Œuvres d’histoire naturelle de Goethe/Notes du traducteur

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Traduction par Charles Martins.
A. Cherbuliez et Cie (p. 433-464).

NOTES
DU TRADUCTEUR.


Note 1, p. 25.

Ce Mémoire porte la date de 1795, mais il n’a paru qu’en 1820 dans le deuxième cahier du journal publié par Goethe, sous le titre de Zur Naturwissenschaft überhaupt, besonders zur Morphologie ; découragé par le mauvais accueil qu’on avait fait à son Essai sur la métamorphose des plantes, l’auteur l’avait laissé dormir dans ses cartons pendant vingt-cinq ans. Alors il jugea que le temps de ses idées était venu, car l’esprit humain, marchant lentement mais avançant toujours, finit par rejoindre le génie qui le devance dans les élans de sa course hardie. À la même époque M. Geoffroy-Saint-Hilaire formulait nettement les principes qu’il avait déjà énoncés en 1796 et en 1807 (Voy. les notes 2 et 3). Ignorant leurs mutuelles tendances, le savant et le poëte marchaient parallèlement vers le même but et proclamaient les mêmes vérités. Ainsi, dans sa Philosophie zoologique, page 21, M. Geoffroy-Saint-Hilaire s’exprime ainsi :

« S’en tenir aux seuls faits observés, ne les vouloir comparer que dans le cercle de quelques groupes ou petites familles à part, c’est renoncer à de hautes révélations qu’une étude plus générale et plus philosophique de la constitution des organes peut amener. Après un animal décrit, c’est à recommencer pour un second, puis pour un troisième, c’est-à-dire autant de fois qu’il est d’animaux distincts. Pour d’autres naturalistes il est d’autres destinées ; ils abrègent utilement, et ne savent qu’avec plus de profondeur s’ils embrassent l’organisation dans ses rapports les plus élevés. »

Note 2, p. 30.

En 1807, M. Geoffroy-Saint-Hilaire a établi le même principe en tête de son ouvrage Sur le crâne des oiseaux.

« La nature, dit-il, emploie toujours les mêmes matériaux et n’est ingénieuse qu’à en varier les formes ; comme si, en effet, elle était soumise à des données premières, on la voit tendre toujours à faire paraître les mêmes éléments en même nombre dans les mêmes circonstances et avec les mêmes connexions ; s’il arrive qu’un organe prenne un accroissement extraordinaire, l’influence en devient sensible sur les parties voisines qui, dès lors, ne parviennent plus à leur développement habituel ; mais toutes n’en sont pas moins bien conservées, quoique dans un degré de petitesse qui les laisse souvent sans utilité ; elles deviennent comme autant de rudiments qui témoignent en quelque sorte de la permanence du plan général. »

Note 3, p. 34.

Dans la Dissertation sur les Makis publiée en 1796 par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, on trouve le même principe. « Une vérité constante, disait-il, pour l’homme qui a observé un grand nombre de productions du globe, c’est qu’il existe entre toutes leurs parties une grande harmonie et des rapports nécessaires, c’est qu’il semble que la nature se soit renfermée dans de certaines limites et n’ait formé tous les êtres vivants que sur un plan unique, essentiellement le même dans son principe, mais qu’elle a varié de mille manières dans toutes ses parties accessoires. Si nous considérons particulièrement une classe d’animaux, c’est là surtout que son plan nous paraîtra évident, nous trouverons que les formes diverses sous lesquelles elle s’est plu à faire exister chaque espèce dérivent toutes les unes des autres : il lui suffit de changer quelques unes des proportions des organes pour les rendre propres à de nouvelles fonctions et pour en étendre ou en restreindre les usages. »

Depuis, l’illustre zoologiste a reproduit ces doctrines dans ses nombreux écrits, et il a formulé son idée dans un discours d’introduction à l’ouvrage intitulé Des Monstruosités humaines (Mém. du Muséum, t. IX, p. 229. 1822), en basant l’anatomie philosophique, ou nouvelle méthode de détermination des organes sur l’association intime des quatre principes suivants : la théorie des analogues ; le principe des connexions ; les affinités électives des éléments organiques et le balancement des organes : principes qui se résument dans quatre mots : Unité de composition organique. Cette phrase a, sur les mots type, unité typéale, l’avantage de prévenir toute fausse interprétation. En effet, quand on parle d’un type, on a beau ajouter le mot abstrait, le lecteur est toujours tenté de soupçonner que l’auteur admet un animal existant ou ayant existé comme origine et modèle de tous les autres, tandis qu’il n’est question que d’un principe abstrait, régissant le monde animé. Les philosophes allemands ont été plus loin, et en lisant l’ouvrage de M. Carus intitulé : Des Parties fondamentales du squelette osseux et testacé, 1828, on ne peut s’empêcher d’être effrayé en voyant que cette imagination savante et hardie a osé réduire toutes les parties du squelette à la vertèbre, puis ramener les innombrables transformations de cet os unique aux déductions géométriques de la sphère, qui serait ainsi le type unique de toutes les parties osseuses ou testacées que présente le règne animal.

Note 4, p. 43.

La clavicule est réduite à un noyau rudimentaire dans les ruminants, les pachydermes, les solipèdes, les cétacés, en un mot tous les animaux qui ne se servent de leurs extrémités antérieures que pour marcher.

Note 5, p. 46.

Dans la souris, l’os vormien qui a pris un développement extraordinaire, sépare presque entièrement l’occipital du pariétal ; et chez les poissons, l’absence d’os longs aux membres fait que les nageoires, c’est-à-dire les analogues des pattes, s’articulent d’une manière immédiate avec les os du bassin et de l’épaule.

Note 6, p. 93.

Rudolphi s’exprime ainsi dans ses Éléments de Physiologie, vol. I, p. 30 : « Ce n’est que dans le fœtus très jeune qu’on observe une trace de l’intermaxillaire », et il ajoute qu’on trouve une indication de cet os dans l’Ostéogénie de Nerbitt, p. 58, traduction allemande de 1753. Goethe l’a ensuite découvert d’une manière positive ; pris Autenrieth en a confirmé l’existence dans son ouvrage intitulé Supplementa ad historlam Embryonis hunani. Tubing., 1797, p. 66.

Le professeur Weber de Bonn a reconnu qu’en traitant l’os maxillaire supérieur par de l’acide nitrique étendu d’eau on séparait très bien l’intermaxillaire du maxillaire supérieur sur les enfants de un à deux ans ; mais il a vu que la sutura incisiva de la voûte palatine ne se termine pas entre la dernière incisive et la canine, mais qu’elle traverse l’alvéole de la canine. (Voy. Weber, sur l’intermaxillaire de l’homme et la formation du bec-de-lièvre dans Froriep’s, Notizen aus dem Gebiete der Natur und Heilkunde, v. XIX, p. 281.) J’ai retrouvé la suture incisive sur plusieurs crânes appartenant à diverses races humaines et souvent j’ai vérifié l’exactitude de la remarque de Weber. On peut s’en convaincre sur la fig. 2, pl. II, qui a été refaite entièrement d’après nature, parce que Goethe lui-même était fort mécontent de ce dessin, tel qu’il se trouve dans le quinzième volume des Acta naturæ curiosorum, pl. V. fig. 2.

