Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes

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Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes




MÉMOIRE

SUR LE

SYSTÈME PRIMITIF DES VOYELLES

DANS LES

LANGUES INDO-EUROPÉENNES

1879[1]



TABLE DES MATIÈRES.

Pages
Revue des différentes opinions émises sur le système des a 3
Chapitre I. Les liquides et nasales sonantes 7
     § 1. Liquides sonantes 7
     § 2. Nasales sonantes 19
     § 3. Complément aux paragraphes précédents 43
Chapitre II. Le phonème dans les langues européennes 48
     § 4. La voyelle a des langues du nord a une double origine 48
     § 5. Équivalence de l’α grec et de l’a italique 50
     § 6. Le phonème dans les langues du nord 59
Chapitre III. Les deux o gréco-italiques 66
     § 7. O2 gréco-italique. — a2 indo-européen 66
     § 8. Second o gréco-italique 90
Chapitre IV. § 9. Indices de la pluralité des a dans la langue mère indo-européenne 110
Chapitre V. Rôle grammatical des différentes espèces d’a 116
     § 10. La racine à l’état normal 116
     § 11. Rôle grammatical des phonèmes et . Système complet des voyelles primordiales 127
     § 12. Aperçu synoptique des variations du vocalisme amenées par la flexion 173
     § 13. Aperçu synoptique des variations du vocalisme amenées par la formation des mots 213
Chapitre VI. De différents phénomènes relatifs aux sonantes i, u, r, n, m 223
     § 14. Liquides et nasales sonantes longues 223
     § 15. Phénomènes spéciaux 257
Additions et corrections 265





Étudier les formes multiples sous lesquelles se manifeste ce qu’on appelle l’a indo-européen, tel est l’objet immédiat de cet opuscule : le reste des voyelles ne sera pris en considération qu’autant que les phénomènes relatifs à l’a en fourniront l’occasion. Mais si, arrivés au bout du champ ainsi circonscrit, le tableau du vocalisme indo-européen s’est modifié peu à peu sous nos yeux et que nous le voyions se grouper tout entier autour de l’a, prendre vis-à-vis de lui une attitude nouvelle, il est clair qu’en fait c’est le système, des voyelles dans son ensemble qui sera entré dans le rayon de notre observation et dont le nom doit être inscrit à la première page.

Aucune matière n’est plus controversée ; les opinions sont divisées presque à l’infini, et les différents auteurs ont rarement fait une application parfaitement rigoureuse de leurs idées. À cela s’ajoute que la question de l’a est en connexion avec une série de problèmes de phonétique et de morphologie dont les uns attendent encore leur solution, dont plusieurs n’ont même pas été posés. Aussi aurons-nous souvent, dans le cours de notre pérégrination, à traverser les régions les plus incultes de la linguistique indo-européenne. Si néanmoins nous nous y aventurons, bien convaincu d’avance que notre inexpérience s’égarera mainte fois dans le dédale, c’est que, pour quiconque s’occupe de ces études, s’attaquer à de telles questions n’est pas une témérité, comme on le dit souvent : c’est une nécessité, c’est la première école où il faut passer ; car il s’agit ici, non de spéculations d’un ordre transcendant, mais de la recherche de données élémentaires, sans lesquelles tout flotte, tout est arbitraire et incertitude.

Je suis obligé de retirer plusieurs des opinions que j’ai émises dans un article des Mémoires de la Société de Linguistique de Paris intitulé Essai d’une distinction des différents a indo-européens. En particulier la ressemblance de ar avec les phonèmes sortis du m’avait conduit à rejeter, fort à contre-cœur, la théorie des liquides et nasales sonantes à laquelle je suis revenu après mûre réflexion.


Bopp et ceux qui suivirent immédiatement l’illustre auteur de la Grammaire Comparée se bornèrent à constater qu’en regard des trois voyelles a e o des langues européennes, l’arien montrait uniformément a. L’e et l’o passèrent dès lors pour des affaiblissements propres aux idiomes de l’Occident et relativement récents de l’a unique indo-européen.

Le travail de M. Curtius dans les Sitzungsherichte der Kgl. Sächs. Ges. der Wiss. (1864) enrichit la science d’un grand fait de plus : M. Curtius montrait que l’e apparaît à la même place dans toutes les langues d’Europe, qu’il ne peut par conséquent s’être développé indépendamment dans chacune d’elles. Et partant de l’idée reçue que la langue-mère ne possédait que les trois voyelles a i u, il tira cette conclusion que tous les peuples européens avaient dû traverser une période commune, où, parlant encore une même langue, ils étaient déjà séparés de leurs frères d’Asie : que durant cette période une partie des a s’étaient — sous une influence inconnue — affaiblis en e, tandis que le reste persistait comme a. Plus tard les différentes langues ont laissé s’accomplir, séparément les unes des autres, un second scindement de l’a qui a produit l’o. Au sud de l’Europe néanmoins, cette voyelle a dû prendre naissance dès avant la fin de la période gréco-italique, vu la concordance de l’o des deux langues classiques, notamment dans la déclinaison des thèmes masculins en -a (ἵππος = equos).

Nous croyons représenter exactement le système de M. Curtius par le tableau suivant[2] :

Indo-europ. a ā
Européen a ; e ā
Plus tard ao ; e ā

L’exposé de M. Fick (Spracheinheit der Indogermanen Europas, p. 176 seq.) reproduit en gros le système précédent. L’ancien a s’est scindé dans la période européenne en a et e. Lorsqu’un mot montre e dans toutes les langues, il faut supposer que le changement de son a en e remonte jusqu’à cette période ; apparaît-il au contraire avec a ou o, ne fût-ce que dans une seule langue, il faut admettre que l’a subsistait encore à l’époque de la communauté. L’ablaut du grec δέρκομαι δέδορκα, mais surtout du germanique ita at, est une admirable utilisation du scindement de l’a. Sur ce dernier point chez M. Curtius cf. la note ci-dessous [p. 4].

Autre était le système de Schleicher. Admettant dans chaque série vocalique deux degrés de renforcement produits par l’adjonction d’un ou de deux a, il posait pour la série de l’a les trois termes : a aa āa.

Il retrouve ces trois degrés en grec : a y est représenté ordinairement par ε (ex. ἔδω), puis par ο (ποδός) et par α (ἄκων). a + a, le premier renforcement, est représenté par ο lorsqu’il se produit sur un ε, ainsi « γέ-γον-α, forme première : ga-gān-a ; skr. ǵá-ǵān-a, à côté de ἐ-γεν-όμην. » Ce même degré se traduit sous la forme de ᾱ, η, lorsqu’il a un α pour base : ἔλακον, λέλᾱκα. Le second renforcement est ω : ἔρρωγα. – Le gotique posséderait aussi les trois degrés ; les autres langues auraient confondu les deux renforcements.

L’arbre généalogique des langues, tel que le construisait Schleicher, n’étant pas celui que la plupart des autres savants ont adopté et ne comportant pas de période européenne, il est clair que l’e des langues d’Europe ne remonte pas pour lui à une origine commune. En particulier l’i gotique a dans son Compendium une tout autre place que l’ε grec : ce dernier est considéré comme le représentant régulier de l’a indo-européen, l’i gotique comme un affaiblissement anormal. Nous faisons donc abstraction de l’idée d’un développement historique commun du vocalisme européen, en formulant dans le schéma suivant le système de Schleicher :

Indo-europ. a aa āa
Européen a e o a o ā ā

Il faut noter en outre que l’α grec et l’a latin ne sont pas mentionnés comme degrés renforcés.

Dans un opuscule intitulé : Die bildung der tempusstämme durch vocalsteigerung (Berlin 1871), le germaniste Amelung, prématurément enlevé à la science, a essayé d’appliquer le système de Schleicher d’une manière plus conséquente en le combinant avec la donnée de l’e commun européen. Cet e est à ses yeux le seul représentant normal de l’a non renforcé. L’a européen – sous lequel il comprend aussi l’o, comme l’avait fait M. Curtius – remonte au premier renforcement qu’il désigne par ā, et le second renforcement (â) est l’ā long des langues d’Europe. Les présents tels que got. fara, gr. ἄγω, ὄζω montrent donc une voyelle renforcée, et il faut admettre que ce sont des dénominatifs. – En un mot le dualisme d’e et a est primitif, et le rapport qu’il y a entre eux est celui de la voyelle simple à la voyelle renforcée. Voici le tableau :

Indo-europ. a ā â
(Arien a a ā ā)
Européen e a ā
Gotique i a ō
Grec ε α ο ᾱ ω

Le débat qu’Amelung a eu sur cette question avec M. Leo Meyer dans le Journal de Kuhn (XXI et XXII) n’a pas apporté de modification essentielle à ce système qui a été exposé une seconde fois d’une manière détaillée dans la Zeitschrift für deutsches Altertum XVIII 161 seq.

M. Brugmann (Studien IX 367 seq., K. Z. XXIV 2) fait remonter l’existence de l’e, en tant que voyelle distincte de toute autre, à la période indo-européenne, sans prétendre par là que sa prononciation ait été dès l’origine celle d’un e ; et il en désigne le prototype par a₁. Concurremment à cette voyelle, le même savant trouve dans gr. lat. slav. o = lit. got. a = skr. ā (du moins dans les syllabes ouvertes) un phonème plus fort qu’il appelle a₂ et dont la naissance serait provoquée par l’accent.

D’après cette théorie on dresse assez généralement le tableau suivant, qui cependant n’est certainement pas celui qu’approuverait M. Brugmann lui-même, puisqu’il fait allusion (Studien IX 381) à la possibilité d’un plus grand nombre d’a primitifs :

Indo-europ. (a) ā
a a
Européen e a ā

On voit qu’en résumé, pour ce qui est des langues de l’Occident, les différents auteurs, quel que soit leur point de vue, opèrent avec trois grandeurs : l’e, l’a et l’ā des langues européennes. Notre tâche sera de mettre en lumière le fait qu’il s’agit en réalité de quatre termes différents, et non de trois ; que les idiomes du nord ont laissé se confondre deux phonèmes fondamentalement distincts et encore distingués au sud de l’Europe : a, voyelle simple, opposée à l’e ; et o, voyelle renforcée, qui n’est qu’un e à sa plus haute expression. La dispute entre les partisans du scindement (a primitif affaibli partiellement en e) et ceux du double a originaire (a₁, a₂ devenus e et a), cette dispute, il faut le dire, porte dans le vide, parce qu’on comprend sous le nom d’a des langues d’Europe un agrégat qui n’a point d’unité organique.

Ces quatre espèces d’a que nous allons essayer de retrouver à la base du vocalisme européen, nous les poursuivrons plus haut encore, et nous arriverons à la conclusion qu’ils appartenaient déjà à la langue mère d’où sont sorties les langues de l’Orient et de l’Occident.




Chapitre I.
Les liquides et nasales sonantes.




Avant de commencer une recherche sur l’a, il est indispensable de bien déterminer les limites de son domaine, et ici se présente d’emblée la question des liquides et nasales sonantes : car quiconque admet ces phonèmes dans la langue mère considérera une foule de voyelles des périodes historiques de la langue comme récentes et comme étrangères à la question de l’a.

L’hypothèse des nasales sonantes a été mise en avant et développée par M. Brugmann, Studien IX 287 seq. Dans le même travail (p. 325), l’auteur a touché incidemment le sujet des liquides sonantes, dont la première idée est due, paraît-il, à M. Osthoff.

§ 1. Liquides sonantes.

Dans la langue mère indo-européenne la liquide ou les liquides, si l’on en admet deux, existaient non seulement à l’état de consonnes, mais encore à l’état de sonantes, c’est-à-dire qu’elles étaient susceptibles d’accent syllabique, capables de former une syllabe. C’est ce qui a lieu, comme on sait, en temps historique, dans le sanskrit. Tout porte à croire que les liquides sonantes n’ont jamais pris naissance que par un affaiblissement, en raison duquel l’a qui précédait la liquide se trouvait expulsé ; mais cela n’empêche pas, comme nous le verrons, de les placer exactement sur le même rang que i et u.

Il est certain tout d’abord qu’au indien[3] correspond presque constamment en zend un phonème particulier, très-voisin sans doute du - voyelle, savoir ĕrĕ : aussi le de la période indo-iranienne ne trouvera plus aujourd’hui de sceptiques bien décidés. – L’ancien perse, il est vrai, n’offre rien de semblable, si ce n’est peut-être akunavam = skr. ákr̥ṇavam. En regard du skr. kr̥tá, du zd. kĕrĕta, il montre karta, et il n’y a point là d’inexactitude de l’écriture, car la transcription grecque nous donne αρ, par exemple dans ἄρξιϕος = skr. r̥ģipyá, zd. ĕrĕzifya « faucon »[4]. Les noms qui contiennent Ἀρτα- sont moins probants à cause du zend asha qui, lui aussi, remonte à *arta en dépit du skr. r̥tá.

En présence de l’accord du zend et du sanskrit, on est forcé d’admettre que le perse a confondu des phonèmes différents à l’origine, et c’est là un des exemples les plus patents de la tendance générale des langues ariennes à la monotonie du vocalisme ; l’iranien en cela rend des points au sanskrit, mais dans le sein de l’iranien même l’ancien perse est allé plus loin que le zend.

En regard du des langues ariennes, les langues d’Europe montrent toutes un r-consonne (ou l-consonne) accompagné d’une voyelle distinctement articulée. Mais cette voyelle est, chez plusieurs d’entre elles, de telle nature, qu’on ne saurait ramener simplement le groupe phonique où elle se trouve à a + r, et que tout parle au contraire pour qu’elle ne soit qu’un développement anaptyctique survenu postérieurement.

Au arien et indo-européen répond :

En grec : αρ, αλ ; ρα, λα
En latin : or, ul (ol)
En gotique : aúr, ul

Le slave et le lituanien n’ont pas conservé d’indice positif du . On peut dire seulement que cette dernière langue l’a remplacé souvent par ir, il.

Nous passons à l’énumération des cas.

1. Syllabe radicale.

L’ordre adopté ici, pour distinguer les différents cas où apparaît , se base sur une classification nouvelle des racines, qui ne pourra être justifiée que plus tard, mais qui ne saurait non plus désorienter le lecteur.

Nous ne nous occuperons que des racines contenant e. – Toute racine qui dans les langues d’Europe contient e, a la faculté d’expulser cet e et de prendre ainsi une forme plus faible, à condition seulement que les combinaisons phoniques ainsi produites puissent se prononcer commodément.

Sont à ranger dans les racines contenant e : les racines où se trouvent les diphtongues ei et eu et qu’on a l’habitude de citer sous leur forme affaiblie, privée d’e ; ainsi kei, sreu, deik, bheugh (ki, sru, dik, bhugh).

L’i et l’u de ces racines, ainsi que la liquide et la nasale des racines telles que derk bhendh, peuvent prendre le nom de coefficient sonantique. Ils concourent au vocalisme de la racine. Suivant que l’e persiste ou disparaît, leur fonction varie : r, l, m, n, de consonnes deviennent sonantes ; i et u passent de l’état symphtongue à l’état autophtongue.

A. Racines terminées par un coefficient sonantique.

Exemples kei (forme faible ki) sreu (f. fble sru) bher (f. fble bhr) men (f. fble mn).

B. Racines renfermant un coefficient sonantique suivi d’une consonne.

Ex. deik (f. fble dik) bheugh (f. fble bhugh) derk (f. fble dr̥k) bhendh (f. fble bhn̥dh.) C. Racines sans coefficient sonantique, terminées par une consonne.
Ex. pet (f. fble pt) sek (f. fble sk) sed (f. fble zd).

Nous n’avons pas à nous occuper ici des racines terminées par e, comme, en grec, θε δε ἐ.

Dans la forme faible, selon que le suffixe ajouté commence par une consonne ou par une voyelle, les racines de la classe A seront assimilables à celles de la classe B ou à celles de la classe C.

En effet, dans la classe B, le coefficient sonantique, à l’instant où l’e disparait, prend nécessairement la fonction de voyelle, puisqu’il se trouve entre deux consonnes. C’est là aussi ce qui arrive pour les racines de la classe A, lorsqu’elles prennent un suffixe commençant par une consonne : ainsi mn̥-to.

Mais si le suffixe commence par une voyelle, leur coefficient sonantique aura la qualité de consonne, et ces mêmes racines ressembleront de tout point aux racines de la classe C ; ainsi ἐ-πλ-ό-μην comme ἔ-σχ-ο-ν.

En vue du but spécial que nous nous proposons dans ce chapitre, nous tirons des remarques qui précèdent l’avantage suivant : c’est que nous connaissons le point précis où il faut s’attendre à trouver les liquides sonantes et que nous assistons pour ainsi dire à leur formation ; la comparaison seule d’un indien avec un αρ grec n’a, en effet, qu’une valeur précaire si l’on ne voit pas comment cet αρ a pris naissance et s’il y a une probabilité pour que ce soit un ar ordinaire. Partout où l’e tombe normalement, partout en particulier où apparaît l’i ou l’u autophtongue, les liquides sonantes doivent régulièrement exister ou avoir existé, si la position des consonnes les forçait à fonctionner comme voyelles.

a. formations verbales.

Aoriste thématique. On a dit souvent que ce temps coïncidait entièrement, pour ce qui est de la forme, avec l’imparfait de la sixième classe verbale des grammairiens hindous. Reste à savoir si cette sixième formation remonte aux temps indo-européens, comme cela est indubitable pour notre aoriste, mais infiniment moins certain pour le présent.

Quoi qu’il en soit, cet aoriste réclame l’expulsion de l’e – ou de l’a dans les langues ariennes –. En conséquence les racines des classes A et C (v. plus haut) font en grec très régulièrement :
πελ : ἐ-πλ-ό-μην πετ : ἐ-πτ-ό-μην
(ἐ)γερ : (ἔ)γρ-ε-το σεχ : ἔ-σχ-ο-ν
1 σεπ : ἔ-σπ-ο-ν
2 σεπ : ἐνί-σπ-ε[5]

Les impératifs σχές et ἐνίσπες ont déterminé M. Curtius à admettre dans ces deux aoristes la métathèse de la racine[6]. M. Osthoff, dans son livre : Das Verbum in der Nominalcomposition, p. 340, a déjà déclaré ne pouvoir souscrire à une opinion semblable de l’éminent linguiste relative aux présents comme γίγνομαι, μίμνω, et cela en partant aussi de la conviction que la dégradation de la racine y est absolument normale. Comment d’ailleurs la métathèse se mettra-t-elle d’accord avec le vocalisme des thèmes σχε σχο, σπε σπο ? – Ces impératifs ont donc suivi l’analogie de θές, ἕς.

Chose étonnante, le sanskrit ne forme cet aoriste que sur les racines de la classe B : les formes comme ἔ-πτ-ε-το lui sont étrangères ; la seule trace qu’il en offre peut-être est la 3e personne du plur. kránta qui, à côté de ákrata (3e pl.) a l’air d’être une forme thématique ; qu’on veuille bien comparer plus bas ce qui a trait aux nasales des désinences[7].

En revanche les exemples abondent pour les racines de la forme B : róhati áruhat, várdhati ávr̥dhat etc. En grec ϕευγ fait ἔϕυγον, στειχ fait ἔστιχον ; de même, et c’est là que nous en voulions venir,

δέρκομαι fait ἔ-δρακ-ο-ν (skr. ádr̥çam)
πέρθω ἔ-πραθ-ο-ν
πέρδω ἔ-παρδ-ο-ν
τέρπω  ταρπ-ώ-μεθα

ἔτραπον de τρέπω vient aussi d’une forme ἔτr̥πον, mais ici c’est une liquide précédant l’e qui s’est transformée en sonante.

Aoriste thématique redoublé. Il n’est pas certain que les aoristes causatifs du sanskrit soient immédiatement comparables aux aoristes grecs redoublés. Mais il existe d’autres aoristes indiens, moins nombreux, qui coïncident exactement avec les formes grecques : ici encore l’a (e) est invariablement expulsé.

Racines des formes A et C :

skr. sać : á-sa-çć-a-t[8] gr. σεπ : ἑ-σπ-έ-σθαι
pat : á-pa-pt-a-t κελ : ἐ-κέ-κλ-ε-το
ϕεν : ἔ-πε-ϕν-ον
τεμ : ἔ-τε-τμ-ον

Racines de la forme B, avec i, u pour coefficient sonantique :

skr. tveš : á-ti-tviš-a-nta gr. πειθ : πε-πιϑ-έ-σθαι
πευθ : πε-πυϑ-έ-σθαι

Et enfin avec une liquide pour coefficient sonantique :

skr. darh : á-da-dr̥h-a-nta gr. τερπ : τε-τάρπ-ε-το

M. Delbrück range une partie de ces formes indiennes dans le plus-que-parfait ; mais si l’on peut accéder sans réserves à sa manière de voir pour les formes sans voyelle thématique comme aģabhartana, on n’en sera que plus enclin à placer les premières sous la rubrique aoriste.

Parfait. Le parfait indo-européen affaiblissait la racine au pluriel et au duel de l’actif, et dans tout le moyen. Voy. en particulier Brugmann, Stud. IX 314. Ce mode de formation s’est conservé intact dans les langues ariennes.

Racines des formes A et C :

skr. sar : sa-sr-ús pat : pa-pt-ús

Devant les suffixes commençant par une consonne, certaines racines en r n’admettent pas l’i de liaison, et l’on a alors un comme dans ća-kr̥-má. Ce même i de liaison permet, chez les racines de la classe C, des formes telles que pa-pt-imá[9].

En arrivant aux racines de la forme B nous pouvons tout de suite mettre le gotique en regard de l’indien :

bhaugh : skr. bu-bhuģ-imá got. bug-um

et avec  :

vart : skr. va-vr̥t-imá got. vaurþ-um

Cf. got. baug = bubhóģa, varþ = vavárta.

En grec la forme du singulier a peu à peu empiété sur celle du pluriel ; dans les quelques restes de la formation primitive du pluriel actif (Curtius, Verb. II 169) nous trouvons encore ἐπέπιθμεν en regard de πέποιθα, ἔϊκτον en regard de ἔοικα, mais le hasard veut qu’aucun cas de n’ait subsisté[10]. Le moyen du moins s’est mieux conservé :

Racines de la forme A :

σπερ : ἔ-σπαρ-ται περ : πε-παρ-μένος
δερ : δε-δαρ-μένος στελ : ἔ-σταλ-μαι
ϕθερ : ἔ-ϕθαρ-μαι, cf. ἔ-ϕθορ-α
μερ : εἵ-μαρ-ται, et ἔ-μβρα-ται Hes. – cf. ἔ-μμορ-α

Il est superflu de faire remarquer encore ici que ἔ-ϕθαρ-μαι est à ϕθερ ce que ἔ-σσυ-μαι est à σευ.

Les langues italiques ont trop uniformisé la flexion verbale pour qu’on puisse s’attendre à retrouver chez elles l’alternance des formes faibles et des formes fortes. Mais il est fort possible que les doublets comme vertovorto proviennent de cette source. On ne doit pas attacher beaucoup d’importance à pepuli de pello, perculi de percello ; il y a peut-être là le même affaiblissement de la voyelle radicale que dans detineo, colligo, avec cette différence que l’influence du l aurait déterminé la teinte u au lieu d’i.

L’ombrien possède, en regard de l’impératif kuvertu, le futur antérieur vurtus – prononcé sans doute vortus – formé sur le thème faible du parfait. Sur les tables en écriture latine on a covertu et covortus. Si l’on était certain que covortuso fût un parfait (v. Bréal, Tables Eugubines, p. 361), cette forme serait précieuse. Seulement il ne faut pas perdre de vue que sur sol italique vort- représente aussi bien vart- que vr̥t-, en sorte que toutes ces formes ont peut-être pour point de départ le singulier du parfait, non pas le pluriel ; elles n’en restent pas moins remarquables. Autre exemple : persnimu, pepurkurent.

Présent. Dans la 2e et la 3e classe verbale, au présent et à l’imparfait, la racine ne conserve sa forme normale qu’aux trois personnes du singulier de l’actif ; le duel, le pluriel et tout le moyen demandent l’expulsion de l’a : ainsi, en sanskrit, pour ne citer que des racines de la forme A :

e fait i-más kar fait kr̥-thás (véd.)
ho ǵu-hu-más par pi-pr̥-más

En grec πίμ-πλα-μεν correspond exactement à pi-pr̥-más; cette forme, en effet, n’appartient point à une racine πλᾱ qui serait la métathèse de πελ, autrement les Doriens diraient πίμπλᾱμι. L’η panhellène indique au contraire que πίμπλημι est une transformation récente de *πίμπελμι = skr. píparmi[11].

La racine φερ prend la forme πι-φρα- (dans πιφράναι) qui est égale au skr. bi-bhr̥- (bibhr̥más). Les traces nombreuses de l’ε, par exemple dans φρές (Curtius, Stud. VIII 328 seq.), nous garantissent que la racine était bien φερ, non φρᾱ.

Les autres formations du présent n’offrant dans les langues d’Europe que des traces incertaines de , il n’y aurait pas grand avantage à les passer en revue. Rappelons seulement le latin po(r)sco identique à l’indien pr̥ććhā́mi. Si la racine est bien prak, le est né ici de la même manière que dans ἔτραπον de τρέπω. Pour comparer ces deux présents, il faut partir de l’idée que posco est bien le descendant direct de la forme indo-européenne, exempt de toute contamination venant des autres formes verbales, et une telle supposition aura toujours quelque chose de périlleux, étant donnée l’habitude des dialectes italiques de passer le niveau sur le vocalisme de la racine et de propager une seule et même forme à travers toute la flexion. Mais, dans le cas de posco, c’est sans doute précisément la forme du présent qu’on a généralisée de la sorte. – Avec les mêmes réserves, on peut rapprocher horreo et torreo, ce dernier dans le sens intransitif seulement, des présents indiens hŕ̥šyati et tŕ̥šyati[12] ; ces deux racines montrent l’e dans les formes grecques non affaiblies : χέρσος, τέρσομαι.

b. formations nominales.

Dans les langues ariennes, le participe passé passif en -tá rejette régulièrement l’a radical, si cela est possible, c’est-à-dire si la racine est de la forme A ou B (page 9). Ainsi en sanskrit yo donne yu-tá, en zend dar donne dĕrĕ-ta, etc. À la dernière forme citée correspond exactement le grec δαρ-τό ou δρα-τό de δέρω, et l’on a de même σπαρτός de σπερ, καρτός de κερ, (πάμ-)φθαρτος de φθερ.

Dans φερτός, dans ἄ-δερκτος et dans les autres adjectifs semblables, il faut voir des formations récentes. C’est ainsi, pour ne citer que cet exemple entre cent, qu’à côté de l’ancien πύσ-τι-ς = skr. buddhi, nous voyons apparaître πεῦσις, formé à nouveau sur l’analogie de πεύθομαι.

La racine de σπάρτον (câble) est σπερ, comme on le voit par σπεῖρα.

βλαστός = skr. vr̥ddhá montre aussi un λα fort régulier ; mais comme ce participe a perdu son présent, notre principal moyen de contrôle, savoir l’ε des formes congénères, nous fait ici défaut.

Le latin a pulsus de pello, vulsus de vello, perculsus de per-cello, sepultus de sepelio.

M. Fick identifie curtus – qui paraît être sorti de *cortus – au grec καρτός.

pro-cul rappelle vivement l’indien vi-pra-kr̥š-ṭa (éloigné), pra-kr̥š-ṭa (long, grand, en parlant d’une distance) ; il faudrait alors la ramener à un cas du thème *proculsto-[13]. recello et procello ont d’ailleurs un sens voisin de celui du skr. karš, mais comme verro s’en approche encore davantage, toute cette combinaison est sujette à caution.

On a comparé l’ancien mot forctus (Corssen, Ausspr. I² 101) au skr. dr̥ḍhá de darh.

L’étymologie porta a portando étant difficile à accepter, porta doit être un participe de la racine per (d’où gr. πείρω, διαμπέρες), et il équivaudrait à une forme grecque *παρτή.

Le gotique a les participes þaurft(a)-s, daurst(a)-s, faurht(a)-s, handu-vaurht(a)-s, skuld(a)-s.

L’adjonction du suffixe -ti nécessite également l’expulsion de l’a (e) radical. Nous ne citons que les cas où cette loi a donné naissance au  :

Les exemples abondent dans les langues d’Asie : skr. bhr̥-tí, zend bĕrĕ-ti de la racine bhar, et ainsi de suite.

Le grec a κάρ-σις de κερ. Hésychius donne : ἀγαρρίς· ἄθροισις (l’accent paraît être corrompu) qui doit remonter à *ἄγαρσι-ς de ἀγείρω. – στάλ-σις de στελ est d’une époque tardive.

Le gotique forme sur bairan : ga-baurþ(i)-s, sur tairan : ga-taurþ(i)-s ; de même þaurft(i)-s, fra-vaurht(i)-s.

Le latin fors (thème for-ti-) de fero coïncide avec le skr. bhr̥tí. – mors est l’équivalent du skr. mr̥ti, seulement le présent morior et le grec βροτός montrent que l’o est répandu par toute la racine et recommandent donc la prudence.

sors, pour *sorti-s, paraît être sorti de la même racine ser qui a donné exsero, desero, praesertim[14]. Le mot serait donc à l’origine simplement synonyme d’exsertum.

Si les adverbes en -tim dérivent, comme on le pense, de thèmes nominaux en -ti, il faut citer ici l’ombrien trah-vorfi = transversim ; cf. covertu.

Le suffixe -ú demande, dans la règle, l’affaiblissement de la racine. En dehors des langues ariennes, le ainsi produit se reflète encore fidèlement dans l’adjectif gotique :

þaursus (rac. þers) = skr. tr̥šú

Nous insistons moins sur les adjectifs grecs :

βραδύς = skr. mr̥dú[15]
πλατύς = skr. pr̥thú
Le lituanien platùs donnerait à croire que le λα de πλατύς est originaire, car dans cette langue on attendrait il comme continuation du . En tous cas on aimerait trouver parallèlement à πλατύς, βραδύς des formes contenant l’e[16].

Lorsque les racines des classes A et B (page 9) sont employées sans suffixe comme thèmes nominaux, elles expulsent leur a (en Europe leur e). Sous cette forme elles servent fréquemment en composition :

skr. bhed : pūr-bhíd   darç : saṃ-dŕ̥ç

Tel est, en grec, l’adverbe ὑπό-δρα(κ) de δερκ. Cf. pour la fonction comme pour la forme le skr. ā-pr̥k « mixtim ».

Voici enfin quelques mots, de différentes formations, qui renferment un  :

Skr. hŕ̥d « cœur » = lat. cord-. Le grec καρδία, κρᾰδίη se place à côté de la forme indienne hr̥dí. – Le got. hairto, le grec κῆρ (= κερδ ? Curtius, Grdz. 142) offrent une forme non affaiblie de la racine.

Skr. ŕ̥kša « ours » = gr. ἄρκτος = lat. ursus (*orcsus).

Le lat. cornua au pluriel répond peut-être exactement au védique çŕ̥ṅgā ; il serait donc pour *corṅgua. Dans cette hypothèse le singulier ne serait pas primitif. Le got. haurn, dans la même supposition, remonterait à *haurṅg, et la flexion se serait dirigée d’après la forme du nom. -accus. où la gutturale devait facilement tomber[17].

Le rapprochement du grec τράπελος avec le skr. tr̥prá, tr̥pála (Fick, W. I³ 96) demeure très incertain.

κάρχαρος « hérissé » (cf. κάρκαρος) fait penser au skr. kr̥ććhrá « âpre, pénible etc. ».

Le lat. furnus « four » sort de fornus = skr. ghr̥ṇā́ « ardeur ».

κελαινός « noir », ramené à *κ(ε)λασνyο-ς, devient le proche parent du skr. kr̥šṇá (même sens)[18].

λαυκᾰνίη « gosier » est pour *σλακϝαν-ίη, amplification du thème sŕ̥kvan, qui signifie en sanskrit coin de la bouche ; le thème parent srákva a suivant Böhtlingk et Roth le sens général de bouche, gueule.[19] L’épenthèse de l’u dans le mot grec a des analogies sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Chez des auteurs post-homériques on trouve aussi λευκανίη.

ε-ὐλακα (lacon.) « charrue », α-ὖλακ-ς « sillon » répondent, d’après l’étymologie de M. Fick, au védique vŕ̥ka « charrue ».

Le lat. morbus est sans doute parent du skr. mŕ̥dh « objet hostile, ennemi », mais la différence des thèmes ne permet pas d’affirmer que l’or du mot latin soit sorti de .

ταρτημόριον· τὸ τριτημόριον Hes. Cf. skr. tr̥tī́ya.

Gr. πράσον = lat. porrum contient sans doute aussi le .

Si l’on fait abstraction des formations courantes, comme les substantifs grecs en -σι-ς, dans lesquelles la voyelle du présent devait inévitablement pénétrer peu à peu, les exceptions à la loi de correspondance énoncée en commençant sont peu nombreuses.

Les cas tels que γέλγις – gr̥ńǵana, merdamŕ̥d, ou περκνός – pŕ̥çni n’entrent pas en considération, vu que les thèmes ne sont pas identiques ; à côté de περκνός nous trouvons d’ailleurs πρακνός (Curt., Grdz. 275). – δειράς (dor. δηράς) « crête de montagne » a été rapproché de skr. dr̥šád « pierre », mais à tort, car δειράς ne saurait se séparer de δειρή.

L’identification de Φλέγυς avec bhŕ̥gu (Kuhn, herabk. des feuers) est séduisante, mais elle ne peut passer pour parfaitement sûre.

Au skr. kŕ̥mi répond presque sans aucun doute, et très régulièrement pour ce qui est du , le got. vaurms ; mais le gr. ἕλμις, le lat. vermis montrent e. La forme de ce mot a du reste une instabilité remarquable dans son consonantisme[20] aussi bien que dans la voyelle radicale : l’épel krimi est très fréquent en sanskrit, et λίμινθες· ἕλμινθες· Πάφιοι (Hes.) nous donne la forme correspondante du grec.

2. Syllabes suffixales.

Les noms de parenté et les noms d’agent en -tar expulsent, aux cas faibles, l’a du suffixe qui se réduit à -tr, ou, devant les désinences commençant par une consonne, à -tr̥. De là :

gr. πα-τρ-ός, lat. pa-tr-is : cf. skr. pi-tr-á
et avec  :  gr. πα-τρά-σι = skr. pi-tŕ̥-šu.

cf. Brugmann, Zur Gesch. der stammabstufenden Declinationen, Studien IX 363 seq. On a de même : μητράσι, ἀνδράσι, ἀστράσι etc.

Le mot en -ar est-il le premier membre d’un composé, il faut attendre la forme faible, comme dans l’indien bhrātr̥-varga. Peut-être en grec ἀνδρά-ποδο-ν est-il, comme le prétend M. Brugmann, un dernier échantillon de ce mode de formation.

Au nom. -acc. sing. de certains neutres apparaît un suffixe -r̥ ou -r̥-t qui a donné skr. yákr̥t = gr. ἧπαρ = lat. jecur (probablement pour *jequor). Cependant tous les neutres grecs en -αρ ne remontent pas à une forme en  : οὖθαρ par exemple, répond au védique ū́dhar, et son α n’est point anaptyctique.

§ 2. Nasales sonantes.

Tandis que la liquide sonante s’est maintenue du moins dans l’antique langue de l’Inde, les nasales sonantes ont entièrement disparu, comme telles, du domaine indo-européen[21]. Il y a plus : la liquide, en cessant d’être sonante, n’a point du même coup cessé d’exister ; elle s’est bornée à prendre la fonction de consonne. Autre a été le sort des nasales, soit dans le grec, soit dans les langues ariennes : en donnant naissance à un phonème vocalique, elles ont elles-mêmes succombé, et, pour mettre le comble à la complication, le phonème en question est venu se confondre avec l’a.

Cet a n’a rien qui le fasse distinguer de prime abord dans le sanskrit ni dans le zend. En grec on peut heureusement le reconnaître plus facilement, parce qu’il se trouve souvent opposé à un ε radical (τείνω — τατός).

Dans les langues congénères la nasale s’est conservée ; en revanche, la voyelle qui s’est développée devant elle a pris, dans plusieurs de ces idiomes, la couleur de l’e ; et il est souvent impossible de savoir si le groupe en remplace réellement une nasale sonante.

Le travail où M. Brugmann a exposé sa théorie offre des matériaux considérables à qui est désireux d’étudier la question ; mais il convient de rassembler ici les principaux faits dont il s’agit, en les plaçant dans le cadre qui nous a servi pour les phénomènes relatifs aux liquides. Les deux séries se complètent et s’éclairent ainsi l’une l’autre.

Voici les différents phonèmes qui sont sortis des nasales sonantes :

(Indo-eur. [ń̥] ) (Indo-eur. [ń̥] )
Arien[22] a a Latin en em
Grec α α Paléosl. ę ę
Got. un um Lituan. in im

Les nasales sonantes ont pu prendre naissance de deux manières : ou par la chute d’un a, comme c’est toujours le cas pour les liquides sonantes ; ou par l’adjonction à un thème consonantique d’une désinence commençant par une nasale. Nous considérons d’abord le premier cas.

1. Syllabe radicale.
a. formations verbales.

Aoriste thématique (cf. page 10). L’indien randh « tomber aux mains de » a un aoriste á-radh-a-t, lequel sort de *a-rn̥dh-a-t, à supposer du moins que la racine soit bien randh, et non radh.

On voit ici dès l’abord le contraste des conceptions, suivant qu’on croit ou non à la nasale sonante. Jusqu’ici on regardait la nasale d’une racine telle que randh comme un élément mobile rejeté dans la forme faible. Avec la théorie nouvelle c’est au contraire l’a qui a été rejeté, en concordance parfaite avec ce qui a été développé plus haut, et l’a que nous voyons, l’a de áradhat, équivaut à une nasale, car il est fait de la substance même de cette nasale évanouie. Si le hasard avait voulu que ce fût un u et non un a qui se développât dans les langues ariennes sur la nasale sonante, l’aoriste en question serait « árudhat ».

Le grec est là pour en donner la preuve irréfragable, car chez lui la monotonie de l’a cesse et le dualisme se révèle dans les deux teintes ε et α :

La racine πενθ donne l’aoriste : ἔ-παθ-ον.[23]

L’aoriste thématique redoublé ne fournit aucun exemple grec. En sanskrit on peut citer le védique ća-krad-a-t de krand[24].

L’aoriste sans voyelle thématique qui coïncide pour la forme avec l’imparfait de la 2me classe verbale[25] n’a pas été mentionné plus haut à propos des liquides, parce qu’il n’offrait aucun cas de en Europe. — Le singulier de l’actif conserve l’a (e). Le reste de l’actif ainsi que tout le moyen l’expulsent ; on a donc en sanskrit :

 1º Racines de la forme A (page 9) :
çro : á-çrav-[a]m ; á-çrot çrutám
var : á-var(-s) á-vr̥-ta
et avec nasale sonante dans la forme faible :
gam : á-gan(-t) ga-tám
 2º Racines de la forme B[26] :
doh : á-dhok-(t) á-duh-ran
varǵ : vârk(-s) á-vr̥k-ta

M. Brugmann me fait part d’une explication très ingénieuse des aoristes grecs comme ἔχευα, ἔσσευα qui jusqu’alors avaient résisté à toute analyse. Ce sont les formes de l’actif correspondant aux aoristes moyens comme ἐχύμην, ἐσσύμην. La flexion primitive était : ἔχευα (pour ἔχευ), *ἔχευς, *ἔχευ(τ) ; — pluriel *ἔχυμεν etc. ; — moyen ἐχύμεν. Comme au parfait, l’α de la première personne ἔχευα s’est propagé par tout l’actif, et l’ancien pluriel à syllabe radicale faible s’est retiré devant des formes forgées sur le modèle du singulier (ἐχεύαμεν). Cet *ἔ-χυ-μεν qui n’existe plus et qui est à ἔχευα ce qu’en sanskrit *á-çru-ma est à á-çrav-am a son analogue parfait, avec nasale sonante, dans la forme ἔ-κτᾰ-μεν (rac. κτεν) : seulement, dans ce dernier aoriste, c’est le singulier qui a subi des changements sous l’influence du pluriel : *ἔ-κτεν-α, *ἔ-κτεν(-τ) ont été remplacés par ἔκταν, ἔκτᾰ. — Dans κτά-μεναι, κτά-σθαι, κτά-μενος, ἀπ-έ-κτα-το l’α doit être sorti directement de la sonante. — M. Curtius (Verb. I²192) fait remarquer que l’hypothèse d’une racine κτα est inadmissible.

Parfait (cf. page 12). Les racines de la forme A présentent encore en grec des restes du parfait primitif tels que :

μέ-μα-τον ; cf. sing. μέ-μον-α de μεν
γε-γά-την ; cf. pf. sg. γέ-γον-α de γεν

et au moyen :

τέ-τα-ται de τεν   πέ-φα-ται de φεν[27]

Dans les formes indiennes, la voyelle de liaison a permis à la nasale de rester consonne : ǵa-gm-imá, ta-tn-išé. Le participe sa-sa-ván (de san) offre la sonante ; cf. cependant ce mot au registre.

Dans les racines de la forme B on peut citer avec M. Brugmann : skr. tastámbha, 3e pl. tastabhús (c’est-à-dire tastm̥bhús) ; ćaććhánda a un optatif ćaććhadyát. En grec on a πεπαθυῖα en regard de πέπονθα (rac. πενθ) ; M. Brugmann, adoptant en outre une leçon d’Aristarque, obtient : πέ-πασθε (= πέ-παθ-τε) au lieu de πέποσθε Iliad. 3, 99 et pass. — Cf. cependant notre remarque sur ἔπαθον, p. 20 i. n.

Le got. bund-um (rac. bend) est naturellement pour bn̥dum, et tous les verbes gotiques de cette classe présentent semblablement la sonante au parf. pluriel et duel.

Présent. Dans la 2e classe verbale (cf. page 14) on peut signaler en grec (ἔ)ραμαι ramené à ῥ-μαι dans un récent article de M. Brugmann K. Z. XXIII 587 ; la racine est la même que dans l’indien rámati « se plaire, etc. » En sanskrit nous trouvons par exemple : hán-ti, 2e plur. ha-thás, c’est-à-dire hn̥-thás.

La 8e classe verbale fera l’objet d’un prochain travail de M. Brugmann, où il montrera que tanómi, vanómi etc., sont pour tn̥-nó-mi, vn̥-nómi. Aussi le grec montre-il l’alpha significatif dans τά-νυ-ται de la racine τεν, dans ἄ-νυ-ται de la rac. ἑν[28]. Cela est dans l’ordre, puisqu’on a, de la rac. kai : ći-nómi, de la rac. dhars : dhr̥š-ṇómi et non pas : « će-nomi, dharš-ṇómi[29] ».

La classe des inchoatifs ajoute -ska à la racine privée d’a : skr. yú-ććhati de yo, uććhati de vas. Il est clair par conséquent que yá-cchati de yam, gá-ććhati de gam ont la nasale sonante, et il n’y a pas de raison de croire que le grec βά-σκω soit formé différemment, bien qu’il puisse venir de la racine sœur βᾱ.

b. formations nominales.

Le suffixe -tá (cf. page 15) donne les thèmes suivants :

de tan (ten) : skr. ta-tá = gr. τα-τός = lat. ten-tus
de gam (gem) : skr. ga-tá = gr. βα-τός[30] = lat. ven-tus
de man (men) : skr. ma-tá = gr. μα-τος[31] = lat. mentus²
de ghan (ghen) : skr. ha-tá = gr. φα-τός[32]
de ram (rem) : skr. ra-tá = gr. ἐρα-τός (= lat. lentus ?)

Ces formes indiennes auxquelles il faut ajouter yatá de yam, natá de nam, kšatá de kšan, et qui se reproduisent dans le zend et l’ancien perse (zd. gata « parti », a. p. ǵata « tué » etc.) appartiendraient suivant Schleicher, Beiträge II 92 seq., à des racines en , et l’auteur s’en sert pour démontrer la théorie qu’on connaît ; mais comment se ferait-il que ce fussent précisément là les seuls cas d’un a sanskrit terminant une racine et que dans tous les exemples où la nasale n’est pas en jeu, on trouve i ou ī dans les mêmes participes : sthitá, pītá ? On peut dire tout au contraire que cet a porte en lui-même la preuve de son origine nasale.

Les thèmes en -ti (cf. page 16) sont tout semblables aux précédents : skr. tati = gr. τάσις, cf. lat. -tentio ; kšati (de kšan) a pour parallèle grec l’homérique ἀνδρo-κτασίη (de κτεν). Le skr. gáti, le gr. βάσις et le got. (ga-)qumþ(i)s se réunissent de même dans l’indo-européen gm̥-ti. Le got. (ga-)mund(i)s répond au véd. mati (skr. classique máti), au lat. men(ti)s[33].

Thèmes en -ú (cf. page 16). L’identité de l’ind. bahú et du gr. παχύς (bahulá = παχυλός) s’impose avec non moins de force que le rapprochement de pinguis avec παχύς que l’on doit à M. Curtius. On est obligé d’admettre la réduction de la première aspirée ph dans la période antéhistorique, où l’italique n’avait pas encore converti les aspirées en spirantes, et ceci n’est point sans doute un cas unique dans son genre. Or pinguis pour penguis nous prouve que l’a de bahú et de παχύς représente une nasale sonante. Le superlatif skr. báṃh-išṭha en offrait du reste la preuve immédiate.

Le skr. raghú, laghú = gr. ἐλαχύς contient également la nasale sonante, à en juger par les mots parents skr. ráṃhas et ráṃhi. Donc le latin lĕvis est pour *leṅhuis, *leṅuis ; les traitements divers de pinguis et de levis n’ont d’autre raison que la différence des gutturales (gh₁ et gh₂ : bahú, raghú). La discordance du vocalisme dans levis vis-à-vis d’ἐλαχύς est supprimée. Le lit. lèngvas, le zd. reñǵya confirment l’existence de la nasale. Enfin, pour revenir au skr. raghú, l’a de ce mot ne s’explique que s’il représente une nasale sonante, autrement il devait disparaître comme dans r̥ǵú (superl. ráǵišṭha) et dans les autres adjectifs en .

Le lat. densus indique que δασύς est pour δσύς.

L’affaiblissement de la syllabe radicale devant le suff. se vérifie encore dans βαθύ-ς, de la racine βενθ dont la forme pleine apparaît dans βένθ-ος. Ici cependant, comme plus haut pour παθεῖν, on peut être en doute sur la provenance et par conséquent aussi sur la nature de l’α : car à côté de βενθ on a la rac. βᾱθ sans nasale. Ces sortes de doublets nous occuperont dans un prochain chapitre.

Thèmes de diverses formations :

Skr. así = lat. ensis. Skr. vastí et lat. ve(n)sīca.

Le got. ūhtvo (c.-à-d. *unhtvo) « matin » répond, comme on sait, au védique aktú « lumière », auquel on a comparé aussi le grec ἀκτις « rayon ».

Le gr. πάτο-ς « chemin » doit remonter à *πτο-ς, vu la nasale du skr. pánthan, gén. path-ás (= pn̥th-ás).

Le thème n̥dhara (ou peut-être m̥dhara) « inferior » donne l’indien ádhara, le lat. inferus, le got. undaro.

M. Scherer (Z. Gesch. der deutsch. Spr., p. 223 seq.), parlant des thèmes des pronoms personnels, se livre à des conjectures dont M. Leskien a fait ressortir le caractère aventureux (Declination, p. 139) ; sur un point cependant le savant germaniste a touché juste sans aucun doute : c’est lorsqu’il restitue pour le pluriel du pronom de la 1e personne un thème contenant une nasale devant l’s : amsma, ansma. Ce n’est pas que les raisons théoriques de M. Scherer soient convaincantes ; mais le germanique uns, unsis ne s’explique que de cette façon. Au lieu de amsma ou ansma, il faut naturellement m̥sna ou n̥sma, d’où sortent avec une égale régularité le got. uns, le skr. asmád, le grec (éol.) ἄμμε = *ἀσμε.

Plusieurs cas d’une nature particulière, celui du nom de nombre cent par exemple, trouveront leur place dans un autre chapitre[34].

2. Syllabes suffixales.

La flexion des thèmes en -an (-en), -man (-men), -van (-ven) demande un examen détaillé qui trouvera mieux sa place dans un chapitre subséquent. Il suffit ici de relever ce qui a trait à la nasale sonante : dans la langue mère, le suffixe perdait son a aux cas dits faibles et très faibles. Dans ces derniers, la désinence commence par une voyelle et la nasale restait consonne ; aux cas « faibles » au contraire elle était obligée de prendre la fonction de voyelle, parce que la désinence commence par une consonne. Là est toute la différence. On a en sanskrit, du thème ukšán :

gén. sing. ukšṇ-ás instr. pl. ukšá-bhis (= ukšn̥-bhis)
dat. sing. ukšṇ-é loc. pl. ukšá-su (= ukšn̥-su)

Le grec fait au gén. sing. : ποιμένος, au dat. plur. : ποιμέσι, tous deux hystérogènes. Les anciennes formes ont dû être *ποιμν-ός et *ποιμᾰ-σi. Il a subsisté quelques débris de cette formation : κυ-ν-ός du thème κυ-ον, φρ-ᾰ-σί (Pindare) du thème φρ-εν. V. Brugmann, Stud. IX 376.

Au nom.-acc. sing. des neutres en -man, l’a final de skr. nā́ma, zd. nãma, gr. ὄνομα[35] est sorti, aussi bien que l’ę du slave imę et l’en du lat. nōmen, d’une nasale sonante indo-européenne. Morphologiquement, c’est ce que font conclure toutes les analogies, ainsi celle de l’ind. dātŕ̥ au nom.-acc. neutre ; phonétiquement, c’est la seule hypothèse qui rende compte de l’absence de la nasale dans les deux premières langues citées. – Voilà la première fois que nous rencontrons une nasale sonante à la fin du mot, et le cas mérite une attention spéciale. Si simple que la chose paraisse à première vue, elle ne laisse pas que d’embarrasser quelque peu, aussitôt qu’on considère le mot dans son rôle naturel de membre de la phrase. L’indien dātŕ̥, qui vient d’être cité, placé devant un mot commençant par une voyelle, comme api, donnerait, d’après les règles du sandhi : dātrapi. En d’autres termes, le dātr̥ du paradigme n’a de réalité que suivi d’une consonne ou finissant la phrase ; devant les voyelles il n’y a que dātr. Et cependant (ce qui veut dire : r doué d’accent syllabique) peut fort bien se maintenir devant les voyelles. C’est ainsi que la phrase anglaise: the father is se prononcera couramment : the fathr̥ is, non pas : the fathr is[36]. Il en est de même de dans l’allemand siebn̥-und-zwanzig (sieben-und-zwanzig).

Un mot indo-européen comme stāmn (nom.-acc. de stāman- = skr. sthāman-[37]) a donc pu faire à la rencontre d’une voyelle, devant api par exemple : stāmn‿api – ou bien stāmn̥‿api (cf. note 2). Se décider pour la première alternative serait peut-être admettre implicitement qu’on disait madhw api et non madhu api, c’est-à-dire faire remonter la règle de sandhi sanskrite relative à i et u devant les voyelles, du moins dans son principe[38], jusqu’à la période proethnique ; et l’usage védique ne parlerait guère en faveur de cette thèse. Nous n’entrerons pas ici dans la discussion de ce point, parce que nous croyons que l’hypothèse : stāmn̥‿api est en effet la plus probable ; mais qu’on veuille bien comparer plus loin ce qui a rapport à l’accusatif singulier des thèmes consonantiques. – On a donc dans la phrase indo-européenne : stāmn̥‿tasya et stāmn̥‿api.

A l’époque où la nasale sonante devint incommode à la langue, époque où Hindous et Iraniens parlaient encore un même idiome, l’ancien stāmn̥‿tasya devint nécessairement stāma‿tasya, skr. sthāma‿tasya. Placé à la fin de la phrase, stāmn̥ devait également donner stāma. Quant à stāmn̥‿api, son développement normal a dû être, en vertu du dédoublement dont il a été question : stāma-n-api. Cette dernière forme a péri : il y a eu unification comme dans une foule de cas analogues pour lesquels il suffit de citer les récents travaux de M. Curtius : Zu den Auslautsgesetzen des Griechischen, Stud. X 203 seq. et de M. Sievers dans les Beiträge de Paul et Braune V 102.

Dans le grec et le slave la marche de cette sélection a dû être à peu de chose près la même que dans les langues ariennes.

Flexion des neutres en -man, dans la langue grecque. – La flexion grecque (ὀνόματος, -ματι etc.) présente partout la nasale sonante grâce à la création d’un thème en -τ difficile à expliquer. Il faut naturellement mettre cette déclinaison en regard de celle de ἧπαρ, ἥπατος. ὀνόματος répond au skr. nā́mnas, ἥπατος au skr. yaknás ; et pour ce qui est de cette dernière classe de thèmes, nous pouvons être certains, quelle que soit l’origine du τ grec, que la déclinaison indienne yákr̥t, yaknás, qui ne connaît l’r qu’au nom.-acc. sing. reflète fidèlement celle de la langue mère[39].

Mais quant à savoir si l’insertion du τ est partie des thèmes en -μα, ou des thèmes en -αρ, ou si elle s’est développée de pair sur les deux classes de thèmes, sans qu’il y ait eu de contamination entre elles, c’est une question qui peut se trancher de plusieurs façons, sans qu’aucune solution soit bien satisfaisante.

Voici quelques points à considérer dans la discussion des probabilités :

1º Les langues parentes possèdent un suffixe -mn̥-ta, élargissement du suff. -man ; en latin par exemple ce suffixe a donné augmentum, cognomentum. Ce suffixe manque en grec. – Un suffixe -n̥-ta parallèle à un neutre grec en -αρ, -ατος existe probablement dans le lat. Oufens (masc), Oufentina : cf. οὖθαρ, -ατος. Car Oufens remonte à *Oufento-s.

2º Le t qui se montre au nom.-acc. du skr. yákr̥-t pourrait bien malgré tout avoir joué un rôle dans le phénomène. On aurait un parallèle frappant dans le lat. s-an-gu(-en) en regard du sanskrit ás-r̥-g, g. as-n-ás[40] ; là nous voyons clairement l’élément consonantique ajouté au du nom.-acc. se propager sur le thème en -n. D’autre part il y a quelque vraisemblance pour que la dentale de yákr̥t (yakr̥d) ne soit autre que celle qui marque le neutre dans les thèmes pronominaux[41] ; dans ce cas c’est en réalité un d, et il n’y a plus à s’en préoccuper dans la question du τ grec.

3º Dans le cas où l’insertion du τ serait partie des thèmes en -αρ, il est remarquable que le nom.-acc. de mots en -μα ait subi lui aussi un métaplasme venant de ces thèmes, car les formes ἧ-μαρ, τέκ-μαρ, τέκ-μωρ n’ont point d’analogue dans les langues congénères. Il est vrai que, selon l’étymologie qu’on adoptera, il faudra peut-être diviser ainsi : ἧμ-αρ, τέ-κμ-αρ, τέ-κμ-ωρ.

4º Les thèmes neutres δουρατ, γουνατ, qui, dans la plus grande partie de la flexion, remplacent δόρυ, γόνυ, sont peut-être au skr. dā́ru-ṇ(-as), ǵā́nu-n(-as) ce que ὀνοματ est au skr. nā́mn(-as). Ceci, sans vouloir préjuger la valeur morphologique de la nasale de dāru-ṇ-, et surtout sans insister sur le choix de ces deux thèmes en u dont la flexion primitive soulève une foule d’autres questions.

5º Même en sanskrit, certaines formes faibles de thèmes terminés en an s’adjoignent un t ; ainsi yuvatí (= yuvn̥ti) à côté de yūnī, tous deux dérivés de yuvan-. A son tour l’indien yuvatí nous remet en mémoire la formation grecque : *προφρτyα, πρόφρασσα, féminin de προφρον-. Cf. encore yúvat pour *yúva au neutre, forme qui comporte aussi une autre explication (p. 28, note 2), et varimátā, ŕ̥kvatā, instrumentaux védiques de varimán, ŕ̥kvan.

6º Les mots paléoslaves comme žrěbę, gén. žrěbęt-e « poulain », telę telęt-e « veau » etc. ont un suffixe qui coïncide avec l’ατ- du grec dans une forme primitive -n̥t. Seulement ces mots sont des diminutifs de formation secondaire, et le grec n’a peut-être qu’un seul exemple de ce genre, l’homérique προσώπατα qui semble être dérivé de πρόσωπο-ν. On peut conjecturer néanmoins que les formes slaves en question sont bien la dernière réminiscence des thèmes comme ἧπαρ, -ατος et yákr̥t, -nás. D’après ce qui a été dit plus haut, le nom.-acc. en ne pourrait qu’être récent ; nous trouvons semblablement en latin le nom.-acc. : ungu-en, en grec : ἄλειφα à côté d’ἄλειφαρ.

Voilà quelques-uns des rapprochements qui se présentent à l’esprit dans la question de l’origine du τ dans les suffixes -ατ et -ματ. Nous nous abstenons de tout jugement ; mais personne ne doutera, en ce qui concerne l’α, qu’il ne soit le représentant d’une nasale sonante.

A côté de skr. nā́ma se placent, sous le rapport du traitement de la nasale sonante finale, les noms de nombre suivants :

saptá = lat. septem, got. sibun, gr. ἑπτά
náva = lat. novem, got. niun, gr. ἐννέα
dáça = lat. decem, got. taihun, gr. δέκα

C’est là la forme du nomin.-accusatif, la seule qui donne matière à comparaison. A la question : « quels sont les thèmes de ces noms de nombre ? » la grammaire hindoue répond : saptan-, navan-, daçan-, et à son point de vue elle a raison, car un instr. pl. comme saptabhis ne se distingue en rien de la forme correspondante du thème nāman-, qui est nāmabhis. Cependant, si nous consultons les langues congénères, deux d’entre elles nous montrent la nasale labiale, le latin et le lituanien (dészimtis[42]), et ces deux langues sont les seules qui puissent éclairer la question, vu que le gotique convertit l’m final en n.

Seconde preuve en faveur de la nasale labiale. Le sanskrit termine ses noms de nombre ordinaux, de deux à dix, par -tīya, -tha ou -ma.[43] En omettant pour un instant l’adjectif ordinal qui correspond à páńća, et en mettant ensemble les formes dont le suffixe commence par une dentale, on a une première série composée de :
dvi-tī́ya ; tr̥-tī́ya, ćatur-thá, šaš-ṭhá,

et une seconde où se trouvent :

saptamá, ašṭamá, navamá, daçamá.

Dans les langues européennes la première formation est la plus répandue, et en gotique elle a complètement évincé la seconde. Il est encore visible néanmoins que les deux séries du sanskrit remontent telles quelles, à part les changements phonétiques, à la langue indo-européenne. En effet aucun idiome de la famille ne montre la terminaison -ma là où le sanskrit a -tha ou -tīya, tandis qu’à chaque forme de notre seconde série répond, au moins dans une langue, un adjectif en -ma : nous ne citons pas l’iranien, trop voisin du sanskrit pour changer beaucoup la certitude du résultat.

En regard de saptamá : gr. ἕβδομος, lat. septimus, boruss. septmas, paléosl. sedmŭ, irland. sechtmad.
En regard de ašṭamá : lit. aszmas, paléosl. osmŭ, irland. ochtmad.
En regard de navamá : lat. nonus pour *nomus venant de *noumos, v. Curtius, Grdz., p. 534.
En regard de daçamá : lat. decimus.

Donc les noms de nombre sept, huit, neuf et dix, et ceux-là seuls, formaient dans la langue mère des adjectifs ordinaux en -ma. Or il se trouve précisément que ces quatre noms de nombre[44], et ceux-là seuls, se terminent par une nasale. Ou bien il y a là un jeu singulier du hasard, ou bien la nasale des cardinaux et celle des ordinaux sont en réalité une seule et même chose ; en d’autres termes, pour autant qu’on a le droit de regarder les premiers comme bases des seconds, le suffixe dérivatif des ordinaux est -a, non pas -ma[45].

La nasale latente de saptá, identique à celle qui apparaît dans saptamá, est donc un m. Même conclusion, en ce qui concerne ašṭá, náva, dáça.

Nous revenons au nom de nombre cinq. Bopp (Gr. Comp. II, p. 225 seq. de la trad. française) fait remarquer l’absence de la nasale finale dans les langues européennes[46], ainsi que l’ε du grec πέντε en regard de l’α de ἑπτά, ἐννέα, δέκα « conservé par la nasale ». – « De tous ces faits, dit-il, on est tenté de conclure que la nasale finale de páńćan, en sanskrit et en zend, est une addition de date postérieure. » C’est trop encore que de la laisser aux langues ariennes : en effet, le gén. skr. pańćānā́m (zd. pañćanãm) serait tout à fait irrégulier s’il dérivait d’un thème en -an ; il est simplement emprunté aux thèmes en -a[47]. Les composés artificiels tels que priyapańćānas (Benfey, Vollst. Gr., § 767) n’ont aucune valeur linguistique, et les formes pańćábhis, -bhyas, -su ne prouvent rien ni dans un sens ni dans l’autre[48]. Ainsi rien ne fait supposer l’existence d’une nasale.

Les adjectifs ordinaux de ce nombre sont :

gr. πέμπτος, lat. quin(c)tus, (got. fimfta), lit. pènktas, paléosl. pętŭ, zd. puχδa, skr. véd. pańćathá.

Le nombre cardinal n’ayant pas la nasale finale, ces formations sont conformes à la règle établie plus haut. Si, à côté de pańćathá, le sanskrit – mais le sanskrit seul – nous montre déjà dans le Véda la forme pańćamá, c’est que, pour nous servir de la formule commode de M. Havet, étant donnés páńća et le couple saptá-saptamá, ou bien dáça-daçamá etc., l’Hindou en tira tout naturellement la quatrième proportionnelle : pańćamá.[49]

M. Ascoli, dans son explication du suftixe grec -τατο, prend pour point de départ les adjectifs ordinaux ἔνατος et δέκατος. Notre thèse ne nous force point à abandonner la théorie de M. Ascoli ; il suffit d’ajouter une phase à l’évolution qu’il a décrite et de dire que ἔνατος, δέκατος sont eux-mêmes formés sur sol grec à l’image de τρίτος, τέταρτος, πέμπτος. ἕκτος[50].

La valeur phonétique primitive de la terminaison -ama des formes sanskrites, et de ce qui lui correspond dans les autres langues, est examinée ailleurs.

Il n’était pas inutile pour la suite de cette étude d’accentuer le fait, assez généralement reconnu, que la nasale finale des noms de nombre est un m, non pas un n. La valeur morphologique de cet m n’est du reste pas connue, et en le plaçant provisoirement sous la rubrique syllabes suffixales nous n’entendons en aucune manière trancher cette obscure question.

Outre la flexion proprement dite, deux opérations grammaticales peuvent faire subir aux suffixes des variations qui engendreront la nasale – ou la liquide – sonante, savoir la composition et la dérivation. Ce sont elles que nous étudierons maintenant.[51]

C’est une loi constante à l’origine, que les suffixes qui expulsent leur a devant certaines désinences prennent aussi cette forme réduite, lorsque le thème auquel ils appartiennent devient le premier membre d’un composé. Brugmann K. Z. XXIV 10. Cf. plus haut p. 19.

Le second membre du composé commence-t-il par une consonne, on verra naître la sonante à la fin du premier. Les langues ariennes sont toujours restées fidèles à cette antique formation :

Cette forme en -a, qui ne se justifie que devant les consonnes, s’est ensuite généralisée de la même manière qu’au nomin.-acc. neutre : on a donc en sanskrit nāmāṅka au lieu de *nāmnaṅka. – açmāsyà de açman « rocher » et āsyà « bouche » est un exemple védique de cette formation secondaire ; c’est aussi le seul qui se trouve dans le dictionnaire du Rig-Véda de Graßmann[52], et l’on a simultanément une quantité de composés dont le premier membre est vŕ̥šan et qui offrent les restes du procédé ancien : vr̥šan composé avec áçva par exemple donne, non pas vr̥šāçva, mais vr̥šaṇaçvá, ce qu’il faut traduire : vr̥šn̥-n-açvá. D’après l’analogie des thèmes en -r (pitrartha de pitar et artha), on attendrait *vr̥šṇaçvá ; et nous retrouvons ici l’alternative formulée plus haut dans stāmn‿api, stāmn̥‿api. Peut-être que dans la composition il faut comme dans la phrase s’en tenir à la seconde formule, et que pitrartha doit en fait d’ancienneté céder le pas à vr̥šaṇaçva.

Dans les composés grecs dont le premier membre est un neutre en -μα, ὀνομα-κλυτός par exemple, on peut avec M. Brugmann (Stud. IX 376) reconnaître un dernier vestige de la formation primitive, à laquelle s’est substitué dans tous les autres cas le type ἀρρεν-ο-γόνος. Cf. p. 34 ἅπαξ et ἁπλόος.

Dérivation. Il va sans dire qu’ici comme partout ailleurs la sonante ne représente qu’un cas particulier d’un phénomène général d’affaiblissement ; qu’elle n’apparaîtra que si l’élément dérivatif commence par une consonne. Voyons d’abord quelques exemples du cas inverse, où le suffixe secondaire commence par une voyelle. Déjà dans le premier volume du Journal de Kuhn (p. 300), Ebel mettait en parallèle la syncope de l’a aux cas faibles du skr. rā́ǵan (gén. rā́ǵńas) et la formation de λίμν-η, ποίμν-η, dérivés de λιμήν, ποιμήν. M. Brugmann (Stud. IX 387 seq.) a réuni un certain nombre d’échantillons de ce genre qui se rapportent aux thèmes en -ar, et parmi lesquels on remarquera surtout lat. -sobrīnus = *-sosr-īnus, de soror. Cf. loc. cit. p. 256, ce qui est dit sur ὕμν-ο-ς, considéré comme un dérivé de ὑμήν.

L’élément dérivatif commence par une consonne :

Le suffixe -man augmenté de -ta devient -mn̥ta. Un exemple connu est : skr. çró-mata = v. haut-all. hliu-munt. Le latin montre, régulièrement, -mento : cognomentum, tegmentum etc.

Un suffixe secondaire -bha qui s’ajoute de préférence aux thèmes en -an sert à former certains noms d’animaux. Sa fonction se borne à individualiser, suivant l’expression consacrée par M. Curtius. Ainsi le thème qui est en zend arshan « mâle » n’apparaît en sanskrit que sous la forme amplifiée r̥ša-bhá (= r̥šn̥-bhá) « taureau ». De même : vŕ̥šan, vr̥ša-bhá. A l’un ou à l’autre de ces deux thèmes se rapporte le grec Εἰραφ-ιώτης, éol. Ἐρραφ-εώτης, surnom de Bacchus[53], v. Curtius Grdz. 344.

Le grec possède comme le sanskrit un assez grand nombre de ces thèmes en -n̥-bha, parmi lesquels ἔλ-αφο-ς est particulièrement intéressant, le slave j-elen-ĭ nous ayant conservé le thème en -en dont il est dérivé. M. Curtius ramène ἐλλός « faon » à *ἐλν-ό-ς ; ce serait une autre amplification du même thème el-en.

Les mots latins columba, palumbes, appartiennent, semble-t-il, à la même formation ; mais on attendrait -emba, non -umba.

Le skr. yúvan « jeune », continué par le suff. -ça, donne yuvaçá. A qui serait tenté de dire que « la nasale est tombée », il suffirait de rappeler le lat. juven-cu-s. Le thème primitif est donc bien yawn̥-ká. Le got. juggs semble être sorti de *jivuggs, *jiuggs ; cf. niun pour *nivun.

Skr. párvata « montagne » paraît être une amplification de párvan « articulation, séparation ». On en rapproche le nom de pays Παρρασία, v. Vaniček, Gr.-Lat. Et. W. 523.

Le thème grec ἑν- « un », plus anciennement *σεμ-, donne ἅ-παξ et ἁ-πλόος qui sont pour *σπαξ, σπλοος. La même forme sm̥- se retrouve dans le lat. sim-plex = *semplex et dans l’indien sa-kŕ̥t.

Dans le Véda, les adjectifs en -vant tirés de thèmes en -an, conservent souvent l’n final de ces thèmes devant le v : ómanvant, vŕ̥šaṇvant etc. Cela ne doit pas empêcher d’y reconnaître la nasale sonante, car devant y et w, soit en grec soit en sanskrit, c’est an et non pas a qui en est le représentant régulier[54]. C’est ce que nous aurions pu constater déjà à propos du participe parf. actif, à la page 22 où nous citions sasavā́n. Cette forme est seule de son espèce, les autres participes comme ǵaghanvā́n, vavanvā́n, montrant tous la nasale. sasavā́n lui-même répugne au mètre en plusieurs endroits ; Grassmann et M. Delbrück proposent sasanvā́n[55]. C’est en effet -anvā́n qu’on doit attendre comme continuation de -n̥wā́n, et -n̥wā́n est la seule forme qu’on puisse justifier morphologiquement : cf. çuçukvān, ćakvā́n. Le zend ǵaγnvāo est identique à ǵaghanvā́n.

La formation des féminins en constitue un chapitre spécial de la dérivation. Relevons seulement ceux que donnent les thèmes en -vant dont il vient d’être question : nr̥-vátī, re-vátī etc. Le grec répond par -ϝεσσα et non *-ϝασσα comme on attendrait. Homère emploie certains adjectifs en ϝεις au féminin : ἐς Πύλον ἠμαθόεντα, mais il ne s’en suit pourtant point que le fém. -ϝεσσα soit tout moderne : cela est d’autant moins probable qu’un primitif -ϝεντyα est impossible : il eût donné -ϝεισα. Mais l’absence de la nasale s’explique par le *-ϝασσα supposé, qui a remplacé son α par ε et qui, à part cela, est resté tel quel, se bornant à imiter le vocalisme du masculin.




Nous arrivons aux nasales sonantes des syllabes désinentielles, et par là au second mode de formation de ces phonèmes (v. page 20), celui où l’a, au lieu d’être expulsé comme dans les cas précédents, n’a existé à aucune époque. Il sera indispensable de tenir compte d’un facteur important, l’accentuation du mot, dont nous avons préféré faire abstraction jusqu’ici, et cela principalement pour la raison suivante, c’est que la formation des nasales – et liquides – sonantes de la première espèce coïncidant presque toujours avec un éloignement de la tonique, l’histoire de leurs transformations postérieures est de ce fait même à l’abri de ses influences.

Au contraire, la formation des nasales sonantes de la seconde espèce est évidemment tout à fait indépendante de l’accent ; il pourra donc leur arriver de supporter cet accent, et dans ce cas le traitement qu’elles subiront s’en ressentira souvent.

Nous serons aussi bref que possible, ayant peu de chose à ajouter à l’exposé de M. Brugmann.

Pour les langues ariennes, la règle est que la nasale sonante portant le ton se développe en an et non pas en a.

Désinence -nti de la 3e personne du pluriel. Cette désinence, ajoutée à des thèmes verbaux consonantiques, donne lieu à la nasale sonante. La plupart du temps cette sonante est frappée de l’accent, et se développe alors en an :

2e classe : lih-ánti = lih-ń̥ti 7e cl. : yuńǵ-ánti = yuńǵ-ń̥ti

Dans la 3e classe verbale, la 3e pers. du pluriel de l’actif a la particularité de rejeter l’accent sur la syllabe de redoublement ; aussi la nasale de la désinence s’évanouit : pí-pr-ati = pí-pr-n̥ti. Il en est de même pour certains verbes de la 2e classe qui ont l’accentuation des verbes redoublés, ainsi çā́s-ati de çās « commander ».

En ce qui concerne dádhati et dádati, il n’est pas douteux que l’a des racines dhā et n’ait été élidé devant le suffixe, puisqu’au présent de ces verbes l’a n’est conservé devant aucune désinence du pluriel ou du duel : da-dh-más, da-d-más etc. La chose serait plus discutable pour la 3e pers. du pl. ǵáhati d’un verbe comme dont la 1e pers. du pl. fait ǵa-hī-más, où par conséquent l’a persiste, du moins devant les désinences commençant par une consonne. Néanmoins, même dans un cas pareil, toutes les analogies autorisent à admettre l’élision de l’a radical ; nous nous bornons ici à rappeler la 3e pers. pl. du parf. pa-p-ús de , ya-y-ús de , etc. L’a radical persistant, il n’y aurait jamais eu de nasale sonante et l’n se serait conservé dans « ǵá-ha-nti », aussi bien qu’il s’est conservé dans bhára-nti. – Ceci nous amène à la forme correspondante de la 9e classe : punánti. Ici aussi nous diviserons : pu-n-ánti = pu-n-n̥ti, plutôt que d’attribuer l’a au thème ; seulement la nasale est restée, grâce à l’accent, absolument comme dans lihánti[56].

La désinence -ntu de l’impératif passe par les mêmes péripéties que -nti.

La désinence -nt de l’imparfait apparaît, après les thèmes consonantiques, sous la forme -an pour -ant. Cette désinence recevant l’accent – ex. vr-án de var –, elle n’a rien que de régulier.

La désinence du moyen -ntai devient invariablement -ate en sanskrit, lorsqu’elle s’ajoute à un thème consonantique. C’est que, primitivement, la tonique ne frappait jamais la syllabe formée par la nasale, ce dont témoignent encore les formes védiques telles que rihaté, ańǵaté. Brugmann, Stud. IX 294.

Au sujet de l’imparfait liháta, l’accentuation indo-européenne righn̥tá ne peut faire l’objet d’aucun doute, dès l’instant où l’on admet righn̥tái (rihaté). Quant à l’explication de la forme indienne, on peut faire deux hypothèses : ou bien le ton s’est déplacé dans une période relativement récente, comme pour le présent (véd. rihaté, class. liháte). Ou bien ce déplacement de l’accent remonte à une époque plus reculée (bien que déjà exclusivement arienne) où la nasale sonante existait encore, et c’est ce que suggère le védique kránta (Delbrück, A. Verb. 74) comparé à ákrata. On dirait, à voir ces deux formes, que la désinence -ata n’appartient en réalité qu’aux formes pourvues de l’augment[57] et que dans toutes les autres la nasale sonante accentuée a dû devenir an, d’où la désinence -anta. Plus tard -ata aurait gagné du terrain, et kránta seul aurait subsisté comme dernier témoin du dualisme perdu. Cette seconde hypothèse serait superflue, si kránta était une formation d’analogie, comme on n’en peut guère douter pour les formes que cite Bopp (K. Gramm. d. Skr. Spr., § 279) : prā́yuńǵanta etc. Cf. plus haut p. 11.

Participe présent en -nt. Le participe présent d’une racine comme vaç « vouloir » (2e classe) fait au nom. pl. uçántas, au gén. sg. uçatás. Dans les deux formes il y a nasale sonante ; seulement cette sonante se traduit, suivant l’accent, par an ou par a. Au contraire dans le couple tudántas, tudatás, de tud (6e classe), la seconde forme seulement contient une nasale sonante, et encore n’est-elle point produite de la même manière que dans uçatás : *tudn̥tás (tudatás) vient du thème tudant- et a perdu un a, comme *tn̥-tá (tatá) formé sur tan ; tandis que *uçn̥tás (uçatás) vient du thème uçn̥t- et n’a jamais eu ni perdu d’a. – Certaines questions difficiles se rattachant aux différents participes en -nt trouveront mention au chapitre VI.

Jusqu’ici l’existence de la nasale sonante dans les désinences verbales en -nti etc., n’est assurée en réalité que par l’absence de n dans les formes du moyen et autres, dans rihaté par exemple. Les langues d’Europe avec leur vocalisme varié apportent des témoignages plus positifs.

Les verbes slaves qui se conjuguent sans voyelle thématique ont -ętĭ à la 3e pers. du plur. : jadętĭ, vědętĭ, dadętĭ ; cf. nesątĭ. De même les deux aoristes en -s font něsę, nesošę, tandis que l’aoriste, à voyelle thématique fait nesą.

Le grec montre, après les thèmes consonantiques, les désinences suivantes : à l’actif, -αντι (-ᾱσι), -ᾰτι (-ᾰσι) ; au moyen, -αται, -ατο.[58] Les deux dernières formes n’offrent pas de difficulté ; il s’agit seulement de savoir pourquoi l’actif a tantôt -ατι, tantôt -αντι. La désinence -ατι n’apparaît qu’au parfait : ἐθώκατι, πεφήνᾰσι, mais le même temps montre aussi -αντι (-ᾱσι) : γεγράφᾱσι etc. Le présent n’a que -αντι. M. Brugmann attribue à l’influence de l’accent la conservation de n au présent : ἔᾱσι = sánti. En ce qui concerne le parfait, il voit dans -ατι la forme régulière[59] : -αντι y a pénétré par l’analogie du présent ou plus probablement par celle de parfaits de racines en α comme ἕστα-ντι, τέθνα-ντι. – Ce qui est dit sur l’accent ne satisfait pas entièrement, car, ou bien il s’agit de l’accentuation que nous trouvons en grec, et alors ἔαντι, ἐθώκατι se trouvent tous deux dans les mêmes conditions, ou bien il s’agit du ton primitif pour lequel celui du sanskrit peut servir de norme, et ici encore nous trouvons parité de conditions : sánti, tutudús. L’hypothèse tútudati ou tutudatí, comme forme plus ancienne de tutudús (p. 320) est sans fondement solide. L’action de l’accent sur le développement de la nasale sonante en grec demeure donc enveloppé de bien des doutes.[60]

A la 3e pers. du plur. ἔλυσαν, -αν est désinence ; le thème est λυσ, ainsi que le montre M. Brugmann (p. 311 seq.). L’optatif λύσειαν est obscur. Quant à la forme arcadienne ἀποτίνοιαν, rien n’empêche d’y voir la continuation de -n̥t, et c’est au contraire la forme ordinaire τίνοιεν qu’on ne s’explique pas. Elle peut être venue des optatifs en ιη, comme δοίην, 3e pl. δοῖεν.

Parmi les participes, tous ceux de l’aoriste en σ contiennent la nasale sonante : λύσ-αντ. Au présent il faut citer le dor. ἔασσα (Ahrens II 324) et γεκαθά (ἑκοῦσα, Hes.) que M. Mor. Schmidt change à bon droit en γεκᾶσα. Toute remarque sur une de ces deux formes ferait naître à l’instant une légion de questions si épineuses que nous ferons infiniment mieux de nous taire.

Désinence -ns de l’accusatif pluriel. L’arien montre après les thèmes consonantiques : -as : skr. ap-ás, ce qui serait régulier, n’était l’accent qui frappe la désinence et qui fait attendre *-ā́n = *-áns. M. Brugmann a développé au long l’opinion que cette forme de la flexion a subi dans l’arien une perturbation ; que primitivement l’accusatif pluriel a été un cas fort, comme il l’est souvent en zend et presque toujours dans les langues européennes, et que l’accent reposait en conséquence sur la partie thématique du mot. Nous ne pouvons que nous ranger à son avis. – La substitution de l’a à la nasale sonante précède ce bouleversement de l’accusatif pluriel ; de là l’absence de nasale.

Le grec a régulièrement -ας : πόδ-ας, cf. ἵππους. Les formes crétoises comme φοινίκ-ανς ne sont dues qu’à l’analogie de πρειγευτά-νς etc. Brugmann loc. cit., p. 299. – Le lat. -ēs peut descendre en ligne directe de -n̥s, -ens ; l’ombr. nerf = *nerns. – L’acc. got. broþruns est peut-être, malgré son antiquité apparente, formé secondairement sur broþrum, comme le nom. broþrjus. Cf. p. 45.

Désinence -m. (Accusatif singulier et 1e pers. du sing.) L’acc. sing. pā́dam et la 1e pers. de l’imparf. ā́sam (rac. as) se décomposent en pād + m, ās + m.

D’où vient que nous ne trouvions pas « pā́da, ā́sa », comme plus haut nā́ma, dáça ? La première explication à laquelle on a recours est infailliblement celle-ci : la différence des traitements tient à la différence des nasales : pā́dam et ā́sam se terminent par un m, nā́ma et dáça par un n. C’est pour prévenir d’avance et définitivement cette solution erronée, que nous nous sommes attaché (p. 29 seq.) à établir que la nasale de dáça ne peut être que la nasale labiale ; il faut donc chercher une autre réponse au problème. Voici celle de M. Brugmann (loc. cit., p. 470) : « laissée à elle-même, la langue semble avoir incliné à rejeter la nasale, et dans dáça elle a donné libre cours à ce penchant, mais l’m dans pā́dam était tenu en bride par celui de áçva-m, et dans ā́sam par celui de ábhara-m. » Ceci tendrait à admettre une action possible de l’analogie sur le cours des transformations phonétiques, qu’on regarde d’ordinaire comme étant toujours purement mécaniques ; principe qui n’a rien d’inadmissible en lui-même, mais qui demanderait encore à être éprouvé. Si nous consultons les langues congénères, le slave nous montre l’acc. sing. matere[61] = skr. mātáram, mais imę = skr. nā́ma ; le gotique a l’acc. sing. fadar = skr. pitáram, mais taihun = skr. dáça. Ceci nous avertit, je crois, d’une différence primordiale. Plus haut nous avons admis qu’un mot indo-européen stā́mn̥ (skr. sthā́ma) restait toujours disyllabique, que, suivi d’une voyelle, il ne devenait point stāmn.[62] On peut se représenter au contraire que l’acc. patarm faisait patarm‿api, et admettre même que patarm restait disyllabique devant les consonnes : patarm‿tasya.[63] Sans doute on ne doit pas vouloir poser de règle parfaitement fixe, et la consonne finale du thème amenait nécessairement des variations ; dans les accusatifs comme bharantm, une prononciation disyllabique est impossible devant les consonnes. Mais nous possédons encore les indices positifs d’un effort énergique de la langue tendant à ce que l’m de l’accusatif ne formât pas une syllabe : ce sont les formes comme skr. ušā́m, zd. ushãm = *ušásm, pánthām, zd. pañtãm = *pánthanm[64], et une foule d’autres que M. Brugmann a traitées Stud. 307 seq., K. Z. XXIV 25 seq. Certains cas comme Ζῆν = dyā́m, βῶν = gā́m, semblent remonter plus haut encore. De même, dans le verbe, on a la 1re pers. vam = *varm (Delbrück, A. Verb., p. 24). Si cette prononciation s’est perpétuée jusqu’après la substitution de l’a à la nasale sonante, on conçoit que l’m de patarm et ā́sm ait été sauvé et se soit ensuite développé en -am par svarabhakti. – Le got. fadar pour *fadarm a perdu la consonne finale, tandis que *tehm̥ se développait en taihun. En ce qui concerne la première personne du verbe, M. Paul a ramené le subjonctif bairau à *bairaj-u = skr. bhárey-[a]m ; si cet -u ne s’accorde guère avec la disparition totale de la désinence dans fadar, il laisse subsister du moins la différence avec les noms de nombre, qui ont -un. M. Brugmann a indiqué (p. 470) une possibilité suivant laquelle l’acc. tunþu appartiendrait à un thème tunþ- ; l’accord avec bairāu serait alors rétabli ; mais pourquoi fadar et non « fadaru » ? Doit-on admettre une assimilation de l’accusatif au nominatif ? – Le slave *materem, matere doit s’être développé sur *materm encore avant l’entrée en vigueur de la loi qui a frappé les consonnes finales. La première personne des aoristes non-thématiques něsŭ, nesochŭ n’est plus une forme pure : elle a suivi l’analogie de l’aoriste thématique. Du côté opposé nous trouvons imę pour imn̥. – Nous aurions dû faire remarquer plus haut déjà que la règle établie par M. Leskien suivant laquelle un ą final contient toujours un ancien ā long n’entraîne pas d’impossibilité à ce que ę dans les mêmes conditions continue une nasale sonante ; car ce dernier phonème a pu avoir une action toute spéciale (cf. got. taihun etc. où il a conservé la nasale contre la règle générale), et l’ę ne termine le mot que dans ce cas-là. – En grec et en latin les deux finales se sont confondues dans un même traitement.

Mentionnons encore la 1e pers. du parf. skr. véd-a, gr. οἶδ-α. Aux yeux de M. Brugmann la désinence primitive est -m. Dans ce cas, dit M, Sievers, le germ. vait est parti de la 3e personne, car le descendant normal de vaidm̥ serait « vaitun ».

En résumé, la somme de faits dont il a été question dans ce chapitre et dont nous devons la découverte à MM. Brugman et Osthoff[65] est extrêmement digne d’attention. Ces faits trouvent leur explication dans l’hypothèse des mêmes savants de liquides et de nasales sonantes proethniques, que nous regardons à l’avenir comme parfaitement assurée. – Résumons les arguments les plus saillants qui parlent en sa faveur :

1. Pour ce qui est des liquides, quiconque ne va pas jusqu’à nier le lien commun que les faits énumérés ont entre eux, devra reconnaître aussi que l’hypothèse d’un r voyelle est celle qui en rend compte de la manière la plus simple, celle qui se présente le plus naturellement à l’esprit, puisque ce phonème existe, puisqu’on le trouve à cette place dans une des langues de la famille, le sanskrit. – Dès lors il y a une forte présomption pour que les nasales aient pu fonctionner de la même manière.

2. Certaines variations du vocalisme au sein d’une même racine, qui s’observent dans plusieurs langues concordamment, s’expliquent par cette hypothèse.

3. L’identité théorique des deux espèces de nasales sonantes – celles qui doivent se produire par la chute d’un a (τατός) et celles qu’on doit attendre de l’adjonction à un thème consonantique d’une désinence commençant par une nasale (ἥαται) – est vérifiée par les faits phonétiques.

4. Du même coup les dites désinences se trouvent ramenées à une unité : il n’est plus nécessaire d’admettre les doublets : -anti, -nti ; -ans, -ns etc.

5. L’idée qu’on avait, que les nasales ont pu dans certains cas être rejetées dès la période proethnique, conduit toujours, si l’on regarde les choses de près, à des conséquences contradictoires. La théorie de la nasale sonante supprime ces difficultés en posant en principe que dans la langue mère aucune nasale n’a été rejetée.

En fait d’objections, on pourrait songer à attaquer la théorie précisément sur ce dernier terrain, et soutenir la possibilité du rejet des nasales en se basant sur le suffixe sanskrit -vaṃs qui fait -uš aux cas très faibles ; le grec -υια = -ušī prouve que cette dernière forme est déjà proethnique. Dans l’hypothèse de la nasale sonante la forme la plus faible n’aurait jamais pu donner que -vas = -wn̥s. Mais il est hautement probable, comme l’a fait voir M. Brugmann K. Z. XXIV 69 seq., que la forme première du suffixe est -was, qu’il n’a été infecté de la nasale aux cas forts que dans le rameau indien de nos langues, et cela par voie d’analogie.[66]

M. Joh. Schmidt, tout en adhérant en général à la théorie de M. Brugmann dans la recension qu’il en a faite Jenaer Literaturz. 1877, p. 735, préférerait remplacer la nasale sonante par une nasale précédée d’une voyelle irrationnelle : āsantaí = ἥαται. Il ajoute : « si l’on voulait, en se fondant sur ukšṇás, ramener ukšábhis à ukšn̥bhis, il faudrait aussi, pour être conséquent, faire sortir çvábhis, pratyágbhis de *çunbhís, pratīgbhís. » L’argument est des mieux choisis, mais on ne doit pas perdre de vue le fait suivant, c’est que les groupes i + n, u + n, ou bien i + r, u + r peuvent toujours se combiner de deux manières différentes, suivant qu’on met l’accent syllabique sur le premier élément ou sur le second – ce qui ne change absolument rien à leur nature. On obtient ainsi : in ou yn̥ (plus exactement i̯n̥), un ou wn̥ (u̯n̥) etc. Or l’observation montre que la langue se décide pour la première ou pour la seconde alternative, suivant que le groupe est suivi d’une voyelle ou d’une consonne : çu + n + as devient çunas, non çwn̥(n)as ; çu + n + bhis devient çwn̥bhis (= çvabhis), non çunbhis. Les liquides attestent très clairement cette règle : la racine war, privée de son a, deviendra ur devant le suff. -u : uru, mais wr̥ devant le suff. -ta : vr̥ta.[67]

On pourrait encore objecter que ukšn̥bhis est une reconstruction inutile, puisque dans dhaníbhis de dhanín où il n’est pas question de nasale sonante nous remarquons la même absence de nasale que dans ukšábhis. Mais les thèmes en -in sont des formations obscures, probablement assez récentes, qui devaient céder facilement à l’analogie des thèmes en -an. On peut citer à ce propos la forme maghóšu de maghávan assurée par le mètre R. V. X 94, 14 dans un hymne dont la prosodie est, il est vrai, assez singulière. Des cas très faibles comme maghónas on avait abstrait un thème maghon- : de ce thème on tira maghóšu, comme de ukšan ukšásu.

La chronologie de la nasale sonante est assez claire pour les langues asiatiques où elle devait être remplacée dès la période indo-iranienne par une voyelle voisine de l’a, mais qui pouvait en être encore distincte. Pour le cas où la nasale sonante suivie d’une semi-voyelle apparaît en sanskrit sous la forme an (p. 34), le zend ǵaɣnvāo = ǵaghanvā́n prouve qu’à l’époque arienne il n’y avait devant la nasale qu’une voyelle irrationnelle.[68]

Les indices que fournissent les langues classiques, ceux du moins que j’ai aperçus, sont trop peu décisifs pour qu’il vaille la peine de les communiquer. Dans les langues germaniques, M. Sievers (Beiträge de P. et B. V 119) montre que la naissance de l’u devant les sonantes , , , , ń̥ date de la période de leur unité et ne se continue point après la fin de cette période. Ainsi le got. sitls, c’est-à-dire sitl̥s, qui, ainsi que l’a prouvé l’auteur, était encore *set-las à l’époque de l’unité germanique, n’est point devenu « situls ».

§ 3. Complément aux paragraphes précédents.

Il faut distinguer des anciennes liquides et nasales sonantes différents phénomènes de svarabhakti plus récents qui ont avec elles une certaine ressemblance.

C’est ainsi qu’en grec le groupe consonne + nasale + y devient consonne + ανy[69] : ποιμν + yω donne *ποιμανyω, ποιμαίνω ; τι-τν + yω donne *τιτανyω, τιταίνω ; le dernier verbe est formé comme ἵζω qui est pour σι-σδ-yω (v. Osthoff, Das Verbum etc., p. 340). Les féminins τέκταινα pour *τεκτν-yα, Λάκαινα, ζύγαινα etc. s’expliquent de la même manière.

Les liquides sont moins exposées à ce traitement, comme l’indique par exemple ψάλτρια en regard de Λάκαινα. Le verbe ἐχθαίρω dérive peut-être du thème ἐχθρό, mais les lexicographes donnent aussi un neutre ἔχθαρ. – En revanche l’éolique offre : Πέρραμος = Πρίαμος, ἀλλότερρος = ἀλλότριος, μέτερρος = μέτριος, κόπερρα = κόπρια (Ahrens I 55) ; ces formes sont bien dans le caractère du dialecte : elles ont été provoquées par le passage de l’i à la spirante jod – d’où aussi φθέρρω, κτέννω – qui changea Πρίαμος en *Πρϳαμος. C’est alors que la liquide développa devant elle une voyelle de soutien, qui serait certainement un α dans tout autre dialecte, mais à laquelle l’éolien donne la teinte ε. Dans des conditions autres, ἅμ-ᾱ̆ est, suivant une explication que M. Brugmann m’autorise à communiquer, sorti de *σμ-α qui est l’instrumental de εἷς « un » (thème sam-), tandis que μία pour *σμ-ία (Curtius, Grdz. 395) s’est passé du soutien vocalique.

On peut ramener la prépos. ἄνευ à *σνευ qui serait le locatif de snu « dos » ; le Véda a un loc. sā́no qui diffère seulement en ce qu’il vient du thème fort. Pour le sens cf. νόσφι (Grdz. 320). On trouve du reste en sanskrit : sanutár « loin », sánutya « éloigné » qui semblent être parents de snu ; sanutár est certainement pour snutár ; cf. sanúbhis s. v. snú chez Grassmann. Ce savant fait aussi de sanitúr un adverbe voisin de sanutár ; dans ce cas le got. sundro nous donnerait l’équivalent européen. Cf. enfin le latin sine.

La 1re pers. du pl. ἐλύσαμεν est pour *ἐλυσμεν. Cette forme est avec ἔλυσα, ἔλυσαν et le part. λύσας la base sur laquelle s’est édifié le reste de l’aoriste en -σα.

L’aor. ἔκτανον de κτεν appartient à la même formation que ἔ-σχ-ον (p. 10 seq.). Il doit son α à l’accumulation des consonnes dans *ἐ-κτν-ον. L’α de ἔδραμον a la même origine, à moins, ce qui revient assez au même, que ρα ne représente et qu’on ne doive assimiler ἔδραμον à ἔτραπον. – σπαρέσθαι, s’il existe (Curtius Verb. II 19), remonte semblablement à *σπρέσθαι.[70]

Le germanique est très riche en phénomènes de ce genre ; c’est, comme on pouvait attendre, l’u qui tient ici la place de l’a grec. M. Sievers (loc. cit., p. 119) ramène la 1e pers. pl. parf., bitum à bitm̥ né lors de la chute de l’a de *(bi)bitmá. Cf. plus haut p. 11 i. n. – M. Sievers explique semblablement lauhmuni, p. 150.

M. Osthoff considère le dat. pl. broþrum (l’u de ce cas est commun à tous les dialectes germaniques) comme étant pour broþr̥m, skr. bhrā́tr̥bhyas. Mais il reste toujours la possibilité que la syllabe um soit ici de même nature que dans bitum. En d’autres termes l’accent syllabique pouvait reposer sur la nasale, aussi bien que sur la liquide. Cf. les datifs du pluriel gotiques bajoþum, menoþum, où la liquide n’est point en jeu.

Quant aux participes passifs des racines à liquides ou à nasales de la forme A (p. 9), comme baurans en regard du skr. babhrāṇá, il faut croire que la voyelle de soutien est venue, le besoin d’ampleur aidant, de certains verbes où la collision des consonnes devait la développer mécaniquement, ainsi dans numans pour *nmans, stulans pour *stlans. Ajoutons tout de suite que les formes indiennes comme ça-çram-āṇá (= ça-çrm̥m-āṇá) présentent le même phénomène, et que dans certaines combinaisons il date nécessairement de la langue mère. En thèse générale, les insertions récentes dont nous parlons se confondent souvent avec certains phonèmes indo-européens dont nous aurons à parler plus tard, et qu’il suffit d’indiquer ici par un exemple : got. kaurus = gr. βαρύς, skr. gurú.

On sait l’extension qu’a prise dans l’italique le développement des voyelles irrationnelles. Le groupe ainsi produit avec une liquide coïncide plus ou moins avec la continuation de l’ancienne liquide sonante ; devant m au contraire nous trouvons ici e, là u : (e)sm(i) devient sum, tandis que pedm̥ devient pedem. Un n semble préférer la voyelle e : genu est pour *gnu, sinus pour *snus (skr. snú Fick, W. I³ 226).

En zend, ce genre de phénomènes pénètre la langue entière ; c’est en général un e qui se développe de la sorte. – Le sanskrit insère un a devant les nasales ; nous en avons rencontré quelques cas précédemment ; la prosodie des hymnes védiques permet, comme on sait, d’en restituer un grand nombre. D’autres fois l’a se trouve écrit : tatane à côté de tatné, kšamā́ à côté de kšmás. L’accent de kšamā́ suffirait pour déterminer la valeur de son a ; si cet a avait été de tout temps une voyelle pleine, il porterait le ton : « kšámā ».


En quittant les liquides et nasales sonantes, phonèmes dûs la plupart du temps à la chute d’un a, il est impossible de ne pas mentionner brièvement le cas où l’a est empêché d’obéir aux lois phonétiques qui demandent son expulsion. Ce cas ne se présente jamais pour les racines de la forme A et B (p. 9), le coefficient sonantique étant toujours prêt à prendre le rôle de voyelle radicale. Au contraire les racines de la forme C ne peuvent, sous peine de devenir imprononçables, se départir de leur a que dans certaines conditions presque exceptionnelles.

Devant un suffixe commençant par une consonne elles ne le pourront jamais.[71] Les formes indiennes comme taptá, sattá, tašṭá, les formes grecques comme ἑκτός, σκεπτός etc., pouvaient-elles perdre leur a, leur ε ? Non, évidemment ; et par conséquent elles n’infirment en aucune façon le principe de l’expulsion de l’a.

Le suffixe commence-t-il par une voyelle et demande-t-il en même temps l’affaiblissement de la racine, cet affaiblissement pourra avoir lieu dans un assez grand nombre de cas. Nous avons rencontré plus haut σχ-εῖν, σπ-εῖν, πτ-έσθαι etc. des racines σεχ, σεπ, πετ etc. En sanskrit on a par exemple bá-ps-ati de bhas, á-kš-an de ghas, lequel donne aussi par un phénomène analogue la racine secondaire ǵa-kš. Le plus souvent l’entourage des consonnes ne permettra pas de se passer de l’a. Prenons par exemple le participe parfait moyen sanskrit, lequel rejette l’a radical : les racines bhar de la forme A et vart de la forme B suivront la règle sans difficulté : ba-bhr-āṇá, va-vr̥t-āná. De même ghas, bien qu’étant de la forme C, donnerait s’il se conjuguait au moyen : *ǵa-kš-āṇá ; mais telle autre racine de la forme C, spaç par exemple, sera contrainte, de garder l’a : pa-spaç-āná. Ce simple fait éclaire tout un paradigme germanique : à babhrāṇá répond le got. baurans, à vavr̥tāná le got. vaurþans ; le type paspaçāná, c’est gibans. Tous les verbes qui suivent l’ablaut giba, gab, gebun, gibans, ont au participe passif un e (i) pour ainsi dire illégitime et qui, bien que très ancien, n’est là que par raccroc.

