Les bassins à cupule/La construction des bassins à cupule

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La construction des bassins à cupule[modifier]

L’établissement des bassins[modifier]

La construction des parois[modifier]

Les sources antiques sont assez maigres au sujet des bassins, quelle que soit leur utilisation. Aucun auteur ancien, ne décrit la construction d’un bassin comportant une cupule, ce qui renforce l’hypothèse d’un détail technique parmi d’autres. Seule l’étude croisée de leur ensemble peut être fructueuse. Aucun ne décrit non plus la construction d’un bassin à usage artisanal. Les bassins à cupule étaient cependant très étanches, et comme il paraît acquis qu’ils étaient destinés à recueillir des liquides, nous devrons nous contenter des conseils relatifs à la construction d’une citerne à eau. Vitruve, dans son De Architectura, y consacre quelques lignes. Son œuvre est d’importance, car elle est rédigée dans les années qui précèdent la construction des deux premiers bassins à cupule de la région, à Écurat 2 et à Antigny, tous deux remontant au règne d’Auguste. Nous laisserons d’abord de côté les bassins de Rochefort, car nous ne connaissons pas leur date de construction, mais seulement celle de l’occupation du site.

Vitruve conseille de creuser une tranchée rectangulaire, qui suit le tracé des murs de la future citerne, mais sans en évider le volume intérieur. Les murs sont ensuite coulés en béton, les parois de la tranchée formant coffrage. Puis le milieu de la citerne est creusé, et le fond est coulé en béton, sans qu’il soit apporté de précisions sur un éventuel hérisson. Cette technique à l’avantage d’une grande simplicité d’exécution, et d’une économie de matériaux : deux uniquement sont requis : sable et chaux, le premier pouvant être remplacé par des tuiles finement pilées, moins onéreuses. Cette technique ne correspond de façon certaine qu’à un seul bassin dans tout le Centre-Ouest, à Suaux-Brassac. À chaque fois que la précision est apportée, les bassins sont construits en maçonnerie.

La plupart des auteurs suivent Vitruve, mais apportent moins de précisions, sauf Palladius. La plupart aussi, dont Vitruve, préconisent de construire des citernes par paires, qu’elles soient accouplées pour la décantation de l’eau, ou qu’elles soient destinées à des usages différents. Cette disposition aussi est exceptionnelle : des bassins ont bien été retrouvés par paires, mais soit ils n’étaient pas reliés, et ne pouvaient servir à la décantation de l’eau ; soit ils étaient reliés par des dispositifs variables, mais étaient disposés par trois, quatre ou plus, et n’étaient pas reliés à une descente de toit. Les descriptions antiques de citernes semblent donc peu correspondre aux bassins régionaux, qui ne sont vraisemblablement pas des citernes construites selon les conseils de ces auteurs.

L’ordre des opérations de la construction d’un bassin en maçonnerie est différent, puisque les murs sont posés sur le fond. Le bassin, ou du moins son volume, est entièrement évidé avant que la construction commence. La maçonnerie n’est pas plus solide que l’opus caementicum. Elle utilise aussi le béton, mais en moins grandes quantités. Un seul des longs murs d’Antigny aurait consommé presque 5 m³ de béton. Elle permet d’en économiser et de n’en utiliser que pour lier les moellons. De plus, ces derniers sont certainement fournis par le terrain où l’on construit. Mais cet exemple même du bassin d’Antigny incite à la prudence quand une maçonnerie est signalée : on voit bien sur le plan 20 b qu’en fait, à Antigny, le mur n’est pas en maçonnerie, mais en béton. Le blocage est retenu, d’un côté par un petit appareil, de l’autre par la terre. Le côté intérieur est beaucoup plus régulier. On a ainsi voulu augmenter la solidité de la construction. Quand on décrit une maçonnerie, dans la bibliographie du siècle dernier, peut-être avons-nous affaire à un parement. Celui-ci est moins économique que les moellons : il faut tailler les pierres régulièrement, ce qui requiert un esclave spécialisé. D’autres sites utilisent le parement en petit appareil : Cognac, Port-des-Barques, La Rochelle. Le site de Port-des-Barques est particulièrement édifiant, puisqu’en huit campagnes de construction étalées sur trois siècles, une seule technique, le bassin encavé à parement en petit appareil, a été utilisée. Les autres sites ne connaissent pas une telle unité dans les matériaux et les techniques utilisées.

Tout d’abord, certains bassins sont réellement construit en maçonnerie : c’est le cas à Saint-Fraigne, où de gros moellons ont été utilisés. Les moellons sont des pierres trouvées dans la terre et à peine dégrossies ; ici, elles sont régulières et mesurent 35 centimètres sur 25, ce qui démontre qu’un soin certain a été apporté à la construction. La taille assez grande permet de faire porter les efforts sur une plus grande longueur et de mieux solidariser les moellons entre eux. L’économie et la qualité ont été associées. Ces moellons étaient posés à plat. À l’Houmeau, l’opus spicatum est utilisé pour les bassins 1 et 2. Les pierres sont posées de biais, dans un sens puis dans l’autre, comme les écailles d’un poisson, ou les grains d’un épi de blé.

Outre les pierres, les céramiques ont été utilisées pour construire les parois : briques et tuiles. Les tegulæ (tuiles plates à rebord) servent beaucoup en association avec d’autres matériaux. Elles sont posées pour former des assises stables à Civaux, elles servent aussi à constituer des chaînages. À Nieul-sur-Mer, un rang de tegulæ est systématiquement posé entre chaque rang de moellons. Les bassins C3 et C4 de l’Houmeau ont plusieurs rangs de moellons les uns sur les autres, mais des chaînages doubles ou triples les séparent.