Note 7, p. 113.

Goethe, se promenant dans le cimetière des Juifs au Lido, près de Venise, ramassa sur le sable une tête de bélier dont le crâne était fendu longitudinalement, et, en la regardant, l’idée lui vint à l’instant même que la face était composée de vertèbres ; la transition du sphénoïde antérieur à l’ethmoïde lui parut évidente au premier coup-d’œil. C’était en 1791, et à cette époque il ne fit point connaître son idée. Seize ans plus tard, Oken publia un mémoire intitulé De la signification des os du crâne, in-4o, 1807, dans lequel il établit que la tête se compose de six vertèbres. Suivant Carus, la découverte d’Oken serait le résultat d’une inspiration, tout-à-fait analogue, pour les circonstances à celle de Goethe. Se trouvant dans une des antiques forêts du Brocken, il voit à ses pieds une tête de cerf parfaitement blanchie ; il la ramasse, la retourne, l’examine et s’écrie : c’est une colonne vertébrale ! M. Geoffroy-Saint-Hilaire rapporte le fait différemment. Passant un jour en revue les squelettes de poissons du cabinet de M. Albers, à Brème, Oken entrevit l’analogie qui existe entre les premières vertèbres cervicales et les os du crâne. Quoi qu’il en soit de ces deux versions, Oken admit trois vertèbres pour le crâne ; les corps de ces vertèbres sont : la partie basilaire de l’occipital, le corps du sphénoïde postérieur et celui du sphénoïde antérieur ; les parties latérales sont représentées par les condyles pour la première vertèbre ; par les pariétaux pour la seconde, par les frontaux pour la troisième. Les trous de conjugaison se retrouvent dans les trous condyloïdiens postérieurs, le trou ovale et les trous optiques. Pour la face il admettait une vertèbre dont le vomer était le corps, ou bien plusieurs vertèbres, trois, par exemple, correspondant aux points d’ossification de cet os, et qui, en diminuant peu à peu de volume, auraient terminé la colonne vertébrale supérieurement comme la queue la termine inférieurement.

En France, on était conduit à des idées semblables, en suivant une route tout-à-fait différente. Le 15 février 1808, M. Duméril lut à l’Institut un mémoire sur l’analogie qui existe entre les os et les muscles des animaux ; le second paragraphe était intitulé : De la tête considérée comme une vertèbre. « Le trou occipital, disait l’auteur, correspond au canal rachidien des vertèbres dont il est l’origine ; l’apophyse basilaire et très souvent le corps du sphénoïde sont semblables par la structure et les usages au corps des vertèbres, les condyles représentent leurs facettes articulaires. Les protubérances occipitales et les espaces compris au-dessous sont les analogues des apophyses épineuses et de leurs lames osseuses, enfin les apophyses mastoïdes sont tout-à-fait conformes aux apophyses transverses. » Il en concluait que la tête était une vertèbre gigantesque. L’étonnement, la défaveur même avec laquelle cette idée fut reçue, forcèrent l’auteur à reculer devant les conséquences qu’elle recelait. Jean-Baptiste Spix publia en 1815 son grand ouvrage intitulé : Cephalogenesis sive capitis ossei structura, formatio et significatio per omnes animalium classes, familias, genera ac œtates digesta. Il pose en principe que le crâne est une reproduction du tronc avec tous ses membres ; la face représente les membres. Le crâne se compose de trois vertèbres qu’il appelle occipitale, pariétale et frontale ; ou crânique, thoracique et abdominale. On voit que ses idées sur le crâne étaient les mêmes que celles d’Oken, et il ne différait de lui que par son interprétation de la face. Cuvier (1817) reconnaît dans le crâne trois ceintures osseuses formées : la première par les deux frontaux et l’ethmoïde, l’intermédiaire par les pariétaux, la postérieure par l’occipital : entre l’occipital, les pariétaux et les sphénoïdes sont les temporaux qui appartiennent à la face. À la même époque, M. de Blainville considérait la tête comme composée de vertèbres immobiles, dont les anneaux sont développés proportionnellement au système nerveux qu’ils renferment, et d’appendices latéraux servant aux organes des sens ou à l’appareil de la mastication.

Meckel, Ulric, sont dans les mêmes doctrines. Bojanus (Isis, T. IV, p. 1360) reproduit le système de Spix ; il fixe à quatre le nombre des vertèbres de la tête. Leurs corps sont représentés par l’apophyse basilaire de l’occipital, le corps du sphénoïde, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde, et enfin le vomer. Leurs arcs par les lignes courbes de l’occipital, les grandes ailes du sphénoïde, les petites ailes du sphénoïde et le corps de l’ethmoïde. Les apophyses épineuses par la protubérance occipitale, les pariétaux, le coronal et les os propres du nez. L’hyoïde, les apophyses ptérigoïdes et les palatins sont les analogues des côtes. L’os pétreux, l’os lacrymal et les cornets sont des os intérieurs (intestinales).

Les membres céphaliques supérieurs correspondant aux membres supérieurs du tronc, sont formés par les apophyses mastoïdes, le cercle tympanique, la partie écailleuse du temporal, l’os zygomatique, le maxillaire supérieur et l’intermaxillaire. Les membres céphaliques inférieurs composent par leur réunion la mâchoire inférieure.

M. Geoffroy sentit le besoin de chercher un fil conducteur avant de s’engager dans ce labyrinthe. Il étudia l’ostéogénésie du crâne, et vit que chez le fœtus il se composait de 63 parties ; donc la tête est formée par le quotient de 63/9 ou 7 vertèbres. Dans la planche IX de l’atlas du troisième, volume des Annales des Sciences naturelles pour 1824 il a donné un plan figuratif qui nous montre la tête composée des sept vertèbres suivantes : la labiale, la nasale, l’oculaire, la cérébrale, celles des lobes quadrijumeaux, l’auriculaire et la cérébelleuse. Ce qui différencie le système de M. Geoffroy de tous les autres, c’est que le corps basilaire de l’occipital est formé, suivant lui, de deux noyaux vertébraux primitifs figurés, pl. II, fig. 7 et 8, dont la réunion a lieu de très bonne heure, à cause de l’énergie vitale à laquelle participent tous les organes qui avoisinent la moelle allongée. L’étude approfondie des anencéphales, l’a conduit à ce résultat. Enfin M. Garus, dans son ouvrage sur les parties fondamentales du squelette osseux et testacé (1828), en compte six : trois pour le crâne et trois pour la face ; c’est cette dernière opinion que Goethe paraît avoir adoptée dans le paragraphe auquel cette note est annexée.

Note 8, p. 117.

