Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre D

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Henri Plon (p. 193-225).
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D

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Dabaïda. Les naturels de Panama ont une idole de ce nom, qui était née de race mortelle et qu’on déifia après sa mort. Quand il tonne ou qu’il fait des éclairs, c’est Dabaïda qui est fâchée ; alors on brûle des esclaves en son honneur.

Dactyles, génies phrygiens du genre des cabires ; ils enseignèrent aux hommes l’art de forger le fer, si on veut bien en croire la mythologie grecque.

Dactylomancie, divination qui se pratiquait au moyen de bagues ou anneaux fondus sous l’aspect de certaines constellations, et auxquels étaient attachés des charmes et des caractères magiques. C’est, dit-on, avec un de ces anneaux que Gygès se rendait invisible en tournant le chaton dans sa main. Clément d’Alexandrie parle de deux anneaux que possédaient les tyrans de la Phocide, et qui les avertissaient, par un son, du temps propre à certaines affaires ; ce qui ne les empêcha pas de tomber dans les griffes du démon, lequel leur tendait un piège par ses artifices[1].

Dadjal ou Deggial, nom de l’Antéchrist chez les Chaldéens et chez les mahométans ; il signifie dans leur langue le menteur et l’imposteur par excellence.

Dagobert Ier, roi de France, mort en 638, à l’âge de trente-sept ans. Une vieille légende établit qu’après qu’il fut mort un bon ermite, nommé Jean, qui s’était retiré dans une petite île voisine des côtes de la Sicile, vit en songe, sur la mer, l’âme du roi Dagobert enchaînée dans une barque, et des démons qui la maltraitaient en la conduisant vers l’Etna, où ils devaient la précipiter. On croyait autrefois que le cratère de ce volcan était une des entrées de l’enfer, et il n’est pas encore vérifié que ce soit une erreur. L’âme appelait à son secours saint Denis, saint Maurice et saint Martin, que le roi, en son vivant, avait fort honorés, parce qu’un jour qu’il avait offensé son père ils lui avaient promis leur appui, dans une vision. Les trois saints descendirent, revêtus d’habits lumineux, assis sur un nuage brillant. Ils arrêtèrent les malins esprits, leur enlevèrent la pauvre âme et l’emportèrent[2]. Un monument curieux, le tombeau de Dagobert, sculpté au temps de saint Louis, retrace naïvement ces circonstances. La principale façade est divisée en trois bandes. Dans la première on voit quatre démons (deux ont des oreilles d’âne) qui emmènent l’âme du roi dans une barque ; la seconde représente saint Denis, saint Maurice et saint Martin, accompagnés de deux anges, avec un bénitier ; ils chassent les démons. Sur la troisième bande, on voit l’âme qui s’enlève, et une main généreuse sort d’un nuage pour l’accueillir. Les farceurs ont glosé sur cette poésie du moyen âge, sur cette légende et sur le monument, qui est toujours dans l’église de Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc dans ces récits que l’Église n’a jamais imposés, et qui sont au moins des fleurs ? Ce qu’il y a de mal, c’est que ces fleurs tombent quelquefois devant des pourceaux.

 
Vision de Dagobert
Vision de Dagobert
Vision de Dagobert
 

Dagon, démon de second ordre, boulanger et grand panetier de la cour infernale. On le trouve figurant dans la possession d’Auxonne. Les Philistins l’adoraient sous la forme d’un monstre réunissant le buste de l’homme à la queue du poisson. Ils lui attribuaient l’invention de l’agriculture, qu’on a attribuée à tant d’autres. On lit dans le premier livre des Rois que, les Philistins s’étant rendus maîtres de l’arche du Seigneur, et l’ayant placée à Azot dans leur temple, où se trouvait l’idole de Dagon, on vit le lendemain cette idole mutilée, et sa tête avec ses deux mains sur le seuil de la porte. « Depuis lors, dit l’auteur sacré, les sacrificateurs de Dagon et tous ceux qui entraient dans son temple ne marchaient plus sur le seuil de cette porte. » Au Pégu on regarde Dagon comme le Dieu créateur, et on croît là que, quand les kiakias auront détruit ce monde, Dagon ou Dagoun en fera paraître un autre qui sera bien plus beau et beaucoup plus agréable.

Dahman est chez les Persans le génie qui reçoit et protège les âmes des morts, et il les place comme elles l’ont mérité.

Dahut. Voy. Is.

Damnetus ou Damachus, loup-garou de l’antiquité. On conte qu’ayant mangé le ventre d’un petit enfant sacrifié à Jupiter Lycien en Arcadie, il fut changé en loup. Mais il reprit sa première forme au bout de dix ans. Il remporta même, depuis, le prix de la lutte aux jeux Olympiques[3].

Danaké. C’est le nom de l’obole que l’on plaçait chez les païens sous la langue des morts, et qu’ils donnaient à Charon pour leur passage dans sa barque.

Daniel, l’un des quatre grands prophètes. On lui attribue un traité apocryphe de l’Art des songes. Les Orientaux le regardent aussi comme l’inventeur de la géomancie,

Danis, sorcier du dernier siècle, qui fut accusé d’avoir ensorcelé un jeune homme de Noisy le Grand, en 1705. Ce fait est rapporté longuement dans l’Histoire des pratiques superstitieuses du père Lebrun, qui pense qu’il pourrait bien y avoir là de la sorcellerie. D’autres croient que le jeune homme ensorcelé n’avait que des hallucinations. Le magnétisme, dont on commence à comprendre la puissance, pourrait donner raison au père Lebrun, comme il explique maintenant beaucoup de maléfices qu’on niait, contre tous les témoignages, il n’y a pas encore trente ans[4].

Danse de saint Guy, danse épidémique qui gagnait au moyen âge des populations tout entières, et que les uns attribuaient à un châtiment de Dieu, les autres à l’obsession des démons ; et cela à propos d’un ménétrier qu’on voulait mettre à mort injustement, et qui amena sa délivrance en faisant danser les masses[5]. On

 
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach
Le ménétrier d’Echternach.
 
en chercha la guérison à Echternach, en Luxembourg, devant les reliques vénérées de saint Willibrord, et le souvenir de ce singulier phénomène y est toujours vivant. Ces danses eurent lieu au quatorzième siècle surtout. On croyait ces danseurs possédés, parce qu’ils dansaient malgré eux et qu’ils se disaient frappés souvent de visions merveilleuses. Au reste on ne les guérit que par des exorcismes.

Danse des Esprits. Olaüs Magnus, au troisième livre de son Histoire des peuples septentrionaux, écrit qu’on voyait encore de son temps, en beaucoup de ces pays-là, des esprits et fantômes dansant et sautant, principalement de nuit, au son de toutes sortes d’instruments de musique. Cette danse est appelée par les gens du pays chorea elvarum (danse des elfes). Saxon le Grammairien fait mention de ces danses fantastiques dans son Histoire de Danemark. Pomponius Mela, dans sa description de l’Ethiopie, dit qu’on a vu quelquefois, au delà du mont Atlas, des flambeaux, et entendu des flûtes et clochettes, et que le jour venu on n’y trouvait plus rien[6]. On ajoutait que les fantômes faisaient danser ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin, lesquels ne manquaient pas de se tenir pour avertis qu’ils mourraient bientôt. On ne rencontre plus guère de ces choses-là.

Danse des fées. On prétendait chez nos pères que les fées habitaient les forêts désertes, et qu’elles venaient danser sur la gazon au clair de lune. Voy. Fées.

Danse des géants. Merlin, voulant faire une galanterie de courtisan, fit venir, dit-on, d’Irlande en Angleterre, des rochers qui prirent la figure de géants, et s’en allèrent en dansant former un trophée pour le roi Ambrosius. C’est ce qu’on appela la danse des géants. Des écrivains soutenaient, il n’y a pas longtemps, que ces rochers dansaient encore à l’avénement des rois d’Angleterre.

Danse des morts. L’origine des danses des morts, dont on fit le sujet de tant de peintures, date du moyen âge ; elles ont été longtemps en vogue. D’abord on voyait fréquemment, pendant

 
 
le temps du carnaval, des masques qui représentaient la mort ; ils avaient le privilège de danser avec tous ceux qu’ils rencontraient en les prenant par la main, et l’effroi des personnes qu’ils forçaient de danser avec eux amusait le public. Bientôt ces masques eurent l’idée d’aller dans les cimetières exécuter leur danse en l’honneur des trépassés. Ces danses devinrent ainsi un effrayant exercice de dévotion ; elles étaient accompagnées de sentences lugubres, et l’on ne sait pourquoi alors elles prirent le nom de danses macabres. On fit des images de ces danses qui furent révérées par le peuple. Ces danses macabres se multiplièrent à l’infini au quinzième et au seizième siècle : les artistes les plus habiles furent employés à les peindre dans les vestibules des couvents et sur les murs des cimetières. La danse des morts de Bâle fut d’abord exécutée dans cette ville en 1435 par l’ordre du concile qui y était rassemblé. Ce qui l’a rendue célèbre, c’est qu’elle fut ensuite refaite par Holbein. « L’idée de cette danse est juste et vraie, disait il y a quelque temps M. Saint-Marc Girardin. Ce monde-ci est un grand bal où la mort donne le branle. On danse plus ou moins de contredanses, avec plus ou moins de joie ; mais cette danse enfin, c’est toujours la mort qui la mène : et ces danseurs de tous rangs et de tous états, que sont-ils ? Des mourants à plus ou moins long terme.
 
Danse des fées
Danse des fées
Danse des fées.
 
Danse des fées
Danse des fées
Danse des fées.
 

» Je connais deux danses des morts, poursuit le même écrivain : l’une à Dresde, dans le cimetière au delà de l’Elbe ; l’autre en Auvergne, dans l’admirable église de la Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque que l’humidité ronge chaque jour. Dans ces deux danses des morts, la mort est en tête d’un chœur d’hommes d’âges et d’états divers : il y a le roi et le mendiant, le vieillard et le jeune homme, et la mort les entraîne tous après elle. Ces deux danses des morts expriment l’idée populaire de la manière la plus simple. Le génie d’Holbein a fécondé cette idée dans sa fameuse Danse des morts du cloître des dominicains à Bâle ; c’était une fresque, et elle a péri comme périssent peu à peu les fresques. Il en reste au musée de Bâle quelques débris et des miniatures coloriées. La danse d’Holbein n’est pas, comme celles de Dresde et de la Chaise-Dieu, une chaîne continue de danseurs menés par la mort ; chaque danseur a sa mort costumée d’une façon différente, selon l’état du mourant. De cette manière, la danse d’Holbein est une suite d’épisodes réunis dans, le même cadre. Il y a quarante et une scènes dans le drame d’Holbein, et dans ces quarante et une scènes une variété infinie. Dans aucun de ces tableaux vous ne trouverez la même pose, la même attitude, la même expression : Holbein a compris que les hommes ne se ressemblent pas plus dans leur mort que dans leur vie, et que, comme nous vivons tous à notre manière, nous avons tous aussi notre manière de mourir.

 
Danse des morts
Danse des morts
 

» Holbein costume le laid et vilain squelette sous lequel nous nous figurons la mort, et il le

 
Danse des morts
Danse des morts
 
costume de la façon du monde la plus bouffonne, exprimant, par les attributs qu’il lui donne, le caractère et les habitudes du personnage qu’il veut représenter. Chacun de ses tableaux est un chef-d’œuvre d’invention. — Il est incroyable avec quel art il donne l’expression de la vie et du sentiment à ces squelettes hideux, à ces figures décharnées. Tous ses morts vivent, pensent, respirent ; tous ont le geste, la physionomie, j’allais presque dire les regards et les couleurs de la vie.

» Holbein avait ajouté à l’idée populaire de la Danse des morts : le peintre inconnu du pont de Lucerne a ajouté aussi à la danse d’Holbein. Ce ne sont pas des peintures de prix que les peintures du pont de Lucerne ; mais elles ont un mérite d’invention fort remarquable. Le peintre a représenté, dans les triangles que forment les poutres qui soutiennent le toit du pont, les scènes ordinaires de la vie, et comment la mort les interrompt brusquement.

» Dans Holbein, la mort prend le costume et les attributs [de tous les états, montrant par là que nous sommes tous soumis à sa nécessité. Au

 
Danse des morts
Danse des morts
 
pont de Lucerne, la mort vit avec nous. Faisons-nous une partie de campagne, elle s’habille en cocher, fait claquer son fouet ; les enfants rient et pétillent : la mère seule se plaint que la voiture va trop vite. Que voulez-vous ! c’est la mort qui conduit, elle a hâte d’arriver. Allez-vous au bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le peigne à la main. « Hâtez-vous, dit la jeune fille, hâtez-vous ! je ne veux pas arriver trop tard. — Je ferai vite ! » Elle fait vite ; car à peine a-t-elle touché du bout de son doigt décharné le front de la danseuse, que ce front de dix-sept ans se dessèche aussi bien que les fleurs qui devaient le parer.

» Le pont de Lucerne nous montre la mort à nos côtés et partout : à table, où elle a la serviette autour du cou, le verre à la main, et porte des santés ; dans l’atelier du peintre, où, en garçon barbouilleur, elle tient la palette et broie les couleurs ; dans le jardin, où, vêtue en jardinier, l’arrosoir à la main, elle mène le maître voir si ses tulipes sont écloses ; dans la boutique,

 
Danse des morts
Danse des morts
 
où en garçon marchand, assise sur des ballots d’étoffe, elle a l’air engageant et appelle les pratiques ; dans le corps de garde, où, le tambour en main, elle bat le rappel ; dans le carrefour, où, en faiseur de tours, elle rassemble les badauds ; au barreau, où, vêtue en avocat, elle prend des conclusions : le seul avocat (dit la légende en mauvais vers allemands placés au bas de chaque tableau) qui aille vite et qui gagne toutes ses causes ; dans l’antichambre du ministre, où, en solliciteur, l’air humble et le dos courbé, elle présente une pétition qui sera écoutée ; dans le combat, enfin, où elle court en tête des bataillons, et pour se faire suivre elle s’est noué le drapeau autour du cou… »

Danse des tables. Voy. Tables tournantes.

Danse du sabbat. Pierre Delancre assure que les danses du sabbat rendent les hommes furieux et font avorter les femmes. Le diable, dit-on, apprenait différentes sortes de danses aux sorciers de Genève. Ces danses étaient fort rudes, puisqu’il se servait de verges et de bâtons comme ceux qui font danser les animaux. Il y avait dans ce pays une jeune femme à qui le diable avait donné une baguette de fer qui avait la vertu de faire danser les personnes qu’elle touchait. Elle se moquait des juges durant son procès, et leur protestait qu’ils ne pourraient la faire mourir ; mais elle déchanta[7].

 
Danse du sabbat
Danse du sabbat
 

Les démons[8] dansent avec les sorcières, en forme de bouc ou de tout autre animal. On danse généralement en rond au sabbat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y a trois branles : le premier se nomme le branle à la bohémienne ; le second s’exécute comme celui de nos artisans dans les campagnes, c’est-à-dire en sautant toujours le dos tourné ; dans le troisième branle, on se place tous en long, se tenant par les mains et avec certaine cadence, à peu près comme dans ce qu’on appelle aujourd’hui le galop. On exécute ces danses au son d’un petit tambourin, d’une flûte, d’un violon ou d’un autre instrument que l’on frappe avec un bâton. C’est la seule musique du sabbat. Cependant des sorciers ont assuré qu’il n’y avait pas de concerts au monde mieux exécutés…

Danse du soleil. C’est une croyance encore répandue dans beaucoup de villages que le soleil danse le jour de Pâques. Mais cette gracieuse tradition populaire n’est que de la poésie, comme les trois soleils qui se lèvent sur l’horizon le matin de la Trinité.

Dante, le plus grand poète de l’Italie, mort en 1321, a fait dans sa Divina Comedia une description prodigieuse, en trente-trois chants, de l’enfer et une autre du purgatoire. Mais il ne faut chercher là qu’une grande poésie. M. E. Aroux, dans son livre intitulé l’Hérésie du Dante, a voulu démontrer que Dante était attaché à l’hérésie vaudoise, qui entraîna tant d’imaginations au treizième siècle ; c’est douteux.

Daphnéphages, devins qui, avant de répondre aux questions qu’on leur faisait, mangeaient des feuilles de laurier, parce que, cet arbre étant consacré à Apollon, ils se croyaient de la sorte inspirés de ce dieu.

Daphnomancie, divination par le laurier. On en jetait une branche dans le feu ; si elle pétillait en brûlant, c’était un heureux présage ; mais si elle brûlait sans faire de bruit, le pronostic était fâcheux.

Dards magiques. Les Lapons, qui passaient autrefois pour de grands sorciers et qui le sont à présent bien peu, lançaient, dit-on, des dards de plomb longs d’un doigt contre leurs ennemis absents, et croyaient leur envoyer avec ces dards enchantés des maladies et des douleurs violentes. Voy. Tyre.

Daroudji. C’est le nom que les Persans donnent à la troisième classe de leurs mauvais génies. Darvands, mauvais génies en Perse, opposés aux amschaspands.

Darvands, mauvais génies en Perse, opposés aux amschaspands.

Daugis, auteur peu connu d’un livre contre les sorciers intitulé Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, où l’on en démontre la vérité et la réalité ; avec une méthode sûre et facile pour les discerner, et les règlements contre les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris, in-12, 1732.

