Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Michée

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Œuvres complètes
Traduction par Abbé Bareille.
Louis Vivès (Tome neuvièmep. 1-91).
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COMMENTAIRES SUR LE PROPHÈTE MICHÉE EN DEUX LIVRES.[modifier]

PROLOGUE.[modifier]


Michée, sur lequel je désire à présent dicter des Commentaires, est, dans l’ordre des douze Prophètes, le troisième d’après les Septante, tandis qu’il est le sixième d’après l’hébreu, et suit Jonas, qui vient après Abdias, en sorte qu’Amos soit le troisième et Joël le second, à la suite d’Osée, qui est le premier chez les uns et chez les autres. Par conséquent, placé pour ainsi dire au cœur du volume, il doit contenir de profonds mystères, et la parole de Dieu, qui descend toujours vers les Prophètes, est descendue aussi vers Michée, dont le nom veut dire humilité ; vers Michée de Morasthi, qui est encore de nos jours une petite bourgade de la Palestine, non loin de la ville d’Eleuthéropolis, et dont le nom se traduit en notre langue par héritier. Et il est bien vrai que l’humilité, la première de toutes les vertus, naît de l’espérance de l’héritage du Seigneur ; non pas l’humilité qui vient de la conscience des péchés, mais celle qui est une vertu, et dont il est dit : « Humiliez-vous sous la main puissante de Dieu, afin qu’il vous élève au temps de sa visite ; » 1 Pi. 5, 6 ;… « celui qui s’abaisse, sera élevé ;» Luc. 18, 14 ;… « l’orgueil précède la ruine de l’âme, et l’humilité précède sa gloire ;» Pro. 16, 18 ; et Notre-Seigneur : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Mat. 11, 29. De même que chez nous on appelle les enfants de surnoms votifs, comme pour les mettre sous les auspices d’une vertu, comme sont les mots de vainqueur, et autres semblables, – noms de vertus dont la volonté des parents fait le prénom de leurs enfants.

LIVRE I[modifier]


« Parole du Seigneur qui fut adressée à Michée de Morasthi, au temps de Joathan, d’Achaz et d’Ezéchias, roi de Juda, et dont il eut la vision contre Samarie et Jérusalem », Mic. 1, 1, ou, d’après les Septante, « au sujet de la vision qu’il eut contre Samarie et Jérusalem. » La parole du Seigneur fut donc adressée à Michée, après le temps d’Osée, d’Amos et d’Isaïe, qui prophétisèrent sous le règne d’Ozias ; par où nous voyons que Michée ne prophétisa point au temps d’Ozias, mais sous son fils Joathan, après lequel régna Achas, qui eut lui-même pour successeur son fils Ezéchias, sous lequel les Assyriens emmenèrent les dix tribus en captivité. 2 Ro. 18. C’est pourquoi, conformément à l’histoire et à la chronologie de la captivité, parce Samarie, capitale d’Israël, fut prise la première, et ensuite Jérusalem, capitale de Juda, le préambule de la prophétie s’annonce d’abord contre Samarie, et puis contre Jérusalem. Pour ce qui a trait au sens mystique, Samarie signifiant toujours les hérésies et Jérusalem l’Église, la parole du Seigneur s’adresse à l’âme humble et au cohéritier du Christ, au sujet des dogmes pervers, et aussi au sujet de l’Église, pour les péchés qu’elle peut avoir commis ; c’est là la matière et l’ordre de tout le volume. Pour Samarie et les dix tribus, qui se séparèrent de la race de David sous le roi Jéroboam, 1 Ro. 12, elles sont bien la figure des hérétiques : toute l’Ecriture en fait foi, et notamment le prophète Osée, et ce livre même de Michée, qui appelle les hérétiques impies et les enfants de l’Église pécheurs, puisque nous y lisons de suite après : « Quelle est l’impiété de Jacob ? n’est-ce point Samarie ? Quel est le péché de Juda ? n’est-ce point Jérusalem ? » Telle est du moins la version des Septante ; quant à ce que porte le texte hébreu, je le rapporterai plus loin. Les hérétiques ne cessent de mettre leur confiance dans l’apparente élévation de leurs doctrines, et de mépriser la foi simple de l’Église ; c’est ce qui est dit aussi ailleurs : « Malheur à ceux qui méprisent Sion et qui mettent leur confiance dans la montagne de Samarie I » Amo. 6, 1 ; « car c’est de Sion que sortira la loi, et de Jérusalem la parole du Seigneur. » Isa. 2, 3. Or, Samarie s’est fabriqué d’après son propre sens des veaux d’or, qui ont assurément les apparences extérieures de la beauté, mais qui n’ont pas le souffle de la vie ; et elle les a fabriqués dans Béthel, dans la maison de Dieu. Le peuple d’Israël ne pouvait, en effet, arrêter ses regards que sur des dieux faits d’après les Écritures et dans la maison de Dieu. Mais bien qu’ils appellent leurs conciliabules Béthel, dès que les idoles y ont été fabriquées, ce nom de Béthel se change en celui de Béthaven, maison de l’Idole, ou maison de On, d’après les Septante. Voilà pour le préambule. Abordons maintenant le début de la prophétie, et, sous les menaces de l’Hydre de Lerme, invoquons la venue du Saint-Esprit. Et vous, Paule et Eustochium, répandez vos prières aux pieds du Sauveur, de peur que l’envie ne me nuise, et afin que mon esprit en liberté, n’ayant de pensée que pour ce qu’il s’efforce d’expliquer, demeure insensible aux soufflets de la jalousie, que Notre-Seigneur méprisa dans sa Passion. Mrc. 14 ; Jn. 18-19.
« Peuples, entendez tous ; que la terre et tout ce qu’elle contient soient attentifs ; que le Seigneur Dieu soit témoin contre vous, le Seigneur qui va sortir de son saint temple. » Mic. 1, 2. Les Septante : « Peuples, entendez tous ; que la terre et tous ceux qui y sont prêtent l’oreille. Que le Seigneur Dieu porte témoignage contre vous, le Seigneur qui va sortir de sa maison sainte. » Le sens littéral étant évident, j’en abandonne l’intelligence à la prudence du lecteur. Au figuré, la prophétie appelle à l’entendre les peuples, c’est-à-dire les Églises de tout l’univers, et la terre à lui prêter l’oreille, parce que les doctrines des hérétiques sont bâties sur les inspirations terrestres. Les hérésies sont comptées parmi les œuvres de la chair, qui se rattachent toujours à la terre ; l’Apôtre n’en fait pas mystère aux Galates, Gal. 5, et Notre-Seigneur, dans l’Évangile, l’enseigne à tout auditeur diligent : « Celui qui est de la terre parle de la terre ; » Jn. 3, 34 ; et pour distinguer de l’hérétique l’enfant de l’Église, il ajoute : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous », Ibid… « et ce qu’il a vu et ouï, il le témoigne. » Id. 32. Les mots : « Peuples, écoutez », à cause de la parole du Seigneur : a Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende », Luc. 8, 8, ayant un sens plus haut que ce qui suit : « Que la terre soit attentive », c’est à l’Église que s’adressent ces paroles : « Peuples, écoutez tous », et aux hérétiques qui ont accepté la doctrine terrestre, celles-ci : « Que la terre et tous ceux qui l’habitent soient attentifs ; » en sorte que, si les uns écoutent et si les autres sont attentifs, ils n’auront pas à endurer les maux dont la parole du Seigneur va faire la menace. Que le Seigneur porte témoignage, ou, d’après l’hébreu, soit témoin contre eux, ou encore, d’après l’interprétation plus claire de Symmaque, jouant le rôle de témoin contre eux, et ceci, dans nulle autre maison que la sienne, qui est l’Église, ou bien dans le Fils, NotreSeigneur Jésus-Christ, le seul vrai temple du. Père, et de la bouche de qui sort, la parole du Père pour pénétrer jusqu’au cœur et remuer les entrailles de ceux qui veulent être attentifs et écouter.
« Voilà que le Seigneur sortira de sa demeure ; il descendra et foulera aux pieds les hauteurs de la terre. Sous lui, les montagnes se fondront et les vallées vont disparaître, comme la cire à l’aspect de la flamme, comme les eaux qui courent dans l’abîme. Tout cela à cause du crime de Jacob, et à cause des péchés de la maison d’Israël. Quel est le crime de Jacob ? n’est-ce point Samarie ? Et qui a fait les hauts lieux pour Juda, sinon Jérusalem ? » Mic. 1, 3 et seqq. Les Septante : « Voilà que le Seigneur sortira de sa demeure ; il descendra et montera sur les hauteurs de la terre. Sous lui les montagnes seront ébranlées et les vallées se fondront comme la cire à l’aspect de la flamme, et comme l’eau disparaît sur une pente rapide. Tout cela arrivera à cause de l’impiété de Jacob et à cause du péché de la maison d’Israël. Quelle est l’impiété de la maison de Jacob ? n’est-ce point Samarie ? Et quel est le péché de la maison de Juda ? n’est-ce point Jérusalem ? » O Samarie et Jérusalem, écoutez, prêtez soigneusement l’oreille au Seigneur qui, de son temple, atteste à cause de vous et vous prédit tout ce qu’il va faire. La douceur, la bonté, la miséricorde est son essence, et vous l’obligez de prendre la sévérité du juge, qu’il n’a pas. « Il descendra et foulera aux pieds les hauteurs de la terre. » Fouler aux pieds la terre et briser les puissants, pour Dieu, c’est descendre, c’est s’abaisser au-dessous des hauteurs de sa majesté. « Sous lui, se fondront « ou « s’anéantiront les montagnes et les vallées », les princes et les peuples. Comme la cire ne peut soutenir le voisinage du feu, comme les eaux sont emportées dans un précipice, ainsi tout l’orgueil des impies, à la venue du Seigneur s.e dissoudra et s’écoulera. Tout cela arrivera à cause des crimes des dix tribus, qu’il appelle Jacob et Israël, et à cause de la prévarication de Juda, parce que Samarie fut la métropole des dix tribus, et que, dans le royaume de Juda, Jérusalem fabriqua les idoles des hauts-lieux. C’est là le sens littéral.
Au figuré, le Seigneur sortira de sa demeure, qui est ou le Fils, ou quiconque est saint. Et en effet, le Fils s’exprime ainsi : « Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi ; » Jn. 14, 10 ; et il est dit des saints : « J’habiterai et je marcherai en eux ; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. » Lev. 26, 12. Il sortira d’eux, ce qui ne veut pas dire qu’il les quittera, puisque la parole du Seigneur sortait des Apôtres vers les auditeurs, et cependant ne les quittait pas. Les lieux de cette sorte, ceux qui sont dignes d’avoir Dieu pour hôte, comme ressuscitant avec Jésus-Christ et s’asseyant avec lui dans les cieux, sont placés en haut. Aussi le texte dit-il qu’il descend vers ceux qui ne peuvent entendre sa doctrine sur la montagne. Lorsqu’il sera descendu, il ne montera point sur les humbles et sur ceux qui sont en bas, mais sur ceux qui sont appelés les hauteurs de la terre, et qui, comprenant la majesté du Seigneur dans sa venue, seront ébranlés. Bien qu’ds soient montagnes, la présence d’un tel conducteur et d’un tel cavalier les fera trembler d’effroi. Quant aux vallées, aux âmes retenues dans les liens des corps terrestres, et ne ressuscitant pas avec l’homme céleste, elles ne pourront supporter sa présence ; tout ce qu’il y a en elles de dur se dissoudra, et elles s’écouleront, comme des eaux qui, n’étant plus retenues en plaine, sont emportées sur la pente d’un précipice. Le Seigneur viendra donc dans un appareil redoutable pour instruire, c’est-à-dire pour ébranler les montagnes et pour dissoudre les humbles vallées, parce que Jacob a commis l’impiété et Israël le péché. I/impiété de Jacob, ce sont les conciliabules de l’hérésie, désignés sous le nom de Samarie ; le péché de Juda, de celui qui confesse le Seigneur, n’est autre chose que Jérusalem, où l’on trouve de nombreux crimes. La maison de Juda se rapporte à Jésus-Christ, à qui appartient l’Église ; je l’ai dit souvent, et j’en donnerai ici ce témoignage : « Juda, vos frères vous loueront ; vos mains s’appesantiront sur le dos de vos ennemis. » Gen. 49, 8. Autre interprétation. À cause des impiétés de Samarie et des crimes de Juda, le Seigneur est sorti du lieu qui fut autrefois sa demeure, et il a dit aux Juifs : « Votre maison vous sera laissée déserte. » Mat. 28, 38 ; Luc. 13, 35. Il est descendu des cieux, il est monté sur les hauteurs de la terre, c’est-à-dire sur ceux d’entre les Gentils que l’humilité do leur foi a rendus dignes d’être élevés. Les montagnes ont ôté ébranlées, les doctrines des philosophes, et les dominations puissantes, et ceux qui étaient demeurés dans la bassesse, ont été consumés et brisés par l’événement du Sauveur ; l’Église croissant sans cesse et les montagnes élevant haut leur faîte, les idoles ont été précipitées dans l’abîme. Le Seigneur est donc sorti de sa demeure et l’Église a été construite avec les Gentils, afin que les montagnes fussent ébranlées sous ses pieds et que disparussent les vallées profondes, parce que Jacob a agi en impie et Israël commis le péché, et que toutes les tribus ont renié le Seigneur.


« Je ferai de Samarie comme un monceau de pierres élevé dans un champ, lorsqu’on plante une vigne ; je ferai rouler ses pierres dans la vallée, et je mettrai ses fondements à nu. Toutes ses statues tomberont, toutes ses richesses seront la proie du feu ; je réduirai toutes ses idoles en poussière, parce que toutes ses richesses étaient le prix de la prostitution et elles en redeviendront le salaire. Je pleurerai, je pousserai des cris sur ces maux ; je marcherai dépouillé et nu ; mes cris seront ceux du dragon, mes gémissements seront semblables à ceux de l’autruche, parce que sa plaie est désespérée, parce qu’elle s’est étendue jusqu’à Juda, jusqu’à la porte de mon peuple, jusque dans Jérusalem. » Mic. 1, 6 et seqq. Les Septante : « Je ferai de Samarie un champ où bon garde les fruits et où l’on plante la vigne ; je ferai rouler ses pierres dans l’abîme, et je mettrai à nu ses fondements. Toutes ses statues tomberont, et toutes ses richesses seront la proie du feu ; je réduirai toutes ses idoles en poussière, parce qu’elle a amassé toutes ses richesses du prix de la fornication, et elles seront détruites comme étant le salaire de la fornication. C’est pour cela qu’elle pleurera et sera dans le deuil ; elle marchera sans chaussure et nue ; son cri sera celui du dragon, et ses gémissements seront semblables à ceux des filles des sirènes, parce que sa plaie est incurable, et qu’elle s’est étendue jusqu’à Juda, jusqu’à la porte de mon peuple et jusque dans Jérusalem. » La venue des châtiments suit la chronologie des péchés. Samarie a péché la première, elle a fabriqué des idoles, et, au lieu du Seigneur, elle a adoré des veaux d’or : qu’elle périsse donc la première. Pour la détruire, je ferai venir les Assyriens, et je ferai d’elle comme un tas de pierres quand on plante une vigne, en sorte qu’elle soit changée en monceaux de décombres. Je ferai rouler ses pierres dans la vallée ; elle était, en effet, située sur la montagne, sur l’emplacement de la Sébaste de nos jours, où sont ensevelis les ossements de S. Jean-Baptiste. « Je mettrai ses fondements à nu. » La ruine de la ville sera si complète, son renversement si profond, que non-seulement les murailles et les édifices s’écrouleront, mais encore que les fondements en seront mis à nu jusqu’à la dernière pierre. Toutes ses statues, toutes les richesses que les différents rois y avaient amassées, tomberont, seront la proie des flammes et seront anéanties pour eux, puisque ces richesses et tous les biens qu’ils croyaient avoir amassés dans la prostitution aux idoles, seront portés à une courtisane, c’est-à-dire à Ninive ; en sorte qu’après s’être prostitués dans leur pays aux idoles qu’ils avaient faites, ils iront dans une autre terre d’idolâtrie et de prostitution, chez les Assyriens. Jusque-là, il ne s’agit que de Samarie. Mais comme la même plaie s’est étendue jusqu’à Jérusalem, puisqu’elle est tombée dans le même péché en abandonnant son Dieu et en fabriquant des idoles, le Prophète fait comme une prosopopée de Dieu, et le montre dans l’attitude de la désolation. « Je pleurerai », s’écrie-t-il, « sur ces maux, je pousserai des cris lamentables ; je marcherai dépouillé et nu », car j’ai perdu les dix tribus, et mon cri sera semblable à celui des dragons, et mes gémissements à ceux des autruches. De môme que les dragons, au rapport des naturalistes, font entendre de terribles sifflements, lorsqu’ils sont vaincus par les éléphants, et de même que les autruches oublient leurs œufs, et, comme si elles n’avaient pas produit, abandonnent sur le sable leurs petits exposés à être foulés aux pieds par les bêtes, Job. 39, de même, privé de mes enfants, je marcherai dépouillé et nu. Il en sera ainsi, parce que la plaie de Samarie est désespérée. Or, le même péché, bien plus, le même châtiment du péché qui a détruit Samarie, arrivera jusqu’à Juda et jusqu’à la porte de ma ville de Jérusalem. Juda et Jérusalem seront dévastés par les Chaldéens, comme Samarie a été renversée par les Assyriens.
Nous avons déjà montré dans Samarie l’image de l’église des hérétiques, qui, séparée de Dieu, s’est changée en un conciliabule du peuple. Le Seigneur la menace de la changer en un terrain réservé aux arbres fruitiers, en un champ et en un vignoble. Il vaut mieux, en effet, qu’une ville inutile soit détruite, que les pierres dont elle avait été bâtie soient jetées dans un précipice, et que son emplacement soit préparé pour recevoir un verger et des plants de vigne, au lieu de laisser subsister ses constructions consacrées au mal. Lorsqu’elle sera détruite, lorsqu’auront été mis à nu ses fondements, dans lesquels elle paraissait cacher ses mystères et posséder des dogmes fermes qui la soutenaient ; lorsque les ministres de Dieu, les champions de l’Église, auront brisé toutes ses idoles qui semblaient belles, grâce aux ornements dont les avait entourées un langage habile, alors, là où le feu aura consumé l’édifice du mal, naîtront les fruits divers de l’Église ; ils y naîtront et s’y conserveront, et il y sera planté la vigne de Sorec, d’où proviendra le vin que le Seigneur a, promis de boire dans le royaume de son Père. Mrc. 14. Non-seulement les fondements de Samarie, que la terre étreignait, seront ouverts et mis à nu à tous les yeux, et les idoles qu’elle s’était faites seront brisées, mais, en outre, la gloire et les richesses que sa prostitution et son erreur semblaient lui avoir données, seront consumées par mon feu, dont j’ai dit dans l’Évangile : « Je suis venu porter le feu sur la terre, et je veux qu’elle en soit consumée. » Luc. 12, 49. Elles seront brûlées et réduites à néant, parce qu’elles ont été amassées, non des fruits de la vérité des doctrines, mais du prix de la fornication de l’âme, et que l’erreur les a recueillies partout où elle a pu. Car les hérétiques n’ont pas de richesses provenant de l’héritage paternel ; ils inventent chaque jour l’objet de leur culte, ils se font des idoles, ouvrage de leurs mains habiles et inventions de la curiosité de leur esprit. C’est pour cela que, lorsque leur champ aura été changé en une réserve de fruits et préparé pour la vigne, que les pierres avec lesquelles avait été bâtie leur ville auront roulé dans l’abîme, que leurs fondements auront été mis à nu, que toutes leurs statues auront été brisées et brûlées, que les récompenses dont ils nourrissaient la vaine espérance et tout ce qu’ils semblaient adorer comme dieu auront été anéantis, parce que toutes leurs richesses avaient été acquises au prix de la fornication de l’âme ; alors, comprenant leur erreur d’autrefois, et rentrés en eux-mèmes, ils pleureront sur les objets qui nourrissaient auparavant leur rire, ils se lamenteront sur les objets où ils semblaient trouver la joie dans leur fornication. Us dépouilleront leurs pieds de tout ce qui provenait de la mort ; ils seront sans chaussures, parce que la terre sur laquelle ils vont habiter est un lieu saint, et ils rejetteront tous les vêtements de leur fornication ; ils seront nus, afin de pouvoir se revêtir de Jésus-Christ. Leur cri sera semblable a celui des dragons, car les dragons mêmes doivent pousser des cris de douleur un jour, quand ils verront le grand dragon pris et suspendu à l’hameçon du pêcheur, et la mer désolée. Ils se lamenteront comme les filles des sirènes, car les chants de l’hérésie sont doux, et c’est par la douceur de leur voix qu’ils trompent les peuples ; celui-là seul peut échapper à leurs chants, qui se bouche les oreilles et passe comme s’il était sourd. Samarie poussera ces cris et ces gémissements, parce que, frappée par la flèche et blessée par la parole du Seigneur, elle reconnaîtra son égarement. Or, non-seulement Samarie a péché elle-même, mais elle a voulu introduire son iniquité et son erreur par les portes de Juda. De là ce que dit la prophétie : « Sa plaie s’est étendue jusqu’à Juda, jusqu’aux portes de mon peuple et jusqu’à Jérusalem. » Elle a touché les portes de mon peuple, c’est-à-dire ses oreilles. Elle n’a pu, d’ailleurs, pénétrer au cœur de la ville ; si elle l’eut fait, elle eût changé Jérusalem en Samarie. Toutes les fois que nous verrons quelques membres de l’Église se scandaliser des discours des hérétiques, chercher comment ils peuvent répondre à leurs questions, et néanmoins ne pas s’éloigner de l’Église, disons que Samarie est venue, ou que la plaie de Samarie s’est étendue jusqu’au peuple des fidèles, jusqu’aux oreilles du peuple de Dieu, jusqu’aux portes de Jérusalem. Jusqu’ici, la prophétie s’est élevée contre Samarie et contre Jérusalem. Étudions ce qui suit.
« Ne le publiez pas dans Geth ; étouffez vos larmes ; couvrez-vous de poussière dans une maison qui sera réduite en poussière. Passez, maison de Saphir, couverte d’ignominie ; celle qui habite Sennan n’est pas sortie. La maison d’Asel recevra le deuil de vous, elle qui s’était soutenue par elle-même, parce qu’elle a été affaiblie dans le bien, celle qui habite Maroth, parce que le mal envoyé par le Seigneur est descendu jusqu’à la porte de Jérusalem. Les habitants de Lachis ont été épouvantés par le bruit des chariots de guerre. Lachis, vous êtes la source du péché de la fille de Sion, parce vous avez imité les crimes d’Israël. Le roi d’Israël enverra de ses émissaires aux princes de Geth, mais ils n’y trouveront qu’une maison de mensonge qui les trompera ; vous qui habitez à Maresa, je vous amènerai des gens qui hériteront de tous vos biens. La gloire d’Israël s’étendra jusqu’à Odolla. » Les Septante : « Vous qui êtes dans Geth, gardez-vous de vous enorgueillir ; vous qui êtes dans Bachim, gardez-vous de rebâtir la maison de dérision ; couvrez vos têtes dédaigneuses de sa cendre. Celle qui habite bien ses villes n’est pas sortie, celle qui habite Sennan. Plaignez votre maison près d’elle. Elle recevra de vous la plaie de la douleur. Qui a eu compassion de celle qui habite dans les douleurs ? parce que les maux envoyés par le Seigneur sont descendus contre les portes de Jérusalem. Voici le bruit des chars et des cavaliers, maison de Lachis ; vous êtes la source du péché de la fille de Sion, parce que les iniquités d’Israël ont été trouvées en vous. Celui-ci enverra des émissaires jusqu’aux princes de Geth, maisons vaines qui ne seront d’aucun secours aux rois d’Israël ; jusqu’à ce que j’amène des héritiers qui vous remplacent, vous qui habitez Lachis, l’héritage s’étendra jusqu’à Odolla. »
L’hébreu s’éloigne beaucoup de la traduction des Septante, et autant la leur que la mienne se trouve aux prises avec de si grandes difficultés, que si nous avons eu quelquefois besoin du secours de l’esprit de Dieu – et nous en avons constamment besoin dans l’explication des saintes Écritures, – c’est surtout le moment d’en souhaiter la présence, pour nous découvrir ce qu’il a dit par les Prophètes, afin qu’il puisse être entendu de nous, ce qu’il daigne promettre quelque part : « Ouvrez votre bouche et je la remplirai. » Psa. 80, 11. Geth, comme l’atteste l’histoire des Rois, 1 Ro. 17, est une des cinq villes de la Palestine. Elle confine à la Judée, sur la route d’Eleuthéropolis à Gaza, et elle en est jusqu’à présent même le bourg le plus important ; c’est de là que fut ce Goliath Gethéen que David tua dans le combat. C’est parce que le Prophète, bien plus, parce que le Seigneur avait dit par le Prophète : « Je pousserai des plaintes et des cris, je m’en irai dépouillé et nu, j’aurai les gémissements des dragons et les soupirs des autruches, parce que la plaie de Samarie est désespérée et incurable ; elle est arrivée jusqu’à la Judée et elle a touché la porte de mon peuple dans Jérusalem », que de ma voix éplorée je répète encore : « N’en portez pas la nouvelle dans Geth », de peur que les ennemis, en l’entendant, ne se réjouissent. Ne versez pas de larmes, c’est-à-dire, que votre douleur n’éclate pas en sanglots ; dissimulez vos pleurs, afin que vos ennemis ne s’en applaudissent point ; que vos visages n’en portent point la trace, quoique l’affliction remplisse votre cœur ; n’allez point au-dehors, mais dans votre maison en destruction ; couvrez-vous de la poussière qui tombe de vos ruines. « Passez, maison de Saphir », ce qui en syriaque et en hébreu veut dire « belle. » Samarie, en effet, est dans le site le plus beau, et la plus fertile contrée de la Judée. On la montre encore. Il lui est donc dit : 0 toi qui habites la contrée la plus riche, parce que tu es couverte d’ignominie, passe, va-t’en en captivité, de façon qu’à cause do la grandeur de tes maux, pas un étranger voisin ne distingue ta voix. Ce qui suit : « Elle n’est pas sortie celle qui habite dans Senna », qui veut dire « sortie » ou, comme le rend Symmaque : « Elle n’est point sortie la maison de l’abondance », est dit de cette même Samarie qui est aux portes mêmes de la captivité, en Assyrie, et qui, au sortir de ses terres, touche le sol de ses ennemis. Il faut entendre habitation abondante dans le sens indiqué plus haut, d’habitation belle. Elle n’est point donc sortie de sa propre volonté, celle qui habite à la sortie ou dans l’abondance, mais elle a été traînée de force chez les Assyriens. Aussi serez-vous pour la maison voisine, celle qui est à vos côtés, ce que veut dire Azel, c’est-à-dire le royaume de Juda, une cause de gémissements. Sans doute elle est debout, quoique Samarie soit captive, et Dieu a été son défenseur, mais elle en éprouve une atteinte, et frappée de terreur, et affaiblie dans son bien, celle qui habite dans Maroth, c’est-à-dire dans l’amertume, ou comme traduit Symmaque : « L’habitation qui invite à l’amertume », en grec : Ἡ κατοικία ἠ παπαπικραἰνουσα et en hébreu IOSERETH MAROTH, car, à cause de la captivité des tribus voisines, le mal envoyé de Dieu touche aux portes de Jérusalem. Après avoir ravagé la Samarie, en effet, l’Assyrien vint jusqu’à Jérusalem, quand Rabsacès lui fut envoyé, l’insulte à la bouche, comme le livre des Rois et Isaïe le rapportent tout en long. 2 Ro. 18 ; Isa. 36. Il y est dit que le roi d’Assyrie aurait envoyé de Lachis à Jérusalem, et qu’après la prise de Lachis, il serait venu assiéger Lobna. Il viendra donc, ô Lachis, ô ville toute adonnée aux idoles, il viendra vers toi l’Assyrien, avec chars et cavaliers, parce que les crimes d’Israël ont été trouvés en toi et que tu as été le principe de l’idolâtrie pour Juda. C’est par toi que, comme par une porte, l’impiété des dix tribus a pénétré dans Jérusalem. Et ce ne sera pas seulement à Lachis que viendront le tumulte et les quadriges, mais aussi à Geth, métropole de la Palestine, dont j’avais dit plus haut : « N’en portez pas la nouvelle dans Geth. » L’Assyrien, en effet, enverra ses pillards, qu’il appelle ses émissaires, et s’emparera de la demeure de l’idolâtrie, de la ville du mensonge qui, dans l’usurpation, passa aux rois d’Israël. Ce qui suit : « Je vous amènerai encore un héritier, vous qui habitez dans Marésa », est une charmante allusion au nom lui-même : Marésa veut dire héritage ; il appelle donc héritiers les ennemis qui doivent l’envahir, et Marésa, c’est-à-dire l’héritage, s’étendra jusqu’à Odolla, ville de Juda. Cette Odolla est célèbre parmi les villes d’Israël. C’est également, la traduction de Symmaque : « Je t’amènerai aussi un héritier pour toi, habitation de Marésa ; il viendra jusqu’à Odolla de la gloire d’Israël », pour dire qui est glorieuse entre les villes d’Israël ; et il est écrit de la « gloire » au génitif singulier et non « les gloires » au nominatif pluriel. Entendons-le du moins de cette manière : La captivité d’Israël, qui comprend Lachis, Geth et Marésa, s’étendra jusqu’à Odolla ; et si nous pressons encore le terme de la gloire d’Israël, disons que c’est par antiphrase, pour exprimer son ignominie ou sa ruine. Plus haut, nous avons interprété la ville du prophète Morasthi par héritage, avertissons donc le lecteur que, également dans le verset que nous avons écrit : « C’est pourquoi il enverra des émissaires sur l’héritage de Geth », l’hébreu porte, pour « héritage de Geth », le terme Maraseth Geth. C’est en suivant l’hébreu que jusqu’ici et d’après nos lumières et les leçons de mes devanciers, j’ai conduit comme j’ai pu ma nacelle à travers les rochers et les plus redoutables écueils ; est-elle entrée au port ou erre-t-elle encore sur l’onde ? j’en laisse le jugement à la prudence du lecteur.