Le parallèle entre l’avant-bras et la jambe de l’homme, ou pour parler d’une manière plus générale, entre la moitié inférieure des membres antérieurs et postérieurs des mammifères, a long-temps embarrassé les anatomistes ; car, on voulait toujours retrouver le radius tout entier dans le tibia, toutes les parties du cubitus dans le péroné, et vice versâ ; alors non seulement les parties osseuses, mais encore les insertions musculaires donnaient des résultats contradictoires. En effet, si l’on compare l’extrémité supérieure du tibia, à l’extrémité correspondante du cubitus, on trouve entre ces deux os une analogie parfaite ; tous les deux s’articulent par une double facette, l’un avec le fémur, l’autre avec l’humérus ; la rotule est l’analogue de l’olécrâne ; le corps du tibia est triangulaire comme celui du cubitus ; le triceps fémoral répond au triceps brachial ; le muscle poplité au brachial antérieur, etc. Mais l’extrémité inférieure du tibia n’a pas le moindre rapport avec celle du cubitus. En effet, 1o le cubitus présente une face articulaire très petite, tandis que celle du tibia est très large ; 2o celui-ci s’articule avec la partie correspondante au gros orteil, qui est l’analogue du pouce, tandis que le cubitus est en rapport avec le bord métacarpien qui supporte le petit doigt. Nous trouvons, au contraire, une analogie complète entre l’extrémité inférieure du radius et celle du tibia : analogie de forme, de rapports, de fonctions. D’un autre côté, l’extrémité supérieure du radius, qui a peu de part à l’articulation du bras avec l’avant-bras, est bien représentée par la tête du péroné, et toutes deux donnent attache à un muscle analogue, le biceps du bras et celui de la cuisse. L’extrémité inférieure du péroné qui constitue la malléole externe, rappelle la forme, les connexions et le rôle que joue l’extrémité carpienne du cubitus. C’est ce qui a fait dire à M. Cruveilhier (Anatomie descriptive, t. I, p. 315) : « L’extrémité supérieure du tibia est représentée par la moitié supérieure du cubitus, et la moitié inférieure du tibia, par la moitié inférieure du radius. Tandis que le péroné est représenté par la moitié supérieure du radius et par la moitié inférieure du cubitus. »

En procédant à priori, d’après les règles tracées par la loi des connexions et celle du balancement des organes, on serait arrivé au même résultat.

En effet, le cubitus s’articule avec l’humérus ; donc le tibia, s’articulant avec le fémur, analogue de l’humérus est le représentant du cubitus. D’un autre côté, l’os qui est en connexion avec le tarse et la partie du pied qui répond au gros orteil, représentant du pouce, est nécessairement l’analogue du radius. L’organe de préhension étant devenu une colonne de sustentation, les mouvements de pronation et de supination sont abolis ; les parties osseuses qui ne sont pas dans la ligne du centre de gravité du membre deviennent inutiles, s’atrophient et finissent par disparaître totalement ; c’est ce qui doit arriver, et c’est ce qui arrive en effet pour le péroné, qui manque presqu’entièrement dans un grand nombre d’animaux.

Note 9, p. 123.

M. Carus (Mémoire sur la forme primitive des coquilles dans les Mollusques acéphales et gastéropodes), regarde la sphère creuse comme la forme fondamentale de toute coquille. Dans les Lépadées, et surtout dans le L. anatifera, cette sphère se partage dans le sens de son axe qui est déterminé par le canal intestinal, en trois segments, deux latéraux et un tergal ; les latéraux se subdivisent à leur tour en deux autres, l’un plus grand, l’autre plus petit, d’où résultent cinq coquilles en tout.

Note 10, p. 130.

Lamarck a écrit, dans sa Philosophie zoologique, un chapitre intitulé : De l’Influence des circonstances sur les actions et les habitudes des animaux, et de celle des actions et des habitudes des corps vivants comme causes qui modifient l’organisation de leurs parties. Il partage avec M. Geoffroy-Saint-Hilaire l’opinion que les mêmes lois président à la formation des êtres antédiluviens et des animaux actuellement existants. (Voyez son Mémoire sur les rapports de structure organique et de parenté qui sont entre les animaux des âges historiques et vivant actuellement, et les espèces antédiluviennes perdues (Mém. du Museum, tom. 17, p. 209, 1829), et ses Recherches sur les grands Sauriens trouvés à l’état fossile vers les confins maritimes de la Basse-Normandie, 1831)

Note 11, p. 157.

Voici quelle fut l’origine des liaisons de Geoffroy-Saint-Hilaire avec Cuvier ; c’était en 1795, ce dernier habitait en Normandie le château de Fiquainville ; lui, le comte d’Héricy, propriétaire de cette habitation, le prince de Monaco et d’autres grands propriétaires de la contrée allaient chaque soir assister dans la ville voisine, Valmont, aux séances d’une prétendue société populaire où ils avaient soin qu’on ne parlât que d’agriculture. Sur ces entrefaites, le vénérable doyen de l’Académie des sciences, M. Tessier, que les persécutions révolutionnaires d’alors avaient porté dans les armées et qui s’y trouvait caché sous le titre et avec l’emploi de médecin d’un régiment, tenait garnison à Valmont ; il apprend qu’on s’y réunit le soir pour des causeries sur la culture des champs, il se rend à cette réunion et finit par y parler si pertinemment des matières en discussion, qu’il est promptement reconnu pour l’auteur des articles Agriculture de l’Encyclopédie méthodique ; il eut, pour cela, à faire à la sagacité du secrétaire de la société, M. Cuvier, qui s’en ouvrit à lui ; mais les articles Agriculture étaient signés l’Abbé Tessier ; c’était cette qualité d’abbé, que l’ancien usage faisait prendre aux pensionnaires tonsurés de la caisse des économats, qui l’avait rendu suspect à Paris. Me voilà reconnu, s’écria douloureusement le célèbre agronome, et par conséquent perdu. — Perdu ! reprit vivement Cuvier ; non, vous allez être au contraire l’objet de nos plus tendres empressements. Cet entretien aboutit à une liaison intime, et peu après, M. Tessier, le compatriote de M. Geoffroy, l’ami de sa famille et le guide de son enfance, le mit en tiers dans cette intimité. Il pria Cuvier de lui communiquer ses manuscrits et celui-ci lui répondait : « Ces manuscrits, dont vous me demandez la communication, ne sont qu’à mon usage et ne comprennent sans doute que des choses déjà ailleurs et mieux établies par les naturalistes de la capitale : car ils sont faits sans le secours des livres et des collections. » M. Geoffroy y trouva presqu’à chaque page des faits nouveaux, des vues ingénieuses ; déjà ces méthodes scientifiques, qui depuis ont renouvelé la face de la zoologie, étaient indiquées, et ces premiers essais étaient supérieurs à presque tous les travaux de l’époque ; aussi répondit-il à Cuvier : Venez à Paris, venez jouer parmi nous le rôle d’un autre Linnée, d’un législateur de l’histoire naturelle. Cuvier vint en effet et réalisa la prédiction dé M. Geoffroy qui avait deviné son génie.

(Extrait du discours prononcé aux funérailles de Cuvier, le 16 mai 1832, par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, vice-président de l’Académie des sciences.)

Note 12, p. 173.

M. Geoffroy a observé, dans la collection de M. Bredin, directeur de l’École vétérinaire à Lyon, un fœtus de cheval polydactyle. Il était âgé de huit à neuf mois : antérieurement, le pied gauche était terminé par trois doigts à peu près égaux, celui de droite par deux seulement. Une membrane, une sorte de périoste prolongé sortait du milieu des os métacarpiens et formait un diaphragme, lequel isolait les doigts ; cette membrane les dépassait de six lignes. (Ann. des sc. nat., t. II, p. 24. 1827.)

Note 13, p. 214.