Dauphin. On ne sait pas trop sur quoi est fondée cette vieille croyance populaire, que le dauphin est l’ami de l’homme. Les anciens le connaissaient si imparfaitement, qu’on l’a presque toujours représenté avec le dos courbé en arc, tandis qu’il a le dos plat comme les autres poissons, à moins que nous ne donnions le nom de dauphin à un poisson qui ne serait pas celui des anciens. Il y a des races perdues. On trouve dans Élien et dans d’autres naturalistes des enfants qui se promènent en mer à cheval sur des dauphins apprivoisés ; ce sont de ces merveilles qui ne sont plus faites pour nous. — On sait que le dauphin est le symbole de la rapidité : et c’est dans un sens emblématique, pour rappeler qu’il faut se hâter avec prudence, qu’on a peint le dauphin entortillé à une ancre ; car il est faux que par affection pour l’homme il la conduise au fond de la mer, comme le contaient nos pères[9].

Dauphiné, ancienne province de France qui, dès le quatorzième siècle, attaquée dans sa foi, ainsi que les Cévennes, par diverses bandes hérétiques, accueillit rapidement le calvinisme, et lors de la révocation de l’édit de Nantes, devint le théâtre de phénomènes extraordinaires où se glissa vite la magie. Il s’éleva là des écoles de prophètes, qui, dans des extases et des transports, disaient et faisaient des choses tout à fait excentriques. En nommé Serre ou Duserre était le gouverneur et le maître de l’école de prophétie. Quelques-uns de ses élèves se firent un nom, entre autres Gabriel Astier et une jeune fille (car il y avait prophètes et prophétesses) nommée Isabelle, connue sous le nom de la belle Isabeau. Des ministres protestants se mêlaient à cet ébranlement ; Jurieu lui-même prophétisa. Il fallut envoyer des troupes pour abattre cette tempête qui devenait menaçante. Isabeau, se convertit ; et la répression, que les réformés ont fort noircie, se fit avec modération[10]. On a appelé ces singuliers rebelles camisards, à cause de leur manière de se reconnaître dans leurs réunions secrètes : ils se mettaient une chemise par-dessus leurs habits.

David. Selon les Orientaux, ce prophète-roi se faisait obéir des poissons, des oiseaux et des pierres ; ils ajoutent que le fer qu’il tenait dans ses mains s’amollissait, et que les larmes qu’il versa pendant les quarante jours qu’il pleura son péché faisaient naître des plantes. Adam, disent les musulmans, avait donné soixante ans de la durée de sa vie pour prolonger celle de David, dont il prévoyait le règne glorieux.

David, prêtre apostat, mêlé à la possession de Louviers par ses relations avec Madeleine Bavent. Il eut une mort subite.

David Georges, vitrier de Gand, qui en 1525 se mit à courir les Pays-Bas, en disant qu’il était le Messie envoyé sur la terre pour remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de vide. On le signala comme un fou dangereux ; mais il changeait de nom pour se mettre à couvert des poursuites. Il ensorcelait les esprits, dit Delancre, tandis que les autres sorciers ensorcelaient les corps. Au bout de treize ans qu’il séjourna à Bâle, il mourut. Ses disciples furent étonnés de sa mort, car ils le croyaient immortel : cependant il leur avait prédit qu’il ressusciterait trois jours après son trépas. Ce qui n’eut pas lieu[11]; et ses restes furent brûlés en 1559.

David Jones. Les matelots anglais appellent de ce nom le mauvais génie qui préside à tous les esprits malfaisants de la mer. Il est dans tous les ouragans ; on l’a vu quelquefois d’une taille gigantesque, montrant trois rangs de dents aiguës dans sa bouche énorme, ouvrant de grands yeux effrayants et de larges narines, d’où sortaient des flammes bleues.

Deber. Des théologiens hébreux disent que Deber signifie le démon qui offense la nuit ; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense en plein midi.

Decarabia. Voy. Carabia.

Décius (Publius). Pendant la guerre des Romains contre les Latins, les consuls Publius Décius et Manlius Torquatus, campés près du Vésuve, eurent tous deux le même songe dans la même nuit : ils virent en dormant un homme d’une figure haute, qui leur dit que l’une des deux armées devait descendre chez les ombres, et que celle-là serait victorieuse dont le général se dévouerait aux puissances de la mort.

Le lendemain les consuls, s’étant raconté leur songe, firent un sacrifice pour s’assurer encore de la volonté des dieux, et les entrailles des victimes confirmèrent ce qu’ils avaient vu. Ils convinrent donc entre eux que le premier qui verrait plier ses bataillons s’immolerait au salut de la patrie.

Quand le combat fut engagé, Décius, qui vit fléchir l’aile qu’il commandait, se dévoua, et avec lui toute l’armée ennemie aux dieux infernaux, et se précipita dans les rangs des Latins, où il reçut la mort en assurant à Rome une victoire éclatante[12].

Si ce double songe des consuls et les présages des victimes publiés dans les deux armées n’étaient qu’un coup de politique, le dévouement de Décius était un acte de patriotisme bien grand, même chez les Romains.

Decremps escamoteur du dernier siècle, qui publia un Traité de la magie blanche.

Dedshail, le diable chez plusieurs tribus arabes.

Dée (Jean), savant fou, né à Londres en 1527. Il s’occupa de cabale, d’alchimie et d’astrologie. La reine Élisabeth le tira de sa misère et l’appela son philosophe. Il a laissé quelques écrits que Casaubon a publiés. Mort en 1607.

Déification. Vespasien, se voyant sur le point de mourir, dit à ses amis, par une assez fine raillerie de l’adulation des Romains, qui déifiaient leurs empereurs après la mort : « Je sens que je deviens dieu. »

Deiphobe, sibylle de Cumes. Voy. Sibylles.

Déisme. Le déisme n’est autre chose que la religion de la nature matérielle, mais en niant tout dans le surnaturel : cette triste et froide doctrine n’explique rien, ne produit rien, ne mène à rien.

Déjections. Le médecin de Haën, dans le dernier chapitre de son Traité de la magie, dit que si l’on voit sortir de quelques parties que ce soit du corps humain, sans lésion considérable, des choses qui naturellement ne peuvent y entrer, comme des couteaux, des morceaux de verre, du fer, de la poix, des touffes de crin, des os, des insectes, de grosses épingles tordues, des charbons, etc., on doit attribuer tout cela au démon et à la magie. Voy. Excréments.

Delancre (Pierre), démonographe renommé, né à Bordeaux dans le seizième siècle. Il fut chargé d’instruire le procès de quantités de vauriens accusés de sortilèges. Dans ces travaux il demeura convaincu de toutes les abominations du sabbat et des sorciers. Il mourut à Paris vers 1630. On a de lui deux ouvrages recherchés sur ces matières.

L’incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, où il est amplement et curieusement traité de la vérité ou illusion du sortilège, de la fascination, de l’attouchement, du scopélisme, de la divination, de la ligature ou liaison magique, des apparitions et d’une infinité d’autres rares et nouveaux sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en son conseil d’État. Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4o de près de 900 pages, assez rare, dédié au roi Louis XIII, divisé en dix traités.

Dans le premier traité, l’auteur prouve que tout ce qu’on dit des sorciers est véritable. Le second, intitulé de la Fascination, démontre que les sorcières ne fascinent, en ensorcelant, qu’au moyen du diable. Par le troisième traité, consacré à l’attouchement, on voit ce que peuvent faire les sorciers par le toucher, bien plus puissant que le regard. Le traité quatrième, où il s’agit du scopélisme, nous apprend que par cette science secrète on maléficie les gens en jetant simplement des pierres charmées dans leur jardin. Le magnétisme explique aujourd’hui la plupart de ces prodiges. Le traité suivant détaille toutes les divinations. Au sixième traité, on s’instruit de tout qui tient aux ligatures. Le septième roule sur les apparitions. L’auteur, qui ne doute peut-être pas assez, en rapporte beaucoup. Il tombe, dans le huitième traité, sur les juifs, les apostats et les athées. Dans le neuvième, il s’élève contre les hérétiques, dont l’apparition dans tous les temps a produit en effet des fanatismes plus ou moins absurdes ou abominables. Il se récrie, dans le dernier traité, contre l’incrédulité et mécréance des juges en fait de sorcellerie. Le tout est suivi d’un recueil d’arrêts notables contre les sorciers.

Tableau de Vinconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité de la sorcellerie et des sorciers ; livre très-curieux et très-utile, avec un discours contenant la procédure faite par les inquisiteurs d’Espagne et de Navarre à cinquante-trois magiciens, apostats, juifs et sorciers, en la ville de Logrogne, en Castille, le 9 novembre 1610 ; en laquelle on voit combien l’exercice de la justice en France est plus juridiquement traité et avec de plus belles formes qu’en tous autres empires, royaumes, républiques et États, par P. Delancre, conseiller du roi au parlement de Bordeaux ; Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4o d’environ 800 pages[13], très-recherché, surtout lorsqu’il est accompagné de l’estampe qui représente les cérémonies du sabbat.

Cet ouvrage est divisé en six livres ; le premier contient trois discours sur l’inconstance des démons, le grand nombre des sorciers et le penchant des femmes du pays de Labourd pour la sorcellerie. Le second livre traite du sabbat en cinq discours. Le troisième roule sur la même matière et sur les pactes des sorciers avec le diable, pareillement en cinq discours. Le quatrième livre, qui contient quatre discours, est consacré aux loups-garous ; le livre cinquième, en trois discours, aux superstitions et apparitions ; et le sixième, aux prêtres sorciers, en cinq discours.

Tout ce que ces ouvrages présentent de curieux tient sa place dans ce dictionnaire.

Delangle (Louis), médecin espagnol et grand astrologue. On raconte qu’il prédit au roi de France Charles VII la journée de Frémigny en 1450 ; il prédit aussi, selon quelques auteurs, l’emprisonnement du petit prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon l’année suivante. On l’accusa de superstition, quoiqu’il ne se dît qu’astrologue. Le roi le retint à quatre cents livres de pension et l’envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit plusieurs livres et traduisit d’espagnol en latin les Nativités, de Jean de Séville. On ajoute qu’il prévit le jour de sa mort. Il fit faire, dit-on, quinze jours d’avance son service, que l’on continua jusqu’à l’heure marquée où en effet il mourut[14].

Delphes (l’oracle de). Diodore de Sicile nous apprend l’origine des merveilles qu’on en a contées. Il arriva un jour que des chèvres s’étant approchées sur le Parnasse d’un trou d’où sortait une exhalaison forte, elles se mirent à danser. La nouveauté de la chose et l’ignorance où l’on était de la vertu naturelle de ces vapeurs firent croire qu’il y avait là-dessous du merveilleux, et que sans doute ce trou était la demeure de quelque dieu (ou démon), dont on ne devait pas négliger les inspirations. Il n’en fallut pas plus : on y bâtit un temple, on y institua un oracle, des prêtres, une pythie, des cérémonies. L’exhalaison qui montait à la tête de la prêtresse l’agitait violemment : c’était, comme le remarque Benjamin Binet, l’inspiration du dieu qui la saisissait. Elle parlait sans se faire comprendre : c’était le dieu qui combattait ses facultés. Elle revenait à elle-même et prononçait l’oracle : c’était le dieu qui, devenu le maître, parlait par son organe. La force de l’exhalaison était quelquefois si violente qu’elle faisait mourir la pythie. Plutarque en cite un exemple.

Delrio (Martin-Antoine), né à Anvers en 1551, savant jésuite, auteur d’un livre intitulé Recherches magiques[15], en six livres, où il est traité soigneusement des arts curieux et des vaines superstitions ; in-4o, Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre célèbre, qui eut dans son temps beaucoup de vogue, a été abrégé et traduit en français par André Duchesne, Paris, in-4o et in-8o, 2 vol., 1611, très-recherché. L’auteur se montre généralement plus éclairé que la plupart des écrivains de son siècle. Son ouvrage est divisé en six livrés ; le premier traite de la magie en général, naturelle et artificielle, et des prestiges ; le second, de la magie infernale ; le troisième, des maléfices ; le quatrième, des divinations et prédictions ; le cinquième, des devoirs du juge et de la manière de procéder en fait de sorcellerie ; le sixième, des devoirs du confesseur et des remèdes permis ou prohibés contre la sorcellerie. En général, ces disquisitions magiques sont un recueil de faits bizarres, mêlés de raisonnements et de citations savantes.

Déluge. Voy. Is[16].

Démence. Voy. Possession.

Démocrite, philosophe célèbre qui florissait en Grèce environ trois cents ans après la fondation de Rome. Les écrivains du quinzième et du seizième siècle l’ont accusé de magie ; quelques-uns lui ont même attribué un traité d’alchimie. Psellus prétend qu’il ne s’était crevé les yeux qu’après avoir soufflé tout son bien à la recherche de la pierre philosophale. La cécité de Démocrite a embarrassé bien des personnes. Tertullien dit qu’il se priva de la vue parce qu’elle était pour lui une occasion de mauvaises convoitises. Plutarque pense que c’était pour philosopher plus à son aise, et c’est le sentiment le plus répandu, quoiqu’il soit aussi dénué de fondement que les autres. Démocrite ne fut point aveugle, si l’on en croit Hippocrate, qui raconte qu’appelé par les Abdéritains pour guérir la folie prétendue de ce philosophe, il le trouva occupé à la lecture de certains livres et à la dissection de quelques animaux, ce qu’il n’eût point fait s’il eût été aveugle.

De jeunes Abdéritains, sachant que Démocrite s’était enfermé dans un sépulcre écarté de la ville pour philosopher, s’habillèrent un jour en démons avec de longues robes noires et des masques hideux ; puis ils l’allèrent trouver et se mirent à danser autour de lui ; Démocrite n’en parut pas effrayé ; il ne leva pas même les yeux de dessus son livre et continua d’écrire[17]. Il riait de tout, nous dit-on, mais son rire était moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquait. Croyons donc, avec Scaliger, qu’il était aveugle moralement, quod aliorum more oculis non uteretur.

On a dit qu’il entendait le chant des oiseaux, et qu’il s’était procuré cette faculté merveilleuse en mangeant un serpent engendré du sang mélangé de certains oisillons ; mais que n’a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu’il commerçait avec le diable, parce qu’il vivait solitaire.

Démogorgon, adoré en Arcadie, a laissé une curieuse histoire. Il était enfoui au milieu de la terre, alors inerte, et il s’y ennuyait, car il n’avait pour compagnon que le chaos. Il s’avisa donc de se faire une petite voiture en forme de sphère ; il la lança et se mit dessus. Comme elle tournait toujours circulairement, son excursion forma le ciel. Ayant rencontré le feu en chemin, il en fit le soleil, et pièce à pièce il construisit ce monde. Voilà un des dogmes des païens.

Démon barbu. Voy. Barbu.

Démoniaques. Voy. Possédés.

Démonocratie, gouvernement des démons, influence immédiate des esprits malfaisants, religion de quelques peuplades américaines, africaines, asiatiques, sibériennes, kamtschadales, etc., qui révèrent le diable avant tout, comme par exemple les Kurdes.

Démonographie, histoire et description de ce qui regarde les démons. On appelle démonographes les auteurs qui écrivent sur ce sujet, comme Boguet, Delancre, Leloyer, Wierus, etc.

Démonolâtrie, culte des démons. On a publié à Lyon vers 1819 un volume in-12 intitulé Superstitions et démonolâtrie des philosophes. Ce livre a été un peu bafoué, quoiqu’il contienne de très-bonnes choses et de sérieuses vérités. Il est certain que chez nous-mêmes, qui sommes si fiers de nos lumières et de nos progrès, le démon compte encore d’innombrables serviteurs. Qu’on lise les savantes pages de la Mystique divine, naturelle et diabolique de Görres, on y verra qu’aujourd’hui, au moment où ces lignes se lisent, il y a sur notre sol, dans les bas-fonds de la société, une foule de démonolâtres ou adorateurs du démon, qui lui rendent un culte ténébreux, qui se donnent et se livrent à lui et qui agissent en conséquence. C’est du reste la suite logique et constante de toutes les ères philosophiques.

Démonologie, discours et traités sur les démons. Pour la démonologie du roi Jacques, voy. ce nom. Voy. aussi Walter Scott.

Démonomancie, divination par le moyen des démons. Cette divination a lieu par les oracles qu’ils rendent ou par les réponses qu’ils font à ceux qui les évoquent.

Démonomanie, manie de ceux qui croient sans réserve à tout ce qu’on raconte sur les démons et les sorciers, comme Boguet, Leloyer, Delancre, Wierus, etc. Un ouvrage de Bodin porte le titre de Démonomanie des sorciers ; mais là ce mot signifie diablerie. Voy. Bobin.

Démons. Ce que nous savons d’exact sur les démons se borne à ce que nous en enseigne l’Église : que ce sont des anges tombés, qui, privés de la vue de Dieu depuis leur révolte, ne respirent plus que le mal et ne cherchent qu’à nuire. Ils ont commencé leur règne sinistre par la séduction de nos premiers pères ; ils continuent de lutter contre les anges fidèles qui nous protègent, et ils triomphent de nous quand nous ne leur résistons pas avec courage, oubliant de nous ap-

 
 
puyer sur la grâce de Dieu. On ne peut nier leur existence sans tomber dans l’absurde et dans l’inexplicable. Lock, Clarke, Leibniz, Newton, toutes les têtes solides ont compris l’impossibilité de cette négation.

Nous ne pouvons faire ici un traité dogmatique sur les démons. Nous devons nous borner à rapporter les opinions bizarres et singulières auxquelles ces êtres maudits ont donné de l’intérêt. Les païens admettaient trois sortes de démons, les bons, les mauvais et les neutres. Mais ils appelaient démon tout esprit. Nous entendons par démon un ange de ténèbres, un esprit mauvais. Presque toutes les traditions font remonter l’existence des démons plus loin que la création de l’homme. La chute des anges a eu lieu en effet auparavant. Parmi les Juifs, Aben-Esra prétend qu’on doit fixer cette chute au second jour de la création. Ménassé Ben-Israël, qui suit la même opinion, ajoute qu’après leur chute, Dieu les plaça dans les nuages et leur donna le pouvoir d’habiter l’air inférieur[18].

