Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Index alphabétique/Q
De tous ces titres, celui que j’aime le mieux est celui de Philadelphien, ami des frères. Il y a bien des sortes de vanités ; mais la plus belle est celle qui, ne s’arrogeant aucun titre, rend presque tous les autres ridicules.
Je m’accoutume bientôt à voir un bon Philadelphien me traiter d’ami et de frère ; ces mots raniment dans mon cœur la charité, qui se refroidit trop aisément. Mais que deux moines s’appellent, s’écrivent Votre Révérence ; qu’ils se fassent baiser la main en Italie et en Espagne : c’est le dernier degré d’un orgueil en démence ; c’est le dernier degré de sottise dans ceux qui la baisent ; c’est le dernier degré de la surprise et du rire dans ceux qui sont témoins de ces inepties. La simplicité du Philadelphien est la satire continuelle des évêques qui se monseigneurisent.
« N’avez-vous point de honte, disait un laïque au fils d’un manœuvre, devenu évêque[2], de vous intituler monseigneur et prince ? Est-ce ainsi qu’en usaient Barnabé, Philippe et Jude ? — Va, va, dit le prélat, si Barnabé, Philippe et Jude l’avaient pu, ils l’auraient fait ; et la preuve en est, que leurs successeurs l’ont fait dès qu’ils l’ont pu. »
Un autre, qui avait un jour à sa table plusieurs Gascons, disait : « Il faut bien que je sois monseigneur, puisque tous ces messieurs sont marquis. » Vanitas vanitatum.
J’ai déjà parlé des quakers à l’article Église primitive[3], et c’est pour cela que j’en veux parler encore. Je vous prie, mon cher lecteur, de ne point dire que je me répète : car s’il y a deux ou trois pages répétées dans ce Dictionnaire, ce n’est pas ma faute, c’est celle des éditeurs. Je suis malade au mont Krapack, je ne puis pas avoir l’œil à tout. J’ai des associés qui travaillent comme moi à la vigne du Seigneur, qui cherchent à inspirer la paix et la tolérance, l’horreur pour le fanatisme, la persécution, la calomnie, la dureté de mœurs, et l’ignorance insolente.
Je vous dirai, sans me répéter, que j’aime les quakers. Oui, si la mer ne me faisait pas un mal insupportable, ce serait dans ton sein, ô Pensylvanie, que j’irais finir le reste de ma carrière, s’il y a du reste. Tu es située au quarantième degré, dans le climat le plus doux et le plus favorable ; tes campagnes sont fertiles, tes maisons commodément bâties, les habitants industrieux, les manufactures en honneur. Une paix éternelle règne parmi tes citoyens ; les crimes y sont presque inconnus, et il n’y a qu’un seul exemple d’un homme banni du pays. Il le méritait bien : c’était un prêtre anglican qui, s’étant fait quaker, fut indigne de l’être. Ce malheureux fut sans doute possédé du diable, car il osa prêcher l’intolérance : il s’appelait George Keith ; on le chassa ; je ne sais pas où il est allé, mais puissent tous les intolérants aller avec lui !
Aussi de trois cent mille habitants qui vivent heureux chez toi, il y a deux cent mille étrangers. On peut, pour douze guinées, acquérir cent arpents de très-bonne terre ; et dans ces cent arpents on est véritablement roi, car on est libre, on est citoyen ; vous ne pouvez faire de mal à personne, et personne ne peut vous en faire ; vous pensez ce qu’il vous plaît, et vous le dites sans que personne vous persécute ; vous ne connaissez point le fardeau des impôts, continuellement redoublé ; vous n’avez point de cour à faire ; vous ne redoutez point l’insolence d’un subalterne important. Il est vrai qu’au mont Krapack nous vivons à peu près comme vous ; mais nous ne devons la tranquillité dont nous jouissons qu’aux montagnes couvertes de neiges éternelles, et aux précipices affreux qui entourent notre paradis terrestre. Encore le diable quelquefois franchit-il, comme dans Milton, ces précipices et ces monts épouvantables pour venir infecter de son haleine empoisonnée les fleurs de notre paradis. Satan s’était déguisé en crapaud pour venir tromper deux créatures qui s’aimaient. Il est venu une fois chez nous dans sa propre figure pour apporter l’intolérance. Notre innocence a triomphé de toute la fureur du diable[4].
J’ai toujours présumé que la question, la torture avait été inventée par des voleurs[6] qui, étant entrés chez un avare et ne trouvant point son trésor, lui firent souffrir mille tourments jusqu’à ce qu’il le découvrit.
On a dit souvent que la question était un moyen de sauver un coupable robuste, et de perdre un innocent trop faible ; que chez les Athéniens on ne donnait la question que dans les crimes d’État ; que les Romains n’appliquèrent jamais à la torture un citoyen romain pour savoir son secret ;
Que le tribunal abominable de l’Inquisition renouvela ce supplice, et que par conséquent il doit être en horreur à toute la terre ;
Qu’il est aussi absurde d’infliger la torture pour parvenir à la connaissance d’un crime, qu’il était absurde d’ordonner autrefois le duel pour juger un coupable : car souvent le coupable était vainqueur, et souvent le coupable vigoureux et opiniâtre résiste à la question, tandis que l’innocent débile y succombe ;
Que cependant le duel était appelé le jugement de Dieu, et qu’il ne manque plus que d’appeler la torture le jugement de Dieu ;
Que la torture est un supplice plus long et plus douloureux que la mort ; qu’ainsi on punit l’accusé avant d’être certain de son crime, et qu’on le punit plus cruellement qu’en le faisant mourir ;
Que mille exemples funestes ont dû désabuser les législateurs de cet usage affreux ;
Que cet usage est aboli dans plusieurs pays de l’Europe, et qu’on voit moins de grands crimes dans ces pays que dans le nôtre, où la torture est pratiquée.
On demande après cela pourquoi la torture est toujours admise chez les Français, qui passent pour un peuple doux et agréable.
On répond que cet affreux usage subsiste encore parce qu’il est établi ; on avoue qu’il y a beaucoup de personnes douces et agréables en France, mais on nie que le peuple soit humain.
Si on donne la question à des Jacques Clément, à des Jean Chastel, à des Ravaillac, à des Damiens, personne ne murmurera : il s’agit de la vie d’un roi et du salut de tout l’État[7]. Mais que des juges d’Abbeville condamnent à la torture un jeune officier[8] pour savoir quels sont les enfants qui ont chanté avec lui une vieille chanson, qui ont passé devant une procession de capucins sans ôter leur chapeau, j’ose presque dire que cette horreur perpétrée dans un temps de lumières et de paix est pire que les massacres de la Saint-Barthélemy commis dans les ténèbres du fanatisme.
Nous l’avons déjà insinué, et nous voudrions le graver bien profondément dans tous les cerveaux et dans tous les cœurs[9].
L’on compte quatre-vingt-dix-huit ordres monastiques dans l’Église : soixante-quatre qui sont rentés, et trente-quatre qui vivent de quête, « sans aucune obligation, disent-ils, de travailler, ni corporellement ni spirituellement, pour gagner leur vie, mais seulement pour éviter l’oisiveté ; et comme seigneurs directs de tout le monde, et participants à la souveraineté de Dieu en l’empire de l’univers, ils ont droit de vivre aux dépens du public, sans faire que ce qu’il leur plaira ».