Cette loi n’est pas générale ; les cotylédons du Tilleul, des Noyers, des Hernandia, du Geranium moschatum sont divisés en plusieurs lobes bien marqués.

Note 14, p. 215.

L’Areca alba présente les mêmes phénomènes. Voy. de Candolle, Organographie végétale, Pl. 27.

Note 15, p. 216.

Cette tendance se manifeste encore dans le pétiole du Lathyrus articulatus, celui du Desmodium triquetrum et un grand nombre de plantes où le limbe avorte en partie, et se métamorphose plus ou moins, tels que les Bupleurum, les Acacia de la Nouvelle-Hollande, etc. Quelques botanistes ont été même jusqu’à considérer comme des phyllodes les feuilles du Ranunculus lingua.

Note 16, p. 216.

M. Brongniart a fait voir (Ann. des sc. nat., 2e série, t. 1, p. 65) que dans les plantes aériennes l’épiderme des feuilles se compose d’une couche celluleuse et d’une pellicule simple, percées de stomates ; tandis que la pellicule existe seule sur les plantes submergées qui ne présentent d’ailleurs jamais de stomates.

Note 17, p. 216.

Il n’est pas de plante qui démontre mieux cette vérité que le Lotus corruculatus ; velu, petit, rabougri sur les coteaux arides ; il s’élève tellement dans les bois humides qu’on l’a pris pour une espèce nouvelle (L. altissimus, Thuillier) ; enfin, il devient charnu et succulent dans les localités salines, les bords de la mer, par exemple. Le Cerastium alpinum des flores françaises n’est que le Cerastium arvense modifié par l’influence de la hauteur ; car on trouve tous les passages intermédiaires entre ces deux prétendues espèces.

Note 18, p. 219.

On peut citer beaucoup de faits à l’appui de cette vérité. M. de Tschudy a forcé un pied de melon à porter des fruits, soit en lui retranchant quelques racines, soit en le privant d’une partie de la sève descendante par l’enlèvement d’un anneau circulaire sur la tige. Les Pervenches fleurissent mieux dans des pots qu’en pleine terre. Dans les Indes orientales on déchausse les racines des arbres fruitiers pendant la grande chaleur, il en résulte qu’au lieu de pousser en bois et en feuilles, leurs bourgeons se développent en fleurs et en fruits. M. Bory de Saint-Vincent étant à l’île Bourbon, avait vainement cherché à se procurer des rameaux en fleurs de bambou (Bambusa vulgaris) ; il en trouva enfin sur des troncs à moitié consumés pendant l’incendie d’une habitation. La même plante était depuis 1813 dans une serre à Kœnigsberg ; jamais elle n’avait fleuri. Pans l’été de 1832 on fut forcé de découvrir la serre pendant un très mauvais temps pour la réparer ; la plante souffrit, puis poussa de faibles rejetons qui donnèrent des fleurs pendant cinq mois. Il est des exemples contraires : Les Quisqualis indica, Bougainvillea insignis, Vigandia urens, n’ont fleuri dans les serres du Jardin des Plantes de Paris que, lorsque l’habile jardinier qui les dirige, eut l’idée de les nourrir plus abondamment. Plusieurs Bannisteria sont dans le même cas.

Note 19, p. 220.

Dans les Gentiana campestris et G. crinita les sépales du calice sont complètement identiques avec les feuilles de la plante. Forme, couleur, grandeur, position relative, tout est semblable.

Note 20, p. 221.

Goethe semble dire dans cette phrase qu’il a vu réellement cette soudure s’opérer sous ses yeux ; et cependant il n’en saurait être ainsi, car elle a lieu beaucoup trop tôt pour que nous puissions prendre la nature sur le fait ; il aurait dû s’étayer de nombreux exemples de calices gamosépales qui, en restant accidentellement polysépales, prouvent qu’ils sont composés de parties originairement distinctes, mais constamment soudées, et non pas invoquer un fait dont tous les savants admettent l’existence, sans avoir jamais pu le vérifier d’une manière immédiate.

Note 21, p. 223.

Exemples : Brugmansia bicolor, Helleborus fœtidus, où l’extrémité des sépales du calice est rouge, tout le reste vert ; le Rhodochiton volubile dont le calice est rouge. Dans la Mussænda frondosa, une des cinq dents du calice s’épanouit en feuille colorée.

Plusieurs espèces des genres voisins, Pinckneya et Macrocnemum, sont dans le même cas, ainsi que les Dipterocarpus, les Amherstia, etc.

Note 22, p. 224.

Dans l’Euphorbia fruticosa, les jeunes feuilles sont du plus beau rouge écarlate. Il en est de même du Brownea grandiceps où elles sont d’abord rouges au moment de leur développement, et verdissent ensuite. Quelquefois la feuille est en partie verte et en partie colorée. Exemples : Amaranthus tricolor, Caladium bicolor ; ou bien l’une des faces est rouge, tandis que l’autre est verte. Ex. : Tradescantia discolor, Begonia discolor, etc. L’analogie des bractées et des feuilles étant admise, celle des pétales et des feuilles devient incontestable, si l’on considère les bractées colorées des Tillandsia, des Hydrangea, des Neottia speciosa, Salvia splendens, Cornus fiorida, Bougainvillea insignis, etc.

Note 23, p. 225.

C’est dans les espèces des genres Nuphar et Nymphæa que ces passages insensibles se montrent de la manière la plus évidente ; il est difficile dans cette spirale continue d’organes qui se modifient peu à peu, de dire où finissent les sépales et où commencent les pétales et les étamines.

Dans les Ornithogalum, l’analogie des pétales avec les étamines n’est pas moins frappante. (Voyez, du reste, pour d’autres exemples, Pl. IV. fig. 4, 5, 6, 18 ; et Pl. V, fig. 5, 6, 7, 8 et 9.)

Note 24, p. 229.

Les organes que Goethe désigne sous le nom de nectaires dans la Nigella, les Aconits et les Ancolies sont considérés maintenant comme des pétales ; et les organes colorés extérieurs qu’il appelle pétales, comme des parties du calice. Cette fluctuation qui s’observe dans les dénominations des différents organes d’une même plante n’est-elle pas la meilleure preuve de leur identité ? Mais à ce sujet, je crois devoir exposer fidèlement la doctrine qu’un phytologiste célèbre, M. Mirbel, a soutenue constamment, depuis le commencement de ce siècle, opinion qui est tout-à-fait contraire à celle que Goethe a si ingénieusement développée dans sa Métamorphose des plantes.

