blessures que Jésus avait reçues sur la croix ; peut-être même eurent-ils l’impression que lui-même les leur montrait. » « Bien plus, il est tout à fait possible que les apparitions aient eu lieu dans un appartement hermétiquement clos, Joa., xx, 19, 26, et que de cet appartement Jésus ait paru enlevé directement au ciel, Marc, xvi, 14, 19. » § 17, col. 4061. — Tout cela, en effet, paraît à M. Schmiedel susceptible d’une explication par vision subjective. À la suite de Strauss et de Renan, il estime qu’il n’y eut de fait pas autre chose. Jésus n’est pas ressuscité corporellement : seule son âme a échappé au trépas et survit immortelle ; le Sauveur n’a donc pu apparaître d’une manière corporelle et objective après sa mort. § 38, col. 4086. Tout ce qui tend à accuser une résurrection corporelle ou une vision objective doit être exclu de l’histoire et attribué à l’influence mythique de la foi. C’est la foi au caractère corporel de la résurrection de Jésus qui a créé les traits objectifs prêtés à ses apparitions. De là cette mention que les témoins oculaires avaient d’abord douté de leurs sens et pour cela avaient tenu à s’assurer le plus soigneusement possible de la réalité de Jeurs perceptions. De là, ces détails particuliers : que
Jésus, non seulement avait été vii, mais avait été entendu et avait prononcé des discours ; que non seulement il avait montré les cicatrices de ses blessures, mais qu’on les avait touchées ; bien plus, qu’il avait pris de la nourriture avec ses disciples ; que les apparitions s’étaient étendues à une période de quarante jours. — Enfin, de même que chaque apparition nouvelle était censée s’achever par une retraite de Jésus au ciel, on s’imagina, comme terme de la période même des apparitions, une ascension solennelle et cette fois définitive. § 27, col. 4072. — La non-historicité de la résurrection corporelle de Jésus, observe M. Schmiedel, ne nuit en rien à la vérité de sa religion. « La cause de Jésus n’a pas péri avec lui sur la croix : nous en sommes assurés par l’histoire, alors même que sa résurrection n’aurait pas eu lieu littéralement comme fait. Il est indéniable que l’Église a été fondée directement, non sur le fait de la résurrection de Jésus, mais sur la croyance en sa résurrection. » § 38, col. 4086. Cf. A. Réville, op. cit., t. ii, p. 453-478.
F) Le quatrième Evangile. — Ainsi, d’après les critiques libéraux, les Synoptiques refléteraient en maints endroits un travail de la pensée chrétienne, mettant peu à peu l’histoire du Christ en harmonie avec les exigences de la foi. On voit immédiatement combien cette appréciation des Évangiles synoptiques offre d’analogie avec l’idée que les mêmes critiques tendent à présenter du quatrième Évangile. Le quatrième Évangile serait lui aussi le produit de la foi postérieure au Sauveur. Toutefois, au lieu de représenter, comme les Synoptiques, la pensée chrétienne élaborée d’une manière inconsciente au sein de la multitude anonyme, il offrirait la foi même de l’Église, au début du second siècle, exposée d’une façon réfléchie, par un écrivain conscient, sous le voile du symbole et de l’allégorie. L’auteur s’inspirerait de la tradition synoptique et en exploiterait les éléments, pour la construction d’une grande synthèse doctrinale, où il traduirait la situation de l’Église à son époque, son rapport avec le judaïsme et le paganisme, surtout sa croyance au Christ Sauveur et Fils de Dieu. Dans cette hypothèse, le quatrième Évangile n’a de l’histoire que l’apparence ; le fait n’y est rien, l’idée y est tout ; les récits ne sont que le vêtement léger qui sert à recouvrir l’enseignement ; les personnages ne sont que des types qui représentent quelque chose de présent à l’époque de l’Évangéliste ; les détails topographiques, les mentions chronologiques, les nombres, tout est symbole et figure. L’ouvrage ne nous instruit donc pas sur l’histoire réelle de Jésus, mais sur la vie de l’Église au début du H » siècle ; ce qu’il nous présente n’est pas le Jésus de l’histoire, mais le Christ de la foi. Cf. H. J. Holtzmann, Das Evangelium des Johannes, 2e édit., Fribourg-en-B., 1893 ; J. Réville, Le quatrième Evangile, Paris, 1901 ; E. A. Abbott, art. Gospels, § 45-63, Encycl. bibl., 1901, t. ii, col, 1794 sq. ; P. W. Schmiedel, art. John, Son.of Zebedee, § 16 sq., Ibid., t. iv, col. 2518 sq.
G) Influence des mythes païens. — Les divers éléments mythiques dont nous avons parlé jusqu’ici auraient été élaborés sous l’influence de la foi chrétienne, c’est-à-dire, en définitive, sous l’influence de l’impression profonde laissée par la personnalité de Jésus. Mais il est une autre influence à laquelle un certain nombre de critiques paraissent tendre de plus en plus à faire appel aujourd’hui : c’est celle des mythes religieux, répandus dans les milieux païens où se développa la primitive Église, ou déjà infilirés des contrées étrangères dans le judaïsme du Nouveau Testament.
a) D’après H. Gunkel et W. Bousset. — Un organe spécial a été créé récemment, 1803, à Gœttingue, par MM. Bousset et Gunkel, sous le titre de Forschungen zur Religion und Litteratur des Altên und Neuen Testaments, en vue d’appliquer tant au Nouveau qu’à l’An
cien Testament Ja méthode comparative de l’histoire des religions, en faisant large part au syncrétisme religieux.
— D’après H. Gunkel, Zum religionsgeschiehtlichen Verstândnis des Neuen Testaments, Gœttingue, 1903, Cf. W. Bousset, Die jûdische Apokalyptik, Berlin, 1903, la religion du Nouveau Testament aurait subi, même en certains points d’importance, l’influence des religions étrangères, par l’intermédiaire du judaïsme. Issu du syncrétisme de toutes les religions de l’Orient et de la pensée grecque, le christianisme n’en aurait d’ailleurs été que plus apte à s’adresser à tous les peuples, et il n’en serait pas moins la religion. — Ainsi, l’idée de la conception virginale du Messie aurait été connue de la gnose orientale antérieurement à l’ère chrétienne ; de même, le thème du dieu sauveur ; de même celui du jeune dieu ressuscité. Les disciples n’auraient eu qu’à appliquer à Jésus, sous l’influence de leur enthousiasme pour leur Maître, les idées qu’ils avaient reçues de leur milieu environnant. S’ils font ressusciter le Christ après trois jours, à l’époque de la Pàque, c’est un souvenir d’un ancien mythe solaire, où le soleil était représenté renaissant, après les trois mois et démise l’hiver, à l’équinoxe du printemps. Et c’est aussi parce que les premiers cercles chrétiens étaient habitués à fêter le dimanche, ou jour du soleil, que l’Église primitive a fait de ce jour-là le jour du Seigneur. De même, la tentation du Christ doit se ramener à un ancien mythe, où de simples discours ont pris la place d’une lutte véritable ; et le changement de l’eau en vin aux noces de Cana revient au miracle annuel du dieu de la vendange.
6) D’après U. Zimmern. — H. Zimmern, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2° partie, Berlin, 1903, après avoir montré les analogies de l’Ancien Testament avec les mythes babyloniens, pousse la comparaison jusqu’au Nouveau Testament. Dans son avantpropos, il a soin d’avertir qu’il se contente de proposer au lecteur instruit de simples rapprochements, lesquels peuvent s’expliquer autrement que par une connexion historique, mais, sous le bénéfice de cette observation, la tendance de M. Zimmern semble bien être de présenter le Nouveau Testament comme une mise en œuvre d’idées juives, qui pour une bonne part remonteraient à Babylone. — L’idée du Christ, salut et lumière du monde, est rattachée au mythe de Mardouk, le dieu-soteil des Assyriens ; le soleil paraît avoir pour cortège les douze signes du zodiaque : ainsi le Christ est entouré de douze héros, qui sont les Apôtres. Il faudrait voir également dans la figure de Marie, représentée comme Mère de Dieu, une certaine relation mythologique avec l’Isis égyptienne, et surtout avec l’Istar de Babylone.
c) D’après T. K. Cheyne. — De son côté, T. K. Cheyne, Bible Problems and the new materialfor their solution, Londres, 1905, estime que le récit de la naissance virginale, dont la forme primitive est celle de saint Matthieu, se rattache en dernière analyse au mythe babylonien d’Istar, la déesse reine du ciel et mère du dieu soleil. C’est cette déesse mère qui nous est représentée dans l’Apocalypse, revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles ; le dragon qui cherche à dévorer son fils n’est pas autre que le dragon Tiâmat, adveusaire du dieu-soleil Mardouk. Mais le mythe a été exploité très librement par les premiers chrétiens : la femme vêtue du soleil devient en saint Matthieu une pauvre femme juive ; son fils n’a presque plus pour rôle que le salut spirituel de son peuple ; la cité royale est transférée de Babylone à Jérusalem ; le dragon menaçant, c’est Hérode qui cherche l’enfant à Bethléhem pour le faire périr. — D’après le même critique, art. Temptation of Jésus, § 12, 14, Encycl. bibl., t. iv, col. 4965, le récit de la tentation aurait également une origine mythique. « Il n’y a pas de raison suffisante, dit-il, pour nier que les récits chrétiens primitifs contiennent une broderie mythique plus ou moins trans formée, et la tentation de Jésus est l’un des plus précieux de ces récits. » On peut la rapprocher, en effet, de deux histoires parallèles, celle de Zarathustra, tenté par l’esprit malin Angra Mainyu, et celle du Bouddha G-autama, tenté par le démon Mara : non que le récit évangélique dépende littérairement de ces deux histoires étrangères ; mais il doit avoir comme elles une base mythique, à savoir le mythe babylonien du dieu-lumière, Mardouk, en conflit avec l’esprit-ténébres, Tiâmat. Peutêtre aussi faut-il voir dans la tentation de [Jésus un souvenir des mystères mithriaques, un écho de ces pratiques qui sont connues sous le nom de cérémonies d’initiation, et qui avaient pour but d’obtenir puissance sur les génies mauvais. § 8-10, col. 4963,
d) D’après O. Pfleiderer. — Un écrit récent de O. Pfleiderer, The early Christian Conception of Christ, Londres, 1905, a poussé aux plus extrêmes limites les applications du syncrétisme religieux au Nouveau Testament, déjà largement développées dans son ouvrage antérieur, Das Urchristentum, seine Schriften und Lehren, 1881, 1e édit., 1902. Le critique de Berlin trouve de très frappants parallèles aux récits de saint Luc sur l’enfance de Jésus, dans la légende païenne, et surtout dans la légende bouddhique. P. 16 sq. et 155. À son sens, le récit de saint Matthieu sur la persécution du Christ enfant par Hérode et le massacre des Innocents est en relation avec la légende indienne de Krischna. P. 61, 155. De l’histoire évangélique de la tentation il faut rapprocher les histoires analogues de la légende bouddhique, de la légende iranienne, et surtout la légende persane du prophète Zarathustra tenté par Ahriman. P. 51 sq., 155. La purification par le sang de l’Agneau, dont parle l’Apocalypse, offre de l’analogie avec la purification par le sang du bélier chez les Phrygiens. P. 132, 155. L’Eucharistie trouve son pendant dans le sacrement du pain et de la coupe dans la religion de Mithra. La résurrection au troisième jour rappelle la fête égyptienne d’Osiris, ou la fête phrygienne d’Attis, tandis que la célébration du dimanche est en rapport avec la fête de Mithra. P. 129 sq., 144. Enfin le fait même de la résurrection peut être mis en rapport avec la légende égyptienne d’Osiris ou les mystères de Dèmètèr (Cérès) et de Perséphonè (Proserpine), qui dérivent en dernière analyse d’un mythe naturel, représentant le déclin de la végétation à l’automne et son renouveau au printemps. P. 91. Le critique a pourtant soin d’observer que « le mythe chrétien de la résurrection n’est pas à dériver de ce mythe naturel, parce qu’il a sa source la plus directe dans le fait historique de la mort de Jésus, et dans les visions subséquentes éprouvées par ses disciples ». P. 157. — Ainsi, conclut le professeur de Berlin, « la foi au Christ Seigneur [et Esprit, a été enveloppée du vêtement de l’antique [mythologie, et trouve son expression sacramentelle dans des cérémonies analogues aux rites païens. » P. 162. Ce vêtement mythique avait sa raison d’être. « Quand l’Évangile fut prêché au monde, il avait besoin, pour être compris, de s’accommoder au courant des idées païennes, c’est-à-dire aux mythes. » P. 166. « Ainsi la foi chrétienne est arrivée à une forme d’expression d’autant plus apte à faire la conquête du paganisme qu’elle était plus étroitement reliée à la forme des mythes païens ; Mais qui peut ne pas voir que les anciennes formes sont devenues le réceptacle d’un contenu essentiellement nouveau, et par conséquent ont acquis une portée religieuse beaucoup plus profonde et une signification morale beaucoup plus pure que jamais jusque-là. » P. 160.
III. Critique des systèmes d’interprétation mythique. — Question de principe. — La question de l’interprétation mythique de nos Livres Saints, telle que nous venons de l’exposer, revient en somme à celle de leur valeur historique et dépend intimement de la so
lution donnée à ces deux questions subsidiaires : Les auteurs sacrés ont-ils eu l’intention de relater à proprement parler de l’histoire, et étaient-ils en mesure de le faire exactement. Ont-ls voulu être historiens, et pouvaient-ils l’être ? Pour le croyant, le problème se complique de la question même de l’inspiration, à savoir de ses exigences au point de vue de la vérité intrinsèque de la Bible, de sa compatibilité avec l’inexactitude matérielle, le caractère fictif ou légendaire de narrations ayant forme d’histoire.
A) Opinion de divers critiques catholiques. — Un certain nombre de critiques catholiques ont pensé que, la Bible ayant avant tout pour but un enseignement religieux et moral, l’inspiration a pu laisser les écrivains sacrés constituer le cadre historique, ou l’enveloppe matérielle, de cet enseignement suivant de tout autres procédés que ceux qui inspirent de véritables historiens. Les écrits bibliques seraient à peu près dans la condition des paraboles ou des allégories. Dans une parabole, la narration qui sert de support à la leçon morale est sans valeur au point de vue de l’histoire ; la vérité de la parabole n’est pas dans le fait qui appuie la leçon, mais dans la leçon elle-même. Ainsi les divers écrits de la Bible, même les livres historiques, auraient leur vérité absolue dans la doctrine morale qu’ils expriment ; les faits, qui constituaient la matière de la narration, n’auraient qu’une vérité relative, celle qui convenait au tempérament intellectuel de l’écrivain, à ses moyens d’information personnels, aux habitudes littéraires de son pays et de son temps.
o) il. Loisy. — « L’inspiration des Écritures, écrivait en 1893 M. Loisy, dans L’Enseignement biblique, est à concevoir comme un concours divin dont le but a été de préparer à l’Église une sorte de répertoire pour l’enseignement religieux et moral. » Aussi, « de ce qu’un document inspiré revêt la forme d’histoire, il ne suit pas qu’il ait nécessairement un caractère historique. Il’a le caractère qui lui appartient à raison de sa nature et de son contenu. Telle parabole de Notre-Seigneur a la forme d’histoire et n’est pas le récit d’un fait réel. » « On ne nie pas l’inspiration d’une parabole en disant que la vérité de la parabole n’est pas à chercher dans les termes figuratifs, mais dans le sens figuré. » Par exemple, « si les premiers chapitres de la Genèse ne sont pas rigoureusement historiques, c’est qu’ils n’ont pas été inspirés pour contenir une histoire exacte, mais ils ont été inspirés pour être ce qu’ils sont. S’il est vrai que le cadre de certains récits ait été fourni à l’écrivain sacré par d’anciennes légendes venues de la Chaldée, et que ces légendes ne présentent pas un caractère historique, c’est que la mise en scène de la narration^ scripturaire est destinée seulement à faire valoir l’idée fondamentale, qu’elle revêt d’une forme sensible en rapport avec l’état d’esprit de l’auteur humain et de ses contemporains. » Les choses étant ainsi envisagées, pourquoi chercher un accord positif de la Bible avec les données des sciences historiques, davantage qu’avec les données des sciences naturelles ? La vérité absolue de la Bible est dans son enseignement religieux ; mais, en histoire, comme en astronomie ou en physiologie, la Bible ne doit avoir qu’une vérité relative, celle du temps et du lieu où elle a été composée. « Toutes les défectuosités qui nous frappent dans l’Écriture, dit M. Loisy, et qui résultent « oit des opinions courantes de l’antiquité en matière de cosmologie et de sciences naturelles, soit du manque d’informations historiques sur les temps primitifs ou trop anciens, soit des procédés de composition usités dans le milieu où les Livres Saints ont été écrits, soit enfin du caractère plus simple et plus rudimentaire des croyances religieuses dans les âges très reculés… contribuaient à rendre la Bible vraie pour le temps où elle a paru. Cette vérité purement relative’ne porte aucun préjudice à la valeur absolue des principes qui
sont à la base de l’enseignement biblique. » Au fond, « les auteurs bibliqu.es ne se sont pas trompés dans les endroits où nous les prenons en défaut, parce qu’ils n’ont pas eu l’intention formelle d’enseigner comme vrai en soi ce que nous trouvons erroné. » A. Loisy, Études bibliques, Paris, 1901, p. 28, 54 sq., 70.
b) Le P. Durand. ~ C’est une théorie à peu près analogue, semble-t-il, qu’exposait le P. Durand, dans son article sur l’Autorité de ta Bible en histoire, dans la Revue du Clergé français, 1 « décembre 1902, p. 1 sq. Selon lui, « la Bible est un code religieux et moral, bien plus qu’un livre d’hsitoire. » « L’histoire biblique a été écrite ad docendum, en vue d’une leçon à donner, d’une morale à tirer. » L’objet principal de l’inspiration comprend les vérités religieuses et morales : elles ont été consignées pour elles-mêmes. « Tout le reste, y compris l’histoire, constitue l’objet secondaire, qui n’a été accueilli qu’en vue de l’objet principal. » Dès lors, en écrivant l’histoire, les auteurs inspirés ont été réduits aux moyens ordinaires d’information, et le secours d’en haut ne s’est pas occupé de leur faire écrire la vérité en ces matières d’ordre secondaire et accessoire. — « Que restera-t-il de certain dans l’histoire de nos origines ?… Il restera tout d’abord l’objet principal des Écritures, qui est la raison même de leur inspiration. Il restera encore intacte la substance de l’histoire biblique. Quant à l’exactitude rigoureuse des détails, nous n’avons pas plus à la nier en général, qu’à la supposer a priori, comme si elle était une conséquence nécessaire de l’inspiration. Dans chaque cas particulier, la question à se poser est celle-ci : Avons-nous des motifs suffisants de croire que l’historien inspiré a voulu étendre jusqu’à ces limites extrêmes l’autorité de son témoignage certain ? »
c) Le P. Bonaccorsi et le P. Zanecchia. — Les idées du P. Durand ont été approuvées par le P. Bonaccorsi, dans un article des Studi religion, juillet-août 1902, p. 281-332, sur La veracità storica dell’Esateuco, reproduit dans ses Questione bibliche, Bologne, 1904. « S’il appartient à la théologie d’affirmer la pleine vérité de la Sainte Écriture, parce que Dieu lui-même est auteur de toute l’Écriture, d’autre part, il appartient à la critique de déterminer dans chaque livre en particulier l’espèce de cette vérité ; celle-ci dépend du genre littéraire adopté. » Or, on peut supposer un genre littéraire qui ne sera ni de l’histoire proprement dite, ni de la légende ou du roman pur et simple, mais quelque chose de mixte, une sorte d’histoire légendaire, comme on la trouve chez tous les peuples anciens. Ce genre littéraire peut figurer dans la Bible au même titre que les autres, et il y figure de fait. Pour l’historien biblique, en effet, comme pour tous les historiens de l’antique Orient, l’histoire était un art plus qu’une science, une peinture plus qu’une photographie. « Raconter les choses comme elles avaient été transmises par tradition du père au fils dans les longs récits du soir, ou peut-être comme elles se trouvaient narrées dans quelque livre, le premier venu, voilà tout l’idéal de l’historien oriental ; cet écrivain ne sentait pas le besoin de recherches ultérieures, ni d’examen critique. » D’ailleurs, « les écrivains sacrés n’ont pas écrit pour la satisfaction de la curiosité scientifique des lecteurs, mais pour leur édification et leur instruction religieuse. L’histoire avait à leurs yeux de l’importance pour autant qu’elle pouvait contribuer à ce but, et c’est cette intention qui a guidé la composition des livres dits historiques. » — S’il en est ainsi, la vérité historique d’un fait quelconque ne peut se déduire formellement de ce que ce fait est raconté dans la Bible ; elle devra être prouvée par d’autres considérations, soit exégétiques, s’il y a dans le texte des indices suffisants que l’auteur a l’intention d’affirmer en son propre nom, soit critico-historiques, comme l’âge et la nature des documents employés, la comparaison avec d’autres faits historiques certains ;
soit dogmatiques ; ainsi, le dogme du péché originel nous garantit que la chute du premier homme, décrite dans la Genèse, est, sinon dans les circonstances, du moins dans la substance, un fait historique. Cf. Revue biblique, juillet, 1903, p. 475 sq. — Ce sont des idées fort semblables qu’expose le P. Zanecchia, Scriplor sacer sub divina inspiratione juxta sententiam cardinalis Fran%elin, Rome, 1903, p. 88 sq.
B) Sentiment catholique plus général. — Cependant la plupart des écrivains catholiques trouvent ces principes sujets à caution et leurs applications excessives.
— Il est très vrai qu’il y a diversité de genres littéraires dans la Bible, et que certains genres d’apparence historique ne comportent pas néanmoins la vérité habituelle de l’histoire. C’est ainsi qu’on s’accorde à reconnaître une certaine part d’idéalisme dans le premier chapitre de la Genèse, un cadre et une ornementation poétiques dans le livre de Job, une fiction littéraire dans le livre de la Sagesse, de simples paraboles dans les récits du bon Samaritain, de Lazare et du mauvais riche. Le P. Prat dit très bien : « Dieu enseigne tout ce qui est enseigné dans la Bible, mais il n’y enseigtfe rien que ce qui est enseigné par l’écrivain sacré, et ce dernier n’y enseigne rien que ce qu’il veut enseigner. La portée et l’étendue des affirmations d’un auteur nous sont connues par son genre littéraire et les lois qui régissent le langage humain. » Les historiens inspirés et leurs sources, dans les Études du 20 février 1901, p. 485. Et encore : « Il peut y avoir autant et plus de vérité morale et religieuse dans un récit fictif que dans une histoire réelle. » Progrès et tradition en exégèse, dans les Études du 5 décembre 1902, p. 628. Cf. P. Lagrange, La méthode historique, 3e édit., Paris, 1904, p. 93. — Mais, si l’on posait en principe qu’il n’y a plus à chercher de l’histoire dans aucun de nos Livres Saints, fût-ce dans les livres dits historiques, des Juges ou des Rois, si l’histoire n’était plus à considérer pour elle-même, mais seulement pour l’enseignement moral ou religieux auquel elle contribue, il semble qu’il n’y aurait plus alors qu’un seul genre littéraire dans la Bible : le genre parabolique ou didactique, dans lequel la forme historique ne serait rien, la leçon à faire valoir serait tout. Cette conséquence est d’ailleurs expressément rejetée par les savants religieux nommés dans le paragraphe précédent ; ils gardent intacte toute la substance de l’histoire biblique.
Que si l’on continue de distinguer les livres historiques des livres paraboliques proprement dits, mais en posant en principe que dans ces livres la réalité de l’histoire se trouve mêlée à la légende, peut-on vraiment penser que ce mélange d’histoire et de légende constitue un genre littéraire spécial ? Pour le prétendre, il faudrait pouvoir affirmer a priori que l’auteur a voulu positivement cette forme d’histoire, qu’il a entendu simplement reproduire ce qu’il trouvait dans les vieux documents, ce que l’on avait coutume de raconter de père en fils, sans rien affirmer lui-même sur la vérité des choses. Or peut-on apprécier ainsi les intentions des écrivains sacrés ? On dit bien que la Bible a un but religieux et moral : cela est vrai ; mais n’a-t-elle pas aussi, dans l’ordre religieux et moral, un but historique ? L’inspiration n’a-t-elle pas eu en vue d’instruire l’humanité, sur ses origines, sur l’histoire du peuple de Dieu, comme sur la vie de Jésus-Christ et les origines de l’Église ? Et si l’on accorde ce but historique de la Bible, pour ce qui est de l’économie fondamentale, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament, en particulier pour la substance des faits qui supportent le dogme, tel que celui de la chute du premier homme, n’est-il pas vrai aussi que la vérité du fond est grandement intéressée à la vérité des détails, et que le droit de la Bible à notre croyance sur les points de doctrine qui touchent à la région des faits est fortement engagé dans
la question de sa vérité générale en matière d’histoire ?
Aussi les auteurs catholiques, tout en admettant qu’un historien sacré pourrait avoir utilisé des documents sans valeur, s’il n’en garantit point l’exactitude, ou que des livres ou parties de livres inspirés pourraient n’avoir qu’une valeur didactique, sous les apparences de l’histoire, admettent-ils généralement que l’historicité des faits bibliques doit être reconnue en principe, tant qu’on n’a pas de preuves véritables du caractère non historique de l’écrit en question. Cela paraît conforme aux décisions récentes de la Commission pontificale pour les Études bibliques. — On demandait s’il était permis à un exégète catholique, pour résoudre les difficultés’qui se présentent en certains passages de l’Écriture, d’affirmer que dans ces endroits il y avait une citation implicite de quelque document profane, dont l’auteur inspiré n’entendait nullement faire siennes toutes les assertions. Le 13 février 1905, la Commission a répondu : « Négativement, excepté le cas où, le sentiment et le jugement de l’Église étant réservés, il serait prouvé par des arguments solides : 1° que l’hagiographe cite véritablement des paroles ou des documents d’autrui ; et 2° qu’il ne les approuve ni ne les fait siens, de telle sorte qu’on peut estimer à bon droit qu’il ne parle pas en son propre nom. » Cf. Revue bïbl., avril 1905, p. 161. — On a demandé également si l’on pouvait admettre, comme un principe de saine exégèse, que des Livres Saints, tenus pour historiques, peuvent, en tout ou en partie, ne pas raconter une histoire proprement dite, mais avoir simplement les apparences de l’histoire pour signifier tout autre chose que ce que marque le sens littéral, Le 22 juin 1905, la Commission a répondu : « Négativement, excepté le cas — qu’il ne faut point admettre facilement ni à la légère — où, le sentiment de l’Église ne s’y opposant pas et son jugement étant réservé, il est prouvé par des arguments solides que l’hagiographe a voulu, non raconter une histoire véritable et proprement dite, mais, sous l’apparence et sous la forme de l’histoire, proposer une parabole, une allégorie, ou quelque leçon étrangère au sens] proprement littéral ou historique des mots. » Cf. Revue bibl., juillet 1905, p. 321.
On comprend que, suivant la position prise vis-à-vis des questions de principe que nous venons d’exposer, diverses soient les opinions des critiques catholiques sur la façon d’apprécier l’historicité des livres ou passages de l’Écriture, sur la part à y faire à ce que les hétérodoxes qualifient volontiers de mythe, à ce que les catholiques préfèrent appeler genre parabolique, genre midraschique, ou histoire légendaire. Nous nous contenterons d’exposer l’attitude des écrivains catholiques relativement aux divers essais d’interprétation mythique, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament. Nous y joindrons quelques appréciations critiques sur les points principaux ; et, pour une critique plus complète, on voudra bien se reporter aux articles spéciaux du Dictionnaire.
I. a propos de l’ancien testament. — 1° Les premiers chapitres de la Genèse.
A) Opinion de M. Loisy. — En rendant compte de l’ouvrage de Ryle, dans Y Enseignement biblique, janv.févr. 1893, art. sur Les onze premiers [chapitres de la Genèse, reproduit dans les Etudes bibliques, 1901, p. 61 sq., M. Loisy écrivait : « Il y a, touchant l’explication des premiers chapitres de la Genèse, une opinion qui nous paraît à peu près certaine, et une hypothèse que nous croyons très vraisemblable. Notre opinion est que les premiers chapitres de la Genèse ne contiennent pas une histoire des origines du monde et de l’humanité, mais plutôt la philosophie religieuse de cette histoire, bien qu’il y ait dans ces chapitres certains souvenirs traditionnels ayant une signification historique, " notre hypothèse est que le cadre dans lequel cette philosophie
religieuse nous est présentée a été fourni en partie par la tradition chaldeenne. » Etudes bibl., p. 70. — Dans son ouvrage sur Les mythes babyloniens et les premiers chapitres de la Genèse, Paris, 1901, le même critique suppose la non-historicité de ces premiers chapitres et s’explique plus complètement sur leur rapport avec la mythologie chaldeenne. « Ce que révèle, dit-il, à l’observateur sans parti pris la comparaison des mythes chaldéens avec les premières pages de la Bible est précisément l’origine vraisemblable de certains récits ou de certains éléments de récits, envisagés dans leur structure extérieure et par leur côté descriptif ; et c’est aussi la puissante originalité de l’esprit religieux d’Israël, qui a su tirer des vieilles légendes mythologiques de la Chaldée un enseignement moral, en les adaptant à la croyance monothéiste. » Cependant, « le rapport des deux traditions, chaldeenne et israélite, est moins simple qu’on ne l’avait cru d’abord, lorsqu’on se représentait les légendes bibliques comme dérivées tout entières et immédiatement de la littérature religieuse des Chaldéens. Il ne saurait plus être question de prendre en bloc les onze ou douze premiers chapitres de la Genèse et d’y retrouver comme une réduction monothéiste des mythes babyloniens actuellement connus. » « Les récits bibliques ne sont pas de simples décalques, exécutés à un moment donné, sur des traditions ou des textes babyloniens ; et, quoique les légendes chaldéennes aient fourni en grande partie la matière des légendes bibliques, un long travail. d’assimilation et de transformation, beaucoup de temps, probablement aussi des intermédiaires, c’est-à-dire les traditions phénicienne et araméenne, se placent un peu partout entre les mythes chaldéens et la Bible. » « Les deux traditions, nonobstant la dépendance incontestable de la plus récente à l'égard de la plus ancienne, ont eu chacune leur éyolution originale. » P. vi-x.j
C’est en somme la thèse formulée par MM. Gunkel et Zimmern. — À la suite de ces critiques, M. Loisy regarde le récit biblique de la création comme une adaptation à la religion monothéiste d’Israël du mythe babylonien de Mardouk, dieu du soleil, luttant contre Tiâmat, monstre du chaos ; et lui aussi voit au fond du mythe babylonien, et par conséquent du récit biblique, un mythe naturel, basé sur les phénomènes qui accompagnent chaque jour le retour de la lumière et chaque année le retour du printemps ; ces phénomènes auraient été interprétés en aventures divines et transportés à l’origine des choses, comme si la création n’avait été qu’un premier lever du soleil et un premier éveil de la nature. P. Xll sq. ; 83 sq.
De même, le récit biblique du déluge n’est qu’une adaptation monothéiste du déluge babylonien ; le déluge babylonien lui-même est un « vieux mythe de la nature », p. xii, ayant sans doute pour point de départ « l’inondation annuelle de la basse Chaldée par la crue de l’Euphrate, avec le souvenir d’une ou plusieurs catastrophes occasionnées par cette inondation dans les temps primitifs ; le tout s’est mêlé et grossi dans la perspective du passé lointain, et le mythe du déluge a été formé, mythe chaldéen, que la tradition biblique doit à la tradition chaldeenne ». P. 170.
Quant au récit biblique de la chute, dans l'état présent de la science assyriologique, rien ne prouve, dit M. Loisy, qu’il soit une forme purifiée d’un mythe sur l’origine de l’homme qui avait cours parmi les peuples sémitiques ; c’est un récit analogue pour la forme à certains mythes chaldéens et qui s’en distingue essentiellement par les idées morales qu’il fait valoir. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuse, 1900, p. 540.
B) Opinion du P. Lagrange. — Le P. Lagrange renonce, de son côté, à voir dans les premières pages de la Genèse une histoire proprement dite. —Dans l’histoire biblique de la création, dit-il, Revue biblique, juil. 1896, art. Hexaméron, « il y a 'un enseignement
littéral, c’est la création de toutes choses ; un cadre rationnel, c’est l’ordre des œuvres ; une allégorie, c’est la durée des jours. » P. 396. « Quelle est l’origine première du récit, révélation ou invention humaine ? » « Nous sommes obligés d’admettre l’origine divine de l’enseignement » théologique, « parce qu’il a vraiment un caractère surnaturel. » P. 403. Mais le cadre littéraire doit être attribué à l’invention humaine. « La cosmogonie mosaïque est unique dans son enseignement, parce qu’il vient de Dieu ; elle ressemble dans son cadre aux autres cosmogonies sémitiques, parce que ce cadre est le fruit du génie sémite. » L’auteur sacré a « emprunté quelque chose à une explication populaire ou poétique de la création » ; le récit a une « origine humaine, divinisée par l’inspiration ». P. 405, 406.