C’est en nous confiant à vos prières que nous allons à d’autres flots, et quand de toutes parts, dans cette exposition, nous sommes menacé de naufrage, évitons-le, si nous le pouvons. Geth veut dire pressoir ; ceux donc qui sont dans Geth, c’est-à-dire dans le pressoir, se figurant qu’ils ont vendangé le fruit de la vigne, après avoir foulé la grappe de la vigne de Sorec, s’exaltent orgueilleusement, sans savoir que la grappe de la terre de Judée ne se trouve point dans les pays des étrangers. Gardez-vous, dit-il, de vous enorgueillir, vous qui êtes dans les pressoirs, parce que votre vigne est du plant de Sodome, et vos provins de Gomorrhe ; c’est le raisin de l’amertume, c’est la grappe de fiel pour vous ; votre vin est la fureur des dragons et la rage sans remède des aspics. Et si vous en avez du fruit, puisque votre vendange est non-seulement de Sodome et de Gomorrhe, mais encore de l’Égypte et autres nations ennemies, le Seigneur le livrera à la nielle, et vos labeurs à la sauterelle, et détruira vos vignes par la grêle et vos mûriers par la gelée. Ne vous laissez point tromper par la ressemblance du vin, et no prenez point l’amer pour le doux ; goûtez avec soin votre vin, et vous distinguerez du vin de Sorec la fureur des dragons et le venin des aspics. Aussi ne vous livrez pas à l’orgueil, mais humiliez-vous davantage sous la puissante main du Seigneur, et passez à ce pressoir dont celui qui monte d’Edom et vient tout empourpré de Bosra parle dans le prophète Isaïe : « J’ai foulé seul le pressoir, et il n’y a pas avec moi un seul homme des nations. » Mais comme, d’autre part, il s’en trouve parmi les étrangers et d’autres – la contrée des étrangers compte bien des pays et des villes – dont les œuvres mauvaises et les sentiments contraires à Dieu disent : « On a détruit nos œuvres, mais nous reviendrons et nous relèverons tout ce qui a été renversé », voilà pourquoi ils sont appelés les terres d’impiété et le peuple contre lequel le Seigneur est irrité. Il leur est dit : « Vous qui êtes dans Bachis, gardez-vous de provoquer la dérision au sujet de votre maison. » Bachis, dans notre langue, signifie « plainte » et « pleur » ; tous, en réalité, excepté les Septante, ont traduit χλαυθμὀν, c’est-à-dire « pleur. » Vous donc qui êtes dans ce genre d’œuvres et de pensées dignes de larmes, n’élevez pas de construction perverse, et ne regardez point votre sentiment comme étant l’édification de Dieu ; ne bâtissez pas sur le sable, de peur qu’au moment de la tempête votre maison ne croule et que l’inutilité de votre travail ne provoque le rire des spectateurs. Bien plus, comprenant que votre construction n’est digne que de moquerie, couvrez vos têtes de ses ruines et de sa poussière et faites pénitence de ce que, en dehors de tout conseil, vous avez voulu bâtir une maison qui doit tomber. Vient ensuite : « Celle qui habite bien dans ses villes, n’est point sortie celle qui habite Senna. » En voici le sens, me semble-t-il : Vous qui vous enorgueillissez dans Geth et dans Bachis, vainement vous mettez vos efforts à construire une maison dérisoire ; couvrez-vous de poussière et faites pénitence, parce que vous avez voulu presser un vin détestable et élever un édifice opposé à Dieu. Mais celle qui habite bien l’Église du Christ possède des Églises dans tout l’univers, est dans l’unité de l’esprit, a les villes de la loi, des Prophètes, de l’Évangile et des Apôtres, et n’est point sortie de ses terres, c’est-à-dire des saintes Écritures, mais garde ce dont elle est déjà en possession, parce qu’elle habite dans Senna, que Symmaque, comme nous l’avons déjà dit, traduit par abondance. Elle a, en effet, pour partage, le Père et le Fils et le Saint-Esprit, avec qui se trouvent toutes les grâces spirituelles et l’abondance des vertus. Aussi lui est-il dit : « Que la paix règne sur vos remparts, et l’abondance dans vos tours. » Psa. 121, 7. Quant à vous qui habitez auprès de Senna, c’est-à-dire auprès de cette Église où est l’abondance, ô hérétiques, ô doctrines opposées, poussez des plaintes sur vous-mêmes, parce que vous avez bâti une maison pour la dérision et foulé le pressoir pour l’orgueil, et ce n’est point sur le sol des Écritures, mais dans leur voisinage que vous avez bâti votre demeure, et ce n’est plus le rire qu’elle mérite, mais les larmes et les sanglots. Aussi, ajoute-t-on : plaignez la maison qui est auprès d’elle, c’est-à-dire près de Senna. Ce qui suit : « Elle recevra de vous la plaie de la douleur » est à l’adresse de ces mêmes hérétiques : On leur enjoint de plaindre la maison voisine de l’Église, parce que l’ennemi, le vengeur, le démon à qui ils seront livrés pour leur supplice, leur infligera lui-même les plaies et leur en fera ressentir la douleur en punition de cette construction détestable ; plaies salutaires qui leur sont envoyées afin que, reconnaissant leurs péchés, ils fassent pénitence et que l’invasion de la douleur soit pour eux une occasion de bien ; à moins qu’on veuille représenter la douleur de l’Église plaignant ceux qui furent ses enfants et qui serait la source du salut des hérétiques, s’ils voulaient revenir vers cette mère en deuil. Ce qui vient après : « Parce que les maux envoyés par le Seigneur sont descendus sur les portes de Jérusalem », est un passage dont se servent les Marcionites et les Manichéens pour établir que Dieu est l’auteur du mal. Disons que les maux sont venus du Seigneur, de la même façon que le Sauveur dit lui-même dans l’Évangile : « Je voyais Satan tombant du ciel comme la foudre. » Luc. 10, 18. De même, en effet, que là tomba du ciel Lucifer qui se levait le matin, Isa. 14,1 ss, et fut brisé sur la terre, lui qui envoyait la lumière aux nations, ainsi ces maux qui tombèrent du Seigneur et arrivèrent aux portes de Jérusalem, n’étaient point des maux avant leur chute, mais c’est en rompant avec Dieu qu’ils sont devenus des maux. Et pour que nous n’ignorions point leur piège perfide : « Ils sont venus », dit-il, « aux portes de Jérusalem », et comme elles sont inébranlables et de diamant, et sont fermées par les Apôtres, à qui ont été confiées les clefs de Jérusalem, c’est donc devant ces portes que ces ennemis stationnent, pour mettre à mort tous ceux qu’ils en ont vus sortir. Celui donc qui est de Jérusalem, qui habite bien dans ses villes, n’en sort point, puisqu’il est dans l’abondance, mais reste constamment à l’intérieur ; il ne franchit point les portes au-delà desquelles tous ceux qui s’avancent sont massacrés et massacrés par ceux qui s’enorgueillissent dans Geth, qui habitent Bachis, et qui bâtissent leur demeure pour la dérision. Les maux enfin qui sont descendus du Seigneur aux portes de Jérusalem produisent un si grand tumulte de chars et de cavaliers, un bruit si confus sur les portes de Jérusalem, qu’ils tuent par la lance de leur bouche quiconque ils ont vu s’aventurer. Après cela nous lisons : « Qui habitent Lachis ; elle est la source du péché de la fille de Sion. » Lachis veut dire « marche. » Et ce sont ceux qui sont montés sur leurs chars, et ont eu des cavaliers et ont fait tant de tumulte et de vain bruit, auxquels dit celle qui habite bien dans ses cités : Ceux-ci se confient en leurs chars, et ceux-ci en leurs chevaux, mais nous, c’est dans le nom du Seigneur notre Dieu que nous avons invoqué ; Psa. 19, 6 ; ils n’ont pu tenir leurs pieds en repos, et ils ont été enveloppés de tout vent de fausse doctrine, ils ont voulu sortir de l’Église qui signifie forteresse ou Sion, c’est pourquoi ils sont devenus la source du péché de la fille de Sion. Et dans son sein même, chez les Latins, se sont trouvées les impiétés d’Israël qui séparèrent le peuple de l’antique royaume de Dieu. Le principe donc du péché de la fille de Sion est celle qui habite Lachis, c’est-à-dire cette marche déplorable, au pas toujours incertain, et l’impiété d’Israël se trouve chez ceux dont les pieds s’agitent sans cesse et sont réputés pour habiter dans Lachis. Il viendra aussi des émissaires jusqu’à l’héritage de Geth, cette Geth perverse, ce pressoir de venins qui s’élève à l’encontre de la maison de Dieu, où sont ces demeures vaines qui sont élevées pour la dérision. Et ces maisons sans solidité, elles n’ont été d’aucun secours pour les rois d’Israël ; dans le sens historique, ce sont ces rois dont les égarements sont racontés dans les livres des Rois et des Paralipomènes, et au sens anagogique, ce sont les princes des hérétiques, les chefs des doctrines perverses ; c’est bien pour eux que ces maisons ont été vainement et inutilement construites. Elles n’ont de durée que jusqu’à l’arrivée des héritiers que le Seigneur doit amener. Vient ensuite : « Vous qui habitez Lachis, l’héritage s’étendra jusqu’à Odolla. » Odolla veut dire : « témoignage du boire », ou « de leur boisson. » Le grec, plus significatif, porte : μαρτυρία αντλήσεως αὐτῶν. Nous lisons dans les Proverbes : « Si tu es mauvais, seul tu boiras des maux. » Pro. 9, 2. Celle donc qui habite Lachis, c’est-à-dire sur une route mauvaise, viendra jusqu’au témoignage « de sa boisson », parce qu’elle boira et absorbera selon la mesure de ses œuvres. Ou bien encore il faut distinguer que ces paroles « qui habitent Lachis », se rapportent à ce qui précède, et que tel en est l’ordre et le sens : Je t’amènerai des héritiers de l’Église à toi qui habite Lachis, parce que toi aussi tu seras de l’héritage du Seigneur lorsque tu auras épuisé et enduré ce que tu as mérité. Je supplie, à la fin de ce chapitre, le lecteur de ne pas prendre ma volonté pour la nécessité qui s’impose et de ne pas voir, dans cette longue exposition, une superfluité de paroles ; qu’il s’étonne de ce qu’en pareille matière je trouve quelque chose à dire, plutôt que de me voir ne pas omettre celles qui sont à signaler.


« Arrachez vos cheveux et rasez vos têtes sur les enfants, vos délices ; dépouillez-vous entièrement comme l’aigle, parce qu’ils ont ôté conduits loin de vous en captivité. » Mic. 1, 16. Les Septante : « Gloire de la fille d’Israël, arrachez vos cheveux et rasez vos têtes, à cause de vos fils chéris : dépouillez-vous entièrement, comme l’aigle, parce qu’ils ont été emmenés loin de vous en captivité. » Ce qui est ajouté par les Septante : « Gloire de la fille d’Israël », en ajoutant « de la fille », les Hébreux le font dépendre du verset précédent. Pour nous, selon que vous l’avez voulu et que nous l’avons commencé, nous devons interpréter les Écritures comme elles sont lues dans l’Église, sans nous écarter néanmoins de la vérité hébraïque. Ici, il est donc parlé à Israël, et ce doit être pris à la lettre, soit que nous l’entendions des dix tribus qui sont en Samarie, ou de tout Israël en général ; qu’ils prennent donc le deuil, et qu’ils pleurent leurs fils, parce que le peuple a été emmené en captivité et la Judée tout entière a été ravagée par les Assyriens et les Babyloniens. Et de même que l’aigle, qui est le roi des oiseaux, perd, à une certaine époque, ses poils et demeure sans plumes, qu’Israël pareillement, dépose toute cette gloire dont il avait été entouré auparavant, et plaigne ses enfants soumis à la domination de ses ennemis. Que l’aigle, d’habitude perde ses plumes à une époque déterminée, c’est écrit dans le Psautier : « Ta vieillesse sera renouvelée comme celle de l’aigle ; » Psa. 102, 5 ; et le Comique dit aussi dans l’Heautontimorumène : « Il a paru vrai ce qu’on a coutume de dire de la vieillesse de l’aigle. » Terent. Loc. cit. Act. ni scen. II. Si nous voulions entendre ce passage au temps actuel de la destruction de la Judée, nous verrions que toute la faveur qui la rendit autrefois si prospère entre les mains de Dieu, s’est entièrement retirée de ce peuple. Où sont, en effet, ses Prophètes ? ses docteurs de la loi ? où est l’intervention des Anges ? où sont ces victoires inespérées remportées par quelques hommes contre des masses ? Elle est sans chevelure cette Jérusalem, elle a perdu la couronne de son ancienne gloire, et ses fils qui crièrent contre le Seigneur : « Crucifiez, crucifiez-le », Jn. 9, 5, ont été emmenés en captivité. J’ai lu dans les commentaires de quelqu’un, que ce qui est dit : « Coupez vos cheveux et rasez votre tête à cause de vos enfants, vos délices », se pouvait entendre de la condition humaine, et que tel est le langage de Dieu à Adam ou à la Jérusalem céleste : O âme humaine, ô ville autrefois mère des saints, qui étais avant dans le paradis, et jouissais des délices de tant d’arbres divers, qui avais une forme si belle ; maintenant, parce que tu as été précipitée de ces hauteurs et traînée dans Babylone, parce que tu es venue dans un lieu de captivité et que tu as perdu ta chevelure, rase-toi et prends l’habit de pénitent, et tandis qu’auparavant tu volais dans les airs comme l’aigle plains ta descendance qui t’est enlevée et menée en esclavage.


« Malheur à vous qui formez des pensées injustes et préparez le mal dans vos couches ; le matin venu, ils l’exécutent, parce que leur main est contre Dieu, et ils ont convoité les champs, et ils les ont enlevés avec violence, et ils ont volé les maisons, et ils calomniaient l’homme et sa maison, l’homme et son héritage. Voilà pourquoi dit le Seigneur : Voilà que je prépare pour cette famille un mal dont vous n’écarterez pas vos têtes, et vous ne marcherez pas avec lier té, parce que le temps est très-mauvais. En ce temps-là, il sera fait sur vous des fables, et on chantera sur vous ce refrain avec délices : Nous sommes dépouillés et pillés, la portion de mon peuple est passée en d’autres mains. Gomment s’éloignera-t-il de moi, puisqu’il revient, celui qui divise nos terres ? C’est pourquoi il n’y aura personne pour tirer au sort votre portion de terre dans l’assemblée du Seigneur. » Mic. 2, 1 et seqq. Les Septante : « Ils sont devenus des hommes méditant des travaux et pratiquant des choses mauvaises dans leurs couches, et cependant ils les accomplissaient le jour ; parce qu’ils n’ont point levé leurs mains vers Dieu, ils désiraient des champs, ils dépouillaient les orphelins, opprimaient les maisons, pillaient l’homme et sa maison, l’homme et son héritage. C’est pourquoi le Seigneur dit ceci : Voilà que je médite pour cette tribu des maux auxquels vous ne déroberez pas vos têtes, pour que vous ne marchiez point fiers aussitôt : parce que le temps est très-mauvais. En ce temps-là, il sera fait sur vous des fables, et on répétera cette plainte dans un refrain : Nous sommes réduits à la dernière misère, la portion de mon peuple a été partagée et mesurée et il n’y avait personne pour le défendre et l’empêcher. Nos champs ont été divisés : c’est pourquoi il n’y aura personne pour te faire une part dans l’héritage. » Ce que nous avons mis à la fin du verset en suivant l’hébreu : « Dans l’assemblée du Seigneur », et que les Septante ont traduit « dans l’Église du Seigneur », est dans la vulgate le commencement du verset suivant : il sera aussi, si le Seigneur le permet, l’objet de notre étude. Malheur donc à vous, assemblée des Juifs, qui méditez le mal et le réalisez. Ces lits donnés pour le repos, vous les souillez honteusement, et tout ce que vous préparez d’iniquités pendant la nuit, dès que le jour a paru, comme si on ne peut différer, vous vous hâtez de l’exécuter, sans considérer que c’est contre le Seigneur que votre main vigoureuse travaille. Et pour nous apprendre ce qu’ils méditaient la nuit et réalisaient le jour, l’Écriture l’énumère par parties. « Ils ont convoité », dit-elle, « les champs et les ont conquis par la violence ; » et les maisons aussi, en sous-entendant : ils ont convoité, celles qu’ils avaient convoitées, ils les ont pillées ; et non-seulement ils calomniaient les hommes et leurs maisons, mais leurs descendants aussi que leur âge tendre rendait dignes de pitié, ils les dépouillaient dans leur rage furieuse. C’est à cause de ces œuvres-là et de ces pensées injustes, que moi aussi, le Seigneur, je méditerai pour cette famille un mal ; non que ce soit un mal que je médite, mais parce que à ceux qui souffrent ce que j’envoie parait un mal ; et il vous accablera tellement que vous ne pourrez point lever votre tête, et vous ne marcherez point avec orgueil, vous que sans doute le temps de la captivité aura écrasés.
Alors il sera fait sur vous des fables, et votre misère sera mise en chant ; « Nous avons été dépouillés et ravagés, portion de mon peuple ;» mon peuple, dit-il, que j’estimais seul plus que tout parmi les autres nations, sera changé en une ruine. Comment s’éloignera-t-il de moi, cet Assyrien, puisqu’il revient tirer au sort et partager mes champs ? C’est pourquoi, ô famille d’Israël, pour laquelle je médite le mal, tu n’auras point départ dans l’héritage des justes. Ne peut-on pas arguer, touchant cette captivité si dure, que tout leur est arrivé parce qu’ils ont crucifié le Seigneur ? Soit dit ainsi, afin d’en venir a Inversion des Septante. La gloire delà fille d’Israël est enlevée et rasée pour ses enfants, autrefois chéris, et s’il repousse dans l’avenir quelque cheveu, un nouveau coup de rasoir le coupe et l’enlève. Maintenant tous leurs desseins tournent pour eux en peine, et ce qu’ils ont imaginé pendant le sommeil de leur esprit et de leurs sens, ne leur a ménagé que des labeurs ; tout ce qu’ils ont réalisé est devenu confusion aussitôt qu’on a aperçu la lumière du Christ et la vengeance. Quoiqu’ils eussent lu qu’Israël triomphait quand Moïse avait levé les mains au Seigneur et qu’il était vaincu par Amalec lorsque Moïse laissait tomber ses bras fatigués, Exo. 18,1 ss, ils n’ont point levé leurs mains vers le Seigneur', mais, se laissant aller*contre les pauvres et le peuple à commettre tous les crimes, ils ont soustrait leurs champs, ils pillaient lès maisons des orphelins et ils dépouillaient le mari aussi bien que l’épouse et ses enfants et leur domaine. C’est pourquoi le Seigneur a projeté des maux sur cette tribu, nullement sur les douze tribus, mais sur la tribu entachée de malice et de crimes, à cause desquels ils n’ont pu relever leur tète, ni marcher le corps droit. « Jusqu’à ce jour, ils sont soumis à l’empire romain, courbés sous le joug de la servitude, et ils ne relèvent point leurs têtes. » Ce qui suit, ἐξαίφνης, c’est-à-dire subitement, ne se trouve pas dans les volumes hébreux, et néanmoins cela peut assez convenir au passage présent pour faire dire : C’est pourquoi, dit le Seigneur : Voilà que je médite pour cette tribu des maux subits dont ils ne pourront pas relever leurs têtes, et ils ne pourront pas les lever, parce que le temps est mauvais. Comme ils ont fait des choses mauvaises contre le Seigneur Jésus, aussi ils endureront les maux d’une captivité perpétuelle, et ils en viendront à une telle extrémité que tous leurs cantiques et leurs psaumes seront des chants de deuil. Le peuple ne saura dire autre chose que ceci : « Nous sommes réduits à la dernière misère. » Cette terre de promission, qui avait été partagée entre les deux tribus et demi-tribus, autrefois, quand Moïse présidait au partage, et qui fut départie plus tard par Josué, fils de Navé, aux autres tribus, vient d’être distribuée aux nations parle compas d’un Romain ; et comme il ne s’est trouvé personne pour empêcher qu’il ne conquît toutes les nations, il n’y en a pas un parmi les Juifs qui foule le sol antique dans sa liberté première. Si nous voulions suivre une troisième exposition, nous pourrions appliquer tout ce que nous venons de dire à l’âme humaine dont nous disions naguère que, tombée du paradis, elle serait venue dans l’esclavage de ce monde ; nous verrons que toute pensée.à nous est travail et douleur, que le mal remplit nos couches et la lumière même qui apparaît est mêlée de ténèbres, et que tout.ee que nous préparons dans la nuit, nous l’accomplissons dans l’ombre. Qui de nous, en effet, élève à Dieu des mains saintes, exemptes de colère et de sollicitude ? qui ne désire pas les domaines de ce monde et n’oublie les richesses du paradis ? Ne voyez-vous pas qu’on ajoute les champs aux champs, les terres aux terres, et que les campagnes des villes ne suffisent pas au corps petit et chétif de l’homme. C’est pourquoi le Seigneur imagine pour nous des maux qui nous mettent dans l’impuissance de lever nos têtes et de marcher le corps droit, parce que le temps est très mauvais, selon les paroles de Jean, qui dit : « De monde est sous l’empire du malin. » 1 Jn 5, 19. C’est ce que représente encore cette fille d’Abraham, de l’Évangile, âme noble que Satan avait subjuguée et courbée, et qui ne put se redresser ni regarder son Créateur qu’à l’arrivée du Seigneur. Aussi le Sauveur dit : « Cette fille d’Abraham que Satan avait liée, ne fallait-il point qu’elle fût délivrée de ces liens un jour de sabbat ? » Luc. 13, 16. Parce que donc notre gloire est toute rasée, et que nous avons agrandi « notre calvitie et notre nudité ; » – c’est ainsi, en effet, qu’on le lit dans quelques exemplaires, – il parut des envoyés pour nous plaindre avec Jérémie, pour faire sur nous des récits et dire avec l’Apôtre : « Je pleure sur beaucoup qui ont péché et n’ont pas fait pénitence. » 2 Co. 12, 21. Qui ne se lamentera pas en voyant les âmes humaines devenir comme dos meubles divers la possession des démons et des différents vices ? Un démon tend le cordeau de la fornication, un autre de l’avarice, celui-là de l’homicide, celui-ci du parjure ; l’héritage du peuple de Dieu est partagé au cordeau et les anciens champs de la sainteté et du paradis, dont Isaac savourait le parfum dans son fils Jacob, Gen. 27, ont été livrés aux Assyriens et au roi de Babylone. Et tandis que les renards ont leurs tanières et les oiseaux du ciel leurs nids, le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. J’ai exposé dans la mesure de la pénétration de mon faible esprit et la première captivité de ce peuple sous les Assyriens et les Babyloniens ; la seconde sous les Romains, parce qu’ils ont crucifié le Seigneur, et la troisième, dans laquelle chacun de nous est tombé du paradis avec Adam. Mais quand le Seigneur sera venu, il relèvera ceux qu’elle a accablés et délivrera ceux qui sont sous ses chaînes, ramènera dans son héritage ceux qui furent les esclaves du diable et accomplira la parole du Prophète disant : « Et en s’élevant sur les hauteurs, il emmena la captivité captive. » Psa. 67, 19. D’après cette exposition, on peut encore entendre une quatrième captivité, celle de l’Église, d’où chacun sort par le péché, mais dans la suite Esdras, qui signifie Aine, c’est-à-dire la parole de Dieu, le ramène dans Jérusalem. 1 Es. 7,1 ss. Si quelqu’un ayant médité jour et nuit sur la loi de Dieu, doué de plus de zèle, déplus de pénétration, de loisir et de grâce, trouve mieux à dire sur le chapitre qui nous occupe, je n’en ai ni d’envie ni de dédain ; bien plus, je souhaite d’apprendre de lui ce que j’ignore, et volontiers je me fais son disciple, pourvu qu’il enseigne et ne dénigre point. Rien n’est vraiment plus facile au paresseux et à l’ami du sommeil que de discourir sur le travail et les veilles des autres.
« Ne dites pas sans cesse : Ces menaces ne tomberont point sur ceux-là, ils ne seront point couverts de confusion, L’Esprit du Seigneur est-il devenu moins étendu, dit la maison de Jacob, et peut-il avoir de telles pensées ? Est-ce que mes paroles ne sont pas pleines de bonté pour celui qui marche dans la droite voie ? Mon peuple, au contraire, s’est révolté contre moi. Vous avez été aux hommes, non-seulement le manteau, mais la tunique, et vous avez traité eu ennemis ceux qui passaient sans songer à aucun mal. » Mic. 2, 6-8. Les Septante : « Vous qui êtes dans l’Église du Seigneur, gardez-vous de répandre des larmes, et qu’on n’y pleure pas sur ces choses. Il n’échappera pas à l’opprobre, celui qui dit : La maison de Jacob a provoqué la colère du Seigneur. Si telles sont les pensées du Seigneur, ses paroles ne sont-elles pas pleines de bonté pour ceux qui sont avec lui, et ne marchent-elles pas dans la droiture ? Mon peuple aussi autrefois, en m’opposant ses inimitiés, fut hostile à sa propre paix : ils ont déchiré leur propre peau, en s’étant toute espérance de secours qui brisât, leurs ennemis. » Au lieu de : « Ne dites pas et ne répétez point », Aquila traduit par : « Ne distillez pas sans cesse » ce propos, l’idiome des Hébreux appelant autrefois distillation la parole, parce qu’elle coule pour parvenir aux oreilles des auditeurs, comme la pluie dans sa chute. Ne vous trompez pas vous-mêmes, enfants de Jacob, en vous adressant mutuellement cette consolation. Dieu est bon ; la captivité que nous craignons ne viendra pas.
Est-ce que sa large miséricorde, son esprit, dont la clémence infinie se répand avec largesse et abondance sur tous, serait pour nous seuls moins étendu et plein de sévérité ? ou bien, peut-il avoir des pensées comme celles que laissent paraître les hommes, nourrir pendant longtemps la colère, se laisser emporter à la vengeance par une soudaine fureur ? À cela le Seigneur répond : Je suis bon sans doute, et mes paroles sont l’écho de ma clémence ; mais pour ceux qui marchent dans le droit chemin. Quant à celui qui, je ne, dis pas autrefois, mais hier encore, m’a fait l’outrage d’adorer les idoles ; qui, autant qu’il a été en son pouvoir, a pris contre moi les armes et résisté à ma volonté ; qui a dépouillé le peuple infortuné du secours de Dieu, comme s’il lui ôtait la tunique après lui avoir pris le manteau ; qui a tourné à la guerre contre moi les hommes à la foi simple soumis à l’autorité des grands, le Seigneur ne distillera-t-il pas son courroux sur lui, et la confusion ne le couvrera-t-il point ? Notre traduction porte : « Mon peuple, au contraire, s’est levé en ennemi contre moi ; » or, le mot Mul ayant le sens de « contraire » et d’hier », Symmaque a donné cette variante plus claire : « il n’y a qu’un jour que mon peuple m’a résisté comme un ennemi », pour rendre indiscutable cette vérité que Dieu reprochait au peuple, non ses vices passés, mais ses égarements présents, ceux qui n’avaient été commis que de la veille, pour ainsi dire. Voilà pour le texte hébreu.
D’autre part, les Septante, en cet endroit, sont complètement décousus. À cette prémisse : « Gardez-vous de pleurer dans l’Église du Seigneur », par quel lien de conséquence rattacher cette suite : « Car elle n’échappera pas à l’opprobre, elle qui dit : la maison de Jacob a provoqué la colère du Seigneur ? » et cette proposition : a Si telles sont ses pensées, est-ce que ses paroles ne sont pas bonnes pour celui qui est avec lui, et ne marchent-elles pas dans la droiture ? » quel rapport a-t-elle avec ce qui est dit ensuite : « Antérieurement, mon peuple m’a résisté en ennemi, combattant contre sa propre paix ; on a déchiré sa peau, en lui ôtant toute ressource d’éloigner de soi la guerre ? » Pour moi, quelques difficultés qu’offre ce passage, voici, comment le sens me paraît pouvoir être rendu, à la condition toutefois que le lecteur prudent souscrive à ma manière de voir. Il est prescrit à l’Église de n’avoir ni tristesse ni sollicitude à l’endroit des choses du monde et des contre-temps qui ont coutume d’arriver ici-bas ; il est dit à ses habitants : Vous qui êtes dans l’Église du Seigneur, réjouissez-vous sans cesse et félicitez-vous de quelque chose qui vous arrive par les desseins de Dieu. Ce n’est pas à dire que vous ne deviez point pleurer : « Bienheureux », en effet, « ceux qui pleurent, parce que le rire leur est réservé ; » Luc. 6, 21 ; mais si je vous donne le conseil de ne point vous chagriner au sujet des choses du siècle. Quelqu’un de vos proches meurt-il, le fisc s’empare-t-il de vos biens, la goutte ou toute autre maladie fond-elle sur votre corps, gardez-vous de pleurer, gardez-vous de répandre des larmes ; considérez, non le présent, mais l’avenir, et vous attristez plutôt d’avoir à demeurer si longtemps dans cette tente de mort. Faites en sorte surtout de ne pas insulter à ceux qui tombent, de ne pas croire que la ruine d’autrui soit votre édification : chacun à sa mesure, non pas dans la faiblesse du prochain, mais dans ses propres forces. Est-il d’ailleurs selon la justice que les branches de l’olivier sauvage insultent aux branches de l’olivier franc qui ont été rompues à cause de leur infidélité, Rom. 9, et qu’elles disent : La maison de Jacob a provoqué l’Esprit de Dieu à la colère, en mettant à mort les Prophètes, en adorant les idoles, en crucifiant le Fils de Dieu ? Celui qui agit ainsi n’échappera pas à l’opprobre, il sera jugé d’après la mesure dont il s’est servi pour juger les autres, et un autre insultera à sa ruine, comme il a lui-même méchamment parlé des péchés et de la chute du prochain.
La version des Septante poursuit : « Si tels sont ses décrets, est-ce que ses paroles ne sont pas pleines de bonté quand on est avec lui, et ne marchent-elles pas dans la droiture ? » Si les Juifs sont tombés pour que la plénitude des nations entrât dans le salut, c’est le fait de la providence de Dieu, afin que, plus tard, Israël embrassant la foi, tous les hommes soient sauvés et tous aient besoin de la miséricorde divine. Aussi l’Apôtre, concluant la question sur ce point, s’écrie-t-il : « O profondeur de la sagesse et de la science de Dieu ! ô insondable abîme de ses jugements ! » Rom. 9. Dès qu’il entre dans les desseins et les pensées de Dieu que les branches naturelles de l’olivier franc soient rompues, et que celles de l’olivier sauvage soient entées à leur place, vous ne devez pas insulter aux branches rompues, mais craindre de tomber comme elles, et ne point vous flatter de plaire à Dieu, en vous contentant de lire ses paroles, c’est-à-dire les Écritures, alors que les Écritures n’ont d’utilité pour celui qui les lit qu’en tant qu’il pratique ce qu’il a lu, et que s’il peut dire en parlant d’elles : « Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche ? » 2 Co. 13, 3. « Le Seigneur donne sa parole à ceux qui doivent l’annoncer avec une grande force ; » Psa. 67, 12 ; « montez sur une haute montagne, vous qui annoncez l’heureuse nouvelle à Sion ; élevez votre voix avec force, vous qui annoncez l’heureuse nouvelle à Jérusalem. » Isa. 40, 9. Par conséquent, les paroles de Dieu sont bonnes, si elles sont avec lui, si Dieu ne s’éloigne pas de celui qui les publie, si le cœur et les lèvres de celui qui parle sont d’accord. Évidemment, les bonnes paroles de Dieu ne peuvent être avec celui qui le loue du bout des lèvres et dont le cœur est loin de lui, et qui, pendant qu’il publie les jugements du Seigneur, dont sa langue vante l’alliance, se couvre de toutes les souillures des péchés. Et ce n’est pas du pécheur seulement qu’il s’agit, mais de quiconque n’a pas la grâce spirituelle, c’est-à-dire le don de prophétie et d’enseignement, et les dons les plus grands d’interprétation. S’il s’avise de vouloir expliquer les causes premières et rendre raison de sa foi, et dé rechercher pourquoi Dieu, qui est bon et qui a créé tous les hommes, est venu vers les Juifs et n’a appelé les Gentils qu’à la fin des temps, il faut dire qu’il n’a pas avec lui les bonnes paroles de Dieu, et que son ignorance souille même les paroles de Dieu qui sont bonnes, et qui, suivant le droit chemin, ne veulent que les oreilles pleines de droiture. Le Seigneur prescrit donc au peuple successeur d’Israël, qui est l’Église des Gentils, de ne pas insulter à la génération primitive des enfants de Dieu, et de ne pas se charger d’opprobre lui-mème eu insultant Jacob. Puis Dieu, qui est le seul vrai juge et qui parie avec impartialité, rappelle qu’Israël a été son ennemi dans sa Passion, ce que faisant, il n’a pu nuire à son Créateur, et il a mis le comble aux crimes qui devaient ruiner sa propre paix. De là le langage qui fut adressé à Jérusalem : « Ah ! si tu savais ce qui peut t’apporter la paix ! » Luc. 19, 42. En perdant la paix, ils ont déchiré leur propre peau, c’est-à-dire ils se sont dépouillés du secours de Dieu qui les protégeaient, ils ont, en quelque sorte, mis à nu leurs chairs, en sorte que tout ce qui paraissait beau en eux, quand ils étaient revêtus de la miséricorde divine, a paru dans sa laideur à tous les yeux, quand ils en ont ôté dépouillés. La paix et le secours divin les ayant abandonnés, parce qu’ils s’étaient révoltés contre le Seigneur, dont il est écrit : « Le Seigneur met les armées en poudre, le Seigneur, voilà le nom qui lui appartient », Jdt. 16, 3, ils n’ont pu résister à leurs ennemis, ils ont ôté vaincus en toute rencontre, n’ayant plus avec eux le bras qui mettait en poudre les armées qui se levaient contre eux, dans l’an et dans l’autre sens du mot ennemis, soit les hommes qui les emmenèrent en captivité, soit les puissances infernales qui égorgent chaque jour leurs âmes dans le blasphème.
« Vous avez chassé les femmes de mon peuple des maisons où elles vivaient en repos, et vous avez étouffé pour jamais ma louange dans la bouche de leurs petits enfants. Levez-vous et partez, vous n’avez pas de repos sur cette terre, parce que l’impureté dont vous l’avez souillée l’a remplie d’une effroyable puanteur. » Mic. 2, 9-10. L’interprétation des Septante – si toutefois elle est des Septante, puisque Josèphe a écrit que les Hébreux rapportent qu’ils traduisirent seulement et livrèrent au roi Ptolémée cinq livres de la loi de Moïse – diffère si profondément en cet endroit de l’original hébreu, que je ne puis citer leur version au-dessous de l’autre, ni expliquer en même temps leur sentiment. Je développerai donc d’abord ma traduction, et je passerai ensuite à la leur. La parole divine continue à tonner contre le peuple, à qui elle avait déjà dit : « Mon peuple, au contraire, s’est levé en ennemi contre moi ; vous avez été aux hommes, non-seulement le manteau, mais la tunique même ; » elle leur reproche d’avoir, outre cela, fait aller en captivité les femmes, les délicates matrones d’autrefois, ou métaphoriquement les villes de la Judée, appelées aussi filles de Sion, Isa. 1, 1 ss parce que Sion était leur métropole. « Vous avez aussi étouffé pour toujours ma louange dans la bouche de leurs petits enfants », il n’est resté personne de mon peuple, tous ayant été ou mis à mort ou pris, pour chanter mes psaumes ; le petit nombre de ceux qui survivaient chez les Babyloniens attestent qu’ils ne les pouvaient pas chanter. « Comment chanterions-nous les cantiques du Seigneur sur cette terre étrangère ? » Psa. 136, 4. Levez-vous donc et allez en captivité, puisque vous n’avez pas de repos sur cette terre, que vos crimes ont souillée et qui ne pourra être purifiée qu’après qu’un long sabbat y aura ôté préalablement célébré. Je vous dis que vous n’avez pas de repos ici, parce que votre terre est souillée et que la pourriture la plus infecte la consumera, ou par la captivité, ou par les Babyloniens ou par les Romains, pour avoir bu le sang du Seigneur. Le sens répond ici également bien à l’une et à l’autre de ces solutions historiques.