Les tegulæ sont aussi utilisées comme matériau unique de construction, à Saint-Martial-de-Mirambeau et à Ingrandes-sur-Vienne. Ou associées, avec d’autres matériaux céramiques, les briques, comme c’est le cas à Brives-sur-Charente et Civaux. Le mur commun des bassins 6 et 7 à La Rochelle, et le mur nord de B6, utilisent des tuileaux plats, sans rebords. Ceux-ci compensent les vides causés par les rebords des tegulæ, qui sont systématiquement tournés vers l’intérieur. Cette disposition, qui limite le nombre de joints apparents avant la pose de l’enduit, n’est pas innocente, puisqu’elle entraîne une diminution des risques de fuite. Nous parlons évidemment de micro-fuites, d’infiltrations. Le produit contenu était ou très précieux, et la moindre perte aurait été dommageable ; ou corrosif, et des infiltrations auraient rapidement menacé la solidité des bassins ; ou les deux. Les trois autres murs de B7 sont construits en petit appareil régulier, ce qui laisse à penser que les tuiles sont ici un matériau d’occasion, utilisé pour un remaniement. Les bassins 6, 7 et 11 de La Rochelle sont en effet établis sur un plus ancien, B67.

L’exemple le plus marqué de la diversité des matériaux utilisés est celui de Saint-Georges-d’Oléron. Son bassin 1 utilise la brique et le moellon, le 2 et le 3 uniquement la pierre, alors que le quatrième a deux murs de moellons, un de tegulæ et moellons, et un de tegulæ et briques. Toutes les combinaisons y sont représentées. Bref, sans vouloir ni vouloir passer en revue toutes les parois de tous les bassins, il apparaît que les bassins excavés ont des parois de 25 à 50 centimètres environ. Elles sont construites soit en opus caementicum, soit directement en maçonnerie, mais avec des matériaux très divers, plusieurs combinaisons existant et cohabitant sur de nombreux sites. Quelquefois l’économie commande ce choix, quelquefois le sens pratique le plus évident : ainsi pour les galets utilisés en blocage des escaliers des bassins 6 et 7 de La Rochelle. L’essentiel étant toujours une construction solide pouvant supporter les pressions des liquides contenus, puisque le sol entourant les bassins était un soutien puissant et recherché. Là encore, un souci d’économie mêlé de pragmatisme apparaît : les bassins hors du sol existent, mais ils sont plus rares. Leur construction est plus difficile.

Le seul bassin de Cognac construit en élévation, B6, est appuyé de deux côtés sur des murs porteurs du bâtiment, et les deux autres sont les plus épais de tout le site. Il gêne d’ailleurs la circulation, puisqu’il occupe toute la largeur de la pièce. Il est impossible de savoir si ce sont ces inconvénients qui en sont responsables, mais tout les bassins construits postérieurement sur le site sont encavés. À Civaux et à Talmont, les bassins sont appuyés eux aussi à des murs. Un blocage « très épais », plus épais que les autres murs du site, sert d’appui spécial aux bassins de Talmont. Les quatre autres bassins des neuf construits en élévation le sont aussi contre des murs, à La Rochelle et à Taizé. Sauf à Civaux, ils ont tous été construits avant le premier quart du IIe siècle. On ne peut pas dire qu’ils aient servi d’exemple. Le surcoût lié aux murs d’appui et aux parois y est pour quelque chose. De plus, il est impossible de circuler au dessus en disposant des planches en travers du bassin, à moins de construire encore en plus des escaliers.

Les bassins sont construits le plus souvent en un exemplaire unique. Le nombre de bassins identiques deux à deux est limité à une douzaine de paires, plus trois groupes de trois bassins. Deux au moins de ces paires sont des bassins primitivement uniques divisés en deux, et le groupe de trois bassins de La Rochelle est probablement une division de B67. Le nombre de bassins construits deux à deux est donc de seulement 24, soit à peine un cinquième du total. Si l’on considère que des bassins de certaines paires ne sont pas de mêmes dimensions, le nombre de batteries de bassin est encore plus limité.

Les fonds de bassin[modifier]

Les fonds sont eux beaucoup plus homogènes. Deux types seulement sont présents : les fonds dalles et les fonds bétonnés. Les premiers ne sont représentés que par quatre cas sur quatre-vingt deux fonds identifiés, et même quatre-vingt quatre si l’on considère que la « dalle de réception » d’Ingrandes-sur-Vienne est un fond en béton. Cette rareté, moins de cinq pour cent, s’explique aisément par plusieurs facteurs : d’abord, il faut poser les dalles sur un fond de béton qui est coulé pour assurer la stabilité des dalles. Le dallage n’apporte donc pas une étanchéité supplémentaire. De plus, sa pose exige une taille très soignée, puisque toutes les dalles n’ont pas les mêmes dimensions. La pose elle-même requiert un soin important, et un ajustage des dalles qui réduit les interstices au minimum. Malgré ces coûts supplémentaires, quatre bassins ont été construits dallés. Nous savons peu de choses sur celui de Puyréaux. Les observations faites sur les deux autres sites tendent à montrer qu’ils n’apportaient pas toute satisfaction. Le premier dallage de Saint-Martial-de-Mirambeau était recouvert d’une couche de béton et d’un dallage qui avait les mêmes pendages que le premier. Dans la couche de béton, se trouvait une cupule provenant d’un autre bassin dallé, qui a donc été abandonné. Le dallage ancien était très usé, et entièrement imprégné d’une substance sombre : cette perméabilité jouait-elle dans les deux sens ? Le dallage donnait-il un goût à la production du bassin ? Au Château-d’Oléron, le bassin 4 a lui aussi été redallé, donc son utilisation a duré. Mais, finalement, l’exemple des bassins voisins a dû porter, puisqu’il a été bétonné. Peut-être un troisième dallage était-il trop onéreux.

