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Diphtongue, Voyelle, Hiatus, &c. & les articles de chacune des lettres. La matiere que je présente paroît bien vaste ; mais il faut choisir & réduire ; il ne faut ici que les games des idées générales, & tout ce premier traité ne doit occuper que cinq ou six pages in-12. Cependant il faut y mettre les principaux fondemens de l’étymologie, de la prosodie, des métaplasmes, de l’orthographe ; mais peut-être que ces noms-là mêmes ne doivent pas y paroître.

J’entends par les élémens de l’oraison, ce qu’on en appelle communément les parties, ou les différentes especes de mots distinguées par les différentes idées spécifiques de leur signification ; savoir, le nom, le pronom, l’adjectif, le verbe, la préposition, l’adverbe, la conjonction & l’interjection. Il ne s’agit ici que de faire connoître par des définitions justes chacune de ces parties d’oraison, & leurs especes subalternes. Mais il faut en écarter les idées de genres, de nombres, de cas, de déclinaisons, des personnes, de modes : toutes ces choses ne tiennent à la grammaire, que par les besoins de la syntaxe, & ne peuvent être expliquées sans allusion à ses principes, ni par conséquent être entendues que quand on en connoit les fondemens. Il n’en est pas de même des tems du verbe, considérés avec abstraction des personnes, des nombres & des modes ; ce sont des variations qui sortent du fond même de la nature du verbe, & des besoins de l’énonciation, indépendamment de toute syntaxe : ainsi il sera d’autant plus utile d’en mettre ici les notions, qu’elles sont en grammaire de la plus grande importance ; & quoiqu’il faille en écarter les idées de personnes, on citera pourtant les exemples de la premiere, mais sans en avertir. On voit bien qu’il sera utile d’ajouter un chapitre sur la formation des mots, où l’on parlera des primitifs & des dérivés ; des simples & des composés ; des mots radicaux, & des particules radicales ; de l’insertion des lettres euphoniques ; des verbes auxiliaires ; de l’analogie des formations, dont on verra l’exemple dans celles des tems, & l’utilité dans le système qui en facilitera l’intelligence & la mémoire. Je crois qu’en effet c’est ici la place de ce chapitre, parce que, dans la génération des mots, on n’en modifie le matériel que relativement à la signification. Au reste, ce que j’ai déja dit à l’égard du premier traité, je le dis à l’égard de celui-ci : choisissez, rédigez, n’épargnez rien pour être tout-à-la-fois précis & clair. Voyez Mots, & tous les articles des différentes especes de mots ; voyez aussi Tems, Particule, Euphonie, Formation, Auxiliaire, &c.

J’entends enfin par les élémens de la proposition, tout ce qui appartient à l’ensemble des mots réunis pour l’expression d’une pensée : ce qui comprend les parties, les especes & la forme de la proposition. Les parties, soit logiques, soit grammaticales, sont les sujets, l’attribut, lesquels peuvent être simples ou composés, incomplexes ou complexes ; & toutes les sortes de complémens des mots susceptibles de quelque détermination. Les especes de propositions nécessaires à connoître, & suffisantes dans ce traité, sont les propositions simples, composées, incomplexes & complexes, dont la nature tient à celle de leur sujet ou de leur attribut, ou de tous deux à la fois, avec les propositions principales, & les incidentes, soit explicatives, soit déterminatives. La forme de la proposition comprend la syntaxe & la construction. La syntaxe regle les inflexions des mots qui entrent dans la proposition, en les assujettissant aux lois de la concordance, qui émanent du principe d’identité, ou aux lois du régime qui portent sur le principe de la diversité : c’est donc ici le lieu de traiter des acci-

dens des mots déclinables, les genres, les nombres, les cas pour certaines langues, & tout ce qui appartient aux déclinaisons ; les personnes, les modes, & tout ce qui constitue les conjugaisons ; les raisons & la destination de toutes ces formes seront alors intelligibles, & conséquemment elles seront plus aisées à concevoir & à retenir : l’explication claire & précise de chacune de ces formes accidentelles, en en indiquant l’usage, formera le code le plus clair & le plus précis de la syntaxe. La construction fixe la place des mots dans l’ensemble de la proposition ; elle est analogue ou inverse : la construction analogue à des regles fixes qu’il faut détailler ; ce sont celles qui reglent l’analyse de la proposition : la construction inverse en a de deux sortes, les unes générales, qui découlent de l’analyse de la proposition, les autres particulieres, qui dépendent uniquement des usages de chaque langue. Le champ de ce troisieme traité est plus vaste que le précédent ; mais quoiqu’il comprenne tout ce qui entre ordinairement dans nos grammaires françoises, & même quelque chose de plus, si l’on saisit bien les points généraux, qui sont suffisans pour les vûes que j’indique, je suis assuré que le tout occupera un assez petit espace, relativement à l’étendue de la matiere, & que tout ce premier volume ne sera qu’un in-12 très-mince. Voyez Proposition, Incidente, Syntaxe, Régime, Inflexion, Genre, Nombre, Cas, & les articles particuliers, Personnes, Modes & les articles des différents modes, Déclinaison, Conjugaison, Paradigme, Concordance, Identité, Construction, Inversion, &c.

Si je dis que ces élémens de la grammaire générale doivent être appliqués à la langue françoise ; c’est que j’écris principalement pour mes compatriotes : je dirois à Rome qu’il faut les appliquer à la langue italienne ; à Madrid, j’indiquerois la langue espagnole ; à Lisbonne, la portugaise ; à Vienne, l’allemande ; à Londres, l’angloise ; partout, la langue maternelle des enfans. C’est que les généralités sont toujours les résultats des vûes particulieres, & même individuelles ; qu’elles sont toujours très-loin de la plûpart des esprits ; & plus loin encore de ceux des enfans ; & qu’il n’y a que des exemples familiers & connus qui puissent les en rapprocher. Mais la méthode de descendre des généralités aux cas particuliers est beaucoup plus expéditive que celle de remonter des cas particuliers sans fruit pour la fin, puisqu’elle est inconnue, & que dans celle là au contraire on envisage toujours le terme d’où l’on est parti.

Je conviens qu’il faut beaucoup d’exemples pour affermir l’idée générale, & que notre livre élémentaire n’en comprendra pas assez : c’est pourquoi je suis d’avis que dès que les éleves auront appris, par exemple, le premier traité des élemens de la voix, on les exerce beaucoup à appliquer ces premiers principes dans toutes les lectures qu’on leur fera faire, pendant qu’ils apprendront le second traité des élémens de l’oraison ; que celui-ci appris on leur en fasse pareillement faire l’application dans leurs lectures, en leur y faisant reconnoître les différentes sortes de mots, les divers tems des verbes, &c. sans négliger de leur faire remarquer de fois à autre ce qui tient au premier traité ; enfin que quand ils auront appris le troisieme, des élémens de la proposition, on les occupe quelque-tems à en reconnoître les parties, les especes, & la forme dans quelque livre françois.

Cette pratique a deux avantages : 1°. celui de mettre dans la tête des enfans les principes raisonnés de leur propre langue, la langue qu’il leur importe le plus de savoir, & que communément on