Les Septante : « Les chefs de mon peuple seront chassés des maisons où ils vivaient dans les délices ; ils ont été chassés à cause de leurs mauvais desseins. » Ceci peut s’entendre et en général des princes du peuple juif, des prêtres et des pharisiens, qui, après la Passion de Notre-Seigneur, furent chassés de la ville où ils vivaient dans les délices, et où ils s’étaient jusque-là livrés aux désordres de leurs mauvaises pensées, et en particulier de la race de David, parce que, dès que Notre-Seigneur fut né, le sceptre fut ôté de Juda et il n’y eut plus de prince de sa postérité,Gen. 49,1 ss, celui à qui le sceptre était réservé et qui était l’attente des nations étant venu. Touchant les princes de l’Église qui se plongent dans les délices et qui croient conserver la pureté au milieu des festins et des divertissements, la prophétie annonce qu’ils seront chassés de leurs vastes demeures, de leurs somptueux festins et de leurs tables chargées de mets les plus chers, et chassés à cause de leurs pensées et de leurs œuvres mauvaises. Veut-on savoir où ils seront chassés ? L’Évangile répond : « Dans les ténèbres extérieures, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Mat. 22, 13. N’y a-t-il pas impudence et honte à prêcher avec des corps surabondamment repus Jésus crucifié, le divin Maître pauvre et souffrant la faim ; à publier la doctrine du jeûne avec des lèvres rougies de vin et un visage bouffi de bonne chère ? Puisque nous sommes au lieu et place des Apôtres, ne nous contentons pas d’imiter leur langage, et embrassons aussi leur conduite et leur abstinence. Le saint ministère, le ministère des Apôtres, est d’être le serviteur des veuves et des pauvres : « Il n’est pas juste », s’écrient-ils, « que nous quittions la prédication de la parole de Dieu pour avoir soin des tables. » Act. 6, 2. Mais à présent, ce ne sont pas les pauvres, non pas ses frères qui ne peuvent pas rendre l’invitation et dont la main épiscopale ne peut rien attendre, excepté de la reconnaissance, mais ce sont les capitaines ceints du glaive et les magistrats, que le prêtre du Christ réunit à sa table, pendant que des centurions et de nombreux soldats veillent à sa porte. On voit des clercs fouiller tous les recoins de la ville : ils cherchent à procurer aux magistrats des satisfactions honteuses que ceux-ci ne peuvent trouver dans leurs prétoires, ou qu’ils n’osent y acheter s’ils les y trouvent. Mais il ne faut pas croire que ce reproche s’élève contre tous les princes de l’Église en général : la prophétie tombe sur ceux qui ont cette vie mauvaise, et elle les menace des supplices sans fin et des ténèbres éternelles, afin que, puisqu’ils sont rebelles au frein de la pudeur, cette menace du châtiment les amène du moins à faire pénitence.
Les Septante : « Approchez-vous des montagnes éternelles. » Par montagnes éternelles, nous pouvons entendre, ou les Anges, ou les Prophètes, dont il est écrit dans le psaume : f Ses fondements sont dans les montagnes saintes ; » Psa. 86, 1 ;… « J’ai levé les yeux vers les montagnes d’où me viendra le salut. » Psa. 120, 1. Il s’approche des montagnes éternelles, celui que ses péchés ne séparent point de la société des bienheureux, comme Moïse s’approchait de Dieu, non pas quant à la distance, mais par son mérite. C’est à ceux qui s’approchaient des montagnes éternelles que le Seigneur disait lui-mème : « Je suis le Dieu de ceux qui sont près de moi, et non le Dieu de ceux qui en sont loin. » Jer. 23, 23. Ces montagnes sont appelées éternelles pour les distinguer de celles qui ne le sont pas, des montagnes couvertes de ténèbres, des princes de ce monde qui, après avoir porté haut leur tête comme le cèdre du Liban, passent avec le monde, et on ne trouve plus le lieu qu’ils occupaient.
Les Septante : « Levez-vous et marchez, parce qu’il n’y a pas ici de repos pour vous. » Il nous est ordonné de ne pas croire que nous puissions trouver le repos dans aucune satisfaction terrestre, et, comme si nous ressuscitions d’entre les morts, de nous élever, de marcher à la suite de Notre-Seignenr et de dire : « Mon âme s’est attachée à vous suivre. » Psa. 62, 9. Si nous n’agissons pas ainsi, si nous fermons l’oreille à ce précepte : « Levez-vous, vous qui dormez, élevez-vous, et Jésus-Christ vous éclairera », Eph. 5, 14, nous sommeillerons sans doute, mais nous serons trompés et nous ne trouverons pas le repos, parce que, quand Jésus-Christ n’éclaire pas celui qui se lève, ce qui paraît être le repos n’est que tribulation.
Les Septante : « À cause de votre impureté, vous avez été consumés par la corruption. » Ceci s’adresse à ceux qui, dans l’esclavage des voluptés de la chair et des passions, corrompent non-seulement leur cime, mais leur corps lui-même, étant amis des plaisirs plus que de Dieu. La prophétie pouvait dire aussi : À cause de votre impureté, vous vous êtes corrompus, et le sens eût été complet sans le mot corruption ; mais, d’après le grec, on peut rendre ce passage par : « Vous vous êtes corrompus dans la corruption », ce qui me paraît avoir été mis pour distinguer cette dissolution de celle qui précède le salut, et au sujet de laquelle l’Apôtre dit : « Encore qu’en nous l’homme extérieur se détruise, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » 2 Co. 4, 16. Celui qui porte sans cesse la mortification de Jésus dans son corps, et détruit l’homme extérieur, et soumet la chair à l’empire de l’âme, se dissout sans doute, mais non pas dans la corruption, puisque la dissolution qui s’opère en lui produit son salut.
« Vous fuyez, quand personne ne vous poursuit. » A ceux que, à cause de leur impureté, la corruption a dissous, il est dit, qu’ayant conscience de leurs péchés, môme abstraction faite des supplices, ils n’oseraient pas résister à leurs ennemis et les combattre.
De là vient que les trembleurs, dans le combat des saints, de peur qu’ils ne jettent l’effroi dans l’esprit de leurs frères, sont rejetés du camp et exclus des rangs militants, Deu. 20, et que, dans les malédictions du Lévitique, il est ainsi parlé aux hommes de cette sorte : « Le bruit de la feuille qui vole vous poursuivra, et vous fuirez, sans que nul vous poursuive. » Lev. 26, 36. Uu commentateur, expliquant ce verset de l’Évangile de Jean : « Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n’a été fait », Jn. 1, 3, rapporte au mal le mot rien, et le mal étant pour lui le diable, par cette sorte de gradation, il a conclu que ce rien, qui a ôté fait sans Jésus-Christ, c’est le diable. Puis donc que le mal ou le diable est rien, et que ceux que la corruption a dissous ont fui, nul, c’est-à-dire rien, ne les poursuivant, le diable les a poursuivis dans le néant. Si cette explication paraît à qui que ce soit trop forcée, et amenée, contrairement à la simplicité des Écritures, plutôt par un artifice de langage que par une interprétation conforme à la vérité, qu’il suive notre première explication, ou celle qu’il trouvera lui-même.
« Plût à Dieu que je n’eusse point l’Esprit, et que je disse plutôt des mensonges ! Ma parole tombera sur vous comme un vin qui vous enivrera, et ce sera ce peuple sur qui cette parole sera accomplie. Jacob, je vous rassemblerai un jour tout entier ; je réunirai tous les restes d’Israël en un seul troupeau. » Mic. 2, 11-12. Sur ce point encore les Septante sont en grand désaccord avec le texte hébreu. Je vais donc d’abord commenter le texte que nous ont laissé les Hébreux, et ensuite je traiterai de la traduction des Septante, si le Seigneur le permet. 0 peuple juif, à qui ont été adressées les promesses, qui avez le Testament et la loi, de qui est issu Jésus-Christ selon la chair, et à qui j’ai dit, au moment où les Babyloniens et les Romains vous menaçaient : Levez-vous, allez en captivité, il n’y a pas de repos pour vous sur cette terre, qui, parce qu’elle est souillée, sera la proie d’une entière dépopulation, ne croyez pas que je parle ainsi volontiers, et que j’annonce avec joie les maux que je vois dans un prochain avenir ; je souhaiterais, moi aussi, d’être anathématisé pour mes frères, qui sont les Israélites ! Rom. 9, 3. Puissé-je parler d’après mon seul sentiment, sans avoir le Saint-Esprit, et, compté plutôt au nombre des faux prophètes, périr seul ! Plût à Dieu que, ce que je dis n’étant pas vrai, cette foule si grande crût au Fils de Dieu, et ne fût point livrée à l’éternelle captivité. Mais, parce que je suis Prophète, que l’Esprit de Dieu parie en moi et que je suis l’envoyé de la divinité, c’est la vérité que je prédis ; c’est pourquoi je verserai sur vous ma parole comme un vin pur qui vous enivrera et qui vous fera tomber. Ma parole se répandant pour annoncer le fléau de la captivité future, c’est sur ce peuple que tombera ma pluie, c’est-à-dire, il endurera, bon gré mal gré, les maux que je prédis. Et pour que vous ne croyiez pas que je suis seulement un Prophète de malheurs, sans doute la captivité prédite va bientôt arriver, mais voici qu’en moi se fait entendre la parole qui s’adresse à tous les Prophètes et sans laquelle nul n’est prophète, et voici ce qu’elle dit : Je viendrai et je prendrai un corps d’homme, je naîtrai d’une Vierge ; ou encore : Puisque vous n’avez pas cru en moi quand je suis venu dans l’humilité de la chair, je viendrai, à la consommation du monde, avec les Anges et les autres Vertus, et alors, ô Jacob, je vous rassemblerai tout entier ; alors je réunirai en un même lieu les restes d’Israël, et je les mêlerai dans ma bergerie au peuple des Gentils ; alors je vous entourerai d’un mur inébranlable, et si grande sera la multitude des croyants, le troupeau rassemblé dans ce parc se composera de tant de brebis qu’on ne saurait en exprimer le nombre. Et parce que j’ai dit : Je le réunirai comme un troupeau dans la bergerie et comme des brebis dans un parc, n’allez pas croire que je parle de brebis mêmes, et comprenez que ces brebis, ce sont des hommes. Le texte poursuit, en effet : « Il y aura là le tumulte d’une grande multitude d’hommes assemblés. » Ce tumulte marque le bruit des voix et des chants simultanés d’une foule innombrable, afin que nous ne pensions pas qu’il s’agit delà voix d’un seul, mais de celles de tous, louant à l’unisson le bon Pasteur qui, ayant aplani et égalisé avec son pied toutes les aspérités, sera à la fois le guide menant les hommes au paradis et la porte du paradis, et dira : :« Je suis la porte ; » il montrera le chemin au troupeau des fidèles en le précédant, et, au terme dota route, il sera la porte par où ce troupeau passera. Ce Pasteur est notre Roi et notre Seigneur, comme le dit la suite : « Leur roi passera en les précédant, et le Seigneur sera à leur tête. » Nous pouvons, si nous le voulons, entendre tout cela de son premier avènement, et voir dans Jacob tout entier et dans les restes d’Israël, les Apôtres et cette multitude qui, comme le rapportent les Actes des Apôtres, fut sauvée d’entre les Juifs ; cette explication n’a rien qui répugne à la vérité, puisque le Seigneur réunit, en effet, ces Juifs dans sa bergerie et les établit dans son parc ; que, marchant à leur tête, il les a fait entrer dans l’Église ; qu’il fut leur roi en leur présence, et qu’il est à jamais le Seigneur qui est à leur tête. Les Septante : « L’Esprit a arrêté le mensonge, il a laissé descendre sur vous une goutte de son vin enivrant, et c’est au moyen de ceux de ce peuple que cette goutte touchera, que Jacob tout entier sera rassemblé. » Il faut lire, non pas comme le croient d’aucuns : « L’esprit de mensonge s’est arrêté », mais « l’Esprit a arrêté le mensonge », en grec : Pneuma estèsé pseudés, c’est-à-dire, to pseudos. Comme, dans les cas de plaies putrides, pour que le cancer n’étende pas la zone des chairs mortes en se nourrissant sourdement des chairs vives, les médecins circonscrivent la blessure et en cautérisent le pourtour, ainsi l’Esprit de Dieu a mis fin au mensonge, afin que les paroles des faux prophètes ne portent plus la subversion parmi le peuple de Dieu. Le mot « esprit », tant dans le Nouveau que dans l’Ancien Testament, partout où il est mis sans aucun qualificatif, doit s’entendre en bonne part, je l’ai dit souvent, et les quelques exemples qui suivent achèveront de lever tous les doutes : « Les fruits de l’Esprit sont l’amour, la joie, la paix ;» Gal. 5, 22 ;… « Si nous vivons par l’Esprit, conduisons-nous aussi par l’Esprit ; » Id. 25 ;… « Si vous mortifiez par l’Esprit les œuvres de la chair, vous vivrez ; » Rom. 8, 13 ; et dans l’Ancien Testament : « Qui donne le souffle de la vie au peuple qui la remplit, et l’Esprit à ceux qui la foulent aux pieds, Isa. 42, 5, c’est-à-dire, d’après ce qui précède dans la prophétie, à ceux qui foulent aux pieds la terre ; or, il est de toute évidence que ceux qui foulent aux pieds les œuvres terrestres, méritent de recevoir, non pas le mauvais, mais le bon Esprit. Au contraire, l’Esprit du mal est toujours clairement désigné par quelque épithète dans les Écritures : « Lorsque l’esprit immonde sera sorti d’un homme ; » Mat. 12, 43 ;… « Il parle avec menace à l’esprit impur ; » Luc. 9, 43 « Saul fut agité du malin esprit », 1 Sa. 16, 14, et autres exemples semblables. Par conséquent, l’Esprit de Dieu, est-il dit, qui a mis fin au mensonge dans les faux prophètes, fera descendre sur vous son vin enivrant, le vin qui donne la joie au cœur de l’homme, Psa. 103,1 ss et l’ivresse qui s’empara de Noé, et dont il est écrit : « Mangez, mes amis, et enivrez-vous. » Can. 5, 1. Or, toute cette joie, toute cette ivresse, en comparaison de la sagesse divine qui arrose comme un fleuve la céleste Jérusalem, n’est qu’une goutte, et une gouttelette. Ils n’hésiteront pas à reconnaître qu’il n’y a qu’une goutte de la sagesse divine dans les hommes, ceux qui ont médité ce qui est écrit de la pierre détachée de la montagne sans le secours des mains, Dan. 2, 1 ss et qui ont lu que ce qui paraît en Dieu une folie est plus sage que la sagesse de tous les hommes, et que ce que les Apôtres eux-mêmes eurent de science de prophétie était très-imparfait. 1 Co. 13, 9. C’est donc au moyen de cette sagesse, c’est-à-dire de la goutte tombée sur le peuple juif – car le Christ n’était venu que vers les brebis perdues de la maison d’Israël, – qu’a été rassemblé Jacob : quiconque supplante Esaü, lui ravit le droit d’aînesse et la bénédiction, et, avant même de naître, dans le sein maternel, s’attache à la plante du pied de son frère couvert de poil.
Les Septante : « Je recevrai tous les restes d’Israël avec tous les autres hommes. » Lorsque le peuple des Gentils aura embrassé la foi, que tout l’univers croira en moi, que la plénitude des nations sera entrée, alors aussi seront sauvés les restes d’Israël : non point ces restes dont il est écrit au livre des Rois : « Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont point fléchi les genoux devant Baal », 1 Ro. 19, 48, et dans S. Paul : « Ainsi Dieu a sauvé, selon l’élection de sa grâce, un petit nombre qu’il s’est réservé », Rom. 11, 5, et plus haut, dans ce Prophète même : « Au moyen de la goutte de sagesse tombée sur ce peuple, Jacob tout entier sera rassemblé ; » mais ces restes qui, après que tous auront été reçus, seront enfin reçus par Dieu, et dont il est dit ici : « Je recevrai tous les restes d’Israël avec tous les autres hommes », ce qui sera l’accomplissement de ce qui est écrit : « Dieu a permis que nous fussions tous enveloppés dans l’incrédulité, afin d’exercer sa miséricorde sur tous. » Rom. 11, 32.
Les Septante : « Je les rendrai semblables, pour s’être détournés de moi, à des brebis dans la tribulation. » Ces restes d’Israël que je dois admettre après avoir admis tous les hommes, je les placerai d’ici là dans la tribulation ; pour s’être éloignés de moi, je les affligerai, et ils seront dans l’abandon, sans prêtre, sans autel et sans prophète, afin que, ne m’ayant pas béni pour mes bienfaits, ils comprennent ma puissance par leurs maux.
Les Septante : « Puis » je les rendrai semblables « à un troupeau en repos dans sa bergerie », À cause de l’égarement qui les a éloignés de moi, ils seront semblables à un troupeau dans la tribulation ; mais après avoir été dans l’angoisse, après avoir accompli le temps de l’affliction, je les établirai dans le repos, dans leur bercail. Alors ils émigreront du milieu des hommes et s’élèveront au-dessus de la condition humaine, pour l’accomplissement de ce qui suit : « Ils s’arracheront du milieu des hommes. » Ce ne sera pas eux seuls qui s’arracheront et s’endormiront ; mais aussi tous ceux à qui s’adresse la parole divine, et qui, abandonnant les vices de l’homme, imitent la conversation céleste et sont l’objet de ces paroles : « Vous êtes tous des dieux et des enfants du Très-Haut », s’arracheront du milieu des hommes, et seront comme ravis vers le ciel.
Les Septante : « Montez par la brèche. » Ici commence une apostrophe de la parole prophétique à celui qui veut être sauvé ; il lui est ordonné de monter par la brèche, ce qui se concevra aisément, en l’expliquant par le passage de la Genèse où il est question des deux jumeaux nés de Thamar et du patriarche Juda : « Comme elle était sur le point d’accoucher, il parut qu’il y avait deux jumeaux dans son sein ; et lorsque ces deux enfants étaient près de venir au monde, l’un des deux passa sa main, à laquelle la sage-femme lia un ruban d’écarlate, en disant : Celui-ci viendra au monde le premier ; mais cet enfant ayant retiré sa main, l’autre sortit, et la sage-femme dit alors : Pourquoi avez-vous ainsi rompu le mur qui vou9 divisait ? et il fut nommé Pharès », c’est-à-dire, rupture ou division. « Son frère, qui avait le ruban d’écarlate à la main, vint ensuite, et on le nomma Zara », c’est-à-dire, semence ou Orient. Gen. 38, 27 seqq. Le peuple le plus ancien, en qui était le lever et la semence avant que naquit l’Église des Gentils, montre donc sa main dans ses œuvres, et il la retire ensuite, ce qui lui fait dire par Isaïe : « Vos mains sont pleines de sang. » Isa. 1, 15. Après qu’il a retiré sa main, qu’il a cessé de pratiquer les œuvres de justice, son frère, le peuple des Gentils, sort, et c’est pour lui qu’a été divisé le mur de séparation ; c’est afin qu’il pût entrer, que le Sauveur a détruit le mur intermédiaire qui servait de barrière entre les deux peuples, dont il a fait un seul troupeau, et qu’il a régénéré en lui les deux hommes en un seul homme nouveau, en faisant la paix entre eux. Aussi la sage-femme prophétique dit-elle à Pharès, le peuple le plus jeune : « Pourquoi le mur qui vous divisait a-t-il été rompu pour vous ? » Vous tous qui avez compris cet exemple de la Genèse et qui voulez votre salut, non point par l’ancien peuple qui a retiré sa main, mais par le peuple nouveau, en qui est la voie Jésus-Christ et la porte Jésus, par qui nous nous avançons vers le Père, puisque c’est Jésus qui a détruit le mur de séparation, c’est-à-dire l’obscurité des anciennes prophéties, et déchiré tous les voiles de l’ancienne loi, montrant à tous les yeux, après avoir aplani tout obstacle à notre marche, la vraie voie, afin que celui qui veut la suivre ne soit empêché par aucun obstacle, et ne s’effraie point à cause de la profondeur de l’obscurité.
Les Septante : « Le mur a été ouvert en leur présence, et ils sont passés au-delà de la porte, et ils sont sortis par elle. Leur roi est sorti en leur présence, et c’est le Seigneur qui est leur prince. » Je vous ai dit : « Montez par la brèche faite », à vous qui êtes ressuscité avec Jésus-Christ et qui cherchez les choses qui sont en haut, parce que les Anges, ou le Père et le Fils et le Saint-Esprit, ont rompu tout ce qui paraissait faire obstacle et ont ouvert la voie à ceux qui voulaient entrer et qui, s’étant engagés sur la route après qu’elle avait été ouverte, non-seulement ont pénétré dans la porte, mais sont allés au-delà par elle. Us sont entrés, parce que leur roi est entré lui-mème par cette porte et qu’il leur a frayé la route, afin qu’aucun obstacle n’y arrêtât leur marche. Car c’est le Seigneur qui est à la fois notre roi et notre pasteur, notre voie et notre porte, lui qui a dit : « Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il est sauvé : il entrera, il sortira, et il trouvera des pâturages. » Jn. 10, 9. Au sujet de cette porte, le Prophète s’était écrié : « Voilà la porte du Seigneur, et c’est par elle que les justes entreront. » Psa. 117, 20. Quiconque en a franchi le seuil ne doit pas persister en l’état dans lequel il était en entrant ; il doit sortir vers les pâturages, en sorte que l’entrée soit le commencement des vertus, et la sortie et la découverte des pâturages, leur perfection. Celui qui entre est encore dans le monde, et comprend le Créateur par la créature ; celui qui sort, s’élève au-dessus de toute créature, et toutes les choses visibles étant réputées comme un pur néant, il trouvera les pâturages sur les cieux, il se nourrira de la parole divine et il s’écriera : « Le Seigneur est mon pasteur, et rien ne peut me faire défaut. » Psa. 22, 1. Nous pouvons par là comprendre ce témoignage évangélique : « Il entrera, il sortira, et il trouvera des pâturages », et ce qui est dit ici dans la prophétie : « Ils franchirent la porte et ils sortirent par elle. » Ce n’est toutefois que par Jésus-Christ, qui est en même temps notre roi et notre Seigneur, que peuvent nous être accordés ce passage et cette sortie, puisqu’il est dit aussitôt après : « Et c’est le Seigneur qui est leur prince. »
« J’ai dit encore : Écoutez, princes de Jacob, et vous chefs de la maison d’Israël. N’est-ce pas à vous de savoir ce qui est juste ? Cependant, vous avez de la haine pour le bien et de l’amour pour le mal ; vous arrachez aux pauvres jusqu’à leur peau, et vous leur ôtez la chair de dessus les os. Ils ont mangé la chair de mon peuple, ils lui ont arraché la peau, ils lui ont brisé les os, ils les ont hachés comme pour les faire cuire dans une chaudière, et comme de la chair qu’on fait bouillir dans un pot. Il viendra un jour où ils crieront au Seigneur, et il ne les exaucera point ; il détournera deux alors son visage, comme le mérite la malignité de leurs actions. » Mic. 3, 1 et seqq. Prophétique menace dirigée évidemment contre les princes d’Israël, dont la cruauté est décrite sous la métaphore de lions ou de brigands : ils ont dépouillé et mis à mort les pauvres, ils ont broyé leurs chairs et leurs os, ils ont, dans Jérusalem, comparée à une immense chaudière, accablé de maux le peuple malheureux, et c’est pour cela que doit leur être infligé plus tard le châtiment, au jour de la captivité, soit par Nabuchodonosor, soit par Vespasien et Titus. Ils crieront alors au Seigneur, qui, loin de les exaucer, détournera d’eux sa face, comme le mérite la scélératesse de leurs actions.
Les Septante : « Et il dira : Écoutez ceci, princes de la maison de Jacob, et vous restes de la maison d’Israël. » Cette pensée fait évidemment contexte avec ce qui précède : « Or, c’est le Seigneur qui sera leur prince, et il dira : Écoutez, princes, », etc. Les Septante seuls portent « restes », au lieu, de « chefs de la maison d’Israël », qui est la traduction de tous les autres interprètes. Le Seigneur, qui a frayé la voie à son peuple, en tête duquel il est sorti, le Seigneur qui guide les pas de ceux qui marchent dans la simplicité, et qu’il appelle son troupeau, tourne cette menace contre ceux qui, refusant de le suivre comme chef, s’enflent d’orgueil et se font les juges du peuple, au lieu do marcher sur ses traces : « Écoutez, princes de la maison de Jacob, et vous chefs de la maison d’Israël. » Et que leur fait-il entendre malgré eux ? « Il ne vous appartient pas », leur dit-il, « de rendre la justice, à vous qui avez la haine du bien et l’amour du mal ; » il ne vous appartient pas de connaître les jugements de Dieu qui sont un abîme insondable, et la pensée du méchant ne saurait découvrir la profondeur de sa justice. Comment sauriez-vous ce qui est juste selon Dieu, quand vous êtes pleins de haine pour le bien et d’amour pour le mal, d’aversion pour les saints dans l’indigence et de déférence pour les pécheurs opulents ? Ici, les expressions du texte ont une portée remarquable : ne pas aimer le bien tient du péché ; quelle scélératesse n’y a-t-il donc pas à le haïr ? et d’autre part, puisqu’il y a faute à ne pas fuir le mal, quelle impiété n’y a-t-il pas à le rechercher avec amour ? Après cela, l’Écriture décrit la barbarie des grands et leur cruauté envers les petits.
Les Septante : « Vous arrachez jusqu’à leur peau, jusqu’à la chair de dessus leurs os. Puisqu’ ils ont arraché la chair de mon peuple et brisé ses os, et qu’ils l’ont mis en morceau comme des viandes qu’on jette dans une chaudière ou qu’on fait bouillir dans un pot, lorsqu’ils crieront au Seigneur, il ne les exaucera pas, et il détournera d’eux son visage, à cause de la scélératesse de leurs actions. » Non contents d’avoir dépouillé le troupeau qui leur était soumis, leur tyrannie l’a accablé des plus cruels traitements : ils ont broyé ses os, ils ont rompu et brisé tout ce qu’il y avait de fort en lui. De même donc qu’ils ont dépouillé mon peuple, qu’ils ont affreusement mutilé mon troupeau en arrachant jusqu’à sa peau, et qu’ils ont, en le livrant au diable et à ses anges, jeté sa chair et ses os dans la chaudière bouillante sous laquelle le roi d’Assyrie allume le feu ; de même, quand viendra le jour de la vengeance, ils crieront au Seigneur et ils ne seront pas exaucés, parce qu’ils n’ont pas eux-mêmes voulu entendre ceux qui les priaient ; ils lèveront leurs bras vers le Seigneur et Dieu détournera d’eux sa face, comme ils ont eux-mêmes détourné leurs visages de ceux qui les suppliaient. Ils endureront ces tourments, parce qu’ils ont mis tous leurs soins et ont trouvé leur volupté à agir avec scélératesse, et qu’ils se sont conduits en tyrans et non en rois, en lions et non en bons gardiens, comme des loups contre des brebis et non comme de bons maîtres pour leurs disciples ; ils se sont rassasiés de viandes, ils se sont engraissés, et ils sont, comme une hostie des plus grasses qu’on va immoler, prêts pour les supplices que leur réserve le Seigneur. Voilà pour les mauvais princes ; la prophétie va tonner maintenant contre les faux prophètes et les docteurs de mensonge, dont les flatteries trompent le peuple de Dieu par les apparences de la science des Écritures.
« Voici ce que dit le Seigneur contre les prophètes qui séduisent mon peuple, dont les dents déchirent et qui ne laissent pas de prédire la paix, et si quelqu’un ne leur donne pas de quoi manger, ils mettent leur piété à lui déclarer la guerre. C’est pourquoi vous n’aurez pour vision qu’une nuit sombre, et pour révélation que des ténèbres. Le soleil sera sans lumière à l’égard de ces prophètes, et le jour deviendra pour eux une obscurité profonde. Ceux qui ont des visions seront confus, ceux qui se mêlent de deviner l’avenir seront couverts de honte, et tous se cacheront le visage, parce que Dieu aura été muet pour eux. Mais, pour moi, j’ai été rempli de la force, de la justice et de la vertu de l’Esprit du Seigneur, pour annoncer à Jacob son crime et à Israël son péché », Mic. 3, 5 et seqq. Les Septante : « Voici ce que dit le Seigneur contre les faux prophètes : Ceux qui séduisent mon peuple et dont les dents déchirent, qui lui prêchent la paix, quand il n’a pas été donné à leur bouche de l’annoncer, ont mis leur piété à lui déclarer la guerre. C’est pourquoi vous n’aurez pour vision que la nuit, et les ténèbres vous envelopperont à cause de votre divination. Le soleil sera sans lumière à l’égard de ces prophètes, et le jour deviendra pour eux une obscurité profonde. Ceux qui voient des songes seront confus, on se rira des devins, et tout ce peuple parlera contre eux, parce que nul n’écoutera les prophètes, à moins que je ne les remplisse de la force de l’Esprit du Seigneur, de justice et de puissance, afin que j’annonce â Jacob ses impiétés et à Israël ses péchés. » L’histoire nous apprend qu’il y avait en Israël des faux prophètes qui annonçaient pour des présents la paix, qui ne leur avait pas été donnée, et si quelqu’un ne leur donnait pas de rétribution, quelque saint qu’il fût, ils lui annonçaient que la colère de Dieu fondrait sur lui. Aussi leur est-il dit ici qu’ils disent le mensonge, que leur parole n’est pas prophétie, mais fausse divination, et qu’ils ont, non pas la lumière, mais les ténèbres et l’erreur. Comme l’événement amènera le contraire de ce qu’ils avaient promis, ils seront couverts de confusion, parce que leurs discours n’étaient pas une réponse de Dieu. Alors les démons eux-mèmes ne recevront plus le pouvoir de les tromper par leurs ruses ; les oracles seront muets, l’esprit impur se taira et n’osera plus se jouer de personne. Cela dit sur les faux prophètes, le Prophète parle ensuite ainsi de lui-même : ils annoncent le mensonge et ils seront couverts de honte et de confusion, tandis que ce que je dis, j’ai été établi par le Saint-Esprit pour le dire, et je dis la justice et la vertu du Seigneur. Alors que les pseudo-prophètes ne laissent pas de déchirer avec leurs dents en prêchant la paix, moi, bravant toute crainte, j’annonce à Jacob son crime et à Israël son péché, soit parce qu’ils ont adoré les idoles au lieu de Dieu, soit parce qu’ils ont crucifié le Fils de Dieu.
Que si nous appliquons la version des Septante aux hérétiques, qui sont les vrais faux prophètes, et qui disent : Voici ce que dit le Seigneur, alors que le Seigneur ne les a point envoyés, ce sera à bon droit. Ils induisent en erreur le peuple de Dieu, pour pouvoir le dévorer, soit simplement dans le but de recevoir des présents, soit mystiquement dans celui de mettre à mort les âmes ; ils promettent la paix et le royaume des cieux, et ils disent : Qu’avez-vous besoin de vivre dans la continence et la sainteté ? Ayez seulement la foi que nous enseignons, et vous obtiendrez toutes les promesses du Seigneur. Ce langage ne fait qu’attirer davantage la colère divine sur ceux qui l’écoutent, et c’est ainsi que les hérétiques mettent leur piété à déclarer la guerre à leurs dupes. C’est pourquoi, ô hérétiques, qui pensez avoir la prophétie et singez l’Église de Dieu, où vous estimez qu’il y a vision, il n’y aura que la nuit, et où vous proclamez qu’il y a prédiction prophétique, c’est l’esprit impur qui parle. Le soleil de justice sera sans lumière à l’égard de ces prophètes, ils verront leurs ténèbres et ils seront couverts de confusion. Lorsqu’il aura été prouvé qu’ils sont des devins trompeurs, et non pas des prophètes, on se rira de leurs songes vains, et les peuples, qui avaient été d’abord leurs dupes, parleront contre eux. Alors aussi les maîtres eux-mêmes feront pénitence, et il n’y aura que moi qu’ils avaient offensé qui les exaucerai. Gomme, dans ma bonté, loin de vouloir la mort du pécheur, Eze. 18,1 ss, je désire qu’il se convertisse et qu’il vive, après que je les aurai exaucés, je leur donnerai la vertu de mon Esprit, et*je les remplirai de mon jugement et de ma force, afin qu’au lieu de tromper le peuple par des flatteries comme autrefois, ils le ramènent maintenant au droit chemin, en lui inspirant un effroi salutaire, et qu’ayant été une cause d’erreur, ils deviennent un instrument de salut, en appliquant eux-mêmes le remède aux blessures qu’ils avaient faites. On voit par là qu’un homme peut enseigner après avoir commis le péché, pourvu qu’il ait effacé par une digne pénitence ses vices passés. C’est ainsi que David, après avoir été adultère et homicide, s’écrie dans le psaume : « Vous m’arroserez avec l’hysope et je serai purifié, vous me laverez et je deviendrai plus blanc que la neige ; » Psa. 50, 9 ; et non content de demander à être purifié, il ajoute : « Rendez-moi la joie qui naît de la grâce de votre salut, affermissez-moi en me donnant un esprit de force », Id. 14, et lorsque vous aurez fait cela, « j’enseignerai vos voies aux méchants et les impies se convertiront à vous. » Id. 15.