De même faut-il distinguer, dans l’histoire du paradis terrestre, « d’un côté, l’enseignement, de l’autre, le voile qui le recouvre ; comme base de l’enseignement, des faits certains, mais représentés d’une manière figurée. » Revue bibl., juillet 1897, art. L’innocence et le péché, p. 368. « L'Église ne nous dit pas si les circonstances du récit doivent être prises à la lettre, et aucune doctrine théologique importante n’est fondée sur la réalité historique de ces faits : que la femme a été formée d’une côte de l’homme, ou que le serpent a parlé. » En réalité, l’auteur inspiré a transmis l’histoire de la chute, connue par révélation divine, telle qu’elle se racontait dans la tradition populaire, avec ses détails pittoresques, où lui-même n’a dû voir que de pures métaphores. « Il nous a paru certain qu’il prétendait enseigner une histoire vraie ; mais il se montrait trop pénétrant et trop profond pour ne pas comprendre ce qu’elle avait d'étrange dans les détails, et il nous mettait lui-même sur la voie de l’interprétation symbolique. » « Si une histoire vraie, connue par révélation, a pris dans une nation une forme populaire, un homme de génie ne pourra-t-il la revêtir de ces circonstances pittoresques qui figureront dans son récit comme une métaphore ou un symbole ? De ce que de son temps la majorité les prenait à la lettre, il ne s’ensuit pas qu’il l’ait entendu ainsi. » P. 378.
D’après le même écrivain, il faut voir] dans l'épisode du déluge, avec la grande majorité des anthropologistes, non la simple traduction en histoire d’un phénomène astronomique, mais « nn souvenir plus ou moins altéré d’inondations véritables ». « Le caractère général de la légende biblique indique plutôt une inondation réelle, dont l’interprétation religieuse dépasse d’ailleurs de beaucoup l’importance historique. » La méthode historique, p. 214. — De même, l'épisode de Babel est une légende ayant un certain fondement dans la réalité. « La tour de Babel n’est point une pure imagination. L’auteur biblique avait sûrement en vue ce temple gigantesque de Borsippa, demeuré inachevé, et que Nabuchodonosor se fit gloire de conduire à son couronnement. » Ibid. — L'épisode de la femme de Lot changée en statue de sel doit appartenir à a l’histoire primitive légendaire ». « L’auteur ne croyait sans doute pas à la réalité du fait. » Mais « la ruine de Sodome et de Gomorrhe ne doit pas sans plus être reléguée au rang des mythes purs ». P. 207, 214.
D’autre part, au sentiment du P. Lagrange, il est probable que cette histoire biblique primitive a gardé dans certains cas la trace des influences babyloniennes. — « S’il est, dit-il, dans la Bible, une page qui ressemble littéralement à une page babylonienne, c’est l'épisode du déluge. » lbid., p. 200. « Que résulterait-il de fâcheux s’il était prouvé que le peuple hébreu ou qu’Abraham, le grand ancêtre et le dépositaire de la tradition religieuse, n’a connu le déluge que d’après la tradition de Babylone ? » Revue bibl., avril 1905, p. 301.-jLa cosmogonie mosaïque ressemble dans son cadre aux autres cosmogonies sémitiques : or, « le récit babylonien parait
bien l’ancêtre des autres. » « Le poème chaldéen est tellement complet, tellement original, qu’il a le cachet d’une œuvre personnelle, qui aura donné désormais aux idées populaires une forme déterminée. Les Hébreux ont pu s’en inspirer, non par imitation littéraire directe, mais par influence ambiante. » Ibid., juil. 1896, p. 406. — Enfin, si « on ne peut conclure à une dépendance littéraire entre le récit de la Genèse » relativement au paradis terrestre « et des récits à nous connus », cependant « on se meut, dans le monde sémitique, dans le même cercle de symboles, séjour délicieux des dieux, arbres sacrés de la vie ou de la science, pouvoir merveilleux du serpent ». Ibid., juil. 1897, p. 377.
Récemment le même critique résumait ainsi sa pensée sur ce point : « Entre l’hypothèse absolument gratuite de traditions qui se seraient conservées dans leur pureté primitive en dehors de toute situation historique connue, pour être recueillies par un peuple qui n’existait pas encore, et l’hypothèse, gratuite aussi, de l’emprunt par les Israélites de traditions toutes faites avec leur polythéisme et leur mythologie, il y a, pensons-nous, un moyen terme. On peut supposer une tribu, placée sous la sphère d’influence de la civilisation babylonienne, mais ayant conservé des notions plus pures sur la divinité, qui se serait informée des théories savantes de la grande Babylone sur l’origine des choses. Selon l’usage antique, cette science était moulée dans des poèmes mythologiques, mais les théorèmes n’en avaient pas moins leur valeur propre, par exemple le chaos primordial aqueux, et pouvaient être mis en œuvre par des idées religieuses différentes de celles des Babyloniens. C’est là, peut-être, que git la conciliation entre les biblistes catholiques et les assyriologues. » Ibid., avril 1905, p. 302.
Faudra-t-i] donc admettre des mythes dans la Bible ? « Si par mythe, dit le P. Lagrange, on entend une théorie affirmée et fausse sur l’origine des choses, le mythe ne peut se trouver dans la Bible ; si par mythe on entend une manière familière et populaire, métaphorique si l’on veut, de dire des choses vraies, le mythe pourra figurer dans Ja Bible ; quelques-uns lui donneront le nom d’allégorie. » Ibid., juil. 1896, p. 393. Plus récemment, le B. P. a repoussé résolument l’appellation, la réservant à la mythologie polythéiste et lui substituant celle d’histoire allégorisée ou d’histoire légendaire. « Y aurait-il des mythes dans la Bible ? se demande-t-il. L’opinion commune se soulève à cette pensée et ne veut pas entendre prononcer le mot. Quelques auteurs catholiques, de jour en jour plus nombreux, demandent à distinguer. Naturellement ils ne tiennent pas au mot, si le mot fait de la peine. Mais ils le trouvent commode pour exprimer la ressemblance, du moins extérieure, entre les mythes et l’histoire primitive. Seulement, ont-ils soin d’ajouter, les éléments mythologiques qu’on trouve dans la Bible sont soigneusement « dépouillés « de leur couleur polythéiste, ils servent seulement à revêtir de hautes pensées religieuses » (dom Hildebrand Hôpfl, bénédictin, Die hôhere Bibelhritik, Paderborn, 1902, p. 63)… Je pense, pour ma part, qu’il vaut mieux écarter définitivement le mot, parce que l’usage attache au mot mythe l’idée d’une religion fausse et même puérile. » « Comme le mythe dans l’opinion commune signifie l’histoire des dieux, nous disons qu’il n’y a pas de mythes dans la Bible. » La méthode historique, p. 200, 206. « Mais du mythe à l’histoire proprement dite il y a loin. » « Entre le mythe, qui est l’histoire des choses considérées comme des personnes et ensuite comme des dieux, et l’histoire proprement dite, il y a l’histoire primitive légendaire. » Ibid., p. 185, 208.
C) Sentiment catholique plus général. — o) Caractère historique des récits. — Cependant la plupart des sauvants catholiques, non seulement repoussent le nom de mythes" appliqué aux premiers récits de la Genèse,
mais encore reconnaissent à l’ensemble de ces récits un caractère proprement historique, se contentant d’admettre une part d’idéalisme dans la description de la création du monde et de discuter le caractère métaphorique de tel ou tel trait des autres récits. — À leur sens, la cosmogonie mosaïque correspond d’une manière étonnante, dans ses grandes lignes, à ce qu’ont révélé les sciences naturelles. L’astronomie a fixé une origine à notre planète ; la géologie a retracé l’histoire de notre globe, constatant dans ses terrains les apparitions successives des végétaux, des animaux, et enfin de l’homme : n’est-il pas précisément remarquable que l’écrivain monothéiste, au lieu de montrer Dieu créant d’un seul coup de sa puissance l’univers et tous ses êtres, le fasse procéder par créations distinctes, graduées et progressives, qui d’une façon large s’harmonisent bien avec les conceptions actuelles sur l’origine du monde. — De même, la science anthropologique la plus sûre requiert une intervention spéciale du Créateur pour la formation de l’homme et celle de la femme ; la théologie, et on pourrait presque dire la philosophie, nous enseignent le dogme de la déchéance originelle ; l’histoire semble témoigner d’un cataclysme primitif exceptionnel, dont le souvenir figure parmi les traditions les plus répandues des peuples anciens : il nous faut donc admettre les faits relatés aux premiers chapitres de la Genèse, au moins dans leur substance. — Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux les prendre tels qu’ils nous sont présentés en ces pages si pénétrées de sens moral et religieux, sauf à y faire la part habituelle, mais seulement habituelle, de l’image et de la métaphore ? Ce que ces récits contiennent de détails extraordinaires — qu’Eve ait été formée d’une côte du premier homme, que le démon se soit caché sous la forme d’un serpent, que la chute ait eu lieu par le fruit défendu, que Dieu se soit entretenu familièrement avec Adam au paradis terrestre ou avec Noé au moment du déluge — cela même ne p’eut-il se concevoir comme croyable, si nous nous dépouillons de nos habitudes modernes de penser, en ces âges primitifs, où Dieu a pu en quelque sorte s’adapter aux conditions originelles et naïves de l’humanité en son enfance ? Cf. F. Vigoureux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1904, t. iii, p. 254 sq. ; t. iv, p. 139 sq. ; Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, n. 285-286, p. 549-554 ; J.-B. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 2= édit., Paris, 1898, t. i, p. 39 sq.
6) Rapport avec les mythes babyloniens. — Pour ce qui est du rapport des récits génésiaques avec les mythes de Babylone, la plupart des écrivains catholiques raisonnent ainsi : C’est un fait, admis par M. Loisy comme par MM. Gunkel et Zimmern, que les récits bibliques ne dérivent pas directement des mythes babyloniens actuellement connus. C’est un autre fait, également admis de tous les critiques, que nos récits sont incomparablement plus simples, plus sobres, plus dignes, que tous les récits analogues auxquels on a pu les comparer, qu’ils les dépassent infiniment pour la portée morale et le sens religieux. Dans ces conditions, peut-on encore faire dépendre les récits bibliques des mythes babyloniens, même moyennant un long travail d’assimilation et de transformation ? Il paraît bien peu vraisemblable que la tradition israélite, en admettant même toutes sortes d’intermédiaires, ait pu, en fin de compte, transformer des mythes polythéistes, aussi grossiers que les mythes babyloniens du déluge et de la création, en des récits aussi purs, aussi hautement religieux, que les récits génésiaques.
M. Zimmern croit voir à la base de la cosmogonie chaldéenne, et par conséquent de la cosmogonie biblique, une transposition mythique de phénomènes naturels, propres au pays de Babylone. Mais, son hypothèse est fort sujette â caution. — D’une part, le triomphe de Mardouk sur Tiàmat ne paraît pas pouvoir se
rapporter à la lutte du soleil matinal contre les ombres de la nuit : Tiâmat ne représente en aucune façon les ténèbres, c’est simplement la personnification de la mer ; comme telle, elle reçoit même le nom de brillante. Le combat mythologique ne peut davantage, semble-t-il, se rapporter â la lutte du soleil printanier contre les inondations hivernales : ces inondations, venant des pluies, pouvaient-elles être regardées comme un envahissement de la mer, et leur disparition être représentée par une victoire deMardouk sur Tiâmat ? L’idée qui est très clairement au fond du poème chaldéen, c’est le triomphe d’une force intelligente sur une force désordonnée, le triomphe du dieu de l’ordre et de l’harmonie cosmiques sur les éléments indomptés et tumultueux. Cf. P. Lagrange, Études sur les religion » sémitiques, 2e édit., Paris, 1905, p. 378. — D’autre part, il est précisément très remarquable que cette idée fondamentale du mythe babylonien, à savoir le combat entre Mardouk et Tiâmat, est totalement absente du récit biblique, où « le Créateur est maître dès le commencement ». Loisy, Les mythes babyl., p. xin.
M. Zimmern a prétendu rapporter aux mêmes phénomènes le récit du déluge. Cette hypothèse n’est pas moins invraisemblable. Comment croire que deux récits, aussi distincts que celui de la création et celui du déluge, traduisent un seul et même mythe naturel ? Il parait d’ailleurs impossible que l’histoire du déluge ait pour unique base un phénomène de la nature, habituel et constant. M. Loisy est d’accord avec la presque unanimité des anthropologistes lorsqu’il rattache cette histoire à un cataclysme exceptionnel. Rien donc n’oblige à mettre nos récits génésiaques en rapport nécessaire avec Babylone. — Ne pourrait-on pas aussi vraisemblablement, sinon plus vraisemblablement, faire l’hypothèse que les récits babyloniens dépendraient eux-mêmes d’une tradition primitive, étroitement apparentée à la tradition israélite, - dont ils ne seraient en quelque sorte qu’un dérivé, altéré et déformé au cours des âges, sous l’influence du polythéisme ? C’est ainsi que la description de la lutte entre Mardouk et Tiâmat semble appartenir à un second stade de la pensée sémitique ; on dirait bien la complication d’une pensée primitive, plus sobre et plus saine, telle que celle qui se trouve au fond du récit génésiaque. Le plus simple a dû venir avant le plus complexe ; la prose, avant la poésie. Le nom même de tiâmat, qui est évidemment à rapprocher du mot hébreu tehôm, n’a-t-il pas dû désigner la mer, au sens matériel, avant de devenir la mer poétisée et personnifiée ? L’assyrien tiâmat ou tihamti est employé comme nom commun, pour signifier la mer ou l’océan, aussi bien que l’hébreu tehôm ; et l’on peut croire que la racine première de ces expressions renferme l’idée d’agitation des eaux, de tumulte des Ilots, se rattachant ainsi au phénomène naturel qui a dû frapper en premier lieu les humains. Comp. tehôm avec yam, la mer, et hoûm, hâmâh, hâmam, etc., être agité. De même, l’assyrien bahu a-t-il dû, comme l’hébreu bôhû, désigner le chaos, avant de devenir Bahu, la déesse du chaos. — M. Vigouroux résume ainsi sa pensée, touchant le récit de la création : « L’écrivain israélite et les écrivains mésopotamiens nous ont transmis une même tradition, qui a été commune à l’origine, mais qui a pris des couleurs diverses en passant par des canaux différents. » « Les traditions bibliques sont plus pures, plus rapprochées de la source que les traditions chaldéennes. » « Ces dernières, qui ne nous sont parvenues que couvertes d’une épaisse couche de rouille mythologique, ont été altérées et défigurées par la suite des temps. » La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 237. — Et à propos de l’histoire du déluge : Le récit de Moïse « est-il une simple épuration de la tradition chaldéenne, ou bien est-ce la tradition antique conservée dans toute la fleur de son intégrité, par la race d’Abra ham ? Nous ne saurions le dire, mais nons pouvons l’affirmer sans crainte de nous tromper, si c’est une épuration, ce n’est pas une épuration humaine ». « Quiconque étudiera sérieusement ces deux relations antiques du déluge, si semblables par le côté pour ainsi dire matériel, aussi éloignées l’une de l’autre que le ciel l’est de la terre par le coté dogmatique et théologique, ne pourra s’empêcher de s’écrier, saisi d’admiration devant les pages de la Sainte Écriture : le doigt de Dieu est là. » Ibid., p. 332.
2° Histoire des patriarches. — a) Le mythe astral. — En passant à la suite de l’histoire biblique, nous avons vu l’histoire des patriarches et, en partie, celle des Juges et des Rois, expliquée par le mythe astral. Bien aventureuse est cette interprétation. — La mythologie chaldéenne a-t-elle une origine purement astronomique, comme le prétend Winckler ? C’est une première question qui est loin d’être élucidée. Ce qui est encore plus hypothétique, c’est que toutes les mythologies se rattachent originellement à celle de Babylone : une telle conclusion ne peut se tirer de rapprochements isolés et souvent incertains. Cf. K. Budde, Das Alte Testament und die Ausgrabungen, Giessen, 1903 ; E. Kbnig, Altorientalische Weltanschauung und das A. T., Berlin, 1904. — Pour ce qui est de l’histoire d’Israël, on n’arrive à la réduire à la mythologique astrale de Babylone que moyennant une exégèse extrêmement arbitraire, subjective, et parfois ridicule. Les textes sont traités avec beaucoup de désinvolture ; on torture les noms propres, les nombres, les données géographiques, pour les faire accorder avec le système préconçu ; on relève les indices les plus vagues, on opère les rapprochements les plus forcés, les combinaisons les plus fantaisistes ; ce qui gêne par trop est purement et simplement éliminé. Le père d’Abraham a pour nom Térah (Tharé) : on le change en Yérafy, pour obtenir « la Lune ». Le jeune Benjamin reçoit trois cents pièces d’argent et cinq habits d’honneur : ce sont les trente jours du mois et les cinq jours épagomènes. Le nom de Saùl (Sa’ùl) signifie « le demandé », on l’interprète a le consulté », et aussitôt l’on y trouve Sin, le dieu-lune, oracle des Chaldéens ; la ville près de laquelle il meurt est Befse’ân, « la maison de repos, » on la change en Betsin, et l’on obtient « la maison de Sin » ; la lance dont le roi d’Israël menace David ne peut être que le javelot, insigne du dieu-lune ; et l’on n’a pas de peine à trouver dans son humeur noire et sa décapitation finale un symbole de l’assombrissement progressif et enfin de la disparition du disque lunaire ! À ce jeu d’esprit on réussit toujours, avec un peu de perspicacité et beaucoup d’imagination. — Cheyne lui-même, tout en disant qu’ « on pourrait admettre quelques menus éléments mythologiques en certains récits bibliques », déclare que « les arguments de Winckler paraîtront à beaucoup d’esprits trop laborieusement cherchés pour être convaincants »..Art. Jacob, g 8, Encycl. bibl., t. ii, col. 2312.
— De son côté, M. Jeremias, qui consent à trouver un certain rapport entre les douze fils de Jacob et les douze signes du zodiaque, avoue néanmoins que le nombre pourrait être historique, car, fait-il observer, l’empereur Guillaume, lui aussi, a sept enfants, six fils et une fille, or l’on pourrait bien y voir les sept planètes, y compris Vénus. N’est-ce pas en suivant les mêmes procédés que des écrivains ont fort gravement prétendu trouver dans chacun des contes populaires, recueillis par La Fontaine ou Perrault, un petit drame cosmique, ayant pour acteurs le soleil et l’aurore, la nuit, l’hiver, l’ouragan ? — D’après A. de Gubernatis, Storia délie novelline popolari, Milan, 1883, p. 83, il faut voir dans la Laitière et le Pot au lait « l’aurore qui rit, danse et célèbre ses noces avec le soleil, brisant, comme on brise en pareille occasion la vieille vaisselle de la maison, le pot qu’elle porte sur la tête et dans lequel’est Contenu le lait que l’aube matinale verse et répand sur la terre ».
— A. Lefêvre, Des Contes de Perrault, avec deux essais, Paris, 1882, p. lx sq., interprète ainsi le petit Chaperon touge : « Ce chaperon ou coiffure rouge, c’est le carmin de l’aube. Cette petite qui porte un gâteau, c’est l’aurore, que les Grecs nommaient la messagère, angelieia. Ce gâteau et ce pot de beurre, , ce sont peut-être les pains sacrés, adorea liba, et le beurre clarifié du sacrifice. La ïnère grand’, c’est la personnification des vieilles aurores tjue chaque jeune aurore va rejoindre. Le loup astucieux à la plaisanterie féroce, c’est, ou bien le soleil dévorant et amoureux, ou bien le nuage et la nuit. » Dans Peau d’Ane, « la belle jeune fille, c’est l’aurore ou la lumière. » « La peau d’âne, c’est la brume du matin, ou bien encore l’épaisseur du nuage où le soleil enfermé se révèle par des rayons intermittents. » Quant au petit Poucet, c’est « un dieu aryen conducteur et voleur des bœufs célestes, qu’il faut assimiler à l’Hermès enfant des hymnes borné-Tiques ». « Les bottes sont la vélocité de la lumière. » v. La forêt, c’est la nuit ou le nuage ; la lumière entrevue du haut de l’arbre, c’est l’aube lointaine. Les cailloux et la mie de pain, ce sont les étoiles, la voie lactée. » « L’ogre paraît bien être ici le soleil dévorant. » s
B) Le mythe ethnographique. — a) Opinion de divers critiques catholiques. — À côté du mythe astral, on a proposé le mythe ethnographique. Pour prétendre que les personnages qui figurent dans l’histoire patriarcale sont en réalité des personnifications de tribus, il faudrait supposer que les termes du récit biblique ne doivent pas être pris au sens propre, mais dans un sens figuré. C’est une hypothèse que certains auteurs catholiques ont admise en partie. Les patriarches, au moins à partir d’Abraham, auraient réellement existé, mais la tradition qui les concerne aurait été influencée par l’histoire postérieure des tribus. « Il n’est nullement impossible, dit M. Loisy, qu’Abraham ait existé, mais… la plupart des traits de sa légende varient selon les sources, ne conviennent pas à un individu, sont des symboles ethnographiques ou religieux. » Revue d’hist. et de littérat. relig., 1900, p. 543. A propos d’Ismaël : « Les destinées de la nation ou de la tribu, dit-il, se reflètent parfois dans l’histoire du héros éponyme. i> « Le sort de ces tribus (arabes), constamment repoussées du territoire palestinien vers le désert, est figuré dans l’expulsion d’Agar et d’Ismaël. Les récits de J et de E sont l’expression populaire d’une réalité historique. Le sens ethnique des mots prime dans ces récits le sens individuel. » lbid., p. 269. De même, « Jacob est le type d’un peuple. » Ses bénédictions « ont des tribus pour objet, non des personnes ; les conditions historiques et géographiques qui s’y reflètent sont celles du temps des Juges, de Samuel, de David ; c’est alors qu’elles ont reçu leur forme poétique actuelle. Est-il bien nécessaire d’admettre qu’elles se fondent sur une tradition remontant jusqu’au patriarche lui-même » ? Ibid., p. 543. — De son côté, le P. Bonaccorsi, art. cit., p. 305 sq., parlant de a l’histoire primordiale qui embrasse tout l’âge patriarcal et qui est racontée dans la Genèse », déclare qu’il suffit de la comparer à l’histoire primitive des autres peuples, pour constater immédiatement l’affinité du genre littéraire entre ces narrations, bien que, « n fait de théologie et de morale, la différence soit immense : or, ajoute-t-il, chez aucun peuple pareille histoire ne se présente comme de l’histoire rigoureuse, c’est plutôt un mélange d’histoire et de légende, ce sont des traditions populaires que l’histoire veut transmettre à la postérité. Cf. Bévue bibl., 1903, p. 475. — Le P. Lagrange, tout en déclarant impossible que nous possédions « des souvenirs historiques de ces temps reculés qui ont précédé Abraham », La méthode historique, p. 209, semble, pour les récits qui concernent les âges suivants, poser seulement la question de leur historicité parfaite, en insinuant qu’on pourrait, à la façon du Dictionary 0( the Bible, se contenter d’y trouver une historicité substantielle. « Quant au rapport des peuples entre eux,
D1CT. DE LA BIBLE,
dit-il, au sentiment de la parenté qui les unit, ou de l’hostilité qui les divise, quant aux sanctuaires eux-mêmes, la légende peut très bien faire allusion à un événement historique. Le vrai problème est donc de savoir si Israël a conservé, au sujet des patriarches, des souvenirs assez précis pour qu’on puisse les qualifier d’historiques. » Revue bibl., 1901, p. 619. « II est constant que l’histoire ne cesse pas d’être de l’histoire, pour être écrite d’une certaine façon. Si Benjamin est un homme, il est historiquement certain qu’il est né au pays de Canaan ; si Benjamin est une tribu, la conclusion sera la même. Toute la question sera de. s’entendre sur le sens des mots et sur la nature du langage, propre ou figuré, et de conserver le sens général de la tradition. » lbid., 1902, p. 124.
b) Sentiment catholique plus général. — Cependant la plupart des critiques catholiques continuent d’interpréter l’histoire des patriarches au sens littéral. — Il leur paraît que la question littéraire, dont dépend la question même d’historicité, est loin d’être élucidée au sens que prétendent généralement les critiques indépendants. Ce qui semble établi aujourd’hui, c’est que la Genèse a été composée à l’aide de documents antérieurs ; mais cela n’est pas pour diminuer la valeur historique de cet écrit : tout au contraire. On tend, il est vrai, à abaisser l’origine des deux principaux de ces documents, rÉlohiste et le Jéhoviste, au ix s ou vm c siècle avant J.-C, environ 500 ans après Moïse, mais, s’il est bien certain, comme on le reconnaît, que ces documents ne sont pas postérieurs à l’époque des prophètes, Amos, Osée (vers 750), rien ne prouve qu’ils ne remontent pas plus haut. Un certain nombre de critiques, entre autres Driver, Lilerature of the O. T., 1898, p. 125, les assignent approximativement aux premiers siècles de la monarchie (xe ou XIe siècle) : ne pourraient-ils pas être encore plus anciens ? Dans ces documents principaux, on reconnaît des débris de documents primitifs déjà utilisés : pourquoi ces documents primitifs ne remonteraient-ils pas aux temps mêmes des patriarches ? Les découvertes assyriologiques prouvent d’une manière incontestable que l’écriture était usitée depuis plusieurs siècles à l’époque d’Abraham. Le Code et les Lettres d’Hammourabi, son contemporain, montrent bien qu’on écrivait alors souvent et longuement. — Sans doute, après avoir distingué des sources multiples dans notre livre, on s’efforce de les mettre en opposition les unes avec les autres, d’en faire ressortir les variantes, de conclure à des modifications tendancieuses, à des transformations mythiques ou légendaires : mais dans ce travail de comparaison il entre trop d’arbitraire, d’esprit de système et d’appréciation subjective, pour qu’on puisseen accueillir sans défiance les résultats. — Par contre, il est très remarquable que partout où les découvertes modernes ont pu entrer en contact avec les faits primitifs de l’histoire biblique, elles en ont montré décisivement la vérité. — L’assyriologie trouve un cachet historique frappant dans l’épisode d’Abraham repoussant l’invasion des quatre princes élamiles, parmi lesquels Chodorlahomor, ou Kuudsw-lagamar, « serviteur du dieu élamite Lagamar, et Amraphel, » identifié avec Hammourabi. « Quoi qu’en aient dit certains exégètes, déclare M. Loisy, l’épisode de Chodorlahomor est un excellent certificat d’existence personnelle décerné au Père des croyants. » Eludes bibl., p. 65. <t II est démontré avec toute la certitude désirable, dit M. Fritz Hommel, qu’Abraham a été contemporain de Hammourabi. Toutes les données relatives à Hammourabi fournissent le cadre naturel de son histoire et confirment en même temps d’une manière surprenante l’exactitude de la tradition biblique qui nous montre l’ami de Dieu fuyant 1q polythéisme babylonien. » Die Altisrælitische Ueber^ lieferung, p. 199. Cf. F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. i, p. 481 sq. — L’égypto 1T. — 45 Uii
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Iogie a confirmé pareillement en une multitude de détails l’histoire biblique de Joseph et celle de Moïse : la première a un coloris nettement égyptien, et il est impossible de lire la seconde sans être frappé de la connaissance intime qu’elle suppose du pays des pharaons. Cf. "Vigoureux, op. cit., t. ii, p. 1 et suiv., 213 et suiv. Cette vérité de la couleur locale et des peintures de mœurs, jointe à la vérité des détails individuels et à la vie des incidents personnels, ne semble pas permettre au critique de voir dans les patriarches une simple personnification des tribus, ni dans leur histoire un reflet appréciable de l’histoire postérieure d’Israël. Cf. Ed. Konig, Neueste Pr’mzipien der Alttestamentlichen Kritik, Berlin, 1902.
3° Les Juges et les Rois. — Ce sont les mêmes remarques qui sont à faire au sujet de l’histoire biblique sous les Juges et sous les Rois. — 1. Les critiques qui attribuent au livre des Juges une date relativement récente, reconnaissent que l’ouvrage a été rédigé à l’aide de documents antérieurs. La partie principale, ii, 6-xvi, comprenant l’histoire des Juges proprement dits, se composerait d’une série de vieux récits, arrangés par un rédacteur final, pénétré de l’esprit du Deutéronome. Cf. Cornill, Einleit. in dos A. T., p. 91 ; Driver, Literature of the O. T., p. 164 sa.. La compilation serait donc postérieure au vu 9 siècle ; mais les divers éléments seraient plus anciens, et tout donne à croire qu’ils remontent aux premiers temps de la monarchie, à cette époque, très voisine des faits, , à laquelle les critiques catholiques attribuent généralement la composition du livre. Cf. P. Lagrange, Le Livre des Juges, Paris, 1903, p. xxxvi. Nous avons donc là un document de premier ordre, présentant les meilleures garanties de vérité historique, et les découvertes modernes ont permis d’en vérifier en maints endroits la sincérité et l’exactitude. Cf. Vigouroux, op. cit., t. iii, p. 36 et suiv. — 2. De même, les livres de Samuel (I et II Rois) sont basés sur des documents primitifs ; les livres des Rois (III et IV Rois) se réfèrent constamment au « Livre des Annales des rois de Juda » et au « Livre des Annales des rois d’Israël » ; ceux des Paralipomènes, outre « le Livre des rois de Juda et d’Israël », utilisent pour l’histoire de David « les récits de Samuel le voyant, de Nathan le prophète, et de Gad le voyant », I Par., xxix, 29 ; pour l’histoire de Salomon « les récits de Nathan le prophète, la prophétie d’Ahias le Silonite, et les révélations d’Addo le voyant », II Par., IX, 29 ; ils citent encore les livres de Séméias, de Jéhu, d’Isaïe. II Par., xii, 15 ; xx, 34 ; xxvi, 22 ; xxxii, 32. Ces historiens ont donc entre les mains nombre de documents, dont ils savent l’origine et la valeur et qu’ils s’attachent à reproduire consciencieusement. — Les divergences de détail, constatées dans les endroits où ils se trouvent en parallèle, en prouvant leur indépendance, ne font que mieux ressortir leur harmonie d’en, semble et la valeur substantielle de leurs renseignements. Enfin leurs données ont reçu, sur une foule de points, une confirmation précieuse des inscriptions cunéiformes récemment découvertes. Cf. "Vigouroux, op. cit., t. iii, p. 253 et suiv. — Dans ces conditions, n’est-il pas sage d’accueillir avec une extrême réserve les hypothèses d’idéalisations mythiques, ou de transformations légendaires, qui trop souvent sont inspirées par l’esprit de système et le subjectivisme ?
4° Esther, Judith, Tobie, Job, Jonas, Daniel. — Pour ce qui est des livres d’histoires séparées, la question qui se pose est surtout une question de genre littéraire et d’intention d’auteur. — Un certain nombre de critiques catholiques croient pouvoir les regarder beaucoup plus comme des livres d’enseignement moral et d’édification religieuse que comme des ouvrages proprement historiques. Cfr. A. Scholz, Commentar zu Tobias, Wurtzbourg, 1689 ; Comm. zum Bûche Judith, 2e éd., 1896 ; E. Cosauin, Le livre de Tobie et l’histoire du sage Ahi kar, dans la Revue bibl., 1899, p. 50 sq. ; A. Loisy^Le livre de Job, Paris, 1892, p. 44 sq. ; Revue d’hist. et de littérat. relig., 1899, p. 171, à propos de Tobie, d’Esther et de Daniel ; Jbid., 1904, p. 573, à propos de Jonas.
— En se plaçant dans cette hypothèse, il ne conviendrait en aucune façon d’appliquer à ces écrits le nom de mythiques. On ne devrait les qualifier de la sorte que si leurs auteurs avaient eu l’intention de narrer comme histoire véritable des faits appartenant en réalité au domaine du folk-lore ou de la légende. Ce n’est point le cas.
La plupart des écrivains catholiques se refusent d’ailleurs à sacrifier l’historicité de ces ouvrages. Ils s’appuient sur le caractère même des récits, la vérité psychologique de la narration, la vie et la précision des détails, qui semblent accuser chez les auteurs la préoccupation de relater l’histoire, plus encore que celle de faire valoir une leçon. Les découvertes modernes ont singulièrement confirmé leur opinion : les fouilles de Suse sont venues jeter un jour remarquable sur les épisodes du livre d’Esther ; on a relevé des rapprochements frappants entre l’histoire d’Assurbanipal et le livre de Judith ; les inscriptions et les monuments de la Chaldée sont devenus un commentaire vivant du livre de Daniel. Cf. "Vigouroux, La Bible et les dëcouv., t. iv, p. 129 et suiv. ; 255 et suiv. ; 621 et suiv. — Une place à part doit être réservée au livre de Job, qui appartient évidemment à un genre très spécial, puisqu’il se présente presque en entier sous la forme de la poésie. Cependant, « malgré le cadre poétique dans lequel il est placé et les ornements littéraires dont il est embelli, » M. Vigouroux regarde l’ouvrage comme « historique dans son ensemble et dans ses principaux détails ». Les Livres saints et la critique rationaliste, 5e édit., 1902, t. v, p. 12. Cf. Pelt, Hist. de VA. T., 1898, t. ii, p.92.