Ces propres paroles se lisent dans un livre très-curieux, intitulé les Heureux Succès de la piété ; et les raisons qu’en allègue l’auteur ne sont pas moins convaincantes. « Depuis, dit-il, que le cénobite a consacré à Jésus-Christ le droit de se servir des biens temporels, le monde ne possède plus rien qu’à son refus ; et il voit les royaumes et les seigneuries comme des usages que sa libéralité a laissés en fief. C’est ce qui le rend seigneur du monde, possédant tout par un domaine direct, parce que s’étant rendu une possession de Jésus-Christ par le vœu, et le possédant, il prend aucunement (en quelque manière) part à sa souveraineté. Le religieux a même cet avantage sur le prince qu’il ne lui faut point d’armes pour lever ce que le peuple doit à son exercice : il possède les affections devant que de recevoir les libéralités, et son empire s’étend plus sur les cœurs que sur les biens. »
Ce fut François d’Assise qui, l’an 1209, imagina cette nouvelle manière de vivre de quête ; mais voici ce que porte sa règle[10] : « Les frères à qui Dieu en a donné le talent travailleront fidèlement, en sorte qu’ils évitent l’oisiveté sans éteindre l’esprit d’oraison ; et pour récompense de leur travail ils recevront leurs besoins corporels pour eux et pour leurs frères suivant l’humilité et la pauvreté ; mais ils ne recevront point d’argent. Les frères n’auront rien en propre, ni maison, ni lieu, ni autre chose ; mais, se regardant comme étrangers en ce monde, ils iront avec confiance demander l’aumône. »
Remarquons avec le judicieux Fleury que si les inventeurs des nouveaux ordres mendiants n’étaient pas canonisés pour la plupart, on pourrait les soupçonner de s’être laissé séduire à l’amour-propre, et d’avoir voulu se distinguer par leur raffinement au-dessus des autres. Mais sans préjudice de leur sainteté, on peut librement attaquer leurs lumières ; et le pape Innocent III avait raison de faire difficulté d’approuver le nouvel Institut de Saint-François ; et plus encore le concile de Latran, tenu en 1215, de défendre de nouvelles religions, c’est-à-dire de nouveaux ordres ou congrégations.
Cependant, comme au xiiie siècle l’on était touché des désordres que l’on avait devant les yeux, de l’avarice du clergé, de son luxe, de sa vie molle et voluptueuse qui avait gagné les monastères rentes, l’on fut si frappé de ce renoncement à la possession des biens temporels en particulier et en commun qu’au chapitre général que saint François tint près d’Assise en 1219, où il se trouva plus de cinq mille frères mineurs qui campèrent en rase campagne, ils ne manquèrent de rien par la charité des villes voisines. On voyait accourir de tous les pays les ecclésiastiques, les laïques, la noblesse, le petit peuple, et non-seulement leur fournir les choses nécessaires, mais s’empresser à les servir de leurs propres mains avec une sainte émulation d’humilité et de charité.
Saint François, par son testament, avait fait une défense expresse à ses disciples de demander au pape aucun privilége, et de donner aucune explication à sa règle ; mais quatre ans après sa mort, dans un chapitre assemblé l’an 1230, ils obtinrent du pape Grégoire IX une bulle qui déclare qu’ils ne sont point obligés à l’observation de son testament, et qui explique la règle en plusieurs articles. Ainsi le travail des mains, si recommandé dans l’Écriture et si bien pratiqué par les premiers moines, est devenu odieux ; et la mendicité, odieuse auparavant, est devenue honorable.
Aussi, trente ans après la mort de saint François, on remarquait déjà un relâchement extrême dans les ordres de sa fondation. Nous n’en citerons pour preuve que le témoignage de saint Bonaventure, qui ne peut être suspect. C’est dans la lettre qu’il écrivit en 1257, étant général de l’ordre, à tous les provinciaux et les gardiens. Cette lettre est dans ses Opuscules, tome II, page 352. Il se plaint de la multitude des affaires pour lesquelles ils requéraient de l’argent, de l’oisiveté de divers frères, de leur vie vagabonde, de leurs importunités à demander, des grands bâtiments qu’ils élevaient, enfin de leur avidité des sépultures et des testaments. Saint Bonaventure n’est pas le seul qui se soit élevé contre ces abus, puisque M. Camus, évêque de Belley, observe que le seul ordre des minoritains a souffert plus de vingt-cinq réformes en quatre cents ans. Disons un mot sur chacun de ces griefs, que tant de réformes n’ont pu déraciner encore.
Les frères mendiants, sous prétexte de charité, se mêlaient de toutes sortes d’affaires publiques et particulières. Ils entraient dans le secret des familles, et se chargeaient de l’exécution des testaments ; ils prenaient des députations pour négocier la paix entre les villes et les princes. Les papes surtout leur donnaient volontiers des commissions, comme à des gens sans conséquence, qui voyageaient à peu de frais, et qui leur étaient entièrement dévoués ; ils les employaient même quelquefois à des levées de deniers.
Mais une chose plus singulière encore, c’est le tribunal de l’Inquisition, dont ils se chargèrent. On sait que dans ce tribunal odieux il y a capture de criminels, prison, torture, condamnations, confiscations, peines infamantes et fort souvent corporelles par le bras séculier. Il est sans doute bien étrange de voir des religieux, faisant profession de l’humilité la plus profonde et de la pauvreté la plus exacte, transformés tout d’un coup en juges criminels, ayant des appariteurs et des familiers armés, c’est-à-dire des gardes et des trésors à leur disposition, se rendant ainsi terribles à toute la terre.
Nous glissons sur le mépris du travail des mains, qui attire l’oisiveté chez les mendiants comme chez les autres religieux. De là cette vie vagabonde que saint Bonaventure reproche à ses frères, lesquels, dit-il, sont à charge à leurs hôtes, et scandalisent au lieu d’édifier. Leur importunité à demander fait craindre leur rencontre comme celle des voleurs. En effet, cette importunité est une espèce de violence à laquelle peu de gens savent résister, surtout à l’égard de ceux dont l’habit et la profession ont attiré du respect ; et d’ailleurs c’est une suite naturelle de la mendicité, car enfin il faut vivre. D’abord la faim et les autres besoins pressants font vaincre la pudeur d’une éducation honnête ; et quand une fois on a franchi cette barrière, on se fait un mérite et un honneur d’avoir plus d’industrie qu’un autre à attirer les aumônes.
La grandeur et la curiosité des bâtiments, ajoute le même saint, incommodent nos amis qui fournissent à la dépense, et nous exposent aux mauvais jugements des hommes. Ces frères, dit aussi Pierre Desvignes, qui dans la naissance de leur religion semblaient fouler aux pieds la gloire du monde, reprennent le faste qu’ils ont quitté ; n’ayant rien, ils possèdent tout, et sont plus riches que les riches mêmes. On connaît ce mot de Dufresny à Louis XIV : « Sire, je ne regarde jamais le nouveau Louvre sans m’écrier : Superbe monument de la magnificence d’un des plus grands rois qui de son nom ait rempli la terre, palais digne de nos monarques, vous seriez achevé si l’on vous avait donné à l’un des quatre ordres mendiants pour tenir ses chapitres et loger son général. »
Quant à leur avidité des sépultures et des testaments, Matthieu Paris l’a peinte en ces termes : Ils sont soigneux d’assister à la mort des grands, au préjudice des pasteurs ordinaires ; ils sont avides de gain, et extorquent des testaments secrets ; ils ne recommandent que leur ordre, et le préfèrent à tous les autres. Sauval rapporte aussi qu’en 1502 Gilles Dauphin, général des cordeliers, en considération des bienfaits que son ordre avait reçus de messieurs du parlement de Paris, envoya aux présidents, conseillers et greffiers, la permission de se faire enterrer en habit de cordelier. L’année suivante il gratifia d’un semblable brevet les prévôts des marchands et échevins, et les principaux officiers de la ville. Il ne faut pas regarder cette permission comme une simple politesse, s’il est vrai que saint François fait régulièrement chaque année une descente en purgatoire pour en tirer les âmes de ceux qui sont morts dans l’habit de son ordre, comme l’assuraient ces religieux.