« Écoutez ceci, princes de la maison de Jacob et vous juges de la maison d’Israël, vous qui avez l’équité en abomination et qui renversez tout droit, qui bâtissez Sion avec le sang et Jérusalem avec l’iniquité. Leurs princes rendaient des arrêts pour des présents, leurs prêtres enseignaient pour l’intérêt, et leurs prophètes devinaient pour de l’argent, et ils se reposaient sur le Seigneur, en disant : Le Seigneur n’est-il pas au milieu de nous ? nous serons à couvert de tous les maux. C’est pour cela même que vous serez cause que Sion sera labourée comme un champ, que Jérusalem sera réduite en un monceau de pierres, et que la montagne où le temple est bâti deviendra une forêt. » Mic. 3, 9 et seqq. Les Septante : « Écoutez ceci, chefs de la maison de Jacob, et vous, restes delà maison d’Israël, qui avez en abomination la justice et qui renversez tout ce qui est droit, qui bâtissez Sion dans le sang et Jérusalem dans les iniquités. Ses chefs jugeaient pour des présents, ses prêtres répondaient moyennant salaire, et ses prophètes devinaient pour de l’argent, et ils se reposaient sur le Seigneur, en disant : Le Seigneur n’est-il pas en nous ? nous serons à couvert de tous les maux. C’est donc à cause de vous que Sion sera labourée comme un champ, que Jérusalem sera une terre réservée â un verger, et la montagne du Seigneur sera changée en une épaisse forêt. » Tout le monde sait que Jérusalem a été renversée à cause des crimes qui sont énoncés ici ; comme dans le texte, plus haut, avait déjà précédé la menace, soit contre les juges, soit contre les faux prophètes ; « Écoutez, princes de la maison de Jacob, et vous chefs de la maison d’Israël », et un peu plus loin : « Voici ce que dit le Seigneur contre les prophètes qui séduisent mon peuple », maintenant la prophétie tonne collectivement contre les juges, les faux prophètes, les prêtres et tous ceux qui se flattaient d’avoir la connaissance de Dieu. Elle leur annonce qu’à cause de leurs crimes, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem réduite en un monceau de pierres, et la montagne du temple changée en une forêt. Nous voyons que cette prédiction s’est accomplie, et la preuve de la vérité de ces paroles est sous nos yeux, obligés de témoigner en faveur de la prophétie, qui est également rapportée dans Jérémie, Jer. 26, 1 ss, où il est fait mention du prophète Michée, et où la dévastation de Jérusalem est hautement annoncée. Les juges et les princes de la maison de Jacob et de celle d’Israël, des deux et des dix tribus, non contents de ne pas pratiquer la justice, l’avaient en abomination, et pervertissaient tout droit, en sorte qu’il ne subsistait plus même une ombre d’équité dans l’État. Ils bâtissaient Sion dans les actions sanglantes et Jérusalem dans l’iniquité, en dépouillant les pauvres, en faisant périr les innocents et en mettant à mort les saints. Que si quelqu’un des princes semblait juger selon l’équité, c’est qu’il vendait sa sentence et jugeait pour des présents. Les prêtres eux-mêmes n’enseignaient le peuple qu’après rétribution reçue, et alors qu’il est dit aux saints : « Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement », Mat. 10, 8, ces prêtres, en ne proférant la réponse de Dieu qu’après paiement, vendaient la grâce du Seigneur dans un but de gain. Et après ces méfaits, ne comprenant pas leur péché, comme si l’amour de Dieu se rachetait avec des crimes, ils se vantaient d’être juges, prêtres et prophètes de Dieu, et, dans l’impénitence de leur cœur, ils disaient : « Le Seigneur est au milieu de nous, et nous serons à couvert de tous les maux. » Aussi, parce qu’ils n’ont point fait pénitence, et que tout le peuple a imité les vices des princes, des prêtres et des prophètes, Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem sera réduite en un monceau de pierres, et le temple, resplendissant autrefois d’or et d’argent, sera changé en décombres. Voilé ce qui avait été prédit contre le peuple juif, qui a été frappé de captivité et de dispersion sans retour, à cause d’une longue succession de crimes, mais surtout pour avoir répandu le sang de Notre-Seigneur ; et voilé comment Sion a été labourée comme un champ, Jérusalem changée en un monceau de pierres, et son temple, autrefois célèbre et magnifique, réduit en poussière.
Si l’on applique ce qui est dit de Sion et de Jérusalem à l’Église, qui est la vraie maison de Jacob et la vraie maison d’Israël, conformément à ce qui est écrit dans Isaïe : « Jacob est mon serviteur, que j’ai élu », Isa. 41, 8, et à Timothée : « Afin que vous sachiez quelle doit être votre conduite dans la maison de Dieu, qui est l’Église », 1 Ti. 3, 15, on verra sans peine que les princes de la maison de Jacob et les restes de la maison d’Israël, ou mieux, comme porte l’hébreu : « Les juges de la maison d’Israël », ne sont autres que les évêques, les prêtres et les diacres, qui, s’ils ne veillent sur leur cœur avec la dernière attention, ont l’équité en abomination et renversent tout ce qui est droit. Lorsqu’en effet ils jugent d’après les personnes, et que, dans l’arbitrage d’une affaire, ce n’est pas le mérite de la cause, mais la puissance de l’une des parties qui l’emporte, n’ont-ils pas l’équité en abomination et ne renversent-ils pas tout ce que veut le droit ? On peut aussi comprendre en ce sens que les princes de la maison de Jacob et les juges de la maison d’Israël ont en abomination et détestent la justice, parce qu’ils déclinent la sentence de Dieu, juge souverain, et dépravent par de mauvaises interprétations toute la suite des Écritures ; ce sont ces princes qui bâtissent Sion dans le sang et Jérusalem dans l’iniquité. Alors que l’Écriture donne cet ordre : « N’introduisez pas l’impie dans le tabernacle des justes », Pro. 24, 15, et que le Seigneur a en abomination l’homme de sang et de mensonge, Psa. 5, 7, ils ordonnent clercs les premiers venus de leurs conciliabules, et comme ils exposent leurs vies scandaleuses aux yeux des peuples, ils sont coupables de l’infidélité de ceux qui sont scandalisés. Mat. 18, 1 ss. De là vient qu’il vaudrait mieux pour un homme qu’on lui pendit au cou une de ces meules qu’un âne tourne et qu’on le jetât au fond de la mer, que non pas qu’il scandalisât un des plus petits de l’Église. Alors que le prophète Malachie appelle les prêtres des anges, Mal. 2, 1 ss et que leur bouche est l’oracle du Seigneur, ils ne jugent qu’après avoir reçu des présents ; ils savent qu’il est écrit : « Les présents aveuglent les yeux des sages, et sont comme un frein dans la bouche qui dirige ; » Deu. 16, 19 ; Sir. 20, 31 ; qu’il est dit aux Apôtres : « Ne vous mettez point en peine d’avoir de l’or ou de l’argent, ou d’autre monnaie dans votre bourse », Mat. 10, 9, et que l’argent même acquis par le travail sera arraché aux mains de l’homme saint, et ils vendent les paroles du Seigneur, ils font le commerce des colombes dans le temple. Les prophètes de Jérusalem devinaient pour de l’argent, ne sachant pas que prophétiser est un et deviner un autre. Divination n’est jamais pris en bonne part dans les Écritures : « Il n’y aura plus », est-il dit, « d’augure en Jacob, ni de devination en Israël. » Nom. 23, 23. Ils s’imaginaient être prophètes ; mais, parce qu’ils recevaient de l’argent, ils étaient, non pas des prophètes, mais des devins. L’apôtre Pierre qui disait : oc Je n’ai ni argent ni or », Act. 3, 6, et qui aurait pu vendre à Simon le magicien ce qu’il demandait, ou plutôt simuler cette vente – le Saint-Esprit ne peut ni se vendre ni s’acheter, – condamna l’argent offert avec celui qui l’offrait. Act. 8, 1 ss. De nos jours, au contraire, on voit les prophètes de Jérusalem, bien qu’ils n’aient pas la prophétie dans la bouche, se reposer sur le Seigneur en disant : « Les maux ne fondront pas sur nous ; » et c’est à cause d’eux que la charrue ennemie laboure la demeure de Dieu, que le séjour de la paix est réduit en un monceau de ruines, que le temple du Seigneur est changé en une forêt pleine de broussailles et d’épines qui est le réceptacle des bêtes. Qu’on ne s’étonne pas de lire au premier livre des Rois que Saül, voulant consulter Samuel, dit à son serviteur : Je ne puis aller le trouver, n’ayant pas d’argent pour lui payer sa réponse, et que le serviteur lui répondit : « Voici le quart d’un sicle d’argent qui s’est trouvé sur moi, je le donnerai à l’homme de Dieu, et il nous indiquera ce que nous devons faire ; » 1 Sa. 9, 8 ; l’Écriture ne dit pas que Samuel ait accepté, ou même que Saül lui ait offert ensuite ; bien plus, elle nous apprend que le prophète invita Saül à sa table et le fît manger avec lui. En admettant même que Samuel eût accepté ce quart de sicle, on doit considérer cela plutôt comme un droit du tabernacle que comme le prix de la prophétie, puisque le sicle vaut vingt oboles, et que cinq oboles sont le quart du sicle. Que nos prêtres, s’ils veulent vendre la prophétie, et faire du haut de leurs chaires le trafic des colombes, comme ceux dont le fouet du Seigneur renversa par terre l’argent, Jn. 2, 1 ss, se contentent de recevoir cinq oboles, au lieu de prendre le prix d’une villa. Même remarque au sujet du passage du troisième livre des Rois, où il est rapporté que la femme de Jéroboam, dont le fils était malade, alla trouver Achias, homme de Dieu, avec dix pains, un tourteau et un vase plein de miel. 1 Ro. 14,1 ss. Le livre dit ce qu’elle emporta, et nous n’y lisons pas que le Prophète, qui lui parla avec menaces et lui prédisit les maux à venir, reçut d’elle aucun présent. Il est probable que des gens qui avaient accoutumé de consulter les devins – car il y avait beaucoup de devins et de magiciens en Israël, – furent amenés par leur mauvaise habitude à penser des prophètes ce qu’ils pensaient des autres, et qu’ils voulurent offrir des présents à ces hommes saints, comme ils en apportaient aux faux prophètes ; c’est pourquoi l’Écriture rapporte ce qu’ils voulaient faire, mais elle n’ajoute pas qu’ils aient osé le faire, ou que les prophètes aient jamais accepté. L’apôtre Paul a dit : « Ceux qui servent à l’autel ont part aux oblations de l’autel et en vivent. » 1 Co. 9, 13. Il vous est permis, ô prêtre, de vivre de l’autel, mais non de l’exploiter pour vos passions. On ne doit pas tenir la bouche liée au bœuf qui foule les grains, Ibid. 9, nous le savons, mais nous savons aussi que l’Apôtre, condamnant l’abus de cette liberté, se contentait d’avoir de quoi vivre et de quoi se vêtir, e^ travaillait nuit et jour avec peine et fatigue, afin de n’être à charge à personne. 2 Th. 3, 1 ss. Il affirme dans ses Épîtres qu’il a vécu saintement et sans avarice dans la prédication de l’Évangile de Jésus-Christ, et il ajoute encore, au sujet de ses disciples, qu’il n’en a envoyé aucun qu’il eût autorisé à demander quoi que ce fût aux Églises ou qui ait voulu rien recevoir. S’il loue en quelques Épîtres les Églises qui lui ont envoyé des dons qu’il attribue à la bonté de la Providence, c’est qu’il ramasse, non pour lui-même, mais pour les fidèles pauvres qui étaient dans Jérusalem. Ces saints pauvres qui étaient dans Jérusalem, c’étaient ceux d’entre les Juifs qui avaient embrassé la foi de Jésus-Christ : rejetés par leurs parents, leurs proches et leurs alliés, ils avaient perdu tout ce qu’ils possédaient ; jusqu’au moindre meuble, tout leur avait été ravi par les prêtres du temple et le peuple. S’il y a de tels pauvres, qu’ils soient secourus. Mais si, sous le prétexte d’amasser pour les pauvres, quelques maisons seules sont enrichies, et si nous mangeons l’or dans le verre ou dans un vase d’argile, ou au milieu des trésors, changeons aussi de vêtement, ou, sous la mise delà pauvreté, ne cherchons pas à posséder les richesses d’un sénateur. Qu’importe qu’on n’ait pas autour du cou de linge pour essuyer sa sueur, qu’on n’ait qu’un soûl manteau et qu’on porte la livrée de la pauvreté, si l’on a une bourse bien garnie et qui fait soupirer tous les pauvres ? C’est pourquoi, à cause de nous qui sommes tels, qui bâtissons Sion avec le sang et Jérusalem avec l’iniquité, qui jugeons pour des présents, qui trafiquons de nos réponses, qui devinons pour de l’argent, et qui, après cela, affichant les dehors de la sainteté, osons dire : « Nous serons à couvert de tous les maux », entendons cette terrible sentence du Seigneur : Sion et Jérusalem, la montagne du temple, le séjour et la vision de la paix, le temple de Jésus-Christ, a la consommation et à la fin des temps, lorsque la charité se sera refroidie et que la foi sera devenue rare, sera labouré comme un champ réduit en un monceau de ruines, changé en une forêt ou en un lieu dont on surveille les rares fruits, en sorte que là même où s’élevaient autrefois de vastes demeures et des greniers regorgeant de grain, il y ait à peine une étroite cabane avec un semblant de provisions qui ne sauraient suffire à l’alimentation de l’âme.
« Mais dans les derniers temps la montagne de la maison du Seigneur sera préparée sur le faîte des monts et s’élèvera au-dessus des collines ; les peuples y accourront et les nations se hâteront de venir en foule, en disant : Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob ; il nous enseignera ses voies et nous marcherons dans ses sentiers, parce que la loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem. Il exercera son jugement sur plusieurs peuples, et il châtiera des nations puissantes jusqu’aux pays les plus éloignés ; ils feront de leurs épées des socs de charrue et de leurs lances des instruments pour remuer la terre ; un peuple ne tirera point l’épée contre un autre peuple, et ils ne s’exerceront plus à combattre ; chacun se reposera sous sa vigne et sous son figuier, sans avoir aucun ennemi à craindre. C’est ce que le Seigneur des armées a dit de sa bouche. Que chaque peuple marche sous la protection de son Dieu ; pour nous, nous marcherons sous la protection du Seigneur notre Dieu jusque dans l’éternité et au-delà. En ce jour-là, dit le Seigneur, je rassemblerai celle qui était boiteuse, et je réunirai celle que j’avais chassée et affligée. Je réserverai les restes de celle qui était boiteuse, je formerai un peuple puissant de celle qui avait été si affligée, et le Seigneur régnera sur eux dans la montagne de Sion, depuis ce temps jusque dans l’éternité. » Mic. 4, 1 et seqq. Les Septante : « Mais dans les derniers temps la montagne du Seigneur sera établie en évidence sur le faîte des monts, et s’élèvera au-dessus des collines ; les peuples se hâteront vers elles, de nombreuses nations s’y rendront en disant : Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob ; il nous montrera notre voie et nous marcherons dans ses sentiers, parce que la loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem. Il exercera son jugement sur plusieurs peuples, il réprimera des nations puissantes jusque dans les pays les plus éloignés, et ils feront de leurs glaives des socs de charrue et de leurs lances des faux ; un peuple désormais ne tirera point l’épée contre un autre peuple, et ils ne s’exerceront plus à combattre ; chacun se reposera sous sa vigne et sous son figuier, sans avoir aucun ennemi à craindre. Ce sont là les paroles sorties de la bouche du Dieu tout-puissant : tous les peuples iront en suivant chacun sa voie. Pour nous, nous irons, sous la protection du Seigneur notre Dieu, jusque dans l’éternité et au-delà. En ce jour-là, dit le Seigneur, je rassemblerai celle qui avait été brisée, je recevrai celle que j’avais chassée et ceux que j’avais rejetés. Je réserverai les restes de celle que j’avais brisée, je formerai un peuple puissant de celle que j’avais rejetée, et le Seigneur régnera sur eux dans la montagne de Sion, depuis ce temps et jusque dans les siècles des siècles. » Les princes des Juifs avaient eu l’équité en abomination, renversé tout droit, et bâti Sion dans le sang et Jérusalem dans l’iniquité ; c’était peu de ces crimes, et ils jugeaient pour des présents, tandis que les prêtres vendraient leurs réponses et que les Prophètes devinaient pour de l’argent. Aussi, à cause d’eux, Sion avait été labourée comme un champ, Jérusalem avait été réduite en monceaux de pierres, et la désolation avait changé en forêt la montagne du temple de Dieu. Voilà pourquoi – maintenant, leur maison ayant été abandonnée et changée en désert, après que le Fils de Dieu eût dit en sortant du temple ; « Levez-vous et allons-nous-en d’ici ; » Jn. 14, 31… « Votre maison vous sera laissée déserte », Luc. 13, 35, et que les Anges, comme l’atteste Josèphe, eurent poussé ce cri : « Sortons de cette demeure », à la place de la montagne de Sion et au-dessus d’elle a été élevée la montagne du Seigneur, dont il est dit au prince de Tyr : « Vous avez été blessé sur la montagne du Seigneur. » Eze. 28, 16. Cette montagne du Seigneur a été montrée dans les derniers temps, quand le royaume des cieux fut proche, puisque c’est à la consommation des siècles, pour la réprobation des pécheurs, que notre Sauveur a paru et s’est offert en hostie, que c’est à la onzième heure qu’il est venu louer les ouvriers pour sa vigne, et que sa Passion étant consommée, Jean dit : « C’est la dernière heure ; » 1 Jn. 2, 18 ; sur six mille ans, si l’on compte cinq cents ans pour chaque heure d’un jour, c’est bien à la dernière heure que les Gentils ont été appelés à la foi. « Et la montagne du Seigneur sera préparée pour être en évidence au-dessus des sommets des monts. » Elle sera visible à tous, elle qui avait été cachée et tenue en réserve, non pas seulement parmi les monts, mais au-dessus des sommets des monts, Moïse et les Prophètes, qui avaient prédit son avènement. Bien que tout ce qu’ils ont écrit soit saint, toutefois, en comparaison de la prophétie où ils ont annoncé la venue du Sauveur, tout le reste est bas et ne s’élève pas jusqu’au faîte des monts. « Elle s’élèvera au-dessus des collines. » Le Fils a daigné se montrer avec la nature d’homme et se revêtir de la forme d’esclave, il s’est humilié jusqu’à la mort et à la mort de la croix ; mais le Père l’a élevé dans la gloire et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout autre nom, et la vie de tout homme, une comparaison de la sienne, n’est que basse campagne et profonde vallée. Phi. 2, 7-9. C’est vers cette montagne, qui avait été préparée pour être au-dessus des sommets des monts, et qui a été élevée au-dessus des collines, que « se hâteront », ou comme dit l’hébreu, que « couleront tous les peuples », c’est-à-dire que, semblables à d’immenses fleuves, des foules innombrables se dirigeront vers elle. Les peuples se hâteront, Act. 2, 1 ss puisqu’on devait voir la foi de Jésus-Christ embrassée au même instant par des Parthes, des Mèdes, des Elamites, des habitants de la Mésopotamie, de la Judée, de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et de cette partie de la Lybie qui est près de Cyrène, des étrangers venus de Rome, des Juifs et des prosélytes, des Crétois et des Arabes. Ne vous semble-t-il pas qu’ils se hâtèrent vers la montagne, ceux à qui il fut dit : « Suivez-moi, et je ferai de vous des pécheurs d’hommes », Mat. 4, 19-20, et qui suivirent à l’instant le Sauveur ? L’Écriture rapporte aussi que Jacques et Jean, ayant quitté leur barque, leur père et les flots du monde, se hâtèrent d’aller à cette montagne, et que Matthieu le publicain accourut, dès qu’il lui fut dit : « Suivez-moi. » Mat. 9, 1 ss. L’Évangile prouve encore l’empressement des peuples, quand il atteste que de nombreuses foules de la Galilée, de la Décapole et de Jérusalem, de la Judée et d’au-delà du Jourdain suivirent Jésus, qui les guérit. Outre que les peuples se hâteront, de nombreuses nations iront aussi vers cette montagne, tout l’univers embrassant la foi au Sauveur, et elles diront, en s’excitant les unes les autres à se rallier à l’étendard du divin gibet : « Venez, montons à la montagne du Seigneur. » Il faut monter, si l’on veut parvenir à Jésus-Christ, et monter jusqu’à la maison du Dieu de Jacob, jusqu’à l’Église, qui est la maison de Dieu, la colonne et le fondement de la vérité. Nous avons déjà vu que Jacob est la figure du Sauveur : « Jacob est mon serviteur, je prendrai sa défense. » Isa. 41, 8 et 42, 1. Les nations, après avoir dit : « Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob », ajouteront : « Afin que sa voie nous soit enseignée », soit par les Anges commis à la garde des Églises, sait par les Écritures saintes, qui indiquent d’avance la voie du Seigneur et annoncent celui qui a dit : « Je suis la voie. » Jn. 14, 6. « Nous marcherons dans ses sentiers », qui sont les Apôtres par qui nous avons cru en Jésus-Christ ; car c’est de Sion qu’est sortie la loi spirituelle, et de Jérusalem qu’est passée aux Gentils la parole de Dieu, qui exercera son jugement sur plusieurs peuples, puisque le Père a donné au Fils tout pouvoir de juger. Jn. 5, 22. Il châtiera un grand nombre de nations, jusqu’aux pays les plus éloignés ; car le Seigneur surprend les sages dans leur habileté, il connaît les pensées des sages et il sait qu’elles sont vaines. Psa. 93, 11. 11 exerce son jugement sur les peuples, en séparant ceux qui sont dignes de salut de ceux qui en sont indignes, et dans son avènement tout désir de guerre se changera en amour de la paix : ses glaives seront transformés en socs de charrues, le fer des lances sera forgé pour faire des faux, toute nation cessera de combattre contre une autre nation ; Isa. 2, 4 ; nul n’approuvera l’art de combattre, la nécessité de combattre n’existant plus ; il régnera une paix si profonde, que chacun sera en sécurité, non-seulement dans les villes, mais aussi dans les moindres villages ; et il en sera ainsi, parce que telle est la parole du Seigneur. Et d’abord, selon la lettre, avant que nous fût né l’enfant qui porte sur son épaule le signe de sa principauté, tout l’univers était plein de sang, et l’on combattait peuples contre peuples, rois contre rois, nations contre nations ; enfin, la république romaine était elle-même déchirée par les guerres civiles, entre Cinna et Octave et Carbon, Sylla et Marins, Antoine et Catilina, César et Cnéius-Pompée, Auguste et Brutus, et le môme Auguste et Antoine ; aux dissensions de ces hommes, tous les royaumes payèrent leur tribut de sang. Mais après qu’avec l’empire du Christ, Rome eût obtenu un empire sans précédent, tout l’univers devint une route libre pour les pas des Apôtres, les portes des villes leur furent ouvertes, et la prédication d’un seul Dieu établit miraculeusement une société nouvelle. Ces paroles : « Ils changeront leurs épées en socs de charrues et leurs lances en faux », peuvent aussi s’entendre au figuré, en ce sens que la foi en Jésus-Christ mit fin à la colère et aux querelles sans frein, en sorte que chacun mit la main sur le manche de la charrue sans regarder en arrière, désireux uniquement, après avoir brisé les traits et la lance des contestations injurieuses, de moissonner les fruits spirituels, si bien que, les autres traçant leur sillon, nous ne portions pas obstacle à leurs travaux, et qu’il soit dit de nous : « Ils marcheront à leur retour avec des transports de joie, en portant les gerbes de leur moisson. » Psa. 125, 6. Maintenant, nul ne combat contre son prochain, l’Évangile ayant dit : « Heureux les pacifiques. » Mat. 5, 9. Personne n’apprend à contester pour la subversion de ceux qui l’écoutent, et chacun impose silence A sa bouche et se tait, parce que le temps est mauvais. Chacun se reposera sous sa vigne, pour exprimer le vin qui donne la joie au cœur de l’homme, Psa. 103,1 ss sous cette vigne dont le Père est le vigneron, Jn. 15, 1 ss et sous son figuier, cueillant les fruits suaves du Saint-Esprit, la charité, la joie, la paix, et les autres. Tout cela arrivera, d’après l’hébreu comme d’après les Septante, parce que les paroles du Seigneur sont vraies, que pour lui la parole et l’action sont une seule et même chose. Tous les peuples marcheront, chacun dans sa voie ; pour nous, nous marcherons au nom du Seigneur notre Dieu, en ce monde et au-delà. Toutes les nations marchant dans la voie de leur erreur, nous nous sommes hâtés vers la montagne du Seigneur, nous avons dit : « Venez, montons A la montagne du Seigneur et A la maison du Dieu de Jacob », et nous marcherons sous la protection de Jésus-Christ Notre Seigneur, parce qu’il est la montagne qui est Dieu. Au jour où luira le soleil de justice, celle qui avait été brisée sera rassemblée, et celle avait été chassée sera accueillie de nouveau ; celle qui avait été brisée sera rassemblée, pour que ses restes soient mis en réserve, et qu’une nation puissante soit formée de celle qui avait été abandonnée, car « si le Seigneur des armées ne nous avait réservé quelques-uns de la race d’Israël, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe. » Rom. 9, 29. L’expression du texte hébreu est remarquable : « Je rassemblerai celle qui était boiteuse », celle qui marchait mal et à qui Élie avait dit : « Jusques à quand boiterez-vous ? » 1 Ro. 18, 21 ; son pied avait été coupé pour avoir été un sujet de scandale. Mrc. 9, 1 ss. Je la recueillerai, elle que j’avais chassée et répudiée, elle que j’avais affligée de différentes captivités, ou que j’avais livrée au diable et à ses anges. Et que le lecteur attentif ne me fasse pas cette objection : Eh quoi ! vous prétendez que celle qui était boiteuse a été rassemblée et que celle qui avait été chassée a été reçue de nouveau, alors que lés Juifs persévérèrent dans leur incrédulité ? La prophétie s’applique à la primitive Église de Jésus-Christ, à ceux qui crurent d’entre les Juifs ; les Apôtres en étaient. S. Luc rapporte, dans les Actes des Apôtres, qu’en un seul jour ils embrassèrent la foi au nombre de trois mille, Act. 2-4, et c’est d’eux que Jacques dit à Paul : « Vous voyez, mon frère Paul, combien de milliers de Juifs ont cru, et cependant ils sont tous zélés pour la foi. » Act. 21, 30. La portée des expressions de la prophétie est à considérer : elle ne dit pas : Je sauverai celle qui était boiteuse fout entière ; elle dit : « Je réserverai les restes de celle qui était boiteuse », en sorte que soient sauvés les restes, ceux que Dieu aura choisis, et que celle qui avait été si affligée soit changée en un peuple puissant, c’est-à-dire revêtue du nom chrétien, contre lequel ne prévaudront ni l’épée, ni les flammes, ni les tourments. Que l’on songe à la foi et à la constance des martyrs, et l’on décidera bien vite quel est ce peuple puissant. « Le Seigneur régnera sur eux », c’est-à-dire sur toutes les nations et sur les restes de la boiteuse, sur la montagne de Sion ou dans l’Église, dans la vision et la contemplation des vertus, depuis le temps présent et jusque dans l’éternité. Que si l’on veut entendre de l’âme de l’homme ces paroles : « Je rassemblerai celle qui avait été brisée, et j’accueillerai de nouveau celle qui avait été chassée, », etc, en ce sens qu’avant la venue de Jésus-Christ, elle était esclave des passions et des vices divers, et que, semblable à une brebis égarée et malade, elle avait été déchirée par la dent des loups, on ne se trompera point, à la condition toutefois de reconnaître qu’après avoir été brisée et affligée, elle doit être plus tard sous le sceptre du Seigneur, vivre dans Sion et être rapportée à la montagne primitive sur les épaules du bon Pasteur. Luc. 15, 1 ss. Il faut noter aussi que le texte que nous avons cité et celui qui lui est semblable en Isaïe, les Juifs et les héritiers de leur erreur le rapportent à l’empire de Jésus-Christ et des saints, en l’an mil, et que ce qui est dit : « Tous les peuples marcheront, chacun sous la protection du Seigneur leur Dieu », ils l’interprètent en ce sens que chaque peuple sera châtié avec son idole et voué au feu du supplice éternel. La suite montre qu’il ne s’agit pas ici de la fin des temps, mais du premier avènement de Jésus-Christ, où sont recueillis les restes de la boiteuse, après que les Gentils ont été sauvés. Aussi Isaïe a-t-il écrit le témoignage suivant : « Parole qui a été adressée à Isaïe, fils d’Amos, touchant Juda et Jérusalem : Dans les derniers temps, la montagne du Seigneur sera en évidence à tous les yeux, et la maison de Dieu sera bâtie au-dessus du faîte des monts et s’élèvera au-dessus des collines. Toutes les nations y accourront en foule et plusieurs peuples y viendront, en disant : Venez, montons à la montagne du Seigneur, et à la maison du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses voies, et nous marcherons dans ses sentiers, parce que la loi sortira de Sion et la parole du Seigneur de Jérusalem. Il jugera les nations et il convaincra d’erreur plusieurs peuples ; et ils forgeront de leurs épées des socs de charrues et de leurs lances des faux. Un peuple ne tirera plus l’épée contre un peuple, ils ne s’exerceront plus a se combattre. » Isa. 2, 1-4. Ce n’est pas sans intention qu’il est dit ici que la parole divine sortant de Jérusalem jugera les nations, et convaincra d’erreur particulièrement le peuple juif. Nous, elle nous jugera comme pécheurs, selon la mesure de nos œuvres, tandis que les Juifs, entant qu’impies et négateurs du Christ, elle ne les jugera pas, mais elle les convaincra dans leur condamnation.

LIVRE II[modifier]


Je ne cesse de répondre aux envieux, parce que l’envieux n’a pas de repos, et les premières lignes de mes livres sont consacrées à réfuter les insinuations méchantes des jaloux. Ils publient partout que je n’écris que des inepties en un langage stérile et maigre, et qu’étant incapable de parler, je ne puis pas me taire. Je vous conjure donc, Paul et Eustochium, de fermer les oreilles à des aboiements de cette sorte, et vos prières venant en aide à mon enfance, comme ils disent, d’obtenir que Dieu ouvre ma bouche comme il ouvrit celle de l’Apôtre, afin qu’on puisse dire de moi, quand je parle des Écritures : « Le Seigneur donnera sa parole à ceux qui publient la bonne nouvelle avec une grande force. » Psa. 67, 12. Quant aux taureaux gras qui m’ont entouré, Psa. 21, 1 ss je les avertis de s’arrêter et de cesser de médire, s’ils ne veulent que je leur fasse sentir leurs méfaits, qui né tarderont pas à être produits, s’ils continuent leurs provocations. Quant à leur grief, que je compile les œuvres d’Origène et qu’il ne convient pas de profaner les écrits des anciens, ce qu’ils croient être une épigramme acérée, je le regarde comme le plus grand des éloges, alors que je m’efforce d’imiter un auteur qui, j’en ai l’assurance, plaît à tous les gens sages et à vous-mêmes. Si c’est un crime de transporter en notre langue ce qu’il y a de bien dit chez les Grecs, qu’on accuse Ennius et Virgile, Plante, Cécilius et Térence, Cicéron aussi et tant d’autres hommes éloquents qui ont traduit, non-seulement des fragments, mais de nombreux chapitres, des livres tout au long, des fables entières ; qu’on proclame aussi coupable de plagiat notre Hilaire, parce qu’il a rendu près de quarante mille versets des psaumes d’après le sens du même O ri gène. Je préfère rivaliser de négligence avec tous ces écrivains, qu’imiter l’obscure diligence de mes envieux. Mais il est temps de dicter un autre livre sur Michée, et d’écraser les têtes renaissantes de l’hydre avec la massue de la prophétie.
« Et vous, tour du troupeau, fille de Sion, environnée de nuages, la puissance souveraine viendra jusqu’à vous ; il viendra l’empire de la fille de Jérusalem. Pourquoi donc êtes-vous maintenant troublée par le chagrin ? N’avez-vous donc point de roi ni de conseiller, que vous êtes ainsi dans la douleur comme une femme en travail ? » Mic. 4, 8-9. Les Septante : a Et vous, tour du troupeau, fille de. Sion, environnée d’obscurité, la principauté souveraine viendra jusqu’à vous et entrera ; l’empire viendra de Babylone à la fille de Jérusalem. Pourquoi donc connaissez-vous maintenant les souffrances ? n’aviez-vous donc plus de roi ni de conseiller, que les douleurs se soient emparées de vous comme d’une femme en travail ? » Cette tour du troupeau, environnée de nuages ou noire, en hébreu Opheli, ne peut être pour nous autre que celle dont Isaïe a écrit : « J’ai élevé une tour au milieu d’elle », c’est-à-dire de ma vigne. Or, la vigne du Seigneur est la maison d’Israël. » Isa. 5, 2. Cette tour, tant qu’elle a son pressoir, c’est-à-dire l’autel, que la vigne a sa clôture, c’est-à-dire les secours des Anges et que le sanglier ou le diable n’y pénètre pas, n’est ni noire ni environnée de ténèbres ; elle porte, au contraire, le nom du Seigneur, qui est la vraie lumière, elle est la cité bâtie sur 1a. montagne et qui ne peut être cachée pour personne. Elle qui était autrefois la tour du troupeau et du peuple de Dieu, depuis que des colons méchants ont mis à mort le fils du père de famille, Luc. 20, 1 ss elle est maintenant noire et abandonnée, et Isaïe, qui l’appelle Àriel, crie de la terre : « Voilé la tour de la fille de Sion », Isa. 29, 1 ss ou, d’après la traduction grecque de Symmaque : « Voilà la fille de Sion elle-même. » C’est jusqu’à elle que viendra Dieu, ou la puissance souveraine qui est le règne de la fille de Jérusalem. La puissance première ou la principauté première qui viendra jusqu’à cette tour, c’est celui qui avait dit : « Je suis l’alpha et l’oméga », le commencement et la fin, le premier et le dernier, Apo. 22, 13, et qui, selon la nature humaine qu’il a prise, s’exprime ainsi dans les Proverbes : « Le Seigneur m’a créé au commencement de ses voies, avant qu’il créât autre chose », Pro. 8, 22, ou, comme porte l’hébreu : « Le Seigneur m’a possédé », Canani signifiant, non pas « il m’a créé », mais « il m’a possédé » et il m’a eu. La puissance première et le règne de la fille de Jérusalem sont venus, afin qu’après la puissance souveraine il y en eut une seconde ; il dit de lui-même avec confiance : « Je suis la lumière du monde », et il donne aussi à ses disciples le privilège d’être appelés lumière du monde, en leur disant : « Vous êtes 1a lumière du monde. » Mat. 10, 14. lise donne dans l’Évangile le nom de vraie vigne, et il dit de ceux qui croient en lui : « Je vous ai plantés comme une vigne vraie, où je n’avais mis que de bon plant. » Jer. 2, 21. 11 est le pain vivant descendu du ciel, et il a permis à ses disciples de s’appeler pain ; aussi l’apôtre Paul s’écrie-t-il avec confiance : « Nous ne sommes tous ensemble qu’un seul pain. » 1 Co. 10, 17. La puissance souveraine et le règne entrent donc dans Jérusalem, de telle manière qu’ils y changent les fidèles en souverains et en rois. Quant à ce que portent quelques livres, que le règne viendra « de Babylone » à la fille de Jérusalem, les mots « de Babylone » sont ajoutés, puisque ni le texte hébreu, ni les autres interprètes ne les donnent. Les Septante me paraissent avoir fait allusion à la captivité de Babylone, pour signifier que le peuple sortirait de là pour venir à Jérusalem. La prophétie poursuit : « Et maintenant, pourquoi êtes-vous accablée de chagrin ? » ou, d’après les Septante : « Et maintenant, d’où vient que vous connaissez les souffrances », vous jusqu’à laquelle le Seigneur, la puissance souveraine et le règne, doit venir ? Pourquoi le chagrin vous accable-t-il maintenant, ou pourquoi connaissez-vous les maux ? La réponse suit aussitôt : C’est parce que vous n’avez plus de roi et que votre conseiller a péri que la douleur s’est saisie de vous comme d’une femme en travail ? ou plutôt, vous avez l’un et l’autre, mais, par votre faute, vous ne méritez le secours ni du roi ni du conseiller. Les mots : « D’où vient que vous connaissez les malheurs ? » s’entendent en ce sens que, de quiconque a mérité et enduré des souffrances, on dit qu’il connaît les maux et qu’il ne connaît pas les biens, conformément è ce qui est dit dans le premier livre des Rois : « Les enfants d’Héli étaient des enfants de Déliai qui ne connaissaient pas Dieu ;» 1 Sa. 2, 12 ; et ailleurs : ce Celui qui garde le précepte ne connaîtra point de parole mauvaise ; » Ecc. 8, 5 ; et le Seigneur dit aux pêcheurs : « Retirez-vous de moi, vous qui faites des œuvres d’iniquité, je ne vous ai jamais connus. » Mat. 7, 23. D’autre part, il est dit du Seigneur : Dieu le Père, « pour l’amour de nous, a rendu victime du péché celui qui ne connaissait point le péché. » 2 Co. 5, 21. Le roi, l’Ange du grand Conseil, dont il est question dans notre texte, c’est le Sauveur, qui périt pour le peuple incrédule, que les douleurs saisirent comme une femme en travail. C’est qu’Israël, quand il croyait obtenir l’empire, fut dévasté tout-à-coup, et, comme une femme en travail ne peut éviter la douleur, il ne put échapper à l’armée qui assiégeait Jérusalem ni différer le moment de la captivité qui le menaçait. Qu’on lise les Écritures, et l’on n’y trouvera jamais que les saintes femmes, à l’exception de Rachel, aient enfanté avec douleur ; Rachel, parce qu’elle était encore en route et sur l’hippodrome, c’est-à-dire « la lice des chevaux », que l’on vend en Égypte, enfanta un fils de douleur, que son père, plus tard, appela fils de la droite. Gen. 35, 1 ss. D’Eve, chassée du paradis sous le coup de cette menace : « Vous enfanterez dans les douleurs », Gen. 3, 16, il est rapporté qu’elle enfanta dans la douleur. La femme de Phinées, s’étant affaissée et ne pouvant se relever comme celle dont l’Évangile dit qu’elle fut liée par le diable, enfanta en apprenant la ruine de l’arche de Dieu et du peuple. 2 Sa. 4. Sara, qui était sainte, et dans la vieillesse, s’écria, quand Isaac fut né : « Dieu m’a donné un sujet de ris et de joie, et quiconque l’apprendra s’en réjouira avec moi. » Gen. 21, 6. Par conséquent, les douleurs qui s’emparèrent de la tour du troupeau sont les douleurs de la mort, qui entourèrent le Sauveur lui-même, mais ne purent prévaloir sur lui, comme il l’atteste lui-même dans le psaume dix-sept : « Les douleurs de la mort m’ont environné, les torrents de l’iniquité m’ont rempli de trouble et j’ai été affligé par les douleurs de l’enfer. Quelques-uns pensent que cette tour environnée de nuages, que la fille de Jérusalem, doit s’entendre de la céleste Jérusalem, qui est la mère des saints et dont l’Apôtre a dit : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, de la céleste Jérusalem. » Heb. 12, 22. Elle est dans le deuil tant que ses fils ne lui sont pas ramenés, qu’elle n’a ni roi ni conseillers, et les douleurs la saisissent comme une femme en travail ;, parce qu’elle a enfanté en vain, puisqu’elle voit un si grand nombre de ses enfants mis à mort.