Selon notre savant compatriote, dont je vais reproduire la doctrine avec la plus parfaite exactitude, Goethe ne s’est pas fait une juste idée du principe d’unité organique dans les végétaux, et il a cherché l’identité et les métamorphoses là où il n’existe en réalité que des analogies et des substitutions. L’unité organique végétale réside essentiellement et uniquement dans l’utricule, petite vessie membraneuse, close, incolore, diaphane, laquelle ayant à nos yeux le même aspect dans l’universalité des plantes, bien que la raison démontre qu’elle ne saurait être la même dans les races différentes, constitue tous les types spécifiques par sa puissance génératrice, ses innombrables métamorphoses et ses agencements variés. Un organe, quel qu’il soit, n’est, quand il commence à devenir perceptible pour nous, qu’une petite masse composée d’utricules dans leur état primitif ; et alors on ne peut donner à la masse un nom propre d’organe, avec l’entière certitude de ne jamais se tromper ; car, nonobstant sa position, qui semblerait devoir décider la question, elle s’offrira peut-être plus tard sous des caractères tout autres que ceux qu’on attendait. C’est qu’ici les modifications ne résultent pas uniquement de la position, mais encore de certaines causes, soit internes, soit externes, plus ou moins variables, dont plusieurs sont très bien connues. Si la petite masse utriculaire, avant qu’aucune influence particulière n’ait agi sur elle et décidé irrévocablement de son sort, est, comme beaucoup d’observations le font croire, dans un état de neutralité, il est croyable qu’elle pourra devenir, par l’intervention de diverses influences, une feuille ou bien un sépale, un pétale, une étamine, un ovaire, une racine, etc. ; et cela ne résultera que des modifications que les utricules auront subies ; modifications qui opéreront ce que M. Mirbel appelle une substitution lorsque l’organe produit n’est pas celui que la position indiquait selon la marche ordinaire de la végétation. Que l’on trouve dans la nouvelle formation l’alliance de deux organes, l’un et l’autre incomplets, ce qui est assez fréquent, cette monstruosité ne signifie autre chose, sinon que des influences secondaires ont opéré simultanément, et que les forces se sont équilibrées de manière à donner naissance à un produit mixte. Sans doute il y a une certaine analogie entre tous les organes des végétaux ; les physiologistes sont depuis long-temps d’accord sur ce point ; mais l’analogie n’est pas l’identité. Dire que tout est feuille n’éclaircit rien. Après avoir ainsi tout confondu, il faudra bien en revenir à tout distinguer, puisque sans cela point de science.

Ce court exposé des idées fondamentales de la doctrine que M. Mirbel a reproduite, non sans quelques modifications, dans la plupart de ses écrits, et notamment dans ses deux mémoires sur le Marchantia, lus à l’Académie des sciences en 1831 et 1832, montre jusqu’à quel point ses opinions s’éloignent de celles de Goethe.

Note 25, p. 229.

Dans leur premier mémoire sur la famille des Polygalées, MM. Auguste Saint-Hilaire et Moquin-Tandon ont fait voir que ces appendices filiformes n’existaient que dans les espèces où la carène porte un lobe simple ou échancré, et qu’ils remplaçaient le troisième lobe qu’on retrouve dans beaucoup d’autres.

Note 26, p. 231.

Les travaux ultérieurs des physiologistes ont prouvé que le pollen ne sortait pas tout formé de l’orifice des vaisseaux spiraux. Dans son second mémoire sur les Marchantia polymorpha (1832), M. Mirbel a suivi la formation du pollen dans une anthère de potiron (Cucurbita pepo), depuis les premiers instants où la fleur est visible à l’œil armé du microscope, jusqu’à son développement parfait. Il a décrit et figuré ses différentes phases, pour ainsi dire pas à pas, et nous donnons ici les principaux résultats de ses travaux. 1o Dans le principe, l’anthère est une masse de tissu utriculaire renfermant des granules. 2o Peu de temps après, on voit de chaque côté de la ligne médiane de la masse, un groupe de quelques utricules qui ont pris plus d’ampleur que les autres, mais qui, pour tout le reste, sont semblables à elles. 3o Les granules de ces utricules se multiplient ; puis leur paroi s’épaissit et se dilate de manière à se séparer un peu de la masse granuleuse qu’elle contient. 4o Quatre lames partent de la face interne de cette membrane et séparent l’utricule qui sert de matrice au pollen en quatre loges. 5o Dans chacune de ces loges, il se forme un grain de pollen, résultant de la production de deux utricules dont l’une emboîte l’autre. Celle-ci contient les granules. M. Mohl a constaté que les sporules qui remplissent l’urne des mousses se forment de la même manière ; ce qui établit une singulière analogie entre les organes reproducteurs des végétaux acotylédones, et le corps fécondateur des plantes phanérogames.

Note 27, p. 231.

Goethe, dans ce passage, a probablement en vue le pollen solide des Asclépiadées et des Orchidées. Voyez sur ce sujet les mémoires de MM. R. Brown et Adolphe Brongniart.

Note 28, p. 234.

À tous ces exemples, on peut joindre les espèces du genre Stigmatophyllon que M. A. de Jussieu vient d’établir aux dépens des Bannisteria, et dans lesquelles cette forme pétaloïde est on ne peut mieux caractérisée.

Note 29, p. 235.

Ces apparences sont le résultat de simples soudures de la feuille avec le pédoncule de la fleur, et, à ma connaissance du moins, il n’existe point d’exemple de véritable feuille produisant des fleurs. Les organes florifères des Xylophylla sont des rameaux aplatis, naissant comme les autres à l’aisselle d’une feuille.

Note 30, p. 236.

Aucune plante ne prouve cette vérité d’une manière plus incontestable que le Mayna brasiliensis, Raddi. Son péricarpe est formé par les feuilles de la plante nullement modifiées et dont les moitiés libres se recouvrent mutuellement, tandis que leurs pointes forment les six styles qui couronnent le fruit. Le péricarpe est uniloculaire, ce qui devait être, puisque les feuilles ne sont pas repliées sur elles-mêmes. Parmi les plantes que nous avons journellement sous les yeux et qui démontrent le même fait, je citerai encore le Baguenaudier, les Helleborus, les Asclepias. Voy. pour d’autres exemples, planche IV, fig. 19, 20, 21, 22, 28, 29.

Note 31, p. 241.

Les paragraphes 87 et 88, 89 et 90 contiennent en germe toute la théorie de Lahire, développée par Dupetit-Thouars, sur la végétation. Dans le premier, Goethe insiste sur l’analogie du bourgeon avec la graine, que Dupetit-Thouars distinguait par les dénominations d’embryon fixe et d’embryon mobile ; Goethe accorde des racines aux bourgeons, et Dupetit-Thouars retrouvant ces racines dans la nouvelle couche d’aubier qui se forme chaque année, ne voit dans les racines de la plante-mère que la réunion de toutes les racines des bourgeons. Cette idée complète la théorie de Goethe en ce qu’elle démontre l’existence de la racine sur le compte de laquelle il ne s’explique pas dans sa métamorphose ; celle-ci n’est plus un organe â part, mais une tige modifiée par le milieu qu’elle habite, et les lois de polarité qui régissent tous les êtres.

Note 32, p. 251.

Ce fait paraît maintenant hors de doute. Les bois très durs comme l’ébène sont imperméables à la sève : dans les arbres creux, la partie centrale pourrit sous l’influence des agents physiques qui la décomposent sans que la végétation de l’arbre soit interrompue. M. Turpin a vu dans les pays chauds des troncs d’Acajou (Swietenia mahagoni) que les racines adventives du Clusia rosea avaient fait périr en les étreignant fortement, et dont le bois était dur et bien conservé, quoique l’arbre fût réellement mort. Tout cela tend à prouver que le bois parfait ne doit pas être considéré comme une partie vivante de l’organisme.

Note 33, p. 288.