Il y a dans les différentes langues une multitude de cas de ce genre, que nous n’avons pas l’intention d’énumérer ici. La règle pratique très simple qui s’en dégage, c’est que, lorsqu’on pose la question : telle classe de thèmes a-t-elle l’habitude de conserver ou de rejeter l’a (e) radical ?, on doit se garder de prendre pour critère des formes où l’a (e) ne pouvait pas tomber.

C’est ici le lieu de parler brièvement de ce qui se passe dans les racines dont as et wak peuvent servir d’échantillons. Il est permis à la rigueur de les joindre au type C ; mais chacun voit que la nature sonantique de la consonne initiale chez wak et son absence totale chez as créent ici des conditions toutes particulières.

Chez les racines comme as, peu nombreuses du reste, la chute de l’a n’entraîne point de conflit ni d’accumulation de consonnes. Elle est donc possible, et en temps et lieu elle devra normalement se produire. De là la flexion indo-européenne : ás-mi, ás(-s)i, as-ti ; s-mási, s-tá etc. Optatif : s-yā́m. Impératif : (?) z-dhí (zend zdī). Voy. Osthoff, K. Z. XXIII 579 seq. Plus bas nous rencontrerons skr. d-ánt, lat. d-ens, participe de ad « manger ».

La racine wak est en sanskrit vaç et fait au pluriel du présent uç-más ; on a semblablement iš-ṭá de yaǵ, r̥ǵ-ú de raǵ etc. Quel est ce phénomène ? Un affaiblissement de la racine, sans doute ; seulement il est essentiel de convenir que ce mot affaiblissement ne signifie jamais rien autre chose que chute de l’a. C’est laisser trop de latitude que de dire avec M. Brugmann (loc. cit., p. 324) « Vocalwegfall unter dem Einfluß der Accentuation ». Entre autres exemples on trouve cités à cette place indo-eur. snusá « bru » pour sunusá, skr. strī « femme » pour *sutrī. Lors même que dans ces mots un u serait tombé (la chose est indubitable pour le véd. çmasi = uçmási), il s’agirait ici d’un fait absolument anormal qu’on ne saurait mettre en parallèle et qui est plutôt en contradiction avec la loi de l’expulsion de l’a, car un corollaire de cette loi, c’est précisément que les coefficients de l’a se maintiennent. Gardons-nous aussi de prononcer le mot samprasāraṇa : ce terme, il est vrai, désigne simplement le passage d’une semi-voyelle à l’état de voyelle ; mais en réalité il équivaut dans tous les ouvrages de linguistique à : rétrécissement des syllabes ya, wa, ra (ye, we ; yo, wo) en i, u, . Dans l’esprit de celui qui emploie le mot samprasāraṇa, il y a inévitablement l’idée d’une action spéciale de y, w, r sur la voyelle qui suit, et d’une force absorbante dont jouiraient ces phonèmes. Si tel est le sens qu’on attache au mot samprasāraṇa, il faut firmer nettement que les affaiblissements proethniques n’ont rien à faire avec le samprasāraṇa. L’a tombe, voilà tout. Et ce n’est point par plusieurs phénomènes différents, mais bien par un seul et même phénomène que pa-pt-ús est sorti de pat, s-mási de as, rih-mási de raigh, uç-mási de wak. — D’ailleurs, lorsque dans des périodes plus récentes nous assistons véritablement à l’absorption d’un a par i ou u, la voyelle qui en résulte est dans la règle une longue.

Plus haut, nous n’avons fait qu’indiquer ce mode de formation des liquides sonantes, ainsi τρέπω donnant ἔτραπον ; mr̥dú, pr̥thú des racines mrad et prath. La liste serait longue. Il vaut la peine de noter le gr. τρεφ qui, outre ἔτραφον et τέθραμμαι, présente encore la sonante régulière dans l’adjectif ταρφύς.




Chapitre II.
Le phonème a dans les langues européennes.




§ 4. La voyelle a des langues du nord a une double origine.

La tâche que nous nous étions posée dans le chapitre précédent n’était qu’un travail de déblai : il s’agissait de dégager l’a, l’ancien et le véritable a — un ou complexe, peu importe ici — de tout l’humus moderne que différents accidents avaient amassé sur lui. Cette opération était tellement indispensable que nous n’avons pas craint de nous y arrêter longtemps, de dépasser même les limites que nous fixait le cadre restreint de ce petit volume.

Il est possible à présent de condenser en quelques mots le raisonnement qui nous conduit à la proposition énoncée en tête du paragraphe.

1. L’u (o) germanique n’entre plus en considération dans la question de l’a. Il sort toujours d’une liquide ou d’une nasale sonante, lorsqu’il n’est pas l’ancien u indo-européen.

2. Il n’y a plus dès lors dans le groupe des langues du nord que 2 voyelles à considérer : l’e, et ce que nous appellerons l’a. Cette dernière voyelle apparaît en slave sous la forme de o, mais peu importe : un tel o est adéquat à l’a du lituanien et du germanique ; la couleur o ne fait rien à l’affaire.

3. Dans le groupe du sud on a au contraire 3 voyelles : e a o. 4. L’e du sud répond à l’e du nord ; l’a et l’o du sud réunis répondent à l’a du nord.

5. Nous savons que lorsqu’un α grec alterne avec ε dans une racine contenant une liquide ou une nasale (non initiale), l’α est hystérogène et remonte à une sonante.

6. Or les dites racines sont les seules où il y ait alternance d’α et d’ε, ce qui signifie donc que l’a gréco-latin et l’e gréco-latin n’ont aucun contact l’un avec l’autre.

7. Au contraire l’alternance d’e et d’o dans le grec, et primitivement aussi dans l’italique, est absolument régulière (ἔτεκον : τέτοκα, τόκος. tego : toga).

8. Comment l’a et l’o des langues du sud pourraient-ils donc être sortis d’un seul et même a primitif ? Par quel miracle cet ancien a se serait-il coloré en o, et jamais en a, précisément toutes les fois qu’il se trouvait en compagnie d’un e ? – Conclusion : le dualisme : a et o des langues classiques est originaire, et il faut que dans l’a unique du nord deux phonèmes soient confondus.

9. Confirmation : lorsqu’une racine contient l’a en grec ou en latin, et que cette racine se retrouve dans les langues du nord, on observe en premier lieu qu’elle y montre encore la voyelle a, mais de plus, et voilà le fait important, que cet a n’alterne point avec l’e, comme c’est le cas lorsque le grec répond par un ο. Ainsi le gotique vagja = gr. ὀχέω, hlaf = gr. (κέ)κλοφα sont accompagnés de viga et de hlifa. Mais agis(a-) = gr. ἄχος, ou bien ala = lat. alo ne possèdent aucun parent ayant l’e. A leur tour les racines de la dernière espèce auront une particularité inconnue chez celles de la première, la faculté d’allonger leur a (agis : ōg, ala : ōl), dont nous aurons à tenir compte plus loin.

M. Brugmann a désigné par a₁ le prototype de l’e européen ; son a₂ est le phonème que nous avons appelé o jusqu’ici. Quant à ce troisième phonème qui est l’a gréco-italique et qui constitue une moitié de l’a des langues du nord, nous le désignerons par la lettre a, afin de bien marquer qu’il n’est parent ni de l’e (a₁) ni de l’o (a₂). – En faisant provisoirement abstraction des autres espèces d’a possibles, on obtient le tableau suivant :

Langues du nord. Etat primordial. Gréco-italique.
e a₁ e
a a₂
______
a
o
______
a
50
Y a-t-il échange d'a et d'e dans le gréco-italique ?

§ 5. Équivalence de l'a grec et Va italique.

Dans le paragraphe précédent nous avons parlé de l'a grec et de l'a italique comme étant une seule et même chose, et il est re- connu en effet qu'ils s'équivalent dans la plupart des cas. L'énu- mération des exemples qui suit, et qui a été faite aussi complète que possible^ est en grande partie la reproduction de la première des listes de M. Curtius {Sitzungsberichfe etc., p. 31). Il était indis- pensable de mettre ces matériaux sous les yeux du lecteur quand ce n'etît été que pour bien marquer les limites où cesse en grec le domaine des liquides et nasales sonantes, en rappelant que l'alpha n'est point nécessairement une voyelle anaptyctique d'origine secondaire.

D'autre part le mémoire cité contient deux listes d'exemples avec le résultat desquelles notre théorie paraît être en contradiction. La première de ces listes consigne les cas où un a grec se trouve opposé à un e latin ; la seconde donne les mots où au contraire Ve grec répond à l'a latin. Or un tel échange d'e et d'à, qui peut s'accorder plus ou moins avec le scindement d'un a unique, est à peu près incompatible avec l'hypothèse des deux phonèmes a et a^ dif- férents dès l'origine. Mais, aux yeux de celui-là qui accepte la théorie des nasales sonantes, le nombre des cas de la première espèce se réduira déjà considérablement : il supprimera éKaxôv — cen- tum, baCvç — densus, irax^ç — pinguis etc. En y regardant de plus près, en tenant compte de toutes les rectifications motivées par les travaux récents, on arrivera à un résidu absolument insignifiant, résidu dont presque aucune loi d'équivalence phonétique n'est exempte. Nous pouvons nous dispenser de faire cela tout au long. Un ou deux exemples suffiront. Kpéaç — caro: M. Bréal a montré {Mém. Soc. Ling. II 380) que ces deux mots ne sont point parents. Méyaç — magnus: la racine n'est point la même, comme nous le ver- rons plus bas. KeqpaXn — caput: le cp du grec continue à rendre ce rapprochement improbable. Téacrapeç — quattuor: les plus proches sœurs de la langue latine montrent l'e: ombr. petur, osq. peiora; quattuor est sans doute une altération de *quotiuor pour '^'quetinor (cf. colo = *quelo etc.). BacTTdZluj — geste (Fick): leur identité n'est pas convaincante, car on attendrait du moins *{g)vesio] gesto et gero sont bien plutôt parents du gr. d-Toatôç^ «paume de la main» dont \'o

1. Egal lui-même au skr. hàsta. Le zend zaçta montre que la gutturale initiale est palatale, non vélaire. C'est un cas à ajouter à la série : hùnu — y^vuç, ahâm — i.-\^, niahânt — M^TOÇ? i^^» — T^ i^/d — Kopbia).

�� � Y A-T-IL ÉCHANGE d'o ET d'^ DANS LE GRÉCO-ITALIQUE? 51

est «2- En ce qui concerne axnv (cf. axiivîa) qu'on rapproche du lat. ëgeo, il y aurait en tous cas à tenir compte de la glose âexnveç* Trévr|Teç (Hes.). — L'exemple le plus saillant qu'on ait cité pour la prétendue équivalence d'e et d'à, c'est le grec éXiKri «saule» = lat. sâlix (vieux haut-ail. salaha); mais ici encore on pourra répliquer que éXÎKri est un mot arcadien, et l'on pourra rappeler Ziépedpov = pdpadpov et autres formes du même dialecte^ (Gelbke, Stu- dien II 13).

Au sein du grec même — il ne s'agit pas ici des différences de dialecte — on a souvent admis un échange d'e et d'à. Comme nous avons eu occasion de le dire au § 4, ce phénomène est limité à une classe de racines chez lesquelles l'a étant un produit récent des liquides et nasales sonantes, n'est pas en réalité un a. Nous ne croyons pas que cet échange se présente nulle part ailleurs. Il nous semble superflu d'ouvrir ici une série d'escarmouches étymo- logiques dont l'intérêt serait fort médiocre. Déjà le fait qu'il n'est aucun des cas allégués qui ne prête à la discussion suffit à éveiller les doutes. Un simple regard sur la flexion verbale permet de cons- tater que là du moins il n'y a pas trace d'un a remplaçant l'e en dehors des racines à liquides et à nasales. Autant le paradigme TpéTTUJ, ëipaTTOV, TéTpa)ii|Liai, èrpdqpdriv est commun dans ces deux dernières classes, autant partout ailleurs il serait inouï. Un exemple, il est vrai, en a été conjecturé. M. Curtius est porté à croire juste la dérivation que font Aristarque et Buttmann de l'aor. pass. homé- rique éçiqpdn (èm b' daîriç âdqp&n, Hiade XIII 543, XIV 419). Le mot semble signifier suivre dans la chute, ou selon d'autres rester at- taché, adhérer. Partant du premier sens, Buttmann voyait dans édqpdr) un aoriste de êiroinai, rejetant l'opinion qui le rattache à ctTTTUJ. Dans tous les cas personne ne voudra sur une base aussi frêle soutenir la possibilité de Vablaut ea dans la flexion verbale. Avant de s'y avouer réduit, il serait légitime de recourir aux éty- mologies même les plus hasardées (cf. par exemple got. sigqan «tomber», ou bien skr. sang «adhérer»; a serait alors représentant d'une nasale sonante).

Examinons encore trois des cas où l'équivalence d'e et d'à est le plus spécieuse: vé(/')uu «nager», vd(/")uj (éol. vaùu)) «couler» ; cf. skr. snaûti. Comment une même forme primitive a-t-elle pu

��2. C'est avec intention que nous nous abstenons de citer ZéXXw, qui en apparence serait un parallèle meilleur.

��4*

�� � 52 Y A-T-IL ÉCHANGE d'a ET d'e DANS LE GRÉCO-ITALIQUE ?

donner à la fois vé/iw et vd/U)? C'est ce qu'on ne saurait concevoir. La difficulté est supprimée si, séparant và/uu de l'ancienne racine mau, nous le rapprochons de snâ: vaf s'est développé sur snâ ab- solument comme (çaf (qpaûoç) sur hha, xaJ" (xaûvoç, X«oç) sur gJiâ, GTaf ((Traupôç) sur stâ, Xa/ (àîToXauiu) sur la, boJ' (5u/avoîri) sur da, yvof (vôoç, gnavus) sur yna. — vé(a)o)aai «venir», vaîiu, Ivaaaa, iyda^x]v «demeurer» ; cf. skr. ndsate. Les sens ne s'accor- dent pas trop mal, mais rien ne garantit que la véritable racine de vaîuj soit nas; qu'on compare baîuj, èbdcTffaTO, -bacTTOÇ. D'autre part il faut tenir compte de vaûoç «temple», que M. Curtius pro- pose, il est vrai, de ramener à *vaGfoç. — JaGTv <cité» appartient à la racine du got. visan qu'on croit retrouver dans le gr. ecJTÎa et avec plus de certitude dans àécTKUU, dfecra «passer la nuit, dormir». /otff-Tu est à d/ecr-Kou ce que le thème latin vad- est au gr. d/eô- Xov; il s'agit ici de phénomènes phoniques tout particuliers. — Les autres cas peuvent tous s'éliminer semblablement. Dans deux mots: beîîTvov =^ *5aTrivov, et eîxXov, autre forme de aïKXov (v. Baunack, Studien X 79), l'a semble s'être assimilé à Vi qui suivait. Quant à KXeiç, YeÎTiJDV, Xeujç, XeiTOupYÔç, peîa etc., à côté de xXôfîç, fâ, Xâôç, pabioç etc., il n'est pas besoin de dire que leur e pour r\ n'est que la traduction ionienne d'un 5.

Après la critique détaillée de ce point par M. Brugmann on ne sera plus disposé à attribuer aux formes dialectales qpdpuj, Tpdxui, Tpdcpuj etc., pas plus qu'à /ecTTrdpioç, dvqpôiapoç, Ttaiàpa, une importance quelconque dans la question de l'a. M. Havet (Mém. Soc. lAng. Il 161 seq.) a depuis longtemps expliqué leur a par l'influence de r. 11 va sans dire qu'ici nous n'avons point affaire à un r voyelle donnant naissance à a, mais bien à un r consonne transformant e en a. C'est le phénomène inverse qui se manifeste dans certaines formes ioniennes et éoliques telles que êpCnv, -fépTepoç, XXiepôç.

Comme on le voit par le tableau de Corssen (11^ 26), l'échange de Va et de Ve est aussi presque nul dans le latin, pour autant du moins que certaines affections phonétiques spéciales et de date récente ne sont pas en jeu. Le vocalisme concorde également entre les différents dialectes italiques qu'il est donc permis de considérer h cet égard comme un tout. La divergence la plus considérable est dans le latin in- (préfixe négatif) et inter en regard de an-, anter, de l'osque et de l'ombrien. Cette divergence s'expliquera plus loin, nous l'espérons. EXEMPLES DU PHONEME A DANS LE GRECO-ITALIQUE.

��53

��Les exemples qui suivent sont répartis en trois séries, d'après la place de l'a et son entourage dans la racine.

��1 . La syllabe radicale ne contient ni nasale ni liquide qui ne serait pas initiale. En tête de la liste se trouvent les racines communes à un grand nombre de mots. Les lettres C et F renvoient aux ouvrages d'étymologie de M. Curtius et de M. Fick.

ac-ies, ac-us etc. aqu-ilus. F. ag-o, ac-tio. ap-tus, apere (?). vap-or, vappa. C. dap-es, dam-num.^ macte (macerî). mac-tare, mac-ellum. madeo, mad idus. lac-er, lac-erare. lac-sus, langu-eo. C. la-mb-o, lab-rum. las-civus. sapio, sap-or. C.

��aky :

�ttK-poç, aKaxiiievoç

�afcg'

�ciK-apoç, otx-\ûç

�ag:

�oÎT-oj, àT-ôç

�ap:

�aTT-Tuj

�kwap:

�KaTT-ÙUJ, KaTT-VÔÇ

�dap:

�bân

�-TUJ, baTT-dvri

�1 mak:

�|LiàK-ap, luiaK-pôç

�2 mak^:

�|ndx-o|iiai, iLiâx-aipa

�mad:

�|uab-

�du), inab-apôç

�lak:

�XdK-

�oç, XaK epôç

�lag:

�Xdy-

�voç, XaTT-d2(JU

�lap:

�XdTT-

�TU), Xaqp-ÛŒcruj

�las:

�XiXa((T)-îo)Liai, Xdcr-Tri

�sap:

�aair-

�pôç, (Tacp-nç

�dpiv

�èXâtri'

�V abies.

�àïpôç

� �ager.

�àKxôç

� �axilla, âla.

�à|iivôç

� �agnus.^

�àliwï]

� �ascia.

�dHuuv

� �axis.

�'AîTi-bavôç

�amnis.^

�èlTTÔ

� �ab.

�dira

� �atta.

�dxvn

� �agna.

��pdKTpov

�baculus.

�paffKaivou

�fascinare (?)

�bdKpu

�dacruma.

�Kdboç

�cadus

�KaKKduj

�cacare.

�KdîTpoç

�caper.

�pd2

�racemus (?).

�idîTTUJ

�jacio (?).

�Xdxvn

�lâna.

�ipaqpapôç

�scabies.

��1. Sur le rapport de ^^rtmnwm et de bairdvn, v. Bechstein, Studien VIII 384 seq. L'auteur omet de mentionner (juc même au temps de Suétone (Néron, chap. 31) damnosus signifiait dépensier. — 2. Il est préférable de ne pas inscrire ici une troisième racine mak, dans \xAacHii — tnàcero, parce que Ve du si. mçk- nqti complique la question. — 3. V. Fick, K. Z. XX 175; le s\. jagnç qui a g^ justifie la forme ancienne *àpv6ç qu'on suppose pour le mot grec. — 4. M. Cur- tius interprète le nom de fleuve 'Ambavôç par àiri «eau» + bavo «donnant», étymologie qui trouverait peut-être quelque appui dans 'Hpi-bavô-ç (skr. vdri

�� � 54

��EXEMPLES DU PHONEME A DANS LE GRECO-ITALIQOE.

��Xaiôç

�laevus.

�(Xaîoi

�saevus^ (?).

�(jKaiôç

�scaevus.

�dor. ai

�osq. svai.

��Dans la diphtongue: aï, aïôu) aestas, aestus.

ottiJûv aevum.^

aîact (aïK-î/a) aequus. {ba{if)r\p lêvir.)

«eau»); il rapporte à la même racine Meoadinoi, ff] 'Ania etc. La question est seulement de savoir si nous avons affaire à ap (d'où amnis) ou à ak^ (dans aqua); mais dans l'un et l'autre cas le latin montre l'a. — 5. L'« est long: gr. éTtr|€Tavôç, skw àyus. — 6. V. Savelsberg, fi". Z. XVI 61. L'épel adïoi rend le rapprochement douteux, — 7. Encore ici on peut supposer l'a long; on arriverait peut-être à expliquer de la sorte cJ pour ï\\.

��au. au g: auT-n, auK-aiç

1 ans', auujç; àéXioç

2 au s: èS-au(T-Tr|p g au: Y«û-poç, yH-^^^ kaup: KàîT-riXoç ^ 2) au: TraO-uu stau: (Tiau-pôç

1. Fick, Beitrâge de Bezzenherger II 187. — 2. Vu est tombé en grec, comme dans kXôviç et d'autres formes. Osthoff, Forschtongen I 145, Misteli, K. Z. XIX 399.

��augere, aug-ustus. aur-ora; Aus-elius. C. h-aur-io, h-aus-tus^ (?). gaudere, gav-isus. C. caup-o, cop-a. C. pau-cus, pauper. in-stau-rare. C.

��aupa aura (emprunté?).

auie autem (?).

èvi-auTÔç autumnus (?). daûvoV ôr|-

pîov Hes. Faunu^ (?).

��a est suivi de V.

��àîTO-Xau-uu

à(/")-îuj

Tra(i )-îuu

q)aû-oç, cpa(/)eivôç

��dpaûu) fraus.

KauXôç caulis.

cfavx^àç saucius.

xaûpoç taurus.

Lav-erna, lav-erniones. C. av-eo, av-idus (?). C. pav-io. favilla. C.

��2. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.^ Dans un certain nombre d'exemples (nous en avons placé quelques-uns entre crochets) l'a représente certainement autre chose que A; c'est un a anaptyctique, en rapport avec les phénomènes étudiés au chapitre VI.

��1. Les couples aqpdXXu) — fallo et àXcpdvw — labo)- ne sont pas insérés dans cette liste, parce qu'ils prêtent matière à discussion.

�� � EXEMPLES DU PHONEME A DANS LE GRECO-ITALIQUE.

��55

��ank:

�dYK-uûv, aTK-ùXoç

�ane-us. C.

� �angh:

�àfx-M

�ang-o, ang-usfus.

�1 ar:

�dpap-icTKai, dp-&pov

�ar-tus.

� �2 ar:

�dp-ôiu

�ar-are, ar-vum

�/.

�ark:

�dpK-éuu

�arc-eo, arx.

� �arg:

�dpT-ôç [dpT-upoç]

�arg-uo [arg-entum],

�—

�àpn-âlw, dpTT-aXéoç

�rap-io, rap-ax

� �al:

�dv-aX-TOç

�al-o, al-umnus.

�C.

�(?)alg:

�dXT-oç, dXT-éuu

�alg-eo (V).

� �kan:

�Kav-d2ui, r|i-Kav-ôç^

�can-o, can-orus.

�[kard:

�Kpdb-ri, Kpab-aîvuj

�card-o. C]

� �kal:

�KaX-éa>

�cal-endae, cal-i

�ire.

�[bhark:

�cppàaaw, cppaK-TÔç

�farc-io, frac-sare.]

�{s ark^:

�^dTT-TUU

�sarc-io. Bugge.]

�\sarp:

�dpTT-ri

�sarp-Oy sarmen

�■]

�1 sal:

�dX-Xo|^ai

�sal-io, sal-tus.

� �2 sal:

�adX-oç, (TaX-d(T(TU)

�salum. C.

� �[skand:

�Kdvb-apoç

�cand-eo, cand-ela. C]

�dXXoç

�alius.

�xXaMupoç

�gramia.

�[dfXKH

�alces.]

�xXaqpupôç

�glaber (?).

�àXKudiV

�alcedo.

�KdXxn

�claeendix.

�dXqpôç

�albus.

�Ka|Lidpa

�camurus.

�[à|aq)i

�amb-.]

�dor. KâîTOç

�campus.

�[djLiqpuj

�ambo.]

�KapKivoç

�cancer.

�Sv

�an.

�XdH

�calx.

�[àv- (priv.) osq. ombr. an-.\

�KdpTttXoç

�cartilago,^

�dveiioç

�animtis.

�Kpdiupoç

�carbo.

�dvTÎ

�anfe.

�ILidXpaH \ MttXdxn 1

�malva.

�àpdxvn

�arânea.

� �[dpMÔç

�armus.]

�MttMMn

�mamma.

�dpov

�arnndo (?). F.

�dor. vâaaa

�anat-

�[papûç

�gravis.]

�bî-TcXaE

�ombr. tu-plak.°

�pXdTTTUJ

�suf-flamen (?).^

�[TTaXd|Liri

�palma.]

�pâppapoç balhus.

�TrdXn

�palea. F.

�pdXavoç

�glans.

�dor. TTâviov

�pannus.

�ydXaKT-

�lad-.

�irXdH

�planca.

��2. riiKavôç' ô àXeKTpudbv. Hes. — 3. Fick, Beitr. de Bezzenb. I 61. — 4. Studien V 184. — 5. Ve du latin duplex n'est dû qu'à la loi d'affaiblissement qui frappe les seconds membres des composés.

�� � 56

��EXEMPLES DES PHONEMES A ET A DANS LE GRECO-ITALIQUE.

��TTpaTTÎbeç

�palpito.^

�[dcpXacTTOV

�fastigimn. F

�paipôç

�valgusCi).

�nXoç \

/aXXoç /

�vallus, C.

�âXç

�sal.

� �paKToi

�an-fractus.'^

�XdXaZ;a

�grando.

�CTKdXovp

�talpa. C.

�dor. \àv^

�anser.

�aKàvbaXov

�scanâo. C.

� � ��6. Nous séparons ainsi palpito àe palpo — \\iï]\a(pdnu. — 7. V. page 18. — 8. Ahrens II 144. — antrum et bracchium sont empruntés au grec.

Au tableau qui précède il faut ajouter 5 racines qui, au fond, semblent ne pas contenir de nasale, bien qu'elles en soient infec- tées dans plusieurs langues, sans doute par l'influence du suffixe. Ces racines sont du reste dans un tel état qu'on peut quelquefois douter si leur voyelle est e ou a, et que l'étude de leurs pertur- bations est à peine possible à l'heure qu'il est. On peut en dire autant de quelques-unes de celles qui viennent d'être mentionnées et qui sont placées entre crochets.

KXétZiuj, eKXttYOV, KéKXaYïa, clmigo, clangor.

KCKXriYiuç, KXaYïn

Cf. norr. hlakka; got. hlahjan, hloh; lit. hlegh. F. P 541.

TeiaYÛiv tango, tago, tetigi, iactus.

M. Fick compare le got. stigqan, ce qui s'accorde mal avec le lat. togo. Il est certain qu'on ne doit pas songer au got. tekan; ce dernier a un parent grec dans bolKxuXoç (rac. dag; cf. digitus).

��TTriYVUjui, îTeYr|T«^ eTraYn, pango, pago, pepigi,

TTr]KTÔç, TrdYîl pignus, pàciscor,

Cf. got. fdhan, faifàh, ou bien v. ht-all. fuogl; skr. pdça.

��pax.

��TiXriO'a'aj, dor. TrXôtYÔi, ileTÛ.a.fï]v; plango, planoci, planctus, -nXàlvj, èîrXdYX^nv plâga. C. Grdz. 278.

KCtKaXov «mur d'enceinte» cancelli «treillis, barrières».

M. Fick, qui rapproche ces deux mots (IP 48), leur compare le skr. kâéate et kàncate «attacher». Mais de là il n'y a qu'un pas au got. hàhan, haihàh «suspendre». L'identification de ce dernier verbe avec le .skr. çâhkate «être préoccupé, douter etc.» (P 56) a un côté faible dans la signification du mot indien. Cf. Pott, Wurzelwôrterh. III 139.

Voici enfin différents exemples appartenant aux tableaux 1 et 2, mais qui présentent un a long, dans l'une des deux langues ou dans toutes deux. Cet a long est un nouveau phonème à en-

�� � EXEMPLES DES PHONEMES ^ ET ^ DANS LE GRECO-ITALIQUE.

��57

��registrer, et comme il est évidemment en rapport avec a, nous pou- vons lui donner tout de suite la désignation a, tout en nous promet- tant de l'étudier ailleurs plus à loisir.

��dor. YapûuJ dor. (f)âxih^ \

dor. KâXîç^

��garrio.

��vagio.

câligo. clâvis. claudo. glârea.^ bas-lat. gravarium*' (?). mâlum. nâvis. pàlûd-.^

��iyri^aq)duu(r|=â?) palpare. dor. lydcpoç sàbulum.

��dor. KXa(.r)îç^ I

dor. KXâpoç^

Xdaç

luâXov

vâûç

dor. TTâXôç^

TTiipôç, TTaOpoç » pârum.

dor. TÔ TTdpoç / parvus.

Ici se place aussi la racine de magnus, major, osq. mahiis etc. qui a donné en grec Mnxoç, MHxap, dor. }JLaxavâ (Ahrens II 143). V. page 61.

1. La racine de garrio n'est pas, il est vrai, exactement la même que celle de YOpûuj {d. ht garsà). — 2. Ahrens II 137 seq. — 3. Il est possible que ^r/ârea soit emprunté; ^t>o l'est presque certainement. — 4. Pictet, Origines Indo-européennes I* 132. — 5. D'autre part -rrXdboç se rapproche de palus. — 6. Gurtius, Verbum II 29. — 7. Dor. aKdndviov Ahrens II 144.

��TTCTTapeiv pabiH \ paba)avoç 1

pdTTUÇ CTKriTTUJv'

àbûç \ eudbe I (tadiç Xa^ôç

��ap-pâreo.

râdix.

râpa, scâpus.

suâvis.

pâvo.^) hâmus.

��3. a

�termine la racine:

�ghâ^:

�Xâ-Xd, xd-Téuj,

� �Xd-TÎZuj, xd-Tiç

�pà:

�7Tà-T-éo|aai,

� �â-TTa-(j-TOç, TTd-via

�bha:

�dor. q)S-|Liî, q)â-|Lia,

� �qpa-Tiç, P p. pi. q)â-|iiév

�(?)/««:

�ÔXa-uu, uXa-K-n

�stâ:

�dor. 'î-crTâ-|Lii, ë-aiâ-v,

� �CTid-Trip, 1® p. pi. ï-aid

�{s)nà:

�vâ-pôç, vd-|Lia,

� �vd-aoç, Nâ-ïdç

�spâ:

�dor. (TTTa-biov, CTTrâ-a»

��1. La dépendance des mots latins

��fà-mes, fà-tuus, fà-t-iscor, fà-t-igo. pâ-nis, pâ-bulum, pa-sco, pâ-s-tor^, pâ-vi fâ-ri, fâ-ma, fâ-hula, fà-t-eor. là-trare {lâ-mentuni ?). Siâ-tor, stamen, •|Liev stà-tus, stà-hulum. nà-tare, nà-trix, nâre.

spà-tium (pa-t-eo'?), pa-nd-o, 2>a-s-sus. de la rac. ghâ est assez généralement

�� � 58 EXEMPLES DES PHONÈMES A ET A DANS LE GRÉCO-ITALIQUE.

reconnue; quant à hisco, Mare etc., on ne saurait les dériver immédiatement de ghà\ hiare est le lit. ziôti (rac. ghyà)] et la ressemblance de hisco avec xôokuj ne doit point faire passer sur cette considération. — 2. Schmitz, Beitriige zur Int. Sprachk., p. 40. — 3. En admettant dans ûXdu) un cas de prothèse de Tu nous restituons au grec une racine qui ne manque presque à aucune des langues congénères. M. Fick il est vrai la trouve dans Xfipoç, Xripéuj. Le Xdiwv d'Ho- mère est controversé. àXuKrei' ûXaKTeî. KptÎTeç nous appoite peu de lumière.

Les exemples qui précèdent offrent plusieurs cas d'amplifica- tion au moyen d'une dentale, amplification qu'affectionnent les racines en «, qui s'est accomplie du reste de plusieurs manières différentes. Voici une racine qui dans les deux langues n'apparaît que sous la forme amplifiée (cf. Curtius, Grdz. 421):

la: dor. Xd-d-(jL», ê-Xa-9--ov là-t-eo.

La nasale de Xavôdvo) ne prouve nullement une racine lan, que le skr. rândhra « caverne >, vu son isolement, ne confirmerait pas. Hésychius il est vrai donne: àXavéç' àXri^éç, mais une autre glose: àXXavnç' àcTcpaXriç. AÔKUJveç, interdit d'en tirer aucune con- séquence quant à XavMvuj.

Le lat. ma-nd-o «mâcher» (cf. pa-nd-o, Xa-vd-dvu)), ma-s-ticarq, ma-nsu-dus etc., et le grec ^a-aâo}ia\ se basent pareillement sur une racine ma dont dérive encore le got. mat{i)-s «repas».

Ici se place enfin lat. pa-t-ior, pas-sus en regard de Trâ-CTx^. ë-7Ta-&ov; nous avons vu et nous verrons plus bas qu'il est à peu près impossible de décider si l'a de ces mots grecs est un a ancien ou le représentant d'une nasale sonante.

11 reste à mentionner;

dor. iLidiriP == mater. X^ôipôç = h(i)îâris{?).

qppdirip = frâter. [dor. TXâxôç = latus.^

Ttainp = pater. irpacTid cf. pratum.

Dôderlein {Handbuch der Lat. Etym.) compare latex «ruisseau) à XdraH «bruit du dé qui tombe». M. Roscher a montré {Stud. IV 189 seq.) que les nombreuses formes du mot pârpaxoç «grenouille» remontent à *PpàTpaxoç qu'il rapproche du lat. blaterare. Il faudrait citer aussi Xdipiç en regard de latro, si ce dernier n'était emprunté au grec (Curtius, Grdz. 365).

Les syllabes suffixales fournissent a et i en nombre relative- ment restreint. Ces phonèmes sont, peu s'en faut, limités au suf- fixe des féminins de la 1® déclinaison: grec x^ps, vieux latin /orma.

�� � DIAGNOSTIQUES DU PHONÈME A DANS LE SLAVO-GERMANIQUE. 59

Certains cas de cette déclinaison montrent aussi a bref, voy. § 7 fin. Un A bref apparaît ensuite au nom. -ace. plur. des neutres de la 2® déclinaison, où probablement il a été long d'abord : grec biûpâ, latin dônâ (vieux lat. falsâl). V. § 7.

A est de plus désinence des thèmes neutres consonantiques au nom. -ace. plur. Ex. Y^ve-a, gener-a. Mais on sait que l'âge de cette désinence est incertain.

��§ 6. Le phonème a dans les langues du nord.

Que faut- il, quand il s'agit d'un mot gréco-latin, pour être sûr que ce mot contient a? Il faut simplement, toutes précautions prises contre les liquides et nasales sonantes, qu'il ait l'a en grec et en latin. Mais il suffit en général, si le mot existe dans l'une des deux langues seulement, que dans cette langue il montre l'a : l'a italique ou grec non anaptyctique a, dans quelque forme qu'il se trouve, la qualité a. — Dans les idiomes du nord le problème est plus compliqué: chaque a peut, en lui-même, être a ou a^. Avant de lui attribuer la valeur i, il faut s'être assuré qu'il ne peut représenter a^. Cette épreuve sera possible bien souvent dans cha- que langue sans qu'il soit besoin de recourir aux idiomes congénères, et cela au moyen des données morphologiques qui indiquent dans quelles formations a^ est remplacé par'ag. La formation est-elle de celles qui n'admettent pas «2» ^^ sera certain que l'a et un a. Le thème du présent, mais seulement chez les verbes primaires, est la plus répandue de ces formations.

Dans le choix des racines données comme exemples de a dans les langues du nord, nous avons suivi autant que possible ce principe. Il faut que sans sortir de ce groupe de langues on puisse conclure que la racine contient a, puis on compare les langues du sud, et il y a confirmation en tant que ces dernières montrent l'a. Cf. § 4, 9. Des exemples tels que si. orjq en regard du lat. arare ou got. pahan en regard de tacere ont été laissés de côté: ce n'est pas qu'il y ait lieu de douter que leur a ne soit un a, mais ces verbes étant dérivés, on ne peut distinguer dans la langue même si leur a ne représente pas a^\ on ne le peut décider qu'en invoquant l'o des langues du sud. Or, c'est précisément à mettre en lumière l'identité de l'a du sud avec celui des a du nord qui ne peut être flg, qu'est destiné le tableau. — Cependant un tel triage était im- possible pour les thèmes nominaux détachés.

�� � 60 EXEMPLES DU PHONÈME A DANS LE SLAVO-GERMANIQUE.

La plupart des exemples se trouvent dans les riches collections d'Amelung auxquelles nous ne saurions toutefois renvoyer le lecteur purement et simplement: car, conformément à son système, qui n'admet qu'un seul phonème primitif soit pour l'a du nord soit pour l'a et Vo réunis du suJ, l'auteur citera indistinctement got. akrs = gr. aTpôç, got. hlaf == gr. KCKXoqpa. La présente liste est très loin d'être «complète; c'est plutôt un choix d'exemples.

Aki'. si. os-trû; lit. asztrùs, asznien- ac-ies, dÎK-poç

Agi'. norr. ak-a, ok ag-o, dx-uj.

Agh^^: got. ag-'is, og (irland. ag-aihar) à'X'OÇ, àxax-xC^.'

kAp: got. haf-jan, hof'^ cap-io.

twAk^: got. pvafi-an, pvoh tok-uj, è-TaK-r|V.

dliAhhH si. dob-rû; got. ga-dahan, ga-dob fâb-er.

mAk^: got. ma{h)-isis^ |LiaK-pôç.

mAgh^i si. mog-q; got. mag-an^ mag-nus, |uâx-avâ.

rvAdh: norr. vad-a, vod vâd-o, vâsi. F.

skAp: si. kop-ajq^; lit. kapôju cTKàTr-TiJU, KaTreioç.

skAhh: got. skab-an, skof scab-o, seàbi.

An: got. an-an, on; si. q-ch-a . an-imiis, dv-e|aoç.

Angh^: got. agg-vus; si. qz-ùkû; Vit. ànkszf as ang-o, àfx-^-

Al: got. ai-an, ol (irland, al) al-o, dv-a\-T0Ç.

1. Le grec âxo|nai; âxoç, ^ÎKaxov, âxôoç; \e ^oi. ag-is, un-agands, parf.-prés. og etc. sortent d'une racine agh sans nasale qui semble être jdistincte de angh. La première donne en sanskrit aghà «méchant» (aghâ-m «mal, malheur»), aghalâ (id.), agh&yâti ^menacer»; la seconde: amhii, âmhas etc. La première désigne un mal moral, du reste assez indéterminé, la seconde signifie attacher, resserrer. La gutturale finale prouve assez qu'il y a lieu de faire la distinction ; en effet le zend âzanh, le slave qzûku montrent gh^ et élèvent par conséquent une barrière entre skr. atnhtl et skr. aghâ. Ce n'est qu'en apparence que \e gv du got. aggvus contredit au z du slave et du zend : nous croyons que le v en question vient des cas obliques où il ne fait que continuer Vu suffixal. Mais il faut avouer que le zend ayana «vinculo» compromet la combinaison. — 2. hafjan est un verbe fort; autrement, d'après ce qui vient d'être dit, nous ne devrions pas le citer. — 3. Il semble à peu près impossible de maintenir le rapprochement du got. Pvahan, pvoh avec le grec TéTY'JLi (malgré ôrpeYKToç = 6t/6Yktoç). Le grec TriKUJ au contraire n'offre aucune difficulté de forme; les significations il est vrai s'écartent, sensiblement, mais elles peuvent s'unir dans l'idée de faire ruisseler, qui est précisément celle du skr. tôçate auquel on a comparé pvahan. Cf. d'ailleurs les sens variés des racines prau et snâ. — 4. Fick, K. Z. XIX 261. — 5. Comme l'a fait voir M. Ascoli {K. Z. XVlI 274) le got. maists est pour *mahi8ts, ce qui le place à côté de inoxpôç en le séparant de mikils, ainsi que le demandait déjà la différence des voyelles. M. Ascoli a montré en même temps que major, magnus remontent à mah, magh ; et nous nous permettrions seulement de mettre

�� � EXEMPLES DU PHONEME A DANS LE SLAVO-GERMANIQUE.

��61

��en doute que ce magh ait donné le skr. mahânt. Ne pouvant développer la chose au long, nous nous contenions de constater qu'il y a 3 racines. X^mAk^: zend niaçi/âo, anc. pers. ma^ièta, got. ma(h)ists, ma{h)iza, grec [naKpôç, et aussi ILictKap et le latin macte. 2" mAgJi^: skr. maghâ «richesse», got. magan, lat. magnus, nia(h)jor, gr. laâxavd, si. niogq; — mais point wa/ian^, vu le z du zend mazâofit. 3" tna^g^ ou ma^gh^: gr. jnéyaç, got. mihils, skr. mahdnt; cf. matfnmn. — En ce qui concerne spécialement le gotique, il faut admettre que le part. sing. mag est pour *mog et qu'il a suivi l'analogie du pluriel magum; de même qu'in- versement forum a remplacé *farum. Cf. plus loin, chap. V. — 6. Les verbes dérivés de la classe dont fait partie kopajq n'ont pas l'habitude de changer un e radical en o (a^ ; il était donc permis de le citer ici.

��got. a(j)iza-

�a{j)es.

�got. a/;ïs

�a?M(S, dWoç.

�got. akrs.

�ager, àfpôç.

�got. awa

�dvd.

�lit. akmû (? si.

� �lit. qsà

�ansa.

�kamy = *okmy,

� �got. aw<Z-

�ante, dvTÎ.

�norr. haniarr)

�dK|LlUJV.

�V. h*-all, ano, lit.

� �got. ahva

�agzwi.

�anyta

�a?ms.

�lit. âklas

�aquiîus, dKapoç.

�got. arhvazna

�arcus.

�V. haut-ail. ahsa,

� �got. avo

�avus.

�si. osi, lit. aszïs

�axis, dHujv.

�si. Jrarfa (*borda)

� �got. af

�a6, diTÔ.

�lit. barzdà,

� �si. otïcï, got, a/te

�a//a, diia.

�V. h*-all. j^ar/

�barba.

�got. to^r

�lacrhna, bciKpu.

�got. hariz-eins

� �si. hohû^ boruss.

� �(si. 6orw F.)

�far, g. farns.

�habo

�fâba. F.

�V. haut-ail. g^aws.

� �got. gazds^

�Aas/a.

�sl.g'fjs?, lit. ^«^sw

�avser, xdv.

�si. /o>«w

�l(lma(*lacma).F.

�got. /flwa,

� �goth. ma{h)il

�macula. F.

�si. o-pona

�pannus, ttûviov

� � �got. sa//, si. soZ?

�sal, dXç. ■

��1. Osthoff, À'. Z. XXIII 87.

��Les exemples suivants vont nous faire voir le a long des lan- gues du nord. Ce phonème qui dans le groupe du sud ne diffère de A bref que par la quantité, chez elles en général s'en distingue encore par la teinte. Dans le germanique et le lituanien c'est un ù long (v. h'-all. uo), tandis que le slave, chez qui a bref devient o, donne à a long la couleur a. On sait que l'a slave ne sort d'une voyelle brève que dans un ou deux cas tout à fait exceptionnels. Les formes placées entre crochets enfreignent cette loi de substitution.

�� � EXEMPLES DES PHONEMES A ET A DANS LE SLAVO-GERMANIQUÏ.

��fâgus V, h* -ail. huocha.

câligo, KsXiç si. kalû. F.

ILiaKUJV si. makù [v. h^-all.

mâgo^.

nâres, nâsus lit. nôsis, anglo-s. nôsu (cf. si. nosùj V. h^-all. wasa).

��irâxuç norr, bôgr.

râpa V. h* -ail ruoba, lit.

ro/?e [si. répa], suâvis, abùç germ. svôija-: norr.

soetr, V. h* -ail.

SMozi (F. m^

361).

��A et À terminent la racine:

gha: xn-Mn (Xâ-Xà)

ta : tâ-bes

bhâ: fâ-ri, (pâ-|ai

là : là-trare

stâ: status, ë-(JTQ-v etc.

{s)ta: dor. xâ-Tâu)^

��germ. go-men-, lit. go-murys «pa-

latum». F. si. ^a-y^ [anglo-s. pâven], si. fca-;/o. si. Za-y'^, lit. Zô-JM [mais en gotique

/am = */ê(i)a]. si. sfa-nq, lit. s%m ; got. sto-min-,

sta-da- [v. h'^all.. sfâm, s^êm]. si. ta-jq, ta-tï, ta-jïnù.

��La racine est augmentée d'une dentale, par exemple dans:

��pâ-t: TTa-T-éo|Liai, pâ-s-tor lâ-(t): Xd-uj «vouloir» sa-t^: sà-t-ur, sà-t-is

��1. Ahrens H 144.

��got. fod-jan^, si. pa-s-tyrï. got. la-^-on, la-pa-leiko. F. got. sa-d-a, so-p-a- ; lit. sô-t-us (si.

Au slave <a>ï *en cachette», tajînû «secret» cf. le thème indien tâyû «voleur» d'où aussi triu-aioç «vain, sans résultai» (Poit, Wurzelwôrterb. I 100). — 2. fodjan suppose une racine contenant a, et c'est à ce titre-là seulement que nous le citons; il est bien probable en effet, si nous considérons le mot fodjan lui-même, que son o répondrait à un \u, non pas à un â du grec. Cf. chap V, § 11. — 3. La racine simple se trouve dans le grec ï\u\xt\ = *no|Liev (Curtius, Verl). II 69).

Parmi les mots plus isolés nous nous bornerons à citer:

(pater^ Traxrip got. fadar; cf. § 11.)

mater, ludirip v. h'^-all muotar, si. mati, lit. mote.

f rater, qppdirip got. bro^ar, si. hratrû, lit. broterelis.

Le A du suffixe des féminins s'observe commodément aux cas du pluriel dont la désinence commence par une consonne: got. gibom, lit. mergôms, si. zenamû. Placé dans la syllabe finale, il a subi, comme on sait, diverses altérations. Au nominatif sin-

�� � LA DIPHTONGUE eU DANS LES LANGUES LETTO-SLVAES. 63

gulier, le slave (éenà) garde encore a, chez lui représentant de l'a long, tandis que les lois qui régissent les sons du germanique et du lituanien commandaient d'abréger la voyelle finale : giba, niergà, sauf dans le got. so, gr. a. Sur le vocat. zeno v. p. 88.

A dans la diphtongue donne lieu à quelques remarques particulières.

Plusieurs savants ont nié qu'il y eût une diphtongue euro- péenne eu, en d'autres termes et en se plaçant au point de vue de l'unité originaire de l'a, qu'il y ait eu scindement de la diphtongue au en eu : aw à la même époque où dans toute autre position l'a s'était scindé en e : a. M. Bezzenberger (Die a-Reihe der gotischen Sprache, p. 34) prétend, ou plutôt mentionne, car, ajoute-t-il, il est à peine besoin de le dire expressément, que dans le présent goti- que kiusa pour *keusa = gr. YeOiJU, l'e de la première langue est sans lien historique avec l'e de la seconde. La raison de cette violente séparation de deux formes dont la congruité est aussi par- faite que possible? C'est que les idiomes letto-slaves n'ont pas de diphtongue eu, et que par conséquent la période européenne n'en pouvait point posséder non plus.

En général nous ne nous sommes posé aucune tâche relative- ment à l'e européen, le fait de son apparition concordante dans les différentes langues étant reconnu par les partisans de tous les sys- tèmes. Nous devons cependant nous occuper de l'e pour autant qu'on veut le mettre en rapport avec l'a et combattre les arguments qui tendraient à établir qu'à une époque quelconque l'e et l'a (i) ne faisaient qu'un. Evidemment l'origine récente de la diphton- gue eu, si elle se confirmait, rentrerait dans cette catégorie. D'autre part nous nous abstenons de poursuivre jusqu'au bout les consé- quences où M. Bezzenberger se verrait entraîné par le principe qu'il pose, parce que nous voulons éviter de subordonner à la question de l'eu celle de l'unité européenne ou celle du scindement de l'a. Disons donc tout de suite que l'absence de Veu dans les langues letto-slaves, sur laciuelle l'auteur se fonde, est révoquée en doute par M. Joh. Schmidt qui en signale des traces nombreuses ^..^.XXIII 348 seq. M. Schmidt regarde le paléosl. ju et le lit. iau comme étant dans certains cas des représentants de Veu (si. h{l)judq = got. hiuda, gr. TTeù^o|Liai ; lit ridugmi, gr. èpeùxuu). Depuis il est vrai, M. Bezzenberger a rompu une nouvelle lance pour la cause qu'il défend. Notre incompétence ne nous permet point de jugement; mais voici ce que nous tenons du moins à dire:

�� � 64 LA DIPHTONGUE eil DANS LES LANGUES LETTO-SLAVES.

Lors même que la supposition de M. Schmidt ne devrait pas se vérifier, lors même qu'il n'existerait aucun indice d'une diphton- gue eu dans le domaine letto-slave, il ne s'en suivrait pas qu'elle n'a jamais existé: les langues italiques non plus ne possèdent pas l'eu, et n'était le seul Leucetio, on pourrait venir dire que jamais dans l'italique l'ancienne dipthongue au n'a eu la forme eu. Per- sonne ne doute cependant que douco ne soit sorti de *deuco. La même chose semble s'être passée dans le letto-slave, non seulement dans la diphongue, mais aussi, comme en latin dans le groupe ev. Ceci se voit avec le plus de clarté dans le paléosl. clovèkù: le lette zilivehs montre en effet que Vo n'est pas primitif \ et sans aller si loin il suffit de constater la palatale initiale c pour savoir que la forme ancienne est *celvëkû (voy. à ce sujet J. Schmidt, Voc. Il 38 seq.). D'où vient Vo par conséquent? Il ne peut venir que du v avec lequel la métathèse de la liquide l'avait mis en contact. — Par un raisonnement d'un autre genre on acquiert la conviction que slovo est sorti de *slevo: en effet les neutres en -as n'ont de toute antiquité que a^, jamais ag, dans la syllabe radicale: il en est ainsi dans l'arien, le grec, le latin, le germani- que. Or le slave lui-même n'enfreint point cette règle, ainsi que le montre nebo = gr. véqpoç. Comment donc expliquer sîovo = KXé/bç autrement que par l'influence du v sur \'e? Il y aurait la même remarque à faire sur le présent pîovq = gr. TiXé/lu, -car irXibuj est évidemment de formation postérieure. — Dans une syllabe de désinence nous trouvons semblablement en sanskrit sûn'kvas, en grec Ttrix^eç, en gotique stmjiis, et dans le slave seul synove.

Cette action du v qui a duré fort tard, comme le montre clo- vèkù, commence de se produire dès la période d'unité letto-slave. En regard du grec vé/b-ç apparaît en lituanien naûjas comme en slave novû.

Ici quelques mots sur Vu lituanien. En présence de la com- plète équivalence de cet a et de Vo slave (tous deux représentent A et «2)» O" se demande naturellement auquel des deux phonèmes appartient la priorité. Le mot dont il vient d'être question est-il sous sa forme letto-slave novos ou bien navas'i A voir toutes les fluctuations entre Vo et Va des différents dialectes de la Baltique, borussien, lituanien, lette, et à considérer la divergence de teinte

1. On trouve aussi Ve dans le got. fairhvus c monde» qu'on peut ra- mener à *hverhvii8, *hvefvehvu8 et rapprocher de ëlovèkû.

�� � LA DIPHTONGUE eil DANS LES LANGUES LETTO-SLAVES. 65

entre l'a bref et l'a long soit en lituanien soit en slave (lit. a: 6; si. oui), une troisième hypothèse se présente vite à l'esprit, savoir nâvâs. Dans la période letto-slave on aurait prononcé non un a pur, mais un â, bref et long. Sans doute il n'y a pas pour cette hypothèse d'argument bien positif, mais il y en a encore moins, croyons-nous, qu'on puisse invoquer contre elle. Elle appuie les faits d'assimilation dont nous parlions, comme d'autre part elle en est appuyée. La méthode comparative est et sera toujours obligée de recourir parfois à ces sortes d'inductions doubles.

Je cite encore le lit. javai, gr. Zeà (skr. yâva), sâvo, gr. é/oç, puis deux mots où le même phénomène se manifeste, semble-t-il, en sens inverse comme dans le lat. vomo pour *vemo. Ce sont vâkaras = gr. ê(TTTepoç, si. vecerû\ vasarà = gr. ëap, lat. vër. Plusieurs de ces exemples et des précédents font partie de la liste où M. J. Schmidt consigne les cas prétendus de concordance incomplète de Ve dans les langues européennes: ce seraient, si tout ceci n'est pas illusoire, autant de numéros à retrancher d'un catalogue déjà bien diminué.

Cette transformation letto-slave de ev en âv diffère du phéno- mène analogue que présente l'italique principalement en ce qu'elle n'a pas lieu constamment. Il faut bien qu'il y ait une cause pour que devetî (lit. devynî) n'ait pas été traité comme '^slevo devenu sîovo, mais cette cause demeure cachée. — Dans la diphtongue au contraire l'assimilation de Ye est la règle, abstraction faite des cas tels que hljudq et riâugmi que nous avons vus plus haut. Il y a peut-être une preuve de cette double origine de Vau (en dernière analyse elle est triple, Va (â) étant lui-même formé de a -|- a^) dans le génitif lituanien sunaûs des thèmes en -u en regard du gén. akes (et non ^akais») des thèmes en -i^. Toutefois le rapport exact entre ë et ai étant encore incertain, nous n'insistons pas.

Dans la descendance letto-slave des diphtongues a^i, a^i, Ai, il y a également, nous venons d'y faire allusion, des perturbations assez graves. La signification exacte de Vi et de l'e en sla.ve, de l'c (ei) et de ïai en lituanien est encore un problème. Il semble que \'ë de la dernière langue, qui représente apparemment a^i, ne soit ailleurs qu'une dégradation de l'ai: on a par exemple, en regard du got. haims, du boruss. kaima, voire même du lit. kaimynas, un ë dans kemas.

1. Vau du gotique sunaiis ne s'explique pas de la sorte, comme le fait voir la forme correspondante des thèmes en -i qui, elle aussi, a l'a: anstais. Jusqu'à présent cet au et cet ai ne s'expliquent pas du tout.

de Saussure, Oeuvres. 6

�� � 66

��LE PHONEME (Hj.

��De ce qui précède il ressort que les exemples de a lituanien ou slave dans la diphtongue ne peuvent avoir comme tels qu'une valeur très relative, presque nulle lorsqu'il s'agit de au.

��{'i)ghAis:

�haereo

�lit. gaisztù,

�gaiszti. F.

�skAidh:

�caed-o

�got, skaid-an

�, skaiskaid.

�Aug:

�aug-eo, auHiç

�got. auk-a. aiauk; lit. dug-u.

�{?)aus:

�h-aur-io, h-aus-tus

�norr. aiis-a,

�jôs. F.

�aevum, aiubv

�got. aivs cf. p. 54.

�aurora

�lit. auszrà.

�caecus

�got. haihs.

�caulis, KttuXôç

�lit. Muîas. C

�ba{if)r\p

�ags. tâcor; si. dé-

�vâûç

�norr. nau-st.

� �verï, lit. dëveris.

�pau-cus

�got. fav-ai.

�haedus

�got. gaits.

�(jaucrapôç

�lit. saûsas.

�laevîis, Xaiôç

�si. lévû.

�'A-xa(/')ioî

�got. ^rtV/.^

��1. Le thème du mot gotique est gauja- («contrée»): 'Axaioi signifierait ô|aôxu>poi. Ici se placent peut-être aussi les Aujpiéeç Tpi-xciÏKeç, à moins d'y voir un composé de xpîxa — à la manière de l'indien purudhâ-'pi-atika — aVec un thème J\k- = zend viç «clan».

��Chapitre 111. Les deux o gréco-italiques.

��C'est pour des raisons toutes pratiques que nous avons jus- qu'ici considéré Vo gréco-italique comme un tout homogène. En réalité il en existe au contraire deux espèces bien distinctes que nous allons étudier l'une après l'autre.

§ 7. ©2 gréco-italique. — a^ indo-européen.

Les phénomènes des langues ariennes sont ici trop intimement liés à ceux qu'on observe en Europe pour pouvoir être traités à part. Noua avons donc inscrit en tête du paragraphe Va^ indo-euro- péen à côté du gréco-italique o^.

La véritable définition de Og ^^t» ^^ ^^ semble: la voyelle qui, dans les langues européennes, alterne régulièrement avec e au sein d'une même syllabe radicale ou suffixale.

Ainsi, pour parler d'un Og proethnique, il faut absolument placer aussi le germe de Ve européen dans la période d'unité, pre-

�� � «2 AU PARFAIT. 67

raière. C'est là l'hypothèse de M. Brugmann. Ce savant, par une conception qu'Amelung avait entrevue (v. p. 5), renonce à chercher dans l'état du vocalisme que nous représente Tarien la donnée d'où il faut faire découler les phonèmes de l'Occident et transporte au contraire jusque dans la langue mère le principe de Ve européen et du phonème qui remplace parfois cet e (ag), laissant du reste le nombre total des a provisoirement indéterminé.

Dans tout ce qui suit nous partons de cette hypothèse non prouvée de l'origine proethnique de a^ = e. Quant à «g; nous vou- lons le prouver par le moyen des faits réunis dans le paragraphe, lesquels du reste sont généralement connus. — Plus tard nous exa- minerons jusqu'à quel point ces faits, en assurant «g) n'assurent pas du même coup l'a^ indo-européen.

M. Brugmann s'est étendu avec le plus de détail sur «g • i^f^^~ (îien IX 367 seq., 379 seq.; K. Z. XXIV 2. Ce phonème, dit-il, de- vient dans l'arménien, le grec, l'italique et le slave ^: o, dans le cel- tique, le germanique et les langues de la Baltique: a, dans l'arien en toute syllabe ouverte : a, mais, si la syllabe est fermée^, a.

Comme nous le disions, il y a, indépendamment de ce qui ap- partient aux liquides sonantes, des o gréco-italiques qui remon- tent à un phonème autre que a2. Nous appelons Og l'espèce qui équivaut à l'ancien a^: le second o recevra la désignation o.

Voici les formations où «2 (gréco-it. o.^} vient régulièrement remplacer a^ (e).

1. Syllabe radicale.

a. FORMATIONS VERBALES.

Parfait. Tandis que dans l'origine le moyen ainsi que le pluriel et le duel de l'actif rejettent Va^ radical, le singulier de

��1. Bien que ce ne soit pas là une question de fond, nous aimerions mieux ne pas mettre ainsi le slave en compagnie des langues du sud, car on ne sau- rait trop insister sur la disparité de Vo slave et de ïo des langues classiques. Le premier a ni plus ni moins la valeur d'un a lituanien ou gotique. Quand nous voyons au contraire a^ devenir en gréco-italique o et non a (antithèse qui en slave n'existe pas), c'est là un fait notable, que nous avons utilisé § 4, s.

2. Pour la diphtongue, on pourra nommer syllabe ouverte celle où, étant suivi d'une voyelle, le second élément de la diphtongue se change en une semi-voyelle {cikâya); la syllabe fermée est celle qui est suivie d'une con- sonne (bihhéda).

6*

�� � 68 «2 A" PARFAIT.

l'actif lui substitue a^^} On trouve toutes les formes grecques en question énumérées chez Curtius, Verh. Il 185 seq., 188 seq. En voici quelques exemples pris dans les trois modèles de racines de la page 9 :

tev: TÊTOva bepK: bébopKa Xey: eïXoxa

Kiev: ÊKTOva /eiK: ëoïKa têk: xéroKa

|Liep: ê)Li)aopa èXeuG: eîXri\ou&a^ X^^- Këxoba

Dans le latin totondi, spopondi, momordi (v^-latin spepondi, me- mordi) vit un reste de cette antique formation. On peut supposer que le présent de ces verbes a été d'abord *tendo, *spendo, *merdo. A côté de ces présents on avait les dérivés tondeo, spondeo, mordeo, et en vertu de la règle: qui se ressemble s'assemble, le verbe en -eo se mettant en rapport avec le parfait finit par évincer l'ancien présent. — Cf. p. 13.

Dans les langues germaniques le singulier du parfait n'est pas moins bien conservé que le pluriel et le duel. Là, partout la forme faible privée d'à (p. 12 et 22), ici partout «g sous sa figure germani- que a: gab de giban, bail de beiian, baug de biugan, varp de vairpan, rann de rinnan etc.

Le parfait irlandais traité par M. Windisch, K. Z. XXIH 201 seq. est fort intéressant: ici encore l'e, expulsé au pluriel, de- vient a (= ttg) au singulier. L'auteur réunit les exemples de cet a, p. 235 seq. où il n'y a qu'à choisir dans la masse. Prés, condercar «voir», parf. sing. adchon-darc ; prés, bligim «traire», parf. sing. do ommalgg etc.

��1. Nous avons parlé plus haut de l'extension secondaire de cette forme en grec (p. 13 et p. 22 i. n.). olba : ïb|aev, et quelques autres exemples reflètent l'image de l'état primitif qui est encore celui du germanique et du sanskrit.

2. On sait que la diphtongue ou n'est plus en grec qu'une antiquité conservée çà et là; les parfaits comme iréqpeuYa, xéreuxa, ne doivent donc pas étonner. Mais on trouve encore d'autres parfaits contenant l'e, tels que KeKXePibç, \é\efa. Au moyen, ces formes sont nombreuses, et l'on a même la diphtongue €1 dans XëXeiTTTOi, iréneiaiaai etc. (à côté des formations régulières ëïKTo, ïb|aai, Tlrvj\ia\ etc.). Cet e vient certainement en partie du présent, mais il a encore une autre source, les formes faibles du parfait chez celles des racines de la forme C qui ne pouvaient rejeter o, — certaines d'entre elles le pouvaient, v. page 12 i. n. Ainsi t€k a dû faire d'abord t^toke, plur. *T€TeKanev ou *T€T€K|uev, parce que <TeTK|a€v» était impossible. Ce qui appuie cette explication de l'e, c'est que les formes en question, celles du moins qui appartiennent à l'actif, sont principalement des participes, et que le partie, parf. demande la racine faible. Ex.: év-rivoxa àv-rivexuîav, €ÏXoxa auveiXexûjç etc. Curtins, Vet-b. II 190.

�� � «2 DANS DIFFÉRENTES FORMATIONS VERBALES. 69

Les langues ariennes répondent par l'a long dans la syllabe ou- verte: skr. gagdma, papdfa, ôikàya. La syllabe fermée comme la diphtongue suivie d'une consonne ont l'a bref, selon la règle: da- dàrçay hibhéda.

Il est singulier que dans la langue védique la première personne ne montre jamais d'à long, et que même dans le sanskrit classique la longue ne soit que facultative pour cette forme. M. Brugmann (Stud.lXiMl) a cherché à expliquer le fait au moyen de son hypo- thèse sur la désinence -a de cette première personne, laquelle repré- senterait un ancien -m (v. p. 40): la syllabe se trouvant ainsi fermée, l'a bref de gagâma etc. n'aurait rien que de régulier. Mais 1° il est permis de douter que cet a représente vraiment une nasale; 2^ ce point même étant admis, on préjuge dans cette explication la question de savoir quel phénomène est antérieur de l'allongement de «2 ou de l'évanouissement de la nasale ; 3" dans rdgan(a)m, pdd-(a)m et autres formes la désinence -m n'a pas empêché l'allon- gement ag. — Il faut avouer qu'on ne saurait tenir pour certaine la présence de a2 à la première personne : elle est assurée pour la 3^ personne, et probable pour la seconde (gagantha); voilà tout, car en grec et en germanique la première personne pouvait facilement emprunter a2 à la seconde et à la troisième^.

A part ce petit groupe du parfait singulier on ne rencontre nulle part dans la flexion verbale ag remplaçant l'a^ radical. Trois aoristes sigmatiques grecs^ : bodffdaTO en regard de l'imparf. beà)ur|V, -éTOCrae (Pindare) de la rac. tck, làaùov a^iaov Hes. (cf. leivvpiev), peuvent néanmoins renfermer un vestige de quelque autre emploi de ag. Et il se trouve justement que l'aoriste indien en -isam al- longe l'a radical dans la syllabe ouverte comme si cet a était a2 : àkanisam, âvâdisam. Seulement, dans le dialecte védique, l'allongement n'est qu'intermittent: la liste que donne Delbrûck,A/^m(?.Fer&. 179 seq., montre qu'à une ou deux exceptions près il n'a lieu que si toutes les syllabes qui suivent sont brèves, parce qu'apparemment une cer- taine cadence du mot serait sans cela troublée. Il faudrait savoir, avant d'être en droit de conclure à la présence de «2» si des raisons

��1. Il est singulier de trouver chez Hésychius une le personne KéXefa, suivie à quelques lignes de distance d'une 2c pers. XéXoTOç. Mais il n'y a là sans doute qu'un hasard.

2. Ahrens (I 99) conjecture un aoriste éolique ôppdxuj, de eïpiu «entre- lacer». Ce serait une quatrième forme de celte espèce.

�� � 70 Oj DANS LES VERBES DÉRIVÉS ET DANS LES THÈMES EN -ma.

de ce genre ont pu arrêter l'allongement de ce phonème. Nous croyons en effet qu'il en est ainsi; v. p. 83. Il serait essentiel aussi de connaître exactement l'origine de l'aoriste en -isam sur la- quelle nous reviendrons au chapitre VI. Dans tous les cas l'aoriste sigmatique ordinaire, comme ëbeiHa, montre a^ et non «g-

Verbes dérivés. Outre les dénominatifs, qui naturellement prennent la racine telle qu'elle est dans le thème nominal, il existe des verbes dérivés qu'on aimerait appeler déverbatifs et dont il est impossible de ne pas faire, au moins provisoirement, une classe distincte, comme le veut l'accentuation indienne. Nous les place- rons donc ici plutôt que d'en faire un appendice aux thèmes no- minaux. Ils ont en partie le sens causatif. Va^ radical devient chez eux «g-

Gotique dragkjan pour *dragkijan, cf. drigkan] lagjan, cf. ligan\ kausjan, cf. kiusan.

Grec ôxéo) de ^ex, qpopéuu de qpep, aKoniuj de aKeir. qpopéuu de q)ep est peut-être un causatif.

On a en latin inoneo de men, noceo de nec, torreo (dans le sens causatif) de ters. mordeo, spo7ideo, tondeo trouvent dans les langues congénères Ve radical requis. Nous reviendrons sur tongeo et le got. Pagkjan} On connaît les deux exemples gréco-italiques torqueo = TpOTTéuj (rac. te)^), sorbeo = poqpéuj (rac. scrhh) Curtius, Verb. V 348. — Le latin conserve Vo dans des formes dérivées directement de la racine et qui primitivement devaient avoir une autre voyelle, ainsi dans sjjonsus, tonsus. Dans morsus, tostus, on pourrait à la rigueur admettre que or est sorti d'une liquide sonante.

Ce que peut fournir la 1® conjugaison appartient aux dénomi- natifs, car les langues congénères ne montrent jamais a dans la syl- labe de dérivation de cette espèce de verbes.

En paléo-slave: po-loéiti de leg, topiti de tep, voziti de vez etc.

Nous trouvons dans les langues ariennes la voyelle longue qu'il fallait attendre: skr. patàyati de pat, çravâyati de çro. Zend parayéiti de par. — Les racines fermées ont la brève régulière : var- tâyati, roédyati.

b. FORMATIONS NOMINALES.

Thèmes en -ma. liS grec en offre un assez grand nombre. Nous désignons par Hm. ceux qu'on trouve chez Homère, par Hs. ceux qui sont tirés d'Hésychius.

1. Dans foveo, moveo, voveo, mulgeo, urgeo et d'autres, il faut tenir compte de l'influence possible des phonèmes avoisinants.

�� � a2 DANS LES THÈMES EN ma. 71

ei 01)^0^ Hm. Xex Xôxinn Hm. . àXei di\oi|Ltô* ^ctk poT|uô(?)

��èpK ôpK|ao Hs. Icep ôpiuo Hm. /e\ ôX|ao Hm. ttêt Trôxino^Hm. ./ep 6p)no Hm. têX TÔXm! Hm.

Tep TÔp|UO^

��j3pex ppoxiLiôHs. 2 cep ôp|in Hm. beX ^oXIL^n creX cttoXiliô

Kep KopjLioHm. cpep qpopjuô^ cXei Xoijuô^Hm. q)XeT 9X0x^6 TrXeK TiXoxiLiôHm. /ex (Tuv-eox^ô

Hm.

1. En outre olixr\. — 2. S'il était prouvé que le t initial de T€T|neîv vient d'une ancienne gutturale, il vaudrait mieux retirer -rrÔTiaoç de la rac. -rreT. Le rapport de uÔTiaoç à TeTjiieîv serait quant à la consonne initiale celui de -rroivri à Teîoai. — 3. C'est TÔpiaoç dans le sens de rëpiua, non TÔpiuoç «trou» que nous entendons. — 4. àXoi|Li6ç «enduit» est un mot conservé dans l'Etymol. Magn. Il se rapporte non à àXeîqpui mais à àXiveiv àXeiqpeiv, et au lat. lino [lêvi, lïtus); v. Curtius, Verli. I- 259. — 5. Il existe une racine sra^i «pécher, être criminel, se perdre»: elle a donné le skv. sre-man dans asremân que Bôhtl.-Rolh et Grass- mann (s. v. sreman) traduisent pir fehlerlos, peut-être aussi srima, nom de fantômes nocturnes. En latin lê-tuni, de-leo (de-levi). En grec \oi-|li6ç et Xoitôç" Xoijuôç Iles, rejeté par M. Schmidt, quoique garauli par l'ordre alphabétique. Une racine sœur se trouve dans le skr. srtvynti «manquer, échouer» parent du grec Xu|jr]i XO|uaîvo|uai. Puis il y a la racine amplifiée srajdh: skr. srédhati «etwas falsch machen, fehlgehen» et sridh «der Irrende, der Verkehrte» (B. R.); elle donne en grec fiXidioç, dor. aXIOioç pour à-oXidioç (rjXeôç est autre chose). La branche sraii-t ne se trouve qu'en Europe: got. sleips «nuisible», grec à-(a)XiT-eîv «pécher», àXoixôç- ânapTwXôç; peut-être en outre le lat. stlit-. On peut admettre du reste que àXireiv n'a reçu sa dentale que sur sol grec. C'est là l'opinion de M. Curtius {Grdz. 547), et elle a une base très solide dans la forme àXeC-Triç. — 6. V. le dictionnaire de Passow s. v. ^eyi^iôç. — 7. 11 est douteux que le mot vienne de qpépui, mais le degré 9ep existe en tous cas dans q)epv(ov, q)ép|Liiov «panier».

Le verbe KOi|nào)Liai indique un ancien thème *KOi|ur| ou *koi|lio de la rac. Kei. Dans 7TX6K(a)|aoç de ttXck, oùX(a)|UÔç de ieX on a sans doute le même suffixe. — Quelques exceptions comme Tei|ur| (inscr.), beijLtôç, àTep|iiôç, présentent l'e dans la racine : ce sont des formations nouvelles qui ont suivi l'analogie des neutres en -|Lia. Pour Keud|iôç même remarque qu'à propos de néqpeuYa,

La racine du lat. forma sera sans doute fer (anc. dha^r), avec e; Vo est donc a^.

Les thèmes germaniques flauma- «flot» (Fick HI^ 194), strauma- «fleuve» (F. 349), seraient en grec «7tXou)lio, ^ou|lio». De la rac. ber vient barma- «giron» (F. 203), qui en gotique est devenu un thème en -L Le got. haims «village» n'est thème en -i qu'au singulier: l'ancien haima reparaît dans le plur. (fém.) haimos; le degré a^ se trouve dans heiva- «maison».

�� � 72 «2 ANS LES THÈMES EN -ma ET EN -fa.

Au germ. haima- répond en borussien kaima, cf. lit. kaim//- nas et kemas (p. 65). De vei (vehere) le lituanien forme vaèmà «le métier de charretier» (Schleicher, Lit. Gr. 129), de lenk «cour- ber», avec un s inséré, lànksmas «courbure».

Les thèmes en -ma du Véda se trouvent réunis dans le livre de M. B. Lindner, Altmdische Nominalbildung, p. 90, Nous citons une fois pour toutes ce livre indispensable que nous avons con- •stamment consulté et utilisé pour tout ce qui concerne la forma- tion des mots.

La syllabe radicale de ces thèmes indiens ne se trouve jamais dans la position qui met «g ®n évidence, puisque le suffixe, com- mençant par une consonne, en fait une syllabe fermée. On ne peut pas prouver a.2 dans sàr-ma, é-ma etc., comme d'autre part on ne pourrait pas prouver que leur a est %. Une série de thèmes indiens en -ma présente donc la forme forte de la racine: une se- conde série, il est vrai, rejette l'a radical, mais celle-là aussi, comme nous le constaterons, se reproduit dans les langues congénères. La première classe, celle qui nous intéresse ici, accentue comme en grec tantôt la racine tantôt le suffixe. Ex. hô-ma, dhâr-ma, et nar- mâ, ghar-mâ.

Cette formation donnait des noms abstraits masculins (car les féminins comme le gr. ox^xx] ou le lat. forma sont étrangers au sans- krit), mais elle ne paraît pas avoir produit d'adjectifs. Le cas du lat. formus, gr. ^ep|uôç, est isolée et en sanskrit gharmâ est substan- tif. En ce qui concerne dep)aôç, son e est postérieur, car, outre formus, le gh de gharmâ indique «g (v- chap. IV). Cet e, il est vrai, a dû être introduit avant que le procès du dentalisme fût consommé; autrement le ^ ne s'expliquerait pas.

Thèmes en -ta. Nous commençons comme toujours par le grec:

eî oîto vec vô(Tto àfep dopin

Kei KoÎTo' (pep cpôpTO Ppe|Li ppovTiî

K€V^ KÔVTO x^P^ xôpTO |Liep |LiopTri

l. Et le fém. Koixr]. — 2, Kev est la vraie forme de la racine; de là k^v- Tiup, Kév-Tpov, Kcv-xëu). Pcu de probabilité pour le rapprochement avec skr. kunta. — 3. Dans eù-X€p-f|ç.

ttXoOtoç est d'une formation trop peu claire pour figurer dans la liste. L'admission de éopxri et du sicil. laoîioç dépend aussi de

�� � «2 DANS LES THÈMES EN -ta ET EN -na. 73

l'étymologie qu'on en fera. Xoitôç en revanche prendrait place ici de plein droit* (v. p. 75).

Le latin a horttis = xôpTOç. M. Fick compare Morta, nom d'une Parque, à liopin «part», mais ce nom est-il latin? Nous avons mis porta parmi les cas de liquide sonante, p. 16.

Le gotique a daupa- «mort» de divan (germ . dauda-, Verner, K. Z. XXIII 123). D'ordinaire cependant ce ne sont que les thèmes en -ta dont la syllabe radicale est affaiblie, non ceux où elle est du degré a^, qui servent à former des participes. La racine germa- nique hren «brûler» donne branla- «incendie» (Fick III ^ 205); breu «brasser» donne brauda- neut. «pain» (F. 218). Quant au got. gards, il faut le séparer du gr. xôptoç; v. J. Schmidt Voc. II 128. L'e des mots piupa- neut. «bien» et piuda fém. «peuple» est surprenant; ici naturellement l'italique touto comme aussi le lit. tauta sont sans valeur (pag. 63 seq.).

Schleicher donne un certain nombre de ces thèmes à la page 115 de sa grammaire lituanienne: ivdrfas «clôture» de Ivérti, rqstas «billot» de rent «tailler», spqstai masc. plur. «trébuchet» de speiîd «tendre des pièges», nasztà fém. «fardeau» de nesz, slaptà fém, <le secret» de slep «cacher» etc. — En paléo-slave: vrata neut. pi. =

  • vorta «porte»; c'est le lit. variai; vérti nous montre Ve. De peu

vient pq-to «entrave».

En sanskrit ces thèmes auraient, j'imagine, l'aspirée th; mais je n'en trouve point d'exemple bien transparent. Le zend a gaêba fém. «le monde» de gaê (soit gi) «vivre», dvaêba «crainte» de la racine qui est en grec bJe\ (Curtius, Stud. VIII 466). Le d équi- vaut à un ancien th. Quelques autres formes sont consignées chez Justi p. 372. — Les neutres ^raota et çraoto sont vraisemblablement les équivalents de skr. srôtas et çrôtas passés dans une autre décli- naison^.

Thèmes en -na. èpeqp ôpqpvr) Oep dpôvo*) rrei TTOivn

a) ôpôvoç est la métathèse de *ô6pvoç assuré par OôpvaS* ùuoTCÔbiov. Kùirpioi Hes. Sur la rac. Oep v. Curtius, Grdz. 257.

1. On ne sait où placer les noms d'agents en -rri-ç, dont la parenté avec les mots en -Tr)P (Brugmann, Stud. IX 404) est bien douteuse, vu l'a du dori([ue. Quelques-uns ont l'o: àTuprriç(V), àopxriç (mais aussi àoprnp), 'ApTei-q)ôvTriç, fém. Kuvo-qpôvnç; MoOaa, *M6vTya fém. de *M6vTriç. q)povT{ç est de déri- vation secondaire.

2. Il est vrai que çraota coïncide avec le got. hliup, mais Ve de cette forme fait soupçonner qu'elle est récente. Quant au lit. sriautas, il peut s'iden- tifier à srôtas aussi bien qu'à ^vaota.

�� � 74 «2 ^ANS LES THÈMES EN -tta.

On ne peut savoir si la racine de ^oîvn est ^ei, avec e. Il est difficile aussi de rien décider sur oîvoç, uttvoç et ôkvoç. xéxvn, êebvov, qpepviî (éol. qpépeva) montrent un e irrégulier. Quant à l'e de réKVOV, prenons garde qu'ici l'e ne pouvait pas tomber — ce qui n'est pas le cas pour cpepvrj — , que par conséquent rien n'empêche tek de représenter le degré où la racine expulse ïe. Or il existe une seconde série de thèmes en -na qui en effet affaiblit la racine: c'est à cette classe sûrement qu'appartient tékvov et son équivalent germanique pegnà- (oxyton, v. Verner 1. c. 98). irôpvn en fait partie également; son o n'est pas a^.

En regard de uivoç, divr| (skr. vasnà), le lat. vënum dare et le slave véno présentent un e fort extraordinaire. Il faut dire que l'étymologie de ce mot n'est point encore éclaircie et qu'il nous ap- paraît entièrement isolé. On pourrait, il est vrai, le mettre en rap- port avec skr. vdsu.

La racine germanique veg donne xmgna- «char» ; her donne harna- neut. <enfant> (mais en lit. bernas); de leihip) \ientlaihna- neut. «le prêt» (F. IIl^ 269), de leug laugna fém. «action de cacher» (F. 276). On aurait tort de placer ici launa- «salaire»: le grec Xau nous apprend que son a est a.

Je trouve en lituanien varsnà fém. aipoqpn PoOùv (de vèrsti'i) et kdlnas «montagne» de kel. On compare à ce dernier le lat. coUis: peut-être y a-t-il même identité complète, car le passage d'un thème en -0 comme *colno dans la déclinaison en -i se rencontre dans plusieurs cas. Pour mainas «échange» = si. mena (F. ÎP 633), la voyelle radicale est incertaine. Slave strana «région» pour *s<orMa; cèna «honneur» identique au gr. Troivn, au zd. kaëyia féuj.; Va^ radical est évident dans le dor. aTTOTeicreî et autres formes. On connaît moins bien la racine du zd. daêna fém. «loi» que M. J. Schmidt (Verivandtsch. 46) compare au lit. dainà (cf. crét. ëv-&ivoç = êvvo|Lioç?). Zd. vaçna «désir».

En sanskrit on a entre autres les oxytons praçnd, (vasnà), syond adj. «moelleux» d'où syonâ-m «couche» (= gr. eùvn pour *oùvr|?), les paroxytons vârna, svâpna, phéna. A ce dernier répond le lit. péîias qui semblerait prouver %; mais, comme dans ki'mas, il y a lieu de se défier de ë, d'autant plus que le gr. çoivôç «sanglant» (primit. «écumant»?) pourrait bien attester positivement «g-

Thèmes grecs en -co. (t€k tôHo^) Kep Kopaô Xck XoHô 1. L'« appartient peut-être à la racine comme c'est le cas pour itaX{v- opoo, ftH>-oppo. — 2. Kopaôv Kopuôv Hes. — Je ne fais que mentionner vôooç

�� � «2 DANS LES THÈMES GRECS EN -aVO ET EN -€U. 75

voOaoç et |Liôpoi|jioç, On pounait ajouter bàia de bcK si l'on assimilait son a à celui de TÔ\|aa.

Le latin partage avec le grec le thème lokso (luxus) et possède en outre noxa, cf. necare.

Thèmes grecs en -avo, -avn- On les trouve réunis chez G. Meyer, Nasalstnmme 61 seq. En laissant de côté les adjectifs en -avô, il reste principalement des noms d'instrument proparo- xytons, dont quelques-uns montrent Ve, tandis que la majorité prend Og. Ainsi bpéiravo, ffréqpavo en regard de Hôavo, ôpYavo, ôxavo, TTÔTravo, xôavo, xô^ctvo etc. A côté de ôpKàvn (Eschyle) on trouve beaucoup plus tard épKdvr|. Somme toute, il semble que l'o soit de règle. Cf. lit. darg-anà «temps pluvieux» de derg, ràg-ana «sorcière» de reg «voir».

L'o du grec paraît à première vue s'accorder à merveille avec i'â long des mots indiens tels que l'adj. ndçana «perditor» de nâçaii «perire» ou le neut. vdhana «véhicule» tout pareil à ôxavov. Mais ces mots ont un rapport si étroit avec les verbes de la 10® classe qu'il est difficile de ne pas voir dans leur suffixe une mutilation de -ayana.^ Et cependant la formation existe aussi en zend: dâ- rana «protection» = skr. dkârana. Nous laisserons la question indécise.

Thèmes grecs en -eu. Ils prennent constamment 02 si la ra- cine a e. Ainsi ftv TOveO, /ex ôxeu, ve|a voiueù, Trejurr TTOjUTTeù, xeK TOKeû, Tpeqp xpocpeù, x^u xoeù, et cent autres. Mais ces mots sont probablement de dérivation secondaire (Pott K. Z. IX 171); ils au- raient pour base les thèmes qui suivent.

Thèmes, EN -a. On peut diviser de la manière suivante ceux (contenant «2) ^^^ fournit la langue hellénique:

Adjectifs (relativement peu nombreux): 6ex boxô, Te|Li TO|aô, êXk ô\kô, Cfuei (T)iioiô, Oeu Soô, Xem Xoitto etc.

Noms d'agent: KXeTT kXottô, rpeqp tpoqpô, 7Te)LiTT tto|littô, d/ei5 doibô etc.

Noms d'objets et noms abstraits: ireK ttôko, tek tôko, 2ecp làcpo, ve|ii vô)Lio, TrXeu ttXôo, CTeix cttoîxo, èp [îrevTriKÔVT-jopo etc. — Oxytons: Xerr Xottô, vepL vo|uô, XeuT Xoiyô etc.

Féminins: bex ^OXH, CTeX CtoKy], qpepP qpopPn, CTrevb airovbri, Xeip Xoiprj, cTreub aiTOubri etc.

1. La chose est évidente dans astamana et antarana, v. B. R.

�� � 76 «2 DANS LES THÈMES EN -O.

Le latin, fort chiche de ses «2» ^^ n^^t parfois où il n'en faut point. Il a les neutres pondes- de pend eifoedes- i]e feid, alors que la règle constante des thèmes en -as est de garder a^ dans la ra- cine^. Probablement ces mots ont été d'abord des neutres en -a. L'ablatif pondo ne s'explique pas autrement; *foido- n'a pas laissé de trace, mais le neutre *feidos est conservé dans fidus-ta qui serait donc plus primitif que le foidemtei du sénatusconsulte des Baccha- nales. L'opinion de Corssen qui fait de fidusta un superlatif est rejetée par d'autres autorités. -- Outre ces deux mots à restituer, nous trouvons dolus = bôXoç — le degré del n'existe plus nulle part, mais Vo de ce mot fait bien l'effet d'être o^ — ; modus de med (gr. )Liéb-i)avoç, got. mit-an); procus de prec (cf. procax); rogus de reg{?); vieux-lat. tonum de {s)ten (Ziév-TUjp etc.); le fém. toga de teg. On peut mentionner ici podex de 2>êd = '^perd. — On s'étonne de l'osq. fethoss en regard du toîxoç grec.

En gotique : saggva- (siggvan), vraka- (vrikan) dragka-, neut. (drig- kan), laïba fém. (-leiban)^ staiga fém. {steigan)^ hnaiva adj. (hneivan) etc.

En lituanien: dagà «temps de la moisson» (got. daga-) de deg «brûler»^; vâda-s de ved; tdka-s, slave tokû de tek; brada fém., si. hrodû de bred. En slave plotû de plet, Iqkû de lek, trqsù de très etc.

Les langues ariennes montrent dans la syllabe ouverte la voyelle longue régulière. Noms d'objets et noms abstraits: skr. tâna = gr. TÔvoç, srâva = gr. ^ôo-ç, pàkd «cuisson» de paé; zd. vâba «meur- tre» devad{vadh). Adjectifs, noms d'agent : skr. fâj;a «chaud» (aussi «chaleur») de tap, vyâdhâ «chasseur» de vyadh.

Evidemment la loi primitive était que Va^ radical cédât la place à «2 dans le thème en -a. Toutes les infractions dont se sont rendues coupables les différentes langues ne sont pas parvenues h obscurcir ce trait caractéristique de leur commune structure gram- maticale. C'est dans les langues ariennes que l'innovation a pris les plus grandes proportions : elle embrasse tous les mots comme yâma de yam, stâva de sto etc. L'analogie des racines terminées par deux consonnes a dû avoir en ceci une très grande part d'influence: dès l'instant où les sons de a^ et «g se furent confondus, un mot comme vdrdha, primitivement va^rdha, s'associa dans l'esprit de celui qui parlait au présent vârdhati, primitivement vâyrdhati, et il est tout

��1. holm à côté du vieux-lat. heltisa doit son o au voisinage de /.

2. A côté de dagà et dâgas se trouve la formation nouvelle degas «in- cendie».

�� � Oj DANS LES THKMES EN -«. 77

naturel qu'on ait ensuite formé sur ce modèle yâma de yâmati, ou /<asa de hdsati h côté de hàsa. — En Europe, où la distinction des deux a (a^, «g) subsistait, nous n'en constatons pas moins un oubli fréquent de la tradition: cependant le grec montre une somme en- core si minime de formations de ce genre qu'on n'en peut tirer que la confirmation de leur absence peut-être presque totale à l'origine. Ce sont les neutres ëpY-o^ et jéKo-o, les adjectifs freX-ô, X^P^'O. pé|nP-o et irépK-o (ordinairement irepK-vô), plus ëXeYO et êXetXO. Dans le cas de XeuK-6 la diphtongue ou était en jeu; KéXeuô-o montre en- core sa forme ancienne dans à-KÔXou9o. A côté de AeXqpoi on a boX(pô. Je crois que c'est là, avec les mots qui suivent, à peu près tout ce que le grec possède de formations de ce genre. ^

Il y a des exemples qui possèdent leur analogue dans un des idiomes congénères et qui méritent certainement toute attention : leâ en regard de l'ind. yâva^; 'i^epo pour è-(T|aepo* comparable au skr. smàrd; deô qui coïncide avec le got. ^dium- neut.^ Le gr. (Tiéviov (aussi airiviov) joint au skr. stdna fait conclure à un indo- eur. stagna. V. sur ces mots Job. Schmidt, Verwandtschaftsverh. 64.

En germanique, ce sont principalement les adjectifs (réunis chez Zimmer, Nominalsuffixe a und a 85 — 115) qui ont admis Ve dans la racine. Ainsi reuda- «rouge» à côté.de rauda-, yelba- «jaune»^ hreuha- «asper», livîta- soit hveita- «blanc», apparenté mais non pas identique au skr. çvetâ, leuba- «cher», pverha- « transversal >, seuka- «malade», skeîha- «oblique» etc.

��1. Au contraire l'arménien a régulièrement gorts (ëpYov), avec «2'

2. En voici quelques-unes de moindre importance: KéiTq)o, KcXeqpô, KépKO, ir^Xeôo, C/ëpqpo; le voc. (b \Jiéke\ ?\eo est obscur, êpo et féXo sont anormaux déjà d'ailleurs, irébo est de formation secondaire. — Eevo pour HvJo et tous les cas analogues n'entrent nalurellement pas en considération, ot^vo semble être de même nature, à cause de la forme oteivo.

.3. L'histoire de ce thème est assez compliquée: Zed n'est qu'une forme plus récente de leid {= skr. yâvam) et ne peut donc se comparer directement à yâva. Mais ce mot grec nous apprend néanmoins que \'a radical de yâva est de l'espèce «, — a^, non de l'espèce a. La brève de yâm décide d'autre pari pour Oj, et l'isolement du mot garantit suffisamment son origine proelhnique. Nous obtenons donc l'indo-eur. ya^iva. — Basé là-dessus nous avons admis dans l'a du lit. javai une altération secondaire de Ve, p. 65.

4. Cf. xi^iot pour *x6(J\ioi, liidriov pour *éa|LiaTiov etc. — La glose fmepTÔv éirépaoTov ébranle l'étymoloi^ie ordinaire.

5. Le sens premier serait anima. Cf. p. 79 i. n. — Le lit. drésti et chdsé «esprit» pourraient aussi suggérer un primitif *ô/ecfo.

�� � 78 thî:mes en -a montrant a^ dans la racine. — féminins en -â.

Dans deux adjectifs qui ont presque le caractère de pronoms et dont l'un du moins n'est sûrement pas sorti d'une racine ver- bale, l'a^ date de la langue mère: na^wa (gr. véoç, got. niujis, skr. ndva) dérivé de nu (vu) et sa^na (gr. ëvoç, lat. senex, got. sinista, irl. sen, lit. sénas, skr. sdna).

Dans la plupart des langues européennes les féminins en -a sont placés sur un pied de parfaite égalité avec les masculins ou les neutres en a: ils servent comme eux à la dérivation courante et varient ainsi les ressources de la langue. Le sanskrit présente un état de choses tout différent. On trouve en combinant les listes de Grassmann et de M. Lindner (p. 150) que les féminins védiques en -à forment vis-à-vis des masculins une petite minorité, que la plu- part d'entre eux sont des appellatife, tels que Mçâ «fouet», vaçd «vache», et que les couples comme ttXôkoç irXoKri, si fréquents en Europe, ne sont représentés ici que par quelques exemples (ainsi rasa rasa, vârsa (neiit.) varsd). Et c'est à peine si un ou deux de ces féminins paraissent contenir «g: le plus grand nombre, comme druhd, vrtd, appartient à la classe privée d'à radical que nous retrou- verons ailleurs. En présence de ces faits, nous n'avons pas le droit d'étendre aux féminins proethniques en â toutes les conclusions auxquelles on sera arrivé pour les thèmes en -a, et il devient probable que les féminins européens formés avec «g sont une catégorie gram- maticale hystérogène.

Pour ce qui est de l'accentuation des thèmes en -a, il y a, d'après tout ce qui précède, un triage à faire dans les matériaux qu'offre le Véda. 11 se peut que la règle de M. Lindner (loc. cit. 29) se vérifie pour les formations nouvelles dont nous avons parlé. Mais si nous nous bornons à prendre les thèmes (védiques) qui allongent Va radical, où par conséquent nous sommes sûrs de la présence de «2, voici comment ils se classent. Paroxytons, a. noms abstraits etc.: (pdça, hhdga) vdga, vdra, çdka, gdna neut. b. adjectifs, appellatifs: gdra} — Oxytons, a. (davà) nââd, nâvâ, vâsd, sâvd, sCidd. b. grubhd, nâyd, ghâsd, tard, vâkd, vahd, çrayâ, sâhd, svând, hvârâ. — Pour être conséquent, nous avons placé entre crochets comme étant sans valeur ici les mots dont la racine contient a au témoignage des langues d'Europe; ex.: hhdga, gr. (pay.

1. Les mots comme hââha de hàdh dont la racine a déjà l'a long, en outre les raols d'origine obscure comme 0la «filet», çâpa «bois flottant» ne sont pas cités, kâma est un thème en -ma.

�� � ACCENTUATION DES THKMES EN -rt CONTENANT a^. 79

a.^ ne pouvant se manifester dans les mots venant de racines fermées comme manth ou veç, il en résulte que le départ entre les formations nouvelles et les formations primitives qui seules nous intéressent est impossible chez ces mots. Mais les langues congénères garantissent jusqu'à un certain point l'ancienneté de quelques-uns d'entre eux. Voyons l'accentuation que leur donne le sanskrit. Paroxytons: gr. boXqpôç, gerra. kalha-, skr. gdrbha; gr. Xoiyôç, skr. rôga [gr. ôpôç, skr. scîra^]; germ. hausa-^ «crâne», skr. Arôsa (Fick) ; germ. clrauga-, skr. drôgha; germ. rauta-, skr. rôda (P.); germ. svaita-, skr. svéda (F.). Oxytons: si. mqtû, skr. manthd; si. mrakû = *morkû, skr. markà (B. R.) [si. chromû {Q,à].), skr. sramâ^]; gr. oÎko, skr. veçd\ gr. KÔTXn. skr. çankhâ', germ. pauta-, skr. todd (F.); germ. maisa-^, skr. mesd (Bugge); germ. rauda- (adj.), skr. lohd. Quant à l'accent des mots comparés, on voit qu'il n'est pas toujours d'accord avec celui du sanskrit.

Sont oxytons en grec: les adjectifs, les noms d'agent, une partie des noms abstraits masculins, les noms abstraits féminins.

En germanique, autant que j'ai pu m'en rendre compte, les substantifs (masculins et féminins) sont oxytons: le got. snaivs (veiqpei donne Ve) prouve par la perte du g l'accentuation snai(g)vd- (Sievers). Dans l'article cité de M. Verner sont mentionnés les thèmes germa- niques haugd- (rac. heuh, dans le got. hiuhma), laidà (fém.) de leip, sagd (fém.) de seh (lat. secare). Les deux mots suivants sont ana- logues, mais viennent de racines qui ont a: Jiôbd (fém.) de haf, fangd (fém.) de fanh. En revanche on a des paroxytons dans faiha- (got. filufaihs), maisa-, cf. ci-dessus, — Les adjectifs sont souvent paroxytons, ainsi lausa- de leus*, Jiauha- «.haut» en regard de hanga-

1 . sara paraît n'être qu'une variante de çara ou çàras. Les sens de sàra (crème, quintessence etc.) et du gr. ôpôç partie aqueuse du lait) se concilient facilement, bien qu'ils soient en apparence opposés. Le lat. sérum est-il le même thème, ou seulement parent? Curlius, Grdz. 350.

2. L'a de hausa- et de maisa-, l'o de KÔfxii représentent fent-être a.^, mais on ne peut le dire avec certitude.

3. Goldschmidt Méni. Soc. Ling. I 413. Ce mot ne peut figurer ici que si la racine est sram. Si l'on admet une racine srâ, la cho.se est tout autre.

4. Même accentuation dans le mot grec qui y correspond Xoûoov KÔXoupov, KoXopôv, Teôpauoia^vov (parent de à\eûo|aai = got. liusan ; cf. àXvaKdliu et chez Hésychius XuOKdJ^ei). Relativement à la chute nécessaire de Vs grec placé entre deux voyelles, les affirmations péiemptoires paraissent encore prématurées en présence de certains cas tels que aauoapôç (lit. snâsas), èv-dovaiaa\xôç (cf. si. duchû, dusa). Reste à trouver la règle. — Ija racine frap (avec a) donne l'adj. oxyton frOdd-.

�� � 80 «2 DANS LES THEMES EN -CI DES COMPOSÉS.

«éminence», mais nous avons vu que la plupart ont e dans la ra- cine, ce qui leur assigne une place à part.

En somme et autant qu'on en peut juger sur ces données fort peu complètes, on conclura: 1° qu'un grand nombre de thèmes en a avec ag dans la racine, ont eu dans la langue mère le ton sur le suffixe; 2° qu'on ne peut dire avec certitude si quelques-uns de ces thèmes, quel que fût d'ailleurs le sens, ont eu au contraire le ton sur la syllabe radicale.

Dans les thèmes en -a formant le second membre d'un com- posé dont le premier sera un substantif régi — nous ne parlons que des cas où l'actimi verbale est encore sentie, non de tafpurusas en général — j ou bien une préposition, la présence de a.^ est assurée aussi. "^ Nous pouvons distinguer quant au sens quatre catégories représentées par les exemples suivants: a. pari-vaââ «le blâme» de vad, h. ut-tânâ «qui s'étend» de tan, c. sukta-vCikâ «récitation d'un sûkta» de vaé, d. uda-hârà «porteur d'eau» de har. Le zend montre le même allongement de l'a.

Exemples grecs : a. erûX-XoYOç et (TuX-XoYil de Xey ; a. èS-i-moipôç de à|iieip, irpô-xooç de x^v; c. — ; d. u-çoppôç de q)epp, TTup-qpôpoç de qpep. La classe c existe dans quelques féminins comme inicrdo- q)opà, mais ces mots sont des exceptions.

Exemples lituaniens: pâ-szaras «nourriture» de szer^ at-laidà «grâce» de leid, isz-iakas «écoulement> de tek. Paléoslave: vodo-nosû de nés, sqlogû de leg (peut-être bahuvrïhi), pro-vodû «compagnon» de ved^ po-tokû «rivière» de tek, prorokù «prophète» de rek, vodo- tcikii «canal» de tek. Dans dobro-rekû (Osthoff, Beitr. de P. et B. III 87) \'e s'est infiltré.