« Affligez-vous et tourmentez-vous, fille de Sion, comme une femme qui enfante, parce que vous sortirez maintenant de votre ville, vous habiterez dans un pays étranger, et vous viendrez jusqu’à Babylone ; là vous serez délivrée, là le Seigneur vous rachètera de la main de vos ennemis. » Mic. 4, 10. Les Septante : « Souffrez et conduisez-vous avec courage, ô fille de Sion, comme une femme en travail, parce que vous sortirez de votre ville, vous habiterez dans la campagne et vous viendrez jusqu’à Babylone ; c’est de là que vous délivrera, c’est de là que vous rachètera de la main de vos ennemis le Seigneur votre Dieu. » Si, après lui avoir, prescrit de gémir ou d’enfanter, on lui enjoint ensuite d’agir avec courage, ce n’est pas sans raison ; c’est afin que, supportant les douleurs avec patience elle sorte de la ville, qu’elle habite dans la campagne ou un pays éloigné, qu’elle vienne jusqu’à Babylone, et qu’endurant la captivité pour son péché, après qu’elle aura supporté l’expiation avec courage, elle soit délivrée et rachetée par le Seigneur de la main de ses ennemis, et qu’ayant été délivrée, elle puisse dire à ceux qui l’outragent : O mon ennemie, ne vous réjouissez point de ce que je suis tombée ; je me relèverai, bien que je me sois assise dans les ténèbres, parce que le Seigneur est ma lumière. Je porterai le poids de la colère du Seigneur, parce que j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il ait jugé ma cause et qu’il se soit prononcé pour moi. Alors il me fera passer à la lumière et je contemplerai sa justice. Mon ennemie me verra alors, et elle sera couverte do confusion. » Mic. 7, 8 et seqq. De là ce que chante le psaume avec raison : « Le Seigneur ne s’irritera point sans fin et ne menacera pas éternellement. » Psa. 102, 9. Ces mots : « Gémissez et agissez avec courage », ont trait au salut de quiconque gémit et agit avec courage, la preuve en est dans Josué, fils de Navé, à qui le Seigneur dit : « Affermissez-vous et agissez virilement. » Jos. 1, 18. Or, la fille de Sion souffre et se comporte avec courage, parce qu’elle est sortie sans chaussures et nue de la ville, qu’elle doit être menée captive dans la plaine de Sennar, et qu’elle demeurera à Babylone, jusqu’à la venue de Zorobabel et d’Esdras, dont le nom veut dire « auxiliaire », et qui la délivrera de la main des Chaldéens. Tout cela est évident dans le sens littéral. Au figuré, la prophétie me semble signifier que l’âme, quand elle a été rejetée do l’Église a cause de son péché et livrée à l’ennemi pour la perte de la chair, afin que l’esprit soit sauvé, sort de la ville où répand la joie un fleuve abondant, pour habiter, non plus sur la montagne comme auparavant, mais en plate campagne, exposée aux incursions de l’armée des Assyriens, c’est-à-dire de ses vices, qui la jettent dans la confusion, et qu’après avoir été chargée de chaînes, tourné la meule et fait la farine pour les Babyloniens, rentrant en elle-même, elle s’écrie : « Combien y a-t-il chez mon père de serviteurs à gages qui ont plus de pain qu’il ne leur en faut, et moi, ici, je meurs de faim ! » Luc. 15, 17. Elle retourne alors à la maison paternelle, où la reçoit le plus clément des pères qui la rachète des mains du plus dur des tyrans. Donnons un exemple qui prouve que cet ordre adressé à la fille de Sion : « Affligez-vous et agissez avec courage comme une femme en travail », a trait, non pas à son châtiment, mais à son utilité. Paul écrivait aux Galates : « Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en vous ; » Gal. 4, 19, et il éprouva ces douleurs de l’enfantement jusqu’à ce qu’il eût régénéré par la pénitence, ceux qui avaient péri par le péché. C’est donc comme si un médecin disait à un fiévreux ou à un blessé : « Gémissez et agissez avec courage », endurez la soif, supportez la cautérisation, pour être certain de recouvrer la santé.
« Plusieurs peuples se sont maintenant assemblés contre nous, et ils disent : Que Sion soit lapidée et que mes yeux se repaissent de son malheur. Mais ils n’ont point connu qu’elles sont les pensées du Seigneur, et ils n’ont point compris que son dessein était de les assembler comme on amasse la paille dans faire. Levez-vous, et foulez la paille, fille de Sion ; car je vous donnerai une corne de fer et des ongles d’airain, et vous briserez plusieurs peuples ; vous immolerez au Seigneur ce qu’ils ont ravi aux autres, et vous consacrerez au Seigneur de toute la terre ce qu’ils ont de plus précieux. » Mic. 4, 11-13. Les Septante : « Plusieurs peuples se sont maintenant assemblés contre vous en disant : Insultons à la ruine de Sion et que nos yeux se repaissent de son malheur. Mais ils n’ont pas connu les pensées du Seigneur, et ils n’ont point compris que son dessein était de les rassembler comme on amasse des gerbes dans faire. Levez-vous et foulez-les, fille de Sion ; car je vous donnerai une corne de fer et des ongles d’airain, et vous briserez plusieurs peuples, dont vous consacrerez la multitude et la force au Seigneur Dieu de toute la terre. » O Jérusalem, ô fille de Sion, qui viendrez jusqu’à Babylone, où le Seigneur vous délivrera et vous rachètera de la main de vos ennemis, maintenant plusieurs peuples se sont rassemblés contre.vous, dont ils parlent comme d’une adultère : « Qu’elle soit lapidée et que nos yeux se repaissent de son malheur », on, d’après les Septante : « Insultons à ses maux dans notre joie et que nos regards tombent sur elle pleins de mépris. Mais ils n’ont pas connu la volonté et le dessein du Seigneur » de les assembler contre vous, pour que vous les fouliez comme on foule la paille dans faire. Levez-vous donc, fille de Sion, et avec les cornes de fer que je promets de vous donner et les ongles d’airain que vous recevrez, saisissez et brisez les peuples, et immolez-les au Seigneur de toute la terre. Telle est la victime, c’est là le sacrifice qui lui est agréable. Les Juifs ne voyant pas que cette prophétie soit encore accomplie, se flattent qu’elle se réalisera à la venue de leur Christ ; ils disent que toutes les nations seront assujetties au peuple juif, et qu’ils briseront avec leurs ongles et disperseront aux vents, avec leurs cornes, l’empire romain lui-même, qu’ils prétendent figuré par Edom. Toutes les Écritures prouvent surabondamment l’absurdité de cette opinion ; mais ce n’est pas ici le lieu pour un tel débat. Pour nous, qui suivons, non la lettre qui tue, mais l’esprit qui vivifie, nous disons que de nombreux peuples de démons sont rassemblés contre la fille de Sion, qui est l’Église, qu’ils l’accablent d’outrages et qu’ils se réjouissent du massacre de ses enfants, ne connaissant point les pensées du Seigneur et ne pénétrant point son dessein. S’ils avaient connu ce dessein, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire. 1 Co. 2, 8. Il les rassemblera donc comme des gerbes sur l’aire, afin de briser avec ses ongles tout ce qu’ils semblaient avoir d’épineux et de rude, et de ventiler avec ses cornes tout ce qui est vide et léger, en sorte que le pur froment demeurant seul, il en soit fait l’offrande au Seigneur. Mais quel est le sens de ces mots : « Vous briserez plusieurs peuples dont vous consacrerez la multitude et la force au Seigneur Dieu de toute la terre ? » Les Nombres, le livre de Josué et le premier des Rois nous montrent comment, tout ayant péri à la face du glaive, l’or et l’argent des nations soumises et une part déterminée du butin, tant en hommes qu’en bestiaux, sont consacrés au Seigneur. Ainsi Achor, ayant dérobé quelque chose de l’anathème de Jéricho, jeta le peuple dans le trouble, et le nom d’Emec Achor, ou vallée du tumulte, fut donné à la vallée où il fut lapidé à cause de son péché. Jos. 7,1 ss. Ce qui prouve que dans la version des Septante : « Vous consacrerez au Seigneur leur multitude », cette consécration doit être prise en bonne part, c’est qu’au lieu de multitude, nous lisons présents dans Théodotion, émolument dans la cinquième édition et gain dans Symmaque.
« Vous allez être pillée, ô fille de voleurs ; on vous assiégera de toutes parts ; on frappera sur la joue, avec la verge, le prince d’Israël. » Mic. 5, 1. Les Septante : « Maintenant, cette fille verra ses voies fermées de toutes parts. Dieu a fait fondre l’affliction sur nous, diront-ils ; on frappera avec la verge sur la joue des tribus d’Israël ; » non pas qu’une tribu frappe sur la joue d’une autre, mais ce sont d’autres peuples qui frapperont les tribus d’Israël sur la joue. Je vous ai promis, il est vrai, ô fille de Sion, qu’un temps viendra où je vous donnerai une corne de fer et des ongles d’airain, et où, après avoir écrasé la multitude des démons, vous offrirez au Dieu de toute la terre tout ce qu’ils possédaient auparavant. Mais comme ceci doit arriver lorsque la plénitude des nations sera entrée et que tout Israël sera sauvé, Rom. 9, 1 maintenant vous serez ravagée, ou, comme porte l’hébreu, vous serez hachée selon que vous le méritez, Vous serez, comme le dit l’Apôtre, non pas la vraie, mais la fausse Circoncision ; Phi. 3, 1 ss ; et je ne vous appelle pas ma fille, mais fille du voleur, en hébreu Bath Gedad, c’est-à-dire fille du diable, toujours prêt à la proie ; car vous avez fait de ma maison une caverne de voleurs, vous vous êtes révoltée contre moi, et vos enfants ont mis le siège autour de moi et de mon Fils et de mon Esprit. N’est-ce point un outrage à la Trinité quand, par votre scélératesse, les Romains frappèrent le juge d’Israël à la tête de la verge et du roseau, en disant : « Christ, prophétise-nous qui t’a frappé ? » Mat. 26, 68 ; ou quand un de tes ministres lui donna un Llsoufflet en disant : « Est-ce ainsi que vous répondez au Grand-Prêtre ? » Jn. 18, 22. Voilà d’après la traduction de l’hébreu, à laquelle se rangent Aquila, Symmaque, Théodotion et la cinquième édition. D’après la version des Septante, le sens est beaucoup plus élevé, et découle, pour ainsi dire, des premiers mots : Maintenant la synagogue voit ses voies fermées de toutes parts, et ceux qui y seront enfermés s’écrieront : « Dieu a établi l’affliction sur nous ; » et les tribus d’Israël, soumises à la domination romaine, seront frappées sur la joue ; car le Seigneur a ôté de la Judée et de Jérusalem le courage et la vigueur, les plus sages des architectes, et ceux qui ont l’intelligence de la parole, Isa. 3, 1,2 ; jusqu’à ce jour scs voies sont fermées par une barrière infranchissable, et, ne pouvant sortir de la captivité, elle est accablée du joug le plus dur. Que si, pour relier « cette fille verra ses voies fermées de toutes parts » au passage précédent, on en veut faire l’application à l’Église, on doit se rapporter à l’exemple d’Osée, où l’adultère dit : « J’irai après mes courtisans qui me donnaient mon pain, mon eau, mes vêtements, mon lin, mon huile et tout ce dont je me sers. » Ose. 2, 6. Mais plus tard, Dieu voulant mettre obstacle à la mauvaise pensée de l’adultère, elle ne fait pas ce qu’elle avait le désir d’accomplir, parce qu’il ferme ses voies d’une barrière, pour qu’elle ne puisse pas suivre ses courtisans et se livrer à de nouveaux désordres : « C’est pourquoi je vais fermer ses voies avec des épines, je les fermerai avec une muraille ; elle ne trouvera pas de sentier par où elle puisse passer ; elle poursuivra ses courtisans sans pouvoir les atteindre, elle les cherchera et ne les trouvera point, et elle dira : Il faut que j’aille retrouver mon premier époux, parce que j’étais plus heureuse que maintenant. » Ose. 2, 6, sec. lxx. Le but du Seigneur est donc atteint. L’adultère ne trouvant point sa voie et ne pouvant aller où elle voulait, se voit contrainte de retourner à son premier époux, elle avoue qu’elle est plus heureuse dans la maison de ce premier époux qu’elle ne l’était auparavant auprès de ses adulateurs, et les tribulations et les plaies d’Israël lai sont un salutaire enseignement. De là ce qui est dit à David, figure de Jésus-Christ : « Si ses enfants abandonnent ma loi et s’ils ne marchent point dans mes préceptes, s’ils violent la justice de mes ordonnances et s’ils ne gardent point mes commandements, je visiterai avec la verge leurs iniquités et je punirai leurs péchés par des plaies différentes ; toutefois, je ne lui retirerai point ma miséricorde. » Psa. 88, 31 et seqq. Dieu a donc fait descendre la tribulation sur la fille d’Israël, et les Anges préposés aux châtiments la frapperont sur la joue. Qui est cette fille dont les voies sont fermées de toutes parts et qui est dans les afflictions ? Afin de lever tous les doutes à cet égard, la prophétie ajoute aussitôt, (f les tribus d’Israël. » Or, c’est nous qui sommes Israël, nous qui voyons Dieu en esprit, et pour qui l’Apôtre a fait cette distinction : « Considérez Israël selon la chair. » 1 Co. 10, 18. Il aurait eu garde de parler d’un Israël selon la chair, s’il n’avait su qu’il y a un Israël selon l’esprit.
« Et vous, Bethléem, appelée Ephrata, vous êtes petite entre les mille villes de Juda ; mais c’est de vous que sortira pour moi celui qui doit dominer dans Israël, et dont la génération est dès le commencement et dès l’éternité. » Mic. 5, 2. Les Septante : « Et vous, Bethléem, maison d’Ephrata, quoique vous soyez des plus petites entre les mille villes de Juda, c’est de vous que sortira pour moi celui qui doit être prince d’Israël, et dont la génération est dès le commencement et dès les jours du siècle des siècles. « Dans l’Évangile selon saint Matthieu, les Mages étant venus de l’Orient, et comme Hérode s’enquérait des scribes du lieu où devait naître le Christ, il est écrit qu’ils répondirent : « C’est dans Bethléem de la, tribu de Juda ; » à quoi ils ajoutèrent ainsi le témoignage du Prophète : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la dernière d’entre les principales villes de Juda, car c’est de toi que sortira le chef qui conduira mon peuple d’Israël. » Mic. 5, 2. Il est évident, et je n’y insiste pas, que cette rédaction ne concorde ni avec le texte hébreu, ni avec la version des Septante, et je crois que saint Matthieu, dans le but de critiquer la négligence avec laquelle les scribes elles prêtres lisaient les Livres saints, a rapporté ces mots textuellement, comme ils furent dits par eux. Mais il y a des gens qui affirment à tort que la même erreur se produit dans presque tous les exemples pris de l’Ancien Testament, en sorte qu’il y aurait changement ou dans l’ordre des mots ou des mots eux-mêmes, et que parfois le sens n’est plus le même chez tous, les Apôtres et les Évangélistes n’ayant pas contrôlé les témoignages directement sur le texte, et s’étant liés à la mémoire qui trompe en maintes circonstances. Analysons donc le texte hébreu. « Et vous Bethléem », c’est-à-dire maison du pain, qui êtes appelée Ephrata, vous êtes, il est vrai, une des plus petites villes de Juda, et en comparaison de mille plus grandes qui existent, vous n’êtes qu’une petite bourgade ; mais de cette bourgade sortira Jésus-Christ, qui est le dominateur dans Israël. Et ne croyez-pas qu’il soit seulement de la race de David, à qui j’ai fait cette promesse : « J’établirai sur mon trône le fruit de votre ventre ; » Psa. 131, 8 ; l’assomption de la chair n’empêche pas en lui la majesté divine, il est né de moi avant tous les siècles, et celui qui a créé le temps ne saurait être contenu dans le temps. C’est à lui que j’ai dit dans un autre psaume : « Je vous ai engendré avant l’étoile du jour ; » Psa. 109, 3 ; car le Verbe était au commencement, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu. U ôtait au commencement avec Dieu, Jn. 1, 1. Sa génération est donc dès le commencement et dès l’éternité. Pour Bethléem, elle est bien la même ville qu’Ephrata, et la preuve en est dans la Genèse, où nous lisons : « Rachel mourut, et elle fut ensevelie sur le chemin d’Ephratha, appelée depuis Bethléem. » Gen. 35, 19. L’un et l’antre nom de cette ville contient un n^stère : elle est appelée maison du pain, à cause du pain vivant qui est descendu du ciel ; Jn. 6, 1 ss ; et Ephratha, qui veut dire « il voit la fureur », à cause de la folie d’Hérode, qui, voyant que les Mages s’ôtaient moqués de lui, et entrant dans une grande colère, envoya tuer dans Bethléem et dans tous les pays d’alentour tous les enfants figés de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s’était enquis exactement des Mages, et à cause du seing répandu en abondance, un grand bruit a été entendu sur la hauteur, les plaintes et les cris lamentables de Rachel pleurant ses enfants. Mat. 2, 16-19. Nous lisons, mais toutefois d’après la seule version des Septante, dans Josué, A l’endroit où sont décrites les villes et les bourgs de la tribu de Juda, ce passage entre bien d’autres : « Théco, Ephratha, qui est Bethléem, Phagor, Aétam, Culon, Tami, Soris, Carem, Gallim, Béther, Manocho, en tout onze villes avec les villages qui en dépendent. » Jos. 15, 1 ss. Ni le texte hébreu ni aucun interprète ne portent ce témoignage ; les Juifs l’ont-ils méchamment supprimé dans les anciens livres, afin qu’on ne vit pas que Jésus-Christ est issu de la tribu de Juda, ou bien est-ce une addition faite par les Septante ? il n’y a rien qui permette de se prononcer avec certitude sur ce point. Néanmoins, le livre des Juges nous fournit une preuve que Bethléem est dans la tribu de Juda, puisqu’on y lit : « Un lévite qui demeurait sur le versant de la montagne d’Ephraïm, ayant pris une femme de Bethléem qui est en Juda cette femme s’irrita contre lui, et, l’ayant quitté, elle retourna dans la maison de son père, à Bethléem de Juda. » Jud. 19, 1-2. L’Ecriture fait avec raison cette précision : « À Bethléem de Juda », pour distinguer cette ville d’une autre Bethléem qui est en Galilée, comme nous l’apprend le livre de Josué. On peut encore traduire en notre langue Ephratha par « fertile », et ce mot a alors le même sens mystique que « maison du pain. »
« C’est pourquoi il les abandonnera jusqu’à ce que celle qui doit enfanter ait enfanté, et les restes de ses frères se convertiront et se joindront aux enfants d’Israël. » Mic. 5, 3. Les Septante : « C’est pourquoi il les abandonnera jusqu’au temps de celle qui doit enfanter ; elle enfantera, et les restes de leurs frères retourneront vers Israël. » C’est parce que de Bethléem, qui est Ephrata, est sorti Jésus-Christ, dominateur en Israël, et que sa génération ne date pas seulement du temps où il a été vu dans la chair, mais du commencement de l’éternité, ou du siècle des siècles, et parce que toujours c’est lui-même qui a parlé par les Prophètes et que la parole de Dieu s’est faite dans leurs œuvres, Dieu abandonnera les Juifs et différera leur règne jusqu’au temps de celle qui doit enfanter, quand s’accomplira cette parole : « Réjouissez-vous, stérile, qui n’enfantiez point ; chantez et poussez des cris de joie, vous qui n’aviez point d’enfants, parce que celle qui était abandonnée a maintenant plus d’enfants que celle qui avait un mari. » Isa. 54, 1. Lorsque celle qui était stérile aura enfanté sept enfants et que celle qui avait eu beaucoup d’enfants sera devenue infirme, quand, par le forfait du peuple juif, la plénitude des nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé et les restes de ses frères se convertiront et se joindront aux enfants d’Israël, le prophète Élie, nom qui veut dire « le Seigneur Dieu », viendra et réunira les cœurs des pères avec leurs enfants et les cœurs des enfants avec leurs pères, Luc. 1, 17, et le dernier peuple se joindra à l’ancien, afin qu’ils soient appelés de vrais enfants d’Abraham, puisqu’ils croiront à celui que vit Abraham, qui en éprouva une grande joie. Jn. 8, 1 ss. Quel est le temps où celle qui était stérile enfantera ? À mon avis, c’est celui dont Isaïe parle en ces termes : « Je vous ai exaucé au temps favorable, je vous ai secouru au jour du salut. « Isa. 49, 8. C’est ce que Paul entend comme ayant été prédit du temps de Jésus-Christ : « Voici maintenant le temps favorable, voici les jours du salut. » 2 Co. 6, 2. Tel est encore, à mon avis, le sens mystique de cette maxime de l’Ecclésiaste : « Il y a un temps pour enfanter et il y a un temps pour mourir », Ecc. 3, 2, c’est-à-dire qu’au temps où, de celle qui était stérile, est né le peuple des Gentils, la synagogue a perdu ses enfants. Autre explication. Le Seigneur laissera le temple à Jérusalem et aux Juifs, jusqu’au temps où la Vierge enfantera ; après qu’elle aura enfanté, et que le petit nouveau-né aura reçu les dépouilles de Samarie et la force de Damas, le peuple des Juifs ayant été mis à mort, les restes d’Israël seront sauvés, les frères de Jésus-Christ, c’est-à-dire les Apôtres, se convertiront à la foi des Prophètes et des Patriarches, qui annoncèrent la venue de Jésus-Christ, et ce sera l’accomplissement de la prophétie du psaume : « Vous avez engendré plusieurs enfants pour succéder à vos pères, », etc. Psa. 44, 17.
« Il demeurera ferme, et il paîtra son troupeau dans la force du Seigneur son Dieu, et les peuples seront convertis, parce que sa grandeur éclatera jusqu’aux extrémités du monde. » Mic. 5, 4. Les Septante : « Le Seigneur demeurera ferme, il verra, et il paîtra son troupeau dans sa force, et ils seront dans la gloire du nom du Seigneur leur Dieu, parce qu’ils seront glorifiés avec lui jusqu’aux extrémités du monde. » Après que le soleil de justice, sorti d’une extrémité des cieux, sera parvenu jusqu’à l’autre extrémité, qu’il aura terminé son enfantement et que les restes de ses frères se seront convertis et joints aux enfants d’Israël, alors le Seigneur, et avec ceux qui ôtaient engagés sur la route, n’avait pas encore arrêté ses pas, demeurera ferme, et il paîtra son troupeau dans la force du Seigneur, afin qu’ils puissent dire : « C’est le Seigneur qui est mon pasteur, rien ne pourra me manquer ; il m’a établi dans un lieu abondant eu pâturage, il m’a élevé près d’une eau fortifiante ; il a fait revenir mon âme. » Psa. 22, 1. Il les paît, non-seulement dans la force du Seigneur, mais aussi dans la sublimité du nom du Seigneur leur Dieu, quand il dit au Père : a Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m’avez donnés, afin qu’ils soient un comme nous ; lorsque j’étais avec eux, je les conservais en votre nom ; j’ai conservé ceux que vous m’avez donnés, et nul d’eux ne s’est perdu. » Jn. 17, 11-13. « Les peuples se convertiront », ou d’après l’interprétation meilleure de Symmaque, « habiteront ; » car le mot hébreu Iasubu a l’un et l’autre sens. Ils habiteront dans l’Église du Seigneur, parce que la grandeur de Jésus-Christ a éclaté jusqu’aux extrémités du monde, ou, d’après les Septante, parce qu’ils seront glorifiés eux-mêmes avec leur pasteur jusqu’aux extrémités du monde, en sorte que le bruit de leur voix se répande dans toute la terre et que leurs paroles se fassent entendre jusqu’aux extrémités du monde. Psa. 18, 1 ss.
« C’est lui qui sera notre paix, lorsque l’Assyrien sera venu dans notre terre, et qu’il sera entré jusque dans notre maison. » Mic. 5, 5 b. Les Septante : « Vous aurez cette paix, lorsque l’Assyrien sera revenu dans votre terre et sera monté contre votre pays. » Lorsque le diable, l’accusateur, venant dans la terre et le pays des fidèles, de ceux que le Seigneur paîtra dans la force et dans la sublimité du nom du Seigneur leur Dieu, les éprouvera par des tribulations diverses, et qu’il montera dans son orgueil sur les maisons de nos âmes, c’est-à-dire sur nos corps, pour les opprimer, sans pouvoir nous séparer en rien de l’amour de Jésus-Christ, alors la paix de Jésus-Christ ou Jésus-Christ lui-même sera en nous, et l’on dira de l’homme saint que l’ennemi ne peut avoir prise sur lui. Un exemple montrera plus clairement ce que nous voulons dire. L’Assyrien vint autrefois contre la terre de Paul et monta à l’attaque de son pays, quand cet apôtre essuya les plus pénibles travaux, reçut des coups sans nombre, endura des prisons à l’excès, se vit souvent près delà mort ; quand il reçut des Juifs jusqu’à cinq fois trente-neuf coups de fouet, fut battu de verges par trois fois et lapidé une fois ; quand il fit naufrage trois fois et passa un jour et une nuit au fond de la mer ; quand il fut en péril parmi les voleurs, en péril parmi les faux frères, en péril parmi les païens et dans des périls de tout genre ; 2 Co. 11, 1 ss ; mais dans toutes ces épreuves il était vainqueur, par le secours de celui qui l’avait aimé, et il était rempli de paix, parce qu’il avait été rempli d’avanies. – Les Juifs se bercent du vain espoir que toute cette prophétie de Michée s’accomplira selon la lettre, à l’événement de leur Christ.
« Nous susciterons contre l’Assyrien sept pasteurs et huit grands, qui détruiront par l’épée la terre d’Assur et le pays de Nemrod avec ses lances. Il nous délivrera de la violence des Assyriens, lorsqu’ils viendront dans notre terre et qu’ils mettront le pied dans notre pays. » Mic. 5, 6. Les Septante : « Sept pasteurs et huit morsures d’hommes s’élèveront contre Assur ; leur épée détruira Assur et la terre de Nemrod dans sa fosse. Il vous délivrera d’Assur, lorsque celui-ci viendra contre votre terre et montera à l’attaque de votre pays. » J’ai traduit par « grands » l’hébreu Nesiche Adam, que Symmaque rend par « christs », Théodotion par « princes », comme la cinquième édition, et Aquila par catisthaménous, « homme bien assis », c’est-à-dire importants. J’ai traduit, comme Aquila, l’hébreu Baphether par les mots « avec ses lances », celles de la terre de Nemrod ; Symmaque le rend par ceux-ci : « Sur le seuil de leurs portes ; » Théodotion par « avec leurs portes ;» et la cinquième édition par « avec leurs poignards. » La paix régnera donc lorsque les restes des frères de Jésus-Christ se seront convertis et joints aux enfants d’Israël, que l’Assyrien sera venu dans notre terre, qu’il aura essayé de fouler aux pieds nos maisons, et qu’avec l’aide du Seigneur nous l’aurons promptement écrasé sous nos pieds ; car c’est le Seigneur lui-même qui dit : « Nous susciterons contre lui sept pasteurs et huit nobles hommes », ou « huit mors tires d’hommes. » Nous susciterons, moi et mon Fils et le Saint-Esprit, de même qu’il est écrit dans la Genèse : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance ; » Gen. 1, 26 ; et au commencement d’Abdias : « Levez-vous, et marchons contre Edom pour le combattre. » Les sept pasteurs, ce sont, je pense, tous les Patriarches, les Prophètes et les saints qui ont servi sous l’hebdomade ou l’Ancien Testament, tandis que les huit hommes qui mordent, les huit primats, ou, d’après Symmaque, les huit christs, ce sont tous ceux du Nouveau Testament qui, depuis les Apôtres jusqu’à nos jours, ont mordu l’Assyrien et Tout déchiré de leurs dents. De là le précepte de l’Ecclésiaste : « Faites-en part à sept et à huit personnes ; » Ecc. 11, 2 ; de là vient aussi qu’on monte par sept et huit degrés dans le temple d’Ézéchiel, figure de l’Église et de la céleste Jérusalem, Eze. 40, 1 ss et qu’il y a dans le Psautier les quinze degrés par où nous montons l’hebdomade et Yogdoade, les sept et les huit jours, pour chanter les louanges à Dieu. Le jour de l’octave est celui de la célébration de la Circoncision spirituelle et de la destruction du sabbat dans le temple des Juifs ; aussi quelques psaumes ont-ils ce titre : « Pour l’Octave. » Par conséquent, ces sept pasteurs et ces huit hommes qui mordent dévoreront Assur avec l’épée ; car la parole de Dieu, vivante et efficace, et qui perce plus qu’une épée à deux tranchants, Heb. 4, 12, a été envoyée par celui qui est venu apporter le glaive sur la terre pour séparer deux en trois. Mat. 10, 1 ss. Ils détruiront la terre de Nemrod – qui veut dire tentation qui descend – dans sa fosse, parce que la terre du géant et du chasseur, de celui qui s’enorgueillit contre Dieu, n’est pas sur les montagnes, mais au fond des précipices. Ce Nemrod est tombé du haut du ciel comme la foudre, il passe son existence au milieu des hôtes, et, en tant que chasseur, il parcourt les plans d’arbres stériles et les forêts. Je n’ai jamais lu, si ma mémoire ne me trompe pas, le mot chasseur pris en bonne part. Ismaël et Esaü furent chasseurs, Gen. 14 et 17, et ils ont précédé comme figure le peuple juif : l’un est fils d’une Égyptienne, et marche et vit selon la chair ; l’autre perd son droit d’aînesse pour un plat de lentilles, et portant envie aux bénédictions données à son frère, le contraint à fuir en Mésopotamie. La terre de Nemrod a donc été rejetée au fond de ses abîmes ; car celui qui creuse la fosse y tombera, Pro. 26, 27, et celui qui a ouvert le lac et l’a creusé, tombera dans la môme fosse qu’il avait faite, la douleur qu’il voulait causer aux autres retombera sur lui-même, et son injustice descendra sur sa tête. Psa. 7, 16-17. Après que l’Assyrien aura été percé à mort par les sept pasteurs et les huit hommes qui mordent, Jésus-Christ nous délivrera des mains de cet Assyrien, qui était venu sur notre terre et qui ambitionnait de fouler aux pieds le pays d’Israël. Quant à la version de Simmaque : « Ils dévoreront Assur à l’intérieur de ses portes, « on doit l’entendre en ce sens que le fort sera enchaîné et l’ennemi blessé dans sa maison ; qu’il y sera, d’après Aquila et la cinquième édition, percé de coups par les poignards et les lance des sept pasteurs et des huit hommes oints de Dieu.