Origène et quelques philosophes soutiennent que les bons et les mauvais esprits sont beaucoup plus vieux que notre monde ; qu’il n’est pas probable que Dieu se soit avisé tout d’un coup, il y a seulement six ou sept mille ans[19], de tout créer pour la première fois ; que les anges et les démons étaient restés immortels après la ruine des mondes qui ont précédé le nôtre, etc. Manès, ceux qu’il a copiés et ceux qui ont adopté son système font le diable presque éternel et le regardent comme le principe du mal, ainsi que Dieu est le principe du bien. Quoique faux à l’excès, ce système a encore trop de partisans. Pour nous, nous devons nous en tenir sur les démons au sentiment de l’Église catholique. Dieu avait créé les chœurs des anges. Toute cette milice céleste était pure et non portée au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à l’orgueil ; ils osèrent se croire aussi grands que leur Créateur, et entraînèrent dans leur révolte une partie de l’armée des anges. Satan, le premier des séraphins et le plus grand de tous les êtres créés[20], s’était mis à la tête des rebelles. Il jouissait dans le ciel d’une gloire inaltérable et ne reconnaissait d’autre maître que L’Éternel. Une folle ambition causa sa pert ; il voulut régner sur la moitié du ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que celui du Créateur. L’archange Michel et les anges restés dans le devoir lui livrèrent combat. Satan fut vaincu et précipité avec tous ceux de son parti[21], loin du ciel, dans un lieu que nous nommons l’enfer ou l’abîme, et que plusieurs opinions placent au centre enflammé de notre globe. Mais les démons habitent aussi l’air, qu’ils remplissent. Nous le lisons dans saint Paul. Saint Prosper les place dans les brouillards. Swinden a voulu démontrer qu’ils logeaient dans le soleil ; d’autres les ont relégués dans la lune. Bornons-nous à savoir qu’ils sont dans les lieux inférieurs, et que Dieu leur permet de tenter les hommes et de les éprouver. Nous connaissons la dure et incontestable histoire du péché originel, réparé, dans ses effets éternels, par la rédemption. Depuis, le pouvoir des démons, resserré dans de plus étroites limites, se borne à un rôle vil et ténébreux qui a produit pourtant de lamentables faits.

On n’a aucune donnée du nombre des démons. Wierus, comme s’il les avait comptés, dit qu’ils se divisent en six mille six cent soixante-six légions, composées chacune de six mille six cents soixante-six anges noirs ; il en réduit ainsi le nombre à quarante-cinq millions, ou à peu près, mais il y en a bien davantage. Il leur donne soixante-douze princes, ducs, marquis ou comtes. Ils ont leur large part dans le mal qui se fait ici-bas, puisque les mauvaises inspirations viennent d’eux seuls.

 
Figure d’un démon
Figure d’un démon
Figure d’un démon.
 

Selon Michel Psellus, les démons se divisent en six grandes sections. Les premiers sont les démons du feu, qui en habitent les régions ; les seconds sont les démons de l’air, qui volent autour de nous et ont le pouvoir d’exciter les orages ; les troisièmes sont les démons de la terre, qui se mêlent avec les hommes et s’occupent de les tenter ; les quatrièmes sont les démons des eaux, qui habitent la mer et les rivières, pour y élever des tempêtes et causer des naufrages ; les cinquièmes sont les démons souterrains, qui préparent les tremblements de terre, soufflent les volcans, font écrouler les puits et tourmentent les mineurs ; les sixièmes sont les démons ténébreux, ainsi nommés parce qu’ils vivent loin du soleil et ne se montrent que peu sur la terre. On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé ces détails ; mais c’est dans ce système que les cabalistes ont imaginé les salamandres, qu’ils placent dans les régions du feu ; les sylphes qui remplissent l’air ; les oudins, ou nymphes, qui vivent dans l’eau, et les gnomes, qui sont logés dans l’intérieur de la terre.

Des doctes ont prétendu que les démons multiplient entre eux comme les hommes ; ainsi, leur nombre doit s’accroître, surtout si l’on considère la durée de leur vie, que quelques savants ont bien voulu supputer ; car il en est qui ne les font pas immortels. Hésiode leur donne une vie de six cent quatre-vingt mille quatre cents ans. Plutarque, qui ne conçoit pas bien qu’on ait pu faire l’expérience d’une si longue vie, la réduit à neuf raille sept cent vingt ans…

Ajoutons ici une remarque de Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme : « Les anciens s’étaient imaginé que, Dieu étant esprit, il fallait que les anges et les démons fussent des corps, à cause de la distance infinie qui éloigne le Créateur de la créature. » « Il est certain, dit Tertullien, que les anges n’ont pas eu une chair qui leur fût personnelle, étant spirituels de leur nature ; et s’ils ont un corps, il convient à leur nature. (Tert., De carne Christi, cap. 6.) » Saint Macaire l’ancien pousse encore la chose plus loin en ce passage : « Chacun est corps selon sa propre nature ; en ce sens, l’ange et l’âme et le démon sont corps. « (Mac., hom. 4.)

Plutarque compare la nature des démons à celle des hommes. Il les représente sujets aux mêmes besoins, aux mêmes infirmités, se nourrissant de la fumée, de la graisse et du sang des sacrifices…

Il y a bien des choses à dire sur les démons et sur les diverses opinions qu’on s’est faites d’eux. On trouvera généralement ces choses à leurs articles dans ce dictionnaire.

Les Moluquois s’imaginent que les démons s’introduisent dans leurs maisons par l’ouverture du toit et apportent un air infect qui donne la petite vérole. Pour prévenir ce malheur, ils placent à l’endroit où passent ces démons certaines petites statues de bois pour les épouvanter, comme nous hissons des hommes de paille sur nos cerisiers pour écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires sortent le soir ou la nuit, temps attristé par les excursions des esprits malfaisants, ils portent toujours sur eux comme sauvegarde un oignon ou une gousse d’ail, un couteau, quelques morceaux de bois ; et quand les mères mettent leurs enfants au lit, elles ne manquent pas de mettre l’un ou l’autre de ces préservatifs sous leur tête.

Les Chingulais pour empêcher que leurs fruits ne soient volés annoncent qu’ils les ont donnés aux démons. Dès lors, personne n’ose plus y toucher.

Les Siamois ne connaissent point d’autres démons que les âmes des méchants qui, sortant des enfers où elles étaient détenues, errent un certain temps dans ce monde et font aux hommes tout le mal qu’elles peuvent. De ce nombre sont encore les criminels exécutés, les enfants mort-nés, les femmes mortes en couches et ceux qui ont été tués en duel.

À ceux qui sont assez obtus pour nier les démons, nous citerons encore Bayle, qu’on n’accusera pas de crédulité excessive. Il reconnaît lui-même l’existence des démons et les faits que l’Église leur attribue avec fondements. « Il se trouve dans les régions de l’air, dit-il, des êtres pensants, qui étendent leur empire aussi bien que leurs connaissances sur notre monde. Et comme on ne peut nier l’existence sur la terre d’êtres méchants qui font le mal et s’en réjouissent, on serait ridicule si on osait nier qu’il y ait, outre ceux-là qui ont des corps, plusieurs autres qu’on ne voit pas et qui sont encore plus malins et plus habiles que l’homme[22]. »

Démons blancs. Voy. Femmes blanches.

Démons familiers, démons qui s’apprivoisent et se plaisent à vivre avec les hommes qu’ils aiment assez à obliger.

Un historien suisse rapporte qu’un baron de Regensberg s’était retiré dans une tour de son château de Bâle pour s’y adonner avec plus de soin à l’étude de l’Écriture sainte et aux belles-lettres. Le peuple était d’autant plus surpris du choix de cette retraite, que la tour était habitée par un démon. Jusqu’alors le démon n’en avait permis l’entrée à personne ; mais le baron était au-dessus d’une telle crainte. Au milieu de ses travaux, le démon lui apparaissait, dit-on, en habit séculier, s’asseyait à ses côtés, lui faisait des questions sur ses recherches et s’entretenait avec lui de divers objets, sans jamais lui faire aucun mal. L’historien crédule ajoute que, si le baron eût voulu exploiter méthodiquement ce démon, il en eût tiré beaucoup d’éclaircissements utiles. Voy. Bérith, Cardan, Esprits, Lutins, Farfadets, Kobold, Socrate, etc.

Démons de midi. On parlait beaucoup chez les anciens de certains démons qui se montraient particulièrement vers midi à ceux avec lesquels ils avaient contracté familiarité. Voy. Agathion. Ces démons visitent ceux à qui ils s’attachent, en forme d’hommes ou de bêtes, ou en se laissant enclore en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un anneau vide et creux au dedans. « Ils sont connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui s’en servent, et, à mon grand regret, je suis contraint de dire que l’usage n’en est que trop commun[23]. » Voy. Empuse.

Démons obsesseurs. Voy. Obsessions.

Démons possesseurs. Voy. Possessions.

Denis Anjorand, docteur de Paris, médecin et astrologue au quatorzième siècle. Ce fut lui qui prédit la venue du prince de Galles, et qui configura d’avance par astrologie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on n’en tint pas compte. Néanmoins, après que la chose fut advenue, il fut grandement estimé à la cour[24].

Denis le Chartreux, écrivain pieux du quinzième siècle, né dans le pays de Liège. Nous ne citerons que son ouvrage Des quatre dernières fins de l’homme, où il traite du purgatoire et de l’enfer. Voy. Enfer.

Denis de Vincennes, médecin de la faculté de Montpellier et grand astrologue. Appelé au service du duc Louis d’Anjou, il fut fort expert en ses jugements particuliers, entre lesquels il en fit un audit duc, qui était gouverneur du petit roi Charles VI, au moyen duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui était seulement à la connaissance d’un nommé Errart de Serreuze, homme vertueux, discret et sage. Il y avait dans ce trésor, que Denis de Vincennes découvrit par son art, dix-huit millions d’or. Aucuns (attendu que ce roi avait toujours eu la guerre) disent que Jean de Meung, auteur du roman de la Rose, lui avait amassé ce trésor par la vertu de la pierre philosophale[25].

Dents. Il y a aussi quelques histoires merveilleuses sur les dents ; et d’abord on a vu des enfants naître avec des dents ; Louis XIV en avait deux lorsqu’il vint au monde. Pyrrhus, roi des Épirotes, avait au lieu de dents un os continu en haut de la mâchoire et un os pareil en bas. Il y avait même en Perse une race d’hommes qui apportaient ces os-là en naissant[26]. La république des Gorgones devait être bien laide, comme dit M. Saignes, s’il est vrai que ces femmes n’avaient pour elles toutes qu’un œil et qu’une dent, qu’elles se prêtaient l’une à l’autre.

En 1691, le bruit courut en Silésie que les dents étant tombées à un enfant de sept ans, il lui en était venu une d’or. On prétendait qu’elle était en partie naturelle et en partie merveilleuse, et qu’elle avait été envoyée du ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs, quoiqu’il n’y eût pas grand rapport entre cette dent et les Turcs, et qu’on ne voie pas quelle consolation les chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle occupa plusieurs savants ; elle éleva plus d’une dispute entre les grands hommes du temps, jusqu’à ce qu’un orfèvre ayant examiné la dent, il se trouva que c’était une dent ordinaire à laquelle on avait appliqué une feuille d’or avec beaucoup d’adresse : mais on commença par disputer et faire des livres, puis on consulta l’orfévre.

On voit dans les Admirables secrets d’Albert le Grand qu’on calme le mal de dents en demandant l’aumône en l’honneur de saint Laurent. G est une superstition. — Les racines d’asperges sont, dit-on, un très-bon spécifique : séchées et appliquées sur les dents malades, elles les arrachent sans douleur. Nous ne l’avons pas éprouvé.

Dérodon (David), dialecticien du dix-septième siècle. On conte qu’un professeur, pressé par un argumentateur inconnu, lui dit, sur le point de se rendre : « Tu es le diable, ou tu es Dérodon. » Ce savant a laissé un Discours contre l’astrologie judiciaire, in-8o, 1663.

Dersail ou Detsail, sorcier du pays de Labourd, qui portait le bassin au sabbat, vers l’an 1610. Plusieurs sorcières ont avoué l’y avoir vu recevant les offrandes à la messe du sabbat ; elles ont assuré de plus qu’il employait cet argent pour les affaires des sorciers et pour les siennes[27].

Desbarolles (M. Adolphe), auteur d’un livre intitulé les Mystères de la main, chiromancie nouvelle, assez fantastique. Un vol. in-12 de 624 pages.

Desbordes, valet de chambre du duc de Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en 1628, d’avoir avancé la mort de la princesse Christine, mère du duc, et causé diverses maladies que les médecins attribuaient à des maléfices. Charles IV avait conçu de violents soupçons contre Desbordes, depuis une partie de chasse où il avait servi un grand dîner au duc, sans autres préparatifs qu’une petite boîte à trois étages, dans laquelle se trouvait un repas exquis. C’était peut-être un autoclave. Dans une autre occasion, il s’était permis de ranimer trois pendus (car il faisait toujours tout par trois) qui, depuis trois jours, étaient attachés à trois gibets ; et il leur avait ordonné de rendre hommage au duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs potences. On vérifia encore qu’il avait ordonné aux personnages d’une tapisserie de s’en détacher et de venir danser dans le salon… Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut qu’on informât contre Desbordes. On lui fit son procès et il fut condamné au feu[28] ; mais soyez assuré qu’il y avait à la charge de cet homme autre chose que des tours-de gibecière et des tours de passe-passe.

Descartes (René), l’un des hommes célèbres du dix-septième siècle. Il fut persécuté en Hollande lorsqu’il publia pour la première fois ses opinions. Voët (Voetius), qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht, l’accusa d’athéisme ; il conçut même le dessein de provoquer sa condamnation, sans lui permettre de se défendre, et, avec la mansuétude protestante, de le faire brûler à Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la flamme serait aperçue de toutes les Provinces-Unies[29]…, pays assez plat pour une telle tentative. — À côté de ces fureurs peu chrétiennes, comparez l’Église romaine, qui s’est contentée de signaler les quelques erreurs de Descartes parce qu’elles sont dangereuses, et que ce danger est reconnu bien réel, puisque les philosophes séparés s’en appuient.

Déserts. C’est surtout dans les lieux déserts et abandonnés que les sorciers font leur sabbat et les démons leurs orgies. C’est dans de tels lieux que le diable se montre à ceux qu’il veut acheter ou servir. C’est là aussi qu’on a peur et qu’on voit des fantômes. Voy. Carrefours.

Desfontaines. En 1695, un certain M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valognes), étant alors écolier de quinze ans, fit la connaissance des enfants d’un procureur nommé d’Abaquène, écoliers comme lui. L’aîné était de son âge ; le cadet, un peu plus jeune, s’appelait Desfontaines ; c’était celui des deux frères que Bézuel aimait davantage. Se promenant tous deux, en 1696, ils s’entretenaient d’une lecture qu’ils avaient faite de l’histoire de deux amis, lesquels s’étaient promis que celui qui mourrait le premier viendrait dire des nouvelles de son état au survivant. Le mort revint, disait-on, et conta à son ami des choses surprenantes. Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de se faire mutuellement une pareille promesse. Bézuel ne le voulut pas d’abord ; mais quelques mois après il y consentit, au moment où son ami allait partir pour Caen. Desfontaines tira de sa poche deux petits papiers qu’il tenait tout prêts, l’un signé de son sang, où il promettait, en cas de mort, de venir voir Bézuel ; l’autre, où la même promesse était écrite, fut signée par Bézuel. Desfontaines partit ensuite avec son frère, et les deux amis entretinrent correspondance.

 
Desbordes
Desbordes
Desbordes.
 

Il y avait six semaines que Bézuel n’avait reçu de lettres lorsque, le 31 juillet 1697, se trouvant dans une prairie, à deux heures après midi, il se sentit tout d’un coup étourdi et pris d’une faiblesse, laquelle néanmoins se dissipa ; le lendemain, à pareille heure, il éprouva le même symptôme ; le surlendemain il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui lui faisait signe de venir à lui… Comme il était assis, il se recula sur son siège. Les assistants remarquèrent ce mouvement. Desfontaines n’avançant pas, Bézuel se leva enfin pour aller à sa rencontre ; le spectre s’approcha, le prit par le bras gauche et le conduisit à trente pas de là dans un lieu écarté. — « Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mourais avant vous je viendrais vous le dire : je me suis noyé avant-hier dans la rivière, à Caen, vers cette heure-ci. J’étais à la promenade ; il faisait si chaud qu’il nous prit envie de nous baigner. Il me vint une faiblesse dans l’eau et je coulai. L’abbé de Ménil-Jean, mon camarade, plongea ; je saisis son pied ; mais, soie qu’il crût que c’était un saumon, soit qu’il voulût promptement remonter sur l’eau, il secoua si rudement le jarret qu’il me donna un grand coup dans la poitrine et me jeta au fond de la rivière, qui est là très-profonde. » Desfontaines raconta ensuite à son ami beaucoup d’autres choses. Bézuel voulut l’embrasser, mais il ne trouva qu’une ombre. Cependant son bras était si fortement tenu qu’il en conserva une douleur. Il voyait continuellement le fantôme, un peu plus grand que de son vivant, à demi nu, portant entortillé dans ses cheveux blonds un écriteau où il ne pouvait lire que le mot in… Il avait le même son de voix ; il ne paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillité parfaite. Il pria son ami survivant, quand son frère serait revenu, de le charger de dire certaines choses à son père et à sa mère ; il lui demanda de réciter pour lui les sept psaumes qu’il avait eus en pénitence le dimanche précédent et qu’il n’avait pas encore récités ; ensuite il s’éloigna en disant : jusqu’au revoir, qui était le terme ordinaire dont il se servait quand il quittait ses camarades. Cette apparition se renouvela plusieurs fois. Quelques-uns l’expliqueront par les pressentiments, la sympathie, etc. L’abbé Bézuel en raconta les détails dans un dîner, en 1708, devant l’abbé de Saint-Pierre, qui en fait une longue mention dans le tome IV de ses œuvres politiques.