Les fonds en béton apparaissent comme beaucoup plus facile à mettre en œuvre. Souvent creusés dans la roche, les bassins ont ainsi une pente dès l’origine, qui suit la pente naturelle. La roche est aussi creusée à l’emplacement de la cupule, ce qui facilite sa construction. Ce fond et cette cupule pré-taillée étaient ensuite simplement recouverts d’une couche de béton, qui, s’il était coulé assez épais, prenait la forme qu’on voulait lui donner. Certains fonds bétonnés présentent une particularité, celle d’être constitués de tegulæ posées à plat et noyées dans du mortier. Elles jouent, au moins dans les deux premiers cas, le rôle de la roche-mère, qui n’est pas atteinte. Pour assurer une certaine stabilité, une couche de sable a même été disposée avant la construction du fond, à Château-d’Oléron. Comme le bassin 2 de Taizé est construit en élévation, son fond ne repose pas sur la roche. La conclusion est probablement valable pour lui aussi.

Les Gallo-Romains ont imaginé une foule de détails pour rendre ces bassins parfaitement étanches. Ainsi, les bassins de Nieul-sur-Mer ont, entre la maçonnerie et la terre, une couche d’argile de 25 centimètres, qui empêcherait le liquide échappé par une fissure de se répandre dans le sol. Peut-être même une partie aurait-elle été récupérable.

Une fois le volume du bassin défini et emmuré, les parois sont enduites d’une couche de deux à trois centimètres de ciment hydraulique qui assure une parfaite étanchéité. L’enduit n’est pas toujours le même. Il s’agit souvent d’un mortier de chaux, où le sable est quelques fois remplacé par du tuileau concassé : c’est le béton romain, celui qui est aussi utilisé pour la maçonnerie. La différence vient de la finesse du grain, donc des qualités d’étanchéité de ce ciment. Sur certaines parois, comme une du bassin D du Gua 2, sont enduites d’un crépi. Il est étonnant que différentes qualités d’enduit aient été utilisées dans un même bassin. Peut être s’agit-il tout simplement d’une reprise, faite avec une qualité différente à une époque postérieure. Un seul bassin est du point de vue des précautions prises pour garantir son étanchéité, particulier : celui des Trains d’Écurat. Son fond est constitué de carreaux de terre cuite, et il n’est pas enduit. Il est bien doté de couvre-joints, mais ils servent autant à éviter le travail des murs que les fuites dans les angles. Cette étanchéité mal assurée, et son environnement probablement cultuel le situent tout à fait à part. Ce bassin se distingue en outre par sa forme carrée. Dix autres bassins (8,7 % au total) ont cette même forme : le plus petit, B9, à La Rochelle, mesure 0,8 mètre de côté ; le plus grand, à Salles-Lavalette, plus de deux mètres. Aucun bassin à fond carré n’est cubique. Sept mesurent entre 1,3 et 1,7 mètre de côté.

La forme la plus répandue des bassins est la rectangulaire, ou approchante (le bassin C3 de l’Houmeau est légèrement trapézoïdal). Elle concerne 101 bassins sur 115, ou 116 si l’on compte le bassin présumé de Saint-Martial-de-Mirambeau, soit presque 88 %. Trois autres formes comptent un seul représentant : le L, au Gua 2 ; l’ovale, au Gua 3 ; et le rectangle avec extrémité en hémicycle, à Puyréaux.

Les plus grandes dimensions horizontales atteignent ou dépassent les quatre mètres de longueur dans huit sites, et onze bassins. Seuls deux atteignent six mètres : Gua 3 (ovale) et B1 de La Rochelle, (celui-ci n’est peut-être pas artisanal). Les largeurs les plus importantes sont de plus de 2,5 mètres : six sites et huit bassins seulement sont concernés.

La norme est plutôt de bassins d’une surface de 2 à 8 m² : quatre-vingt deux bassins au moins et vingt-huit sites sont dans cette norme (71,3 % et 73,6 %).

Les profondeurs dépassent exceptionnellement le mètre soixante-quinze : seulement dix bassins et quatre sites. Le maximum se situe à 2,45 mètres, à Saintes 1. La norme des profondeurs conservées se situe entre 1 mètre et 1,5 mètre : au moins vingt-neuf bassins.

Outre leurs qualités de construction, les bassins étaient dotés de perfectionnement nombreux, destinés à faciliter leur utilisation.


Les aménagements hydrauliques et de récupération[modifier]

Les couvre-joints[modifier]

Le premier des éléments renforçant l’étanchéité sont les couvre-joints. Il faut entendre par couvre-joints le renforcement d’un angle entre deux parois, ou entre le fond et les parois, dans le but d’assurer une plus grande étanchéité, au moyen d’un béton jeté et façonné. Ils évitent aussi toute fissure en consolidant les bassins, le travail des murs sous l’effet des mouvements du sol ayant plus tendance à se faire sentir à cet endroit. Pour douze des trente-huit sites de la série A, nous ne sommes pas en possession de renseignements sur ces détails. Sur les vingt-six restants, tous les bassins de onze sites et au moins un de neuf autres ont des couvre-joints, soit 77 %. Quand on regarde les bassins un par un, soixante des soixante-dix-sept pour lesquels nous savons de façon certaine s’ils ont ou non des couvre-joints, en sont munis, soit 78 %. La proportion réelle est probablement moindre, le silence d’un auteur ne signifiant pas obligatoirement qu’il n’a pas remarqué des couvre-joints, mais plutôt qu’il n’y en avait pas. Les proportions restent tout de même importantes. Toute aire ou bassin doté de couvre-joints doit en conséquence être inclus dans la liste B, comme ayant de grandes chances d’avoir été construit dans le même but que les bassins de la liste A.