« Les restes de Jacob seront au milieu de la multitude des peuples comme une rosée qui vient du Seigneur, et comme des gouttes d’eau qui tombent sur l’herbe, sans dépendre de personne et sans attendre rien des enfants des hommes. Les restes de Jacob seront parmi les nations et au milieu de la multitude des peuples comme un lion parmi les autres bêtes de la forêt, et comme un lionceau parmi les brebis, qui passe au travers du troupeau, qui le foule aux pieds et ravit sa proie, sans que personne puisse la lui ôter. Votre main s’élèvera au-dessus de ceux qui vous combattent, et tous vos ennemis périront. En ce jour-là, dit le Seigneur, je vous ôterai vos chevaux, et je briserai vos chariots de guerre. Je ruinerai les villes de votre pays et je détruirai tous vos remparts. J’arracherai d’entre vos mains tout ce qui servait à vos sortilèges, et il n’y aura plus de devins parmi vous. J’exterminerai vos idoles et vos statues, et vous n’adorerez plus les ouvrages de vos mains. J’arracherai les grands bois sacrés que vous avez plantés, et je réduirai vos villes en poudre. Je me vengerai, dans ma fureur et dans mon indignation, de tous les peuples qui ne m’ont point écouté. » Mic. 5, 7 et seqq. Les Septante : « Les restes de Jacob seront parmi les nations et au milieu de la multitude des peuples, comme une rosée descendant du Seigneur et comme des agneaux sur le gazon, en sorte qu’aucun d’eux ne soit rassemblé et ne soit au nombre des hommes. Les restes de Jacob seront parmi les nations et au milieu de la multitude des peuples comme un lion au milieu des bestiaux, dans les pacages, et comme un lionceau au milieu des troupeaux de brebis, lorsqu’il passe au travers d’eux en ravissant sa proie et qu’il n’y a personne qui puisse la lui enlever. Votre main s’élèvera au-dessus de ceux qui vous apportent les tribulations, et tous vos ennemis périront. En ce jour-là, dit le Seigneur, je mettrai à mort vos chevaux et je briserai vos chars ; je renverserai vos villes et je vous ôterai tous vos remparts. J’ôterai d’entre vos mains vos sortilèges, et ceux qui les disent ne seront plus parmi vous. Je détruirai vos idoles et vos statues, et vous n’adorerez plus les ouvrages de vos mains. Je couperai au pied vos bois sacrés, et je démolirai vos villes. Je me vengerai dans ma colère et dans ma fureur contre les peuples, parce qu’ils ne m’ont point écouté. » Lorsque nous serons délivrés d’Assur, après qu’il sera venu contre notre terre et qu’il aura attaqué nos frontières, et délivrés par le Seigneur qui a suscité contre lui les sept pasteurs et les huit hommes qui mordent, les restes de Jacob, c’est-à-dire les Apôtres et la primitive Église d’entre les Juifs seront au milieu des peuples comme une rosée qui vient du Seigneur. Les traits enflammés du diable avaient embrasé les cœurs des peuples, et toutes les nations, adultères à l’égard de Dieu, avaient des cœurs semblables à une fournaise ardente. Ose. 7, 1 ss. Aussi la rosée qui est tombée du Seigneur est-elle devenue la guérison des infirmes. Ce que nous lisons au sujet d’Ananias, d’Azarias et de Misaël, Dan. 3, 1 ss qu’un esprit de rosée éteignit la fournaise où sifflaient les flammes, appliquons-le à tout le genre humain, en ce sens que la doctrine des Apôtres a été, au milieu des nations, comme une rosée venant du Seigneur. Ce qui suit : « Comme des agneaux sur le gazon, en sorte qu’aucun d’eux ne soit rassemblé et ne soit parmi les enfants des hommes », nous l’entendons de ceux d’entre les Gentils qui n’ont pas voulu croire : les Apôtres et les restes de Jacob seront au-dessus d’eux comme des agneaux broutant le gazon et rasant l’herbe de leurs dents ; et ils agiront ainsi, afin que ceux qui n’avaient pas voulu être des anges, reçoivent la rosée spirituelle, mais ne soient point rassemblés avec les hommes formant la partie raisonnable du troupeau, et que cette parole leur soit appliquée : « Ils ne participent point aux travaux des hommes, et ils n’éprouveront point les fléaux auxquels les autres hommes sont exposés. » Psa. 72, 5.
Les restes de Jacob seront aussi au milieu des nations comme un lion au milieu des bestiaux dans les pacages, et comme un lionceau au milieu de troupeaux de brebis. C’est que lé Seigneur Jésus, au sujet de qui la Genèse a émis cette prophétie : « Juda, vous êtes un jeune lion. Vous vous êtes élevé, mon fils, de votre germe ; en vous reposant, vous vous êtes couché comme un lion et comme un lionceau ; » Gen. 49, 9 ; et le livre des Nombres : « Pour se reposer, il s’est couché comme un lion et comme un lionceau, et qui osera l’éveiller ? » Nom. 24, 9, donna à ses Apôtres, à qui il avait dit : « Allez, baptisez toutes les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », Mat. 28, 13, ce privilège que, de même que personne ne peut résister à un lion au milieu des bestiaux ni à un lionceau au milieu des brebis, de même, après avoir été délivrés des mains de l’Assyrien, des mains du diable, ils raviraient les bestiaux et les brebis, puisque le Seigneur sauvera les hommes et les bêtes, Psa. 35, 1 ss et qu’ils en feraient leur proie, non pour les mettre à mort, mais pour les mettre à part, c’est-à-dire les séparer des infidèles, sans que personne leur pût résister. Le lion et le lionceau vaguant ainsi au milieu des bestiaux et des brebis, la main de Dieu s’élève sur ceux qui causaient auparavant la tribulation ou de Dieu ou des restes d’Israël ; et tous les ennemis du Seigneur périront, non qu’ils soient anéantis et qu’ils cessent d’exister, mais parce qu’en eux périra leur inimitié contre Dieu. C’est ainsi que dans l’Épître aux Thessaloniciens : « Le Seigneur Jésus le mettra à mort avec le souffle de sa bouche », 2 Th. 2, 8, cette mort n’est pas l’anéantissement, elle est la cessation de la vie d’iniquité que le pécheur menait. Au reste, l’Apôtre ajoute : « Il le détruira par l’éclat de sa présence ; » si la mort qu’il lui a donnée était la cessation de l’existence, il ne pourrait le détruire ensuite. La consomption des ennemis s’entend ici conformément à cette maxime des Proverbes de Salomon : « La mort sera l’hôte des impies ; » elle ne sera pas sans retour, elle ne les anéantira pas, elle sera simplement leur hôte jusqu’à ce que soit consumée l’impiété qui est entre eux ; car Dieu créa l’homme pour qu’il ne pérît pas, et il n’a pas fait la mort.
Le texte poursuit ainsi : « Et il arrivera en ce jour-là », lorsque votre main, ô Israël, se sera élevée au-dessus de tous ceux qui vous combattent, et que tous vos ennemis auront péri, il arrivera que je mettrai à mort vos chevaux au milieu de vous, c’est-à-dire les mouvements lascifs nés du chef de votre cœur et qui se ruent à la manière des chevaux qui ont rompu leur frein ; je briserai vos chariots, les vices en qui vous vous complaisiez, par qui vous entassiez péchés sur péchés, et dont vous vous faisiez un trône comme un triomphateur de son quadrige. Je ruinerai les villes de votre terre ; car au heu de bâtir la ville où les eaux abondantes du fleuve de Dieu portent la joie, Psa. 45, 1 ss celle qui est assise sur les montagnes, Mat. 5, 1 ss la céleste Jérusalem, vous avez bâti celle qu’avait fondée Caïn. Gen. 4, 1 ss. Aussi le texte dit-il les villes de votre terre, parce qu’elles sont édifiées avec les œuvres terrestres. « Je vous ôterai toutes vos fortifications », les richesses, la pompe mondaine, l’éloquence des rhéteurs, les toiles d’araignées des dialecticiens, tout ce en quoi vous mettiez voire confiance comme dans des forteresses. a J’ôterai d’entre vos mains les sortilèges », par quoi, on vous étiez la dupe des autres, ou, après avoir été dupé, vous faisiez de nouvelles dupes, et il n’y aura plus parmi vous personne qui les dise ou les prononce. Maintenant l’univers est plein de ces discoureurs ; ils disent ce qu’ils ne savent pas, ils enseignent ce qu’ils n’ont pas appris, ils sont maîtres sans avoir jamais été disciples, Lorsque Dieu aura enseigné à l’homme la vraie science, les fausses présomptions cesseront et la doctrine mensongère aura fait son temps. « J’exterminerai et j’ôterai du milieu de vous vos statues et vos idoles. » Nos statues, elles ont été faites par ceux dont les paroles nous trompent, ou nous les avons façonnées nous-mêmes en nos erreurs. De là le précepte de la Loi, Exo. 20, 1 ss que nous ne devons point nous faire des statues, et que nous ne devons pas établir des idoles dans notre terre ; Lev. 26, 1 ; et désormais, est-il écrit, vous n’adorerez plus les ouvrages de vos mains. Deu. 5, 1 ss. Malheureuse condition de l’homme et pleine de folie et d’erreur ! il sait que ces dogmes sont de son invention, il n’ignore pas qu’il a fabriqué lui-même l’idole, et, au lieu de Dieu, il adore les ouvrages de ses mains, il se courbe, afin de tromper les autres, étant trompé lui-mème. La prophétie adressée aux restes de Jacob ajoute : « Je couperai jusqu’à la racine.les bois sacrés qui sont au milieu de vous, et je réduirai vos villes en poudre ; » c’est-à-dire que Dieu détruira et anéantira les arbres des forêts et les bois qu’il est défendu de planter dans son temple, ainsi que les villes mal construites qui avaient été appelées plus haut villes de terre. Après avoir agi de la sorte à l’égard des restes de Jacob, il se tournera vers les nations que les Apôtres auront broutées comme des agneaux le gazon, et parce qu’elles n’ont pas voulu recevoir la rosée do sa parole : « Je me vengerai, dit-il, dans ma fureur et dans mon indignation, de tous les peuples qui ne m’ont pas écouté. » De là le langage du Roi-Prophète : « Seigneur ne me châtiez point dans votre fureur et ne me reprenez point dans votre colère. » Psa. 6, 1. J’ai jusqu’ici discuté ce texte sur la version des Septante, parce qu’il doit être entendu selon l’esprit, et que j’ai voulu relier le sens à tout ce qui précède. Voici maintenant les extravagances que les Hébreux rêvent là-dessus. Lorsque les sept pasteurs qu’ils attendent au gré de leur fantaisie, et huit des princes des Assyriens, auront été victorieux et auront donné en proie la terre de Nemrod à leurs épées, ce qui sera fait après que l’Assyrien sera déjà venu dans la terre de Juda, leur Christ arrivant alors, cous les restes de Jacob qui pourront se trouver survivants au milieu des nations seront dans les bénédictions, semblables à une rosée qui vient du Seigneur et à la pluie qui rafraîchit l’herbe, et ils mettront leur espérance, non dans les hommes et dans les enfants des hommes, mais en Dieu seul. Us seront sanguinaires et implacables au milieu des nations et des peuples, afin de se venger de leurs anciens dominateurs, comme un lion au milieu des bestiaux dans les forêts et comme un lionceau au milieu de troupeaux de brebis, et il n’y aura personne qui puisse résister à leur fureur. Alors, disent-ils, votre main, ô Dieu, ou bien, ô Israël, sera élevée au-dessus des Assyriens, et tous vos adversaires et vos ennemis, qui vous possèdent maintenant, périront. Or, en ce jour-là, quand vous aurez été délivrés des nations, j’ôterai vos chevaux et vos chars, qui sont au milieu de vos villes. Non pas qu’Israël ait en ce temps-là des chevaux et des chars ; mais j’ôterai les chevaux et les chars des Assyriens qui remplissent vos cités. Je ruinerai toutes vos villes et forteresses que vous aviez dédiées aux idoles, je ferai disparaître de votre terre les mages et les devins, je réduirai en poudre toutes vos statues et vos images, et vous n’adorerez plus désormais les ouvrages de vos mains. J’arracherai et j’anéantirai, avec les villes que vous aviez vouées aux idoles, tous vos bois sacrés ; et, après vous avoir ainsi traités, afin que tout ce qu’il y a de mauvais en vous en soit ôté Je me vengerai aussi, dans ma fureur et dans mon indignation, de toutes les nations qui n’ont pas voulu écouter ma parole. Qu’Israël selon la chair nous dise à présent si ces événements qu’il rêve sont déjà accomplis ou s’ils ne doivent avoir lieu que dans l’avenir ? Parle-t-il de faits passés ? qu’il montre l’histoire, qu’il en appelle à l’autorité des anciens livres, qu’il prouve que tous les peuples et les Assyriens ont été autrefois sujets d’Israël. S’il se berce du vain espoir que ce qu’il dit là s’accomplira un jour, quand son Christ viendra, quelles idoles d’Israël seront ôtées, puisqu’à présent il n’en adore pas ? quels bois sacrés arrachés, puisqu’il n’en a pas ? quelles villes détruites, puisque ses villes le furent autrefois ? quels devins ôtés, puisque, n’en ayant pas et se vantant de n’en point avoir, la fille de Sion toutefois, abandonnée depuis tant d’années, demeure sans autels et sans prêtres, et, pendant que d’autres mangent ses fruits, elle cherche à calmer les tiraillements de sa faim avec des promesses dont elle ignore le fondement ?
« Écoutez ce que dit le Seigneur : Levez-vous, soutenez ma cause contre les montagnes, et que les collines entendent votre voix. Montagnes, écoutez la défense du Seigneur, vous qui ôtez les fondements solides de la terre ; car le Seigneur veut entrer en jugement avec son peuple et se justifier devant Israël. » Mic. 6, 1-2. Les Septante : « Écoutez ce que le Seigneur a dit : Levez-vous,' plaidez devant les montagnes, et vous, vallées, fondements de la terre, écoutez la défense du Seigneur, parce que le Seigneur soutient sa cause contre son peuple, et qu’il va se justifier devant Israël. » Au lieu de « fondements forts de la terre », ce que les Septante interprètent par « vallée, fondements de la terre », Symmaque et Theodotion ont traduit par « antiques fondements de la terre », et la cinquième édition a transcrit le mot hébreu même : « Ethanim, fondements de la terre. » C’est d’abord le Prophète qui parle : « Écoutez ce que dit le Seigneur. » Puis Dieu dit au Prophète : « Levez-vous, soutenez ma cause contre les montagnes, et que les collines entendent votre voix. » À son tour, le Prophète, obéissant à l’ordre reçu, s’adresse aux montagnes, et non-seulement à elles, mais aux fondements pleins de force de la terre, et il dit : « Écoutez la défense de Dieu, montagnes, et vous fondements pleins de force de la terre. » Il ajoute le motif pour lequel il les engage à écouter : « Parce que le Seigneur va entrer en jugement avec son peuple et se justifier contre Israël. » Au lieu des montagnes et des fondements pleins de force de la terre à qui parle le Prophète, les Septante le font s’adresser aux collines et aux vallées, dans la pensée, à ce que je crois, que le peuple n’a rien fait qui soit digne d’être écouté par les montagnes, et que ses actions doivent être entendues par les collines, moins élevées que les montagnes, ou par les vallées qui occupent les lieux les plus bas. Levez-vous, est-il dit, soutenez ma cause devant les montagnes, et que les collines entendent votre voix. On ordonne de se lever à quelqu’un qui est assis ou couché, qui dort ou qui est mort, comme dans cette parole de l’Apôtre : « Vous qui dormez levez-vous, sortez d’entre les morts, et Jésus-Christ vous éclairera. » Eph. 5, 14. Levez-vous d’entre les morts, afin de marcher dans la nouveauté de la vie, d’abandonner la terre et de vous élever vers les cieux ; et soutenez ma cause contre les montagnes, c’est-à-dire les Anges, à qui est commise la garde des choses humaines, comme l’enseigne le cantique du Deutéronome : « Quand le Très-Haut a divisé les peuples, quand il a séparé les enfants d’Adam, il a marqué les limites des peuples selon le nombre des Anges de Dieu. » Deu. 32, 8. Ce sont là les esprits 'administrateurs, envoyés avec ce ministère à cause des âmes qui doivent posséder l’héritage du salut. « Et soutenez ma cause », afin que, si l’on découvre que les montagnes et les collines n’ont pas dignement veillé sur les peuples, d’une part, je sois inculpé de les avoir confiés à de tels gardiens, et d’autre part, le peuple soit déchargé de la faute et les princes en soient chargés. C’est ainsi que, dans l’Apocalypse de Jean, les Anges des Églises sont loués pour leurs vertus et accusés pour les vices de ceux dont la conduite leur a été donnée. De même que tantôt l’évêque est coupable et tantôt le peuple, que souvent le maître pêche et souvent le disciple, que maintes fois le tort est au père et maintes fois au fils, quand il s’agit de bonne ou de mauvaise direction, de même, dans le jugement de Dieu, l’accusation tomberait sur les Anges, s’ils n’avaient pas fait tout ce qui concernait leur ministère, ou retombera sur le peuple, si les Anges ayant tout fait, il a refusé de les écouler. Il y a des interprètes qui, par montagnes, collines et fondements pleins de force de la terre, entendent Abraham, Isaac et Jacob, et les autres patriarches, qui sont assemblés comme auditeurs et devant qui la cause du peuple d’Israël va se plaider. D’autres entendent par montagnes, collines ou vallées, les Anges, comme je l’ai déjà dit, et ceux qui, sur cette terre, ont la garde des hommes, et ceux qui, étant dans les enfers, sont appelés les fondements des âmes qui ont été terrestres par leurs fautes, fondements de la terre au sujet desquels nous lisons ailleurs : « Ma fureur s’est allumée comme un feu qui brûlera jusqu’au fond des enfers ; elle dévorera la terre et ses fondements. » Deu. 32, 22. Les forts et antiques fondements de la terre, à cause desquels la terre jusqu’ici n’est point passée, et se maintient encore suspendue en équilibre au-dessus du vide, ce sont les mérites des justes, dont l’Apôtre a dit : « Édifiés sur les fondements des Apôtres et des Prophètes. » Eph. 2, 20. De même que les Apôtres, les Prophètes et tout le chœur des martyrs sont les fondements pleins de force de la terre, de même, d’après les Septante, les vallées et les gorges sont appelées les fondements de celui qui a reçu l’image de l’homme terrestre. Le Seigneur entrera donc en jugement avec son peuple, et le débat aura lieu entre lui et Israël. Il pouvait, comme Dieu, infliger les châtiments au peuple pécheur, à cause de ses crimes ; mais il veut paraître juste plutôt que puissant, et il appelle en jugement les pécheurs, conformément, à ce mot du Prophète ; « Venez, et soyons jugés, dit le Seigneur ; » Isa. 43, 26 ; il presse le peuple d’Israël, s’il peut alléguer quelque raison, de le faire en présence des Anges et de toute créature, afin que le Seigneur soit trouvé juste dans ses paroles, et qu’il soit vainqueur quand il entrera, en jugement. Psa. 50.
« Mon peuple, que vous ai-je fait, et en quoi vous ai-je donné sujet de vous plaindre ? répondez-moi. Est-ce à cause que je vous ai tiré de l’Égypte, que je vous ai délivré d’une maison d’esclavage, et que j’ai envoyé pour vous conduire Moïse, Aaron et Marie ? Mon peuple, souvenez-vous, je vous prie, du dessein que Balac, roi de Moab, avait formé contre vous, et de ce qpe lui répondit Balaam, fils de Béor, et de ce que j’ai fait entre Settim et Galgala, afin que vous reconnaissiez combien le Seigneur est juste. » Mic. 6, 3 et seqq. Les Septante : « Mon peuple, que vous ai-je fait, ou en quoi vous ai-je contristé, ou en quoi vous ai-je donné sujet de vous plaindre ? Répondez-moi. Est-ce parce que je vous ai retiré de l’Égypte, que je vous ai racheté d’une maison d’esclavage, et que j’ai envoyé pour vous conduire Moïse, Aaron et Marie ? Mon peuple, sou venez-vous de ce qu’avait médité contre vous Balac, roi de Moab, et de ce que lui répondit Balaam, fils de Béor, et de ce que j’ai fait de Schènis à Gai gai, afin qu’on reconnût la justice du Seigneur. » Au lieu de justice, Symmaque dit « les miséricordes », et tous les interprètes ont transcrit le mot hébreu settim, que les Septante ont rendu par Schènis. C’est le lieu où Balac, roi des Moabites, rassembla son armée contre Israël ; il porte le même nombre que des arbres qui naissent encore aujourd’hui dans le désert du mont Sina. Partout où les Septante rapportent que l’arche d’alliance ou l’autel et le tabernacle furent faits de bois incorruptibles, le texte hébreu porte de « bois de Settim », arbustes semblables à ce que nous appelons vulgairement aubépine ! Aussi je pense que les Septante avaient traduit par Sehinos, lentisque, et que peu à peu l’erreur des copistes a fait qu’on a lu Schoinos, corde, au lieu de Schinos. Dieu s’adresse donc au peuple d’Israël pour le provoquer en jugement, et il lui accorde la liberté de discussion. Mon peuple, que, vous ai-je fait que je ne devais point faire ? « ou en quoi vous ai-je contristé ? » – Le texte hébreu ne porte pas ces derniers mots. – Un père contriste son enfant en le châtiant, et le bon pasteur visite avec la verge les iniquités de ses brebis. En quoi vous ai-je donné sujet de vous plaindre, ou, selon l’expression plus significative de l’hébreu, de quel travail vous ai-je accablé ? P rendriez-vous mes bienfaits pour une injure, et, soupirant après les melons et les viandes d’Égypte, regretteriez-vous que je vous aie tiré de cette terre, que mon secours vous ait tiré d’une maison d’esclavage, puisque je vous donnais pour, vous conduire Moïse, mon ami, Aaron, mon prêtre, et Marie, ma prophétesse ? Si cela vous semble peu, souvenez-vous du temps où Balac, roi de Moab, loua contre vous, à prix d’argent, le devin Balaam, et voyez comment ce magicien vous bénit contre sa volonté, quand il désirait vous maudire, Nom. 22, 1 ss, alors que, de Settim à Galgal, il parcourut des yeux toute l’armée d’Israël, et qu’il changea trois fois de lieu, comme si je n’avais pu le suivre dans sa marche et passer avec lui d’un lieu à un autre ; tout cela, je l’ai fait, afin que ma miséricorde et ma justice vous fussent connues, mon amour pour vous allant jusque-là que, pendant que je suis maudit chaque jour par la bouche des blasphémateurs, je n’ai pas permis qu’un ennemi vous maudît. Voici comment les Hébreux exposent ces mots : « De Settim jusqu’à Galgal, afin que vous connaissiez la justice du Seigneur », Nom. 25, 1. Depuis le temps où vous êtes tombés dans la fornication, chez les Madianites, jusqu’au temps où Saül fut sacré roi à Galgal, 1 Sa. 10, 1 ss récapitulez en votre mémoire le mal que vous avez fait et les nombreux bienfaits dont je vous ai comblés, et vous reconnaîtrez ma miséricorde envers vous. Voilà, pour le sens littéral, le langage adressé par Dieu à Israël selon la chair.
Pour nous, qui désirons contempler sans voile sur la face la gloire du Seigneur, et qui avons véritablement Abraham pour père, écoutons Dieu discuter contre nous quand nous avons péché, et nous incriminer en raison de la grandeur de ses bienfaits. Nous servions autrefois Pharaon et nous pétrissions la boue et la brique pour le peuple égyptien, et le Seigneur nous a rachetés, lui qui s’est donné lui-même comme rançon de tous, afin qu’étant rachetés par lui, délivrés de la main des ennemis et rassemblés des régions lointaines, nous chantions que « sa miséricorde est éternelle. » Psa. 106, 1 ss a aussi envoyé devant nous Moïse, la loi spirituelle, et Aaron, le grand-prêtre, non pas celui qui portait l’éphod, ligure de la vérité, mais celui qui avait au front le sceau de sainteté que lui imprima Dieu le Père ; il a envoyé Marie, l’intelligence des prophéties, et, outre cela, il nous a délivrés des mains des ennemis. Souvenons-nous des desseins formés contre nous parle vrai Balac, par le démon, qui a voulu dévorer et tuer avec sa langue notre congrégation ; car le mot Balac signifie « qui lèche », roi de l’eau paternelle, puisque Moab veut dire eau paternelle. Lors donc que Balac nous tendait des embûches, et nous les tendait au moyen de son peuple vain – ce qui est la traduction du mot Balaam – Dieu n’a pas permis que ses malédictions tombassent sur nous ; au contraire, poussé par l’ascendant de la vérité, le peuple vain des nations nous a bénis, ce peuple vain né de celui qui est dans la peau – car telle est la signification du mot Béor – et qui est toujours adonné aux œuvres de la chair et de la mort. Il s’est fait notre garant, ce peuple vain issu de celui qui est tout entier dans la peau, changeant toujours de lieu, ou demeurant sur les épines, ou encore sur les cordes, pour tenir compte même de l’erreur de la Vulgate. Les épines, selon l’enseignement du Sauveur, ce sont les soucis de ce monde, les richesses et les plaisirs dans lesquels vit le peuple vain. Mat. 12, 1 ss; Mar. 4, 1 ss. Et il demeure aussi au milieu des cordes, c’est-à-dire dans les liens des péchés, tout méchant étant lié par les chaînes de ses péchés, Pro. 5, 1 ss et Isaïe s’écriant : « Malheur à ceux qui traînent comme une corde une longue suite de péchés, et qui tirent leurs iniquités comme les bœufs un chariot avec la courroie de leur joug ! » Isa. 5, 18. S’il s’arrête, ce n’est donc qu’au milieu des épines et des liens, et s’il marche, ce n’est point d’un pas ferme, mais toujours d’un pas flottant et vacillant, et il arrive jusqu’à Galgala, dont le nom veut dire volubilité ou bourbier où l’on roule. S’il arrive que des adversaires qui s’étaient levés contre nous et dont la bouche était avide de notre sang, se rangent tout-à-coup de notre, parti, par une volonté inespérée de la Providence, après être venus pour nous combattre, disons que Balaam est venu du lieu où l’arrêtaient ses liens jusqu’à Galgal, afin que la justice de Dieu fût reconnue.
« Qu’offrirai-je au Seigneur qui soit digne de Dieu ? fléchirai-je le genou devant le Très-Haut ? lui offrirai-je des holocaustes et des veaux d’un an ? l’apaiserai-je en lui offrant mille béliers, ou des milliers de boucs gras ? lui sacrifierai-je pour mon crime mon fils aîné, et pour le péché de mon âme, quelque autre de mes enfants ? » Mic. 6, 6-7. Les Septante : « Comment atteindrai-je le Seigneur ? suis-je digne de recevoir le Très-Haut mon Dieu ? le fixerai-je auprès de moi avec des holocaustes et des veaux d’un an ? le Seigneur m’exaucera-t-il dans une offrande de mille béliers ou de dix mille boucs gras ? lui offrirai-je pour mon impiété mon premier-né, et quelque autre de mes enfants pour le péché de mon âme ? » Dieu a provoqué le peuple en jugement, et le peuple qui connaît son péché, au lieu de contester, essaie de la prière, sans avoir toutefois confiance dans ces prières elles-mêmes. Il n’y a, en effet, rien qui soit digne d’être offert à Dieu pour le péché, aucune humiliation ne peut effacer la tache des crimes, parce qu’il n’est pas possible que le sang des taureaux et des veaux, les holocaustes engraissés et le sacrifice des béliers et des boucs gras, lavent les souillures de l’âme. Heb. 10, 1 ss. Offrirai-je pour mon crime, dit-il, mon premier-né, comme le fit le roi de Moab ? 2 Ro. 3, 1 ss ou quelque autre de mes enfants, pour le péché de mon âme, à l’exemple de Jephthé offrant sa fille à la suite de son vœu téméraire ? Jdt. 11, 1 ss. Mous donc qui sommes membres du peuple de Dieu, sachant que nul homme vivant ne sera trouvé juste devant lui, Psa. 142, 1 ss et disant : « Je suis devenu comme une bête en votre présence », Psa. 72, 23, lorsque nous faisons pénitence pour nos péchés, nous doutons et nous nous écrions : « Comment saisirai-je le Seigneur, et suis-je digne de recevoir le Très-Haut, mon Seigneur ? » Comment pourrai-je l’arrêter quand il me fuit ? suis-je assez pur pour que la Trinité daigne être mon hôte ? Le retiendrai-je au moyen des holocaustes, en m’offrant tout entier à lui, ou au moyen des veaux d’un an, en abandonnant le lait pour une nourriture solide, et en devenant digne de l’année du pardon du Seigneur ? offrirais-je mille béliers et dix mille boucs ? lui présenterais-je en moi toutes les victimes du Lévitique comprises selon l’esprit, en tomberait-il mille â ma droite et dix mille â ma gauche, Psa. 90, 1 ss que néanmoins je n’aurai pu offrir rien qui méritât de fixer mon Dieu près de moi et de me le donner pour hôte. Si j’offrais pour mon impiété mon premier-né, et quelqu’un de mes enfants pour le péché de mon âme, j’offrirais sans doute tout ce qui a la primauté en moi, et pourtant je n’offrirais à Dieu rien qui fût digne d’effacer mon péché et mon impiété. De là cette prière de David : « Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité et purifiez-moi de mon péché ; car je reconnais mes iniquités et j’ai toujours ma faute devant les yeux. » Psa. 1, 3. Pour le péché de l’âme, le sang seul est une digne offrande, et le sang, non pas des veaux ou des béliers ou des boucs, mais du suppliant lui-même, puisque à cette question qu’il se pose : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les bienfaits dont il m’a comblé ? » le Roi-Prophète répond ensuite : Je prendrai le calice du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur. C’est une chose précieuse devant les yeux du Seigneur que la mort de ses saints. » Psa. 115, 12-15. Or, même ce sang, nous ne le donnons pas, nous le rendons. Et où est la ressemblance ? tandis que le Juste est mort pour le pécheur, le Fils de Dieu pour les hommes, hommes et pécheurs hésiterions-nous à mourir pour confesser son nom ? « O homme, je vous indiquerai ce qui est bon, et ce que le Seigneur demande de vous : c’est que vous agissiez selon la justice, que vous aimiez la miséricorde, et que vous marchiez plein de sollicitude avec votre Dieu. » Mic. 6, 8. Les Septante : « O homme, on vous a annoncé ce qui est le bien, ou ce que le Seigneur demande de vous, et qui n’est autre chose que d’agir selon la justice, d’aimer la miséricorde, et d’être prêt à marcher avec votre Dieu. » Puisque vous doutez, ô peuple d’Israël, ou plutôt, ô genre humain tout entier – car je ne parle pas seulement au peuple juif, et ma parole parviendra à tout homme eu général – comment vous pouvez apaiser Dieu pour vos péchés, n’ayant pas des victimes qui soient une compensation à votre impiété, je vais vous répondre par ce que Dieu demandé de vous, ou plutôt je vous l’ai montré, il y longtemps déjà, dans la loi, puisqu’il est écrit au Deutéronome : « Maintenant donc, Israël, qu’est-ce que le Seigneur votre Dieu demande de vous, sinon que vous craigniez le Seigneur votre Dieu, que vous marchiez dans toutes ses voies, que vous l’aimiez, que vous serviez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur et de toute votre âme, et que vous observiez les commandements et les cérémonies du Seigneur votre Dieu, que je vous prescris aujourd’hui, afin que vous soyez heureux ? » Deu. 10, 12-13. Le Seigneur demande de nous – en considération de la nécessité de notre salut, il désire recevoir ce qui est utile à celui qui le lui donne – que nous agissions selon la justice, c’est-à-dire de ne rien faire sans raison et sans conseil, de juger d’abord en nous-mêmes ce qui doit être fait et de l’accomplir ensuite ; que nous aimions la miséricorde, que nous ne soyons pas miséricordieux comme malgré nous et par nécessité, parce que Dieu aime celui qui donne avec joie, 2 Co. 9, 1 ss et que nous ne disions pas : Allez aujourd’hui, vous reviendrez demain et je vous donnerai. Et lorsque nous aurons agi selon la justice et que nous aurons aimé la miséricorde, quelle récompense recevrons-nous ? Nous marcherons avec le Seigneur-Dieu, comme Enoch, d’après le témoignage des livres hébreux, Gen. 5, 1; Sir. 44, 1 ss marcha avec Dieu et lui fut agréable, et on ne le trouvait pas, parce que Dieu le ravit au ciel. Vous aviez dit : comment pourrai-je suivre le Seigneur et le saisirai-je ? et moi je vous promets davantage : Agissez selon la justice, aimez la miséricorde, et vous marcherez avec votre Dieu ; ou encore, marcher avec Dieu n’est pas une récompense, mais un précepte. Comme il nous est ordonné d’agir selon la justice et d’aimer la miséricorde, il nous est enjoint aussi d’être toujours prêts à marcher avec le Seigneur notre Dieu ; nous ne devons dormir à aucune heure, être en sécurité en aucun temps, mais attendre toujours la venue du Père de famille, redouter le jour du jugement, et dire dans la nuit de ce monde : « Je dors, mais mon cœur veille. » Can. 5, 2. Le mot Esné, que les Septante ont traduit par « soyez prêts », et moi-même par « marchez avec sollicitude », Théodotion l’a rendu beaucoup plus significativement de cette façon : « Et prenez garde avec soin de marcher avec votre Dieu ; » la cinquième édition dit : « Agissez avec sollicitude », soyez plein de souci, afin de marcher avec votre Dieu. Celui qui dit qu’il croit en Jésus-Christ doit marcher comme Jésus-Christ a marché lui-même ; 1 Jn. 2, 5 ; et l’apôtre Paul nous dit : « Imitez-moi comme j’imite Jésus-Christ. » 1 Co. 11, 1.