Desforges (Pierre-Jean-Baptiste Choudard), né à Paris en 1746, auteur plus que frivole. Dans les Mille et un souvenirs, ou Veillées conjugales, livre immoral qu’on lui attribue, il raconte plusieurs histoires de spectres qui ont été reproduites par divers recueils.

Deshoulières. Madame Deshoulières étant allée passer quelques mois dans une terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit de choisir la plus belle chambre du château ; mais on lui en interdisait une qu’un revenant visitait toutes les nuits. Depuis longtemps madame Deshoulières désirait voir des revenants ; et, malgré les représentations qu’on lui fit, elle se logea précisément dans la chambre infestée. La nuit venue, elle se mit au lit, prit un livre selon sa coutume ; et, sa lecture finie, elle éteignit sa lumière et s’endormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ; on l’ouvrit, quelqu’un entra qui marchait assez fort. Elle parla d’un ton très-décidé ; car elle n’avait pas peur. On ne lui répondit point. L’esprit fit tomber un vieux paravent et lira les rideaux avec bruit. Elle harangua encore l’âme, qui, s’avançant toujours lentement et sans mot dire, passa dans la ruelle du lit, renversa le guéridon et s’appuya sur la couverture. Ce fut là que madame Deshoulières fit paraître toute sa fermeté. — « Ah ! dit-elle, je saurai qui vous êtes !… » Alors, étendant ses deux mains vers l’endroit où elle entendait le spectre, elle saisit deux oreilles velues qu’elle eut la constance de tenir jusqu’au matin. Aussitôt qu’il fut jour, les gens du château vinrent voir si elle n’était pas morte. Il se trouva que le prétendu revenant était un gros chien, qui trouvait plus commode de coucher dans cette chambre déserte que dans la basse-cour.

Despilliers. Le comte Despilliers le père, qui mourut avec le grade de maréchal de camp de l’empereur Charles VI, n’était encore que capitaine de cuirassiers lorsque, se trouvant en quartier d’hiver en Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le prier de le changer de logement, disant que toutes les nuits il revenait dans sa chambre un esprit qui ne le laissait pas dormir. Despilliers se moqua de sa simplicité et le renvoya. Mais le militaire revint au bout de quelques jours et répéta la même prière ; il fut encore moqué. Enfin il revint une troisième fois et assura à son capitaine qu’il serait obligé de déserter si on ne le changeait pas de logis. Despilliers, qui connaissait cet homme pour bon soldat, lui dit en jurant : — « Je veux aller cette nuit coucher avec toi et voir ce qui en est. » Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier. Ayant mis ses pistolets armés sur la table, il se couche tout vêtu, son épée à côté de lui. Vers minuit il entend quelqu’un qui entre dans la chambre, qui, en un instant, met le lit sens dessus dessous, et enferme le capitaine et le soldat sous le matelas et la paillasse. Après s’être dégagé de son mieux, le comte Despilliers, qui était cependant très-brave, s’en retourna tout confus et fit déloger le cavalier. Il raconta depuis son aventure, pensant bien qu’il avait eu affaire avec quelque démon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le lutin n’était qu’un grand singe.

Desrues, empoisonneur, rompu et brûlé à Paris en 1777, à l’âge de trente-deux ans. Il avait été exécuté depuis quinze jours lorsque tout à coup le bruit se répandit qu’il revenait toutes les nuits sur la place de Grève. On voyait un homme en robe de chambre, tenant un crucifix à la main, se promenant lentement autour de l’espace qu’avaient occupé son échafaud et son bûcher, et s’écriant d’une voix lugubre : — « Je viens chercher ma chair et mes os. » Quelques nuits se passèrent ainsi, sans que personne osât s’approcher assez pour savoir quel pouvait être l’auteur de cette farce un peu sombre. Plusieurs soldats de patrouille et de garde en avaient été épouvantés. Mais enfin la terreur cessa : un intrépide eut le courage de s’avancer sur la place ; il empoigna le spectre et le conduisit au corps de garde, où l’on reconnut que ce revenant était le frère de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui était devenu fou de désespoir.

Destinée. Voy. Fatalisme.

Desvignes, Parisienne qui avait, au commencement du dix-septième siècle, des attaques de nerfs dont elle voulut tirer parti pour se faire une ressource. Les uns la disaient sorcière ou possédée, les autres la croyaient prophétesse. Le père Lebrun, qui parle d’elle dans son Histoire des superstitions, reconnut, comme les médecins, qu’il y avait dans son fait une grande fourberie. Le bruit qu’elle avait fait tomba subitement.

Detsail. Voy. Dersail.

Deuil. Les premiers poètes disaient que les âmes, après la mort, allaient dans le sombre empire ; c’est peut-être conformément à ces idées, dit Saint-Foix, qu’ils crurent que le noir était la couleur du deuil. Les Chinois et les Siamois choisissent le blanc, croyant que les morts deviennent des génies bienfaisants. En Turquie, on porte le deuil en bleu ou en violet ; en gris chez les Éthiopiens ; on le portait en gris de souris au Pérou quand les Espagnols y entrèrent. Le blanc, chez les Japonais, est la marque du deuil, et le noir est celle de la joie. En Castille, les vêtements de deuil étaient autrefois de serge blanche. Les Perses s’habillaient de brun et se rasaient avec toute leur famille et tous leurs animaux. Dans la Lycie, les hommes portaient des habits de femme pendant tout le temps du deuil. Chez nous, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, changea en noir le deuil, qui jusquelà avait été porté en blanc à la cour. À Argos on s’habillait de blanc et on faisait de grands festins. À Délos on se coupait les cheveux, qu’on mettait sur la sépulture du mort. Les Égyptiens se meurtrissaient la poitrine et se couvraient le visage de boue. Ils portaient des vêtements jaunes ou feuille-morte. Chez les Romains, les femmes étaient obligées de pleurer la mort de leurs maris, et les enfants celle de leur père, pendant une année entière. Les maris ne pouvaient pleurer leurs femmes ; et les pères n’avaient droit de pleurer leurs enfants que s’ils avaient au moins trois ans. Le grand deuil des Juifs dure un an ; il a lieu à la mort des parents. Les enfants ne s’habillent pas de noir ; mais ils sont obligés de porter toute l’année les habits qu’ils avaient à la mort de leur père, sans qu’il leur soit permis d’en changer, quelque déchirés qu’ils soient. Ils jeûnent tous les ans à pareil jour. Le deuil moyen dure un mois ; il a lieu à la mort des enfants, des oncles et des tantes. Ils n’osent, pendant ce temps, ni se laver, ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même se couper les ongles ; ils ne mangent point en famille. Le petit deuil dure une semaine : il a lieu à la mort du mari ou de la femme. En rentrant des funérailles, l’époux en deuil se lave les mains, déchausse ses souliers et s’assied à terre, se tenant toujours en cette posture, et ne faisant que gémir et pleurer, sans travailler à quoi que ce soit jusqu’au septième jour. Ces usages n’ont lieu que chez les Juifs pur sang. Les Chinois en deuil s’habillent de grosse toile blanche, coupent leur queue et pleurent pendant trois mois. Le magistrat n’exerce pas ses fonctions ; le plaideur suspend ses procès. Les jeunes gens vivent dans la retraite, ne peuvent se marier qu’après trois années et n’écrivent qu’à l’encre bleue pendant un an. Le deuil des Caraïbes consiste à se couper les cheveux et à jeûner rigoureusement jusqu’à ce que le corps du défunt qu’ils pleurent soit pourri ; après quoi ils font la débauche pour chasser toute tristesse de leur esprit. Chez certains peuples de l’Amérique, le deuil était conforme à l’âge du mort. On était inconsolable à la mort des enfants et on ne pleurait presque pas les vieillards. Le deuil des enfants, outre sa durée, était commun, et ils étaient regrettés de tout le canton où ils étaient nés. Le jour de leur mort, on n’osait pas approcher des parents, qui faisaient un bruit effroyable dans leur maison, se livraient à des accès de fureur, hurlaient comme des désespérés, s’arrachaient les cheveux, se mordaient, s’égratignaient tout le corps. Le lendemain ils se renversaient sur un lit qu’ils trempaient de leurs larmes. Le troisième jour ils commençaient les gémissements qui duraient toute l’année, pendant laquelle le père et la mère ne se lavaient jamais. Le reste de la ville, pour compatir à leur affliction, pleurait trois fois le jour, jusqu’à ce qu’on eût porté le corps à la sépulture[30]. Voy. Funérailles.

Deumus ou Deumo, divinité des habitants de Calicut, au Malabar. Cette divinité, qui n’est qu’un diable adoré sous le nom de Deumus, a une couronne, quatre cornes à la tête et quatre dents crochues à la bouche, qui est fort grande ; elle a le nez pointu et crochu, les pieds en pattes de coq, et tient entre ses griffes une âme qu’elle semble prête à dévorer[31].

Dévadi, pénitent hindou de noble race, qui avait reçu de ses dieux le privilège de rajeunir les vieillards.

Devaux, sorcier du seizième siècle, à qui Ton trouva une marque sur le dos, de la forme d’un chien noir. Lorsqu’on lui enfonçait une épingle dedans, il n’en éprouvait aucune douleur ; mais lorsqu’on se disposait à y planter l’aiguille, il se plaignait beaucoup, quoiqu’il ne vît pas celui qui portait les doigts au-dessus de la marque[32].

Devendiren. Voy. Courtisanes.

 
Deumus
Deumus
Deumus.
 

Devins, gens qui devinent et prédisent les choses futures. Dans un siècle aussi éclairé que le nôtre prétend l’être, il est encore des personnes qui croient aux devins ; souvent même ces personnes si crédules ont reçu une éducation qui devrait les élever au-dessus de ces préjugés vulgaires. Un plat d’argent ayant été dérobé dans la maison d’un grand seigneur, celui qui avait la charge de la vaisselle s’en alla avec un de ses compagnons trouver une vieille qui gagnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir découvert le voleur et recouvré le plat, ils arrivèrent de bon matin à la maison de la devineresse, qui, remarquant en ouvrant sa porte qu’on l’avait salie de boue et d’ordure, s’écria tout en colère : — « Si je connaissais le gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la nuit, je lui rejetterais tout au nez. » Celui qui la venait consulter regardant son compagnon : — « Pourquoi, lui dit-il, allons-nous perdre de l’argent ? cette vieille nous pourra-t-elle dire qui nous a volés, quand elle ne sait pas les choses qui la touchent[33]? »

Un passage des Confessions de saint Augustin (liv. IV, chap. ii) nous donne une idée de ce que faisaient les devins de son temps. — « J’ai un souvenir bien distinct, dit-il, quoiqu’il y ait longtemps que la chose soit arrivée, qu’ayant eu dessein de disputer un prix de poésie qui se donnait publiquement à celui qui avait le mieux réussi, un certain homme qui faisait le métier de devin voulut traiter avec moi pour me faire remporter le prix. Saisi d’horreur pour les sacrifices abominables que les gens de cette profession offraient aux démons, je le renvoyai au plus loin et lui fis dire que, quand la couronne dont il s’agissait ne se devrait jamais flétrir, quand même ce serait une couronne d’or, je ne consentirais jamais que, pour me la procurer, il en coûtât la vie à une mouche. »

 
Devin
Devin
Devin.
 

Aujourd’hui, chez nous, dans beaucoup de départements encore, les jeunes villageois que le recrutement militaire menace dans la plus sainte des libertés vont trouver les devins pour obtenir un heureux numéro au tirage. L’Irlande a toujours des devineresses. Elles font la médecine, et disent surtout la bonne aventure ; elles tordent pour cela un écheveau mystique qu’il faut descendre dans la carrière à chaux, au bord de laquelle la curieuse demande : « Qui tient ? » Elle attend la réponse avec grande inquiétude. La devineresse explique si c’est un prétendant ou un démon. Ces femmes connaissent le lieu où quatre sources se réunissent. C’est là qu’à une époque mystérieuse de l’année elles trempent la chemise qui doit ensuite être déployée devant le feu, à minuit, au nom de Belzébuth, pour être retournée avant le matin par l’image de l’époux destiné à celle qui consulte cette voix du sort. Elles font tenir le peigne de la main gauche à une jeune fille qui porte en même temps de la droite une pomme à sa bouche, pour voir son futur adjuré dans une glace. On ôte pendant cette opération tout instrument de fer de la maison ; car sans cela, au lieu d’un beau jeune homme avec une bague au doigt, la curieuse verrait un corps sans tête venir à elle armé d’une broche ou d’un fourgon.

Voy. Cartomancie, Main, Prédictions, et cent autres moyens de deviner.

Dévouement, mouvement de ceux qui se dévouent ou sort de ceux qu’on dévoue. Les histoires grecque et romaine fournissent beaucoup de traits de dévouement. Nous ne rappellerons pas ici le dévouement de Décius (Voy. ce mot), ni celui de Codrus, ni tant d’autres. Il y avait aussi des villes où l’on donnait des malédictions à un homme pour lui faire porter tous les maux publics que le peuple avait mérités. Valère-Maxime rapporte l’exemple d’un chevalier romain, nommé Curtius, qui voulut attirer sur lui-même tous les malheurs dont Rome était menacée. La terre s’était épouvantablement entrouverte au milieu du marché ; on crut qu’elle ne reprendrait son premier état que lorsqu’on verrait quelque action de dévouement extraordinaire. Le jeune chevalier monte à cheval, fait le tour de la ville à toute bride, et se jette dans le précipice que l’ouverture de la terre avait produit, et qu’on vit se refermer ensuite presque en un moment. On lit dans Servius, sur Virgile, qu’à Marseille, avant le christianisme, dès qu’on apercevait quelque commencement de peste, on nourrissait un pauvre homme des meilleurs aliments ; on le faisait promener par toute la ville en le chargeant hautement de malédictions, et on le chassait ensuite, afin que la peste et tous les maux sortissent avec lui[34]. Les Juifs dévouaient un bouc pour la rémission de leurs péchés. Voy. Azazel.

Voici des traits plus modernes : un inquisiteur, en Lorraine, ayant visité un village devenu presque désert par une mortalité, apprit qu’on attribuait ce fléau à une femme ensevelie, qui avalait peu à peu le drap mortuaire dont elle était enveloppée. On lui dit encore que le fléau de la mortalité cesserait lorsque la morte, qui avait dévoué le village, aurait avalé tout son drap. L’inquisiteur, ayant rassemblé le conseil, fit creuser la tombe. On trouva que le suaire était déjà avalé et digéré. À ce spectacle, un archer tira son sabre, coupa la tête au cadavre, le jeta hors de la tombe et la peste cessa. Après une enquête exacte, on découvrit que cette femme avait été adonnée à la magie et aux sortilèges[35]. Au reste, cette anecdote convient au vampirisme. Voy. Envoûtement et Vampires.

Dia. Les anciens peuples de la Sibérie adoraient une divinité appelée Dia, qu’ils croyaient triple et une. Ses images la représentaient avec trois têtes et six bras. Elle tenait un sceptre, un miroir et un cœur enflammé.

Diable. C’est le nom général que nous donnons à toute espèce de démons. Il vient d’un mot grec qui désigne Satan, précipité du ciel. Mais on dit le diable lorsqu’on parle d’un esprit malin, sans le distinguer particulièrement. On dit le diable pour nommer spécialement l’ennemi des hommes.

On a fait mille contes sur le diable. Citons-en un.

Un chartreux étant en prières dans sa chambre sent tout à coup une faim non accoutumée, et aussitôt il voit entrer une femme, laquelle n’était qu’un diable. Elle s’approche de la cheminée, allume le feu et, trouvant des pois qu’on avait donnés au religieux pour son dîner, les fricasse, les met dans l’écuelle et disparaît. Le chartreux continue ses prières, puis il demande au supérieur s’il peut manger les pois que le diable a préparés. Celui-ci répond qu’il ne faut jeter aucune chose créée de Dieu, pourvu qu’on la reçoive avec actions de grâces. Le religieux mangea les pois, et assura qu’il n’avait jamais rien mangé qui fut mieux préparé.

Nous ne dirons rien de ce petit trait, qui est rapporté sans doute en manière de rire par le cardinal Jacques de Vitry. Mais voici d’autres histoires qui font voir qu’on a pris quelquefois pour le diable des gens qui n’étaient pas de l’autre monde. Un marchand breton s’embarqua pour le commerce des Indes, et laissa à sa femme le soin de sa maison. Cette femme était sage ; le mari ne craignit pas de prolonger le cours de son voyage et d’être absent plusieurs années. Or, un jour de carnaval, la dame, voulant pourtant s’égayer un peu, donna à ses parents et à ses amis une petite fête qui devait être suivie d’une collation. Lorsqu’on se mit au jeu, un masque habillé en procureur, ayant des sacs de procès à la main, entra et proposa à la dame de jouer quelques pistoles avec elle ; elle accepta le défi et gagna ; le masque présenta encore plusieurs pièces d’or qu’il perdit sans dire mot. Quelques personnes ayant voulu jouer contre lui perdirent ; il ne se laissait gagner que lorsque la dame jouait. On lit d’injurieux soupçons sur la cause qui l’engageait à perdre. — Je suis le démon des richesses, dit alors le masque en sortant de ses poches plusieurs bourses pleines de louis. Je joue tout cela, madame, contre tout ce que vous avez gagné. La dame trembla à cette proposition et refusa le défi en femme prudente. Le masque lui offrit cet or sans le jouer ; mais elle ne voulut pas l’accepter. Cette aventure commençait à devenir extraordinaire. Une dame âgée, qui se trouvait présente, vint à s’imaginer que ce masque pouvait bien être le diable. Cette idée se communiqua à l’assemblée, et comme on disait à demi-voix ce qu’on pensait, le masque, qui l’entendit, se mit à parler plusieurs langues pour les confirmer dans cette opinion ; puis il s’écria tout à coup qu’il était venu de l’autre monde pour venir prendre une dame qui s’était donnée à lui, et qu’il ne quitterait point la place qu’il ne se fut emparé d’elle, quelque obstacle qu’on voulût y apporter… Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse du logis. Les gens crédules étaient saisis de frayeur, les autres à demi épouvantés ; la dame de la maison se mit à rire. Enfin le faux diable leva son masque, et se fit reconnaître pour le mari. Sa femme jeta un cri de joie en le reconnaissant. — J’apporte avec moi l’opulence, dit-il. Puis se tournant vers les joueurs : Vous êtes des dupes, ajouta-t-il ; apprenez à jouer. Il leur rendit leur argent, et la fête devint plus vive et plus complète.