Il existe cinq types différents de couvre-joints, dont les numéros ont déjà été donnés dans l’explication des fichiers. La forme la plus courante est la deuxième, la convexe, bien qu’il soit parfois possible de la confondre avec la première quand un simple renfort est évoqué. Elle peut aussi être confondue avec la quatrième, quand on parle d’un arrondi dans l’angle. Une autre confusion est possible simplement à cause de la forme pas toujours extrêmement pure géométriquement : certains couvre-joints convexes sont simplement arrondis, et leur section n’est pas parfaitement en quart de disque. L’usure du temps s’ajoutant à cette forme intermédiaire, un coup d’œil rapide peut ne plus distinguer la forme primitive. Le terme convexe ne prêtant pas à confusion, il a été choisi de préférence aux autres. Quarante-et-un des soixante bassins ayant des couvre-joints ont ce type là, soit plus de 68 %. Un seul site se singularise, celui de Nieul-sur-Mer. Les couvre-joints sont constitués, pour le bassin 3, d'imbrices dressées et enduites du mortier recouvrant les murs du bassin. La solidité de ce dispositif n’est pas à remettre en cause : outre l’épaisseur des imbrices, sa forme arrondie fait voûte, et la pression est rejetée sur les parois du bassin. Cet exemple d’économie est unique, mais le seul moyen de la constater est de démonter les couvre-joints. Certains cas ont pu échapper aux archéologues, souvent pressés par les travaux qui détruisent les sites.

Le premier type, celui de section triangulaire, est le deuxième plus courant : neuf bassins n’utilisent que ce type de couvre-joints. Comme pour le premier type, plusieurs termes ont été utilisés : celui de solin est préférable à pan coupé, qui connote plutôt un enlèvement qu’un rajout, et celle d’ornement plus que d’aménagement utilitaire.

Les autres formes sont la carrée (six bassins, si l’on compte celui de Suaux-Brassac, aux couvre-joints douteux et de toute façon rectangulaires), la concave (trois bassins) et les simples renforts d’étanchéité aux angles, signalés à Segonzac, et qui correspondent à un renfort uniquement dans les sommets du volume.

Il est intéressant d’observer l’évolution d’une forme à l’autre. Plusieurs des principaux sites ont vu, soit cohabiter, soit se succéder plusieurs de ces formes. Quelquefois, l’évolution est nette : à Cognac, les premiers bassins, construits vers 100 après J.-C., sont dotés de solins ; ceux qui leur succèdent, deux ou trois générations plus tard, ont des couvre-joints convexes ; et le dernier bassin, construit vers 200/220 après J.-C., des couvre-joints carrés. À chaque étape, la qualité des enduits baisse, et leur grain grossit. Il est tentant de lier celle-ci à la forme de ceux-là ailleurs qu’à Cognac, mais àl’Houmeau, l’évolution est opposée : les deux bassins les plus anciens, datant environ de 150 après J.-C., n’ont pas de couvre-joints, et des enduits renouvelés d’une qualité décroissante. Le bassin 4, qui n’est presque pas utilisé, a les meilleurs enduits du site et des couvre-joints carrés. Le dernier bassin, construit vers 200 après J.-C., a lui aussi de très bons enduits et des couvre-joints convexes. Le bassin dont la construction est la plus soignée a les mêmes couvre-joints que celui qui correspond à la dernière phase du déclin du dite de Cognac, avant l’abandon de l’activité des bassins. Il n’y a donc pas d’évolution régionale dans la construction des bassins.

Seuls deux autres sites connaissent une alternance dans leurs couvre-joints, Port-des-Barques et Nieul-sur-Mer. Tous deux sont éclairants. Sur le site de Port-des-Barques, les cinq premiers bassins sont dotés de couvre-joints convexes, sauf le troisième, où ils sont carrés. Le site n’a pas été construit pour les bassins, il s’est donc probablement (à la fin du premier siècle) inspiré de l’exemple de prédécesseurs, qui lui auraient conseillé la forme numéro deux. Les carrés n’auraient été qu’un essai peu concluant, puisque non repris pour les deux bassins suivants, ni même pour le premier bassin neuf de la phase descendante, le B. Celui-ci utilise les couvre-joints concaves, dont la réalisation est évidemment plus facile et moins consommatrice de béton que celle des convexes. La difficulté comparative des couvre-joints carrés est plus difficile à estimer, mais il doit y avoir une raison pour laquelle cette forme n’a été réutilisée à Port-des-Barques qu’après un essai intermédiaire. et plus jamais ensuite.

À Nieul-sur-Mer, les deux types représentés sont les solins et les convexes. Leur disposition dans le premier bassin est unique, puisque les couvre-joints verticaux sont des solins, et les horizontaux sont convexes. Dans l’hypothèse de la production d’un produit visqueux ou d’un produit laissant un dépôt, il aurait fallu nettoyer les angles entre deux utilisations, surtout si ces utilisations étaient espacées. À l’Houmeau, ces dépôts étaient plus importants du côté de l’aire supposée de production. La forme carrée, même si elle n’est jamais parfaitement régulière, ne facilite en rien ce travail, puisqu’elle multiplie par deux les angles droits, moins faciles à nettoyer. Le solin est lui très facile à débarrasser de ce dépôt à partir du rebord du bassin et à l’aide d’un simple équivalent de notre balai à ponts, si son équivalent existait dans l’Antiquité. Des curettes ont été retrouvées à Cognac. Ce sont des petits outils de fer emmanchés, avec une lame triangulaire. Elles ont pu servir à cet usage, même si on les attribue plutôt, sans certitude, à une activité de cordonnerie. De plus, le solin offre une surface d’accrochage moins importante que les autres types de couvre-joints. Les couvre-joints concaves sont eux aussi faciles à nettoyer, mais assurent probablement une moins bonne étanchéité. Voilà les raisons qui ont pu faire hésiter à refaire des couvre-joints carrés sur le site de Port-des-Barques. Quant au bassin C4 à l’Houmeau, il est douteux que ce soit la raison de son l’abandon prématuré, mais cela n’a pas du contribuer à son maintien, alors que son successeur est doté de couvre-joints convexes.