En latin le vocalisme du second membre des composés, soumis aux influences de divers agents destructeurs, est absolument mécon- naissable. L'osque lovfrikonoss est un bahuvrïhi.

A l'origine, on n'en peut douter, ces composés ont été géné- ralement oxytons. Ils le sont dans les textes védiques, et ils le sont en partie en grec. Dans la classe d. le grec n'a retiré l'accent sur la pénultième que lorsqu'elle était brève* (Bopp, Accentuations-

��1. Il esrl remarquable que les composés indiens de caractère moderne où le premier membre est décliné {/mè{i7nhhard etc.) ne présentent jamais Va long.

2. Les exemples où la règle n'est plus du tout observée (ex. : dans TTToXiiTopôoç, Tra\{vTovoç) présentent ordinairement cette singularité que le premier membre a i dans la dernière syllabe.

�� � a 2 DANS LES THÈMES EN -l ET EN -U. 81

System 280, 128; Schrœder, K. Z. XXIV 122). Voy. l'exception que présente parfois le sanskrit, chez Garbe, K. Z. XXIII 481 ; elle rap- pelle la distinction du grec TraipÔKiovoç et TtaipOKiôvoç.

Thèmes ex -i. Voici ceux que forme le grec: xpex Tpôxi «coureur» (Eschyle), crpeqp aipôqpi «homme retors» (Aristophane), Xp€|i XPÔ|Lii, nom d'un poisson; |Lie|Li(p )Liô|uq)i fém. = |LiO|uq)ri. Adjectifs: Tpeqp Tpôqpi (Homère), 5peTr bpÔTTiç • rpu-fnTÔÇ (Hés). Cf. fioXiriç, cppôviç, <pôp)iiYH.

Cf. got. balgi- «outre» de belg «enfler»; skr. râçi, gkâsî; dhrdgi, grdhi. Lindner, p. 56.

Thèmes ex -u. La racine du got. liinpan «prendre» donne handû- fém. «la main» (Verner l. c). L'a du germ. haidû- = skr. ketiï est certainement a^ (et non a), parce que le é alternant avec k du skr. cétati, parent de ces mots, est un signe de % (chap. IV). En comparant skadii- «ombre» au skr. ddtati, on aurait un thème en -u tout semblable aux précédents; mais ici nous sommes moins sûrs que la voyelle radicale soit a^. Nous reviendrons sur ce rapproche- ment au chapitre IV.

Le lit. dangùs «ciel» vient de deng «couvrir». Quant aux nom- breux adjectifs en -u-s, réunis par M. J. Schmidt, Beitrdge de Kuhn et Schleicher ly 257 seq., et qui prennent régulièrement Og — ^x. : sargùs de serg — , ce n'est pas en réalité au thème en -u, restreint à quelques cas du masculin, mais bien au thème en -ya qui appa- raît partout ailleurs qu'on doit, semble-t-il, attribuer la priorité: il est vrai que le sanskrit a quelques adjectifs comme dârû de dar, mais la règle dominante des anciens adjectifs en -u est de rejeter l'a radical (p. 16, 24).

On trouve un thème da^mu dans le lat. domus, -ûs, égal au paléosl. doynû}. Ce dernier mot, au dire des slavistes, est bien un véritable thème en -u et ne montre point la même indififérence •que d'autres à se décliner sur vlûkû ou sur synû. C'est à la même formation qu'appartient le gr. KÔp^uç fém. si l'on adopte le rap-

��1. L'ind. dâmunas «familiarisa, un des noms d'Agni, se décompose peut- ^tre en danm -\- nas (venir). Il reste à expliquer la brève de dàmu: on pourrait penser tout d'abord à un déplacement de la quantité et reconstruire *dàmunas. Mais l'allongement de ïi ou de Vu devant une nasale est chose si commune, qu'une telle hypothèse serait fort risquée. Il n'est pas inconcevable que, 1'?* une fois allongé, Va.^ qui précédait ait été forcé par là de rester bref. V. p. 84. Toutefois la forme damûnas qui apparaît plus tard rend cette combinaison très problématique.

de Saussure, Oeuvres. 6

�� � 82

��«2 DANS LES SYLLABES SUFFIXALES.

��prochement de M. Fick avec le got. hairda, lequel attesterait Ye radical et la non-suflSxalité du ô; puis KpoKÛç, -ûboç fém.^ de KpéKU) «tramer».

Deux neutres paroxytons de grande importance: gr. bôpu, irland. âaru- (Grâz. 238), skr. dâru; gr. yôvu, skr. gdnu. L'ind. sdnu, d'après cette analogie, doit contenir a^. qpôpPu' xà ouXa' HXeîoi semble venir de (pepP et avoir a^.

Très répandue est la famille des thèmes en -ya. Toutefois les formations secondaires s'y entremêlent si étroitement avec les mots tirés directement de la racine que nous nous abstenons, de peur d'erreurs trop nombreuses, de soumettre ces thèmes au même examen que les précédents.

2. Syllabes suffixales.

Les langues européennes montrent clairement que la voyelle ajoutée à la racine dans les thèmes verbaux en -a est un a^ qui alterne avec a^. Il y a concordance de tous les principaux idiomes de la famille quant à la place où apparaît Og (1*^ pers. des trois nombres, 3^ pers. pi.):

Gotique

viga

vigsim

vigos

vig&7id

vig\p

1. La racine ici importe peu. — 2. Anciennement *veliumns, *eehomus. — 3. rezomû et vezoï'é sont les formes de l'aoriste (s'il existe chez ce verbe); l'e du présent vezemii, vezevè, est dû à l'analogie des autres personnes. — 4. Vieux latin tremonti. — Le zend concorde avec le sanskrit. Le lituanien présente les les personnes du plur. et du duel sîikame, sùkava. Va du got. vigats (2* p. du.) ne peut être qu'emprunté à vigam, vigand etc. On explique de même le V. h^-all. wegat en regard du vîgip gotique (2* p. pi.), et le lit. sùkate, sùkata.

Les formes du moyen reproduisent le même schéma: parmi elles on distingue les 1^^ personnes du grec: qpépoiuai, è(p€pô^r|V qui, bien que s'écartant des formes indiennes, présentent, selon la règle, un devant }i (y. ci-dessous).

La forme primitive exacte de la 1® personne du singulier de l'actif est une énigme que nous n'essayons point de résoudre. Avec la désinence dite secondaire, elle n'offre pas de difficulté: gr. l-q)€pov, si. vezù (régulier pour *vezon\ skr. d-hharam (a bref, vu la syllabe

��Grec (exw ^ è'xoiuev

ëxovTi Cf. ex€T€

��Latin

veho

vehimus^

vehunt^ veMte

��Paléoslave

�Sanskrit

�vezsj.

�vàhâmi)

�vezomû^

�vdh'dmas

�vezové^

�vdhâvas

�vezs^tï

�vdhanti

�vezete

�vdhatha

�� � fermée). Du reste le paradigme se répète partout où il y a une conjugaison de l’espèce qu’on appelle thématique. Dans ce paradigme, l’apparition de a.y est évidemment liée d’une manière ou d’une autre avec la nature de la consonne qui suit. V. Paul dans ses BeitrUgeW 401. On ne peut, vu la 3® pers. du pluriel, — à moins d’admettre que la désinence de cette personne fût à l’origine -mti — chercher dans le son labial la cause de la transformation. Il faudra l’attribuer aux sonantes, ou plus généralement peut-être aux sonores. C’est le seul cas où la substitution du phonème «2 au phonème a^ trouve son explication dans une action mécanique des sons avoisinants.

Dans la diphtongue de l’optatif, c’est «2 Q^i apparaît: le grec et le germanique sont les seuls idiomes qui donnent à ce sujet un témoignage positif, mais ce témoignage suffit: gr. è’xoiç, ëxoi, ëxoi|iev etc.; got. vigais, vigai, vigaima etc.

Devant le suffixe du participe en -mana ou -ma les langues européennes ont «2- E^- ^XÔ-MCVO-ç^, si. vezo-mû, lit. véèa-ma; le lat. vehimini ne décide rien. D’après le grec on attendait en sanskrit ^vâhâmana-» : nous trouvons vdhamâna. J’ai essayé ailleurs d’expliquer cette forme par un déplacement de la quantité (cf. pavâkâ pour pâvakd, çvdpâda pour çvdpaâa. Grassmann s. v.). Mais cette hypothèse, peu solide par elle-même, se heurte aux formes comme sasrmând. Nous nous en tiendrons à ces remarques-ci: 1° Quant au suffixe: il n’est pas identique au - jnevo du grec. Selon toute probabilité, il remonte à ma^na et se place à côté du boruss. po-klau- sïtnanas^ (Bopp, Gramm. Comp. Trad. IV 25); le zend -mana et le grec -^evo représentent -ma^na; le zend -mna nous donne une troisième forme, affaiblie. Il est difficile du reste de se représenter comment ces trois suffixes ont pu alterner dans l’indo-européen, et il est étrange que de deux idiomes aussi voisins que le zend et le sanskrit, le premier ignore complètement -ma^na, quand inversement, l’autre a perdu toute trace de -maiiia.^ 2° Quant à la voyelle thématique: quoiqu’elle soit brève, elle pourrait être «g. ainsi que le réclament et le phonème qui suit et le témoignage des langues européennes.

1. Le pamphylien PoX^^ievuç (PouXôiaevoç) appartient à un dialecte où iropTf est devenu TiepT-. Les formes nominales pAejuvov, T^peinvov etc. peuvent s’interpréter de différentes manières.

•2. Le gr. -laovri dans xopi^ovrî etc. n’est qu’une continuation relativement moderne du suff. -fiov, étrangère aux participes.

3. Les infinitifs indiens en -mane viennent de thèmes en -man. 84 «2 Ï>A.NS LES SYLLABES SUFFIXALES.

Pour cela il faut admettre que dans une syllabe ouverte suivie d'une longue les langues ariennes n'ont pas allongé^ a.^. Les exemples où la chose peut se vérifier sont malheureusement rares et un peu sujets à caution: le premier est le zd. katàra dont il est question ci-des- sous; le second est damûnas, v. page 81; enfin on a les aoristes en -isam, page 69. Mais la brève du zend vazyàmana demeure in- compréhensible.

Devant le suff, -nt du partie, prés. act. la voyelle thématique est «21 lorsqu'elle n'est pas rejetée, ce qui arrive à certains cas de la flexion. Grec èxovT-, got. vigand-, si. {vezy), gén. vezqsta, lit. veèant-. L'a bref du skr. vdhant- est régulier, la syllabe étant fer- mée. Quant à Ve du lat. vehent-, M. Brugmann admet qu'il vient des cas faibles h nasale sonante. — Le participe du futur est tout semblable.

Quittant la voyelle thématique verbale, nous recherchons les cas où un «2 apparaît dans le suffixe des thèmes nominaux. Toute- fois nous laisserons de côté provisoirement les suffixes terminés par une consonne.

Le suff. -ma^na est déjà traité; un autre suffixe participial est ■a^na: skr. bibhid-ând, got. hit'an{a)-s. — Le suffixe secondaire -tara subit des variations assez surprenantes. Il prend, en zend, la forme -tara lorsqu'il s'ajoute à des pronoms: katara, yatâra, attira (cî. fra- tara), tandis que le sanskrit présente partout l'a bref: katarâ, yatarâ etc. C'est le même phénomène que pour le suff. -màna, avec cette différence qu'ici c'est l'iranien qui montre a.^, et que la forme qui contient a^ subsiste parallèlement à l'autre. De plus le zend n'est point isolé comme le sanskrit l'était tout à l'heure: k côté de katara se place le si. kotoryjï et vûtorû, le got. hvapAra et a7ipara^ (zd. aùtara). D'autre part l'a du sanskrit est appuyé du gr. îrôrepoç et, dans le

��1. La longue, dans le cas de vâhamàna, descend elle-même d'un ancien Oj [vaha^ma^na): mais il est aisé de comprendre que dans le conflit des deux a^ tendant l'un et l'autre à devenir voyelle longue, le second, qui ne trouvait point de résistance dans la syllabe brève placée après lui, devait remporter l'avantage. — Cette syllabe brève dont nous parlons est remplacée dans certaines formes par une longue, ainsi au pluriel vdhaniàngs; et pour soutenir toute cette théorie, à laquelle du reste nous ne tenons pas particulièrement, on serait natirrellenient obligé de dire que dans vâhamàna comme aussi dans pàkâ, ryâdhà etc. l'allon- gement n'appartient en propre qu'à ceux des cas de la déclinaison où la termi- naison est brève.

2. Je sais bien que cet a gotique peut s'expliquer difTéremment si l'on com- pare fadar = TraT^pa et ufar = ùirép.

�� � «2 DANS LES SYLLABES SUFFIXALES. 85

slave même, de jcterù. Le lat. wfer, qui a passé par une forme

  • ?</>•«, n'entre pas en ligne de compte, h' osque piiiuruspid {ci. pàterei)

a subi une assimilation secondaire, Curtius, Grdz. 718. Nous ne trouvons pas d'autre issue que d'admettre un double suffixe primi- tif. Peut-être que l'un, -ia^ra, s'ajoutait aux pronoms, tandis que l'autre était réservé aux prépositions, comme cela a lieu en zend, et que plus tard les différentes langues ont en partie confondu les deux emplois. 11 faut ajouter que le zend abrège Va de katara toutes les fois que par l'addition de la particule cH, la syllabe qui suit cet â devient longue : katâraçtHf, katâreméit (Hiihschm&nn, Casus- lehre 284). Est-ce à dire que l'allongement, dans katara, tient à une cause tout autre que la présence da a,? Comme nous venons de le dire (p. 83 seq.), cette conclusion ne parait pas nécessaire.

Voyelle suffixale des thèmes en -a {Thèmes en -a proprement dits, thèmes en -ta, -na, -ma, -ra etc.). M. Brugmann indique briève- ment que cette voyelle est «g {Stud. IX 371), et cette opinion a été adoptée de tous ceux qui ont adopté l'hypothèse de a^ en général^. Ici comme ailleurs «g alterne avec a^. Voici, en prenant comme exemple le thème masculin ind.-eur. akiva, les cas ^de la déclinaison où l'accord des langues européennes atteste clairement la présence de «g- nom sg. akwa^-s, ace. sg. akwa^-m^, ace. pi. akwa^-ns. De même au nom. -ace. neut.: dana^-m. Le degré a^ est assuré au vocatif akwa^. Tout le reste est plus ou moins entouré d'ombre. Doit-on, au génitif singulier, admettre a^ ou a^ ? Le got. vulfi-s parle pour la première alternative ^ le gr. ïtttto-io pour la seconde. Ces deux formes ne peuvent pas l'une et l'autre refléter directement la forme première. L'une d'elles a nécessairement subi une action d'analogie: il ne reste qu'à savoir laquelle. La forme sanskrite est pour plusieurs raisons impropre à décider ici. Mais il y a une

��1. Dans l'article cité des Mémoires de la Société de Linguistique, je croyais avoir des raisons de dire que Va dans miroç, equos, était o — malgré le vocatif en e — et non pas o^- Depuis j'ai reconnu de plus en plus qu'une telle propo- sition est insoutenable, et je n'en fais mention ici que pour prévenir le reproche de changer d'opinion d'un moment à l'autre en disant que cet article a été écrit il y a près d'un an et dans un moment où je venais à peine de me rendre compte de la double nature de l'o gréco-italique.

2. L'a bref du skr. (içims, âçvàm est régulier, la syllabe étant fermée.

3. Sur l'rt secondaire du vieux saxon -as, v. Leskien, Dedination, p. 30. Le boruss. stesse parle aussi pour a^, bien que souvent IV de la Baltique inspire assez peu de confiance (ex. : lit. kvep «exhaler», got. hvap, grec et lat. hvap).

�� � 86 «2 SUFFIXAL SOUDÉ AVEC LA VOYELLE DE LA DÉSINENCE.

forme pronominale slave qui semble prouver «^ : ceso ou cïso, gén. de cï{-to). M. Leskien {Decl. 109) approuve ceux qui y voient une forme en -sija, et pourquoi ne serait-elle pas tout d'un temps le zd. éahyâ (skr. kdsya, génitif du thème ko) qui lui-même trahit «j par sa palatale? Comme il n'y a pas d'ailleurs de raison de croire que le génitif d'un pronom en -a^ différât en rien de la forme correspondante des thèmes nominaux en «g» nous concluons à l'indo- eur. ahva.y-sya et nous tenons Vo de itttto-io pour emprunté à d'autres cas. — Le locatif a dû avoir a^ : akwai-i. C'est ce qu'indiquent les locatifs osques comme terei^ akenei, et les locatifs doriques comme TOUTeî, Teîbe; cf. TtavbriMeî, otjaaxeî etc., enfin le vieux locatif litua- nien 7iamé (Leskien l. c. 47). M. Brugmann, qui est pour cette hypo- thèse akw&ii, me fait remarquer que les locatifs grecs en -oi (oÏKOi) ne sont qu'un cas tout ordinaire de contamination, tandis qu'en partant d'un primitif akwa,2i on est fort en peine d'expliquer la forme en -ei. — Devant celles des désinences du pluriel qui commen- cent par Ih et s le thème s'accroît d'un i, mais la voyelle est Og à en juger par le grec 'imiox-ai, l'osque zicolois et le germ. pai-m (décli- naison pronominale). Le lituanien a të-mtis; mais la véritable valeur d'e est obscure.

Lorsque la désinence commence par une voj'elle, celle-ci, dans toutes les langues de la famille, se trouve soudée avec la voyelle finale du thème. D'après les principes généraux de la comparaison linguistique on placera donc le fait de cette contraction dans la période proethnique. Cependant le phénomène a quelque chose de si particulier, il peut si bien se concilier avec les tendances phoné- tiques les plus diverses, et d'autre part s'accomplir dans un laps de temps restreint, que l'hiatus après tout a pu tout aussi bien subsister jusqu'à la fin de cette période, ce qui ne veut pas dire qu'il se soit perpétué très tard jusque dans l'époque préhistorique des différentes langues.^ Cette question est liée à certaines autres traitées au § 11. — Au nominatif pluriel, skr. dçvâs, got. vulfos, oaque Abellanos, ombr. screihtor, la voyelle de la désinence* est a^. II faut donc, principalement à cause de Vo des formes italiques, que le thème ait «2- nous obtenons ainsi akica^ -\- a^s. Prononcée avec

��1. Nous n'osons pas invoquer en faveur de l'hiatus les formes védiques (restituées) telles que devâas, çâmsaas, devânaam etc., ni celles du zend comme (iaëvdaf sur la signification desquelles les avis varient beaucoup.

2. Sa valeur est donnée par le grec et le slave: |uiriTép-eç, mater-e.

�� � «2 SUFFIXAL SOUDÉ AVEC LA VOYELLE DE LA DÉSINENCE. 87

hiatus, la forme serait akwa.2aiS (à peu près ekwoes); avec contrac- tion akH-â.,s (ekwôs). Nous enregistrons le phonème nouveau^ «2 engendré ici comme par accident, mais qui trouvera plus loin son rôle morphologique. De quelque époque du reste que date la con- traction, il est essentiel de noter que \'o de vidfos (= âg long) dif- fère à l'origine de Vo de bropar (= À). Au nord de l'Europe en eft'et les longues de «3 ^^ ^ ^^nt ■confondues aussi bien que ces voyelles elles-mêmes. — Pour Vahlatif singulier, la voyelle désinentielle est inconnue: si nous lui attribuons la valeur a^, le cas est le même que pour le nominatif pluriel. Le génitif letto-slave vlûka, vilko sort de l'ancien ablatif (Leskien). Cette forme donne lieu à la même remarque que vulfos: Va slave (= lituanien) est chez elle «2, non pas À comme dans mati (lit. mote). — La seule donnée que nous ayons sur la nature de l'a dans la désinence du datif singulier est incertaine: ce sont les infinitifs grecs en |Liev-ai = skr. man-e qui la fournissent^. Si nous la prenons pour bonne, il y a dans l'ô de 'ÎTTTruj, equo, et dans l'a du skr. dçvàya les éléments «2 H" ^- Nous ne ferons pas l'analyse fort difficile de l'instrumental singulier et pluriel (skr. dçvais, lit. vilkais), du génitif pluriel ni du nom. -ace. duel. Le nom -ace. pi. des neutres est unique dans son genre : son â long a la valeur Â, c'est le gréco-italique qui nous l'apprend.^ A moins de l'identifier, comme quelques-uns l'ont fait, au nom. sg. du féminin, il faudra supposer une forme première dâna2 ~\- ^, ou bien, si le A désinentiel est bref, dâna^ -a; on ne saurait admettre dâna2 -f- a, puisqu'au datif singulier a^ -\- a a. donné l'ô gréco-italique.

Dans la déclinaison pronominale, nous trouvons «g devant le d du nom.-acc. sg. neutre: gr. tô, lat. -hid; got. pata, si. to, lit. ^a-t

1. En admettant la possibilité d'une longue à^, différant de la brève a^, nous tranchons implicitement la question de savoir si dans la langue mère «2 a été bref comme il l'est partout dans les langues européennes. Les formes dont il est question pourraient du reste, comme on voit, servir à démontrer cette quantité brève.

2. Schleicher doute que -|aev-ai puisse être le datif d'un thème consonan- tique. Comp.* AOl. — La longueur fréquente chez Homère de l'i du datif grec (Hartel, Hom. Stud. P 56) n'est pas une raison suffisante pour croire que cette forme représente autre chose que l'ancien locatif. Ai/ei- dans AuTeiOeiaiç etc. ne paraît pas être un datif. Les formes italiques et lituaniennes sont équi- voques.

3. Lui seul peut nous l'apprendre; car il est superflu de répéter que les langues du nord confondent ^2 et 3. En slave par exemple Va de delà (pi. neut.; cf. lat. dôna) n'est pas différencié de l'a de vlûka (gén. soit abl. sing.; cf. lat. equo).

�� � 8» PARALLELISME DES THEMES EN (Tg ET DES THÈMES EN A.

(skr. iad). Puis au nom. plur, : gr. Toi, vieux lat. poploe (déclinaison pronominale à l'origine), got. ^ai^ (skr. té). — C'est évidemment a^ que renferme le pronom sa (nom. sg.): gr. ô, got. sa. La forme indienne correspondante sa est le seul exemple certain où l'on puisse observer comment le sanskrit traite ce phonème, quand il est placé à la fin du mot. Nous constatons qu'il ne lui fait pas subir l'allon- gement.^ Relevons encore le pronom de la première personne gr. èxû), lat. e^o si. azii^ ='-^'azom ou *azon (skr. ahâm); Yo long de tfd) est encore inexpliqué, mais il est certainement de sa nature a^.

M. Brugmann (l. c. 371) a fait voir le parallélisme qui existe entre Ve (%) du vocatif des thèmes en a2 et l'a bref du vocatif des féminins en a: gr. vù|ucpa, bécrnoTa, de thèmes vu|ucpû-, beffiroTct-; véd. amha, voc. de anibâ; si. ieno, voc. de ze^ia. La dernière forme appartient au paradigme courant. Le locatif grec X«M«î> du thème

  • X«|iiâ- = skr. ksmâ offre exactement le même phénomène et vient

se placer à côté du locatif des masculins en -ei. On ramènera le loc. osque viai à via -\- i, le loc. si. iewê à éenà -j- i. La forme des lan- gues ariennes doit être hystérogène. Mais peut-être le loc. zd. zemë offre-t-il un débris ancien: il est naturel de le rattacher au thème féminin skr. ksamâ et au gr. \a]JiOii, plutôt que de le dériver d'un masculin qu'il faudrait aller chercher jusqu'en Italie (lat. humus). — Il y a peu de chose à tirer du génitif. Nous concluons: où les masculins ont «g» ^^^ féminins ont a; où ils ont a^, les féminins ont A. Cette règle est singulière, parce que partout ailleurs le rap- port a: A diffère absolument du rapport % : a^.

Comme premier membre d'un composé le thème des masculins offre 82 : gr. ÎTnrô-baiLioç, got. goda-kunds, si. novo-gradû, lit. kaklâ- ryszis. De son côté le thème féminin montre a long*: skr. sena-

��1. Le si. ti est d'autant plus surprenant que nous trouvons e au loc. vjûcè où nous avons conclu à la diphtongue «, i. Cf. plus haut p. 65.

2. Le texte du Rig-Véda porte une fois la forme sa pour sa (I 145, 1). Il y a aussi en zend une forme hà que M. Justi propose de corriger en hâu ou hô. Lors même qu'elle serait assurée, la quantité d'un a final en zend n'est jamais une base sûre.

3. L'rt initial de ce mot auquel répond le lit. àsz (et non «ôsz») est tout à fait énigmatique. Cf. lit. aszi'<a = equa, ape en regard de ètii.

4. Quant à la formation slave vodonosû de roda, elle est imitée du mas- culin; le grec a de même le type XoYXO-cpôpoç de Xôfxi- Considéré seul, vodo- pourrait, étant donné le vocalisme du slave, se ramener à vadA-: une telle forme serait fort curieuse, mais le  des idiomes congénères nous défend de l'admettre. — M. G. Meyer (Stud. VI 388 seq.) cherche à établir que la formation propre

�� � A paH, zd. upaçtâ-hara, gr, viKû-cpôpoç, lit. vasarô-îaukis de vasarà (Schleicher, Lit. Gr. 135).

En considérant les dérivés des thèmes en «« tlans les langues ariennes, on s’étonne de voir cette voyelle rester brève devant les consonnes simples^; ainsi ghorâtâ de ghorâ. Il faut dire tout d’abord que dans bien des cas «2 6St remplacé, ici encore, par «j : ghorâtâ par exemple est le got. gauripa. Cf. vieux lat. aecetia. Dèa lors la brève est justifiée. — Mais cette explication, il faut bien le dire, fait défaut pour d’autres formes. Dans tâ-ti et hî-ti, a^ est attesté par le lat. tôt et guot. En regard du gr. irÔTepoç, de l’ombr. podruh- pei, du got. hvapara-^, du si. kotoryjï, du lit. katràs, nous trouvons en sanskrit kà-tarà. Les formes uhhdya en regard du got. bajo^s et dva-yâ, cf. gr. boioi’/ sont moins embarrassantes, parce qu’on peut invoquer le lit. àbeji et dveji. Mais il est inutile, je crois, de recourir à ces petites explications: il est trop visible que l’a qui termine le thème ne s’allongera dans aucun cas. C’est là, on ne saurait le nier, un côté faible de l'hypothèse de a^ : on pourra dire que devant les suffixes secondaires régnent parfois les mêmes tendances phonétiques qu’à la fin du mot, on pourra comparer ka- dans kà-ti au pronom sa^ devenu sa. Mais nous ne voulons pas nous risquer, pour ces quelques exemples, à soutenir dans toutes ses conséquences une thèse qui mènerait extrêmement loin.

Peut-être est-ce la même raison qui fait que le skr. samâ garde l’a bref, bien qu’il corresponde au gr. ô|aôç, au got. sam,a{n-)’. M. Benfey y voit en effet un dérivé (superlatif) du pronom sa. Le zend hâma ne nous sert de rien, et voici pourquoi. La même langue possède aussi hama et d’autre part le slave a la forme samû à laquelle M. Fick joint l’anglo-s. ge-sôm «concors»: hâma est donc

��des langues européennes est d’abréger l’a final; mais pour cela il fait sortir \oYXO- (dans XoTXO-çôpo) directement du thème féminin, ce que personne, je crois, ne sera plus disposé a admettre. I-iCs trois composés indiens où ce savant retrouve sa voyelle brève kaça-plakâ, ukha-cMd, ksa-pâcant pourraient s’expliquer au besoin par l’analogie des thèmes en -a que nous venons de constater en Europe, mais le premier n’a probablement rien à faire avec Icâçâ; les deux autres sont formés sur ukhà et ksatn.

1. La règle sur a^ devant une syllabe longue trouverait peut-être quelque-fois son application ici; ainsi le suff. -vont, étant long, pouvait paralyser l’allonge- ment de Ya^ qui précédait; — dans dçiâvant ttc. la longue n’est due qu’à l’influence spéciale du v.

2. Les formes des autres dialectes germaniques remontent, il est vrai, à un primitif hve^ara qui est surprenant. 90 RAISONS QUI DOIVENT FAIRE ADMETTRE DEUX GRÉCO-ITALIQUES.

hypothéqué par ces deux derniers mots, et son a long ne peut phis représenter a^. Si o, dans ô)aôç, représentait o, les difficultés seraient levées, mais je ne sais si cela est bien admissible. Cf. simâ, sumdt^ smât.

J'ai réservé jusqu'à présent un cas qui présente certaines ana- logies avec celui de samâ: c'est le mot dama dans sa relation au gr. bôjaoç, au lat. domo-, à l'irland. -dam. Seulement, ici, il n'y a plus même la moindre probabilité à diviser: da-ma. Si l'on consi- dère la parenté possible de samâ avec le thème sam- «un», ou la particule sam, on trouve les deux séries parallèles: 1° sam, samâ avec brève irrégulière, ô|uôç, sûmû. 2° dam (bû)?), daynâ avec brève irrégu- lière, bô|Lioç; bâjuoç. J'ignore si ces deux séries sont unies par un lien intérieur.^

M. Brugmann attribue à a.2 une quantité moyenne entre la brève et la longue et accorde ainsi la brève de toutes les langues euro- péennes avec la longue des langues asiatiques. Mais puisque celle-- ci ont elles-mêmes un a bref devant les groupes de plus d'une con- sonne, on peut se passer de ce compromis et admettre que la diffé- rence entre a^ et a^ n'était que qualitative. Cf. p. 87 i. n.

Nous verrons à propos de la flexion d'autres exemples, et des plus probants, de l'oa indo-européen.

§ 8. Second o gréco-italique.

Voici les raisons qui nous forcent d'admettre une seconde espèce d'o gréco-italique:

1. Il y a des o auxquels le sanskrit répond par un a bref dans la syllabe ouverte: ainsi l'o de irôaiç — potis = skr. pâti doit être différent de l'o de bôpu = skr. dàru.

2. Raison morphologique: comme nous l'avons vu au § 7, le phonème a^ est Hé et limité à certains thèmes déterminés. Jamais par exemple aucune forme du présent d'un verbe primaire, c'est-à-dire non dérivé, ne présente un o (ou en germanique un a) que la co-

��1. Inutile de faire remarquer que le verbe grec bé\iw, sans correspondant asiatique — et dont Bôhtlingk-Roth veulent séparer bô|Lioç dans le cas où on l'identifierait à dama — apporte de nouvelles complications. Pris en lui-même, <iamâ pourrait, vu son accentuation, être l'équivalent de &dmd»: ce serait alors un thème autre que bô|Lioç et qui en grec ferait «bainoç». C'est ainsi, sans aller bien loin, qu'il existe un second mot indien sama signifiant quiconque, lequel devient en grec à|u6ç (got. sums), v. le registre.

�� � VOCALISME ARMÉNIEN. 91

existence de l'e prouverait être a^. Il est donc invraisemblable que Vo d'un présent comme oluj, en d'autres termes Vo qui se maintient dans toutes les formes d'une racine, puisse représenter a.^.

Le vocalisme de l'arménien est ici d'une certaine importance. Les articles de M. Hiibschmann, Ûber die stellung des armenischen im kreise der indogerm. sprachen et Armeniaca, K. Z. XXIII 5 seq., 400 seq. offrent des matériaux soigneusement triés, malheureusement moins abondants qu'on ne souhaiterait, ce qui tient à l'état imparfait de l'étymologie arménienne. C'est là la source où nous puisons. L'auteur montre que la distinction d'« et d'e existe en arménien comme dans les langues d'Europe, que cet idiome en conséquence n'appartient point à la famille arienne: fondé en outre sur les phénomènes relatifs aux gutturales, il le place entre le letto-slave et l'iranien. Sans vouloir mettre en question ce dernier résultat, nous croyons devoir faire remarquer que par son vocalisme l'arménien ne se borne pas à affirmer une relation générale avec l'Europe, mais qu'il noue des liens plus étroits avec une certaine portion de ce domaine, qui n'est pas comme on l'attendrait le slavo-germanique, mais bien le gréco-italique. L'arménien possède en effet la distinction des phonèmes «2 ^t a.

A devient a: asiem = oEyuj (Hiibschmann 33); haz «part», hasanel «partager», gr. qpaTeîv (22); kapel, \ait. capio (19); hair pater; ail = aXXoç (33); andzuk «étroit», gr. à'TXuu (24). — i se trouve dans mair mater; elhair frater; bazuk, gr. TTCtxuç (emprunté peut-être à l'iranien, 402).

a2 devient (pour l'e v. l. c. 33 seq.): à côté de hetkh «trace» (lat. peda), otn «pied», cf. gr. irob- (Brugmann, Stud. IX 369); gochél «crier», cf. gr. eiroç, 6{^ (33); gorts «œuvre», cf. gr. ëopYCi (32); ozni èxîvoç (25) n'a point d'analogue direct dans les langues con- génères, mais comme celles-ci ont un e dans ce nom du hérisson, Vo de oz7ii doit être a.^. En composition: lus-a-vor que M. Hiibsch- mann rend par XeuKoqpôpoç et qui vient de berem «je porte» (405); age-vor (400). Enfin dans le sufïixe: mardo- (dat. mardoy) = gr. PpOTÔ. Mais il y a un point, et c'est là ce que nous avions plus particulièrement en vue, où l'arménien cesse de refléter Vo. gréco- italique et où il lui oppose un a: akn «œil», gr. ôcfcre, lat. ocidus (33); anwan «nom», gr. ôvo)Lia, lat. nômen (10), magil «serre», gr. ôvuE, lat. nnguis (35); am;;, amb «nuage», gr. ô|nPpoç (19); vard «rose», gr. Jpôbov, lat. r'osa (35); tal «donner», gr.-lat dô (33).

�� � 92 LES DIFFÉRENTî^ ESPÈCES d'o.

L'Arménien comme tel porte le nom de Hay; M. Fr. Millier rap- proche le skr. pâti, soit le gréco-ital. poti- {Beiir. zur Lautlehre d. arm. Spr., Wiener Sitzungsher. 1863, p. 9). Dans tous ces exemples, Vo gréco-italique était suspect d'ailleurs d'avoir une valeur autre que «2, par exemple dans poti- que nous venons de voir (page 90), dans ô(jae, oculus, dont la racine conserve constamment Vo. Ainsi l'arménien paraît bien apporter une confirmation à l'hypothèse des deux 0. Il faut dire toutefois qu'au gréco-ital. od (olix)) répond, suivant la conjecture de M. Hiibschmann, hot «odeur» (405): on attendrait a comme dans akn.

Ce point étant établi, qu'il existe des o gréco-italiques autres que 02 = indo-eur. rtg, il reste à examiner si le résidu qu'on ob- tient constitue une unité organique et distincte dès l'origine, ou bien s'il s'est formé accidentellement, si par exemple certains a ne se seraient pas changés en 0, h une époque relativement moderne. On arrive à la conclusion que les deux choses sont vraies. Il est constant que dans plusieurs cas Vo n'est que la phase la plus ré- cente d'un a. Mais d'autre part l'accoid du grec et du latin dans un mot comme irôcriç — potis garantit la haute ancienneté de l'a qu'il contient et qui, nous venons de le reconnaître, ne remonte point à «2-

Nous pourrons en somme distinguer quatre espèces d'o dont l'importance et l'âge ne sont pas les mêmes.

l** = «2 commun au grec et à l'italique (§ 7).

2^ de TTÔCTiç — potis commun au grec et à l'italique. Nous adopterons pour ce phonème la désignation g.

3^ sorti d'à à une époque postérieure (dans le grec et l'italique séparément).

4" 11 existe des anaptyctiques développés sur les liquides Bonantes et sur d'autres phonèmes analogues, v. chap. VI. Une partie d'entre eux, comme dans vorare, gr. ^op, apparaissent dans les deux langues, d'autres dans l'une des deux seulement. Il est essentiel de ne jamais perdre de vue l'existence de ces voyelles qui expliquent une foule d'anomalies apparentes, mais aussi de ne point les confondre avec les véritables.

Nous pourrions passer immédiatement au catalogue des g gréco- italiques, qui du reste tiendrait facilement en deux ou trois lignes. Mais auparavant il convient de s'orienter, de débrouiller, autant que nous le pourrons, Técheveau des perturbations secondaires où

�� � OBSCURCISSEMENT d'o EN' U. 93

Vo s'est trouvé mêlé et de rechercher les rapports possibles de cette voyelle avec a.

Obscurcissement de la voyelle o en m.

Après avoir traité de la substitution de u à o propre au dia- lecte éolique, Ahrens ajoute (184): in plurimis [exemplis, o] in- tegrum manet, ut ubicunque ex e natum est, bô|Lioç, Xôtoç (nam ôtYupiç ab ttYep, Sûavov a Eém, cf. HOuj, diversam rationem habent) etc. La désignation o ex e naium répondrait assez bien à ce (^ue nous appelons Og, et il serait curieux que l'éolique fît une diffé- rence entre o^ et o. Mais en y regardant de plus près, l'espoir de trouver là un précieux critère est déçu: sans parler de Hùavov où il est invraisembable de voir un mot dififérent de Eôavov, Vo{=02) des suffixes subit la transformation p. ex. dans tùte, dans dWu {arcad.), dans xéKTUveç, dans l'homérique èîTaffCTÙTepoi. Dès qu'on considère que l'u en question suppose un ancien w, on reconnaît avec M. Curtius (Grdz. 704) que l'obscurcissement éolique de Vo a exactement le même caractère que dans l'italique, dont ce dialecte grec partage d'ailleurs les principales allures phonétiques. Ainsi que l'éolique, le latin maintient le plus souvent 0.2, quand cette voyelle se trouve dans la syllabe radicale: toga, domus etc., et néanmoins on ne pourrait poser de règle absolue.^

Au contraire l'u panhellène, dans des mots comme Xùkoç ou Trù\r|, est, si nous ne nous trompons, une apparition d'un ordre différent. Tout d'abord les groupes up, uX, ne semblent pas être jamais sortis de groupes plus anciens op, oX, à voyelle pleine : ils sont assimilables de tout point aux affaiblissements indiens wr, ul; nous n'avons donc pas à les envisager ici. Dans les autres cas, l'u (m) vient d'une consonne d'organe labial qui a déteint sur une voyelle m-ationnelle ou bien sur une liquide nasale ou sonanfe. Ainsi dans àvujvu)Hoç, il n'y a pas eu transformation de l'o d'ôvo)iia en w: le phénomène re- monte à une époque où, à la place de cet 0, n'existait qu'un pho- nème indéterminé. C'est ce dernier que |i put colorer en u. De même ^vvr\ est pour yfnvr\, non pour ■xfavx]. En comparant lidcTTaH et laaTÙar Tvdôoi (cf. )ad&uiai) au got. munpa-, au lat. men- tum, nous expliquerons le dor. ^ûcTTaH par la forme ancienne

��1. Comme dans le latin -tûnis = *-tôrus, uj peut devenir û. Hésychius donne les formes ^djôuveç = ^ûidiuveç et ôûpaE = ôiûpaS, sans en indiquer, il est vrai, la provenance.

�� � 94 a GREC CHANGÉ EN 0.

\xn(5Taï. Par une sorte d'épenthèse, les gutturales vélaires font par- fois sentir leurs effets sur la syllabe qui les précède^: de là Xùkoç pour */X?<KOç, •'=/7k«^oç = skr. vrka, got. vulfs. Dans ôv-u-H (lat. unguis), v est également une excrétion de la gutturale.

Il faut convenir cependant que dans quelques cas c'est bien une voyelle pleine qui a été changée de la sorte, mais toujours sous l'influence des consonnes avoisinantes: kuXiE, lat. calix, skr. kalàça; vùS, lat. nox, skr. ndkti; kûkXoç, germ. hvehvla-, skr. éakrâ. Ce dernier exemple est remarquable: le germanique, comme aussi la palatale du sanskrit, nous montre à n'en pas douter que son u s'est développé sur un e primitif. Ainsi, et pour plusieurs raisons, nous n'avons pas le droit de traiter l'u grec en question comme étant dans tous les cas^ l'équivalent d'un o. Cela du reste n'a. pas grande conséquence pratique, vu que vûH (qui est certainement pour *vôH) est presque le seul exemple qui entre en considération dans la question du phonème o.

En latin la voyelle obscurcie en u pourra généralement passer pour 0. Quelquefois l'altération est allée jusqu'à Vi comme dans cinis = KÔviç, similis = ôjLiaXôç; dans ce cas il n'y a plus de preuve de l'existence de Vo, car i peut, en lui-même, représenter aussi un e.

Echange des voyelles a et o. 1. Avant tout il faut écarter la permutation a:ô qu'on observe particulièrement en grec et qui est un phénomène d^ablaut régulier étudié au chapitre V : ainsi Pa-Tr|p : Puj-)liôç.

1. Nous avons admis une épenthèse semblable dans XauKaviri et Xauxdvrj (p. 17 et i25 i. n.), chez qui ïu n'était pas comme ici un son parasite. On a peine à se défendre de l'idée que bdqpvr] et sa forme thessalienne baûxva remontent tous deux à *bax/vâ (cf. bauxiuôv eÛKauoTov HûXov bd(pvr]ç), et l'on retrouve des doublets analogues dans jïÛYXOç et /)d)acpoç, dans aùxiîv, dial. (i|aq)nv, éol. aOqpriv {Grdz. 580). — Est-ce que dans atïUTTiôç, aÏYXri> oIkXov, l'i serait dû à la gutturale palatale qui suit? Je tenais la chose pour probable en écrivant la note !2 de la page 8; mais je reconnais que c'était là une conjecture sans fondement.

2. Assez fréquent, mais peu étudié, est l'échange d'à et d'u, comme dans Yvddoç : Y'^uôôç, judxXoç : ijukXôç [Stud. III 322); c'est en présence de ce fait qu'on se demande s'il est vrai que l'u ait ni plus ni moins la valeur d'omicron. . De ces exemples il faut sans doute retrancher pu&ôç qui peut élever pour le moins autant de prétentions que Keûdui à la parenté du skr. giViati (pour le labialisme devant u cf. Ttpéapuç); puoooboiLieûuj rappelle vivement le skr. githya. Sur le z du zend gaoz v. Hûbschmann, K. Z. XXIII 393. k^kchtoi (lies.) parle dans le même sens.

�� � a GREC CHANGÉ EN 0. 95

2. a changé en o. Le phénomène, comme on sait, est fréquent dans les dialectes grecs. Il a lieu en lesbien dans le voisinage des liquides et des nasales: ôviu, 5ô|LXopTiç, aipÔTOç, ôpocréouç etc. (Ahrens I 76), Le dorique a entre autres YPÔcpu), Ko&apôç (Héraclée), dpXoTréç (Crète). Hésychius donne KÔpZia ' Kapbia. ndq)ioi, aiporrà* darpaTTiV TTdq)ioi.^ Ionien éuuuTÔv, douûjua pour ôâû|ua. Ces trans- formations dialectales qui du reste s'attaquent souvent aux a anaptyctiques ne nous intéressent qu'indirectement, en nous faisant assister au fait manifeste d'un a devenant o sur sol grec.^

En dehors des dialectes, c'est particulièrement devant u, JF^ (ju'on remarque une oscillation entre a et o^: kXoiôç «lien, carcans- parent de K\â(/')iç, 7T0ÛÇ et 7Td(/")iç, oupoç et aupa, oùtduj et TaxdXri, a(/')ieTÔç et ô(/')iujvôç(?). Nous avons peine à croire à la parenté de oicTipoç avec aïôuu (Ascoli, K. Z. XII 435 seq.).

Souvent l'échange d'à et d'o n'est qu'apparent, pour choisir un exemple où il est impossible d'hésiter, dans bpa|ueîv : 6pô)noç. La racine est évidemment bpe)Li: les mots qui ont pu la contenir sous cette forme ont péri, &pa)uieîv doit son a à la liquide sonante, bpô)Lioç a pris régulièrement a^, et il semble à présent que bpO)Li permute avec 5pa|ii. Dans le cas de parrîç : pÔTraXov, le verbe (/")péTTiJU nous a conservé l'e. On expliquera semblablement xa^aî : X^^v, irapôévoç : TTTÔpôoç, (JKttXrivôç : aKoXiôç dont Te radical apparaît danS" le lat. scelns (cf. skr. chala «fraude»), et aussi, je pense, ïajuqpri : YÔjaqpoç.'^

Pour se rendre un compte exact du rapport de Kpôvoç à. Kpaîvtu, de Kpouvôç à Kpdva, *Kpdvva, de ckoiôç, aKÔtoç à o'Kavd, de TTTÔa, TTTOÎa à Tirâ (KaTaiririTriv), il faudrait être mieux fixé sur leur formation et leur étymologie. Il n'y a pas de raison majeure pour mettre Nôtoç, votiZ;uj en relation avec vâpôç, vdaoç, de S7ia :

��1. En outre OTpo(pai' ôarpanaî; OTopirdv xrjv àaTpairriv. Le pa du mot àaTpairri vient probablement de r (cf. véd. srku?); OTepour) est obscur.

'■2. Dans une quantité de mots dont la provenance est inconnue l'o doit être mis également sur le compte du dialecte, ainsi ànoqpeîv àiraTfîaai, Kp6|apoç" ô KOTTupôç, ppôxaxoç = pdTpaxoç, TTÔXuvxpa" âXcpixa, kôXuPoç = KoXûprir TTÔpbaXiç etc.

3, On trouvera sous les numéros suivants d'autres exemples de ce fait,

4. Le même échange pourra s'interpréter de différentes manières dans les^ cas suivants: àoXXriç et /oiXiç, kôxXoç et KÔxXrjE, KÔvaPoç et KavdZKu, Kpoxûjvn, «nœud du bois» parent de KctpraXoç et du lat. cartilago (p. 55), laoaxoç «jeune pousse» et fiaaxoiXri «aisselle, jeune pousse», nciropaoïuévoç • q)avepôç Hes. rap- porté par l'éditeur, M. Mor. Schmidt, ;i TteTrapeîv (v. p. 57), axpofTÛXoç et OTpOTTÔç.

�� � 96 a ITALIl^UE CHANGÉ EN 0.

le skr. nirà «eau» permet de les rattacher à une autre racine. Nous avons vu p. 73 que dpôvoç pour *dopvoç appartient à la rac. dep, non à ôpâ (dpdvoç).

Corarae voyelles prophétiques l'a et l'o alternent fréquemment, ainsi dans àcTTaqpiç: ôffTaqpîç, à|LiîHai : ô|Liixeîv, àbaxéuu: ôbàEuj. Il ne s'agit point ici d'un changement d'à en o: seulement dans le pre- mier cas c'est a, dans le second c'est o qui s'est développé sur la consonne initiale.

Il est plus que probable que l'a des désinences du moyen -aai, -xai, -vrai et l'o des désinences -do, -to, -vto, sont à l'origine une seule et même voyelle, La forme -toi du dialecte de Tégée nous en est garante jusqu'à un certain point, car l'arcadien ne paraît point avoir de disposition particulière à changer a en o, à moins qu'on n'en voie la preuve dans Kaiû pour Kard. Les exemples qu'on donne sont èqpdopKUJç, beKÔtav, eKOTOiupoia (Schrader, Stud. X 275). M. Schrader estime que l'o de èqp^opKUJç n'est autre que, la voyelle du parfait, qui s'est conservée quelquefois dans la formation en -Ka. Quant à l'apparition d'un o dans les noms de nombre cités, c'est là également un fait qui peut être indépendant des idiotismes locaux: tous les Grecs hésitent ici entre a et o (béKa, €i'ko(Ji, éKaiôv, 5iaKÔ0"ioi) bien que les groupes Ka ko contenus dans ces formes remontent indistinctement à l'élément km.

Le passage a : o étant admis pour les syllabes finales, on pourra regarder le lesb. ÙTrd comme la forme ancienne de uttô. Cf. ÛTrai.

Le latin présente, dans la diphtongue, roudus, autre forme de raudus conservée chez Festus, lucrum de la rac. lau, puis focus à côté^ de fax, et quelques autres cas moins sûrs (v. Corssen IP 27). L'ombr. hosfatu, selon M. Bréal {Mém. Soc. Ling. III 272), est le parent non de hasta, mais de hostis; seulement cette étymologie dé- pend de l'interprétation de nerf. Dans sordes en regard de suâsum (Curtius, Stud. Y 24^ seq.) la cause de l'o est dans le v disparu^; adolesco (cf. alo), cohors (cf. hara), incolumis (cf. calamitas) doivent vraisemblablement le leur à l'affaibUssement régulier en composition. — A la fin du mot l'osque offre dans ses féminins en -o pour -â, -â, un exemple bien clair de cette modification.

��1. On ne voit pas bien quelle voyelle est originaire dans le cas de /Vif tasa: fovea (comparé au gr. xeif] qui lui-même n'est pas d'une formation transparente) et de vacuus : vocivtis. Quattuor et canis (v. p. 50 et 99) montrent que vo {ifio) peut devenir va.

�� � Y A-T.-IL UN ablaut a •.o'i 97

3. Une question digne en tous cas d'attention est celle-ci: l'ablaut a^ : ag ou e : o (étudié au § 7) se reproduit-il dans la sphère de A? Doit-on croire par exemple que l'eocisfence du grec ôyinoç en regard de dYUJ est due à un phénomène de même nature que celle de q)XoT|aôç e7i regard de (pKtfvJ?

Le gréco-italique seul peut donner la réponse. En effet ce n'est pas des langues du nord qui ont confondu a avec a^ qu'on pourrait attendre la conservation de ce substitut de a dont nous parlons, et les langues ariennes nous renseignent encore bien moins. Or dans le gréco-italique même les données sont d'une pauvreté qui contraste avec l'importance qu'il y aurait à être fixé sur ce point. Ici se présentent en première ligne les parfaits KéKOva de Kaiviu et \é\0YX« de XaYxâvuu avec les substantifs kovy\ et Xôyxh (Hes.). Ces formes ne décident rien, parce que la racine contient une nasale. C'est ce que fait toucher au doigt un troisième exemple: PoXn en regard de pdXXuu. La racine de pdXXuj est peX: cela est prouvé par péXoç, péXejuvov, peXôvr), PeXrôç, eKarri-peXérriç. Ainsi l'a de pdXXtu est dû à une liquide sonante et n'a nullement qualité de voyelle radicale. Or qui nous dit que les racines de KéKOva, XéXoYXa, ne sont pas Kev et Xcyx? Si d'aventure les deux ou trois formes où survit la racine peX ne nous étaient pas parvenues, le mot PoXri semblerait venir d'une racine PaX, et cependant nous savons qu'il n'en est rien^. C'est le même échange apparent que celui que nous savons rencontré plus haut, seulement celui-ci joue l'ablaut avec un certain semblant de vérité. Il se trouve encore dans les couples crirapYduu: anopfai (Hes.), dcTxaXdiu : (TxoXri, iTTaipuj : iTTÔpiiioç et TTTÔpoç (ces mots du reste sont éoliques), dpxoi : ôpxa|Lioç, pdTTTUU : poincpeuç.

Mais voici des cas plus graves, parce que dans la racine dont on les fait venir la présence réelle de a n'est pas douteuse: ôy|lioç «sillon, rangée» qu'on rattache à d'YUJ; KÔirpoç «fumier», mais aussi «boue», qui serait parent de Kairùuj {Grdz. 141); (Joq)ôç en regard de aaq)riç; ôZioç Aprioç, doZoç, qui rappellent dZ;o|Liar, ôXpoç, rac.

L -

1. Le iréiTooxa de Syracuse (Curtius l. c.) ne prouve pas davantage V ablaut en question: 1" parce que cette formation est toute secondaire, 2" parce que Vo peut n'être qu'une variante dialectale de l'a. — Un présent Koivuj pour Knyxu venant de kcv est une forme claire; quant à XaYXCtvuu, sa première nasale n'est point, comme l'est celle de XéXoYxa» la nasale radicale de X€yx: de Xcyx on forme régulièrement *Xmxvuj lequel devient d'abord *Xaxvuj, puis par épenthèse

  • XaYXvu^, XaYxôvuj. V. le mot au registre.

de Saussure, Oeuvres. 7

�� � 98 CHANGÉ EN a.

àX(p(?); TTOôri, TTÔdoç «deuil, regret, désir» liés peut-être à Tradeîv (v. p. 58; pour le sens cf. Trévôoç); vôa* Trr|tT|. AdKuuveç (Hes.) en regard de vaûuj; ôx^éuj «s'indigner, s'emporter» rapproché parfois de dx^O)aai; dpoupa si on le ramène à àpop-/a. Puis le lat. doceo placé en regard de bibaSai (v. p. 101), et le gréco-ital. onkos (ôykoç, uncus) de la rac. nnlc (aYKUJV, ancus).

Voilà les pièces du procès, et les seules données en réalité qui nous restent pour élucider cette question capitale: y a-t-il un àblaut de A semblable à Yahlaut a^'.a^'? — \}n examen quelque peu attentif des cas énumérés convaincra, je crois, chacun que ces éléments sont insuffisants pour faire admettre un tel ablaut, lequel s'accorderait mal avec les faits exposés au § 11. Il y a principalement trois choses à considérer: 1^ la plupart des étymologies en question sont sujettes à caution; 2^ \'o peut n'être qu'une altération toute mécanique de l'a; 3" il n'est pas inconcevable que sur le modèle de l'ancien ablaut e:o, le grec, postérieurement, ait admis parfois l'o lors même que la voyelle radicale était a.

4. (= o) changé en a. C'est là une altération peu commune en grec, même dans les dialectes. On connaît la glose à|Lié(Tuj * ibiuoTrXdTai, singulière variante du thème gréco-italique omso-. Pour TTapaûa en regard de ouç v. page 107. Les Cretois disent dvap pour ôvap, Hérodote dppujbeîv pour ôppuubeîv. On trouve chez Hésychius : dq)e\|na * tô KdXXuvtpov (= ôqpeX|Lia), KaTKuXaç * KriKÎbaç. AîoXeîç = KOYXÛXm * KTiKÎbeç. Cf. Ahrens II 119 seq.

Un exemple beaucoup plus important, en tant qu'appartenant à tous les dialectes, serait le mot amôXoç, si l'on approuve M. G. Meyer qui identifie la syllabe aï avec le thème ô/i, lat. ovi (Stud. VIII 120 seq.)^ Cette conjecture, qui a des côtés séduisants, laisse cependant prise à bien des doutes.

Le même mot ovis est accompagné en latin de avilla, conservé chez Festus. M. Frôhde croit que cette forme se rattache à agmis : mais après les travaux de M. Ascoli, la réduction de gv à v en latin, à l'intérieur du nrot, est à peine admissible. Du reste le Prodromus C. Gl. Lat. de M. Lôwe a révélé un mot aububulats (ovium pastor) — ou aubtdcus suivant la correction de M. Bâhrens,

��1. M. Meyer propose une étymologie semblable pour aÎTUTriôç (cf. p. 82). Auparavant déjà, Pictet avait expliqué l'un et l'autre mot par avi «mouton». Origines Indo-européennes V 460 seq.

�� � «2 CHANGÉ EN rt. 99

Jen. Literaturz. 1877, p. 156 — qui décidément atteste l'a. Cela ne corrobore point l'opinion de M. G. Meyer relativement à aÎTTÔXoç, car Vo latin devant v a une tendance marquée vers l'a, spéciale à cette langue. En dehors du groupe ov, on peut dire que a sorti de est en latin chose moins insolite qu'en grec, et cependant extrêmement rare. L'exemple le plus sûr est ignârus, narrare (en regard de nosco, ignorare, gr. fvuj) où l'o transformé est une voyelle longue. Batumena porta, suivant M. Curtius, est parent de rota. Pour ce qui concerne Cardea, rapproché de cor (Curtius, Grdz. 143), il faut se souvenir que l'o de ce dernier mot est anaptyctique. Le cas de l'ombr. kumaltu (lat. molo) n'est pas très différent. C'est une question difficile que de savoir si dans datus, catus, nates, en regard de donum, cas, vujtov, l'a est ancien ou sorti secondairement de 0. Mais ce point-là trouvera au chapitre V une place plus ap- propriée.

5. Si, dans le grec, il n'y a pas de raison positive de croire que le phonème o^ soit jamais devenu a par transformation secon- daire^, il est presque indubitable en revanche que certains a ita- liques remontent à cette origine^. L'a de canis en particulier ne peut représenter que a^; dire en effet que l'o de kuujv est un g n'aurait aucune vraisemblance; ce phonème parait être étranger aux suffixes. On peut citer ensuite l'osque tanginom, parent du lat. tongeo. A ce dernier répond le verbe faible got. pagkjan. Si nous avions en même temps un verbe fort *pigkan^ , tous les doutes seraient levés: l'a de pagkjan serait nécessairement a^, l'o de tongeo serait donc aussi Og, et il serait prouvé que l'a de tanginom sort d'un qui était a^. Ce verbe «pigkan» n'existe pas, mais le un du verbe parent pugkjan permet d'affirmer avec une certitude à peine moindre que la racine est bien teng. Peut-être l'a de caveo est-il également pour o = a2; la question, vu ëKOjLiev, est difficile.. Dans Parca même phénomène, si l'on ramène ce mot à la racine de pledo et du gr. rrôpKOç (nasse). On compare palleo au gr. iroXiôç: or l'o de ce dernier mot est Og, vu ueXiôç. Cf. pullus. — Dans ces exemples, l'a, nous le répétons, n'est pas la continuation directe de ag, mais une altération hystérogène de Vo.

��1. M. Mor. Schmidt met un point de doute à la glose d'Hésychius éaaqpôpoç" éujo<pôpoç, qui serait sans cela un exemple très remarquable.

2. On devait s'y attendre, car depuis bien longtemps sans doute le son des deux o s'était confondu.

��7*

�� � 100

��ITALIQUE a, GREC O 0, ET AUTRES COMBINAISONS.

��Jusqu'ici il a été question des voyelles o et a alternant dans une même langue. Il reste à voir comment elles se correspondent, lorsqu'on compare le grec et l'italique. Pour cela il est bon de se prémunir plus encore qu'ailleurs contre les pièges déjà plusieurs fois mentionnés que tendent certains phénomènes liés aux liquides et, dans une mesure moindre, aux nasales. Nous avons éliminé complètement ce qui tient aux liquides sonantes du § 1 — ainsi Kapbia: cor, skr. hfd — ; mais il y a une seconde série d'exemples — ainsi ôpôôç: arduus, skr. ûrdhvâ (v. chap. VI) — que nous n'avons pas osé passer de même sous silence et que nous nous sommes borné à mettre entre crochets. Ces exemples doivent être comptés pour nuls, et ce qui reste est si peu de chose, que la non-concordance des deux langues sœurs dans la voyelle o prend indubitablement le caractère d'un fait anormal. — Pour les recueils d'exemples ci-dessous, la grammaire de M. Léo Meyer offrait les matériaux les plus importants.

6. Coexistence rf'o et d'à. dans une des deux langues ou dans les deux langues à la fois. Lorsqu'une des deux formes est de beaucoup la plus commune comme dans le cas de avis : avilla (p. 98), nous ne mettons pas l'exemple dans cette liste.

��}

��ôppiov KÔX-aPpoç KaOaE ^ KÔPâXoç (jàoç ' » (Tôuj, crôoçl

[ipaTTriH )

[TpÔTTlÇ /

[qxiXKnç I [cpoXKÔç /

��\ aper (?)^

��\ longui

��cavilla.

��sanus.

��irahs.^ faix. C]

��XaYTaZuj

\ monile. inavvoç I

^r" ! o^«(?),

aqpevoç | ^^ ^ ^

��C.

��7Td(J^)iç \ papâver

7To(/')îa ' pômum, pover (inscr.)

/ cous cavité daiis le joug

KOOl {

{ cavus.

��1. Curtius, Sfud. la. 260, Grdz. 373. — 2. KaûaH' -iravoOpYoç (Suidas). — 3. La racine, bien que le béot. ZauKpdreioç ne décide rien, paraît être sait. Le latin montrerait o dans sôspes, si la parenté du mot avec notre racine était mieux assurée, mais il a toutes les apparences d'un composé contenant la par- ticule se-, cf. seispes; par un hasard singulier il existe un mot védique vispitâ «danger». — Sur anJc- onk- et autres cas v. p. 107.

�� � O GREC ET ITALIQUE. 101

7. a grec et o italique.

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale. (?)baK, bi-bd(JKUj, è-bî-baK-aa, bi-bax-n doc, doc-eo, doc-tus.^

XttK, ë-XttK-ov, XdcTKiJU, Xé-XâK-a loqu, loqu-or, locutm.

(àTiaqpôç (ënoMi) upupa.f | bâpôç durus{?)^

1. II n'y a pas d'autre raison de ramener bibdOKiu, bibcîHai, à une rac. boK que l'existence du lat. doceo. Autrement on les rapporterait sans un instant d'hésitation à la racine qui se trouve dans bé-ba((T)-e, ba((ï)-ri|LHJUv. Mais rien n'empêche, dira-t-on, de réunir tout de même baa et doc, comme ayant tous deux pour base la racine dâ «savoir». A cela il faut répondre que baa n'est une racine qu'en apparence: c'est beva qui est la forme pleine, ainsi que l'in- diquent l'indien dams et le gr. bnvoç pour *bévaoç (= skr. dâmsas). bëb(a)a€ (aoriste), beba(aJ')iijç, ébâ(o)riv, ont, régulièrement, la nasale sonante (pages 21 où bébae a été oublié, 22 et 44); dans bibdaKU), si on le joint à cette racine, elle n'est pas moins régulière (v. p. 23). Il faut répondre en second lieu que la racine da qu'on a cru trouver dans le zend n'a, suivant M. le prof. Hûbsch- mann, aucun fondement réel. Cette question difficile se complique du latin disco, du sanskrit dtks et du zend dayt^sh. — 2. ëwovji sera né par étymologie populaire : ëtron» éuÔTTTriç tûjv oùtoO KaKiûv, dit Eschyle. Ainsi s'explique son €. D'autre part M. Curtius, partant du thème epop, explique le premier o («) de upupa par assimilation. C'est pourquoi l'exemple est placé entre crochets. — 3. bâpôç (diuturnus) est pour *baj'pô<; = skr. dû-rd «éloigné». La glose baôv TToXuxpôviov Hes. (bdov?) est bien probablement un comparatif neutre sorti de

  • bdFyov, skr. dàvlyas. br[v et bodv sont autre chose. Si dûrus est égal au

grec bâpôç, il est pour *dourus, mais ce dernier rapprochement est boiteux: on peut dire seulement que durare {edurare, perduraré) signifie parfois durer — cf. bâpôç — et qu'il rappelle dura dans des expressions comme durant colles «les collines s'étendent> Tacite, Germ. .30.

b. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale. On ne pourrait, je crois, démontrer pour aucun exemple de cette sorte que la voyelle variable {ao) a été de tout temps une voyelle pleine: tous ces mots au contraire paraissent liés aux phénomènes spéciaux auxquels nous faisions allusion ci-dessus. Ce sont principalement PdXXuu: volare; bdXXiu, bâXéo|Liai: doleo; ba\xâlM: domare; bapddvo): dormio; TaX: tollo; 9apôuj: forare. Puis KdXa)aoç: culmus; Kpdvoç «cornouiller» (aussi Kupvoç) et cornus; Tappéuu: torvus{?); irapd: por- (p. 105). M. Fick rapproche fûaXov de vola. TTpKvrjç et Trpâvdç (Hes.) diffèrent peut-être du latin pronus, et, dans l'hypothèse contraire, les contractions qui ont pu avoir lieu, si par exemple le thème est le même que dans le skr. pravand, auront troublé le véritable rapport des voyelles.

c. Les phonèmes sont placés à la fin de la racine. Dans cette position on ne trouve pas d'o latin opposé à un a grec.

�� � 102

��o GREC ET a ITALIQUE.

��8. grec et a., italique.

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale.

��ôpoXoç agolum. F.(?).

dicTTOç arista. F. (?).

ô\oq)\jpo)iai lâmentumC?).^

ôHùç acd-piter (?). *

ôvoç asinus(?).

��Kd(T|iioç castns (§11 fin).

KÙXiH calix.

ILioxXdç malus.

ToHov taxus{?).^

TpuJTXri trâgula{?).J. Schmidt.

��1. Cf. p. 57. — 2. Si l'on peut douter de l'identité d'acci- avec ôHu-, il serait en revanche bien plus incertain de le comparer directement à ibtcu-, qui est déjà tout attelé avec ôcior. aqui- dans aquifolius ne s'éloigne pas trop d'ôEûç. — 3. Pictet comparait ces deux mots à cause du grand emploi du bois d'if pour la fabrication des arcs (Origines V 229). Mais tôEov peut se ramener, et avec plus de vraisemblance, soit à la racine t€k soit à la racine reS; son o est alors «,.

��Devant v:

� � � � �Ko(./^éuj caveo. C.

� �ÔTbooç

�octâvusC?).

�KÔ(./')oi cavus. C. cf. p.

�100.

�TTTOéUJ

�paveo (?).

�Xoûuj lavo.

� �xXoTi

�flâvus(9).

�v6(/)oç

�navare.

� �i|iu)ïz:oç

�paedor de *pav-id. F

�d-YVo(/")ia

�gnâvus.

� � � �Dans la diphtongue:

� � � �oîb|ia aemidus.

� �ouara

�auris

�OlKTpÔÇ t

�leger.

� �où, oûbé

�k-au-d(?).

��b. La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.

��ôXodç salvus. C.

[ôp&dç arduus.^

[iropeîv parentes.]

puubioç ardea.

[xoXàç haru-spex.]

qpopî far, g. farris (?).

1. Canicae furfures de farre a cibo canum vocatae. Paul. Ep. 46 M. mot est parent de kôviç, il l'est aussi de cinis (p. 94).

��k6XXoi|; callus.

[KoXoKÔtvoç cracentes.]

Koviç canicae (y)}

KpoKÔXri calculus.

XoYXn lancea.

��Si le

��c. Les phonèmes sont placés à la fin de la racine. Ici se range- raient datus, dare (cf. dônum) en regard du gr. buj bo, catiis (cf. côs) en regard de kuùvoç, nates en regard de vûjtov. Sur ces mots v. plus haut p. 105. Le cas de siravi, stratus, auxquels le grec oppose (TTpiu rentre dans la classe arduus: ôp&dç (p. 99).

�� � GREC ET ITALIQUE.

��103

��Voici maintenant la correspondance régulière qui exige Vo dans les deux langues. Ce tableau, nous le répétons, n'est pas exclusive- ment un catalogue des g gréco-italiques; il doit servir surtout à s'orienter, à évaluer approximativement l'extension de Vo autre que Og en gréco-italique; aussi y a-t-il encore beaucoup à trier, en de- hors des exemples désignés comme suspects. Par le signe f, nous posons la question de savoir si Vo n'est pas 02-

a. La racine ne contient ni liquide ni nasale non initiale. od: olw, ôbiub-a ol-eo, od-or.

��olcc

��Ô7TUJTr-a, ôacje, ÔK-T-aX\oç

��(?)bhodh^: pôô-poç, pdd-uvoç ÔKpiç ocris, ombr. okar.

��fÔKTub

�octo.

�ôEîva

�occa.

�ôffxéov

�os, osseus.

�à(r)x<;

�ovis.

�ÔTri(-Ôev)

�0&(?).« 

�tÔTTdç

�SÛCUS.

��oc-ulus

�.

�fod-io,

�fossa.

�KÔKKUH

�coxa.

�KOKKUH

�cuculus.

�KUKeubv

�cocetum.

�HÔKpUUV

�mucro.^

�vuH

�nox.

�TToaiç, TrÔTVia potis, potiri etc.

�TTpd

�prô-.

�ôîràuuv

�sodus}

��1. V. Curtius, Grdz. 467. — 2. Pour le sens, oh va bien avec éiti, mais comment accorder leurs voyelles? Si ôiri- est vraiment une particule et non simplement un rejeton de la rac. éir «suivre», on peut à peine douter de son identité avec oh. Le p est conservé dans op-âcus; -âcus est parent de aquilus, gr. àxXûç etc. — 3. nÔKpujva- tôv ÔEûv. 'Epudpaîoi. Hes. V. Fick II» 198. — 4. socius et ôirduuv se placent à côté de l'indien sâkhi (v. Fick IP 259). L'a bref du mot indien montre que l'o n'est pas o^, que par conséquent il faut sé- parer ces mots de sek^ «suivre». On pourra les comparer à ôiriç «secours, justice, vengeance des dieux» et à àocoriTrip, ôaarjTi'ip (Hes.) «défenseur». Ceci rappelle le skr. çak (çagdhl, çaktâm etc.) «aider» que Bôhtlingk-Roth séparent de çaknôti «pouvoir». Ç serait pour s, comme dans çâkrt; et peut-être le zd. hax'na «ami» est-il identique au skr. çagmâ (= *çakmâ) «secourable». Il y aurait identité entre çâcî «secours divin» et ôniç. L'italique reflète, semble-t-il, la même racine dans sancio, sanctus, Sancus, Sanqualis porta, sacer (cf. çakrâ).

Il y a encore bos: poûç et bovare: poàoi où la valeur de l'o latin est annulée par le v qui suit (pour ovis le cas est un peu différent); irôaôn qu'on a identifié à pubes; TTÔ)LiaTOç qu'on a com- paré à l'osque posmos ainsi que ttuvôç " ô TrpujKTdç en regard de pône. En outre il faut mentionner l'opinion qui réunit fôveo à qpujTUj (Corssen II* 1004), bien qu'elle suppose la réduction de gv à v^.

��1. Le skr. dâhati «brûler» vient d'une rac. dha^gh^ (Hûbschmann, K. Z.

�� � 104

��GREC ET ITALIQUE.

��Dans la diphtongue:

foivri KXd(/')viç

��oxnvorsei. clûnis.

��[ol:

[or:

[giOr:

[mor:

[mol:

��La racine contient une liquide ou une nasale non initiale.

ôXujX-a, ôX-écTôai abol-eo.^

ôpujp-a, ôp-ao or-ior, or-tus.^

ë-Ppui-v [pdp-)Lioç, Pop-d] vor-are, -vor-us, vorri edaces.]^

��jnop-TOç, Ppo-t6ç )ihjX-Xuj, |nùX-r| [stor: axdp-vuiLii, (TTpuù-na

tÔYK(ïO)Liai tmcare (si

ôfKOÇ «croc» MWCMS, V. p. 98, 107 iî)|Lioç (*Ô|lI(Toç) umerus.

��mor-ior, mor-fuus, morsJ]

mol-o, mol-a. cf. ombr. ku ni al tu.]

stor-ea, tor-us^ (sterno).^

jqncq).

��ôiLicpaXôç 6vo)Lia

ÔVOTOÇ

ôvuH tôpq)avdç poXpoç TpO|ii(pdç bôvaS (/')pôbov

fKÔTXn KÔ|iri Kopujvôç

��umhilicus.

nomen.

nota.

unguis.

orbus (armén. orh).

bulbus (emprunté?),

scrôfa.

juncus.

(v)rosa.

congius.

coma (emprunté ?).

corofia.

��KopaS et Kopûjvn

MÔXiç

^ôp^oç

)iOp|LlLipiU

ôXoç

ttoXtoç

Euv

tîTÔpKOÇ

[îTÔpauj atpÔTToç [(pûXXov [xôpiov

��corvus et

cornix.

imolestus.

[môles.

formido.

murmur.

formica.

sollus.

puis.

com-.

perçus.

porro.^^

fungus.

folium.^

corium.^

��1. Popd et pôpjioç («avoine», Hes.) ont ici peu ou point de valeur, parce que leurs thèmes sont de ceux qui réclament o^ (p. 70 et 78 seq.). En principe il y aurait les mêmes précautions à prendre vis-à-vis des mots latins; mais Oj n'est pas si fréquent dans l'italique qu'on ne puisse regarder Va de vorare comme

��XXIII 391) qui donne aussi le lit. degù et le got. dags «jour». C'est peut- être à cette racine qu'appartient foveo. On devrait alors le ramener à *fohveo ou *fehveo\ cf. nivem = *nihvem. Mais le sens de foveo laisse place à quel- ques doutes, qui seraient levés, il est vrai, par fômes «bois sec, matières in- flammables» si la parenté de ce mot avec le premier était assurée. Il est sin- gulier toutefois que defomitattis signifie ébranché (Paul. Diac. 75 M. Cf. germ. bauma- «arbre»?). La rac. dha^g\ se retrouve en grec dans T^qp-pa «cendre» et dans le mot tuf, tofus (souvent formé de iflatières volcaniques) dont le Toqpiibv des tables d'Héraclée rend l'origine grecque probable, tôçoç est iden- tique au got. dag(a)8, au skr. -dàgha.

�� � GREC KT ITALIQUE.

105

l'équivalent de Vo de Ppiûvai, PpOJiaa (sur rorri v. Corssen, Beiir. z. it. Spr. 237). Nous ferons la même remarque relativement à storea, torus en regard du OTop hellénique. — 2. M. Fick (11* 145) place porro et irôpouj sous un primitif porsôt (mieux: porsôd), et sépare irpôaauj (= •upoT//uj) de irôpoiu, irôppu). Bien que la distinction que veut établir Passow entre l'usage des deux formes ne paraisse pas se justifier, on peut dire en faveur de cette combinaison: 1° que la méta- tlièse d'un irpôaiu en uôpauj serait d'une espèce assez rare; 2" que dans -irôppui pour TTÔpauj il y aurait assimilation d'un a né de xy, ce qui n'est pas tout à fait dans l'ordre, bien qu'il s'agisse de a et non de aa, et qu'on puisse citer, même pour le dernier cas, certaines formes dialectales comme le lacon. xdppujv; 3" que porsôd lui-même s'explique fort bien comme amplification de l'adverbe skr. purâs, gr. udpoç irôpouj {porro): purds udpoç = KÔpori: ciras Kdpr\.

N'ont pas été mentionnés: poù\o|aai — volo dont la parenté est douteuse (v. chap. VI), et irpori auquel Corssen compare le lat. por- dans por-rigo, por-tendo etc. La position de la liquide décon- seille cette étymologie, malgré le crétois TToprî, et rien n'empêche de placer por- à côté du got. faur, grec, irapd.

Mots se rapportant aux tableaux a et b, mais qui contiennent un long:

fÙjKÙÇ

ocior. Ovum.

kqujZiu

1 crodo. \ crôcito.

[ibXévn

[pXuj|nôç

kXuûZ^uj

�MÎwa.] glômus.^ ^ glocio.

�liuJpoç mûpov liôpov

�morosus 1 môrum.

� � �tvôiï

�nos.

��1. pXuj^ôç" HJUJ|aôç Hes. Le niot se trouve dans un fragment de Galli- maque. glomus in sacris crustulum, cymbi figura, ex oleo coctum appellatur. Paul. Diac. 98 M. Si l'on tient compte de glomerare et de globus, on sera porté à comparer le sVv. gulma «bouquet de bois; troupe de soldats; tumeur». — Mentionnons aussi la désinence de l'impératif, lat. legi-tô, gr. Xcfé-TU).

��c. O termine la racine, ko: KÛJ-voç gnô: I-tvuj-v, tiTViû-C7kuu^

TVÛJ-pifioç do: ë-buj-Ka, boi-pov,

è-6ô-)Linv, bo-TÔç po: éol. TTUJ-vuj, àV-'TT^-Tiç,

7T0-TÔÇ, TTÔ-Ha

(?)r^: ^(i)-vvu)ni, ë-ppuj-aa

��cot)s, cù-neus (cf. càtus). gnO-sco, gnOtus, i-gnô-ro

(cf. gnâ-rus, nârrare). do-num, do-(t)s (cf. dà-ins, dà-re).

po-tus, po-culum, po-sca.

rohur.

Les exemples où l'on peut admettre avec le plus de confiance que Vo est un o sont: 106 AGE DU PHONÈME 0.

Dans le gréco-italique: les racines Qd «olere», Qh <étre aigu», ok^ «voir»; dô «donner», pô c boire», gnô «connaître». Dans ces racines en effet la voyelle o règne à toutes les formes. — Parmi les thèmes détachés: okri « colline > et Qk^i «œil» qui appartiennent aux racines mentionnées, puis çwi «mouton», à cause de l'a bref du skr. âvi; pQti «maître», skr. ^a^i; moni «joyau», skr. màni; sçk^i «compagnon», skr. sâkhi. D'après cette analogie, on devra ajouter: osti «os», kÏQuni «clunis»(?), kQni «poussière», 'woA;<i «nuit». Plus incertains sont omso «épaule», ohto, nom de nombre, ei g^ou «bos».

Le latin apporte les racines de fodio^ rôdo, onus^ opus etc., les thèmes hosti, rota (skr, râtha).

Entre autres exemples limités au grec, il faut citer les racines des verbes ôôo)iai, ôto)aai, KXujduu, qpuJYUi, kôtttuj, db&éuj, Z!ujvvu|lii, 6)ivu)Lii, ôvîvrilLii. Nous trouvons Q finissant la racine dans Pu) «nourrir», (p^u) «dépérir» (qp&ômç, q)ôôr|). Dans un grand nombre de cas il est difficile de déterminer si l'on n'a pas affaire à une ra- cine terminée par u (^) ou i {y). Ainsi ëK0|Liev, KéKOKe semblent bien appartenir à ko^^, non à *kuj; (Tkoiôç, comparé à (Tkô-to, contient o et appartient à une racine 0"ku) (cf. aussi p. llSg), mais ramené à CTKei (cf. aKipov) il contient o^ et peut alors s'identifier au skr. éhâyd. Inutile de multiplier ces exemples dou- teux. — Le mot Koînç' îepeùç Kapeipouv, ô KaôaîpuDV q)ovéa (oî bè KÔnç ; cf. KOiârai ' lepâiai) peut se comparer au skr. kàvî, à moins qu'on ne le tienne pour étranger. Prépositions: tipoTÎ = prâti, TTOTÎ = zend pâiti.

Quel est l'âge et l'origine du phonème o ? Nous nous sommes précédemment convaincus que le second o gréco-italique (a^), que e («i), que a (i), ont leur existence distincte depuis les périodes les plus reculées. Mais quelles données avons-nous sur l'histoire du phonème p? On peut dire qu'il n'en existe absolument aucune. Ce qui permet d'affirmer que V02 du sud a eu son équivalent dans le nord, c'est que l'a qui lui correspond en slavo-germanique a des fonctions spéciales et des rapports réguliers avec e qui le séparent nettement de a. Au contraire le rôle grammatical de Q ne diffère pas essentiellement de celui de a. et si, dans de telles conditions, nous trouvons que les langues du nord répondent à Q absolument comme elles font à i, nous sommes naturellement privés de tout

1. Voy. Curtius, Stud. VII 39-2 seq. Ce qui lève les doutes, c'est le parfait vévoTai que rapporte Hérodien, appartenant à volw dont le f est assuré par une inscription [Grdz. 178).

�� � AGE DU PHONÈME O. 107

moyen de contrôle relativement à l'ancienneté du phonème en question. Si l'on admet que g est ancien, l'a des langues du nord contient, non plus deux voyelles seulement («g + ^)i mais trois: <*2 "4" ^ "4" 9- Si au contraire on y voit un produit secondaire du gréco-italique, le seul phonème dont il puisse être issu, c'est a. — J'ai hésité bien longtemps, je l'avoue, entre les deux possibilités; de là vient qu'au commencement de ce mémoire (p. 6) o n'est pas compté au nombre des a primitifs. Le fait qui me semblait mi- liter en faveur de la seconde hypothèse, c'est que l'arménien, qui distingue de a le phonème «g» "® parait point en distinguer le phonème o (p. 91). Mais nous ne savons pas s'il en a été ainsi de tout temps, et d'autre part la supposition d'un scindement est tou- jours entourée de grosses difficultés. Ce qui paraît décisif, c'est le fait frappant que presque tous les thèmes nominaux détachés qui contiennent la voyelle o se trouvent être de très vieux mots, connus dans les langues les plus diverses, et de plus des thèmes en -i, voire même des thèmes en -i de flexion toute particulière. Cette coïncidence ne peut pas être due au hasard ; elle nous indique que le phonème q s'était fixé là de vieille date, et dès lors il sera diflScile de lui refuser ses lettres de noblesse indo-européene.

Les cas qui pourraient servir de base à l'hypothèse où o serait une simple altération gréco-italique de a, sont onko venant de ank, déjà mentionné p. 98, oi-no «un» à côté de ai-ko aequus, la rac. ok, d'où le thème okri, à côté de ak, socius — ôîràujv comparé à sak dans sacer, et le lat. scobs de scabo. On pourrait attacher une certaine importance au fait que okri et soki (socius), à côté de ak et sak, se trouvent être deux thèmes en -i (v. ci-dessus). Mais cela est trop problématique, et l'étymologie donnée de soki n'est qu'une conjecture. Pour irpôpaTOV de puu v. le registre.

Beaucoup plus remarquable est le cas de ouç «oreille». L'homérique îrapriïov nous apprend que, en dehors de toutes les questions de dialecte qu'on pourrait élever au sujet de l'éol. Trapaùa ou de davda* eîboç èvuuTiou, l'o de oOç a comme équivalent, d3,n8 certaines formes, un a. Ce qui donne à la chose un certain poids, c'est que ouç appartient à cette catégorie de thèmes de flexion singulière qui est le siège le plus habituel du phonème o et dont nous aurons à reparler. On aurait donc un ?, assuré comme tel, accompagné de a. Malheureusement le lat. auris est embarrassant: son au peut à la rigueur venir de ou, mais il pourrait aussi être la diphtongue primordiale.

�� � 108

��LE PHONEME Q DANS LES LANGUES DU NORD.

��Les exemples réunis ci-dessous permettent de constater d'un coup d'œil que les phonèmes par lesquels les langues du nord ren- dent Q sont exactement les mêmes que pour a (p. 59) et pour a^ (p. 67). Dans les trois cas nous trouvons ce que nous avons dé- signé, pour abréger, par a du nord (p. 48).

��Latin et

�Grec

�Lituanien

�Paléoslave

�Germanique

�oculus,

�ô(J(Te:

�akîs

�oko

�germ. augen- == *agven

�i'?)octo,

�ÔKTIÛ:

�asztûni

�osmî

�got. ahtau

�ovis,

�ôïç:

�avis

�ovica

�vieux h^-all. awi

�hostis,

�— :

�—

�gostï

�got. gasti-

�nox

�(vuH):

�naktls

�nostï

�got. naht-

�potis,

�TTÔaiç:

�vësz pati-

�- —

�got. -fadi-

�—

�TTpOTÎ:

�—

�proti

�—

�monile,

�ILiôwoç :

�—

�hnonisto^

�germ. manja-

�rota

�— :

�ratas

�—

�vieux h^-all. rad.

��Racines: gr. ôk, ôtt, lit. {at-)a-n-kû', gr. çujt, anglo-saxon hacan, hoc, lat. fod, si. hodq (le lituanien a la forme incompréhen- sible hedu).

Dans les mots qui suivent, on peut douter si Vo gréco-italique n'est pas o^, ou même, dans un ou deux cas, une voyelle anaptycti- que: ôCoç, got. asts\ ôppoç, v. h'^-all. ars {G-rdz. 350); ôttôç, v. h*-all. saf, si. sokû; ôpviç, v. h*-all. ami-, si. orUû; gréco-it. orphos, got. arbi; gréco-it. omsos, got. amsa; collum, got. hais; coxa, v. h'-all. hahsa; KÔpaH, lit. szârka «pie» (?); xÔM90Ç) si. zqbû; gréco-it. porkos, v. h'-all. farah, si. prasç pour *porse, lit. pàrszas; osq. posmos, lat. post, lit. pàskui; longus, got. laggs. L'o de xoXrj (v. h*-all. galla) doit être o.^, à cause de Ve du lat. fel. — Dans la diphtongue: gréco-it. oinos, germ. et boruss. aina-; gréco-it. klouni, norr. hlaun (lit. szlaums).

J'ai fait plus haut la remarque que les idiomes du nord, en opposant au phonème g les mêmes voyelles qu'au phonème a, nous frustraient de la preuve positive que ce dernier phonème est aussi ancien que les autres espèces d'à. Il existe cependant deux séries de faits qui changeraient du tout au tout l'état de nos connais- sances sur ce point, selon qu'on leur attribuera ou non une connexion avec l'apparition de g dans le gréco-italique.

��1. Miklosich {Vergl. Gramm. II 161) pense que ce mot est d'origine étrangère.

�� � LE PHONÈME Q DANS LES LANGUES DU NORD. 109

1. Trois des plus importantes racines qui contiennent o en grec: ôb ou ibb «olerç», 2uj(T «ceindre», buj «donner», présentent en lituanien la voyelle « : ùàtû,, jûsmi, dûmi. De plus, le lat. jocus, dont \'o pourrait fort bien être o, est en lituanien jûkas; ûga ré- pond au lat. uva, nûgas à nudus^ (= noguidusf). Au grec Puu/", Po/", dont l'o selon nous est o, répond le lette gûws. En revanche kûlas, par exemple, est en grec kôXov (bois). Le slave ne possède rien qui corresponde à n (jas-, da- = lit. /»°s-, dû-) ; bien plus, le borussien même ne connaît point cette voyelle {dafwei = dûti), et le passage de à û est une modification familière aux dialectes lituaniens. Il faut donc convenir que si réellement le phonème Q se cache dans \'û lituano-lette, c'est par un accident presque invraisemblable.

2. Je n'ai parlé qu'occasionnellement du vocalisme celtique, et je ne le fais encore ici que par nécessité, mes connaissances sur ce terrain étant très insuffisantes. Le vocalisme irlandais concorde avec celui du slavo-germanique dans le traitement de a et ag; les deux phonèmes sont confondus. Exemple de A: ato-m-aig de la rac. ag agere; agathar, cf. à'xeTai; asiî, cf. axilla; athir, cf. pater; altram, no-t-aiî, cî.alo; aile, cî.alms. Voy. Windisch dans les Grundzuge de Curtius aux numéros correspondants. D'autre part a2 devient aussi a. Nous l'avons constaté plus haut (p. 68 et 82) dans les formes du parfait singulier et dans le mot dmir = bôpu. En outre, d'après le vocalisme des syllabes radicales, la voyelle suffixale disparue qui correspondait à l'og gréco -italique était a. Mais voici que dans nocht «nuit», roth «roue», ôi^ «mouton», ocht «huit», orx «porc», ro = gr. Trpô etc., c'est o et non plus a qui répond à l'o des langues du sud. Précisément dans ces mots, la présence de g est assurée ou probable. — Comment se fait-il que dans le vieux gaulois l'ttg suffixal soit o: tarvos trigaranos, y/e^Ltyrov etc.?

��1. Il faut aussi tenir compte de Xu|liv6ç* yu^vôç (Hes.). Cette forme semble être sortie de *vu|iv6ç par dissimilation. *vu|uiv6ç est pour *vupvôç, *voy"^v6ç = skr. nagnâ.

2. L'o est allougé par le w qui suivait.

�� � 110

��Chapitre IV.

§ 9. Indices de la pluralité des a dans la langue mère indo-européenne.

Dans le système d'Amelung, Vo gréco-italique et l'a gréco- italique (notre a) remontent à une même voyelle primordiale; tous deux sont la gradation de Ye. S'il était constaté que dans les lan- gues ariennes la voyelle qui correspond à l'a gréco-italique en syllabe ouverte est un a long, comme pour o, cette opinion aurait trouvé un point d'appui assez solide. A la vérité, le nombre des exemples qui se prêtent à cette épreuve est extraordinairement faible. Je ne. trouve parmi les mots détachés que ciTrô — ah, skr. âpa', dKUUV^ skr. âçayi (au cas faibles, comme açwâ, syllabe fermée); aï5, skr. àgâ; à^r\ç>, véd. àthan(?). Mais du moins les thèmes verbaux de âga-ti, europ. Ag; bhâga-ti, europ. bkAg; mâda-ti, gréco-it. ■mAd; yâga-ti, gr. àf, vâta-ti, europ. tvAt (irland. fàith, lat. vates) nous donnent une sécurité suffisante. Si l'on recherche au contraire les cas possibles d'un â arien correspondant, en syllabe ouverte, à un a (a) gréco-italique, on en trouvera un exemple, en effet assez im- portant : skr. (îgas, en regard du gr. âxoç qu'on s'accorde à séparer de âtoç, cÎTioç etc^. Le cas est entièrement isolé, et dans notre propre système il n'est point inexplicable (v. le registre). Faire de ce cas unique la clef de voûte d'une théorie sur l'ensemble du vocalisme serait s'affranchir de toute espèce de méthode^.

On pourra donc sans crainte établir la règle que, lorsque les langues européennes ont a, en syllabe ouverte comme en syllabe fermée l'arien montre a bref. Mais ceci veut dire simplement que l'a n'est pas un a long: il arrive en effet que dans certaines

��1. he T de àKOvT- est ajouté postérieurement; cf. Xeov-T, fém. Xéaiva.

2. Pour des raisons exposées plus loin, nous serons amené à la conclusion que, si une racine contient a, le présent a normalement â long et que les thèmes comme à^a-, hhàga- etc. n'ont pu appartenir primitivement qu'à l'aoriste. Mais comme, en même temps, c'est précisément l'aoriste, selon nous, qui laisse apparaître a à l'état pur, il ne saurait y avoir d'inconséquence à faire ici de ces thèmes un argument.

3. Le skr. vyàla (aussi vyàda) «serpent» est bien probablement proche parent du gr. ûdXri • OKiûXriE, mais il serait illusoire de chercher à établir entre les deux mots l'identité absolue: cf. €ÙXri, ïouXoç.

�� � CORRESPONDANTS ARIENS DU PHONÈME A. 111

positions, par exemple à la fin des racines, ce n'est plus du tout un a, mais bien i ou ï, au moins en sanskrit, qui se trouve placé en regard du phonème a des langues d'Europe. Voy. ci-dessous.

Comment l'arien se comporte-til vis-à-vis de Ve européen? Il lui oppose aussi Va bref. Ce fait est si connu qu'il est inutile de l'appuyer d'une liste d'exemples. Le seul point à faire ressortir, celui qu'avait relevé d'abord Amelung, celui sur lequel M. Brugmann a assis en grande partie l'hypothèse de «2» c'est le fait négatif que, lorsqu'on trouve e en Europe, jamais l'arien ne présente d'à long.

Si maintenant l'on posait cette question-ci : Y a-t-il dans Tindo- iranien l'indice certain d'une espèce d'à gui ne peut être ni a^ ni 82? nous répondrions: Oui, cet indice existe. Vi ou i pour a n'apparaît que dans un genre de racines sanskrites tout particulier et ne peut avoir ni la valeur % ni la valeur «2 (§ H ^^)-

Mais si, précisant davantage la question, on demandait s'il y a dans l'arien des traces incontestables du dualisme a^ : a tel quil existe en Europe, la" réponse, je crois, ne pourrait être que négative. Le rôle de Vt dans ce problème est assez compliqué, et nous ne pourrons aborder la question de plus près qu'au chapitre V.

Deux autres points méritent particulièrement d'être examinés à ce point de vue :

1" Les â longs tels que celui de svàdate == gr. dbexai. Voy. § 11 fin.

2^ Le traitement de fcg, g^ et gh^ dans les langues ariennes. Dans l'article cité des Mémoires de la Société de Linguistique^ j'ai cherché à établir que la palatalisation des gutturales vélaires est due à l'influence d'un a^ venant après la gutturale. Je confrontais la série indienne vàkd, vàcas, vô6a-t avec la série grecque yovo-, feveo"-, YÊvé-(aôai) et concluais que la diversité des consonnes dans la première avait le rapport le plus intime avec la diversité des voyelles suffixales observable dans la seconde. Je crois encore à l'heure qu'il est que cela est juste. Seulement il était faux, comme j'en ai fait plus haut la remarque (p. 85i), de donner à l'o du suffixe, dans yàvo, la valeur ou i (0 étant considéré comme une variété de a): cet 0, nous l'avons vu, est a2. Voilà donc la signification du fait notablement changée. Il prouve bien encore que l'indo-iranien distingue entre a^ et 02, mais non plus, comme j'avais pensé, qu'il distingue entre a^ et a. La thèse, conçue sous cette forme, devant être soutenue, à ce que nous apprenons, par

�� � 112 LES LANGUES ARIENNES DISTINGUENT-ELLES X DE «j ?

une plume beaucoup plus autorisée que la nôtre, nous laisserons ce sujet intact: aussi bien l'existence de Va^ arien est déjà suffisam- ment assurée par l'allongement régulier constaté au § 7^.

Le traitement des gutturales vélaires au commencement des mots porte la trace très claire de la permutation a^ : 02 dans la syllabe radicale. Mais laisse-t-il apercevoir une différence entre a^ et a? C'est là le fait qui serait important pour nous. Il serait difficile de répondre par oui et non. A tout prendre, les phénomènes n'excluent pas cette possibilité, et semblent plutôt parler en sa fa- veur. Mais rien de net et d'évident; point de résultat qui s'impose et auquel on puisse se fier définitivement. Nous supprimons donc comme inutile le volumineux dossier de ce débat, qui roule la plupart du temps sur des exemples d'ordre tout à fait subalterne, et nous résumons:

Quand l'européen a fegC, 92^, 9^2^, l'arien montre presque régu- lièrement c'a, ga, gha. Exemples: gr. Técraapeç, skr. éatvdras; lit, gèsti, skr. gâsati; gr. ôépoç, skr. Jidras. Ceci rentre dans ce que nous disions précédemment. La règle souffre des exceptions: ainsi halayati en regard de KéXrjç, celer (Curtius, Grdz. 146), gâmati en regard du got. qiman^. Au groupe européen ^2^ l'arien répond assez généralement par ka. Seulement, bien souvent, on se demande si l'a européen qui suit la gutturale est véritablement a, ou bien un phonème hystérogène. D'autres fois le rapprochement est douteux. Exemples: gr. KaXôç, skr. kalya; lat. cacumen, ekr. kakûbh; lat. calix, skr. kaîàça; \aX. cadaver, Bkv. kaîevara? (Bopp); KdvbaXor KOiXdi|LiaTa,

��1. Pour bien préciser ce que nous entendions à la page 8-5, il faut dire quelques mots sur les formes zendes cahyâ et cahmâi. Justi les met sous un pronom indéfini c'a, tandis que Spiegel rattache c'ahmài directement à Jca {Gramm. 19.3). En tous cas le fait que, d'une façon ou d'une autre, ces formes appartiennent au pronom ka ne peut faire l'objet d'un doute. La palatale du génitif s'explique par l'ai que nous avons supposé. Pour le datif, il ne serait pas impossible que l'analogue grec nous fût conservé. Hésychius a une glose Tin\im' Te(vei. M. Mor. Schmidt corrige xeivei en TÎvei. Mais qu'est-ce alors que Tëmaai? Si nous lisons xivi, nous avons dans xéiainai le pendant de cahmâi (cf. crét. xeîoç pour iroîoç)- Cependant les deux formes ne sont pas identiques; la forme grecque provient d'un thème consonantique kasm- (cf. skr. kasm-in), a\ étant désinence (v. p. 87); au contraire cahmâi vient de kasma.

2. Peut-être que le g du dernier exemple a été restitué postérieurement à la place de ^, sur le modèle des formes telles que ga-gmûs où la gutturale n'avait point été attaquée. L'état de choses ancien serait donc celui que présente le zend où nous trouvons ^amyâf à côté de ga-fmaf.

�� � NÉCESSITÉ d'admettre QUE l'iNDO-EUR. DISTINGUAIT A DE «,. 113

pàdpa, skr, kandard; gr. Ka|uctpa, zd. kamara\ gr. Kd|LiTrr|, skr. kampand; gr. Kttivôç, skr. hanyà (Fick); dans la diphtongue, lat. caesaries, skr. késara; lat. caelebs, skr. kévala; gr. Kaidbaç, Kaiara" ôpOx|iiaTa, skr. kévata etc.^ Pour gr et gh, les cas sont rares. — ■ Nous trouvons la palatale dans candrà, -çéandra (groupe primitif sk^) en regard du lat. candeo. A la page 81 nous comparions got. skadus au skr. éat «se cacher». Or l'irlandais scâth prouve que la racine est skAt, non sket^, et nous aurions ainsi un exemple bien clair de éa répondant à kà; il est vrai que la gutturale fait partie du groupe primitif sk. Un cas semblable, où c'est la sonore qui est en jeu, est le zd. gad «demander», irland. gad. gr. pdîuj (malgré pàHo»); ici le sanskrit a g : gâduti.

Bref, il n'y a rien de décisif à tirer de ce genre de phéno- mènes, et nous devrons, pour établir la primordialité du dualisme tti : 1, recourir à une démonstration a priori, basée essentiellement sur la certitude que nous avons de la primordialité de «g- ^^ linguistique, ce genre de démonstration n'est jamais qu'un pis aller; on aurait tort toutefois de vouloir l'exclure complètement.

1. Pour simplifier, nous écarterons du débat le phonème o; son caractère presque exceptionnel, son rôle très voisin de celui de a, lui assignent une espèce de position neutre et permettent de le négliger sans crainte d'erreur. En outre Vë long des langues d'Europe, phonème que nous rencontrerons plus loin et qui n'est peut-être qu'une variété d'à, pourra rester également en dehors de la discussion. Voy. au sujet d'é le § 11.

2. Nous posons comme un point démontré dans les chapitres précédents et comme la base d*où il faut partir le fait que le vocalisme des a de toutes les langues européennes plus l'arménien repo.se sur les quatre a suivants: a^ ou e; a^ ou o; a on a; À ou â.