11. a propos du nouveau testament. — Question générale. Rapport des livres historiques du Nouveau Testament avec la foi de l’Église primitive. — La question du mythe peut être résolue d’une manière particulièrement décisive, si l’on aborde les écrits du Nouveau Testament. De nos jours, en effet, la critique a des moyens suffisamment assurés de vérifier l’origine et la valeur historique de ces écrits, surtout des Évangiles synoptiques, qui en forment la partie principale. Dans l’Introduction à sa Vie de Jésus, § xiii, trad. Littré, t. i, p. 79, Strauss supposait cette objection faite à son système mythique : « Tandis que les cercles mythiques, chez les Grecs et les Latins, sont formés par le recueil de légendes sans garantie, l’histoire biblique a été rédigée par des témoins oculaires, ou du moins par des gens qui, d’une part, ont été, en raison de leurs rapports avec des témoins oculaires, en état de raconter la vérité, et, d’autre part, ont une probité si manifeste, qu’il ne peut rester aucun doute sur leur intention de la dire. » Et le docteur allemand laisait, en réponse, un aveu significatif : « Cet argument, disait-il, serait en effet décisif, s’il était prouvé que l’histoire biblique a été écrite par des témoins oculaires, ou du moins par des hommes voisins des événements. » Or, l’hypothèse écartée par Strauss a été depuis reconnue de plus en plus fondée. — On peut dire qu’actuellement les critiques sont unanimes à placer la composition des Synoptiques dans la seconde moitié du premier siècle, unanimes aussi à reconnaître que, si ces Évangiles ont été rédigés seulementau cours de la deuxièmegénération chrétienne, ils reposent néanmoins sur des traditions orales et des documents écrits appartenant à la première génération, à l’époque où vivaient encore les témoins de la vie de Jésus. Le second Évangile est bien de saint Marc, héritier immédiat des souvenirs de saint Pierre ; l’auteur du troisième, sans doute saint Luc, déclare avoir puisé ses renseignements à bonne source, et4a critique constate qu’il a de fait utilisé abondamment des documents plus
anciens ; enfin l’on s’accorde à reconnaître que le premier Évangile est au moins en un certain rapport avec l’apôtre saint Matthieu. — Dans ces conditions, le champ libre pour l’élaboration du mythe se trouve extrêmement restreint. C’est au cours de la première génération, au sein de la toute première Église, que l’on est contraint de placer le travail d’idéalisation et de transformation prétendu. Cela est-il possible ?
a) Opinion de M. Loisy. — Divers catholiques l’ont pensé. Au dire de M. Loisy, les Synoptiques, bien que composés entre 70 et 80, Les Évangiles synoptiques, Amiens, 1893, p. 4 ; cf. Autour d’un petit livre, Paris, 1903, p. 76 et suiv., « ne sont pas des documents proprement historiques », mais « un produit et un témoignage de la foi ancienne », « le document principal de la foi chrétienne, pourra première période de son histoire. » L’Évangile et l’Église, 2e édit., Paris, 1903, p. 1, 15, 33. « L’enseignement du Sauveur » a été « adapté au besoin des Églises naissantes », et même « un travail d’idéalisation progressive, d’interprétation symbolique et dogmatique s’est opéré sur les faits » : au critique donc de démêler « ce qui est souvenir primitif de ce qui est appréciation de foi et développement de la croyance chrétienne ». Autour d’un petit livre, p. 83, 44.
b) Critique de cette opinion. — Mais, on comprend combien doit prêter à l’arbitraire et au parti pris ce discernement entre ce qui est élément authentique de l’histoire et ce qui est censé un travail quelconque d’idéalisation. Il est impossible que le critique ne soit pas influencé dans son choix par ses idées personnelles sur l’évolution historique. Ainsi W. Wrede, Dos Messiasgeheimnis in den Evangelien, 1901, p. 7, pose en principe que le miracle et la prophétie doivent forcément être exclus de l’histoire. Les critiques qui voient en Jésus un simple homme prétendent ne pouvoir retenir comme historiens que ce qui s’harmonise avec leur conception et mettent invariablement le reste sur le compte de l’idéalisation postérieure. C’est le même parti pris que Renan avouait cyniquement, lorsqu’il écrivait : « Ce n’est pas parce qu’il m’a été préalablement démontré que les évangélistes ne méritaient pas une créance absolue que je rejette les miracles qu’ils racontent ; c’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis : les Évangiles sont des légendes ; ils peuvent contenir de l’histoire, mais certainement tout n’y est pas historique. » Vie de Jésus, 13e éd., p. vi.
c) Preuves de Vindépendance des Évangiles synoptiques vis-à-vis des influences de la foi. — Si l’on veut se soustraire au préjugé et vérifier d’une manière impartiale dans quelle mesure les relations synoptiques risquent d’avoir été influencées par la tradition, le seul procédé logique est, semble-t-il, de porter l’examen sur quelques points importants des Évangiles, où l’histoire primitive s’était particulièrement prêtée à subir les influences de la foi, et où nous pouvons nous assurer si de fait elle les a subies ou non, cette foi de l’Église nous étant connue par des documents certains, tels que les Épîtres de saint Paul. Ces points, sur lesquels le travail de vérification critique peut se faire dans des conditions particulièrement favorables, sont, par exemple, la description de l’idéal messianique, le portrait des apôtres, l’idée de la préexistence céleste et de la divinité du Christ. Or, sur tous ces points, l’examen aboutit à des résultats tout à fait significatifs, qui vont à rassurer pleinement sur la fidélité historique de nos documents.
Si quelque perspective ancienne risquait d’être déformée sous l’influence nouvelle de la foi, c’était bien d’abord l’antique perspective messianique. Or, le messianisme que les Synoptiques nous présentent, tant chez les Apôtres qu’au sein de la foule, ce n’est point le. messianisme spirituel et idéal dont témoignent, au lendemain de la Pentecôte, les Actes des Apôtres et les Épîtres de saint Paul, c’est le vieux messianisme juif,
I tel qu’il se trouve décrit dans les documents extracanoniques contemporains, tout revêtu des anciennes couleurs, plein des chimériques espérances d’autrefois. Rien certes de plus remarquable que cette immunité de nos écrits par rapport aux idées ambiantes, sur un point où leur influence devait se faire sentir si puissamment. — De même, il est universellement reconnu que les Évangiles synoptiques, et les documents primitifs sur lesquels ils reposent, sont en dépendance étroite des souvenirs apostoliques et appartiennent à une période où la personne des Apôtres était relevée au plus haut point dans l’Église chrétienne. Or ces mêmes Apôtres s’y trouvent représentés avec toutes leurs faiblesses, toutes leurs lâchetés, tous leurs défauts, aussi bien qu’avec leurs qualités et leurs vertus. Un tel tableau ne peut sans doute provenir que de témoins exacts et sincères, qui savent faire abstraction des réalités présentes et d’eux-mêmes, pour relater uniquement et simplement la vérité de l’histoire. — Enfin, que dire du portrait de Jésus lui-même ? On veut que nos Évangiles soient plutôt une expression de la foi chrétienne qu’une exacte reproduction de la réalité. Or, comment se fait-il que la foi bien connue de l’Église primitive au grand dogme de la préexistence céleste et de la divinité du Christ, Fils de Dieu, apparaisse si peu reflétée dans nos écrits, si peu que l’on ne croit précisément trouver dans les Évangiles synoptiques aucune manifestation réelle de la divinité du Sauveur ? Comment se fait-il que, nonobstant la foi des premiers jours au Christ glorieux et vrai Fils de Dieu, on ait su maintenir à la manifestation personnelle de Jésus ce caractère de discrétion et de réserve qu’elle a dans les Évangiles, et qu’elle a dû avoir dans la réalité, qu’on l’ait fait se désigner habituellement par le titre de « Fils de l’homme », qu’on n’ait pas laissé de lui attribuer, touchant ses rapports avec Dieu, des déclarations aussi humaines que celles que relèvent complaisamment nos critiques, qu’enfin on. ait gardé de son agonie, des tourments de sa passion, de sa mort sur la croix, un souvenir aussi précis et, pour ainsi dire, aussi réaliste, où les détails humiliants, loin d’être dissimulés et idéalisés, sont rendus avec une vérité au plus haut point saisissante ? Cela suppose bien que nos évangélistes ont su faire abstraction de leur croyance personnelle et se soustraire à l’influence des idées théologiques de leur temps, pour reproduire l’histoire avec fidélité : et certes la chose est extrêmement significative de la part du troisième Évangéliste, si familiarisé avec la doctrine de saint Paul. Cela suppose que les documents mêmes et les souvenirs dont nos écrivains dépendent avaient su pareillement garder intact le Christ de l’histoire, et conserver avec la réalité de sa physionomie humaine celui qu’au lendemain de sa résurrection on regardait déjà comme le Messie triomphant, participant à la puissance de Dieu. — Ainsi, sur les points où la comparaison entre les Évangiles synoptiques et les idées de la première Église chrétienne se trouve particulièrement aisée à faire et significative, nous constatons d’une manière remarquable l’indépendance des documents vis-àvis des influences de la foi. Cette constatation parait tout à fait rassurante en faveur de la fidélité historique de l’ensemble de nos écrits. Cf. M. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu d’après les Évangiles synoptiques, 2e édit., Paris, 1905, p. xliv-lxxii. — Si nous examinons maintenant les cas particuliers où l’on a voulu appliquer’le système de l’interprétation mythique aux récits évangéliques, nous constatons en fait que, d’une manière générale, ces interprétations sont arbitraires et mal fondées.
1° Les récits de la conception virginale et de l’enfance. — a) Opinion de M. Loisy. — Les critiques libéraux, nous l’avons vii, expliquent les récits de la conception virginale et de l’enfance du Sauveur par une évolution d’idées, qu’auraient amenée la foi messia
nique grandissante et l’influence des mythes païens. — M. Loisy estime pareillement que « les récits de l’enfance ne sont pour l’historien qu’une expression et une assertion de la foi messianique, de cette foi qui s’affirme au début de l’Évangile de Marc et qui a transfiguré les souvenirs des apôtres, qui s’affirme aussi et se développe dans Paul, puis dans le quatrième Évangile. Cette foi est comme la réponse que les générations de fidèles font successivement à la proposition de l’Évangile de Jésus ; elle grandit en restant toujours la même, comme un écho qui, en se répercutant de montagne en montagne, deviendrait plus sonore, à mesure qu’il s’éloignerait de son point de départ ». L’Évangile et l’Église, 2e édit., p. 31. Le critique ajoute : « Cette idéalisation inévitable et légitime du Christ, se produisant spontanément dans la conscience chrétienne, et non par un travail d’observation rigoureuse et de réflexion méthodique, a dû affecter, jusqu’à un certain point, la forme d’un développement légendaire, et elle se présente comme telle au premier regard du critique, bien qu’elle ne soit, en elle-même, qu’une expansion de la foi et un moyen encore insuffisant de placer Jésus à la hauteur qu’il lui convient. » Ibid., p. 21.
b) Preuves de l’historicité des récits. — Or, si nous considérons le fait fondamental de la conception surnaturelle de Jésus, il semble bien, d’une part, que ce tait soit attesté par deux récits indépendants, lesquels se confirment l’un l’autre ; d’autre part, que ces récits eux-mêmes remontent aux premiers jours de l’Église et ne contiennent rien qui accuse une correction tendancieuse apportée à des relations primitives de signification différente ; enfin, que la primitivité de la croyance en la conception surnaturelle du Sauveur soit garantie par la primitivité même de la foi en sa préexistence céleste et en sa divinité : toutes choses qui contredisent formellement les suppositions faites par les critiques. — Tout d’abord, l’indépendance des deux récits de saint Matthieu et de saint Luc résulte des faits suivants : pour le ministère public de Jésus, les deux Évangélistes rapportent les actions et même les discours du Sauveur d’une manière sensiblement différente, et le plus grand nombre des critiques en concluent que, tout en puisant leurs renseignements à des sources communes ou voisines, ils ne se sont pas connus l’un l’autre ; à prendre simplement les deux premiers chapitres, il est clair qu’ils ne contiennent aucun épisode commun, ils représentent visiblement deux traditions parallèles, ils offrent même des divergences notables, qui ne se comprendraient pas dans l’hypothèse où l’un des récits serait en dépendance visà-vis de l’autre. Les deux récits étant indépendants, il en résulte qu’ils se confirment mutuellement.
Il en résulte aussi qu’on ne peut supposer, avec Hillmann et Harnack, que saint Luc aurait emprunté à saint Matthieu l’idée de la conception virginale. Ces critiques s’efforcent de découvrir les additions et les retouches par lesquelles le troisième Évangéliste aurait introduit cette idée d^ans un récit primitif qui l’ignorait : ils n’y arrivent que par une sélection opérée dans les textes d’une façon très aventureuse et très arbitraire. — Il faut en dire autant de M. Schmiedel, qui prétend découvrir dans le texte même de saint Matthieu un récit primitif où il n’aurait pas été question de la conception surnaturelle.
En réalité, le récit entier de saint Matthieu devient inintelligible, si l’on en supprime l’idée de la naissance virginale de Jésus. Cette idée pénètre si intimement l’épisode du doute de Joseph, Matth., i, 18-25, qu’elle en fait toute l’économie et le constitue pour ainsi dire en entier ; de même, dans les épisodes des mages et de la fuite en Egypte, est-il toujours question de l’enfant et de sa mère, Joseph n’apparaissant que comme le gardien et le protecteur de l’un et de l’autre.- Matth., ii, 11, 13, 14, 20, 21. — La même idée pénètre d’un bout à J’autre la narration de saint Luc. Non seulement elle est
exprimée d’une manière formelle, en dehors de l’entretien de Marie avec l’ange, i, 34-35, lorsque l’Évangéliste donne à la fiancée de Joseph le nom de vierge, i, 27, et lorsque plus loin il spécifie que Jésus était « le fils putatif » de Joseph, iii, 23 ; mais le récit entier de la conception de Jean-Baptiste n’a sa vraie signification que s’il est destiné à préparer et à faire valoir la conception plus extraordinaire encore de Jésus ; l’objection que feit Marie à la proposition de l’ange ne se comprend bien que si elle a dessein de rester vierge ; elle n’est pas encore mariée à Joseph lorsqu’à lieu la conception du Sauveur ; c’est chez elle qu’elle revient, même après la visite à Elisabeth ; dans la scène de la Présentation et dans celle du recouvrement de Jésus au Temple, c’est encore elle qui joue le rôle principal, Joseph ne paraissant qu’au second rang. — Rien donc ne permet de croire que nos Évangélistes soient en dépendance de documents plus anciens, d’où aurait été absente l’idée de la conception virginale.
Que si maintenant l’on recherche l’origine de nos deux récits, tout semble bien établir qu’ils remontent aux cercles judéo-chrétiens de la première Église, au lieu d’avoir pris naissance dans le christianisme postérieur de la gentilité. — D’un côté, l’Évangile de saint Matthieu, qui attache tant d’importance à la Loi ancienne, à l’accomplissement des prophéties messianiques, aux pratiques des pharisiens, paraît visiblement écrit pour l’Eglise judéo-chrétienne des premiers jours, et ce caractère est particulièrement accusé dans les deux premiers chapitres, où par quatre et cinq fois les épisodes de l’enfance du Christ sont rattachés avec soin aux prophéties anciennes. — D’un autre côté, rien de plus remarquable, dans les premières pages de saint Luc, que la place prépondérante qu’occupent le Temple et son service religieux, comme aussi la couleur toute primitive du messianisme juif qui s’y trouve représenté. C’est donc au berceau de l’Église, dans les premières communautés judéo-chrétieunes, que nous sommes invités à chercher la croyance primitive en la conception virginale. D’ailleurs, au début de son Évangile, saint Luc n’at-il pas pris soin d’avertir son disciple que, pour lui confirmer ce que lui a déjà appris la catéchèse courante au sujet des origines chrétiennes, il a voulu consigner par écrit les renseignements les plus authentiques, puisés à bonne source et dûment contrôlés ? Personne ne songe à suspecter la déclaration de l’Évangéliste, et son ouvrage porte en effet la marque de multiples documents, fragments de mémoires écrits ou témoignages oraux, à l’aide desquels il a été composé. Or, parmi ces documents, celui des Origines de Jésus s’accuse avec un caractère de primitivité particulière, grâce à l’hébraïsme de son style, de ses constructions de phrases, et jusque de ses expressions. Il y a donc tout lieu de croire que la déclaration de l’auteur s’applique avec une vérité spéciale à ces premiers récits : ils doivent faire partie de la tradition originelle, celle des Apôtres et des témoins du Sauveur. — Au surplus, si l’on se place au point de vue d’une évolution naturelle, il semble bien que la conception virginale du Christ aurait dû précéder, plutôt que suivre, l’idée de sa préexistence céleste et de sa divinité : M. Schmiedel l’avoue expressément, art. Mary, § 16, Encycl. bibl., t. iii, col. 2964. Or, c’est un fait que cette dernière idée se rencontre formellement dans les Épîtres de saint Paul, et il est impossible que sur ce point l’Apôtre ait pu être en désaccord avec la croyance générale de l’Église apostolique. L’Église des premiers jours a vu en Jésus de Nazareth le Messie préexistant et Fils de Dieu : le dogme de la naissance virginale ne peut être postérieur à cette croyance primitive, qui déjà le domine et, d’une certaine manière, le contient. — Enfin, à une époque où l’Église plaçait le Christ au plus haut point de l’humanité et de la création universelle, peut-on croire que la foi se serait représenté sa naissance U17
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dans des conditions aussi humbles et aussi modestes que celles qui figurent en nos récits ? La sobriété et l’exquise délicatesse de ces narrations, contrastant si éloquemment avec la manière des Évangiles apocryphes, l’humilité dans laquelle y est représenté le Sauveur, à Bethléem, en Egypte, à Nazareth, paraissent bien une garantie irrécusable d’historicité. Cf. V. Rose, Etudes sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1902, p. 63 et suiv. ; M. Lepin, op. cit., 2e édit., p. 57 et suiv.
2° Les déclarations messianiques et les prophéties de la passion. — a) Authenticité des déclarations messianiques de Jésus. — M. Wrede prétend que Jésus ne se serait aucunement proclamé Messie de son vivant, et voit dans les déclarations messianiques que lui attribuent les Évangiles un reflet de la foi postérieure. Cette hypothèse est en contradiction avec le fait même de la foi messianique aux premiers jours de l’Église. — Il est universellement admis, en effet, que la croyance en la messianité de Jésus date du lendemain de sa mort : or, supprimez les déclarations personnelles du Sauveur relativement à sa dignité messianique, supprimez les preuves qu’il est censé en avoir données d’après nos documents, et l’on ne s’explique plus la foi si ferme et si puissante des disciples, après les événements déconcertants de la Passion. — C’est en vain qu’on cherche à expliquer cette loi par le seul fait de la croyance en la résurrection. La croyance en la résurrection ne peut se comprendre, en effet, au point de vue naturel, sans la persuasion préalable que Jésus ne devait pas rester la proie de la mort, et cette persuasion elle-même sans des déclarations antérieures du Sauveur, assez fortement significatives pour avoir pu imprimer au cœur de ses disciples, sitôt après le drame du Calvaire, une pareille conviction. Mais, s’il faut admettre de la part de Jésus des déclarations positives sur sa résurrection future, et tout un ensemble de faits extraordinaires venant appuyer son témoignage, pourquoi ne pas admettre qu’il y ait eu de sa part déclarations et preuves semblables touchant sa simple messianité ? Cela seul pourrait d’ailleurs expliquer que de l’idée de la résurrection on ait passé immédiatement à l’idée de la mission messianique. — Au surplus, s’il est un point ferme dans la tradition évangélique et qu’on ne peut en aucune iaçon enlever de l’histoire, c’est que Jésus a été condamné à mort comme roi des Juifs, c’est-à-dire Messie : or if est impossible qu’il n’ait pas donné lieu à l’accusation par des aveux personnels sur ce sujet. Pour supprimer la conscience messianique du Sauveur, il faudrait supprimer le fond même de l’histoire évangélique. Cf. Lepin, op. cit., p. 80 sq.
L’hypothèse de M. Wrede, dit M. Loisy, Revue d’hist. et de littcrat. relig., 1903, p. 296, « a, pour l’historien, l’inconvénient de rendre, non pas obscure, mais absolument inintelligible, l’apparition et la mort de Jésus, ainsi que la naissance du christianisme. » — Cependant, si M. Loisy n’admet pas, dans son intégrité et sous sa forme radicale, la thèse du professeur de Breslau, il ne laisse pas de la retenir en partie et sous une forme mitigée. « Les lignes générales du récit de Marc, dit-il, lbid., sont à maintenir comme historiques. Seulement, il y a lieu, pour ce qui est des faits particuliers, allégués par M. Wrede, de distinguer entre les difïérentes parties et les différentes couches de la rédaction… Les prophétiesde la passion et de la résurrection, qui ne sont pas formulées en discours de Jlsus, sont calquées sur la catéchèse apostolique ; ce qui est dit de l’inintelligence des apôtres peut signifier à peu près ce que veut M. Wrede, à savoir qu’ils ne comprirent qu’après la résurrection certaines choses dont ils n’auraient pu d’ailleurs se douter auparavant… Il peut y avoir également quelque vue systématique dans le témoignage que les possédés sont censés _ rendre perpétuellement à Jésus. » Cf. L’Évangile et l’Église, p. 17-19. — Mais cette
théorie encore paraît principalement fondée sur l’esprit de système et d’à priori.
b) Authenticité des acclamations messianiques des possédés. — Pour ce qui est des acclamations des démons et de l’attitude du divin Maître à leur égard, il est bien difficile d’y voir un reflet des préoccupations de l’Église. Est-il vraisemblable que la foi primitive se soit traduite d’une iaçon si circonspecte, en des récits où ne figure même pas le titre exprès de Messie, où la messianité du Sauveur est proclamée fort timidement et paraît de prime abord désavouée par lui-même ? Étant donnée la croyance si ferme de l’Église des premiers jours en la messianité de Jésus, étant donnée, d’autre part, sa conviction que Jésus avait proclamé lui-même sa messianité, il est probable que l’intérêt dogmatique ou la préoccupation apologétique auraient donné naissance à des récits d’un tout autre caractère.
c) Authenticité des prédictions de la passion. — I) parait également impossible d’attribuer à la tradition postérieure les prophéties de Jésus, relatives à sa passion. Pour nier, avec M. Wrede, <jue le Sauveur ait, même d’une façon générale, prévu sa mort, pour suspecter, comme M. Loisy, ce que les prédictions relatées par les Évangélistes offrent de détails précis et circonstanciés, il faut s’appuyer beaucoup plus sur une opinion préconçue que sur une analyse purement critique de nos documents. C’est ainsi que la prédiction remarquable qui suit la confession de Césarce semble bien garantie par la saillie spontanée de saint Pierre : « A Dieu ne plaise, Seigneur ! Il ne vous arrivera rien de cela. » Matth., xvi, 22. On n’attribuera certes pas à la tradition une attitude du chef des Apôtres qui lui attire une si sévère réprimande du Maître : donc, pas davantage la déclaration de Jésus à laquelle elle se trouve étroitement rattachée. De même, ces remarques répétées — que les disciples, en entendant les déclarations du Sauveur, n’en pénétrèrent point du premier coup le sens, qu’ils retinrent les mots sans les comprendre, se demandant ce qu’il avait voulu leur dire, qu’ils étaient en grande tristesse, dans le pressentiment d’un malheur inconnu, et qu’ils n’osaient par crainte interroger leur Maître — sont visiblement des observations prises sur le vif, qui répondent à la réalité de l’état psychologique des Apôtres, beaucoup plus qu’aux préoccupations de l’Église chrétienne primitive. C’est une précieuse garantie d’authenticité.
3° Le baptême, la tentation, la transfiguration. — L’interprétation, présentée par les critiques libéraux, des récits du baptême, de la tentation et de la transfiguration, est acceptée, semble-t-il, par M. Loisy. Pour lui, le récit du baptême « est déjà une interprétation théologique et apologétique du fait qui a pu se passer », Revue d’hist. et de litlérat. relig., 1904, p. 91 ; cl. L’Évangile et l’Église, p. 89 ; « le tableau de la tentation présente, en forme symbolique et en raccourci, la psychologie de Jésus et la manière dont il a envisagé son rôle providentiel. Jésus comprenait ce rôle comme il est figuré dans la scène de la transfiguration. » L’t, vang. et l’Égl., p. 20. — Ici encore, nous sommes en plein subjectivisme. Toute la question revient à savoir si l’on peut, oui ou npny admettre parmi les faits de l’histoire des phénomènes miraculeux, tels que voix divines, apparitions célestes, interventions diaboliques. La question est d’ordre philosophique et religieux, plus encore que d’ordre critique et exégétique. Mais, ce que l’on peut bien affirmer, c’est que, indépendamment de la solution positive à donner à la question de principe, l’étude impartiale des textes tend à mettre en évidence le caractère réel des faits.
M. Loisy reconnaît, à la suite de tous les critiques, que la circonstance du baptême a dû marquer <t un moment décisif dans la carrière du Sauveur » L’Évang
et l’Égl., p. 20, cf. p. 89. Or, le moment n’a pu être décisif pour l’inauguration du ministère de Jésus, que si Jésus a trouvé sur les bords du Jourdain une manifestation expresse de la volonté de son Père et s’est senti investi de pouvoirs en rapport avec sa mission, c’est-à-dire, que si l’événement du baptême a eu substantiellement le caractère surnaturel que décrivent les Évangiles. Et pourquoi ne pas admettre lés circonstances évangéliques dans leur intégrité ? Les détails paraissent bien garantis par l’historicité du fond ; il semblent inséparables de la substance ; en tout cas, ils sont en parfaite harmonie avec la personnalité surnaturelle de Jésus et tout le reste de son histoire. — Ne peut-on en dire autant de l’épisode de la tentation ? On ne voit pas le motif théologique ou l’intérêt apologétique qui aurait porté la première génération chrétienne à imaginer des épreuves qui accentuent plutôt l’humanité du Sauveur. D’autre part, s’il y a quelque chose de profondément mystérieux dans les divers conflits entre Jésus et Satan, s’il n’y a pas lieu de chercher une identification matérielle à la montagne sur laquelle est transporté le Fils de Dieu, rien n’indique qu’il faille voir symbolisées dans le récit de simples expériences intérieures. — Quant à l’épisode de la transfiguration, c’est encore en partant d’un préjugé qu’on pourrait le ramener à l’expression symbolique d’un pur phénomène de conscience. Le fait est nettement circonstancié, avec des détails qui portent visiblement le caractère de l’histoire : on est au sixième jour après l’incident de Césarée de Philippe ; avec Jésus sont trois de ses apôtres, Pierre, Jacques et Jean. La réflexion si caractéristique de saint Pierre à propos des trois tentes, et la remarque de PÉvangéliste qu’il ne savait ce qu’il disait, tant était grand leur saisissement, semblent bien garantir l’apparition de Moïse et d’Élie comme fait extérieur. Enfin, la réalité de la manifestation éclatante se trouve confirmée par la prédiction connexe touchant la proximité de la passion, prédiction dont l’historicité même est attestée par cette observation de l’Évangéliste, que les Apôtres retinrent les paroles du Maître sans les comprendre, se demandant ce qu’il avait bien pu vouloir dire en parlant de sa résurrection d’entre les morts.
4° Les miracles. — Rien de plus arbitraire que le départ que font les critiques libéraux entre les miracles de guérison accomplis par Jésus, et, d’autre part, ses miracles de résurrection ou ceux qu’il a opérés sur la nature.
— C’est en vain que, contraints d’admettre les premiers comme faits historiques, ils s’efforcent de leur donner une interprétation plus ou moins rationaliste. Ils ont beau faire appel aux théories les plus larges sur la puissance des influences psychiques ou de la suggestion. — Renan parlait lui aussi de ce qu’était capable d’opérer « le contact d’une personne exquise », Vie de Jésus, p. 270
— ils ne peuvent éliminer de l’ensemble le plus authentique des guérisons extraordinaires opérées par Jésus le surnaturel proprement dit. « Il y a, dit M. Loisy, L’Év. et l’Égl., ç. 24, une part de mystérieux et d’inexplicable dans les miracles les plus solidement garantis. »
— Or, cette réalité des miracles de guérison est déjà une garantie positive de la réalité des autres. D’autre part, les moyens employés pour éliminer de l’histoire ces derniers sont trop artificiels et trop violents pour être approuvés de la saine critique. On veut expliquer les miracles sur la nature par la matérialisation de quelque sentence ou parabole : or, cette hypothèse est en contradiction avec le caractère très net des récits, qui, au lieu des larges traits, des lignes vagues et flottantes, propres à l’histoire symbolique, présentent au contraire les circonstances précises et les détails vivants qui caractérisent les souvenirs gardés de la réalité. — Les deux récits de multiplication des pains ne diffèrent que par les circonstances matérielles du temps, du lieu, du nombre des pains et des poissons : pourquoi deux ré cits analogues, et néanmoins distincts, sinon parce qu’ils n’ont pas été conçus pour iaire valoir une idée ou traduire figurativement une sentence, mais qu’ils répondent bien à deux événements réels, auxquels d’ailleurs Jésus fait un peu plus tard expressément allusion ? Marc, vnr, 17-20 ; Matlh., xvi, 9-10. Au reste, il suffit de lire, par exemple, le premier récit, pour y saisir, aussi nettement, sinon plus nettement, que dans n’importe quelle scène évangélique, tout le relief de l’histoire vraie. — C’est la même vie, ce sont les mêmes détails minutieux et pittoresques, qui se constatent dans le récit de la marche sur les eaux, étroitement rattaché au récit de la première multiplication des pains, comme dans les épisodes de la pêche miraculeuse, du statère, ou du figuier maudit. À moins de nier, de parti pris contre l’histoire, la personnalité surnaturelle de Jésus, on ne peut refuser au Sauveur les miracles symboliques, qui sont comme des prophéties en action, pas plus qu’on ne peut lui refuser les prophéties en parole. — Quant aux miracles de résurrection, on peut dire que celui de Naïm, que l’on élimine très arbitrairement, est garanti par celui de Capharnaùm, qu’il est impossible de ne pas admettre. Ce dernier miracle, en effet, est raconté par les trois synoptiques ; de l’aveu de Cheyne, il doit appartenir à la plus ancienne tradition ; il est d’ailleurs si intimement et si naturellement mêlé à l’incident de Phémorrhoïsse que les deux faits se soutiennent l’un l’autre et s’imposent invinciblement à la confiance. Or, l’épisode de la fille de Jaïre étant admis comme fait, est-il possible de n’y pas voir une véritable résurrection ? S’il y a quelque chose de clair dans le récit, c’est que la jeune fille est morte lorsque Jésus arrive à la maison du chef de synagogue ; déjà les joueurs de flûte et les pleureuses remplissent l’air de leurs lamentations ; tout le monde se récrie, lorsque Jésus déclare : « Elle n’est pas morte, mais elle dort ; » il est évident que, par ces paroles, le Sauveur a voulu simplement marquer en termes mystérieux le prochain retour de la jeune morte à la vie. Tout en un mot s’oppose à ce qu’on ramène le fait de la résurrection à une guérison ordinaire. Le secret même dont Jésus veut entourer le miracle tend à garantir que le récit n’est point dû à une transformation légendaire, mais qu’il répond à la vérité de l’histoire.
5° La résurrection. — Si nous passons à la résurrection personnelle du Sauveur, les critiques, nous l’avons vii, reconnaissent que les apparitions attribuées au Christ ressuscité reposent évidemment sur un fait historique. Ce fait historique est l’impression qu’eurent réellement les Apôtres de voir Jésus leur apparaître. M. Schmiedel convient même qu’ils eurent l’impression de le voir leur montrant les cicatrices de ses blessures, pénétrant directement dans l’appartement où ils se trouvaient et en sortant toutes portes fermées. Déjà Renan n’avait pu rejeter ce fait des multiples apparitions. Les Apôtres, Paris, 1866, p. 10 et suiv. M. Loisy le juge « incontestable ». L’Évang. et l’Égl., p. 119. — Or, étant données, d’une part, la multitude et la diversité des témoins, d’autre part, la disposition d’esprit des disciples après la mort de Jésus, ces apparitions, dans leur ensemble et dans leurs détails, ne paraissent pas pouvoir s’expliquer comme des visions purement subjectives. Ne faut-il pas un esprit de système invraisemblable pour supposer uniformément l’illusion chez Marie Madeleine, chez Pierre et chez Jacques, chez les pèlerins d’Emmaùs et les cinq cents frères réunis, dont parle saint Paul, I Cor., xv, 6, chez tous les disciples assemblés au Cénacle, au lac de Génésareth, à la montagne de l’Ascension ? — D’autre part, le caractère objectif des apparitions semble résulter avec pleine certitude des diyerses expériences faites par les témoins : ils ont douté d’abord de leurs sens et ne se sont rendus qu’à l’évidence de la réalité ; Jésus leur a adressé la parole, et ils ont entend »
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ses discours ; il leur a fait toucher ses plaies de la main, et il a pris de la nourriture avec eux. Quel parti pris étrange que d’éliminer tous ces traits, précisément parce qu’ils accusent l’objectivité des visions ! —Il est très vrai que les impressions sensibles, perçues par les témoins, ne pouvaient correspondre adéquatement aux réalités surnaturelles du corps ressuscité de Jésus ; mais cela n’empêche point ces impressions d’avoir été réelles et objectives. Elles ont dû être provoquées véritablement par le corps glorieux du Christ, bien que ce corps n’ait pu leur apparaître selon les pleines réalités de sa gloire, mais seulement dans une condition appropriée aux exigences de leurs sens naturels. — Enfin, la découverte du tombeau vide confirme elle-même la réalité de la résurrection corporelle de Jésus, et par conséquent l’objeclivité de ses apparitions : étant données, en effet, les circonstances, la disparition du corps du Sauveur ne saurait avoir d’explication raisonnable que par le fait de la résurrection corporelle.