Un détail unique a été remarqué sur ce site : les bassins C1 et C2, qui ne possédaient pas de couvre-joints, avaient leurs parois creusées de lignes obliques et parallèles, alternativement montantes et descendantes. Les archéologues les ont expliqués comme étant des ornements. Les bassins étant une construction utilitaire, il faut d’abord tenter d’expliquer chaque élément par l’utilisation qu’on pouvait en faire. Étant donné que la production laissait un dépôt le long des murailles, il fallait l’en débarrasser. Est-ce que ces rainures pouvaient aider à l’accomplissement de cette tâche ? Puisque les reprises d’enduits ont conservé ces dessins, tel devait être le cas. Elles devaient probablement guider le résidu vers le fond. Leur orientation oblique permettait également d’aider ce mouvement plus facilement que si elles avaient été verticales, en poussant du bord du bassin avec le même genre d’outils que celui qui servait ailleurs à récurer les couvre-joints.

Les marches d’angle[modifier]

Cet élément architectural pose problème quant à son interprétation. Il s’agit des emmarchements que l’on rencontre dans un ou plusieurs bassins de cinq des trente-six sites. Au total, dix bassins en comportent (soit seulement 9 % du total). Ils ont d’abord été décrits comme des escaliers destinés à descendre dans les bassins, pour les vider ou les nettoyer. Mais le terme d’emmarchements est mieux adapté car, sauf à Antigny où le doute est permis, il ne peut pas s’agir d’escaliers destinés à descendre et à sortir des bassins. Voilà les relevés qui ont été effectués :

  • L’emmarchement du bassin d’Antigny était long de 1,75 m et large de 55 cm. Les traces de sept marches permettent de calculer une hauteur moyenne de 25 cm et une profondeur moyenne de 24 cm, soit des dimensions très proches des normes actuelles, qui sont de quinze à vingt centimètres de hauteur pour une profondeur de vingt à vingt-cinq centimètres ; au-delà, la fatigue est trop importante, et l’escalier ne remplit plus son rôle de diviseur d’effort.
  • À Port-des-Barques, le bassin H, dans sa plus grande extension, possède deux emmarchements d’angle identiques, dont un subsiste lorsque le bassin est réduit de moitié. Chacun possède trois degrés, donc en moyenne hauts de 30 cm. Les deux dernières marches font un angle à 90 ° (en montant) avec la première. Le fouilleur attribue cette disposition à une volonté de faciliter la remontée de personnes chargées. Une amphore Dressel 2-4 pleine pèse en effet près de cinquante kg. Mais, après consultation de personnes ayant déchargé des sacs de blé (environ quatre-vingt kg) au moment des récoltes, je constate qu’un tel escalier n’aurait pas aidé une ascension. De plus, dans un bassin, le porteur aurait du se relever avec sa charge. La façon la plus efficace de faciliter la montée est encore de diminuer la hauteur des marches, quitte à adopter une pente raide pour diminuer l’encombrement, comme pour les escaliers de meuniers.
  • Les emmarchements du Péré Maillard, à Soubise, écartent toute ambiguïté. Le bassin 1 a trois marches : la première (dans le bas de l’escalier) est haute de 25 cm, et profonde de 18 ; la seconde est haute de 70 cm et profonde de 22 ; la dernière est haute de 35 cm et profonde de 25. La différence entre le sol et la dernière marche est de 18 cm. Le bassin 2 n’a que deux marches, celle du fond est haute de 60 cm, la suivante de 45 cm. Elles sont toutes deux profondes d’une quinzaine de centimètres. Il est inconcevable que ces emmarchements aient été construits pour vider les bassins. En vérité, nous sommes obligés d’envisager d’autres hypothèses.
  • Si toutes ces marches ne constituent pas un escalier, à quoi pouvaient-elles servir ? Les deux emmarchements des bassins 3 et 4 du même site me semblent donner une indication. Celui du bassin 3 est d’ailleurs très intéressant, car il est construit avec le 5, et succède aux bassins 1, 2 et 4. Je donne ces mesures sous réserve, les ayant relevées sur le plan. Celle du bassin 4 est en quart de cylindre d’un rayon de 50 cm, et haute d’un mètre. La marche unique du bassin 3 est carrée et mesure 50 cm de côté ; elle est haute de 25 cm, soit exactement la moitié de la profondeur du bassin. Il est aussi aisé de vider un bassin si peu profond en se tenant accroupi au bord. Les constructeurs ont semble-t-il utilisé leur expérience, puisqu’ils ont renoncé à construire un emmarchement pour le bassin profond, le 5, et qu’ils ont conservé l’idée d’un emmarchement large pour le peu profond, le 3. La largeur de la marche semble donc importante, et la marche est moins utile pour un bassin profond que pour un peu profond. Elle permet à une personne de se tenir sur la marche et d’opérer au plus près de la préparation contenue dans le bassin, sans en agiter le fond, et surtout si les bassins n’étaient pas remplis à chaque fois. Evidemment, en faisant le tour du bassin, on peut se trouver tout aussi près. Mais deux arguments viennent appuyer cette hypothèse : d’abord, nous ne savons rien des installations qui pouvaient gêner la circulation autour des bassins ; ensuite, si ces aménagements sont peu utiles, ils sont aussi peu répandus.