Un vieux négociant des États-Unis, retiré du commerce, vivait paisiblement de quelques rentes acquises par le travail. Il sortit un soir pour toucher douze cents dollars qui lui étaient dus. Son débiteur, n’ayant pas davantage pour le moment, ne lui paya que la moitié de la somme.

 
 
En rentrant chez lui, il se mit à compter ce qu’il venait de recevoir. Mais, pendant qu’il s’occupait de ce soin, il entend quelque bruit, lève les yeux, et voit descendre de sa cheminée dans sa chambre le diable en personne. Il était en costume : tout son corps, couvert de poils rudes et noirs, avait six pieds de haut. De grandes cornes surmontaient son front, accompagnées d’oreilles pendantes ; il avait des pieds fourchus, des griffes au lieu de mains, une queue, un museau comme on n’en voit point, et des yeux comme on n’en voit guère.

À la vue de ce personnage, le vieux marchand eut le frisson. Le diable s’approcha et lui dit : — Mes affaires vont mal, je suis le diable ; il faut que tu me donnes sur l’heure douze cents dollars, si tu ne veux pas que je t’emporte en enfer. — Hélas ! répondit le négociant, je n’ai pas ce que vous me demandez…… — Tu mens, interrompit brusquement le diable ; je sais que tu viens de les recevoir à l’instant. — Dites que je devais les recevoir ; mais on ne m’en a pu donner que six cents. Si vous voulez me laisser jusqu’à demain, je promets de vous compter la somme…

Eh bien, ajouta le diable en prenant les six cents dollars, après un moment de réflexion, j’y consens ; mais que demain, à dix heures du soir, je trouve ici les six cents autres, ou je t’entraîne sans miséricorde. Surtout que personne, si tu tiens à la vie, ne soit instruit de notre entrevue. — Après avoir dit ces mots, le diable sortit par la porte. — Le lendemain matin, le négociant, qui était un méthodiste calme, alla trouver un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents dollars. Son ami lui demanda s’il en était bien pressé. — Oh ! oui, très-pressé ; il me les faut avant la nuit. Il y va de ma parole et peut-être d’autre chose. — Mais n’avez-vous pas reçu hier une somme ? — J’en ai disposé. — Cependant je ne vous connais aucune affaire qui nécessite absolument de l’argent. — Je vous dis qu’il y va de ma vie. Le vieil ami, étonné, demande l’éclaircissement d’un pareil mystère. On lui répond que le secret ne peut se trahir. — Considérez, dit-il au négociant effaré, que personne ne nous écoute ; dites-moi votre affaire : je vous prêterai les six cents dollars. — Sachez donc que le diable est venu me voir ; qu’il faut que je lui donne douze cents dollars ; que je n’ai pu hier lui en remettre que six cents, et qu’il me faut les six cents autres. — L’ami ne répliqua plus ; il savait l’imagination de ce pauvre ami facile à effrayer. Il tira de son coffre la somme qu’on lui demandait, et la prêta de bonne grâce ; mais à huit heures du soir il se rendit chez le vieux marchand. — Je viens vous faire société, lui dit-il, et attendre avec vous le diable que je ne serais pas fâché de voir. Le négociant répondit que c’était impossible, ou qu’ils s’exposeraient à être emportés tous les deux. Après des débats, il permit que son ami attendît l’événement dans un cabinet voisin. À dix heures précises, un bruit se fit entendre dans la cheminée, le diable paraît dans son costume de la veille. Le vieillard se met en tremblant à compter les écus. En même temps, l’homme du cabinet entra. — Es-tu bien le diable ? dit-il à celui qui demandait de l’argent… — Puis, voyant qu’il ne se pressait pas de répondre, et que son ami frissonnait, grelottait et tremblotait, il tira de sa poche deux longs pistolets, et, les présentant à la gorge du diable, il s’écria : — Je veux savoir si tu es à l’épreuve du feu…… Le diable recula, cherchant à gagner la porte. — Fais-toi bien vite connaître ou tu es mort… — Le démon se hâta de se démasquer et de mettre bas son costume infernal. On trouva sous ce déguisement un voisin du bon marchand, qui faisait quelquefois des dupes et qu’on n’avait pas encore soupçonné. Il fut jugé comme escroc, et le négociant apprit par là que le diable n’est pas le seul qui soit disposé à nous nuire.

Voici une autre aventure où la coquinerie a voulu se cacher sous le masque du diable. Elle a eu lieu il n’y a que quelques années. Toute la ville de Brunn était en émoi ; les rues étaient encombrées. Les jeunes gens riaient ; les vieillards et les femmes pleuraient, se signaient et appelaient à leur aide tous les saints. Cinq gendarmes conduisaient à la prison le diable même. Tête surmontée de deux cornes, et flanquée d’oreilles de bouc, corps velu, à jambes de cheval, à pieds fourchus, et ce Lucifer penaud se laissait conduire à la geôle. Voici dans quelles circonstances. Au village de Dernou, une paysanne, Marie Hert, venait d’accoucher ; pendant qu’elle se trouvait seule dans sa chambre, elle entendit un bruit semblable à un cliquetis de chaînes, puis à l’instant même s’approcha de son lit le diable que nous venons de décrire, et qui lui dit : « Donnez-moi votre enfant nouveau-né ou les cent florins que vous avez en pièces neuves de vingt-quatre kreulzers ! » La pauvre femme intimidée indiqua au diable l’endroit où se trouvait cette somme ; le diable s’en empara et disparut.

Le jour venu, Marie Hert fit appeler son curé, et lui raconta ce qui lui était arrivé ; elle ajouta que les cent florins que le diable lui avait enlevés, elle les avait économisés sou par sou. Le bon curé lui demanda si elle n’avait dit à personne qu’elle possédât les cent florins ; elle lui répondit qu’elle n’avait confié ce secret qu’à sa sage-femme. « Alors, dit le curé, il y a peut-être un moyen d’arracher au diable votre argent. Voici ce que vous devez faire : racontez votre aventure de la nuit à votre sage-femme, et dites-lui qu’il est fort heureux que le diable ignorât que vous eussiez encore cinquante florins en bonne monnaie blanche, car autrement il vous aurait forcé à les lui livrer aussi. Si le diable revient chez vous, ne craignez rien ; je placerai dans le voisinage de votre maison un exorciste qui l’empêchera de faire le moindre mal à vous et aux vôtres. » Ce conseil, Marie Hert le suivit. Elle fit la communication dont il s’agissait à la sage-femme. Dans la même nuit, le diable lui fit une nouvelle visite, mais cette fois il n’eut pas le temps de lui demander de l’argent, car, au moment où il ouvrait la porte de la chambre, l’exorciste, c’est-à-dire un des gendarmes, le saisit par le collet. Ce prétendu diable était le mari de la sage-femme.

Encore une historiette sur les idées qu’on se fait du diable :

Rich, célèbre arlequin de Londres, sortant un soir de la comédie, appela un fiacre, et lui dit de le conduire à la taverne du Soleil, sur le marché de Clarri. À l’instant où le fiacre était près de s’arrêter, Rich s’aperçut qu’une fenêtre de la taverne était ouverte, et ne fit qu’un saut de la portière dans la chambre. Le cocher descend, ouvre son carrosse, et est bien surpris de n’y trouver personne. Après avoir bien juré, suivant l’usage, contre celui qui l’avait ainsi escroqué, il remonte sur son siège, tourne et s’en va. Rich épie l’instant où la voiture repassait vis-à-vis la fenêtre, et d’un saut se remet dedans. Alors il crie au cocher qu’il se trompe et qu’il a passé la taverne. Le cocher, tremblant, retourne de nouveau, et s’arrête encore à la porte. Rich descend de voiture, gronde beaucoup cet homme, tire sa bourse et veut le payer. « À d’autres ! monsieur le diable, s’écria le cocher, je vous connais bien ; vous voudriez m’empaumer ; gardez votre argent. » À ces mots, il fouette et se sauve à toute bride.

Nous nous représentons souvent le diable comme un monstre noir : les nègres lui attribuent la couleur blanche. Au Japon, les partisans de la secte de Sintos sont persuadés que le diable n’est que le renard. En Afrique le diable est généralement respecté. Les nègres de la Côte-d’Or n’oublient jamais, avant de prendre leur repas, de jeter à terre un morceau de pain qui est destiné pour le mauvais génie. Dans le canton d’Auté, ils se le représentent comme un géant d’une prodigieuse grosseur, dont la moitié du corps est pourrie, et qui cause infailliblement la mort par son attouchement ; ils n’oublient rien de ce qui peut détourner la colère de ce monstre. Ils exposent de tous côtés des mets pour lui. Presque tous les habitants pratiquent une cérémonie bizarre et extravagante, par laquelle ils prétendent chasser le diable de leurs villages ; huit jours avant cette cérémonie, on s’y prépare par des danses et des festins ; il est permis d’insulter impunément les personnes même les plus distinguées. Le jour de la cérémonie arrivé, le peuple commence dès le matin à pousser des cris horribles ; les habitants courent de tous côtés comme des furieux, jetant devant eux des pierres et tout ce qu’ils trouvent sous leurs mains ; les femmes furètent dans tous les coins de la maison, et récurent toute la vaisselle, de peur que le diable ne se soit fourré dans une marmite ou dans quelque autre ustensile. La cérémonie se termine quand on a bien cherché et qu’on s’est bien fatigué ; alors on est persuadé que le diable est loin.

Les habitants des îles Philippines se vantent d’avoir des entretiens avec le diable. Ils racontent que quelques-uns d’entre eux, ayant hasardé de parler seuls avec lui, avaient été tués par ce génie malfaisant ; aussi se rassemblent-ils en grand nombre lorsqu’ils veulent conférer avec le diable. Les insulaires des Maldives mettent tout en usage lorsqu’ils sont malades pour se rendre le diable favorable. Ils lui sacrifient des coqs et des poules.

Le diable nous est singulièrement dépeint par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de saint Benoit. Un jour que le saint allait dire ses prières à l’oratoire de Saint-Jean, sur le mont Cassin, il rencontra le diable sous la forme d’un vétérinaire, avec une fiole d’une main et un licou de l’autre. Le texte disait : In mulo medici specie ; par l’introduction d’une virgule qui décompose le sens : In mulo, medici specie, un copiste fit du diable ainsi déguisé un docteur monté sur sa mule, comme cheminaient les docteurs en

 
Diable
Diable
 
médecine avant l’invention des carrosses, et un tableau de cet épisode ayant été exécuté d’après ce texte corrompu, Satan a été souvent représenté avec la robe doctorale et les instruments de la profession en croupe sur sa monture.

Une autre fois, on dénonça à saint Benoît la conduite légère d’un jeune frère appartenant à l’un des douze monastères affiliés à la règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou ne pouvait prier avec assiduité ; à peine s’était-il mis à genoux, qu’il se levait et allait se promener. Saint Benoît ordonna qu’on le lui amenât au mont Cassin, et là, lorsque le moine, selon son habitude, interrompit ses devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un petit diable noir qui le tirait de toutes ses forces par le pan de sa robe.

Parmi les innombrables épisodes de l’histoire du diable dans les Vies des Saints, quelques-uns sont plus bizarres, quelques autres plus effrayants. Saint Antoine vit Satan dresser sa tête de géant au-dessus des nuages, et étendre ses larges mains pour intercepter les âmes des morts qui prenaient leur vol vers le ciel. Parfois le diable est un véritable singe, et sa malice ne s’exerce qu’en espiègleries. C’est ainsi que, pendant des années, il se tint aux aguets pour troubler la piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses avaient été vaines, lorsque enfin il se résolut à un dernier effort. C’était la coutume de cette noble et chaste vierge de se lever au chant du coq et d’aller prier à l’église, précédée de sa servante portant une lanterne. Que fit le père de toute malice ? il éteignit la lanterne en soufflant des sus. La sainte eut recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se ralluma ; miracle de la foi qui suffit pour renvoyer le malin honteux et confus.

Il n’est pas sans exemple que le diable se laisse tromper par les plus simples artifices, et une équivoque suffit souvent pour le rendre dupe dans ses marchés avec les sorciers ; comme lorsque Nostradamus obtint son secours à condition qu’il lui appartiendrait tout entier après sa mort, soit qu’il fût enterré dans une église, soit qu’il fût enterré dehors. Mais Nostradamus ayant ordonné par testament que son cercueil fût déposé dans la muraille de la sacristie, son corps y repose encore, et il n’est ni dans l’église ni dehors.

Le vieil Heywood a rédigé en vers une nomenclature curieuse de tous les petits démons de la superstition populaire ; il y comprend les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les Robin Goodfellows, et ces lutins que Shakespeare a don nés pour sujets à Oberon et à Titania. On a prouvé que le roi ou la reine de féerie n’est autre que Satan lui-même, n’importe son déguisement. Voy. Puck et tous les lutins.

On trouvera peut-être un peu de frivolité dans tout ce qui vient d’être dit ici sur le diable. Mais ce livre n’est pas un livre de théologie. Les lecteurs chrétiens savent que ce diable, dont saint Louis ne prononçait jamais le nom et qui est à tout propos dans la bouche de nous tous, cet esprit de malice noire, que nous citons souvent pour avoir l’air de nous en jouer, est le plus perfide, le plus cruel et le plus implacable de nos ennemis ; « qu’il rôde autour de nous cherchant qui dévorer ». Si nous l’avons traité ici d’une manière trop légère, c’est par mépris ; ce qui l’offense, comme l’a remarqué saint François de Sales, et ce même saint conseille à ceux qui se trouvent circonvenus de lui ou des siens de repousser ces misérables en les nommant de sobriquets qui les humilient.

On a publié à Amsterdam une Histoire du diable, 2 volumes in-12, qui est une espèce de mauvais roman, où les aventures du diable sont plus que médiocrement accommodées à la fantaisie de l’auteur. M. Frédéric Soulié a prodigué dans les Mémoires du diable beaucoup de talent à faire un livre, qui aurait pu être fort singulier et fort piquant si l’auteur avait respecté les mœurs. Voy. Démons.

Diable de mer. « Grand bruit parmi les ma telots ; on a crié tout d’un coup : Voilà le diable, il faut l’avoir. Aussitôt tout s’est réveillé, tout a pris les armes. On ne voyait que piques, harpons et mousquets ; j’ai couru moi-même pour voir le diable, et j’ai vu un grand poisson qui ressemble à une raie, hors qu’il a deux cornes comme un taureau. Il a fait quelques caracoles, toujours accompagné d’un poisson blanc qui, de temps en temps, va à la petite guerre et vient se remettre sous le diable. Entre ses deux cornes, il porte un petit poisson gris, qu’on appelle le pilote du diable, parce qu’il le conduit et le pique quand il voit du poisson ; et alors le diable part comme un trait. Je vous conte tout ce que je viens de voir[36]. »

Diablerets, montagnes de Suisse qui ont reçu ce nom parce que dans la contrée on les croit habitées intérieurement par des diables. Les bonnes gens disent que c’est un faubourg de l’enfer.

Diables bleus. On appelle ainsi les hallucinations. Voy. ce mot.

Diamant. La superstition lui attribuait des ver tus merveilleuses contre le poison, la peste, les terreurs paniques, les insomnies, les prestiges et les enchantements. Il calmait la colère et entretenait l’union entre les époux, ce qui lui avait fait donner le nom de pierre de réconciliation. Il avait en outre cette propriété talismanique de rendre invincible celui qui le portait, pourvu que, sous la planète de Mars, la figure de ce dieu ou celle d’Hercule surmontant l’hydre y fût gravée. On a été jusqu’à prétendre que les diamants en engendraient d’autres ; et Ruérus parle sérieusement d’une princesse de Luxembourg qui en avait d’héréditaires, lesquels en produisaient d’autres en certains temps[37]. — Enfin les savants du seizième siècle croyaient qu’on pouvait amollir le diamant avec du sang de bouc[38].

Diambiliche, nom du diable dans l’île de Madagascar. Il y est plus révéré que les dieux mêmes : les prêtres lui offrent les prémices de tous les sacrifices.

Diave. C’est le nom du diable dans les îles Maldives. On lit dans le voyage de Pyrard de Laval, imprimé en 1615, que les habitants de ces îles se figuraient alors la terre comme un grand plateau flottant dans l’espace, entouré d’un immense rempart de cuivre qui le protège contre l’envahissement des eaux. Ils croyaient que toutes les nuits le diable cherchait à percer ce rempart, et que quand il y serait parvenu ce serait le der nier déluge et la fin du monde. Aussi tous ces habitants se levaient avant le jour pour prier Dieu d’empêcher le diable.