6° Influence des mythes païens. — Si nous étudions maintenant les rapprochements suggérés entre certains faits évangéliques et les mythes religieux de l’antiquité païenne, nous voyons qu’ils ressemblent souvent à des jeux d’imagination ou à des combinaisons arbitraires ; d’autres fois, qu’ils sont fondés sur des analogies fort simples, qui ne requièrent aucunement l’hypothèse d’une dépendance véritable ni d’un emprunt. — M. Gunkel esquisse un tableau du syncrétisme religieux qui aurait eu cours en Orient antérieurement à l’ère chrétienne et il y place l’idée de la conception virginale du Messie. Mais, oulre que cette dernière idée pourrait fort bien être dérivée de la prophétie d’Isaïe. et que cela ne serait pas pour nuire le inoins du monde à la réalité du fait historique par rapport au Sauveur, il faut bien dire que M. Gunkel emprunte les traits de son tableau, non à des documents purs de toute influence chrétienne, mais aux écrits de la gnose, si largement pénétrés par le christianisme. Sa conjecture semble donc pécher par la base. — Que la naissance de Jésus ait été rapportée au 25 décembre parce que les nouveaux convertis auraient eu coutume de fêter au solstice d’hiver le soleil renaissant, que pareillement le jour du Seigneur ait été fixé au dimanche, pour remplacer ce jour-là le culte du soleil, ce sont des choses qui a priori peuvent paraître vraisemblables : l’Église primitive aurait fort bien pu substituer aux anciens cultes solaires le culte du Christ, vraie lumière du monde. Ce qui néanmoins fait suspecter même ces simples rapprochements, c’est que la résurrection du dhrist se trouve également placée vers la Pâque, donc vers l’équinoxe du printemps : or, cette circonstance n’a évidemment pas le moindre rapport, au point de vue de l’histoire, avec le mythe solaire. De même, la fixation du jour du Seigneur au dimanche semble historiquement motivée par ce fait que la résurrection eut lieu le lendemain du sabbat. Le rattachement même de la résurrection au lendemain du sabbat ne paraît inspirée en aucune façon par le mythe solaire : on ne saurait voir, en effet, dans les jours écoulés entre la mort et la résurrection les trois mois et demi de l’hiver, ni les trois mois qui séparent l’équinoxe d’hiver de l’équinoxe du printemps, puisqu’il n’est question ni de trois jours et demi, ni de trois jours pleins. — Pour consentir à voir dans le Christ un reflet du dieu solaire Mardouk, dans les douze Apôtres une allusion aux douze signes du zodiaque, dans la mère du Sauveur un souvenir d’Istar, il faudrait avoir oublié que J.-B. Pérès, Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, 1827, a clairement démontré que Napoléon n’est pas autre qu’Apollon, le dieu du soleil ; que sa mère Letitia est Latone ; ses trois sœurs, les trois Grâces ; ses quatre frères, les quatre saisons de l’année ; ses douze maréchaux, les douze signes du zodiaque ; que le brillant début de son règne par la campagne d’Egypte et sa fin lamentable par l’exil de Sainte-Hélène, après
douze ans, représentent la marche du soleil, qui se lève à l’Orient, pour disparaître dans les mers d’Occident, après les douze heures du jour, pendant lesquelles il brille à l’horizon. — Enfin, les rapprochements entre les récits de l’enfance de Jésus et les légendes bouddhiques ne laissent pas d’être fort suspects. Les écrits bouddhiques sont loin d’avoir une histoire littéraire ^ussi assurée que nos Évangiles ; leur première origine fût-elle ancienne, les manuscrits que nous en possédons sont d’époque relativement récente ; il est difficile d’en contrôler l’état antérieur ; bien des légendes ont pu être introduites, ou fortement remaniées, sous l’influence du christianisme, prêché de bonne heure en Orient. D’ailleurs, beaucoup de ces analogies avec les légendes bouddhiques, comme avec les légendes persanes et autres, sont purement extérieures et de surface ; elles n’impliquent aucunement une dépendance mutuelle, se trouvant en quelque sorte dans l’ordre ordinaire et naturel des choses.
7° Le quatrième Évangile. — L’interprétation proposée, touchant le quatrième Évangile, semble se rapporter beaucoup plus à la question du symbolisme qu’à la question du mythe. Cependant, à cause de l’analogie, relevée par Strauss lui-même, nous ne pouvons nous dispenser d’en dire un mot. La théorie de MM. Hollzmann et Héville, adoptée dans son sens le plus absolu par M. Loisy, Le quatrième uvangïte, Paris, 1903, paraît fondée principalement sur l’esprit de système. — Parmi les sentences du Christ johannique, il en est plusieurs qui ont une signification nettement symbolique : telles les sentences sur le corps de Jésus considéré comme temple, ii, 19, sur la nourriture spirituelle, iv, 82, et vi, 32, la moisson des âmes, iv, 35, le sommeil de la mort, xi, 11. Or, il est très remarquable que l’Évangéliste lui-même prend soin de signaler la portée figurative de chacune de ces sentences, ou bien la fait marquer très clairement par Jésus. Cela semble d’abord indiquer qu’il n’y a pas lieu de chercher de l’allégorie dans les autres endroits où l’auteur n’en signale pas, et où de fait on ne voit pas clairement qu’il en existe. À coup sûr, cela garantit bien qu’il n’a point songé à dissimuler partout dans son écrit un symbolisme profond, dont « un petit groupe d’initiés s seul aurait eu la clef à l’origine, Loisy, op. cit., p. 95, 131, et que les critiques du xxe siècle n’arriveraient à découvrir qu’à grand effort. Il n’est pas moins significatif, d’autre part, que ces sentences, proposées comme figuratives, ont précisément dans les Synoptiques leur analogue, sinon leur parallèle. Cf. Joa., ii, 19, et Marc, xix, 58 ; Matth., xii, 6 ; Joa., iv, 32, etMatth., iv, ’4, xvi, 6 ; Joa., iv, 35, et Luc, x, 32 ; Joa., xi, 11, et Marc, v, 39. — Si l’on veut maintenant vérifier sur les récits mêmes le principe du symbolisme, il est intéressant de s’adresser tout d’abord aux passages que le quatrième Évangile a en commun avec les trois premiers. Or, il suffit de soumettre à cet examen les récits de la multiplication des pains, de la marche sur les eaux, de l’onction de Béthanie, pour se rendre compte, premièrement, que saint Jean ne peut dépendre simplement des Synoptiques, mais représente plutôt une tradition parallèle ; secondement, qu’il n’en exploite pas du tout les données selon les principes de l’allégorie, les divergences qu’il présente avec eux, additions, omissions, modifications de détails, ne s’expliquant absolument pas par l’intention symbolique. — Que l’on lasse également la comparaison au point de vue des personnages, on ne voit pas que ceux du quatrième Évangile soient des types symboliques plus que les autres. Dans saint Jean, pas plus que dans les Synoptiques, la mère de Jésus n’est figure de « la synagogue » ou de « la communauté d’Israël », Loisy, op. cit., p. 125, 275, etc. ; ni les frères du Sauveur, « figures du judaïsme, s p. 101, etc. ; ni Jean-Baptiste, symbole de l’ancienne alliance, p. 81 ; ni saint Pierre, « type du messianisme judaïsant, » ou de « l’apôtre sujet à défaillance », p. 87 ; ni Judas, « type du judaïsme incrédule et perfide, » p. 481 ; ni Joseph d’Arimathie, représentant du « judaïsme officiel », p. 84, 895 ; ni Pilate, « type des magistrats romains qui condamnaient les chrétiens à regret, » p. 858. — Les détails des récits ne sont ramenés à une signification symbolique que moyennant une exégèse de parti pris et d’arbitraire. Qu’il suffise de songer que, pour M.Loisy, les cinq portiques de la piscine de Bethésda représentent « les cinq livres de la Loi j », p. 386, tandis que M. Abbott, art. Gospels, § 47, Eneycl. bibl., t. ii, col. 1797, y voit « les cinq sens de l’humanité non rachetée, c’est-à-dire les passions non régénérées ». Pour M. Loisy, le paralytique, « infirme depuis trente-huit ans, » au moment de sa guérison, aura sans doute quarante ans à la mort de Jésus ; il représente donc Israël, qui est resté quarante ans dans le désert, ou bien l’humanité, puisque quarante ans est le nombre biblique qui marque une génération, p. 389. Le jeune homme aux pains et aux poissons semble représenter les diacres, <£ ministres auxiliaires de la cène eucharistique chez les premiers chrétiens, » p. 427. Le miracle de la marche sur les eaux a pour but d’illustrer le sacrement de l’eucharistie, en montrant que le Christ eucharistique « n’est pas soumis aux lois de la matière, pas plus à la loi de l’étendue qu’à celle de la pesanteur », p. 456. Dans le récit de la résurrection de Lazare, « Marthe, qui rencontre Jésus la première, semble représenter le premier groupe de Juifs convertis, et Marie les fidèles recrutés parmi les Gentils ; associés en Jésus, les deux groupes réalisent par lui la résurrection de l’humanité, de l’homme, leur frère, qui gisait dans le tombeau depuis quatre jours, peut-être les quatre mille ans qui ont précédé la venue du Christ, » p. 645. Si Marie de Béthanie oint de parfum les pieds de Jésus
et les essuyé de sa chevelure, « on doit croire que l’action est symbolique et destinée à montrer comment Marie, l’Église de la’gentilité, a recueilli aux pieds de Jésus le parfum de l’Evangile, qui se répand dans tout l’univers, » p. 672. — Il faut avouer que de pareilles licences d’imagination ne sont pas pour nous inspirer absolue confiance aux critiques, qui prétendent nous offrir la clef du quatrième Évangile. Les interprétations extravagantes auxquelles conduit logiquement lesyslème semblent prouver d’une façon péremptoire que l’ouvrage n’a pas son explication fondamentale dans lesymbolisme.
— D’autre part, les preuves, extrêmement fortes, que l’on a de son rapport avec l’apôtre saint Jean, l’impossibilité où l’on se trouve d’expliquer ce qu’il contient d’histoire par une simple exploitation de la matière synoptique, enfin le naturel, la vie intense, la variété et la précision des détails, qui caractérisent ses narrations, sont des garanties fort sérieuses de son historicité. Sa divergence d’avec les Synoptiques reste sans doute un problème à résoudre, mais à résoudre, semble-t-il, d’une tout autre manière que par l’hypothèse d’une simple méditation religieuse ou spéculation théologique sur la vie de Jésus.
8° Conclusion. — Ainsi, l’étude détaillée des Évangiles vérifie ce que garantissaient déjà l’origine de ces livres et les conditions dans lesquelles ils ont été rédigés, à savoir qu’ils ne sauraient être soumis au système d’interprétation mythique, proposé par les critiques indépendants. Le résultat même de cet examen, relativement aux écrits évangéliques, pour lesquels les moyens de contrôle sont multiples et plus à notre portée, ne va-t-il pas à confirmer dans une certaine mesure ce que nous avons, dit à propos de l’Ancien Testament, et à nous assurer que, même dans ces livres antiques, le mythe n’occupe point la place qu’on prétend ? M. Lepin.
N
N, quatorzième lettre de l’alphabet hébreu. Voir Nun.
NAALOL (hébreu : Nahǎlâl, Jos., xix, 15 ; xxi, 35 ; Nahǎlôl, Jud., i, 30 ; Septante : Vaticanus : Ναβαάλ, Jos., xix, 5 ; Σελλά (?), Jos., xxi, 35 ; Δωμανά, Jud., i, 30 ; Alexandrinus : Νααλώλ, Jos., xix, 15 ; xxi, 35 ; Ἐναμμάν, Jud., i, 30), ville de la tribu de Zabulon, Jos., xix, 15, donnée aux Lévites fils de Mérari, Jos., xxi, 35, et dont les indigènes chananéens ne furent pas expulsés par les vainqueurs israélites. Jud., i, 30. On voit comment ce nom a été défiguré par les Septante. Dans la liste, d’ailleurs incomplète, des villes de Zabulon, Jos., xix, 15, il est mentionné entre Cathed et Sémeron. Cathed est inconnu, mais Sémeron est généralement identifié avec Semûniyéh, village situé à l’ouest de Nazareth. Naalol est également suivi de Bethléhem, qui correspond exactement à Beit-Lahm, au nord-ouest et près de Semûniyéh. Sa position semble donc bien indiquée au sud-ouest ou au sud de la tribu. D’autre part, le Talmud assimile le נַהֲלָל, Nahǎlâl, biblique à מהלול, Mahlûl. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 189. Or, on trouve encore aujourd’hui au sud-est de Semûniyéh une localité dont le nom معلول, Ma‘lûl, à part la gutturale, répond bien à la désignation talmudique. Il y a en cet endroit quelques vestiges d’antiquité. Cf. V. Guérin, La Galilée, t. i, p. 388-389. Le savant explorateur accepte cette identification, qui est admise également par R. J. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 137 ; Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 335, etc. Elle est regardée comme probable par F. Buhl, Geographie des alten Palästina, Leipzig, 1896, p. 215. — D’autres préfèrent réserver le site de Ma‘lûl pour Mérala, ville de la même tribu, Jos., xix, 11. Voir Mérala, col. 988. Dans ce cas, on pourrait placer Naalol à ‘Aïn Mâhil, عين ماحل, au nord-est de Nazareth. Cette source coule au bas d’un village du même nom, situé sur une hauteur et réduit à une dizaine d’habitations, qu’entourent des jardins plantés de figuiers, d’oliviers et de grenadiers. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 134 ; D. Zanecchia, La Palestine d’aujourd’hui, Paris, t. ii, p. 675.
NAAMA (hébreu : Na‘âmah, « douce »), nom, dans le texte hébreu, de deux femmes et d’une ville de Juda. Dans la Vulgate, le nom de l’une des femmes est écrit, à la suite des Septante, Noéma. Gen., iv, 22.
1. naama (Septante : Νααμά, III Reg., xiv, 21 ; Νοομμά, II Par., xii, 13), femme du roi Salomon et mère du roi Roboam. Elle était Ammonite. III Reg., xiv, 21, 31 ; II Par., xii, 13. Ce fut peut-être pour elle que Salomon bâtit sur le mont du Scandale un haut lieu en l’honneur de Moloch, le dieu d’Ammon. III Reg., xi, 1, 5. Le Codex Vaticanus et l’édition sixtine des Septante, dans une longue addition à III Reg., xii, 24, laquelle ne se lit ni dans l’hébreu, ni dans la Vulgate, ni dans le Codex Alexandrinus, dit, entre autres choses, que Naaman (altération de Naama) était « fille d’Ana, fils de Naas, roi des fils d’Ammon ».
2. naama (hébreu : Na‘ǎmâh ; Septante : Vaticanus : Νωμάν ; Alexandrinus ; Νωμα), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 41. Elle fait partie du deuxième groupe des cités de « la plaine » ou de la Séphélah, et est mentionnée entre Bethdagon et Macéda, dont l’emplacement n’est malheureusement pas certain. On a proposé d’identifier Naama avec le village actuel de Na‘anéh, au sud de Ramléh. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 408. Mais ce site, croyons-nous, sort des limites de la tribu de Juda et appartient plutôt à celle de Dan. Voir la carte de Juda, t. iii. col. 1760. Il n’est pas question de Naama dans d’autres endroits de l’Écriture. — On trouve dans la liste géographique des pylônes de Karnak, n. 75, un nom qui, au premier regard et surtout par la place qu’il occupe, semblerait l’équivalent de Na‘amah ; c’est Naunu. Aussi Mariette avait-il été tenté de faire un rapprochement entre les deux ; mais l’absence de la gutturale ‘aïn, ע, dans le nom égyptien, lui fit rejeter cette identification. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 35 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos III qu’on peut rapporter à la Judée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, Londres, 1888, p. 7. — Rien n’indique qu’on doive regarder Naama comme la patrie de Sophar le Naamathite, un des amis de Job. Job, ii, 11 ; xi, 1 ; xx, 1. Voir Naamathite.
NAAMAN (hébreu Na‘ǎman, « agrément »), nom d’un ou de deux Israélites et d’un général syrien.
1 et 2. naaman (Septante : Νοεμάν, Gen., xlvi, 21 ; Νοαμά, I Par., viii, 4 ; Νοομά, I Par., viii, 7). Dans Gen., xlvi, 21, Naaman est énuméré avec Béla parmi les fils de Benjamin ; dans I Par., viii, 4, il est compté parmi les fils de Béla et devient ainsi le petit-fils de Benjamin au lieu de son fils. Certains commentateurs distinguent deux Naaman, le premier fils de Benjamin, le second fils de Béla ; d’autres interprètes les identifient et pensent que la Genèse a compté parmi les enfants de Benjamin quelques-uns de ses petits-fils. Cette opinion est probablement la vraie, car les Nombres, xxvi, 28-30, ne nomment pas Naaman (appelé dans ce passage par la Vulgate Noéman) parmi les fils de Benjamin, mais parmi les fils de Béla. Naaman fut le chef de la famille des Naamanites, ou, d’après l’orthographe de la version latine, des Noémanites. Voir Noémanites. — Un passage de I Par., viii, 7, semble énumérer Naaman parmi les fils d’Ahod, mais il s’agit bien du petit-fils de Benjamin et de ses frères Achia et Géra. Ils paraissent avoir été transportés à Manahath, eux ou leurs descen-
dants. Mais le sens du verset, qui est probablement altéré, est impossible à déterminer avec certitude.
8. NAAMAN (hébreu : na’âmdn ; Septante : Nai(iàv), général syrien guéri de la lèpre par Elisée. — Naaman était le chef de l’armée du roi de Syrie, Bénadad II, contemporain des rois d’Israël Achab, Ochozias et Joram. Voir Bénadad II, 1. 1, col. 1573. Il fut atteint d’une lèpre qui commença par une plaie, IV Reg., v, 11. Il était très en faveur auprès de son maître, parce que « e’était par lui que Jéhovah avait délivré les Syriens », IV Reg., v, 1, soit dans leurs luttes contre les Israélites, III Reg., xxir, 30-36, soit dans leur résistance efficace aux invasions de Salmanasar II, roi d’Assyrie. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. iii, 1899, p. 78-79. Dans une de leurs razzias, les Syriens avaient pris une jeune Israélite, qui devint esclave de la femme de Naaman. L’esclave parla à sa maîtresse du prophète de Samarie, Elisée, comme fort capable de guérir le général. Le roi s’intéressa lui-même à l’affaire, et donna à Naaman une lettre de recommandation pour le roi d’Israël. Le général partit avec de riches présents, arriva devant le roi d’Israël et lui demanda de le faire guérir. Étonné de cette requête insolite, le roi n’y vit qu’un prétexte à recommencer la guerre. Heureusement, Elisée intervint pour le rassurer, et Naaman, sur son char et avec une escorte de cavalerie, s’arrêta devant la porte du prophète. Celui-ci, pour montrer au général que les grandeurs de ce monde n’avaient pas le don de fasciner un prophète de Jéhovah, se contenta de lui faire dire par un messager que sa guérison résulterait de sept ablutions dans le Jourdain. Naaman fut mortifié de ce procédé. Il s’en retournait furieux, en prétendant que les eaux de son pays valaient bien celles du Jourdain, quand les gens de sa suite lui firent entendre raison. Il se lava sept fois et fut guéri. Reconnaissant, il retourna près du prophète et le pressa d’accepter des présents. Elisée refusa tout. Naaman, comprenant que sa guérison devait être attribuée non aux eaux du fleuve, mais à la puissance de Jéhovah, protesta qu’il n’offrirait plus de sacrifices à d’autres dieux que lui, et sollicita l’autorisation d’emporter deux charges de mulets de terre d’Israël, sans doute pour en faire l’autel sur lequel il se proposait de sacrifier à Jéhovah. Mais, se rappelant que son devoir d’état l’obligeait à accompagner son maître dans le temple du dieu syrien Remmon, il demanda à Elisée la permission de le faire. Elisée se contenta de lui répondre : « Va en paix ! » Naaman s’en retourna dans son pays, édifié du désintéressement d’Elisée, malgré l’indiscrète intervention de Giézi, dont par la suite il apprit sans doute la mésaventure. Voir Giézi, t. iii, col. 237. IV Reg., v, 1-27. — À la synagogue de Nazareth, Notre-Seigneur rappela la guérison de Naaman, Luc, iv, 27, pour montrer que Dieu est libre de ses dons et qu’il peut les accorder aux étrangers aussi bien qu’aux Israélites. Bien qu’étranger et même ennemi d’Israël, Naaman fut guéri, comme le fut plus tard le Samaritain lépreux, aussi reconnaissant que le général syrien. Luc., xvii, 16. Pour obtenir sa guérison, il dut se laver dans les eaux du Jourdain, comme l’aveugle-né eut à le faire à la piscine de Siloé. Joa., ix, 7. Une fois guéri, il rendit hommage à la divinité de Jéhovah, comme l’aveugle-né à la divinité du Sauveur. Joa., ix, 38. H. Lesètbe.
- NAAMATHITE##
NAAMATHITE (hébreu : han-Na’amâti ; Septante : ô Mtvaîwv BaoïXeO ; , Job, II, 11 ; 6 Mivaïo ; , Job, XI, 1 ; xx, 1 ; xlii, 9), nom ethnique de Sophar, un des amis de Job. Job, ii, 11 ; xi, 1 ; xx, 1 ; xlii, 9. La leçon des Septante, Mtvaîoç, fait supposer que, au lieu de tidw, Na’àmâ(i, ils ont lu » n17D, Me’unâfî, de D » 31yD, Me’ûnîtn, peuple dont il est question dans quelques passages
de l’Écriture. Cf. I Esd., ii, 50 ; II Esd., vrr, 52. Ils ont, en effet, rendu le même mot Me’ûnim par MiMaîot,
I Par., iv, 41 ; II Par., xx, 1 ; xxvi, 8 (dans ces deux derniers passages, le texte massorétique porte : ’Ammônîm, les Ammonites). Mais s’ils ont entendu par là les Minéens, qui habitaient au sud-ouest de l’Yémen, leur traduction est fausse. D’autre part, les variantes de la recension de Lucien montrent que la leçon Mivaïot est douteuse en quelques endroits. Les Me’ûnim sont plus communément regardés comme une tribu iduméenne. Voir Maonites, col. 704. Dans ces conditions, il est difficile de savoir quelle était la patrie de Sophar.
II y a bien dans la tribu de Juda une ville de Na’âmâh. Jos., xv, 41. Voir Naama. Mais la seule identité de nom suffit-elle pour que nous considérions l’ami de Job comme originaire ou habitant de cette ville ? Na’âmâh, qui veut dire « agréable, plaisante [ville] », est un nom trop commun pour qu’il n’ait pas eu de correspondants en Syrie et en Arabie. D’un autre côté, si l’on fait de Sophar un Maonite, il se trouvait être Iduméen comme Eliphaz de Théman, un autre ami de Job.
- NAARA##
NAARA (hébreu : Na’ârdh, « jeune fille, » Septante : ®oa8â ; Alexandrinus : Noopi), une des deux femmes d’Assur, ou Ashur (t. i, col. 1091), fils d’Hésion, de la tribu de Juda. Naara lui donna quatre fils : Oozam, Hépher, Thémani et Ahasthari. I Par., iv, 5-6.
- NAARAI##
NAARAI (hébreu : Na’arai, « jeune ; » Septante : Naapaf ; Alexandrinus : Noopa), fils d’Asbaï, un des vaillants soldats de l’armée de David. I Par., xi, 37. Son nom, comme celui de son père, est modifié dans la liste des gibborîm de David, II Reg., xxiii, 35, où il est appelé par le changement de deux lettres Parai (Pa’âraï), fils d’Arbé, et il n’est guère possible aujourd’hui de discerner quelle est la vraie leçon.
- NAARATHA##
NAARATHA (hébreu : Na’ârâtâh, avec hé local ; Septante : Vaticanus : aîxô[i.ai aùtàiv ; Alexandrinus : Naapaôa), ville frontière de la tribu d’Ephraïm. Jos., xvi, 7. Elle s’appelle Noran (hébreu : Na’ârdn ; Septante : Vat. : Naapviv ; Alex. : Naapiv), I Par., vii, 28. Dans le tracé des limites de la tribu, elle occupe le dernier point avant Jéricho et ieJourdain.Josèphe, Ant.. ; ’Md., XVII, xiii, 1, parle d’un village deNeapâ, d’où Archélaûs, fils d’Hérode, amena l’eau, au moyen d’un aqueduc, dans la plaine de Jéricho, pour en arroser les plantations de palmiers. Le Talmud mentionne Na’aran comme ville opprimée par Jéricho. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 163. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 142, 283, placent Naaratha au village de Noopd18, Naoralh, à cinq milles (un peu plus de sept kilomètres) de Jéricho, conséquemment au nord, puisqu’elle appartenait à la tribu d’Ephraïm. C’est donc de ce côté que doivent, d’après tous ces détails, se diriger nos recherches. V. Guérin, La Samarie, t. i, p. 210-213, 226-227, identifie Naaratha avec Khirbet Samiyéh, à deux heures et demie de marche environ au nord-nord-ouest A’Er-Riha. La distance dépasse les cinq milles indiqués par Eusèbe ; mais les chiffres milliaires marqués dans VOnomasticon ne sont pas toujours d’une exactitude mathématique. II signale là, près d’une source abondante, des ruines assez considérables. La source, appelée’Aïn es-Samiyéh, « coule au-dessous d’une chambre voàtée en plein cintre et bâtie avec de larges blocs ; près de là gisent quelques tronçons de colonnes monolithes en pierre et plusieurs chapiteaux imitant le style dorique. Au nord et au-dessus de la source, on remarque les ruines d’un édifice considérable, destiné peut-être jadis à la défendre et construit avec des blocs gigantesques, grossièrement taillés. Les eaux de Y’Aïn es-Samiyéh arrosent et fertilisent la vallée de ce nom, où croissent im
NAARATHA
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des lentilles, des fèves et du blé. Sur les flancs inférieurs de la montagne qui la borde vers l’est, de nombreuses grottes ont été creusées dans le roc. Quelques-unes sont certainement antiques… Cette source, à cause de la bonté et de l’abondance de ses eaux, a très bien pu, au lieu de se perdre, comme elle le fait maintenant, après avoir arrosé la vallée de Sarniyéh, être jadis amenée par un petit canal dans la plaine du Jourdain. » V. Guérin, La Samarie, t. i, p. 211, 213. D’autres cependant cherchent plutôt Naaratha à Khirbet et Audjéh et-Tahtdni, à l’est de Khirbet Sarniyéh, et directement au nord de Jéricho. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 133. Il y a là un ruisseau considérable et quelques ruines. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 391. Mais ces ruines sont beaucoup moins importantes que celles de Khirbet Sarniyéh, où se trouve du reste la source même du ruisseau en question. A. Legenore.
N À ARIA (hébreu : Ne’arydh, « serviteur de Yâh ouP Jéhovah » ), nom de deux Israélites.
1. NAARIA (Septante : NuaSfa), fils de Séchénias, et père d’Élioénaï, d’Ézéchias et d’Ezricam, de la tribu de Juda, descendants de David. I Par., iii, 22-23.
2. NAARIA (Septante : NuaSiâ), le second des quatre fils de Jési, qui, à la tête de cinq cents Siméonites, sous le règne d’Ézéchias, chassèrent les Amalécites du mont Séir et s’y établirent. I Par., iv, 42.
NAAS (hébreu : Nahas, « serpent ; » Septante : Naiç), nom de deux Ammonites, d’un Israélite et d’une ville.
1. NAAS (hébreu : Nâhàs’; Septante- : Nôaç), roi des Ammonites, du temps de Saûl. — Peu de temps après l’élection de Saül à la royauté, le roi des Ammonites, Naas, « le Serpent, » monta à la ville de Jabès Galaad pour s’en emparer. Ce n’était pas la première fois, du reste, que les Ammonites attaquaient les Israélites. Voir Ammonites, t : i, col. 496. Les habitants de Jabès, qui ne se sentaient pas en force pour résister efficacement, proposèrent une alliance à l’assaillant. Mais Naas leur répondit insolemment qu’il ne traiterait qu’après avoir crevé l’œil droit à chaque habitant, pour la honte de tout Israël. Les anciens demandèrent alors un répit à Naas, promettant de se rendre à lui au bout de sept jours, si le secours qu’ils iraient réclamer ne venait pas. Le roi y consentit, persuadé sans nul doute que le secours ne viendrait jamais et qu’il lui était plus avantageux d’obtenir sans coup férir la reddition de la ville que de s’en emparer de haute lutte. Les messagers se rendirent à Gabaa et émurent le peuple au récit du danger qu’ils couraient. Saûl, survenant à ce moment, convoqua immédiatement tous les guerriers d’Israël pour aller délivrer Jabès. Les messagers en portèrent la nouvelle à leurs compatriotes, et, par une feinte coutumière aux hommes de cette époque, annoncèrent à Naas que la ville se rendrait le lendemain. Mais, dès l’aube du jour, les Israélites tombèrent sur les Ammonites, les battirent jusqu’à midi et dispersèrent les survivants. 1 Reg., xi, 1-11 ; su, 12. — Quand plus tard Naas mourut, David, qui régnait alors à Jérusalem, se proposa de montrer de la bienveillance à son fils Hanon, comme Naas lui en avait témoigné à lui-même. II Reg., x, 2 ; I Par., xix ; 1, 2. On ne trouve nulle part l’indication de ce que Naas aurait fait en faveur de David. L’auteur des Quœst. hebraic. in libr, Reg. et Paralip., faussement attribuées à saint Jérôme, In II Reg., x, 2, t. xxiii, col. 1352, prétend qu’après sa fuite de chez Achis, roi de Geth, David rencontra auprès de Naas l’accueil le plus généreux. Ce renseignement est pure ment hypothétique ; mais il n’est pas invraisemblable que David, poursuivi par Saûl, ait été bien accueilli par un roi que Saül avait battu. Toujours est-il qu’après la mort de Naas, David envoya ses condoléances à son fils Hanon. Celui-ci, mal conseillé, prit en mauvaise part la démarche courtoise du roi israélite. Il traita honteusement les envoyés de David, et il en résulta une guerre qui amena la défaite des Ammonites et la prise de Rabbath. II Reg., x, 1-5. Voir t. i, col. 496. — Un autre fils de Naas, Sobi, vint en aide à David à Mahanaïm, pendant la révolte d’Absalom. Il Reg., xvii, 27. Mais le nom de Naas était assez commun, et malgré la qualité d’Ammonite attribuée à Sobi, il n’est pas sûr que le Naas nommé dans ce passage soit le même que l’ancien
roi d’Ammon. Voir Naas 3, Sobi. Cf. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, p. 522.2. NAAS, père d’Abigaïl et de Sarvia, mère de Joab. II Reg., xvii, 25. On identifie généralement ce Naas avec Isaï ou Jessé, père de David. Voir Abigaïl 2, t. i, col. 49.
3. NAAS, frère de Sobi l’Ammonite, de Rabbath Ammon. Sobi apporta des vivres à David, à Mahanaïm, lorsqu’il fuyait devant Absalom. II Reg., xvii, 27. Plusieurs commentateurs supposent que le père de Sobi était le roi des Ammonites, Quxst. heb. in II Reg., xvii, 27, t. xxiii, col. 1357, mais on ne voit pas pourquoi le texte ne l’aurait pas dit explicitement.
4. NAASfhébreu : ’lr-Nâhàs ; Septante : miXiç NaSç), ville qui, comme beaucoup d’autres, se trouve mentionnée dans les listes généalogiques de Juda. I Par., iv, 12. Elle aurait eu pour fondateur Tehinna, et est complètement inconnue. On a cependant cherché à l’identifier avec Deir Nahâs, près de Beil-Djibrîn. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 258 ; G. Armstrong, W. Wilson çt Conder, Names and places in the Old and New Testament,
Londres, 1889, p. 92.1. NAASSON, orthographe dans le Nouveau Testament, Matth., i, 4 ; Luc, iii, 32, du nom d’un descendant de Juda qui, dans l’Ancien Testament, est toujours écrit Nahasson. Voir Na.ha.sson.