Pour information, voici les estimations que j’ai pu faire, d’après photos, des dimensions des emmarchements des sites d’Ingrandes-sur-Vienne et de La Rochelle :

  • À Ingrandes, un des deux bassins a une marche d’une trentaine de cm de haut et de vingt-cinq cm de profondeur environ ; elle est à environ dix cm du sol ; celle qui continue vers le bas doit avoir, vu la profondeur du bassin, soixante-quinze cm, une trentaine de cm de hauteur. Bien que l’hypothèse d’un escalier de descente ne puisse être totalement écartée, ces données ne contredisent pas mes suppositions ;
  • La première marche du bassin 6 de La Rochelle mesure elle aussi une trentaine de cm ; la profondeur restante est donc de quatre-vingt dix cm pour deux marches, donc trois degrés ; admettons une moyenne de trente cm pour chacun, nous restons à la limite de la marche utile.

L’emmarchement de B1 à Château-d’Oléron n’a pas été mesuré.

Les aménagements du fond : pentes et cupules[modifier]

Après ces aménagements techniques verticaux quelque peu sujets à interprétation, voyons les pentes des fonds de bassin, d’un usage plus évident. Au moins 18 bassins de 8 sites en sont pourvus. Bien que variables, les pentes sont évidemment destinées à assurer un écoulement. Les pendages vont de quelques mm/m (C4 de l’Houmeau) à 7,4 cm/m (C3 du même site). À Antigny, ils convergent et sont de 1 cm/m, à Nieul-sur-Mer, de 3 cm/m pour B1 et de 9 mm/m pour B2 rehaussé. La norme D.D.E. pour les pentes de caniveaux est d’un centimètre par mètre, afin d’assurer l’écoulement par gravité de l’eau.

Donc, pour la plupart de ces bassins, un liquide de viscosité égale à celle de l’eau s’écoulerait seul, au fur et à mesure de la vidange, vers le bas de ces pentes. C4, de l’Houmeau, qui a une pente faible, voit peut-être une des raisons de sa réforme dans ce détail. C3, qui lui succède, a une pente beaucoup plus forte.

L’intérêt d’une pente réside principalement dans le maintien, au cours de la vidange, d’une hauteur de liquide suffisante à son épuisement progressif. Lorsqu’il ne reste qu’une dizaine de centimètres de liquide dans le fond d’un bassin, il devient difficile et lent de remplir un récipient. Il est même impossible de remplir directement une amphore, le col étant trop haut par rapport au ventre de l’amphore couchée. Si en plus il y a un dépôt qui risque de s’agiter et de se mélanger à ce que l’on puise, la tâche devient ardue. Une pente concentre ce résidu de produit intéressant sur une moins grande surface. Ce volume résiduel d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, pour un bassin moyen de 5 m2, est de 500 litres (une vingtaine d’amphores).

Si le liquide ne laissait pas de dépôt, l’avantage reste le même, puisque la vidange est accélérée. Et si la production était un solide visqueux ou épais, la pente facilitait son rassemblement, toujours en fin de vidange, dans une partie plus restreinte du bassin, là où se trouve la cupule.

Tous les bassins pourvus d’une ou de pentes le sont aussi d’une cupule, située au point de convergence des pentes, s’il y en a deux, et en bas de la pente, s’il n’y en a qu’une. Une incertitude subsiste à ce sujet pour Cognac : tous les bassins sont pourvus de pentes, mais leur nombre n’est pas précisé pour ceux dont la cupule est au centre ou décentrée. La logique et le principe de généralisation imposent de considérer qu’elles aussi descendent vers la cupule. On peut même penser que des pentes de moins d’un centimètre par mètre n’ont pas été remarquées par les inventeurs de certains sites, qui ont cru que des fonds de bassins étaient des sols de pièces, mais ont remarqué la cupule.

Le plus souvent, la cupule est décrite comme un creux dans le fond de béton, qui n’interrompt pas l’étanchéité. Sur trois sites au moins, il s’agit d’un trou qui traverse le béton, ce qui amène à penser à une vidange. Mais, et nous verrons plus loin, le doute peut subsister.

La position de la cupule dans le bassin est connue dans soixante-quatre cas. Une forte proportion : 44 %, sont situées au centre. La réalisation de pentes convergentes est plus aisée : la différence entre les sommets et le point le plus bas du fond est moindre. À l’opposé, une cupule creusée contre un côté du bassin impose une seule pente, plus importante donc plus difficile à réaliser avec du béton, liquide au moment du coulage et qui a donc tendance à s’auto-niveler. La vidange est aussi plus difficile si l’on descend dans le bassin, puisqu’on est gêné par la paroi du bassin en vidant la cupule. La cupule centrale permet de faire travailler deux personnes en même temps au fond du bassin, chacune poussant de son côté vers la cupule. Les cupules de petit côté ne sont présentes que dans six bassins, soit 9,5 % des cas reconnus. De plus, si une pente conduit un liquide vers une cupule de ce type, elle le conduit aussi vers l’angle du fond avec la paroi. Ce genre de creux est difficile à vidanger. Il n’y a également qu’une seule cupule contre un grand côté.