Voici un trait à ce sujet qui ne sera pas hors de propos. L’Estoile, dans ses Mémoires, année 1577, raconte qu’une fille fort belle, déguisée en homme, et qui se faisait appeler Antoine, fut découverte et prise dans le couvent des cordeliers de Paris. Elle servait, entre autres, frère Jacques Berson, qu’on appelait l’enfant de Paris, et le cordelier aux belles mains. Ces révérends Pères disaient tous qu’ils croyaient que c’était un vrai garçon. Elle en fut quitte pour le fouet, qui fut un grand dommage à la chasteté de cette fille qui se disait mariée, et qui par dévotion avait servi dix ou douze ans ces bons religieux, sans jamais avoir été intéressée en son honneur. Peut-être croyait-elle s’exempter, après la mort, d’un long séjour en purgatoire ; c’est ce que L’Estoile ne dit pas.
Le même évêque de Belley, que nous avions déjà cité, prétend qu’un seul ordre de mendiants coûte par an trente millions d’or pour le vêtement et la nourriture de ses moines, sans compter l’extraordinaire ; de sorte qu’il n’y a point de prince catholique qui lève tant sur ses sujets, que les cénobites mendiants qui sont dans ses États exigent de ses peuples. Que sera-ce si on y ajoute les trente-trois autres ordres ? On verra, dit-il, que les trente-quatre ensemble tirent plus des peuples chrétiens que les soixante-quatre de cénobites rentés ni tous les autres ecclésiastiques n’ont de bien. Avouons que c’est beaucoup dire.
Il vous importe fort peu, mon cher lecteur, qu’une des plus violentes persécutions excitées au xvie siècle contre Ramus ait eu pour objet la manière dont on devait prononcer quisquis et quanquam.
Cette grande dispute partagea longtemps tous les régents de collége et tous les maîtres de pension du xvie siècle ; mais elle est assoupie aujourd’hui, et probablement ne se réveillera pas.
Voulez-vous apprendre[12] si « M. Gallandius Torticolis passait M. Ramus son ennemi en l’art oratoire, ou si M. Ramus passait M. Gallandius Torticolis », vous pourrez vous satisfaire en consultant Thomas Freigius, in vita Rami[13] : car Thomas Freigius est un auteur qui peut être utile aux curieux, quoi qu’en dise Banosius.
Mais que ce Ramus ou La Ramée, fondateur d’une chaire de mathématiques au Collége royal de Paris, bon philosophe dans un temps où l’on ne pouvait guère en compter que trois, Montaigne, Charron, et de Thou l’historien ; que ce Ramus, homme vertueux dans un siècle de crimes, homme aimable dans la société, et même, si on veut, bel esprit ; qu’un tel homme, dis-je, ait été persécuté toute sa vie, qu’il ait été assassiné par des professeurs et des écoliers de l’Université ; qu’on ait traîné les lambeaux de son corps sanglant aux portes de tous les colléges, comme une juste réparation faite à la gloire d’Aristote ; que cette horreur, dis-je encore, ait été commise à l’édification des âmes catholiques et pieuses ! ô Français ! avouez que cela est un peu welche.
On me dit que depuis ces temps les choses sont bien changées, en Europe, que les mœurs se sont adoucies, qu’on ne persécute plus les gens jusqu’à la mort. Quoi donc ! n’avons-nous pas déjà observé[14] dans ce Dictionnaire que le respectable Barneveldt, le premier homme de la Hollande, mourut sur l’échafaud pour la plus folle et la plus impertinente dispute qui ait jamais troublé les cerveaux théologiques ?
Que le procès criminel du malheureux Théophile n’eut sa source que dans quatre vers d’une ode que les jésuites Garasse et Voisin lui imputèrent, qu’ils le poursuivirent avec la fureur la plus violente et les artifices les plus noirs, qu’ils le firent brûler en effigie[15] ?
Que de nos jours cet autre procès de la Cadière ne fut intenté que par la jalousie d’un jacobin contre un jésuite qui avait disputé avec lui sur la grâce ?
Qu’une misérable querelle de littérature dans un café fut la première origine de ce fameux procès de Jean-Baptiste Rousseau le poëte ; procès dans le quel un philosophe innocent fut sur le point de succomber par des manœuvres bien criminelles ?
N’avons-nons pas vu l’abbé Guyot-Desfontaines dénoncer le pauvre abbé Pellegrin comme auteur d’une pièce de théâtre, et lui faire ôter la permission de dire la messe, qui était son gagne-pain ?
Le fanatique Jurieu ne persécuta-t-il pas sans relâche le philosophe Pierre Bayle ; et, lorsqu’il fut parvenu enfin à le faire dépouiller de sa pension et de sa place, n’eut-il pas l’infamie de le persécuter encore ?
Le théologien Lange n’accusa-t-il pas Wolf, non-seulement de ne pas croire en Dieu, mais encore d’avoir insinué dans son cours de géométrie qu’il ne fallait pas s’enrôler au service du second roi de Prusse ? Et sur cette belle délation, le roi ne donna-t-il pas au vertueux Wolf le choix de sortir de ses États dans vingt-quatre heures, ou d’être pendu ? Enfin, la cabale jésuitique ne voulut-elle pas perdre Fontenelle ?
Je vous citerais cent exemples des fureurs de la jalousie pédantesque ; et j’ose maintenir, à la honte de cette indigne passion, que si tous ceux qui ont persécuté les hommes célèbres ne les ont pas traités comme les gens de collége traitèrent Ramus, c’est qu’ils ne l’ont pas pu.
C’est surtout dans la canaille de la littérature et dans la fange de la théologie que cette passion éclate avec le plus de rage.
Nous allons, mon cher lecteur, vous en donner quelques exemples.
Le catalogue de ces persécutions serait bien long ; il faut se borner.
Le premier qui éleva l’orage contre le très-estimable et très-regretté Helvétius fut un petit convulsionnaire[16].
Si ce malheureux avait été un véritable homme de lettres, il aurait pu relever avec honnêteté les défauts du livre.
Il aurait pu remarquer que ce mot esprit, étant seul, ne signifie pas l’entendement humain, titre convenable au livre de Locke ; qu’en français le mot esprit ne veut dire ordinairement que pensée brillante. Ainsi la manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit signifie, dans le titre de ce livre, la manière de mettre de la justesse dans les ouvrages agréables, dans les ouvrages d’imagination. Le titre Esprit, sans aucune explication, pouvait donc paraître équivoque ; et c’était assurément une bien petite faute.