Dibasson, sorcière arrêtée à vingt-cinq ans, avec Marie de la Raide. Elle allait au sabbat et disait que le sabbat est un vrai paradis.

Dicke (Alice), jeune Anglaise de Wincauton dont parle Glanvill. Elle avait un esprit familier qui lui suçait un peu de sang tous les soirs.

Didier, imposteur bordelais du sixième siècle, qui parut vers ce temps-là dans la ville de Tours. Il se vantait de communiquer avec saint Pierre et saint Paul ; il assurait même qu’il était plus puissant que saint Martin et se disait égal aux apôtres. Comme il avait su gagner le peuple, on lui amenait de tous côtés des malades à guérir ; et voici, par exemple, comment il traitait les paralytiques. Il ordonnait qu’on étendît le malade à terre, puis il lui faisait tirer les membres si fort que quelquefois il en mourait ; s’il guérissait, c’était un miracle. Didier n’était pourtant qu’un magicien et un sorcier, comme dit Pierre Delancre ; car si quelqu’un disait du mal de lui en secret, il le lui reprochait lorsqu’il le voyait ; « ce qu’il ne pouvait savoir que par le moyen du démon qui lui allait révéler tout ce qui se passait. » Pour mieux tromper le public, il avait un capuchon et une robe de poil de chèvre. Il était sobre devant le monde ; mais lorsqu’il se retrouvait en son particulier, il mangeait tellement qu’un homme n’aurait pu supporter la viande qu’il avalait. Enfin ses fourberies ayant été découvertes, il fut arrêté et chassé de la ville de Tours ; et on n’entendit plus parler de lui.

Didron, savant archéologue qui a publié récemment une curieuse Histoire du diable.

Didyme. Voy. Possédés de Flandre.

Diémats. Petites images chargées de caractères que les guerriers de l’île de Java portent comme des talismans, et avec lesquelles ils se croient invulnérables : persuasion qui ajoute à leur intrépidité.

Dieux. On lit dans Tite-Live (IV, 30) : « Les édiles sont chargés de veiller à ce qu’aucun dieu ne soit reçu à Rome, s’il n’est Romain et adoré à la romaine… »

Digby (Le chevalier), original anglais du dix-septième siècle, connu sous le nom du Docteur sympathique. Il avait le secret d’une poudre sympathique avec laquelle il guérissait les malades sans les voir et donnait la fièvre aux arbres. Cette poudre, composée de rognures d’ongles, d’urine ou de cheveux du malade et placée dans un arbre, communiquait, disait-il, la maladie à l’arbre.

Digonnet. C’est, de nos jours, le dieu d’une secte de béguins qui descend des manichéens et des anabaptistes. Ce dieu est vivant et M. Daniel Wurth a donné de lui, dans le journal la Patrie, une notice si curieuse que nous croyons devoir la rapporter ici :

« Jean-Baptiste Digonnet est né à Tence (Haute-Loire) ; il fut successivement maçon, scieur de long et sabotier. Un chef de la secte des momiers lui ayant rempli la tête d’idées mystiques, il abandonna ses travaux et se livra au vagabondage. Arrêté en 1845, conduit dans les prisons de Moulins, puis rendu à la liberté, il continua sa vie errante pendant plusieurs mois. Arrêté de nouveau l’année suivante, il fut incarcéré dans la maison d’arrêt de Saint-Étienne, où se trouvait un jeune béguin de Saint-Jean-Bonnefond qui, l’entendant citer à tout propos des passages de la Bible, lui confia que depuis longtemps les habitants de cette commune attendaient le Dieu prédit par les Écritures.

» Digonnet se promit de tirer parti de cette confidence. Peu de temps après, ayant recouvré sa liberté, il se rendit à Saint-Jean-Bonnefond, où il exécuta son projet. Les béguins crurent à sa divinité et le surnommèrent leur petit bon dieu. À partir de cette époque, de fréquentes réunions de béguins eurent lieu dans cette commune. Dans ces réunions Digonnet prêchait la religion à sa manière, et par suite de son ascendant sur les hommes et surtout sur les femmes, se livrait à des actes d’une immoralité si profonde que la décence ne permet pas de les raconter. Arrêté au milieu de ses fidèles, il subit diverses condamnations et fut détenu plusieurs fois dans des maisons d’aliénés. S’étant évadé de celle d’Aurillac le 7 juillet 1848, il revint à Saint-Jean-Bonnefond, où la gendarmerie le saisit de nouveau pour l’emprisonner à Montbrison.

» Ce fut dans cette dernière ville que je le vis. Digonnet est de petite taille ; il a le regard terne

 
Jean-Baptiste Digonnet
Jean-Baptiste Digonnet
 
et sans aucune expression ; son front ne présente aucun indice d’intelligence ; ses joues et le dessous de ses yeux sont colorés d’une teinte bleuâtre et par endroits légèrement violacée ; un tic nerveux balance continuellement sa tête sur ses épaules, et lorsqu’il débite ses lamentations ridicules, on voit de temps à autre passer entre les trois dents jaunes qui lui restent une petite chique, qu’il parait sucer avec un sentiment de délicieuse volupté.

» Ce fut un de mes amis, commis greffier au tribunal de Montbrison, qui me procura l’avantage de voir ce divin vieillard et qui voulut bien le prier de me faire connaitre les diverses condamnations qu’il avait déjà subies. — N’ayant jamais passé en jugement, répondit-il, je n’ai pas encore subi de condamnation. Des brigands, il est vrai, m’ont fait emprisonner pour étouffer ma parole ; mais je n’ai point été jugé et ne le serai jamais en ce monde, parce que ne relevant que du Père, la justice des hommes ne peut arriver jusqu’à moi !…

— Qu’appelez-vous donc le Père ? lui demandai-je, après lui avoir entendu prononcer ce mot pour la seconde fois. — Le Père ! s’écria-t-il, c’est Dieu !… c’est le Tout-Puissant qui m’a envoyé sur la terre pour annoncer aux hommes que les temps sont proches et que le châtiment sera terrible ! — Mais, murmura en souriant mon compagnon, vous n’êtes donc que prophète ?… Je croyais que vous étiez dieu ? — Je suis dieu et prophète tout à la fois, me répondit-il d’une voix lente. Je suis le premier des sept élus qui sont répandus sur la terre. Il m’a mis au-dessus d’eux parce que j’avais une foi plus forte que leur foi, et en ceci il a agi comme un père de famille, qui ayant sept enfants en aimerait un plus que les autres, parce que dans celui-là il aurait reconnu des qualités dont les autres seraient dépourvus. »

» En ce moment, j’avoue que j’éprouvais un certain plaisir à écouter ce vieillard, fou pour les uns, fripon pour les autres. Le voyant assez bien disposé à me répondre, je me préparais à l’interroger longuement ; mais j’avais compté sans mon hôte, c’est-à-dire sans mon ami, qui, voulant taquiner un peu son prophète, comme il l’appelait, s’écria tout à coup : — Mais, père Digonnet, ditesmoi donc pourquoi vous êtes si bien vêtu, vous qui défendez le luxe à vos fidèles ?… Savez-vous qu’il n’y a pas à Paris de plus beaux par-dessus que le vôtre ; qu’on n’y voit rien d’aussi coquet que cette calotte de velours brodée d’or qui orne votre tête ; que ce superbe gilet noir brodé comme votre calotte ; que cette chemise si fine, si blanche… si…

— Je sais tout cela, interrompit Digonnet sans se fâcher du ton railleur de mon compagnon ; je porte ces vêtements parce que pour me les donner les béguins s’appauvrissent, ce qui les empêche de penser au superflu… Pour moi, je vous assure que je ne tiens pas à ces beaux habits. J’en ai de toutes les façons. Mes béguins m’ont donné une culotte où il y a pour plus de douze mille francs d’or en broderies. Tenez, voyez ces attaches, continua-t-il en déboutonnant son gilet pour me montrer de superbes bretelles marquées à ses initiales ; eh bien, j’en ai encore de plus belles… Mais, ajouta-t-il en faisant un geste des plus comiques, ça me coupe horriblement les épaules… j’aimerais mieux n’en pas avoir. »

» Mon ami se mordit les lèvres pour ne pas rire ; quant à moi, je me hâtai de demander à Digonnet à quel âge il avait été inspiré. — À cinquante-cinq ans, me répondit-il ; je ne devais l’être qu’à soixante, mais le Père m’a avancé de cinq années, à cause des iniquités qui se commettent sur la terre.

— Comme dieu, comme prophète, vous devez avoir le don des miracles ? — Oui ! — Ainsi, si vous le vouliez, vous sortiriez à l’instant de cette prison ? — Non pas ! Descendu sur la terre pour y accomplir un sacrifice, je dois tout souffrir sans me plaindre. Les portes de cette prison seraient ouvertes que je n’en sortirais pas avant l’ordre du Père. Oh ! je suis d’une garde facile maintenant ; mais quand le moment sera venu, les geôliers auront beau fermer leurs portes, tirer leurs verrous, je m’ouvrirai un passage invisible dans les murs épais qui m’entourent, et quittant la laide carcasse dans laquelle je suis incarné, j’irai rejoindre le Père.

— On dit, je crois, que vous fabriquez une échelle pour vous faciliter cette ascension. — Ce sont les brigands qui disent ces absurdités… Est-ce que la puissance du Père ne suffira pas pour me faire traverser l’espace et m’y soutenir ?… Est-ce que le soleil, est-ce que la lune, est-ce que les étoiles ont eu besoin d’une échelle pour monter au firmament ? Est-ce que la puissance du Père n’est pas infinie ? Est-ce que je ne puis pas ce que je veux, moi ! » Le petit dieu des béguins prononça ces dernières paroles avec un ton d’animation qui, malgré sa mauvaise prononciation et quelques liaisons hasardées, ne manquait pas d’une certaine poésie. Son visage s’était fortement empourpré, et ne voulant pas sans doute s’entretenir plus longtemps avec nous, il rentra dans sa chambre sans ajouter un seul mot.

» Maintenant si, abandonnant le côté comique de ce monomane, on se prend à penser qu’au dix-neuvième siècle il peut encore se rencontrer des populations assez crédules pour se laisser prendre aux absurdes prédications d’un individu sans intelligence, sans apparence même, on est saisi d’un sentiment de tristesse amère, et l’on se demande en tremblant s’il est vrai que la civilisation ait chassé le fanatisme et l’ignorance du fond de nos campagnes ? »

Dindarte (Marie), jeune sorcière de Sare, dans les Basses-Pyrénées. Elle confessa avoir été souvent au sabbat. Quand elle se trouvait seule et que ses voisines étaient absentes, le diable lui donnait un onguent dont elle se frottait, et sur-

 
Marie Dindarte
Marie Dindarte
 
le-champ elle se transportait par les airs. Elle voyageait ainsi la nuit du 27 septembre 1609 ; on l’aperçut et on la prit le lendemain. Elle confessa aussi avoir mené des enfants au sabbat, lesquels se trouvèrent marqués de la marque du diable[39]. On lui demanda si on pouvait faire éveillé le voyage du sabbat. Elle répondit qu’on n’y allait qu’après avoir dormi, et que quelquefois il suffisait d’avoir fermé un œil pour s’enlever.

Dinscops, sorcière et sibylle du pays de Clèves, dont parle Bodin en son quatrième livre. Elle ensorcelait et maléficiait tous ceux vers qui elle étendait la main. On la brûla ; et quand sa main sorcière et endiablée fut bien cuite, tous ceux qu’elle avait frappés de quelque mal revinrent en santé…

Dioclétien. N’étant encore que dans les grades inférieurs de l’armée, il réglait un jour ses comptes avec une cabaretière de Tongres, dans la Gaule Belgique. Comme cette femme, qui était druidesse, lui reprochait d’être avare : « Je serai plus généreux, lui dit-il en riant, quand je serai empereur. — Tu le seras, répliqua la druidesse, quand tu auras tué le sanglier. » Dioclétien, étonné, sentit l’ambition s’éveiller dans son âme et chercha sérieusement à presser l’accomplissement de cette prédiction, qui nous a été conservée par Vopiscus. Il se livra particulièrement à la chasse du sanglier. Cependant il vit plusieurs princes arriver au trône sans qu’on songeât à l’y élever ; et il disait sans cesse : « Je tue bien les sangliers ; mais les autres en ont le profit. » Il avait été consul et il occupait des fonctions importantes. Quand Numérien eut été tué par son beau-père, Arius Aper, toutes les espérances de Dioclétien se réveillèrent : l’armée le porta au trône. Le premier usage qu’il fit de son pouvoir fut de tuer lui-même de son épée le perfide Aper, dont le nom est celui du sanglier, en s’écriant qu’il venait enfin de tuer le sanglier fatal. — On sait que Dioclétien fut ensuite un des plus cruels persécuteurs de l’Église. Il était philosophe.

Diocres. Voy. Chapelle du damné.

Diodore de Catane, magicien dont le peuple de Catane garda longtemps le souvenir. C’était le plus grand sorcier de son temps ; il fascinait tellement les personnes qu’elles se persuadaient être changées en bêtes : il faisait voir en un instant aux curieux ce qui se passait dans les pays les plus éloignés. Comme on l’eût arrêté en qualité de magicien, il voulut se faire passer pour faiseur de miracles. Il se fit donc transporter par le diable de Catane à Constantinople, et de Constantinople à Catane en un jour, ce qui lui acquit tout d’un coup parmi le peuple une grande réputation ; mais ayant été pris malgré son habileté et sa puissance, on le jeta en un feu ardent où il fut brûlé[40]. Le peuple de Catane, qui ne l’a pas oublié, l’appelle Liodore.

Dion de Syracuse. Étant une nuit couché sur son lit, éveillé et pensif, il entendit un grand bruit, et se leva pour voir ce qui pouvait le produire. Il aperçut au bout d’une galerie une femme de haute taille, hideuse comme les Furies, qui balayait sa maison. Il fit appeler aussitôt ses amis et les pria de passer la nuit auprès de lui. Mais le spectre ne reparut plus. — Quelques jours après le fils de Dion se précipita d’une fenêtre et se tua. Sa famille fut détruite en peu de temps, et, « par manière de dire, ajoute Leloyer, balayée et exterminée de Syracuse, comme la Furie, qui n’était qu’un diable, avait semblé l’en avertir par le balai ».

Dionysio dal Borgo, astrologue italien qui professait la théologie à l’université de Paris au treizième siècle. Villani conte (livre X) qu’il prédit juste la mort de Castruccio, tyran de Pistoie.

Diopite, bateleur, né à Locres, qui, après avoir parcouru la Grèce, se présenta sur le théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il avait sur le corps deux peaux de bouc, l’une remplie de vin et l’autre de lait, par le moyen desquelles il faisait sortir de ces liqueurs par sa bouche, si bien qu’on l’a mis au rang des sorciers.

Discours. Discours des esprits follets, publié dans le Mercure galant de 1680. — Discours épouvantable d’une étrange apparition de démons en la maison d’un gentilhomme en Silésie, in-8o, Lyon, par Jean Gazeau, 1609, brochure de 7 pages. — Discours sur la vanité des songes, et sur l’opinion de ceux qui croient que ce sont des pressentiments. Voy. Songes, etc.

Disputes. L’abominable Henri VIII avait une telle passion pour l’argumentation, qu’il ne dédaigna pas d’argumenter avec un pauvre argumentateur nommé Lambert. Une assemblée extraordinaire avait été convoquée à Westminster pour juger des coups. Le roi, voyant qu’il avait affaire à forte partie, et ne voulant pas avoir le dernier, donna à Lambert le choix d’être de son avis ou d’être pendu. C’est ainsi qu’un dey d’Alger, faisant un cent de piquet avec son vizir, lui disait : « Joue cœur, ou je t’étrangle. » Lambert ne joua pas cœur ; il fut étranglé. Nous citons cette anecdote parce que l’abominable Henri VIII était assurément possédé du diable.

Diti, et son œuf. Voy. Garuda.

Dives. Les Persans nomment ainsi les mauvais génies ; ils en admettent de mâles et de femelles et disent qu’avant la création d’Adam Dieu créa les Dives ou génies mâles et leur confia le gouvernement du monde pendant sept mille ans ; après quoi, les Péris ou génies femelles leur succédèrent et prirent possession de l’univers pour deux autres mille ans, sous l’empire de Gianben-Gian, leur souverain ; mais ces créatures étant tombées en disgrâce pour leur désobéissance, Dieu envoya contre eux Éblis, qui, étant d’une plus noble nature, et formé de l’élément du feu, avait été élevé parmi les anges. Éblis, chargé des ordres divins, descendit du ciel et fit la guerre contre les Dives et les Péris, qui se réunirent pour se défendre ; Éblis les défit et prit possession de ce globe, lequel n’était encore habité que par des génies. Éblis ne fut pas plus sage que ses prédécesseurs ; Dieu, pour abattre son orgueil, fit l’homme et ordonna à tous les anges de lui rendre hommage. Sur le refus d’Éblis, Dieu le dépouilla de sa souveraineté et le maudit. Ce ne sont là, comme on voit, que des altérations de l’Écriture sainte.

Divinations. Il y en a plus de cent sortes. Voy. Alectryomancie, Alphitomancie, Astragalomancie, Astrologie, Botanomancie, Cartoman­cie, Catoptromancie, Chiromancie, Cristallomancie, Cranologie, Daphnomancie, Gastromancie, Hydromancie, Lampadomancie, Métoposcopie, Mimique, Nécromancie, Onomancie, Ornithoman­cie, Physiognomonie, Pyromancie, Rabdomancie, Théomancie, etc., etc., etc. Cicéron réduit toute la divination à deux espèces, dont l’une était naturelle et l’autre artificielle (Cicero, De divin., lib. i). La première se faisait par une émotion de l’esprit qui, étant saisi d’une espèce de fureur, prédisait les choses à venir. Tel était l’esprit qui animait la Pythie sur le trépied. La divination artificielle se faisait par l’observation de signes et de circonstances naturelles dans les sujets que l’on savait destinés à prédire l’avenir. À cette seconde espèce appartenait l’astrologie, les augures, les auspices, les sortilèges et les prodiges.