��1. Il est remarquable que les langues classiques évitent, devant a, de la- hiîiliser la gutturale vélaire, au moins la ténue. Dans {c)vapor, le groupe kw est primilif, ainsi que l'indique le lituanien, et dans Ttâç il en est probablement de même; irdoiaai est discuté. Il ne semble pas non plus qu'on trouve de hv germanique devant a; toutefois ce dernier fait ne s'accuse pas d'une manière assez saillante pour pouvoir servir à démontrer la différence originaire de a et a, au nord de l'Europe.

2. Grassmann décompose le véd. mâmçdatâ en mâs ou màms «lune» et ciitû «faisant disparaître». Cette dernière forme répond au got. skadus. — Si l'on place dans la même famille le gr. aKÔxoç, on obtient une racine skot et non plus skAt. Comparez aKOTO|nr|vioç et mdmçcatû.

de Saussure, Oeuvres. 8

�� � 114 NÉCESSITÉ d'admettre QUE l'iNDO-EUR. DISTINGUAIT A DE Oj.

En outre il est établi que o alterne régulièrement avec e, jamais avec a; et semblablement que a alterne exclusivement avec a. Ce dernier point n'a pu être encore bien mis en lumière, mais au chapitre V nous le constatons d'une manière positive.

3. L'apparition régulière, dans certaines conditions, d'un a long arien en regard de Yo européen (§ 7), phénomène qui ne se présente jamais lorsque la voyelle est en Europe e ou a, s'oppose absolument à ce qu'on fasse remonter à un même phonème de la langue mère l'e (ou l'a) et Vo européens.

4. D'autre part il est impossible de faire remonter \'o européen au même phonème primordial qui a donné â. En efifet, les langues ariennes n'abrègent point a devant les groupes de deux consonnes (çdsnii etc.). On ne comprendrait donc pas comment l'o européen suivi de deux consonnes est représenté en^rien par a bref (ôp-|nr| = sarma, non <isârma», (pipovTi = bharanti, non ^hharânti»).

5. Relativement à o et â, trois points sont acquis: a) Ce qui est en Europe o ne peut pas avoir été dans la langue mère le même phonème que ce qui est en Europe e ou a (v. ci-dessus, n" 3). P) Ce qui est en Europe o ne peut pas avoir été dans la langue mère le même phonème que ce qui est en Europe a (v. ci-dessus, n" 4). y) De tout temps il a été reconnu que ce qui est en Europe a ne peut pas avoir été dans la langue mère le même phonème que ce qui est en Europe e ou a. Ceci établit qm Vo et Z'â euro- péens ont été dans la langue mère distincts l'un de l'autre et distincts de tous autres phonèmes. — Que savons-nous sur la portion du vo- calisme de la langue mère qui répond à la somme e -\- a dans les langues d'Occident? Deux choses: cette portion du vocalisme différait de o et de â; et en second lieu elle ne contenait pas de voyelle longue. Réduites à une forme schématique, nos données sont donc les suivantes:

Indo-européen Européen

X, bref. - — —

a a a

Essayons à présent de donner à x la valeur d'un a unique. Voici les hypothèses qu'entraîne nécessairement avec elle cette première supposition: 1° Scindement de l'a en e-a, à son entrée en Europe. La question de la possibilité de cette sorte de scindements est une question à part qui, tranchée négativement, rendrait la présente discussion superflue. Nous ne fondons donc point d'objection sur

�� � NÉCESSITÉ d'admettre QUE l'iNDO-EUR. DISTINGUAIT A HE O^. 115

ce point-là. 2** Merveilleuse répartition des richesses vocaliques obtenues par le scindement. Nul désordre au milieu de cette multiplication des a. Il se trouve que e est toujours avec o, et a toujours avec a. Un tel fait est inimaginable. 3*^ Les trois espèces d'à supposées pour la langue mère (a o à) n'étaient pas, évidem- ment, sans une certaine relation entre elles : mais cette relation ne peut avoir rien de commun avec celle que nous leur trouvons en Europe, puisque dans la langue mère e et a, par hypothèse, étaient encore un seul phonème. Ainsi les langues européennes ne se seraient pas contentées de créer un ablaut qui leur est propre; elles en auraient encore aboli un plus ancien. Et pour organiser le nouvel ablaut, il leur fallait disloquer les éléments du précédent, bouleverser les fonctions respectives des différents phonèmes. Nous croyons que cet échafaudage fantastique a la valeur d'une dé- monstration par absurde. La quantité inconnue désignée par x ne peut pas avoir été une et homogène.

Cette possibilité écartée, il n'y a plus qu'une solution plau- sible au problème: transporter tel quel dans la langue mère le schéma obtenu pour l'européen, sauf, bien entendu, ce qui est de la détermination exacte du son que devaient avoir les diflférents phonèmes.

��Quand on considère le procès de réduction des a deux fois répété dans le domaine indo-européen : dans le celto-slavo-germa- nique à un moindre degré, puis sur une plus grande échelle^ dans les langues ariennes, et cela en tenant compte de la position géo- graphique des peuples, il semble à première vue très naturel de croire que c'est là un seul grand mouvement qui aurait couru de l'ouest à l'est, atteignant dans les langues orientales sa plus grande intensité. Cette supposition serait erronée: les deux événements, il est aisé de le reconnaître, ne sauraient être liés historiquement. Le vocalisme des a, tel que l'offre le slavo-germanique, ne peut en aucune façon former le substratum des phénomènes ariens. L'arien distingue ag de a et confond a avec a^. L'Europe septentrionale confond ag avec a.

Il est un cas sans doute où l'aa arien est confondu lui aussi avec A (et %), c'est lorsqu'il se trouve dans la syllabe fermée. Mais, à l'époque où, dans d'autres conditions, se produisit l'allongement

��1. Sur une plus grande échelle, en ce sens qu'outre la confusion de a^ et ^, il y a eu aussi plus tard coloration de a^ en a. Voyez la suite.

8*

�� � 116

��GROUPEMENT DES DIFFERENTS IDIOMES D APRES LE TRAITEMENT DES O.

��de ag, il est à peine douteux que, devant deux consonnes, ce phonème conservât comme ailleurs son individualité. On peut donc dire que l'arien postérieur confond a^, a et a^ en syllabe fermée, mais que le plus ancien arien que nous puissions atteindre confond seulement % et a.

La figure suivante représente la division du territoire indo- européen qu'on obtient, en prenant pour base le traitement des trois a brefs dont nous venons de parler. Il est fort possible qu'elle traduise fidèlement le véritable groupement des différentes langues ; mais, pour le moment, nous ne voulons pas attacher à cette répartition d'autre valeur que celle qu'elle peut avoir dans la question de l'a. Les Celtes, par exemple, s'ils appartiennent au groupe du nord pour le traitement des voyelles (p. 109), sont unis par d'autres attaches à leurs voisins du sud.

��Région où A, c, et a^

se maintiennent tous trois distincts.

��� ��Celtes Germains Letto-Slaves

��Iraniens ^ / Hindous

��Région où a et a^ sont confondus.

Région où a et a, sont confondus.

��Chapitre V. Rôle grammatical des différentes espèces à'a.

��§ 10. La racine à l'état normal.

Si le sujet de cet opuscule avait pu être circonscrit au thème du présent chapitre, le plan général y aurait gagné sans doute. Mais nous avions à nous assurer de l'existence de plusieurs phonèmes avant de définir leur rôle dans l'organisme grammatical, et dans ces conditions il était bien difficile de ne pas sacrifier quelque chose de l'ordonnance rationnelle des matières. C'est ainsi que le chapitre sur les liquides et nasales sonantes devra tenir lieu plus ou moins d'une étude de la racine à l'état réduit, et que nous nous référerons au paragraphe 7 pour ce qui concerne cet autre état de la racine où a^ se change en Og.

�� � LE GOUNA. 117

Les racines se présentent à nous sous deux formes principales: la forme pleine et la forme affaiblie. A son tour la forme pleine comporte deux états différents, celui où l'a radical est a^ et celui où il est a^. C'est ce dernier état de la racine qu'il reste à envisager; c'est celui qu'on peut appeler, pour les raisons exposées plus loin, l'état normal de la racine.

Voici d'abord les motifs que nous avions de dire, au com- mencement de ce travail, qu'une racine contenant i ou u ne possède sa forme pleine et inaltérée que lorsqu'elle montre la diphtongue. Cette idée a été émise déjà à plusieurs reprises ^ Ceux de qui elle émanait ont paru dire parfois que c'est après tout affaire de con- vention de partir de la forme forte ou de la forme faible. On reconnaîtra, je crois, l'inexactitude de cette opinion en pesant les trois faits suivants.

1. Dès qu'on admet l'existence de liquides et de nasales so- nantes indo-européennes, on voit aussi le parallélisme de i, m, avec r, n, m. Mais ceci, dira-t-on, ne prouve rien ; je puis admettre avec les grammairiens hindous que ar est gouna de r, et sembla- blement an, am, gouna de »î, rp,. En effet; aussi ce n'est point là- dessus que nous nous fondons, mais bien sur les racines terminées par une consonne (par opposition à sonante). Pour pouvoir parler d'une racine Ihudh il faudrait dire aussi qu'il y a une racine pt. Car partout où hhudh apparaîtra, on verra aussi apparaître pt, à condition seulement que la forme se puisse prononcer: hu-budh-ûs, pa-pt-ûs; è-TTud-ômiv, è-7TT-ô|Lir|V. Sitôt qu'on trouve bhaudh, on trouve aussi pat: bôdhati, TreûôeTai; pâtati, TréTeiai. Dira-t-on que at est gouna de f?

2. Si, pour la production de la diphtongue, il était besoin d'une opération préalable de renforcement, on concevrait difficile-

1. Sans poser de règle absolue, M. Léo Meyer dans sa Grammaire Comparée (I 341, 343) fait expressément ses réserves sur la véritable forme des racines finissant par i et u, disant qu'il est plus rationnel de poser pour racine srav (jue sru. Dans un article du Journal de Kuhn cité précédemment (XXI 343) il s'exprime dans le même sens. On sait que M. AscoU admet une double série, l'une ascendante (i ai, u au), l'autre descendante {ait, au u); cela est en relation avec d'autres théories de l'auteur. M. Paul, dans une note de son travail sur les voyelles des syllabes de flexion (Beitr. IV 439), dit, en ayant plus particu- lièrement en vue les phénomènes du sanskrit : «lorsqu'on trouve parallèlement i, u (y, v) et ê, ô (ai, ay, ây; du, av, âv), la voyelle simple peut souvent ou peut- être toujours être considérée comme un aflaiblissement avec autant de raison qu'on en a eu jusqu'ici de regarder la diphtongue comme un renforcement».

�� � 118 LE GOUNA. — LA VRIDDHI.

ment comment l'a^ du «gouna» devient a^ ^ absolument comme tous les autres a^. Au paragraphe 7 nous sommes constamment partis du degré à diphtongue, et nous n'avons pas éprouvé une seule fois qu'en procédant de la sorte on se heurtât à quelque difficulté.

3. L'absence de racines en iw, un; im, um ; ir, ur (les dernières, quand elles existent, sont toujours d'anciennes racines en ar faciles à reconnaître) est un fait si frappant qu'avant de connaître la nasale sonante de M. Brugmann il nous semblait déjà qu'il créât entre les rôles de i, u, et de n, m, r, une remarquable similitude. En effet cela suffirait à établir que la fonction de a et la fonction de i ou u sont totalement dififérentes. Si i, u étaient, au même titre que a, voyelles fondamentales de leurs racines, on ne comprendrait pas pourquoi celles-ci ne finissent jamais par des phonèmes qui, à la suite de a, sont fort communs. Dans notre conception, cela s'explique simplement par le fait que a ne prend qu'un seul coefficient sonantique après lui.

En vertu du même principe, il n'existe point de racine conte- nant le groupe : i, u -\- nasale {ou liquidé) -f- consonne. Quand on parle par exemple d'une racine sanskrite sine, c'est par abus: il est facile de s'assurer, en formant le parfait ou le futur, que la nasale n'est point radicale. Au contraire dans handh la nasale est radicale, et elle persistera au parfait.

Dans l'échange de la diphtongue et de la voyelle, il n'y a donc pas à chercher avec Schleicher de renforcement dynamique ou avec Benfey et Grein de renforcement mécanique; il n'y a qu'un afiaiblissement, et c'est lorsque la diphtongue cesse d'exister qu'un phénomène se produit.

Quant à la vriddhi qui, d'après ce qui précède, ne peut plus être mise, même de loin, en parallèle avec le «gouna», nous n'en avons trouvé aucune explication satisfaisante. Il y en a évidem- ment deux espèces: celle qui sert à la dérivation secondaire, — vriddhi dynamique ou psychologique, si on veut lui donner ce nom — et celle qu'on trouve dans quelques formes primaires comme yaû-mi, â-gai-sam où on ne peut lui supposer qu'une cause mécanique (v. plus bas). La vriddhi de la première espèce est indo- iranienne; on en a signalé des traces douteuses dans l'indo-européen. La vriddhi de la seconde espèce paraît être née plus tard.

1. Nous ne voulons point dire par là que a, soit une gradation.

�� � FORMATIONS QCI CONTIENNENT C,. 119

Partout où il y a permutation de ai, au, avec i, u. Va de la diphtongue est dans les langues européennes un e (%) ou son remplaçant o (ag), mais jamais i. Nous verrons au § 11 que les combinaisons Ai, au sont d'un ordre diflFérent et ne peuvent pas perdre leur a. Ce fait doit être rangé parmi les preuves de la pri- mordialité du vocalisme européen.

Passons maintenant en revue les formations où la racine présente %, soit que ce phonème fasse partie d'une diphtongue, soit qu'il se trouve dans toute autre position. La catégorie de racines que nous considérons embrasse toutes celles qui ne renferment point A OU t>, à l'exception des racines terminées par a^, et de quelques autres qui leur sont semblables. La question est toujours comprise entre ces limites-ci: est-ce ag, absence de a, ou bien a^ qui apparaît t

a. FORMATIONS VERBALES.

Présents thématiques de la 1" classe verbale. Ils ont in- variablement a^.

Grec: Xétuj; xeiu), ^é(/')uj, luévu), cpépuj; (Tieixuj, q)eÙTUJ, cnrévèui, ëpiruj etc. Curtius, Verh. 1^ 210 seq., 223 seq.

Latin: lego; tero, tremo ; fïdo pour *feido^, (dûco pour *deuco), -fendo, serpo etc.

Gotique: giba; sniva, nima, baira; steiga, biuda, binda, filha etc.

Paléoslave: nesq; èenq^ berq; mçtq, vlékq pour *veïkq etc. L'e s'est fréquemment affaibli en î, sous des influences spéciales au slave. Les formes comme éïvq sont les équivalents des formes grecques comme ^iJyxi. Sur la diphtongue eu en letto-slave, cf. p. 63 seq.

Lituanien : degû ; vejù, genù ; lè'kû, senkà, kertù etc.

L'irlandais montre régulièrement e.

Langues ariennes. L'a, sauf quelques cas spéciaux, est bref; par conséquent c'est bien a^ et non a^ que prend la syllabe radi- cale. Sanskrit vâhati; gàyati, sràvati, stânati, bhàrati; éétati, rôhati, vdndate, sârpati etc.

Subjonctif du présent non-thématique et du parfait. Pour former le subjonctif, les présents de la 2* et de la 3® classe ajoutent un Oj thématique à la racine non affaiblie, c'est-à-dire telle qu'elle se trouve au singulier de l'actif. Si le verbe n'est pas redoublé,

1. mêjo est peut-être pour *meiho.

�� � 120 FORMATIONS QUI CONTIENNENT Oj.

on obtient de la sorte un thème absolument semblable aux présents de la V^ classe. Sanskrit Mna-t, âya-t, yuyâva-t, de hàn-ti, é-ti, yuyô-ti. Il nous a été conservé en grec: eïuj subjonctif de eî|ii (Ahrens II 340). Le pluriel eût été sans doute *eïo|H€v (cf. hom. îojiev)^

Il est extrêmement curieux que le parfait, qui prend a^ dans les formes non affaiblies, sauf peut-être à la première personne (p. 69), restitue a^ au subjonctif. Voyez les exemples chez Delbriick, Altind. Verb. 194. De gabhàr-a, gabhâra-t; de tatân-a, tatâna-t etc. Ici le grec offre un magnifique parallèle dans eï6o)Liev, eï6e-T€, sub- jonctif courant chez Homère du parf. oîb-a. Une autre forme, TteTTOiôoiLiev, s'est soumise à l'analogie de l'indicatif.

Présents non-thématiques (5* et 3^ classe verbale). Nous re- cherchons si c'est ai ou «2 ^[^i apparaît aux trois personnes de l'indicatif singulier (présent et imparfait). Aux autres personnes, l'a radical est expulsé.

La syllabe étant toujours fermée, nous ne pouvons nous ren- seigner qu'auprès des langues de l'Occident. L'exemple le plus im- portant est celui dea^s «être». Aux trois personnes en question, les langues européennes ont unanimement e. Puis vient la racine a^i «aller» : grec eîjui, lit. eimï. Si cieu est le skr. sto «laudare», il est probable que areûrai appartient bien à la 2* classe, comme staûti (cf. Curtius, Verb. P 154). Naturellement, il faudrait régu- lièrement *aTUTai; la diphtongue est empruntée à l'actif disparu^.

Ces exemples montrent a^, et c'est a^ que nous retrouvons dans les aoristes comme Ix^ua, ëacreua qui ne sont en dernière analyse que des imparfaits de la 2* classe. V. plus haut p. 21.

La diphtongue au du skr. staûti, yaûU etc., est tout à fait énigmatique. Rien, en tous cas, n'autoriserait à y voir l'indice de la présence de aj. Les diphtongues de «2, suivies d'une consonne, ne se comportent pas autrement que les diphtongues de a^. Il semble tout au contraire que ce soit de préférence a^i et aiU qui subissent en sanskrit des perturbations de ce genre. L'aoriste sig- matique nous en offrira tout à l'heure un nouvel exemple.

��î. On a voulu voir dans les futurs Peioinai, irloiam, ë&0|uai, Keûu etc. d'an- ciens subjonctifs. Les deux derniers, appartenant à des verbes de la 2® classe, s'y prêtent très bien.

2. Très obscur est aoûTai, à côté de oeûTci. V. Curtius l. c.

�� � FORMATIONS QUI CONTIENNENT a,. 121

Le présent de la 3* classe se dérobe davantage à l'investigation. On a identifié, non sans vraisemblance, le lat. fert au skr. bibhdrti.

Le grec n'a plus d'autres présents redoublés que ceux dont le thème finit en r| ou â. Sans doute on peut se demander si miiTTXrmi n'est pas la métathèse de 7Ti|aTreX)iii (v. p. 14 et le chap. VI). Cependant la certitude que nous avons que la voyelle est a^ ne dépend pas, heureusement, de cette hypothèse. Même si 7TÎ|i7TXri|iii vient d'une racine TrXr|, cet x], comme aussi ceux de Tidruiii, ïr||Lii etc., prouve que la formation ne prend pas ag ; autrement on aurait «Tiduj|ii, ïuiiai». C'est ce que nous reconnaîtrons au § 11.

Aoriste sigmatique non-thématique. L'identité de l'aoriste grec en -(Ta avec l'aoriste sigmatique non-thématique connu dans le sanskrit et le slave est un fait que M. Brugmann a définitivement acquis à la science (v. Stud. IX 313). La racine est au degré % au moyen comme à l'actif. Exemples: ^(Jxpevjja, hii.\i\^a, ëbeiaa, ëîrXeuaa, ëieuHa etc. Le slave a également e: pçchù, nésû etc.^

En sanskrit cet aoriste allonge l'a radical dans les formes de l'actif, mais nous avons vu plus haut que cette sorte de phéno- mènes, en syllabe fermée, ne se peut ramener jusqu'à présent à aucun principe ancien, et qu'il est impossible d'en tenir compte. L'allongement disparaît au moyen. Le vocalisme de ce temps soulève néanmoins différents problèmes que nous toucherons au § 12. — Sur certaines traces de «2 ^ l'aoriste v. p. 69.

Le subjonctif pdrsa-t, gésa-t etc. se reflète en grec dans les formes homériques comme Trapa-XéHo-|iai, àiaeinie-xai etc. V. Curtius, Verb. II 259 seq. L'a radical est a^ comme à l'indicatif.

Futur en -sya. Par l'addition de -ya^ au thème de l'aoriste se forme le thème du futur. Le vocalisme ne subit pas de changement.

Exemples grecs: aipéipiu, eï(TO|Liai, TTXeuaoû)iiai, èXeùcro)aai. La nécessité de l'e se voit bien par la forme KXeu(TÔ|U6da, futur de kXûuj rapporté par Hésychius.

Le futur lituanien ne contredit pas à la règle.

Le futur indien a, lui aussi, la forme pleine de la racine: vaksyà-li, gesyâ-ti^ bhotsyd-ti.

��1. Tout autre est le vocalisme de l'aoriste en -sa (â-diksa-t).

�� � 122 FORMATIONS QUI CONTIENNENT a^.

b. FORMATIONS NOMINALES.

Thèmes en -as. Neutres grecs: péXoç, pévdoç\ pXéTTOç, Ppécpoç, Yévoç, Itxoç, eîpoç, ëXerxoç, êXKOç, è'Xoç, êttoç, êpepoç, é'pKOç, ëToç, dépoç, Képboç, Xéxoç, IxèKoç, |uévoç, |U€poç, vé)Lioç, véqpoç, TtéKOç, irév^oç', iréoç, pé&oç, (Jôévoç, aKéXoç, arétpcç, xéTOç, tékcç, réXoç, q)éTTOç; — bé(î/)oç, eîboç, Teîxoç; T^eÛKOç, Ipeudoç, Zieûfoç, KeOdoç, KXé(/')oç, pé(/";oç, aKeOoç, TeOxoç, vt;eûboç etc. D'autres encore chez Ludwig, Entstehung der a-Decl. 10.

Souvent le thème en -ecT n'est conservé que dans un composé: à^q)i-ppeTrriç, cf. pomi; io-bveqprîç, cf. 6vôqpo-ç; à-)Liepqpéç" dffxpôv Hes. cf. liopqpr). 'AXi-dépcrriç^ dans Homère n'est point éolique: dépcoç, en effet conservé chez les Eoliens, est le thème en -ecT régulier de la rac. ôepcT, et ôdpcroç, dpdcoç, sont formés postérieurement sur dpacTÙç, dapcTuç (dans ^apcrOvuj).

Pour les adjectifs (oxytons) en -ecr, sur l'ancienneté desquels, différentes opinions sont possibles, nieubrjç atteste le même degré %.

L'o du neutre ôxoç est dû à ce que exuj «veho», en grec, a abdiqué en faveur de ôxéuj. Du reste Hésychius donne ëxeffqpiv* âpjuacriv. ctkôt-oç vient d'une racine skot et non sket. Si Homère a dit bucTiTOvriç (au gén. buCTTOvéoç), c'est que ttôvoç, dans sa signifi- cation, s'était émancipé de la racine Trev.

Exemples latins: demis, genus, nemus, pectus, scelus^temptis, Venus, vêtus (sur ces deux mots v. Brugmann, A'. Z. XXIV 38, 43). Le neutre vïrus (gén. viri) indique un primitif waiis-as. Sur foedus, pondus, holus, X. p. 76. En composition: de-gener.

Le gotique donne riqiz-a- = ëpe^oç, rimis-a-^ sigisa-, J>eihs-a-, veihs-a- (v. Paul, Beitr. IV 413 seq.); ga-digis viole la règle. Paléo- slave nebo, slovo pour '^slevo (v. p. 64) tego «courroie», cf. vûs-tqga; lituanien debes-l-s, deges-i-s^; irlandais nem «ciel», tech léyoç; ar- ménien erek ëpepoç {K. Z. XXIH 22).

Les langues ariennes sont en harmonie av-ec celles d'Europe, car elles ont: 1*^ la racine pleine; 2^^ a bref en syllabe ouverte, c'est-à-dire a^, Skr. vddas, râgas, menas, grdyas, çràvas; vAréas, tégas, rôhas.

��1. pddoç et irddoç sont des formes postérieures faites sur padûç (p. 24) et sur TTaOeîv (p. 20).

2. Ce nom a passé dans la déclinaison des thèmes en -â.

3. Le maso, vêidas peut fort bien continuer un ancien neutre en -es (€lboç).

�� � FORMATIONS QUI CONTIENNENT O^. 123

Les adjectifs se comportent de même: yaçàs, tavâs, toçds^.

Thèmes en -yas. En ajoutant -yas (dans certains cas ias) à la racine normale, on obtient le comparatif de cette racine fonctionnant comme adjectif. Le thème du superlatif est dérivé du premier au moyen d'un suff. ta, dont l'addition a nécessité l'affaiblissement du suffixe précédent, mais non pas celui de la racine. Il convient donc de réunir les deux classes de thèmes.

Sanskrit sdhyas, sâhistha; ksépïyas, ksépistha, cf. ksiprâ; râgïyas, râgiétha, cf. rgû. Zend darezista, cf. dërëzra.

Les cas où le grec a conservé cette formation ancienne, indé- pendante de l'adjectif, sont précieux pour la détermination de la qualité de l'a. La rac. qpep donne cpépiaioç, Kepb KépbicTTOç; |lii-vù-ç a pour comparatif ne{-(y)uuv, xpaxOç (= *KrTuç) RpeicTCiuv*. Le vieux comparatif attique de ôXîyoç est ôXeiZujv, v. Cauer, Stud. VIII 254. Ainsi l'a est bien a^.

Si l'on adopte l'étymologie de M. Benfey, le lat. pêjor est au skr. pjyû ce que jaeiuuv est à inivùç. — En gotique il faut remarquer Ve de vairsizd.

Thèmes en -man. a) Les neutres:

Exemples grecs: pXé|Li)Lia, Opé|U)ua, Treîaïaa pour *Ttévd|Lia, cré\|ua, (TnépiLia, TéX|Lia, cpdéTua; beî|Lia, \<â\ia\ peû|aa, 2eÛY|ua. Comparez ces deux séries-ci: Képina, TtXéYlua, Tépina, qpXéYiua, (TTéX|Lia (Hes.); — Kop^ôç, ttXoxmôç, TÔpiiioç, qpXoYIiôç, aToX|Li6ç (p. 71), en outre é'piaa «boucles d'oreilles» à ôpiioç «collier», é'p|Lia «appui pour les vaisseaux» à ôpiLioç «rade», é'p^i' ôbuvàuuv à ôp|Lir|; q)ép|Liiov, diminutif de *cpép)Lia, à qpopiLiôç, xtO|iia à x^MÔç pour *xO|liôç, *xou|u6ç (cf. ityi^ pour *Z;ou|Liri, lacon. Z;uj|Liôç).

L'homérique oî|aa de ei «aller» a dû être formé sur l'analogie de oî^oç. L'o de bÔY|ia parait être un Q. On n'est pas au clair sur ^â)^a; en tous cas rien ne justifierait un primitif bômua. ôxiua {= ëxna), que donne Hésychius, ne peut qu'être moderne.

En latin: germen, segmen, tegmen, termen (Varron). L'm de culmen est dû à la consonne qui suit.

Paléoslave brémç «fardeau» pour *berme, slême «culmen tecti»: pour *selme, vrémç «temps» pour *verme. Miklosich, Vergl. Gramni. II 236.

��1. Le nom uëâs affaiblit la racine, mais le suffixe est différent; ûras «poitrine» et çh-as «lête> ne peuvent pas non plus être mis en parallèle direct avec les mots comme vàéaa.

2. Le superlatif, cédant à l'analogie de Kpaxûç etc. fait KpriTicrroç.

�� � 124 FORMATIONS QUI CONTIENNENT Oj.

Sanskrit âhdrman, vàrtman, éman, hôman, véçman etc. (Lindner 91seq.). Zend zaëman, fraobman etc.; mais aussi pishman.

P) Les masculins et les adjectifs:

Grec K€u^|iuûv -ûJvoç, Xei|iujv -ôivoç, TeXa|iujv -ûivoç, x^^M^v -â)VOç; 7TXeiJ)uu)V -ovoç, TépjLiiuv -ovoç; l'adjectif Tepàiniuv -ovoç. Dérivés: (TTeX|novîai, qpXcYiJOvri, péXe|iv-o-v. Mots en •\iy\v: àvT}Xï]v, Xifariv, Tru9|inv et ()|Lir|v^ Ce dernier, d'après une étymologie reprise récemment, — il a échappé à l'auteur qu'elle avait été faite par Pott, Wurzehvôrterh. I 612 — coïncide avec l'ind. syûman (neut.); il y a là un u long qui nous engage à suspendre notre jugement. Mais dans duT|nriv, Xï^nv et T:u&|ar|V l'afifaiblissement de la racine est manifeste^. Dans ces trois mots précisément le suffixe n'admet point ag. Parmi les masculins ce ne sont donc que les thèmes en -ma2n qui offrent la racine au degré 1; cf. §13. — Les infinitifs en -|aev^ -|i€vai n'offrent pas les garanties nécessaires relativement au voca- lisme de la syllabe radicale.

Le latin a sermo, termo (Ennius), têmo = *t€cmo.

Le gotique a hliuma -ins, hiuhma -ins, milhma -ins, skeima -ins. Anglo-sax. filmen = gr. ixeKpLa (Fick III^ 181).

Quelques-uns des mots lituaniens seront sans doute d'anciens neutres, mais cela est indifférent. Schleicher donne êelmti «verdure», teszmû «mamelle», szèrmens (plur. tant.) «repas funèbre», de la ra- cine qui se retrouve en latin dans cêna, sili-cernium.

Sanskrit varsmân, hemdn; darmân, somdn etc.^; Lindner p. 93. Paroxytons: géman, klôman «le poumon droit» (v. B. R.). Ce dernier

��'"^ 1. iroiikiriv, qui paraît contenir o, ne nous intéresse pas ici.

2. La racine d'àuT-iariv se trouve sous sa forme pleine dans â(J-)eT-|Lia. Fondé sur les formes celtiques, M. Fick établit que le t de ces mots n'est point suffixal (Beitr. de Rezzenb. I 66). — Il n'y a pas de motif pour mettre ùapifvr] parmi les thèmes en -man. Le mot peut venir d'un ancien fém. ûainT, à peu près comme biuTÎvri de bûinç.

3. Un seul exemple védique enfreint la règle: vidmân «savoir, habileté». Remarquons bien que le grec de son côté a l'adj. ïbjiujv. Cet adjectif n'apparaît pas avant les Alexandrins. Il peut être plus ancien; pourquoi en tous cas n'a- t-on pas fait «eibnuiv»? La chose est très claire: parce que c'est presque exclu- sivement fb et oib, et presque jamais (Xh, qui contiennent l'idée de savoir (eibdjç = /c/ibiOç). Même explication pour le mot ïarwp qui devrait faire normalement «eïOTUup». On pourrait, sur cette analogie, songer à tirer de la forme vidmân une preuve de l'aj arien en syllabe fermée. L'arien, en effet, ne devait guère posséder wa^id que dans le subjonctif du parfait. Le Rig-Véda n'a que âvedam où l'on puisse supposer Oj (car védas paraît appartenir partout à ved

�� � FORMATIONS QUI CONTIENNENT O,. 125

mot est le gr. TiXeûiniJUV^. — Le zend a raçman, maê^man, mais aussi

Thèmes en -tar. Nous ne considérerons ici que la classe des noms d'agent.

Grec é'aTUjp, KévTuup; "EKTtup, MévTuup, Néaioup, ZTévioip; — pcKTrip (Hésiode), ireiaTrip «câble» (Théocrite) et 7Tei(JTr|p de TreiOui (Suidas), veuxrip* Ko\u|iPnTnÇ (Hes.), levKTr\p, TeuKTrip (id.). Il y a de nombreux dérivés comme àXemTnpiov, dpeiriripioç, ireuairipioç, depiripia " éopTri iiç. Nous constatons dans àopirip un o irrégulier, emprunté sans doute à doptr]. Cf. p. 73i.

Latin emptor, rector, vedor, textor etc.

Paléoslave hljusteljï, zçteljî.

Sanskrit vakiâr, yantâr, éetdr, sotàr, bhettâr, gostdr; bhârtar, hétar etc. — Zend gantar, mantar, çraotar etc. Quelques exceptions comme bërëtar à côté de fraharetar. Cf. § 13.

Le suffixe -tr-a demande aussi la racine non affaiblie. Elle a en général a,, comme dans le gr. béprpov, Kévrpov, (péprpov, mais on peut citer pour «2' pÔTTipov de peir et le norr. lattra-^*lahtra- « couche», gr. XéKipov.

Thèmes en -au. La flexion des thèmes qui suivent devait être distincte de celles des autres thèmes finissant par u. La plupart sont féminins. Gr. véKUÇ masc, zend naçu fém. Gr. T^vuç, got. kinnus, skr. hânu, tous trois féminins. Got, hairus masc, skr. çâru fém. Skr. dhànu fém., gr. *dévuç masc. (gén. Oïvôç pour *ôevil3ç; cf. OeivÛJV" aÎYictXujv Hes.). Ici se placent encore skr. pàrçu fém., gr. X^^^Ç (russ. zelvï venant de *zïlûvî. J. Schinidt, Foc. II 23), got. qipus, germ. lemu- «branche» (Fick III^ 267), lat. penus. Puis avec une accentuation différente, gr. beXqpûç, skr. paraçû = gr. TtéXeKuç. — Cf. § 12.

Neutres: indo-européen md^dhu et pàikiU.

��Des trois formes que chaque racine (voy. p. 127) est susceptible de prendre, nous avons vu que celle qui est dépourvue d'à ne peut

��«obtenir»); mais âvedam n'est pas nécessairement ancien. On conçoit donc qu'à l'époque où l'oj de wa^ida subsistait comme tel wa^idman ait pu paraître étrange et impropre à rendre l'idée de savoir. Le choix restait entre tca^idman elmdman; ce dernier prévalut.

1. Par étymologie populaire: -rrveûinujv. Le lat. pulmo est emprunté au grec. TrXeupd parait être le vieux sax. hlior «joue» (primit. «côté»?).

�� � 126 RELATION DES PHONKMES rtj ET Oj.

pas prétendre à la priorité. Le litige n'est plus qu'entre les deux formes caractérisées par les deux variétés de l'a, a^ et «2- Ce qui nous semble décider sans conteste en faveur de a^, c'est la fréquence de ce phonème, et cela dans les paradigmes les plus importants. Par exemple dans toute la flexion verbale, ag ne fait son apparition qu'à deux ou trois personnes du parfait. Quelle raison avons-nous de croire que des gisements entiers de a^, tels que nous les aper- cevons dans les différents présents, n'aient pu naître que par l'alté- ration du phonème 02? Au contraire, dans un cas du moins, nous prenons sur le fait le développement de a^: c'est lors(iu'il sort de Ya^ thématique devant les consonnes sonores des .désinences verbales (p. 83). Si ailleurs sa genèse se dérobe encore à notre regard, on entrevoit cependant la possibilité d'une explication; le phonème n'apparaît en effet qu'à certaines places très déterminées.

Un phénomène digne de remarque, mais qui, dans cette question, peut s'interpréter de deux façons opposées, c'est l'apparition de a^, à l'exclusion de ag, dans les cas où le rejet de l'a est prescrit, mais en même temps empêché par une cause extérieure (p. 46). Ainsi, au temps où le pluriel de bébopKa faisait 6€brK(a)^ev, le pluriel de TéTOKtt, avons-nous conclu p. 682, faisait TeTeK(a)|Liev. M. Brug- mann montre comment le thème pad, accusatif pa^dm (rrôba), empêché qu'il est de faire au génitif: pdds, s'arrête à la forme pa^dds (pedis). Voilà, pourrait-on dire, qui prouve que a^ est une dégradation de ag. Mais celui qui part d'un thème pa^d aura une réponse tout aussi plausible: pa2d est une modification extraordinaire qu'il n'y a aucune raison d'attendre dans les formes exposées aux affaiblisse- ments; si l'affaiblissement est paralysé, c'est forcément le thème pur pa^d qui apparaît.

Seconde question. Sans vouloir se prononcer sur la priorité de l'un ou de l'autre phonème, M. Brugmann tient que a^, par rapport à a^, est un renforcement; que a^, par rapport à a^, est un affai- blissement {Stud. SI 1,Z84). Nous-méme, à la page 7, appelions a^ une voyelle renforcée. Ces désignations prennent un corps si on admet que l'échange de a^ et a^ est en rapport avec les déplace- ments du ton; c'est là l'opinion de M. Brugmann. Si on pense, et c'est notre cas, que l'échange des deux phonèmes est indépendant de l'accent, il vaut mieux s'abstenir d'attribuer à l'un d'eux une supériorité qui ne se justifie guère.

Si ag est une transformation mécanique de a^, cette trans- formation en tous cas était consommée à la fin de la période pro-

�� � LE VOCALISME DES RACINES GRAVITE AUTOUR DE Oj ET Oj.

��127

��ethnique, et les langues filles n'ont plus le pouvoir de la produire. Il est fort possible par exemple que ttXoxmôç n'ait été tiré de TtXéKiu qu'à une époque qu'on peut appeler moderne. Mais il va bien sans dire que l'o de tt\ox|iIÔç n'est pas sorti de Ve de TrXéKuu. La langue a simplement moulé cette forme sur les substantifs en -\xo-ç qu'elle possédait auparavant.

��§ 11. Rôle grammatical des phonèmes a et o. Système complet des voyelles primordiales.

Quand on considère les cas suivants de la permutation a^ «g- got. hlifa hlaf, gr. KXéîTTUJ KÈKXoqpa, gr. ïtcttoç mire, et qu'on leur compare les cas suivants de la permutation a a: got. saka sôk, gr. XctaKUJ XéXâKa, gr. vu|n<pâ vu|Liqpâ, la tentation est forte, assurément, de poser la proportion a:a= ag-^i- Mais ce serait s'engager dans une voie sans issue et méconnaître le véritable caractère des phéno- mènes. Nous allons, pour plus de clarté, construire tout de suite le système des voyelles tel que nous le comprenons. Il n'est question provisoirement que des syllabes radicales.

Le phonème a^ est la voyelle radicale de toutes les racines. Il peut être seul à former le vocalisme de la racine ou bien être suivi d'une se- conde sonante que nous avons appelée coefficient sonantique (p. 9).

Dans de certaines conditions qui ne sont pas connues, a^ est remplacé par a^; dans d'autres, mieux connues, il est expulsé.

% étant expulsé, la racine demeurera sans voyelle dans le cas où elle ne contient point de coefficient sonantique. Dans le cas contraire, le coefficient sonantique se montre à nu, soit à l'état autophtongue (j). 9), et fournit une voyelle à la racine.

Les phonèmes a et o sont des coefficients sonantiques. Ils ne pourront apparaître à nu que dans l'état réduit de la racine. A l'état normal de la racine, il faut qu'ils soient précédés de a^, et c'est des combinaisons

��aj-j-A, a^ -|- o, que naissent les longues a, ô. s'effectue devant a et o comme ailleurs.

��La permutation a^ : a^

��Vocalisme des racines dans l'indo-européen.

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Désignations utiles

Pour a1A et a1o après la contraction: A1 et ô^. » a2A » a2o » » » A2 * Q^.

La théorie résumée dans ce tableau a été appliquée plus haut à toutes les espèces de racines excepté celles qui contiennent a et Q. Ce sont elles que nous allons étudier maintenant.

Pour distinguer l’une d’avec l’autre les deux formes que peut prendre la racine pleine selon que l’a radical est a^ ou a^, il n’y a pas d’inconvénient à appeler la première le degré 1 (état normal), la seconde le degré 2. Nous ne voulons pas dire par là qu’une des deux formes soit le renforcement de l’autre (v. p. 126).


I. Racines finissant par à.


a. RACINE PLEINE AU DEGRÉ 1.

Ce qui parle bien haut pour que ^ et ^ soient autre chose que des voyelles simples, c’est que partout où d’autres racines sont au degré 1, les racines en a ont une longue. Pourquoi, du fait qu’il finit la racine, l’a se serait-il allongé? Si au contraire ’Â est assimilable à une diphtongue, cTTajuujv en regard de CTTaxôç s’explique exactement de même que l’indien geman (ê = a^i monophtongué) en regard de gità1. Toute racine en à est identique dans son organisme avec les racines comme hai, nau^, et aussi tan, bhar (type A, p. 9).

Nous avons à faire la revue des principales formations du degré 1 énumérées au § 10. Il faut pour que la théorie se vérifie que nous trouvions dans ces formations ^^ et ç^. Le nombre des exemples est restreint. Ils n’ont de valeur que si l’échange entre la racine pleine et la racine faible subsiste2.


1. Pour le grec, la soudure de l’augment avec un .,* ou un o initial, soudure qui s’est accomplie à une époque préhistorique, est un parallèle très remarquable aux contractions radicales que nous supposons. Dans Syov, iliqpeXov, ïà vient de a, -|- ^ et l’ô de a, -|- p absolument comme dans otû- et buj-. On sait que M. Gurtius (Verb. 1’ i30 seq.) se sert, pour expliquer la soudure en question, de l’hypothèse de l’unité originaire de l’a. Nous ne pouvons donc ni partager ni combattre sa théorie.

2. Pour plus de clarté, quand il est constaté que l’ri d’une racine n’est pas Vr\ panhellène, nous écrivons toutes les formes par a.

3. Cette conception ne diffère pas essentiellement de celle qui a assez généralement cours depuis Schleicher. Seulement comme kai en regard de ki est pour nous non une gradation, mais la forme normale, nous devons aussi partir LES FORMES RADICALES TELLES QUE OTÔ- ET &UJ-. 129

Sur les PRÉSENTS DE LA 2® ET DE LA 3® CLASSE, V. p. 137. La

racine, dans les formes pleines, est du degré 1.

Aoriste sigmatique (v.p. 121). Le grec fait ë-aiâ-cra, ë-pâ-ffa, wvâ-Oa. Une forme comme l-arâ-cra, c'est-à-dire e-stea-sa de stea (stOiA) est le parallèle parfait de e-bei-Ca. Sanskrit â-hâ-sam, à-dâ- sam; zd. çtâo-nh-a-t (subj.).

Futur (v.p. 121). Grec pœ-aojLiai, (Jid-auj, cpa-auj, q)^â-(To|aai, iiO-(Tuj; cf. irXeu-croûiuai etc. Sanskrit dâ-sydti, gâ-syàti.

Thèmes neutres en -man (v.p. 123). Cï.Jjoheck, Par alipomena 425 seq. Grec pâ-|ua, (Td-|aa, au-(JTâ-|Lia, cpâ-)iia. Les présents bpàou et TTdoiiai diminuent la valeur de bpâ-|ia et 7Tâ-|Lia. Dans Trô-|aa, nous assistons à un empiétement de la forme faible, mais en même temps TTUJ-|Lia subsiste.

Latin gra-men (moy. h'^-all. griie-jen «virescere»), stâmen, ef-fd- men, lâ-min-a.

Sanskrit dd-man,. sd-man, sthd-man.

Thèmes masculins en -man (v.p. 124). Gr. axà-^vjv, [tX^-^ijuv]. Got. sto-ma -ins, blo-ma -ins. Skr. dâ-mdn.

Thèmes en -tar (v.p. 125). ^Vv.dâ-tdr^ pd-tar «buveur», pâtdr «protecteur», sthd-tar etc. La langue hellénique n'a pas su main- tenir cette formation dans toute sa pureté. La perturbation a été causée par les adjectifs verbaux en -rô qui de plus en plus com- muniquent la forme faible aux noms d'agent. Homère emploie «ncore parallèlement bo-irip, buj-xuup et 5uu-Tr|p; po-Tr|p, pdb-Tuup et (Tu-Pub-Triç (dans Sophocle puj-rrip). A côté de Pa-Tr|p on peut citer €|iiTrupi-pr|-Triç, car il est bien probable que la formation en -Tôt s'est dirigée sur les anciens thèmes en -tar. Pour expliquer le mot obscur àqpriTUjp {Iliade IX 404), le scholiaste se sert de iroXu-qpri-TUjp. On a aussi ôvi-icjup, mais l'adj. verbal fait lui-même ôvœiôç. Dans . I

du degré stà et non de sta. Voici, en dehors de cette différence de principe, ce qui est modifié: 1° Modification liée d'un côté à la pluralité des a, consti- tuant de l'autre une hypothèse à part: différents a peuvent former le second terme de la combinaison a -\- a, mais le premier a est toujours a^. 2° Modi- fication découlant de celle qui précède jointe à la théorie de a^: il s'effectue, au sein de la combinaison, un uhlaut (a, : a^. Par là même la reconstruction a -\- a cesse d'être théorie pure. — La différence de principe mentionnée, com- binée toutefois avec la modification 1, s'accuse le plus nettement dans ce point- ci, c'est que l'a long se place au même rang que l'a bref (quand cet à est a^, ainsi |af|Koç = meakos n'est plus considéré comme renforcé^ en comparaison de

TëKOÇ.

de Saussure, Oeuvres. - 9

�� � 130 LES FORMES RADICALES TELLES QUE CTU)- EN REGARD DE aTÔ-.

aia-Trip et iro-iripiov la forme faible est installée. Hésychius a ^a-Tr|p * èpeuvriiriç, inaTripeùeiv ' luacTieOeiv, de |Liaîo)Liai.

Latin mâ-ter-ies (cf. skr.md-trâ) et mâ-turns auquel on compare le si. ma-torû «senex»^ pô-tor, po-culum = ekr. pd-tram (il faut dire que pô- n'existe pas). Les formations irrégulières ne manquent pas, ainsi dâ-tor, Stà-tor.

Le sanskrit, dont le témoignage est le premier en importance, ne connaît que la forme pleine; le grec a plus généralement la forme réduite, mais aussi la forme pleine; le latin ne décide rien. On peut donc affirmer sans témérité que la formation régulière demande les longues^, ô, c'est-à-dire le double son a^A, a^Q^ soit l'état normal, comme pour toutes les racines. Cf. du reste le § 13,

b. RACINE PLEINE AU DEGRÉ 2.

Voici où se manifeste la réalité de la reconstruction ea comme forme première de â. Dans les formations où \e radical est rem- placé par (ag), le grec laisse apparaître à la place de l'a long final, un lu^. Ces cas, disons-le tout de suite, ne sont pas fort nombreux; mais ils se répètent dans les racines où a. est médial (^âY : KU)LiaT- mYTl), et nous croyons ne pas être trop hardi en mettant Xau des parfaits sanskrits comme dadhaû en rapport direct avec eux. Pour éviter de séparer les différentes formes du parfait, nous ferons la justification de ce dernier point sous la lettre c.

Racine pa: ^à]X(x mais puj-|uôç; cf. Kép-|na, Kop-|Liôç (p. 123et70).

Racine i|)â (ipdiu, vpri-pôç): ipiu-uôç. qjuuuj est un verbe forgé.

Le mot 0"TUJ-|aiH «solive» permet de rétablir *aTiu-|Lio ((TTôt).

Racine qpâ: fut. (p2^-auj mais qpuj-vri^; cf. xei-auj, ttoi-vh (p-121 et 73). Néanmoins on a (p^-)Liâ et non *(pii)-|Liâ.

La racine TPâ «ronger» donne TPiAJ-vn «excavation». Ici encore: (T)Liuu-VTi «tumeur», si le mot vient de (J)aàiu; cf. (T|Liuùbi2.

Devant le suff. -ra, \â. fait x^: x6d-p(x. Comme exemple ser- vant à établir que cette formation prend a^, je n'ai point d'autre mot à citer que (Jcpo5-pô-ç en regard de (J(peb-avôç. De même ipdui fait ijiui-pa^.

��1. Cf. le dat. ÏTTiTt|j = l'iiTCO-ai (p. 86).

2. Le dor, TroXûtpflvoç est très douteux. Alirens II 182.

3. Voici des cas plifs problématiques. 'A côté de atTaTÎXri et de ofaTTciTii: o(-oiTUJTyi. L'homérique |LieTa|idjvioç vient peut-être de laaionai, mais le prés. liûiToi, lui-même très obscur, compromet la valeur de l'iu. A l'ai de DbreiXri et de PiuTdZciv pdWciv est opposé un a dans YOTdXm, mais oÙTduj embrouille tout.

�� � LES FORMES RADICALES TELLES QUE OTUJ- EN REGARD DE OTÔ-. 131

Si fi, lu, ne sont pas des combinaisons de Ye, ces faits nous apparaissent comme une énigme, h'ablaut qui s'effectue au moyen de Yo est par son essence même lié à l'existence d'un e^. Sans a^, point de a^. D'où un a aurait-il reçu le pouvoir de permuter avec le son 0? Il me semble que tout s'éclaircit au contraire si, â étant pour ea et comparable à la diphtongue ei, on ramène ô k oa en l'assimilant à oi.

Il faut supposer de même l'existence d'une ancienne combinaison OgO; seulement elle n'est plus observable pour nous. Par exemple dans biîj-pov, si nous jugeons d'après x^'P*^ de xôi» la syllabe dô se décompose en dog?, tandis que le dô de bi-5uj-|ni représente deç. — Ces différentes combinaisons sont incorporées au schéma donné plus haut. V. aussi p. 137.

Ce n'est que le plus grand hasard qui nous permet de sur- prendre encore les vestiges si significatifs de la permutation â : o. La langue des Hellènes est à cet égard presque l'unique lumière qui nous guide. Et même pour elle, ces précieux monuments ap- partiennent au passé. L'échange vivant entre les deux voyelles a évidemment cessé depuis longtemps.

Le latin n'a point d'exemple assuré de Vahlaut A^:A^. Il n'y a pas lieu de s'en étonner: c'est tout juste si cette langue a gardé quelques débris du grand échange a^ : a^. Mais on peut dire sans crainte de se tromper que Â^ en Italie serait distinct de A^ aussi bien qu'en Grèce.

En germanique au contraire la différence n'est plus possible: A^, comme nous savons, devient ô; A^ de même. L'anglo-saxon grôve^ parf. greôv, serait, restitué sous une forme plus ancienne, grô-ja, ge- gro. Des deux o de ce verbe, le premier répond à l'a du lat. gra- men {A^), l'autre est de même nature que l'uj de Puj-|liôç {A^). Tout ce qui est vrai de Yo germanique l'est aussi de l'a slave et de Yo lituanien. Ces phonèmes — qu'on peut réunir sous le nom d'à du nord, par opposition à Yê de la même région — contiennent encore vi 6t ôgî lesquels, étant confondus même en grec, ne sont donc distingués nulle part l'un de l'autre. Exemple: si. da-jq, da-rûy cf. gr. bi-5uj-|Lii, bûj-pov (5>i et % v. ci-dessus).

Avant de passer au degré affaibli des racines en a nous ouvrons une parenthèse, afin d'envisager sans plus tarder la question des

��1. Sur les cas comme û^uu ôfMoç v. page 97.

9*

�� � 132 parenthèse: racines finissant par e.

racines qui en Europe finissent par e. Ces racines, en grec, font alterner la brève et la longue exactement comme les racines en a et en o (p). Laissant de côté préalablement le problème de l'origine et de la composition de Vë long, nous citons quelques exemples des formations du degré 1. Singulier actif du présent de la 8® classe (v. p: 138): TÎ-ôri"l^i» î-l-^iî 6i-bri-|ai. Pour le singulier de l'aoriste actif, la formation en -Ka de ê&TiKa, êrjKa, nous enlève des exemples; il y a l-(S^r\v si la racine est a^x]. Aoriste en -(Sa: l-br]-(Ta, ë-vr|-CTa(?). Futur: ^r|-(Tiu, fi-aui, bn-criu. Mots en -|Lia: àva-dri-M". H^^ct» bid-bri-iLia, vn-|iia, (Txfj-iLia (rac. Ox-x]). Mots en -|liujv: ^r|"l^iÂJV, fî-|aujv. Les mots en -Tr|p, nous l'avons vu, ont suivi l'analogie des adjectifs terbaux en -TÔ.

Dans les formations du degré 2, on trouve u».

Le véritable parfait de ïrijui est ê-uj-Ka; otqp-éujKa est rapporté par Hérodien et par d'autres grammairiens. 11 y a eu addition de -Ka sans modification de la syllabe radicale, v. p. 140. Les tables d'Héraclée ont dvéujffdai^. Le verbe tti-ttt-uu forme son parfait sur une racine apparentée Trxri dont nous n'avons pas à rechercber ici la formation; îTTn donne régulièrement Tré-Trruj-Ka^. Le participe Tre-7TTTi-(/")iIjç n'a pas et ne doit pas avoir uu. Le prés. biojKO) permet de conclure presque à coup sûr à un ancien parfait *be-bîuu-Ka de 5ir| (bîe-|Liai) duquel il est né lui-même à peu près comme dvuJT^JU de âvuJYtt. Le parf. bebiuixa (Curtius, Fer6. II 191) est refait sur biubKUi.

La racine br\ fait dr|-|Liujv mais &uj-|aôç; cf. répinuiv, TÔp)ioç.

duu-TOV vient probablement de àr]-[n; cf. vôcJtoç de ved (p. 72).

L'accord des langues européennes pour Vê long est un fait connu^. Dans les idiomes germaniques, à l'exception du gotique, ce phonème prend la forme de â, mais la priorité de Vë a été reconnue de plus

��1. Au moyen l'iu n'est pas primitif. Il n'existait d'abord qu'au singulier de l'actif. Mais la valeur de cette forme comme témoin de l'ui n'en est pas amoindrie.

2. Sur le itto» ainsi obtenu se développent des formes fautives, grammati- calement parlant, comme UTÔiiao et TZTÛJaiq.

3. Durant l'impression de ce mémoire, M. Fick a publié dans les Beitràge de Bezzenberger (II 204 seq.) d'importantes collections d'exemples relatives ii 1'^ européen. Il est un point sur lequel peu de linguistes sans doute seront dis- posés à suivre l'auteur: c'est lorsqu'il place l'ê du prétérit pluriel germanique gëbum (pour gegbum) sur le même pied relativement à e que l'ô de for relative- ment art. — Le savant qui le premier attira l'attention sur l'ê long européen est, si nous ne nous trompons, M. J. Schmidt, Vocalismus I 14.

�� � parenthèse: racines finissant par e. 133

en plus depuis Jacobi (Bevtr. zur deutschen Ghramm.). A la fin des racines, e se montre principalement dans gh^ê «aller», (7^ê «allaiter», ■ne «coudre», mê «mesurer», wê ânvai, se «jeter, semer». Exemples du degré normal: gr, KÎ-xn-M»» v, h^-all. gâ-m (cf. skr. gikiie^ lat. flo pour *jiho)\ gr. fi-|na, lat. së-men, v. h*-all. sâ-mo, si. sé-mç, lit. sè'-men-s.

A Vablaut grec r\ : iw (ir]}ii : êuuKa) répond exactement Vablaut du nord ê:a (germ. lit. 5). C'est celui qu'on observe dans les prétérits gotiques sai-so, vai-vo, lai-îo, venant de racines .se, vë, lé. Le germ. dô-ma-, employé comme suffixe, ne diflfère pas du gr. Ouj-|liô; ë ap- paraît dans dê-di- « action ^. En lituanien on a pa-dô-na-s «sujet», lequel vient très probablement de la même racine dhë.

Le latin ici ne reste pas absolument muet: de la racine në-dh (vr|-ô-iw), amplification de né, il forme nodus.

L'ê long, dans notre théorie, ne doit pas être un phonème simple. Il faut qu'il se décompose en deux éléments. Lesquels? Le premier ne peut être que a^ (e). Le second, le coefficient sonantique, doit apparaître à nu dans la forme réduite (p. 127). La forme réduite de dri, c'est Oe. En conséquence on dira que ë est fait de e-\-e. L'o de duu)Liôç alors représenterait 02~h^-

Cette combinaison OgC, nous la connaissons depuis longtemps. C'est celle qui se trouvait dans le nom. pi. got. vulfos, osq. AbellanOSy et à laquelle nous avons donné le nom de âg (p. 86).

Cependant — et ici nous abordons la partie la plus difficile et la plus obscure peut-être de notre sujet — on s'aperçoit en y regar- dant de plus près que le témoignage du grec est sujet à caution et que l'origine de Vë long est un problème extraordinairement complexe.

1® Une combinaison Uia^ parallèle aux combinaisons a^A, a^i, a^n etc. fait l'effet d'un contre-sens. S'il y a une raison pour que a^, avec son substitut «g» possède des attributions qu'aucune autre sonante ne possède, pour que toutes n'apparaissent que comme les satellites de ce phonème, comment admettre que ce même a^ puisse à son tour se transformer en coefficient?

2^ Le grec paraît être le seul idiome où les formes faibles des racines en ë présentent e. Les principaux cas sont: de-TÔç, Tide-)uiev; é-TÔç, ïe-|Li€v; be-TÔç; bie-^al; jLié-xpov; è-pp€-dr|v, d-axe-Toç, â-irXe-TOç. En Italie que trouve-t-on? La rabine européenne se fait au participe sà-tus. A côté de rë-ri on a rà-tus, à côté de fê-lix et fê-ius, af-fà-tim.

�� � 134 parenthèse: racines finissant par e.

suivant l'étymologie de M. Fick. De la racine dhë «faire» vient fà-c-io^ (Curtius),' de la rac. wê (dans vê-lum, e-vê-lare) va-nnus.

Les langues du nord ont renoncé le plus souvent aux formes faibles des racines en a et en ê. Il y a donc peu de renseignements à espérer de ce côté-là, mais ce qui reste confirme le témoigagne du latin. M. Fick rapporte en effet à blë «souffler» (anglo-s. ôiâmn) le germ. blà-da- «feuille» et à mé «metere» (anglo-s. mâvan) mà-pa- «ver». Suivant quelques-uns le got. gatvo «rue» appartient à gê «aller». En lituanien mê donne rnatûti «mesurer». Peut-être est-il permis aussi de nommer si. dojq = got. da[dd]ja de dhë tallaiter». Quant au got. vinds, lat. ventus, c'est une forme qui peut s'interpréter dp plusieurs manières et qui n'établit nullement que wë fasse au degré réduit ive.

Dans le grec même on peut citer à la rigueur Kidoiuai et xpâo|uai de Kxri et XPI (Ahrens II 131), Ti-da-crôç de ôr) {Grdz. 258), iLiaxîov qui aurait signifié petite mesure (v. le Thésaurus d'Etienne) et qui dans ce cas ne peut venir que de mê «mesurer», aira-viç en regard du lat. pê-nuria.

On pourrait invoquer, pour établir que les formes faibles ont eu e dès l'origine, les racines secondaires, ou passant pour telles, comme med de më. Mais il s'agirait alors de démontrer dans chaque cas que la racine est bien réellement secondaire. Si elle remonte à la langue mère, nous considérons le type me-d et le type më (= me -|- a) comme deux rejetons également anciens du tronc *m«-. La racine germanique stel «dérober» est censée sortir de stâ (p. 62). Or cette dernière racine n'apparaît nulle part sous la forme siè. On voit par là quel fond l'on peut faire sur ces racines secondaires, pour déterminer le vocalisme de nos racines en ê.

Il ressort de ce qui précède que la voyelle des formes réduites de nos racines diffère en tous cas de ce qu'on appelle 1'^ européen. D'autre part nous ne voudrions pas identifier Va de satiis directement au phonème a. Ce n'en est, croyons-nous, qu'une modification (v. p. 167 seq.).

3° On observe entre l'ê et l'a longs des langues d'Europe des variations surprenantes, inconnues pour les voyelles brèves corres- pondantes.

��1. Con-di-tus de la même racine peut se ramener ii *con-da-tus.

�� � parenthèse: racines finissant par e. 135

a en grec et en germanique: ê en latin et en letto-slave. Gr. l-tpdû-v, q)dd-ao|Liai; v. h^-all, spuon: lat. spes, si. spè-jq.

â en gréco-italique et en letto-slave: ê en germanique. Lat. stâ-men; gr. ï-0"T!X-|ai; si. stati: v. h*-all. stê-ni, sta-m (mais aussi stoma, -ins, en gotique).

Lat. ta-bes; si. ta-jq: anglo-saxon ^â-van (= *pë-jan). A rinté'ieur du mot: gr. jli^kujv, si. makii: v. h^-all. wâg^o.

ê en grec et en letto-slave: â en germanique, etc. Gr. Ti-d)"i-|Lii, si. déti: v. h*-all. tuo-m (mais aussi tâ-t). Gr. MH-Tiç: got. mo-da-.

Lat. cêra; gr. Kripôç: lit. Tcôris (F. 1^523). Il faut mentionner encore le v. h*-all. int-chnâan en regard du gréco- it. gnô et du si. zna- («connaître»).

Entre le grec et le latin la même instabilité de Va long s'ob- serve dans plusieurs cas:

Gr. ôpâ-voç, lat. frê-tus, frê-num. Gr. pâ-|iev, lat. bê-t-ere. Dans l'intérieur de la racine: gr. r\}xi, lat. âjo; gr. i^juai, lat. anus (Grdz. 381). A Vy\ panhellène des noms de nombre TrevTrjKOVia, éErjKOVTa (Schrader, Stud. X292), est opposé en latin un a: quinquâginta, sexâginta.

Les cas que nous venons de voir amènent à cette conclusion, qu'il est quasi impossible de tirer une limite fixe entre l'a et Yé européens. Dès une époque reculée la répartition des deux voyelles était accomplie très certainement pour un nombre de cas détermine, et ce sont ces cas qu'on a en vue quand on parle de l'ê, de l'a européen. Mais, je le répète, rien n'indique entre ê et h une différence foncière et primordiale. — Qu'on se rappelle maintenant les faits relatifs à la forme réduite des racines en ë, le participe latin sa-fus de se etc., qu'on pèse aussi les considérations théoriques développées en commençant, et l'on ne sera pas éloigné peut-être d'admettre la supposition suivante: les éléments de l'ë seraient les mentes que ceux de l'a, lexir formule commune étant a^ -j- a.

Nous ne sommes pas en état de donner les règles suivant les- quelles la soudure des deux phonèmes a engendré tantôt ê tantôt a. Nous faisons seulement remarquer qu'une telle hypothèse ne lèse point le principe de phonétique en vertu duquel le même son, placé dans les mêmes conditions, ne peut donner dans un même dialecte deux produits différents. Il s'agit en effet de voyelles consécutives (aj-f^) qui ont subi une contraction. Qui voudrait nier que bien

�� � 136 CONTRACTIONS DE LA COMBINAISON ea.

des facteurs dont nous ne savons rien, telle nuance d'accent dont la plus imperceptible suffisait pour modifier le phénomène^, ont pu être en jeu dans cette contraction?

Il découle de l'hypothèse que l'uu de puj)Li6ç et l'uj de duj|aôç sont identiques.

Quant à l'époque de la contraction, c'est une question que nous avons déjà rencontrée à propos du nom. pi. vulfos et autres cas de ce genre p. 86. Toutes les fois qu'on observe une variation entre l'ê et Va comme pour le si. spé- en regard du germ. spô-, ce sera pour nous l'indice que la contraction est relativerhent récente^. Mais l'histoire du phénomène se décompose très probablement en une série d'époques successives dont la perspective nous échappe. Rien n'empêcherait d'admettre par exemple que la rac. icê «souffler» ou le mot hhràter «frère» aient opéré la contraction avant la fin de la période proethnique.

Pour ce qui concerne l'e des formes grecques comme de-TÔç, il sera plus facile de nous faire une opinion à son sujet, lorsque nous en viendrons à l'I indien comme représentant d'un a bref. Il suffit pour ce qui suit de remarquer que cet ï est la voyelle qu'il

��1. La prononciation des diphtongues lituaniennes ai et an diffère du tout au tout, d'après la description qu'en fait Schieicher, selon que le premier élé- ment est accentué ou non. Et cependant ai et ai, au et au, sont entièrement identiques par l'étymologie.

  • 2. L'échange assez fréquent de l'a et de l'ê dans la même langue s'ex-

plique si l'on admet que les deux produits divergents de la contraction ea con- tinuèrent de vivre l'un à côté de l'autre. Ainsi le v. ht-all. tà-t à côté de tuo-m, le grec Ki-xri-|Lii et Ki-xâ-vuj, iTfî-|Lia et trâ-d (p. 143), ^r|-Tu;p et eipdl-va; le lat. më-t-ior et mâ-teries. — Un phénomène plus inattendu est celui de la variation ë-â dans le même mot entre dialectes très voisins. 11 va sans dire que ce fait-là ne saurait avoir de rapport direct avec l'existence du groupe ori- ginaire ea. Ainsi les mots r\^a, r\\x\-, f^auxoç, t^iuepoç, prennent â dans certains dialectes éoliques et doriques, t] dans d'autres. V. Schrader, S^wrf. X 313 seq. La racine pâ donne en plein dialecte d'Héraclée Pou-pfiTiç. En Italie on a l'incom- préhensihle divergence de l'optatif ombr. porta-ia avec s-ië-m (= gr. eïriv). Le paléoslave a rèpa en regard du lit. ropé lequel concorde avec le lat. râpa etc. M. Fick compare à ce cas celui du si. rêka «fleuve» opposé au lit. roké tpluie fine» (II' 640). Ici l'hypothèse d'une métaphonie produite par Vi suffixal qui se trouve dans l'e lituanien aurait un certain degré de vraisemblance. — Enfin un troisième genre de phénomènes, c'est la coloration germanique et élé- enne de l'ê en â qui est un souvenir de l'ancien groupe ea, en ce sens qu'elle indique que l'ê européen était en réalité un a fort peu différent de l'a. En la- tin même on a vu dans Vae de saeclum, Saeturnus (cf. Sàturnus) l'essai ortho- graphique d'exprimer un ë très ouvert.

�� � KTAT REDUIT DES RACINES EN a.

��137

��faut attendre en sanskrit dans toute forme réduite d'une racine en â. Abordons maintenant, en y faisant rentrer les formes des racines en t", Tétude du degré réduite

C. ÉTAT RÉDUIT.

Dans les deux premières formations verbales que nous aurons h considérer il y a alternance de la racine réduite et de la racine pleine. La forme pleine (qui n'apparaît qu'au singulier de l'actif) est au degré 1 pour le présent (2® et 3® classe), au degré 2 pour le parfait.

Comparez

(pa-|ui ■= phea-ini qpa-c = phea-si qpâTÎ = phea-ti (p&}xéc = plia- m es

��Présent de la 2* classe,

skr. às-mi eî-jni

àss)i eî-ç

ds-ti el-ai smds ï-^ieç

��On le voit, la racine phea ou pha^A ne se comporte pas autre- ment que la racine a^i, la racine a^s ou n'importe quelle autre racine. èTTi-(TTa-)iiai, verbe déponent, présente l'a bref régulier. Curtius, Verb. V 148.

��1. Il sera bon peut-être de résumer dans un tableau les différentes espèces d'rt brefs et d'à longs (c.-à-d. doubles) que nous avons reconnues. Voici les a du gréco-italique et du germanique groupés d'abord uniquement d'après les caractères extérieurs :

��Gréco-italique

� �Gei

�e

ë

�a

â j

!

�e : ë

��Germanique

��En marquant la relation des différents a entre eux on obtient:

��Etat primordial

� �a

�9

�e

�ea (il)

�P9 (9i)

�o.

�Oja ûî)

�O3Ç (92)

���Germanique

� �a

�e a

�ë

��Cf. le tableau de la page 127.

�� � 138 ÉTAT RÉDUIT DES RACINES EN rt.

Le sanskrit a presque complètement perdu la forme faible; voy. plus bas.

Pour l'aoriste non-thématique, qui est un imparfait de la 2* classe, M. J. Schmidt (-ST. Z.XXIII282) nous semble avoir prouvé surabondamment ceci: toutes les formes grecques qui n'appartiennent pas au singulier de l'actif et qui ont une longue, ainsi ë-(JTâ-)Liev, sont des formes secondaires faites sur le modèle de ce singulier, à moins qu'il ne s'agisse d'un genre de racines spécial, les racines à métathèse comme 7TXr|. Va bref est conservé entre autres dans pâ-inv de ë-pà-v, q)dd-|aevoç de ë-q)9â-v, dans ë-bo-|Liev, ë-ôe-|nev, eî-|nev^. En même temps M. Schmidt affirme le parallélisme si important de l'a, long du singulier avec la «-gradation» telle qu'elle se trouve dans eî|ni en regard de ïiaev. Dans l'aoriste même, nous connaissons maintenant des formes grecques à gradation; ce sont celles qu'a découvertes M. Brugmann (v, Beitràge de Bezzenberger 11 245 seq. et ci-des8us p. 21), ainsi ë-x€u-a en regard de ë-xu-TO.

Schleicher, dans son Compendium, reconnaît la quantité variable de l'a. M. Curtius, tout en l'admettant pour le présent et l'im- parfait, est d'avis que l'aoriste ne connaissait originairement que la voyelle longue. Mais pouvons-nous mettre en doute l'identité for- melle de l'aoriste avec l'imparfait? Pour ce qui est de l'a long per- sistant des formes ariennes, l'aor. d~patâm n'est, bien entendu, un argument à faire valoir contre la primordialité de Pa-Tr|v qu'à la condition de regarder aussi le présent q)â|ui qpâ|aév comme vne innovation par rapport à pâmi pâmas. Il existe du reste en sanskrit des restes de la forme faible restreints, il est vrai, au moyen: dhâ a-dhî-mahi et peut-être dhî-mahi (Delbrùck p. 30), de sa {sâ-t, sâ-hi) sï-mahi, de ma, au présent, mi-mahe (v. Bohtl.-Roth). Puis les formes incorporées dans le paradigme de l'aoriste en s comme cisthita et ddhita que cite M. Curtius^.

Présent de la 3® classe, La flexion grecque de 'i-ajâ-\ii, i-csâ-[ii (cf . act-fAtt), bi-buj-)Lii, Ti-&ri-|Lii, 'î-r|-m, est toute pareille à celle de q)â-)Lii. Le lat. dà-mus, dà-te etc. reflète la forme faible. La 2* pers. dâs paraît avoir suivi la V conjugaison. L'équivalent de bibiuç serait *dos.

1. Il semblerait, si ëOTOTo chez Hésychius n'est pas corrompu de ïaTaro, que éOTûv ait eu un moyen éoTâ|ar|v.

2. Pour écarter les doutes qui pourraient encore surgir relativement à l'extension de la forme forte telle qu'on la doit supposer ici pour le sanskrit, il faut mentionner qu'à l'optatif en-i/d, le pluriel et le duel de l'actif (rft;/s.i/a»'ff, dvièyâca etc.) sont manifestement créés postérieurement sur le modèle du sin- gulier. V. § 12.

�� � ÉTAT RÉDUIT DES RACINES EN à. — J'ARFAIT. 139

Ici le paradigme indien n'a point perdu les formes réduites : gd-hâ-mi, gd-hâsi, gd-hâti; pluriel ga-hi-mds etc.; duel ga-hï-vds. Au moyen on a, de l'autre racine hâ (s'en aller), gi-hi-se, gi-hite, gi-hi- mahe etc. Ainsi se fléchissent encore ma «mesurer» et dans leVéda les racines çà «aiguiser», çâ «donner», râ (rirïhi) id. La rac. gâ «aller» conserve partout la forme pleine, uniformité qui, d'après tout- ce que nous pouvons observer, doit être hystérogène. C'est ainsi que dans le dialecte védique hâ «abandonner» a perdu lui-même la forme faible. — Sur dadînds et dadhmds, v. p. 167.

Parfait, h'au du sanskrit dadhaû (3® pers. sing.) nous semble fournir un nouvel indice de la variété primitive des a ariens. Si l'on met en regard dadhaû et é'uj[-Ke], âçvau et '(ttttuj (dvaû et bvuj, nau et vdb), astati et ôktuj, on se persuadera qu'il y a une espèce d a qui en sanskrit se change en*au à la fin du mot, et que cette espèce d'à résulte d'une combinaison où se trouvait ag. Les formes védiques qui sont écrites par â comme paprâ, àçvd, indiquent sim- plement une prononciation moins marquée dans le sens de Van (peut- être à"). Partout ailleurs qu'à la fin du mot la voyelle en question est devenue a: dvàdaça en regard de dvaû, dadhàtha en regard de dadhaû. Dans uksà, hâta, sdkha (v. § 12) la non apparition à' au peut s'expliquer 1° par le fait que n, r, i, ont persisté, très probablement, à la suite de l'a jusqu'à une époque relativement peu reculée — on a même prétendu trouver dans le Véda des traces de Vn et de Vr — , 1^ par la considération que Va de ces formes est un a^ allongé et non une cotnbinaison de a^. — Pour les premières personnes du sub- jonctif telles que dy-a (= gr. eï-uj, v. p. 119), la seconde des deux raisons précitées serait peut-être valable. Du reste ces formes ne sont connues que dans un nombre restreint d'exemples védiques et il se pourrait que l'a y fût de même nature que dans paprd, âçvâ.

Déterminer les formes primitives est du reste une tâche malaisée. L'hypothèse que la désinence de la 1® personne du parfait actif est -m (v. p. 69, 40) repose sur une invraisemblance: il faut admettre, nous l'avons vu, que deux personnes distinguées l'une de l'autre par leur forme, le germ.*vaitun et vait, se sont réunies par analogie dans une seule. Si incompréhensible que soit ce phénomène, la nasale est indispensable pour expliquer les formes vaivo, saiso, dont nous nous occupons. Sans elle le gotique ferait *vaiva, *saisa, et ce sont en effet ces formes qu'il faut rétablir pour la 3* personne. L'identité de la l** et de la 3® pers. consacrée dans les autres prétérits amena une réaction qui cette fois tit triompher la première. En sanskrit

�� � 140 ÉTAT RÉDUIT DES RACINES EN à. — PARFAIT.

  • dadhdm a cédé au contraire à dadhaû : dadhaû lui-même remonte à

dhadhd^A-ai. — Les Grecs ont dû dire d'abord *ëiuv et *ëuj. Nous soupçonnons dans iréqpiT ècpàvr) (Hes.), de la rac. qpà qui se retrouve dans TrecpricreTai, àiiqpabôv, un dernier reste de ces formes antiques'. Il est visible que le sing. *péPnv *(péPn^a) *péPn, *^'uuv *(é'ujda) *^uj, doit sa perte à la trop grande ressemblance de sa flexion avec celles des aoristes et des imparfaits, et c'est là aussi ce qui a produit le premier germe des innombrables formations en -Ka. Jusqu'au temps d'Homère (Curtius, Verb. II 203, 210) on peut dire que les formes en -Ktt n'ont pas d'autre emploi que d'éluder la flexion *pépriv *Pé- Pïi^a *pëpri: elles n'apparaissent que si la racine est vocalique, et,^ dans le verbe fini, presque uniquement au singulier. A aucune époque le moyen ne les admet. — Dans les 3®^ personnes comme pépôt-Ke, ëuj-Ke on obtient en retraftchant l'appendice -Ke le type pur du grec très ancien. — Pour les conjectures qu'on peut faire sur la substitution d'n et d'à à uu dans rédriKa, pépâKa etc. nous pouvons renvoyer à la page 145.

Le moyen grec è'-OTâ-Tai, bé-bo-iai, Tré-iro-Tai etc. conserve la forme faible pure. A l'actif (pluriel, duel, participe) on a un certain nombre de formes comme é'-arâ-^iev etc., Pe-Pa-|Liev (inf.), Té-TXa-|iev. Curtius, Fer6. II 169 seq. Comparez beî-bi-|Liev bei&oi-Ka et è'-aïa-iuiev ^-(TTri-Ka (pour *iGTW-Ka).

Les formes faibles du sanskrit présentent un état de choses singulier. L'i qui précède les désinences et qui apparaît aussi devant le V du suffixe participial {tasthimd, dadhisé, yayivàn) est constamment un i bref. On a par exemple impimâ^ papivdn en regard de pî-td, pi-ii, pipï-sati^. LH serait-il la même voyelle de liaison que dans pa-pt-imâ etc., et l'a radical a-t-il été élidé devant elle? Tant qu'on ne connaîtra pas la cause d'où dépend la quantité de Vi final de nos racines, il sera difficile de trancher cette question.

Présent en -ska (v. p. 23). Grec Pô-ctkuj, cpà-CK^u.

Thèmes nominaux en -ta (cf. p. 15, 23). Formes indiennes offrant un i bref: éhi-tâ «fendu» (aussi dhâtd), di-tà «attaché» de dâ

��1. Les exemples de parfaits glosés dans Hésychius par des aoristes ne sont point rares, ainsi que l'a fait voir M. Curtius, Stud. IX 465. — Il faut considérer avant tout que le grec ne connaît de l'aoriste non -thématique redoublé que quelques formes d'impératif (k^kXutc etc.).

2. On a, il est vrai, l'optatif' du parfait védique papîi/dt, mais, outre que cette forme n'est pas concluante pour la flexion du thème de l'indicatif, Vl peut y résulter d'un allongement produit par i/. Cf. (jaHîyât.

�� � ÉTAT RÉDUIT DES RACINES EN à. — THÈMES NOMINAUX. 141

dans ddman etc., di-td «coupé» de da ddti (on trouve aussi dind, data et en composition -tta), mi-td «mesuré» de ma màti, çi-td (aussi gâta) «aiguisé» de çâ çiçâti (f. fble çiçî-), sthi-tâ de sthâ «se tenir debout». Le part, si-td «attaché» vient de se (d'où entre autres siset) plutôt que de sa (dans sâhi). — Formes offrant un î long: gi-td «chanté» de gâ gàyati, dhî-td de dhâ dhàyatl (inf. dhd-tave), pî-tâ «bu» de jni pâti, sphi-td de sphâ sphdyate «croître». La formation en -tvd étant parallèle aux thèmes en -td, nous mentionnons hï-tvd (aussi hi-ivd) de M gdhâti «abandonner» dont le participe fa.\t hïnd; ci. gahita et ugghita. — L'a s'est introduit dans quelques exemples comme râtà de rà rdii, malgré rirïhi et autres formes contenant Yi. Sur dhmâtd, irâtd etc., v, le chap.VI.

Formes grecques: axa-xôç, cpâ-TÔç, eu-po-TOç, bo-iôç, tto-tôç, <TÛv-î)e-TOç, cruv-e-TÔç, de-iôç. J. Schmidt, l. c. 280.

Formes latines: cà-tus = skr. çitd, stà-tus, dà-tus, rà-tus, sâ-tus. Cf. fàteor de *fà-to, nàtare de *na~fo.

En gotique sta-da- «lieu».

Thèmes nominaux en -ti (cf. p. 16, 23). Sanskrit sthî-ti, pï-ti <action de boire», pl-ti <protection» dans nf-ptti, sphî-tî à côté de spha-ti, etc. — Grec aid-criç, qpa-iiç, x^fiç (Hes.) d'où xaTÎÎuj, pô-CTiç, ôô-aiç, TTÔ-Œiç, mais aussi &d)-Tiç (inscr.) et d|n-TTUj-Tiç, bé-(Jiç, dcp-e(Jiç, {^€-(Jiç. — Latin stà-tio, rà-tio, af-fà-tim (p. 133).

Thèmes nominaux en -ra (cf. p. 147). Sanskrit sthi-rd (corn- par. sthéyas) de sthâ, sphi-râ de sp^â, ni-râ «eau», v. p. 96.

L'f est comme on voit h seul représentant indien de l'a. bref finis- sant une racine, sauf, à ce qu'il semble, devant les semi-voyelles y et V, où l'a peut persister comme dans ddyate qu'on compare à baio)Liai, dans gd-v-âm = po-/'-(£»v (v. § 12). L'a de dddamâna n'est pas le continuateur d'un a indo-européen: il indique simplement que la forme a passé dans la flexion thématique. Sur l'a de madhu-pâ-s V. p. 166. — Le zend a tellement favorisé les formes fortes des racines en a (ex. : data, -çtâiti, en regard du skr. hitd, sthiti) que c'est à peine si l'on peut encore constater que l'i dont nous parlons est indo-iranien. On a cependant vî-mita, zaçtô-miii de ma, «mesurer» et pitar «père»^ L'i existe aussi dans l'anc. perse pita. Il est à croire que les formes comme /raorewa/a et pairibarenanuha que M.Justi

��1. Patar est, paraft-il, une fausse leçon. V. Hûbschmann dans le diction- naire de Fick IP 799.

�� � 142 FORME VÉRITABLE DE CERTAINES RACINES GRECQUES.

place dans la 9* classe verbale sont en réalité thématiques. Leur a ne correspond donc pas à ïi sanskrit.

II. Racines contenant un â médial.

Les phonème.s a et <>, suivis d'une consonne, ne se comportent pas autrement que lorsqu'ils terminent la racine. Le rapport de XctO à CTâ est à cet égard celui de ireuS à irXeu ou de bepK k (pep.

C'était donc une inconséquence de notre part que de dire, au chap. IV: les racines dhAhh, kAp, tout en disant: la racine stl\ c'est dhlhh, kip (=dhaiAbh, ka^Ap) qui sont les vraies racines. Mais cette notation, avant d'être motivée, n'aurait pu que nuire à la clarté.

C'est en grec que le vocalisme des racines contenant un a médial s'est conservé le plus fidèlement. Celles de ces racines qui finissent par une sonante, ainsi boK, bâv, ne seront pas comprises dans l'étude qui suit. Elles trouveront une mention à la fin du paragraphe. — Tout d'abord nous devrons déterminer la forme exacte des princi- pales racines à considérer. Il est fréquent que des phénomènes secondaires la rendent à peu près méconnaissable.

Nous posons en principe que dans tout présent du type Mavôdviu on a le droit de tenir la nasale de la syllabe radicale pour un élément étranger à la racine, introduit probablement par épenthèse. Bien que la chose ne soit point contestée, il est bon de faire lemarquer que les présents comme XijLiirdvuj, nuvddvo|iai, dans lesquels la nasale, d'après ce qui est dit p. 118, ne petit pas être radicale, rendent à cet égard le doule impossible.

I. 1. Rac. cjâb. La nasale n'apparaît que dans àvbdvuj pour *àbvuj. 11 n'est donc pas question d'une racine afavb. 2. Rac. \â9, prés, \avddvuj. Même remarque. Cf. p. 61. .3. Rac. Xâqp. Le prés. Xaiapdvuj se ramène a

  • Xaq)vuj '. La thèse de M. J. Schmidt (Voc. I 118) est: 1** que la nasale de

Xa^pdvlu est radicale; 2** que Xrm;o|aai, Xriirrôç, sont sortis des formes nasalisées que possède le dialecte ionien: Xdfii|)0|uai, Xo^iittôç etc. On pourrait demander^ pour ce qui est du second point, pourquoi la même transformation ne s'est pas accomplie dans Xdjuvpuu (de XdfJiTuu), dans Kd}j.\\nu, yvaiairTÔç, KXdYHiu, irXaYKTÔç etc. Mais ce serait peut-être trancher, à propos d'un cas particulier, une question extrêmement vaste. Nous devons donc nous contenter ici d'avancer que toutes les formes du veibe en question peuvent se rapporter à Xâqp, que plusieurs en revanche ne peuvent pas être sorties de Xaïaqp. De l'avis de M. Curtius, les formes ioniennes tirent leur nasale du présent par voie d'analo},'ie. 4. Racine e-îq). De quelque façon qu'on doive expliquer ôd|apoç (= *ôaq)voç?)T' l'aor. ëTâq)ov et le parf. T^ôâita indiquent que la nasale n'est pas radicale. Le rap- prochement du skr. stamhh est douteux, vu les phénomènes d'aspiration des mots grecs.

��1. Devant n, ph devient f, v, b; puis ëXa^ov prend h par analogie. Cf. diTfdvu), ?diYOv en regard de t€îxoç.

�� � FORME VÉRITABLE DE CERTAINES RACINES GRECQUES. 14$

II. Racines qu'il faut écarter. 1. A la page 97 nous avons ramené Xa^xâvu) à une racine Xefx- t)n s'explique facilement la formation de e'îXrixa à côté de l'ancien X^Xotxo par le parallélisme de Xa^xcivuj, ëXaxov (= Xnxvu), Anxov) avec XauPdvuj ëXapov (= XApvuu ^XaPov). 2. xavbdviu pour xabviu {= xy^vuu) vient de X€vb, comme le prouve le fut. xeioojuai. Le parfait n'est pas si bien conservé que pour Xcyx: il s'est dirigé sur le présent et fait Kéxavba au lieu de *Kéxovba. — Les formes grecques se rattachant à bdKvuj conduiraient à une racine bâK; mais les formes indiennes sont nasalisées. Or nous ne pouvons pas admettre de racine dAnk (v. p. 170). Il faut donc supposer que la racine est damk. Alors bdKvuj, IbaKov, sont pour bn kvuj ébnKOv, et toutes les autres formes grecques^ comme br)Ho|uai, bf|Y|na, sont engendrées par voie d'analogie. Mais par là même on est autorisé à s'en servir, en les faisant dériver d'une racine fictive bâK. L'a du v. ht-all. zanga, d'après ce qui précède, est uu a^, non un a.

III. Il y a des couples de racines dont l'une a n ou m, l'autre a pour coefficient sonantique, ex.: g^dim çXg^a^A «venir». Les seules qui nous intéressent ici sont celles du type B (p. 9). 1. Le grec possède à la fois neve, prouvé par lievOfipai, et \xâQ, prouvé par éTn-|Liâdi'|ç. Les formes faibles comme |uia&eîv, jLiavOdvuj ('iLiadvu)) peuvent, vu le vocalisme grec, se rapporter aux deux racines, 2. peve (P^vdoç) et PâG (Pfioaa); Padûç peut appartenir à pevG aussi bien qu'à PûG (v. p. 24). .3. irevG et irâG (cf. p. 58). Quoique les formes irriaoïnai = -rreiaouai et irriaaç = iraOubv ne reposent que sur de fausses leçons, l'existence de irôG est probable pour deux raisons; 1" irev-G suivant l'opinion très vraisemblable de M. Curtius, est une amplification de irev. Or, à côté de irev, nous avons un. ou ira dans Trfi-ina'. 2** Si les a de irdaxiu, -rra&eîv etc. peuvent s'expliquer par une rac. irev-G, en revanche l'rt du lat. pat-ior suppose nécessairement une base pà et non pen^.

IV. Parmi les racines mal déterminées dont nous parlions à la p. 56,. celle de TrriYvum n'est peut-être pas un cas désespéré. Il n'est pas trop hardi de s'affranchir de la nasale du parfait gotique *fefanh {faifâh) et de la rapporter comme celle du lat. panxi (cf. pepigi) à la formation du présent que présente le grec urifvuiuii. Ainsi nous posons la racine pÂg (ou p2k). En outre, pour ce qui regarde le grec, nous disons qu'il n'y a pas eu infection de la racine par la nasale du suffixe, que irfîEai par exemple n'est pas pour «iroYSai». Ceci revient à contester que tttiyvuihi soit pour *'n:aYvu|Lii, *TrûYTvum, comme le veut M. J. Schmidt (Voc. I 145). Voici les raisons à faire valoir: 1" Bien que la règle doive faire en effet attendre *'iTdYvu|ii, les cas comme beiKvum, JleÛYvum,

��1. Pour le fait de l'amplification cf. |i€v-d et |Jâ-d qui viennent de men et ma (nnTiç), pevô et pâ& qui viennent de g^em et g^à etc. Curtius, Grdz. 65 seq. Dans plusieurs cas l'addition du déterminatif date de la langue mère; ainsi Pev-d, Pâ-ô, pa-qp (pdiiTiu), ont des corrélatifs dans le skr. çam-bh, gâdh, gâ-h. D'autres fois elle n'a eu lieu évidemment que fort tard comme dans le gr. bap-9 «dormir» ou dans itev-d. Ces derniers cas, considérés au point de vue de l'histoire de la langue, ne laissent pas que d'être embarrassants. On ne voit guère par où l'addition du nouvel élément a pu commencer.

2. Nous nous en tenons à l'ancienne étymologie de iraOeîv. Dans tous les cas celle de Grassmann et de M. J. Schmidt ne nous semble admissible qu'à la condition d'identifier bâdh non à ircvô, mais à ti&b.

�� � 144 LES RACINES CONTENANT UN A MÉDIAL, EN GREC.

montrent de la manière la plus évidente qu'il y a eu devant -vu, introduction secondaire de la forme forte. M. Schmidt, il est vrai, tient que ei, eu, sont eux-mêmes pour iv, uv, mais sur ce point l'adhésion de la plupart des linguistes lui a toujours fait défaut. S** D'après la même théorie, f)riYvu|Lii serait pour

  • ^âYvu|Lii (cf. éppâyriv). Donc les Doriens devraient dire ^d^vuini, mais ils disent,

au présent (Ahrens II 132), ^riYvuui. Cela établit l'introduction pure et simple de la forme forte.

La loi qui préside à Tapparition de l'a long ne se vérifiera pas pour toutes les racines. Certains verbes, comme ^(xtttiju ou XdtTTTUi, ont complètement renoncé à l'a long. Nous reviendrons sur ces cas anormaux (v. p. 147 seq.).

Nous passons à l'examen des principales formations verbales. Sauf une légère inégalité au parfait actif, le verbe Xadui conserve le paradigme dans sa régularité idéale. Comparez

q)eÛYUJ ëcpuTov irécpeuYa ireqpuTMévoç qpeûHoiaai cpuKiôç Xddu)^ ëXôt^ov XiXâba XeXacriaévoç Xa(J0|nai -Xâffroç {leathô elafhon leleatha lelasmenos lea{tli)somai lastos)

Présent de la 1® classe (cf. p. 119). Outre Xdduu, on a ^ayu), Kabuj, TaKuu, âbo|Liai, puis arjTruj et rinriTUJ dont Tr), vu èadirriv et Tjaàfev, représente a, et sans doute aussi br|UJ. Avec o: KXubôuu, TpOuYUj, (pd)Yiu; de plus puj(a")o|Liai, x^(^)oM«i (P-162). Curtius, 7er&. I^ 228 seq. Sur le prés. br|KUD v. ibid.

Aoriste thématique (cf. p. 10,20). En regard des présents Xdôo), aboyai, *T|LidYUj (riiiriYiAJ) on a: ë-Xâ&o-v, e-v&bo-v, bi-é-T|LiaY0-v. Il ■est permis de restituer à tttSkujv un présent *TTTdKUJ. La longue de TTTncTauu est incompatible en principe avec la formation en -yuj. L'origine récente de ce présent est donc aussi transparente que pour <pdjZ!uj à côté de qpuJYUi. La longue des présents fait défaut pour l-Xapo-v, ë-XSKO-v, simplement parce que ces présents ne suivent point la V classe; au parfait l'a long reparaîtra. De 2ujc vient Zoucr&iju pour locfi-cs^^ii (Grdz.611). Sur les aoristes isolés tels que IqpaYOv v, p. 151.

L'aoriste thématique redoublé (cf. p. 10,21) a le même voca- lisme radical que l'aoriste simple: Xé-XSdo-v, Xe-XSpé-adai, Xe-XaKO-vxo,

��1. La rac. Xflô est sortie de là (p. 58) comme irXri-e de v:\r\, mais le para- digme qui lui a été imposé était ancien. — Il va sans dire que leathô est une transcription schématique, destinée seulement à mettre en évidence la composition de ï& long; à l'époque où les éléments de cet à étaient encore distincts, l'as- pirée eût été probablement dh.

�� � LKS RACINES CONTENANT UN A HÉDIAL, EN GREC. 145

TTe-7TSY0-ir|V (Curtius, Verb. II 29). Au contraire è-jné-iuiÇKO-v est un plus-que-parfait (ibid. 23).

Même affaiblissement à l'aoriste du passif en -n (cf.p.44 i.n.): de cdTT è-aànn-v, de tûk è-TaKr|-v, de t^ôy T|aâYe-v. De ^âY, Ho- mère emploie à la fois âYTl et è dYr|.

A l'aoriste non-thématique (cf. p. 21, 138) a(T-|uevoç est à cFâb ce que x^-^evoç est à x^^-

Parfait. Aux principaux présents à voyelle longue cités ci- dessus correspondent les parfaits Xé-Xâô-a, Ké-Ka6-a, xé-TâK-a, 'é-âb-a (lié par le sens à àvbdvuj), cfé-cfr]TX-a, soit *cré-0"dTT-a. — Répondant à des présents de diverses formations qui contiennent une voyelle longue: |ue-|iir|K-ujç (juriKaoïiiai), ë-irrrix-a (7TTr|(T(Tuj), l-â^-a (ctYVum), Tré-TTTiY-a (tttiyvuihi) etc. — Répondant à des présents de diverses formations qui contiennent une voyelle brève: \é-\riK-a (XddKUj), eï- Xr|(p-a (Xa)iipdvuu), KÉKriqpe Hes. (KaTrOuj) et d'autres, comme Tréqpnva, qui se trouvent appartenir au genre de racines dont nous faisons abstraction provisoirement (v. p. 142). Le parf. Té-ôrif^'Ci n'a point de présent proprement dit.

Soit à Taoriste, soit ailleurs, les racines de tous les parfaits précités présentent quelque part un a bref. La longue au parfait singulier est normale, puisque cette formation veut la racine pleine. Mais nous avons I^, et la règle demande îg: on devrait trouver «XéXiwda» etc. de même que pour les racines finissant par I on attendrait «pé^iuKa, eoTujKa» etc. (p. 140). C'est là un des cas assez fréquents où le phonème Ig manque à l'appel et où il est difficile de décider comment au juste il a dû disparaître. Est-ce que, avant la contraction, ea s'est substitué k oa? Nous voyons de même la diphtongue ou, sur le point de périr, se faire remplacer par eu. Y a-t-il eu au contraire une réaction du présent sur le parfait postérieure à la contraction? On pourrait recourir à une troisième conjecture: la présence de ag à la première personne n'étant garantie par aucun fait décisif (p. 69), la flexion primitive a peut-être été: l®p. XéXâda, 3® p. *XéXujôe ; plus tard l'd se serait généralisé. Quoi qu'il en soit, nous possédons encore des vestiges de l'uu du parfait qui ne semblent point douteux: ce sont les formes doriques reôuJYMévoi' |Li€|Lieôu(J|Liévoi, rédaïKiar reduimuTai (Hes.) de daYUj^. L'ui s'est communiqué à l'aoriste dans diùHai et OuixOeiç (Ahrens H 182). Du reste, même

��1. Pour la signification v. Ahrens II 343. de Saussure, Oeuvres. 10

�� � 146 LES RACINES CONTENANT UN A MÉDIAL, EN GREC.

dans xéôujKTai et leduJYlLiévoi, il ne peut être qu'emprunté au singulier de l'actif qui, par hasard, ne nous est pas conservé. De plus, à .côté de /avaH, on a le parf. dvwfa. Cette fornoe sans doute pour- rait être plus probante si l'on en connaissait mieux la racine.

Au pluriel, au duel, au participe, et dans tout le moyen l'a long ne peut pas être ancien. La flexion primitive était: jé^âfa ou TéOiwYCt, léôuJYaç, Tédiuxe, *Té&fiY)Liev, *TéO(SYÛJç; moy. *TéOâYMai. Les témoins de la forme faible sont les participes féminins homériques Xe\5Kuîa, )Lie)iifiKuîai ; on peut citer aussi xeôSXuîa, aecrSpuîa et àpapuîa (Curtius, 7er6. II 193). Le masculin a toujours r|, peut-être en raison des exigences du vers. En tous cas cette différence n'est pas ori- ginaire. — A côté de KéKriqpe, on a K6Ka<pr|iJuç, et le moyen de XéXride est dans Homère XéXciaTai, part. XeXaainévoç.

Aoriste sigmatique et futur (cf.p. 121seq.). Les formes sont régulières: Xd(TO|aai de Xdôuu; TaHui de raKiw; fîcraTO (Hom.) de abo- |Liai; TrdSuj, Inaèa de TTa^vuiiu; Imâ^a de TTTaaauu; — bdSojaai, èbr|Hâ|unv (dans Hippocrate d'après Veitch) de bànvou; XâqiO|Liai de Xajupdvuj.

Parmi les formations nominales, nous considérons d'abord celles où se montre Â^. Cf. p. 170.

Thèmes en -o et en -r|. De Ja.-^ «briser», KUMat-tuTn. Mal- heureusement on pourrait supposer une contraction de KU)LiaTo(J^)aYri; mais la même racine donne encore ivjfx] {Grdz.5^1). La racine qui est dans le lat. capio forme KiÛTrri. AujPri en regard de lâbes (les deux mots ne peuvent guère être identiques). De jiâK, dans )uiâKoâu> (et non |LiaKKoduj, v. Pauli, ^.Z. XVIII14, 24), vient |liûjkoç; de TTTâK^ îTTuuxôç. De dadcTCJu), dôuuKOç. Sous le rapport du vocalisme radical, le gr. ijb)iôç est au lat. âmarus ce que -Xoixoç par exemple est à Xixavôç. A vpnx^ appartient vjiUJXOÇ" TH v|^cx)Li|Liujbriç; l'a se trouve dans v|iâKTr|p etc.^ Si l'on rattache u)kùç à la rac. aK, il a Â^. L'uu de àyvôfàç et dKUJKri aurait une plus grande valeur sans la réduplication.

Thèmes sans suffixe. De même que qpXet donne cpXôH, de même TTTâK donne tttujH. De ôâTr ou ôacp «admirer» vient ôubi^j «le flat- teur» comme cela ressort de ôriTTiuv * éEaTraTiJùv, KoXaKeûujv, Oau|udZ;(juv et d'autre part de cette définition de dubvi^: ô iiexà dau)aaa|Lioû èYKuuiiiacnfiç (Hes.). Le verbe ôûiiTTUJ ne peut être qu'un dérivé de ôuiip comme TCTÔidGiu l'est de tttujH.

��1. Il est vrai qu'il y a aussi un verbe \^\hxiu dont le rapport avec H"'|Xu* n'est pas bien clair.