Ensuite, en examinant ce livre, on aurait pu observer :
Que ce n’est point parce que les singes ont les mains différentes de nous qu’ils ont moins de pensées[17], car leurs mains sont comme les nôtres ;
Qu’il n’est pas vrai que l’homme soit l’animal le plus multiplié sur la terre[18] car dans chaque maison il y a deux ou trois mille fois plus de mouches que d’hommes ;
Qu’il est faux que du temps de Néron on se plaignit de la doctrine de l’autre monde nouvellement introduite, laquelle énervait les courages[19] : car cette doctrine était introduite depuis longtemps[20] ;
Qu’il est faux que les mots nous rappellent des images ou des idées[21] : car les images sont des idées ; il fallait dire des idées simples ou composées ;
Qu’il est faux que la Suisse ait à proportion plus d’habitants que la France et l’Angleterre[22] ;
Qu’il est faux que le mot de libre soit le synonyme d’éclairé[23] : lisez le chapitre de Locke sur la puissance ;
Qu’il est faux que les Romains aient accordé à César, sous le nom d’imperator, ce qu’ils lui refusaient sous le nom de rex[24] : car ils le créèrent dictateur perpétuel, et quiconque avait gagné une bataille était imperator ; Cicéron était imperator ;
Qu’il est faux que la science ne soit que le souvenir des idées d’autrui[25], car Archimède et Newton inventaient ;
Qu’il est faux autant que déplacé de dire que la Lecouvreur et Ninon aient eu autant d’esprit qu’Aristote et Solon[26] : car Solon fit des lois, Aristote quelques livres excellents, et nous n’avons rien de ces deux demoiselles ;
Qu’il est faux de conclure que l’esprit soit le premier des dons, de ce que l’envie permet à chacun d’être le panégyriste de sa probité, et qu’il n’est pas permis de vanter son esprit[27] : car, premièrement, il n’est permis de parler de sa probité que quand elle est attaquée ; secondement, l’esprit est un ornement dont il est impertinent de se vanter, et la probité une chose nécessaire dont il est abominable de manquer ;
Qu’il est faux que l’on devienne stupide dès qu’on cesse d’être passionné[28] : car, au contraire, une passion violente rend l’âme stupide sur tous les autres objets ;
Qu’il est faux que tous les hommes soient nés avec les mêmes talents[29] : car dans toutes les écoles des arts et des sciences, tous ayant les mêmes maîtres, il y en a toujours très-peu qui réussissent ;
Qu’enfin, sans aller plus loin, cet ouvrage, d’ailleurs estimable, est un peu confus, qu’il manque de méthode, et qu’il est gâté par des contes indignes d’un livre de philosophie.
Voilà ce qu’un véritable homme de lettres aurait pu remarquer. Mais de crier au déisme et à l’athéisme tout à la fois, de recourir indignement à ces deux accusations contradictoires ; de cabaler pour perdre un homme d’un très-grand mérite, pour le dépouiller, lui et son approbateur, de leurs charges ; de solliciter contre lui non-seulement la Sorbonne, qui ne peut faire aucun mal par elle-même, mais le Parlement, qui en pouvait faire beaucoup, ce fut la manœuvre la plus lâche et la plus cruelle : et c’est ce qu’ont fait deux ou trois hommes pétris de fanatisme, d’orgueil et d’envie[30].
Lorsque l’Esprit des lois parut, le gazetier ecclésiastique ne manqua pas de gagner de l’argent, ainsi que nous l’avons déjà remarqué[31], en accusant dans deux feuilles absurdes le président de Montesquieu d’être déiste et athée. Sous un autre gouvernement, Montesquieu eût été perdu ; mais les feuilles du gazetier, qui, à la vérité, furent bien vendues, parce qu’elles étaient calomnieuses, lui valurent aussi les sifflets et l’horreur du public.
Un ex-jésuite, nommé Patouillet, s’avisa de faire, en 1764, un mandement sous le nom d’un prélat, dans lequel il accusait encore deux hommes de lettres connus d’être déistes et athées, selon la louable coutume de ces messieurs. Mais comme ce mandement attaquait aussi tous les parlements du royaume, et que d’ailleurs il était écrit d’un style de collége, il ne fut guère connu que du procureur général, qui le déféra, et du bourreau, qui le brûla.
Quelques écrivains avaient entrepris un Journal chrétien, comme si les autres journaux étaient idolâtres. Ils vendaient leur christianisme vingt sous par mois, ensuite ils le proposèrent à quinze, il tomba à douze, puis disparut à jamais. Ces bonnes gens avaient, en 1760, renouvelé l’accusation ordinaire de déisme et d’athéisme contre M. de Saint-Foix, à l’occasion de quelques faits très-vrais, rapportés dans les Essais sur Paris. Ils trouvèrent cette fois-là dans l’auteur qu’ils attaquaient un homme qui se défendait mieux que Ramus : il leur fit un procès criminel au Châtelet. Ces chrétiens furent obligés de se rétracter, après quoi ils restèrent dans leur néant[32].
Un autre ex-jésuite, nommé Nonotte, dont nous avons quelquefois dit deux mots pour le faire connaître, fit encore la même manœuvre en deux volumes, et répéta les accusations de déisme et d’athéisme contre un homme assez connu. Sa grande preuve était que cet homme avait, cinquante ans auparavant, traduit dans une tragédie deux vers de Sophocle, dans lesquels il est dit que les prêtres païens s’étaient souvent trompés[33]. Nonotte envoya son livre à Rome au secrétaire des brefs : il espérait un bénéfice, et n’en eut point ; mais il obtint l’honneur inestimable de recevoir une lettre du secrétaire des brefs.
C’est une chose plaisante que tous ces dogues attaqués de la rage aient encore de la vanité. Ce Nonotte, régent de collége et prédicateur de village, le plus ignorant des prédicateurs, avait imprimé, dans son libelle, que Constantin fut en effet très-doux et très-honnête dans sa famille ; qu’en conséquence le Labarum s’était fait voir à lui dans le ciel ; que Dioclétien avait passé toute sa vie à massacrer des chrétiens pour son plaisir, quoiqu’il les eût protégés sans interruption pendant dix-huit années ; que Clovis ne fut jamais cruel ; que les rois de ce temps-là n’eurent jamais plusieurs femmes à la fois ; que les confessionaux furent en usage dès les premiers siècles de l’Église ; que ce fut une action très-méritoire de faire une croisade contre le comte de Toulouse, de lui donner le fouet, et de le dépouiller de ses États.
M. Damilaville daigna relever les erreurs de Nonotte[34], et l’avertit qu’il n’était pas poli de dire de grosses injures, sans aucune raison, à l’auteur de l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations ; qu’un critique est obligé d’avoir toujours raison, et que Nonotte avait trop rarement observé cette loi.
Comment ! s’écrie Nonotte, je n’aurais pas toujours raison, moi qui suis jésuite, ou qui du moins l’ai été ! Je pourrais me tromper, moi qui ai régenté en province, et qui même ai prêché ! Et voilà Nonotte qui fait encore un gros livre, pour prouver à l’univers que, s’il s’est trompé, c’est sur la foi de quelques jésuites ; que par conséquent on doit le croire. Et il entasse, il entasse bévue sur bévue, pour se plaindre à l’univers du tort qu’on lui fait, pour éclairer l’univers très-peu instruit de la vanité de Nonotte et de ses erreurs.
Tous ces gens-là trouvent toujours mauvais qu’on ose se défendre contre eux. Ils ressemblent au Scaramouche de l’ancienne comédie italienne, qui volait un rabat de point à Mezzetin : celui-ci déchirait un peu le rabat en se défendant ; et Scaramouche lui disait : « Comment ! insolent, vous me déchirez mon rabat ! »
Une autre lumière de collége, un nommé Larcher, pouvait, sans être un méchant homme, faire un méchant livre de critique, dans lequel il semble inviter toutes les belles dames de Paris à venir coucher pour de l’argent dans l’Église Notre-Dame, avec tous les rouliers et tous les bateliers, et cela par dévotion. Il prétend que les jeunes Parisiens sont fort sujets à la sodomie : il cite pour son garant un auteur grec son favori. Il s’étend avec complaisance sur la bestialité ; et il se fâche sérieusement de ce que dans un errata de son livre on a mis par mégarde : « Bestialité, lisez bêtise[35]. »
Mais ce même Larcher commence son livre comme ceux de ses confrères, par vouloir faire brûler l’abbé Bazin. Il l’accuse de déisme et d’athéisme pour avoir dit que les fléaux qui affligent la nature viennent tous de la Providence. Et après cela M. Larcher est tout étonné qu’on se soit moqué de lui.