On sait maintenant que les tubercules de pommes de terre sont des renflements de rameaux souterrains, et que les véritables racines n’en portent jamais. En buttant les pommes de terre, les agriculteurs font une heureuse application de ce principe, puisque cette opération a pour résultat d’enterrer les branches inférieures de la plante. Voyez la planche III : quant aux carottes, aux raves, aux radis, on sait, grâce aux travaux de M. Turpin, que ce sont des tiges dont le premier mérithalle est renflé et qui appartiennent à l’axe ascendant du végétal.

Note 34, p. 318.

Cette opinion est généralement répandue en Angleterre, en Normandie, en Danemarck, et cependant il y a bien des points à éclaircir pour mettre le fait hors de doute. 1o Est-il il certain que l’épine-vinette exerce réellement cette influence fâcheuse ? 2o est-ce par ses racines qui, en se prolongeant dans le champ de blé, attirent à elles tous les sucs nutritifs, quelle s’oppose à l’accroissement des céréales, ou bien par son pollen qui, étant porté sur les stigmates du blé, empêche la fécondation ? 3o est-ce enfin, en propageant les parasites dont ses feuilles sont souvent couvertes ? Telles sont les questions que M. Decandolle s’est posées dans sa Physiologie végétale, p. 1485, sans pouvoir, vu l’état peu avancé de la science, s’arrêter définitivement à aucune d’elles.

Note 35, p. 320.

Il y a, dans cette observation déjà faite par quelques observateurs, quelque chose qui m’engage à l’annoter, d’abord pour la confirmer et ensuite pour faire connaître l’analogie présumable qui existe entre la poussière blanche des mouches dont parle l’auteur, et cette autre poussière blanche qui apparaît à la surface du corps de certains individus de vers à soie, et détermine chez eux une affection souvent mortelle. Des observations soigneusement faites, soit en Italie, par le docteur Bassi, soit à Paris, par MM. Audouin, Montagne et Turpin, ont démontré que cette poussière était produite par une espèce de champignon byssoïde et rameux, du genre Botrytis, et nommé Botrytis Bassiana en mémoire du docteur Bassi qui le premier a fait connaître cette espèce de végétal, qui est aux vers à soie ce que l’Uredo caries est au grain du froment.

Comme dans la poussière blanche des mouches mortes, la poussière blanche des vers à soie, provient d’un Botrytis qui germe et se développe dans l’épaisseur des tissus larvacés des vers et vient ensuite fleurir et fructifier à l’air libre et à la surface du corps qui lui sert de territoire. Elle est lancée à distance sous la forme d’une pulviscule composée d’un nombre incalculable de séminules prêts à s’ensemencer de nouveau dans le corps d’autres vers, et de produire, en les épuisant, cette maladie mortelle que les Italiens, éducateurs de vers à soie, nomment la muscardine.

Note 36, p. 324.

M. Unger a parfaitement démontré, dans son ouvrage intitulé les Exanthèmes des plantes, que la stagnation des sucs dans les méats intercellulaires et l’engorgement de la chambre pneumatique d’un stomate, était l’origine de toutes ces productions parasites connues sous les noms d’Uredo, Puccinia, Aecidium, etc. (Voy. aussi Ann. des sc. nat. T. II. p. 193).

Note 37, p. 326.

M. Léon Dufour a constaté un fait analogue sur le Sonchus scorzoneræformis. Il suffît d’imprimer la plus légère secousse à la plante pour voir suinter à l’instant, surtout des angles des divisions de la feuille et des bords des écailles de l’involucre, des globules de suc laiteux. Il a renouvelé souvent cette expérience, et s’est assuré que le plus léger contact était suffisant pour produire cet effet.

Note 38, p. 327.

Suivant M. Soulange-Bodin, le Broussonetia papyrifera présente le même phénomène ; cet arbre est dioïque, et le matin au lever du soleil, les individus mâles sont quelquefois entourés d’un nuage de pollen : emportée par le vent, la poussière fécondante va chercher au loin l’arbre femelle, qui attend son heureuse influence.

Note 39, p. 332.

Il en existe cependant dans les Smilax, les Methonica gloriosa et Fritillaria verticillata. La tendance spirale se manifeste au plus haut degré dans le pédoncule de la fleur femelle du Vallisneria spiralis ; les tiges des vanilles, des Oncidium, du Tamus communis, etc. qui sont toutes volubiles.

Note 40, p. 351.

Les principales sources de Carlsbad sont : 1o Le Sprudel (le Bouillon), qui sort d’une cavité dans laquelle l’eau est poussée par intervalles alternativement avec du gaz ; ce phénomène s’explique, en réfléchissant que les cavités intérieures finissent par se remplir de gaz acide carbonique, celui-ci comprime la surface du liquide et s’échappe alors par les mêmes canaux. La température de l’eau est de 59° à 60° R. 2o Le Neubrunnen, 48° à 50° R. 3o Le Mühlbrunnen, 45° à 47° R. 4o Le Theresienbrunnen, 42° à 45° R. Enfin 5o le Schlossbrunnen, qui disparut en 1809 pour reparaître spontanément en 1823. Berzelius a publié, dans les Ann. de Chimie et de Physique, t. xxviii, l’analyse de ces eaux, qui présentent toutes la même composition. Il a trouvé, dans 1 000 parties d’eau, 5,45927 parties salines, savoir : sulfate de soude, 2,58715 ; carbonate de soude, 1,26237 ; muriate de soude 1,02852 ; carbonate de chaux 0,30860 ; fluate de chaux 0,00320 ; phosphate de chaux 0,00022 ; carbonate de strontiane 0,00096 ; carbonate de magnésie 0,17834 ; phosphate basique d’alumine 0,00032 ; carbonate de fer 0,00362 ; carbonate de manganèse 0,00084 ; silice 0,07515. L’eau laisse dégager du gaz acide carbonique, mêlé seulement de quelques traces d’azote. Leur pesanteur spécifique est à + 18° C. de 1 004,975.

Note 41, p. 367.

Une même idée semble, en général, avoir présidé aux observations géologiques de Goethe ; c’est une idée synthétique qui, négligeant les détails, embrasse l’ensemble des faits. Si quelquefois il est forcé de descendre aux particularités, c’est toujours dans la vue de les faire venir à l’appui de l’idée fixe qu’il semble poursuivre sans cesse. Une telle manière de travailler décèle un esprit grand et vaste, un cerveau large et fortement organisé. Cette méthode peut amener à des résultats féconds en conséquences ; il est même nécessaire que, de temps à autre, des hommes doués d’un esprit synthétique s’emparent des faits isolés consignés dans les divers écrits de détail et les rattachent à l’ensemble de la science pour laquelle, sans cela, ils pourraient être entièrement stériles ou même perdus.

