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à qui l’on parle qui soit de la seconde ; cela est sans équivoque : mais tous les différens objets dont on parle, sont de la troisieme ; & il étoit raisonnable qu’il y eût un pronom de cette personne qui indiquât nettement l’identité avec le sujet de la proposition, tel que se & soi. (B. E. R. M.)

Réciproque, adj. (Math.) les figures réciproques, en terme de Géométrie, sont celles dont les côtés se peuvent comparer de telle maniere que l’antécédent d’une raison & le conséquent de l’autre se trouvent dans la même figure. Voyez Pl. géom. fig. 22, n°. 2. soit A = 12, D = 3, C = 9, B = 4.

A : BC : D, ou
12 : 49 : 3.

c’est-à-dire, autant que le côté A du premier rectangle est plus grand que le côté B du second rectangle, autant aussi le côté C du second rectangle est-il plus grand que le côté D du premier : d’où il suit que les deux rectangles doivent être égaux. Voyez Rectangle.

Il suit de-là que les triangles, les parallélogrammes, les prismes, les parallélepipedes, les pyramides, les cones ou les cylindres, qui ont leurs bases & leurs hauteurs réciproques, sont égaux ; & que s’ils sont égaux, leurs bases & leurs hauteurs seront réciproques. Voyez Triangle, Parallelepipede, Prisme, Cone

& Cylindre.

Proportion réciproque. Lorsqu’on a quatre nombres dont la quatrieme est moindre que le second, en même raison que le troisieme est plus grand que le premier, & vice versâ, cela s’appelle une proportion réciproque. Voyez Proportion. La proportion réciproque s’appelle plus communément raison inverse. Voyez Raison & Inverse.

C’est-là le fondement de la regle de trois inverse. Voyez Regle.

Réciproques, Récurrens ou Rétrogrades, en Poésie, se dit de certains vers qui lus à-rebours, sont les mêmes. Voyez Palindromes.

RÉCIT, (Hist. Apolog. Oraison. Epopée.) Le récit est un exposé exact & fidele d’un évenement, c’est-à-dire, un exposé qui rend tout l’évenement, & qui le rend comme il est ; car s’il rend plus ou moins, il n’est point exact ; & s’il rend autrement, il n’est point fidele. Celui qui raconte ce qu’il a vu, le raconte comme il l’a vu, & quelquefois comme il n’est pas ; alors le récit est fidele, sans être exact.

Tout récit est le portrait de l’évenement qui en fait le sujet. Le Brun & Quinte-Curce ont peint tous deux les batailles d’Alexandre : celui-ci avec des signes arbitraires & d’institution, qui sont les mots : l’autre avec des signes naturels & d’imitation, qui sont les traits & les couleurs. S’ils ont suivi exactement la vérité, ce sont deux historiens ; s’ils ont mêlé le faux avec le vrai, ils sont poëtes, du moins en la partie feinte de leur ouvrage. Le caractere du poëte est de mêler le vrai avec le faux, avec cette attention seulement, que tout paroisse de même nature.

Sic veris falsa remiscet,
Primo ne medium, medio ne discrepet imum.

Quiconque fait un récit, est comme placé entre la vérité & le mensonge ; il souhaite naturellement d’intéresser ; & comme l’intérêt dépend de la grandeur & de la singularité des choses, il est bien difficile à l’homme qui raconte, surtout quand il a l’imagination vive, qu’il n’a pas de titres trop connus contre lui, & que l’évenement qu’il a en main, se prête jusqu’à un certain point, de s’attacher à la seule vérité, & de ne s’en écarter en rien. Il voit sa grace écrite dans les yeux de l’auditeur, qui aime presque toujours mieux une vraissemblance touchante, qu’une vérité seche. Quel moyen de s’asservir alors à une scrupuleuse exactitude ?

Si on respecte les faits où on pourroit être convaincu de faux, du moins se donnera-t-on carriere sur les causes ? On se fera un plaisir de tirer les plus grands effets, les plus éclatans, d’un principe presque insensible, soit par sa petitesse, soit par son éloignement. On montrera des liaisons imperceptibles, on r’ouvrira des soûterrains ; une légere circonstance mise hors de la foule, deviendra le dénouement des plus grandes entreprises. Par ce moyen on aura la gloire d’avoir eu de bons yeux, d’avoir fait des recherches profondes, de connoître bien les replis du cœur humain, & par dessus tout cela on captivera la reconnoissance & l’admiration de la plûpart des lecteurs. Ce défaut n’est pas, comme on peut le croire, celui des têtes légeres & vuides de sens ; mais pour être proche de la vertu, ce n’en est pas moins un vice.

Outre la fidélité & l’exactitude, le récit a trois autres qualités essentielles. Il doit être court, clair, vraissemblable. On n’est jamais long, quand on ne dit que ce qui doit être dit ; la briéveté du récit demande qu’on ne reprenne pas les choses de trop loin, qu’on finisse où l’on doit finir, qu’on n’ajoute rien d’inutile à la narration, qu’on n’y mêle rien d’étranger, qu’on y sous-entende ce qui peut être entendu sans être dit ; enfin qu’on ne dise chaque chose qu’une fois. Souvent on croit être court, tandis qu’on est fort long. Il ne suffit pas de dire peu de mots, il ne faut dire que ce qui est nécessaire.

Le récit sera clair, quand chaque chose y sera mise en la place, en son tems, & que les termes & les tours seront propres, justes, naïfs, sans équivoque, sans désordre.

Il sera vraisemblable, quand il aura tous les traits qui se trouvent ordinairement dans la vérité, lorsque le tems, l’occasion, la facilité, le lieu, la disposition des acteurs, leurs caracteres sembleront conduire à l’action : quand tout sera peint selon la nature, & selon les idées de ceux à qui on raconte.

Le récit acquiert une grande perfection, quand il joint aux qualités dont nous avons parlé, la naïveté, & la sorte d’intérêt qui lui convient ; la naïveté plait beaucoup dans le discours, par conséquent elle doit plaire également dans le récit. Quant à l’intérêt, celui du récit véritable est sans doute plus grand que celui du récit fabuleux, parce que la vérité historique tient à nous, & qu’elle est comme une partie de notre être. C’est le portrait de nos semblables, & par conséquent le nôtre. Les fables ne sont que des tableaux d’imagination, des chimeres ingénieuses, qui nous touchent pourtant, parce que ce sont des imitations de la nature, mais qui nous touchent moins qu’elle, parce que ce ne sont que des imitations, &c.

A toutes ces qualités du récit ajoutons qu’il doit être revêtu des ornemens qui lui conviennent.

On peut réduire les diverses especes de récits à quatre, qui sont le récit de l’apologue, le récit historique, le récit poétique & le récit oratoire ; nous y joindrons le récit dramatique, quoiqu’il appartienne à la classe générale des récits poétiques ; & nous dirons un mot de chacun de ces récits, parce qu’il est bon de les caractériser. (D. J.)

Récit de l’apologue, (Fable.) exposé d’une action allégorique, attribuée ordinairement aux animaux. Le récit de l’apologue doit en particulier être court, clair, & vraissemblable ; le style en doit être simple, riant, gracieux, naturel, ou naïf. Les ornemens qui lui conviennent consistent dans les images, les descriptions, les portraits des lieux, des personnes, des attitudes. Ses tours peuvent être vifs & piquans, les expressions riches, hardies, brillantes, fortes, &c. Telles sont les principales qualités qu’on demande dans les récits de la fable, & en général