« Le Seigneur parle à la ville avec une voix puissante, et ceux qui craindront votre voix seront sauvés. » Mic. 6, 9. Les Septante : « La voix du Seigneur criera à la ville, et elle sauvera ceux qui craignent son nom. » Dans l’hébreu, ces mots sont le début d’un nouveau contexte ; dans les Septante, ils sont la fin de celui qui précède. En voici le sens : Le Seigneur, ô homme, ne demande de vous rien autre chose que d’agir selon la justice, d’aimer la miséricorde et d’être prêt à marcher avec votre Dieu ; car la voix du Seigneur fait entendre dans sa ville, l’Église, et proclame chaque jour dans les Écritures saintes, que non-seulement ceux qui aiment la miséricorde, mais encore, au-dessous d’eux, ceux qui craignent le nom du Seigneur, seront sauvés par sa doctrine et sa clémence. Si nous faisons de ces mots le début du contexte qui suit, rapportons-les, d’après l’histoire, à Samarie, capitale des dix tribus, qui fut prise au temps du prophète Michée, et disons que le Seigneur réprimande Samarie et la menace des maux près de l’atteindre, afin que les habitants de Juda ou ceux qui craignent le nom du Seigneur, entendant les châtiments dirigés contre d’autres, soient pris de crainte et opèrent leur salut. Le châtiment infligé à l’homme corrompu ne sert pas seulement au sage, il rend plus sage l’insensé lui-même. Pro. 19. Gela s’applique aussi, d’une manière générale, aux pécheurs et aux justes, en ce sens que la répression des uns est un utile exemple pour les autres. C’est là l’interprétation que donne Notre-Seigneur dans l’Évangile, au sujet de ceux sur qui s’était écroulée la tour de Siloé ; Luc. 13, 1 ss ; ils n’étaient pas, dit-il, les seuls pécheurs de tout le peuple, mais leur fin malheureuse devait provoquer les autres à la pénitence.
« Écoutez, ô tribus ; mais qui recevra avec soumission cette parole ? Les trésors de l’iniquité sont encore dans la maison de l’impie comme un feu, et sa fausse mesure est pleine de colère. Puis-je ne pas condamner la balance injuste et le poids trompeur du sac ? C’est par ces moyens que les riches de cette ville sont remplis d’iniquité ; ses habitants usent de mensonge et leur langue est dans leur bouche comme un instrument de tromperie. C’est donc pour cela, c’est pour vos péchés, que j’ai commencé à vous frapper d’une plaie mortelle. Vous mangerez et vous ne serez point rassasiées, vous serez pénétrées de confusion ; vous prendrez entre vos bras les vôtres, et vous ne les sauverez point, et, si vous en sauvez quelques-uns, je les livrerai encore au tranchant de l’épée. Vous sèmerez et vous ne recueillerez point, vous presserez les olives et vous ne vous servirez point de l’huile, vous foulerez les raisins et vous n’en boirez point le vin. Vous avez gardé avec soin les ordonnances d’Amri, vous avez imité en toutes choses la maison d’Achab, et vous avez marché sur leurs traces. C’est pourquoi je vous abandonnerai à votre perte, je rendrai vos habitants un objet de raillerie, et vous serez couvertes de l’opprobre que mérite mon peuple rebelle. » Mic. 6, 9 et seqq. Les Septante : « Écoutez, tribu ; et qui donc ornera la ville ? Est-ce le feu et la maison de l’impie amassant des trésors de perversité, et l’iniquité avec l’injustice ? Je jure que je condamnerai celui dont la balance est injuste et le poids du sac trompeur, par où les impies de cette ville ont regorgé de richesses ; ses habitants ont parlé selon l’iniquité, et leur langue s’est enorgueillie dans leur bouche. Je vous ai donc accablée de tourments dans votre perte, à cause de vos péchés. Vous mangerez et vous ne serez point rassasiée ; je vous rejetterai sur vous-mème, et vous vous attacherez à tout moyen de salut, et vous ne vous sauverez point ; si quelques-uns se sauvent, ils seront encore livrés au glaive. Vous sèmerez et vous ne moissonnerez point, vous presserez l’olive et vous ne vous servirez pas de l’huile, vous foulerez le raisin et vous n’en boirez pas le vin. La dot de mon peuple sera perdue avec tout le travail de la maison d’Achab. Vous avez marché dans leurs volontés ; je vous livrerai donc à votre perte, vos habitants seront un objet de raillerie, et vous serez chargée des outrages des peuples. » Sur ce contexte, les Septante s’éloignent beaucoup du texte hébreu authentique : « Écoutez, tribu, et qui donc ornera la ville ? », etc, surtout au commencement. « La dot de mon peuple sera dissipée ; » au lieu de cela, et dans l’intérêt de la liaison des idées, j’ai mis : « Vous avez gardé les ordonnances d’Amri », bien que l’hébreu porte : « L’on a gardé les ordonnances d’Amri et toutes les œuvres de la maison d’Achab. » Si l’hébreu portait Ammi, les Septante eussent avec raison traduit par « de mon peuple ; » mais c’est là une erreur évidente, puisqu’il porte Amri, et qu’avec la lettre Res le mot ne veut pas dire peuple, mais est le nom du père d’Achab, dont le livre des Rois raconte l’histoire. 1 Ro. 14, 1 ss Au reste, le nom du fils suit de près celui du père : « Et toutes les œuvres de la maison d’Achab. » Revenons donc au début du contexte, et, en le commentant d’abord selon la lettre, efforçons-nous, avec l’aide de vos prières, de nous élever au sens selon l’esprit.
Écoutez, ô dix tribus de Samarie, ce que le Seigneur vous atteste : le feu, c’est-à-dire l’iniquité, est encore dans la maison de l’impie Amri, et les trésors d’impiété persévèrent dans la maison royale. Voulez-vous entendre par le détail de quelles scélératesses votre ville est pleine ? le voici : la mesure trop petite provoquant la colère divine, la balance trompeuse, les deux poids, l’un avec lequel on vend et l’autre avec lequel on achète. Pro. 11 ; Deu. 25. Encore, si c’étaient des pauvres qui agissent ainsi, leur indigence serait un semblant d’excuse à leur crime par la nécessité ; mais ce sont les riches, qui regorgent d’iniquité plutôt que de richesses, parce que toutes ces richesses, dès l’instant qu’ils dépouillent le prochain, sont le fruit de l’iniquité. Le mensonge suit cet accaparement des richesses, et la main accoutumée à entasser des trésors a pour auxiliaire une langue trompeuse. La vérité est la mère de la pauvreté ; le mensonge, le père de l’opulence. Devant cette conduite de vos princes, je n’ai pas voulu vous détruire tout d’abord ; j’ai commencé à vous frapper peu à peu et à vous avertir par des plaies diverses. Je vous ai envoyé la famine, je vous ai envoyé la soif, je vous ai envoyé les maladies ; les ennemis sont venus porter leurs ravages autour de vous ; la moisson a été stérile, l’olive pressée n’a pas donné d’huile, la vendange vous a refusé le vin. Voilà les maux que j’ai opposés aux iniquités, aux mesures voleuses et aux poids trompeurs. Mais vous avez gardé toutes les cérémonies d’idolâtrie établies par l’impie Amri, 1 Ro. 16 et seqq., et toutes les œuvres de la maison d’Achab et de Jézabel, au lieu d’observer ma loi ; votre crime m’a contraint à vous rendre, avec vos habitants, l’objet de la risée des hommes ; le nom de mon peuple est devenu un opprobre, puisque les Assyriens qui vous ont prises, vous ont vaincues comme si vous étiez le peuple de Dieu, et à cause de vous, mon nom est blasphémé parmi les idolâtres. Rom. U. Il est à remarquer qu’en cet endroit : « Vous porterez l’opprobre sous le nom de mon peuple », que les Septante ont rendu par : « Vous recevrez les opprobres de la part des peuples », l’hébreu porte Ammi pour « de mon peuple ; » et puisque Ammi veut dire « de mon peuple », il est évident que Amri a été à tort traduit plus haut de la môme façon. Jusqu’à présent, j’ai exprimé ma manière de voir d’après le texte hébreu ; je reviens maintenant â la version des Septante, afin de discuter chaque point selon mes forces.
La tribu samaritaine, qui a fait schisme d’avec le peuple de Dieu, est invitée à écouter. La prophétie lui dit : C’est en vain que vous fabriquez des idoles, que vous faites des veaux d’or d’une main habile, et qu’à l’exemple de Jérusalem vous voulez embellir une autre métropole ; qui pourrait, en effet, orner une telle ville ? Est-ce le feu qu’allument les flèches enflammées du diable ? la maison de l’impie, qui suit l’endurcissement de son cœur impénitent et amasse des trésors de colère pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu ? Rom. 2, 1 ss. Mais cette maison ajoute à l’iniquité l’injustice ; non contente d’exercer ses rapines sur la maison de Dieu, qui est l’Église, le front orgueilleux et le sourcil menaçant, elle pille les biens d’autrui. Puis-je ne pas condamner celui qui, faussant le poids et la mesure, amasse, par la fraude, ses richesses parmi les témoignages des Écritures, richesses qui sont des trésors d’iniquité ? Quand voici le précepte du Seigneur : « Il n’y aura pas dans ton sac un poids trop grand et un poids trop petit », Deu. 25, 14, ces hommes, en vue d’un gain honteux, font sans cesse acception de la personne dans le jugement, et, dans la même cause, prononcent des sentences opposées sur les riches et sur les pauvres, non d’après le fond de l’affaire, mais d’après les moyens pécuniaires de chacun. Quant aux habitants de leur ville, qu’ils imaginent orner avec des dogmes mensongers et des doctrines perverses, ils profèrent le mensonge et ils portent haut la tète, méprisant la simplicité du peuple fidèle. C’est pourquoi Dieu, dans sa clémence inépuisable, ne les frappe pas d’un seul coup et s’efforce de les avertir peu à peu par des plaies : « J’ai commencé à vous frapper de votre perte, à cause de vos péchés », leur dit-il ; et le sens est celui-ci : O cité que les hérétiques veulent bâtir, je te frapperai afin que tu périsses, non pas de mort selon le corps, mais en ce qu’il y a de péché en toi. « Tu mangeras et tu ne seras point rassasiée. » Ils lisent et ils ne comprennent pas ; ils se nourrissent des paroles des Écritures, et ils endurent la faim de la vérité. « Je te rejetterai, tu t’accrocheras à tout et tu ne sauveras rien, et ceux qui auront été sauvés seront livrés au tranchant de l’épée. » Je t’abandonnerai à ton propre sens, et, après avoir cherché beaucoup de choses pour ne rien trouver, comprenant ton erreur, tu reconnaîtras qu’avec tous tes dogmes tu ne peux te sauver. Quant à ceux qui se croiraient rassasiés, qui n’auraient pas été rejetés hors d’eux-mêmes, et qui n’auraient pas embrassé la vérité, ils seront livrés au glaive et les châtiments, les instruiront. Vous sèmerez donc, ô tribu, ô cité de pestilence, que les hérétiques construisent avec le feu, l’iniquité, les hontes, la balance fausse et le sac trompeur ; vous sèmerez et vous ne moissonnerez point ; vous presserez l’olive et vous n’userez pas de son huile ; vous foulerez le raisin et vo.us n’en boirez pas le vin ; car il vous est utile, l’erreur étant connue, de n’avoir point de disciples, de ne pas oindre votre tête de l’huile des pécheurs, de ne pas enivrer ceux qui boivent le vin de Sodome. Les biens de mon peuple ou d’Amri seront dissipés, avec toutes les œuvres de la maison d’Achab, de ceux qui ont été les patriarches et les princes des hérésies, et par qui nous pouvons entendre ou les puissances ennemies ou les hérésiarques, tels que Marcion et Basilide, et naguères Arius et Eunome. Vous avez marché dans leurs volontés, celles d’Amri et d’Achab. Ce n’est pas sans dessein que le texte dit a dans leurs volontés ; » la doctrine des maîtres pervers n’est pas celle de Dieu, mais consiste dans les inventions de leurs cœurs. Je vous livrerai à la perdition, afin que vous mouriez à votre hérésie, et vos habitants, au sifflet, soit afin que vous suiviez l’appel du bon Pasteur, qui dit dans Zacharie : « Je sifflerai, et je les rassemblerai, parce que je les ai rachetés », Zac. 10, 8, soit assurément au sifflement du dragon, c’est-à-dire à la perte de la chair, afin que l’esprit soit sauvé, 1 Co. 5, 5 et qu’ayant été châtiés, ils apprennent à ne plus blasphémer 1 Ti. 1, 1 ss. Tout cela, ils le souffriront, pour qu’ils comprennent leur erreur, et qu’ils ont porté les opprobres et les péchés de toutes les nations et de peuples nombreux. Je n’ignore pas que quelques interprètes ont appliqué à l’Église ce que je viens de rapporter aux hérésies ; mais je ne comprends pas bien comment on peut rattacher à Jérusalem et à Juda, qui sont les figures de l’Église, Amri et Achab, princes de Samarie.


« Malheur à moi, parce que je suis réduit à cueillir des raisins à la fin de l’automne ! Je ne trouve pas une grappe à manger, et j’ai ardemment désiré une de ces figues, les premières mûres. On ne trouve plus des saints sur la terre, il n’y a personne qui ait le cœur droit. Tous tendent des pièges dans le sang, le frère cherche la mort de son frère. Ils appellent bien le mal qu’ils font : le prince exige, le juge est à vendre, le grand fait éclater dans ses paroles la passion de son cœur, et tout est dans le trouble. Le meilleur d’entre eux est comme une ronce, et le plus juste comme l’épine d’une haie. » Mic. 7, 1 et seqq. Les Septante ; « Malheur à moi, parce je suis devenu semblable au glaneur après la moisson et au grappilleur après la vendange, quand il n’y a plus à manger une de ces grappes les premières mûres, que j’ai désirées du fond de mon âme ! Malheur à moi, mon âme, parce qu’on ne trouve plus sur la terre d’hommes révérant Dieu, et qu’il n’y a plus personne pour corriger les autres ! Tous sont jugés dans le sang, chacun fait tomber sur le prochain tribulations après tribulations, ils ont les mains toujours prêtes au mal. Le prince demande, le juge prononce des paroles pacifiques, pour voir combler le désir de son cœur. Mais je leur ôterai leurs biens, je les mangerai comme le ver, et je marcherai selon les règles de la vérité au jour de votre examen. » La captivité des dix et des deux tribus étant prédite — puisque le Seigneur adressa sa parole à Michée de Morasthi contre Samarie et contre Jérusalem, – le Prophète déplore qu’un seul juste de ce peuple ne se trouve pas dans tout le pays, qui puisse résister à la colère divine et s’interposer comme un rempart. En vain, s’écrie-t-il, ai-je parlé, en vain ai-je voulu recueillir les derniers raisins, pour ainsi dire, d’une vigne déjà vendangée et perdue, et, comme il ne restait pas une seule grappe pour la manger, prendre pour nourriture du moins de ces figues non mûres que les Hébreux appellent Beechchora, comme s’ils disaient : Ne trouvant pas de pain, tant sévissait la famine ! j’ai avidement recherché du son et des ordures. On ne trouve plus aucun saint sur la terre, il n’y a personne parmi les hommes qui ait le cœur droit ; partout les embûches, partout la fraude ; on verse le sang innocent ; on ne connaît plus les liens fraternels devant l’avarice et la passion ; on ne se contente pas de faire le mal, on prend sa défense, et, changeant les noms, on appelle le bien ce qui est le mal. Les princes eux-mèmes font plus que recevoir des présents qu’on leur offre, ils obligent leurs sujets aies leur donner, en les demandant. Le juge est à l’encan, jugeant autrui comme il en est jugé lui-même, recherchant pour ses crimes une indulgence réciproque, et prenant sa propre défense dans le procès du prochain. Quiconque est grand et comme très-instruit dans la loi, énonce, non pas la volonté de Dieu, mais la sienne. « Et ils l’ont troublée », ou la ville, ou la vérité, ou la terre dont il vient d’être dit : « On ne trouve plus aucun saint sur la terre. » Le meilleur d’entre eux est comme une ronce hérissée qui retient et blesse celui qui l’approche, après l’avoir saisi de sa dent recourbée ; et le plus juste est comme un buisson de haie, en sorte qu’on reçoit de lui la douleur, quand on croyait trouver en lui du secours. Voilà tf après l’hébreu. La version des Septante diffère sur quelques points, et, à la fin du contexte, leur traduction est autre du tout au tout. J’estime que le sens est celui-ci : La parole prophétique ou apostolique pleure sur le genre humain en général, en ce qu’elle a jeté en vain la semence des doctrines, et que, moissonneur tardif, elle y recueille à peine, au lieu de blé, quelques épis vides et inutiles, de même qu’elle ne trouve même pas des grappillons dans la vigne, et le reste jusqu’à la fin du chapitre. Puisque celui qui parle est heureux de trouver des oreilles qui l’écoutent, que le désir du sage est de rencontrer un auditeur attentif, et qu’un auditeur intelligent fait la joie de tout orateur, un mauvais disciple est une cause de douleur pour le maître, et Jérémie abonde en cette plainte dans les mots suivants : « Je n’ai été utile à personne et personne ne m’a été utile. » Jer. 15, 10. Il y en a qui pensent que tout cela est dit au nom du Sauveur, se plaignant de ce que sur une si grande multitude de croyants, dans tout l’univers et tout le genre humain, il lui est difficile de trouver des œuvres dignes de son sang, lui qui a dit aussi, dans le psaume vingt-neuf : » Quelle utilité retirera-t-on de mon sang, puisque je descends dans la corruption ? » Psa. 29, 10. D’autres affirment qu’il ne convient nullement à sa personne de dire : « Malheur à moi, qui suis devenu semblable au glaneur après la moisson ! » lui qui a dit dans l’Évangile : « Levez les yeux et considérez les campagnes qui sont déjà blanches et prêtes pour la moisson ; » Jn. 4, 30; et ailleurs : « La moisson est abondante et les ouvriers sont en petit nombre. » Mat. 9, 37. Ceux qui veulent que le passage s’entende du Sauveur, répliquent qu’il n’est pas étonnant qu’il dise : « Malheur à moi ! » lui qui pleura sur Jérusalem, Luc. 19, 1 ss et qui versa des larmes sur Lazare mort. Jn. 11, 35. Quant aux mots : « Je suis devenu semblable au glaneur après la moisson », ils les rapportent à la fin des temps, qui est bien aussi la moisson, et ils disent qu’alors cette prophétie pourra s’accomplir, lorsque l’iniquité s’étant multipliée, la charité d’un grand nombre se sera refroidie », Mat. 24, 12 et que le Fils de l’homme venant trouvera bien la foi rare sur la terre. Luc. 18, 8. Alors on trouvera à peine, comme les épis après la moisson et des grappillons après la vendange, quelques-uns qui aient gardé un peu de foi au milieu de la défection de tous ; et ces commentateurs ajoutent que le Sauveur parle ainsi en tant que homme, ce qui est prouvé par ce qui suit : « Malheur à moi, mon âme ! » cette âme dont il a dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort. » Mat. 26, 38. On ne trouve plus de piété sur la terre, soit que l’Antéchrist ait mis à mort les saints, soit que tous se ruent dans les plus grands scandales. « Il n’y a plus d’homme qui puisse corriger le prochain : tous sont jugés dans le sang », non pour des fautes légères, mais pour les plus grandes, celles qui ont trait au sang. Le voisinage, l’amitié, la parenté n’arrêtera pas le crime ; tous lèveront la main vers le mal, en sorte que celui qui ne pourra pas faire le mal, péchera néanmoins dans sa volonté, en préparant ses mains à l’accomplir. Le prince lui-même demande, et le juge prononce des paroles de paix, parce qu’il reçoit des présents, objet de tous ses désirs. Cela est clair, et, comme je me tiens en garde contre l’envie des princes et des juges, je l’abandonne à la sagacité du lecteur, me contentant d’ajouter ceci : « Les présents aveuglent les yeux même des sages. » Deu. 16, 19. Ils vivifient l’âme qu’ils ne devaient pas vivifier, et ils mettent à mort celle qui vit par son mérite et par ses vertus, et ils agissent ainsi à cause des dons qu’ils demandent avec impudence et qu’ils reçoivent pour leur honte. Le Seigneur lance contre eux cette menace : « Je leur ôterai leurs biens », ce qu’ils croient, ce qui leur semble des biens. Au reste, on ne saurait appeler de vrais biens, ce qui dépouille celui qui donne et qui tue celui qui reçoit. En outre, c’est moins une menace qu’une bénédiction, que leur enlever leur iniquité, afin que le Seigneur lui-même entre avec la parole divine dans leurs consciences, dévore comme un ver tout ce qu’il y a de perversité, anéantisse les mauvaises pensées dont il a fait sa proie, marche selon la règle de la vérité, ramène à la droiture leurs cœurs, que conduisaient les opinions empestées, et fasse tout cela dans la lumière de la vérité, en ce jour où ceux qui sont saints et élus parmi les membres de l’Église monteront au céleste observatoire, et, dans la sublimité des doctrines et de leurs œuvres, discuteront au sujet des choses du ciel.
« Mais voici le jour de votre examen, le temps où Dieu vous visitera ; c’est maintenant qu’ils seront détruits. Ne vous fiez pas à, votre âme, ne vous reposez pas sur celui qui vous gouverne. Tenez fermée la porte de votre bouche, même à celle qui dort sur votre sein ; carie fils traite son père avec outrage, la fille s’élève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, et l’homme a pour ennemis ceux de sa propre maison. Mais pour moi, je jetterai les yeux sur le Seigneur ; j’attendrai Dieu mon Sauveur, et mon Dieu m’écoutera. » Mic. 7, 5-7. Les Septante : « Malheur ! malheur ! vos vengeances sont venues, et maintenant couleront leurs larmes. Ne vous fiez pas à vos amis, et ne mettez pas vos espérances dans vos chefs. Gardez-vous de vous confier mème à celle qui partage votre couche ; car le fils traite le père avec outrage, la fille se lève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère ; l’homme a pour ennemis les gens de sa propre maison. Pour moi, ma contemplation sera toute dans le Seigneur ; j’attendrai Dieu mon Sauveur, et mon Dieu m’exaucera. » À l’exception du début et du contexte, les deux éditions sont d’accord sur tout le reste. Quant au sens historique, Miellée, qui avait souvent attendu le jour du jugement de Samarie ou de Jérusalem, dont il redoutait la venue, et la visite du Seigneur, fait allusion à la captivité en ces mots : « Le temps de votre dévastation est venu ; maintenant ce sera la dévastation » des habitants, ou le siège ; car l’hébreu Mabucha, veut plutôt dire siège que ravage. Ne vous fiez donc aux paroles d’aucun de vos prophètes, et ne prêtez point l’oreille aux flatteries trompeuses des devins ; s’il faut rarement se fier même a nos amis les plus chers et à nos plus proches, combien plus faut-il se défier de ceux qui mentent en vous flattant pour obtenir leur proie, et qui, quand vous êtes comme des malades, ordonnent, non pas ce qui est utile, mais ce qui est attrayant et agréable ! Ne vous fiez point à votre ami : Achitophel se révolta contre David, 2 Sa. 15, 11 ss et Judas, le vrai Achitophel, contre Jésus-Christ. Mat. 26, 16. Ne vous reposez pas sur votre chef, comme firent les Sichémites pour Abimélech ; Jug. 9, 1 ss ; ils le firent roi, et ils en furent opprimés. « Même à celle qui dort sur votre sein, tenez fermée la porte de votre bouche », de peur d’avoir le sort de Samson de la part de Dalila. Ibid, 16. » « Car le fils traite son père avec outrage », ainsi agit Absalon à l’égard de David ; non content d’aspirer au trône, il fut incestueux. 2 Reg. « La fille se lève contre sa mère ; » si les saintes Écritures ne nous fournissent pas d’exemple de ce fait, ils sont si fréquents dans la vie de chaque jour, qu’il vaut mieux en déplorer le nombre que les rechercher. « La belle-fille contre la belle-mère ; » comme la femme d’Esaü contre Rebecca. Gen. 26, 1 ss. « L’homme a pour ennemis les gens de sa maison. « Ici, je ne cherche pas d’exemples, tant ils sont nombreux. Les choses étant ainsi, ne vous fiez pas, Samarie et Jérusalem, aux faux prophètes. « Pour moi », dit-Miellée, « je tournerai mes yeux vers le Seigneur », je me réjouirai en Dieu mon Sauveur ou mon Jésus, et mon Dieu m’entendra.
Vient ensuite la version des Septante : « Malheur ! malheur ! vos vengeances sont venues », les supplices qui doivent être infligés pour les crimes. « La vengeance m’appartient, et c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur ; » Rom. 12, 19 ; Deu. 32, 35 ; et ailleurs Les jours de votre rétribution sont venus. » Ose. 9, 7. Le Seigneur prend en main la vengeance de ceux qui crient nuit et jour vers lui : « Seigneur saint et véritable, jusques à quand différerez-vous à nous faire justice et à venger notre sang contre ceux qui habitent sur la terre ? » Apo. 6, 10. Le temps des vengeances est donc venu, et maintenant couleront leurs larmes, celles que ces vengeances arrachent, en sorte que pleurent ceux qui avaient ri autrefois, et que, sortant aussitôt du temps, ils endurent ces tortures que ce riche, jadis couvert de pourpre et nageant dans les délices, souffre dans l’enfer, Luc. 16, 1 ss, où il y a des pleurs et des grincements de dents. Mat. 8 ; 13. Ces mots : « Maintenant ce seront », entendez-les, ou à la fin de la vie de chacun, ou à la fin des temps et au jugement dernier, quand les vengeancess générales fondront sur tous. Gardez-vous donc de vous fiera vos amis, parce qu’ils sont les plus grands de vos supplantateurs, qu’un ami ne l’est que dans un intérêt, et qu’il t’est moins de celui qu’il feint d’aimer – puisque c’est d’amour que vient le nom d’ami – que du but qu’il poursuit. Comme on demandait à quelqu’un ce qu’était un ami : un autre moi-même, répondit-il. Si l’on m’oppose l’exemple des Pythagoriciens, qui se livrèrent d’eux-mêmes au tyran, comme caution, je réponds que la maxime n’a, pas été prononcée par le Seigneur contre tous les amis en général, ni contre tous les temps, mais uniquement contre celui dont l’Apôtre a dit : « Dans les derniers jours, il viendra des temps périlleux ; car il y aura des hommes amoureux d’eux-mêmes, avares, glorieux, superbes, médisants, désobéissants à leurs parents, ingrats, impies, dénaturés, ennemis de la paix, calomniateurs, intempérants, inhumains, sans affection pour les gens de bien, traîtres, insolents, enflés d’orgueil, et plus amateurs de la volupté que de Dieu, etc. » 2 Ti. 3, 1-4. Alors le frère livrera le frère, et le père son fils, et la mère sa fille, et les ennemis de l’homme seront les gens de sa maison. Mat. 10, 35-36. Maintenant même la bonne foi est rare ; comme on a une chose sur les lèvres et une autre dans le cœur, le miel de la langue cache le poison de la pensée. Les riches ont de nombreux amis, et du pauvre s’éloignent même ceux qui le sont comme lui. De là cette maxime : « Si vous voulez faire un ami, prenez-le après l’avoir éprouvé. » Sir. 6, 7. J’ai lu dans une controverse cet aphorisme : « Un ami se cherche longtemps, se trouve avec peine et se conserve difficilement. » Théophraste, qui a écrit trois volumes sur l’amitié, la met au-dessus de tout sentiment de charité, et avoue toutefois qu’elle est rare parmi les hommes. Cicéron aussi a fait un livre, sur l’amitié, dédié à Lélins, dans lequel ce qui est prescrit dans nos Écritures : Qu’un ami soit pour nous comme un vin vieux, et buvons-le à petits traits, se trouve presque mot à mot. L’amitié reçoit ou rend égaux les hommes ; dès qu’il y a inégalité, prééminence de l’un et sujétion de l’autre, il y a moins l’amitié que la flatterie. De là cet autre aphorisme : « Qu’un ami soit une même âme avec nous ; » et ce que dit le poète lyrique implorant le ciel pour son ami : « Daigne conserver cette moitié de mon âme. » Horat. Gardez-vous donc de vous fier à ces hommes qui visent à leurs gains par les amitiés. Si vous voulez goûter une amitié véritable, soyez l’ami de Dieu, tel qu’était Moïse qui parlait à Dieu comme un ami à un ami ; Exo. 33, 11 ; tels que l’étaient les Apôtres, à qui le Sauveur disait : « Je ne vous donnerai plus le nom de serviteurs, parce que le serviteur ne sait ce que fait son maître, mais je vous appellerai mes amis, parce que vous avez persévéré avec moi dans toutes ines épreuves. » Jn. 15, 15. L’amitié qui s’attache aux prospérités et aux richesses des amis est peu sûre. Les hommes de cette sorte ne me paraissent pas être des amis, mais des amoureux d’eux-mêmes. Étudions de plus près les paroles de notre Seigneur : « Mais je vous dirai mes amis ; » et il donne les motifs pour lesquels il leur donnera ce nom : « Parce que vous avez persévéré avec moi dans l’épreuve », et là il va plus loin, il insiste : « Dans toutes mes épreuves ; » car il arrive parfois que celui qui a persévéré avec nous dans une épreuve, soit vaincu par d’autres et se retire.
Le second précepte est celui-ci : Ne mettez pas votre espérance dans les chefs. « L’homme qui met son espérance dans un autre homme est maudit. » Jer. 17, 5. L’espérance en un homme est vainc ; elle n’est vraie que si elle repose en Dieu. De là le langage de Paul : « D’entre vous-mêmes, il s’élèvera des gens qui publieront des doctrines corrompues ; » Act. 20, 30 ; et celui du Seigneur lui-même par le Prophète : « Les chefs de mon peuple ne m’ont pas connu ; ce sont des enfants qui n’ont point de sens ni de raison ; ils ne sont sages que pour faire le mal et ils n’ont point d’intelligence pour faire le bien. » Jer. 4, 22. Ils étaient appelés mes chefs et les chefs de mon peuple ; mais, parce qu’ils ne m’ont point connu et que leurs œuvres ont détruit leur nom, ce sont des enfants qui n’ont ni sens ni raison ; ils n’ont de sagesse que pour s’assujettir le simple troupeau et le fouler aux pieds ; mais, bien faire et bien gouverner le peuple, ils ne le savent pas. Ne vous fiez pas en vos chefs, point en – l’évêque, point dans le prêtre, point dans le diacre, point en. une dignité humaine quelconque. Ce n’est pas à dire que vous ne deviez point être soumis dans l’Église à cette hiérarchie : « Quiconque maudit son père ou sa mère mourra de mort », Lev. 20, 9, et l’Apôtre enseigne que l’obéissance est due aux supérieurs dans l’Église ; 1 Pi. 2, 13-14 ; mais autre chose est honorer les chefs, et autre chose mettre son espérance dans les chefs. Honorons l’évêque, ayons de la déférence pour le prêtre, levons-nous sur le passage du diacre ; et cependant ne mettons pas notre espérance en eux, parce que l’espérance aux hommes est vaine, et qu’il n’y a de sûre que celle qui repose dans le Seigneur.
Le troisième commandement est celui-ci : « Soyez en garde contre la femme qui partage votre couche », ne fondez pas sur elle votre confiance. L’Apôtre appelle la femme un vase fragile, 1 Th. 4, mais il ordonne aux maris de marquer de la déférence à leurs femmes. L’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme, 1 Co. 11, 1 ss et l’épouse doit craindre son mari. Eph. 5. L’épouse doit craindre, et elle doit aimer son mari avec crainte ; le mari ne doit qu’aimer, parce que la dilection est le lot des parfaits : « maris, aimez vos femmes et ne leur soyez point amers », Eph. 5, 25, alors même qu’elles vous provoquent à la colère et qu’elles se conduisent de manière à mériter qu’on les traite avec amertume. Écoutons Salomon dans l’Ecclésiaste : « Entre mille hommes, j’en ai trouvé un ; mais, de toutes les femmes, je n’en ai pas trouvé une seule ; » Ecc. 7, 28 ; il savait sans doute par expérience qu’il ne faut pas se fier aux femmes, par qui il avait offensé Dieu. 1 Ro. 9. Écoutons aussi un sublime poète, – non pas un autre Homère, comme Licilius le présageait d’Ennius, mais le premier Homère chez les Latins — : « La femme varie et change sans cesse. » Les histoires grecques et latines sont pleines du récit de la fin tragique de maris victimes de la trahison de leurs femmes. Dans les Écritures, nous trouvons les exemples, et de Dalila, dont il a déjà été question, et d’une autre, avant Dalila, qui arracha]e secret de Samson par des larmes continuées pendant sept jours, et découvrit ce qui était caché en simulant F amour. Aussi Samson dit-il plus tard : « Si vous n’eussiez point dompté ma génisse, vous n’eussiez point trouvé ce que mon énigme voulait dire. » Jug. 14, 19.
Jusqu’ici il nous est prescrit de ne pas mettre à la légère notre confiance dans les amis, dans les chefs, dans nos femmes. La prophétie en donne une cause qui ne semble pas se relier assez à la thèse proposée ; elle dit : « Parce que le fils traite son père avec outrage, que la fille se lève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, et que les ennemis de l’homme sont les gens de sa maison. » Quoi de commun avec l’ami, le chef, la femme, que le fils, la fille et la belle-fille se révoltent contre le père, la mère et la belle-mère. Voici, ce me semble, comment on peut relier cela à ce qui précède : Ne mettez pas votre confiance dans vos amis, dans vos chefs, dans vos femmes, qui peuvent changer et agir envers vous selon les circonstances, puisqu’un fils môme et une fille oubliant leur éducation et leur enfance, se révoltent contre les auteurs de leur vie et de leurs corps, et vont jusqu’à les outrager, quand c’est un crime de les offenser même du regard. Mais cette explication ne convient ni à la belle-fille s’insurgeant contre sa belle-mère, ni à l’homme dont les ennemis sont les gens de sa maison. Térence dit dans Hécyra : « Qu’est cela ? toutes les belles-mères détestent leurs belles-filles », ou bien, « toutes les belles-filles détestent leurs belles-mères. » La phrase est à double entente ; mais il est à peu près naturel que la belle-fille déteste la belle-mère, et celle-ci, celle-là.