Djilbéguenn, magicien tartare dont le souvenir est vivace encore en Sibérie. Il brillait dans les temps héroïques ; et on raconte de lui de grandes merveilles. Il se montrait quelquefois sous la figure d’un monstre à neuf têtes. Il était monté sur un bœuf à trente cornes lorsqu’il coupa la tête de Comdaï-Mirguenn. Il entendait le langage de toutes les bêtes. À la suite de beaucoup d’actions atroces, il est allé en enfer et n’en est pas revenu.

Dobie, esprit familier dans le comté d’York en Angleterre. On donne cet esprit à toute famille qui porte le nom de Dobie. C’est, dit-on, le spectre d’un ancêtre qui s’attache à quelques-uns de ses descendants.

Docètes, hérétiques du premier siècle qui niaient l’incarnation et qui soutenaient que NoireSeigneur était trop pur pour avoir pris une chair humaine. Saint Jérôme écrit à ce sujet que le sang du Sauveur fumait encore dans la Judée, lorsqu’on se mit à enseigner que son corps n’avait été qu’un fantôme. Ils doivent leur nom de docètes à un mot grec qui signifie apparence et qui explique leur système que Jésus avait simplement paru un homme.

Docks. Voy. Alfares.

Dodone. Hérodote raconte ainsi l’origine des oracles de Dodone. Deux colombes noires, selon les habilants de la contrée, vinrent dans le pays ; furie s’abattit sur un chêne et dit d’une voix humaine qu’il fallait bâtir sous ce chêne un temple à Jupiter : ce qui eut lieu ; et le chêne rendit des oracles. Hérodote explique ensuite que ces deux colombes étaient deux prêtresses égyptiennes. La seconde de ces colombes se rendit en Libye, où elle institua le culte de Jupiter Ammon.

Dogdo, ou Dodo, et encore Dodu. Voy. Zoroastre.

Doigt. Dans le royaume de Macassar, si un malade est à l’agonie, le prêtre idolâtre lui prend la main et lui frotte doucement le doigt du milieu, afin de favoriser par cette friction un chemin à l’âme, qui sort toujours, selon eux, par le bout du doigt.

Les Turcs mangent habituellement le riz avec les doigts ; ils n’emploient pour cela que le pouce, l’index et le médius ; ils soilt persuadés que le diable mange avec les deux autres doigts.

Dans certaines contrées de la Grèce moderne, on se croit ensorcelé quand on voit quelqu’un étendre la main en présentant les cinq doigts.

Doigt annulaire. C’est une opinion reçue que le quatrième doigt de la main gauche a une vertu cordiale ; que cette vertu vient d’un vaisseau, d’un nerf ou d’une veine qui lui est communiquée par le cœur, et, par cette raison, qu’il mérite préférablement aux autres doigts l’honneur de porter l’anneau. Levinus Lemnius assure que ce vaisseau singulier est une artère, et non pas un nerf, ni une veine, ainsi que le prétendent les anciens. Il ajoute que les anneaux qui sont portés à ce doigt influent sur le cœur. Dans les évanouissements, il avait coutume de frotter ce doigt, pour tout médicament. Il dit encore que la goutte l’attaque rarement, mais toujours plus tard que les autres doigts, et que la fin est bien proche quand il vient à se nouer.

Dojartzabal, jeune sorcière de quinze à seize ans qui confessa, vers 1609, avoir été menée au sabbat par une autre sorcière, laquelle était détenue en prison[41] ; ce que celle-ci niait, disant qu’étant attachée à de grosses chaînes de fer et surveillée, elle ne pouvait être sortie de son cachot ; et que, si elle en était sortie, elle n’y serait pas rentrée. La jeune personne expliqua toutefois que, comme elle était couchée près de sa mère, cette sorcière l’était venue chercher sous la forme d’un chat…, pour la transporter au sabbat, et que, malgré leurs fers, les sorcières peuvent aller à ces assemblées, bien que le diable n’ait pas moyen de les délivrer des mains de la justice. Elle assura encore que le diable, qui la faisait enlever ainsi d’auprès de sa mère, mettait en sa place une figure qui lui ressemblait. Cette prétendue sorcière, qui n’exerçait probablement qu’une petite vengeance, si elle n’était pas en proie à quelque illusion, ne fut pas châtiée.

Dolers, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Domfront (Guérin de), fils de Guillaume de Bellême, seigneur de Domfront, ayant traitreusement fait couper la tête à son ennemi endormi chez lui, fut, dit-on, étouffé par le diable[42].

Domingina-Maletana, sorcière qui, dans une joute qu’elle fit avec une autre sorcière, sauta sans se blesser du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d’Espagne et de Navarre, et gagna le prix[43].

Dominique. Voy. Hallucinations.

Domitien. Un jour qu’il donnait un festin aux sénateurs de Rome, à l’occasion de son triomphe sur les Daces, Domitien, qui avait de singuliers caprices, les fit entrer dans une salle qu’il avait fait tendre en noir, et qui était éclairée par des lampes sépulcrales. Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d’un cercueil, sur lequel il vit son nom écrit… Une troupe d’enfants barbouillés de noir représentait une danse des ombres infernales. La danse finie, ils se dispersèrent, chacun auprès du convive qu’il devait servir. Les mets furent les mêmes que ceux que l’on offrait aux morts dans les cérémonies funèbres. Un morne silence régnait dans cette assemblée. Domitien parlait seul ; il ne racontait que des histoires sanglantes et n’entretenait les sénateurs que de mort. Les convives sortirent enfin de la salle du festin et furent accompagnés chacun à leur maison par des hommes vêtus de noir, armés et silencieux. — À peine respiraient-ils, que l’empereur les fit redemander ; mais c’était pour leur donner la vaisselle qu’on avait servie devant eux et à chacun celui de ces petits esclaves qui les avaient servis. C’était bien là un plaisir de tyran.

Domovoï, esprits de ténèbres chez les Russes. On les chasse par l’eau de la Néva, bénite le jour de l’Épiphanie.

Donatistes, sectateurs de Donat, qui dominaient et ne pardonnaient rien. Dans leurs fureurs contre les catholiques, qui admettent à la réconciliation ceux qui sont tombés, les donatistes attaquaient partout les fidèles enfants de l’Église, les assommaient, brûlaient leurs maisons et leurs églises. « Ils commencent leurs massacres au chant de l’Alléluia, disent les récits contemporains ; ni l’âge, ni l’innocence n’obtiennent grâce à leurs yeux ; quand ils veulent bien faire miséricorde, ils tuent d’un seul coup. » Leur schisme, élevé au commencement du quatrième siècle, dura une centaine d’années. Les procédés des donatistes ont été renouvelés par les Albigeois, puis par les hussites, par les luthériens et par les calvinistes. Les camisars entraient dans cette voie, si on ne les eût pas arrêtés.

Doni (Antoine-François), Florentin, né en 1503 ; il y a des choses bizarres dans ses Mondes célestes, terrestres et infernaux, volume in-4o, dont on a une vieille traduction française.

Doppet (François-Amédée), membre du conseil des Cinq-Cents, auteur d’un Traité théorique et pratique du magnétisme animal ; Turin, 1784, un vol. in-8o ; d’une Oraison funèbre de Mesmer, avec son testament, Genève, 1785, in-8o ; d’une Médecine occulte ou Traité de la magie naturelle et médicinale, 1785, in-4o.

Dorâch-y-Rhibyn, fée sinistre du pays de Galles. Elle vient frotter ses ailes de cuir contre les vitres pour annoncer la mort de quelqu’un. Elle appelle le malade par un long cri lamentable.

Dorée (Catherine), sorcière du dix-septième siècle, qui fut brûlée vive pour avoir tué son enfant par ordre du diable ; elle jetait des poudres et guérissait les ensorcelés en leur mettant un pigeon sur l’estomac. Barbe Dorée, autre sorcière, était parente de Catherine.

Dormants. L’histoire des sept Dormants est encore plus fameuse chez les Arabes que chez les chrétiens. Mahomet l’a insérée dans son Koran, et les Turcs l’ont embellie.

Sous l’empire de Décius, l’an de notre ère 250, il y eut une grande persécution contre les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au service de l’empereur, ne voulant pas désavouer leur croyance et craignant les supplices, se réfugièrent dans une caverne située à quelque distance d’Éphèse. Par une grâce particulière, ils y dormirent d’un sommeil profond pendant deux cents ans. Les mahométans assurent que, durant ce sommeil, ils eurent des révélations surprenantes, et qu’ils apprirent en songe tout ce que pourraient savoir des hommes qui auraient employé un pareil espace de temps à étudier assidument.

Leur chien, ou du moins celui d’un d’entre eux, les avait suivis dans leur retraite ; il mit à profit, aussi bien qu’eux, le temps de son sommeil. Il devint le chien le plus instruit du monde.

Sous le règne de Théodose le jeune, l’an de Notre-Seigneur 450, les sept Dormants se réveillèrent et entrèrent dans la ville d’Éphèse, croyant n’avoir fait qu’un bon somme ; mais ils trouvèrent tout bien changé. Il y avait longtemps que les persécutions contre le christianisme étaient finies ; des empereurs chrétiens occupaient les deux trônes impériaux d’Orient et d’Occident. Les questions des frères et l’étonnement qu’ils témoignèrent aux réponses qu’on leur fit surprirent tout le monde. Ils contèrent naïvement leur histoire Le peuple, frappé d’admiration, les conduisit à l’évêque, celui-ci au patriarche et le patriarche à l’empereur. Ces sept Dormants révélèrent les choses du monde les plus singulières, et en prédirent qui ne l’étaient pas moins. Ils annoncèrent entre autres l’avènement de Mahomet, l’établissement et les succès de sa religion, comme devant avoir lieu deux cents ans après son réveil.

Quand ils eurent satisfait la curiosité de l’empereur, ils se retirèrent de nouveau dans leur caverne et y moururent tout de bon : on montre encore cette grotte auprès d’Éphèse.

Quant à leur chien Kratim ou Katmir, il acheva sa carrière et vécut autant qu’un chien peut vivre, en ne comptant pour rien les deux cents ans qu’il avait dormi en compagnie de ses maîtres. C’était un animal dont les connaissances surpassaient celles de tous les philosophes, les savants et les beaux esprits de son siècle ; aussi s’empressait-on de le fêter et de le régaler ; et les musulmans le placent dans le paradis de Mahomet, entre l’âne de Balaam et celui qui portait Notre-Seigneur le jour des Rameaux.

Cette historiette a tout l’air d’une contre-partie de la fable d’Épiménides de Crète, qui, s’étant endormi sur le midi dans une caverne en cherchant une de ses brebis égarée, ne se réveilla que quatre-vingt-sept ans après, et se remit à chercher ses brebis comme s’il n’eût dormi qu’un peu de temps.

Delrio parle d’un paysan qui dormit un automne et un hiver sans se réveiller[44].

Dosithée, magicien de Samarie, contemporain de Simon le Magicien ; il se présentait comme étant le vraie Messie, et il parvint à séduire la foule par des prestiges, des enchantements et des tours d’adresse. Il menait avec lui trente disciples, autant qu’il y avait de jours dans le mois, et n’en voulait pas plus. Il avait admis à sa suite une femme qu’il appelait la Lune. Il judaïsait, et le point capital de sa doctrine consistait, pour ceux qu’il entraînait, à passer le jour du sabbat dans l’immobilité la plus complète.

Double. On croit en Écosse qu’un homme peut être double, c’est-à-dire qu’il peut être vu à la fois en deux lieux différents, qu’il peut lui-même, en certaines occasions, voir sa doublure devant lui. Cette doublure n’est qu’une ombre, à la vérité. Eh bien, nous pouvons avoir le même avantage en nous plaçant devant une glace. — Voy. Flaxbinder.

Dourga, monstrueuse divinité des Indiens. Voy. Fêtes religieuses de l’Inde.

Dourlet (Simone). Voy. Possédées de Flandre.

Douze, c’est un nombre heureux. Les apôtres étaient douze, dit Césaire d’Hesterbach, parce que le nombre douze est composé de quatre fois trois, ou de trois fois quatre. Ils ont été élus douze ajoute-t-il, pour annoncer aux quatre coins du monde la foi de la sainte Trinité. Les douze apôtres, dit-il encore, sont les douze signes du zodiaque, les douze mois de l’année, les douze heures du jour, les douze étoiles de la couronne de l’épouse. Les douze apôtres sont encore les douze fils de Jacob, les douze fontaines du désert, les douze pierres du Jourdain, les douze bœufs de la mer d’airain, les douze fondements de la Jérusalem céleste.

Drac, démon du rang des princes de l’enfer. Il se montra à Faust en manière de flamme bleue, avec une queue rougeâtre.

Drack, lutin du midi de la France. Dans certaines contrées, ce n’est, qu’un follet malin qui prend toutes sortes de formes et fait toutes sortes d’espiègleries. Dans d’autres, c’est un ogre. Voy. Ogres.

Draconites ou Dracontia. Pierre fabuleuse que Pline et quelques naturalistes anciens ont placée dans la tête du dragon. Pour se la procurer, il fallait l’endormir avant de lui couper la tête.

Dragon. Les dragons ont fait beaucoup de bruit ; et, parce que nous n’en voyons plus, les sceptiques les ont niés : mais Cuvier et les géologues modernes ont reconnu que les dragons avaient existé. C’est seulement une race perdue. C’étaient des sortes de serpents ailés. Philostrate dit que, pour devenir sorciers et devins, les Arabes mangeaient le cœur ou le foie d’un dragon volant. On montre auprès de Beyrouth le

 
Dragon
Dragon
 
lieu où saint Georges tua un monstrueux dragon ; il y avait sur ces lieux, consacrés par le courage de saint Georges, une église qui ne subsiste plus[45]. Il est fait mention de plusieurs dragons dans les légendes ; quelques-uns peuvent être des allégories où par le dragon il faut entendre le démon que les saints ont vaincu. Le diable, en effet, porte souvent le nom d’ancien dragon, et quelquefois il a pris la forme de cet animal merveilleux : c’est ainsi qu’il se montra à sainte Marguerite. On dit que le dragon dont parle Possidonius couvrait un arpent de terre, et qu’il avalait, comme une pilule, un cavalier tout armé ; mais ce n’était encore qu’un petit dragon en comparaison de celui qu’on découvrit dans l’Inde, et qui, suivant Maxime de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.

Les Chinois rendent une espèce de culte au dragon. On en voit sur leurs vêtements, dans leurs livres, dans leurs tableaux. Ils le regardent comme le principe de leur bonheur ; ils s’imaginent qu’il dispose des saisons et fait à son gré tomber la pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persuadés que tous les biens de la terre ont été confiés à sa garde, et qu’il fait son séjour ordinaire sur les montagnes élevées.

Le dragon était aussi très-important chez nos aïeux ; et tous nos contes de dragons doivent remonter à une haute antiquité. Voici la chronique du dragon de Niort[46]. Un soldat avait été condamné à mort pour crime de désertion ; il apprit qu’à Niort, sa patrie, un énorme dragon faisait depuis trois mois des ravages, et qu’on promettait bonne récompense à celui qui pourrait en délivrer la contrée. Il se présente ; on l’admet à combattre le monstre, et on lui promet sa grâce s’il parvient à le détruire. Couvert d’un masque de verre et armé de toutes pièces, l’intrépide soldat va à l’antre obscur où se tient le monstre ailé, qu’il trouve endormi. Réveillé par une première blessure, il se lève, prend son essor et vole contre l’agresseur. Tous les spectateurs se retirent, lui seul reste et l’attend de pied ferme. Le dragon tombe sur lui et le terrasse de son poids ; mais au moment qu’il ouvre la gueule pour le dévorer, le soldat saisit l’instant de lui enfoncer son poignard dans la gorge. Le monstre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait recueillir les fruits de sa victoire, lorsque, poussé par une fatale curiosité, il ôta son masque pour considérer à son aise le redoutable ennemi dont il venait de triompher. Déjà il en avait fait le tour, quand le monstre, blessé mortellement, et nageant dans son sang, recueille des forces qui paraissaient épuisées, s’élance subitement au cou de son vainqueur et lui communique un venin si malfaisant qu’il périt au milieu de son triomphe. — On voyait encore, il y a peu de temps, dans le cimetière de l’hôpital de Niort, un ancien tombeau d’un homme tué par le venin du serpent. Est-ce aussi une allégorie ?

À Mons, on vous contera l’histoire du dragon qui dévastait le Hainaut[47], lorsqu’il fut tué par le vaillant Gilles de Chin, en 1132. Et que direzvous du dragon de Rhodes, qui n’est certainement pas un conte[48] ? Voy. Trou du château de Carnoët.

Dragon rouge. Le dragon rouge, ou l’art de commander les esprits célestes, aériens, terrestres, infernaux, avec le vrai secret de faire parler les morts, de gagner toutes les fois qu’on met aux loteries, de découvrir les trésors cachés, etc., etc., in-18, 1521.

On a réimprimé très-fréquemment ce fatras absurde, dont on trouvera les plus curieuses élucubrations à leur place, dans ce dictionnaire.

Drames. Le théâtre n’a pas négligé les merveilleuses ressources que lui offraient les démons, les follets, les revenants, la magie et les sciences occultes. De nos jours on a fait les Sept châteaux du Diable, les Pilules du Diable, la Part du Diable ; on a même mis en vaudeville les Mémoires du Diable, de M. Soulié. L’Esprit follet, de Collé ; le Spectre, de Séraminis ; celui d’Hamlet ; les Sorcières, de Macbeth ; la Sylphide, le Magicien du Pied de mouton, et une foule d’autres données sont prises, comme Robin des bois, le Chasseur rouge, Trilby, le Vampire, les Wilis, etc., etc., du vaste répertoire de prodiges qui alimentent les livres de démonologie.