2. NAASSON, nom, dans la Vulgate, d’une localité complètement inconnue, située dans la Haute Galilée, non loin du lieu où était né Tobie, dans la tribu de Nephthali. Tob., i, 1. Au lieu de Naasson, le texte grec porte’Aairip. Voir Aser 5, t i, col. 1090.
- NABAIOTH##
NABAIOTH (hébreu : Nebâyôf ; Septante : Nagaiû8), fils premier-né d’Ismaël et père d’une tribu arabe. Gen., xxv, 13 ; xxviii, 9 ; xxvi, 3 ; I Par., i, 29 ; Is., lx, 7. Ce nom est associé à celui de Cédar, autre tribu arabe, descendant du second fils d’Ismaël, dans Isaïe, ix, 7, comme dans les inscriptions assyriennes. Ces dernières, en effet, mentionnent les Nabaitai auprès des Qidrai, et appellent leur pays mât Nabaitu (on trouve aussi Niba’ati, qui se rapproche du samaritain nN33, Nebâ’ôf, mis pour n’ioa, Nebayôf). Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Giessen, 1883, p. 147. Les annales d’Àssurbanipal nous racontent une expédition de ce monarque contre Natnu, roi des Nabaitu, qui avait pris part à la révolte des Arabes et fut défait comme eux. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag dos Parodies ? Leipzig, 1881, p. 296-301 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895-1899, t. iii, p. 439. Il faut distinguer ces Nebdyô(=Nabaitu des Nabatu dont parlent les inscriptions de Théglathphalasar III, de Sargon et de Sennachérib, et qui appartiennent à la famille des Aramu ou
Araméens cantonnés près de Babylone. Pour l’identification des Nabaioth avec les Nabatéens ou Nabuthéens,
voir Nabuthéens.- NABAL##
NABAL (hébreu : Nâbâl ; Septante : Nâ6ai), Israélite de la race de Caleb. Nabal, dont le nom signifie « fou », était un riche propriétaire qui habitait Maon et possédait trois mille brebis et mille chèvres. Sa dureté et sa méchanceté le rendaient digne du nom qu’il portait, tandis que sa femme, Abigaïl, était remarquable par son intelligence et sa beauté. Voir Abigaïl, 1, t. li col. 47. Or, pendant qu’il était poursuivi par Saûl, David arriva près du territoire de Carmel, dans la tribu de Juda, voir Carmel, t. ii, col. 290, et apprit que Nabal y veillait à la tonte de ses brebis. Comme ses gens avaient toujours entretenu de bons rapports avec ceux de Nabal, David envoya demander des provisions à ce dernier. Mais Nabal traita David de vagabond, d’esclave échappé à son maître, d’homme venu on ne sait d’où, ne méritant ni pain, ni eau, ni bétail. Justement courroucé de cette réponse outrageante, David laissa deux cents hommes à son campement et s’avança avec quatre cents autres pour demander raison à Nabal. Avertie par un de ses serviteurs du péril qui menaçait sa maison, Abigaïl se hâta de réunir à l’insu de son mari de copieuses provisions et elle se porta au-devant de David. Quand elle l’eut rencontré, elle se prosterna devant lui et s’y prit très adroitement pour l’apaiser et lui faire agréer ses présents. « Que mon seigneur, dit-elle, ne prenne pas garde à cet homme de rien, à Nabal, qui est vraiment ce qu’indique son nom ; il s’appelle Nabal et il y a en lui de la folie. » L’ensemble du récit montre que ces paroles ne répondaient que trop bien à la réalité. David fit le meilleur accueil à Abigaïl, accepta les provisions qu’elle amenait et lui promit la paix. De retour dans sa maison, Abigaïl trouva Nabal au milieu d’un royal festin et la raison déjà en déroute. Elle ne lui dit rien. Mais, quand, le lendemain matin, Nabal fut redevenu maître de lui-même, elle lui raconta ce qu’elle avait fait. Le malheureux en eut une attaque, dont les suites l’emportèrent une dizaine de jours après. I Reg., xxv, 3-39. Ce fut la punition de son égoïsme, de sa dureté, de son orgueil et de son intempérance. Quant à Abigaïl, elle devint la femme de David. I Reg, , xxv, 4042. H. Lbsêtre.
- NABAT##
NABAT (hébreu : Nebat ; Septante : tiaêâ-c), père de Jéroboam Ier qui fut le fondateur du royaume d’Israël. "Voir Jéroboam 1, t. iii, col. 1300. Nabal est souvent nommé dans l’histoire pour distinguer son fils du roi Jéroboam II, mais tout ce que nous savons de lui, c’est qu’il était Éphrathéen ou Éphraïmite (voir Éphbathéen, 2o, t. ii, col. 1882), et qu’il habitait Sonéda. Ces brefs détails sont donnés la première ibis qu’il est nommé III Reg., xi, 26. Dans les autres passages, III Reg., xii, 2, etc. ; IV Reg., iii, 3, etc. ; II Par., ix, 29, etc. ; Eccli., xlvii, 29, nous ne lisons rien autre chose que son nom. Une tradition juive, mais sans fondement, identifie Nabat. avec Séméi, fils de Géra, ce Benjamite qui insulta David, lorsque ce prince fut obligé de. fuir devant Absalom. Qusest. heb. in lib. II Reg., xvi, iO, t. xxiii, 1356.
- NABATÉENS##
NABATÉENS, nom ethnique que la Vulgate écrit Nabuthéens. Voir Nabuthéens.
- NABATH##
NABATH (Septante : NàSSaç, ’Ajiâv ; Sinaiticus, Na6âS, NaSâê ; voir Vigouroux, Bible polyglotte, t. iii, 1902, p. 508, 520), cousin de Tobie d’après la Vulgate, Tob., xi, 17 ; son neveu, d’après les textes grecs. Voir Polyglotte, t. iii, p. 508. Nabath n’est nommé qu’une fois dans la version latine, xi, 17 ; il l’est deuï fois, dans le grec, xi, 17, et xiv, 10. Le texte latin le mentionne après Achior et les qualifie tous les deux de « cousins
de Tobie ». Les textes grecs sont plus explicites : ils font intervenir quatre fois, de même que la version Italique qui les a reproduits, Achior (sous la forme Achiacar et Achicar, i, 21-22 ; ii, 10 ; XI, 17 ; xiv, 10) et s’ils ne sont pas précis sur le degré de parenté qui unissait Achior et Nabath, ils nous apprennent du moins, en plus que la Vulgate, qu’Achior (Achiacar), avait occupé un poste important à la cour de Sennachérib, roi de Ninive, et de son fils Assarbaddon (t. i, col. 143). On y entrevoit aussi confusément que Nabath s’était mal conduit envers Achiacar « qui l’avait nourri » ; il avait jeté ou voulu jeter son bienfaiteur vivant dans les ténèbres, mais, par un juste châtiment de sa malice, c’était lui-même qui s’était pris au piège. Tob., xiv, 10 (texte grec). L’obscurité de ce passage serait complètement dissipé par l’Histoire du sage Achichar, si l’on pouvait s’en rapporter sûrement à son témoignage. D’après The S tory of Ahikar, from the Syriac Arabie, Armenian, Ethiopie, Greek andSlavonic versions, publiée par F. C. Conybeare, J. Rendel Harris et Agnes Smith Lewis, in-8o, Londres, 1898, Nabath ou Nadan, comme il est appelé, était le neveu et le fils adoptif d’Achichar. Son oncle le combla de bienfaits, mais l’ingrat ne répondit à tant de bontés que par la plus noire ingratitude, il le fit passer pour traître auprès du roi Sennachérib et condamner à mort, afin d’hériter de ses charges. Achichar réussit à émouvoir l’exécuteur et au lieu d’être tué, il fut caché dans une sorte de cave sous la terre. Plus tard, son innocence fut reconnue et Nadan expia son crime. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. iv, p. 551-572.
- NABLE##
NABLE (hébreu : nêbêl, nébél ; Septante : vâëXaç ; trois fois : ^aXTripiov, Ps. xxxii, 2 ; lvii, 9 ; II Esd., xii, 27 ; Vulgate, psalterium). Instrument de musique de la classe des instruments à cordes pincées, assimilé par les uns au nable grec ou au psaltérion, dérivé de la harpe, voir Psaltérion ; par d’autres au néfer égyptien, sorte de luth ou de guitare.
1o Description. — Le nable, qui était, sinon d’origine asiatique, du moins très usité chez les Phéniciens, mSioviou vàëXa, Athénée, IV, 23, s’introduisit en Occident et fut principalement en honneur dans la -Grande-Grèce, où il était appelé vctéAa, vaOXa. Athénée, iv, 25. Le même auteur cite ce vers de Philémon qui montre la réputation du nable : oJx oîaOa vâ^Xav ; oûSèv oîv o18a ; àyaU’oy au ye. Ibid., 24. Nous ne possédons de cet instrument aucune description certaine, permettant une identification exacte. Il était, selon Josèphe, Ant. jud., vit, 12, 3, pourvu de trous (ouverture de résonnance) et monté de cordes « au nombre de douze », dit le même historien, et on le touchait avec les doigts. Sauf ce dernier point, la description de Josèphe n’est pas conforme aux textes bibliques que l’on va citer. Au surplus, il n’est pas certain que le nable grec fût exactement le nébél hébreu.
Des auteurs modernes maintiennent l’identification "~du nébél avec le psaltérion, laite par la plupart des anciens écrivains ecclésiastiques grecs et latins, sur l’autorité des Septante et de la Vulgate. J. Weiss, Die musikalischen Instrumente in den Heiligen Schriften des A. T., Graz, 1895, p. 47-48. D’autre part, les anciens rabbins, mentionnant souvent les ouvertures du nable, qui ne sont cependant que les ouïes de résonnance, ont cru que c’était un instrument à vent. Voir Aben Ezra, In Is., v, 12. Mais une autre tradition hébraïque consignée dans le traité Siltê haggïbbôrîm, c. v (voir J. Weiss, Die musikalischen Instrumente, p. 45), l’assimile au luth. Il est remarquable que les instruments à manche, luth, guitare, mandoline, théorbe,
portent en égyptien le nom de f *—*, néfer, § ^ _, . T néfri. Il est vrai que cet instrument n’est figuré dans
les représentations monumentales qu’à partir de l’époque où l’on y trouve le trigone et la lyre asiatiques ; toutefois, le signe hiéroglyphique du néfer, qui est l’image
même de la guitare, f, intervient très fréquemment sur les monuments dès l’époque des pyramides. V. Loret, L’Egypte au temps des Pharaons, in-12, Paris, 1889, p. 150. Voir Ebers, dans Riehm, Handwôrterbuch der biblischen Alterthums, l re édit., Leipzig, 1884, t. ii, p. 1035 ; Uhlemann, Handbuch der âgyptischen Alterthumskunde, t. ii, p. 302. Si le rapport étymologique très probable entre le mot hébreu et le mot égyptien pouvait se démontrer comme une certitude, on conclurait, non plus à l’adoption par les Égyptiens d’un instrument asiatique, mais à l’emprunt par les Palestiniens de l’instrument égyptien avec son nom hiéroglyphique, à la même époque où s’introduisait aux bords du Nil la petite harpe trigone phénicienne. Voir Ha.rpe, t. iii, col. 434.
Quoi qu’il en soit, ces types d’instruments à manche furent très anciennement répandus dans toute l’Asie, et les exemplaires actuels rappellent encore les modèles^ anciens. Le théorbe égyptien avait en effet, comme la tanbourah moderne, un manche très long, sur lequel étaient tendues deux ou trois cordes, ou souvent une seule. Ces cordes avaient un unique point d’assemblage, au bas de la partie sonore de l’instrument ; elles étaient fixées par des chevilles de bois placées à l’extrémité du manche. Le théorbe diffère du luth arabe, son dérivé, par la petitesse du corps de résonnance, la grande longueur du manche et le nombre réduit des cordes. Voir Luth, t. iv, col. 431. On touchait les cordes avec les doigts de la main droite. Le plectre s’introduisit plus tard. Voir Plectre. Primitivement les cordes des divers instruments ne s’utilisaient que pour donner chacune un son. On imagina, dans les instruments à manche, la tablature, consistant en sillets disposés le long du manche, pour marquer ! a place des notes, constituant pour chaque corde une échelle tonale réduite. Au x* siècle de notre ère, les sillets disparurent, mais les procédés de position des doigts sur le manche ne firent que se perfectionner. L’instrument est soutenu à l’aide de la main gauche, devant la poitrine, mais il est souvent porté en bandoulière, de façon à rendre la main gauche libre de participer au jeu.
Le mot hébreu nébél, qui signifie une « outre », Is., xxii, 24, fait sans doute allusion à la partie creuse et rebondie du corps de résonnance. Cette expression a induit en erreur plusieurs écrivains, qui se sont représenté le nable comme composé d’une outre, formant réservoir d’air, et de tuyaux, comme la cornemuse. Villoteau, De l’état actuel de l’art musical en Egypte, dans la Description de l’Egypte, Paris, 1805, t. XIH, p. 477. Il est hors de doute que le nable était de la famille des instruments à cordes. La version anglaise ancienne rend nébél par psaltery, mais aussi par viol, « viole, » dans Amos, v, 23, et vi, 5.
2° Usage du nable chez les Hébreux. — Le nable apparaît à l’époque de Samuel, immédiatement avant la période des rois. Nous le voyons dès lors associé presque toujours à la harpe ancienne, aux flûtes et hautbois, ainsi qu’aux instruments de percussion. On trouve ainsi : nébél et kinnôr, Ps. xxxih (xxxii), 2 ; lxxi (lxx), 22 ; xcn (xci), 4 ; cvm (cvn), 3 ; nébél, kinnôr, tambourin et flûte : I Sam., x, 5 ; Is., x, 12 ; nébél, kinnôr, corne, trompette et cymbales ; I Par., xv, 28 ; nébél, kinnôr, trompettes : II Par., xx, 28 ; nébel, tambourin, cymbales, trompette : I Par., xiii, 8 ; nébél, kinnôr, cymbales : II Esd., xii, 27, et ces trois instruments spécialisent les trois classes des musiciens dans le service du Temple, I Par., xv, 16 ; xxv, 1, 6 ; II Par., v, 12 ; xxix, 25.
Lors de la translation de l’arche à Jérusalem, du temps de David, il y avait huit joueurs de nable. Par., xv, 20.
C’est au nable <jue s’applique l’expression’al’alâmôt (Vulgate : arcana). ïbid., Voir AlÂmôt, t. i, col. 333. Les prophètes expriment la vibration des cordes et la résonnance de l’instrument par hèmyat nebâlékâ, Is., xiv, 12, le « bruit » ; zimrat nebâlékâ, Amos, v, 24, le « jeu », ifnXi.61 ; Ur, II Esd., XU, 27, le « chant » des nables. On dit aussi : hap-pônim’al pi han-nâbél, Amos, vi, 5, ceux qui « divisent » les sons, qui multiplient les notes sur le nable.
Ces instruments étaient fabriqués en bois de cèdre et de cyprès, comme les harpes. II Sam., vi, 5. Voir Harpe. Salomon en fit construire avec les bois de santal rapportés d’Ophir, III Reg., X, 12 ; Il Par., ix, 10, 11, et, suivant Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, il les orna de métal, iX&tpou. La légèreté et la commodité de maniement du nable, sa constitution peut-être moins primitive, lui donnèrent une incontestable supériorité sur la petite harpe qui l’avait précédé, au point qu’il devint comme celle-ci, l’instrument national des Hébreux. Parmi les perfectionnements divers que subit le nable, l’Écriture mentionne indirectement l’étendue plus grande du jeu de cordes. Le nable à dix cordes est appelé nébél’âsôr. Ps. xxxm (xxxii), 2 ; xcn (xci), 4. Dans l’état où l’on se-représente l’instrumentation antique, une modification de cette sorte dut faire époque, à l’égal des transformations de la lyre grecque antique ou du luth arabe au Xe siècle. Rien d’étonnant à ce qu’une épithète spéciale ait désigné le nouveau type d’instrument.
J. Parisot.
1. NABO (hébreu : Nebô, 13 : ; Septante, Na6aû ; textes
cunéiformes : Na-bi-u, Na-bu, >->-^ ►^T ^2 ^ TTT.
nom d’un dieu babylonien, qui semble apparenté soit étymologiquement, soit artificiellement, à la racine sémitique K32, ndbâ’, d’où dérive le mot hébreu
TT
n>32, nâbV, « prophète. » C’était le fils du dieu Mardouk=
Mérodach, dont il annonçait les volontés aux hommes, il était aussi le dieu des sciences et des lettres, le dieu, particulier des scribes. Primitivement il était adoré, comme grand dieu spécial, à Barsip^Borsippa, où il eut toujours un temple-pyramide célèbre. Quand plus tard Borsippa fut réunie et subordonnée à Babylone, Nabo y fut reçu et considéré comme fils de Bel-Mardouk, le grand dieu babylonien, cf. Is., xlvi, 1 ; il y jouit toujours d’une vénération spéciale et devint la divinité éponyme de la plupart des souverains de Babylone, Nabu-kudurusur (Nabuchodonosor), Nabu^pal-usur (Nabopalassar), Nabu-nahid, etc., qui aiment à se dire dans leurs inscriptions « favori du dieu Nabo ». Nabuchodonosor restaura entre autres son temple à sept étages de Borsippa, nommé « le temple des sept sphères (planètes) du ciel et de la terre ». Les textes assyriens et babyloniens donnent à Nabo les épithètes de « sage, intelligent, auteur de la prophétie, auteur de l’écriture, auteur des tablettes écrites, celui qui ouvre l’oreille (qui donne l’intelligence) », il partage ce dernier rôle avec la déesse TaS-me-tu, « celle qui fait entendre, » qui lui est donnée pour épouse. C’est à ce couple divin que rend grâces le roi Asiur-bani-pal, dans la formule finale des tablettes de toutes sortes^de sciences que ce monarque fit transcrire en Bàbylonie pour sa bibliothèque de Ninive. Nabo était de plus préposé et identifié à la planète Mercure, comme Mardouk son père l’était à celle de Jupiter dans le culte astral babylonien. Dans son rôle cosmogonique on lui donne le titre, fort peu clair, de « lien de l’univers », l’assimilant ainsi, d’après Sayce, Lectures on the origin and growth of religion, as illustrated by the religion of the ancient Babylonians, p. 116-117, au grand abîme qui, comme un fleuve, faisait le tour de la terré, et d’où émanait toute science. Comme dieu
des scribes, le culte du Nabo se répandit partout où pénétra la civilisation babylonienne, surtout en Assyrie, où les textes religieux nous le représentent écoutant les prières du roi Assurbanipal, et y répondant par ses oracles. Fr, Martin, Textes religieux, assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 26 et suiv. Comme dieu de la planète Mercure, il trouve sa place dans le panthéon astronomique sémitique, chez les Mandéens et les Sabiens,
9. — Le dieu Nabo Bnt sh Muséum,
D’après une photographie.
les Chananéens et les Amorrhéens, dont une ville, appelée Nebo, I Par., v, 8 ; cf. Num., xxxii, 38, passa plus tard aux Moabites. Is., xv, 2 ; Jer., xlviii, 1. Le mont Nébo, où mourut Moïse, lui devait son nom également, et d’autres localités encore. — Le prophète Isaïe, xlvi, 1, prédit que, lors de la chute de Babylone, l’idole de Nabo sera emportée avec celle de Bel par les vainqueurs.
On a retrouvé à Calah-Nimroud en Assyrie et transporté à Londres plusieurs statues de Nabo, debout, coiffé d’une tiare autour de laquelle s’enroule une paire de cornes, lés deux mains jointes comme s’il écoutait la révélation de Mardouk, une longue barbe descendant sur la poitrine, une longue robe frangée lui retombant jusque sur les pieds (fig. 389). Voir Eb. Schrader, dans les Theo logische Studien und Kritiken, 1874, p. 337, dans les Jahrbùcher fur protestantischer théologie, 1875, p. 338 ; Schrader-Whitehouse, The cuneifcrm inscriptions and the Old Testament, t. ii, 1888, p. 104 ; Sayce, Lectures on the origin and growth of religion, p. 115-120, 488, 491, 514, 520 ; The cuneifoni inscriptions of the Western Asia, t. i, pi. ii, ii, 1, lig. 3, 13, etc. ; t. ii, pi. vii, lig. 36, 41, g. h ; pi. xlviit, lig. 28, 39 ; Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, 1878, Syllabar S a, p. 43, lig, 29 ; Jeremias, dans Roscher, Lexicon der Mythologie, t. ni »
S, col. 45-68.2. NABO (hébreu, Nebô ; Septante : Na6aû, Num., xxxh, 3 ; Jer., xlviii, 1, 22 ; IPar., v, 8 ; Nagaù TîiçMwa61TtSo ; , Is., xv, 2 ; Vulgate : Nabo, Num., xxxii, 38 ; Is., xv, 2 ; Jer., xlviii, 1, 22 ; Nebo, Num., xxxii, 3 ; I Par., v, 8), ville de Moab, appartenant à la tribu de Ruben. Num., xxxii, 3, 38 ; I Par., v, 8 ; Is., xv, 2 ; Jer., xlviii, 1, 22. Elle est mentionnée, Num., xxxii, 3, entre Saban et Béon (ce dernier mot n’est que l’abréviation de Baalméon ) ; Num., xxxii, 38, entre Cariathaïm, aujourd’hui Quréiydt, au sud de l’ouadi Zerqa Ma’în, et Baalméon, actuellement Ma’în, à trois lieues sud-sud-ouest à’Hesbân, l’antique Hésébon, et à deux lieues sud du Djebel Néba ou mont Nébo. Elle est citée avec Béelméon (Baalméon), I Par., v, 8 ; avec Médaba, Mâdeba, au nordest de Ma’în, Is., xv, 2 ; avec Cariathaïm, Jer., xlviii, 1 ; avec Dibon, Dhibân, au nord de Youadi Modjib, ancien Arnon, Jer., xlviii, 22. On la trouve au milieu des mêmes noms, avec l’orthographe ros, au lieu de is : , sur la stèle de Mésa, ligne 14. Cf. Mésa, col. 1014. Ces indications et surtout le voisinage de Baalméon et de Médaba suffiraient pour guider nos recherches, si elles n’étaient fixées par la montagne de même nom, har Nebo, le mont Nébo, témoin de la mort de Moïse, et appelé encore aujourd’hui Djebel Néba, au sud-ouest A’Hesbân, Deut., xxxii, 49 ; xxxiv, l.Voir Nébo (Mont). Mais à quel point précis se trouvait la ville ? c’est ce que nous ne savons point, pas plus que nous ne savons si elle tenait son nom de la montagne ou si la montagne lui devait son nom. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 141, 142, 283, distinguent les deux, plaçant le mont Nabau, Nctëaû, à six milles (près de neuf kilomètres) d’Esbus ou Hésébon, vers l’ouest, et la ville de Nabo, Naêeip, dans un lieu désert, nommé Naba, NaSàê, à huit milles (plus de onze kilomètres) au sud d’Hésébon. Quelques auteurs cependant supposent qu’il faut chercher l’emplacement de la ville dans les ruines que conserve le Djebel Néba. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 266.
La ville de Nabo se trouvait dans la contrée fertile, riche en pâturages, que les enfants de Ruben et de Gad demandèrent à Moïse, Num., xxxii, 3. Elle fut rebâtie par les Rubénites. Num., xxxii, 38. Elle était revenue aux Moabites lorsque Isaïe, xv, 2, et Jérémie, xlviii, 1, 22, prophétisaient ses malheurs. Mésa, dans son inscription, lignes 14-18, se vante de l’avoir prise sur Israël. Obéissant à Chamos, il alla de nuit et combattit contre elle depuis l’aurore jusqu’à midi ; s’en étant rendu maître, il tua tout, sept mille hommes, jeunes garçons, femmes, jeunes filles et servantes, et emporta les objets religieux consacrés à Yahvéh pour les traîner devant Chamos. Cf. col. 1014-1015. Saint Jérôme, Comment, in Is., xv, 2, t. xxiv, col. 168, dit que Nabo renfermait l’idole de Chamos ou Béelphégor.
- NABOTH##
NABOTH (hébreu : nâbôf ; Septante : Na60u6àé ; AJeœa » drinus : Naëo-j6), Israélite qui vivait à l’époque du roi Achab. — Naboth possédait à Jesraël une vigne avoisinant le palais du roi. Ce dernier désira la lui échanger ou la lui acheter pour en faire un jardin potager. Mais Naboth ne voulut à aucun prix se dessaisir d’une terre qu’il avait héritée de ses pères. Achab se montra fort
affecté de ce refus. Sa femme, l’impie Jézabel, se chargea de le consoler et de lui donner satisfaction. Au nom du roi, elle écrivit aux anciens et aux magistrats de la ville pour que l’on condamnât et qu’on lapidât Naboth comme blasphémateur. Servilement et honteusement dociles aux instructions royales, les anciens commencèrent par publier un jeûne, en expiation du prétendu blasphème qu’ils allaient attribuer à l’innocent. Puis, deux faux témoins accusèrent en public Naboth d’avoir maudit Dieu et le roi. Une sentence de mort était inévitable, Lev., xxiv, 10-16. Voir Blasphème, t. i, col. 1806. Naboth fut lapidé. Jézabel annonça sa mort à Achab, qui ne put ignorer ce qui s’était passé, et le roi prit possession de la vigne convoitée. Le crime était grand. Le prophète Élie fut chargé d’en prédire le châtiment. Il dit à Achab qu’en punition de sa faute, lui-même serait balayé, que toute sa descendance mâle serait exterminée, que le corps de ses fils serait dévoré dans la ville par les chiens et dans les champs par les oiseaux de proie, et que les chiens lécheraient son sang et celui de Jézabel. Après avoir entendu cette terrible annonce, Achab s’humilia devant le Seigneur, déchira ses vêtements, se couvrit d’un sac et jeûna. En considération de ces actes de pénilence, qui étaient le désaveu public de son crime, le Seigneur fit dire à Achab que le châtiment prédit n’arriverait qu’après sa mort, sous le règne de son fils. III Reg., xxi, 1-24, 27-29. Quand Achab eut été blessé mortellement à Ramoth-Galaad, on le ramena sur son char et il mourut en route. On lava le char teint de sang dans l’étang de Samarie ; les chiens léchèrent le sang et les prostituées se baignèrent dans l’étang. III Reg., xxii, 34-38. Jéhu, sacré roi à la place de Joram, fils et second successeur d’Achab, mit à mort Joram, IV Reg., ix, 23-26, et fit précipiter Jézabel du haut d’une maison de Jesraël. Les chiens dévorèrent le cadavre de la reine et l’on ne retrouva d’elle que le crâne, les pieds et les paumes des mains. IV Reg., ix, 30-37. Jéhu fit ensuite périr les soixan te-dix fils d’Achab el extermina tout ce qui restait de sa maison. IV Reg., x, 6-11. Toutes ces exécutions sont présentées comme la punition des impiétés et des crimes d’Achab, spécialement du meurtre de Naboth. Dieu montra par là quelle importance il attache au respect de la vie humaine et de la propriété. — Dans cet épisode, on remarque différents traits qui se retrouvent dans d’autres récits, particulièrement le rôle des faux témoins, comme dans l’histoire de Susanne, Dan., xiii, 34-41, et dans celle de la Passion, Matth., xxvi, 61, et le souci de garder les formes légales, même quand on commet un crime odieux. Joa., xviii, 28 ; Act., vii, 57, 58.
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1. NABUCHODONOSOR (hébreu : nsansiM,
Nebûkadnê’ssar, et iIsNTTStts, Nebûkadre’ssôr, Jer.,
xlix, 28, et I Esd., ii, 1 ; Septante, Nagoi>xo80vo<r6p, NaëouxoSpÔTopo ; ; Vulgate : Nabuchodonosor ; dans Strabon, Polyhistor, Mégasthène, dans le canon de Ptolémée, etc. : Na60xoXærer6poç ; textes babyloniens caractères idéographiques ou syllabiques : Nabium-kudurrlusur, nom théophore, analogue à Nabu-sar-usur, mais dont le deuxième élément est fort diversement interprété : que (le dieu) Nébo protège kudurri, avec ou sans pronom suffixe, ma tiare, cf. xiSapic, ma couronne, mon empire — la limite (de mon royaume) — ou mon travail. Schrader-Whitehouse, The cuneiform inscriptions and the OUI Testament, 1888, t. ii, p. 47-48, n.). Voici les titres qu’il se donne sur une de ses briques (fig. 390) :
1. Nabu-kudurri-usur i.u E-ti-da
Nabuchodonosor et du temple zi-da
2. Sar Ba-bi-lu 5. abal Nabu-abal-usur roi de Babylone fils de Nabopolassar
3. Za-ni-in Ê-sag-ila 6. Sar Ba-bi-lu anaku soutien du temple sag-ila roi de Babylone je (suis).
"^-^SeTêMM ^
^>5eJ5Ê>E*’^ O
£^-& « £5d^
J^_M^M#lM.
390. — Brique portant les titres de Nabuchodonosor.
I. Guerres de Nabuchodonosor. — Nabuchodonosor II, roi de Babylone (Nouvel-Empire), régna de 604 à 561 suivant le canon de Ptolémée (ou 605 à 562, le canon ne tenant pas compte des années incomplètes). C’était le fils aîné et successeur de Nabopolassar. Ce dernier, avec l’aide des Mèdes, s’était rendu indépendant et avait détruit Ninive et l’empire assyrien, fondant ainsi le dernier empire babylonien. Nabuchodonosor lui donna toute son extension et toute sa splendeur. L’histoire de son règne ne nous est connue que partiellement, par les inscriptions babyloniennes contemporaines, les textes bibliques, Bérose et des fragments des historiographes grecs. Avant de monter sur le trône, il dirigea personnellement différentes campagnes destinées à régler définitivement le partage de l’empire assyrien : après trois ans de lutte contre les Araméens, les Cimmériens et les Scythes, il donna comme frontière septentrionale à l’empire babylonien le bassin du moyen Euphrate et du Balikh jusqu’à Harran. Comme frontière occidentale, il étendit sa suzeraineté sur la Syrie et la Palestine jusqu’à la Méditerranée. — NéchaoII, roi d’Egypte, avait profité de l’affaiblissement, ou même de la disparition de la puissance ninivite, pour essayer d’y rétablir l’antique domination égyptienne. Josias de Juda, ayant voulu s’opposer au passage de Néchao, avait été battu et mis à mort à Mageddo, sans pouvoir empêcher les Égyptiens d’arriver jusqu’à l’Eupnrate. Voir Josias 1, t. iii, col. 1683. Mais Nabopolassar, aussitôt après la destruction de Ninive, envoya contre les Égyptiens son fils aîné Nabuchodonosor, |qui battit Néchao à Carchamis (604) et l’obligea à reprendre la route de l’Egypte, puis il le poursuivit dans sa retraite, s’assurant au passage la soumission de Moab, d’Ammon, des Philistins, et de Joakim de Juda, et emmenant de partout des otages ou des captifs. Jérusalem fut même prise après un siège dont nous ignorons les péripéties, et le Temple dépouillé d’une partie de ses richesses, la 3e -4 « année de Joakim. Jer., XLvn, 1-2 ; Dan., i, 1-2. Ce fut le point de départ des soixante-dix ans de captivité, et Daniel et ses compagnons furent parmi ces premiers déportés. — Nabuchodonosor, précipitant sa marche, allait atteindre Néchao II à son entrée en Egypte, lorsqu’il apprit la mort de Nabopolassar. Craignant des compétitions, peut-être de^ la, part de son frère Nabu-su-liHr dont parle une inscription de Nabopolassar, il se hâta de signer un’armistice avec Néchao, chacun restant sur ses positions, et Nabuchodonosor conservant toute la côte syrienne et palestinienne ; et tandis qu’il laissait derrière lui son armée avec les captifs et le butin faire un long détour pour aller traverser l’Euphrate au passage de Carchamis, lui-même se jeta à travers le désert d’Arabie et arriva à l’improviste à Babylone. Il fut intronisé sans opposition, et inaugura son règne (604), qui fut le seul long et glorieux de tout le dernier empire.
Les parties septentrionale et orientale de l’empire ninivite étaient échues à Cyaxare, roi des Mèdes, qui avait coopéré à la destruction de l’empire assyrien. Sa puissance était redoutable, et Nabuchodonosor avait épousé sa fille. La paix fut donc ininterrompue de ce côté. Les seules complications devaient venir de l’ouest où, sous l’action incessante de l’Egypte, avide de ressaisir son ancienne influence en Asie et de s’en faire un rempart contre les empires mésopotamiens, toutes les nations palestiniennes éprouvaient de continuelles velléités d’indépendance. La Judée était particulièrement le théâtre de toutes ces luttes : les prophètes continuaient à prêcher la subordination envers Babylone comme ils l’avaient prêchée envers l’Assyrie : mais la cour et le peuple subissaient toujours l’attraction égyptienne, quoique le Pharaon eût coutume de ne donner à ses alliés qu’un secours peu énergique et généralement trop tardif, restant toujours le « le roseau sur lequel on ne peut s’appuyer sans se déchirer la main ». Is., xxxvi, 6.