�� � LES RACINES CONTENANT UN A MÉDIAL, EN GREC. • 147

Thèmes de diverses formations. A côté de dxXûç: ibxpôç; cf.xiwpa (p. 130). A côté de Xdtvoç: XouTâç" Trôpvri; cf. ôXkccç, vo|Lia'ç, cTîTopàç, TOKdç etc. M. Bugge (5^m£Î. IV 337) rapporte viÛYaXov «friandise) à un verbe qui a dû être en germanique *swafca, '^sndk. On a réuni KViwbaXov (et Kveubiuv) à KvaôdXXeTai ' Kvndexai ; toutefois kvujii;, kvuj- TTeûç, en sont bien voisins. TTpiuTeùç vient peut-être de la rac. prkt qui est dans le got. frapjan.

Les exemples de â pour tu ne manquent pas: 0âY donne Oîiyôç, ôâTT ôn^fTÔV ^auiLiaaTÔv; Tây Tâyôç (cf. èiaYriv); ^«y forme, en même temps que KU|LiaT-ujTr|, vau-âyôç et r|YÔv " KaxeaYÔç.

De même, qpep donnant q)opéu), XâK devrait donner «XiUKéuj». La forme réelle est (èirOXTiKéui : elle est régulière pour la quantité de la voyelle, irrégulière pour sa qualité. Même remarque pour aY€0|Liai, dSXéu) etc.

Les FORMATIONS DU DEGRÉ 1 auront dans nos racines \.

Thèmes en man (cf. p. 123 seq.): èm-XdaiLiiJUV ; Xfi)ii|ia, briY^cx, TrfÎYTia (Eschyle).

Thèmes en -as (cf. p. 122): dôoç, KÔboç, |LiâK0ç, d-Xâdriç, eù-(/')âxr|ç (cf. îaxn). Les suivants, plus isolés, ne sont pas accompagnés de formes ayant l'a bref: ladxoç, diroç («fatigue», dans Euripide); à-tr\)iy\c„ à-(JKr|^riç, KfJTOç, Tfjdoç. Exemple contenant Q: vuuOriç en regard de vôôoç.

La meilleure preuve de la postériorité de formations comme ôdXoç, iLidôoç (Eschyle), ce sont les composés veodriXriç, èTTijuriôriç, où subsiste la longue. C'est ainsi encore que l'homérique eÛTrriYilÇ est remplacé plus tard par eiiTrdYnç. Peut-être la brève de d'YOç = skr. dgas (p. 110) comporte-t-elle une explication analogue malgré l'isolement de ce mot.

Thèmes en -yas (cf. p. 123). On a le superl. iLiaKiaxoç qui est à littKpôç, ce que le skr. ksépistha est à ksiprâ. Quant à l'a long qui se manifeste dans l'accentuation des comparatifs neutres lidcraov, ddcraov, lidXXov, il est prudent de ne rien décider à son égard, d'autant plus que le dialecte homérique n'admet pas Vr] dans ces formes. M. Ascoli, d'accord en cela avec d'autres savants, les ex- plique par la même infection qu'on observe dans ^eilujv {Kritisch^ Stîidien, p. 129). M. Harder {De alpha vocali apud Hom. producta^ p. 104) cite des témoignages pour l'accentuation ladcrcov et fidXXov.

Les THÈMES QUI REJETTENT u^ auront À autophtongue:

Thèmes en -m. Certains d'entre eux comme acpobpôç, Obxpôç (p. 147) prennent Og. Une seconde série affaiblit la racine, par

10*

�� � 148 LES RACINES CONTENANT UN A MKDIAL, EN GREC.

exemple XiPpôç, mKpôç, crxiqppôç, de Xeip, ttcik, (TTeiqp; Xutpôç, lyubpôç, de Xeuf, ij^eub; è\aq)pôç de *XeYX; sanskrit ksiprâ, éhidrd de ksep, éhed; çukrd, çubhrd do çoé, çobh; grdhrd, srprd de gardh, sarp\ ger- manique digra- «épais» de deig; indo-européen rudhrd «rouge» de raïudh. De même, (TâTT, soit sa^Ap, fait crâTrpôç; )UâK fait luaKpôç; Xâ6 donne Xctdpa. On peut placer ici TâKcpôç de TâK et irâTepôç de TTfiY, si l'e y est anaptyctique ; aKpoç de aK est régulier aussi, sauf l'accentuation.

Thème en -u (cf. p. 15, 24): raxOç.

Thèmes en -ta (cf. p. 14,23,140). La forme faible est devenue très rare, mais d-Xadroç de Xâ6 et le verbe TtaKiôuj à côté de irâKiôç en sont de sûra témoins. Il n'y a pas à s'étonner des formes comme TâKTÔç, XâTTTÔç, TTâKTÔç, plus quc de celles comme cpeuKiôç qui, elles aussi, remplacent peu à peu le type q)VJKTÔç.

Revenant aux formations verbales, nous examinons le vocalisme des racines dont le présent se fait en -yuj ou en -toi.

En sanskrit la 4® classe verbale affaiblit la racine. En grec les formes comme viZiuj, aTÎÎuu, kXùZIuj, pdXXiu de PeX, Kaivuu de Kev (p. 97) et beaucoup d'autres attestent la même réglée Rien de plus normal par conséquent que l'S bref de âlopiax, ^âluj, (TaTTUJ, (Jcpàluj, x^l^ etc. Les formes comme 7rTri(J0"iu, qpubZiiw (cf. q)UJYUj) sont aussi peu primitives que leipuj (v. p. 148 i.n). 'T'riTTiJU paraît ne s'être formé qu'en pleine époque historique (Curtius, Verh. 1^ 166).

Les présents en -tuj sont analogues: ârrro), pdiTTUJ, bàTTXuu, Mtttu), XdTTTUJ, aKaiTTUj ctc. montrent l'a bref. Seul ffKriTrTUJ enfreint la règle, car pour ôujtttuj (p. 146) et aKUiTTxuj, on peut sans crainte y voir des dénominatifs; cf. iraîîuj, iraÎTina, TraÎTViov venant de naiç.

Dans les temps autres que le présent, les verbes en -yuj et en _-TUJ restent en général sans gradation (nous adoptons pour un instant cette désignation des formes pleines de la racine). C'est la solidarité qui existe entre les différentes formes du verbe à cet égard que fait ressortir M. Uhle dans son travail sur le parfait grec (Sprachmssen- schaftl. Abhandlungen, hervorgegg. aus G. Curtius' Gramm. Ges., p. 61 seq.).

��1. Il est naturel que cette formation, une fois qu'elle eut pris l'immense extension qu'on sait, ne se soit pas maintenue dans toute sa rigueur. Evi- demment un grand nombre de verbes de la Ire classe ont, sans rien clianger à leur vocalisme, passé dans la quatrième. Ainsi xelpu), cf. lat. tero, beipuu a côté de b^puj (quelques manuscrits d'Aristophane portent baipiu qui serait régu- lier), q>9e(pw (dor. q)ôaîpu») etc.

�� � LES RACINES CONTENANT UN A MÉDIAL, EN DEHORS DU GREC. 149

Mais, au lieu d'attribuer à certaines racines et de refuser à d'autres une faculté inhérente de gradation, ainsi que le fait l'auteur, il faut dire au contraire que lorsque la gradation fait défaut, c'est qu'elle s'est perdue. Qu'est-ce qui a occasionné sa perte? C'est précisément, si nous ne noui? trompons, l'existence d'un présent sans gradation, comme ceux en -t/uj et en -tuj.

Ainsi l'analogie de Ocpéluj, pdTTTUJ, ôdiTTU), XdTTTUJ, (TKdTTiuj etc. a peu à peu étouffé les formes fortes comme *\âTr ou •■•crKâTr. Les parfaits font XéXdqpa, ëaKâqpa, les futurs Xdvjiuu, CKoupUi) etc. Les verbes contenant i et u, comme CtiZiuu, TriiCTCTiu, viimu, klitttuu, tûtttuu, se comportent de même, c'est-à-dire qu'ils n'admettent nulle part la diphtongue^. Ces anomalies ne font donc pas péricliter la théorie du phonème ^i. D'ailleurs il y a 'des exceptions: KdîTTuu (Hes.): xéKricpa; rdcrauj (TéTdxa): tûyôç; àmw. r|Trdo|Liai (Curtius); KaxXdîiu: KéxXâba.

Les présents à nasale comme Xaiapdvuj, dvbdvtu^ bdKVUJ, n'exercent pas la même influence destructive sur le vocalisme de leurs racines. Cela tient au parallélisme presque constant de ces formations avec les présents à «gradation» (Xi)i7Tdvuj, XeiTTUu; Xavôdvuj, Xr|du)), grâce auquel il s'établit une sorte d'équivalence entre les deux formes. Pareillement le prés. XdaKiu laisse subsister le parf. XéXrjKa.

Nous passons à l'examen des principales formations verbales dans les langues européennes autres que le grec.

Parfait. Le germanique nous présente ô: got. sok, hof. Vo doit être du degré 2 et correspondre à l'uj régulier de xe-ôuuY-, non à l'a hystérogène de lé-iâK-e. Par la même unification que nous avons vue en grec, l'ô du singulier s'est répandu sur le pluriel et le duel, et l'on a sokum, soku, au lieu de *sakum, *saku. De même l'optatif devrait faire *sakjau. Le participe passif, dont le vocalisme est en général celui du parfait pluriel, fait encore sakans. Il y a une proportion rigoureuse entre sok : sakans et hait : hitans. Un autre reste de la forme faible, c'est magum dont nous avons parlé à la p. 61.

Le latin a scâbi, ôdi, fôdi; l'irlandais ro-gcid (prés, guidiu).

Présent de la 1* classe (v. p. 144). Latin làbor (cf. lâbare)^ râdo, vâdo (cf. vàdum), rôdo.

��1. 11 est vrai qu'au parfait l'i et l'u subissent ordinairement un allonge- ment (K^Kû<pa), mais cela est tout différent de la diphtonguaison, et l'a long ne se peut jamais mettre en parallèle qu'avec la diphtonguaison.

�� � 150 LES RACINES CONTENANT UN A MÉDIAL, EN DEHORS DU GREC.

Got. hlota et hvopa. Ici ô est du degré 1. — Le parf. hvaihvop {*baiblot ne nous a pas été conservé) a gardé la réduplication, afin de se distinguer du présent. Si le germanique faisait encore la différence entre Âg et Âi, cela n'eût pas été nécessaire.

Paléoslave padq, pasq. — Lituanien môku, szôku, et aussi sans doute plusieurs verbes qui suivent à présent d'autres formations, comme kôsiu «tousser» (cf. skr. kdsaté), osziù, kôsziu, drôiiii, glôbiu, vôkiu; hôstu, stokstù. Schleicher, Lit. Gr. 235 seq.

Présent en -ya. Got. frapja, hafja, hlahja, skapja etc. ; lat. ca- pio, facio, gradior, jaeio, lacio, quatio, patior, rapio, sapio, fodio. Ces formes sont régulières (v. p. 148).

Il faut mentionner en lituanien vagiù «dérober» et smagiù «lancer», dont les infinitifs sont vôgti, smôgti.

Présents du type oIyu). Plus haut nous avons omis à dessein de parler de cette classe de présents grecs, parce qu'il convient de les traiter conjointement avec ceux des langues congénères.

En germanique c'est la formation la plus commune: got. draga, Ma^a, skaba, pvaha etc. — Le latin la préfère aux présents à voyelle longue comme vâdo, mais l'emploie moins volontiers que la forme en -io. Il a ago, cado, scabo, loquor; puis des exemples où la con- sonne finale est une sonante, alo, cano; enfin les présents rares tago, pago; olo, scato (Neue Formenl. IV 423). Les deux derniers, bien qu'ils appartiennent à la langue archaïque, sont probablement secon- daires^. — Le grec n'a que à-foj, xXdcpuj, ypàcpuj, |Liàxo)Liai, ô^O|iai, et les formes très rares dxo|uai, p\àpo|iai^. — On trouve dans les verbes lituaniens énumérés dans la grammaire de Schleicher: badù, kasù, lakù^, plakù. Enfin le paléoslave, si nous ne nous trompons, a seulement bodq et mogq.

Nous n'hésitons pas à dire que ces présents ont subi un afiai- blissement dans leur racine.

11 n'y a aucun motif pour s'effrayer de cette conséquence forcée des observations précédentes. Il est indubitable que kXùuj, XiTOfiai, et d'autres présents grecs sont des formes faibles. D'ailleurs si, plutôt que d'admettre cet affaiblissement, on renonçait au parallélisme de \r|ôuu avec Tréioiiai, Xeiiru), on arriverait, contre toute vraisemblance, à faire ou de Xriôiu ou de |udxo)iai un type à part ne rentrant dans aucune catégorie connue.

��1. On ne connatt pas le présent de rabere; celui de apere parait avoir été apio.

2. Il est douteux que Ypduu et Xduj soient pour fpaa-vj et Xao-u».

3. Dans son glossaire Schleicher donne lakiù.

�� � LES PRÉSENTS DU TYPE âyUU. 151

A cela s'ajoutent les considérations suivantes.

L'indo-européen a eu évidemment deux espèces de thèmes ver- baux en -a: les premiers possédant la racine pleine et paroxytons, les seconds réduisant la racine et oxytons. Rien ne permet de sup- poser que l'un des deux caractères pût exister dans un même thème sans l'autre.

En sanskrit et en zend, les oxytons de la langue mère donnent des aoristes et des présents (6* classe). En grec il n'y a point de présents oxytons, et un thème ne peut être oxytoh qu'à la condition d'être aoriste. Nous devons donc nous attendre, sans décider d'ailleurs si la 6® classe est primitive ou non, à ce que les thèmes faibles, lors même qu'ils ne seraient pas attachés à un second thème ser- vant de présent, aient une certaine tendance à se fléchir à l'aoriste. Et les thèmes du type Xme-, où nous pouvons contrôler l'affaiblisse- ment de la racine, vérifient entièrement cette prévision. A côté des présents yXôcpeiv, KXûeiv, XiTccTôai, (TTi'xeiv S tukêiv (fies.), ils donnent les aoristes biKeîv, èX(u)deîv, ^UKeîv, axuTeîv, Ppaxeîv (= ^rxe\v).

De ce qui précède il ressort que les différents présents grecs, pour être vus sous leur vrai jour, doivent être jugés conjointement aux aoristes isolés de même forme radicale, lorsque ces aoristes existent.

Or pour le type |Liaxe ils existent. A côté des présents âyeiv, d'xeaôai, pXdpeff^ai, Y^d'peiv, Tpa^pciv, iiiàxecrôai, ôôecxdai, on a les aoristes isolés juaKeîv, raqpeîv «être étonné», (pafeîv, (pXabeîv «se déchirer». Et si cette propension à se fléchir à l'aoriste était chez le type Xiie un signe de l'affaiblissement radical, n'avons-nous pas le droit de tirer la même conclusion pour le type inaxe?^

��1. 0t{xouoi donné par Hésychius a été restitué dans le texte de Sophocle, Antigène v. 1129. — Le nombre des présents de cette espèce est difficile à dé- terminer, certains d'entre eux étant très rares, comme Xî^ei, Xîpujv pour Xeîpei, d'autres, comme yXîxoMciI; tue plusieurs ramènent à *T\i0KO|iai, étant de struc- ture peu claire, d'autres encore comme Xùu) devant être écartés à cause de I'm long du sanskrit.

2. Pour saisir dans son principe le fait employé ici comme argument, il faut en réalité une analyse un peu plus minutieuse.

Tout d'abord, il semble qu'on doive faire une contre-épreuve, voir si les thèmes contenant e ne se trouvent pas dans le même cas que ceux contenant a. Cette contre-épreuve est impossible a priori, vu qu'un thème contenant € est fort, et qu'un aoriste fort ne peut qu'être hystérogène. L'aoriste régulier des racines contenant e a toujours la forme itt-€.

En revanche le soupçon d'une origine récente ne saurait atteindre les ao- ristes tels que qpateîv, vu leur ressemblance avec le type Xadcîv de Xi'idu). Le

�� � 152 LES PRÉSENTS DU TYPE àfU).

Tout parle donc pour que |aàxo|Liai soit un présent exactement semblable à XiTO|aai. Depuis quelle époque ces thèmes faibles se trouvent-ils au présent? C'est là en définitive une question secondaire. Si l'on admet dans la langue mère une 6^ classe des présents, \ÎTO|aai, |aàxo|nai, pourraient être fort anciens et n'avoir fait qu'abandonner leur accentuation première. Nous croyons cependant, comme nous y faisions allusion plus haut, que dans la première phase du grec, tous les anciens oxytons, quel qu'ait été l'état de choses primitif, ont dû passer d'abord par l'aoriste, que par conséquent les présents du type XiT0|aai sont en tous cas de seconde génération. F^es cas comme celui de èX(u)9eîv qui a mieux aimé rester dépourvu de présent que de changer d'accentuation recommandent cette manière de voir. Mais en même temps il est probable que dès une époque plus ancienne que la langue grecque certains thèmes du type |Liaxe- {âge- par exemple), cessant d'être oxytons, s'étaient ralliés aux présents comme hhére-.

Passons aux verbes latins. Pour deux d'entre eux, tago et pago, M. Curtius a victorieusement étîibli qu'ils ne sont rien autre chose que d'anciens aoristes. Voy. notamment Stud. V, p. 434. Il est vrai que ce sont les seuls exemples qui soient accompagnés d'une seconde formation {tango, pango). Mais sur ce précédent nous pouvons avec quelque sécurité juger cado, scato, cano, loquor; ce dernier du reste est en grec XaKeîv, non «XétKeiv». Il reste seulement ago, scaho et alo qui, ayant leur pendant dans les idiomes congénères, paraissent appartenir au présent depuis plus longtemps.

En abordant le germanique, la question de savoir si l'indo- européen a eu des présents de la 6* formation prend plus d'impor-

��fait se résume donc à ceci: au temps où l'aoriste était pur de formes fortes, où il ne contenait que des formes faibles ou des formes dont on ne sait rien, les différentes espèces de thèmes dont il s'agit se répartissaient de la manière suivante entre l'aoriste et le présent:

Pi'ésent TiéTe Xîxe ndxe Aoriste — biKe 90^6

Pour que les thèmes du type i^axe- pussent comme ceux du type \\Te- et à l’encontre de ceux du type Trexe- se fléchir comme oxytons (soit à l'aoriste), ils devaient être des thèmes faibles.

Du reste nous ne demanderions pas mieux que de donner pour un instant droit de cité aux aoristes isolés contenant €, et de faire le simulacre de la contre-épreuve. On n'en trouverait qu'un seul: éXeîv (eûpeîv = /eup-eîv), en revanche le présent est peuplé littéralement de ces formes. Mais cette confron- tation, qui a l'air très concluante, n'aurait à notre point de vue qu'une valeur relative.

�� � r.A PERMUTATION a : d. 153

tance que pour le grec et le latin. Si l'on répond affirmativement, il n'est besoin de longs commentaires: saka est un présent de la 6® classe, et la seule chose à faire admettre c'est que le ton, cédant à l'attraction des autres présents, s'est porté de bonne heure sur la racine {hlàpa, skdpa etc.). Dans tous les cas le germanique a reçu des périodes antécédentes quelques présents de cette espèce, ainsi que Ifi font conclure got. skaha = lat. scabo, graba = gr. fpâcpuJ» norr. aka = gréco-it. ago. Mais il n'en est pas moins vraisemblable que la majorité soit issue de l'aoriste. C'est même la seule hypo- thèse possible pour got. pvaha, cf. TiiKUJ (p. 60); norr. vada, cf. lat. vâdo; anglo-s. bace, cf. qpiuYU). Les formes comme pvaha nous re- portent donc à une époque où l'aoriste germanique existait encore, et il n'est pas difficile de comprendre pourquoi, tandis que le thème heuge- (biuga) se conservait à l'exclusion de buge-, l'inverse avait lieu pour pvahe-. Depuis la confusion des phonèmes Â^^ et Â2, Vô du prés. *pvôha (tS^kuj) ne différait plus de Vô du Tpuri.pvoh (ou pvepvôh). Au contraire le thème pvahe- offrait un excellent ablaui, qui devait s'établir d'autant plus facilement que les verbes en -ya comme hafja hôf en donnaient déjà l'exemple.

Je ne pense pas que les formes, peu nombreuses du reste, du letto-slave fassent quelque difficulté sérieuse.

Tout cela pourra paraître suggéré par les besoins du système. Quelle nécessité y a-t-il après tout de soutenir que saka, djuj, doivent appartenir à une autre formation que qpépu»? C'est cette nécessité, urgente à nos yeux, que nous voudrions accentuer d'une manière bien précise. Le présent n'est qu'un cas particulier. Qu'on considère l'ensemble des formations, et l'on verra apparaître un trait caracté- ristique des racines contenant ^, trait inconnu à la grande classe des racines dont la voyelle est e, la faculté d'allonger la voyelle^. On peut avoir sur saka et dxuJ telle opinion qu'il plaira. Seulement quand leurs racines font sok et ayéciLiai dans le même temps que bher fait bàr et cpopéuj, il y a là un phénomène tellement extra- ordinaire qu'il s'agit avant tout et à tout prix de s'en rendre compte. Or l'hypothèse proposée pour saka n'est que l'explication indirecte de sok. La tentative peut n'être pas réussie; en tous cas elle est motivée.

��1. Sans doute il y a aussi des ê longs, mais dans un nombre de racines extrêmement limité et qu'il serait injustifiable lie vouloir confondre avec le type bhe?-. Nous abordons ces racines à la p. l-ôôseq.

�� � 154 LA PERMUTATION a : Ô EN GERMANIQUE.

Notre hypothèse sur cette faculté d'allonger la voyelle est connue par ce qui précède. Il sera permis de renvoyer le lecteur qui voudra apprécier jusqu'à quel point la propriété de l'allongement est in- hérente aux racines contenant ^ ou o au travail déjà cité de M. Fick qui traite de l'a long européen (Beitr. de Bezzenb. II 193 seq.)- Du reste nous ne nous sentons point en état de dire dans chaque cas pourquoi l'on trouve une brève on une longue, comme nous avons cru en effet pouvoir le faire pour les formations relativement très transparentes qui ont été analysées plus haut. Les remarques qu'il nous reste à faire ne porteront donc point sur le détail.

Les matériaux relatifs à la permutation a : a et ô : o dans le latin se trouvent réunis chez Corssen, Ausspr. V 391 seq. En voici quelques exemples: com-pâges:pago; âceriades; ind-âgare : ago; sâgio: sagax; con-tâgio :tagax\ lâbor ilabare. L'o de prae-co venant de cano serait-il un exemple de Â2'?

En grec on peut ajouter à la liste de M. Fick et aux exemples donnés plus haut: axoçriâxH; ibôéiu reiv-ocrî-cpuXXoç; Kujqpôç: kôtttuj; pubduuv : pôôoç; qpoÛYuu : (poHôç (Curtius).

Pour les idiomes du nord l'échange â: a est devenu une sorte d'àblaut quantitatif qui a succédé à Vablaut qualitatif J^ : a^. Uàblaut qualitatif était détruit par la confusion phonique des deux i (p. 131) comme aussi par la perte partielle des formations contenant J^, dont la plus importante est le présent de la 1® classe. En germanique particulièrement l'élimination de ce dernier au profit des formes comme saka a fait naître entre la série a\o et la série e : a {a^ un parallélisme absolument hystérogène. La langue sent la même relation entre sok, sokjan; groha, et les présents correspondants saka; graba, qu'entre vrak, vrakjan, vraka et vrïkan. Mais le vrai rapport serait rendu assez exactement par la fiction suivante: se représenter les racines comme beug ayant perdu le degré de l'e et ne possédant plus que les formes bug et baug^. — Comme le présent n'était pas le seul thème du degré 1, on s'attendrait cependant à trouver la voyelle longue ailleurs que dans les formations qui demandent «2» par exemple- dans les neutres en -as et les comparatifs en -yas. Il n'en est rien: hatis, skapis, batiza, montrent l'a bref. Ces formes paraissent s'être

��1. A la page 11.5 nous nous sommes montré incrédule vis-à-vis des trans- formations d'ablaiit d'une certaine espèce et avec raison, croyons-nous. Mais ici de quoi s'agit-il? Simplement de la suppression d'un des trois termes de Vablaut, suppression provoquée principalement par la perte du présent.

�� � LA PERMUTATION rt : à EN LETTO-SLAVE. 155

dirigées sur le nouveau présent. Nous n'avons pu découvrir qu'un seul exemple qui, sur ce point, répondit à la théorie: c'est le féminin got, sokni-. Les thèmes en -ni demandent en effet le degré 1, ainsi que le prouve siuni- de la rac. sehv (cf. skr. hà-ni, gyâ-ni, en regard de hinâ, gï-7id). Donc «sahii-* eût été irrégulier au même chef que hatis. Le norr. dœgr pour *dôgis serait un second cas de ce genre si Ve du lit. degù ne rendait tout fort incertain. Cf. la note.

La permutation en question est fort commune en letto-slave. Lituanien pra-n-tù:prôtas, èadù:t6dis etc. — En slave on a les verbes comme po-magajq, badajq, en regard de mogq, bodq etc. De même qu'en germanique, Va, dans les cas où l'a bref est conservé paral- lèlement, devient pour la langue une espèce de gradation.

Ici nous devons faire mention d'une innovation très étendue qui donne au vocalisme letto-slave une physionomie à part. Tandis qu'en germanique la confusion de a avec «2 ^'^ amené presque aucun trouble dans le système des voyelles, le letto-slave au contraire a mélangé deux séries vocaliques, et nous voyons l'a (ou d, p. 65) issu de ag permuter avec â (a) comme s'il était a. De là l'échelle slave e.o.a dans les nombreux exemples comme tekq, tociti, takati, l'échelle lituanienne e : a : o, comme dans êeliù, éàlias, èolë^. Voir Schleicher, Lit. Gr. 35 seq. — Il faut avouer que d'autres allonge- ments de ce genre restent inexpliqués, je veux dire particulièrement l'ê des fréquentatifs slaves comme plétajq de pletq. Il serait à sou- haiter aussi qu'on sût à quoi s'en tenir sur l'ê long germanique des formes comme nëmja- (rac. nem). Amelung, remarquant que l'ê est suivi le plus souvent d'une syllabe contenant i ou y, supposait une •épen thèse et ramenait nëmja- à *namja-, *naimja-.

Il reste à considérer les racines qui ont un ë médial, type ab- solument parallèle à \â9, Xem, bepK. On a la proportion : . /pHT '

e^ = xde : cxd.

1. Le germanique n'est pas sans offrir un ou deux exemples analogues. Ainsi le got. dags (dont la racine est âeg si l'on peut se fier au lit. degii) est accompagné de fidur-dogs, ahtau-dogs. Sans dœgr (cf. ci-dessus), on pourrait songer à voir dans -dogs le même allongement singulier que présente le second terme des composés indiens çatâ-çâ.rada, prlhu-ffâghanà, dvi-j&ni^ et qui, en grec, se reflète peut-être dans les composés comme eù-rjvujp, q)i\-rip€T|Lioç, où l'allongement n'était pas commandé par une succession de syllabes brèves. — L'allongement du lat. sêdare (v. p. 1.58) et du gr. xpujiroiuj (v. ce mot au registre) n'a rien de commun, croyons-nous, avec les phénomènes slaves dont nous parlons.

�� � 156 RACINES CONTENANT UN ê MÉDIAL.

Pour ne point éparpiller cette famille de racines, nous citerons aussi les exemples comme krèm où l'ê est suivi d'une sonante, quoique ce caractère constitue un cas particulier traité à la fin du paragraphe.

Le degré 2 apparaîtra naturellement sous la même forme que pour les racines finissant par ê: il aura ô dans le gréco-italique^, a (germ. lit. ô) dans les langues du nord. V. p. 132 seq.

Il sera intéressant d'observer le vocalisme du degré réduit, parce qu'il pourra apporter de nouvelles données dans la question de la composition de Vë qui nous a occupés plus haut p. 133 seq.

Première série: le degré réduit présente a.

1. Rac. kèd. Au lat. cêdo on a souvent joint, et à bon droit, ce nous semble, les formes homériques KCKabiJbv, KeKabtiaei, On a la proportion : KeKabubv : cêdo = saius : sêmen.

2. Rac. rég «teindre». Gr. ^fiYOç; les quatre synonymes priyeuç, peyeuç, pOTeûç, ^ayeûç, sont irréguliers: il faudrait «puuYeûç». Néan- moins l'a contenu dans payeûç, ainsi que dans xpvaopaféç (Curtius, Grdz. 185), est pour nous très remarquable. Ici en effet pa ne saurait représenter la liquide sonante: p étant initial, elle n'aurait pu donner que ap. Donc, à moins que cette racine n'ait suivi l'ana- logie de quelque autre, l'a de ^ay doit être assimilé à l'a de satus. Dans péZuj toutefois la forme faible a e.

3. Rac. rêm. Gr. ëprmoç, lit. ronms. Formes faibles: gr. riP^l^ci, lit. rimti, mais aussi gr. dpaïuév' i^éveiv, Y]avxàl€\y (infinitif dorique en -ev). — Cette racine n'est pas identique avec rem d'où lpa|Liai (p- 22).

4. Rac. Xr|T. gi'- Xiît'JU (I'h est panhellène, Schrader, /S<m<?.X316). M. Curtius indique que XaTÔcJcrai ' àcpeîvai pourrait donner la forme à voyelle brève. Verh. P 229.

5. Rac. léd. Au got. leta, lailot^, on joint lats et le lat. hssus. Le lituanien a léidmi (= *lëdmi).

��1. M. Brugmann, Sf«rf. IX 386 dit quelques mots sur ^rifvuini : êppiuYOt. 11 considère l'iu de ëppiuTO comme une imitation postérieuie du vocalisme de KëKXccpa.

2. Nous ne saurions adopter la théorie qui ramène l'ê des verbes ^oti- (jues de cette classe à « -f nasale, théorie que défend en particulier M. J. Schmidt, Voc. I 44 seq. M. J. Schmidt accorde lui-même que pour leta et greta les ar- guments manquent et que dans blesa rien ne peut faire supposer une nasale. En outre l'auteur part du point de vue que Va germanique est antérieur à l'ê. Dès qu'on cesse de considérer ë comme une modification de l'ô, a -+- nasale ne doit faire attendre que à comme dans hâhan. Lô du parfait, dans la même

�� � RACINES CONTENANT UN ê MÉDIAL. 157

6. Rac. bhrêg. Gr. ^r|YVU|ii, (ir\iuj etc. Degré 2: ^ujxiuôç, àîro- ppiûH, ëppujTa^ Le parfait moyen ëppr|Y|Liai et le partie, èpprixeiaç des tables d'Héraclée sont réguliers en ce sens qu'ils n'ont pas u>, mais on attendrait -paY- plutôt que -pHT"- C'est ce que présente l'aor. pass. èppayriv, où le groupe pa représente p -\- a, non pas r. /pttY : ^PHT = sa : se. En latin le degré réduit s'est propagé: fracfus, frango pour *frag-no. Le got. hrikan est un verbe de l'espèce ordi- naire. Sur le rapport de -ru' dans brukans au -ra- gréco-italique v. p. 169. Le slave a h-égù «rive».

7. Rac. sêk. Paléosl. sëkq <caedere», lit. sykis «une fois, un coup», l&t.sïca pour *sëca. Degré 2: v. h^-all. suoha «herse». Degré réduit: lat. saxum = germ. sahsa- «pointe, couteau, etc.» (Fick IIl^ 314); mais aussi secare-.

Deuxième série: le degré réduit n'est pas connu.

1. Gr. àpriYUJ, dpriTÛJV. Degré 2: dpuJYÔç, dpaiYri.

2. Rac. dhrën. Gr. d'pfivo-ç, àv-^pr|vn (= *dvdo-dpriV)i), lev- dprivn ; dpuûvaE " Kiiqpnv. AotKUJveç (pour la formation cf. ôpiniH de épir, TtôpiraH de perk.2, Kpub.uaH de Kprm, cTKUiXriH de CKâX, lat. procax de prec, podex de perd).

3. Rac. rëp. liât, rëpo, lit. replôti. Troisième série: le degré réduit présente e.

\. Rac. éd. Lit. edu, è'sii; si. émï ou jamï = *jèmï (Leskien, Handb. d. altb. Spr. § 26), 3® p. éstï ou jastî; medv-édî. Lat. ésurio, êsus (?). En grec, la longue de èbnèoKa, èbrj^iA'Ç, Kdxriba * KatapePpiW' fiéva, èbri^iÂJV ' cpaYébaiva, ne prouve pas grand chose ; mais celle de djin-ncTTriç et dv-ncTTiç paraît garantir l'ri radical. On trouve le degré 2 dans èbujbri; malheureusement cet uj est équivoque comme l'ri de èbriboKa. Ce ne serait pas le cas pour l'eu de d)5(ç, si, en se fon- dant sur l'éol. è6ùvr|=ôbuvr|, on voulait le rattacher à notre racine. Peut-être n'est-il point indifférent de trouver en gotique uz-eta «crèche». — Le degré réduit a engendré le gr. êb^ievai, ëbiw, èadiou, le lat.erfo, edax, le got. ita.

��hypothèse, s'explique encore bien moins: cf. haihah. Enfin celui qui soutient que redan est pour *randan ne doit pas oublier que par là il s'engage à approuver toute la théorie des & longs sanskrits sortis de an, vu qu'à reda correspond rddhati.

1. Dans pwYotXéoç l'u) est irrégulier, si l'on compare \euYa\éoç, eibciXijuoç, ireuKctXiiaoç; mais Hésychius a ùpeiYoXëov, v. Curlius, Grdz. 551.

2. A la p. 79, le germ. saga est rangé parmi les formations qui ont o.^. Cela est admissible si on prend soin de déclarer saga hystérogène. Mais peut- être l'a de ce mot répond-il à l'o de aaxum.

�� � 158 RACINES CONTENANT UN è MÉDIAL.

2. Rac. krëm. Elle donne en grec Kprmvôç, Kpniavrmi, et, au degré 2, KpiwiaaH (aussi KXiû)LiaH). Le got. hramjan pour lequel on attendrait *hromjan s'est dirigé sur les racines à e bref. Le gr. Kpé- |Lia|Liai donne la forme faible.

3. Rac. têm. Lat. têmëtum, têmulentus. Miklosich (Lexicon palaeo- slavé) compare à ces mots le sl.timica «boue» dont le premier i re- présente donc un ê long. La forme faible se trouve dans tenebrae et le si. tïma. La comparaison des mots sanskrits (p. 161) montre que le rac. fëm ou stëm réunissait en elle les idées à'htimidité, d'oh- samté^ de silence^ âHmmôbiUté. Au figuré elle rend aussi celle de tristesse.

4. RsiC. dhën. h&t.fënus; gr. ev-bY]via k côté d'ev-bevia {skr. dhâna).

5. Rac. sëd. Lat. sédes (ancien neutre en -as), sëdulus, sédare. Lit. sëdéu, sédëti. Je ne sais comment on explique le présent slave sfdq; l'infinitif fait sesti. Au degré 2 séd donne sôstas «siège» et non «sastas^. Semblablement on a en slave saditi «planter» et non ^soditi-». Le grec et le germanique ont toujours \'e bref. Il ne peut appartenir primitivement qu'à la forme faible. Got. sitan, gr. êZ!o|iai, ëbpa, ëboç icî.sëdes). Sur l'i de îbpùuj qui est important cf. p. 169.

6. Rac. stêg. Lat. têgula. Lit. stegiu et stôgas, non «stagas>. Il faut que CTtéTiu, tego^ tétoç etc., soient sortis secondairement, bien qu'à une époque très reculée, de la forme faible. De même tôga est nécessairement hystérogène.

7. Rac. sîvédh. Gr. »iôoç, parf. eïuiôa^ En latin, peut-être suësco et probablement sodés (pour *svëdes) qu'on a rattaché à rjO-eîoç (*r|ôe(T-io). La forme faible se trouve dans le got. sidus, le lat. sô-

��1. Qn a reconstruit nijoba» en supposant une action progressive du di- gamma sur l'o (Brugmann, Stud. IV 170). Le seul bon exemple qu'on ffùl citer pour une modification de ce genre, c'étaient les participes comme TcOvriôiTO. Cet exemple tombe, si l'on admet que l'iu est emprunté au nominatif Teôvridiç, ce qui est à présent l'opinion de M. Brugmann lui-même (K. Z. XXIV 80). A ce propos nous ne pouvons nous empêcher de manifester quelque scepticisme à l'égard des innombrables allongements tant régressifs que progressifs qu'on attribue au digamma. Peut-être ne trouverait-On pas un cas sur dix qui soutînt l'examen. Ici la voyelle est longue dès l'origine, par exemple dans kXôÎç, vriôç, f|oç, iKr\a, driëo|uai, <p&ea etc.; là il s'agit de l'allongement des composés comme dans laerriopoç; ailleurs c'est une diphtongue qui se résout comme dans r\{ij(; pour *ausôs, *auôs, *auwôs, *âwôs (cf. dor. éEiupdbia, irXriiuv venant de

  • èîovdbia, irXeiujv). Et comment explique-t-on que les mots comme yXukOç,

sauf éOç éf\oç, ne fassent que f^vjKéoç quand TOKeùç fait TOKfioç':* — Nous re- connaissons bien que certaines formes, p. ex. neipe de eïpuj, ne comportent jusqu'à présent que l'explication par le digamma.

�� � RACINES CONTENANT UN ê MÉDIAL. 159

dalis {*$vedalis), le gr. eùédtuKa. ëôoiv, lôerai (Hes.) doivent être sortis de l'aoriste, et ëôoç est fait sur ëôuj.

Le parfait grec |Lié|Liri^e indique une racine mël dont la forme faible a donné |LiéXuu etc. Si le |Lie)Liâ\ÔTaç de Pindare est authen- tique, l'S de cette forme se place à côté des cas comme f]pa dont nous avons parlé p. ISôg.

On constate parfois une variation de la qualité de l'a telle qu'elle apparaissait dans le v. h^-all. sfêm, luom, en regard du gr. 'iaxâiui, TÎ&nMi (P» 135). Gr. puJO|Liai «danser» comparable au norr. ras «danse etc.», gr. KéxXâba (et KaxXdZ;ui) en regard du got. grefa (v. Fritzsche, Sprachw.Abh. 51). On pourra citer aussi le lat. robur si, tout en adoptant le rapprochement de Kuhn avec skr. ^ràdhas, on maintient celui de rddhati avec got. reda, rairop. Cette même racine donne, au degré 2, le si. radû «soin», au degré faible le gr. èTTi-ppoôoç. En regard du gréco-it. plag le gotique a fleka. Toute- fois M.Bezzenberger prétend que le présent fleka n'est conservé nulle part et que rien n'empêche de rétablir ftoka (A-Reihe, p. 56 i. n.).

La troisième série ainsi que plusieurs exemples de la première nous montrent Ve répandu dans la forme faible même dans d'autres idiomes que le grec. C'est là, comme on se le rappelle, un fait qui paraît ne jamais se présenter à la fin des racines (p. 134), et un fait qui, peu important en apparence, jette en réalité quelque trouble dans la reconstruction du vocalisme des â. Il laisse planer un cer tain doute sur l'unité de composition des différents â longs euro- péens, et nous sommes obligés d'entrer dans la terre inconnue des langues ariennes sans que l'européen où nous puisons nos lumières ait entièrement confirmé l'hypothèse dont nous avons besoin. N'étaient les racines comme sëd sed, tout â long sanskrit répondant à un â long européen serait une preuve directe du phonème a. Nous re- viendrons sur ce point à la p. 164.

Langues ariennes.

I. Existence, à l'iutériear de certaines racines, de la dégradation â a constatée plas liant dans les langues d'Europe.

Pendant longtemps toutes les racines ariennes ou peu s'en faut paraissaient posséder l'échelle â a. Grâce aux travaux de M. Brug- mann la complète disparité de l'a de tâna (= gr. tôvoç) avec Va européen est désormais mise en évidence. Comment peut-on s'assurer que Va des exemples relatifs à notre question est bien un à long et non pas ag? Dans certains cas, il faut le reconnaître, les critères font

��I

�� � 160 LA DÉGRADATION & a DANS l' ARIEN.

défaut purement et simplement. Qui décidera par exemple de la valeur de l'a de çdli ou de râhû? D'autres fois, et particulièrement dans les trois cas suivants, on peut prouver que la longue est originaire.

1. f^'â se trouve devant un groupe de deux consonnes comme dans çdsmi qui ferait i<çâsmi», si l'a était ag.

2. L'a se trouve dans une formation où le témoignage des langues européennes joint à celui d'une grande majorité d'à brefs ariens interdit d'admettre «2- Ex.: kdçate au présent de la 1^ classe; rddhas, thème en -as (p. 119 et 122).

3. Il y a identité avec une forme européenne où apparaît l'a long. Ex.: skr. ndsâ = lat. nâsus.

En jugeant d'après ces indices on se trouve du reste d'accord avec les grammairiens hindous qui posent les racines çâs, kâç, râdh, et non cas, kaç, radh.

a) Le degré réduit présente^ a.

âmâ (= gr. djjLiôç): ànila.

âçn : âçri ; cf. gr. ùjkOç, ÔKpiç.

krdtnati «marcher» : krâmati est apparemment l'ancien aoriste. Du reste krâniana etc. montre que la forme faible s'est généralisée.

gdhate «se plonger»: gàhvard «profond».

ndsâ «nez» parallèlement à nàs, nàsta (id.).

pàgas ne signifiant pas seulement lumière, mais aussi force, im- pétuosité (B. R.), il est probable que le mot est identique, malgré tout, avec le gr. *7T(Îyoç dans eii-Trr|Tr|ç : pàgrâ qu'on traduit par dru, compact, offre la forme faible de la racine.

mddyati «s'enivrer»; mâdati, comme j^lus haut krâmati, s'annonce comme un ancien aoriste. L'a de mddyati ne s'accorde guère avec le présent en -ya et paraît être emprunté à une forme perdue *mddati.

vdçati «mugir»: vàçd «vache». Dans vâvaçre, vavaçânâ Va bref est sans valeur, cf. la note.

svddate «goûter», svddman, svâttd pour *svatfa: svâdati représente l'ancien aoriste.

hrddate «résonner»; hràdâ «lac» (cf. gr. KaxXà^uu qui se dit du bruit des vagues).

P) Le degré réduit présente î.

pla-ç-i nom d'un viscère: plî-h-ân «foie». Pour k et gh alternant de la sorte à la fin d'une racine cf. mak et magh p. 61.

1. Nous ne comptons pas les formes redoublées comme éàkaçUi de kâç, asisadhat de sâdh, hadbadhânâ de bàdh. Les a brefs de cette espèce sont dus à la recherche du rythme plutôt qu'à autre chose.

�� � LA DÉGRADATION à a DANS l'arIEN. 161

cas «gouverner». Le vocalisme de cette racine est presque in- tact. Nous allons confronter çâs avec dves comme plus haut Xâd avec (peux:

çdsH çismâs çisât çaçàsa çistâ çâstdr â-çj,s dvésti dvismâs dvisâti didvésa dvistâ dvestâr pati-dvls

Cependant l'analogie a déjà commencé son œuvre: le pluriel du parfait fait çaçâsus au lieu de '^çaçisus et le passif çâsydte pour *çïs- ydte. Bohtlingk-Roth citent le participe épique çâsta, et on a dans le Rig-Véda des formes comme çâste, çâsmahe.

sadh «réussir». Les formes sidhyati, siddhâ, sidhmd, sidhrà, nih- sidh^ ont dû être primitivement à sddhati, sddhistha etc. ce que çis est à çâs. Par analogie on créa sédhati^ sisédha, ce qui amena une scission entre les deux moitiés de la racine.

y) Le degré réduit présente à la fois a et t.

tdmyati «être affligé» (cf. mddyati p. 160), tàmrd «de couleur sombre» : timird «obscur», tîmyati «être humide, silencieux, immobile». La forme stimyati fait supposer que la racine est en réalité sfam. On trouve l'a par exemple dans tâmisrâ.

vdsas «vêtement»: vaste «se vêtir» — non pas *uste» comme on aurait si la racine était vas — , mais aussi d-vis-t-ita «revêtu» R. F. X 51,1; vesa et vestayati dans le sanskrit classique paraissent être nés comme sédhati de quelque phénomène d'analogie.

çâktd «maître», çdkman «force» ctTraS eîpr||névov védique: çàknôii «pouvoir», mais en même temps çikvd, çikvan, çikvas «habile>.

sddana synonyme de sddana «demeure»^, sâddd-yoni (véd.): sîddti (aussi sîdati) «s'asseoir» n'est pas pour 'isizdati» comme nous le disions par erreur à la p. 12^, et cela 1° parce qu'il faudrait dans ce cas «sîdati*, 2" par la raison péreraptoire que le zend a hibaiti et non «■htzhdaiti». Les autres formes, fortes et faibles, n'ont ni sud ni sîd, mais sâd.

II. La répartition des racines qni ont la dégradation â a est-elle la même dans les langues ariennes qu'en Europe?

Comme tout a et tout g européen suppose, d'après ce que nous avons vu, un I et un ô, la quantité de ces phonèmes est indifférente pour la recherche qui suit.

��1. Il va^ sans dire que s&dana dans le sens d'action de poser {sàdayati) ne peut pas être cité.

de Saussure, Oeuvres. 11

�� � 162 l'ô long arien comparé à iM long européen.

Parmi les exemples ariens nous ne croyons pas devoir omettre les racines telles que âj) qui ont supprimé la dégradation en géné- ralisant la forme forte.

1. L'européen présente a (au degré réduit, a).

Skr. àp," âpnôti, âptâ: lat. apiscor, aptus. — Skr. âmd à côté de amla: gr. ibjuôç, lat. amarus. — Skr. âçû à côté de àçri: gr. duKÛç, ÔKpiç. — Skr. kâsate «tousser>: lit. kôsu^ v. h^'-all. huosto. — Skr. gâhate (cf. p. 160): gr. pfjŒcra. — Skr. pdgas: gr, eù-TTr|P1Ç, P- 160.

— Skr. nàsâ à côté de nâs: lat. nâsus, lit. tiôsis, si. nosù. — Skr. màâyati: lat.madeo, gr. |na5duj. — Zend yâçti: gr. ÎUJCT, lo<J (p. 144), si. jas, lit. jûs. — Skr. vdçati: lat. vacca. — Skr. çdsH: lat. casfus, cnstigare^, Casmenae; gr. kôo"|lioç; got. hazjan. — Skr. svddate: gr. cr/ab.

— Skr. hdsate «jouter à la course» (B. R.): gr. xiÂ^OjLiai (?).

2. L'européen présente é.

Skr. krdmati: gr. Kpri|n (p. 158). — Skr. tdmyati, tâmrâ: europ. têm (p. 158). — Skr. ddsati «poursuivre»: gr. br\{u. — Skr. rddhaii «faire réussir», rddhas «richesse»: got. redan «délibérer», peut-être aussi lat. rôbur (cf. p. 159). — Skr. râg rdgati «briller»: grec priT «teindre» (p, 156). — Zend râm dans ramôibwem «vous reposeriez»: europ. rëm (p. 156). — Skr. vd sas (p. 162): l'absence assez singulière du degré Jx)a dans les formes grecques fait soupçonner que la racine est /ii(J. — Skr. sddana etc. (p. 161): europ. sëd (p. 158). — Skr. hrddate: europ. ghred, ghrâd (p. 159).

A cette liste il faut ajouter skr. hcihû = gr. irdxuç, skr. sâm! = europ. sënii, skr. rdg = lat. rëx, got. reiks, irland. rt. Isolés et déjiourvus de formes faibles, ces mots sont difficiles lY classer.

La valeur des coïncidences énumérées est rehaussée par ce fait que la dégradation indienne a a, ou plus généralement l'a long, ne se présente jamais, que nous sachions, quand l'européen offre un type comme pet^.

��1. Frôhde, K. Z. XXIII 310. Ajoutons pro-ceres pour *pro-cases = skr. praçisas «les ordres», de même qu'en Crète kôomoi signifie les magistrats.

2. Le rapprochement du got. ntpan avec le skr. nàthitâ «inops» n'est rien moins que satisfaisant. Quant à hhrdyati en regard du gr. qpXéyuj, le lat. ftagrare aveitit par son a que la racine est bhlëg et que l'e de qjX^TUJ est de même nature que dans ëZ^Ofjai de séd. Pour le lat. decus en re^'ard du skr. dâçati, l'o des mots grecs bÔYiaa, béboKTOi (cf. p. 123) nous rend le même ser- vice. I^a racine est deok: béboKTai est à *dêcus (converti en decus) ce que im- ppoOoç est au got. reda (p. 159). — On trouve dans le Rig-Véda un mot hhârnian de la racine qui est en Europe bhet-. L'allongement aura été ja-ovo-

�� � I,'â LONG ARIEN COMPARÉ À l'<Î LONG EUROPÉEN. 163

La réciproque, comme on va le voir, serait moins vraie. Nous rappelons que toute racine européenne montrant quelque part a doit être considérée comme possédant la dégradation â a.

âgati cf. gr. dxuj, àYéo|aai; gâdati cf. gr. pdZiuj, irland. guidiu ro- gdd; hhâgafi cf. gr. cpayeiv; yâgafi cf. gr. dZiojuai; râdati cf. lat. rddo] labhati cf. gr. Xàqp Xa^eiv; vâtati cf. lat. vâtes; sthagati cf. europ. stèg (p. 158). Rien, ni dans la formation des temps ni dans celle des mots, ne trahit une différence quelconque entre ces verbes et les exemples comme pdtati = lat. peto.

Ce fait, s'il n'est pas précisément des plus favorables à l'hypo- "thèse du phonème a, est cependant bien loin de la menacer sérieu- sement. Reprenons le présent svddate cité précédemment. Ce pré- sent est accompagné d'une seconde forme, svâdati. Si l'on compare le grec d6o)aai, aoriste e-uabo-v, on conviendra qu'il y a neuf pro- babilités sur dix pour que svâdati représente sinon l'ancien aoriste, du moins un présent originairement oxyton swadâ-ti. L'accent, en sanskrit, a été attiré sur la racine par Va qui s'y trouvait, phéno- mène que nous constaterons encore plus d'une fois. Aucun présent indien en a n'a le ton sur le suffixe quand il y a un a dans la racine. V. Delbriick, Altind. Verh. 138 et 145 seq. S'appuyer ici sur l'accen- tuation serait donc récuser d'avance tous les autres arguments et supprimer la discussion^.

Qu'on se figure le présent svddate tombé en désuétude, svâdati survivant seul, et l'on aura à peu près l'état de choses qu'offrent actuellement âgati, gâdati etc. Les formes comme svddman n'auraient pas tardé en effet à suivre le présent dans sa ruine.

Cette explication est la même que celle que nous avons tentée (p. 151 seq.) pour les présents comme got. saka, gr. |Lidxo|Ltai. Seule- ment l'arien, n'étant plus comme les langues européennes retenu et guidé par la différence des sons e et a, pousse plus loin qu'elles l'assimilation de nos verbes à ceux du type paît. Au parfait par exemple la 1* pers. babhâga {à côté de babhdga) et la 2' babhàktha (à côté de bhegitha) ne sauraient se ramener à bhAg. Ces formes ont subi le métaplasme. La 3® pers. babhdga peut passer pour originaire et se comparer directement au grec TéôiWYC, au got. sok.

��que par le groupe consonantique qui suit, comme il faut l'admettre, je pense, pour hardi «cœur», pdrsni cf. Tttépva, mamsâ = got. mitnza-.

1. Les jirésents où nous restituons a ne sont pas les seuls où l'accent doit avoir subi ce déplacement: dàçati de la rac. daniç est forcément pour

  • <l(iÇ(Ui, *{inçâii (cf. baKeîv).

Il»

�� � 164 i/rt LONG ARIEN. — hH DE pitar.

Les coïncidences que nous avons vues entre les a longs ariens et européens permettent-elles de tirer quelque conséquence touchant les a proethniques? Si les malencontreuses racines européennes comme sëd sed ne venaient à la traverse, nous aurions dans les cas comme svâdate = âbo|Liai comparés à pdtati = peto la preuve pure et simple que la dégradation indo-européenne a a est liée au pho- nème A, et que ce phonème a de tout temps différé de a^. Dans l'état réel des choses, nous devons renoncer à cet argument.

Cependant c'est ici le lieu de faire remarquer que la coïncidence a lieu en grand pour toute la classe des racines finissant par à. La nécessité de l'^ long aux formes non affaiblies de ces racines (dont nous avons parlé p, 128 seq.) est la même pour V arien que x>our l'européen. 11 n'y a point de racine en à. Ce fait, si on le compare à tout ce que nous savons de l'organisme des racines, démontre que l'a indo- européen est une combinaison de % avec un second phonème. 11 ne contient cependant pas la preuve que ce second phonème fût telle et telle voyelle (a, o).

III. Le vocalisme des formes faibles, dans les exemples de la dé- gradation â a, et les données qu'il fournit sur les a indo-européens.

M. Brugmann a consacré quelques lignes auxquelles nous fai- sions allusion à la p. 6, à la question des a proethniques autres que «1 et «2- 11 cite comme exemple d'un de ces a la voyelle radicale de pitàr — irairip — pater et de sthitd — CTTaiôç — status. Car autrement, dit-il, ces formes comparées à padâs — *7Te5ôç — j^^^i^^ seraient absolument incompréhensibles. Il va sans dire, d'après tout ce qui précède, que nous nous joignons sans réserves, pour le fond de la question, à cette opinion du savant linguiste. Seulement nous ne comprenons pas bien le rôle que joue dans son raisonnement IV indien de pitâr, sthitd. 11 n'a pu entrer dans la pensée de l'auteur de dire que parce que Vi indien de pitdr, sthitd, diffère de l'a indien de padâs, ces phonèmes ont dû différer de tout temps. Ce qui est sous-entendu, c'est donc que Vi en question répond toujours à un a européen. On aurait attendu alors une explication, si courte et de quelque nature qu'elle fût, relativement aux cas comme ôeiôç — hitd^.

La véritable signification de Vi arien dont il s'agit ne se révèle, croyons-nous, que dans les formes énumérées plus haut (p. 160 seq.)

��1. M, Bragmann la donne peut-être indirectement en émettant la pré- somption que les phonèmes «, et Oj ne terminent jamais la racine.

�� � SIGNIFICATION DE I,'î ARIEN POUR a. 165

OÙ l'ï se trouve à Vintérieur de la racine. On peut joindre aux exemples donnés çikafe «tomber par gouttes», dont la forme forte est dans le grec KriKiui, et khiddti «presser», khidrd, khidvas, qui, ainsi que l'a reconnu Grassmann, sont parents du gr. Kabiu. L'e de khédâ «mar- teau» et de vikhéda n'est point originaire, puisqu'on a en même temps éakhdda, parfait védique donné par Pànini.

Tous ces exemples de Vî ont ceci de commun et de caracté- ristique qu'ils correspondent à un â long des formes fortes. Les racines sans dégradation, comme tap tâpati ou pac pâcati, placées dans les mêmes conditions d'accent, ne convertiront jamais leur a en i^. Si elles ne peuvent l'expulser, elles le garderont toujours tel quel: faptâ, pdkti etc.

Si l'on considère de plus que tout î placé à la fin d'une racine est accompagné d'un â dans la forme forte, qu'il en est de même, en dehors de la racine, dans lés formes de la 9* classe verbale comme ppmnds en regard de prnàti, on arrivera à cette notion, que l'I arien pour a suppose un a long dans les formes non af- faiblies AUSSI nécessairement que le véritable i suppose ai ou que r suppose ar.

Or la réduction de l'a long, pour désigner ainsi le phénomène en faisant abstraction de toute reconstruction théorique, ce fait qui est la condition même de l'î arien, ce fait appartient à l'histoire de la langue mère, non à l'histoire de la période indo-iranienne; la comparaison des langues d'Occident l'a suffisamment établi. Il est clair par conséquent que le germe de l'ï est indo-européen. Le vocalisme arien accuse une différence de qualité entre les a proethniques sortis de â, ou du moins certains d'entre eux, et les a proethniques non sortis de â.

Cette définition a sorti d'un â long convient admirablement aux phonèmes a et ^ des langues européennes. L'î arien serait-il donc purement et simplement le représentant de ces phonèmes? Nulle- ment. Cette thèse serait insoutenable. Dans la majorité des cas a et 9 sont rendus par a, comme nous l'avons vu au chapitre IV et tout à l'heure encore où il était question des formes bhàgati, râdati etc. opposées à (payeiv, râdo etc. Entre les cas même où le sans- krit conserve la dégradation, il en est bon nombre, nous l'avons cons-

��1. Ni les aoriste^ comme âji^at ni les désidératifs tels que pita de pat ne sauraient infirmer cette règle. La valeur de IV des aoristes est nulle puiscju'il apparaît même à la place d'un u {nubyigat), et les désidératifs doivent peut-être le leur à un ancien redoublement.

�� � - 166 a INDIEN = î DE pitàv ACCENTUÉ.

taté, dont la voyelle est a aux formes faibles, p. ex, svddate, svîvJati. Ce n'est pas qu'on ne doive présumer que le même phonème d'où, avec le concours de certains facteurs, résulte un ï n'ait pu prendre, sous d'autres influences, une route divergente. Nous ne doutons même pas que dans les formes où ce phonème a été placé dès l'origine sous la tonique il n'ait produit a au lieu de î. Voici les exemples qui paraissent le prouver. A côté des cas obliques comme niçâs «noctis» il existe une forme védique nâk {== *nâks, cf. drak- syâti de darç etc.) qui, ainsi que le fait remarquer M. Brugmann («Sf^rf. 1X395), est le propre nominatif de niçâs. Le phonème destiné à devenir i dans la syllabe non accentuée a donné a sous l'accent^. — Tout porte à croire que la seconde partie de catânras est iden- tique avec tisrâs, zd. tisaro^. Le prototype de Vi de tisrâs s'est donc épanoui en a sous l'accent. — Peut-être enfin que l'a de madhu-pà • (le type soma-pd est le plus commun, il est vrai, dans la langue védique) n'est dû ni à l'analogie de la déclinaison thématique ni à un suffixe -a, mais qu'il est tout simplement l'équivalent accentué de Vi de pï-tâ. La formation non védique ^ala-pî, faisant à l'in- strumental gala-py-â, est en tous cas hystérogène.

L'influence de l'accent qu'on remarque dans les cas précités ne doit cependant point faire espérer de résoudre le problème en disant que l'a radical de svâdati résulte de l'innovation qui a amené la tonique sur la racine (p. 163) et qu'autrement on aurait «svidâli^^ comme on a Ichiddti, çisât. On ne comprend en effet ce retrait de l'accent qu'en admettant que la racine possédait déjà un a bien caractérisé. Mais voulût-on même recourir à une hypothèse de ce genre, il resterait à rendre compte d'une infinité de formes accentuées sur le suffixfî. En expliquant bhdgati, mddati, âgati, on n'aurait point

��1. M. Brugmann cite nâk niçâs pour corroborer son opinion relative à la déclinaison de fc, pfc etc. où il pense qu'il y a eu autrefois des formes fortes. Mais tant qu'on n'en aura pas l'indice positif, nous nous autoriserons au contraire des nominatifs fk, pfk etc. pour dire que nâk est forme faible à l'égal de niç- âs. La forme non affaiblie de ce thème ne pourrait être que nàç-.

2. Les nominatifs anciens étaient *fisâras (zd. tisarô) et *c(itâsarns (forme que Grassmann croit pouvoir rétablir dans un passage du Rig-Véda), mais cela ne change rien .i l'accentuation. — Pour l'identité de la fin de *éatàsnras avec tisâras on peut remarquer que le premier élément de *catâsaras se retrouve h son tour dans la 2e moitié de 2>ânca.

3. Cette forme est doublement fictive, car le son qui a donné î se fond avec les sonantes qui précèdent en une voyelle longue (v. chap. VI). Nous de- vrions donc écrire, pour être exact, ««ûrfrftt».

�� � l'I arien provient d'une ancienne altération de a. 167

encore expliqué bhaktd, mculird, agi, ni d'autres formes plus isolées montrant également a dans les langues d'Europe, comme pagrd^ hhadrà (cf. got. batists, hotjan etc.), çaphâ (cf. norr. hôfr)^ maghd (v. p. 61), çdçadmahe = KeKâa}xç.^a etc.

On est donc amené h conclure à la diversité, sinon tout à fait originaire, du moins proethnique du phonème a et de la voyelle qui a donné 1'? indo-iranien. Nous croyons que cette voyelle était une espèce d'e imief, provenant de l'altération des phonèmes a et o. L'altération, à en juger par le sanskrit (p. 141), avait été générale à la fin des racines, partielle dans les racines finissant par une consonne. Ceci peut tenir à la manière dont les syllabes étaient séparées dans la prononciation.

Que cette voyelle indéterminée soit une dégénérescence des vo- yelles A et — nous ajoutons par hypothèse: seulement de ces vo- yelles — et non pas, comme on pourrait croire, un phonème distinct de tout autre dès l'origine, c'est ce qui ressort des considérations suivantes.

1" S'il y a une raison quelconque d'admettre à l'intérieur des rdcines un phonème a parallèle à i, n, r, etc., il serait invraisemblable et absolument arbitraire de prétendre que le même phonème n'ait jamais pu terminer la racine. Or le sanskrit montre que la voyelle dégradée existait dans toutes les formes faibles des racines en a. Il devient donc évident que dans certains cas, si ce n'est dans tous, elle est la transformation secondaire d'un a (ou d'un o).

2** Dire que la voyelle faible proethnique d'où dérive ïi de sthità, çistd, n'sk point été d'abord une voyelle pleine serait renoncer à expliquer l'a de sthàman, çdsti, dont elle forme la seconde partie.

Cette voyelle, disons-nous, devait être très faible. On aurait peine à comprendre autrement comment dans plusieurs langues différentes elle tend à être supprimée. On a en sanskrit les formes comme da-d-mds, da-dh-mds, d-ita, vâsu-tti, ava-tta (de dâ partager). Le paléosl. damû, da-s-te etc. s'explique de même (pour le redouble- ment V. § 13 fin). Le pluriel et le duel du prétérit gotique faible ■dedum etc., où la rac. dhê est fléchie, croyons-nous, à l'imparfait, rendent le même témoignage. En latin pestis est suivant Corssen pour *per d-tis. Nous rappelons aussi l'ombr, tedtu. Tout indique encore que \'i de sthifd, pitàr est identique avec \'i de duhitàr et d'autres formes du même genre (cf.le chap.VI). Or en slave et en germanique dûsti, dauhtar, montrent que la voyelle en question a disparu, absolument comme dans da-s-te, de-d-um. — Enfin la pro-

�� � 168 DIFFÉRKNTS PRODUITS DE LA VOYELLE INDÉTERMINÉE.

nonciation indéterminée de cette voyelle se manifeste encore par le fait qu'elle s'absorbe dans les sonantes qui la précèdent. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette particularité. Le participe de çra par exemple, donne, au lieu de «çritâ» (gî. sthitd de stha), çlrtâ = '"çffd.

Nous désignerons la voyelle indéterminée par un "^ placé au- dessus de la ligne.

En Europe cette voyelle incolore, quand elle n'a pas disparu, s'est confondue le plus souvent avec les phonèmes a et o dont elle était sortie. Nous sommes obligé de prendre plusieurs de nos exemples dans les cas mentionnés ci-dessus où une voyelle apparaît à la suite de la racine comme dans duhitâr. La valeur de cette voyelle ne diffère point de celle qui est dans sthitâ.

La continuation latine est en général: a dans la première syl- labe des mots, e ou i dans la seconde. Exemples: castus (= skr. çistâ), pater, status, satus, catus, datus^; — gen'ito)', genetrix, janitrices, umhilicus. Le mot lien = skr. pUhdn offre i dans la 1* syllabe. En revanche a7iàt- «canard» montre a dans la seconde.

En germanique on trouve a (parfois u) dans la V syllabe, et suppression de la voyelle dans la "2® syllabe. Exemples : /a(/ar, dauhtar. Le v. h*-all. anud «canard» retient la voyelle dans la 2" syllabe et lui donne la couleur u.

Le letto-slave offre un e dans le paléosl. slezena = skr. plîhdn, et le même e se retrouve dans la désinence du génitif: matere, gr. ILirirpôç. Voy. ci-dessous ce qui est relatif h pâtyus. Dans la seconde syllabe nous trouvons la voyelle supprimée: si. dûsti, lit. dukte; bI. qty, lit. antîs, GÎ. lat. anat-; lit. arWas «charrue» comparé à dpoipov, irklas «rame», cf. skr. arîtra.

En grec les formes comme èpe-T)iiôv, Képa-|Lioç, dpo-ipov, àpi- ô|uôç indiquent que la voyelle muette peut prendre quatre couleurs différentes, sans qu'on voie du reste ce qui détermine l'une d'elles plutôt que l'autre.

Il devient donc possible d'identifier l'e de éiôç avec Va du lat. satus. Dans éiôç de i^, ôôioç de 5ui et (TTaiôç de CTâ nous ad- mettrions que le souvenir des formes fortes imposa dans chaque cas la direction que devait prendre la voyelle indéterminée. Ainsi l'a et i'o de la fin des racines ne seraient point comme ailleurs les

1. 11 nous semble, d'après tout ce qui précède, qu'il faut expliquer datiis, catus en regard de dôs, côs (comme satus en regard de sêtnen) au moyen de la voyelle indéterminée. Le mot notes comporte la même supposition, si l'on juge I'o de vôaqpi de la même manière que I'o de boTÔç (v. plus bas).

�� � ANOMALIES. 169

représentants directs de a et Ç, Us seraient issus du son -^ affai- blissement proethnique de ces phonèmes. Libre de toute influence, la voyelle -' semble avoir incliné vers l'a. C'est ce qu'indiquent TraiTip, duTÛTrip, ô|ii(paX6ç = nobhilâ, airXdTXV-o-v cf. iMhàn, KÎpvajuev en regard de ijpnmàs, puis quelques formes isolées comme irpôpaTOV, TTpôpacJiç, PacriXeùç parallèlement à pôaKUu, PoTrjp de puj. L'i se trouve dans tti-vu), Trirrî-ffKUJ.

Plusieurs exemples, à l'intérieur des racines, rappellent les doublets de formes faibles indiennes comme çik et çak de çâfc, vis et vas de vas. En grec on a de kuutt (Kiucpôç) KàîTuuv et kôtttu). L'a de KaTTUJV paraît représenter la voyelle faible; l'o de kôtttuu est o. En gotique on a de slâh (parf. sloh) le partie, slauhans et le présent slaha.

On peut citer encore comme exemples de la voyelle faible médiale, grec ëxpaYOV de TpuuY, got. hrukans où le groupe ru répond au ra de fractus et de paxfivai {rac.hhrëg). V.p. 157. L'i représente la même voyelle dans îbpûu) (cf. skr. sïd), dans kîkuç «force» que M. Fick rapproche du skr. çak, çik.

Dans deux exemples seulement Vi indien semble être rendu directement par l'o grec : box^iôç qui correspond à gihmâ et kÔ(T|lioç en regard du skr. çis. Est-il permis de comparer kitavà «joueur» et KÔTTaPoç? Cf. ion. ÔTiaPoç. 11 serait possible aussi que la voyelle de VUKT-, noct- répondit exactement à celle de niç-.

Dans quelques cas le sanskrit offre un u à la place de l'i; gûdà «intestin», cf. YÔ6a ' ëvxepa. MaKebôveç; uâdra «ventre», cf. ôbepoç' YacTTrip; su-tûka «rapide» de tak (cf. xaxûç); vdruna, cf. oùpa-vôç. Le cas le plus important est celui de la désinence du génitif. Nous croyons que pdtyns est identique avec ttôcTioç; voy. p. 183.

Avant de finir, nous ne voulons pas omettre de mentionner différentes formes indo-européennes qui sont en désaccord avec la théorie proposée. Peut-être sont-ce des fruits de l'analogie proethnique. Indo-eur. swâdû en regard de prthû etc. (p. 15,24). Indo-eur. âstai (skr. dste, gr. rjcTiai) au lieu de Astai. Indo-eur. Ak^man «rocher» à la place de Aknian, Ayas «ses» et non Ayas (p. 147). Il est fort singulier aussi de trouver de la rac. sud skr. sâdas = gr. é'boç, de la rac. tâm skr. tâtnas = lat. *tetnus dans temere, de la rac. dak^ lat. decus = skr. *dâças dans daçasydti, toutes formations qu'il nous est impossible de regarder comme légitimes. Voici un cas bien frap- pant: en regard du v. h^-all. uoba on a, très régulièrement, en sans-

�� � 170 RACINES DU TYPE Ar ET FAUSSES RACINES DU TYPE SArp.

krit àpas «acte religieux», en zend hvâpanh (Fick 1^ 16), mais en même temps skr. âpas, lat. opus, inexplicables l'un et l'autre.

Pour que le phonème a remplît un rôle morphologique parfai- tement identique avec celui de i ou u, il faudrait, en vertu du même principe qui ne permet point de racines finissant par w, ir etc. (p. 118), qu'aucune racine ne montrât a suivi d'une sonante. Mais ici semble cesser le parallélisme de a avec les autres coefficients sonan- tiques, parallélisme qui du reste, considéré au point de vue physio- logique, est assez énigmatique.

Voici quelques-unes des racines où nous devons admettre, pro- visoirement du moins, le groupe a -\- sonante. Rac. Âr (soit a^^r) «labourer», ÂR àpapîaKUJ, Âl «nourrir» (got. ala ol), An «souffler» (got. ana on), llu «gagner» (àTro-Xaûuu, Xrjîç, si. lovii). Tve grec offre entre autres: 0âX ôaWuj, xé^âXa, ôâXéuu; — Hâv Haivuu, èiri-Hriyov; — TTâp TraOpoç, TTCtpoç, nripôç et avec Â^ (TaXaî-)TTUjpoç, cf. p, 57; — côtp (Jaîpiu, aécTâpa, ceaapuîa et (Tuipôç; — CKâX (JKaXXuu, (TKubXriH; — Yâu Y(ï(/')iuj, Yi^ûpoç, YéTn(^O^ci; — ^âu ba(/')îuj, bébr|(/')a, bebôcuîa (dans Nonnus d'après Veitch); — kœu Ka(^)îu), lKr]'f)a^; — kXôu kXûÎç et avec Â^ kXouPôç (Grdz. 572); — qpôiu (rac. secondaire) tti- qpSù(TKUJ, (p3é(/')ea; — XÇ>S.u xp&vvj, Zia-xPinÇ- A la p. 54 sont réunis plusieurs exemples gréço-italiques de ce genre. Une partie de ces racines sont indubitablement hystérogènes. Ainsi |uaivo|aai vient vraisemblablement de )aev comme Kaîviu de Kev (p. 97); plus tard l'a donna lieu à une méprise, et Ton forma |iié|Linva, )Linviç, |iiâvTiç. L'o du lat. doleo indique également que l'a de bàXXei" KttKOupYeî n'est point originaire (cf. p. 101), et cependant l'on a bâXéo|iai.

A cette famille de racines se joignent les exemples comme krëm, mèl (p. 156 seq.).

C'est une conséquence directe de la théorie et une conséquence pleinement confirmée par l'observation que l'a (a) des diphtongues Ai et AU ne puisse être expulsé. On pourrait objecter le lat. miser à côté de tnaereo, mais maereo est apparemment pour moereo de même que paenitet (Corssen P 327) est pour poenitef.

Les racines qu'on abstrait de forn>es comme le lat. sarpo ou taedet sont incompatibles avec notre théorie. La voyelle des racines

��1. Ucjiï à la p. l.*)Si nous avons eu l'occasion de contester que Vr] de ëKria vint du digumina: l-Kr\,f-a est à keati ce que l-oOiv-a est à seu. La flexion idéale serait ?Kria, *?Kâu|uiev, *?KctuTO, cf. laaeua, *laau\ii.v, Ioouto (p. 21, 1.38).

�� � FAUSSES BACIÎJES OU TYPE SAiy. 171

étant toujours e, jamais a, il faudrait poser pour racines sem-p teaid, soit sârp taid. Or on ne trouve pas d'à long dans les groupes radicaux de cette espèce.

Mais quelles garanties a-t-on de l'ancienneté de ces radicaux? Les racines telles que derk ou weid peuvent le plus souvent se suivre facilement jusque dans la période indo-européenne. Dès qu'il s'agit des types sarp et taidy c'est à peine si l'on recueille une ou deux coïncidences entre le grec et le latin, entre le slave et le germanique. Des 22 verbes gotiques qui suivent Vahlaut falpa faifaip^ ou Imita haihait, et dont la partie radicale finit par une consonne, 6 se re- trouvent dans une des langues congénères, mais sur ce nombre salta = lat. sallo est notoirement hystérogène; fâha, si on le compare à pango, ne doit sa nasale qu'au suffixe; hâha de même; il est com- paré à la p. 56 avec le lat. cancelli et le skr. hanéate, mais KttKaXov et le skr. kâi'ana «attache> ne connaissent point de nasale: auka enfin rentre dans un cas particulier dont il sera question ci-dessous. En réalité il n'existe donc que deux cas, valda = si. vladq^ skaida = , lat. caedo. On remarque bien que la coïncidence, dans ces deux cas, ne dépasse pas les idiomes des plus rapprochés*. Ces fausses racines pouvaient prendre naissance de manières très diverses: l*' Par l'ad- dition de déterminatifs à la forme faible des racines comme âl et gau. Ainsi le got. aipa est une continuation de ala, le lat. gaudeo est du consentement de tous une greffe tardive de gau. 2^ Par in- fection nasale venant du suffixe du présent. S^ Par propagation de la forme faible dans les racines contenant r, l, m, m. Ainsi naît le grec dapa (p. 122), ainsi \e ^técxi-ii. phark {farcio — q)pct(TcriJU, cî.fre- quens), car même en latin ar est dans plusieurs cas un affaiblisse- ment; V. le chap.VI. 4^ Par la combinaison des procès let3; ex.: spar-g-o de sper ((TTTeipu)). 5" Par la propagation de formes conte- nant fl2- S'il 63t vrai par exemple que le got. Manda soit parent

��1. Nous ne trouvons que 3 exemples qui puissent à la rigueur prétendre à un âge plus respectable: 1" Lat. laedo, cf. skr. srédhati. Comme toutes les formes parentes montrent e (v. p. 71), ce rapprochement ne peut être maintenu qu'à condition d admettre une perlurl)alion du vocalisme dans la forme latine, li" Gr. aauoapôç, cf. skr. çûsijciti. Nous n'attaquons pas ce j)arallèle; nous ne nous charj?eons pas non plus d'expli(juer l'a du grec, mais il faut tenir compte de \'e du v. ht-all. siurrn «gale», v. Fick IIF 327. L'a du lit. musas (cf. p. fi6) peut se ramener à volonté à e, o.^ ou a. 3" Lat. candeo, gr. Kctvbapoç, cf. skr. candrd. Ce dernier cas est un peu plus redoutable que le deux premiers. Cependant le groupe ati peut, ici encore, provenir d'un affaiblissement tel (|ue ceux dont nous parlerons au chap. VI.

�� � 172 TYPES TRINCIPAUX DES RACINES INDO-EUROPÉENNES.

de blinda- «aveugle», il faut qu'une confusion ait été occasionnée, à l'époque où la réduplication subsistait partout, par le parf. bebland du présent perdu '■'blinda. Cette forme s'associant à fefaip etc., était capable de produire Manda.

Les remarques qui précèdent ne s'appliquent pas aux racines où l'a est initial comme aidh, aiig, a^igh, arg, dont on ne saurait contester la haute antiquité. Mais ces racines n'en sont pas moins dues à des modifications secondaires. Comme nous essayons de l'établir au chap. VI, elles sont issues de racines contenant \'e. Par exemple le thème aus-os «aurore» et toute la racine ans procèdent de la racine wes, angh procède de negh etc.

��On ne trouve pas de racines terminées vocaliquement et dont le vocalisme consisterait uniquement dans a^, comme serait «s/a^» ou «■pa^'». A la rigueur les présents sanskrits comme ti-stha-ti, pi-ba-ti, pour- raient passer pour contenir de telles racines. Il faudrait attribuer à ces formes une antiquité énorme, car ce serait y voir la base, in- saisissable partout ailleurs, de racines comme sfa^-^, pa^-Q (gr. aiôt, TTUJ; skr. sthâ-târ, pâ-tdr). Mais il est bien plus admissible de dire tout simplement que ces formes sont dues à l'analogie des verbes thématiques, et que ï-(TTôi-Ti est plus vieux que tî-stha-ti.

Appelons Z tout phonème autre que a^ et a^. On pourra poser cette loi^: chaque racine contient le groupe % H- Z.

Seconde loi : sauf des cas isolés, si aj est suivi de deux élé- ments, le premier est toujours une sonante, le second toujours une consonne.

Exception. Les sonantes a et (? peuvent être suivies d'une se- conde sonante.

Pour donner des formules aux différents types de racines que permettent ces deux lois, appelons S les sonantes i, u, n, m, r(l), A, o, et désignons par C les consonnes par opposition à sonantes. Comme ce qui vient après a^ forme la partie la plus caractéristique de la racine, il est permis de négliger les différentes combinaisons aux- quelles les phonèmes qui précèdent a^ donneraient lieu. Ainsi a^i, ka^i, ska^i, rentreront pour nous dans le même type, et il suffira

��1, H faut avertir le lecteur que nous restituons «, par hypothèse à certaines racines telles que pu «pourrir» qui ne le montrent plus nulle part et que nous considérons de plus près au chap. VI.

�� � FORMES DES SUFFIXES, ETC. 173

d'indiquer par x Z placé entre crochets qu'il peut y avoir différents éléments avant Uy. Ces formules ne comprennent que le premier grand embranchement de racines, mais conservent leur raison d'être dans le second, dont nous parlerons au § 14.

V' type: [x Z +] a^ + Z.

2« type: [x Z +] a^ + S + C. Type résultant de l'exception à la seconde loi:

[x Z +] a, 4- A (o) + S.

§ 12. Aperçu synoptique des variations du vocalisme amenées par la flexion.

REMARQUES PRÉLIMINAIRES.

1. Forme des suffixes.

Nous ne considérons qvie les suffixes primaires.

Tva loi fondamentale des racines était de renfermer le groupe a^ -\- Z. Une loi analogue, mais plus large, régit les syllabes suffi- xales: tout suffixe contient a^.

Exception. Le suffixe du participe présent actif -ni ne possède pas a^. Les formes dont l'analyse est douteuse cachent peut-être d'autres ex- ceptions, dont on ne peut tenir compte.

Les suffixes se divisent en deux grandes classes, selon que a^ est suivi ou non d'un phonème.

Dans le premier cas la formule coïncide avec celles des syllabes radicales. Les principaux suffixes de cette classe sont -«!«, -ma^n, -tcain, -aytri, -a^r, -ta^r, -a^s, -ya^s, -wa^s, -ayi, -ta^i^ -na^i, -n^a, -ta^u, -na^u, -ya^A etc. Un thème tel que sa^f-tna^n ou ma^A-ta^r est une combinaison de deux cellules parfaitement semblables l'une à l'autre. — Toutefois le parallélisme de ces suffixes avec les racines n'est pas absolu. Il est restreint par une loi qui exclut des suffixes presque tout autre phonème que <, s, et les sonantes.

La deuxième classe de suffixes est celle qui finit par a-^ (lequel alterne comme ailleurs avec ag)- ^^ ^^^^ entre autres les suffixes -«1, -ta^, -nai^i -wa,, -ya^, -wui, -rai.

2. Qu'est-ce qu'on peut appeler les variations vocaliques amenées par la

flexion ? Les deux seules modifications que puisse subir la racine, l'ex- pulsion de tti et son changement en «2, sont aussi les deux seules modifications dont les suffixes soient susceptibles.

�� � 174 DÉFINITION DU SUJET DU § 12.

Les variations proethniques du vocalisme, si l'on en fait le total, se composent donc: l** des cas d'expulsion et de transformation de l'ai radical; 2° des cas d'expulsion et de transformation de l'aj suf fixai.

Mais pour saisir les phénomènes dans leur lien intérieur, la classification des syllabes en syllabes radicales et syllabes suffixales ne convient pas. Il y faut substituer la division en syllabes ou cellules présuffixales et prédésinentielles.

Les syllabes présuffixales sont celles qui précèdent immédiate- ment un suffixe. Il s'entend de soi-même que, dans le mot pri- maire, ce ne peuvent jamais être que des racines.

Les syllabes prédésinentielles comprennent: 1" les racines sans suffixe; 2" les suffixes.

Si le terme de syllabe n'était ici plus ou moins consacré par l'usage, nous lui préférerions beaucoup celui de cellule ou d'unité mor- phologique, car un grand nombre de racines et de suffixes — p. ex. sta^A-, pa-jA- (§ 14), -ya^A, peut-être aussi ka^i-, -na^u etc. — sont disyllabiques. Définissons donc bien ce que nous entendons par «syllabe» ou cellule: groupe de phonèmes ayant, à l'état non affaibli, le même a^ pour centre naturel.

Nous nous proposons d'étudier les variations vocaliques du mot primaire (expulsions et transformations de l'a) qui sont en rapport avec la flexion. Ce sujet ne touche, sauf une exception douteuse (p. 207), à aucune des modifications que subissent les syllabes pré- suffixales; il embrasse en revanche la presque totalité de celles qui s'accomplissent dans les syllabes prédésinentielles.

Nous ne disons pas la totalité, parce que dans certains thèmes- racines tels que skr. mfdh ou {açva-)yûg on constate un affaiblisse- ment persistant à tous les cas de la déclinaison. Apparemment cet affaiblissement ne dépend pas de la flexion.

Le principe du changement de Va^ en ag étant presque aussi mal connu pour les syllabes prédésinentielles que pour d'autres, on ne saurait affirmer que ce changement dépend de la flexion avec une sécurité aussi grande que pour le second genre de modifications, l'expulsion de l'a. Néanmoins l'alternance (^u'on observe entre les deux a, alternance qui se dirige sur celle des désinences, nous a déterminé à ranger l'apparition de Va^ prédésinentiel parmi les phé- nomènes de flexion.

�� � FLEXION FORTE ET FLEXION FAIBLE. ACCENT DU VERBE. 175

Flexion verbale.

1. EXPULSION DE L'a.

De la conformation des racines et des suffixes (v. ci-dessus) il résulte, soit pour los noms soit pour les verbes, deux types princi- paux de thèmes. Dans le premier type ai finit' le thème, dans le second aj est suivi d'un ou de deux phonèmes.

Thèmes verbaux du premier type: râiikui- (Xeîire-), rikâ^- (Xmé-), raiiksya^- (Xeiqie-), spakya^ (paçya-), gmskd^- (PaaKe-).

Thèmes verbaux du second type:

a) Racine simple ou redoublée. Ex.: â\s- (io-), â^i- (eî-), hhâ^A- (q)fi-), râ^igh- (Jeh-), kd^As- (cas-), hhd^bhâ^r- Qjibhâr-).

b) Racine -f- suffixe. Nous pensons que les caractéristiques -nayU et -nttyA des classes 5 et 9 ne sont pas plus des suffixes proprement dits que -na^-g dans yunàgmi (v. chap.VI). Mais cela est indifférent pour la flexion, et nous pouvons réunir ici toutes ces formes: s tr n d^n-^ {strnô-), pr n à^A- (pr n -d), yund^g- (yunàg-), righyd^A- {lihyd-, optatif).

Les expulsions d'à, dans les syllabes prédésinentielles, se ramè- nent à deux principes très différents: \r qualité du phonème imtial des désinences et l'accentuation. Selon que l'un ou l'autre des deux prin- cipes règne, il naît deux modes de flexion auxquels on nous per- mettra d'appliquer les termes de flexion faible et de flexion forte indo-européeime. Dans la flexion forte, la seule qu'admette le verbe, l'expulsion de l'a se dirige d'après l'accent.

Tout le monde reconnaît aujourd'hui, après la belle découverte de M. Verner, que l'accentuation indienne peut passer, et cela par- ticulièrement dans les formes verbales, pour l'image presque abso- lument fidèle de l'accentuation proethnique. La contradiction où était l'accent verbal grec avec celui du sanskrit et du germanique se résout par la théorie de M. Wackernagel qui en fait, comme on sait, un cas particulier de Venclisis. Conformément à ce que fait

��1. 11 est beaucoup plus admissible de ramener l'ô du gr. be(KVû|Lii à la diphtongue eu que de supposer que Vo du skr. strnômi sorte de n. L'w des formes iraniennes n'a rien à faire avec l'ô grec; c'est un allongement de Vu des formes faibles. Peut-être la suppression de la diphtongue suffixale, en grec, fut-elle occasionnée par l'introduction secondaire de la diphtongue radicale, les formes comme "Zleu^veum, "beiKveum, étant d'une prononciation difiicile. Si le verbe Kivëuj, à côté de xivuTai, est pour *\nvij\u, nous aurions là un dernier reste de IV.

�� � 176 LOIS DE LA FLEXION FORTE. LEUR APPLICATION AU VERBE.

attendre cette théorie, les infinitifs et les participes grecs échappent à la loi du verbe fini et s'accordent dans leur accentuation avec les formes sanskrites.

Que l'accent à son tour soit la principale force en jeu dans les dégradations de la flexion, c'est un fait proclamé d'abord par M. Benfey, mis en lumière dans ces derniers temps par les travaux de M. Osthoff et de M. Brugmann et sur lequel la plupart des lin- guistes tombent d'accord dès à présent.

Nous allons essayer de réduire à des principes aussi simples que possible: l'aies résultats des déplacements d'accent, 2*^168 dé- placements d'accent eux-mêmes.

11 n'y a d'autres thèmes verbaux paroxytons que les formes comme rdiikni"^, où l'accent est indifférent, ainsi que cela ressort de la loi I (v. ci-dessous). On peut donc poser la règle comme si tous les thèmes étaient oxytons.

CegT règles sont celles de la flexion forte en général sans dis- tinction du nom et du verbe.

I. L'tt] QUI FINIT UN THÈME ET QUI PORTE LE TON NE PEUT s'EN DÉPARTIR EN AUCUN CAS.

II. Si la loi I n'y met obstacle, toute désinence susceptible d'accent (c'est-à-dire formant une syj.labe) s'empare du ton de la cellule prédésinentielle.

III. Aussitôt privé d'accent, l'^ de la cellule prédé-

SINENTIELLE SE PERD.

L'énoncé de la loi II renferme implicitement l'hypothèse à la- quelle nous recourons pour expliquer la variation de l'accent: c'est de poser les désinences dites secondaires comme étant en réalité les plus primitives. La forme indo-européenne de ces désinences n'est pas encore déterminée pour chaque personne avec la même sûreté; mais du moins il n'y a pas de doute possible touchant celles du singulier de l'actif, et c'est là le point principal pour ce que nous avons en vue.

Actif: -m -s -t; -mai -t&i -nt; -wa tam -taam.

Moyen^: -m a? -sa -tA; -ma^dha -dhwai -ntA; -wadha — — .

La combinaison de ces désinences avec les thèmes râ\ik-,

jjrnd^A-, rikd^ ces exemples suflSront — donnera d'après ce qui

est stipulé plus haut:

��1. Sur le skr. plparti etc. v.'p. 179.

^2. Sur le grec -ao, -to etc. v. p. 196 seq.

�� � LES FORMES A DESINENCE DITE PRIMAIRE.

��177

��Actif

�Moyen

�Actif

�Moyen

�Actif

�Moyen

�ràiik-m*

�rik-niÂ

�prnâj A-m

�prnA-mi.

�rikâi -m

�rikà, -mA

�ràjik-s

�rik-sÂ

�pj-nâ, A-s

�pj-nA-sÀ

�rikâi -s

�rikâi-sA

�râjik-t

�rik-tÂ

�prnâi A-t

�PJ-HA-tÂ

�rikâi -t

�rikâi -tA

�rik-mài

�rik-inâ,dha-

�pj-nA-mâj'

�prnA-mài dha

�rikâi-maj

�rikàj -majdha

�rik-tâ,

�rik-dhwâ.

�PÎTlA-td,

�prnA-dhwâj

�rikâ, -tai

�rikâj -dhwa

�rik-n't

�rik-ntÂ

�pr^i-ï? t

�prn-ntÂ

�rikâi-nt

�rikà, -ntA

�rik-wâ

�rik-wâdha^

�pruA-wâ

�pj-nA-wadha

�rikài -wa

�rikâ-wadha

�rik-tam

�—

�p|-nA-tâm

� �rika,-tam

�—

�rik-tâam

�—

�prnA-tâam

�—

�rikàj -taam

�—

��A l'impératif, la 2® et la 3® pers. sing. moy. {ekr.dviksvâ, prnïsvâ; dvisfdm, prnltdm etc.) répondent à la règle. La 3® pers. de l'actif, forme forte (skr. dvéstu, prndtu), paraît être en contradiction avec le principe des «désinences qui font une syllabe». Mais ici nous touchons à la question des désinences « primaires >.

La plupart des formes «primaires» peuvent se tirer des formes «secondaires» au moyen de l'élément i que suppose M. Fr. Millier: -m-i -mA-i (?), -s-i -SA-i, -t-i -tA-i, -nt-i -ntA-i, -mas-i -madha-i, -was-i -wadha-i (peut-être Vs de -mas-i et -was-i vient-il de l'ancien dh trans- formé en -s à la fin du mot, conservé au moyen par l'a qui sui- vait?). M. Bergaigne fait remarquer (Mém. Soc. Ling. III 105) que deux couples de désinences sanskrites du moyen, -dhvam -dhve et -rani -re présentent un rapport différent et il suppose que la nasale de dhvam et -ram a été ajoutée après coup. Comme le grec -crOe indique de son côté une forme -dhwa^, cette hypothèse est extrême- ment vraisemblable. La série s'augmente donc encore de 2 cas. Nous ne pouvons savoir si le -tu de dvéstu, prnâfu, n'a point été formé par l'addition d'un -m, comme -ti par l'addition d'un -i.

Maintenant pourquoi, l't ou l'u^ une fois ajoutés dans rdikmi et les formes du même genre, le ton n'a-t-il pas passé selon la règle sur la désinence? A cela on peut trouver deux réponses principales. A l'époque où Vi (u) fut ajouté, l'attraction que la désinence exerçait . sur l'accent, pouvait avoir cessé. En second lieu, il est très digne de remarque que la voyelle désinentielle soit dans les quatres formes en question (dvésmi, dvéksi, dvésti, dvéstu) un i ou un u, qui n'est

��1. Gomme nous l'avons dit p. 39 seq. nous supposons que raikm devant la voyelle initiale d'un mot venant après lui dans la phrase aurait été mono- syllabe; qu'en général Y m de la le personne ne faisait syllabe que dans les cas de nécessité absolue.

2. Ou riktna^dhâ, rikivadhâ?

.3. Par altération secondaire -tiA- est devenu -n-^-, v. p. 167 seq. de SaaHsure, Oeuvres. 12

�� � 178 IMPÉRATIF EN -dht.

suivi d'aucun autre phonème. Certains indices font croire que l'i et I'm, dans ces conditions, avaient une prononciation très faible qui les rendait incapables de porter l'accent^. C'est ce qui se vérifie dans la flexion nominale pour le locatif ulcsdni, dcUàri etc., peut-être aussi pour les nominatifs neutres comme pâçu (gén.paçvâs), v, p.208. On nous fera remarquer qu'une autre forme de l'impératif, la 2® per- sonne dviddhî, prnîhi etc., s'oppose à une hypothèse de ce genre. A cela on peut répondre premièrement que le thème fort fait de fréquentes apparitions dans ces impératifs. On a en sanskrit çâdhiy çaçâdhi, bodhî (de bodh), gahâhi que cite M. Benfey, Or. m. Ocr. 1303, grbhnâhi, prînâhi (Ludwig, Wiener Sitzungsber. LV 149); en grec Pn&i^ TXfîdi, au|Li-TTiJudi^ bîbujdi, i'\r|ôi (Curtius, 7erfe.II35). En second lieu, quand on considère le caractère presque facultatif de la désinence -dhî, on se demande si elle n'est pas dans l'origine une particule libre agglutinée plus tard au thème.

Il reste à considérer différents paradigmes off'rant une anomalie apparente ou réelle.

1. Les formes fortes de la 3® classe avaient, croyons-nous, deux accents dans la langue mère, l'un frappant la racine et l'autre le

��1. Si l'on admet cette explication, l'iiypothèse de la priorité des désinences secondaires n'est plus absolument nécessaire. Au reste certains faits ne seraient pas loin de nous faire croire que les sonantes /, m, r, n, suivies ou non d'un phonème, étaient incapables de prendre l'accent, et que la désinence pour at- tirer le ton devait contenir un a (a^, a^, a). C'est la 3e personne du pluriel qui est en question. En sanskrit le présent de la rac. çâs fait suivant Pânini çâs- mi, çâssi, çâsti, çisvàs, çiSmâs, çâsati (cf. mârganti). Les présents redoublés, sans montrer, il est vrai, la racine pleine, évitent cependant d'accentuer -nti et re- tirent le ton sur la réduplication: piparmi, piprmàs, piprati. Enfin devant la désinence -us ou -ur, bien qu'elle n'ait rien de commun avec la première (J. Darmesteter, Mém. Soc. Ling. III 95 seq.), on trouve réellement la racine pleine, vivyacus, amivyaéus en regard de viviktâs, viveçus, â<juhavus, açiçrayus etc. V. Delbruck, Altind. Verb. 65.

Tout cela semble témoigner d'une époque où la 3« personne du pluriel à l'actif était une forme forte. Et cependant d'autres indices y contredisent. Ne retrouvons-nous pas dans les langues les plus diverses le pendant du skr. s-ânti «ils sont» où l'or, radical est perdu? Oui, mais ici se présente une nou- velle complication. Ni le gr. évxl ni le lat. sunt ni le si. sntî ni le got. sind ne s'accordent avec un primitif snti à nasale sonante, et l'on se demande si l'affaiblissement radical incontestable pour cette forme ne tiendrait pas précisé- ment à la nature particulière de sa désinence. Nous ne voulons pas nous perdre dans ce problème très compliqué déjà effleuré p. 37^. Il nous semble qu'en somme la première théorie, basée sur les désinences secondaiies, satisfait davantage que celle-ci.

�� � AORISTE SIGMATIQUE. OPTATIF EN -Ifa. 179

redoublement (v. § 1 3 fin). Le saut de l'accent dans skr. pippnds en regard de plparti n'est donc qu'apparent.

2. Les aoristes sigmatiques comme âgaisam ont un vocalisme assez troublé. Les racines finissant par une consonne s'affaiblissent au moyen^; ex. dvikémahi, en regard de àcesniahi. Cela nous donne le droit de supposer que ce temps a possédé primitivement dans toute son extension l'alternance de formes fortes et de formes faibles que la structure du thème doit y faire attendre. Le pluriel et le duel de l'actif ainsi que le moyen pour certaines racines, ont donc subi un métaplasme. L'accentuation n'est pas moins corrompue que le vocalisme (Beniey, Vollst.Gramm., p. ^S9). En grec les formes fortes ont prévalu comme en sanskrit (p. 121).

3. La 2® et la 3® pers. sing. du parfait semblent se prêter assez mal à notre théorie, puisque -ta (skr. -tha) et -a pouvaient prendre l'accent. Mais aussi l'a radical n'est point %, il est a2. C'est là, je crois, une circonstance importante, bien qu'il soit difficile d'en déterminer au juste la portée. Le fait est que les règles qu'on peut établir pour les déplacements de l'accent et la chute de l'a sont sou- vent éludées quand cet a apparaît sous la forme de ag. Cf. §13 fin.

4. Optatif en -ydiA. Fléchi comme prru^A- ce temps devait faire au pluriel (*rikyA-ind) riky^-md, au moyen (*nkyA-tÂ\ riky^-tÂ, Mais le groupe y^ ne peut subsister. Il se change en i dès la pé- riode proethnique tout de même que r^ se change en f (v. p. 168 et le chap.VI). Toutes les formes qui n'appartiennent pas au singulier de l'actif avaient donc l dans la langue mère. Pour le moyen M. Benfey a établi ce fait dans son écrit TJeher die Entstehung etc. des indog. Optai} (Mémoires de l'Acad. de Gœttingue XVI 135 seq.).

1. Bopp, Kr. Gramm. der Sanskr.-Spr. § 349. Delbrûck, Altind. Verb. p. 178 seq.

2. Bopp considère que l'accentuation de biboÎTO, biboîade, doit faire ad- mettre que la contraction s'est accomplie dans le grec même. Mais qui sait si cette accentuation existait ailleurs que dans l'écriture où la théorie gramma- ticale ne pouvait manquer de l'amener. C'est ainsi que Tideîoi n'est propéris- pomène que grâce aux fausses conclusions tirées de xidéaai, v. Brugmann, Stud. IX 296. — On sait que M. Benfey pose t & comme caractéristique. Les arguments objectifs pour Vl long se bornent à ceci : 1 " On trouve une fois dans le Mahâ- bhârata hhunglyàm; 2" Rig-Véda X 148, 2, le mètre, dit l'auteur, demande sahîâs (ddsir viçah sdriena sahiâs). Il serait plaisant . que nous nous mêlions d'attaquer M. Benfey sur des points de métrique védique. Nous avouons seule- ment, comme impression toute personnelle, être peu satisfait d'une pareille

chute de tristubh et l'être bien davantage de sdrijena sahyâs ( — w ), quand

même on devrait faire deux syllabes de l'a de dàair, parce que du moins la

12*

�� � 180 OPTATIF EN -ya. OPTATIF DES VERBES THÉMATIQUES.