La prophétie, au sujet de la fin du monde, vient de nous décrire ce que sera la génération qui doit précéder l’événement de l’Antéchrist. Maintenant, nous avons à discuter ce passage d’après l’interprétation antérieure, où nous avons dit des hérétiques : Écoutez, tribu, qui ornera la cité ? est-ce le feu et la maison de l’impie ? et après cela, de l’Église : Malheur à moi 1 parce que je suis devenu semblable à celui qui glane un épi dans la moisson Malheur à moi, mon âme ! on ne trouve plus de piété sur la terre, et il n’y a personne parmi les hommes qui puisse reprendre le prochain ;… Le prince demande, et le juge prononce des paroles pacifiques pour des présents dont son âme est altérée. De là cette double malédiction qui suit : « Malheur ! malheur ! le temps de se venger de vous est venu, et maintenant ce seront les larmes que les châtiments vont vous arracher. » C’est au sujet des hérétiques qu’il est écrit : » Ne mettez pas votre confiance en vos amis », ô peuples simples, et dans les chefs pervers qui se disent vos amis et promettent d’être princes des hérétiques ; ils cherchent, non pas votre salut, mais leurs propres gains, et ils foulent aux pieds le troupeau de leurs dupes. Gardez-vous de confier quoi que ce soit à celle qui dort auprès de vous. « Celle qui dort », je ne puis autrement l’expliquer que comme étant la chair, en sorte que nous ne nous abandonnions pas facilement aux séductions delà chair, de peur que la force de Pâme et la constance virile ne soient amollies par ses attraits. C’est ainsi que l’enfant qui est né de Dieu, oublieux de son Créateur, blasphème celui qui l’a fait, comme l’Écriture l’enseigne : « N’est-ce point le même Dieu qui vous a créés ? n’avez-vous pas tous le même père ? » Mal. 2, 10, et que l’âme est pleine de dédain pour la céleste Jérusalem et méprise l’Église, sa mère, quand quiconque la méprise est frappé de mort. « Et la belle-fille se révolte contre la belle-mère. » Passage qui semble très-difficile à entendre au figuré. Mais celui qui, ayant lu le Cantique des cantiques, a compris que la parole de Dieu est l’époux de l’âme, et qui croit à l’Évangile, Mat. 10, 1 ss que j’ai trouvé traduit naguère selon l’édition des Hébreux, et où le Sauveur s’exprime ainsi : « Ma mère, le Saint-Esprit, m’a porté naguère par un seul de mes cheveux », n’hésitera pas à conclure que la parole de Dieu étant le fils de l’Esprit, l’âme, qui est l’épouse de la parole, a pour belle-mère le Saint-Esprit, dont le nom hébreu Rua est du genre féminin. Par conséquent, les hérétiques qui, après au jour par le Saint-Esprit, émigrent vers de nouvelles doctrines, vers le ferment des Pharisiens et les préceptes des hommes, en méprisant la parole de Dieu, font injure à leur belle-mère. Pour ne point douter que le Verbe et le Fils de Dieu est né du Saint-Esprit, il suffit de relire les paroles de Gabriel à Marie : « Le Saint-Esprit viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, et, à cause de cela, le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. » Luc. 1, 30. La prophétie dit ensuite : « Les ennemis de l’homme |sont les gens de sa maison. » Mat. 10, 36. Voici comment ce passage me paraît devoir être entendu au figuré. La tète de tout homme, c’est Jésus-Christ, et Jésus-Christ est la tête de l’Église. 1 Co. 11, 3. Les ennemis de Jésus-Christ sont souvent ceux qui semblent être dans sa maison, et qui, sans se séparer de la tête, pensent contrairement à leur tête ; sans maître et sans la grâce du Seigneur, ils se flattent, sur leur propre jugement, de posséder la science des Écritures ; ils sont enflés d’orgueil, et ils ne savent rien ; ils languissent autour des questions, des discussions et des querelles de mots ; ils sont dans la maison, et pourtant ils sont les ennemis de la vérité. Remarquons qu’il y a dans l’Évangile presque les mêmes paroles que nous lisons ici dans la prophétie, mais qu’elles y ont un autre sens, à cause du contexte où elles se trouvent. L’Évangéliste les a-t-il prises de la prophétie, ou enseignées sur sa propre autorité ? le secret de cette question est au Seigneur, qui a parlé et dans les prophéties et dans les Évangiles. Voici ce que le Seigneur y dit : « Je suis venu diviser l’homme contre son père, la fille contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, et l’homme aura pour ennemis ceux de sa propre maison. » Mat. 10, 35-36. Les explications données, – si toutefois j’ai pu atteindre le sens des Écritures, – l’homme saint, comprenant que la charité s’est refroidie, et que les hommes, à la fin du monde, au lieu d’aimer Dieu, sont amoureux d’eux-mêmes, qu’ils mettent leur confiance dans leurs amis, leurs chefs, leurs femmes, et que le fils, la fille, la belle-fille se révoltent contre leur père, leur mère et leur belle-mère, et que l’homme a pour ennemis ceux de sa propre maison, – l’homme saint met sa confiance dans le Seigneur, et toute sa contemplation est en son Dieu. Bien qu’assailli par les tribulations et les persécutions du monde, il n’a confiance en nul autre qu’en celui qui a dit : « Ne craignez pas, j’ai vaincu le monde », Jn. 16, 33, il attend Dieu son Sauveur, et, plein de foi en lui et les yeux tournés vers lui, il espère qu’il en sera exaucé toutes les fois qu’il l’invoquera.
« Ô mon ennemie, ne vous réjouissez point de ce que je suis tombée : je me relèverai. Lorsque je serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière. Je porterai la colère du Seigneur, parce que j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il juge ma cause et qu’il se déclare pour moi ; Il me fera passer à la lumière, et je verrai sa justice. Mon ennemie verra cela, et elle sera couverte de confusion, elle qui me dit maintenant : Où est le Seigneur votre Dieu ? Mes yeux la verront et elle sera foulée aux pieds comme la boue qui est dans les rues. En ce jour-là vos masures seront changées en des bâtiments ; en ce jour-là vous serez affranchie de la loi ; en ce jour-là on viendra de l’Assyrie jusqu’à vous et jusqu’à vos villes fortes, et de vos villes fortes jusqu’au fleuve, depuis une mer jusqu’à l’autre mer, et depuis une montagne jusqu’à l’autre montagne ; et la terre sera désolée à cause de ses habitants, pour les punir de leurs desseins criminels. » Mic. 7, 8 et seqq. Les Septante : « Ne m’insultez point, ô mon ennemie ; car je suis tombée, je me relèverai, et si je marche dans les ténèbres, le Seigneur m’éclairera. Je soutiendrai la colère du Seigneur, parce que j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il juge ma cause, qu’il se déclare pour moi et qu’il me conduise à la lumière, et je verrai sa justice. Mon ennemie me verra, et elle sera couverte de confusion, elle qui me dit maintenant : Où est le Seigneur votre Dieu ? Mes yeux la verront, elle sera foulée aux pieds alors comme la boue des routes. Votre destruction sera le jour de la fabrication de la brique, et ce jour-là repoussera votre dot légale. Vos villes seront fermées et partagées par les Assyriens, et vos villes fortes seront partagées par Tyr jusqu’au fleuve, depuis une mer jusqu’à l’autre mer, et depuis une montagne jusqu’à l’autre montagne ; et la terre sera ruinée avec ses habitants, à cause des fruits de leurs mauvais desseins. » Selon la lettre, il me paraît que Jérusalem dit aux Babyloniens et aux autres nations qui l’avaient insultée : « Ne vous réjouissez pas de ma ruine », parce que, grâce à la miséricorde du Seigneur, je me relèverai. Après que je me serai assise dans la captivité, il me fera sortir des ténèbres, et il sera ma lumière. Je porterai le poids de la colère divine, parce que je sais que j’ai mérité ce que j’ai souffert, jusqu’à ce que je sois vengée des nations, et que ma cause soit jugée. Je sais qu’il me conduira dans la lumière et que je verrai sa justice. Mon ennemie Babylone, ainsi que les autres nations qui m’entourent, me verra et elle sera couverte de confusion, elle qui me dit maintenant avec injure : « Où est le Seigneur votre Dieu ? » Mes yeux la verront, et ce ne sera pas après un long temps, mais bientôt et prochainement, foulée aux pieds comme la boue des rues.
Jusqu’ici c’est Jérusalem, ou c’est le prophète qui a parlé à son peuple. Maintenant, Dieu répond à Jérusalem : 0 Jérusalem, le temps est venu où seront changées en bâtiments tes masures, au milieu des ruines que les Babyloniens avaient semées partout. En ce jour-là vous serez affranchie de la loi, ou du commandement et de l’ordre, d’après l’interprétation de Symmaque et de Théodotion. Le sens est celui-ci : Vous ne serez plus soumise à l’empire des Assyriens. En ce jour-là, où vos murs seront rebâtis, on viendra vers vous d’Assur et des villes fortifiées : des villes fortes, dis-je, jusqu’au Jourdain, que le peuple traversa aussi autrefois, et de la mer Rouge et du milieu de toutes les nations jusqu’à la mer Morte, voisine de votre territoire, et des montagnes des Mèdes et des Perses, où ils avaient été transférés, jusqu’à la montagne de Sion. Et le reste de la terre des Chaldéens et de ceux qui vous avaient dévastée sera dans la désolation, à cause de ses habitants et à cause de ses mauvaises œuvres.
Les Juifs, aujourd’hui encore, se promettent la réalisation de cette prophétie dans l’avenir, et sur ce point, où nous avons expliqué ces mots : « En ce jour-là la loi s’éloignera », comme nous avons pu, et comme les commentent les plus prudents d’entre eux, quelques-uns inventent un mensonge frivole, et disent qu’en ce jour-là, où les murs de leur Jérusalem seront relevés par leur christ, les Écritures Saintes de la loi et des Prophètes, que nous possédons maintenant, seront ôtées de nos mains et rendues au peuple juif ; car ce que dit la version des Septante : « Le jour de la fabrication de la brique sera celui de votre ruine », ne s’adresse pas à Jérusalem, comme nous l’avons expliqué d’après le texte hébreu, mais encore à Babylone, lui annonçant qu’elle sera détruite elle-même et foulée aux pieds comme l’argile dont on fait la brique. Et ce jour-là repoussera les ordonnances de la loi, non pas les ordonnances de Dieu, mais celles dont vous aviez imposé l’observation, ô Babylone, contrairement à la loi de Dieu. Et vos villes seront assiégées ou divisées, les Assyriens vous attaquant – puisque Babylone était une ville des Chaldéens, et non pas des Assyriens. – Et vos villes fortes seront partagées par l’armée ennemie, depuis Tyr jusqu’au fleuve du Tigre, qui vous entoure, et depuis la Grande-Mer jusqu’à la mer Rouge, qui touche un côté de vos régions, sur le chemin de ceux qui vont aux Indes. Depuis une montagne jusqu’à l’autre montagne, c’est-à-dire depuis les montagnes de la Judée jusqu’à celles de la Médie et de la Perse, toute la Mésopotamie et toute la contrée dont vous occupez maintenant le centre et que vous possédez, tombera sous l’empire de vos adversaires ; et votre terre sera dans la désolation à cause des fruits d’iniquité de vos pensées. Là où les Septante ont traduit par « de Tyr », observons que le texte hébreu porte Masor, mot qui veut dire « de Tyr », si on sépare la proposition Ma du nom Sor ; mais en un seul mot, il signifie fortification. Au reste, à l’exception des Septante, toutes les traductions lui ont donné cette dernière signification. Voilà le commentaire selon le texte hébreu, avec les vœux d’Israël selon la chair et du peuple retranché comme prélude superflu. Abordons maintenant le sens spirituel, et cherchons à pénétrer même les points les plus difficiles, en en demandant l’éclaircissement à l’Esprit saint lui-même qui les a écrits.
Cette Jérusalem me paraît être toute âme où avait été bâti le temple du Seigneur, et où était la vision de la paix et la connaissance des Écritures. Plus tard, vaincue par les péchés, menée en captivité et livrée aux tourments, elle s’élève contre Babylone, c’est-à-dire contre la confusion de ce monde et contre l’ennemi qui est le prince de monde : Ne m’insulte pas, ô mon ennemie, parce que je suis tombée, car je me relèverai. Le Seigneur, en effet, relève ceux qu’il avait brisés, Psa. 149, 1 ss et il dit, par la bouche du Prophète : « Celui qui est tombé ne se relèvera-t-il pas ? » Jer. 8, 4… « Je ne veux pas la mort du pêcheur, mais seulement qu’il revienne à moi et qu’il vive. » Eze. 33, 11. Si vous me méprisez parce que je suis dans les souffrances, apprenez d’Ézéchiel que les peines sont d’abord appliquées aux plus saints et que l’ordre du Seigneur est celui-ci : « Commencez par mes saints. » Eze. 9, 6. Si c’est parce que je marche dans les ténèbres, sachez que le Seigneur est ma lumière. Quoique les princes de ces ténèbres m’aient trompée, que je sois assise dans les ténèbres et l’ombre de la mort, et que mes pieds se heurtent contre les montagnes couvertes de ténèbres, néanmoins la lumière s’est levée pour ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort, et cette lumière luit dans les ténèbres ; Isa. 9, 2 ; « le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui pourrais-je craindre ? » Psa. 26, 1 ; aussi oserai-je lui dire : « Votre parole, Seigneur, est le flambeau qui éclaire mes pieds, et la clarté qui luit sur mes voies. » Psa. 118, 105. Il sait que je suis au milieu des ténèbres de ce monde, et il m’a lui-même donné ce précepte : « Ayez les reins ceints, et dans vos mains des flambeaux éclatants. » Luc. 12, 35.
La prophétie continue : « Je porterai le poids de la colère du Seigneur, parce que j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il juge ma cause, qu’il se déclare pour moi, et qu’il me ramène à la lumière ; et je contemplerai sa justice. » Toute correction sur le moment paraît un objet, non pas de joie, mais de douleur, et plus tard elle portera un fruit pacifique de justice pour ceux qu’elle aura instruits. L’âme donc, sentant qu’elle a péché, qu’elle a les blessures des péchés, qu’elle vit dans des chairs mortes et qu’elle a besoin de cautérisation, ne cesse de crier au médecin : Brûlez mes chairs, amputez mes blessures, arrêtez toutes les humeurs nuisibles par une rebutante potion d’ellébore. C’est par ma faute que j’ai été blessée ; que j’aie en partage la douleur de tous ces tourments, afin que je recouvre la santé. Et le vrai médecin montre à l’âme déjà en voie de guérison le motif de sa médication infaillible, et lui fait voir qu’il a bien fait ce qu’il a fait. Enfin, après les souffrances et l’expiation, l’âme étant sortie des ténèbres extérieures et rentrée dans la lumière, s’écrie : « Je verrai sa justice », et je dirai : La justice de vos jugements a éclaté, ô mon Dieu. Or, puisque Jésus-Christ est devenu pour nous, par Dieu, la sagesse, la justice, la sanctification et la rédemption, 1 Co. 1, 1 ss l’âme qui dit qu’après la colère de Dieu elle verra sa justice, se promet la contemplation de Jésus-Christ. Voilà au sujet de ceux qui font pénitence. Au reste, il est de beaucoup préférable de n’être pas blessé, et de n’avoir pas besoin du médecin. La guérison n’est pas la béatitude des saints, mais un soulagement après la douleur. Que celui-là donc qui a été guéri prenne garde de ne point pécher de nouveau, de peur qu’il ne lui arrive pire qu’à sa première chute. Je lis dans le Lévitique, Lev. 13, 1 ss si toutefois je lis les yeux ouverts, et si le voile qui était étendu sur la loi n’exclut pas l’intuition de l’œil intérieur, que la lèpre s’engendrait souvent dans la cicatrice d’une brûlure, qu’elle changeait la couleur du poil et qu’à la difformité primitive de la cicatrice, elle ajoutait un aspect plus repoussant. Je dis cela de peur que quelqu’un, plein de sécurité dans la pénitence, parce qu’après avoir péché, il peut dire : « Je porterai le poids de la colère de Dieu, parce que j’ai péché contre lui, jusqu’à ce qu’il ait jugé ma cause », ne pèche et n’ait besoin du médecin, s’étant blessé de nouveau après avoir été guéri.
Lorsque le Seigneur nous aura ramenés à la lumière, et que nous contemplerons sa justice, Babylone, notre ennemie, nous verra alors, et elle sera couverte de confusion, elle qui nous disait auparavant : « Où est votre Dieu ? » pensant que Jérusalem ne pouvait pas être guérie de ses blessures. Nos yeux se tourneront vers elle, et elle sera foulée aux pieds comme la boue des carrefours. Comme toute fin des peines est le commencement des biens, et comme la douleur sert à la guérison, de cette boue on fera des briques qui seront pétries en la foulant aux pieds. En ce jour-là, elle rejettera ses anciennes erreurs, et ses villes, qui avaient été mal fortifiées, tomberont dans la division et se sépareront des Assyriens. De Tyr également, dont le nom veut dire angoisse, s’élèveront de nouvelles forces et il y aura sédition jusque chez ceux qui se réjouiront de l’écroulement de ce monde, et qui engendrent les passions dans les hommes. Depuis la mer jusqu’à l’autre mer, et depuis une montagne jusqu’à l’autre montagne, les guerres civiles se multiplieront, une amertume combattra contre une autre amertume, un orgueil qui doit être abaissé s’élèvera pour combattre un autre orgueil, et alors s’accomplira véritablement cette parole : « Venez, descendons et confondons leurs langues, si bien que chacun n’entende pas le langage de son voisin », Gen. 11, 7, parce qu’il est utile que les forces mauvaises n’aient pas la paix entre elles, et que lorsque Satan sera divisé contre Satan, alors enfin tout son empire sera détruit.Mat. 12. Ce qui arrive fréquemment dans les grandes armées, quand le tyran ayant été mis à mort, ses satellites se partagent entre eux son royaume, se lèvent les uns contre les autres et se font des guerres intestines, arrivera à la fin du monde, lorsque les murs de Jérusalem auront été rebâtis et que Babylone sera tombée : les Assyriens et les Tyriens, ceux du fleuve, ceux de la mer, ceux des montagnes, toutes les nations des démons combattront les unes contre les autres, et leur royaume étant anéanti, fera place au règne de Jésus-Christ ; tous les genoux fléchiront devant lui, aux cieux, sur la terre et dans les enfers, et tonte langue proclamera que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père. Phi. 2, 10. Pour qu’on sache bien que la fin de la sédition des diables doit être tout profit pour les vertus, il est dit qu’alors la terre de Babylone sera ruinée avec tous ses habitants, et ne produira plus des fruits de Babylone.
« Paissez avec votre verge votre peuple, le troupeau de votre héritage ; ceux qui habitaient seuls au milieu d’une forêt, paissez-les au milieu du Carmel. Les troupeaux iront paître en Bazan et en Galaad, comme ils y allaient autrefois. Je ferai voir des merveilles à mon peuple, comme lorsque je vous tirai de l’Égypte. Les nations les verront et elles seront confondues avec toute leur puissance ; les peuples mettront leurs mains sur leurs bouches, et leurs oreilles deviendront sourdes. Us mangeront la poussière comme les serpents, ils seront épouvantés dans leurs maisons comme les reptiles. Ils trembleront devant le Seigneur notre Dieu et ils vous craindront. » Mic. 7, 14 et seqq. Les Septante : « Paissez votre peuple avec votre verge. Les brebis de votre héritage, qui habitaient seules au milieu des forêts, paîtront au milieu du Carmel, dans le pays de Bazan et dans le pays de Galaad, comme aux jours d’autrefois ; et comme aux jours de votre sortie de la terre d’Égypte, je leur montrerai des merveilles. Les nations les verront, et elles seront confondues dans toute leur puissance ; elles mettront leurs mains sur leurs bouches, et leurs oreilles deviendront sourdes, hiles lécheront le sol comme les serpents qui rampent sur la terre, et elles seront troublées dans leurs fortifications. Elles trembleront devant le Seigneur notre Dieu, et elles vous craindront. » Ces mots : « Paissez votre peuple avec votre verge », c’est Dieu le Père qui les adresse au Fils, c’est-à-dire à Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin que, parce qu’il est le bon pasteur et qu’il donne sa vie pour ses brebis, Jn. 10, 1 ss il paisse avec sa verge.son peuple et les brebis de son héritage. Qu’on ne croie pas que ceux du peuple sont les mêmes que les brebis ; nous lisons dans le psaume : « Nous qui sommes votre peuple et les brebis de votre pâturage. » Psa. 94, 7. Peuple s’entend de tous ceux qui usent de leur raison ; brebis s’entend de tous ceux qui, n’usant pas encore de leur raison, se contentent de vivre dans leur simplicité, et il est dit qu’ils sont de l’héritage de Dieu. Tant le peuple que les brebis, ils ont tous besoin de la verge du pasteur, au sujet de laquelle l’Apôtre a dit : « Que voulez-vous ? aimez-vous mieux que je vienne à vous avec la verge, ou avec charité et dans un esprit de douceur ? » 1 Co. 4, 21. C’est, je pense, parce que le peuple d’Israël avait la tête dure et soupirait sans cesse après les viandes d’Égypte, que Moïse se servit, non-seulement contre les Égyptiens, qu’il frappa de dix plaies, mais aussi contre le peuple, dans le désert, de la verge de la loi, de la verge dont le choc brisait tous les vases de terre et fragiles. Aux Apôtres du Sauveur, au contraire, qui prêchaient la sagesse aux parfaits, 1 Co. 2, 6 la verge leur fut ôtée des mains, parce que l’affection parfaite chasse la crainte dehors. 1 Jn. 4, 18. Que si l’on me demande d’où vient qu’à présent il est dit à Jésus-Christ, c’est-à-dire au bon Pasteur, qui est assurément plus grand et meilleur que les Apôtres, d’user de la verge, alors qu’il est plus profitable de n’avoir pas la verge, que de corriger les peuples et les brebis avec elle, je réponds conformément à la promesse de Notre-Seigneur aux Apôtres, qu’ils feraient parmi les peuples des merveilles plus grandes que celles qu’il avait faites lui-même. Jn. 16. Comme le Seigneur parlait encore à Israël selon la chair et non à celui qui pouvait parfaitement connaître les mystères, il est dit de lui qu’il paîtra le peuple et son troupeau avec la verge, tandis que la verge a été ôtée aux mains des Apôtres, et la sévérité de la loi, tempérée par la douceur de l’Évangile. Or, ces peuples et ces brebis seront frappés, et on les fera paître avec la verge, parce qu’ils avaient habité seuls dans les forêts. Nous pouvons entendre cela, et de ceux qui, se séparant de l’Église, s’adonnent aux festins et aux amitiés avec les infidèles, et aussi de ceux qui, en haine du genre humain, recherchent la solitude, et au nombre de ceux-ci fut Timon l’Athénien. Ce n’est pas qu’il faille condamner la vie solitaire et prophétique, qui fut celle d’Élie, 1 Ro. 17 et 19, et de Jean, Mat. 3 et 11 ; mais si une âme, méprisant le prochain, s’enfle d’orgueil et habite dans la forêt des vices, il faut prendre la verge. Celui qui habite seul, sans habiter dans la forêt des vices, est digne des éloges dus à la yertu ; mais celui qui, étant seul, au lieu de faire les œuvres de la justice, jouit simplement des douceurs du repos, ne donnant pas ses sueurs aux travaux de Jésus-Christ et ne cherchant pas à gagner de ses mains de quoi vivre, comme le veut l’Apôtre, 1 Co. 4, 1 ss n’est qu’un orgueilleux qui habite au milieu de la forêt et passe son existence parmi les arbres stériles. Mais comme Jésus est le bon Pasteur, et que sa verge, à cause de cela, frappe pour corriger, le discours prophétique fait bientôt de riantes promesses : « On les fera paître au milieu du mont Carmel, au pays de Basan et de Galaad », comme aux jours de l’éternité, et comme aux jours de votre sortie d’Égypte. Carmel veut dire « science de la circoncision ; » Basan, « confusion », et Galaad, « transmigration du témoignage. » Donc, le peuple de Dieu et les ; brebis de son pâturage, qui paissait d’abord loin du troupeau du Seigneur et habitait la forêt de l’erreur, hors de l’Église, sera transféré dans la connaissance de la vraie circoncision ; il servira Dieu en esprit, il mettra sa gloire dans le Seigneur, au lieu de mettre sa confiance dans la chair, et il est, non pas l’incision, mais la vraie circoncision. Lorsqu’il aura été nourri de la circoncision spirituelle, comprenant ses péchés passés, ses vices le couvriront de honte ; il rougira et il sera dans la confusion qui mène à la vie, Sir. 4, 1 ss parce qu’il y a aussi une autre confusion qui mène à la mort, et qu’habita autrefois Og, le roi de Basan, dont le nom veut dire confusion. C’est de cette confusion mauvaise que le Seigneur promet de délivrer son peuple : « Le Seigneur a dit : Je les ramènerai de Basan, je les ramènerai du fond de la mer. » Psa. 67, 23. Lorsque nous connaîtrons la vraie circoncision, et que nous serons couverts de confusion à cause de nos péchés, alors nous serons en Galaad, dans la transmigration de l’alliance, dans l’Église de Jésus-Christ, à laquelle sont passés les témoignages de la loi et les ordonnances des Prophètes. Cela nous arrivera de même qu’aux jours antiques, comme aux jours où nous sommes Sortis de la terre d’Égypte, et dont Moïse parle ainsi : « Souvenez-vous des jours de l’éternité ; » Deu. 32, 7 ; non pas aux jours de ce temps, qui sont qualifiés de mauvais, mais aux jours sans fin. Il se souvient des jours do l’éternité, celui qui ne regarde pas les choses présentes, qui s’est élevé avec Jésus-Christ et qui est assis avec lui dans les deux, se regardant déjà en esprit comme délivré des jours du siècle présent. La parole divine promet aussi de montrer des merveilles à son peuple et aux brebis de son héritage : « Alors les nations les verront et elles seront couvertes de confusion dans toute leur force », parce qu’elles avaient autrefois livré à la dévastation le peuple de Dieu et prévalu contre lui ; et leur confusion aura son utilité, lorsqu’elles auront compris leurs iniquités ; car ils mettront leurs mains sur leurs bouches, et la honte de leurs mauvaises œuvres leur ôtera toute liberté de parler. Mais do même que leurs mains coupables avaient fermé leurs bouches, les mains des justesses leur ouvriront, et, par leur retour aux bonnes œuvres, ils recouvreront la faculté de parler avec Dieu. Leurs oreilles aussi deviendront sourdes, parce que l’iniquité qui frappe d’aveuglement frappe aussi de surdité ; et, en effet, ils n’ont pas voulu entendre la voix des enchanteurs, non pas môme celle du plus habile de tous. D’après Isaïe : « Leurs oreilles entendront très difficilement ; » Isa. 6, 9 ; Act. 23, 27 : c’est toutefois un mal bien moindre de n’être que dur d’oreille que de n’entendre rien absolument, d’être sourd à toute parole de la vérité. Après tant de maux, il leur est annoncé qu’ils lécheront le sol comme les serpents qui rampent sur la terre, s’avançant sur leur ventre et mangeant la terre tous les jours de leur vie. Gen. 3. Adonnés aux œuvres terrestres, ils traîneront après eux, jusqu’au jour de la vengeance et de la visite du Seigneur, non un peu de poussière ou de terre, mais tout ce qui est terrestre. Après avoir fait cela, lorsqu’ils viendront au jugement de Dieu, et qu’ils auront été enfermés dans un grand trouble, ils seront troublés et demeureront enfermés, tant qu’il restera en eux un peu de la terre qu’ils avaient traînée comme serpents. Dès qu’ils en seront purifiés, ils s’étonneront, ils seront frappés d’admiration, non pas dans le Seigneur leur Dieu, – ils ne seront pas encore dignes de l’appeler ainsi, – mais dans le Seigneur notre Dieu. Et tout-à-coup c’est une apostrophe à Jésus-Christ : « Et ils vous craindront ; » car « la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Pro. 1, 7. Toutes ces choses arriveront donc, afin que les nations voient et soient couvertes de confusion dans toute leur puissance, qu’elles posent leurs mains sur leurs bouches, que leurs oreilles deviennent sourdes, qu’elles lèchent la terre comme les serpents qui rampent, qu’elles soient d’abord enfermées et ensuite troublées, puis que l’effroi les frappe de stupeur devant le Seigneur Dieu des saints, et enfin qu’eux-mêmes le craignent aussi. C’est là le sens général des Septante ; mais comme, en cet endroit, notre édition diffère peu de leur version, on peut regarder comme dit sur l’hébreu ce que nous avons dit en les commentant.

« O Dieu, qui est semblable à vous, qui effacez l’iniquité et qui oubliez les péchés du reste de votre héritage ? Le Seigneur ne répandra plus sa fureur contre les siens, parce qu’il se plaît à faire miséricorde. Il aura encore compassion de nous, il détruira nos iniquités, et jettera tous nos péchés au fond de la mer. Seigneur, vous accomplirez vos paroles sur Jacob, vous ferez miséricorde à Abraham, selon que vous l’avez promis avec serment à nos pères depuis tant de siècles. » Mic. 7, 18-20. Les Septante : « Qui, ô Dieu, est comme vous ? vous ôtez les iniquités et vous passez outre aux iniquités de ceux qui sont les restes de votre hérédité. Le Seigneur n’a point maintenu la colère dont il avait menacé, parce qu’il veut la miséricorde. Il reviendra, il aura compassion de nous, il engloutira nos péchés, tous nos péchés seront jetés au fond de la mer. Il donnera la vérité à Jacob et il fera miséricorde à Abraham, comme vous l’avez juré à nos pères depuis tant de siècles. » Le Prophète, comprenant que la multitude des nations a été troublée dans son dernier temps, pour qu’elle fût frappée d’étonnement et qu’elle craignît Dieu, et que le Seigneur sévit pour effacer les péchés et faire don du salut, loue le Seigneur avec admiration et s’écrie : « Qui est, ô Dieu ! semblable à vous, qui effacez les iniquités et passez outre aux injustices ; » en sorte que de même qu’en Égypte l’Ange exterminateur passa outre au peuple juif et ne le frappa point de mort, d’où le nom de phasé, passage ou pâques, Exo. 12, 1 ss de même, Seigneur, vous épargnez les nations, et vous ne leur imputez pas leur iniquité. Quant à ce qui suit : « Le Seigneur ne répandra plus sa fureur contre les restes de son héritage », en voici le sens : Puisqu’il a épargné les infidèles qui n’ont pas voulu croire à sa loi, et qu’il n’a pas voulu imputer leurs iniquités à ceux qui ont été les restes de son peuple, ne faisant pas entrer sa colère en ligne de compte de leur juste supplice, comment donc agira-t-il envers son troupeau qui paît au milieu du Carmel, dans le pays de Basan et dans Galaad ? Plein du désir de la miséricorde, il retournera à nous, il aura compassion de nous, il portera nos plus lourds péchés et les iniquités qui sont assises sur le talent de plomb, il les engloutira dans la mer et nous délivrera de leur joug. Zac. 5. Il donnera la vérité à Jacob et la miséricorde à Abraham ; il donnera en Jésus-Christ sa vérité au peuple supplantateur, toujours au milieu de la lutte, et il fera miséricorde à la multitude des nations, puisqu’Abraham est appelé « père de plusieurs nations », comme il l’avait promis avec serment à ceux qui furent nos pères dans notre foi, selon les jours anciens ; de toute la multitude des hommes, il sauvera les uns dans la vérité et les autres dans la miséricorde. Sur ce point de notre traduction : « Il ne répandra plus désormais sa fureur », au lieu de « désormais », je lis dans Symmaque « à jamais », dans Théodotion, « jusqu’à la fin », dans les Septante et la cinquième édition, « contre son alliance ; » l’hébreu porte Laed, qui peut s’entendre de ces différentes manières. Et moi aussi, à la fin de ce volume, mettant le travail de mon opuscule sous le sceau d’une invocation au Seigneur, je m’écrierai : « 0 Dieu, qui est semblable à vous ? » Ôtez l’iniquité de votre serviteur ; passez outre au péché des restes de mon âme ; ne laissez pas tomber votre fureur contre moi et ne me reprenez point dans votre colère, parce que vous êtes plein de bonté et que vos miséricordes sont sans nombre. Revenez, ayez pitié de moi ; précipitez mes iniquités, engloutissez-les au plus profond de la mer, afin que les vices et leur amertume se perdent dans l’abîme de l’erreur. Donnez-moi la vérité que vous avez promise à votre serviteur Jacob, la miséricorde dont vous avez donné l’assurance à votre ami Abraham, et délivrez mon âme d’Achab et de Jézabel, persécuteurs de vos Prophètes, comme vous en avez fait le serment à mes pères dans les jours anciens en disant : « Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il revienne à moi et qu’il vive ; » Eze. 33, 11 ; et ailleurs : « Aussitôt que vous serez revenu à moi en gémissant, vous serez sauvé. » Isa. 30, 15. Alors, elle me verra et elle sera couverte de confusion, mon ennemie qui me dit maintenant : « Où est le Seigneur votre Dieu ? » Psa. 41, 4,11. Je verrai votre vengeance contre elle : elle sera comme la boue des carrefours, elle sera foulée aux pieds, afin qu’elle ne puisse plus construire sa ville avec la boue et la paille de l’Égypte.