L’idée de Goethe était sans doute belle ; elle avait quelque chose de vrai, mais il ne possédait pas tous les éléments nécessaires pour la féconder et lui faire porter tous les fruits qu’elle était capable de donner. Il n’avait point assez observé, il n’avait point assez la pratique de la géologie ; cependant si nous tenons compte de l’état de la science au moment où il écrivait, nous serons frappés de l’exactitude de ses observations et de la perspicacité de son génie qui s’élançait dans l’avenir. Un homme organisé comme l’était Goethe, parcourant des régions et des montagnes formées de ces roches d’origine ignée auxquelles, pour s’entendre on laisse encore le nom peu logique de roches primitives, ne pouvait rester long-temps sans voir les différences qu’elles présentent dans leur structure et dans la proportion et la combinaison de leurs principes élémentaires. Il dut encore être frappé des formes que les roches affectent dans leur ensemble. C’était trop peu de signaler ces phénomènes ; il voulut essayer de les expliquer. C’est pour rendre compte de ces généralités géologiques qu’il a écrit son article sur la Géologie en général (p. 339) sa Lettre à M. Léonhard, datée de Weimar 1807 (p. 362) ; son mémoire sur la Configuration des grandes masses inorganiques (p. 410). Ses explications, beaucoup trop succinctes, ne sont, en quelque sorte, qu’indiquées ; mais, quelque brièves qu’elles soient, l’idée de l’observateur perce dans toute son étendue. Un grand génie est comme le diamant qui montre tout ce qu’il est dans ses plus petites parties. L’auteur ne s’occupe pas de chaque modification éprouvée par la roche, mais il prend tout de suite son essor ; il entrevoit une grande et vaste opération de la nature, mais une opération unique à laquelle a présidé une action de laquelle dépendent les modifications qu’il a signalées. Le granit est, pour Goethe, le type primitif des roches qui, toutes, lui sont postérieures ; c’est son point de départ. Les autres roches plutoniques ne sont, à ses yeux, que du granit modifié par cette force intérieure. Ainsi donc, les trois éléments constitutifs du granit, le mica, le quarz, le feldspath, sont, dans la roche type, en proportion bien égale, mais peu à peu ces proportions diminuent, le mélange devient moins intime, la texture varie ; un des éléments devient prédominant, un autre disparaît ; mais suivant Goethe, pour lequel du reste ce doit être une conséquence forcée, on ne doit voir qu’un système unique de formation dans toutes ces nuances, c’est une seule époque géologique. Cette idée, prise abstractivement, est grande et belle ; la science qui s’en est emparée en a fait une application plus exacte, et en a tiré bon parti : mais Goethe en a poussé les conséquences trop loin. Pour lui, les roches primitives, ou du moins tous les granits, ne sont que de simples modifications d’une même roche ; modifications contemporaines, simultanées (gleichzeitig), et non successives et survenues à des époques différentes (nachzeitig). Il explique de la même manière les filons de silex corné (Hornstein) qui se trouvent dans les roches granitiques. Il y a du vrai et du faux dans cette manière de voir. Sans doute une partie des roches granitoïdes et de leurs modifications peuvent être contemporaines, le fait même est bien probable ; car, lorsque la matière granitique s’épancha hors du sol, elle devait être à l’état d’un liquide ou au moins d’une pâte incandescente, où tous les éléments, mêlés et confondus, se séparent dans le refroidissement, par suite de l’action des affinités chimiques à peu près comme la lave qui s’échappe du cratère d’un volcan. Elle nous apparaît d’abord comme une substance homogène, visqueuse, enflammée, et cependant il se forme dans son intérieur par suite du refroidissement et de l’action dont nous venons de parler, des cristallisations et des amas de minéraux de diverses natures, tels que l’olivine, le péridot, etc. Nul doute qu’il n’en fut de même pour les diverses roches qui dérivent immédiatement du granit, tels que pegmatite, leptinite, peut-être même syénite, etc. Mais encore faut-il établir une distinction pour le granit de seconde époque qui, épanché sur le plus ancien et même sur d’autres roches d’époque intermédiaire, exclut toute idée de contemporanéité avec le granit ancien. Quant aux roches porphyriques, eurites, porphyroïdes, etc., roches trappéennes, il est impossible de voir en elles une création simultanée. La texture et la position géognostique, les caractères minéralogiques, tout en elles présente une trop grande différence pour qu’on puisse leur appliquer la théorie de Goethe. Goethe n’a point assez tenu compte de l’action du feu sur les roches, non plus que de l’action des substances minérales, émanant de l’intérieur du globe à l’état gazeux, qui viennent modifier la texture et l’aspect des roches d’une manière si frappante ; car il est certain qu’une foule de produits géognostiques doivent leur existence à ces deux causes, qu’elles aient agi simultanément ou isolément. L’observation a déjà signalé un grand nombre de ces produits de roches modifiées en place et après coup, et plus les observations se multiplieront, plus aussi les faits de ce genre deviendront nombreux. Ainsi, il est maintenant bien connu et bien constaté que les dolomies, les gypses et les gisements de sel doivent leur existence à des gaz qui sont venus agir sur les roches, ou bien à des phénomènes de nature volcanique. Tout récemment, on a constaté que des roches porphyriques n’étaient que des roches arénacées qui avaient subi l’action du feu (Bull. soc. géol., t. VII, p. 170).

Il est donc évident que, si l’on ne peut nier la formation simultanée de plusieurs roches granitiques, cette simultanéité ne doit point être trop généralisée, car on se trouverait en contradiction manifeste avec les faits. C’est faute d’avoir assez tenu compte des épanchements successifs des roches ignées et d’avoir vu les dislocations que leur impulsion au dehors a pu causer dans les roches solides, que Goethe n’a pu se rendre compte de la véritable origine des filons ou veines de silex corné qu’il a observés dans le granit. La description donnée des échantillons 30, 31 et 33 (p. 349), ne permet pas d’y voir autre chose qu’une roche brisée par une force partant du centre ; celle sans doute qui, soulevant la matière des hornsteins, l’a injectée dans les vides formés par les fissures. C’est aussi de cette manière que s’explique tout naturellement la présence du calcaire empâté dans le granit, qu’il a brisé ; ou bien il faudra admettre des cavités survenues par une cause quelconque et remplies par le carbonate de chaux suspendu dans les eaux thermales, et qu’elles laissent déposer aussitôt que leur température vient abaisser. L’origine de l’échantillon no 39 semble ne point présenter de doute à cet égard, puisque l’auteur dit que ce calcaire est lié à l’existence des sources thermales. Les concrétions et les incrustations de Carlsbad rendent ces explications assez vraisemblables.

Une expression dont le sens est difficile à saisir, c’est celle qui est rendue par transformation finale (Auslaufen) ; elle a par elle-même un sens très vague, et ne peut se comprendre qu’en suivant le raisonnement de Goethe, qui voit le granit se modifier sous toutes les formes observées par lui jusqu’à ce qu’enfin la puissance qui a présidé au phénomène ait perdu son intensité ; aussi tout cela pour lui étant simultané, il n’y a point de transition d’action, la modification sur laquelle s’arrête l’action étant nécessairement une transformation qui indique la fin d’une époque. Mais, dès que la nature de la roche vient à changer, il y voit une transition, c’est-à dire une autre puissance qui vient remplacer la première, ou peut-être un mode d’action nouveau auquel passe le premier ; mais il ne semble pas qu’on puisse voir par là qu’il ait réellement compris un passage de roche à un autre, car il ne pourrait se concevoir sans intermédiaire, c’est-à-dire sans une modification insensible, or ce n’est point du tout ce que Goethe a voulu dire.