Au pluriel et au duel de l'actif le même ï apparaît dans toutes les langues européennes: lat. s-î-mws (sing. s-te-w), gr. e-î-|uev (sing. e-ïr|-v), si. jad-i-mû (sing. jazdî=*jadjï), got. ber-ei-ma (le sing. bereip s'est dirigé sur le pluriel). Nous renvoyons au travail déjà cité de M. Paul, Beitr. IV 381 seq., sans pouvoir toutefois nous associer à la con- ception de l'auteur qui voit dans Vï «une contraction de-yfi». En sanskrit nous trouvons au pluriel et au duel de l'actif lihyàma, lih- ydva etc. Ces formes sont dues à l'extension analogique du singulier. Qu'on considère: l'* que les langues d'Europe sont unanimes dans Vï; 2" que la théorie générale de la flexion veut î, non ya; 3° que les cas comme pâmi pâmas en regard du gr. (pâ}i\ cpajuév établissent un précédent pour la propagation de l'a long (p. 138); 4^ qu'en sanskrit même le moyen offre l'f et que toute divergence entre le moyen et le pluriel-duel de l'actif a un caractère anormal; 5" enfin que le zend montre l'i dans quelques formes actives: Justi donne daibîtem (3* p. du.), puis çâhit, fra-zahif, daidït, formes du singulier qui ont reçu l'f par analogie^.

Le précatif védique (Delbriick,^.c. 196) suit exactement dans sa flexion l'exemple de l'optatif. Actif: bJiu-yâs-am, kri-yâs-ma; moyen: mué-îs-fa etc.

5. Optatif de la conjugaison thématique. La caractéristique, ainsi que l'admet M. Benfey, est un -ï long^ que nous croyons sorti de -ya^A à peu près comme dans les formes faibles dont il vient d'être question. Mais il est fort difficile de dire d'après quel principe la réduction de -ya^A en -ï = *y^ a pu se faire ici, la tonique précédant la caractéristique. La flexion est unique en son genre. On attendrait que le thème skr. tudé (== Hudd-i) fît au pluriel <!^tudimd*, puisque l'a est suivi d'un phonème. Mais on remarque que cet a est a^ (p. 83), ce qui, nous l'avons vu, change beaucoup la question. L'a se maintient donc, et il en résulte ce

8» syllabe du pada se trouve ainsi être une longue, selon l'habitude. Quant à duhîyat, M. Benfey y voit une forme thématique. Nous sommes donc en droit d'y supposer le thème faible duht-. — Parmi les optatifs que donne Delbrûck {l. c. 196) on trouve gaksiyât. Outre que dans le texte cette forme est placée tout près de papîyàt, Vî peut s'expliquer comme voyelle de liaison (allongée par l'effet de y).

1. En sanskrit l'optatif de la 3e classe accentue au moyen la syllabe de réduplication. Rien n'indique que cette particularité soit primitive.

2. On sait que l'oi de la 3e pers. sing. de l'optatif grec (itaibeùoi) ne compte jamais pour brève, et en conséquence l'accent reste sur la pénultième. Il y a peut-être là, comme on l'a supposé, un indice de l'f long.

�� � «2 "ANS LE VERBE. 181

phénomène inconnu d'ailleurs d'une flexion sans dégradation se faisant sur un thème qui ne finit point par a^. — Par une coïn- cidence curieuse mais fortuite sans doute l'alternance des anciennes diphtongues slaves é et i dans l'impér. nesi, nesi, nesèmû, nesète, nesèvë, nesèta semble se refléter dans le zend barois, harôit, haraèma, baraêtem (raoy. baraësa, haraêta; au pluriel ôi reparaît). Nous avons cherché en vain ce qui pourrait Justifier une différence originaire entre la diphtongue du singulier et celle du pluriel ou du moyen^. Subjonctif des verbes thématiques. Nous ne sommes pas ar- rivé à nous faire une opinion sur la forme primitive d'un sub- jonctif comme le gr. (pépuu (pépr)ç etc. L'a du lat. ferât serait com- posé de % -|- «1, e-j-e? Ne serait-ce pas plutôt feram, feres le vrai subjonctif? Et a-t-on le droit de séparer moneat, audiat, de l'opta- tif ombrien portaia?

2. APPARITION DU PHONÈME «2.

La flexion verbale ne connaît la transformation de Va^ en «g que dans deux cas:

l*' Dans la conjugaison thématique, où le phénomène paraît pouvoir s'expliquer par la nature de la consonne qui suit l'a. Voy. p. 83.

2° Au singulier du parfait, où l'a transformé est un a radical. La P personne conservait peut-être a^. Voy. p. 68 seq.

Flexion nominale.

1. EXPULSION DE l'a.

A. L'expulsion se produit en vertu des lois de la flexion forte.

THÈMES OXYTONS.

IjCS thèmes finissant par a^ se comportent comme dans la flexion verbale. L'accent ne passe point sur les désinences, et Va persiste par conséquent à toutes les formes^.

��1. On pourrait supposer que primitivement le ton passait sur les désinences et qu'en même temps l'Wj du singulier était remplacé par «j : 8e sg. tudâiît, plur. tndayimâ. Ceci permettrait à la vérité d'établir entre nesi et nesému la même proportion qu'entre vluci (Xùkoi) et vlûcè (*\uKei, v. p. 86). Mais, outre qu'en général Yôi et ïaê du zend paraissent varier sans règle fixe, on ne voit pas en vertu de quelle loi l'a, au lieu de tomber au pluriel, se serait con- tenté de devenir a,.

2. L'accentuation du pronom skr. a dans les formes comme asyâ (à

�� � 182 DÉCLINAISON. PRINCIPE DES CAS FORT? ET DES CAS FAIBLES.

La première remarque à faire relativement aux thèmes où Va^ «st suivi d'un ou de deux phonèmes, c'est quils n'appartiennent à la flexion forte qu'au singulier. Le pluriel et le duel devront donc être traités sous la lettre b.

On sait que l'ancienneté de l'accentuation sanskrite est prou- vée ici par son accord avec celle des monosyllabes grecs.

Les cas faibles, c'est-à-dire accentués sur la désinence et dé- pourvus d'à dans la syllabe prédésinentielle, sont: l'instrumental, le datif, le génitif. Les désinences sont -a, -Ai (p. 87), ^5.

Les cas forts ou pourvus d'à sont: le nominatif, l'accusatif, le locatif, le vocatif. Les désinences sont -s, -m, -i et zéro.

On le voit, le principe posé plus haut se vérifie. Ce qui fait qu'il y a des cas forts, c'est uniquement l'incapacité de certaines désinences à recevoir le ton^ Au vocatif d'ailleurs l'accent fuit vers le commencement du mot.

Nous venons de ranger le locatif parmi les cas forts. Effecti- vement on sait qu'en sanskrit la forme forte y est permise, sinon obligatoire comme dans intâri, dâfâri^. Deux exemples particu- lièrement intéressants sont dydvi (cf. divé etc.) et ksàmi en regard de l'instr. ksamà. Sur l'aversion qu'a le ton pour Vi final v. p. 77 seq.

Les phénomènes spéciaux du nominatif, qui parfois se formait sans s, demandent à n'être pas séparés de la question de Va2. II nous faut donc renvoyer le lecteur à la page 199.

Dans l'application de la théorie qui vient d'être formulée, nous nous bornerons, le sujet étant immense, à relever les points saillants de la déclinaison de chaque espèce de thèmes. Nous adoptons complètement les principaux résultats de l'étude de M. Brugmann sur les thèmes à liquide (Stud. IX 363 seq.). Ce

��côté de âsya) sera née secondairement, quand le besoin de distinguer certaines nuances se sera fait sentir (voy. le dictionnaire de Grassmann, col. 207). Celle qu'accuse le got. pize, pizos, paraît être simplement proclitique: le sanskrit a tâsya, tésâin, tâsyâs.

1 . Nous devons nous content«r de citer la théorie différente et très complète que M. Bergaigne a présentée sur ce sujet Mém. Soc. Ling. II 371 seq. Comme cette théorie est liée intimement à la question de l'origine des désinences et de la flexion en général, la discussion qu'elle demanderait ne manquerait pas de nous entraîner fort loin.

2. Les thèmes qui ne finissent pas par une sonante font exception; le locatif y a été mêlé aux cas faibles: tudati, vidnèi etc. — De quelque manière qu'on doive expliquer les locatifs védiques sans / comme niût-dhon, ils ne peu- vent infirmer en rien la théorie.

�� � EXPULSION DE t'a DANS LES THÈMES EN -was ET EN -ar, -tar. 183

travail avait été précédé de la théorie de M. Osthoff sur la décli- naison des thèmes à nasale {Beitr. de P. et B. III 1 seq.), qui s'en approchait beaucoup pour le fond de la conception, mais sans pro- clamer encore l'expulsion totale de l'a aux cas faibles et sans opérer avec le phonème «2- ^^- Osthoff admettait une échelle d'à de for- ces différentes. — Nous mettrons encore à profit l'article de M. Brug- mann sur les suffixes -as, -yas, -was ÇK. Z. XXIV 1 seq.)- Les restes de la dégradation des suffixes en letto-slave sont recueillis par M. Leskien, Archiv fur slav. Philol. III 108 seq.

Comme type de la forme faible nous choisirons le datif.

Thèmes en -ivds. L'accent, en sanskrit, s'est retiré aux cas faibles sur le suffixe: vidûse, gagrhhûse pour *vidusé, gagrbhusé. La forme proethnique -us- des cas faibles, telle que l'admet M. Brug- mann, K. Z. XXIV 97, est assurée indirectement par le grec -ma. et ibuîoi (ibid. 81), par le got. berusjos et le si. -ûs-je-.

Thèmes à liquide. L'expulsion proethnique de Va aux cas faibles a été mise en pleine lumière par M. Brugmann. Le phéno- mène le plus singulier est celui du génitif indien en -ur. Nous essayons de l'expliquer de la manière suivante.

La désinence du génitif est -^s et non -as. Accentuée, comme dans padcis, elle a dû en sanskrit se développer en -ds (p. 166). Non accentuée, on la voit donner -us dans pàtyus, sàkhyus, gânyus (ici par conséquent il faut poser -us, non -ur). Peu à peu cepen- dant la forme -as parvient à éliminer sa rivale.

L'hypothèse de cette désinence -^s- est confirmée: 1" par le vocalisme du grec -oç et du slave -e; 2° par les génitifs comme yuktés, mrdôs, dont il sera question plus bas. Enfin elle éclaircit, jusqu'à un certain point, le génitif sanskrit mâtur.

Le prototype de matûr est mâtr-^'s. Le groupe r^ doit donner f, puis ar (§ 14). La qualité de la voyelle est donc expliquée, mais non sa quantité. En zend on a les génitifs nars, çâçtars, qui viennent de *nf-s, *çaçfts, Tr-voyelle s'étant développé en ar devant s comme dans arshan et autres cas. Dans uksnâs le son "^ ne s'est point fondu avec la nasale qui précède, ce qui s'explique fort bien, croyons-nous, par des raisons physiologiques. Nous reviendrons sur ce point au chap. VI.

�� � 184 EXPULSION DE L'a DANS LES THÈMES À NASALE.

D'ordinaire la contraction de r^ en f est proethnique. Dans le cas qui nous occupe, le gr. îrarpôç^, le got. fadrs, paraissent indiquer qu'elle n'est qu'indo-iranienne. Les conditions, aussi, sont assez particulières, l'accent reposant sur le phonème ^, ce qui ail- leurs n'est pas le cas.

Le paradigme indien des thèmes en -an est parfaitement régu- lier. Les langues européennes n'en ont conservé que des débris. On a en latin caro carnis, en grec kûuuv kuvôç^, ainsi que àpvôç. M. Osthoff {l. c. 76 seq.) pose comme thème de ce dernier mot varan- (waran-). Il nous semble que le skr. ûrana ne s'accorde bien qu'avec wrdn. Ceci donne la flexion grecque très ancienne: */p-r|V, gén. *Jj-v-6ç. Le nominatif subsiste dans iroXii-ppriv ; le génitif est devenu régulièrement */apv6ç, àpvôç^. L'arménien gar'^n dont parle M. Osthoff peut se ramener à la forme faible tvr-n-.

La déclinaison (ppr|v cppevôç, 7T0i|Liriv rroiinévoç, vient de la géné- ralisation de l'accusatif et aussi du locatif, car (ppévi, Troi)Liévi, ont été de tout temps des formes fortes.

L'explication du got. auhsin résulte du fait auquel nous venons de faire allusion: auhsin est identique avec le skr. uksâni. Au gé- nitif on attendrait *auhsns. Il parait évident que auhsms est une imitation du datif auhsin.

J'ai déjà cité l'article de M. Leskien, où il est montré entre autres que le si. dîne «diei> vient d'un thème diwan- ou dian-.

Pour les formes indiennes comme brahmane, il sera difficile de décider si l'a s'est maintenu dès l'origine pour empêcher le conflit des consonnes ou si brahmane représente un primitif Hrahmnné. La position de l'accent conseille peut-être la première solution.

Le thème en -am ghi-dm se décline comme les précédents. , V. Brugmann, Stud. IX 307 seq. Le zend a au nominatif zy-ao, au gén. zi-m-o.

��1. Est-ce que vÛKXUjp serait pour *vuKTopç, vukttç? Cf. f\]x^pac, Te koi vÛKTiup = i^iiépaç Te Kai vuktôç.

2. L'accent, dans kùujv, a été reculé; cf. .rkr. çvd.

3. Hésychius donne: ()dva* âpva. Tuj^iaîoi bè pûTpaxov. M. Moi'. Schmidt écrit f)âva, ce qui est nécessaire pour la seconde partie de la glose, mais peu probable pour la première. On ne pourrait attendre que ^fjva. Nous pensons que les gloses f)dva et ^âva se sont confondues et que ^dv- et âpv- remontent tous deux à Srv, comme hparôç et bapTÔç à bnrôç.

�� � EXPULSION DE L'a DANS LES THÈMES EN -a-Ut- ET EN -ai, -dU. 185

Le suffixe participial -nt, lui-même dépourvu d'à, peut em- prunter celui du thème quand ce dernier finit par a. Tout se passe alors comme si le suffixe était -ant. L'accent qui restait im- mobile tant que Va^ {a^ qui le supportait finissait le thème passe aux désinences aussitôt que cet «j est revêtu du groupe -nt (lois I et II, p. 176). La flexion est donc en sanskrit tudân, tudaté (= tudnté) etc. V. Brugmann, Stud. IX 329 seq.

Le grec Xa^iûv Xapôvxoç a généralisé la forme forte. En latin au contraire -ent continue la forme faible à nasale sonante, que M. Sievers a reconnue en germanique dans hulundi, pusundi et autres féminins.

Une petite minorité seulement parmi les thèmes qui finissent par î et u appartient à la flexion forte. L'exemple le plus impor- tant est di-âiU-^ «ciel».

nom. di-à^u-s Cf. (mûtdir) {uks-idn)

voc. di-a^u mCi-ta^r uks-a^n

ace. di-diU-m mâ-td^r-m uks-âin-m

loc. di-d^w-i mâ-id^r-i uks-àyti-i

dat. di-w-AÎ mâ-tr-AÏ uks-n-AÏ.

Nominatif: plutôt que de voir dans le skr. dyaus rallongement du nomi- natif il faut je crois, à cause du gr. Zeûç, assimiler \au de cette forme à celui de yaûmi etc. (p. 120). — Vocatif: gr. ZeO. — Accusatif: dià^um est la forme la plus ancienne, mais la coïncidence du gr. Zfjv avec skr. dyâm paraît établii- que dès une époque très reculée la diphtongue avait cessé d'exister. Cf. p. 40. L'a de la forme Aâv que rapporte un grammairien est assurément singulier, mais la forme éolo-dorique ordinaire montre r\, v. Schrader, Stud. X 319. — Locatif: véd. dyavi.

Nous allons étudier quelques autres mots du type di-au. Pour ne point les disperser à plusieurs endroits nous citerons les paro- xytons comme les oxytons; nous aurons aussi à faire la distinction de aj et a^ aux formes fortes.

Parmi les thèmes en -i, nous reconnaissons pour avoir appar- tenu à la déclinaison de di-au: ^u-âii «oiseau» qui dans le Véda fait vés au nominatif. Le reste de la flexion est dégénéré et même au nominatif, vis commence à prendre pied.

En latin on a encore les mots comme mfés, ace. vatëm.

C'est un échantillon analogue qui se cache dans le skr. kâvi, car en zend ce mot fait à l'ace, kavaèm. Seulement nous trouvons

1. M. L. Havet {Mém. Soc. Ling. II 177) a montré que ce thème vient d'une racine di (dat) et point de diw (dyau).

�� � 186 MOTS EN i ET EN U DE FLEXION FORTE.

pour nominatif zd. kava = '^havâ. Etant donné pitd(r) de pitâr-, le nom. *kavâ('î) de kavai- n'a rien de surprenant. Mais il faut provisoirement nous résigner à ignorer pourquoi les thèmes en u n'ont jamais de nominatif sans s et pourquoi les thèmes en i eux-mêmes ont la double formation ves et *kava. Cf. p. 199 seq.

Flexion de g&u «bœuf». Quelle est la forme exacte de ce thème? C'est, croyons-nous, ga-a^u et non ga^w. 1" parce que dans l'hypothèse /yaiM on devrait trouver aux cas faibles gu-', 2" parce que le v. hi-all. chno suppose un à long'. Les composés indiens comme sti-gû ne sont dus certainement qu'à un change- ment de déclinaison. La langue, partant de formes comme le gén. sugôs ou le dat. sugâve et se laissant guider par les adjectifs en -w {jn-fhi'i etc.), devait aboutir à sugtis. Du reste ga-OiU se décline régulièrement soit en sanskrit soit en zend. Cf. skr. gaus {ga-a^u-s) et dy-au-s, gâ-v-e et di-v é. Aux cas faibles, le ton s'est fixé sur Va de ga-v-. Cet a n'y avait évidemment aucun droit, mais en sans- krit l'attraction qu'exercent sur l'accent les a radicaux de toute provenance pa- raît avoir été presque irrésistible. Le locatif gavi au lieu de *gâvi est comme divi à côté de dyavi. Le gr. ^o-f-, pou = skr. ga-v-, go- indique que Va radi- cal est un 0. La forme forte s'est perdue: poOç a remplacé *puj(u)ç. Homère a bien encore l'ace, poùv^ := arien gdm, (zd. gàm) que nous ramènerons sans hésiter à go-â^u-m, mais en elle-même cette forme pourrait être sortie de gaûm comme Zf|v sort de dyàum. Le latin ne nous apprend rien de particulier.

Thèmes en u qui prennent a^. Le zend a les formes suivantes: ace. naçmim «cadavre» = *naçâvam (n. pi. naçâvo); ace. përëçaiim «côté», garemâum «chaleur». La flexion est complète pour l'ancien perse dahyâu-s, ace. dahyâu-m (nom. et ace. pi. âahyâv-a, gén. pi. dahyunam, loc. dahyusuvâ). Le même mot en zend donne l'ace. danhaom — on attendrait danhâum — (et le nom. pi. danhavo). On a en outre le nom. sg. hazms (bras) dont l'a s'explique, comme pour le perse dahyâus, par l'influence de l'accusatif ^ *{bâzâum) lequel ne nous est point parvenu. Il règne du reste, comme le montre dahyâom en regard de dahyàvô, une certaine confusion entre les thè- mes qui prennent «g ^t ceux qui ne le prennent pas. Justement en regard de *bâtâum le Véda nous offre hahâvâ, duel du même thème*. Cette flexion est d'autant moins suspecte d'origine récente qu'elle

��1. On pourrait dire qu'il y a ici le même allongement du nominatif que pour fôt- (p. 200). Mais Zeùç (v. ci-dessus) montre qu'un thème comme guiU n'eût point allongé le nominatif. — J'ai été rendu attentif a la forme chuo par M. le Dr Kogel qui du reste l'expliquait différemment.

2. Le dor. pOùç, piûv n'est que la transformation de PoOç, poOv.

.3. A moins d'admettre un allongement du nominatif coexistant avec 1'*. 4. 11 est inutile de forger un mot bàhava tout exprès pour expliquer cette forme.

�� � MOTS EN * ET EN U DE FLEXION FORTE. 187

apparaît de préférence au sein d'une petite famille de thèmes en u avec laquelle nous avons fait connaissance p. 124: ce sont des féminins^ qui ont a^ dans la racine. Il est possible, comme l'a conjecturé M. G. Meyer (Stammbildung, p. 74), que les noms grecs en -eu-ç aient quelque rapport avec cette déclinaison, seulement rapprocher l'a arien de l'ri de TOKfioç est, croyons-nous, inadmis- sible. Il ne faut pas oublier d'ailleurs l'absence de l'eu dans véKuç, Tifixuç, où on serait le plus en droit de l'attendre. — M. Meyer rappelle les nominatifs gotiques comme siinaus. On pourrait penser en effet que c'est là un dernier souvenir de la double flexion pri- mitive des thèmes en u.

Thèmes en i qui prennent a^. Le plus important est le thème skr. sdkhe-, ace. sdkhây-am (zd. hushaxàim), voc. sâkhe, dat. sâkhy-e (nom. pi. sdkhâyas). L'a long du nominatif sâkha est tout autre que l'ô (= ag) de sdkhayam: il suffit de rappeler *kavâ en regard de

  • kavàyam ikavaêm). C'est ici peut-être que se place le nom. pi.

çtaomâyô (Spiegel, Gramm. 133).

Depuis le travail de M. Ahrens sur les féminins grecs en uu K. Z. III 81 seq. il est constant que le thème de ces mots finit par i. Nous soupçonnons que ce sont là les correspondants du type skr. sdkhe. Si l'on a le droit de mettre en parallèle

data datâram datar dâtrâ

et buÛTwp ôûjTopa bujxop [èiwiopoç pour *biJUTpoç]

on a aussi celui de comparer

sàkha sakhâyam saJche sakhyâ

et Anxuj AriTÛJ C^Ar|TÔa) Ar|TOÎ [*AriTÔoç pour *Ar|Tioç]

A l'accusatif nous avons écrit AriTuù: c'est l'accentuation que pres- crit Dionysius Thrax (Ahrens, l. c. 93). Du reste il n'y aurait aucun témoignage en faveur du circonflexe que cela ne devrait pas arrêter, étant donnés les procédés des grammairiens, de voir dans uj la contraction de oa*, cf. Brugmann, Stud. IV 163. Sans doute

«

1. Au masculin perëçàum est opposé en sanskrit le féminin pârçu.

2. Parmi les nombreuses formes que cite M. Ahrens, il ne se trouve aucun accusatif qui ait Vi souscrit ou adscrit, preuve que l'ui n'y est point primitif comme au nominatif, et qu'il est bien sorti de -o(y)a. La terminaisoi) ■oya à son tour ne saurait être très ancienne. La forme pure serait -oiv. On a cru en effet avoir conservé des accusatifs comme Aaxoîv, mais M. Ahrens montre qu'ils proviennent d'une fausse leçon. Ils avaient donc péri dès avant l'époque historique. On peut comparer plus ou moins *At]TOi/a pour *AriToîv i^ i\béja. pour fibOv.

�� � 188 EXPULSION DE l/a DANS LES THÈMES EN -OS.

il y a les accusatifs ioniens comme 'loûv, et l'on sait que M. Cur- tius en a inféré que le thème finissait par -oJ\. Mais les obser- vations que fait à ce sujet M. Windisch, Stud. II 229 montrent bien que cette explication n'a pas satisfait tout le monde. De

  • lo/iv à 'loOv le chemin n'est guère facile. De toute manière cette

forme en -ouv est énigmatique et a l'air d'un emprunt fait à d'au- tres déclinaisons, peut-être à celle de Poûç. L'hypothèse des thèmes en -o/i ne permet pas du reste, ainsi que le reconnaît M. Curtius^, d'expliquer l'uj du nom. Ar|Tiu. — On pourrait s'étonner que les thèmes grecs en -a^i soient employés si exclusivement à former des féminins. Toutefois il y a des traces du masculin dans les noms propres TTarpiu, Mr|Tpuj, 'Hpib (Curt., Erl. 54).

Il est probable que bon nombre de mots analogues sont à tout jamais cachés pour nous parce qu'ils ont revêtu la flexion courante des thèmes finissant par i et u. En voyant par exemple que dans le Rig-Véda dvi «mouton» fait au gén. dvyas et jamais àves, absolument comme on a en grec o\ôç (pour *ô/ioç) et non «oecuç», il est naturel de croire que la flexion première a été: nom. awa^i-s ou awâ^i, dat. awy-AÎ, ace. aivayi-m etc. Peut-être que le gén. got. balgis des masculins en i, au lieu d'être ainsi que le dat. halga emprunté aux thèmes en -a, offre un vestige de la flexion dont nous parlons: balgis serait pour *balgi^s.

L'immobilité de l'accent dans le paradigme sanskrit apds apàse, usés usdse, n'a pas grande importance. Il est possible, il est même fort probable que le ton y subissait primitivement les mêmes dé- placements que partout ailleurs. C'est la persistance anormale de l'a suffixal qui est remarquable. Jusqu'ici les syllabes prédésinen- tielles ne nous offraient rien de semblable.

M. Brugmann (K. Z. XXIV 14 seq.) donne pour ce fait de très bonnes raisons: le désir d'éviter des formes trop disparates dans la même déclinaison, puis l'influence analogique des cas faibles du pluriel où Va^ ne pouvait tomber (ainsi apaiS-bhis).

Cependant à quoi se réduit après tout la classe des oxytons en -as? Au nom de l'aurore, skr. uéds, aux mots indiens bhiy-âs «peur», pû-mas pour *pumàs (p. 205), et aux mots comme tavâs, yagâSf ipeubnç. Or ces derniers, M. Brugmann l'a établi, ne sont

1. Le savant professeur conjecture seulement que l'analogie des formes comme bafnujv aurait, dans de certaine.s limites, agi sur les mots en -uj. V. Erlàuterungen^ 55 i. n.

�� � EXPULSION DE L'a DANS LKS THÈMES-RACINKS. 189

que des neutres revêtus de la déclinaison du masculin. Il serait possible même qu'ils fussent nés séparément dans les différentes langues qui les possèdent, la flexion s'étant dirigée sur celle des composés (paroxytons) comme su-mdnas. La forme pleine de leur syllabe radicale est très suspecte pour des oxytons. Quant à hhiy-às et pu-tnâs, ils font régulièrement bhi-s-d (instr. véd.), pu-ms-é. Le seul exemple dont on ait à commenter la déclinaison, c'est donc l'indo-eur. ^iiscïs, et l'on peut croire en effet que les formes faibles comme ^ussaï parurent trop inintelligibles^ L'a fut donc retenu: ^usasAi, skr. usâse. Pour Va^ de îisdse en regard de Ya^ de usdsam V. p. 201.

Les thèmes-racines, simples ou formant le second terme d'un composé, se présentent sous deux formes tout à fait différentes.

Dans le premier cas la racine est privée de son a^ par une cause inconnue, mais évidemment indépendante de la flexion. Ces thèmes, auxquels nous faisions allusion à la page 174, ne rentrent donc point dans le sujet de ce paragraphe. Ayant perdu leur a avant la flexion, ils sont désormais à l'abri de toute modification^. Quand ils finissent par i, u, r, n, tp, ils s'adjoignent un t dont les longues ï, û, f, n, m (chap. VI) se passent. Exemples: skr. dvis, mfdh, niç (p. 166), açva-yûg, mî-t, hrû-f, su-kf-t, aranyagat (= -gm-t); bhî, bhu, gir (= gf), -gd (= gn); zend dnig] gr. cxXk-i, "A-(/')ib-, (JÙ- Ivf-, dvT-ripîb-, êTr-r|\uç, -vboç (métaplasme pour -udoç); ]a.t, ju-dic-, etc.l

Dans le second groupe de thèmes-racines l'affaiblissement ré- sulte de la flexion et n'embrasse donc que les cas faibles. Les noms dont il s'agit font pendant aux verbes de la 2® classe. Toutes les racines n'affectionnent pas ce genre de déclinaison. A peine si

��1. Le Rig-Véda a un génitif sing. (et accusatif pi.) usas. On le tire, avec raison probablement, d'un thème ué. Y supposer la continuation de la forme faible us-s- serait invraisemblable à cause du double s qui serait représenté par «.

2. Les déplacements d'accent restent naturellement les mêmes, du moins dans le mot simple. En composition, où ils sont censés avoir lieu également (Benfey, Gramm. p. 319), l'usage védique contredit à la règle. Toutefois vi-mrdh- às R. V. X 152, ^, témoigne bien que la règle n'a pas tort.

3. Tout renforcement nasal et toute perte de nasale étant choses étran- gères à l'indo-européen, ils est évident cjue la flexion du skr. ijû^ qui fait yûny aux cas forts ne peut pas être ancienne. Du reste, dans le Rig-Véda, la forme yun^- est extrêmement rare.

�� � 190 EXPULSION DE L*a DANS LES THÈMES-RACINES.

celles qui finissent par r fournissent un ou deux exemples indiens comme dbhi-svâr.

Le vocalisme des différentes formes fortes ne peut être traité ici où il ne s'agit que de l'expulsion de l'rt; voy. p. 203 seq.

Parmi les composés sanskrits on remarque ceux de han: accus. vrtra-hdn am, dat. vrtra-ghn-é. De vah se forme anadvdh, accus, anad- vdh-am, dat. anad-ûh-e.

On entrevoit encore la déclinaison grecque primitive de Be\- Xepo-cpiûv (dont l'accentuation est incompréhensible): le nom TTepaé- cpaiTa, où -cpaxia répond au -ghnï sanskrit, indique que le génitif eût fait *Be\Xepo-q)aToç (cf. p. 27 seq.).

En *zend le thème vad «voix» fait à l'ace, vâéim^ vâcem (= gr. •/"ÔTta), au dat. vàéë, à l'instr, vàda etc. Cette flexion ne peut pas être primitive. Aucune loi à nous connue n'autoriserait dans les cas faibles d'autre forme que *ué- (à moins que l'a de vâéem ne fût un véritable à long indo-européen, ce qu'il n'est pas). La forme vàé- est due évidemment à des influences d'analogie. En sanskrit vâé- a envahi, comme on sait, toute la déclinaison.

Posant pour thème rbhu-ksé-, nous ramenons le nom. skr. rbhu-Tcsâ-s à *rbhu-Jcsâi-s (cf. râs == *rais). L'allongement de Va est comme pour dyaûs. L'instr. pi. rlhu-ksi-bhis s'explique de lui-même. Quant à l'accus. rbJiu-ksân-am (au lieu de *rbhu-ksdy-am), il est dû à quelque phénomène d'analogie. Cf. divâ-ksâ-s lequel fait à l'accus. divd-ksas-am. On a dans le Rig-Véda, mais seulement au pluriel, uru-grdy-as, pâri-gray-as, de gre. Le nom. sing. eût été, je pense, '^rds. Citons encore dhï-gdv-as R. V. V. IX 86, 1.

Quand la racine finit par â, le ^ des cas faibles s'élide devant la désinence: soma-pd, ace. soma-pd-m (-pâiA-m), dat. soma-^-é {-p^-é). C'est ainsi qu'on a, dans le verbe, gâ-h-ati = *gà-h-nti venant de gah^ + gti. V. p. 35 et le § 14.

Sur la signification qu'on attribuera à l'échange de a^ et Og dans les mots comme pad où l'a ne peut tomber, v. p. 201.

THÈMES PAROXYTONS.

Les thèmes paroxytons du sanskrit gardent, comme on sait, l'accent sur la syllabe radicale à tous les cas de la flexion^.

1. Il y a de rares exceptions qui ne sont qu'apparentes. Ainsi pûman (dat. pumsé) aura été d'abord oxyton, ainsi que le suppose le vocalisme de la racine. On peut en dire autant de svàr {siiar) qui donne un dat. védique sûre. Sur sdnu, gén. snôs, v. p. 207 seq.

�� � EXPULSION DE L'a DANS LES PAROXYTONS. 191

Admettrons-nous ce que M. Osthofif {l. c. 46 i. n.) indique comme un résultat probable des recherches ultérieures, que l'indo- européen n'ait point connu cette loi de l'accentuation indienne et que le comparatif ivdsyas par exemple ait fait au datif wasyasAÎ ^ ? Tout au contraire, nous disons que la loi des paroxytons a tou- jours existé :

1^ Il ressort de tout ce qui précède que l'accent, aux cas «forts», ne tend pas moins à gagner la désinence qu'au datif ou aux autres cas «faibles». Que signifieraient donc des déplacements d'accent tels que wâsyâs ivasyasÂi'^

2" Une pareille mobilité d'accent est difficilement conciliable avec la fixité du vocalisme radical, qui est très grande pour les paroxytons.

3" Il y a un contraste frappant entre les «cas faibles» des oxy- tons en -was et ceux des paroxytons en -yas. Toutes les conditions éta.nt égales d'ailleurs, nous trouvons, là vidûse (= *vidusé), ici vâs- yase. La non expulsion se vérifie aussi dans les infinitifs en -man-e, -|jev-ai, de thèmes paroxytons.

Donc dans les paroxytons normaux tous les cas seront forts.

Autre chose est de savoir si la dégradation du suffixe n'avait pas dès l'époque proethnique pénétré d'une manière ou d'une autre dans certains groupes de paroxytons.

Ce qui le fait supposer tout d'abord, c'est que la majorité des paradigmes du sanskrit ne distingue point à cet égard entre oxy- tons et paroxytons: bhrdtre, râgne, bhàrate, montrent le même aff'ai- blissement que mâtré, tiJcsné, tudaté.

On ne saurait attendre des langues européennes de données décisives pour cette question. Voici cependant un cas remarquable et qui confirmerait le témoignage du sanskrit: le t du germ. svester «sœur» n'a pu prendre naissance que sur une forme faible svesr- d'où il a gagné ensuite les cas forts (Brugmann, Stud. IX 394) ; preuve que la dégradation, dans ce mot, est bien ancienne. Or c'est un paroxyton : skr. svâsar.

D'autre part le féminin bhâranti (cf. tudatï) des participes in- diens paroxytons semble indiquer positivement que la flexion grec- que (pépujv qpépovTOç est plus primitive que le skr. hhâran bhâ- r&tas. C'est l'avis de M. Brugmann l. c. 329^.

��1. C'est ce qui parait être l'opinion de M. Brugmann {Stud. IX 38.3).

2. La langue védique semble faire quelque différence entre les thèmes en

�� � 19ΠLOI DE LA. FLEXION FAIBLE.

La portée de la question diminue du reste considérablement, si l'on songe qu'au pluriel et au duel, où règne la flexion faible, oxytons et paroxytons étaient soumis à une même loi.

B. L'expulsion se produit en vertu des lois de la flexion faible.

M. Paul a consacré une partie du travail précédemment cité à une %tude sur la déclinaison primitive des thèmes en i et en u, ou plus exactement sur l'espèce la plus commune de cette décli- naison. L'auteur montre que la dégradation du suffixe, h tous les nombres, dépend du phonème initial de la désinence : selon que ce phonème est une voyelle ou une consonne, Va suffixal apparaît ou disparaît^. Au vocatif, où la désinence est nulle, l'arien, le letto- slave, le germanique et le celtique prouvent que l'a existait {Beitr. IV 436).

C'est là ce que nous avons appelé plus haut la flexion faible (p. 175). Le principe de l'expulsion se résume pour elle dans cette loi unique: l'adjonction d'une désinence commençant par une

CONSONNE ENTRAÎNE LA PERTE DE La^ PRÉDÉSINENTIEL.

— Thèmes finissant par r et ii. —

Dans les cas où le suffixe a sa forme pleine, le ton, en sans- krit et en grec, se trouve sur Va. Il y a tout lieu de croire que c'est là l'accentuation primitive. Celle des cas faibles du pluriel sera traitée plus bas, p. 195 seq.

Nous pouvons parler tout de suite de la qualité de l'a. Les thèmes en i et en u de déclinaison faible semblent n'admettre que l'a^. Le grec présente €, le sanskrit un a bref. L'o du si. synove, Va du lit. sunaus sont des modifications secondaires de Ve (p. 64).

-man selon qu'ils sont oxytons ou paroxytons. De ces derniers on a par exemple ^émanâ, bhûmanâ, bhûmanas, yànmnas. Au contraire pretndn, prathimân, mahimân, donnent les instrumentaux prena, prathinâ, mahinà, où le rejet de l'm atteste la grande pression que subissait le suffixe. Mais hhûmanas, yâmanas, peuvent être une imitation de kàrmanas, vârtmanas, et d'autre part le paroxy- ton âçman fait en zend ashnô au génitif (Spiegel, Gramm. 156). — Les thèmes faibles yûn- et mahnon- de yiivan et maghâvan ne prouvent pas grand chose en faveur de la dégradation des paroxytons; nous avons trop peu de garanties relativement à l'ancienneté de leur accentuation. La même remarque s'appli- que aux mots comme sdMot- s<ffrfei-. Cf. saA:7i/6/»yas, Benfey, Vollst. (?rflmw. p.320. 1. On s'étonne que dans le même travail l'auteur s'efforce de tirer un parallèle entre les thèmes dont nous i)arlons et les thèmes à liquide et à nasale, parallèle que l'énoncé même de sa règle rend à notre sens chimérique.

�� � LA FLEXION FAIBLE DANS LES THÈMES EN t ET EN 11. l93

En gotique l'a de ansfais, ansfai; sunaus, sunau, est encore inexpliqué, il ne paraît point se retrouver dans les autres dialectes germaniques — au contraire le v. h'-all. a encore suniu — et de plus le plur. sunjus offre Ve.

Les thèmes vulctà^i et mj-dâ^u donneront conformément à la loi posée ci<lessus^.

��Singulier Pluriel

Nom. yuktis yuktâiy-a^s

Voc. yûkta^i yiîktaiy-a^s

Ace. yukti-m yukti-ns

Dat. yuktàjy-Ai yukti-bhyas

Loc. yuktà^y-i yukti-swa

��Singulier Pluriel

Nom. mfdù-s mj-dâiW-aiS

Voc. m^da^u mrdaiW-aiS

Ace. mj-dû-m mfdû-ns

Dat. mfdâiW-Ai mfdù-bhyas

Loc. mfdâiW-i m^dû-swa

��Différentes formes donnent lieu à des remarques particulières.

L Génitif du singulier. La forme indo-européenne paraît avoir été yukfâ^ïs, mrdd^us, vu l'accord du si. kosti, synu, avec le skr. yuktés, mrdôs (Leskien, Decl. 27). L'i et Vu devaient être longs, puisqu'ils provenaient de la contraction de y^ et iv-^, la désinence étant -^s (p. 183). Cette contraction du reste n'est pas absolument régulière: elle n'a lieu ordinairement, pour Vu du moins, que si la semi-voyelle est précédée d'une consonne comme dans dhutâ = *dhw^tâ (§14).

2. Les ablatifs du zend comme garôit, tanaot, n'infirment point la règle: ils sont probablement de création récente (Leskien, Decl. 35 seq.) et- d'ailleurs la désinence est -ad, non -d. Si garôit était ancien, il serait donc pour ^garayad».

3. L^instrumental sing. et le génitif plur. sont malheureusement difficiles à étudier, à cause de la formation nouvelle yuktînâm, mrdû- nâm. Il reste pourtant des instrumentaux védiques comme pavyâ, ûrmid, et en zend les génitifs plur. ra^rvâm, xra^wàm, vanhvâm (Spiegel, Gramm. p. 142). Les langues congénères ne sont pas d'accord entre elles.

1. Dans un article sur la gradation des voyelles (Académie de Vienne LXVI 217) M. Fr. Mûller attirait l'attention sur l'antithèse des déclinaisons de t/tikti, mrdii, et des thèmes consonantiques. 11 faisait remarquer que le premier genre de thèmes afTaiblit le suffi.xe précisément dans les formes qui pour les seconds sont fortes. Mais — outre que la «déclinaison consonantique» contient aussi, comme nous l'avons vu, des thèmes en t et en m — l'antithèse est pour ainsi dire fortuite: elle n'existe que dans la limite donnée par le principe des deux flexions et la nature des désinences. Au locatif et au vocatif les paradig- mes se rencontrent nécessairement: mfdo cf. ZeO, dàtar; sûndvi (véd.) cf. dyàvi, dâtàri.

de Sau.ssnre, Oeuvres. î"

�� � 194 LA FLEXION FAIBLE DANS LES THÈMES EN i ET EN U.

Les types pavyâ, vanhvâm, sont évidemment en contradiction complète avec la flexion faible ; nous devons les accepter tels qu'ils sont, comme un essai de déclinaison forte. L'anomalie paraît tenir à la nature des désinences.

4. Duel. Le dat.-abl. skr. yuktïbhyâm, mrdûbhyam, si. kostïma, synùma, ne présente rien de particulier. Pour le génitif -locatif, nous prions de voir à la page 196. La forme du nom. -ace. yulctî, mrdti, si. kosti, syny, n'est point encore bien éclaircie, et nous ne savons quoi en penser.

Les thèmes en i et u subissent dans la dérivation le même traitement que dans la flexion. Ils maintiennent leur a tant que l'élément ajouté ne commence pas par une consonne; y compte comme voyelle. C'est ainsi qu'on a en sans- krit imstavya de vâstu^, en '^rec àaTeîoç de âOTu\ bév-bpeov de bpu, en |,'olique triva-, kniva- de *tru, *knu. Que les adjectifs verbaux grecs en -Téo soient ap- parentés aux formes indiennes en -tavya c'est ce que les observations de M. Curlius (Verb. II 355 seq.) rendent douteux. Qu'ils soient sortis comme les adjectifs in- diens de thèmes en -tu, c'est l'opinion commune, qu'il n'y a pas lieu, croyons- nous, d'abandonner. Le mot éreôç dont le digamma apparaît dans 'ETe/b[vbpu> (inscr. cypriote, Revue archéologique 1877, p. 4) est accompagné encore de êru- |Lioç. Devant les consonnes nous trouvons i, u: skr. çucitvâ, bandhutâ, gr. ToxuTriç etc. — Au féminin, le gr. itXaTeîa est probablement plus primitif que le skr. prthvt; cf. toutefois ôpYum, "Apiruia etc.

La flexion faible ne paraît avoir été en usage, au singulier, que pour les thèmes finissant par i et u. Toutefois on en peut soupçonner la présence dans les mots comme skr. yantûr, aptm\ vandhûr. Un thème à liquide eût fait au nomin. yamtf-s, au dat. yamiâiT-Ai, à l'ace, yamtr-m. Or yamtfs a pu à la rigueur donner en sanskrit yantûr et par extension yantûram etc. En grec lidpTôp serait pour *|LidpTrç.

— Pluriel et duel des thèmes de flexion forte. —

Mieux que toute autre forme, l'accusatif du pluriel montre comme quoi le principe qui régit au singulier la déclinaison de thèmes comme pitâr, uksàn etc., ne se vérifie plus aux autres nombres.

La place de l'accent à ce cas est donnée, comme nous l'avons vu (p. 38 seq.), par la désinence arienne -as pour -ns qui serait devenue -ans, -an, si elle avait porté le ton. L'accentuation primi- tive s'est conservée du reste dans le grec (îTÔbaç, cf. noacTi) et, dans

��1. Nous devrions dire vàsto, àarev etc. Malheureusement en nommant les thèmes sous cette forme, on s'expose à plus d'un malentendu.

�� � LA FLEXION FAIBLE RÈGNE SEULE AU PLURIEL ET AU DUEL. 195

l'indien même, pour les thèmes sans dégradation qui, dans les Vé- das, accentuent rarement la désinence -as^.

Ayant reconnu que l'accent frappait originairement le thème, M. Brugmann crut être forcé d'aller plus loin et d'admettre — par hypothèse pure, car le témoignage du zend et de l'européen est ici tout à fait équivoque — que l'accusatif pluriel était anciennement un cas fort. A la p. 38 nous avons adopté cette manière de voir, parce que nous ne comprenions pas encore que le pluriel des thèmes dont il s'agit dût être jugé autrement que le singulier. Mais à quelles invraisemblances ne conduit-elle pas? Comment cet affaibUssement systématique de toutes les espèces de thèmes sanskrits à l'accusatif plur. serait-il dû au hasard d'un remaniement secondaire? Com- ment, en particulier, expliquer la forme des thèmes à liquides, pitm? Cette forme renverse toute l'hypothèse: elle ne se conçoit qu'en par- tant de l'indo-eur. pHr-ns (cf. got. fadruns). Dans la supposition de M. Brugmann ou ne pourrait attendre en sanskrit que «pitrâs» (pour

    • pitàras», ^*pitàrns-»). Ainsi les deux choses coexistaient. La syl-

labe prédésinentielle était affaiblie malgré l'accent. Or cela est la négation même de toute flexion forte.

En revanche la simple confrontation de *pitr-ns, *sâkhi-ns^ ^dyû-ns avec *mrdû-ns nous apprend que ces formes entrent sans la moindre difficulté dans le canon de la déclinaison faible.

La nasale de la désinence -ns a eu l'effet d'une consonne: de là mrdû-ns et pHf-ns, non mrdâw-ns, pHdr-ns. On ne doit donc pas s'étonner de trouver aussi bhàrnt-ns, tudnt-ns, widûs-ns, ^p-ns (bhâra- tas, tudatàs, vidûsas, apds).

Les thèmes à nasale ont dû faire uksns ou bien uksnnns. On pourrait, sans improbabilité trop grande, retrouver cette dernière forme dans le véd. uksàms, vfsanas. En tous cas uksnds n'est pas un type pur.

Au nominatif, le parallélisme de pitdras, ukédnas, sâkhayas, dydvas, avec yukfdyas, mrddvas, saute aux yeux.

Nous arrivons aux cas dont la désinence commence par bh et .S', p. ex. l'instr. p^tr-bhis, uksn-bhis, saki-bhis, dyu-bhis. Comme dans yukti-bkiSf mrdu-bhis, l'afiFaiblissement est causé par la consonne initiale

��1. Exemples: isas, ksâpas, giras, tûgas, diças, drûhas, dviëas, dhiyas, dhûras, pûras, pfkàas, psùras, bhidas, bhù^ns, hhûvas, mihas, nifdhas, yùdhas, ripas, vlpas,v{ça8, vftaa, vrlças, çrlyas, stûhhas, spâças, spfdhas, srd^as, sH- dhas, srûéas, hrûtaa. V. le dictionnaire de Grassmann.

13*

�� � 196 LA FLEXION FAIBLE RÈGNE SEULE AU PLURIEL ET AU DUEL.

de la désinence et point par l'accentuation. Etudions cependant cette accentuation. Ni en sanskrit ni en grec la désinence n'a le ton {pitfhUs, irarpàai etc.). M. Osthoff [Beitr. de P. et B. III 49) rétablit *pitrbhis, *TraTpaffî. Dès qu'on admet la flexion faible, cette correction est inutile^.

Mais il y a les mots-racines. Ici l'accent frappe les désinences -bhis, -bhyas, -swa: gr. iroffCTi, skr. adbhis, adbhyds, apsû. Nous de- vons croire que c'est là une imitation, proethnique mais hystérogène, de l'accentuation du singulier. En tous cas, lors même que cette supposition serait fausse, et que les désinences en question auraient eu partout le ton, comme le pense M. Osthoff, le fait que l'affai- blissement n'est dû qu'au contact de la consonne désinentielle ne nous en semblerait pas moins certain.

Cependant, en présence de l'accord des formes fortes {mrdâve, pitàras) avec les formes comme pitfbhis d'une part et l'accusatif pluriel de tous les thèmes de l'autre (v. ci-dessus), il nous semble qu'on a le droit de poser la non attraction du ton vers les désinences comme un des caractères distinctifs de la flexion faible.

I^e génitif plur. skr. uksndm (got. auhsne), zd. brâ^râm (gr. iraipôiv) etc. se place à côté de yukty-àm, mrdw-dm (zd. vanhvâm), v. p. 194.

Duel. Le nom.-acc. pitârau, uksdnau, sdkhâyau, bâhâvâ, est con- forme aux règles de la déclinaison faible, plus conforme même que la forme étrange yuktï et mrdû des thèmes qui sont si fidèles à cette flexion (p. 194). Au gén.-loc. yukti et mrdû font en sanskrit yuktyôs, mrdvôs. Il faudrait *yuktàyos, *mrdâvos, et pareillement pitàros etc. Or cette dernière forme précisément, d'après les recherches de Grass- mann, est exigée par le mètre dans les 20 passages du Rig-Véda où le texte porte pitrôs^; mâtaros apparaît dans trois passages sur quatre. Nous ignorons s'il y a un grand nombre de ces analogues. Ceux-là nous semblent déjà très significatifs. En zend on a le gén. duel çpentoxratavâo. En slave kostiju, synovu, sans être de nature à confirmer grandement notre conjecture, ne lui donnent pas de dé- menti. Les formes comme yuktyôs, pitrôs, se seront formées en ana- logie avec les génitifs du pluriel.

��1. En faveur de l'accentuation pitfbhis, on peut remarquer qu'elle est de règle pour les monosyllabes composés de racine -+- suffixe, comme n'-bhis, dyà- bhis, snû-bhis, stf-bhis. Si -bhis avait originairement possédé toujours le ton, on attendrait certes ^vibhis, dyubhis etc.».

2. Notons bien que l'instr. sg. pitrâ, le dat. pitri, ne donnent lieu à au- cune remarque semblable. — Pitaros avait à coup sûr le ton sur la 2* syllabe.

�� � AUTRES EXEMPLES DE FLEXION FAIBLE. NOMIN.-ACCUS. NEUTRE. 197

La dégradation des thèmes paroxytons au pluriel et au duel (bhârantas, bhdradbhis etc., bhdradbhyâm) doit être ancienne, puisqu'ici il n'est plus question d'accent. Les thèmes en ^yas ont l'anomalie de maintenir leur a, peut-être sous l'influence du singulier, dont nous avons parlé p. 191.

— Le nom de nombre quatre. —

Le got. fidvor montre que l'a du skr. éatvâras n'est point ag, mais un véritable à long (== a 4- a). On devra diviser ou: Tc^a^tw^-â^r-a^Sy ou: k^a^heâ^Ar-a^s. La première hypothèse est la plus naturelle, car où trouve-t-on des thèmes en -aAr'^ Dans l'un et l'autre cas les formes faibles comme l'instrumental devaient faire ^-k^a^tw^r-^ d'où le gr. *TeT/'âp-. Le si. cefyr-ije, le got. fidur-dogs supposent une autre forme faible ^k^a^tic^r-, k^a^tùr- qui s'accorde parfaitement avec la donnée du got. fidvor. En sanskrit on attendrait *éatur- et non éatur-. Il est remarquable cependant que l'accusatif fasse éatûras, non « éatvfn » .

— Nominatif-accusatif sing. du neutre. —

Tous les thèmes finissant par a^ -j- sortante prennent au nom.- acc. sing. du neutre leur forme réduite, quelle que soit d'ailleurs leur flexion. Pour les thèmes à nasale^ v. p. 26 seq. Les thèmes à liquide ont en sanskrit/-: dâlP; cf. gr. véKtap (thème *v6KTep-). Puis on a çMdi, mrdû, et des thèmes de flexion forte comme dyu, su-dyu.

Il est impossible que ce phénomène dépende de l'accentuation: elle varie en eiîet, et d'ailleurs les expulsions d'à ne sont jamais amenées par le ton que quand il vient après la syllabe attaquée.

L'affaiblissement tient donc ou à une cause purement dynamique ou à une influence pareille à celle qui crée la flexion faible, le conflit avec des phonèmes résistants. Nous préférons cette dernière explication.

Le thème nu étant supposé la forme première du nom.-acc. neutre, il se confondait primitivement avec le vocatif du masculin. Ainsi mrdaiU remplissait deux fonctions. Mais, tandis que le vo- catif, en sa qualité d'interjection, était placé en dehors de la phrase.

��1. Les formes grecques comme xépev, cuba» no v etc. sont hystérogènes.

2. 11 y a un neutre sthâtûr (l'opposé de yagat) dont je ne m'explique pas la syllabe finale.

�� � 198 RÉPARTITION DE Oj ET Oj.

le nom.-acc. neutre subissait un frottement qui eut l'effet d'une désinence commençant par une consonne. Il rejeta son a^.

Il paraît certain que le même phénomène s'est produit sur la particule nu, pour *naiU conservé dans nâiW-a (p. 78).

Les neutres hétéroclites, comme Icard (p. 210), et les neutres en -as, -yas, -was {mànas, vdsyas, dbàç) ne subissent point cette réduction. Citons comme exception rentrant dans la règle précédente le skr. dyus en regard du grec (masc.) aî/ba- qui a donné l'ace, aiû»; en outre yôs = lat. jus.

La forme stha, neutre védique de sthâ-s, doit être comptée parmi les anomalies.

2. APPARITION DU PHONÈME U^.

Nous étudierons d'abord la répartition de a^ et a^ dans les suf- fixes comme -an, -ar, -tar, -was etc. qui peuvent expulser l'a dès qu'il est sollicité de tomber et qui ne présentent point d'autre a que l'a légitime des cas forts.

Il faut remarquer premièrement que le même suffixe peut prendre ou ne pas prendre a^. Le suflf. -tar des noms d'agents prend a^; le suff. -tar des noms de parenté conserve partout a^. Le pre- mier cas seul nous intéresse ici; l'histoire du second rentre tout entière dans le chapitre de l'expulsion de l'a.

Les formes où l'on constate tout d'abord qu'un suffixe prend a2 sont l'accusatif sing. et le nominatif du pluriel et du duel. Quand l'une de ces formes présente le phonème a2, on est sûr qu'il existe aussi dans les deux autres^

Il reste à savoir, et c'est là la question que nous examinerons, si l'apparition de «2 ^^^^ les formes précitées entraine aussi sa présence aux trois autres cas forts, le nominatif, le locatif et le vocatif du singulier.

1. Nominatif. Pour ce qui concerne la quantité de l'a, v. ci- dessous p. 199. Considérons d'abord sa qualité. M. Brugmann a établi que le skr. datâram est rendu en grec par biÛTopa, nullement par bujTfipa. Après cela il n'y a point de motif pour croire que l'équivalent grec du skr. data soit ôiuirip plutôt que biÛToip. Le lat. dator nous parait même trancher la question. Bien que M. Brugmann

��1. Le pluriel indien âyâvas en regard de Zfjv = *Zeuv doit sûrement son à long au voisinage de dyaus et de dyàm (sur lesquels v. p. 185) ou à l'ana- logie de gavas.

�� � ALLONGEMENT DU NOMINATIF. 199

ne dise rien d'explicite à ce sujet, ce savant est loin de mettre en doute la primordialité de dator, puisqu'il s'en sert pour expliquer la longue de l'ace, datôrem (primit. ^datÔretn). Cela étant, la flexion de bujTrip n'apparaît plus que comme une variété de la flexion de ■facrrrip et Trairip, variété où l'ri du nominatif s'est communiqué à plusieurs autres cas^. On devra admettre une classe de noms d'agent sans «2 Q^i ^^ sanskrit n'existe plus que dans çâmstar (ace. çâm- stàram). — Dans les thèmes à nasale on trouve, en regard du gr. Xi-uûv, le lat. hi-em-s. Ne serait-ce pas l'indice d'une flexion qui, traduite en grec, donnerait au nom. «Xi^v», à l'ace, xiôva? C'est peu probable. Qui sait si l'e de Mems ne provient point d'une as- similation semblable à celle qu'on observe dans hene de bonus'? Elle pouvait se produire par exemple à l'ace. *hiomem, au plur. *hiomes. Telle est aussi la raison de l'e de juvenis, cf. skr. yûvânam. A côté de flamen, flamonium'^ pourrait faire conclure à l'ace. *flamonem, *Jia- mônem; mais cette forme s'explique suffisamment par l'analogie de matrimonium etc.^ — Pour les thèmes en -was, M. Brugmann admet avec raison que le gr. eibwç (accus, ancien *eiè6(Ja) est le continuateur direct de la forme primitive.

Ainsi rien ne peut faire admettre que la couleur vocal ique du nominatif différât jamais de celle de l'accusatif.

En ce qui concerne la quantité de l'a du nominatif, c'est, au- jourd'hui l'opinion dominante que pour les thèmes à liquide, à nasale et à sifflante, il était long dès la période proethnique. Le système vocalique s'augmente donc de deux phonèmes: l'âj et Vâ2 longs, phonèmes tout à fait sporadiques et restreints, autant qu'on en peut juger, à cette forme de la flexion, les autres à longs étant des com- binaisons de deux a brefs.

La question de savoir si, après la syllabe à voyelle longue, venait encore Vs du nominatif a été l'objet de vifs débats. Le premier M. Scherer avait ré- voqué la chose en doute et vu dans l'allongement une façon spéciale de mar- quer le nominatif. A leur tour ceux qui admettent Vs et qui attribuent l'allon- gement à l'effet mécanique de la sifflante ne sont pas d'accord sur l'époque où elle a dû disparaître.

��1 . L'ancien accusatif en -repa a laissé une trace dans ' les féminins en -Teipa. Ceux-ci en effet n'ont pu être créés que sur ce modèle, le type -Tpia étant le seul qui réponde au skr. -tri.

2. Usener, Fleckeisen's Jahrb. 1878, p. 51,

3. Rien n'est plus incertain que les étymologies qui tirent le lat. mulier et le gr. ûyii'iç des thèmes du comparatif en -ya^s.

�� � 200 RÉPARTITION DES PHONÈMES ttj ET Oj ENTRE LES DIFF. CAS.

Pour ce qui concerne ce dernier point, nous nous permettrons seulement d'allirer l'attention sur le parallèle sâkhà{i) — AriTib posé à la page 187, et qui nous détermine, avec les autres arguments bien connus, à admettre l'ab- sence de sifflante après an, am, âr et ai dans la det-nière phase de l'indo- européen.

Nous adoptons la théorie où l'allongement provient d'une cause (inconnue) autre que l'action de l's, sans croire toutefois que les deux caractères se soient toujours exclus l'un l'autre. Comment concevrait-on skr. vés, lat. vates, gr. Zeûç (à côté de zd. kava, skr. sàkhà, cf. p. 185 seq.), si Vs déterminait l'allongement? En outre il y a des cas où la voyelle longue se trouve devant une explosive. Ainsi le nom. sanskrit de /^agfi «pied» est j)àd, p. ex. dans a-pâd. Si cette forme est ancienne, elle suppose un <î long proethnique. Mais sans doute on peut alléguer l'analogie des formes comme pâdam (= -rtôba). Citons donc tout de suite le germ. fôt-^ dont l'ô, si l'on n'admet quelque part un â long dans la flexion primitive du mot, est purement et simplement inexplicable. Or où l'a long pouvait-il exister si ce n'est au nominatif singulier? Le dor. trObç con- firme ce qui précède; -uoç dans Tpîuoç etc., est refait sur les cas obliques, cf. TTôXu-poç de PoOç. Quant à iroOç, c'est une forme obscure de toute fai^on et que nous ne considérons pas comme la base de itûjç. — Si l'on admet que l'a ■ du skr. nâpàtam soit a^ (p. 212), l'ô du nom. nûpât = zd. napâo (pour *nupà[t]s), comme l'ô du lat. nepôt-, prouvent aussi l'allongement. — Le lat. lôx permet la même conclusion: cf. gr. 6\^ et vôcare, lequel est apparemment dénominatif de *v6c-. — Enfin tous les mots comme lat. fur, gr. q)ujp, kXiûvjj, ^lûv^, okûjvij, irapa-pXiûnj venant de racines contenant e ne s'expliquent qu'à l'aide de l'allon- gement du nominatif. Plus tard la longue pénétra dans toute la flexion et même dans des dénominatifs comme fûrari, cpujpduj, kXujttôiu, lesquels se pro- pagèrent de leur côté (cf. Ppuj|Lidu>, bpw|Lidu), bujuduj, voijadu), ttujTdoiaai, Tpujîrduj, Tpwxôiu, OTpwqpduj). — A côté d'oivo^j on trouve oîvûjv|j, à côté d'êiron; ëTTUJira (Hes.). Cette variation de la quantité paraît remonter à la même source.

2. Locatif. Ici la permutation est manifeste. En sanskrit on a âMdram et dâtâri, uksdnam et uksâni^ ksâml et ksdmas (= gr. x^ôveç). Le même échange se traduit en gotique par aiihsin = uksàni (p. 84) en regard de auhsan et auhsans = uksdnam, uksdnas. M. J. Schmidt a comparé à ce paradigme germanique le lat. homo hominis homonem (vieux lat.), parallèle qui s'est confirmé de plus en plus pour ce qui est du nominatif et de l'accusatif. Aux cas obliques il est difficile d'admettre que Vi (= é) de homin- réponde à Vi (= e) de auhsin. La voyelle latine paraît plutôt être purement anaptyctique, hominis se ramenant à *homnis (cf. p. 45 en bas, et l'ombr. nomne etc.). En grec aî/ei pourrait bien appartenir au thème axSoG- (ace. aiûi) plutôt (ju'à *ai/b = lat. aevum.

��1. Le norr. fôt- est encore consonan tique. Le got. fotu- est né de fot- comme tun^u- de tunp-. La langue a été induite en erreur par le dat. pi. fo- ium et l'ace, sg. fotu, lesquels provenaient du thème consoiiantique.

�� � RÉPARTITION DES PHONÈMES rt, ET ((^ ENTRE LES DIFF. CAS. 201

3. Vocatif. M. Brugmann Stud. IX B70 pose dâta^r comme prototype du skr. dâtar. Mais cette forme peut tout aussi bien sortir de dàta^r, et une fois qu'en grec le nom. buuTrip est séparé de 6dj- Topa (p. 198), le voc. aiûrep que fait valoir M. Brugmann n'a plus rien de conîmun avec les mots en -roup. M. Brugmann lui-même a reconnu plus tard (7t. Z. XXIV 92) que la qualité de l'a n'est pas déterminable — biJùrop pouvant de son côté être hystérogène pour

  • bû)Tep — , et en conséquence il écrit pour les thèmes en -wa-i: widwa^s

ou uidwaiS. L'incertitude est la même soit pour les thèmes à na- sale soit pour les thèmes en i et m de flexion forte (sàkhe, AriTOÎ, p. 187). Nous parlerons plus loin (p. 203) de la circonstance qui fait pencher les chances vers a^. Il n'en est pas moins vrai que l'apparition de a^ dans les thèmes dont nous parlons n'est démon- trable que pour une seule forme, le locatif.

Voilà pour la permutation «g : a^ dans les syllabes prédésinen- tielles qui ne gardent l'a qu'aux cas forts. Mais on comprend que celles de ces syllabes où la chute de l'a est impossible présentent encore une permutation d'un tout autre caractère, la permutation forcée si on peut l'appeler ainsi. La déclinaison du nom de l'aurore dans un grec très primitif serait (cf. Brugmann, K.Z.XX1Y21 seq.): nom. *ai)(Tujç (skr. usas), ace. *aùcrô(ya (skr. usdsatn), voc. *auffoç ou

  • aua€ç (skr. îiios), loc. *aiiaé(yi (skr. usâsi); gén. *aùaeaôç (skr. î<sd.sas

pour *usasds), v. p. 188 seq. Dans ce paradigme l'apparition de Ve au locatif — et au vocatif si *au(Jeç est juste — résulte de la per- mutation libre étudiée ci dessus. Au contraire Ve de *ai)(Te(TÔç = skr. iisâsas n'existe absolument que parce qu'une cause extérieure empêche l'expulsion de l'a suffixal, et dans ce cas nous avons vu que c'est toujours a^ qui apparaît (p. 126).

Dans les thèmes-racines, la permutation forcée est fréquente. Ainsi l'oi du lat. pedis, gr. Trebôç, skr. pâdds en regard de compodem, Txàba, pddam (Brugmann, Stud. IX 369) est tout à fait comparable à l'ci de *a\}(Sec6ç. Le locatif en revanche faisait à coup sûr pâ^di, avec permutation libre.

Considérons à présent la permutation a^'.a^ dans les thèmes où tous les cas sont forts, c'est-à-dire les paroxytons (p. 191). Les com- paratifs en -yas, qui ont a2 au nominatif (lat. suavior) et à l'accu- satif (skr. vâsyâmsam reflétant un ancien ^vàsya^sam, gr. f]b'nu =

  • f)bioa), présentent un a bref, soit a^, dans les cas obliques du sans-

�� � 202 RÉPARTITION DES PHONÈMES a, ET «j ENTRE LES DIFF. CAS.

krit: vâsyase, vdsyasas, vâsyasâ. Il est évident qu'ici il ne saurait être question de permutation forcée, et nous apprenons ainsi que le génitif, le datif et l'instrumental, quand l'accent leur permet d'être forts, ont le vocalisme du locatif^.

Ceci aide à comprendre la flexion des neutres paroxytons en -as, lesquels ont «2 ^^ nominatif -accusatif, a^ aux autres cas (Brug- mann ^.c. lôseq). Si l'on convertissait en masculin le neut. mâna^s^ dat. tndna^sAi, on obtiendrait au nom. mânâ^s, à l'ace, mâna^sm, au dat. mdna^sH, c.-à-d. la même flexion que pour les comparatifs. Le datif serait donc tout expliqué. IJa^ du nom. -ace. se justifie direc- tement par le fait que le neutre de ivâsyâ^s est icdsya^s (lat. siiavius), et le neutre de widwà^s, ividivâ^s (gr. €i6ôç). Ces trois types font exception à la règle qui demande l'expulsion de l'a au nom. -ace. neutre (p. 197).

Au pluriel et au duel (flexion faible) les thèmes, oxytons et paroxytons, qui ne peuvent rejeter l'a devant les consonnes initiales des désinences, prenaient, selon la règle, a^: les formes grecques |Liéve(J-ai, ôpea-qpi, en témoignent, aussi bien que les accusatifs in- dienc- pàdâs, usâsas (= padns, usasns), cf. pddas, usdsas.

En anticipant ce qui est dit plus bas sur le vocatif, le résultat de l'étude qui précède peut se formuler ainsi: Dans la flexion notni- nale les syllabes prédésinentielles où a^ est suivi d'un phonème et qui ad- mettent la modification en 82, présentent toujours cette modification 1'^ au nominatif des trois nombres, 2° à l'accusatif du singulier, 3^ au nom.-acc. sing. du neutre lorsqu'il conserve Va,. Partout ailleurs l'a., s'il n'est ex' puisé, ne peut avoir que la valeur a^.

L'échange des deux a dans les thèmes finissant par a est traité plus haut p. 85 seq. Dans les cas qui, pour les thèmes tels que uksàn, sont les cas forts on observe un parallélisme frappant entre les deux classes de suffixes:

Sing. nom. uks-d2n Cf. yuk-td^rs

ace. uks-â^n-m yuk-tâ^-m

loc. uks-â^n-i yuk-tâ^-i

Plur. nom. uks-L^n-a^s ytik-tâ^-a^s

1. La conjecture de M. Brugmann {l. c. 98 seq.) part du point de vue que la présence de Va aux cas faibles des noms en -yas est irrégulière, ce dont nous ne pouvons convenir (p. 191 seq.). — Ce qui précède fait voir que padâs,

  • u8asd8 auraient a, quand même la permutation n'y serait pas forcée. Néan-

moins nous avons cru qu'il était plus juste de présenter la chose comme on vient de la lire.

�� � l'échange tti — Cj EST INDÉPENDANT DE l'aCCENT. 203

Reste le vocatif sing. On a vu que la voyelle de ce cas ne peut pas se déterminer directement pour les thèmes comme uksan (p. 201). Seulement M, Brugmann tire du voc. yûkta^ une présomption en faveur de l'hypothèse ddtayr {ûhsa^n) et nous adoptons son opinion, non point toutefois pour les raisons qu'il donne et dont nous par- lerons tout à l'heure, mais uniquement parce que le locatif atteste la symétrie des deux paradigmes.

M, Brugmann est convaincu que l'échange de a^ et ag s'explique par l'accentuation, et en particulier que l'aj du voc. yûkta^, qu'il regarde comme un afifaiblissement, tient au recul du ton à ce cas. Or le locatif, qui n'a point cette particularité d'accent, montre exac- tement le même vocalisme. Ensuite où est-il prouvé que l'accen- tuation en question ait une influence quelconque sur l'ag? On compte autant de ag après le ton que sous le ton, et d'ailleurs les deux a se trouvent placés cent fois dans les mêmes conditions d'accent, montrant par là qu'ils sont indépendants de ce facteur pour autant que nous le connaissons. C'est ce qui apparaît clairement quand on parcourt par exemple la liste de suffixes donnée plus bas, le même suffixe pouvant avec la même accentuation prendre a^ dans certains mots et garder a^ dans d'autres. — Ainsi que nous l'avons dit p. 126 seq.. nous considérons % comme une voyelle primitive et nullement affaiblie, et ag comme une modification de cette voyelle. Autant il est vrai qu'on retrouve partout les trois termes ag, «i, a-zéro, autant, à notre avis, il serait erroné de croire qu'ils forment une échelle à trois degrés et que a^ est une étape entre a^ et zéro.

M. Brugmann dit {Stud.YX.Zll): «tous les doutes qui pourraient surgir relativement au droit que nous avons de tenir Ve du vocatif pour un affaiblissement sont levés par les thèmes en -â», et il cite alors le vocatif vù|Li(pâ, ëeno, ambà. C'est là cet incompréhensible parallélisme des thèmes en -Â avec les thèmes en -a^ (a^) qui se vérifie encore au locatif et dont nous avons déjà parlé p. 88. On ne pourra y attacher grande valeur, tant que l'énigme ne sera pas résolue.

Nous avons vu de quelle manière, étant donné qu'un thème prend a^, ce phonème alternera avec a^ aux différents cas de la dé- clinaison. Il reste à établir ou plutôt à enregistrer — car on n'aperçoit aucune loi dans cette répartition — quels sont ces thèmes, quels sont au contraire ceux qui maintiennent a^ partout.

Pour abréger nous écrivons, par exemple, suffixe -a^n, ce qui signifie: variété du suff. -a^n admettant \'a^.

�� � !204 ÉNUMÉRATION DES THÈMES QUI PRENNENT CTj.

1. La syllabe prédésinentielle prend a^: Thèmes-racines, Les plus importants sont pa2d «pied»: skr.

pââam, gr. Ttôba (Brugmann, <S<Mrf. IX 368); wa^k «voix»: skr. véiéam (cf. p. 190), gr. J'ôua. Sur le lat. vôcem v. p. 200. En grec xoûç (gén. xoôç), bôpS, cpXôH (ce mot est hystérogène, la racine étant qpXriT, V. p. 162g), tttujH, ôu)ip. On pourrait douter si Va du skr. ap «eau» représente a^-* ou a^. Nous nous décidons dans le premier sens pour 3 raisons: 1" si l'a de âp-am était a^ on devrait, rigou- reusement, avoir au datif p-é, 2° la parenté du gr. 'Atti- (p. 53) est probable, 3" dans les composés comme dvîpâ, anûpd, Va initial de ap s'est fondu avec Vi et Vu qui précèdent, ce que n'eût pas fait Oj. — En composition on a p. ex. gr. BeXXepoqpuJv, lo-qpujv, dont l'accusatif a dû faire primitivement -cpova. Une partie des com- posés indiens de vah, sah etc. ont à Tacc. -vâh-am, -sâh-am. La forme faible existe p. ex. pour anad-vdh-am qui fait anad-uh- (p. 189: sur le nominatif v. p.41i.n.). Pour -sah- (=sa^h) la forme faible devait être '■sâh-, le groupe sgh n'étant pas admissible. Or dans le Rig-Véda on ne trouve presque jamais que les cas forts, sauf pour anadvah. L'alternance de -vâh- et -uh-, de -sâh- et -sah- s'était donc perdue, sans qu'on osât cependant transporter dans les cas faibles la forme à voyelle longue. Il n'existe qu'un ou deux exemples tels que satrâ- sdh-e. — Les nominatifs ont l'a long (havya-vât etc.). Comme la syl- labe est fermée, la longue est due ou à une extension analogique ou à l'allongement du nominatif (p. 199).

Suffixes.

l.-a2n. Ce suffixe abonde dans toutes les langues de la famille.

2. -agin. On trouve le suff. -aim dans ghi-âm, gr. xiiwv (zd. zyâo, lat. hiems, cf. p. 184) et ghs-àm: gr. X^-i^JV, skr. nom. pi. ksàmas. Brugmann, Stvd. IX 308.

3. -agi*. Skr. dv-àr-as^ (nom. pi.). La forme forte reparaît dans le si. dvorii, le lit. dvAras, le lat. fores. Brugmann l. c. 395. — On peut mettre ici sivasa^r, skr. ace. svasdLram, lat. soror, lit. sesû, irl. siur (cf. athir), gr. lop-eç^.

��1. L'aspirée dh a subsisté, pen.sons-nous, dans ce mot jusqu'au jour où naquit la forme dhùr «timon, avant-train> venant de dhf. L'équivoque perpé- tuelle qui s'établit alors entre dhiir et les cas faibles de *clhvar (comme dhnrâm) poussa à dififérencier ces formes.

2. M. Léo Meyer a vu dans ôap le représentant grec de swa^sar, opinion à laquelle personne n'a adhéré. En revanche il n'y a aucune difficulté phonique a identifier avec skr. svàsûras ?opeç' ■trpooi'iKovTcç, ouTYCveîç; cf. ^op* dutdTrip,

�� � THÈMES QUI N ADMETTENT POINT ffj. zUO

4. -niagll. Suffixe connu en grec, en latin, en germanique et dans l'arien. Il serait intéressant de savoir pourquoi, en grec, l'accusatif ancien en -)aova et l'accusatif hystérogène en -juOùva se répartissent exactement entre paroxytons et oxytons.

5. -wa.^ll. Ce suffixe, fréquent en sanskrit, se retrouve avec plus ou moins de certitude dans le gr. ttTuuv, iréTroiv, dinqpiKTioveç, et îduTrriujv, bien qu'on ne puisse peut-être identifier purement et sim- plement -TTTiuuv avec skr. patvan, ainsi que le fait M. Fick.

6. -tagr. Noms d'agent.

7. -agS. Skr. nom. pi. uséis-as, zd. ushâonh-em^ gr. r|U)ç, lat. au- rôra; gr. aibujç. — Puis tous les neutres en -as. V. p. 202 seq.

8. -magS paraît exister dans l'ind. pumas, ace. pûmâmsam pour

  • pumàsam. Cf. p. 41 i. n., 190 i. n., 188.

9. -JS^Si suff. du comparatif. Brugmann K. Z. XXIV 54 seq. et 98.

10. -wagS, suff. du participe passé. Brugmann l. c. 69 seq.

A cette première série se rattachent, comme nous l'avons vu, les suffixes finissant par a (-a, -ta, -ma etc.), qui tous prennent a.^.

11. La syllabe prédésinentielle n'admet pas Og* Thèmes-racines. Kieiç KTevôç (primitivement le gén. devait

être *KT«vôç, *KTavôç), véKeç" veKpol, Kiépeç (id.), lat. nex etc. En composition: skr. vrtra-hmi{-am), rtï-sâh{- am) à côté de rtï-sdh{-am).

Quand un thème-racine se trouve en même temps ne pas prendre ttg et être hors d'état de rejeter l'a — ex.: skr. spaç, spâçam, spaçé, gr. èiri-TeH — il est naturellement impossible de dire à coup sûr s'il n'appartient pas au type dvls (p. 189).

Suffixes.

1. -a^n. Plusieurs thèmes sanskrits comme vfsan, ace. vfsânam. En grec on a dpcrev- (peut-être identique avec vrsan), xépev-, aùxév-, cppév-. Parfois ces mots généralisent l'ri du nominatif, ainsi Xeixriv -fjvoç, ireudriv -nvoç. Le suff. a^n sans a.^ manque au germanique.

2. -aiF. Skr. w âr, ace. waram = gr. àvépa. Cf. sabin. nero. On a en outre aîd-ép-, a/"-ép-, anivO-ép-, Xa-mu-rip ' aqpobpoùç tttvjujv Hes.

��àv€vj;iôç (probablement un vocatif), eùpéaq)i" YuvaiEiv. Un grand nombre d'autres formes voisines quoique assez hétérogènes ont été réunies par M. Ahrens, Philo- logus XXVII 264. La déviation du sens n'a pas été plus grande que pour çpciTrip.

�� � 206 TraiVip : cÙTTciTUip, Trfma : ànrmiuv.

3. -maiD. Gr. Troiinév-, nu&iaév-; Xi)Liév- etc. Le letto-slave {kamen-, ahnen-) a perdu -ma^n et ne connaît plus que -ma^^^i. C'est l'inverse qui a eu lieu soit pour le germanique soit pour le sanskrit^

4. -taiF. Noms de parenté* et noms d'agent (v. p. 198 seq.).

5. -waiF. C'est le suffixe qu'il faut admettre dans devâr, ace. devâram. En effet le gr. baép- montre a dans la racine; or celle-ci ne peut être dàiw (v.p. 170). Sur ce mot cf. Brugmann, Stud.lXZ9l.

6. -aiS. Nous avons vu p. 189 skr. bhiy-âs{-am). Les thèmes en -agS formant le second terme d'un composé renoncent à ïa^: skr. su-mânàs-am, gr. e\j-)aevr|ç, dv-ai5r|ç, lat. degener. Les adjectifs comme gr. ipeu5r|ç, skr. tavàs se comportent de même.

Le sanskrit ne possède rien d'équivalent à la règle grecque qui veut que Traiép-, àvép-, Taaxép- etc., donnent en composition eù- TTâTOp-, dv-r|vop-, KOiXo-TacTTOp-, phénomène qui est l'inverse de celui que nous venons de voir pour les thèmes en -as. La règle des neutres en -)iia, analogue en apparence, a peut-être une signification assez différente. 11 est évident tout d'abord que TrfJiLia n'a pu pro- duire à-Trri|Liov- qu'à une époque où ïn du premier mot existait encore, si ce n'est au nominatif -accusatif, du moins aux cas obliques^. Mais l'association de ces deux formes pourrait être même tout à fait pri- mitive. Si l'on admet que les neutres en question sont des thèmes en -wagW et non en -ma^n — question qui ne peut guère être tranchée — , -Trrmov- nous représente le propre masculin de Trnjia. Le sanskrit est favorable à cette hypothèse : dvi-gânmân-am : gânma = à-7rr|)Liov-a : irfiiaa^.

Il n'est pas besoin de faire ressortir la confirmation éclatante de la théorie du phonème ag que M. Brugmann a pu tirer de ces différents suffixes. Parmi les thèmes indiens en -ar ceux qui allon- gent l'a sont 1° des noms d'agent, 2° les mots dvàr et svdsar: dan.s

��1. La quantité de l'a varie en zend, comme dans tant d'autres cas. On ne saurait y attacher grande importance. En sanskrit aryamân fait aryamânam, mais c'est un composé de la rac. man.

2. Sur l'anomalie de ces noms en gotique, où ils présentent a dans le suffixe (fad&r etc.), anomalie que ne partagent point les autres dialectes germa- niques, V. Paul, Beitr. IV 418 seq.

3. Après que l'n se fut évanoui on forma des composés comme â(TTO|Lioç au lieu de *àaTÔ|LXiuv.

4. Le rapport de K^paç et xpuoô-Kepujç n'a évidemment rien de commun avec celui de iTf||na et imrwxiuy, -Kepujç étant une simple contraction de -Kcpaoç. Au contraire celui de ireîpap (-otoç) et à-iretpiuv serait intéressant à étudier.

�� � DÉCLINAISON DE daru, ganu, sanu. 207

le gréco-italique les thèmes en ar qui prennent o sont: 1° des noms d'agent, 2° les thèmes correspondant à dvâr et svâsar. L'arien offre usdsam en regard de sumdnàsam: nous trouvons en gréco- italique ausos- et eù)i€vé(T-, degener-.

��Nous nous abstiendrons de toute hypothèse relativement aux féminins en -â, à la nature de leur suffixe et de leur flexion^.

Pour terminer nous considérons deux genres de déclinaison où, contre la règle ordinaire, les phénomènes de la flexion s'entrecroisent avec ceux de la formation des mots.

1. Déclinaison de quelques thèmes en u.

En sanskrit ^nu (qui n'existe qu'en composition) et le neutre dru sont évidemment avec gdnu et ddru dans le même rapport que snu avec sdnu. h'â des formes fortes est ag, v. p. 82. En fait de formes faibles on trouve en grec fvûH, irpô-xvu, ÎTVÙç, bpu-; en go- tique hmssjan, kn-iv-a, tr-iv-a.

Or la règle de la grammaire hindoue relativement à snu est que cette forme se substitue à sdnu — lequel peut aussi se décliner en entier — aux cas obliques des trois nombres (plus l'ace, plur.). Benfey, Vollst. Gramm. p. 315.

La déclinaison primitive, d'après cet indice, a pu être: nom.- acc. dâ^r-u, dat. dr-ii^iv-Ai etc. Ce n'est guère plus qu'une possibilité; mais, à supposer que le fait se confirmât, il introduirait dans la flexion indo-européenne un paradigme tellement extraordinaire qu'il est nécessaire d'examiner le cas et de voir s'il est explicable.

Etant donnée la déclinaison dâ^r-u^ dr-â^iv-Ai, on ne pourrait sans invraisemblance supposer deux thèmes différents de fondation, hypothèse qui résoudrait la question de la manière la plus simple, mais qui n'expliquerait pas l'alternance fixe des deux formes.

Il s'agit de trouver le moyen de réunir da^ru- et dra^u- dans un seul type primitif sans avoir recours à d'autres modifications que celles qu'entraîne la flexion du mot. En partant d'un thème paro- xyton dâr-a^u cela est impossible: le ton qui frappe la racine ne passe jamais sur le suffixe (p. 191). Supposons au contraire un thème premier *dar-â^u: dr-â^w-Ai est pour *rfar-rfiW-ii (voy. p.221). Au nom. -ace. dà^r-u nous constatons que le ton s'est retiré sur la

1. Cf. p. 88, 203.

�� �

208 DÉCLINAISON DE dàru, ganii, sanu, pak^u.

racine, où il a protégé l'a. Toute la question est de savoir si l'on peut expliquer ce mouvement rétrograde de l'accent. Il nous semble que oui. En vertu de la règle que nous avons vue p. 197, le nom.- acc. du neutre *dar-du devait faire: *dar-û. Mais l'i et Vu finissant un mot refusent de porter l'accent (v. p. 178). Le ton était donc forcé de se rejeter sur la syllabe radicale.

Si l'on admet la déclinaison indo- européenne dâ^ru drâ^ioAi et l'explication de dâ^ru qui précède, il s'ensuit une rectification touchant la forme primitive du neutre d'un adjectif comme mrdiï-s qui a dû être mrâdu. Cette forme était trop exposée aux effets d'analogie pour pouvoir se maintenir.

Dans la même hypothèse on posera pour la déclinaison du neut. j;ayfcM (pecus): nom.-a.cc. pdiki-u, da-t pa^k^-w-Ai. Nous mettons pakwAÏ et non paMivAi, parce qu'il y a des indices que ce mot sui- vait la déclinaison forte. En regard de l'adj. skr. drdv-ya on a paçv- yà, et le génitif védique du masc. paçû-s est invariablement paçvAs (cf. drôs, snôs). Du reste la flexion forte ne change rien à la question de l'accent. Voici les raisons qui pourraient faire admettre la même variation du ton que pour les trois neutres précédents. L'ace, neutre skr. paçu se rencontre deux fois dans les textes (v. B. R.): la pre- mière fois il est paroxyton, en concordance avec le got. faihu, la seconde oxyton. Puis vient un fait que relevé M. Brugmann, Stud. IX 383, le parallélisme du masculin oxyton paçû-s avec drû-s, bpû-ç, et le masc. zd. zhnu. Cette circonstance resserre le lien du neutre paçu avec la famille dàru, gémi, sânu. — Le nom.-acc. pâ^k^u est paroxyton pour la même raison que dâ^ru^. Dans le dat. pa^kivÀi et le masc. pa^kû-s Va radical subsiste seulement, comme le dit M. Brugmann, parce que pkû- eût été imprononçable (le zd. fshu résulte d'altérations secondaires); cf. p. 46.

��1. La coloration divergente de l'a dans pà^hu et dâ^ru, gà^nu, sâ^nu, dé- pend de facteurs que nous ne connaissons pas. Supposer la même influence des sonanles que plus haut p. 83 serait une conjecture assez frêle. Peut-être le masculin pa^kû et les cas obliques oxytons où Va^ était forcé ont-ils influé par analogie sur le nomin. *iMizku. — Je ne sais comment il faut expliquer le datif védique (masculin) pâçve, si ce n'est par l'attraction qu'exerce Va radical (p. 163). — M. Brugmann {l. c.) montre qu'il a existé une forme ga^nu à côté de gnu et ga^nu; de même l'irland. derucc «gland» joint au lit. dervà, au si. drèvo (J. Schmidt, Voc. II 75) remonte à da^i-H. En tous cas il paraît inadmissible que cette troisième forme ait alterné dans la déclinaison avec les deux premières. Sur le lat. genu et le véd. sanuhhis cf. p. 45, 44.

�� � DÉCLINAISON HÉTÉROCLITE. â09

Le gérondif sVr. gatvâ, çrutvâ, en regard de l'inf. gântum, çrôtum, rentre, à première vue, dans la catégorie que nous venons de voir. En réalité il n'en est rien. L'explication proposée pour dâru, basée sur Vu final de cette forme, ne s'applicjuerait plus à gântum. D'ailleurs il faudrait que les infinitifs védiques en -tave eussent la racine réduite et l'accent sur le suffixe, mais on sait que c'est le contraire qui a lieu (gântavé). Il convient d'en rester à la conclusion de M. Barth (Mém. Soc. Ling. II 238) que le gérondif en -tvà ne sort pas du thème de l'infinitif. On trouverait même le moyen de réunir ces deux formes, qu'il resterait à expliquer les gérondifs védiques comme hrtvt.

2. Mots hétéroclites.

a. LES NEUTRES.

Il y a longtemps que M. Scherer a supposé que le paradigme indien des neutres comme àksi, où alternent les suffixes -i et -an, devait dater de la langue mère. Dans les idiomes congénères en effet on retrouve ces mots tantôt comme thèmes en -i tantôt comme thèmes en -an. M. Osthoff {l. c. 7) s'est joint à l'opinion de M. Scherer. Mais les mots en -i, -aw, ne sont qu'une branche d'une famille plus grande, dont l'étroite union est manifeste.

La déclinaison de ce qu'on peut appeler les neutres hétéroclites se fait sur deux thèmes différents^. Le premier est formé à l'aide du suff. -an', il est oxyton; la racine y est affaiblie.

Ce premier thème donne tous les cas dont la désinence com- mence par une voyelle. Il suit la flexion forte.

Le second thème a le ton sur la racine, laquelle offre sa forme pleine. Normalement ce thème semble devoir être dépourvu du suffixe. Quand il en possède un, c'est ou bien i ou bien un élé- ment contenant r, jamais u 7ii n. Ce suffixe du reste n'en est pro- bablement pas un; il est permis d'y voir une addition euphonique nécessitée à l'origine par la rencontre de plusieurs consonnes aux cas du pluriel (asth-i-bhis, etc.).

Les cas fournis par ce second thème sont ceux dont la dési- nence commence par une consonne, plus le nom. -ace. sing., lequel leur est assimilable (p. 197). En d'autres termes ce sont les cas moyens de la grammaire sanskrite ou encore les cas faibles de la flexion faible.

Les variations du vocalisme radical dont.nous venons de parler rentrent dans le chapitre de la formation des mots, puisqu'elles correspondent à l'alternance de deux suffixes. A ce titre la décli-

��1. Les nominatifs-accusatifs du pluriel et du duel devront rester en dehors de notre recherche, vu l'incertitude qui règne sur leur forme primitive, de Saussure, Oeuvres. 14

�� � âlO DÉCLINAISON HÉTÉROCLITE.

naisoQ hétéroclite aurait pu être placée au § 13. Mais l'alternance

des suffixes étant liée à son tour à celle des cas, il nous a paru

naturel de joindre cette déclinaison aux faits relatifs à la flexion.

Les neutres désignent presque tous des parties du corps.

1* série: le thème du nom. -ace. est dépourvu de suffixe.

1. Gr. o&ç = lat. atis dans aus-culto. Le thème des cas obliques est ouoT-, c.-à-d. *oùo-v- (p. 28). Il a donné le got. auso mmns. La double ac- centuation primitive explique le traitement divergent de \'s dans auso et le v. ht-all. ôrà. — Le nom.-acc. paraît hésiter entre deux formations, car, à côté de ous, le lat. auris, le lit. ausïs et le duel si. uSi font supposer o'usi. D'autre part le si. ucho remonterait à o'usas.

2. Lat. ôs = skr. as (et âsyà), dat. às-n-é (peut-être primit. àsné?).

3. Le skr. çtrë-n-é se ramène à *krAs-n-A'i, lequel suppose un nom.-acc. krâAs que le grec conserve peut-être dans KaxdKpâç et indubitablement dans Kpd(a)-aT-(oç): la syllabe Kpâa- est empruntée au nom.-acc, le correspondant exact de çîrs-n-âs ne pouvant guère être que *Kopaaroç.

4. Le mot pour cœur a dû être kâifd, dat. krd-n-Ai, ce qui rend assez bien compte du gr. Kfjp ou plutôt Krjp, v. Brugmann, Stud. IX 296, du got. hairto hairtins, du lat. cor etc. Cf. skr. hfdî et hardi.

5. Skr. dés, dat. dos-n-é «bras».

6. Lat. jûs «jus, brouet». Le sanskrit offre le thème yûs-ân, employé seulement aux cas obliques.

7. Skr. vâr «eau» à côté de vâri; le thème en -ati paraît être perdu.

2® série: le nom.-acc. se forme à l'aide d'un élément contenant r. Quand r est à l'état de voyelle, il se fait suivre de g2 ou plus ordinairement d'une dentale qui paraît être t (cf. p. 28). Ces addi- tions sont vraisemblablement les mêmes que dans -ksi-t, -Jert (p. 189) et -dhr-k (au nominatif des composés de dhar). Les dérivés asra (skr.) et udra (indo-eur.) indiquent bien que ce qui suit \'r n'est pas essentiel.

1. Skr. ds-r-g, dat. as-n-é. Gr. ëap, elap (Grrfe. 400). L'a du lat. s-an-gu-i-s, san-ies (cf. p. 28) paraît être anaptyctique (cf chap. VI). Nous devons poser pour l'indo-européen, nom.-acc. â^s-r-g^, dat. s-n-A'i. En sanskrit l'a des cas obliques a été restitué en analogie avec le nom.-acc. L'a du lette assins est sans doute hystérogène, cf. p. 88 i. n. — D'après ce qui précède nous regardons lat. assir, assaratum, comme étrangers à cette famille de mots. Olfr. Mûller (ad. Fest. s. V. assaratum) les croit d'ailleurs d'origine phénicienne.

2. Véd. âh-ar, disX.%àh-n-e (pour *ahné probablement).

3. Véd. udh-ar (plus tard udhas), dat. ûdh-n-e (primit. ùdhné'i); gr. oOd-ap, cOô-OT-oç; lat. ûb-er et Oufens; v. h^^-all. ùt-et- (neut.)._

4. Lat. fem-ur fem-in-is. M. Vaniëek dans son dictionnaire étymologique grec-latin cite ce passage important de Priscien (VI 52): dicitur tamen et hoc femen feminis, cnjus nominativus raro in usu est. — Peut-être y a-t-il commu- nauté de racine avec le skr. bhâmsas, bhasâd.

�� � DÉCLINAISON HÉTÉROCLITE. 211

5. Gr. fyn-ap rjn-aT-oç; zd. yâkare (gloss. zd.-pehlvi); skr. yàk-r-t yak'ué; lat. jec-ur jec-in-or-is, jocinoHs; lit. jekna. On peut conjecturer que les formes primitives sont: ya^Àk-r-t, dat. yÀk-n-Ai, ce qui rend compte de Va long du zend et du grec. Mais il est vrai que Ve du lituanien et du latin s'y prête mal: on attendrait a.

6. Gr. iJb-iup Ob-aT-oç (0); v. sax. watar, got. vato vatins', lat. u-n-da; lit. va-n-du; sl.voda; skr. tidân usité seulement aux cas obliques (nom. -ace. ûdaka). Conclusion: indo-eur. tcâ^d-ri-t), dat. ud-n-Ai. La nasale du latin et du litu- anien est évidemment épenthétique.

7. Gr. OK-iûp OK-dx-ôç; skr. çâk-r-t çak-n-é (lat. stercus). Ces formes ne s'expliquent que par une flexion primitive: sâ^k-r-t, dat. sk-n-Ai.

3' série: le thème du nom. -ace. se forme au moyen d'une finale i. — D'après ce que nous avons vu plus haut (p. 106, 107 en bas, 108) Vo des mots ôcrae, ôaréov, oOç, doit être o. Au point de vue de la dégradation du vocalisme radical, ces exemples ne sont pas des plus satisfaisants. La racine apparaît invariable.

1. Skr. âkë-i, dat. aks-n-é^. Le thème nu apparaît dans an-àks «aveugle», nomin. andk. La forme en -i donne le gr. dooe, le lit. akïs et le duel si. oéi^ l'autre le got. augo augins, où l'accentuation du thème en -cm est encore visible.

2. Skr. dsth-i, dat. asth-n-é^. Gr. ôan-voç, àaT-é{y)o-v (cf. hfd-aya), lat. os ossts (vieux lat. ossu). Les formes comme ÔOTpeov «huître» font supposer une finale r à côté de la finale -t. V. Curtius, Grdz. 209.

3. Skr. dddhi, dat. dadh-n-é. Le boruss. dadan est sans grande valeur ici: c'est un neutre en -a (Leskien, Decl. 64).

4. Skr. sâkth-i, dat. sakth-n-é. Galien rapporte un mot ÏKTop (tô tPiç TuvaiKÔç aîboîov) employé, dit-il, par Hippocrate, mais que la critique des textes paraît avoir eu des raisons d'extirper («jam diu evanuit» Lobeck, Paralip. 206). Cette forme s'accorderait cependant très bien avec sâkth-i. Doit-on comparer iivq, ia\iov, îoxi (Hes.)?

5. M. Benfey (Skr.-engl. Dict.) compare le skr. angi et le lat. inguen. Mais le mot latin, outre les autres explications proposées (v. J. Schmidt, Voc. I 81), se rapproche aussi du skr. gaghdna.

h. MASCULINS ET FÉMININS.

Nous retrouvons ici le thème en -an et le thème sans suffixe. Ce dernier peut prendre la finale i. Seulement c'est le thème en -an qui est paroxyton et qui montre la racine pleine, et c'est le thème court qui est affaibli. Ces deux thèmes se répartissent de telle manière que les cas «forts» du masculin correspondent aux cas

��1. Par une extension du thème nasal, le- dialecte védique forme akSâbhis^ Le duel akstbhyâm est encore plus singulier.

2. Le génitif consonanti([ue zend açtaçéa pourrait suggérer que le nomina- lif-accu.satif a été primitivement ast, et que asti- était réservé aux cas du pluriel. Cf. plus bas les 3 thèmes du masculin.

14*

�� � 212 DÉCLINAISON HÉTÉROCLITE.

«très faibles» (plus le locatif sing.) du neutre et que les cas «moyens» et «très faibles» du masculin font pendant aux cas «moyens» du neutre. Décliné au neutre, pdnthan, patliî, ferait certainement: nom. pànthi, dat. pathné (instr. pi. pànthibhis). — De plus les formes équi- valentes path et path -\- i, contrairement à ce qui a lieu pour les neutres, coexistent d'habitude dans le même mot, la première étant employée devant les voyelles, la seconde devant les consonnes.

Le paradigme est complet pour le skr. pdnthan: pânthân-as, paih-é, path-î-bhis. La forme pathin est une fiction des grammairiens^, voy. Bôhtl.-Roth; path, pathi sont pour pnth, pnthi, cf. p. 24. Le lat. ^ow^i-, le si. pqtî, reproduisent au sein de la forme en i le vocalisme du thème en -an et nous apprennent que l'a radical de pdnthan est a^. La même racine donne le got. finpa, fanp. Sur pdnthan se décline mànthan.

Les cas «très faibles» du skr. pus-àn (ici le thème en -an est oxyton) peuvent se former sur un thème pus. Vopadeva n'admet la forme pus que pour le locatif sing. Benfey, Vollst.Gramm., p. 316.

Les autres exemples ne peuvent plus que se deviner. C'est entre autres le gr. dfE-uuv qui est opposé au lat. ax-i-s.^ au si. osï; le skr. nàktan et nâkti (on attendrait au contraire *ndktan et *7iaktî, cf. lit. naktîs) avec le gr. vukt- et le got. naht-. La triple forme se manifeste aussi dans le gr. x^P- X^ip- (pour *X£pi-) et *x£pov (dans buffx^pciîvuj de *buax^pujv). En zend \shapan «nuit» donne au nom. Xshapa, à l'ace, xshapan-em, mais au gén. xshap-o (Spiegel, Gramm. 155); le sanskrit a éliminé *ksapan en généralisant ksap.

Peut-être pati «maître» n'est-il pas étranger à cette famille de mots, ce qui expliquerait patni, udivia. Le lit. pats offre une forme sans i, et le désaccord qui existe entre l'accent du skr. pâti et celui du got. -fadi- cache bien aussi quelque anguille sous roche. La dé- clinaison de ce mot est remplie de choses singulières. En zend il y a un nomin. paiti. Cf. aussi TToffeibàuuv.

C'est à titre de conjecture seulement que nous attribuerons la naissance du thème indien nâptar (qui dans le Rig-Véda n'apparaît point aux cas forts) à l'insertion d'un -r-, semblable à celui de ydk-r-t etc., dans les cas faibles du pluriel de ndpat^, ainsi ndpt-r-bhis au lieu de naptbhis.

��1. paripanthin contient le suffixe secondaire -in.