Jçakim ne tarda pas à en faire l’expérience : deux ou trois ans après sa première soumission, la huitième année de son règne, il essaya de secouer le joug. Nabuchodonosor, à cause de l’i mportance de la Palestine dans la lutte séculaire entre la Mésopotamie et l’Egypte, vint en personne rétablir son autorité (601). IV Reg., xxiv, 1-2. Joakim n’opposa pas sans doute grande résistance, et Nabuchodonosor lui laissa le trône, se contentant probablement d’alourdir son tribut annuel. Malheureusement trois ans plus tard, la onzième année de son régne, Joakim céda encore aux mêmes influences, et comptant sur le secours de l’Egypte et d’Ithobal, roi de Tyr, secoua le joug babylonien ; Nabuchodonosor reparut, et les Juifs se préparèrent à soutenir le siège de Jérusalem, mais Joakim mourut avant ou pendant les opérations. Le livre des Rois ne donne sur sa fin aucun détail ; les Paralipomènes disent qu’il fut chargé de chaînes par Nabuchodonosor qui voulait cette fois l’envoyer prisonnier à Babylone : la Vulgate et les Septante insinuent que la volonté du monarque babylonien fut réalisée, ce qui ne cadre pas avec le récit de sa sépulture hors de Jérusalem. Jer., xxii, 19 ; IV Reg., xxiv, 6. Josèphe enfin nous donne une dernière version d’après laquelle ce prince aurait reçu Nabuchodonosor sans résistance, mais celui-ci l’aurait fait mettre à mort avec les principaux de ses sujets. On se demande si Josèphe, à l’occasion de quelques erreurs ou variantes numériques du texte sacré, n’a pas multiplié plus que de raison les interventions des Babyloniens en Palestine ; en tout cas le récit de IV Reg., xxiv, 1-6, paraît beaucoup plus simple. — Joachin^Jéchonias, son fils, lui succéda et soutint le siège trois mois encore ; après quoi, jugeant toute résistance impossible, il se rendit à Nabuchodonosor avec sa mère et toute sa cour. Celui-ci l’envoya, avec dix mille de ses sujets, en captivité à Babylone, mais sans lui infliger aucun mauvais traitement ni détruire Jérusalem (597). Il lui donna pour successeur son oncle Mathanias, fils de Josias, dont le nom fut changé en Sédécias. Durant cette nouvelle crise, l’Egypte n’avait donné aucun secours à Juda. Sédécias, qui devait son trône au vainqueur, et que Jérémie exhortait à la soumission, garda longtemps fidélité à son suzerain, mais il finit, après une dizaine d’années, par céder à l’influence du parti égyptien. En Egypte régnait alors Éphrée, Ouakab-Hd, voir t. H, col. 1882, l’armée avait été renforcée et aguerrie par plusieurs campagnes en Afrique, l’occasion parut favorable, Juda, Tyr et les Ammonites secouèrent le joug. Nabuchodonosor revint de nouveau à la tête d’une armée nombreuse composée de Babyloniens, de Chaldéens et des contingents des royaumes tributaires, et pour empêcher la jonction des coalisés, se résolut à faire bloquer Tyr d’un côté, et de l’autre à faire assiéger Jérusalem par
ses généraux, lui-même restant au nord, à Riblah (Reblatah ) sur l’Oronte au pays d’Hamath, afin de surveiller les opérations et de se porter où sa présence pourrait devenir nécessaire. L’armée babylonienne commença par dévaster toute la Palestine, puis vint mettre le siège devant Jérusalem. Cette fois l’Egypte donna signe de vie : Éphrée apparut aux environs de Gaza. Mais cette diversion, qui ranima un instant les espérances des assiégés, n’eut pas grand succès : les Chaldéens se hâtèrent d’aller à sa rencontre ; et de gré ou de force, contraint par une défaite ou par la seule disproportion de ses forces, Éphrée comme l’avait annoncé Jéré mie, rebroussa chemin et rentra en Egypte. Le siège fut alors mené avec une nouvelle vigueur, à laquelle les Juifs opposèrent une résistance héroïque : malgré la maladie et la famine, ils tinrent bon pendant un an et demi, après quoi, Je onzième mois delà onzième année de Sédécias, les Chaldéens pratiquèrent une large brèche dans les murailles et se rendirent maîtres de la ville (587). Quant au roi, il cherchait à s’évader avec quelques troupes à la faveur de la nuit, lorsqu’il fut arrêté dane sa fuite aux environs de Jéricho, et emmené à Riblah, où Nabuchodonosor prononça sur son sort et sur celui de Jérusalem : il fit égorger les fils de Sédécias, puis crever les yeux à ce dernier et l’envoya dans les prisons de Babylone. Quant à la ville, elle fut brûlée et rasée, ses richesses et celles du Temple furent dirigées vers Babylone, les habitants furent emmenés en captivité, on n’y laissa que les pauvres et les cultivateurs, sous le gouvernement de Godolias, fils d’Ahicam et ami de Jérémie.
Quant au siège de Tyr, il traîna en longueur : pour plus de facilité, les Chaldéens l’avaient rattachée au continent par une digue, mais ils furent impuissants à la bloquer totalement du côté de la mer : de sorte qu’après treize années, Ithobal III se décida à traiter et à reconnaître la suzeraineté de Nabuchodonosor ; à ce prix les Babyloniens se retirèrent, et lui conserva son trône. Ézéchiel, xxix, 18-20, nous atteste que cette suzeraineté fut assez précaire en réalité.
La chute de Jérusalem et le blocus, puis la soumission de Tyr, laissaient à Nabuchodonosor la voie libre pour aller attaquer l’Egypte ; c’était une vengeance nécessaire, en même temps que l’unique moyen d’avoir une paix définitive de la Méditerranée à la vallée du Jourdain ; de plus Babylone, héritière de Ninive, devait revendiquer la domination que cette dernière avait fini par s’arroger sur la vallée du Nil. Le fait de la conquête de l’Egypte par Nabuchodonosor, prophétisé par Jérérémie et Ézéchiel, est indéniable : outre l’accord de Bérose, Mégasthène et Josèphe, nous possédons une inscription, malheureusement très mutilée, dans laquelle Nabuchodonosor racontait l’invasion de l’Egypte, la défaite du pharaon A-mâ-m, Ahmès=Amasis II, et son retour avec les dépouilles ou le tribut de l’Egypte ( ?) et plaçait cette campagne la trente-septième année de son règne, vers 568. Il semble même que cette invasion n’ait pas été la seule : une autre l’aurait précédée sous Oua/ta6-.Râ=Apriès = Éphrée, prédécesseur d’Amasis II, si toutefois l’on peut appliquer aux Babyloniens la désignation d’Amu et de Schasu de l’inscription funéraire de Nes-Hor, lequel, étant gouverneur d’Éléphantine, protégea contre eux la Haute-Egypte et la Nubie. Paul Pierret, Records of the Peut, I™ sér., t. vi, p. 79-84. A rencontre de Wiedemann, Brugsch, Maspero’ne voient dans ce texte qu’une répression des auxiliaires révoltés : on sait que l’armée égyptienne renfermait alors des Grecs et des Sémites. D’après Josèphe, une première invasion de l’Egypte aurait eu lieu quatre ans après la reddition de Tyr, la vingt-troisième année de Nabuchodonosor, c’est même le monarque babylonien qui aurait ôté la couronne à Apriès et l’aurait donnée à Ahmès. À la vérité, Hérodote, ii, 162, édit. Didot, p. 126 iUi
NABUCHODONOSOR
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nous donne de cette succession un récit tout différent, une révolte de l’armée, dans laquelle il n’est pas question des Babyloniens ; mais il est peu probable que les Égyptiens aient raconté leurs revers à Hérodote.
Durant ce règne de quarante-trois ans, Nabuchodonosor fit-il encore quelque autre campagne ? Les deux seules inscriptions historiques qui nous soient parvenues, celle de la campagne d’Egypte et celle de l’ouadi Brissa, ne nous ont pas permis d’en lire davantage, vu leur état de mutilation, et les extraits que Josèphe a faits de Bérose, ne vont pas au delà de l’horizon biblique. Mégasthène, Hist. grmc. fragm., édit. Didot, t. ii, p. 416, lui attribuait la conquête de la Libye et de l’Ibérie, ce qui est hors de toute vraisemblance. Bérose, ibid., p. 506, nous dit qu’il occupa « l’Egypte, la Syrie, la Phénicie et V Arabie » ; mais est-ce autre chose que le sud et l’est de la Palestine, Moab et Ammon, dont Josèphe, Ant. jud., X, IX, 7, t. i, p. 386, lui attribue également la conquête ? Les chroniqueurs arabes parlent aussi d’une invasion de l’Arabie, avec prise de la Mecque, déportation en Chaldée des tribus d’Hadhura et d’Ouabar, jusqu’à la frontière Himyarite. Jérémie, xlix, 28-33, a des oracles qui rendent au moins vraisemblable une expédition contre Cédar et les Nabuthéens, lesquels appartenaient également, à tout le moins par une vassalité nominale, à l’empire assyrien du temps d’Assurbanipal.
II. Travaux et constructions de Nabuchodonosor.
— Nabuchodonosor se rendit célèbre moins par ses conquêtes — à part ce qui a trait à la destruction de Jérusalem et de la monarchie juive — que par les grands travaux qu’il exécuta en Babylonie. Le livre de Daniel, iv, 27, dont Fr. Lenormant et J. Menant ont mis en relief l’historicité, nous le représente, se disant à lui-même : « N’est-ce pas là Babylone la grande que j’ai bâtie comme résidence royale par ma puissance redoutable pour ma glorieuse majesté ? » C’est presque exclusivement ce caractère de constructeur qu’il relève lui aussi dans ses propres inscriptions. La ville en effet avait été saccagée à plusieurs reprises et presque détruite par les derniers monarques assyriens, et toute la Babylonie avait souffert des invasions ninivites dans les dernières guerres contre l’Élam et la Chaldée. Nabopolassar avait commencé à réparer tant de ruines : il avait relevé les grands temples de Babylonie, spécialement ceux de Mardouk et de Bélit ; il avait remis en bon état les canaux de l’Euphrate. Mais la plupart des briques, séchées au soleil ou cuites au four, extraites des ruines de Babylone, portent à la face inférieure l’estampille de « Nabucfiodonosor, restaurateur des temples É-sag-il et É-zida » — « continuellement occupé, ajoute-t-il ailleurs, de Babylone et de Borsippa. » Dans ses nombreuses inscriptions, dont plusieurs sont très longues, fastueusement rédigées en beaux caractères archaïques, et très difficiles à traduire à cause de leurs détails techniques, il énumère une quizaine de temples, pyramides et sanctuaires, qu’il reconstruisit et enrichit en l’honneur des dieux et déesses du panthéon babylonien : Mardouk, Nabo, Ramman, Istar, Sin, Samas, Gula, Samas de Sippar et Samas de Larsa, Nin-mah de Babylone, et beaucoup d’autres divinités moins connues. Il mentionne ensuite à plusieurs reprises la construction des grands murs de Babylone qui abritaient dans un immense quadrilatère la ville proprement dite et les localités voisines contenant des sanctuaires vénérés. Cette double enceinte, Imgur-Bel et Nimetti-Bel, commencée par Nabopolassar, fut achevée, fortifiée et ornée de tours et de portes monumentales ; l’intérieur des remparts et la ville elle-même étaient traversés par l’Euphrate et ses nombreux canaux endigués dans des quais soigneusement maçonnés. Les antiques palais auxquels tant de ses prédécesseurs avaient consacré leurs travaux et leurs trésors, il voulut les dépasser par celui qu’il élèverait à Babylone, qu’il nomme
« la merveille du monde, le lien de l’empire, le palais
sublime, le trône de la royauté », déjà « commencé du reste par Nabopolassar son père le long de la rive de l’Euphrate, mais détérioré par la crue du fleuve ». Il y employa à profusion « le cèdre, le bronze, l’or et l’argent, les pierres rares » et y entassa les trésors des pays conquis. Bérose, Hérodote, i, 185, qui attribue du reste tous’ces travaux à une légendaire Nitocris, et les historiographes grecs, nous décrivent très longuement ces merveilles, ce palais bâti en quinze jours et ces jardins suspendus, déjà connus du reste des Assyriens, que l’épouse de Nabuchodonosor, fille d’un roi mède, avait désiré voir construire à Babylone pour lui rappeler les montagnes boisées de son pays, les murs monumentaux où les chars pouvaient circuler et se croiser sans difficulté, et dont les ruines encore subsistantes enferment un espace de 513 kilomètres carrés pour le mur extérieur, et de 290 pour le mur intérieur, c’est-à-dire « beaucoup plus que la ville de Londres ». Oppert, Expédition en Mésopotamie, 2 in-4°, Paris, 1862, t. i, p. 234. Quant aux temples, souvent en forme de pyramides à degrés, le sommet et le sanctuaire terminal étaient parfois plaqués d’or, de sorte qu’ « ils brillaient comme le soleil », disent les inscriptions babyloniennes. D’après Diodore de Sicile, ii, 95, édit. Didot, t. i, p. 88, le temple de Bel : Mardouk était couronné de trois statues et autels d’or du poids de 5850 talents, plus de 143 000 kilog. ; et Hérodote, i, 183, édit. Didot p. 60, y connaissait une statue d’or massif de 12 coudées de haut, avec un trône, un escabeau et une table d’or du poids de 800 talents. Enfin il semble qu’on doive encore attribuer à ce prince le lac de 420 stades de tour, destiné à détourner en cas de besoin les eaux de l’Euphrate, ou à en recevoir le trop plein, le tunnel pour relier sous le lit de l’Euphrate les deux parties de Babylone et les palais royaux, le pont de pierre destiné à remplacer les radeaux ou ponts de bateaux, enfin le mur médique, travaux dont Hérodote, i, 185, fait encore honneur à Nitocris. Profitant du resserrement de la Mésopotamie méridionale entre le Tigre et l’Euphrate, Nabuchodonosor voulut rendre son pays inaccessible à tout ennemi venu du nord en construisant cette immense muraille défendue d’avant et d’arrière par plusieurs tranchées profondes où le Tigre et l’Euphrate mêlaient leurs eaux et qu’on ne franchissait que sur des digues ou des ponts faciles à rompre en cas d’invasion. Dans l’inscription du temple de Mardouk publiée par Meissner. Voir Revue biblique, avril 1905, p. 305. Nabuchodonosor mentionne comme employés à ses immenses travaux les riverains de la Mer Supérieure et de la Mer Inférieure (la Méditerranée et le golfe Persique), les habitants de la Syrie d’au delà de l’Euphrate, les ifatti, outre les Assyriens et les Babyloniens.
Quant au caractère de ce prince, il fut assez doux d’après ce que nous savons de lui : dans des cas analogues, les rois assyriens eussent été certainement plus cruels. Contraint de faire plusieurs fois le siège de Jérusalem, il ne détruit la ville qu’à la dernière extrémité, il pardonne assez facilement aux rois rebelles, à l’exception de Sédécias qui était sa créature et dont la révolte lui sembla plus odieuse : encore Jérémie assuret-il à ce roi que, s’il consent à se rendre à Nabuchodonosor durantle siège, il ne lui sera fait aucun mal. Même le /livre de Daniel nous représente ce prince comme assez docile, et écoutant sans colère les reproches ou les prophéties menaçantes qu’on lui adresse. Pour le récit et l’explication de ses songes et de sa folie, voir Daniel, t. ii, col. 1248. À l’égard de Jérémie, Nabuchodonosor se montre bienveillant pour sa personne et ses amis, lui laisse le choix d’accompagner les déportés à Babylone ou de demeurer à Jérusalem, et donne pour gouverneur au pays l’un des amis du prophète, Godolias. Envers l’un comme envers l’autre, les
IV. -46
Juifs furent plus cruels que les Babyloniens. Baruch
semble même dire que Nabuchodonosor profitait des
premières ambassades de Sédécias pour lui renvoyer
quelques-uns des vases sacrés emportés durant les premières
guerres. Baruch, i, 8-9. Les Juifs transplantés
en Babylonie jouissaient d’une liberté relative : on leur
permettait d’entretenir des relations avec Jérusalem,
d’y envoyer des offrandes, et d’y faire offrir des sacrifices :
ils pouvaient se faire bâtir des maisons et planter
des jardins en Chaldée, et Jérémie, xxix, 3-7, leur
conseille de s’intéresser à la prospérité de Babylone,
Baruch, 1, 10-12 les engage à prier pour Nabuchodonosor,
sa lignée et son empire. Les supplices, en particulier
le supplice du feu, n’étaient employés contre
les Juifs que suivant le droit commun, par exemple
en cas de rébellion et de lèse-majesté réelle ou juridique,
comme pour les faux prophètes mentionnés par
Jérémie, xxix, 20-23, ou les compagnons de Daniel, iii,
6, 12.
Un camée du musée de Berlin (fig. 391) nous le représente imberbe, d’un profil très fin, d’une physionomie sans dureté, coiffé d’un casque, fort différent des monarques ninivites dont nous avons les portraits : la légende cunéiforme qui l’entoure porte : Ana Marduk bil-su Nabukudurusur sar Babilu ana balati-suibus. « Au Dieu Mardouk son seigneur, Nabuchodonosor, roi de Babylone, pour sa vie (ceci) a fait. »
[[File: [Image à insérer -->]|500px]]
391. — Nabuchodonosor. Camée du Musée de Berlin.
Malheureusement le travail est grec plutôt que babylonien, et si le camée est authentique, on se demande s’il ne représente pas quelque prince de même nom, mais d’époque plus récente.
Ainsi que Ninive à la mort d’Assurbanipal, Babylone à la mort de Nabuchodonosor (561) était près de sa ruine, malgré tout son éclat et ses richesses : l’empire perse grandissait sous la suzeraineté de la Médie, et devait, un quart de siècle plus tard (538), détruire l’empire babylonien, en dépit de ses formidables défenses. À la tête d’or et au lion symboliques de Daniel devait succéder la poitrine d’argent et l’ours des montagnes. Le fils et successeur de Nabuchodonosor, Amil-Mardouk, l’Évil-Mérodach de Jérémie, iii, 31, et de IV Reg., xxv, 27, passa sur le trône sans rien faire de glorieux : les inscriptions cunéiformes datant de son règne sont des contrats privés sans intérêt historique.
Bibliographie. — 1o Inscriptions : Eb. Schrader, Keilinschriftlicke Bibliothek, t. iii, 2e partie, p. 10-71, 140-141 ; t. iv, p. 180-201 ; Records of the Past, i re, t. v, p. 87, 111 ; t. vii, 69, 73 ; t. xi, 92 ; IIe sér., t. iii, p. 102 ; t. v, p. 141 ; Proceedings of the Society of Biblical Archœology, t. x, p. 87, 215, 290 et suiv. ; t. xii, p. 116, 159 sq., transl. by Ball ; t. xx, p. 164-166, by Boissier ; Pognon, Les inscriptions babyloniennes de Wadi Brissa, Paris, 1888 ; J. Menant, Babylone et la Chaldée, p. 197-219.
Histoire : Menant, Ibid., p. 197-248 ; G. Rawlinson, Londres, 1879, t. iii, p. 48-64 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, les Empires, l90b, p. 517566, 623-643 ; Schrader-Whitehouse, The cuneiform inscriptions and the Old Testament, 1888, t.’n, p. 4752, 115, 315 et passim ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 141-154, 244-338 ; Josèphe, Ant. jud., X, vi-xi, édit. Didot, t. i, p. 376-392 ; Ctésias, De rébus Assyriorum, édit. Didot, p. 19-25 ; Hérodote, édit. Didot, i, 183M85, p. 58-62 ; Bérose, Fragmenta historie, græcor., édit. Didot, t. ii, p. 506-508 ; Abydène, t. iv, p. 282-284 ; Varior., t. ii, p. 416 ; t. iii, p. 78.
2. NABUCHODONOSOR, roi d’Assyrie qui avait pour chef de son armée Holoferne, mis à mort par Judith. Comme l’histoire ne nous fait connaître aucun roi d’Assyrie qui ait porté ce nom, on a identifié le Nabuchodonosor de Judith avec divers rois. Voir Judith, col. 1830. Les savants catholiques l’identifient aujourd’hui le plus communément avec Assurbanipal. Voir Assurbanipal, t. i, col. 1146.
NABUSEZBAN (hébreu : Nebusazbân ; omis dans les Septante ; mais on le lit dans quelques manuscrits sous la forme : Na80u<jïç, SeXx’l", Na60u<je ! ; 6d<v ; dans Théodotion : Na60u(ra$aëdtv, d’après les Hexaples, Pair, gr., t. xvi, col. 2202), un des chefs de l’armée de Nabuchodonosor qui prirent Jérusalem. Il avait le titre de rabsarès (rabsaris), e. chef des eunuques. » Voir Rabsarès. La Vulgate met un et entre Nabusezban et Rabsarès, comme si c’étaient deux noms propres, mais le et est fautif ; il ne se trouve pas dans l’hébreu, et rab-saris indique le titre officiel de Nabusezban, Sur l’ordre que Nabuchodonosor avait donné à Nabuzardan, général en chef, Nabusezban fit sortir, avec le rebmag Nérégel-Séréser, le prophète Jérémie de la prison où le roi de Joda l’avait enfermé, Jer., xxxix, 13, et il le remit aux mains de Godolias. Au commencement du même chapitre xxxix, les chefs de l’armée babylonienne, sont également énumérés, au J. 3, où il est dit que, lors de la prise de Jérusalem, ils se postèrent à la porte du milieu. Parmi eux est nommé, comme au ꝟ. 13, le rabsaris, mais dans l’état actuel du texte, ce rabsaris est appelé Sarsachim (hébreu Sarsehîni), et non Nebusazbân. Il est néanmoins peu vraisemblable qu’il y eût deux rabsaris et l’on peut supposer par conséquent que, dans l’un des deux passages, le nom véritable a été corrompu. Or la forme NebuSazban est celle d’un vrai nom babylonien, sauf en partie la vocalisation. C’est donc probablement la forme Sarsekim qui est altérée. Les noms étrangers contenus dans les J. 3 et 13 n’étant pas familiers aux copistes et hébreux et surtout grecs et latins, ont été notablement défigurés ; ils ont été de plus mal coupés. On peut reconnaître, dans le ꝟ. 3, le premier élément du nom de NebuSazbdn, accolé par erreur au nom qui le précède : Semegarnabu (hébreu : Samgar-Nabu), et l’on a ainsi : Nebusarsekîm, rab-saris. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de l’identification de Nebusazbân et de [Nebu]sarsekim, la forme Nebusazbân est authentique ment babylonienne : [Image à insérer -->]. Le mot se décompose ainsi : Nabu-sêzib-anni, « Nébo, sauvemoi. » H. Zimmern et H. Winckler, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, 1903, p. 408. Il a été retrouvé dans les documents cunéiformes dans une listé de noms propres, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi. 64, col. i, lig. 32. Ce nom fut aussi donné suivant une coutume assyrienne, au fils de Néchao Ier. G. Smith, Life of Assurbanipal, in-8o, Londres, 1871, p. 46, lig. 64. Une trentaine d’années après l’événement raconté dans Jérémie, le même nom de Nabûsuzibanni se retrouve dans les inscriptions de Nabonide. F. Vigouroux.
NABUTHÉENS (Septante : Naêaxcuoi), peuple ami des Juifs au temps des Machabées, et vivant à l’est du Jourdain. I Mach., v, 25 ; ix, 35. Judas Machabée et Jonathas, son frère, après avoir franchi le Jourdain et marché durant trois jours dans le désert, rencontrèrent les Nabuthéens, qui les reçurent amicalement et leur iim
NABUTHÉENS
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Tacontèrent tout ce que les Juifs de Galaad avaient eu à souffrir de la part des habitants de ce pays. I Mach., v, ^5-27. Plus tard, Jonathas, pressé par Bacchide, leur envoya demander la permission de laisser chez eux ses bagages, qui étaient considérables. I Mach., ix, 35 (d’après le texte grec). C’est tout ce que la Bible nous apprend sur ce peuple, qui pourtant a eu son rôle dans l’antiquité. Autrefois, il est vrai, peu connu, il nous a été en grande partie révélé par les découvertes -épigraphiques modernes. Il s’agit, en effet, comme l’indique le nom grec, des Nabatéens mentionnés par les auteurs classiques, Il nous suffira ici d’en rechercher l’origine, d’en esquisser l’histoire et la physionomie.
I. Origine. — Biodore de Sicile, xix, 94-100, nous représente les Nabatéens comme des Arabes, nomades pour la plupart, mais riches par le commerce de la myrrhe et de l’encens, qu’ils entretenaient avec l’Arabie Heureuse. Strabon, xvi, 18, nous montre, non loin du golfe Élanitique, la Nabatée, tj Na6aTctéa, 'contrée populeuse et aux gras pâturages. Ailleurs, $vi, p. 760, il semble les confondre avec les Iduméens, qu’ils avaient chassés de l’Arabie Pétrée. Pour Pline, H. N., xii, 17, les Nabatéens sont des Arabes voisins de la Syrie. Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 2, rapporte, d’après la Bible, que Jonathas envoya son frère vers les Arabes Nabatéens, 7upb ; toÙç NaSaTai’ouç "Apaëaç. Il comprend sous le nom de Nabatène, Nagaivjvr| ; râp a > toute la contrée qui s'étend de l’Euphrate à la mer Rouge, mais il l’attribue en même temps à tous les enfants d’Ismaël, dont l’aîné, Nabaïoth, lui aurait donné « on nom. Une question se pose précisément ici : Les Nabuthéens Nabatéens sont-ils identiques aux Nabaïoth (hébreu : Nebâyôt), descendants du premier-né d’Ismaël, et dont il est question Gen., xxv, 13 ; xxviii, 9 ; I Par., i, 29 ; Is., lx, 7? Voir Nabaïoth, col. 1430. Quelquesuns ne le croient pas, les Nabatéens étant, d’après eux, Araméens d’origine, et les Nabaïoth appartenant à la race arabe. Cf F. Hommel, Die allisrælitische Ueberlieferung, Munich, 1897, p. 208 ; D. S. Margoliouth, dans Hastings, Dictionary of the Bible, Edimbourg, 1900, t. iii, p. 501, d’après Glaser, Hkizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. ii, p, 12, 248, 267. D’autres l’affirment, comme E. Schrader, Die Keilinschnften und das Allé Testament, Giessen, 1883, p. 147 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? 2e édit., Leipzig, 1881, p. 297, et la plupart des commentateurs. Ces mêmes auteurs admettent l’identité des Nabaïoth^Nabatéens avec les Nabaitai ou Nabaitu des inscriptions assyriennes, qui étaient, au temps d’Assurbanipal, une puissante tribu du nord de l’Arabie. On trouve cependant aussi dans les inscriptions de Théglathphalasar II, de Sargon et de Sennachérib des Nabatu, qui sont de la famille des Aramu ou Araméens cantonnés prés de Babylone. Si les Nabatéens sont d’origine araméenne, ne faudrait-il point plutôt les assimiler à ces derniers ? Toute la question, on le voit, est de savoir à laquelle des deux races rattacher le peuple dont nous parlons. On a longtemps discuté et l’on discute encore sur ce sujet, qui divise les savants. E. Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans ses Mélanges d’histoire et de philologie orientale, Paris, sans date, p. 58-189, s’appuyant sur de nombreuses citations d’auteurs arabes, a longuement défendu l’origine araméenne. Cette opinion, après avoir été plus ou moins abandonnée, a été reprise par Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, t. ii, p. 12, 248 sq. et Hommel, Die altisraœlitische Ueberïieferung, p. 208. Les partisans de l’origine arabe font valoir les raisons suivantes. Le témoignage des géographes et historiens classiques est formel ; celui de Diodore est d’autant plus remarquable que cet écrivain reconnaît lui-même, xix, 96, que les Nabatéens écrivaient avec des caractères syriaques. Les
Nabatéens des classiques sont cités en compagnie des Arabes de Cédar, Nabalxi et Cedreni. Pline, R. N., v, 12. Il en est précisément ainsi pour les Nabaiolh, Is., lx, 7, et les Nabaitu, souvent mentionnés auprès des Qidrai dans les inscriptions cunéiformes. On ajoute à cela les noms propres et les noms des dieux, qui sont presque tous arabes. Ce fait, il est vrai, d’après les partisans de la première opinion, prouverait simplement que les populations de race arabe exerçaient déjà à cette époque une puissante influence sur leurs voisins araméens ; ne voit-on pas les noms propres islamiques portés par des personnes qui ne sont pas de race arabe ? Voir Arabie, t. i, col. 862. On objecte
encore que les historiens arabes écrivent k-ô, Nabat, avec un t emphatique, et que les inscriptions ellesmêmes emploient sans exception l’orthographe isa : , avec un teth, tandis que le ( de Nebâyôt, rnaa et de
t :
Nebaitu est un thav. Mais on répond aussi que cette permutation n’est pas rare dans les différentes branches de l’idiome sémitique ; c’est ainsi que l’hébreu Vop, qâtal, « . tuer, » est certainement identique à l’arabe ( JJCS. D’ailleurs, si l’argument était juste, il vaudrait aussi contre les Nabatu araméens, dont le nom ne comporte pas non plus de t emphatique. Quant aux historiens arabes cités par Quatremère, ils ont pu faussement conclure du langage araméen des Nabatéens à leur origine araméenne ; mais on sait que la langue n’est pas toujours un indice certain de la race.
II. Histoire. — L’origine des Nabatéens reste donc obscure, bien qu’il soit permis de les faire remonter jusqu’au premier-né d’Ismaël. On les a comparés dans l’histoire à un météore qui brille soudain, et qui, au bout de quelques siècles, rentre de nouveau dans l’obscurité d’où il était sorti, sans qu’on sache d’où il venait et où il allait, mais dont le cours, le point de départ et le point d’arrivée peuvent être sûrement déterminés. Ils font leur première apparition au vne siècle avant J.-C, où leur roi Natnu, qui avait pris part à la révolte des Arabes, fut défait par Assurbanipal. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? p. 296-301 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de V Orient classique, Varis, 1895-1899, t. iii, p. 439. À ce moment-là, ils formaient donc déjà une importante tribu. À quelle époque devinrent-ils maîtres de l’Arabie Pétrée ? On ne sait au juste ; ce fut vraisemblablement quelque temps après la captivité de Babylone, lorsque les Perses refoulèrent les tribus arabes qui habitaient sur les bords de l’Euphrate. Pendant que les Iduméens remontaient vers le nord-ouest, les Beni-Nabat se fortifiaient dans l’antique héritage d'Ésaû, le Djebel Scherra, au sud de la mer Morte, fondant un petit royaume, avec l’antique Séla', « le Rocher, » Pétra, comme capitale. Le premier événement daté de leur histoire est l’expédition d’Athénée, envoyée par Antigone, l’un des successeurs d’Alexandre, contre Pétra, en 312. La ville fut prise et pillée, en l’absence des hommes, qui étaient alors à une foire du voisinage. À leur retour, ceux-ci poursuivirent l’ennemi qu’ils taillèrent en pièces. Cf. Diodore de Sicile, xix, 94-100. Le premier prince (rûpavvog) dont il soit fait mention est Arétas Ier, contemporain du grand-prêtrejason et d’Antiochus Épiphane, vers 169 avant J.-C.. Cf. II Mach., v, 8. Voir Arétas Ier, t. ï, col. 943. Nous avons vu comment les Nabatéens entretinrent des relations amicales avec les Machabées. I Mach., v, 25 ; ix, 35. Au déclin de la domination des Séleucides et des Ptolémées, ils virent leur puissance s’accroître, leur roi, Érotime, répandant la gloire du nom arabe à travers l’Egypte et la Syrie (110 à 10Ô avant J.-C). Cf. Justin, XXXIX, v, 5-6. Jaloux cependant des progrès des Asmonéens, qui grandissaient en même temps qu’eux, ils eurent des différends avec leurs anciens amis, et Alexandre Jannée fut battu par mi
NABUTHEENS
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Obodas I" (vers 90). Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 5. Après ce dernier prince, se place Rabel I « r, dont l’existence a été révélée par une inscription trouvée en 1897 à Pétra, sur le socle d’une statue. Il devait être fils d’Obodas Ier et frère aîné d’Arétas III, comme l’a" ingénieusement montré M. Clermont-Gannèau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1897, t. ir. p. 221-234. Avec Arétas III (de 85 à 60 environ), qui prend sur ses monnaies le titre de Philhellène, le royaume nabatéen atteignit sa plus grande extension. Ce roi fonda un port à Haouara, sur la mer Rouge, et s’empara de Damas, qui ne tarda pas à recouvrer son indépendance. Il prit parti pour Hyrcan contre Aristobule. Attaqué dans Pétra par Scaurus, qu’avait envoyé Pompée, il obtint la paix à prix d’argent. Josèphe, Ant. jud., XIV, v, 1. Ses successeurs, placés entre les Romains et les Parthes, embarrassés de choisir entre Antoine et Auguste, eurent à lutter contre de nombreuses difficultés. Ce furent Malichos Ier (ou II, selon Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, t. H, p. 375-377), 50 à 28 avant J.-C, et Obodas II (ou III, d’après le même auteur), de 28 à 9 avant J.-C. Arétas IV (vers 9 avant J.-C, à 40 après J.-C), s’empara du pouvoir sans l’assentiment d’Auguste, qui finit par le reconnaître. Il prit le titre de Philodême, « ami du peuple. » Ce fut le contemporain de saint Paul, celui dont il est question II Cor., xi, 32. Voir Arétas IV, t. i, col. 943. Josèphe, Ant. jud., XX, IV, 1, parle ensuite d’un Abias, qui porta la guerre contre Izate en Adiabène. Malichos II (ou III), vers 48 à 71 après J.-C, perdit Damas et dut aider "Vespasien dans la guerre contre les Juifs. Enfin Ràbel II, connu par les monnaies et les inscriptions, monta sur le trône en l’an 71 de notre ère, et régna au moins 25ans, c’est-à-dire jusqu’en 95. Onze ans plus tard, en 106, sous Trajan, Cornélius Palma mit fin au royame nabatéen, qui fut réduit en province romaine sous le nom de province d’Arabie. Cf. H. Vincent, Les Nabatéens, dans la Revue biblique, 1898, p. 567-573. Pour la succession des rois nabatéens, cf. de Gutschmid, dans les Nabatàische lnschriften d’Euting, Berlin, 1885, p. 81, et Schiirer, Geschichte des Jûdischen Volkes, Leipzig, 1901, t. i, p. 731-744. M. Dussaud, dans le Journal asiatique, mars-avril 1904, p. 192, établit ainsi la liste de ces rois, d’après la numismatique :
Arétas Ier, 169 avant J.-C. Voir Arétas I « , t. i, col. 943.