À présent que toutes les impostures de ces messieurs sont reconnues, que les délateurs en fait de religion sont devenus l’opprobre du genre humain ; que leurs livres, s’ils trouvent deux ou trois lecteurs, n’excitent que la risée ; c’est une chose divertissante de voir comment tous ces gens-là s’imaginent que l’univers a les yeux sur eux ; comme ils accumulent brochures sur brochures, dans lesquelles ils prennent à témoin tout le public de leurs innombrables efforts pour inspirer les bonnes mœurs, la modération et la piété.
On a remarqué que tous ces écrivains subalternes de libelles diffamatoires sont un composé d’ignorance, d’orgueil, de méchanceté et de démence. Une de leurs folies est de parler toujours d’eux-mêmes, eux qui par tant de raisons sont forcés de se cacher.
Un des plus inconcevables héros de cette espèce est un certain Langleviel de La Beaumelle, qui atteste tout le public qu’on a mal orthographié son nom. Je m’appelle Langleviel et non pas Langlevieux, dit-il dans une de ses immortelles productions : donc tout ce qu’on me reproche est faux, et ne peut porter sur moi.
Dans une autre lettre, voici comme il parle à l’univers attentif : « Le six du même mois parut mon ode : on la trouva très-belle, et elle l’était pour Copenhague où je l’envoyai, et autant pour Berlin, où il y a peut-être moins de goût qu’à Copenhague. J’avais le projet de faire imprimer les classiques français ; mais j’en fus détourné le 27 janvier par une aventure de galanterie qui eut des suites funestes. Je fus volé par le capitaine Cocchius, dont la femme m’avait fait des agaceries à l’opéra. Je fus condamné sans avoir été interrogé ni confronté, et je fus conduit à Spandau. J’écrivis au roi. Je crois que Darget supprima mes lettres. Il écrivit à l’ingénieur Lefebvre qu’on ne cherchait qu’à me jouer un mauvais tour. Vous voyez que Darget ne me disait pas bien finement que son maître avait des impressions fâcheuses contre moi. »
Hé, pauvre homme ! qui dans le monde peut s’embarrasser si tu as donné une galanterie à Mme Cocchius, ou si Mme Cocchius te l’a donnée ? qu’importe que tu aies été volé par M. Cocchius, ou que tu l’aies volé ? qu’importe que Darget se soit moqué de toi ? qui saura jamais qu’un natif des Cévennes ait fait une ode à Copenhague ?
On retrouve partout la mouche d’Ésope, qui, du fond d’un char, dans un chemin sablonneux, s’écriait : « Que j’élève de poussière ! »
L’orgueil des petits consiste à parler toujours de soi : l’orgueil des grands est de n’en jamais parler. Ce dernier orgueil est infiniment plus noble ; mais il est quelquefois un peu insultant pour la compagnie. Il veut dire : Messieurs, vous ne valez pas la peine que je cherche à être estimé de vous.
Tout homme a de l’orgueil ; tout homme est sensible. Le plus habile est celui qui sait le mieux cacher son jeu.
Il y a un cas où l’on est malheureusement obligé de parler de soi, et même très-longtemps : c’est quand on a un procès. Alors il faut bien instruire ses juges : c’est un devoir de leur donner bonne opinion de vous. Cicéron, en plaidant pro domo sua, fut obligé de rappeler ses services à la république ; Démosthène avait été réduit à la même nécessité dans sa harangue contre Eschine. Hors de là, taisez-vous, et ne faites parler que votre mérite si vous en avez.
La mère du maréchal de Villars disait à son fils : « Ne parlez jamais de vous qu’au roi, et de votre femme à personne. »
On pardonne à un tailleur qui vous apporte votre habit de vouloir vous persuader qu’il est un très-bon ouvrier : sa fortune dépend de l’opinion qu’il vous inspire.
Il était permis à de Belloy de vanter un peu les vers durs et mal faits de son Siége de Calais : toute son existence était fondée sur cette pièce, aussi insipide qu’éblouissante. Si Racine avait parlé ainsi d’Iphigénie, il aurait révolté les lecteurs.
C’est presque toujours par orgueil qu’on attaque de grands noms. La Beaumelle, dans un de ses libelles[36], insulte MM. d’Erlach, de Sinner, de Diesbach, de Vatteville, etc., et il s’en justifie en disant que c’est un ouvrage de politique. Mais dans ce même libelle, qu’il appelle son livre de politique, il dit en propres mots[37] : « Une république fondée par Cartouche aurait eu de plus sages lois que la république de Solon. » Quel respect cet homme a pour les voleurs !
«[38]Le roi de Prusse ne tient son sceptre que de l’abus que l’empereur a fait de sa puissance, et de la lâcheté des autres princes. » Quel juge des rois et des royaumes !
«[39]Pourquoi aurions-nous de l’horreur du régicide de Charles Ier ? il serait mort aujourd’hui. » Quelle raison, ou plutôt quelle exécrable démence ! Sans doute il serait mort aujourd’hui, puisque cet horrible parricide fut commis en 1649. Ainsi donc il ne faut pas, selon Langleviel, détester Ravaillac, parce que le grand Henri IV fut assassiné en 1610.
«[40]Cromwell et Richelieu se ressemblent. » Cette ressemblance est difficile à trouver ; mais la folie atroce de l’auteur est aisée à reconnaître.
Il parle de MM. de Maurepas, Chauvelin, Machault, Berrier, en les nommant par leurs noms sans y mettre le monsieur, et il en parle avec un ton d’autorité qui fait rire.
Ensuite il fit le roman des Mémoires de madame de Maintenon, dans lequel il outrage les maisons de Noailles, de Richelieu, tous les ministres de Louis XIV, tous les généraux d’armée ; sacrifiant toujours la vérité à la fiction, pour l’amusement des lecteurs.
Ce qui paraît son chef-d’œuvre en ce genre, c’est sa réponse à un de nos écrivains[41], qui avait dit en parlant de la France :
« Je défie qu’on me montre aucune monarchie sur la terre dans laquelle les lois, la justice distributive, et les droits de l’humanité, aient été moins foulés aux pieds. »
Voici comme ce monsieur réfute cette assertion, qui est de la plus exacte vérité :
« Je ne puis relire ce passage sans indignation, quand je me rappelle toutes les injustices générales et particulières que commit le feu roi. Quoi ! Louis XIV était juste quand il ramenait tout à lui-même, quand il oubliait (et il l’oubliait sans cesse) que l’autorité n’était confiée à un seul que pour la félicité de tous ? Était-il juste quand il armait cent mille hommes[42] pour venger l’affront fait par un fou[43] à un de ses ambassadeurs ; quand, en 1667, il déclarait la guerre à l’Espagne pour agrandir ses États, malgré la légitimité d’une renonciation solennelle et libre[44] ; quand il envahissait la Hollande uniquement pour l’humilier ; quand il bombardait Gênes pour la punir de n’être pas son alliée[45] ; quand il s’obstinait à ruiner totalement la France pour placer un de ses petits-fils sur un trône étranger[46] ?