Dans ces conditions, la position d’angle, présente dans 20,5 % des cas reconnus, paraît moyennement avantageuse : si plusieurs personnes peuvent travailler dans le fond, et rien ne dit que cela se produisait, les pentes étaient difficiles à établir. Il faudrait même, idéalement, établir une rigole dans la diagonale du fond, à la jonction des deux pentes, et qui aboutirait à la cupule. De telles pentes sont complexes à établir et se remarquent assez aisément. Si l’inventeur d’un site à cupule d’angle n’a pas signalé de pentes, il est probable qu’il n’y en avait pas. La cupule d’angle n’est présente que dans treize cas.

Le dernier type rencontré est la cupule décentrée, c’est à dire située ni au centre, ni tout contre les parois du bassin, mais dans une position intermédiaire. Cet emplacement dans le fond de la cupule est identifiable au moins dix-sept fois, soit 27 % des positions connues. Cette proportion est étonnante, car, sans avoir vraiment les désavantages des cupules d’angle ou de côté, il semble bizarre de construire une cupule comme au hasard dans le fond d’un bassin. La raison doit en être que la cupule ne faisait probablement pas partie des éléments essentiels dans la construction des bassins, de ceux dont on se souciait dès leur conception. En fait, on ne devait songer à leur emplacement qu’au moment du creusement du fond, puisque assez fréquemment, la roche est creusée en arrondi en dessous de la cupule, et semble exploiter un creux naturel de la roche. La cupule épouse cette forme à travers le béton. On se contentait probablement d’accentuer une faiblesse naturelle de la roche-mère, comme c’est le cas à l’Houmeau. Pour ce site, la cupule aurait pu être en position décentrée.

De ce creusement à l’avance de la forme de la cupule, le matériau de la cupule est induit dans la plupart des cas. Cinquante-deux fois sur soixante-deux (84 %), elle est en béton. Sept cupules (11 %) sont toutefois taillées dans une dalle de pierre, qui est posée parmi d’autres dans quatre bassins, et encastrée dans un fond en béton dans trois autres. Enfin, dans deux sites une dalle de béton a été coulée à part et une cupule façonnée dans cette dalle avant qu’elle soit encastrée dans le fond du bassin concerné, à Château-d’Oléron et à Port-des-Barques. Comme deux bassins du premier site n’ont pas de cupule, nous pouvons imaginer qu’elle a été rajoutée a posteriori. C’est peut-être aussi le cas pour les dalles en pierre posées dans un fond en béton. Il est difficile d’envisager pourquoi les constructeurs de ces bassins se seraient ainsi compliqué la tâche, sauf si la cupule représentait un avantage réel. On voit aussi que les solutions techniques sont nombreuses.

La forme de la base supérieure des cupules est très uniforme : soixante-quatre fois au moins circulaire, mais probablement plus. C’est la forme la plus répandue dès les premières découvertes, la chose semblait alors évidente aux inventeurs, qui ne la signalaient plus. Les cupules ne sont que trois fois ellipsoïdales ; encore l’une de ces cupules est-elle presque circulaire. À Civaux, il n’y a que de légères dépressions. La forme de leur volume est très rarement décrite. Quelques unes sont hémisphériques, celles de Talmont-Saint-Hilaire en troncs de cônes, celles de Baignes-Sainte-Radegonde probablement en cônes, et celles de Nieul-sur-Mer en cylindres presque plats ou en troncs de cônes. En-dehors du diamètre de la base supérieure, les autres dimensions ne sont presque jamais relevées. Les volumes deviennent impossibles à calculer. Peut-être, parce que, comme cela semble être le cas, les cupules étaient en forme de segment de sphère, et donc le simple relevé de la profondeur ne suffit pas à connaître le volume de la cupule. Il faudrait alors un moulage pour connaître son volume exact. Cependant, quand P = 1/2D (10 %), on peut considérer que la cupule est demi-sphérique. Le volume réel des autres cupules doit se situer entre le volume calculé avec R = 1/2D et celui calculé avec R = P. Quand la profondeur est largement inférieure au demi-diamètre de surface de la cupule, celle-ci peut être de forme tronc-conique ou cylindrique. En calculant les volumes de ces cupules selon les deux possibilités, on peut avoir une fourchette la plus ouverte possible. Pour le calcul du volume du tronc de cône, et afin d’ouvrir au maximum la fourchette, on considèrera que le rayon de la petite base est de 1 cm. Les fourchettes obtenues varient du simple au triple.

Des volumes approchants sont ainsi obtenus pour une quinzaine de cupules. Ils sont extrêmement variables : de 8,6/12,2 litres pour le bassin de Suaux-Brassac, à 262/348 litres pour les cupules des bassins 4 à 6 de Germignac. La différence de volume des cupules est de un à trente, alors que celle des bassins (entièrement conservés) est de un à cinq seulement. Les unes permettent donc de récupérer, ou de vidanger, un volume proportionnellement six fois plus important. La façon de vider les cupules et leur utilisation variait certainement d’un site à l’autre. Entre les deux extrêmes vus plus haut, nous avons encore le bassin 2 de Nieul-sur-Mer, dont le rapport volume de la cupule/volume du bassin est de 4,5 litres par m³, alors qu’il n’est situé qu’entre 1,3 et 3,8 litres pour le bassin 2 de Soubise 1. Des vases céramiques ayant été retrouvés dans les cupules de Baignes-Sainte-Radegonde, il est possible que l’on ait aussi disposé des récipients dans les cupules des bassins des autres sites. Une fois le liquide épuisé, le résidu solide était rassemblé dans la cupule. Il suffisait alors de retirer le vase pour achever de vidanger le bassin. Leur taille devait varier en fonction de celle de la cupule, et ils devaient être très solides, et assez lourds pour les cupules de plus de 50 litres. Si un récipient était effectivement disposé dans ces cupules de très grands volumes, un système de levage particulier devait exister pour le retirer plein du bassin. Ceux de Germignac ont une profondeur de 1,8 mètre.

