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dans les maladies bien décidées que comme simplement préparatoires ; car si on les regarde comme curatifs, ou comme remplissant l’indication principale, & qu’on agisse conséquemment, on voudra emporter le fond d’une maladie par leur seul moyen ; c’est-à-dire qu’on embrassera, dans la vûe sage & timide, ce semble, d’adoucir, de relâcher, de calmer, la méthode la plus hardie de toutes celles qu’ont adoptées les Medecins depuis qu’ils ont cessé d’être les simples ministres de la nature, puisqu’on peut avancer en effet que la Médecine antiphlogistique est de toutes les méthodes curatives la plus violente à la nature, quoiqu’on ne puisse pas décider jusqu’à quel point elle est dangereuse. Voyez Méthode curative, Rafraichissant, Tempérant, Saignée.

La considération de la chaleur, comme signe, doit entrer dans l’établissement régulier du diagnostic & du prognostic des maladies aigues. Outre ce que nous venons d’en remarquer, comme annonçant la fievre en général, les Praticiens la distinguent par quelques différences essentielles indépendantes de son degré. Ils observent une chaleur humide ou accompagnée de la moiteur de la peau, & une chaleur seche & qui est accompagnée ordinairement de l’aspérité de la peau : la premiere est la chaleur ordinaire du commencement & de l’état des maladies aigues ; la 2e est propre au déclin des maladies bien jugées.

Les Praticiens distinguent encore la chaleur symptomatique en chaleur douce & en chaleur acre ; la premiere approche beaucoup de la chaleur saine ou naturelle ; la seconde differe de la chaleur purement excessive, & même de la chaleur seche. Les Medecins l’observent sur-tout dans les fievres malignes ou de mauvaise espece, mali moris. Elle est en général un signe fâcheux : au reste il est très-difficile ou même impossible d’exprimer ce que les Médecins entendent par chaleur acre ; c’est-la un de ces signes qui n’existent que pour le Praticien formé par l’habitude, par l’exercice, par les actes repétés, que les thermometres & les autres secours de la Physique ne peuvent pas déterminer, qui échappent au calcul, &c. Et c’est précisement la faculté de saisir les signes de cette espece, & de les évaluer par le seul secours d’un sentiment presque confus, qui constitue cette heureuse routine qui ne caractérise pas moins le Praticien consommé que la science & la refléxion.

L’augmentation particuliere de la chaleur est regardée par la saine partie des Medecins comme une espece de fievre locale (febris in parte.) Cette chaleur est un symptome concomitant de toutes les affections inflammatoires, soit confirmées, soit passageres, comme celles qui sont occasionnées par les ligatures, par les corps irritans ou comprimans appliqués extérieurement, &c. Cette fievre peut subsister un certain tems lorsque la partie affectée n’est pas bien étendue, qu’elle est peu sensible, ou qu’elle n’exerce pas une fonction très-essentielle à l’économie de la vie, telle que les parties extérieures ; cette fievre particuliere, dis-je, peut subsister un certain tems sans exciter du moins sensiblement la fievre générale, lors même que ces affections dépendent d’une cause interne, comme dans certains paroxysmes de goutte, d’ophthalmie, dans les petits phlegmons, des érésipeles legers, &c. Les fievres locales doivent être regardées dans tous ces cas comme des incommodités de peu de conséquence. Voyez Inflammation, et Maladies externes. On ne doit en excepter, à cet égard, que l’inflammation des yeux, qui peut devenir funeste à l’organe affecté, quoiqu’elle ne soit pas accompagnée de la fievre générale. Voyez Ophthalmie.

Certaines chaleurs particulieres passageres, com-

me ces feux qu’on sent au visage, aux mains, & dans quelques autres parties du corps, à l’occasion de ce qu’on appelle communément des digestions fougueuses, dans les accès de certaines passions, dans des attaques de vapeurs, &c. n’exigent pas non plus communément les secours de l’art, & n’annoncent rien de funeste.

La chaleur spontanée passagere du visage, du creux de la main & quelquefois des piés, est un des signes de la fievre hectique commençante. Voyez Fievre hectique au mot Hectique.

Les paroxysmes violens de passion hystérique sont accompagnés quelquefois d’une chaleur brûlante, & plus durable que celle dont nous venons de parler, que les malades ressentent dans différentes parties du corps, & principalement dans le ventre & dans la poitrine, & cela sans fievre générale. Mais ce symptome n’indique aucun secours particulier ; il ne doit pas faire craindre l’inflammation des visceres ; le paroxysme qui en est accompagné n’exige que le traitement général. Voyez Passion hysterique.

Le cas le plus grave de chaleur augmentée particuliere, est sans contredit la fievre lipirie. Voyez Lipirie.

Au reste il est essentiel que le support des malades n’est pas toûjours un moyen suffisant pour s’assûrer d’une augmentation réelle de chaleur ; & que comme ils peuvent éprouver un sentiment de froid, quoique leur chaleur soit réellement augmentée (comme nous l’avons observé plus haut à propos de l’état appellé le froid de la fievre) ils ressentent aussi dans d’autres cas une ardeur brûlante, dans une partie dont la chaleur est réellement & très considérablement diminuée, comme dans certaines gangrenes seches, &c. Voyez Gangrene.

On ne peut regarder que comme une expression figurée le nom d’intempérie chaude que les anciens donnoient à certaines dispositions des visceres. Voy. Intemperie. (b)

Chaleur considérée medicinalement comme cause non naturelle & externe ; Chaleur de l’athmosphere, du climat, des saisons, des bains, voyez Air, Atmosphere, Climat, Saison, Maladies endémiques au mot Endémique, Eau thermale, Fomentation.

Chaleur des médicamens, des alimens, des poisons, voyez Médicament, Aliment, Poison échauffant, Qualité.

Chaleur (degrés de) des différens animaux. (Histoire naturelle. Zoologie.) Ce que nous allons dire de la chaleur considérée sous ce point de vûe, est tiré d’une dissertation du docteur Martine, intit. Essai sur l’hist. naturelle & expérimentale des différens degrés de chaleur des corps.

La chaleur des animaux est fort différente, suivant la variété de leurs especes, & celle des saisons. Les Zoologistes les ont divisés, avec assez de fondement, en chauds & en froids, c’est-à-dire respectivement à nos sens. Nous appellons chauds ceux qui approchent de notre propre température, tandis que nous regardons comme froids tous ceux dont la chaleur est fort au-dessous de la nôtre, & qui par conséquent affectent notre toucher de la sensation de froid, quoique suivant les expériences que j’ai eu occasion de faire, ils soient tous un peu plus chauds que le milieu dans lequel ils vivent ; il y a même plusieurs especes d’animaux dont la chaleur ne surpasse que fort peu celle de l’air ou de l’eau. Les insectes sont un sujet d’étonnement pour nous ; car quoiqu’ils paroissent les plus tendres & les plus délicats de tous les animaux, ils sont cependant ceux qui peuvent supporter les plus grands froids sans en être incommodés ; ils se conservent dans les saisons les plus froides, sans autres défenses que la feuille