« Était-il juste, respectait-il les lois, était-il plein des droits de l’humanité quand il écrasait son peuple d’impôts[47] ; quand, pour soutenir des entreprises imprudentes, il imaginait mille nouvelles espèces de tributs, telles que le papier marqué, qui excita une révolte à Rennes et à Bordeaux ; quand, en 1691[48], il abîmait par quatre-vingts édits bursaux quatre-vingt mille familles ; quand, en 1692[49], il extorquait l’argent de ses sujets par cinquante-cinq édits ; quand, en 1693[50], il épuisait leur patience et appauvrissait leur misère par soixante autres ?
« Protégeait-il les lois, observait-il la justice distributive, respectait-il les droits de l’humanité, faisait-il de grandes choses pour le bien public, mettait-il la France au-dessus de toutes les monarchies de la terre, quand, pour abattre par les fondements un édit accordé au cinquième de la nation, il surseyait, en 1676, pour trois ans les dettes des prosélytes[51] ? »
Ce n’est pas le seul endroit où ce monsieur insulte avec brutalité à la mémoire d’un de nos grands rois, et qui est si chère à son successeur. Il a osé dire ailleurs que Louis XIV avait empoisonné le marquis de Louvois son ministre[52] ; que le régent avait empoisonné la famille royale[53], et que le père du prince de Condé d’aujourd’hui avait fait assassiner Vergier ; que la maison d’Autriche a des empoisonneurs à gages.
Une fois, il s’est avisé de faire le plaisant dans une brochure contre l’Histoire de Henri IV[54]. Quelle plaisanterie !
« Je lis avec un charme infini, dans l’Histoire du Mogol[55], que le petit-fils de Sha-Abas fut bercé pendant sept ans par des femmes, qu’ensuite il fut bercé pendant huit ans par des hommes ; qu’on l’accoutuma de bonne heure à s’adorer lui-même et à se croire formé d’un autre limon que ses sujets ; que tout ce qui l’environnait avait ordre de lui épargner le pénible soin d’agir, de penser, de vouloir, et de le rendre inhabile à toutes les fonctions du corps et de l’âme ; qu’en conséquence un prêtre le dispensait de la fatigue de prier de sa bouche le grand Être ; que certains officiers étaient préposés pour lui mâcher noblement, comme dit Rabelais, le peu de paroles qu’il avait à prononcer ; que d’autres lui tâtaient le pouls trois ou quatre fois le jour comme à un agonisant ; qu’à son lever, qu’à son coucher, trente seigneurs accouraient, l’un pour lui dénouer l’aiguillette, l’autre pour le déconstiper, celui-ci pour l’accoutrer d’une chemise, celui-là pour l’armer d’un cimeterre, chacun pour s’emparer du membre dont il avait la surintendance. Ces particularités me plaisent, parce qu’elles me donnent une idée nette du caractère des Indiens, et d’ailleurs elles me font assez entrevoir celui du petit-fils de Sha-Abas, pour me dispenser de lire tant d’épais volumes que les Indiens ont écrits sur les faits et gestes de cet empereur automate. »
Cet homme est bien mal instruit de l’éducation des princes mogols. Ils sont à trois ans entre les mains des eunuques, et non entre les mains des femmes. Il n’y a point de seigneurs à leur lever et à leur coucher ; on ne leur dénoue point l’aiguillette. On voit assez qui l’auteur veut désigner. Mais reconnaîtra-t-on à ce portrait le fondateur des Invalides, de l’Observatoire, de Saint-Cyr ; le protecteur généreux d’une famille royale infortunée ; le conquérant de la Franche-Comté, de la Flandre française, le fondateur de la marine, le rémunérateur éclairé de tous les arts utiles ou agréables ; le législateur de la France qui reçut son royaume dans le plus horrible désordre, et qui le mit au plus haut point de la gloire et de la grandeur ; enfin le roi que don Ustariz, cet homme d’État si estimé, appelle un homme prodigieux, malgré des défauts inséparables de la nature humaine ?
Y reconnaîtra-t-on le vainqueur de Fontenoy et de Laufeldt, qui donna la paix à ses ennemis étant victorieux ; le fondateur de l’École militaire, qui, à l’exemple de son aïeul, n’a jamais manqué de tenir son conseil ? Où est ce petit-fils automate de Sha-Abas ?
Qui ne voit la délicate allusion de ce brave homme, ainsi que la profonde science de ce grand écrivain ? Il croit que Sha-Abas était un Mogol, et c’était un Persan de la race des Sophi. Il appelle au hasard son petit-fils automate ; et ce petit-fils était Abas, second fils de Saïn-Mirza, qui remporta quatre victoires contre les Turcs, et qui fit ensuite la guerre aux Mogols.
C’est ainsi que ce pauvre homme a écrit tous ses libelles ; c’est ainsi qu’il fit le pitoyable roman de Madame de Maintenon, parlant d’ailleurs de tout à tort et à travers, avec une suffisance qui ne serait pas permise au plus savant homme de l’Europe.
De quelle indignation n’est-on pas saisi quand on voit un misérable échappé des Cévennes, élevé par charité, et souillé des actions les plus infâmes, oser parler ainsi des rois, s’emporter jusqu’à une licence si effrénée, abuser à ce point du mépris qu’on a pour lui, et de l’indulgence qu’on a eue de ne le condamner qu’à six mois de cachot !
On ne sait pas combien de telles horreurs font tort à la littérature. C’est là pourtant ce qui lui attire des entraves rigoureuses. Ce sont ces abominables libellistes, dignes de la potence, qui font qu’on est si difficile sur les bons livres.
Il vient de paraître un de ces ouvrages de ténèbres[56], où, depuis le monarque jusqu’au dernier citoyen, tout le monde est insulté avec fureur ; où la calomnie la plus atroce et la plus absurde distille un poison affreux sur tout ce qu’on respecte et qu’on aime. L’auteur s’est dérobé à l’exécration publique[57], mais La Beaumelle s’y est offert.
Puissent les jeunes fous qui seraient tentés de suivre de tels exemples, et qui, sans talents et sans science, ont la rage d’écrire, sentir à quoi une telle frénésie les expose ! On risque la corde si on est connu ; et si on ne l’est pas, on vit dans la fange et dans la crainte. La vie d’un forçat est préférable à celle d’un faiseur de libelles : car l’un peut avoir été condamné injustement aux galères, et l’autre les mérite.
Que tous ceux qui sont tentés d’écrire de telles infamies se disent : Il n’y a point d’exemple qu’un libelle ait fait le moindre bien à son auteur : jamais on ne recueillit de profit ni de gloire dans cette carrière honteuse. De tous ces libelles contre Louis XIV, il n’en est pas un seul aujourd’hui qui soit un livre de bibliothèque, et qui ne soit tombé dans un oubli profond. De cent combats meurtriers livrés dans une guerre, et dont chacun semblait devoir décider du destin d’un État, il en est à peine trois ou quatre qui laissent un long souvenir ; les événements tombent les uns sur les autres, comme les feuilles dans l’automne pour disparaître sur la terre ; et un gredin voudrait que son libelle obscur demeurât dans la mémoire des hommes ! Le gredin vous répond : On se souvient des vers d’Horace contre Pantolabus, contre Nomentanus, et de ceux de Boileau contre Cotin et l’abbé de Pure. On réplique au gredin : Ce ne sont point là des libelles ; si tu veux mortifier tes adversaires, tâche d’imiter Boileau et Horace ; mais quand tu auras un peu de leur bon sens et de leur génie, tu ne feras plus de libelles.