2. Le fém. naptt prouve que Va de ndpâfam est Oj, autrement il devrait rester une voyelle entre p et t. Le lat. nepôtem a pris, ainsi ([ue datôrem, son

�� � ACCENTUATION ET VOCALISMK RADICAL DES DIFF, THÈMES. 213

Il faut être prudent devant ce grand entrecroisement des suf- fixes. Nous sommes sur le terrain de prédilection d'une école qui s'est exercée à les faire rentrer tous les uns dans les autres. Nous croyons néanmoins que le choix d'exemples qui est donné plus haut ne laisse pas de doute sur le fait qu'un ordre parfaitement fixe présidait à l'échange des différents thèmes, et sur 1 equipollence de certains d'entre eux comme p. ex. aks et aks -\- i, en opposition à aks -\- an.

§ 13. Aperçu synoptique des variations du vocalisme amenées par la formation des mots.

Au § 12 nous avons dressé l'état des modifications qui s'obser- vent dans les syllabes prédésinentielles. Ce qui suit aurait à en donner le complément naturel, l'histoire des modifications qui at- teignent les syllabes présuffixales. Nous devons dire d'emblée que cet aperçu sera nécessairement beaucoup plus incomplet encore que le précédent. Ni les phénomènes de vocalisme ni ceux de l'accen- tuation n'ont été sérieusement étudiés pour ce qui concerne la for- mation des mots. En dehors de cette circonstance fâcheuse, il est probable qu'on n'arrivera jamais sur cette matière à des résultats aussi précis que pour ce qui touche à la flexion. Les exceptions aux règles reconnues sont trop considérables.

Nous commençons par une revue très succincte des principales formations. A chaque suffixe nommé, nous enregistrons quelle ac- centuation et quel vocalisme radical il admet.

I. Thèmes nominaux.

Thèmes finissant par a^-a^.

Thèmes en -Eg. — 1* série: Oxytons (autant qu'on en peut juger, V. p. 78 seq.); racine au degré 2; v. p. 75 seq. 146, — 2" série: Oxytons; racine faible^

��ô au nominatif (v. p. 200). L'irl. niae, gén. niath ne décide rien quant à la quantité de Va (cf. hethàcl — Piôttitoç, Windisch, Beitr. de P. et B. IV 218), mais il s'accommode fort bien de a^. Cf. enfin véTtobeç(V). — La substitution de nâptr-bhis à "-naptbhis» aurait une certaine analogie avec une particularité de la déclinaison védique de kéip et de Map: ces mots font à l'instrumental plur. kSlp-â-bhis, ksap-à-bhis.

1. Voici quelques exemples: indo-eur. i/ugd, skr. usa, krçd, piçà, bhrça, vrdhà, vrâ, etc., zd. géreba «hurlant» de gared, berêfja «désir» de bareg; gr. <iTÔç, ôq)Xo( • ô<p€i\éTai, OTpafJôç de arpcq), Topaôç de xepa, et avec déplacement

�� � 214 ACCENTUATION ET VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES.

Thèmes en -ta^- — 1® série: Paroxytons (?); racine au degré 2; V. p. 72. — 2® série: Oxytons; racine faible (participes); cf. p. 14, 23, 140 seq., 148.

Thèmes en -nag. — V série: Paroxytons (?); racine au degré 2; V. p. 73 seq. — 2® série: Oxytons; racine faible^ (participes). Quelques traces du degré 1 ; v. p. 74.

Thèmes en -mag. — V série: Accentuation douteuse; racine au degré 2; v. p. 70 seq. en ajoutant puj)uôç, ôuj|a6ç, puuxMoç (p. 130, 132, 157). — 2® série: Oxytons; racine faible^.

Thèmes en -rag. — 1® série (peu nombreuse): Racine au de- gré 2; V. p. 130, 147. — 2® série: Oxytons; racine faible; v. Lindner p. 100 et ci-dessus p. 147.

Il est difficile d'apercevoir la règle des thèmes en -ya^ et -îva^. L'exemple a-Jiiva^ «cheval» ne permet point à lui seul de dire que les thèmes en wa^ ont a^ dans la racine; ce peut être une formation secondaire, comme l'est par exemple le skr. him-â, gr. -xi|li-o-ç, qu'on dirait contenir le suff. -ma, mais qui dérive du thème ghi-am.

Il semble qu'on puisse conclure ainsi: les diflférents suffixes finissant par ag admettent également la racine réduite et la racine au degré 2, mais n'admettent pas la racine au degré 1. Quant à l'accent, il repose toujours sur le suffixe lorsque la racine est réduite. La plus grande partie de la série qui est au degré 2 paraît avoir été composée aussi de thèmes oxytons; cependant la règle n'apparaît pas d'une manière nette.

Thèmes finissant par a^ -\- sonanfe ou s.

I. Le suffixe n'admet pas «2-

Thèmes en -a,ll. Oxytons; racine réduite: gr. (pp-r|V, */p-r|V (p. 184); skr. uksàn (ace. uksânam et uksdnam), plihdn (les langues européennes font supposer que le suff. est a^w). Dans le skr. vrsan

��du ton, ôtXoç, axipoç, axixoç, tùkoç; germ. tuga- «trait» (F. IIP- 123), fluga- cvol» (F. 19.Ô), hida «commandement» (F. 214), got. drusa «chute», quma «ar- rivée». En composition ces tlièraes ne sont pas rares: skr, tuvî-grâ, â-kra; gr. v€0-Yvô-ç, à-rapirô-ç, la-Ppô-v TtoXuqpdTOV, éXa-Opd" év éXaîuj i(pbd, bi-qppo-ç, f-iti-irXa, *Yvu-irTÔ dans YvuirTeîv (Hes.); lat. priri-gnu-s, prô-bnim (quoi qu'en dise Corssen, Sprachk. 145).

1. Got. fulls = *fîiln(is, gr. Xùxvoç, atrapvôç. Topvôv KoXopôv et tous les participes indiens en -nrf.

2. Skr. tigmâ, yugmâ, tjudhmâ, rukmà, sidhmà (p. 161) etc.; gr. àK|uiri, ^puTHÔç. iTUYm'l. anYMn-

�� � ACCENTUATION ET VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES. 215

(acc. vrsanam) et le gr. dpcTTiv il faut admettre que l'accentuation est hystérogène. Quelques exemples ont la racine au degré 1 : gr. lépnv, Xeixnv -fivoç, TTeuOriv -fivoç.

Thèmes en -ma^n. Oxytons; racine faible. Gr. àuT|iiriv, Xï|nr|Vj^ 7Tu&|ir|V. V. p. 124, Si l'on range ici les thèmes neutres en -nian, nous obtenons une seconde série composée de paroxytons où la ra- cine est au degré 1. L'accentuation est assurée par l'accord du grec et du sanskrit, le degré 1 par les exemples réunis p. 123 seq., cf, p. 129 et 147.

Thèmes en -a^r. Oxytons; racine faible. Skr. nâr, us-âr.

Thèmes en -taiF. 1® série: Oxytons; racine faible. Gr. (à)cr- xrip, zend ç-tàr-a, lat. s-tella (Brugmann, Stud. IX 388 seq.). Des noms de parenté comme duhitâr, pitâr^, yâtâr (yntàr). — 2® série: Paro- xytons; racine au degré 1. Skr. hliràtar^ gr. cppaTrip; skr. çâmstar. Le mot mcitdr et les noms d'agent grecs en -xrip soulèvent une question difficile que nous examinerons plus bas à propos du suff. ta^r.

Pour les thèmes en -aj, il serait important de savoir si la flexion primitive de chaque exemple était forte ou faible, ce que nous ignorons bien souvent. Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il y a des thèmes en Uii qui prennent a2 dans la racine (v. p. 81), que d'autres, comme l'indo-eur. nsâii (p. 24), et les infinitifs védiques tels que drçâye, yudhàye, affaiblissent la racine. Dans toutes les langues cette classe de mots est fortement mélangée de formes qui lui étaient étrangères à l'origine.

Thèmes en -ta^i (flexion faible). La racine est réduite, v. p. 16, 23,141; Lindner p. 76 seq., Amelung, Ztschr.f.deutschesAltert.XWlll, 206. On attend donc que le suffixe ait l'accent, mais les faits qui le prouvent n'abondent pas. En grec le ton repose au contraire sur la racine (mcTTiç, qpùSiç etc.). En germanique comme en sanskrit oxytons et paroxytons se balancent à peu près. On a en gotique ga-taurpi-, ga-kunpi- etc., à côté de ga-mundi-, ga-kundi-, dëdi- etc. M. Lindner compte 34 paroxytons védiques contre 41 oxytons (mas- culins et féminins). Les probabilités sont malgré tout pour que le ton frappât le suffixe. Nous pouvons suivre historiquement le retrait de l'accent pour mati, kirti (véd.), qui devinrent plus tard mâti, kirti. De plus gàti, yâti, rdti de gam, yam, ram, et sthiti, diti de sthâ, dû, ont dû être oxytons à l'origine, autrement la nasale sonante des

��1. La racine de pitâr peut être a^pA ou poiA; dans les deux cas il y a afTaiblissement.

�� � 216 ACCENTUATION ET VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES.

3 premiers aurait produit -aw-^ (p. 35) et l'i des seconds apparaîtrait sous la forme d'un a (p. 166), — Notons en sanskrit s-ti de as.

Thèmes en -a^u de flexion faible. — 1® série (fort nombreuse): Oxytons (Bezzenberger, Beitrage II 123 seq.^); racine faible; v. p. 16, 24, 148; Lindner p. 61. — 2* série: Oxytons; racine au degré 2, comme skr. çankû, si. sqhù; v. p. 81 seq.

Thèmes en -aiU de flexion forte. Oxytons; racine faible. Ex.: âi-àiU, go â^u (p. 187).

Thèmes en -taïU. — V série: Oxytons; racine faible. Skr. rtû, aktû (= got. uJitvo p. 24): zd. përëtu = lat. portus; got. kustus. — 2* série: Paroxytons; racine au degré 2. QfQxra. daupus (Verner, K.Z. XXIII 123), gr. oî-(Tu-a de la rac. wa^i (v. Fick 11^ 782), skr. tàntu, màntu, sôtu etc. C'est probablement à cette formation qu'appartiennent les infinitifs en -tu-m (cf. p. 209).

Thèmes en -a^S. Oxytons; racine faible. Skr. hhiy-as (v. p. 205). Sur les mots comme ipeubriç v. p. 188seq.

II. Le suffixe admet a^.

Thèmes en -agii. Oxytons; racine faible. Skr. çv-dn « chien > (ace. çvànam). Le gr. kùoiv a retiré le ton sur la racine, tandis qu'aux cas obliques on a inversement: gr. kuvôç, skr. çûnas. La loi géné- rale des thèmes germaniques en -a^n est d'affaiblir la racine, v. Ame- lung l. c. 208; sur l'accentuation de ces thèmes qui primitivement ont été tous oxytons, Osthoff", Beitr. de P. et B. III 15. — Quelques thèmes du degré 1 : gr. eÎKUJV, àn&ujy, àprifujv ; iuSkiov, (TKaTTiuv ; skr. snehan (gramm.), rdgan, et plusieurs neutres tels que gâmhhan, mamhân.

Thèmes en -magil. La racine est toujours au degré 1, v. p. 123, 129, 132, 147. On trouve en grec des paroxytons comme xépinujv; le sanskrit en possède un petit nombre, ainsi géman, bhàsman, klôman. Le got. hiuhma, milhma, accuse la même accentuation. Mais les deux premiers idiomes offrent en outre des thèmes en -ma^n oxytons où la racine n'est point affaiblie, ainsi x^iHi^v, premân, varsmàn, hemàv etc.

Thèmes en •agin. Oxytons; racine faible (p. 204).

��1. Ce fait défend de reconstruire un primitif paroxyton gmti tel que M. Brug- mann parait disposé à l'admettre sur la foi du got. gaqumpi-, du siir. gàti et du gr. pdaiç [Stud. IX 326). Au reste il est juste de dire qu'on a des formes indiennes comme tânti, hanti.

2. Il est regrettable que dans ce travail le point de vue du vocalisme ra- dical soit négligé, et que des formatiojis très diverses se trouvent ainsi confondues.

�� � ACCENTUATION ET VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES. 217

Thèmes en •a2r. — 1' série: Oxytons; racine faible (âhuâr). — 2* série: Paroxytons; racine au degré 1 (stvd^s-ar). V. p. 204.

Thèmes en -tagl'. L'accentuation et la conformation primitive des thèmes en -tar sont difficilement déterminables. A la p. 198seq. nous sommes arrivé à la conclusion que les noms d'agent grecs en -Trip et -Tujp formaient dès l'origine deux catégories distinctes. La flexion des premiers devait se confondre primitivement avec celle des noms de parenté. Or les noms d'agent en -irip sont oxytons. On attend donc d'après les règles générales et d'après l'analogie des noms de parenté (v.p. 216), que la syllabe radicale y soit affaiblie. Elle l'est dans les mots comme 6oTr|p, (TTaxrip etc. L'ancienneté de ces formes semble même évidente quand on compare èoirip bdjTiup, PoTTip PujTUJp, à TruO|ar|V Tr\eu)iijuv. Mais voici que l'affaiblissement en question ne s'étend pas au delà des racines en -â, car on a nexCTr\p, àXeiTTTTipiov etc. (p. 125). Voici de plus que le sanskrit ne possède aucun nom d'agent dont la racine soit affaiblie. On dira que les noms d'agent indiens ont pour suffixe -tagr, non -ta^r. Mais il en existe un de cette ^lernière espèce: çdmstar (ace. çâmstàram), et cet unique échantillon non seulement n'affaiblit pas la racine, mais encore lui donne le ton. Du reste en admettant même que les deux types boTrjp biÛTCup nous représentent l'état de choses primitif, on ne comprendra pas comment un grand nombre de noms d'agent indiens — lesquels, ayant tous «2, ne peuvent correspondre qu'au type biijTiJUp — mettent le ton sur -târ. Deux circonstances com- pliquent encore cette question que nous renonçons complètement à résoudre: l'accentuation variable des noms d'agent sanskrits selon leur fonction syntactique {data maghdnam, data maghdni), et le vieux mot mâtdr «mère» qui a la racine forte malgré le ton. — Il faut ajouter que le zend fournit quelques noms d'agent à racine réduite: kèrëtar, dërëtar, bërëtar etc.

Thèmes en -B.^S. — 1* série: Paroxytons; racine au degré 1. Ce sont les neutres comme |iévoç, v. p. 122. — 2® série: Oxytons; racine faible. Skr. usas. Les mots comme toçâs (duel ioçdsa) sont probabltrment hystérogènes, cf. p. 188.

Thèmes en -yagS. Paroxytons (Verner, K.Z. XXIII 126 seq.); racine au degré 1 ; v. p. 123, 147 seq.

Thèmes en -wa28. Oxytons; racine (redoublée) faible. Cf. p. 34, 682, 146. Skr. gagrbhvdn, gr. ibuîa, got. berusjos (= be-br-usjos).

�� � âl8 ACCENTUATION KT VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES.

Les participes de la 2® classe en -nt forment une catégorie par- ticulière, vu l'absence de tout a suffixal (p. 173). Ils ont le ton sur le suffixe, et la racine réduite. L'exemple typique est l'indo-eur. s-nt de a^s (Osthoff, iiT. Z. XXIII 579 seq.). En sanskrit: uçânt-, dvi- éânt- etc. Cf. p. 36 et § 15.

Il faut nommer encore les formes comme mrdh et {açva-)yûg dont nous avons parlé p. 189, et où l'afFaiblissement, quoique por- tant sur une syllabe prédésinentielle, n'est point causé par les dé- sinences. Nous notons sans pouvoir l'expliquer un phénomène curieux qui est en rapport avec ces thèmes. Après i, u, r, n, m, un t est inséré. Or les racines en â, on ne sait pourquoi, ne connaissent pas cette formation: «pari-sthi-t» de s<^â serait impossible; pari sthd seul existe^. Ainsi pari-sthâ, type coordonné à vrtra-han, se trouve enrôlé par l'usage dans un groupe de formes avec qui il n'a rien de com- mun: pari-sthâ, go-gî-t, su-kr-t etc. sont placés sur le même pied. Jusqu'ici rien de bien surprenant: mais comment se fait-il que ce parallélisme artificiel reparaisse devant ceux des suffixes commençant par y et w qui demandent l'insertion du ^? A côté de a-gi-t-ya, â-k'r-t-ya nous avons a-sthâ-ya\ à côté de gi-t-van, kj'-t-van, on trouve rd-van. Les mêmes formations ont encore ceci d'énigmatique que la racine y est accentuée malgré son affaiblissement.

Thèmes féminins en a (cf. p. 78). 1' série: Oxytons; racine faible. Skr. druhd, mudd, ruga etc.; gr. Paqprj, YPOt^Hi KOTtri, paqpn, xaqpn, Tpuq)ri, q)UYri, ô)Lio-K\ri, èm-pXaî'. 2® série: Paroxytons; racine au degré 1. Got. gairda, gïba, hairda, v. h'-all. speha; gr. éïkr], ei'pn, IpGï], èpeiKri, XeÙKn, ^éOri, irébri, îreÙKri, aKéirri, ciéYr), X^^^n. En sans- krit varsd, identique avec êpcrr), est anormal par son accentuation.

IL Thèmes verbaux. Plusieurs ont été dérivés d'autres thèmes verbaux. Ces formations ne rentrent pas dans le sujet que nous considérons, et il suffira de les indiquer sommairement : 1 ** Aoriste en -sa^ (skr. dik-M-t, gr. ÎEov) , dérivé de l'aoriste en -« (da^ik-s-). 2° Thèmes oxytons en -a tels que limpâ-, mnnéà-, krntâ-, dérivés, ainsi que l'admettait Bopp, de thèmes de la 7e classe: exemple trmhâ[ti] = tp}àh- (dans trnédhi) + d. 3" Le futur en -s-yà est probablement une continu-

��1. Disons toutefois que le type madhu-pa (v. p. 166) est peut-être ce qui correspond à goglt, sukf-t. Mais à quoi attribuer l'absence du /?

2. L'accent est déplacé dans pXdpri, bÎKTi, \i)m\, \idxr\, vdwr\, 6br\, ad-fr\, licoô-bian- — Dans certains cas l'expulsion de l'a est empêchée: indo-eur. 8a^bhd pour sbhâ (skr. sabhd, got. sibja, gr. éç-érai).

�� � ACCENTUATION ET VOCALISME RADICAL DES DIFF. THÈMES. 219

ation de l'aor. en s. 4° Les subjonctifs (p. 119). — Les optatifs tels que syd- (v. ci-dessous) sont à vrai dire dérivés, aussi bien que bharaî- (p. 181) et que les formes qui viennent d'être citées.

Thèmes en -a^. — 1* série: Paroxytons; racine au degré 1; v.p. 119,144, 149. — 2® série: Oxytons; racine (simple ou redoublée) faible; v.p. 10 seq., 20, 144 seq., 151 seq.

Thèmes en -ya^. Racine faible, soit en sanskrit soit dans les langues congénères (p. 148, 150). Contre l'opinion commune qui regarde l'accentuation indienne de la 4® classe comme hystérogène, M. Verner {l. c. 120) se fonde sur cette accentuation pour expliquer le traitement de la spirante dans le gerra. hlahjan etc. Dans ce cas le vocalisme des thèmes en -y a ne peut guère se concevoir que .si l'on en fait des dénominatifs: ainsi yûdh-ya-ti serait proprement un dérivé de yûdh «le combat», pâç-ya-ti se ramènerait à spàç (crKOTTÔç). La langue se serait habituée plus tard à former ces présents sans l'intermédiaire de thèmes nominaux^

Thèmes en -ska^. Oxytons; racine faible; v. p. 14, 23, 140. Dans le skr. gddchati, t/àdchati, l'a radical (sorti de m) s'est emparé du ton (cf. p. 163).

[Thèmes en -na^-u et -nai-A. Oxytons; racine faible; v. p. 22 et 175.]

Thèmes en -yaiA, Oxytons; racine (simple ou redoublée) faible. Indo-eur. s-yà^A-, optatif de a^s. Skr. dvisyd- de dv»s, vavrtyd- de vart, éaôéhadyd- de chand; got. berjau (= be-br-jau), hitjau (== *6t- bitjau). La formation est secondaire (cf. plus haut).

Mentionnons le thème de l'aoriste sigmatique comme dâ^ik-s- (p. 121,179) qui ne rentre ni dans la iormule racine simple ni dans la formule racine -f- suffixe.

Résumons brièvement ce qui ressort de cette énumération. 1. Les phénomènes qu'on constate dans la formation des mots ne peuvent être mis en relation qu'avec l'accent. On n'observe pas

��1. L'accentuation primitive de la caractéristique n'est pas malgré tout très improbable, car, outre le passif en yà, on a les formes comme d-yâ-ti, s-yâ-ti etc., qui paraissent venir de ad, as etc. De plus sldhyati, timyati (p. 161 seq.) ne se comprendraient pas davantage que sthiti (p. 215 seq.) si le ton n'avait frappé primitivement le suffixe. 11 faut ajouter que même dans l'hypothèse où yudhyati serait dénominatif, on attendrait l'accentuation *yudhyàH: cf. devayâti. — On trouve vraiment le ton sur -ija dans le véd. raiiyâti (Delbr. 163). Pour haryânt cf. Grassraann s. v. hary.

�� � 220 RÈGLES GÉNÉRALES QUI s'eN DÉGAGENT.

d'effets comparables à ceux qui se produisent dans les déclinaisons faibles (perte de Va^ du premier élément causée par une consonne initiale dans le second),

2. Qu'est-ce qui détermine la place de l'accent? Voilà le point qui nous échappe complètement. Le ton opte pour le suffixe ou pour la racine, nous devons nous borner à constater pour chaque formation le choix qu'il a fait^. Comme le même suffixe peut prendre et ne pas prendre l'accent {rikà^-, râ^ikui-), on prévoit que la règle sera extraordinairement difficile à trouver.

3. Relation du vocalisme avec l'accentuation.

Le ton repose-t-il sur la syllabe radicale, celle-ci apparait sous sa_ forme pleine, au degré 1 ou au degré 2.

Nous avons cherché à écarter les exceptions, dont la plus consi- dérable est le cas des thèmes verbaux en -ya. — L'affaiblissement des mots sans suffixe comme mfdh (v. ci-dessus p. 218) est d'un ca- ractère tout à fait singulier: on ne sait même à quoi le rattacher.

Le ton repose-t-il sur le suffixe, la racine est au degré réduit ou (plus rarement) au degré 2, jamais au degré 1.

Exceptions principales. Certains thèmes en -man tels que x^ijuduv, varsmdn (v. plus haut), et probablement une partie des thèmes en ■tar, puis des exemples isolés assez nombreux. Comme nous l'avons dit, les oxytons en -as tels que vj/eubriç ne constituent pas d'exception

formelle.

« 

Les oxytons du degré 2 auxquels la règle fait allusion ici sont presque uniquement des thèmes finissant par a (v. ci-dessus p. 214) ou des thèmes en u de flexion faible (p. 216), ainsi Xomôç, ttXoxmôç, ketû. C'est une chose curieuse que de voir les deux a se comporter différemment vis-à-vis de l'accent. Elle donnerait à penser que la naissance du phonème a^ est antérieure à la période d'expulsion. De fait, dans les syllabes prédésinentielles, il n'est jamais besoin de supposer l'expulsion d'un a2 (par l'accent), puisque, d'après ce qu'on a vu p. 201, les cas faibles des oxytons montrent a^ dans les paro-

��1. Sans cette alternative, le principe du dernier déterminant de M. Benfey et de M. Benlœw pourrait presque passer pour la loi générale de l'accent indo- européen. — M. Lindncr (Nominalbild. 17 seq.) propose pour les thèmes nomi- naux du sanskrit les deux lois suivantes (la seconde pouvant annuler l'effet de la première): 1" L'accent frappe la racine dans le nom abstrait (Verbalabstractum), et le suffixe dans le nom d'agent. 2" L'accentuation du nom répond à celle du verbe au présent. La latitude que laisseraient ces deux lois est singulièrement grande.

�� � SOMME DES a EXPULSÉS DANS CHAQUE FORME FLÉCHIE. 221

xytons, et que ces derniers nous représentent l'état de choses qui a précédé les phénomènes d'expulsion.

��Pourvu qu'on admette l'immobilité de l'accent dans les thèmes paroxytons (p. 190 seq.), les phénomènes d'accentuation et d'expulsion peuvent sans inconvénient pratique s'étudier séparément dans les deux sphères de la flexion et de la formation des mots. C'est ainsi que nous avons procédé.

Seulement ce que nous avons devant nous, ce sont des mots et non des thèmes. Quand on dit que l'affaiblissement de la racine, dans le thème uks-dn, est dû à l'accentuation du suffixe, il reste à chercher ce que représente cette phrase dans la réalité, et si vrai- ment les faits de ce genre nous introduisent de plain-pied dans l'époque paléontologique antérieure à la flexion, telle que M. Curtius la reconstruit par la pensée dans sa Chronologie des langues indo-euro- péennes. Doit-on penser au contraire que tous les phénomènes se sont accomplis dans le mot fléchi^? Nous ne savons, et nous nous garderons d'aborder ce problème. Nous voudrions seulement, en combinant la loi des expulsions prédésinentielles avec celle des ex- pulsions présuffixales, exprimer le plus simplement possible la somme des afl'aiblissements dus à l'accent, telle qu'elle nous apparaît dans son résultat final: 1^ tous les % placés dans la partie du mot

QUI PRÉCÈDE la SYLLABE ACCENTUÉE TOMBENT, à moius d'impOSSibilité

matérielle (p. 46); 2 aucune autre expulsion Da^ n'est causée

PAR l'accent.

tâ^ig -|- ya^s -|- Ai produit tâiigiaiSài (skr. tégïyase). ya^ug -|- tâii-f-aiS » yuMà^ya^s (skr. yuktâyas). waiid-j-wa^s-l-Âi » widusÂi (skr. vidûse).

Il resterait à obtenir une règle unique d'où découlerait la place de l'accent dans chaque forme. Quand la question se pose entre f^yllabe prédésinentielle et désinence, on est fixé, pourvu qu'on con- naisse le genre de flexion (forte ou faible). On a vu en revanche que le parti que prend l'accent devant la bifurcation entre racine et suffixe peut se constater pour des groupes considérables de thè- mes, mais non se prévoir. Nous nous contentons donc de dresser

��1. Les cas dont nous avons parlé où l'on entrevoit une rencontre des phénomènes de flexion avec ceux de la formation (dar-u, dr-aw-Ai, p. 207 seq.) seraient un argument à l'appui de cette seconde hypothèse.

�� � 222

��SOMME DES a EXPULSES DANS CHAQUE FORME FLECHIE.

��un tableau récapitulatif. Ce tableau devra justifier les a^ qui existent et qui naanquent dans n'importe quelle forme primaire répondant aux conditions normales.

��I. Racine -f- suffixe^. l*' cas. Le ton reste ! 2* cas. Le ton quitte

��sur la racine.

Aucune expulsion n'est possible du fait de l'ac- cent. Cf. ci-dessous.

��la racine.

��a. Le ton ne point aux désinences (flexion faible).

L'expulsion par le fait de l'accent atteindra tous les Oj présufBxaux et aucun autre. Cf. ci-des- sous.

��Dans la flexion faible les désinences commen- çant par une consonne produisent l'expulsion de l'flj prédésinentiel.

��II. Racine sans suffixe.

��b. Le ton est attiré vers les désinences (fle- xion forte)».

Il y aura expulsion: 1° de tout ttj présufBxal, 2° si l'oi ne finit le thème, de tout «1 prédésinentiel placé devant une dési- nence susceptible d'ac- cent.

��Nous ne nous sommes pas préoccupé jusqu'ici des syllabes de redoublement. Le peu de chose qu'on sait de leur forme primitive rend leur analyse tout à fait conjecturale. Il s^'agirait avant tout de déterminer si le redoublement doit être regardé comme une espèce d'onomatopée, ou s'il constitue une unité morphologique régulière, le caractère de l'unité morphologique étant de contenir, à l'état normal, a^.

Au parfait, rien n'empêche d'admettre cette dernière hypothèse. Comme le ton repose au singulier de l'actif sur la racine ' et par- tout ailleurs sur les désinences, la réduplication perd forcément son a^, mais elle ne le possède pas moins virtuellement. Ainsi l'on a: indo-eur. uwâ^ka, iikmâ (skr. twdda, uéimd) pour ^wa^wâglsa, *wai- wa^kmà. Dans les formes comme papdta, Va est forcé de rester. Quand l'aj radical est suivi d'une voyelle, on constate que celle-ci se répercute dans le redoublement: hhibhd^ida pour *bhaiibhâ2ida, etc.*

1. Il faudrait, rigoureusement, ajouter une troisième case: racine -\- infixe, à cause du type yu-na-g de la 7e classe (§ 14). En faisant de -nag un suffixe fictif, les phénomènes sont ceux de racine et suffixe.

2. Nous considérons la flexion thématique comme un cas spécial de la flexion forte (p. 176).

3. Le got. saizlep permet de contrôler l'accent indien.

4. Le véd. vavâca est ù coup sûr une innovation, car, en le supposant primitif, on ne pourrait plus expliquer uvdca. En grec befboïKa et cfoiKuîai sont, en conséquence^ hystérogènes.

�� � LES VERBES DE LA 7* CLASSE. 223

A l'aoriste en -a, il faut, pour expliquer à la fois l'affaiblisse- ment radical et l'état normal du redoublement dans vôéat, supposer un double ton primitif (wài-uk-d^-t), tel que le possèdent les infinitifs en -tavai et d'autres formes indiennes (Bohtlingk, Akzent im Sanskrity p. 3), Il concilie du reste l'accentuation du gr. eÎTreîv avec celle de vôdat. Les aoristes sanskrits comme atitvisanta ont modifié leur ré- duplication: il faudrait *atetvisanta.

Au présent, la plus grande incertitude règne. L'i de 'icrirmi et de piparti pose une énigme que nous n'abordons point. Toutefois la variabilité de l'accent dans la 3® classe sanskrite semble indiquer un double ton dans les formes fortes, ce qui permettrait de com- prendre nenekti, vevekti, vevesti (qui peuvent passer, il est vrai, pour des intensifs), zd. zaozaomi, daêdôvit, et en gr. beibiw. Au pluriel le ton, passant sur la désinence redevenait un, et en conséquence le redoublement perdait son a. De là les présents comme didésti. La flexion originaire serait: dédésti, didiçmâs^.

��Chapitre VI.

De différents phénomènes relatifs aux sonantes i, u, r, n, m.

��§ 14. Liquides et nasales sonantes longues.

Dans le 21® volume du Journal de Kuhn, pour la première fois peut-être depuis la fondation de la grammaire comparée, une voix autorisée a plaidé la primordialité des présents sanskrits de la 7* for- mation. Tout a été imaginé, on le sait, sous l'empire de l'idée théorique que l'indo-européen a horreur de l'infixé, pour expliquer comment ce groupe de présents avait pu sortir de la 5® et de la 9® classe. M. Windisch déclare qu'aucune hypothèse ne le satisfait, constate qu'aucune ne rend véritablement compte de l'organisme délicat des formes alternantes yunag- yung-, et trouve que ces pré- sents offrent au contraire tous les caractères d'une formation primi- tive. La 9* classe, dont personne ne met en doute l'origine pro- ethnique, a péri dans toutes les langues européennes, hors le grec.

��1. Dans cette hypothèse le redoublement dà- du slave damï, damu, vient du singulier, et le dà- du skr. dddâmi, du pluriel. Formes premières: dâ^Q-dâ^o- tni, plur. dç-dç-màs.

�� � 224 LA 9' CLASSE, CAS PARTICULIER DE LA 7*.

Quoi d'étonnant si la septième, flexion bizarre et insolite, ne s'est conservée qu'en sanskrit et en zend?

Le spectre de l'infixé se trouve d'ailleurs conjuré, si l'on admet avec le même savant que la 7® classe soit une manifestation du tra- vail d'élargissement des racines: dans yunag- par exemple, la racine serait proprement yu (yau) et g ne représenterait que le déterminatif. Pour peu cependant qu'on repousse cette théorie, qui n'a pas pour elle d'argument vraiment décisif, nous nous déclarons prêt à admettre l'infixé. Surtout M. Windisch accompagne sa supposition d'un co- rollaire dont nous ne saurions faire notre profit à aucune condition. Il conjecture dans la 7® classe une sorte de continuation de la 9®, et nous serons amené à voir dans la 9® un cas particulier de la 7".

Formulons la règle au moyen de laquelle on passe de la ra- cine, telle qu'elle apparaît dans les temps généraux, au thème de la 7® classe :

L'a^ radical tombe, et la syllabe -inài- est insérée entre les deux derniers éléments de la racine réduite.

hhdiyià. :bhi-nà^-d ysL^ug : yn-nd^-g v^A^âi : u-nà^-d ta^rgh : tr-ndy-gh bha^ng : blin-nâ^-g

La flexion est donnée par les lois de la p. 176. Elle amènera les formes faibles bhi-n-d, yu-n-g, tr-n-gh, bhn-ri-g^, u-n-d.

Maintenant plaçons en regard de cette formation le présent de la 9* classe analysé conformément à notre théorie de l'a long: punài-A, forme faible pu-n-A. Une parenté difficile à méconnaître se mani- feste, et nous posons:

j = puna^A : x bhina^d : bba^id \ = prna^A : x

y = grbhna^ A : x Les valeurs des x, c'est-à-dire les racines véritables de nos présents en -«â, seront évidemment: pa, wa, pa^rA, ga^rbhA (ou graibhA).

C'est la rigoureuse exactitude de cette règle de trois que nous allons tâcher de démontrer.

A part d'insignifiantes exceptions, toutes les racines sanskrites non terminées par -î qui appartiennent à la 9® classe prennent à l'infinitif en -tum, dans les thèmes en -tavya et en -tar, et au futur en -sya, Vi (long ou bref) dit de liaison. De plus elles n'admettent à l'aoriste sigmatique que la formation en isam.

1. Le s\ir. bhanâ^mi sort régulièrement de ft^nriti^mi, mais dans les formes faibles comme bhan^màs la nasale paraît avoir été restituée par analogie: bhnng devait en effet donner hhng, qui en sanskrit eût fait hhâ<J-.

�� � l7 des racines comme grahhl, pari. 225

punati: pavi-tiir, pavi-traS pavi-syâti, â-pâvi-âus.

lunâti: lâvi-tum, lavi-syâti, à-lâvi-sam.

grnâti g'ari-târ*.

grnàti: «dévorer» (v. B. R.): gâri-tum, gari-syàti, â-gâri-sam

ppiâti: pârî-tum, pâri-syâti {cf. pârï-man, pâri-nas).

mrndti: â-marï-tàr.

çpiÉti: qâri-tos, qàrî-syâti {cf. çârî-ra, a-çarï-ka).

stpiâti: stâri-lum, stâri-syâti {cf. stàri-man).

gr. bd|Livrifii : dami-târ.

çamnâti^: çami-târ.

grathnâti: grdnthi-tum, granthi-syâti,

mathnati: mânthi-tum, mânthi-syâti.

çrathnâti: â-çj-lhi-ta.

mrdnâti: màrdi-tum, mardi-syâti.,

gj-bhnati: grâbhl-tar, grâbhl-tum, a-grabhï-sma, etc.

skabhnati: skàtnbhi-tum, skabhi-tâ.

stabhnâli: stâmbhi-tum, stabhi-tâ, a-stambhi-sam.

açnati: pra-açi-tàr.

isnâti: ési-tum, esi-syâti.

kusnati: kôsi-tum, kosi-syâti.

musnati: inôsi-tum, mosi-syâti {cf. musi-vân).

Les exceptions sont, autant que j'ai pu m'en rendre compte: badhndti qui n'offre Vi qu'au futur bandhisydti; pusnàti qui fait postuni ou pôsitum. mais pusta, jamais *pusitd; et kliçndti où l'i est partout facultatif. De quelque manière qu'on ait à expliquer ces trois cas, ils sont tout à fait impuissants comparativement aux vingt et un précédents, et il est légitime de conclure: si l'on tient que la racine de pimsti est pes, celle de grbhidti ne doit point être nommée sous une autre forme que grahhl (soit gra^hhA). L'î de grbh-n-ï-mâs a un rapport tout aussi intime avec Vï de grdbhi-tar que le s de pi-m-s- mâs avec le s de pés-tar.

Pour juger complètement du rôle et de la valeur de Vt dont nous parlons, on aura à observer trois points principaux:

1. Dès qu'on. admet le lien qui unit le présent en -nâ avec Xî final, on reconnaît que cet i, loin d'être une insertion mécanique vide de sens, fait partie intégrante de la racine^.

1. Le dialecte védique offre aussi potâr et pâtra.

2. Tel est l'état de choses primitif; plus tard on forme le futur garitâ.

3. Voy. Delbruck, Altind. Verb., p. 216.

4. Voy. Grassmann s. v. Le r de ce participe indique que les formes à nasale çrânthi-tum, çranthi-éyâti, ne sont pas primitives. Le présent même devrait faire *çrthnâti.

5. A la juger même dans sa valeur intrinsèque, l'idée qu'on se fait par habitude de \'î de pavitâr et de grâbhîtar n'est pas moins arbitraire que si l'on comptait par exemple pour des quantités négligeables l't de sthitâ ou l'î de pità.

de Saussure, Oeuvres. 16

�� � 2^6 RACINES udâttàs et racines anudàttàs.

2. Quant à sa nature: il n'y a point de motif pour ne pas l'identifier arec 1'?- de sthiiâ, pîtâ. Nous avons reconnu dans ce der- nier le descendant d'une voyelle faible proethnique désignée par ^ (p. 167 seq.), voyelle qui n'est elle-même qu'une modification de l'espèce d'à, ou des espèces d'à autres que a^ et a^ {a, q). — Plus haut l'a long de sthâ-, pâ-, dont la moitié est formée par la voyelle mise à nu dans sthi-, pî-, nous a prouvé que celle-ci avait été une Toyelle pleine dans la période proethnique très ancienne. Ici l'a de punâ-, grbhnâ-, donne la même indication relativement hVî de pavi-, gràbhh.

3. D'autre part il y a entre \'t ou ^ de sthiiâ, pîtâ, et 1'/ ou ^ de pavi-, grabhî-, cette importante différence morphologique, que le premier résulte de la réduction d'un â (a^ji), tandis que le second paraît exister de fondation à l'état autophtongue. S'il se combine avec a^ dans le présent en -nâ, il n'en préexistait pas moins à ce présent.

En résumé nous avons devant nous comme types radicaux: pUiW^, pa-^r^^ gra^bh^ etc. Sous leur forme inaltérée — qui e'st la base du présent en -na^A — , ces types sont pa^wA, pa^rA, gra^bhA.

D'un côté, on vient de le voir, le rôle du phonème a dans pav-i punâ- est absolument parallèle à celui que remplissent d ou s dans hhe-d- bbinad-, pe-é- pinas-. D'un autre côté, si l'on prend les racines grabhî, mardi, mosi, il devient évident que notre phonème possède cependant des propriétés morphologiques toutes spéciales: aucune sonante, si ce n'est peut-être u (y. p. 228), et aucune consonne ne pourrait être mise à la place de Vï dans les trois exemples cités.

Si donc on s'en tient purement à la base de classification, plus ou moins extérieure, que nous avons adoptée à la page 172 seq. il convient d'établir deux grandes catégories de racines. Premièrement les différents tj'pes distingués à la page citée. Deuxièmement les mêmes types à chacun desquels serait venu s'ajouter a. On est ra- mené en un mot, sauf ce qui regarde la conception de Vî, à la division qu'établit la grammaire hindoue entre les racines vdattas, ou demandant Vi «de liaison», et les racines anudâttas, qui en sont dépourvues.

Revenons un instant à la 9* classe pour considérer un point laissé de côté jusqu'ici.

Aux présents ksindti, litidti, répondent les infinitifs ksétum, létum. On attendait ^kiâyitum, làyitum etc.» Il faut supposer que le groupe

�� � LES RACINES DE LA 7' CLASSÉ SONT miudûttaS A PRIORI. 227

-ày^- subit un autre traitement que -aw^-^ -ar^- etc. Comme l'op- tatif indo-eur. hharaît = "^hharayH (p. 180) fournit un parallèle à cette contraction, il y a lieu de la croire proethnique^. Que le pho- nème -^, en tous cas, existe réellement dans les racines précitées, c'est sur quoi Xï long des participes ksi-nâ, li-nà (v. plus bas), ne laisse aucune espèce de doute. Ajoutons . à ces deux exemples nndti : rî-ti. — Dans les présents krïndti, prïndti, bhrïndti, çrlndti, Vî long n'a certainement pénétré que sous l'influence analogique des formes comme krïta, prita. C'est ainsi que le védique mindti s'est changé plus tard en thindti. Les infinitifs krétum, prétum, çrétum, sont tout pareils à ksétum, létum.

On peut évaluer certainement le nombre des udâttâs à la moitié environ du chiffre total des racines. Plus bas nous augmenterons de quelques exemples la liste commencée p. 225. Mais auparavant on remarquera que la théorie de la 9® classe nous permet de pré- voir, au moins pour un groupe considérable de racines, la propriété d'être anudâttâs. Ce groupe, ce sont les racines de la 7® classe. Car autrement, d'après la loi {«l'insertion de -na- se fait entre les deux derniers éléments de la racine^) elles eussent donné évidemment des présents en -wâ*.

rinâkli: réktuin, reksyâti. chinâtti: chéttum, éhetsyâti.

bhanâkti: bhânktum, bhanksyâti. | bhinâtti: bhéttum, bhetsyâti. bhunâkli: bhôktum, bhoksyâti. | runâddhi: rôddhum.rotsyâti.

yunâkti: yôktum, yoksyâti. pinâsti: péstum, peksyâti.

vinàémi: véktum, veksyàti. j çinâsti: césium, çeksyàti.

zend éinaçti : véd. ééttar.

Pour andkti, tandkti, et trnédhi, ïi «de liaison» est facultatif. Les verbes trnâtti et chrnâtti forment le futur avec ou sans i, l'infinitif avec i. Les autres verbes contenant le groupe ar + consonne (ardh, parc, var<f, kart), ainsi que vindc^mi, ont toujours ïi dans les formes indiquées^. Dans tous ces exemples la voyelle de liaison, quand elle apparaît, a été introduite par analogie. La plupart du

��1. Les exemples çâyitum, çrdyitum, seraient alors des formations d'analogie. — Nous ne savons par quel moyen résoudre le problème que posent les formes telles que làsyàti de linâti (parallèlement à leêyâti), mâsyâti de minâti etc. M. Curtius (Grdz. 337) regarde mû comme la racine de ce dernier verbe. Dans ce cas \'i de minâti ne pourrait être qu'une voyelle de soutien: m-i-nâti pour mndti serait à ma^A ce que unàtti est à wa^d.

2. La racine vabh, contre toute règle, suit à la fois la 7e et 9e classe: véd. unap et ubhnds. Il y a là un fait d'analogie, à moins qu'à côté de vabh il n'existât une racine vabhi.

3. Voy. Benfey, Volht. Gramnu, § 156.

16*

�� � 228 LA 5* CLASSE.

temps on en avait besoin pour éviter le groupe incommode ar -{- consonne double (cf. draksyàti, de darç etc.). Ce qui prouve cette origine postérieure, ce sont les formes faibles en -ta et en -na: aktà, takta, trdhd, trnna, chrnna, rddhà, prktà, vrJctâ, vigna. Comparez les participes des verbes de la 9e classe açita (açnâfi), iéitâ {iëi}âti), kuéita [kusv^âti), grhttd {grhvidti), musifà {nmsnâti}, tnrditâ (mrdnàti), skabhitd (skabhnâti, stahhitd ^ {stabhnâti). Nous ne citons pas grathitd, mathitd, à-çrthita (de grathnâti, mathndti, çrathnâti); l'aspirée th y rendait peut-être l't nécessaire d'ailleurs. Dans l'exemple kliçita ou kliéfa de kliçnâtî, la forme contenant i tend à être remplacée, mais enfin elle existe, ce qui n'est jamais le cas pour les racines de la 7e classe.

Le principe de la formation en -na^u (5e classe) ne saurait être regardé comme différent de celui des autres présents à nasale. Les formes en -na^-u-ti supposent donc, à l'origine, des racines finissant par u. Dans plusieurs cas, la chose se vérifie: vanô-ti, sanô-ti (= wn-nâ^-u-ti, m-nd^-u-fi) sont accompagnés de vanutar, sânutar (= wa-^^nu-tar, saynu-tar^); t^rnô-ti, outre varûtdr, vdrûtha, a pour parents gr. ei\ù-uj, lat. volv-o, got. valv-jan; krnô-ti se base sur une racine karu d'où karôti^. Même type radical dans tatii-te (prés.) taru-târ, taru- tra, tdrû-ëas, tdru-santa, non accompagné toutefois d'un présent *trnôti (cf, Tpujvvûuj). La place de Va^ dans la racine ne change rien aux conditions d'existence de notre présent: çra^ti «écouter» pourra donc former çr-nd^-^i-ti, çrnôti*.

Mais dès l'époque proethnique, on ne le peut nier, la syllabe -nOiU a été employée à la manière d'une simple caractéristique verbale: ainsi k2i-nd^uti (skr. cinôti, gr. tIvutoi), tn-nd^uti (skr. tanôH, gr. Tavùui), ne seraient point ex- plicables comme formations organiques. — Toute cette question demanderait du reste un examen des plus délicats: il y a lieu en effet de se demander si I'm des exemples comme tarutdr, sanutdr (et comme sanôti par conséquent) est bien Vu ordinaire indo-européen. Sa contraction avec r dans les formes comme tûrti et cûrria de carvati (équivalent à taruti moins a, caruna moins a) rend ce point plus que douteux. Cf. aussi, en grec, le rapport de àii6-aaa\ ô|Livu-|Lit.

��1. Les formes skahdha et stahdha ne sont pas védiques. — Comme pus- Xiâti et hadhnnti se distinguent d'une manière générale par l'absence de 1'» (p. i22.5), les participes jm^td, baddhd, n'entrent pas en ligne de compte.

2. Cf. gr. àvùuu et 'EvudXioç.

3. Quelles que soient les difficultés que présentent à l'analyse les différentes formes de ce verbe, l'existence du groupe radical karu, à côté de kar, paraît absolument certaine. — Le présent karôti est fortement remanié par l'analogie. Un groupe comme karô- ne saurait être morphologiquement pur, car, si l'on en veut faire une racine, Va double ne se conçoit pas, et si c'est un thème à deux cellules, la première devait encore perdre son a. On arrive donc à sup- poser *kâru-mi, *kdru-si etc., c.-à-d. un présent de la 2e classe pareil à taru-te et à rôdi-mù L'influence de kr^ômi amena ensuite la diphtongue et réagit sans doute aussi sur le pluriel et le duel, sur lesquels on nous permettra de ne rien décider de plus précis.

4. En zend, r s'étant imbibé de I'm qui suivait, on trouve çurunu- au lieu de *çërënu-.

�� � ÉNDMÉRATION DE RACINES udUtt&S. 229

Aux racines udâttâs énumérées plus haut ajoutons quelques nou- veaux exemples qui ne possèdent point de présent de la 9® classe. Nous avons principalement en vue les cas où ^ est précédé d'une sonante ^.

ot't *assister^ : avi-tà (2e pi.), àvi-tave, avi-tàr, âvi-sam.

dhavi *agiteni: dhavi-tum, dhavi-syàti, à-dhâvisam.

savi «.mettre en mouvement*: savi-târ, sâvî-man, â-sâvi-sam.

havi tinvoquen: hàvT-tave, hàvi-man (mais aussi hôtrâ).

karî tverserii : karî-tum, à-kâri-sam.

kart *louer»: à-kâri-§am.

cari tallerri: 6âri-tum, éari-tra, â-câri-sam.

yarî *vieiUlr»: ^àrT-tum, garT-syâti, à-gâri-sam.

tarî ttraverser*: târf-tum, tari-tra, pra-tari-târ, â-târi-sam, târi-sa.

khani «.creusert : khâni-tum, khani-tra, à-khanisam.

yani * engendrera : gàni-sva (impér.), gani-târ, gani-tra, gâni-man (aussi

gànman), gâni-tva, gani-syàte, â-gani-sta. vani «.aimer»: vàni-tar, vani-tâ (forme forte introduite par analogie dans

les thèmes en -ta), vani-sîsta. L'aoriste vâmsat, sans i, est difficile à

expliquer. sani «conquérir*: sani-târ, sani-tra, sâni-tva, sani-syâti, â-sâni-sam. ami -Lnuire-n: amî-si (2® sg.), ami-nâ, âmî-vâ (amitra?). bhrami «voyager-»: bhrâmi-tum, bhrami-syâti. vamî nvomir-»: vami-ti, a-vami-t (Delbr. 187).

çamï «se donner de la peine* : çamî-sva, çamî-dhvam (Delbr. l. c), çami-târ, çrami «se fatiguer f : çràmi-tum, çrami-syâti.

Comme on voit, les différents suffixes commençant par < et s sont favorables à la conservation de Vî. Il n'en est pas toujours de même quand c'est un m qui suit ce phonème. Devant le suffixe ma \'i n'apparaît jamais. Parmi les formations en -man., gdniman, dàrîtnan, pàriman, sdvïman, stdrîman, hàvïman, sont réguliers, mais on a en même temps gànman^ darmàn^ hôman, et d'autres formes de ce genre ^. Il est permis de supposer que Y m a exercé sur la voyelle faible une absorption toute semblable à celle qui a donné éinmâSy guhnids, pour cinumds, guhumds.

Un autre groupe de formes où l'extirpation de \'î peut se suivre clairement, ce sont les présents de la 2* et de la 3* classe. Certains verbes ont maintenu intégralement le paradigme: la rac. rodi {rôdi-

1. On trouve une partie des formes védiques réunies par M. DelbrOck, Ahind. Verb. 186 seq.

2. Inversement une minorité de thèmes en -i-man sont tirés, analogique- ment, de racines anudûttâs. Ce sont, dans les Sarnhitas, dMriman, bhâriman, aâriman.

�� � 230 DISPARITION ET EXTENSION DE l'Î..

tum, rodi-spâti, riidi-tvà, â-rodi-sam) possède encore le présent rôdi-ti, plur. rudi-màs. On connaît les autres exemples: âni-ti, cf. dni-la, atii-syâti; çvdsi-ti, cf. çvdsi-tum, çvasi-syâti; vdmi-ti (Pânini), cf. vdmi- tum, vami-syâti. Comment douter après cela, quand nous trouvons d'une part gani-tdr, gdni-trï, gdni-man, gani-tvî etc., de l'autre l'im- pératif gâni-sva et la 2* personne ga-gdni-si (Bopp, iTn (rrajmn., § 337).

— Westergaard ajoute pour le dialecte védique ganidhve, ganidhvam, ganise — , comment douter que ga-gam-si, ga-gmi-ti, ne soient hysté- rogènes? Chaque fois qu'un î apparaît dans quelque débris du pré- sent tel que aniï-si, çamï-sva, on constate que la racine montre l'î à l'infinitif et au futur^. Aussi nous n'hésitons pas un instant à dire que dans piparti de par?, dans éakarti de karî^ V? final de la racine a existé une fois, et que son absence n'est due qu'à une per- turbation dont nous ne pouvons encore nous rendre compte. Peut- être la ressemblance de *piparîti, *6akarîti, avec les intensifs est-elle ce qui a déterminé la modification.

Un autre fait qui ne doit point induire en erreur, c'est l'appa- rition fréquente de Vi en dehors de son domaine primitif.. Le nombre considérable des racines udâttas, l'oubli de la signification de 1'/, ex- pliquent amplement cette extension hystérogène. D'ailleurs elle est le plus souvent toute sporadique. La propagation systématique de Vi ne se constate, entre les formations importantes, que pour le futur en ~sya, qui a étendu cette voyelle à toutes les racines en -ar, et de plus aux racines han et gam. Devant les suffixes -tar, -tu et -tavya,

— les trois formations obéissent à cet égard aux mêmes règles (Benfey, Vollst. Gramm., § 917) — Vi, sauf des cas isolés, est en gé- néral primitif^. L'usage de l'aoriste en i-sam, malgré des empiéte- ments partiels considérables, coïncide dans les lignes principales avec Celui de l'infinitif en i-him (Benfey § 855 seq.). Parmi les exemples védiques (Delbruckl79 seq.) on en trouve peu qui ne viennent pas d'une racine en i^.

1. II y a une exception, c'est svâpiti svâptum.

2. Parmi les cas irréguliers on remarque les formes védiques sràvitave, srâvitavai, yâmitavaî. Inversement tarl-tum est accompagné de tar-tum pavitâr de potâr. La liste de ces variations ne serait jamais finie.

3. La forme agrahhléma offre un intérêt particulier. Dans son t long, évidemment le même que celui de gràbhî-tar, grbhl-tâ, est écrite toute l'histoire du soi-disant aoriste en -isam. L'existence distincte de cet aoriste à côté de l'aoriste en -s repose principalement sur l'innovation qui a fait diverger les deux paradigmes en transformant la 2e et la 3^ personne du dernier, àyais, (véd.) en â^aiëïs et â^aiëît. Ajoutons que cette innovation, comme le suppose M. Brug-

�� � i.Es MUTATIONS DU GROUPE sonante + ■^. ■ 23t

Une statistique spéciale que nous ne nous sentons pas en état d'entreprendre pourrait seule déterminer au juste dans quelle mesure la théorie proposée nécessite d'admettre l'extension et aussi la dispa- rition de Vî.

La conservation de Vi dans les mots-racines mérite d'être notée: vdni et sdni donnent les composés vrsti-vàni-s, upamâti-vâni-s, vasu- vâni-s; urga-sani-s, go-édni-s, pitu-sdni-s, vâga-sâni-s, hrdam-sàni-s. Ces formes -vani- et -sani-, évidemment très usuelles, ne sont pas de véri- tables thèmes en -i: l'accent, les racines dont elles dérivent, enfin le fait qu'on évite visiblement de former les cas à diphtongue — le Rig-Véda, sauf ûrgasane (voc.)i n'offre jamais que le nominatif et l'accusatif sing. — , tout y fait reconnaître le type vrtra-hàn. Le génitif de -sani n'a pu être primitivement que -san-as = -snn-as (cf. plus bas).

Devant les suffixes commençant par une voyelle, qu'observe-t-on? Les racines mardi, pavi, fart, gani, donnent mrd'û, pàv'ate, târ'ati, gdn'as. On pouvait le prévoir: le cas est le même que pour so- map'é = somap^-é, datif de sowm-j?â' (p. 190), et la voyelle élidée dans pdv'a- n'est autre, comme on a vu, que celle qui a dû subir le même sort dans la 3* pers. ipl. pun'ate ^ pun'-nté (p. 35).

Si maintenant nous prenons pour objet spécial de notre étude le groupe sonante -\- ^, il ressort premièrement de ce qui précède cette règle-ci:

Le groupe sonante + ^ précédé d'une voyelle rejette ^ s'il est suivi d'une seconde voyelle et demeure tel quel devant les consonnes.

Nous passons à la démonstration de la règle complémeritaire, qui forme le sujet proprement dit du présent paragraphe:

Le groupe sonante -|- ^, précédé d'une consonne où placé au com- mencementr du mot^ se change en sonante longue, quel que soit le pho- nème qui suit.

Ici plus qu'ailleurs il est indispensable de ne pas perdre de vue le principe que nous nous sommes efforcé d'illustrer dans les chapitres précédents. A part certains cas spéciaux, du reste douteux, tout affaiblissement proethnique, toute dégradation, toute alternance de formes fortes et faibles consiste invariablement, quelle que soit l'apparence qu'elle revête, dans l'expulsion d'ai. C'est ce principe

mann, Stud. IX 312, venait elle-même, par analogie, de l'aoriste en -isam, où ■îs et -it étaient nés de îs-s et -h-t.

�� � 232 PROPORTION TRÈS EXACTE ENTRE pûtâ : pàvitum ET muUtà : môsUum,

qui exigeait que nous prissions pour unité morphologique non la syl- labe, mais le groupe ou la cellule dépendant d'un même a^ (p. 174). Quand il y a déplacement d'accent, le ton passe non d'une syllabe à l'autre, mais d'une cellule à l'autre, plus exactement d'un % à l'autre. L'a^ est le procureur et le modérateur de toute la circon- scription dont il forme le centre. Celle-ci apparaît comme le cadre immuable des phénomènes; ils n'ont de prise que sur a^.

D'après la définition, ce qui est cellule prédésinentielle dans une forme comme l'indien rôditi, c'est rodi] dans hôdhati au contraire ce serait a. Aussi le pluriel de rôdi-ti est-il nécessairement rudi-mâs^ parce que rodi- tombe sous le coup des lois II et III (p. 176). Il en est de même dans la formation des mots. Ainsi grdbhî-tar, skdmbhi'tum, môéi-tum, thèmes à racine normale, sont accompagnés de grbhî-td, skabhi-td (= *shmbhitd\ musi-td. Quel son a été sacrifié dans le type réduit? Est-ce la voyelle faible ^ qui précède immédiatement la syllabe accentuée? Nullement, c'est forcément l'a plein, placé deux syllabes avant le ton.

Cela posé, lorsqu'à côté de pavi-tér nous trouverons pû-td, le phénomène ne peut pas se concevoir de deux manières difierentes: pu- ne sera pas «une contraction», «une forme condensée» de pavi-. Non: putd sera égal à pavitd moins a; Vu de jmtd contient le -vi- de pavi-, rien de moins, rien de plus.

Thèmes en -ta, -tî, etc.

1. Série de Yu. avi-târ: {indra-ûtd), û-ti; dhâvi-tum: dhû-tâ, dhu- ti; pâvi-tum: pu-td; savi-târ: sû-td; hâvï-tave: hi-fd, devd-hu-ti.

Comparez: cyô-tum: éyu-id, -éyn-ti; plô-tum: plu-td, plu-ti; çrô- tum: çru-td, çrû-ti; s6-tum «presser»: su-té, sôma-su-ti; srô-tum: sru-tâ, sruti; h6-tum: hu-td, d-hu-ti^.

2. Série de IV. câri-tum: éirtvâ^, éur-ti; gari-târ: gur-td, gùr- U; târi-tum: tïr-thd, a-tûr-ta, su-prd-tur-ti; pâri-tum: pur-tà, pur-ti; çâxi-tos: çûr-td (Grassmann s. v. çûr).

Comparez: dhâr-tum: dhr-td, dhf-ti; bhâr-tum: bkr-td, bhr-ti; sàr-tum: sr-td, sr-U'-, smâr-tum: smr-td, smr-ti; hâr-tum: hr-td, etc.

��1. Les racines des participes t'uta et stutâ ont des formes très entremêlées, dont plusieurs prennent 1% probablement par contagion analogique. Sur yuta v. plus bas.

2. Cette forme se rencontre Mahâbh. XIII 495, d'après l'indication de M. J. Schmidt (Voc. II 2U).

�� � pûtd : pâvitwn, pûrtà : pârîtum, 0tà : (jânitum, çàntâ : çàmitum. 233

3. Série de l'w. khâni-tum: khâ-td, khâfi; gâni-tum: gâ-td, gâ-ti; vâni-tar: vâ-td; sàni-tum: sâ-td, sâ-ti^.

Comparez: tân-tum: ta-td; mân-tum: ma-td; hân-tum: ha-td, -ha-ti.

4. Série de Vm. dami-târ: dân-td\ bhrâmi-tum : bhrân-td, bhràn-ti; vàmi-tum: vân-td; çâmi-tum: çân-tâ, çdn-ti: çrâmi-tum: çrân-td, etc.

Comparez: gân-tum: ya-td, gâ-ti\ nân-tum: na-id, d-na-ti; yân- tum: ya-td, yd'ti', rân-tum: ra-td, rd-ti.

Avant de passer à d'autres formations, arrêtons-nous pour fixer les données qu'on peut recueillir de ce qui précède.

1. Série de Vu. Les modifications secondaires étant nulles, cette série doit servir de point de départ et de norme pour l'étude des séries suivantes. Nous constatons que *pivHa, ou *pu^ta, qui est à pa^w^ ce que pluia est à pla^u, s'est transformé en pûta.

2. Série de IV. Il devient évident que ir et ûr ne sont que l'expression indienne d'un ancien r-voyelle long^. Dans les cas où il existe encore, comme pitfn et mfddti pour '^mréddtP, ce phonème ne s'est formé que très tard par le procès dit allongement compensatif. — Nous ajoutons tout de suite que îr et ûr ne sont en aucune façon des allongements secondaires de ir et ur. Partout où il existait un véri- table f (c'est-à-dire devant les consonnes), nous trouvons tout natu- rellement îr, ur, et c'est seulement quand f s'était dédoublé en rr (c'est-à-dire devant les voyelles), qu'on voit apparaître îr, ûr:

ïr, ûr : îr, ûr ^ û : uv.

C'est ce qui explique le fém. ûrvi de urû (rac. war) en regard de purvi = *pfwi de pur0.

��1. La forme sdniti est évidemment une création nouvelle imitée des formes fortes; Mn admettrait aussi, à ce qu'il paraît, sati pour sàti) inversement on indique tàti de tan. Benfey, Vollst. Gramm., p. 161 seq.

2. Ici par conséquent la formule de la grammaire hindoue se trouve être juste, abstraction faite de l'erreur fondamentale qui consiste à partir des formes faibles des racines comme de leur état normal. Il est aussi vrai et aussi faux de poser gf- comme racine de gûr-tâ que de dire que pu est la racine de pû- tâ. Le lien nécessaire des formes fortes en i avec les phonèmes û et ïr, tir, est constaté dans cette règle: «les racines en û et en r prennent \'i de liaison».

3. M. Benfey a montré que le verbe mrlàti, dans les Védas, a un r long, et M. Hflbschmann en a donné l'explication par la comparaison du zd. marezhd.

4. Nous admettons que dans sa^ûrbhis de sagus, âçlrda de àçis, la longue est due à un effet d'analogie dont le point de départ était fourni par les nomi- natifs du singulier sagûh, àçîh, cf. pûh, gîfi, de pur, gxr.

�� � 234 îr, ?7r = f; â et àm venant de nasales sonantes longues.

La raison qui, dans chaque cas, détermine la teinte i ou la teinte u est la plupart du temps cachée. Voy. sur ce sujet Joh. Schmidt, Voc. II 233 seq.

Parfois le groupe ur cache un w qui s'est fondu dans Vu: ainsi urnâ pour *wûrnâ = si. vlûna. L'existence du f long n'en est pas moins reconnaissable: r bref eût donné «■vrnâ>\ ou tout au moins «Mma». II serait à examiner pourquoi dans certains exemples comme hotr-vurya, v persiste devant ur.

Peut-être le groupe ûl -]- consonne est-il quelquefois l'équivalent, dans sa série, des groupes ïr et ur -f- consonne ; ul pourrait aussi être une modification du l bref déterminée, dans phulld par exemple, par une durative qui suit la liquide.

3. Séries de l'n et de Vm. L'entier parallélisme de l'a de gâta avec ï, û et îr == f, parle assez haut pour qu'on ne puisse sans invraisemblance donner à cet à aucune autre valeur préhistorique que celle d'une nasale sonante longue. Et cependant la mutation de n^ en n n'est pas peut-être sans offrir quelque difficulté. Je com- prends celle de r^ en f: c'est, à l'origine, une prolongation de l'r durant l'émission du ^. Pareil phénomène semble impossible quand c'est une nasale qui précède ^, l'occlusion de la cavité buccale, et par conséquent la nasale, cessant nécessairement au moment où le son ^ commence. De fait nous avons vu, à côté du gén. màfûr =

  • mat)^s, le groupe n^ subsister dans uksnâs. Le témoignage des

langues congénères n'est pas décisif, car la voyelle qui suit l'n dans lat. anàt-, v. h*-all. anud = skr. âtî, ainsi que dans janitrices, skr. yâtdr (sur ces mots cf. plus bas), pourrait être émanée de la nasale sonante longue, et n'avoir rien de commun avec le ^ proethnique qui détermine cette dernière. Il est concevable aussi, et c'est la solution qui nous paraît la plus plausible, que w"^ se soit changé en f^: il s'agirait donc, exactement, d'une nasale sonante longue suivie d'une voyelle très faible.

Nous ne faisons pas d'hypothèse sur la suite de phénomènes qui a transformé un tel groupe en â long. L'idée qu'une voyelle nasale aurait formé la transition est ce qui se présente le plus natu- rellement à l'esprit, mais je ne sais si la série de Vm, où c'est évi- demment âm {dântd = *dâmtd) qui fait pendant à l'a, est de nature à confirmer une telle supposition.

Remarque concernant certaines formes de la 9e classe. Le fait que le groupe n + -^ doit dans des cas donnés apparaître en sans- krit sous la forme d'un n long intéresse directement la flexion de la 9c classe,

�� � PRÉSENTS EN ayà-ti. 235

où ce groupe règne à travers toutes les formes faibles. Dans punithâ, prnîthâ, rien que de régulier: ainsi que dans (janitâr, n^ se trouve précédé d'une voyelle. Au contraire grbhntthâ, musnîthâ, offraient le groupe dans les conditions voulues pour qu'il produisît à. De fait, nous sommes persuadé que sans le frein puis- sant de l'analogie, on serait arrivé à conjuguer grbh^dti, *grbhathd. Je ne sais s'il est permis d'invoquer le zd. friyânmahi =; pr'nyimâsi; en tous cas le sans- krit lui-même fournit ici des arguments. Le verbe hrni-té «iratum esse» possède un thème dérivé hrnl-yâ- dans le partie, hr^î-yâ-mcina. Essayons de construire la même formation sur un présent du type gt-bh^à-; nous obtenons, en observant la loi phonétique, grbhâ-yâ-. Chacun sait que non seulement grbhàyâti existe, mais encore que tous les verbes en -âya qui ne sont point dénominatifs, mon- trent le rapport le plus étroit avec la 9e classe^. M. Delbrûck a cherché à ex- pliquer cette parenté en conjecturant des formes premières telles que *grbhanyd-, mais an ne se change jamais en à, et le thème de grbhndti n'est point grbhan^. Comme on le suppose d'après ce qui précède, -âyâ- devra toujours être précédé d'une consonne et jamais d'une sonante, mais m fait exception, on a p. ex. damûyâti. Cela tient apparemment à la nature du groupe -nm- qui se prononce en réalité comme -mmn-. En conséquence *dm{m)nAyâ- devint damâyâ- et non <datnntyâ-'».

Thèmes en -nUi Série de I'm. dhavi: dhu-nd; lavi: lû-nd.

Série de l'r. kari: kïr-nà; gari: gîr-nâ; cari: éir-nd; garî: gir-nd; tari: tïr-nd; parï: pûr-nd; marï: mur-nd; çari: çir-nd.

Thèmes verbaux en -ya.

Oa peut réunir la 4® classe et le passif. Ces formations diflfè- rent pour l'accentuation, mais non pour le vocalisme.

Les séries de l'i et de I'm n'offrent rien d'intéressant, car on constate un allongement général de ces voyelles devant y. Ainsi ge, çro, donnent giydte, çruydte pour *giydte, *çruydte.

Série de l'r: gari: gïr-yati; karî «verser» : kïr-ydte; gari «dévorer»: gïr-ydte; pari: pur-yate; çari: çîr-ydte, etc.

��1. Si l'on admet l'existence d'un y de liaison, les verbes comme hrnïy-â-te et grbhâ-y-d-ti peuvent se comparer directement aux dérivés de la 7© classe tels que trmhâ-ti (p. 218):

hrnî.yà: ^f^^*" = trmh-â-'. t'"^^/^'-, ' ■ rac. ha, rA " • rac. ta, rh.

2. M. Kuhn a mis en parallèle avec les verbes en -àyâti le présent sta- bhûyâti qui accompagne stabhnôti, de même, en apparence, que stabhâyâti accom- pagne stabhnâti. Cette remarque est certes bien digne d'attention; cependant nous avons cru devoir passer outre, vu l'impossibilité absolue qu'il y aurait à expliquer stabhàyd- par stabhî f yâ-

�� � 236 LES SONANTES Ù, f, n, m, DANS DIFFÉRENTES FORMATIONS.

Comparez: kar: kr-iyàte; dhar: dhr-iyâte; bhar: bhr-iyàte; mar: mr-iydte^.

Même divergence des racines en -ari et des racines en -ar de- vant le -yâ de l'optatif et du précatif: kir-yat, tîr-yât, pupûr-yas etc.; cf. kr-iyâma, sr-iyât, hr-iyât etc.

Série de ïn. Une confusion partielle s'est glissée entre les ra- cines en -an et les racines en -ani: khani, sani, donnent khâ-ydte ou khan-ydte, sâ-yâte ou san-ydte; à son tour tan fait tan-ydte et ta-ydte. Il ne saurait régner de doute sur ce qui est primitif dans chaque cas, dès qu'on considère que ^axxi forme invariablement gâ-yate et que man, han, n'admettent que mdn-yate, han-ydte. Le groupe an, dans hanydte etc., est le représentant régulier de n devant y (p. 34), — A l'optatif, gani fait gaga-ydt ou gagan-yât (Benfey, Vollst. Gramm. §801). ^

Série pe \'m: dami: âdm-yati; bhrami: bhrdm-yati; çami: çdm- yati; çrami: çrdni-yati etc.

Comparez: nam: nam-ydte; ram: ram-ydte.

Formes faibles des présents de la 2e et de la 3e classe.

Série de Vu: hâvï: hû-mdhe, gu-h,û-mdsi\ bravi: brû-mds, brû-té (3* sg. act. brdvî-ti).

Série de Vr: gari «louer»: gûr-ta (Z^Bg.moy.)', parî: pipur-mds, pipûr-thd etc. ; véd. pûrdhi. La forme védique pipr-tdm pourrait, vu le gr, m^itiM; être sortie d'une racine plus courte qui expliquerait du même coup le thème fort pipar-^.

Série de l'w: gani: gaga-thd, gagâ-tds. Il n'est pas facile, faute d'exemples décisifs, de dire si n, placé devant w et m devient â comme devant les consonnes ou an comme devant les voyelles. Le

��1. Apparemment kriyâte équivaut à kr-yâte: r et i ont échangé leurs rôles. M. J. Schmidt, qui traite de ces formes Vocal. II 244 seq., ramène kriyate à

  • kiryate (pour *karyate) et ne reconnaît pas de différence foncière entre ce type

et çlryâte. Tout ce que nous avons cru pouvoir établir plus haut nous défend d'accepter cette opinion. Dans les formes iraniennes que cite l'auteur, kiryêtê et mîryëitë (= kriyâte, mriyâté), îr n'est probablement qu'un ërè (= f) coloré par y. Ce qui correspond en zend au groupe indien tr, c'est généralement ai-e. Nous regrettons de ne pas être en état d'apprécier les arguments que M. Schmidt tire des dialectes populaires de l'Inde.

2. L'hypothèse de M. Kuhn qui fait de trte le moyen de (yarti parait si vraisemblable qu'on ose à peine la mettre en question. Et cependant, si l'on compare irmâ «rapide», irya «violent» et le gr. ôp- (ôpoo : irëva = KÔpon: çirsâ), ce présent fait tout l'effet d'être à ari ce que pûrdhl est à pari. L'ac- cent aurait subi un recul.

�� � LES S0NANTB3 M, f, ft, m, DANS DIFFÉRENTES F0RMAW0N3. 237

traitement qu'il subit devant y parlerait pour la première alternative,

et dans ce cas gaganvds, gaganmds devront passer pour des métaplasraes.

Nous avons obtenu cette proportion:

qaàâ-thàs : àaàdni-si 1 j- -i. ' .j- ^.

, , , , ,. = rmi-thas
rodtsi.

brû-fhas : bravi si J

Formes faibles de l'aoriste sigmatique.

Le Rig-Véda offre l'aor. du moyen a-dhus-afa (3* p. pi.), de la racine dhavi. Cette forme passe pour un «aoriste en -s-aw>; en re- vanche a-dkâvis-am est classé dans les «aoristes en -is-am». Nous avons vu que ces deux formations n'en forment qu'une dans le principe, et qu'en général la différence apparente réside uniquement dans le phonème final des racines (p. 230 8eq.,231 i. n.)- Ici elle a une autre cause: c'est bien la même racine qui donne dhâvis- et dhûs-, seulement dhûs- contient Vi de dhâvis- à l'état latent; l'un est la forme faible de l'autre.

Voilà qui explique une règle que consigne le § 355 de la gram- maire sanskrite de Bopp: au parasmaipadam, les racines en f sui- vent la formation en -isani; à l'âtmanepadam elles admettent aussi la formation en -sam et changent alors f en ir, ûr. La chose est transparente: on a conjugué d'abord d-stâris-am, â-stîrs-i, comme d-Tcsaips-am, d-ksips-i (cf. p. 179); le moyen â-starîsi n'est qu'une imitation analogique de l'actif.

Thèmes nominaux du type dviS.

Nous n'envisageons ici que les formes où la désinence commence par une consonne, représentées par le nominatif du singulier.

Série de Yu: pavi: ghrta-pû-s; havï: deva-hé-s.

Série de IV: gari «louer»: gir{-s); gari «vieillir»: amâ-gûr(-s); tarî: pra-tûr{-s); parî: piir{-s); mari: â-7nér{-s); starî: upa-sUr{-s). — Dans le premier membre d'un composé : pur bMd etc.

Série de l'w: khani: hisa-khd-s; gant: rte-gd-s', sani: go-sd-s.

Série de \'m: çami: pra-çdn(-s), instr. ipl. pra-çdm-hhis.

Remarque sur quelques désidératifs. On ne doit point être surpris de trouver yihlréati de har, hubh\ixsatî de lihar etc., puisque l'on a aussi ^igisati, çuçmëati etc. de racines anttdâttâs comme ^e et çro.

�� � 238 LES SOMANTES i, M, f, «,- ■ffl, NE PEUVENT ÊTRE PRIMORDIALES.

Avant d'entamer la seconde partie de ce sujet, il est bon de se mettre en garde contre une idée très naturelle et plus vraisemblable en apparence que la théorie proposée ci-dessus. Elle consisterait à dire: au lieu d'admettre que u, f etc., dans bina, ^pfta etc., sont des modifications de w + ^, >• + "*, pourquoi ne pas poser des racines telles que la^û, P0'\f'^ Les formes fortes skr. lavi-, pari-, en peuvent fort bien dériver, et l'explication des formes faibles serait simplifiée. C'est à quoi nous opposons les remarques suivantes:

1. L'hypothèse à laquelle il vient d'être fait allusion est inadmissible:

a) Supposons pour un instant que les racines de lavitdr lûnâ et de parîtâr pûrtâ soient réellement lau, par. Quel avantage en ré- sulte? Aucun, car on ne saurait sans pousser l'invraisemblance au dernier degré, prétendre que Vï de gràbhîtar et de môsitum n'a pas existé après les sonantes comme ailleurs au moins dans un nombre limiié de cas. Or toutes les racines finissant par sonante-\- t donnent sonante longue dans les formes faibles. On en reviendrait donc à reconnaître pour un nombre d'exemples grand ou petit la règle qu'on aurait voulu supprimer, et au lieu de simplifier on aurait compliqué.

h) En partant des racines lail, par etc., on renonce à expliquer la 9' classe comme un cas particulier de la 7*. Dès lors on ne comprend ni la prédilection des racines «à sonante longue», ni l'aversion des racines «à sonante brève > pour le présent en -na.

c) Accordons, s'il le faut, qu'il n'y a aucun lien nécessaire entre la sonante longue et le présent en -nâ\ assimilons la syllabe -nâ aux suffixes tels que -î/a ou -ska. Comment expliquera-t-on, au moyen de racines lau, par, les présents lûnàti et pfndti? Comment, en règle générale, est-il concevable que laû puisse donner lu et que par puisse donner pf? — Ce point ne réfute pas seulement l'hypothèse de ra- cines à sonante longue, c'est en même temps celui sur lequel nous croyons pouvoir ancrer en toute confiance la théorie de la 9" classe et partant la théorie des racines comme lawA, parA. Car ceci est évident a priori: toute théorie fondée sur l'idée que -na est un simple suffixe se trouvera dans l'impossibilité d'expliquer la diffé- rence typique et radicale du vocalisme de la formation hindti, prndti, et.de la formation lûnâ, pûrnâ.

2. L'autre hypothèse, bien loin d'offrir des difiicultés, est dictée par l'observation des cas analogues:

Dans les racines qui présentent successivement 5onan/c-|-ai-j->, par exemple gyâ, va, çrâ, nous sommes bien sûrs que à fait partie

�� � LES SONAÎiTES t, Û, f, Tl, ffl, NE VEUVEXT ÊTRE PRIMORDIALES. 239

intégrante de la racine. Si donc notre hypothèse est juste et si ksi-tid, lû-nd, -pûr-nà etc. viennent de racines toutes pareilles à gya^A, où il n'y a de changé que la place de Va^, il faudra que les deux types radicaux se rencontrent dans les formes où % tombe. C'est ce qui a lieu. Série de l'i:

gyâ (g^ya^A) «vieillir»: gya-sydti, gî-m. gyâ {g{ya^Ay- «triompher de»: gyâ-yas, gï-tà. pyâ «s'engraisser» : pyâ-yaii, pî-nd. çyâ «faire congeler»: çyd-yati, çï-nd et çl-td. La série de 1'?^ offre u-H «tissu» de va, vâsyati. Série de l'r:

krâ «blesser, tuer» dans Icrd-tha, d'où krâihayati^; forme faible: kîr-nà.

çrâ «cuire, mélanger»: T^rés. çrd-ti, çrd-tum, çïr-tâ, â-çïr^. La série de Vn offre gandti de gna: c'est là une formation qui permet de rétablir *gâtd == ^zfdd (cf. gâtdvedas'?) comme participe perdu de gnâ. Le présent gândti ne saurait être absolument primitif. La forme organique serait gandti pour é^ndti: cf. gindti de gya. L'in- troduction secondaire de Vn long est comparable à celle de Vï long dans prïndti (p. 227).

Ces exemples forment la minorité: la plupart des racines sanskrites qui finissent par -râ, -là, -na, -ma, apparaissent dépourvues de formes faibles*: trâtâ, prânà, glânâ, ml&tâ, ynâtà, mnâtâ, snâtâ, dhmàtâ etc. La raison n'en est pas difficile à trouver. Entre trdtuni et *tlrtâ, entre gnâtum et ^yàtâf dhmdtum et *dhântâ, la disparate était excessive, et l'unification inévitable. Ne

1. Cette dernière racine, comme l'a montré M. Hûbschmann, se retrouve dans le zd. zinât et l'anc. perse adhià (skr. aginât): elle a donc g^ et n'est ap- parentée ni au gr. pia ni au skr. (jâyati, ^igdya.

2. krathana est apparemment une formation savante tirée de la soi-disant racine krath.

3. Cf. aussi pur-va en regard de prâ-tdr.

4. M. J. Schmidt, qui dans un article du Journal de Kuhn, a attiré l'atten- tion sur cette particularité, en présente une explication purement phonétique, fondée essentiellement sur la supposition d'une métathèse. Mais notre principe même nous empêche de discuter son ingénieuse théorie, car elle répond en définitive à la question que voici : pourquoi est-ce qu'en sanskrit dhmâ ne fait point *dhmità quand sthâ fait sthitâ? Si l'on admet ce que nous avons cru pouvoir établir plus haut, cette question cesse d'en être une, et l'on ne peut plus demander que ceci: pourqtwi dhma ne fait-il pas dhântâ quand stha fait sthitâ? — En outre l'hypothèse *dhamtâ, *dhamatâ (comme primitif de dhmûtâ) est incompatible avec la loi d'expulsion proethnique de l'a. La métathèse, si elle existe en sans- krit, ne paraît admissible que pour un nombre d'exemples insignifiant.

�� � 240 LECR ORIGINE SECONDAIRE EST CONFIRMÉE.

voyons-nous pas le même phénomène en train de s'accomplir sur les racines en -yâ, où çlna, çlta, plna, sont accompagnés de çi/àna, çyàta, pyâna, et où

  • khita de khyà a déjà fait place à khyâta?

A ces exemples empruntés à des syllabes radicales s'ajoute le cas remarquablement limpide de Vï de l'optatif formé également de i + ^ (p. 179 seq.).

Ce qui achève de marquer l'identité de composition des ra- cines qui ont produit pûtâ, pûrnd etc., avec les types gya^A, kra^A, ce sont les présents gindti, zd. zinât de Çiyâ; gindti, zd. ginâiti (gloss.) de g2yâ; krndti de hrâ «blesser»; *ganâti (v. ci-dessus) de gnâ. On retrouve là ces présents de la 9® classe, qui constituent un caractère si remarquable de notre groupe de racines. Il n'est pas besoin d'en faire encore une fois l'anatomie:

Type A: rac. gya^-A: gi-né^-A-ti; *gi-^-tâ (gï-ta).

Type B: rac. puiW-'^: pu-m^-A-ti; *pu-^-fd (pu-tà).

(Type A: rac. çra^-u: çr-nâ^-u-ti; çr-u-td.)

(Type B: rac. pa^r-k: pr-nd^-k-ti', pr-k-td.)

��Nous avons vu (p. 231) la règle en vertu de laquelle la ra- cine ta^r^ élidera le phonème final dans un thème comme tarati. Les conditions sont tout autres s'il s'agit d'une formation telle que celle de la 6® classe: ici 1'% radical tombe, et l'on obtient le pri- mitif tr^ -f~ <*^*' Se trouvant appuyé d'une consonne, IV ne laisse point échapper le son ^: selon la règle il se l'assimile. Il en ré- sulte tf -f- dti, et enfin, par dédoublement de f, trr-dti. Si la racine était tar, la même opération eût produit tr-dti (cf. gr. TrX-ë(Tôai etc., p. 11).

Ce procès doime naissance, dans les diâerentes séries, aux groupes -iy-, -uw-, -nn-, ip,m-, -rr-. Le sanskrit garde les deux pre- miers intacts et change les trois autres en -an-, -am-, -ir-'^ (-ûr-).

Thèmes verbaux en -a. Série de Vu. dhavi: dhuv-dti; savi «exciter»: suv-âti.

��1. La théorie de M. J. Schmidt (Voc. II 217) tend à faire de ir, ur, des modifications de ar. L'auteur dit, incontestablement avec raison, que kirâti ne saurait équivaloir à. kr ■ âti: cela eût donné ^krâtù. Mais la formule kar 4- àti sur laquelle se rabat M. Schmidt se heurte, elle, au principe de l'expulsion des a, principe qui ne permet pas d'admettre qu'à aucune époque l'indien ait possédé des présents comme <i*karâtU.

�� � FORME SCINDÉE DES SONANTES LONGUES l Û f Û fh. ^241

Série de IV. karf «verser»: kir-âti; gari «dévorer»: gir-âti, gil- àti; gari «approuver»: â-gur-âte; tari: Hr-dti, fur-âti; sphari (aor, véd. spharjs): sphur-àti.

Série de 1'?*. vani : véd. van-éma, van-dti; sani: véd. san-éyam, san-éma. La place de l'accent ne laisse aucune espèce de doute sur la valeur du groupe -an, qui est pour -nn. C'est une accentuation très remarquable, car d'habitude les a radicaux hystérogènes se sont hâtés de prendre le ton et de se confondre avec les anciens. Dans nos verbes même, il est probable que vdnafi, sânati n'ont de la 1' classe que l'apparence : ce sont les égaux de vanàii, sandti, après le retrait de l'accent.

Série de l'm. On ne peut décider si un présent tel que hhrd- maii vient de *hhrd^mati ou de *bhrmmdti^.

Parfait.

On trouve, en conformité avec dudhuvûs, duâhuvé de dhavi, des formes comme taturûsas, titirûs de tari, tistire, tistirând de starî (Delbriick p. 125), gugurûëas de gari^.

En dehors de ces cas, on sait que les racines «en f» ne sont pas traitées, dans les formes faibles du parfait, de .la même ma- nière que les racines «en r». Le maintien de l'a y est facultatif et pour certains verbes obligatoire: ainsi start fait tastariva (Benfey p. 375). La raison de cette particularité nous échappe: on atten- drait «tastirva^.

La série nasale offre de nombreuses modifications analogiques. Les formes telles que gaganus (véd.) pour *gagnnus de gani, vava- mus = *vavmmus de vami sont les seules régulières. Elles sont accompagnées de gagnns, vemus^ etc.

Thèmes nominaux du type dviê. On a, devant les désinences commençant par une voyelle: De manogâ-: mano-gàv-. De gir- {*gf): gir- {*grr-).

1. Il est à croire que hhrâmaii a suivi l'analogie de bhrdmyati, car on ne concevrait point que le groupe -mm- produisît -àm-.

2. La brève de gugûrvân parait être due à la réaction du thème faible
  • ^u(Jurus-. Il faudrait *^ugûrvàn. La racine tari, onire titïrvân, offre l'optatif

turya- pour *tûryâ: Vu bref peut avoir été communiqué par le thème du moyen turt-.

3. Notons cependant cette remarque d'un grammairien cité par Wester- ^aard: vemufi, tadbhâsy&diëu éirantanagrantheéu kuirâpi na dréfam.

de Saussure, Oeuvres. 16

�� � â4â. FORME SCINDÉE DES SONANTES LONGUES î Û T fl ffl.

O o .->

De go-sd {*go-sii-): go-sàn-as {*go-snn-as). E. V. IV 32, 22. D'ordinaire le type go-sd a cédé à l'attraction de la déclinaison de soma-pd.

Dans la série de l'wi, pra-çam-, grâce sans doute à une uni- fication postérieure, conserve Va long devant les voyelles.

Les racines en «iA présentent des exemples remarquables : prà (comparatif prd-yas, zd. frâ-yanh) donne piir-û, soit '■prr-û (fém. pûrvi soit *pf-vî); çra donne â-çir-as. Dans la série nasale, il est fort possible que niânati et âhdmati viennent vraiment de mnâ et dhma, comme l'enseigne la grammaire hindoue. Ces formes se ra- mèneraient alors à *mmidti, *dhi^imdti.

En terminant mentionnons deux faits que nous sommes obligé de tenir pour des perturbations de l'ordre primitif:

1. Certaines formes nominales à racine faible offrent la sonante brève. 1° Devant les voyelles: tuvi-grâ (à côté de sam-girâ qui est normal) de garï; pàpri (à côté de pâpuri) de parï; sàsni, sist,m de sani. 2" Devant les consonnes: mrkrti de kari «louer»; sâtvan, satvanâ de sani, etc.

2. l!à résultant de la nasale sonante longue donne lieu à des méprises: ainsi sa, forme faible de sani, est traité comme racine, et on en tire p. ex. çata-séya. D'un autre côté les racines anudâttâs han et man présentent ghâta et matàvak La création de ces formes ne paraît explicable qu'en ad- mettant une idée confuse de la langue de la légitimité de l'échange -an- : -&- puisée dans les couples sânitum : sâtâ, et appliquée parfois à faux.

��Un petit nombre d'exemples offrent û et f à Vintérieur d'une racine finissant par une consonne. Il est rare malheureusement que la forme forte nous ait été conservée: ainsi mûrdlidn, sphur- gati, kûrdati, et beaucoup d'autres en sont privés. Nous avons cru retrouver celle de çirsdn dans le gr. Kpaa (p. 210). L'exemple capital est: dlrghd «long» comparé à drRghïyas, dr&ghmdn, zd. dr&ganh.

dTrghâ (= dfghâ, *drAghâ) : drâghTyas = prlliû : prâthTyas

= çTr-tâ : çrd-ti = par-tâ : parï- târ, etc.

Plusieurs racines paraissent être à la fois udâttâs et anudâttâs. Dans la série de I'm, on trouve, h côté du participe yu-td, les mots ya-t{ et yu-thd dont Va long s'accorde bien avec le fut. yavi-tâ, l'aor. a-yâvi-sam, et le prés, yundti (gramm.). On peut suivre dis- tinctement les deux racines var et varf, signifiant toutes deux élire: la première donne vdrati, vavrus, vriyât (préc), dvrta, vrtd; la

�� � REMARQUES DIVERSES SUR LES RACINES tldâttâs, 243

seconde vpiité, vavarus, varyùt, vurita (opt.), vurnâ, hotrvérya, varï- tum. A côté de dari {dpidti, darîtum, dîrydte, dîrnd, gr, ôépa-ç), une forme dar se manifeste dans dfti, zd, dèréta, gr. bpaiôç. Au double infinitif stdrtum et stdrîtum correspond le double participe strtd et stirnd, et le grec continue ce dualisme dans (TTpdtTOÇ : (JTpiu- Toç (= *(JT/TOç, *aTfTÔç). On pourrait facilement augmenter le nombre de ces exemples.

D'une manière générale, la racine udâttâ peut n'être qu'un élargissement entre beaucoup d'autres de la racine anudatta. Qu'on observe par exemple toutes les combinaisons radicales qui tournent autour des bases -u- «tisser», kj-u- «s'accroître», gh^-u- «appeler».

1. -a,u. 6-tiim, vy-bman (Grassm.); vy-ùta, u-ma.

— â-çv-a-t.

hôtrâ, hô-man; â-hv-a-t.

•1. -ajWA. —

(udâttâ) çâvi-ra

hâvï-tave, hdvî-man ;

3. -WSL^A vd-tum, va-vaiï, gr. f|-Tpiov

çvà-trâ (?)

hvâ-tum etc., zd. zbà-tar

4. -wa,! vûy-ati, uvâya.

çvây-ati, çvciyitum. hvây-ati.

Les racines citées généralement sous la forme bhû et su «gi- gnere» offrent deux caractères singuliers: 1** Aux formes fortes, ap- parition anormale de -ûv- çt -u- au lieu de -au'- et -avî-, lesquels toutefois sont maintenus dans une partie des cas; ainsi la première des racines mentionnées donne babhéva^ bhûvana, dbhût (P p. dbhû- vam), bh^man, et en même temps bhdvati, bhavitra, bhdvitva, bhâ- vîyas^; la seconde fait saséva (véd.), su-sûma, et en même temps sdvati. 2" Plusieurs formes faibles ont un u bref: çam-bhû, mayo- bhû, dd-bhuta; su-td.

Ces anomalies se reproduisent plus ou moins fidèlement en grec pour qpu = bha et pour 6ô. On sait que dans ces racines la quantité de l'u ne varie pas autrement que celle de l'a dans Pa ou axa, ce qu'on peut exprimer en disant que l'O long y tient la place de la diphtongue eu. L'obscurité des phénomènes indiens eux-mêmes nous prive des données qui pourraient éclaircir cette

��û-ti, ûvûs.

çû-ra.

hù-td etc., huv-â-te.

��1. bhiiyas est fait probablement à rimitalion du positif bhûri. Le zd. baêvare paraît avoir pour base le comparatif qui est en sanskrit bhdvîyaa.

16*

�� � 244 DATE DE LA MUTATION QUI PRODUISIT LES SONANTES LONGUES.

singularité. On classera parmi ces racines pu « pourrir > qui ne possède d'à dans aucun idiome et qui, en revanche, offre un u bref dans le lat. pû-tris. Il serait bien incertain de poser sur de tels indices une série u : u, parallèle par exemple à a^w : u. Qu'on ne perde pas de vue l'a du skr. bhâvati, bhdvîtva.

��Ce n'est point notre intention de poursuivre dans le grec ou dans d'autres langues d'Europe l'histoire fort vaste et souvent ex- trêmement troublée des racines udâtiâs. Nous bornerons notre tâche à démontrer, si possible, que les phénomènes phoniques étudiés plus haut sur le sanskrit et d'où sont résultées les longues î, u, f, n, m, ont dû s'accomplir dès la période indo-européenne.

Pour la série de l'i, cette certitude résulte de l'f paneuropéen des formes faibles de l'optatif (p. 179 seq.).

Dans la série de Vu, on peut citer l'indo-eur. dhu-mâ de la racine qui est en sanskrit dhavi, le si. ty-ti «s'engraisser» en regard du skr. tâvï-ti, tavi-sd, tuvi, tti-ya; le lat. pu-rus en regard de pavi- târ, pû-tà. Ce qui est à remarquer dans les verbes grecs ôùuj et Xuuj (skr. dhavi dkû, lavi lu^), ce n'est pas tant peut-être la fré- quence de l'u long que l'absence du degré à diphtongue. Qu'on compare kXcu k\u = skr. çro crû, irXeu rrXu = skr. plo plu, peu pu = skr. sro srù, x^u x^ = skr. ho hû^. Cette perte marque nette- ment la divergence qui existait entre les organismes des deux séries.

Passons à la série des liquides.

A. Devant les consonnes.

Quiconque reconnaît pour le sanskrit l'identité parnâ = '"pr'^nâ devra forcément, en tenant compte de la position de la liquide dans le lituanien pWnas, placer du même coup Vépoque de la mu- tation dans la période proethnique. Et quant à la valeur exacte jiu produit de cette mutation, nous avons vu que, sans sortir du sanskrit, on est conduit à 5' voir un r-voyelle (long), non point par exemple un groupe tel que ar ou ^r. Entre les idiomes euro-

��1. Ko^po-XÛTTiç • paXavTio-TÔ|ioç Hes. est intéressant au point de vue de l'étymologie de Xûai.

2. Dans le latin, où rùtus et inclutus sont les seuls participes du passif en -û-to, la longue ne prouve pas grand chose. Elle se montre même dans 8ecûttis et locûtus. Les exemples qui, sans cela, nous intéresseraient sont so-lûtus et peut-être argûtus, si l'on divise arguo en ar -f- guo = huvâti.

�� � péens, le germanique apporte une confirmation positive de ce résultat : le son qui, chez lui, apparaît devant la liquide est ordinairement u comme pour l'r voyelle bref.

En LITUANIEN f est rendu par ir, il, plus rarement par ar, al.

gïrtas «laudatus» = gf^rfâ; èirnis, cf. gïrnâ-, tiltas = tîrtJiâ; tlgas = dirghà{?); pilnas = pûrnd; vîlna = ûrnâ; — êarnà «boyau», cf. plu8 bas gr. XoP^Hî szâltas = zd. çareta, lequel serait certainement en sanskrit *çirto, vu le mot parent çiçird; spragù = spkérgati.

Le PALÉOSLAVE présente rï, rû, lu.

krûnû = hlrnâ «mutilé»; zrïno = gïrnd; prîvù = pûrva; dlûgû = dirghd; plûnû = pûrnd; vlûna = lirnâ. Nous trouvons lo dans slota = lit. szâltas.

Exception: lit. lerêas, si. bréza «bouleau» = skr. hhurga.

Le GERMANIQUE hésite entre ur, ul et ar, al.

Gotique kaurn = gïrnd ; fulls = pûrnd ; vulla = urnâ ; — arms = îrmd; {untila-)nialsks = murkhd; hais = çïrsdC?), cf. Koppri* ipd- XnXoç Hes. L’a suit la liquide dans frauja = ptirvyd.

Le GREC répond très régulièrement par op, oXS ou puj, Xu).

ôpYT)^) argâ. 5oX-i-xôç^) dirghd.

ôpdôç^) urdhvâ. irôpTiç*) pûrti.

KÔÇKSx] çlrsd. oiiXoç^) érnâ.

��Ttpujioç pûrvya. Tpd)Ui turvatiCi). ppuuTÔç cf. gïrnd. axpuJTÔç cf. stirnd.

Au lieu de ρω on aurait ρο dans βρότος «sang coagulé», si M. Bugge a raison d’en rapprocher le skr. murta «coagulé», K. Z. XIX 446. Cf. dppoiaoç (Hes.) = dppuJiaoç.

1) D’après ce qui est dit p. 234, il est indifférent que la racine commence ou non par w. — 2) La remarque précédente s’appliquerait à ôpOôç — urdhvâ ;

1. Nous ne décidons pas si dans certains cas op et o\ ne représentent point les brèves r et l. Les principaux exemples à examiner seraient: ôpxiç, zd. èrëzi; ôpx^oiaai, skr. rghdyâte; ’OpçÊÛç, skr. rbhû; ôpoo- (dans ôpooôùpa, ôpaoTpiaivrjç, ôpameTriç), skr. rsvd ; jaopTÔç, skr. mrtâ (cf. toutefois véd. murlya) ; xoîpoç (cf. x^oûvriç); skr. ghfsvi; xôpYoç, germ. sforka- (Fick P 825). L’omicron suit la liquide dans: Tpôvoç, skr. tfna; pXooupôç, got. vul^us (Fick); f||LiPpoTOv = fjuapTOv; ôXol = atiXaE (p. 18); KpÔKoç (Hes.), cf. skr. krkavâku, lat. corcus. On pourrait même citer pour puj et \uj: ypuj&ûXoç, skr. grhâ (J. Schmidt, Voc. II 318), pXujôpôç à côté de pXaOTÔç. On ne doit pas comparer irpujKTÔç et /Jrif^Aa, vu le zd. parçta. — De même en latin r paraît pouvoir donner ar et ra: fa(r)- stigiutn, skr. bhrsti (gr. ûqpXaOTOv) ; classis est sûrement le skr. krm (cf. quinque classes et pânéa krètdyas?); fastus, comme M. Bréal l’a montré, contient dans sa première syllabe l’équivalent du gr. bapa (p. 122). 246 ÉQUIVALENTS GRECS ET LATINS DU SON T.

seulement le zd. ërëbwa montre que la racine de nrdhrâ n'a point de w initial. Si donc, en se fondant sur piupôia' ôpôia et contre l'opinion d'Ahrens (II 48), on attribue à ôpdôç le digamma, le parallèle ôpdôç — ûrdhrâ tombe. — 3) L'i de boXix6ç n'est pas organique. A une époque où le second e de la forme forte *béXexoç (évbeXexriç) était encore la voyelle indéterminée a, cette voyelle a pu être adoptée analogiquement par *&o\x6ç; le traitement divergea ensuite dans les deux formes. — 4) Cf. p. 248, note 1. — 5) oOXoç «crépu» est égal à

  • ^o\voç. Cf. oOXti XeuKri* dplE X€UKr|.