Drapé. On donne à Aigues-Mortes le nom de Lou Drapé à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l’aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand Lou Drapé vient à passer, il ramasse sur son dos, l’un après l’autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d’abord de taille ordinaire, s’allonge, au besoin, jusqu’à contenir cinquante et cent enfants qu’il emporte on ne sait où.

Drawcansir, lutin matamore qui, chez les Anglais, gourmande les rois, disperse les armées et sème le désordre partout. C’est probablement ce que les anciens appelaient la terreur panique.

Drépano. L’esprit de Drépano a aussi sa célébrité : il faisait grand bruit, jetait des pierres qui ne blessaient pas, lançait en l’air les ustensiles de ménage sans rien briser, et chantait des chansons scandaleuses, le tout sans se montrer. Quand le maître de la maison où il hantait revenait de quelque course trempé par la pluie, il l’annonçait avant que personne le vît, et pressait la famille d’allumer un grand feu. C’était un démon obsesseur qui ne réussit pas ; car les habitants de la maison se conduisirent en chrétiens, ce qui suffit souvent[49].

Driff, nom donné à la pierre de Buttler, à laquelle on attribuait la propriété d’attirer le venin ; elle était, dit-on, composée de mousse formée sur des têtes de mort, de sel marin, de vitriol cuivreux empâté avec de la colle de poisson. On a poussé le merveilleux jusqu’à prétendre qu’il suffisait de toucher cette pierre du bout de la langue pour être guéri des maladies les plus redoutables. Van Helmont en fait de grands éloges.

Drolles. Les drolles sont des démons ou lutins qui, dans certains pays du Nord, prennent soin de panser les chevaux, font tout ce qu’on leur commande et avertissent des dangers. Voy. Farfadets, Bérith, Kobold, etc.

Drouva, roi de l’Hindoustan, qui régna vingt-six mille ans, on ne sait où, et qui laissa trois

 
Drouva
Drouva
 
enfants : Karpagatarou, Kouraga et Kourkala ; ce qui est peu pour une si longue vie.

Drows. C’est le nom qu’on donne aux duergars dans les îles Orcades.

Drude (la), cauchemar femelle qui, en forme d’une vieille furie, paraît serrer la gorge d’une personne endormie. Pline l’appelle Malum dæmoniacum.

Druides, prêtres des Gaulois. Ils enseignaient la sagesse et la morale aux principaux personnages de la nation. Ils disaient que les âmes circulaient éternellement de ce monde-ci dans l’autre ; c’est-à-dire que ce qu’on appelle la mort est l’entrée dans l’autre monde, et ce qu’on appelle la vie en est la sortie pour revenir dans ce monde-ci[50].

Les druides d’Autun attribuaient une grande vertu à l’œuf de serpent ; ils avaient pour armoiries dans leurs bannières : d’azur à la couchée de serpents d’argent, surmontée d’un gui de chêne garni de ses glands de sinople. Le chef des druides avait une clef pour symbole[51].

Druidesses. Dans la petite île de Sena, aujourd’hui Sein, vis-à-vis la côte de Quimper, il y avait un collège de druidesses que les Gaulois appellent Senes (prophétesses). Elles étaient au nombre de neuf, gardaient une perpétuelle virginité, rendaient des oracles et avaient le pouvoir de retenir les vents et d’exciter les tempêtes ; elles pouvaient aussi prendre la forme de toute espèce d’animaux, guérir les maladies les plus invétérées et prédire l’avenir. Elles exerçaient un sacerdoce. Il y avait d’autres druidesses qui se mariaient ; mais elles ne sortaient qu’une fois dans l’année, et ne passaient qu’un seul jour avec leurs maris[52]. Voy. aussi Dioclétien, Velléda, etc.

 
Druide
Druide
Druide.
 

Druses, peuplade féroce qui habite le Liban. Elle adore un veau et n’est ni chrétienne ni musulmane.

Drusus. Chargé par l’empereur Auguste du commandement de l’armée romaine qui faisait la guerre en Allemagne, Drusus se préparait à passer l’Elbe, après avoir déjà remporté plusieurs victoires, lorsqu’une femme majestueuse lui apparut et lui dit : — « Où cours-tu si vite, Drusus ? Ne seras-tu jamais las de vaincre ? Apprends que tes jours touchent à leur terme… » Drusus troublé tourna bride, fit sonner la retraite et mourut au bord du Rhin. On vit en même temps deux chevaliers inconnus qui faisaient caracoler leurs chevaux autour des tranchées du camp romain, et on entendit aux environs des plaintes et des gémissements de femmes[53] ; ce qui n’est pas merveille dans une déroute.

Drutes. Les drutes sont des sorcières qui suivent Holda avec leurs quenouilles. Voy. Holda.

Dryden (Jean), célèbre poète anglais, mort en 1707. On rapporte qu’il tirait aux dés le jour de la naissance de ses enfants, pour deviner s’il aurait un garçon ou une fille ; et sa prédiction relative au sexe de son fils Charles se réalisa[54] ; ce qui n’est pas fort étonnant. Voy. Astragalomancie.

Dsigofk, partie de l’enfer japonais où les méchants sont tourmentés suivant le nombre ou la qualité de leurs crimes. Leurs supplices ne durent qu’un certain temps, au bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans ce monde, pour animer les animaux impurs dont les vices s’accordent avec ceux dont ces âmes s’étaient souillées. De là elles passent successivement dans les corps des animaux plus nobles, jusqu’à ce qu’elles rentrent dans des corps humains, où elles peuvent mériter ou démériter sur nouveaux frais.

Dualisme. Il y a des tremblements de terre, des tempêtes, des ouragans, des débordements de rivières, des maladies pestilentielles, des bêtes venimeuses, des animaux féroces, des hommes naturellement méchants, perfides et cruels. Or, un être bienfaisant, disaient les dualistes, ne peut être l’auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux principes, l’un bon, l’autre mauvais, également puissants, coéternels, et qui ne cessent point de se combattre. Si l’on réfléchit sur le dualisme, dit Saint-Foix, je crois qu’on le trouvera encore plus absurde que l’idolâtrie.

 
Duergars
Duergars
Duergars.
 

Les Lapons disent que Dieu, avant de produire la terre, se consulta avec l’esprit malin, afin de déterminer comment il arrangerait chaque chose. Dieu se proposa donc de remplir les arbres de moelle, les lacs de lait, et de charger les plantes et les arbres de tous les plus beaux fruits. Par malheur, un plan si convenable à l’homme déplut à l’esprit malin, qui fit toutes sortes de niches ; et il en résulta que Dieu n’établit pas les choses aussi bien qu’il l’aurait voulu… Un certain Ptolomée soutenait que le grand Être avait deux femmes ; que, par jalousie, elles se contrariaient sans cesse, et que le mal, tant dans le moral que dans le physique, venait uniquement de leur mésintelligence, l’une se plaisant à gâter, à changer ou à détruire tout ce que faisait l’autre. Les manichéens ont adopté le système des deux principes. Bardesane, les Appellistes et une foule d’autres chefs de secte les ont dans cette voie précédés ou suivis. La vérité et le sens commun ont toujours repoussé ces absurdes suppositions. Les luttes du bien et du mal nous sont exposées dans leur réalité par la doctrine de l’Église catholique.

Duende. Le Duende, lutin espagnol, correspond au Gobelin normand et au Tomtegobbe suédois. Duende, selon Cobaruvias, est une contraction de dueno de casa, maître de la maison. Ce farfadet espagnol a été cité de tout temps pour la facilité de ses métamorphoses.

Duergars. Les diables nains ou duergars de la Scandinavie sont de la même famille que les elfs de la nuit. Ils assistent à la mort de la dame de la maison qu’ils hantent et la gardent la nuit. Les doctrines Scandinaves disent que leurs dieux les ont fait naître en foule du cadavre d’Imer, et leur ont infusé toutes les sciences et tous les arts. Les Norvégiens attribuent la forme régulière et le poli des pierres cristallisées aux travaux de ces petits habitants de la montagne dont l’écho n’est autre chose que leur voix. Cette personnification poétique a donné naissance à un mètre particulier en Islande, appelé le galdralag, ou le lai diabolique, dans lequel le dernier vers de la première stance termine toutes les autres.

Dufay (Charles-Jérôme de Cisternay), alchimiste, quoique homme de guerre. Il s’occupait du grand œuvre ; et il dépensa beaucoup d’argent à la recherche de la pierre philosophale. Il mourut en 1723.

Duffo ou Duffus, roi d’Écosse. Pendant une maladie de ce prince, on arrêta plusieurs sorciers de son royaume qui rôtissaient, auprès d’un petit feu, une image faite à la ressemblance du roi, sortilège qui, selon leurs confessions, causait le mal du monarque. En effet, après leur arrestation, la santé de Duffus se rétablit[55].

 
 

Dulot (Jacques), magicien. Voy. Marigny.

Dumons (Antoine), sorcier du dix-septième siècle, accusé de fournir des chandelles au sabbat pour l’adoration du diable.

Duncanius, abbé de Liebenthal, qui, au douzième siècle, lit un pacte avec le diable pour l’érection d’un immense édifice et crut jouer le malin. Mais le diable lui avait laissé un livre de conjurations au moyen duquel tout était possible. L’abbé osa s’en servir ; il fit des choses prodigieuses, entra dans les voies de l’orgueil, tomba dans les vices, et, au bout de quinze ans, devint la proie de Satan, qui l’emporta. Sa légende a été écrite par Henry Zschokke.

Dupleix (Scipion), conseiller d’État et historiographe de France, mort en 1661. Parmi ses ouvrages très-remarquables, on peut voir la Cause de la veille et du sommeil, des songes, de la vie et de la mort. Paris, 1615, in-12 ; Lyon, 1620, in-8o.

Durandal, épée merveilleuse de Charlemagne. C’était, selon les romans de chevalerie, un ouvrage des fées.

Durer (Albert), peintre illustre, né à Nuremberg en 1471, mort en 1528, avec la gloire assez rare d’avoir laissé beaucoup de chefs-d’œuvre où son pinceau, son crayon et son burin n’ont jamais offensé en rien la religion ni les mœurs. On raconte de lui une vision que nous rapporterons ici :

« Albert, le pieux artiste, rêvait quelque nouveau chef-d’œuvre ; il voulait se surpasser lui-même ; mais le génie de l’homme a ses limites que jamais il ne peut franchir sans se perdre dans les abîmes du monde intellectuel. Pendant une belle nuit d’été, il avait commencé et recommencé l’esquisse des quatre évangélistes. Il voulait retracer les traits de ces hommes inspirés qui furent trouvés dignes de devenir les historiens de l’Homme-Dieu. Mais rien de ce que sa main produisait ne rendait à son gré les traits qui se peignaient dans son âme. C’était à Nuremberg. La nuit était superbe, la lune éclairait de sa magique lumière les églises de Saint-Sébald et de Saint-Laurent. Des milliers d’étoiles brillaient à la voûte céleste au-dessus de cette ville silencieuse et de ses rues désertes. « Dieu, s’écria Albert, a permis à des hommes de transformer ici des débris de rochers en bâtiments magnifiques, pleins d’harmonie dans leur ensemble et dans toutes leurs parties, élevant majestueusement leurs tours vers le ciel, et il ne me permettrait pas à moi de rendre sur la toile et en son honneur les portraits de ses saints envoyés, portraits que cependant je porte en mon âme ! » Albert se sent ému ; ses mains se rejoignent pour prier ; et en ce moment l’église de Saint-Sébald se colore de feu et de flamme ; des nuages bleus forment le fond sur lequel se dessinent les figures imposantes des quatre évangélistes. « Oh ! voilà, dit-il, les traits que j’ai en vain cherchés, qui échappaient à mon art débile ! » Il court à sa toile abandonnée, il saisit ses pinceaux et bientôt l’esquisse est terminée. Il ne sera pas difficile au grand artiste d’achever dignement son œuvre.

» Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi il sut créer des chefs-d’œuvre d’une si pure spiritualité. Beaucoup de ceux qui voulurent marcher sur ses traces échouèrent souvent, non parce que le talent leur manquait, mais parce qu’ils n’avaient pas sa foi naïve et forte. Le ciel et ses merveilles restèrent cachés pour eux, derrière les sombres nuages du monde matériel[56]. »

Duses, démons de la nuit qui effrayent les Allemands par une sorte de cauchemar.

Duvernois. Voy. Rolande.

Dysers, déesses des anciens Celtes, que l’on supposait employées à conduire les âmes des héros au palais d’Odin, où ces âmes buvaient de la bière dans des coupes faites des crânes de leurs ennemis.

Dythican, démon prince qui se montra au docteur Faust sous la forme d’une perdrix colossale, avec le cou moucheté de vert.

Dzivogeon, femmes étranges, du genre des esprits élémentaires. Elles habitent plusieurs montagnes de la Russie.



  1. Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, traité V, p. 264.
  2. Gesta Dagoberti regis, etc.
  3. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. IV, disc. iii, p. 267.
  4. Voyez les Légendes infernales.
  5. Voyez dans les Légendes des Commandements de Dieu le Ménétrier d’Echternach.
  6. Taillepied, Psychologie, p. 175.
  7. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, disc. iv, p. 204.
  8. Bodin, Démonomanie, liv. I, ch. iv.
  9. Brown, Des erreurs populaires, liv. V, ch. ii.
  10. Voyez, dans les Légendes infernales, les Prophètes du Dauphiné. M. Hippolyte Blanc a donné récemment une curieuse et très-intéressante histoire de ces faits, sous ce titre : De l’inspiration des camisards, in-12, 1860, à Paris, chez Henri Plon.
  11. Voyez l’histoire de David Georges, dans les Légendes infernales.
  12. Tite-Live et Valère-Maxime.
  13. Il y a une préface de Jean d’Espagnet.
  14. Ancien manuscrit de la bibliothèque du roi, rapporté à la fin des Remarques de Joly sur Bayle.
  15. Disquisitionum magicarum libri sex, etc., auctore Martino Delrio, etc.
  16. Pour le déluge universel, voyez les Légendes de l’Ancien Testament.
  17. Leloyer, Histoire des spectres ou Apparition des esprits, liv. I, ch. ix, p. 80.
  18. De resurrectione mortuorum, lib. III, cap. vi.
  19. La version des Septante donne au monde quinze ou dix-huit cents ans de plus que nous. Les Grecs modernes ont suivi ce calcul, et le P. Pezron La un peu réveillé dans l’Antiquité rétablie.
  20. Quique creaturæ præfulsit in ordine primus…
    Alc. Activi poem., lib. II.
  21. Apocalypse, ch. v, vers. 7 et 9.
  22. Dictionnaire critique. Art. Spinoza et Ruggeri.
  23. Histoire des spectres, liv. III, ch. iv, p. 198
  24. Ancien manuscrit de la bibliothèque du roi, cité par Joly, Remarques sur Bayle.
  25. Torquemada, Hexaméron, p. 29.
  26. Saint-Foix, Essais, t. I.
  27. Delancre, Tableau de Vinconst. des démons, etc., p. 90.
  28. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, et M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 204.
  29. Curiosités de la littérature, trad. de l’anglais par Bertin, t. I, p. 52.
  30. Muret, Des cérémonies funèbres, etc.
  31. Leloyer, Histoire des spectres ou Apparitions des esprits, liv. III, ch. iv, p. 207.
  32. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, p. 185.
  33. Barclay, dans l’Argents.
  34. Lebrun, Histoire des superstitions, t. I, ch. iv, p. 413.
  35. Sprenger, Malleus malefic., part. I, quæst. xv. Voyez aussi Envoûtement.
  36. L’abbé de Choisy, Relation de l’ambassade de Siam.
  37. Incrédulité et mécréance du sortilège, etc., tr. V, p. 37.
  38. Erasme, Discours sur l’Enfant Jésus.
  39. Delancre, Tableau de Vinconst. des démons, etc., liv. IV, p. 417.
  40. Leloyer. Histoire des spectres et apparitions des esprits, liv. III, ch. viii, p. 316. Après Thomas Fazelli, De rebus siculis, decas I, lib. III.
  41. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. II, p. 101.
  42. Mémoires de Thébaul de Champassais sur la ville de Domfront.
  43. Delancre, Tableau de l’inconst. des démons, etc., liv. III, p. 210.
  44. Dans les Disquisitions magiques.
  45. Voyage de Monconis, de Thévenot et du P. Goujon.
  46. Voyage dans le Finistère, t. III, p. 112.
  47. Voyez cette légende dans Les douze convives du chanoine de Tours.
  48. « Les divers insectes carnivores, vus au microscope, sont des animaux formidables ; ils étaient peut-être ces dragons ailés dont on retrouve les anatomies ; diminués de taille à mesure que la matière diminuait d’énergie, ces hydres, griffons et autres se trouveraient aujourd’hui à l’état d’insectes. Les géants antédiluviens sont les petits hommes d’aujourd’hui. »
    (Chateaubriand, Mémoires, tome II.)
  49. Delrio, Disquisit., lib. VI, cap. ii.
  50. Diodore de Sicile.
  51. Saint-Foix, Essais, etc., t. II.
  52. Saint-Foix, Essais sur Paris, t. III, p. 384.
  53. Dion Cassius.
  54. Bertin, Curiosités de la littérature, t. I, p. 248.
  55. Leloyer, Histoire et discours des spectres, etc., liv. IV, ch. xv, p. 369.
  56. Nouvelle revue de Bruxelles. Février 1844.