Langleviel n’est pas le nom du personnage qui est l’objet de cet article ; il se nomme Angliviel, et s’est surnommé de La Beaumelle pour les causes ci-après.
Feu M. d’Avéjan, évêque d’Alais, y fonda un collége de vingt-cinq bourses pour vingt-cinq jeunes gens fils de père ou de mère protestants, afin de les faire élever dans la religion catholique. N... Angliviel a été de ce nombre. Il était fils d’un soldat irlandais qui s’était marié à Valerogues[59], gros bourg du diocèse d’Alais, avec une protestante ; et voilà pourquoi son fils, qu’il avait laissé orphelin en bas âge, fut du nombre de ces vingt-cinq, monsieur l’évêque ne voulant pas lui laisser sucer avec le lait les erreurs de sa mère. Il fit de bonnes études dans ce collége, qui était alors très-bien composé. Il s’y distingua par quelques prix qu’il eut, et plus encore par de petites friponneries. M. Puech en était alors principal. C’était de son nom qu’étaient signées les petites marques de distinction qu’on donne aux écoliers, et qu’on appelle exemptions. M. Puech en avait signé à la fois plusieurs mains ; la feuille en contenait soixante-quatre ; le sieur Angliviel en vola quelques mains, et les vendit aux écoliers à deux ou trois sous la pièce. Ces mains de papier étant épuisées, et ce commerce étant très-lucratif, ledit sieur en vola d’autres, ou les acheta chez l’imprimeur. La signature de M. Puech y manquait ; ce ne fut pas un obstacle ; elle fut si parfaitement imitée que M. Puech lui-même y fut trompé, et le trafic alla son train. Cette adresse inspira de nouvelles idées audit Angliviel. Il se servit de cette signature pour avoir chez le nommé Portalier, pâtissier, de quoi déjeuner avec friandise durant un certain temps. Cela fut enfin découvert, et Angliviel, qui venait de finir sa rhétorique, fut chassé honteusement du collége, quoiqu’il dût y rester encore deux ans. C’était en 1744 ou 1745, je ne peux assigner l’époque précise. Alors Angliviel fit entendre à sa mère protestante que c’était parce qu’il avait paru faire sa première communion à la catholique, malgré lui, qu’on l’avait renvoyé. La mère, pénétrée d’un zèle pour le calvinisme que la persécution échauffait encore dans ce temps-là, lui fournit les moyens de s’expatrier et d’aller à Genève, où il pourrait devenir ministre du saint Évangile. Angliviel partit ; mais comme il se croyait déjà quelque chose, il s’imagina que le gouvernement avait les yeux ouverts sur lui, vu le lieu, l’objet et le genre de son éducation ; et conséquemment il prit le nom de La Beaumelle pour se dérober à des recherches qu’on n’avait pas envie de faire. À Genève, Angliviel se lia avec M. Baulacre, qui en était alors bibliothécaire. Mlle Baulacre, sa nièce, avait une petite société de veillée dans la cour du collége. La Beaumelle y fut admis ; et dans une conversation de femmes, il eut de quoi savoir la chronique scandaleuse de Genève : c’était plus qu’il n’en fallait pour alimenter sa malignité naturelle ; mais il fallait, avant tout, se faire un nom. Voici comme il s’y prit. M. de La Visclède, secrétaire perpétuel de l’académie de Marseille, venait de faire une Ode sur la mort, qui avait été couronnée aux jeux floraux ; il ne s’était point fait connaître. La Beaumelle s’en procura une copie ; il la fit imprimer en placard et en in-8o, chez Duvillard, la dédia à M. Lullin, alors professeur d’histoire ecclésiastique, et jouit de la gloire d’être, à vingt-un ans environ, auteur d’une ode où il y avait de bonnes strophes. Cette célébrité lui plut ; mais il fallait se donner le plaisir de la satire[60]. En conséquence, d’après ce qu’il avait recueilli des médisances féminines, il composa un catalogue de livres dans lequel il déchira tout Genève. Je ne me souviens que d’un article, et le voici : le Mauvais Ménage, opéra-comique, par monsieur et madame Gallatin. Tous les autres étaient dans ce goût. Cela fut su ; il lui honni, s’intrigua, alla en Danemark, etc., etc., etc.
Je ne peux plus répondre de la vérité des faits qui ont suivi cette époque.
- ↑ Dans l’édition de Kehl cet article était divisé en trois sections. La première se composait des ire et iie Lettres sur les Anglais (voyez les Mélanges, année 1734). La seconde section comprenait les iiie et ive de ces mêmes Lettres (voyez Mélanges, année 1734). Enfin la troisième section était formée de l’article qu’on lit ici, et qui est la réimpression entière de celui qui était dans les Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.) — Voyez aussi la note, tome XIX, page 343.
- ↑ Biord, évêque d’Annecy, qui persécuta Voltaire (voyez Fanatisme, section iii), était fils d’un maçon.
- ↑ Voyez la subdivision de l’article Église, tome XVIII, page 498.
- ↑ Ceci fait sans doute allusion à la persécution que voulut exciter Biord, évêque d’Annecy, dont il est parlé ailleurs. (K.) — Voyez tome X, la note de l’Épître à M. de Saint-Lambert, année 1769 ; et la note de la section iii, du mot Fanatisme, tome XIX, page 82.
- ↑ Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie. 1771. (B.)
- ↑ Voyez l’article Flibustiers ; et dans les Mélanges, année 1766, le paragraphe iv du Commentaire sur le livre Des Délits et des Peines ; année 1767, le paragraphe iv du Fragment des instructions pour le prince royal de *** ; et année 1771, la Méprise d’Arras.
- ↑ Lorsque l’impératrice-reine demanda sur cet objet l’avis des jurisconsultes les plus éclairés de ses États, celui qui proposa d’abolir la torture crut devoir soutenir que le seul cas pour lequel elle pût être conservée était le crime de lèse-majesté. L’impératrice lut son livre, et abolit la torture sans aucune réserve. Une souveraine a osé faire plus qu’un philosophe n’avait osé dire. (K.)
- ↑ Voyez dans les Mélanges, année 1766, la Relation de la mort du chevalier de La Barre.
- ↑ Voyez l’article Torture.
- ↑ Chapitres v et vi. (Note de Voltaire.)
- ↑ Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
- ↑ Voyez Brantôme, Hommes illustres, tome II. (Note de Voltaire.)
- ↑ La vie de Ramus, par Jean-Thomas Freig, ou Frey, qui avait été son disciple, est imprimée en tête des éditions de 1574 et 1580, in-4o, des Prœlectiones in orationes octo consulares. (B.)
- ↑ Ce morceau, qui faisait partie du Dictionnaire philosophique dès 1764, n’avait pas été reproduit dans les Questions sur l’Encyclopédie. (B.)
- ↑ Voyez l’article Théophile, au chapitre Athéisme. (Note de Voltaire.) — Le morceau sur Théophile, qu’on lisait dans l’arlicle où Voltaire renvoie, était la répétition de la septième des Lettres à Son Altesse monseigneur le prince de *** (Mélanges, année 1767). (B.)
- ↑ Abraham Chaumeix, dont il a déjà été parlé tome XVIII, page 269, est auteur des Préjugés légitimes contre l’Encyclopédie, et essai de réfutation de ce Dictionnaire, avec l’Examen critique du livre de l’Esprit, 1758, 8 volumes in-12.
- ↑ Discours Ier, chapitre ier.
- ↑ Ibid.
- ↑ Ibid.
- ↑ Voyez Cicéron, Lucrèce]], Virgile, etc. (Note de Voltaire.)