Arétas II (probablement PErotime de Justin), 11096.
Obodas Ier, vers 90.
Rabel Ier, fils d’Obodas, vers 87.
Arétas III, Philhellène, frère de Rabel Ier, vers 87-62.
Obodas II, fils d’Arétas III, vers 62-47.
Malichos V*, fils d’Obodas II, vers 47-30.
Obodas III, fils de Malichos, 30-9.
Arétas IV, frère du précédent, 9 av. J.-C, 40 ap. J.-C. Voir Arétas IV, 1. 1, col. 943.
Malichos II, fils du précédent, 40-75.
Rabel II, fils du précédent, 75-101.
Malichos III, 101-106. Voir aussi Corpus inscriptionum semiticarum, part, ii, Paris, 1893, t. i, p. 181 ; Eb. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, & édit., p. 152-153.
III. Mœurs. — Les Nabatéens étaient pour la plupart nomades et pasteurs, comme le prouvent les nom1 reuses inscriptions gravées sur les rochers depuis la péninsule sinaïtique jusqu’aux montagnes du Hauran. lsaie, lx, 7, parle des béliers des Nabaioth, comme de grasses victimes, dignes de l’autel du Seigneur. Le sol de la Nabatène est peu propice à l’agriculture : aussi, d’après tous les témoignages anciens, ne s’y sontils presque pas adonnés. Ils avaient cependant sur leur territoire un certain nombre de villes fortifiées, qui leur servaient de places d’armes en cas d’attaque, et qui, en temps ordinaire, remplissaient surtout le rôle
d’entrepôts de commerce. Les principales, dans l’intérieur des terres, étaient Pétra, la capitale, Bostra, Salkhad dans le Hauran. Hégra ou El Hedjr sur les limites du Hedjàz. "Voir la carte d’Arabie, 1. 1, col. 857. Sur les bords de la mer, on trouvait les ports importants d’ÉIath, Asiongaber et Raouara, habités principalement, du reste, par des négociants et des armateurs étrangers. C’est, en effet, surtout par leur commerce que les Nabatéensse sont rendus célèbres dans l’antiquité. Une fois établis en Idumée, ils firent de tels progrès que le trafic de l’Asie occidentale passa presque en entier dans leurs mains. Cf. Diodore de Sicile, ir, 48-50 ; iii, 41-43. De Pétra, des routes rayonnaient dans toutes les directions : au nord, vers la Pérée, Damas et Palmyré ; à l’est, vers le golfe Persique et la Mésopotamie ; au sud, vers les ports du golfe Elanitique et vers l’Egypte ; à l’ouest, vers la Palestine et la Phénicie. Ces routes, dont on retrouve encore les traces aujourd’hui, furent achevées et perfectionnées sous les Romains. Comme certaines tribus arabes de l’Afrique actuelle, les Nabatéens durent leur principale richesse aux caravanes qu’ils conduisaient à travers le désert. Toutes les caravanes étrangères qui entreprenaient de transporter les parfums de l’Arabie ou les marchandises de la Perse et de la Syrie par d’autres voies que les leurs, étaient impitoyablement pillées si elles n’étaient pas assez fortes pour se défendre. Cf. Diodore de Sicile, iii, 43 ; Strabon, xvi, 21. La magnificence des ruines de Pétra atteste quel profit ses habitants retiraient de leur commerce.
Nous ne connaissons rien de bien positif sur les lois et les usages particuliers des Nabatéens. Strabon, xvi, 21-26, nous a cependant laissé sur leurs mœurs d’iuléressants détails. Il nous les représente comme simples et modérés dans leurs goûts, mais tenant tellement à leurs propriétés qu’on infligeait une peine à quiconque laissait diminuer son bien, tandis qu’on, accordait des honneurs à celui qui l’augmeutait. Ayant peu d’esclaves, ils se servaient le plus souvent entre parents, ou les uns les autres, ou bien ils se servaient eux-mêmes, et cet usage s’étendait jusqu’aux rois. Quant à la constitution politique, le régime patriarcal en était la base ; chaque tribu avait ses chefs, soumis à l’autorité suprême du roi. Dans les inscriptions, il est question d’émirs, d’anciens de tribus ; certains personnages
! prennent le titre de savants, de docteurs et de poètes,
| ce qui suppose un développement assez notable de culi ture intellectuelle et littéraire. Le roi, toujours de sang I royal, avait un procureur, èitiTpditoç, qu’on nommait son
! frère. Strabon, xvi, 21. Ces nomades avaient fini par ; bâtir de magnifiques maisons. Strabon, xvi, 26. Cf. Vi ! gouroux, Mélanges bibliques, 2e édit. Paris, 1889, p. 308321 ; Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient,
i Paris, 1888, t. vi, p. 466-470.
j IV. Monuments. — Les Nabatéens nous ont laissé de
! très anciens monuments, creusés dans la paroi dos
rochers. Ce sont des palais, qui ne furent jamais que des constructions isolées, faites pour servir de centre de ralliement à des populations vivant le plus souvent sous la tente. Ce sont surtout des tombeaux, car, pour les nomades, il n’y a qu’une demeure fixe, « la maison éternelle, » le caveau funéraire. Parfois aussi ce sont des sanctuaires. Ces monuments auxquels s’ajoutent ceux de la civilisation gréco-romaine, ont fait de Pétra, une ville unique au monde. Voir Pétra. Donnons seulement ici une esquisse des tombeaux nabatéens qu’elle renferme. Voir fig. 392. « Le grès a été soigneusement layé de manière à former une façade unie, haute de dix à quinze mètres. En taillant la pierre, on a ménagé deux ou quatre colonnes, qui ne sortent qu’à moitié de la paroi rocheuse. Dans le milieu s’ouvre une porte à fronton triangulaire. Les chapiteaux.sont assez frustes, ornés seulement de deux grandes feuilles massives, qui
ressemblent à une paire d’oreilles. Ils supportent une gorge égyptienne, surmontée elle-même de deux escaliers qui se regardent comme des créneaux assyriens et qui comptent cinq marches, Quelquefois la gorge égyptienne est double et les créneaux sont multipliés comme un feston… Quand on a franchi la porte on entre dans une vaste salle. Le plus souvent — et c’est en cela que me paraît résider l’originalité intérieure du tombeau nabatéen — au moins deux parois sur trois ont été évidées de manière à former comme une série de stalles ou de boxes, dont les parois montent jusqu’au plafond. Elles sont en général au nombre de cinq sur chaque côté. Cela ressemble à des auges qui seraient placées debout. Cependant, je ne crois pas que le corps y ait été déposé ; il reposait dans le sol, et quelquefois même en avant de cette caisse vide, comme pour être plus
tuaire sémitique se présente sous une forme qui rappelle les œuvres d’une civilisation déjà plus avancée.
392. — Type du tombeau nabuthéen à Pétra. D’après la Revue biblique, 1897, p. 224.
soigneusement dissimulé. Une dalle le recouvrait, puis une maçonnerie compacte achevait de le préserver. » M. J. Lagrange, Notre exploration de Pétra, dans la Revue biblique, Paris, 1897, p. 223-224. Il est un autre centre de la civilisation nabatéenne où nous retrouvons les mêmes caractères d’architecture, c’est Médaïn Sdlih, ou el-Hedjr, au sein d’une région aujourd’hui presque déserte. Là aussi comme à Pétra, nous avons une plaine entourée de rochers en forme de fer à cheval. Sur les rochers, de superbes façades contiennent de belles inscriptions, car si les tombeaux de Pétra sont obstinément muets, ceux d’el-Hedjr parlent, et nous révèlent le nom du propriétaire de la tombe, quelquefois celui du sculpteur, l’année de la construction, etc. L’analogie de ces derniers monuments avec les premiers est frappante ; ce sont les mêmes motifs, la même disposition, le même style parfaitement caractérisé, quoique manquant d’originalité, puisqu’il unit la gorge égyptienne et le créneau assyrien au fronton grec. Voir fig. 393. On a remarqué aussi la ressemblance de [ces mausolées avec les tombeaux de la vallée du Cédron et les autres monuments funèbres taillés dans le roc, aux environs de Jérusalem.
Dans cette même vallée de Médaïn Sdlih, le sanc 393. — Tombeau de Médaïn Salin. D’après Perrot, Histoire de l’Art, t. iv, p. 344. « À l’une des entrées de la vallée se trouve une gorge taillée à pic. D’un des côtés, on voit les restes d’une vaste salle, qui est creusée dans le roc ; seulement au lieu d’être fermée par devant, elle est ouverte sur toute la largeur de la façade, que décorent deux pilastres (fig. 394). Elle ne présente pas de niches ; quelques
394. — Salle souterraine. Médaïn Salîh. D’après Perrot, Histoire de TAvt, t. iv, p. 390.
figures grossièrement dessinées au trait sur les murs, rien de plus. C’est, dans ce district, la seule construction qui n’ait pas de caractère funéraire. On l’appelle le Divan. Sur la paroi opposée de la gorge, au même niveau et dominant le précipice, on découvre toute une série de niches dans lesquelles se trouvent des pierres
dressées, tantôt isolées, tantôt réunies par groupe de deux ou trois. » Ph. Berger, L’Arabie avant Mahomet d’après les inscriptions, Paris, 1885, p. 19. Téïma, petite ville située au nord-est de Mêdaïn Sdlih, fut aussi un centre religieux important, comme le prouvent les intéressantes découvertes qu’on y a faites. Voir Thèma. Cf. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. IV, Paris, 1887, p. 344-346, 389-394.
V. Inscriptions. — Les Nabatéens ont laissé des traces de leur passage tout le long des chemins qu’ils ont parcourus. On connaît les fameuses inscriptions sinaïtiques, dont le déchiffrement et l’explication ont si longtemps préoccupé le monde savant. Voir Sinaï. Le mystère qui les recouvrait a été singulièrement éclairci par les inscriptions nabatéennes qu’on a retrouvées ailleurs, dans les autres pays où se concentra davantage la vie du peuple dont nous résumons l’histoire, l’Arabie Pétrée, le Hauran et les contrées voisines du Hedjâï. L’épigraphie du Hauran ne date réellement que du voyage de MM. Waddington et de Vogué, dans le cours des années 1861 et 1862. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, Inscriptions sémitiques, Paris, 1869, p. 100124. Avant eux, Burckhardt, Travels in Syria and the
lerins, de pâtres, de marchands, de nomades désœuvrés. M. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, t. iv, p. 191, a été amené à se demander si elles n’avaient pas, en général, un objet plus pratique : l’affirmation de droits de propriété ou de jouissance individuelle dans les terrains de pacage, les palmeraies et même les maigres maquis où pouvaient brouter les chèvres. Elles ont sans doute leur intérêt, mais elles ne fournissent : que de maigres indices sur la nationalité et le culte de leurs auteurs. Les autres se rencontrent sur les monuments et sont plus importantes. On en a retrouvé depuis l’Italie jusqu’aux contrées désertes de la Syrie et de l’Arabie que nous avons signalées. Ce sont exclusivement des ex-voto religieux ou des souvenirs funéraires ; les premiers nous apprennent que tel personnage a élevé une stèle à tel dieu ou bâti ou réparé son temple ; les seconds indiquent le nom de celui que renferma la tombe ou de celui qui a fait construire le mausolée, et sont en même temps des titres de propriété. Ce droit de propriété est assuré par une double sauvegarde : la malédiction des dieux et l’amende payée au roi.
VI. Langue et écriture. — La langue de ces inscriptions est l’araméen, qui, sous l’empire perse, prit une
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395. — Inscription nabatêenne de Hégra sur la porte d’un tombeau. D’après Ph. Berger, Histoire de l’écriture, 1891, p. 274. Traduction. — Ceci est le tombeau qu’a fait Aïdou, fils de Kohailou, fils d’Elkesai, pour lui-même et ses enfants et ses descendants, et pour quiconque apportera dans sa main un écrit en forme de la main d’Aïdou, valable pour lui et pour tout autre à qui aura accordé d’être eDterré ici [Aïdou de son vivant] etc. (Pour l’alphabet nabatéeD, voir t. i, col. 409.)
Holy Land, Londres, 1822, et Wetzstein, Reiseberxcht ûber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, n’avaient pris que des copies très imparfaites de quelques inscriptions. De nos jours encore, de nouvelles explorations ont enrichi les recueils épigraphiques. Cf. Dussaud et Macler, Mission dans les régions désertiques de la Syrie moyenne, extrait des Nouvelles archives des Missions scientifiques, t. x, Paris, 1903 ; séparément in-8° de 342 pages avec planches. En 1876-1877, un intrépide voyageur anglais, M. Ch. Doughty, découvrit dans la vallée A’el-Hedjr, au milieu des monuments dont nous avons parlé, de nombreuses et longues inscriptions. Cf. E. Renan, Documents recueillis dans le nord de l’Arabie, par Ch. Doughty, dans les Mémoires présentés par divers savants à V Académie des Inscriptions, t. xxix, l re partie ; tirage à part, Paris, 1884. Peu après, Ch. Huber visita ces lieux à deux reprises, de 1880 à 1884. Cf. Ch. Huber, Journal d’un voyage en Arabie, Paris, 1891, avec atlas. Grâce à eux, nous possédons l’ensemble des inscriptions d’el-Hedjr, reprises et publiées par M. Euting, qui accompagnait Ch. Huber lors de son second voyage. Cf. Euting, Nabatâische Inschriftenaus Arabien, Berlin, 1885. Chose singulière, Pétra a fourni moins d’épis à la moisson épigraphique. Cf. Revue biblique, Paris, 1897, p. 231-238 ; 1898, p. 165-182 ; 1905, p. 580-590. On trouve les inscriptions nabatéennes réunies dans le Corpus inscriptionum semiticarum, t. i, part, ii, p. 183 sq.
Ces inscriptions sont de deux sortes. Les unes ne sont que des graffiti, qui se composent presque exclusivement de noms propres. Elles se trouvent un peu partout, mais elles sont innombrables dans la péninsule du Sinaï. On les considère généralement comme des proscynèmes, ou même de simples griffonnages de pè très grande extension et devint l’idiome vulgaire de presque toutes les natious fixées entre la Perse et l’Egypte. C’est ainsi que les monuments funéraires nous offrent à chaque instant les mots : Niap, qabrâ’, indiquant le tombeau dans son ensemble ; mwsi, nafsd’, la stèle ou pyramide qui le recouvre ; N31N, ’arnd’, le sarcophage, etc. Outre les noms propres, qui sont arabes, on a cependant relevé dans la langue nabatéenne un certain nombre d’arabismes, que l’on considère, non comme des particularités dialectales qui auraient vraiment pénétré dans l’araméen, mais comme un élément exotique. Les arabismes, qui se manifestent surtout à Hégra, montrent que l’araméen perdait de son influence à mesure qu’on avançait vers le sud. Voir Syriaque ; (Langue). — La découverte des inscriptions nabatéennes a fait une révolution, non seulement dans l’histoire des peuples sémitiques, mais encore, et du même coup, dans l’histoire de l’écriture. « Le nabatéen franchit le dernier pas qui séparait l’ancien alphabet de l’écriture cursive, par la création des ligatures (fig. 395). L’écriture araméenne, avait recourbé les lettres par en-dessous, le nabatéen les soude l’une à l’autre, si bien que désormais la partie essentielle de l’écriture consistera dans la ligne continue qui les rattache par le bas. Ces ligatures ont pour effet de modifier profondément l’aspect des lettres, par la nécessité de chercher un point d’attache commode pour les relier les unes aux autres, si bien qu’un même caractère peut être alternativement très grand et très petit. En même temps, les lettres s’arrondissent par en haut et perdent leurs dernières arêtes ; tantôt elles s’élèvent au-dessus de la ligne, tantôt elles descendent au-dessous, mais toujours elles restent unies par ce lien qui groupe les éléments d’un même mot… Ces soudures ne se produisent pas seulement d’unes
lettre à l’autre, mais souvent dans l’intérieur même d’une lettre, surtout dans les lettres finales. La queue de Ym, ne trouvant pas d’autres lettres où s’accrocher, se replie sur elle-même et se ferme par en bas. Le hé fait de même ; dans les anciens centres nabatéens de Souéïdéh, de Siah, découverts par MM. Waddington et de Vogué, on remarque déjà la tendance des deux branches de la lettre à se rapprocher ; à El-Hedjr, la jonction est accomplie et le hé prend à la fin des mots la forme d’une pochette. » Ph. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, Paris, 1891, p. 277. De l’écriture nabatéenne est sortie l’écriture arabe, par une série de transformations successives. Voir Alphabet, Tableau de l’alphabet arabe et de l’alphabet nabatéen, 1. 1, col. 409.
VIL Religion. — Les inscriptions funéraires et votives nous fournissent sur la religion nabatéenne des renseignements utiles, bien qu’ils soient encore incomplets. Nous ne connaissons pas toutes les divinités de son panthéon. Le dieu qui semble occuper le premier rang est DûSara’, *nwn que les auteurs grecs et latins nomment Aoj<ràpT)ç, Dusares. Les historiens arabes écrivent, 4_ièJJjJ, Dhû essara, c’est-à-dire « le maître du Schara ou Scherra », district montagneux, qui s’étend de la mer Morte au golfe d’Akaba. Il paraît donc avoir été le dieu particulier du pays d’Édom. Son éîilte cependant était répandu dans toute l’Arabie, spécialement à Adraa, à Bosra, où des jeux avaient été institués en son honneur. Il était adoré sous la forme d’une pierre rectangulaire, deux fois plus haute que large, et posée sur une base. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, p. 120-123. —’£1, qui appartient au plus ancien fonds des langues sémitiques, représente la nature divine devenue, dans le polythéisme, le partage de plusieurs, mais non une divinité, objet d’un culte spécial. Il se retrouve cependant dans une foule de noms propres nabatéens, comme Sxam, Uahab’el, correspondant à Dieudonné, Sn-iim, Natar’el, « que El garde, » hnm, Hann’el, « Grâce de El, » semhlable à l’hébreu Hânan’èl, etc. Les inscriptions grecques nous donnent : ’Avvt)), o ; , OùocërjXoç, N « Tâ(ieioç, 1 Pà6’r]ioç. Comme tout dieu sémitique, El se dédoubla et la forme féminine’Elât, ’Ildtoa’Allât a mieux gardé la valeur d’un nom propre que le masculin, qui est le nom impersonnel de l’être divin. Devenue un être distinct comme les autres déesses sémitiques de la Syrie, Astarté, Mylitta, Allât avait ses autels spéciaux et ses adorateurs attitrés. Les inscriptions nous montrent qu’elle avait à Salkhad ou dans les environs un temple et un collège de prêtres ; de plus, sa présence dans la composition des noms propres et surtout du nom caractéristique XJahballât prouve la place qu’elle occupait dans l’esprit du peuple. Son culte, répandu dans toute la péninsule arabique, existait au ve siècle avant notre ère et ne fut détruit que par Mahomet ; son simulacre était une pierre blanche carrée, souvent aussi elle était adorée sous la figure d’un arbre, comme’Uzza, autre forme de la déesse arabe. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, p. 107-111 ; M. J. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 70-83. — Avec Dusara, deux autres divinités, Manùtu, mi », et QaiSah, rw » p, étaient adorées à Hégra. Cf. Corpus Inscr. sem., part, ii, 1. 1, p. 223. La première est mentionnée dans le Coran avec Allât ; la seconde devait aussi être connue des Arabes, comme on le suppose d’après le nom d’un poète antérieur à l’hégire, Amru’lrQaîs. On trouve encore Mutaba, que Homme], Die altisrælitische Veberlieferung, p. 320, rapproche du dieu sabéen Môtab-Natijân, et Hobal, qui est également un ancien dieu arabe. Cf. Corpus inscrip. sem., part, ii, t. i, p. 225. Il est d’autres noms douteux dont nous ne disons rien.
Le caractère de la religion nabatéenne participe du caractère du peuple lui-même : les dieux y ont une vie sédentaire et une vie nomade, leur culte a quelque chose de plus personnel et de moins local. Ainsi DuSara
est « le dieu de notre seigneur », c’est-à-dire du roi. On a trouvé à Salkhad une inscription qui se rapporte à un monument élevé par deux personnages du nom de Rûfyû, « à Allât leur déesse. » Cf. M. de Vogiié, Syrie centrale, p. 107. Ailleurs on parle du dieu de Sa’idu, du dieu de Qaisu. La stèle de Téima nous montre un personnage introduisant dans cette ville son dieu Salm ; les divinités locales, non seulement agréent le nouveau venu, mais encore lui constituent une redevance. Cf. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, p. 501504. La famille aussi bien que la tribu emmène donc avec elle le dieu qu’elle adore spécialement. Les rois nabatéens recevaient, sinon de leur vivant, du moins après leur mort, les honneurs de l’apothéose et étaient traités comme de véritables dieux, si bien que leurs propres noms figuraient comme éléments théophores dans la composition de ceux qui étaient portés par un bon nombre de leurs sujets ; tels sont les noms à"Abdmaliku, ’Abd’obodat, ’Abdharélat, formés sur le type’Abdba’al, « serviteur de Ba’al, » ’Abd’alahi, « serviteur de Dieu. » Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, t. ii, p. 368-371. On élevait au dieu des temples, qui étaient sans doute des enceintes sacrées avec un édicule pour recevoir sa statue ou son symbole. On érigeait un peu partout des stèles votives, NUDn, mesgida’, lieu d’adoration, d’où est venu mosquée. « Une forme très authentique a été copiée par Euting, Nabatàische Inschriften, p. 61, à Hégra. C’est une stèle, surmontée d’un rebord comme un autel, taillée en relief dans le rocher et placée daus une sorte de niche. La largeur est sensiblement plus grande au sommet. Le but n’était pas de placer là une statue ; c’est la stèle qui est consacrée et elle l’est à un dieu étranger, comme les cippes votifs phéniciens à un dieu de Bosra… Chez les mêmes Nabatéens, la niesdjida a encore plus nettement le caractère d’un autel. El en effet ils étaient Arabes d’origine et nous avons vu chez les Arabes une tendance à confondre l’autel avec la pierre sacrée elle-même. » Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 209-210. On a l’exemple d’un lit ou siège divin, offert à Dusara, et de deux chameaux peut-être dorés, consacrés au même dieu en action de grâces. Cf. Corpus inscrip. sem., part, ii, 1. 1, p. 184, 188. La stèle et un bas-relief trouvés à Téima nous offrent d’intéressants détails sur le culte religieux nabatéen. Cf. G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 392, 393. Voir Théma..
Pour la numismatique, cf. duc de Luynes, Monnaies des Nabatéens, dans la Revue numismatique, 1858, p. 292-316, 362-385, pi. xiv, xv, xvi ; de Vogiié, M onnaies des rois de Nabatène, même revue, 1868, p. 153-168, pi. v ; de Saulcy, Numismatique des rois nabatéens de Pétra, dans Y Annuaire de la Société française de Numismatique et d’archéologie, t. IV, l r8 part., 1873, p. 1-35 ; Sorlin-Dorigny et Babelon, Monnaies nabatéennes inédites, dans la Revue numismatique, IIIe série, t. v, 1887, p. 369-377 ; Dussaud, Numismatique des rois de Nabatène, dans le Journal asiatique, mars-avril 1904, p. 189238, avec trois planches.
Les découvertes modernes ont donné lieu à de très nombreuses études sur les Nabatéens, surtout au point de vue épigraphique. Ces études sont disséminées dana les revifés^cientifiques ou dans les recueils que nous avons signalés ; il est impossible de les indiquer ici. Le Corpus inscrip. sem. renferme, sous ce rapport, une bibliographie complète. Voir aussi pour l’ensemble de cette histoire, E. Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Nouveau journal asiatique, 1835, t. xv, p. 5-55, 97-137, 200-240, ou dans ses Mélanges d’histoire et de philologie orientale, Paris, s. d., p. 58-189 ; Eb. Schrader, Die doppelten Nabatàer, dans ses Keilinschriften und Geschichtsforschung, in-8°, Leipzig, 1878, p. 99-116 ; Clermont-Ganneau, Les Nabatéens dans 1455 NABUTHËENS — NACHOR
te pays de Moab, dans son Recueil d’archéologie orientale, t. ii, Paris, 1896, p. 185-219 ; H. Vincent, Les Nabatéens, dans la Revue biblique, 1898, p. 567-588 ; Schû rer, Geschichte des Jûdischen Volkes, Leipzig, 1901, t. î, bibliographie du sujet, p. 726-728 ; R. E. Brûnnow et A. von Domaszewski, Die Provincia Arabia, in-4o, Strasbourg, 1904. A. Legendre,
1456
- NABUZARDAN##
NABUZARDAN (hébreu : Nebùzar’âdân ; Septante : Na60uÇapS « v), Commandant des gardes du corps de Nabuchodonosor. Son nom a été retrouvé dans les documents cunéiformes, ayant été assez commun en Chaldée. La liste des noms propres publiée dans les Cuneifortn Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi. 64, col. ii,
1. 13, le contient sous la forme : | » - ! frf— » ~^ —
Nabu-zir-iddina, « Nabo a donné une postérité. » On le retrouve aussi dans un certain nombre de contrats.
— Nabuzardan est nommé plusieurs fois par Jérémie, xxxix, 9-13 ; xl, 1 ; xli, 10 ; xmi, 6 ; lii, 12, 15, 16, 26, 30, dans le récit de la dernière campagne de l’armée de Nabuchodonosor contre Jérusalem. Il ne semble pas avoir été personnellement présent au siège de la capitale, mais son, rôle n’en fut pas moins important. Il arriva au moment où la ville succomba. IV Reg., xxv, 13 (587 avant J.-C. ) et dès lors il prit la direction des affaires. Il incendia le temple, le palais royal et les principales maisons de Jérusalem ; il emmena aussi captifs les principaux de la ville en n’y laissant que les pauvres. IV Reg., xxv, 8-12 ; 18-20 ; Jer., xxxix, 8-10. Ce fut lui-même qui choisit les vases sacrés et les objets précieux du Temple qu’il lit transporter à Babylone. IV Reg., xxv, 15. Nabuchodonosor ayant nommé Godolias gouverneur de la Judée, IV Reg., xxv, 22 ; Jer., XL, 5, il recommanda à Nabuzardan de prendre soin de Jérémie et celui-ci se retira auprès de Godolias. Jer., xxxix, 14 ; XL, 6, Le chef babylonien qui l’avait délivré de prison, l’avait traité avec une extrême bienveillance, et lui avait donné pleine liberté. Jer., XL, 1-6. Nabuzardan quitta alors la Judée, emmenant avec lui les principaux captifs de Jérusalem à Nabuchodonosor qui se trouvait en ce moment à Reblatha (Riblah). Il Reg., xxv, 18-20. Avant son départ, Nabuzardan, dont le caractère était plein de modération, avait recommandé à Godolias les filles du roi et les restes du peuplei Jer., xii, 10. Cinq ans plus tard, nous retrouvons Nabuzardan en Judée, lors sans doute de la campagne de Nabuchodonosor contre l’Egypte. Josèphe, Ant. jud., X, îx, 7. Jérémie, Lll, 30, nous apprend que Nabuzardan emmena alors sept cent quarante-cinq Juifs en captivité, mais sans nous expliquer à quelle occasion et pour quel motif. F. Vigouroux.
- NACHMANIDE ou BEN NAHMAN##
NACHMANIDE ou BEN NAHMAN (Moïse), né à Girone en Catalogne en 1194, mort à Saint-Jean-d’Acre vers 1268. Les Juifs lui donnent souvent le nom de Ramban, abréviation de Rabbi Moïse ben Nahman. Intelligence vive, imagination riche, esprit avide de savoir, il fut également poète, philosophe, médecin, exégète, talmudiste et cabaliste. Son influence fut considérable, surtout à ce dernier point de vue : il fit école et eut un grand nombre de disciples. Mais s’il donna une si large part à l’interprétation cabaliste et mystique, il pénétra cependant le sens littéral du texte sacré avec une rare sagacité et il a fait laire des progrès importants à l’exégèse grammaticale et rationnelle, À Barcelone, en 1263, devant le roi d’Aragon, Jacques Ier, il soutint une controverse sur la venue du Messie et quelques autres points de doctrine avec les dominicains Paul Christiani et Raymond Martin, l’auteur du Pugio fidei, controverse publiée dans Tela ignea Satanss de Wagenseil, in-4o, Altorf, 1681. En 1267, Nachmanide fit le voyage de Jérusalem, où il fonda une école qui subsistait encore au xvie siècle : il y demeura peu de temps, et se retira à
Saint-Jean-d’Acre où il ne tarda pas à mourir. Parmi ses nombreux ouvrages les suivants seulement se rapportent à l’exégèse sacrée : Un commentaire sur le Pentateuque, Bïûr’al haftorâh, « Exposition de la Loi, » selon le sens philosophique et traditionnel, mystique et cabalistique, in-f », Lisbonne, 1489 ; Naples, 1490 ; Salonique, 1521 ; Constantinople, 1522, etc. Un commentaire sur le livre de Job, imprimé la première fois dans la Bible rabbinique de Bomberg, in-f », Venise, 1517, avec des tirages à part en in-4o, et dans la grande Bible rabbinique d’Amsterdam, in-f°, Amsterdam, 1724-1727. Pour le commentaire cabalistique sur le Canlique des Cantiques, in-4o, Altona, 1764 ; Berlin, 1784, etc., il faut dire que selon plusieurs critiques, il serait d’un de ses maîtres, Azriel ben Menahem. Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8o, Paris, 1881, p. 276-277 ; J. Chr. Wolf, Bibliotheca Hebrsea, in-8o, Hambourg, 1715, t. i, p. 876-881 ; J. Fûrst, Bibliotheca Judaica, in-8o, Leipzig, 1863, t. iii, p. 2-8.
E. Levesque.
- NACHON##
NACHON (AIRE DE). Voir Aire de Nachon, t. i, col. 328.
- NACHOR##
NACHOR (hébreu : Nâhor ; Septante : Na^p), nom du grand-père et d’un frère d’Abraham.
1. NACHOR, fils de Sarug, père de Tharé et grand-père d’Abraham. Gen., xt, 22 ; I Par., i, 26. Il engendra son fils Tharé à 29 ans, et il mourut à l’âge de 148 ans après avoir engendré des fils et des filles. Gen., xi, 22 25. Il est nommé par saint Luc, iii, 34, dans la généalogie de Notre-Seigneur.