Pour les cupules peu importantes par rapport à leur bassin, nous pouvons envisager plusieurs hypothèses : ou le produit vidangé laissait un faible dépôt, et la production était de nature différente pour ces bassins, ou bien la cupule était remplie et vidée plusieurs fois à chaque vidange. La présence de ces vases, qui n’est attestée qu’à Baignes-Sainte-Radegonde, est très intéressante pour les bassins dont la cupule est un trou dans le fond du bassin, comme à Suaux-Brassac, et comme cela semble être le cas à Salles-Lavalette et à Tonnay-Charente. Le vase aurait pu empêcher l’écoulement hors du bassin, pour peu que l’on prenne la précaution d’assurer la continuité de l’étanchéité entre le fond du bassin et le vase. L’hypothèse d’une vidange de citerne à eau paraît d’ailleurs peu probable, au moins pour le site de Suaux-Brassac. D’abord, ce site est déjà doté d’une citerne et d’un puits. Ensuite, il est plus simple de vider une citerne par le haut, surtout lorsque elle est si petite, et plus logique, puisque l’eau d’une citerne est normalement destinée à la consommation, et pas à la dilapidation, surtout pour celle-ci qui est de très petites dimensions. Si les constructeurs avaient voulu vider ce bassin de cette manière, ils auraient pris la précaution de la construire en-dehors d’un terrain argileux, dont les qualités drainantes ne sont pas vraiment reconnues. Ou, si tout le terrain est argileux, ils auraient pu installer eux-mêmes un tuyau de vidange. Enfin, le bassin n’est recouvert d’aucun dispositif empêchant des éléments végétaux tels que feuilles d’automne de tomber dans le bassin, tel que c’est le cas pour la plupart des citernes de cour. Les rainures qui ont creusé les parois du bassin sont peut-être effectivement dues aux eaux pluviales, ainsi que les possibles marques d’arrachement de la « plinthe » (le couvre-joint) mais rien ne prouve que le bassin était primitivement destiné à les recueillir. Il est tout aussi possible qu’il ait été abandonné sans être comblé, comme par exemple le bassin B5 de Cognac. Bien peu d’arguments sont en faveur de la citerne. Nous ne pouvons interpréter avec certitude les bassins à cupule, mais il semble plus probable que ce bassin se rattachait, comme les autres, à un artisanat.

L’examen du rapport surface supérieure de la cupule/surface du bassin apporte, quand on ne peut calculer le volume de la cupule, un complément à ces informations et à l’histoire des sites. Le rapport varie entre 1,3 % et 13,7 % (pour vingt cupules). Dans les deux tiers des cas, la cupule occupe moins de 7 % du fond du bassin. En regard de ces chiffres, la cupule du bassin D, dans son premier état, de Port-des-Barques, apparaît comme totalement disproportionnée, puisque sa surface est égale à 22,6 % du fond du bassin. Le doublement de celui-ci entraîne la division par deux de son importance. Ses dimensions relatives deviennent alors normales. Cette cupule a été creusée en prévision de l’agrandissement du bassin, qui a du se faire peu de temps après la construction de la première moitié du bassin, ou était du moins prévue dès sa construction.

Sur le même site, le bassin H présente une particularité unique : il possède deux cupules. La cupule de la moitié abandonnée fait 2,9 % du grand fond, l’autre fait 4,8 %. À elles deux, elles occupent 7,7 % de la surface du fond, ce qui correspond à la norme des cupules uniques. Il est tout à fait envisageable que l’on ait construit deux cupules pour ce bassin exceptionnellement grand (14,84 m2, soit le deuxième de la région derrière B6 de Cognac). La cupule de la moitié de bassin encore utilisée est plus grande (9,6 %) que celle de l’autre moitié ; dans l’hypothèse de cupules uniques, il parait étrange de creuser une cupule plus grande pour un bassin que l’on diminue. Le seul argument contre l’hypothèse de la double cupule est celui de l’exception : nulle part un bassin avec deux cupules n’a été rencontré. Mais le bassin H est aussi le seul du Centre-Ouest à posséder deux emmarchements, disposés symétriquement de chaque côté de la voûte. Il est possible qu’il ait été construit selon une structure géminée.

En-dehors de ces cas particuliers, les rapports de surface cupule/fond du bassin sont comme les rapports de volume, très variables. Sur un seul site, à Port-des-Barques, ils varient de 1,7 % à 11,3 %. Là, l’explication de ces différences par des productions différentes ne tient plus, puisque tous les bassins se sont succédé et ont fonctionné de la même manière. Ils n’aident pas non plus à savoir si les cupules servaient à vidanger un produit indésirable, ou à le récupérer. Les proportions varient en montagnes russes : moyenne pour le premier bassin (5,1 %), puis faible et moyenne pour les deux suivants (1,7 et 5,3 %), elle double pour le bassin D, redescend pour le H, encore plus pour le B (3,7 %). Les deux derniers bassins ont des cupules plus grandes (6 et 9,6% du fond). Comme les profondeurs des bassins varient peu, elles n’expliquent pas ces variations, sauf pour le B. Elles peuvent être attribuables à la façon de les vidanger, en plusieurs fois, comme aux variations de forme, donc de volume de la cupule. Il est difficile de raisonner en ignorant cette donnée. Il est quand même possible, au vu de cette variabilité des dimensions, de conclure, encore une fois, que la cupule n’était pas un élément essentiel de la construction des bassins, mais simplement une facilité dans la vidange que l’on pouvait s’accorder, ou non. N’oublions pas que neuf sites ont des bassins sans cupule voisinant avec d’autres avec cupule.

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