- ↑ Helvétius, de l’Esprit, discours Ier, chapitre ier.
- ↑ Ibid, chapitre iii.
- ↑ Ibid, chapitre iv.
- ↑ Ibid.
- ↑ Helvétius, de l’Esprit, discours II, chapitre ier.
- ↑ Ibid.
- ↑ Ibid., chapitre xxv.
- ↑ Discours III, chapitre viii.
- ↑ Ibid., chapitre ier.
- ↑ La Sorbonne censura d’abord le livre d’Helvétius ; puis quelques prêtres et le nommé Neuville, jésuite, prêchèrent à Paris et à la cour contre l’ouvrage ; puis les jansénistes se mirent à crier qu’il fallait brûler l’auteur lui-même ; puis Chaumeix publia son Examen critique du livre de l’Esprit ; et le gazetier ecclésiastique, et Berthier du journal de Trévoux, se déchaînèrent contre l’athée ; enfin la mère d’Helvétius elle-même, poussée par les jésuites, conjura son fils de se rétracter ; et comme il résistait, on lui cria que sa résistance pouvait compromettre le censeur royal qui avait laissé passer le livre. C’est alors qu’Helvétius signa ce qu’on voulut. Mais vaine soumission ! piége tendu à son honneur seul ! Car dès qu’il eut signé, il reçut ordre de se démettre de sa charge de maître-d’hôtel de la reine ; et son censeur, qu’il avait cru sauver, M. Tercier, fut destitué de sa place de premier commis aux affaires étrangères. Le parlement s’apprêtait même à sévir contre les personnes, quand un arrêt du conseil, qui supprima le livre, sauva l’auteur et le censeur. (G. A.)
- ↑ Voyez page 14 ; et dans les Mélanges, année 1750, le Remerciement sincère à un homme charitable.
- ↑ Voyez dans les Mélanges, année 1760, la Préface du Recueil des facéties parisiennes ; et, année 1767, la dixième des Honnêtetés littéraires.
- ↑ Ce sont les deux vers d’Œdipe, acte IV, scène ire :
Les prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense ;
Notre crédulité fait toute leur science. - ↑ Voltaire avait donné, comme étant de Damilaville, les Éclaircissements historiques qui font partie des Mélanges, année 1763. (B.) — Nonotte, ou plutôt Nonnotte, avait publié, en 1762, les Erreurs de M. de Voltaire, où, non content de relever les citations fausses de l’Essai sur les Mœurs, il dénonçait les opinions anticatholiques de l’écrivain. Vinrent ensuite Lettre d’un ami à un ami sur les Honnêtetés littéraires, ou Supplément aux erreurs de Voltaire (1767), et le Dictionnaire philosophique de la religion, 1772. Voltaire se moque avec raison de la vanité de Nonotte : elle était, en effet, fort grande : « Mon discours préliminaire sur les Erreurs de M. de Voltaire, écrivait par exemple le jésuite, est l’un des plus excellents morceaux en genre de préface. » (G. A.)
- ↑ C’était une plaisanterie de Voltaire : voyez dans les Mélanges, année 1767, le chapitre vii de la Défense de mon oncle.
- ↑ Mes Pensées, ouvrage dont il a été plusieurs fois question, et notamment dans une note du chapitre xxxiii du Précis du Siècle de Louis XV, et dans la dédicace du Supplément au Siècle de Louis XIV. Voyez tome XV.
- ↑ Num. xxxiii. (Note de Voltaire.)
- ↑ Ibid., cxxxiii. (Id.)
- ↑ Ibid., ccx. (Id.)
- ↑ Num. ccx. (Note de Voltaire.)
- ↑ Voltaire lui-même, à l’article 13 de son Supplément au Siècle de Louis XIV (tome XV). Voyez aussi l’article xi des Fragments sur l’histoire générale (Mélanges, année 1773).
- ↑ Où cet ignorant a-t-il vu que Louis XIV ait levé une armée de cent mille hommes en 1662, dans la querelle des ambassadeurs de France et d’Espagne à Londres ? (Note de Voltaire.)
- ↑ Où a-t-il pris que le baron de Batteville, ambassadeur d’Espagne, était fou ? (Id.)
- ↑ Où a-t-il pris qu’une renonciation d’une mineure est libre ? Il ignore d’ailleurs la loi de dévolution qui adjugeait la Flandre au roi de France. (Id.)
- ↑ Ce n’était pas pour la punir de n’être pas son alliée, mais d’avoir secouru ses ennemis étant son alliée. (Id.)
- ↑ Oublie-t-il les droits du roi d’Espagne, le testament de Charles, les vœux de la nation, l’ambassade qui vint demander à Louis XIV son petit-fils pour roi ? Langleviel veut-il détrôner les souverains d’Espagne, de Naples, de Sicile et de Parme ? (Note de Voltaire.)
- ↑ Il remit pour quatre millions d’impôts en 1662 ; et il fournit du blé aux pauvres à ses dépens. (Id.)
- ↑ Il ne mit aucun impôt sur le peuple en 1691, dans le plus fort d’une guerre très-ruineuse. Il créa pour un million de rentes sur l’Hôtel de Ville, des augmentations de gages, de nouveaux offices, et pas une seule taxe sur les cultivateurs ni sur les marchands. Son revenu, cette année, ne monta qu’à cent douze millions deux cent cinquante et une mille livres. (Id.)
- ↑ Même erreur. (Id.)
- ↑ Même erreur. Il est donc démontré que cet ignorant est le plus infâme calomniateur ; et de qui ? de ses rois. (Id.)
- ↑ Cette grâce accordée aux prosélytes n’était point à charge à l’État : on voit seulement dans cette observation l’audace d’un petit huguenot, qui a été apprenti prédicant à Genève, et qui, n’imitant pas la sagesse de ses confrères, s’est rendu indigne de la protection qu’il a surprise en France. (Id.)
- ↑ Tome III, pages 209 et 270, du Siècle de Louis XIV, qu’il falsifia et qu’il vendit, chargé de notes infâmes, à un libraire de Francfort, nommé Esslinger, comme il a eu l’impudence de l’avouer lui-même. (Id.)
- ↑ Tome III, page 323. (Id.)
- ↑ Examen de la nouvelle Histoire de Henri IV. Voyez la note, tome XV, sur le chapitre xxix de l’Histoire du Parlement.
- ↑ Pages 24, 25. (Note de Voltaire.)
- ↑ Le Gazetier cuirassé. (Note de Voltaire.)
- ↑ L’auteur du Gazetier cuirassé, ou Anecdotes scandaleuses de la cour de France, 1772, in-8o et in-12, est Théveneau de Morande, mort on 1792.
- ↑ Cette addition m’a été communiquée par feu Decroix, l’un des éditeurs de l’édition de Kehl. Elle paraît ici pour la première fois. Ce 4 juin 1829. (B.) — Voyez Voltaire et Frédéric, par G. Desnoireterres, page 216 et suiv.
- ↑ Lisez : Valleraugue.
- ↑ Nota. Il logeait à Genève chez M. Giraudeau l’ainé, auteur de la Banque rendue facile, etc. Il y brouilla et perdit tout ; il y traduisit le catéchisme théologique de M. Ostervald ; il y fit quelques fragments satiriques, qui furent insérés dans le Mercure suisse ; je ne peux me rappeler l’année, ni le mois ; mais il en est un qui a pour épigraphe ces deux vers de M. de Voltaire, avec un hémistiche gâté :
Courons après la gloire, amis. L’ambition
Est du cœur des humains la grande passion.(Note de Voltaire.)