2. NACHOR, fils de Tharé et frère d’Abraham. Gen., xi, 26 ; Jos., xxiv, 2. D’après l’énumération de la Genèse, Nachor était le frère cadet d’Abraham. Certains commentateurs croient cependant qu’il était son aîné, sans pouvoir l’établir par des raisons suffisantes. Il épousa sa nièce Melcha, fille d’Aran et sœur de Lot. Gen., xt, 29, 31. Ce mariage est mentionné avant l’émigration de Tharé et de sa famille en Mésopotamie. Le nom de Nachor ne figure pas dans l’énumération des émigrants, Gen., xi, 31, qui allèrent s’établir à Haran, mais la suite de l’histoire, montre que le frère d’Abraham faisait partie de la caravane, car Haran est appelée, Gen., xxiv, 10, « la ville de Nachor, » c’est-à-dire la ville où habitait Nachor et où se fixa sa famille. Gen., xxvii, 43. Ce patriarche eut douze fils, huit d’entre eux lui furent donnés par sa femme de premier rang, Melcha, et quatre par une femme de second rang, Roma. Les huit fils de Melcha sont Rus, Buz, Camuel, Cased, Asan, Pheldas, Jedlaph et Bathuel ; les quatre fils de Roma sont Tabée, Gaham, Tahas et Maacha. Gen., xxii, 20-24. Ces douze fils de Nachor devinrent les pères ou les éponymes d’autant de tribus araméennes qui se répandirent surtout à l’ouest de l’Euphrate et dont quelques-unes descendirent jusqu’au sud dans le voisinage des montagnes de Galaad, mais dont plusieurs ne sont pas identifiées. On peut remarquer que Nachor eut le même nombre de fils que Jacob et qu’lsmaël. Quelques commentateurs ont noté que huit de ses enfants lui étaient nés, comme ponr Jacob, d’une femme de premier rang et. quatre d’une femme de second rang, mais il y a cette différence entre les deux patriarches, que Jacob eut quatre femmes et non pas seulement deux. — Lorsque Abraham eut quitté son frère Nachor pour aller dans la Terre Promise, tout rapport ne cessa pas entre eux. Abraham reçut en Palestine des nouvelles de la famille de Nachor, Gen., xxii, 20, et il ne voulut pour femme de son fils Isaac qu’une fille de sa parenté. Gen., xxiv, 4. Il envoya son serviteur Éllézer en Mésopotamie 1 pour l’y chercher et il ramena, en effet, Rébècca, fille de Bathuel et petite-fille de Nachor, laquelle devint la mère
de Jacob et d’Ésaû. Gen. xxrv 10-61. Jacob à son tour prit, à Haran, ses deux femmes Lia et Rachel dans la descendance de Bathuel et de Laban, frère de Rébecca. Gen., xxis, 1-30. — Après le récit de ces événements, Nachor n’est plus nommé que deux fois dans l’Éeriture. Lorsque, après la fuite de Jacob de Mésopotamie, Laban, qui s’était mis à sa poursuite, l’atteint dans le pays de Galaad et fait enfin alliance avec lui, il place solennellement cette alliance sous la garde « du Dieu d’Abraham et du Dieu de Nachor ». Gen., xxxi, 5&. — Josué, dans son dernier discours à Israël, lui rappelle que ses ancêtres et « Tharé, père d’Abraham et de Nachor », avaient servi les faux dieux au delà, c’est-à-dire à Ur, à l’est de l’Euphrate. Jos., xxiv, 2. Divers commentateurs modernes veulent trouver une preuve de cet idolâtrie des descendants de Tharé dans les paroles de Laban, Gen., xxxi, 53. Ils les traduisent : « Que le Dieu d’Abraham, le Dieu de Nachor et le Dieu de leurs pères soient juges entre vous, » et concluent de là que Laban et Jacob adoraient un Dieu différent. Le texte hébreu porte, en effet, le pluriel, ispetû, « qu’ils soient juges, » comme s’il s’agissait de plusieurs dieux, mais le texte samaritain, les Septante et la Vulgate, ont tous le verbe au singulier, judicet, « soit juge, » et ne voient qu’un seul et même Dieu dans celui qui était l’objet du culte d’Abraham et de Nachor. Le pluriel du verbe s’explique dans le texte massorétique par la forme plurielle du nom de Dieu, ’Elôhim, qui s’emploie si fréquemment pour désigner le vrai Dieu, au singulier.
- NACLANT Jacques##
NACLANT Jacques, NACCHIANTE, théologien italien, de l’ordre des Frères-Prêcheurs, né à Florence, mort le 24 avril 1569. Il enseigna la théologie et la philosophie dans les couvents de son ordre. Paul III, en 1544, le nomma évêque de Chioggia dans l’état de Venise et en cette qualité il assista au concile de Trente. Parmi ses nombreux écrits, nous avons à mentionner : Enarrationes pise, doctm et catkolicse in Epistolam D. Pauli apostoli ad Ephesios, in quibus juxta Sacrant Scripturam et orthodoxam fidem sunt explicatse omnes fere diffieultates pietatis christianæ, in-8o, Venise, 1554 ; Enarrationes pise, doctse et calholicse in Epistolam. D. Pauli apostoli ad Romanos, in-8o, Venise, 1554 ; Sacrée Scripturie medulla, vel arcanorum Chris ti, quibus singulse mundi sunt locupletatæ xtates pia, docta ac clara deteclio, necnon perexacta discussio, in-4 « , Venise, 1561. Les œuvres de J. Naclant ont été réunies en 2 vol. in-f », Venise, 1657. — Voir Échard, Scriptores Ord. Prasdicatorum, t. ii, p. 202.
B. Heubtebize.
- NADAB##
NADAB (hébreu : Nâdàb, « libéral ; » Septante : Na-Siê), nom de quatre Israélites.
1. NADAB, fils aine d’Aaron et d’Elisabeth, Exod., VI, 23 ; I Par., vi, 3 ; xxiv, 1, 2. — Avec son père Aaron, son frère Abiu et soixante-dix anciens, Nadab fut appelé à monter sur le Sinaï, à la suite de Moïse, et, sans approcher de Jéhovah, à voir Dieu de loin. Exod., xxiv, 1, 2, 9-11. Il lut choisi pour être prêtre de Jéhovah avec son père et ses frères, Exod., xxxiii, 1, et reçut la consécration sacerdotale. Lev., viii, 2-36. Une coupable négligence fut bientôt la cause de sa mort tragique et de celle de son frère AJjiu. Tous deux avaient à offrir les parfums dans leur encensoir. Or, un feu perpétuel devait brûler « ur l’autel sans jamais s’éteindre, Lev., VI, 12, 13, et Jéhovah venait lui-même de joindre un feu miraculeux À celui qui consumait les holocaustes. Lev., ix, 24. C’est â ce feu sacré que Nadab et Abiu devaient alimenter leurs encensoirs. Au lieu de le faire, ils prirent du feu étranger, contrairement aux ordres donnés. Le châtiment les frappa aussitôt ; un feu sortide Jéhovah, c’est-à-dire de l’Arche, les dévora. Lev., x, 1-5 ; Num., iii, 2-4, xxvl, 60-61. Il importait que, dès le début, les fonctions sacerdotales fussent exécutées ponctuellement et d’une
manière rigoureusement conforme à la volonté de Dieu. Ainsi l’exigeait la nécessité de iaire pénétrer profondément dans l’esprit du peuple l’idée de la majesté divine. Les prêtres avaient aussi à retenir que rien de profane ne peut servir au culte du Seigneur. Voir Abiu, t. i, col. 61. Il est possible que les deux (/ères aient craint d’approcher du feu miraculeux envoyé sur l’autel par Jéhovah. Il est beaucoup moins probable qu’ils aient agi par ignorance. À la suite des rabbins, plusieurs pensent qu’à ce moment Nadab et Abiu, après les réjouissances qui avaient dû célébrer leur entrée en fonction, n’étaient pas très maîtres d’eux-mêmes. On le conclut de cette recommandation qui suit immédiatement lo récit de leur punition : « Jéhovah parla à Aaron et dit : Tu ne boiras ni viii, ni boisson enivrante, toi et tes fils avec toi, lorque vous entrerez dans la tente de réunion, afin que vous ne mourriez pas. » Lev., x, 8, 9. Le coup fut dur pour Aaron et sa famille. Lui-même et ses deux autres fils n’eurent pas le droit de prendre part au deuil général. Ils se devaient tout entiers et exclusivement au Seigneur. Lev., x, 6, 7. Aaron eut probablement à expier ainsi la part qu’il avait prise à la fabrication du veau
d’or. Exod., xxxii, 4.2. NADAB, roi d’Israël, fils et successeur de Jéroboam Ier. III Reg., xiv, 20. Il commença à régner la seconde année d’Asa, roi de Juda, et il occupa le trône deux ans à peine (954-953 ou 915-914). III Reg., xv, 25.
II marcha dans la voie impie et schismatique de son père ; il entretint Israël dans le péché, en le tenant éloigné du culte de Jéhovah, tel que Moïse l’avait réglé et tel qu’il se pratiquait à Jérusalem. Il entreprit le siégé de Gebbéthon, « ville des Philistins, » appartenant en réalité â la tribu de Dan, mais que les deux peuples se disputaient à raison de sa situation. Voir Gebbéthon, t. ii, col. 142. Pendant que Nadab, accompagné de tous les guerriers d’Israël, cherchait à reprendre la ville aux Philistins, l’un des officiers de son armée, Baasa, le mit à mort et devint roi à sa place. III Reg., xv, 26-28. Ainsi s’accomplit une prophétie faite par Ahias à Jéroboam.
III Reg., xiv, 10. H. Lesêtbe.
3. NADAB, fils aîné de Séméi, de la tribu de Juda. Il eut pour fils Saled et Apphaim. I Par., ii, 28, 30,
4. NADAB, de la tribu de Benjamin, cinquième fils d’Abigabaon ou Jéhiel. I Par., viii, 30 ; ix, 36. Voir Abigabaon, t. i, col. 47 ; Jéhiel 2, t. iii, col. 1219.
- NADABIA##
NADABIA (hébreu : Nedabyâh ; Septante : NaëaSîa ; ), le huitième fils de Jéchomias, roi de Juda. I Par., iii, 18. Certains critiques soutiennent cependant que, dans ce passage, l’auteur des Paralipomènes n’indique pas la filiation naturelle, mais l’ordre de succession, et que Nadabia et ses frères étaient réellement fils de Néri. Voir Néri.
NAGE, NATATION (hébreu : safyû), procédé pour se soutenir et avancer sur l’eau par le seul mouvement du corps. — Les Hébreux, en dehors sans doute des habitants des rives de la Méditerranée et du lac de Tibériade, ne se sont guère exercés à la natation, leur seul fleuve profond, le Jourdain, étant généralement trop rapide pour qu’on puisse s’y aventurer en dehors des gués. Il est raconté cependant qu’après un avantage remporté sur le général syrien Bacchides, Jonathas, qui ne se sentait pas en force, se jeta dans le Jourdain, avec ses compagnons, et ils le traversèrent à la nage. I Mach., ix, 48. Il est encore question de natation dans deux prophètes. Isaïe, xxv, 11, représente Moab plongé dans une mare, et « étendant ses mains comme le nageur ( Aassofiéh, natans) les étend pour nager (sàhàh, natare) ». Il n’est pas question des pieds parce qu’on ne les aperçoit
pas, surfont dans une mare. Ézéchiel, xlvii, 5, parle I gneur : « J’arroserai de sang le pays où tu nages (fàfâ, ( h » d’un torrent dont l’eau était si profonde que, pour le tra- | par allusion aux inondations du Nil qui font que les
396. — Nageur assyrien sur une outre suivant un kéiek posé lui-même sur des outres gonflées et transportant des pierres. British Muséum. D’après Place, Ninive et l’Astyrie, pi. 43.
verser, il fallait aller à la nage (safyâ). Le prophète songe probablement au procédé employé par les Assyriens, qui, pour traverser des cours d’eau, se servaient
terres semblent nager sur les eaux. — Elisée fit surnager ( ?ûf) le fer d’une hache qui était tombé dans l’eau. IV Reg., vi, 6. — Dans saint Jean, ix, 7, 11, la piscine
397. — Assyrien nageant. À gauche, deux hommes préparent l’outre sur laquelle ils vont traverser la rivière. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 15.
d’outrés remplies d’air (fig. 396) et se dirigeaient avec les mains (fig. 397). Au figuré, Ézéchiel, xxxii, 6, s’ad ressaut au roi d’Egypte, lui dit de la part du Séi de Siloé est appelée xolu{i.6rfi(>a., « piscine, bain, » et dans la Vulgate natatoria, « lieu où l’on nage. » Cette piscine a 16 mètres de long, 6 de large et 6 de profondeur. Oa
aurait donc pu y nager. Mais aucun texte ne parle de natation dans cette piscine. De nos jours, les habitants de Jérusalem se baignent dans la Fontaine de la Vierge qui alimente la piscine de Siloé. Voir GmoN, t. iii, col. 240. — Saint Pierre « se jette à la mer » de Tibériade, lorsqu’il reconnaît Jésus ressuscité. Joa., xxi, 7.
— Quand le navire qui porte saint Paul arrive à Malte, à la suite d’une longue tempête, et s’échoue sur la plage, c’est à la nage que beaucoup de passagers gagnent la
terre. Act., xxvii, 43.- NAGEL Paul##
NAGEL Paul, astrologue allemand, mort en 1621. Il fut professeur à Leipzig, puis recteur de l’école de Torgau. Livré à l’astrologie, il voulut expliquer l’Apocalypse, renouvelant les erreurs des Millénaires et fixant le commencement d’un âge d’or imaginaire vers l’année 1624. Son ouvrage a pour titre : Prôdromus astronomie apocalypticæ de motïbus tarn stellati firmamenti quam ecclesiastici, in-4o, Dantzig.
1620.- NAGGE##
NAGGE (grec : Na^yat), un des ancêtres de Notre-Seigneur, dans la généalogie de saint Luc, iii, 25. Il vivaitprobablementversl’époquedu pontificat d’Onias 1er, au commencement du règne des Séleucides. Quelques manuscrits grecs écrivent son nom Nayat. Qr, Nayai est dans les Septante, I Par., iii, 7, la transcription du nom hébreu de Nôggah, « splendeur, » Vulgate : Noge, qui était fils de David. Voir Nogé.
- NAHABI##
NAHABI (hébreu : Nattai ; Septante : Na<x( ; Alexandrinus : Na6â), fils de Vapsi, de la tribu de Nephthali, l’un des douze explorateurs qui furent envoyés par Moïse du désert de Pharan dans la terre de Chanaan. Num., xiii, 15 (hébreu, 14).
- NAHALIEL##
NAHALIEL (hébreu : Nahâli’êl, « torrent » ou « vallée de Dieu ; » Septante : Codex Vaticanus : Mavarj). ; Codex Alexandrinus : NaaXnqX), station des Israélites se rendant d’Egypte en Palestine. Num., xxi, 19. Elle n’est mentionnée qu’en cet endroit de l’Écriture, entre Matthana et Bamoth. Son emplacement est inconnu, mais nous savons qu’elle se trouvait dans le pays de Moab, au nord de l’Arnon, ouadi Modjib. Num., xxi, 13. Eur sèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gcettingue, 1870, p. 141, 282, nous la montrent près de ce torrent, mais il s’agit sans doute ici de la contrée arrosée par ses affluents supérieurs, comme l’ouadi Ualéh, par exemple. D’autres ont plutôt pensé à l’ouadi Zerqa Ma’in, situé plus au nord. Voir la carte de Moab, col. 1145. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and Neiv Testament, Londres, 1889, p. 134 ; G. A. Smith, The historical Geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 561. Nahaliel ne se rencontre pas dans l’itinéraire de Num., xxxm.
- NAHAM##
NAHAM, nom dans la Vulgate, de deux Israélites qui sont appelés en hébreu Na’am et Naham.
1. NAHAM (hébreu : Na’am ; Septante : No<5|j.), troisième fils de Caleb, fils de Jéphoné, de la tribu de Juda. I Par., iv, 15.
2. NAHAM (hébreu : Naham ; Septante : Nax « ï|).), Irère d’Odaïa, femme de Méred. Il eut pour fils Céila, de la tribu de Juda. I Par., iv, 19.
- NAHAMANI##
NAHAMANI (hébreu : Nabâmânî ; Septante : Nas (iavt ; Alexandrinus : Naannaveî), un des chefs qui re _ vinrent de Babylone en Palestine avec Zorobabel.
H Esd., vii, 7. Son nom est omis dans la liste parallèle
de IEsd., V, 8.
- NAHARAI##
NAHARAI (hébreu : Naheraî ; Septante : Na^top ; Alexandrinus : Naapaf), écuyer de Joab. Il était originaire deBérothet l’un des plus braves soldats de David. II Reg., xxili, 37 ; I Par., xi, 39.
- NAHASSON##
NAHASSON (hébreu : Na^Sôn ; Septante : N<x<j<xk>v)> fils d’Aminadab et chef de la tribu de Juda, lors du premier dénombrement des tribus fait dans le désert. Num., i, 7 ; ii, 3 ; vii, 12 ; x, 14 ; I Par., ii, 10-11. La femme d’Aaaron, Elisabeth, était une sœur de Nahasson. Exod., yi, 23. Son fils Salmon épousa Rahab de Jéricho. Ruth, iv, 20. C’était un des principaux personnages "qui vécurent à l’époque de l’Exode. Num., ii, 3 ; vii, 12 ; x, 14. Il mourut dans le désert, d’après Num., xxvi, 64-65. Nahasson fut un des ancêtres de David, Ruth, IV, 18-20 ; I Par., ii, 10, 12, et de Notre-Seigneur, et il est mentionné à ce titre, sous le nom Naasson, dans les deux généalogies de saint Matthieu, i, 4, et de saint Luc, iii, 32.
- NAHATH##
NAHATH (hébreu : Nafyat), nom d’un Iduméen et de deux lévites.
1. NAHATH (Septante : Nor/ôO ; Alexandrinus : Nax<5(i ; dans Gen., xxxvi, 13 ; Nax<<>9 ; Alexandrinus : N « x^> dans Gen., xxxvi, 17 ; N « xec ; Alex. : Nax'0> dans I Par., r, 37), un des’allâf (chef d’Édom). Il était fils de Rahuël et petit-fils d’Ésaû. Gen., xxxvi, 13, 17 ;
I Par., i, 37.
2. NAHATH (Septante : KawaàO ; Alexandrinus : Kvà9 ; Lucien : Nadtd), lévite de la descendance de Caath, second fils de Sophaï. I Par., vi, 26 (hébreu, 11).
II fut un des ancêtres du prophète Samuel et d’Héman et il figure, d’après certains critiques, dans la généalogie de Samuel sous la forme défigurée de Thohu. I Reg., i, 1. Cf. I Par., vi, 33 ou 34.
3. NAHATH (Septante : NasG), lévite qui vivait du temps d’Ezéchias. Il était chargé, avec quelque autres lévites, sous les ordres de Chonénias et de Séméi, de recevoir les dîmes, les prémices et tout ce qui était voué en l’honneur de Dieu. II Par., xxxi, 13.
- NAHUM##
NAHUM, nom, dans la Vulgate, de trois Israélites. Ce nom existe aussi dans l’onomastique phénicienne. Gesenius, Monum. Phœn., p. 134 ; Bœchh, Inscript, grsec. t t. ii, 25, 26 ; Corp. inscript, semit., t. i, 123 a3 - b3.
1. NAHUM (hébreu : Rehûm ; Septante : ’Ivaoûji), un des principaux Juifs qui revinrent de la captivité de Babylone en Palestine, du temps de Zorobabel. II Esd., vii, 7. Dans la liste parallèle, I Esd., ii, 2, il est appelé Rehum par la Vulgate. L’hébreu lui donne le nom de Rel.tûm dans les deux passages.
2. NAHUM (hébreu : Nahûm, « riche en consolation, » et aussi « consolator », comme traduit saint Jérôme ; à la forme intensive, de même que ràhûm, « riche en pitié, » hannûn, « riche en grâce ; » Septante : Naoûti), le septième des douze petits prophètes, entre Michée et Habacuc.
I. La patrie de Nahum. — Outre son nom et son livre, nous ne_connaissons, en ce qui le concerne, qu’une seule circonstance certaine, celle que marque l’épithète tfipbsn, kâ-’Elqôsi (Septante : toù’EXxeffafou ; Vulgate :
Elcessei), ajoutée à son nom dans le sous-titre de sa prophétie, i, 1. Encore est-elle l’objet d’une grande discussion. C’est à tort qu’on a parfois donné à ce nom, surtout dans l’antiquité, un caractère patronymique et qu’on lui a fait désigner le père de Nahum. Voir S. Jérôme, Proœm. in Nah., t. xxv, col. 1290 ; Pseudo-Épiphane, De vit. prophetarum, c. xvii, t. xlhi, col. 409 ; S. Cyrille d’Alexandrie, t. lxxi, col. 780 ; déjà le Tar
gum traduisait ce surnom par itf’ip ri’so, mibbef Qôsi, « de la maison, c’est-à-dire de la famille, de QôH. » Il désigne, cela n’est pas douteux, le lieu d’origine ou d’habitation du prophète, et signifie : originaire ou habitant &"Elqô$. Cf. les surnoms analogues de hâ-’Annetoti (Vulgate : Anathothiles) et de liam Morasfi (Vulgate : Morasthiles), donnés à Jérémie et à Michée, parce qu’ils étaient, le premier d’Anathoth, le secon d de MoréSet Gaf. Cf.Jer., xxix, 27 ; Mich., i, 14.Voiraussi IIIReg., xi, 29 ; xvii, i ; Jer., xxix, 23, etc. Sur le site d"ElqôS, voir Elcési, t. H, col. 1617.
Nous ne savons rien de la vie de Nahum. Il n’est mentionné nulle part ailleurs dans la Bible. La légende elle-même raconte peu de chose sur son compte, et dit seulement qu’il avait prophétisé que Ninive périrait par l’eau et le feu, et qu’il mourut et fut enseveli à Begabar. "Voir Pseudo-Épiphane, De vit. proph., 17, t. XLiii, col. 409 ; Huet, Demonstrat. evangel., iv, § 5 ; Carpzow, Introductio ad libr. canon. Bibliorum Vet. Test., t. iii, p. 386 sq. Nahum est mentionné en passant dans le second livre apocryphe d’Esdras, I, 40, et par l’historien Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 3. Sur l’époque à laquelle il vivait, voir plus bas, col. 1466.
II. Authenticité et intégrité du livre de Nahum, sa canonicité. — 1o Jusqu’à ces dernières années, personne n’avait attaqué l’authenticité de la prophétie de Nahum ; les critiques contemporains les plus hardis, Kuenen, Wellhausen, Cornill, etc. (voir col. 1468), l’admettaient eux-mêmes sans hésiter, pour l’écrit tout entier. Si quelques rares interprètes avaient rejeté, comme des gloses apocryphes, la première partie du titre, Onus Ninive, « prophétie contre Ninive, » ou encore la description de la ruine de Thèbes, Nah., iii, 8-10, on avait laissé tomber leurs objections, qui n’avaient rien de scientifique ; d’ailleurs, pour ce qui est de l’oracle relatif à Thèbes, les documents assyriens sont le meilleur garant de son authenticité comme de sa véracité. En effet, les détails historiques que donne l’écrivain sacré sont pleinement confirmés par les Annales d’Assurbanipal. Elles nous disent que le roi d’Egypte, Ourdaman, apprenant que le conquérant égyptien « avait franchi les frontières de l’Egypte, … abandonna Memphis et, pour sauver sa vie, s’enfuit à Thèbes ». L’inscription ajoute : « Je suivis la route qu’avait prise Ourdaman ; j’allai à Thèbes, la ville forte. Il vit l’approche de ma puissante armée, et abandonna Thèbes… Cette ville tout entière, au service d’Assur et d’Istar, mes armées la prirent… Un butin grand et innombrable, je l’emportai de la ville de Thèbes. » On lit dans une autre inscription : « Ils (les Assyriens ) s’emparèrent en entier de la ville et la détruisirent comme une inondation. » Voir F. Vigoureux, La Jiible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 8086 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 166-169.
Une objection plus grave et toute récente porte sur le passage i, 2-n, 3, dont on prétend enlever la paternité à Nahum. Voici les faits. Dans la troisième éditionde son Commentar ûber die Psalmen, 1873, p. 117, Frz. Delitzsch attira brièvement l’attention de ses lecteurs sur une remarque du pasteur wurtembergeois G. Frohmeyer, d’après lequel il y aurait des traces d’un arrangement alphabétique dans Nah., i, 3-7. Partant de là, un savant catholique, le D r Bickell, qui a consacré une partie considérable de ses travaux à la recherche du mètre poétique hébreu, a fait, entre les années 1880 et 1894, plusieurs tentatives pour reconstruire le texte primitif du chap. Ier de Nahum. D’après lui, le poème alphabétique n’aurait pas seulement occupé les versets 2-7, mais les versets 2-10, et ce poème aurait été composé oxquisito artificio, d’une manière à peu prés régulière pour les lettres Nàc, dont chacune commence un vers ou une partie de vers, mais irrégulièrement pour les autres lettres. Voir son article dans ïeZeitschrift der deut schen morgenlând. GeselUchaft, 1880, t. xxxiv, p. 559 et suiv. ; ses Carmina Veteris Testant, metrice, 1882, p. 211-213 ; ses Dichtungen der Bebràer, 1882, 1. 1, p. 72 ; un autre article, intitulé Beitrâge zur semit. Metrik, das alphabetà. Lied in Nah., i, 2-u, 3, dans les Sitzungsberiehte de l’Académie impériale des Sciences de Vienne 1894, Abhandl. v. Le D’Gunkel, qui appartient au rationalisme le plus avancé, a fait aussi un essai de reconstruction du prétendu cantique ; mais, à part le résultat général, ses conclusions durèrent notablement de celles de M. Bickell, qu’il déclare inadmissibles. Selon lui, l’acrostiche en question s’étend de Nah., i, 2, à Nah., Il, 3 : les lettres N à h sont représentées dans la première moitié de ce passage, i, 2-8, et les lettres Dan dans la seconde moitié, i, 9-H, 3. Il y aurait eu à l’origine 22 distiques, dont chacun commençait par une lettre différente de l’alphabet hébreu ; mais le texte a tellement souffert entre les mains des copistes, que la construction alphabétique a presque entièrement disparu en certains endroits, surtout dans la deuxième partie. Voir la Zeitschriftfûr alltestamenttiche Wissenschaft, 1894, t. xii, p. 223-244, et aussi, du même auteur, l’ouvrage Schôpfung und Chaos, 1895, p. 102 sq. C’est M. Gunkel qui, de cette hypothèse, a tiré le premier la conclusion que tout ce passage du livre de Nahum ne lui appartenait pas à l’origine, qu’il est l’œuvre d’un poète juif d’après l’exil, et que le rédacteur l’a placé en têle de la prophétie proprement dite, relative au jugement de Ninive, pour lui servir d’introduction. Plusieurs néo-critiques ont accepté cette opinion. Voir W. Nowack, die kleinen Propheten ûbersetzt und erklârt, Gœttingue, 1897, p. 227 et 231 ; G. Buchanan Gray, dans The Expositor, sept. 1898 ; K. Marti, Dodekapropheton erklârt, Tubingue, 1904, p. 308, etc. Néanmoins, des interprètes aux principes assez larges, tels que MM. A. D. Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, Londres, 1896, p. 18-208, et Driver, Eœpository Times, déc. 1897, t. ix, p. 19, se refusent à y souscrire, la regardant très justement comme une simple conjecture, dont la vérité n’a pas été démontrée. Non seulement la théorie de M. Gunkel diffère de celle du D r Bickell, mais ce dernier a dû transformer la sienne jusqu’à trois fois, et leurs imitateurs sont loin d’être d’accord avec eux sur tous les points. Et quelle violence ne faut-il pas infliger au texte hébreu, « pour faire entrer ce morceau dans le vêtement étroit d’une forme alphabétique ! » Davidson, Nahum, p. 19. On supprime tels et tels mots gênants ; on en ajoute d’autres, requis pour les besoins de la cause. On iait des substitutions, des transpositions, etc., toutes choses « qui nous paraissent intrinsèquement invraisemblables ». Driver, l. c. Si l’on trouve çà et là des traces d’un arrangement alphabétique (voir les versets 5-7, où les lettres ii, i, n et is se suivent en tête des propositions), ce fait paraît être purement accidentel. Enfin, alors même que l’hypothèse de MM. Bickell, Gunkel, etc., serait vraie, on se demande pourquoi le prophète Nahum aurait été incapable de composer un tel poème. On a prétendu sans raison que les écrivains bibliques les plus récents furent les premiers et les seuls à goûter ce genre de littérature. Sur cette question, voyez encore O. Happel, Der Psalm Nahum kritisch untersucht, 1900, et W. R. Arnold, The Composition of Nah., i-n, 3, dans la Zeitschrift der alttestam. Wissenschaft, 1901, p. 225-265.
2o La Synagogue et l’Église chrétienne ont tour à tour admis sans hésitation l’oracle de Nahum parmi les livres canoniques ; sous ce rapport, il a joui sans cesse d’une autorité incontestée. Voir J. Fùrst, der Kanon des A. Test, nach den Ueberlieferungcn in Talmud u. Midrasch, 1868, p. 28 sq. ; F. Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 1876, §§ 25-37 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t. i, n. 27 sq. ; L. Wogue, grand rabbin, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, 1881, p. 12 sq. Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/759 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/760
Zuiôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 369-405 ; The Speakers Bible, Londres, 1882, t. vi, p. 634-649 ; von Orelli, Dos Buçh Ezechiel und die zwôlf kleinen Propheten, Nordlingue, 1883, p. 316-324 ; A. C. Jennings, dans Ellicott, An Old Test, conimentary for English leaders ; Wellhâusen, Skizzenund Vorarbeiten, Heft v, -Oie kleinen Propheten ûbersetzt mit Noten, Berlin, 1883, p. 31-33, 155-161 ; A. B. Davidson, Nahum, Hahakkuk and Zephaniah, Cambridge, 1896, p. 9-44 ; W. Nowack, Die kleinen Propheten ûbersetzt und erklârt, Gœltingue, 1897, p. 226-246 ; G. A. Smith, The ininor Prophets, t. ii, Londres, 1898 ; A. Billerbeck et
Gœttingue, 1870, p. 285, place Noeîv à douze milles (plus de dix-sept kilomètres) au sud du Thabor ; la distance est de moitié trop grande. Saint Jérôme, de son côté, ibid., p. 143, en corrigeant Eusèbe, et marquant deux milles (près de trois kilomètres), réduit beaucoup trop cette distance. Il ne peut, en effet, y avoir de doute sur l’identification de cette ville, qui subsiste encore aujourd’hui exactement sous le même nom de ( - J xi, Naîn, et se trouve sur la pente nord-ouest du Djebel Dahy ou petit Hermon. Voir la carte de la Galilée, t. iii, col. 88. Ce n’est plus actuellement qu’un pauvre village composé de misérables huttes (fig. 398). Cependant les nom "1
398. — Vue de Naïm. D’après une photographie.
A. Jeremias, Der Vntergang Ninevehs und die Weissagungsschrift des Nahums von Elkosch, dans les Beitràge zur semitischen Sprachwissenschaft de Frd. Delitzsch et F. Haupt, t. iii, 1898, p. 87-188 ; J. Happel, Dos Buch des Proph. Nahums erklàrt, 1902 ; C. Marti, Dodekapropheton érklârt, Tubingue, 1904, p. 303-325.
L. Fillion.
3. NAHUM (grec : Naoû|i), fils d’Hesli et père d’Amos, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, iii, 25.
NAIM (Nai’v), ville de Palestine où Notre-Seigneur ressuscita le fils unique d’une pauvre veuve. Luc, vii, 11. Elle n’est mentionnée qu’en ce seul endroit de l’Écriture. Il en est question dans le Talmud, où le nom est écrit n>ya, Na’îni, ce qui veut dire « beau,
agréable ». Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 188. D’autres supposent le nom primitif VH2, Na’in, qui viendrait de rnM, nd’dh, ma, ndvâh,
T TT TT
t beau » et aussi « pâturage ». Le site, nous le verrons, correspond à l’étymologie. Eusèbe, Onomastica sacra,
breux monceaux de débris qu’on retrouve aux alentours montrent qu’il avait autrefois plus d’importance. La situation n’en est pas moins gracieuse ; en bas, la vue s’étend" sur la vaste et fertile plaine d’Esdrelon ; plus loin, vers le nord, elle se promène sur les collines boisées de la Galilée, sur le Thabor ; elle se porte enfin à l’horizon jusqu’aux pics neigeux du Liban et du grand Hermon. De ce qu’on ne voit pas trace d’anciennes murailles, Conder, Tent Work in Palestine, Londres, 1889, p. 63, en conclutque la ville n’avait pas d’enceinte, et que par là même, « la porte, » thjXti tîjç nôXcuç, dont il est question dans le texte évangélique, Luc, vii, 12, indique simplement l’entrée ou la partie du chemin qui atteignait les premières maisons, comme on dit « la porte d’une vallée, la porte d’un défilé ». La raison ne semble pas suffisante, la ville n’ayant jamais dû avoir de bien fortes murailles. Quoi qu’il en soit, la montée qui conduit au village est probablement celle que gravissait le Sauveur lorsqu’il rencontra le convoi funèbre. Les tombeaux qu’on aperçoit non loin, creusés dans la paroi du rocher, sont de ceux vers lesquels se dirigeait la foule en deuil. L’expression èUxou-fïeTo, « le défunt était emPage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/762 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/763 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/764 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/765 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/766 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/767 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/768 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/769 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/770