En L^iN ar, al, et râ, Ici, équivalent aux groupes grecs op, oX, pu), Xuu.

��ardmis

�iirdhvâ.

�grâtus

�gûrtà.

�armus

�îrmà.

�grânum

�glrnâ.

�largus ^)

�dïrghd.

�{?)plânus

�piirnâ *).

�pars

�parti.

�stratus

�atpujTÔç.

�cardo cf.

�kérdati.

� � ��1) Pour *darguSf malgré le l le boXixoç, l'échange entre / et r étant assez fréquent précisément dans les racines dont nous parlons'. On pourrait aussi partir de *dalgus, admettre une assimilation : *lalgus, puis une dissimilation. — 2) Cf. comiilanare lacum «combler un lac», dans Suétone; plënus est tiré par analogie de la forme forte. — Sans Xdxvri, lâna pourrait se ramener ;i

  • vlâna = urrtà.

Au groupe al est opposé ul en sanskrit (p. 234) clans calvus = knlva et alvus = tilva, ûlba.

On trouve -ra- dans fraxinus, cf. skr. hhûrga. D'autre part M. Budenz, approuvé par M. J. Schmidt {Voc. I 107), réunit prô- vincia au skr. purva. Ce mot se retrouve aussi dans jyrïvi-gnus qui sera pour *prôvi-gnus (cf. convimim)^ .

Exemples qui se présentent entre différentes langues euro- péennes :

Lat. crûtes, got. haurdi-. — Lat. ardea, gr. puubiôç (par pro- thèse, èpmbidç). — Lat. cracentes et gracilis, gr. koX-o-kûvoç, KoX-e- Kàvoç, KoX-o-aadç. — (?) Lat. radius, gr. ôp-ô-5a)iivoç — Gr. xoP^Hi norr. garnir, lit. iarnà.

��1. Exemples: xopî>l et xo^«Ç (P- 247); bépaq et dolare; KoXoKdvoç et cracentes; xdXaZa ei grando; gr. OTop-, s\. steljq; gr. xpuaôç, goL gulp (p. 247); gr. KÔparj, got. hais; la.1. marceo, got. -malsks; \ii. g ir'éti, s\. glagolati, etc.

2. Doit-on admettre lat. er = f dans hernia (cf. haruspex) en regard du lit. zarnà et verbum = got. vatird (lit. vardas)? On se rapellera à ce propos cerebrum opposé au skr. ciras, termes vaiiant avec tarmes (racine udâtlû fere), ainsi que Ver de terra qui é(iuivaut à or dans extorris.

�� �

B. Devant les voyelles.

Nous venons de voir les représentents européens du f proprement dit. Il reste à le considérer sous sa forme scindée qui donne le groupe rr (skr. î>, ur), et ici les phénomènes du grec prennent une signification particulière. Il semblerait naturel que cette langue, où r et / deviennent ap et a\, rendît également par ap et aX les groupes rr et //. L’observation montre cependant que op et oX sont au moins aussi fréquents et peut-être plus normaux que ap, aX, en sorte par exemple que ttôXiç répond au skr. purî tout de même que KÔpdr) répond à çirëà. De ce fait on doit inférer que le phonème ^, en se fondant dans la liquide, lui avait communiqué, dès la période proethnique, une couleur vocalique particulière dont le r bref est naturellement exempt.

��(?) t|)opujveûç bhuranyû (Kuhn] XoXdç, xôXiH 1 j^.^_

(cf. xop^n) f

��XÔpiov^ cira’

��Bopéaç j . .

’Y-rrep-popeioi j ^ .* TTÔXiç puri.

TToXOç purû, pulû.

(?)TTO|Li-qpôXuT- bJmràgate (Joh. Schmidt, Voc. II 4).

En regard du skr. htranya et hiri- on a l’éol. xpoi^ôç (forme ancienne de xpwdôç), lequel paraît égal à *Xo*Tyô, cf. got. gul/ja-^. Formes verbales:

pdXerai skr. -gurà-te* «approuver».

Topeîv skr. tird-ti, turâ-ti.

jiioXeîv skr. milâ-ti^ «convenire».

��1. xpyix^ est apparemment un nom tel que ^îr, ^^rtr en sanskrit, c’est-à-dire qu’il remonte à x/Ç- Les génitifs xpo<^Ç et xpi^fôç sont iiystérogènes pour

  • Xopôç. Le verbe xpaîvuj paraît être un souvenir du présent *xpavri|uii, *xrvri|uii,

qui est à XP^Ç ce que grnâti, prnàti sont à glr, pur. — XP^M^ n’est pas absolument identique à éârman: le groupe puj y a pénétré après coup comme dans

2. Dans un petit nombre de formes indiennes, ?r, «r, par un phénomène surprenant, apparaissent même devant les voyelles; en d’autres termes ;• ne s’est pas dédoublé.

3. On a comparé àyopâ et a<Jir<i «cour» (Savelsberg, K. Z. XXI 148). M. Osthoff (Forsc/i. I 177) combat cette étymologie en se fondant: 1" sur Vo du grec, 2" sur la solidarité de àyopd avec à.’^iipyu. La seconde raison seule est bonne, mais elle suffit.

4. Je tiens de M. Brugmann ce rapprochement, (jue le sens de pouXii, PouXeûuj, rend plausible et qui ferait de poû\o|Liai un parent du lat. gràtus. Toutefois son auteur n’y avait songé que parce que le p panhellène rend, à 248 TRAITEMENT DU GROUPE rr EN GREC.

Même coïncidence dans les racines suivantes pour lesquelles le thème en -à fait défaut dans l'une des deux langues:

ôp-é(7ôai, [ôp-ao] cf. skr. ir-te, ir-sva (p. 236 i. n.).

Pop-d, [Ppuu-TÔç] cf. skr. gir-àti, gîr-nd.

TTOp-eîv, [-upuj-TOç] cf. skr. purayati etc.^

(Trop-, [cTTpuj-TÔç] cf. skr. stir-ati, stîr-nd.

aî)iia-KOupîai cf. skr. kir-âti.

Les formes qui viennent d'être nommées ne représentent jamais qu'un des degrés vocaliques de leur racine, bien qu'en fait ce degré ait presque toujours usurpé la plus large place. La restitution du vocalisme primitif des différentes formes appartiendrait à l'histoire générale de notre classe de racines dans la langue grecque, histoire que nous ne faisons point. Voici très brièvement les différentes évolutions normales d'une racine comme celle qui donne OTÔpvujii :

1. CTcpa. 2. CTOp, CTpuu. 3. CTOp-

1. CTcpa, ou cxepe. C'est la racine pleine et normale, répondant au skr. starî. Dans le cas particulier choisi, le grec n'a conservé qu'une forme de ce degré: Tépa-|ivov ou Tépe-juvov* pour *OTépa-|avov (Grdz. 215). C'est la conti- nuation d'un thème en -tnan, où la racine pleine est de règle (p. 123), cf. skr. stdri-man. — Autres exemples: irepâ-aai, irepâ-aui; — xepct-inujv, Tépe-Tpov, xépe-oaev (ëxpujaev Hes.); — xe\a-|aiûv, xeXd-ooai (Hes.). Comme le font voir déjà ces quelques formes,- le degré en question est resté confiné très régulièrement dans les thèmes qui veulent la racine non affaiblie.

2. cxop, cxpu), degré réduit dont nous nous sommes occupé spécialement ci-dessus, et qui répond au skr. stîr. En regard de xépa-juvov on a axpui-xôç, en regard de uepâ-aai, tiôp-vri, en regard de xepd-jnujv : xop-eîv, xop-ôç, xi- xpiIi-OKUj etc.

3. cxdp-, ou cxpà- = str. Cette forme, dans le principe, appartient uni- quement au présent en -vri|ii ou aux autres formations nasales que le grec lui a souvent substituées. La théorie de ce présent a été suffisamment développée

��première vue, inadmissible pour le linguiste rigoureux la liaison avec le lat. volo, le si. veljq etc. Comme nous venons de reconnaître que pôXexai sort de ^Ikerai, il devient possible d'expliquer p pour f par le voisinage de la liquide (cf. pXaoxôç = vrddhâ). Si, en conséquence, on retourne à l'étymologie ancienne, il faut comparer le -o\- de pôXexai au -ur- du skr. vur-îta (cf. vrnlté, vQr^d, hotr-vûrya etc.).

5. Le parfait mimela est naturellement hystérogène.

1. Ainsi que l'admet M. Fick, la racine sanskrite pari semble correspondre à la fois au gr. ireXe (dans TréXeôpov'?) et au gr. nopeîv, iréttpujxai etc. Les mots indiens signifient en effet non seulement remplir, mais aussi donner, accorder, combler de biens (cf. Curtius, Grdz. 283).

2. La variabilité de la voyelle sortie de a est fort remaniuable. Il y a d'autres exemples pareils, ainsi x^pe-xpov et xepd-|jiujv, xé^e-voç et x^jua-xoç.

�� � DIFFÉRENTES MANIFESTATIONS DES RACINES GRECQUES EN -r^. 249

plus haut p. 25i4 seq. — Exemples: |idpva|aai, corcyr. pdpva|iai' = skr. mrnâti de la rac. mari; xe-Tpaivuu de xepa.

Les trois formes précitées se mélangent continuellement par extension analogique. La troisième est de ce fait presque complètement supprimée. Exemples: Parallèlement à |udpvafiai, Hésychius rapporte laôpva^ai dont l'o est sans doute emprunté à une forme perdue, du même genre que ëtopov. Paral- lèlement à irépvriiui — qui est lui-même pour *Trapvri|ui, grâce à l'influence de irepdaui — , le même lexicographe offre iropvdiuev (cf. irôpvri). L'aoriste ëôopov fait soupçonner dans Oôpvu|iai le remplaçant d'un présent en -vrijui, -vaiiiar, en tous cas l'o, dans ce présent à nasale, est hystérogène, et en effet Hésychius donne ddpvuxm et dapveûuj (ôdpvuToi : ëôopov = stpiâti : stirâti). L'omicron est illégitime aussi dans ôpvujui, aTÔpvu|Lii, poû\o|aai = *po\vo|Liai etc. — Le degré qui contient op, pu), empiète d'autre part sur le degré non affaibli: de là p. ex. axpuJiLivri, Ppû>|Lia, êppujv^. — On peut croire en revanche que ëpaXov de la rac. peXe ne doit son a qu'au prés. pdXXuj = *paXvu). Régulièrement il faudrait *ë3oXov.

L'o résultant des groupes phoniques dont nous parlons a une certaine propension à se colorer en u (cf. p. 93). Ainsi TTÙXr) est égal à -pura dans le skr. yopura (Benfey), jLiû\r| a une parenté avec marna «écrasé»^, çupiu et TTopqpùpuj rendent bhuràti et gar- bhurïti^, ILiùpKOç est l'ind. nmrkhd. Il serait facile de multiplier les exemples en se servant de la liste que donne M. J. Schmidt, Voc. II 333 seq. — Le groupe up (u\) paraît même sortir quel- quefois du r bref.

Voici les exemples peu nombreux où le grec a développé a devant la liquide:

^apùç gurû. {'?)fa\ér\ giri «souris».

��Tiapa pur cl.

��Trapoç puras. ijidXuY-ÊÇ sphulinga. (?)(pdpuTH bhiirig (Bugge).

��(*?)KCxXld kuldya (plus probablement, composé de Jcûla).

Ajoutons: l-^aK-ov de la rac. peXe (éKain-PeXé-Tiiç, péXe-|Livov), TÔp-ov de la même souche que Pop-à, cpap-ôuj" (zd. barenenti, 9* classe).

��1. Le p de cette forme me paraît une preuve directe, entre beaucoup d'autres, de iV-voyelle grec.

2. La flexion pure d'un aoriste de cette espèce serait: *ë-p€pa-v, plur, ë-Ppuj-|a€v.

3. La même souche a produit [lâpva^ai (jui répond directement à mrnâti.

4. La racine de ces formes sanskrites est, autant qu'on peut le présumer,

  • bhari ou *bhrù. Elle paraît être la même qui se cache dans le i)résent bhrnâti

«rôtir» (gramm).

h. Le rapport de çtras avec Kdpri est obscurci par Tr) final de la dernière forme.

�� � 250 TRAITEMENT DU GROUPE ?T EN LATIN.

A propos des cas énumérés ci-dessus, il faut remarquer qu'entre autres formes plus ou moins certaines que prend en grec le phonème f, outre op, oX, il semble représenté parfois par aXa, apa. Exemples: ToXa- (forme forte dans TeXa-); TiaXotiLiri = germ. folma, lat. pa.lma (forme forte dans ireXeiuîCu» V) ; KdXaôoç, qui serait à KXiûdu) ce que dîrghâ est à drdghîyas; OfpapaféiX) = skr.sjihioyôi/ati; ^dpa9pov à côté de pop-, ppuj-.

Le LATIN présente tantôt ar, aï, tantôt or, ol: 1. ar, al (ra, la, lorsqu'une sonante- voyelle qui suivait s'est changée en consonne):

trans tiras ^(?).

parentes gr. iropôvxeç (Curtius).

caries got. hauri.

��gravis

�gurû

� �haru-spex

�hir.a.

� �mare

�mira

� �2. or,

�ol:

� �onor

�gr. ôp- (p. 248).

�corimn

�skr.

�cira.

�vorare

�skr.

�gir-.

��molo, mola gr. inûXri (p. 249). iorus, storea skr. stir- (cf. p. 104

et 105).

Quand le grec montre a au lieu d'o, le latin semble éviter les groupes ar, al, et donner décidément la préférence à or, ol: gravis = papuç fait exception. Les exemples sont consignés à la p. 101: volare, gr. PaX-^; tolerare'^ gr. raX-; dolare, dolabra, gr. bah; par-, gr. irapd; forare, gr. (papôai.

Il est douteux que le latin puisse réduire le groupe rr ou ]l à un simple r ou Z, quoique plusieurs formes offrent l'appa- rence de ce phénomène. Ce sont en particulier glos, {g)lac, (jrando, prae, comparés à y^Xôcuç, ydiXa, x^^ct^^i, Ttapai. Les parallèles in- diens font malheureusement défaut précisément à ces exemples. Mais pour glos, le paléosl. zlûva appuie le latin et donne à l'a du grec T«Xôujç une date peu ancienne; TaXaKT- est accompagné de YXaKT0-q)âT0i, tXcxyoç etc. Quant à x«^«2;a — grando, c'est un mot en tous cas difficile, mais où le grec -aXa-, vu le skr. hrâdimi, doit évidemment compter pour un tout indivisible*, et adéquat

��1. L'identité en est douteuse: trans et tiras se concilieraient tous deux avec un primitif trms, si le mot sanskrit n'avait le ton sur la dernière. En conséquence -as n'y peut facilement représenter -ns. Peut-être trans est-il le neutre d'un adjectif ({ui répondrait au gr. Tpâvriç (lequel n'a qu'un rapport indirect avec tiras, comme irpâvriç avec puràs).

2. Il est vrai de dire que l'a de paXeîv semble plutôt emprunté au présent PdXXu), v. ci-dessus.

3. Cependant le son a apparaît dans làtus.

4-. On le peut ramener peut-être à *-Xa-: ou bien, si c'est une forme faible

�� � au lat. -ra-. Le rapprochement de prae et irapaî est fort incertain. Il reste glans en regard du paléosl. éelqdt et du gr. pdXavoç. En lituanien on a gile, et M. Fick en rapproche, non sans vraisemblance, skr. gula « glans penis »1. Mais cet exemple même prouve peu de chose : le groupe initial du mot italique, slave et grec a pu être gh.

Lituanien, giré « forêt », skr. girî; gile « gland », skr. gula (v. ci-dessus); pilis, skr. puri; skurà, skr. cira; — mares, skr. mira; malù = lat. molo (v. plus haut).

Paléoslave, gora, skr. giri (la divergence du vocalisme de ce mot dans le lituanien et le slave, coïncidant avec le groupe ir du sanskrit, est des plus remarquables); skora, skr. cira; morje, skr. mira.

Gotique, kaurs ou kaurus, skr. gurû; faura, skr. pur d (Kuhn); germ. gora, skr. hirà (Fick 111^ 102); got. pulan, gr. ταλ- ; V. h*-all. poran, gr. qpapôuj; — got. marei, skr. mira; mala = lat. molo.

filn = skr. imrû est une exception des plus extraordinaires, qui rappelle norr. hjassi (= hersan-) en regard du skr. çïrsdn.

Abordons la série des nasales. Elle demande à être éclairée par la précédente, plutôt qu’elle ne répand elle-même beaucoup de lumière autour d’elle.

A. Devant les consonnes.

Les phénomènes grecs paraissent liés à la question si compliquée de la métathèse. C’est assez dire sur quel terrain scabreux et incertain nos hypothèses auront à se mouvoir.

Remarques sur les phénomènes grecs compris généralement sous le nom de métathèse.

Nous écartons tout d’abord le groupe ρω (λω) permutant avec ορ (ολ): l’un et l’autre ne sont que des produits de f (p. 245).

I. La transformation d’un groupe comme πελ- en πλη- est inadmissible, ainsi qu’on en convient généralement.

II. La théorie représentée en particulier par M. J. Schmidt suppose que TicX- s’est changé par svarabhakti en ireXe-; c’est ce dernier qui a produit uXti-. — Nous y opposerons les trois thèses suivantes:

liée au skr. hr&d de la même façon que dirghà l’est à drâgh, on tirera -aXa- de f, cf. p. 250, 1. 1 seq.

1. Si l’on n’avait que les formes du latin et du slave, on penserait au skr. granthî. 252 REMARQUES SUR LA MÉTATHKSE.

1. Dans la règle, le groupe -neXe- sera originaire, et on n'a point à re- monter de ireXe- à iteX-. ircXe est une racine udâttû.

2. Si vraiment ueXe- a produit parfois irXr|-, c'est ù coup sûr la moins fré- quente de toutes les causes qui ont pu amener les groupes radicaux de la dernière espèce.

3. Toujours en admettant le passage de treXe- à uXr]-, on devra placer le phénomène dans une époque où le second e (= À) de ireXe était fort différent et beaucoup moins plein que le premier, qui est a^.

III. Avant tout rappelons-nous que chaque racine possède une forme pleine et une forme privée d'fl,. Il faut toujours spécifier avec lacjuelle des deux on entend opérer. La différence des voyelles qui existe par exemple entre Yev (plus exactement ï€ve) et xan n'a rien de nécessaire ni de caractéristique pour les deux racines. Elle est au contraire purement accidentelle, la première racine ayant fait prévaloir les formes non affaiblies, tandis que la seconde les perdait. Si les deux degrés subsistent dans xaiieîv : xéfiaxoç, paXeîv : péXoç, c'est encore, à vrai dire, un accident. Donc il est arbitraire, quand on explique Yvri-, K|iTi-, TjUTi-, pXn-, de partir, ici de yev, là de koili, et ainsi de suite, au hasard de la forme la plus répandue.

Il y a plus. Quand on aura acquis la conviction que le type «à métathèse» a régulièrement pour base la même forme radicale, la forme faible par exemple, encore faudra-t-il se reporter à l'ordre de choses préhistorique, où l'a des formes telles que TOjneîv n'existait point encore; en sorte que TjuâTÔç peut fort bien — le fait est même probable — n'être venu ni de xaiiTÔç ni de tchtôç ni de TejuaTÔç.

IV. Le type où la voyelle suit la consonne mobile ne procède pas né- cessairement de Taulre en toute occasion. Au contraire, il est admissible par exemple que la racine de Gaveîv (= ^nveîv) soit ôvâ. On aurait alors:

ôav-eîv : dvâ = skr. dhâm-ati (*dhmm-dti) : dhmâ = skr. pur-â: prâ-yas, etc.

Un exemple très sûr, en dehors du gi-ec, nous est offert dans le lit. éin-aû, pa-zin-tis, got. kun-fs (p. 256 seq.). Ces rejetons de gnà «connaître» ont pour base la forme faible gn- (devant les voyelles: gnn), qui est pour gnA-,

Dans le cas dont nous parlons, le type ôaveîv est forcément faible, et la voyelle y est donc toujours anaptyctique.

V. Enfin les deux types peuvent être différents de fondation. Il y aura à distinguer deux cas:

à) Racine udâttà et racine en -ô (ne différant que par la position de IV/,, cf. p. 243). En grec on peut citer peut-être leXa (TeXa|nibv) et tXû (TXâmuv), ireXe (iréXeôpov) et irXri (TrXripriç etc.), cf. skr. pari et prâ.

h) Racine anudâttâ et racine en -à. La seconde est un élargissement (proethnique) de la première. Exemple: inev, luëvoç, jn^iuova, |i^|Lia|nev et nv-â, livrmr), miavriOKUU (skr. man et ntnâ).

C'est proprement à ce dernier schéma que M. Brugmann, dans un travail récemment publié, voudrait ramener la presque totalité des cas de «métathèse». Il admet un élément -à s'ajoutant à la forme la plus faible — nous dirions la forme faible — des racines, et qui échapperait à toute dégradation. Le fait de l'élargissement au moyen de -<î {-a^A) est certainement fort commun; nous le mettons exactement sur la même ligne que l'élargissement par -a, t ou par -«,«,

�� � REMARQUES SUR LA MÉTATHÈSE. THÉORIE DE BRUGMANN. 253

qu'on observe entre autres dans fc, r-ai» (skr. çré) «incliner», cf. ^•, a, r (skr. çârman); sr-a^u (skr. sro) «couler», cf. sa^r. Mais çre et sro ont leurs formes faibles çri et sru. Aussi ne pouvons-nous croire à cette propriété extraordinaire de l'élément «, que M. Brugmann dit exempt d'affaiblissement. Cette hypothèse hardie repose, si nous ne nous trompons, sur le concours de plusieurs faits accidentels qui, en effet, font illusion, mais, considérés de près, se réduisent à peu de chose.

Premièrement certains présents grecs comme à.ï\n\ gardent partout la longue, ce qui s'explique facilement par l'extension analogique. En sanskrit tous les présents en à de la 2e classe offrent la même anomalie (p. 138). Il est clair dès lors que des comparaisons telles que âr]|Li€ç : vâmâs ne prouvent rien.

En second lieu les racines sanskrites en -rd,, -nâ, -ma, gardent Va long dans les temps généraux faibles. Ainsi on a sthitâ, mais snâtâ. Nous avons cru pouvoir donner à la p. 239 la raison de ce fait, qui est de date récente.

Restent les formes grecques comme xpqTÔç, TiaqTÔç. Mais ici la présence de l'élément à étant elle-même à démontrer, on n'en saurait rien conclure à l'égard des propriétés de cet -â.

En ce qui concerne plus spécialement le grec, nous devons présenter les objections suivantes.

1. Les formes helléniques demandent à être soigneusement distinguées, dans leur analyse, des formes indiennes telles que trâtà, snâtâ. Pour ces der- nières la théorie de la métathèse peut être considérée comme réfutée. Elles sont accompagnées dans la règle de toute une famille de mots qui met en évi- dence la véritable forme de leur racine: ainsi t^'àtâ se joint à trâti, trâyati, tfàtâr etc.; nulle part on ne voit tar^. Au contraire, en grec, les groupes comme Tpti-, Tiarj-, sont inséparables des groupes xep-, xe^- (xepe-, xeiua-), et c'est visiblement dans les formes faibles qu'ils s'y substituent.

2. On n'attribuera pas au hasard le fait que les groupes comme xpr)-, T|nri-, Tvri-, lorsqu'ils ne forment jms des racines indépendantes du genre de pLvx], viennent régulièrement de racines appartenant à la classe que nous nommons ud&ttâs.

3. Que l'on passe même sur celte coïncidence, je dis que, étant donnée par exemple la racine udâflà ga^n^ et l'élément â, leur somme pourrait produire ffnn-à (gr. «yavri»), mais jamais ^n-ô (gr. ^vri)*. Il suffit de renvoyer aux pages 240 seq.

Nous reconnaissons aux groupes «métathétiques» trois carac- tères principaux:

1° lis montrent une préférence très marquée pour les formations qui veulent la racine faible,

2" Ils n'apparaissent que dans les racines iidattâs.

3° La couleur de leur voyelle est donnée par celle que choisit le ^ final de la racine udatta:

��1. Sur manati et dhamati à côté de mnâ et dhmâ v. p. 242.

2. Grassmann commet la même erreur, quand il voit dans les racines prâ et çrà des «amplifications de pur et çir». On aurait alors, non prâ, çrâ, mais purâ, çirà.

�� � 254 TRAITEMENT DES NASALES SONANTES LONGUE? EN GREC.

-Tvn-Toç : Yeve-Tnp K)nâ-TÔç:Kd)iia-Toç

-KXri-TOç : KaXé-ffuj T)aâ-TÔç : Té|ua-xoç

pXn-TÔç : -peXe-TTiÇ 1 5)iiâ-TÔç: 6a)Lid-TUjp

Tpn-TÔç : Tépe-Tpov 2 5^â-TÔç:bé|aa-ç

aKXripôç : aKeXe-TÔç Kpôt-Tr|p:Kepd-(jaai

TtXâ-TÎov: TreXd-aaai TTpâ-TÔç: Trepa-ffcrai.

Dans la série nasale, ces trois faits se prêtent ù merveille à une comparaison directe avec les groupes faibles indiens tels que gâ- de gani, dam- de dami. En effet leurs primitifs sont, selon ce que nous avons cru établir plus haut (p. 234): gn"^-, dm'*-. Le son '^ étant supposé subir le même traitement dans les deux degrés de la racine, on obtient la filière suivante:

[Forme forte: *Tev^-Trip, Y^veirip.]

Forme faible: *tw^-tôç, -YvrjToç.

[Forme forte: *Té|Li"-xoç, Té)iiaxoç.]

Forme faible: *Tm"-T6ç, T)LiâTÔç.

La variabilité de la voyelle étant ainsi expliquée et la règle d'équivalence générale confirmée par l'exemple

vfiacra (dor. vdffcra) = skr. âtP, nous identifions -yvriTOç, KjLiâTÔç, 6)iâTÔç, avec skr. gâté, çântà, dântâ^. Tout le monde accorde que Yvn(Tioç correspond au skr. gatya.

Nous ne pouvons, il est vrai, rendre compte de ce qui se passe dans la série des liquides. Là, toute forme faible primitive devait avoir un f pur et simple — et non point r^ — ; ce f , nous

��1. M. Fick met en regard de hàncana, Kvr]KÔç, qui serait alors pour

  • K|ar|'«iç; autrement il faudrait «kâcana>\ Le rapprochement est des plus

douteux. — Dans eîvdTrip = yûtâr (type premier yfiMâr) on peut conjecturer que l'e grec est prothétique, et qu'ensuite le y devenant i fit prendre à la nasale la fonction de consonne: *eynMér, eînMér, etvdxep. — Dans cette hypothèse, Yn ayant été éludé, etvdTTip ne peut nous fournir aucune lumière.

2. Il est intéressant de confronter les deux séries:

tatâ: TCTÔç; mata: -|uaTOç; hatà: -qpaTOç; gatâ: Patôç.

()àtà: YvriTÔç; çàntâ: K|uriTÔç; dântâ: b}ir]TÔ<;. Les formes telles que Y€T<iTriv de ytvc sont imitées de la première série, et intéres- santes comme telles, mais aussi peu primitives que Yf-TV-o|aai, ou que le skr. sà-sn-i (p. 242); YifvoMai est très certainement une modification analogique de l'ancien présent de la 3e classe qui vit dans le sVr.yayûnti.

�� � TRAITEMENT DES NASALFS SONANTES LONGUES EN LATIN. 255

l'avons retrouvé en effet dans les groupes op, oX, et puu, Xuu. Où classer maintenant les formes comme irpâiôç, pXr|TÔç? Par quel phénomène le degré faible corre8i)ondant à Ttepa-ffai nous ofFre-t-il parallèlement à irôp-vri, type normal, cette formation singulière: upâTÔç ? C'est à quoi nous n'entrevoyons jusqu'à présent aucune solution satisfaisante.

Observations.

I. Le grec, si l'hypothèse proposée est juste, confond nécessairement le degré normal et le degré faible des racines en -nâ et en -ma. Qu'on prenne par exemple la racine yvuj «connaitre>: la forme réduite est *gn", lequel produit fvuj. Il est donc fort possible que la syllabe fviu-, dans fvûJMiuv et fvwaiç, réponde la première fois au v. ht-all. chnâ- (skr. (/nâ-), la seconde au got. kun- (skr. gâ-), cf. plus bas. — Une conséquence de cette observation, c'est que l'a bref de Téôvâ|j€v doit s'expliquer par l'analogie: la loi phonétique ne permet point de formes radicales faibles en -va (-ve, -vo) ou en -|uà (-|uie, -|ao). M. J. Schmidt, partant d'un autre point de vue, arrive à la même proposition.

II. On connaît le parallélisme des groupes ava- et -vt]-, -aiaa- et -ixr\-, p. ex. dans àdâvaroç : ôvriTÔç; — àbdiaaç : àbfjriç; — àKCt|aaToç : Kiurixôç. Deux hypothèses se présentent: ou bien -ava-, -a|aa- sont des variantes de -vri-, -|ur|-, qui ont leur raison d'être dans quelque circonstance cachée; ou bien ils proviennent de -eva-, -e.ua- — formes fortes — grâce au même mélange du vocalisme qui a produit TaXoioaai à la place de TeXdaaaO. Ainsi itav-bainct-TUip serait pour *nav-î)€|nd-TUjp et n'aurait pris Va que sous l'influence de bcî|avrmi et de fbauov.

��Les exemples latins sont: ai) ta skr. a/â*.

anàt- âti.

janitrices yâtdr.

��gnâ-tus | skr. ga-td. nûtio 1 gâ-ti

cf. genitor 3= ganitdr.

��C'est encore -an- que présente man-sio, qui est au gr. jueve daevexôç) ce que gnâtus est à geni-: puis sta(n)g-num, contenant la racine ré- duite de lévaY-oç, Il est possible que gnâ- dans gnârus soit la forme faible de giio-. Il répondrait alors au second des deux yviaj- helléniques dont nous parlions plus haut. Quant à co-gnUus, il ap- pelle le même jugement que Tédvâ)iev.

Ainsi -an-, -ani- ou -na-, voilà les équivalents italiques du pho- nème nasal que nous étudions. Qu'on ne s'étonne pas de l'a de gnâtus en regard de l'ri de -Yvr|T0ç. Rien n'est au contraire plus normal. On a vu qu'à l'e grec sorti de ^, le latin répond réguliè- rement par a, au moins vers le commencement des mots: gnâtus {*gn'^tos) : tvhtoç (*Tn*^TOç) = sâtus : éxôç.

1. Celte forme se trouve dans Hésychius.

2. Osthoff, K. Z. XXIII 84.

�� � 256 TRAITEMENT DES CROUPES tltl ET mm ES EUROPE.

Dans les idiomes du nord nous trouvons en général les mêmes sons que pour la nasale sonante brève. Le phonème ^ dont n, selon nous, était suivi, n'a pas laissé de trace. Il a été supprimé pour la même raison que dans dûsti, got. dauhtar = dufdTrip, etc. (p. 167 seq.).

Lituanien: gimûs, cî. skr. ^afi; pa-Hntis «connaissance» de gna. Cette dernière forme est des plus intéressantes. Elle nous montre ce degré faible gn"^ que les langues ariennes n'ont conservé que dans le prés, ^â-nâti^ et qui est à gnâ ce que Bkr. çïr- est à çrâ, v. p. 239 et 242. — Au skr. âti répond àydis. — Paléoslave : jçtry, cf. skr. yâtâr.

Germanique: got. (qina-)kunda- = skr. gâta; kunpja-^, cf. lit. -iintis «connaissance»; anglo-s. thunor «tonnerre» = skr. tara «re- tentissant» (évidemment de stani ou tani «retentir, tonner»); anglo-s. sundea «péché», comparé par M. Fick au skr. sâti; v. h*-all. wunskan, cf. skr. vanéhati^; — v. h*-all. anut = skr. âti.

B. Devant les voyelles (groupes -nn- et -mm-). Le grec change, comme on s'y attend, nn et mm en av et o.\x. Les aoristes Ixaiiov, ëbajLiov, ëKajuov, ë&avov, font pendant aux formes sanskrites vanâti, sanâti pour *t;wwa<i, *snwah" (p. 241), et sup- posent comme elles des racines udâttâs. On a en effet en regard de ëxaiLiov: Té|Lie-voç, Té|iia-xoç, T|Liri-TÔç.

— ëba|Liov: skr. dami-târ, irav-baiLid-TUjp, Aao-bd:-|ia-ç,

b|LlTl-TÔÇ.

— eKttiaov: skr. çami-tdr, Kd|aa-T0ç, à-Kaina-ç, K|iir|-TÔç.

— ëdavov*: ôdva-TOç, ôvn-TÔç.

Dans ëKiavov en regard de Kiarôç (p. 44) le groupe av ne se justifie que par la consonne double kt.

��1. Le zend a les formes très curieuses ^«tY»-2;a/Wa, â-zaiMi. Il nous semble impossible d'y reconnaître des formations organiques, car celles-ci seraient

  • pâiti-zâta, *â-zàiti. Mais, devant les voyelles, zan- (= znn-) est effectivement

le degré faible régulier de znà; en sorte que -zaflta, -zaiMi ont pu être formés sur l'analogie de mots perdus, où la condition indiquée se trouvait réalisée.

2. C'est un autre un qui est dans kunnum = skr. (Ranimas, car nous avons vu que cette dernière forme est un mélaplasme de ^gànîmds, *(jnnimâs <p. 239).

3. La racine ne peut être que vami; elle paraît se retrouver dans vâm-a.

4. La racine est peut-être non deva mais dvô (v. p. 270). Pour la théorie ^u -av-, cela est indifférent.

�� � TRAITEMENT DES GROUPES lin ET mm EN EUROPB. 257

Comme on aurait grand peine à retrouver les formations de ce genre dans d'autres langues d'Occident que le grec, nous nous bor- nerons à consigner quelques exemples paneuropéens remarquables, dont l'analyse morphologique est du reste douteuse. Il s'en trouve même un, tnn-û, qui vient certainement d'une racine anudatta {tan). A la rigueur on pourrait écarter cette anomalie en divisant le mot ainsi: tn -\- nû. Cependant il est plus naturel de penser que le suffixe est -m, que la forme organique devait effectivement produire tnû, seulement que le groupe -nn- naquit du désir d'éviter un groupe initial aussi dur que tn-.

Skr. tanû, gr. xavu-, lat. tennis, v. h*^-all. dunni. Skr. sama «quelqu'un», gr. d|Li6ç, got. suma- (cf. p. 90 i. n.). Got. giima, lat. homo, hemonem {hûmanus est énigmatique), lit. émû. Gr. Kà|Liapoç, norr. humara- (Fick).

[Il est probable que si. iena = got. qino est un autre thème que le gr. Pavd, Y^vri (p. 93). Ce dernier étant égal au skr. gnd (et non tgand*), paraît n'avoir changé n en nn que dans la période grecque. — Le mot signifiant «terre»: gr. xa|Liaî, \a.t. humus, s\. zemja, lit. ieme, skr. ksamâ, a contenu évidemment le groupe mm, mais il était rendu nécessaire par la double consonne qui précédait.] Les syllabes suffixales offrent : le skr. -tana (aussi -tna) = gr. -xavo dans èîT-rie-Tavô-ç, lat. -ti7io; skr. -tama = got. -tuma dans aftuma etc., lat. -tumo.

A la page 29 nous avons parlé des adjectifs numéraux comme skr. daçamâ = lat. decunms. Dans la langue mère on disait à coup sûr dayk^vpmà, et point da^k^amâ. Le got. -uma, l'accentuation, la formation elle-même {da^km-\-d) concourent à le faire supposer. Le grec a consers'é un seul des adjectifs en question: êpôoiaoç. M. Cur- tius a déjà conjecturé, afin d'expliquer l'adoucissement de itt en P&, que l'o qui suit ce groupe est anaptyctique. Sans doute on attendrait plutôt: «é'Pba)Lioç», mais l'anomalie est la même que pour eÏKOffi, biaKÔaioi et d'autres noms de nombre (§15). A Héraclée on a êp6e)ioç.

§ 15. Phénomènes spéciaux.

I.

Le groupe indien ra comme représentant d'un groupe faible, dont la composition est du reste diflBcile à déterminer.

de Saussure, Oeuvres. 17

�� � 258 TYPE raifatâ — argentum et type usas — aOwç.

1. Dans l'identité: skr. ragatâ = lat. argentum, deux circons- tances font supposer que le groupe initial était de nature parti- culière: la position divergente dans les deux langues de la liquide^ et le fait que la voyelle latine est a (cf. largus — dîrghâ etc.)- Ces indices sont confirmés par le zend, qui a ërëzata et non *razata*.

2. lie rapport de ërëzata avec ragatâ se retrouve dans tërëçaiti — appuyé par l'anc. perse iarçatiy, et non ^braçatiy» — en regard du skr. trâsati. On ne peut donc guère douter que la syllabe Iras- dans trasati n'offre, en dépit des apparences, le degré faible de la racine. Il serait naturel de chercher le degré fort correspondant dans le véd. tards-antî, si le même échange de ra et ara ne nous apparaissait dans l'exemple 3, où on aurait quelque peine à l'inter- préter de la sorte,

3. Le troisième exemple est un cas moins limpide, à cause de la forme excessivement changeante du mot dans les diflférents idiomes. Skr. aratni et ratm, zd. ar-e-^nâo nom. pi. (gloss. zend-p.) et râ^na; gr. ibXévri, ibXé-Kpâvov et ôXé-Kpdvov, lat. ulna; got. alehm. Peut- être le lit. alkûné est-il pour *altné et identique avec le skr. ratni. Le groupe initial est probablement le même dans une formation parente: gr. d\aH' Trnxuç. ^Ada|Liàvu)V, lat. lacertus, lit. olektis, si. la- Utï. V. Curtius {Grdz. 377).

IL

Dans une série de cas où elles se trouvent placées au commen- cement du mot, on observe que les sonantes ariennes i, u, r, n, m, sont rendues dans l'européen d'une manière particulière et inattendue : une voyelle qui est en général a y apparaît accolée à la sonante^ qu'elle précède. Nous enfermons entre parenthèses les formes dont le témoignage est indécis.

Série de Vi:

1. Skr. id-e pour *iM-e: got. aistan (cf. allem. nest= skr. mdâ)..

2. Skr. ind «puissant»: gr. aîvôç (?).

Série de Vu:

3. Skr. u et uta: gr. au et aure, got. au-k.

4. Skr. vi: lat. avis, gr. aîexôç.

5. Skr. uksâti: gr. auHuj (vâksati étant àé£uj).

6. Skr. usas: lat. aurora, éol. autuç.

�� � TYPE usas — aOiJUç. 259

7. Skr. usrâ: lit. amzrà.

8. Skr. uvé «appeler>: gr. aùu)^ (?). Série de IV:

9. Skr. fça: lat. alces (gr. dXKr|, v. ht-all. elaho). Série des nasales:

10. Skr. a- (négat.): osq. ombr. an- (lat. iw-, gr. à-, germ. un-).

11. Skr. âgra: lat. anguhis, si. (^îfifZtl

12. Skr. dhi, zd. a^^Ai: lat. anguis, lit. aw^ïs, si. ai?, gr. ôqpiç^

(v. li*-all. une).

13. Skr. âhati (pour *ahâti): lat. aw^ro, gr. dTX^ (^1- v-ezq).

14. Skr. a/îM, parallèlement à amhû, dans paro'hvî (v. B. R.):

got. aggvus, si. qziikû, cf. gr. èYïOç.

15. Skr. a6^^: lat. am6-, gr. à|U(pi, si. obù (v. h*-all. nmbi).

16. (Skr. ubhaû: lat. am6o, gr. d|U(piAJ, si. o&a, lit. abù, got. 6ai).

17. Skr. abhrd: osq. anafriss (lat. imber), gr. ô^Ppoç^.

La 'dernière série présente une grande variété de traitements. Il n'est évidemment pas un seul des exemples cités, auquel on soit en droit d'attribuer, en rétablissant la forme proethnique, la nasale sonante brève ou la nasale sonante longue ou le groupe plein an. Mais cela n'empêche pas les différents idiomes d'effacer parfois les différences. En germanique, le son que nous avons devant nous se confond d'ordinaire avec la nasale sonante (un); cependant aggvus montre an. Le letto-slave offre tantôt an, tantôt a, et une fois, dans v-ezq, le groupe qui équivaut à l'un germanique. En latin, même incertitude: à côté de an qui est la forme normale, nous trouvons in, représentant habituel de n, et il est curieux surtout de constater dans deux cas un in latin opposé à un an de l'osque ou de l'ombrien*.

1. L'hiatus, dans àOaaç, rend ce rapprochement douteux. Cf. cependant d/uToO (Corp. Inscr. 10) = aÙToO.

2. La parenté de ôqpiç avec âhi a été défendue avec beaucoup de force par M. AscoH [Vorlesungen p. I.ô8). Le vocalisme est examiné plus bas. Quant au q) grec = yh^, vefqpei en est un exemple parfaitement sûr, et l'on peut ajouter xécppa (rac. dha^gh^, p. 103 i. n.), iT€q)veîv, q)aTÔç = skr. hatà, Tpuqpr) = skr. druhd, peut-être aussi àXqpr) (Hes.) et âXqpoi, cf. skr. arghâ, ârhati (Frôhde, Bezz. Beitr. III 12). Sur ëxK v. p. 261, note 2.

3. Faut-il ajouter: skr. agni, si. ognt, lat. {(ti^gnis?

4. Ce fait se présente encore pour inter, ombr. anfer; aussi est-il sur- prenant qu'en sanskrit nous trouvions antâr et non *atàrj>. 11 faut observer cependant que l'adjectif ântara, dont la parenté avec antâr est probable, se trouve rendu en slave par v-ûtorû. Or le nom de nombre sûto nous montrera ci-dessous que l'apparition de I'm slave, en tel cas, est un fait digne de remarque.

17.

�� � 260 VARIÉTÉS DE NASALE SONANTE.

Le grec a presque toujours av, a|Li, une fois seulement a. Dans ô|iPpoç la voyelle a pris une teinte plus obscure, enfin ôqpiç a changé om en o par l'intermédiaire de la voyelle nasale longue o. Homère, Hipponax etAntimaque emploient encore ôqpiç {dphis) comme trochée; pour les références V. Roscher, <SfMrf. l 124. Il n'est pas absolument impossible qu'une variante de ôqpi- se cache dans à)ii(pîcr|Liaiva et à|Liqpi(yô|Liaiva (Etym. Magn.), formation qu'on pourrait assimiler à (TKÛbiiiaivoç (Hes.), èpibjuaîvuj, ctXua&jLiaîviu. — àiacpîapaiva (Eschyle) serait né par étymologie populaire.

En raison des difficultés morphologiques que présente le type usas — auujç, abhi — à|Liqp(, etc. (v. p. 261 seq.), il n'est guère possible de déterminer la nature du son que pouvaient avoir dans la langue mère les phonèmes initiaux de ces formes. On peut supposer à tout hasard que la voyelle faible ^ (p. 167 seq.) précédait la sonante, et qu'il faut reconstruire ^usas, ^mhhi, etc.

Les formes comme à|acpi, ô|Lippoç et ôqpiç nous amènent à des cas analogues qu'on observe sur certains groupes à nasale médiaux. Avant tout: gr. eÏK0(Ji et iKàvTiv (Hes.) = skr. vimçàti. Cf. ô(piç et anguis = skr. âhi. Le second élément de eÏKOcri prend la forme -kov- dans TpiaKOvra^ (skr. trimçdt) — cf. 6}i^poç: abhrâ — ; il n'accuse dans éKttTÔv qu'une nasale sonante ordinaire, et reprend la couleur dans biaKÔCioi. Si d'une part certains dialectes ont des formes comme fÎKaTi, en revanche beKÔiav et éKOTÔ)iipoia (p. 96) renforcent le contingent des o^. Enfin le slave n'a point «sefo» (cf. lit. szimtas), mais sûto. — Un second cas relativement sûr est celui du préfixe ô- alternant avec à-^ (cf. eKarôv : biaKÔO'ioi), dans ôirarpoç, olvE etc., en regard de àbeXqpeiôç etc. En lituanien on trouve sq-, en paléo- slave sq- (sqlogû : dXoxoç); l'équivalence est donc comme pour ôqpiç : qzî^.

Ces faits engagent pour le moins à juger prudemment certains participes qu'on s'est peut-être trop pressé de classer parmi les formes d'analogie, en particulier ôvt-, îovt- et ôbovT-. La singularité de

��1. Nous ne décidons rien quant à l'analyse de TptoKoaTÔç (trimçattamâ).

2. Cf. p. 96.

3. Non pas à-, lequel est forme faible de év- (p. 34).

4. Autres exemples possibles d'un o de cette nature: Ppôxoç, cf. got. vruggo; OTÔxoç, comparé par M. Fick au got. slaggan; Koxibvri, cf. skr. gaghâna de (}amh (d'où jàhghâ «gamba»); irôdoç à côté de iradeîv (cf. p. 98); àpjLiôZuu de âpfia, etc. *

�� � VARIÉTÉS DE NASALE SONANTE. , 261

ces formes se traduit encore dans d'autres idiomes que le grec, comme on le voit par le v.h'-all. ^anr?, parallèlement au got. ^Mn/w*, le lat. euntem et sons à côté de -iens et -sens. Ces trois exemples sont des participes de thèmes consonantiques. Il est facile de re- courir, pour les expliquer, à l'hypothèse de réactions d'analogie. Mais quelle probabilité ont-elles pour un mot qui signifie «dent», et dont l'anomalie se manifeste dans deux régions linguistiques différentes? Elles sont encore moins admissibles pour le lat. euntem et sons, les participes thématiques (tels que ferens) étant dépourvus de Vo (p. 185). Remarquons de plus que ôo"ioç est très probable- ment identique avec skr. safyà (Kern, K. Z. VIII 400).

Le groupe grec ev-, dans certains mots tout analogues, méri- terait aussi un sérieux examen. Ainsi dans èvTi, ëviaffcn, si ces formes sont pour *(J-evTi, *(T-evTa(y(Ti. C'est comme groupe initial surtout qu'il peut prendre de l'importance. Nous avons cité déjà èxTuç, en regard du got. aggvus ^, du skr. ahu. On a ensuite Iy* XeXuç^ = lat. anguilla (lit. ungurys); enfin âjUTTiç^ l'équivalent du latin apis^ dont la forme germanique, v. h* ail. bïa-, rappelle vive- ment d|iiqpuj == got. bai^ (p. 259). '

Dans la série des formes énumérées p. 258 seq. le propre des langues ariennes est de ne refléter le phonème initial en question que comme une sonante de l'espèce commune. Mais, ce qui est plus étrange, la même famille de langues nous montre encore ce phonème encastré dans un système morphologique pareil à celui de

��1. Cf. lYXOuaa, variante de àfxovoa.

2. De même qu'il y a échange entre ov et o (TpictKOVTa : eÏKom), de même e équivaut à tv dans ?xiÇ comparé i\ ^yX^^^ç. Le parallélisme de ce dernier mot avec anguilla semble compromettre le rapprochement de ô'q)iç avec ang-Ais et àhi (p. 259), et on se résoudra difficilement en effet à séparer èxK de ces formes. Mais peut-être une différence de ton, destinée à marquer celle des significations et plus tard effacée, est-elle la seule cause qui ait fait diverger êxiç et ôqpiç; ils seraient identiques dans le fond. Peut-être aussi doit-on partir d'un double prototype, l'un contenant gh^ (ôqpiç) et l'autre g\ (IxiÇ)- La trace s'en est conservée dans l'arménien (Hiibschmann, K. Z. XXIIi 36). Quoi qu'il en soit, le fait (jue l'e de ?x'Ç rentre dans la classe de voyelles qui nous occupe est évident par le grec même, puisque la nasale existe dans IfXe^uÇ- — L'e de ^Tepoç, en regard de dxepoç (dor.) et de ôcxTepov, n'est dû qu'à l'assimi- lation analogique telle qu'elle a agi dans les féminins en -Jf.aaa (p. 34).

3. Cette forme a probablement passé par le degré intermédiaire ûpis, ce qui ferait pendant aux évolutions qu'a parcourues en grec ôqpiç.

4. Cf. aussi ëvda = .skr. âdhai^i).

�� � 262 LE TYPE usas — aOu)Ç CONSIDÉRÉ AU POINT DE VUE MORPHOLOGIQUE.

toutes les autres racines et obéissant, au moins en apparence, au mécanisme habituel.

Premier cas. Dans la forme forte l'a précède la sonante. — A côté de àhati (pour *ahâti) ■= lat. ango, on a le thème en -as kvçûias^ et à côté de abhrâ, âmbhas. L'identité de uJcsâti et aûHuu fait sup- poser que l'w. de ugrà, dont la racine est peu différente, serait au dans les langues d'Europe, et qu'on doit lui comparer lat. augeo, got. auka; or il est accompagné des formes fortes ôgas, ôglyas. Semblablement usas (= auuuç) est lié au verbe ôsati.

Deuxième cas. Dans la forme forte Va suit la sonante. — Au présent de la 6* classe uksâti (= auEiu) correspond dans la 1* classe vdksati. Au skr. ud- (p. ex. dans uditâ «dit, prononcé») répond le gr. aù5- dans aùbVî mais le sanskrit a en outre la formation non affaiblie vddati.

C'est la question de la représentation des deux séries de formes fortes dans les langues européennes qui fait apparaître les difficultés.

Reprenons le premier cas et considérons cet échange qui a lieu entre us-às et ôs-ati, ug-rd et ôg-as, abh-rd et dnibh-as, dh-ati et drnh-as. Il est difficile d'imaginer que l'a des formes fortes puisse représenter autre chose que a^. Mais, cela étant, nous devrions trouver en Europe, parallèlement à une forme faible telle que angh par exemple, une forme forte contenant e: engh. De fait nous avons en grec euiw (lat. ûro) = ôsati à côté de auui «allumer», aùaXéoç, aiiffxripôç (mots où aù((T) équivaut au skr, us, comme l'enseigne auuuç — usds). D'autre part la valeur de cet indice isolé est di- minuée par certains faits, entre lesquels l'identité du skr. dndhas avec le gr. dv&oç nous paraît particulièrement digne d'attention. Il est remarquable que l'a de cette forme soit un a initial et suivi d'une sonante, précisément comme dans àmbhas, drnhas. L'analogie

��1. aùbri ne se dit que de la voix humaine et renferme toujours accessoire- ment l'idée du sens qu'expriment les paroles. Cela est vrai aussi dans une certaine mesure du skr. vad, et cette coïncidence des significations donne une garantie de plus de la justesse du rapprochement. — Remarquons ici que l'a prothétique ne s'étend pas toujours à la totalité des formes congénères. Ainsi l'on a ûbuj parallèlement à ai)br\; i)y\r\<; en regard de augeo; ùtOôv (Curtius, Stud. IV 202) à côté de aOu), ai)aTt]p6ç. Sans doute àtro-ûpaç et àTr-aupduj offrent un spécimen du même genre. A la p. 258 nous avons omis à dessein le V. ht-all. eiacôn en regard du skr. icc'hàti, parce que le lit. j-ëskôti accuse la prothèse d'un e et non d'un a. Si l'on passe sur cette anomalie, le gr. (-ôttiç comparé à eiscôn (skr. «s-) reproduit le rapport de (Jbuj avec abbr\ (skr. ud-).

�� � LE TYPE îtSff.s" — aOuiÇ CONSIDÉRÉ AU POINT DE VUE MORPHOLOGIQUE.

��263

��s'étend plus loin encore, et ce sera ici l'occasion d'enregistrer une particularité intéressante des types radicaux d'où dérivent les formes comme -^usas. Ils sont régulièrement accompagnés d'une racine sœur où la place de Ta est changée^, et dans cette seconde racine l'a accuse toujours nettement sa qualité d'aj.

��1* RACINE

��Forme faible

��vsas — auujç

��ugrâ ahati

��augeo

ango

��abhr⠗ anafriss skr. a-, osq. an-

��Forme forte, ob- servable dans l'arien seulement, et où la qualité de l'a est à dé- terminer

âsati

��ôgas àmhas

dmbhas

��2® RACINE

(Forme forte)

��îcais: skr. vâsara, vasanta, gr.

(/•)é((j)ap. waig: lat. vegeo, zd. vazyant^. noigh: lat. necto, gr. véHaç *

arpuJiuaTa. na^hh: skr. nâbhas, gr. véqpoç, etc.

��«a,

��skr. na, lat. ne.

��(nég.)

Revenons au mot dndhas. Pour nous il n'est pas douteux que la nasale qui s'y trouve n'ait été primitivement m et que la souche de ce mot ne soit la même que dans mâdhu «le miel». Nous écrivons donc:

— I dndhas j ma^dh: skr. mâdhu, gr. |Liédu.

Mais comme dndhas est en grec dv^oç, il s'ensuivrait que dmbhas représente *d)i(poç, non iëjucpoç», et que le lat. *angos dans angustus doit se comparer directement à àmhas. En un mot les a radicaux de la seconde colonne ne seraient pas des a^. Ce résultat, qui paraît s'imposer, nous met en présence d'une énigme morphologique qu'il est sans doute impossible de résoudre à présent.

Nous passons à l'examen du deuxième cas. Ici les langues occi- dentales permettent encore de distinguer la forme forte. Si uksàti est rendu en grec par aûHuj, vâksati l'est par d(/')éHu). Autre exemple

1. Nous ne parlons, bien entendu, que des exemples qui rentraient dans le premier cas. Le type radical du second cas est précisément (au moins en ce qui touche la place de l'a) celui de la racine sœur en question.

i2. Le zend prouve que la gutturale est g^, tandis que la première racine montre g^. Nous pensons néanmoins, vu d'autres cas analogues, qu'il n'y a pas lieu d'abandonner le rapprochement.

�� � 264 LE TYPE usas — aûiuç considéré au point de vue morphologique.

analogue: la rac. skr. vas «demeurer» se retrouve dans le gr. a(/")e((T)-aa, d(/')écr-(cr)KOVTO, dont la forme faible (en sanskrit né) apparaît dans aùXri, îaùiu ^

A première vue la clef de toutes les perturbations que nous observons semble enfin trouvée dans la nature de la sonante initiale (pour les cas précités, u, w). On n'aurait à admettre qu'une pro- nonciation plus épaisse de cette sonante, effacée secondairement dans l'arien, traduite dans l'européen par la prothèse d'un a, et s'étendant aussi Men à la forme forte qu'à la forme faible. Rien de plus clair dès lors que notre diagramme:

a-ùH == uks à-JeH == vaJcë.

Cet espoir d'explication tombe devant une nouvelle et fort étrange particularité des mêmes groupes radicaux. On observe en effet parallèlement aux types tels que à/eH ou àfec une sorte de type équivalent JhZ, /ac. Ce dernier apparaîtra soit dans les langues congénères, soit dans le grec même.,

d/eH-uj: got. vaJis-ja (parf. vohs, peut-être secondaire).

à/éa-((j)K0VT0 : /dcr-ru. Voici d'autres exemples fournis par des racines qui se trouvent être restreintes aux idiomes occidentaux:

d^ed-Xov: lat. vas, va.d-is; got. va,d-i.

' ApeîT-mai ^ : lat. rap-io.

àXef-eivôç^ (et dXéT-iw?): XaT-eivd" beivd (Hes.). Cette inconstance de la voyelle révélerait, dans d'autres circons- tances, la présence du phonème ^; mais si telle est la valeur de l'e dans d/eHm, la relation de cette forme avec vâksati, uksdti, auHou, aussi bien que sa structure considérée en elle-même cessent d'être compréhensibles pour nous.

1. Sous l'influence de Vu (cf. p. 95), l'a de ce groupe radical aùa- se colore en dans différentes formes rassemblées par M. Curtius, Grdz. 273. Ainsi oùai" 9u\a{, et lùpd, traduction stricte de oùr] en dialecte laconien (p. 158 i.n.). Puis ùnep-iûïov, formation de tout point comparable au skr. antar-usya «cachette». L'uj n'est dans ce mot qu'un allongement d'o exigé par les lois de la composition grecque. On remonte donc à ÙTtep-oïov (cf. o\r\ = KdJinr]), ùirep-ouïov ijTrep-au(a)-iov. — Le verbe à(./)e(bu» serait-il à avbr\ ce que à(/)éSuj est à aûEw? De toute manière la diphtongue en est inexpliquée. Cf. àribdbv. — àXéEuu répond h ràksnii comme àuféiu) à vâksati, mais la forme réduite manque aux idiomes. 11 est vrai que celle-ci peut se suppléer en recourant à la racine plus courte qui donne r\K- a\K-ov et lat. arc-eo.

2. ùpir- est à àpeir- ce que aùE est à à/eE. C'est la forme réduite. Il en est de même de àX^ dans son rapport avec àXcT. àXeYCivôç prouve qu'on a dit d'abord *ûXeToç; ûXtoç est dû à l'influence des formes faibles.

�� � 265

��Additions et Corrections.

p. 8. La présence de l'r-voyelle en ancien perse paraît se trahir dans le fait suivant. Au véd. mârtia correspond martiya (ou plus simplement peut-être martya); au véd. mrtyii est opposé (uva-)marshiyu, soit (uvâ-) marshyu. Indu- bitablement la différence des traitements qu'a subis le t tient à ce que 1'/, dans martia, était voyelle et dans mrtyû consonne. Mais cette différence n'est déter- minée à son tour que par la quantité de la syllabe radicale, et il faut, d'après la règle de M. Sievers, que la syllabe radicale de -marshyu ait été brève, en d'autres termes que Vv y ait fonctionné comme voyelle. Peut-être le r existait-il encore à l'époque où l'inscription fut gravée, en sorte qu'on devrait lire nvâmrshyu.

P. 11, note. M. Curtius admet une déviation semblable d'imparfaits deve- nant aoristes pour les formes énumérées Verb. V 196 seq.

P. 11, lignes 15 seq. On peut citer en zend çc-a-ntu de çac et en sanskrit r-a-nte, r-a-nta de ar.

P. 11, note 1. Biff'er stdati (cf. p. 161).

P. 16. L'hypothèse proposée (en note) pour idWuj est, comme je m'en aper- çois, fort ancienne. V. Aufrecht, K. Z. XIV 273 et contre son opinion A. Kuhn, ibid. 319.

P. 17. L'étymologie présentée pour got. haurn est insoutenable. La forme runique horna (ace.) suffit à la réfuter.

P. 20. A Tiadeîv de irevd se joignent \axeîv de Xeyx. X<*^êîv de x^^b, boKeîv de *beTK; v. le registre. — Pour l'aoriste redoublé, cf. p. 101, 1. 13.

P. 21, lignes 17 seq. Depuis l'impression de ces lignes M. Brugmann a publié sa théorie dans les Beitrage de Bezzenberger II 245 seq. Signalons une forme intéressante omise dans ce travail: àiT-éq)aTO* àTtéôavev (Hes.) de qpev. Contre la reconstruction de formes comme *ëKU)aev de kou (Brugmann p. 253) cf. ci-dessus p. 170 i. n.

P. 30, ligne 25. Ajouter: «lorsqu'il ne le supprime pas.» Il n'est pas besoin de rappeler l'ace, pan-a et les formes semblables.

P. 31, note 4. La vue du travail en question, réimprimé à présent dans le second volume des Studj Critici, nous eût épargné de parler de plusieurs points (p. 29 se(i.) qui s'y trouvaient déjà traités, et de main de maître, par M. Ascoli.

P. 32, ligne 16. Vérification faite, il faut joindre à açmâsyà le composé uJcéànna de uksân et anna.

P. 36. La note 1 devait être ainsi conçue: Le moyen punnte (= punnte), où l'absence d'à suffixal est manifeste, ne permet pas d'hésiter sur la valeur du groupe an dans 2^^^^<-i^^i^-

P. 40, ligne 23. «L'g ne termine le mot que dans ce cas-là.» Cela est erroné. Nous aurions dû prendre garde à kore et aux pronoms me, tç, se, formes où ç final est notoirement sorti de ê long -f nasale. Néanmoins l'opinion mise en avant relativement à ime ne nous paraît pas de ce fait improbable.

P. 40, note. Comme, dans le travail cité, M. Osthoff" ne vise qu'un cas particulier de l'r-voyelle, il est juste de rappeler que l'existence de ce phonème n'a été affirmé d'une manière générale que dans l'écrit de M. Brugmann sur les nasales sonantes. Ce qui revient exclusivement au premier savant, c'est d'avoir

�� � 266 ADDITIONS ET CORRECTIONS.

posé or comme représentant latin de l'r-voyelle. Cette dernière règle, dont nous devions la connaissance à une communication verbale de M. le prof. Osthoff, avait été publiée avec son autorisation dans les Mémoires de la Soc. de Linguisti- que (III 282), et il ne pouvait y avoir indiscrétion à la reproduire ici. — On sait que l'existence de l'r-voyelle dans la langue mère a toujours été défendue en principe soit par M. Hovelacque, soit par M. Miklosich. Seulement ces savants n'indiquaient pas quels étaient les groupes spéciaux qui correspondaient dans les langues d'Europe au r indien.

P. 43, note 1. Le skr. amd ne saurait représenter nmà, car cette forme eût produit «anmà».

P. 44, ligne 1 2. Une forme semblable à }x-ia se cache peut-être dans |Li-û)vuE, si on le ramène à *a\xî)vvZ. En outre |uôvoç est pour *a|n-6voç et identique sans doute au skr. samânâ, équivalent de eka (pour *sm-ânâ par svarabhakti). Toutefois la forme ^oOvoç ne s'explique pas.

P. 49. Pendant l'impression du présent mémoire a paru le premier cahier des Morphologische Untersuchungen de MM. Osthoff et Brugmann. Dans une note à la p. 2.38 (cf. p. 267), M. Osthoff reconnaît, à ce que nous voyons, l'existence de la voyelle que nous avons appelée a et pour laquelle il adopte du reste la même désignation que nous. L'idée que M. Osthoff se fait du rôle morphologique de cette voyelle ainsi que de sa relation avec l'a long n'est autre que celle contre laquelle nous avons cru devoir mettre le lecteur en garde, p. 127 seq. Nous ne pouvons que renvoyer au § 11 pour faire apprécier les raisons, à nos yeux péremptoires, qui militent contre cette manière de voir.

P. 50, ligne 31. L'étymologie proposée à présent par M. Fick et qui réunit Ke9aXri au got. gibla [Beitr. de Bezzenb. 11 26.5) contribuera à faiie séparer définitivemeut caput de KeqpaXr]. — Ligne 34. Sur quattuor cf. L. Havet, Mém. Soc. Ling. III 370.

P. 53. On joindra peut-être à la liste ptak (ptâk): gr. iTTOKeiv, lat. taceo (cf. got. pahan).

P. 55, ligne 14. Le mot ^oiaqpeûç «alêne» est fait pour inspirer des doutes sur la justesse du rapprochement de M. Bugge. 11 indiquerait que la racine de ^ciiTTU) est f)e|Liq) et que l'a y représente la nasale sonante.

P. 57. Le nom latin Stator est placé parmi les formes de la rac. stà qui ont un â long. C'est une erreur; Va est bref. — Le suff. lat. -tât = dor. -tût (Ahrens II 135) aurait pu être mentionné.

P. 67, lignes 1 seq. Cf. plus bas la note relative à la p. 1 14.

P. 74, ligne 18. Ajouter got. hlai-na- «colline», de k^la^i «incliner».

P. 77, hgne 12. Ajouter: X^|aq)o-ç «morve», q)eibô-ç «parcimonieux».

P. 79, note 4. Il nous semble probable d'admettre pour des cas spora- diques une seconde espèce d's indo-européen, d'un son plus rude que celui de l'espèce ordinaire. En effet l'apparition de ç pour s en sanskrit coïncide dans plusieurs cas avec des exceptions aux lois phonétiques qui frappent cette sifflante en grec, en latin ou en slave. Skr. qiiska, qiisyati: gr. oauKÔç, aauaapôç. Skr. qevala «matière visqueuse»: gr. oiaXov «salive». Skr. két^ara: lat. caesaries. L'ancienne identification de îaoç avec skr. viçva, bien que désapprouvée par M. Curtius, nous paraît des plus convaincantes ^ or le slave a de son côté vtst

1. Sans doute viêu, base de viçva, n'a pas le ç. Mais c'est là une oscil- lation fort explicable.

�� � ADDITIONS ET CORRECTIONS. 267

(et non vîsï). Le cas de t^iiii-ou ne diffère point, comme on va le voir, du cas de laoç. M. Ascoli a reconnu dans -ou l'élément formatif du zd. ^ri-shva «le tiers»'. Or n'est-il pas évident que la seconde moitié de wi-s^u (skr. visu), et de u)i-s.jwa (Taoç) qui n'en est qu'une continuation, offre cette même syllabe -s^u composée avec tvi- pour dtvi-^ «deux»? — Notons delph. t^iniaaov =: i\^x-afo-v.

P. 96, lignes 27 et 28. Ajouter frustra, lûstrum, en regard de fraus, lavare. — Ligne 32. Ce qui est dit sur le rapport de incolumis à calamitas est faux, le vieux latin possédant un mot columis synonyme de incolumis.

P. 97, ligne 7 d'en bas. Après la correction apportée plus haut à la page 55, l'exemple ^ditTUj — {jojiiqpeûç doit disparaître.

P. 102, liste b. Ajouter: [boXixôç — largus], v. p. 245.

P. 112, ligne 25. La forme KdvbaXoç n'est évidemment qu'une variante de OKdvbaXov et ne doit point être comparée à kandarâ.

P. 114, lignes 10 seq. Il convient de remarquer que la séparation de «j et Cj est consacrée à peu près partout dans le système de Schleicher. Son tort consistait seulement à confondre a^ avec G,. On a peine à concevoir à présent comment les yeux du grand linguiste ne se dessillèrent point sur une pareille erreur, qui, en elle-même, a quelque chose de choquant, puisqu'elle conduit à identifier l'o et l'a grecs. Les faits propres à la révéler ne faisaient cependant pas défaut. Ainsi Schleicher affirme très bien, contrairement à l'opinion d'autres autorités, que Va thématique de qpépoineç — hhârâmas diffère de celui de qpépere

— bhâràtha; en revanche il le confond aussitôt avec la voyelle longue de bd|Livâ|ai

— punàmi. Or, considérons l'imparfait, qui offre une syllabe fermée. Le sanskrit lui-même prend soin d'y marquer et d'y souligner la divergence, puis- qu'à l'o d'êq)epov répond ïà d'âbharàm, tandis que âpunâm, en regard de ébâ}iv&v, maintient la longueur de l'a.

P. 117 seq. Les vues que nous exposions sur le gouna paraissent avoir surgi simultanément dans l'esprit de plusieurs linguistes. Tout dernièrement M. Fick a proposé dans les Beitrâge de Bezzenberger (IV 167 seq.) la théorie défendue ci-dessus.

P. 132, ligne 5 d'en bas. Le mot dwrj «punition» va, semble-t-il, avec ôuj|nôç, rac. Qr\. Cf. Oujrjv éîn-dr|<Jo|Liev, Odyss. II 192.

P. 139. M. Brugmann indique dans les Morphologische Untersuchungen qu'il publie en collaboration de M. Osthoff et dont le premier cahier a paru pendant l'impression du présent mémoire une autre explication de Vau, de dadhaû, âçvan etc. Ce savant croit y voir le signe distinclif des à longs finaux du sanskrit qui contenaient a^ dans leur seconde moitié (loc. cit. 161). — A la page 226, M. Osthoff l'approuve et présente en outre sur le type dadhaû des observations qui s'accordent en partie avec les nôtres.

1. Signalons cependant ce qui pourrait venir troubler cette analyse. M. Justi propose de voir dans brishva, cabrushva, des dérivés de bris «ter», ca^i'us «quateri. Cette opinion i)rendrait de la consistance, si l'existence de l'élément -va, employé de la sorte, se confirmait d'ailleurs. Or le sanskrit offre en effet éâtur-vatja (-ya comme dans dva-yâ, uhhâya). D'autre part M. Ascoli mentionne comme inséparables de brishva: haptanhu, ashtanhu, ce qui changerait la question. Studj Crit. II 412.

2. On sait que la chute proelhnique du d est constatée dans le nom de nombre «vingt».

�� � 268 ADDITIONS ET CORRECTIONS.

P. 140. Nous sommes heureux de voir exprimer sur irécpri par M. G. Mahlow une opinion toute semblable à la nôtre. V. K. Z. XXIV 295.

P. 141, lignes 25 seq. ■ Nous aurions dû mentionner l'exception que font les causatifs tels que snapayati de snâ, exception du reste sans portée, vu le caractère moderne de ces formes.

P. 151 seq. Le mot Ypo|uiq5dç, que M. Curtius [Grdz. 57) ne peut se décider à séparer de '^pà.cp\u, prouverait que cette dernière forme est pour *•^pm(ç^b (rac. Ypejucp); TPC^9iJ^ ^'^ donc rien à faire dans la question du phonème a et ne doit pas être identifié au got. graba.

P. 156. biûpov «largeur d'une main, écartementi> pourrait se ramener, avec bf|piç «division, discorde», à une rac. dêr.

P. 160, ligne 20. Ajouter dur-gàha. — Ligne 5 d'en bas. Ajouter hlddate: prahlàtti (Benf., Vollst. Gramm., p. 161).

P. 161, ligne 13 d'en bas. Ajouter çâkvarâ «puissant».

P. 163, ligne 18. Nous citons ailleurs (p. 241) deux exceptions des plus intéressantes, vanâti et sanâti. Trop isolées pour infirmer la règle, elles viennent à point pour témoigner de son caractère tout à fait hystérogène dans la teneur absolue qu'elle a prise dans la suite.

P. 168, ligne 15. Ajouter: nactus et rsitis, de racines a^nA^k^^ et a^rA, D'après les lois exposées au § 14, le phonème A aurait dû, dans ces formes, donner naissance à des sonantes longues, et on attendrait *anctus ou *anactîis et *artis. Il serait trop long de rechercher ici pourquoi le phénomène n'a point eu lieu. Mentionnons le got. -nauths, qui coïncide entièrement avec nactus.

P. 171, note. Ajouter i^oivbpa «étable» en regard du skr. mandirâ. Ce rapprochement est douteux.

P. 179 seq. Dans le moment où nous corrigions l'épreuve de ce feuillet, le Journal de Kuhn (XXIV 295 seq.) nous apportait une savante dissertation de M. Johannes Schmidt traitant des optatifs. Il y a entre les résultats auxquels il arrive et les nôtres une conformité flatteuse pour nous. — Ce que nous cherchons vainement dans le travail de l'éminent linguiste, c'est une explication du fait que les formes faibles ont converti ia en l.

P. 184, ligne 14. L'r-voyelle devient en effet ar dans l'arménien: artsiv = skr. r^ipyâ; ary = skr. fksa; gail = skr. vfka, etc.

P. 186, ligne 9. L'adjectif ind. gau-râ apporte quelque confirmation à l'hypothèse ga-au, car autrement la diphtongue au n'aurait pas de raison d'être daiLs ce dérivé.

P. 192, 1. 11 d'en bas. Ajouter dânâ de dâmân.

P. 206, lignes 16 seq. Nous aurions dû prendre en considération les composés de qpprjv, tels que âqppwv. Nos conclusions en auraient été modifiées.

P. 242 en bas. La racine du mot ûrdh-vâ pourrait être râdh, rddhati. En ce cas, ce serait un exemple à joindre a dlrghâ: drâghlyas.

P. 245, ligne 21. Noter le dor. Koppa = KÔpan. Il semble indiquer que le son qui précédait p ne s'est fixé que fort tard.

1, Skr. anaç dans anaçâmahai, gr. éveK (pour èv^K, bien que plus tard ce soit le second e qui alterne avec o^: éviîvoxa); — skr. «n, gr. épe. Les formes germaniques nôh et rô ont accompli, comme d'autres racines de cette espèce (ainsi knô = skr. gant, hrô «glorifier» = skr. fcart) une évolution métathétique.

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Notes[modifier]

  1. [Paru en 1878.]
  2. Il y faut ajouter cependant la remarque suivante des Grundzüge (p. 54): « le dualisme (Zweiklang) primitif gan (skr. ģan-â-mi) et gân (skr. parf. ģa-ģân-a), bhar (skr. bhar-â-mi) et bhâr (skr. bhâra-s fardeau) devint par une substitution insensible d’abord : gen gan, bher bhar, puis gen gon (γενέσθαι, γέγονα), bher bhor (ϕέρω, ϕόρος). Mais rien ne peut faire penser qu’il y ait jamais eu une période où γεν et γον, ϕερ et ϕορ se seraient échangés arbitrairement, de telle sorte qu’il eût pu arriver de dire γονέσθαι, ϕόρω ou inversement γέγενα, ϕέρος. » Ici par conséquent le savant professeur admet une diversité originaire de l’e et de l’o et fait remonter l’o de γέγονα à l’indo-européen ā.
  3. Le signe diacritique que nous adoptons pour marquer les liquides et nasales sonantes (r̥ n̥ m̥) a un emploi différent dans les Grundzüge der Lautphysiologie de Sievers (p. 89). Aussi avons-nous cherché à l’éviter, mais inutilement : qu’on considère que la désignation ordinaire devenait impossible, puisqu’elle eût entraîné la confusion de la nasale sonante () avec la nasale cérébrale sanskrite ; que d’autre part la désignation r (Sievers, Brugmann) ne saurait être introduite dans la transcription du sanskrit, qu’enfin le caractère a été employé déjà par M. Ascoli précisément avec la valeur du r-voyelle, et l’on reconnaîtra que si nous innovons, c’est du moins dans la plus petite mesure possible.
  4. La forme perse a dû être arzifiya. Disons tout de suite que le mot existe aussi en grec avec la substitution régulière : d’abord dans l’idiome macédonien, où il a la forme ἀργίπους (Hes.) pour laquelle M. Fick (K. Z. XXII 200) a tort de chercher une autre étymologie. A côté d’ἀργίπους l’Étymol. Mag. nous a conservé αἰγίποψ· ἀετὸς ὑπὸ Μακεδόνων qui est évidemment le même mot, et ceci nous amène avec sûreté au grec αἰγυπιός. La disparition du ρ a son analogie dans deux autres cas de -voyelle : μαπέειν de μάρπτω et αἴγλη = skr. r̥ģrá. Pour l’ι d’αἰγυπιός et d’αἴγλη v. ces mots au registre.
  5. La présence de l’s dans les trois derniers exemples atteste l’ancienneté de cette formation. – En ce qui concerne ἐνίσπε on ne peut repousser complètement l’idée qu’il y a là un imparfait dont le présent serait *ἴ-σπ-ω. Cf. ἴ-σχ-ω, πί-πτ-ω et notre note 1, page 12. Il faudrait donc diviser ainsi : ἐν-ί-σπ-ε.
  6. Dans les autres aoristes on aurait la syncope. Verbum II 7.
  7. M. Delbrück (Altind. Verb., p. 63) dit bien que sran dans avasran (R. V. IV 2, 19) contient la voyelle thématique. Mais les preuves positives manquent et Grassmann interprète cette forme d’une manière toute différente (a-vas-ran). – á-gama-t est d’une autre formation, qui se reproduit en grec dans le dorien ἔ-πετο-ν, dans l’attique ἔ-τεμο-ν. Cet aoriste-là coïncide pour la forme avec l’imparfait de la 1e classe verbale. C’est l’aoriste non-sigmatique slave : nesŭ.
  8. On dira qu’ásaçćat est imparfait (présent sáçćati) ; sans doute, mais il n’y a pas de limite fixe entre les deux temps. Les aoristes redoublés sont les imparfaits d’une classe verbale que la grammaire hindoue a oubliée et dans laquelle rentreraient, avec sáçćati, le skr. sī́dati, le part. píbdamāna, le gr. πίπτω, γίγνομαι, μίμνω, μέμβλεται etc.
  9. M. Brugmann (Studien IX 386) éprouve une certaine hésitation à attribuer aux périodes les plus anciennes des formes comme paptimá, et croit plutôt qu’elles doivent le jour à l’analogie de ća-kr- etc. Au fond la question reviendrait à cette autre, de savoir si la voyelle de liaison existait déjà dans la langue mère, auquel cas pat faisait nécessairement pa-pt- au parfait pluriel. Or lu des formes germaniques (bundum, bunduts) s’accorderait bien avec cette hypothèse, et l’α du grec γεγήθαμεν n’y répugne pas, bien qu’il s’explique plus probablement par la contamination du singulier γέγηθα et de la 3e p. du plur. γεγήθασι ; qu’on compare enfin le latin -imus dans tulimus. – Dans cette question il faut considérer aussi les parfaits indiens comme sedimá, gotiques tels que sētum, et latins tels que sēdimus qui sont reconnus pour contenir la racine redoublée et dénuée de voyelle. Ainsi sedimá = *sa-zd-imá. Il va sans dire que la même analyse phonétique ne serait pas applicable à chacune de ces formes: la formation s’est généralisée par analogie.
  10. τέ-τλᾰ-μεν vient de la rac. τλᾱ comme ἕστᾰμεν de στᾱ ; son λα ne remonte pas à une liquide sonante.
  11. Il existe, il est vrai, des formes comme πλᾶθος (v. Joh. Schmidt, Vocal. II 321), mais celles qui se trouvent chez les tragiques attiques sont, suivant Ahrens, des dorismes de mauvais aloi, et celles des inscriptions peuvent provenir, comme les formes éléennes bien connues, d’un passage secondaire d’ä à a. On pourrait du reste admettre que πλᾱ existait parallèlement à πελ. Cf. récemment Schrader, Studien X 324.
  12. Mémoires de la Soc. de Linguistique III 283.
  13. Ou au comparatif neutre *proculstis, *proculsts?
  14. Toute différente est la racine de con-sero, as-sero qui signifie attacher. Le sero dont nous parlons est le skr. sárati, sísarti « couler, avancer » : composé avec la préposition pra il a aussi le sens transitif et donne le védique prá bāháva sisarti (R. V. II 38, 2) « il étend les bras », exactement le grec χεῖρας ἰάλλειν (= σι-σαλ-yειν, σι-σλ-yειν). Le verbe insero peut appartenir à l’une ou à l’autre des deux racines en question.
  15. A côté de βραδύς on a avec l : ἀβλαδέως· ἡδέως Hes., ce qui rend bien vraisemblable l’ancienne étymologie du latin mollis comme étant pour *moldvis.
  16. πλέθρον, πέλεθρον seraient-ils par hasard ces parents de πλατύς où nous trouverions l’e ?
  17. Le capricorne, ce coléoptère à grandes antennes, qui s’appelle en grec κεράμβυξ, nous a peut-être conservé la trace d’un ancien thème *κ(ε)ραμβο- = çŕ̥ṅga.
  18. Ce qui rend suspecte la parenté de κελαινός avec κηλίς, c’est l’a du dorien κᾱλίς et du lat. cāligo.
  19. Si l’on compare en outre les sens de sraktí, on reconnaît que tous ces mots contiennent l’idée de contour, d’angle ou d’anfractuosité. Ce mot d’anfractuosité lui-même s’y rattache probablement en ligne directe, car le latin an-fractus sort régulièrement de *am-sractus comme *cerefrum, cerebrum de ceres-rum. Cf. cependant Zeyß, K. Z. XVI 381 qui divise ainsi : anfr-actus. – Le grec ajoute à cette famille de mots : ῥακτοί· φάραγγες, πέτραι, χαράδραι et ῥάπται· φάραγγες, χαράδραι, γέφυραι. Hes.
  20. Le k remplacé par v, au lieu de kv ; le m remplacé par v dans le slave črĭvĭ ; la liquide variant entre l et r, et cela, même en deçà des limites du grec, ainsi que l’indique la glose: ῥόμος· σκώληξ ἐν ξύλοις.
  21. Il n’est naturellement pas question ici des nasales sonantes qui se sont formées à nouveau dans plusieurs langues anciennes et modernes.
  22. Il s’entend qu’en zend l’a sorti de la nasale sonante participe aux affections secondaires de l’a, par exemple à la coloration en e.
  23. Ce n’est pas que, dans l’espèce, nous n’ayons quelques doutes sur la véritable qualité de l’alpha d’ἔπαθον, et cela à cause du latin patior, sur lequel nous reviendrons plus bas. Mais ἔπαθον se trouve être le seul aoriste thématique où l’on puisse supposer une nasale sonante, et, si on le récusait, il suffirait de renvoyer aux exemples qui suivent.
  24. Toujours en supposant que la nasale est radicale.
  25. Les formes qui ont la « vriddhi » comme áçvait, ávāṭ sont entièrement différentes. Il faut y voir, avec M. Whitney, des aoristes sigmatiques.
  26. Les racines de cette forme contenant une nasale ne paraissent pas fournir d’exemple.
  27. La 3e pl. πέφανται est une formation récente faite sur l’analogie des racines en α ; il faudrait régulièrement πε-φν-αται. — γεγάασι, μεμαυῖα et les autres formes où le suffixe commence par une voyelle n’ont pu se produire que par analogie. Il est remarquable que les formes fortes du singulier soient restées à l’abri de toute contamination de ce genre, car γέγαα, μέμαα n’existent que dans nos dictionnaires ainsi que le montre Curtius, Verb. II 169. L’ancienne flexion : γέγονα, plur. γέγαμεν est donc encore transparente.
  28. M. Curtius a montré l’identité de ἄνυται (Homère a seulement ἤνυτο) avec le skr. sanuté (rac. san) ; la sifflante a laissé une trace dans l’esprit rude de l’att. ἁ-νύ-ω. Quant à la racine non affaiblie ἑν, elle vit dans le composé αυθ-έν-της « auteur d’une action ». Cf. Fick, Wœrterb. I² 789.
  29. Les formes comme δείκνυμι, ζεύγνυμι sont des innovations du grec.
  30. βατός pourrait aussi appartenir à la racine βᾱ qui a donné ἔβην ; les deux formes devaient nécessairement se confondre en grec. En revanche le skr. gatá ne saurait dériver de .
  31. Forme conservée dans le mot αὐτόματος, suivant l’étymologie la plus probable. – -mentus se trouve dans commentus.
  32. L’identification du skr. han et du grec *φεν sera justifiée plus bas.
  33. Les formes latines n’inspirent pas une confiance absolue, en ce sens qu’elles peuvent tout aussi bien s’être formées postérieurement comme le gr. δέρξις, θέλξις. Pour les formes slaves telles que -mętĭ cette possibilité se change presque en certitude.
  34. Il est possible que la nasale sonante soit représentée en arien par i, u, dans le mot qui signifie langue : skr. ǵihvā́ et ǵuhū́, zd. hizva, hizu ; – l’ancien perse serait izāva selon la restitution de M. Oppert, mais . . āva seul est encore écrit sur le rocher. Comme la consonne qui commence le mot est un véritable Protée linguistique – elle diffère même dans l’iranien vis-à-vis de l’indien – et qu’en lituanien elle devient l, on conviendra que la glose d’Hésychius : λαυχάνη· γλῶσσα trouve son explication la plus naturelle dans la comparaison des mots cités : le thème primitif serait ?-n̥ghū ou ?-n̥gh : de là le lat. d-ingua, le got. t-uggon-, et le gr. *λ-αχϝαν-η, λαυχάνη. Le slave j-ęzy-kŭ montre aussi la sonante. Seul l’ë du lit. l-ëżuv-i-s s’écarte de la forme reconstruite. – Pour l’épenthèse de l’u dans le mot grec cf. plus haut (p. 17) λαυκανίη.
  35. Le τ des cas obliques (ὀνόματος) n’a probablement existé à aucune époque au nomin.-accusatif. – Le got. namo n’est pas mentionné, parce qu’il est de formation nouvelle.
  36. Il est vrai que , etc. placés devant une voyelle paraissent se dédoubler en r̥r, n̥n etc. V. Sievers, Lautphysiol., p. 27 au milieu. Et, bien qu’on puisse dire que i et u sont aussi consonnes durant un instant dans le passage des organes à une autre voyelle, dans ia ou ua par exemple, il n’en reste pas moins certain que la triple combinaison phonique 1) i̯a. 2) ia c.-à-d. ia. 3) ii̯a, transportée dans la série nasale se réduit à 1) na et 2. 3) n̯na, dans la série de l’r : à 1) ra et 2. 3) r̥ra. – désigne l’i consonne.
  37. Le mot choisi plus haut pour exemple (skr. nāman) ne convenait plus ici, parce que la forme primitive de sa syllabe initiale est assez incertaine.
  38. Dans son principe seulement, car il faudrait supposer en tous cas un indo-européen à la place de la spirante du sanskrit classique, et le v de la même langue serait encore bien plus éloigné de la consonne primitive (). – Nous ajoutons que dans la restitution des formes indo-européennes nous nous servons des signes w et y sans essayer de distinguer l’u et l’i consonnes ( et de Sievers), des spirantes correspondantes (w et j de Sievers). Dans le cas de madhw api, w représenterait certainement .
  39. Partir d’un ancien génitif *ἥπαρτος serait récuser le témoignage du sanskrit et en même temps admettre inutilement en grec un cas d’altération phonétique, dont les exemples, s’ils existent (v. p. 8), sont en tous cas très sporadiques. Il est vrai que yakr̥t s’est aussi, plus tard, décliné en entier ; mais le fait important, c’est que yakan ne peut point avoir d’autre nominatif que yákr̥t. – Le lat. jecinoris a remplacé l’ancien *jecinis, grâce à la tendance à l’uniformité qui fit passer l’or du nominatif dans les cas obliques. – M. Lindner (p. 39 de son Altindische Nominalbildung) voit aussi dans ἥπατος el pendant du skr. yaknás.
  40. Excellent rapprochement de Bopp, en faveur duquel nous sommes heureux de voir intervenir M. Ascoli (Vorlesungen über vgl. Lautlehre, p. 102). La chute de l’a initial a sa raison d’être ; v. le registre.
  41. Cf. yúvat (yúvad), neutre védique de yúvan.
  42. septynì, devynì sont de formation secondaire. Leskien, Declin. im Slavisch-Lit., p. XXVI.
  43. Nous ne tenons pas compte de prathamá et turī́ya, étrangers à la question.
  44. Une des formes du nom de nombre huit se terminait en effet par une nasale. Il est vrai que les composés grecs comme ὀκτα-κόσιοι, ὀκτά-πηχυς n’en offrent qu’une trace incertaine, et qu’ils s’expliquent suffisamment par l’analogie de ἑπτα-, ἐννεα-, δεκα- (cf. ἑξα-). Pour le lat. octingenti, une telle action de l’analogie est moins admissible ; cette forme d’autre part ne saurait renfermer le distributif octōni ; on peut donc avec quelque raison conclure à un ancien *octem. Le sanskrit lève tous les doutes : son nom.-acc. ašṭá est nécessairement l’équivalent d’*octem, car personne ne s’avisera de le ramener à un primitif akta répondant à une forme grecque fictive « ὀκτε » semblable à πέντε : une pareille supposition serait dénuée de tout fondement. Tout au plus pourrait-on penser à un duel en ă dans le genre de deva pour devā, et c’est en effet dans ce sens que se prononcent les éditeurs du dictionnaire de St-Pétersbourg. Mais pourquoi, dans ce cas, cette forme se perpétue-t-elle dans le sanskrit classique ? On est donc bien autorisé à admettre une forme à nasale, qui peut-être avait une fonction spéciale dans l’origine. – Pour ce qui est de la forme aktau, assurée par le got. ahtau, nous nous bornons à relever dans la formation de son ordinal (gr. *ὀγδοϝ-ο- ou *ὀγδϝ-ο-, lat. octāv-o-) le même mode de dérivation au moyen d’un suff. -a que dans ašṭam-á, saptam-á etc. (v. la suite du texte).
  45. Quant à savoir si, en tout dernier ressort, on ne trouverait pas telle ou telle parenté entre le -ma du superlatif et le -m-a des adjectifs ordinaux, de façon par exemple que déjà dans la période proethnique, la terminaison ma de ces derniers aurait produit l’impression du superlatif et aurait été étendue de là à d’autres thèmes pour les élever à cette fonction, ce sont des questions que nous n’avons pas à examiner ici.
  46. Le gotique fimf ferait « fimfun » s’il avait eu la nasale finale.
  47. Le point de départ de tous ces génitifs de noms de nombre en -ānām paraît être trayāṇā́m, lequel dérive de trayá-, et non de trí-. L’accentuation s’est dirigée sur celle des autres noms de nombre. Le zend θrayãm qui permet de supposer *θrayanãm (cf. vehrkãm, vehrkanãm), atteste l’ancienneté de ce génitif anormal.
  48. Ces mêmes formes dont le témoignage est nul dans la question de savoir si le nom de nombre cinq a ou non une nasale finale, ne pèsent naturellement pas davantage dans la balance, lorsqu’il s’agit de savoir si la nasale de náva, dáça etc. – dont l’existence n’est pas douteuse – est un n ou un m.
  49. On trouve inversement saptátha, zd. haptaδa, à côté de saptamá. En présence de l’accord à peu près unanime des langues congénères, y compris le grec qui a cependant une préférence bien marquée pour le suff. -το, on ne prétendra point que c’est là la forme la plus ancienne.
  50. Nous n’avons malheureusement pas réussi à nous procurer un autre travail de M. Ascoli qui a plus directement rapport aux noms de nombre, intitulé : Di un gruppo di desinenze Indo-Europee.
  51. Le nombre des liquides sonantes dues à la même origine étant très minime, nous n’avons fait qu’effleurer ce sujet à la page 19.
  52. Ajouter cependant les composés des noms de nombre, tels que saptā́çva, dáçāritra. Leur cas est un peu différent.
  53. L’ε initial n’est probablement qu’une altération éolo-ionienne (cf. ἔρσην) l’α que doit faire attendre le de la forme sanskrite.
  54. Cette évolution de la nasale sonante ne doit pas être mise en parallèle avec les phonèmes ī̆r et ū̆r, p. ex. dans titirvā́n, pūryáte, ou du moins seulement avec certaines précautions dont l’exposé demanderait une longue digression. L’existence du dans ćakr̥vā́n, ǵāgr̥vā́n, papr̥vā́n etc., suffit à faire toucher au doigt la disparité des deux phénomènes.
  55. On pourrait aussi conjecturer sasāvā́n ; cf. sātá, sāyáte.
  56. S’il y a un argument à tirer de l’imparfait apunata, il est en faveur de notre analyse.
  57. Il est certain que l’accentuation de ces formes a été presque partout sans influence sur le vocalisme, et qu’il faut toujours partir de la forme sans augment. Mais cela n’est pas vrai nécessairement au delà de la période proethnique.
  58. Hésychius a cependant une forme ἐσσύανται.
  59. Ici il faut se souvenir que l’auteur regarde à bon droit le parfait grec comme dénué de voyelle thématique ; l’α n’appartient pas au thème.
  60. La question est inextricable. Est-on certain que les formes du présent n’ont pas, elles aussi, cédé à quelque analogie ? Au parfait, on n’est pas d’accord sur la désinence primitive de la 3e pers. du pluriel. Puis il faudrait être au clair sur l’élision de l’a final des racines, devant les désinences commençant par une sonante : lequel est le plus ancien de τίθε-ντι ou de ǵáhati = ǵah-n̥ti ? Plusieurs indices, dans le grec même, parleraient pour la seconde alternative (ainsi τιθέασι, arcad. ἀπυδόας seraient un vestige de *τιθαντι – ou *τιθατι ? –, *ἀποδας ; la brève de γνούς, ἔγνον s’expliquerait d’une manière analogue). Enfin les formes étonnantes de la 3e p. pl. de la rac. as « être » ne contribuent pas, loin de là, à éclaircir la question, et pour brocher sur le tout, on peut se demander, comme nous le ferons plus loin, si la 3e pers. du plur. indo-européenne n’était pas une forme à syllabe radicale forte, portant le ton sur la racine.
  61. M. Scholvin dans son travail Die declination in den pannon.-sloven. denkmälern des Kirchensl. (Archiv f. Slav. Philol. II 523), dit que la syntaxe slave ne permet pas de décider avec sûreté si matere est autre chose qu’un génitif, concède cependant qu’il y a toute probabilité pour que cette forme soit réellement sortie de l’ancien accusatif.
  62. Pour les neutres en -man qui sont dérivés d’une racine terminée par une consonne, c’est la seule supposition possible, attendu que n se trouvait alors précédé de deux consonnes (vakmn̥, sadmn̥) et que dans ces conditions il était presque toujours forcé de faire syllabe même devant une voyelle. – Pour ce qui est des noms de nombre on remarquera que le dissyllabisme de saptm̥ est prouvé par l’accent concordant du skr. saptá, du gr. ἑπτά et du got. sibun, lequel frappe la nasale.
  63. Cf. la prononciation de mots allemands comme harm, lärm.
  64. Ces formes, pour le dire en passant, sont naturellement importantes pour la thèse plus générale que la désinence de l’accus. des thèmes consonantiques est '-m et non -am.
  65. L’hypothèse des liquides sonantes indo-européennes a été faite il y a deux ans par M. Osthoff, Beiträge de Paul et Braune III 52, 61. La loi de correspondance plus générale qu’il établissait a été communiquée avec son autorisation dans les Mémoires de la Soc. de Ling. III 282 seq. Malheureusement ce savant n’a donné nulle part de monographie complète du sujet.
  66. On peut faire valoir entre autres en faveur de celle thèse le mot anaḍ-vah, nomin. anaḍvān qui vient de la racine vah ou de la racine vadh : on n’a jamais connu de nasale à aucune des deux. Puis le mot púmān dont l’instr. puṃsā́ ne s’explique qu’en partant d’un thème pumas sans nasale. Il est vrai que ce dernier point n’est tout à fait incontestable que pour qui admet déjà la nasale sonante.
  67. Les combinaisons de deux sonantes donnent du reste naissance à une quantité de questions qui demanderaient une patiente investigation et qu’on ne doit pas espérer de résoudre d’emblée. C’est pourquoi nous avons omis de mentionner plus haut les formes comme ćinvánti, δεικνύασι (cf. δεικνῦσι) ; ćinvánt, cf. δεικνύς. La règle qui vient d’être posée semble cependant se vérifier presque partout dans l’arien, et probablement aussi dans l’indo-européen. Certaines exceptions comme purūn (et non « purvas ») = puru + ns, pourront s’expliquer par des considérations spéciales : l’accent de purú repose sur l’u final et ne passe point sur les désinences casuelles – le gén. pl. purūṇā́m à côté de purū́ṇām a un caractère récent –; l’u est par conséquent forcé de rester voyelle : dès lors la nasale sera consonne, et la forme *purúns se détermine. Les barytons en -u auront ensuite suivi cette analogie.
  68. Si le skr. amā́ « domi » pouvait se comparer au zd. nmāna « demeure », ou aurait un exemple de a = produit dans la période indienne. Mais le dialecte des Gāthās a demāna (Spiegel, Gramm. der Ab. Spr., p. 346), et cette forme est peut-être plus ancienne ?
  69. On peut néanmoins considérer l’αν ainsi produit comme représentant une nasale sonante, la nasale, comme dans le skr. ǵaghanvā́n = *ǵaghn̥wā́n (p. 34) ayant persisté devant la semi-voyelle. Ainsi ποιμαίνω = ποιμn̥yω. Dans un mot comme *ποιμνyον, s’il a existé, la langue a résolu la difficulté dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’elle a dédoublé y en iy: *ποίμνιyον, grec historique ποίμνιον. Nous retrouvons les deux mêmes alternatives dans les adverbes védiques en -uyā ou -viyā : *āçwyā se résout en āçuyā́, tandis que *urwyā devient urviyā́. Dans ces exemples indiens on ne voit pas ce qui a pu déterminer une forme plutôt que l’autre. Dans le grec au contraire, il est certain que la différence des traitements a une cause très profonde, encore cachée il est vrai ; le suffixe de ποίμνιον est probablement non -ya, mais -ia ou -iya : il y a entre ποιμαίνω et ποίμνιον la même distance qu’entre ἅζομαι et ἅγιος ou qu’entre οὖσα et οὐσία. La loi établie par M. Sievers, Beitr. de P. et B. V 129, n’éclaircit pas encore ce point.
  70. Les aoristes du passif en -θη et en -η sont curieux, en ce sens que la racine prend chez eux la forme réduite, et cela avec une régularité que la date récente de ces formations ne faisait pas attendre. Exemples : ἐτάθην, ἐτάρφθην ; ἐκλάπην, ἐδράκην. A l’époque où ces aoristes prirent naissance, non seulement une racine δερκ avait perdu la faculté de devenir δκ, mais il n’est même plus question d’existence propre des racines ; leur vocalisme est donc emprunté à d’autres thèmes verbaux (par exemple l’aoriste thématique actif, le parfait moyen), et il nous apprend seulement que le domaine des liquides et nasales sonantes était autrefois fort étendu. Néanmoins certaines formes de l’aor. en restent inexpliquées : ce sont celles comme ἐάλην, ἐδάρην, où αλ, αρ est suivi d’une voyelle. Ces formes, comme nous venons de voir, se présentent et se justifient à l’aoriste actif après une double consonne, mais non dans d’autres conditions : il faut donc que ἐάλην, ἐδάρην soient formés secondairement sur l’analogie de ἐτάρπην, ἐδράκην etc., qui eux-mêmes s’étaient dirigés sur ἐταρπόμην, ἔδρακον etc.
  71. On a cependant en sanskrit gdha, gdhi, sá-gdhi, zd. ha-ɣδaṅhu, venant de ghas par expulsion de l’a et suppression de la sifflante (comme dans pumbhís).