Telles sont les réflexions auxquelles nous conduit la lecture de la lettre à M. Léonhard, et les tentatives d’explication sur un des points les plus obscurs de la géologie de Goethe. Elles doivent laisser sans doute beaucoup à désirer, car s’il est difficile d’apprécier un fait géologique sur des échantillons, il l’est encore bien plus de le faire sur l’indication des échantillons. Nous voyons, en général, dans tout ce que Goethe a écrit sur la géologie, que s’il y a quelque chose à critiquer, ce sont les idées théoriques ; car, quant aux faits, ils semblent bien observés et constatés avec la précision qu’on doit attendre d’un esprit aussi lucide que le sien.

Clément-Mullet, 
Secrétaire de la Société de géologie.
Note 42, p. 383.

M. Delcros, officier supérieur au corps des ingénieurs géographes militaires, qui s’est occupé avec tant de succès de l’application du baromètre à la mesure des hauteurs, à bien voulu, à ma prière, discuter ces observations barométriques. Nous communiquons ici ses réflexions, certains que nous sommes qu’elles doivent profiter à la science.

Goethe a négligé plusieurs précautions importantes qui auraient donné à ses mesures un caractère d’exactitude qui leur manque. 1o Il ne dit point si les deux baromètres ont été comparés ; 2o si les températures données sont celles des baromètres ou de l’air ; 3o Si les échelles thermométriques sont celles de Réaumur ou centigrades ; 4o À quelles températures étaient les baromètres, ou s’ils ont été réduits préalablement à une température normale. Cependant on peut adopter les hypothèses suivantes comme étant celles qui réunissent-le plus de probabilité en leur faveur. Nous supposerons donc : 1o que les baromètres sont comparés et corrigés de leurs différences ; 2o que les températures données sont communes aux baromètres et à l’air ; 3o que les échelles thermométriques sont de Réaumur.

Ceci admis, nous allons comparer entre elles les moyennes générales de toutes les observations des quatre jours sans avoir égard à leur correspondance horaire, afin d’obtenir un résultat aussi exact que possible. En procédant ainsi, nous avons, en millimètres et avec l’échelle thermométrique centigrade :

Au couvent de Tepel 712 mm, 203 à +15,2°. Air +15°,2.
À Iéna
756 mm, 831 à +18,7°. Air +18°,7.
En calculant ces données d’après les tables d’Oltmanns-Delcros, on trouve, pour la hauteur du baromètre de Tepel sur celui d’Iéna
513  mm, 2
Or la hauteur du baromètre d’Iéna au-dessus de la mer est
146  mm, 7
Ce chiffre est celui donné par l’Herta (390 pieds) ; et nous l’adoptons de préférence à celui de Goethe qui avait admis 374 pieds 4 pouces.
La hauteur du couvent de Tepel sur la mer est donc
639  mm, 9
hauteur qui, réduite en pieds français, donne
1969  P. po.
Goethe avait trouvé
1976  P. po.
Différence
6  P. po.
Cette détermination cadre fort bien avec celle qui se trouve consignée dans l’Orographie de l’Europe, p. 373. Elle est de ce même Aloïs David dont Goethe critique les résultats, et donne pour la hauteur de la cathédrale de Tepel au-dessus la mer
1968  P. po.

Reste à savoir si les dénominations de couvent et de cathédrale ont été prises pour désigner la même station, ou si elles indiquent deux stations différentes dont la hauteur pourrait ne pas être la même. Cependant la concordance est si frappante, que la première de ces deux suppositions présente quelque probabilité.

Note 43, p. 384.

Ce gaz est de l’acide carbonique. Son dégagement est si abondant, qu’il forme à la surface de l’eau une couche de sept à huit pieds d’épaisseur ; la température de l’eau varie entre 9° 50 et 10° 50 R. Suivant Reuss, la composition chimique est la suivante :

Sulfate de soude, 0,353
Chlorure de soude, 0,047
Carbonate de chaux, 0,436
Carbonate de magnésie, 0,060
Carbonate de fer, 0,034
Silice, 0,189
Extractif résineux, 0,057
Extractif gommeux, 0,016
Note 44, p. 431.

La ruine appelée communément le temple de Jupiter Sérapis n’est point celle d’un édifice consacré exclusivement au culte religieux : c’était un de ces établissements d’eaux minérales si communs autrefois dans le golfe de Naples, selon Sidoine Apollinaire, et où le temple n’était qu’un accessoire analogue aux chapelles qui se trouvent chez nous dans presque tous les grands établissements publics. Ce fait, qui est maintenant assez généralement connu, a été mis hors de doute par un de nos plus habiles architectes, M. Caristie, qui s’est occupé pendant long-temps de la restauration de cet édifice. Nous nous joignons à Goethe et à tous les amis des arts pour hâter de tous nos vœux la publication de ses beaux et importants travaux.

Pour expliquer la présence des coquilles perforantes dans les colonnes de ce temple, on a eu recours à plusieurs explications, et la société de géologie de Paris ayant discuté cette question dans une de ses séances, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de présenter le résumé de ces hypothèses en nous aidant du Rapport sur les travaux de la société pendant l’année 1831, lu à la séance du 6 février 1832, par M. Desnoyers.

Ces hypothèses peuvent se ranger sous quatre chefs principaux :

1o Spallanzani a émis une opinion qui n’a point trouvé de partisans ; il pensait que les colonnes ayant séjourné dans la mer avaient été perforées par les pholades avant d’être employées à la construction de l’édifice ; le fait seul que ces colonnes sont toutes percées à la même hauteur suffit pour réfuter cette hypothèse.

2o On a supposé que les eaux de la Méditerranée se sont élevées jadis à la hauteur où l’on trouve maintenant les trous des pholades. Goethe démontre que cette opinion est inadmissible quoiqu’elle ait été soutenue par Ferber et Breislack.

3o L’explication due à Goethe a été adoptée avec quelques modifications par Desmarets, Pini et Daubeny. Elle est sujette à deux graves objections. 1o L’enfouissement du temple jusqu’à la hauteur de dix pieds par des matières volcaniques est une pure supposition et non pas un fait mis hors de doute par l’ensemble des témoignages historiques. 2o Il n’existe aucun exemple de pholades vivants dans d’autres eaux que celles de la mer. Je considère comme une simple variante l’opinion de ceux qui pensent que le lac ne s’était pas formé accidentellement, mais qu’on avait établi à dessein une piscine dans cet endroit.

4o La quatrième hypothèse réunit tant de présomptions en sa faveur, qu’elle a été adoptée par le plus grand nombre de géologues, tels que MM. Forbes, Lyell, Hoffmann, Babbage, Roberton, Underwood, Élie de Beaumont et Desnoyers, et par M. Caristie. Ils pensent que, vers le quinzième siècle, le temple s’est abaissé ainsi que la contrée environnante au-dessous du niveau de la mer, tandis que depuis il s’est graduellement ou brusquement relevé. Si les savants sont d’accord pour admettre cette donnée générale, ils ne le sont pas quand il s’agit des détails ; voici la version la plus généralement admise.

Ruiné par les Goths dans le sixième ou septième siècle, cet édifice aurait été rempli en partie de cendres par l’éruption de la Solfatare en 1198. En 1488 un grand tremblement de terre qui ruina Pouzzole la plongea sous les eaux avec d’autres édifices de la côte qui sont encore sous la mer. Des sédiments marins auraient achevé de les combler jusqu’à une hauteur de dix pieds. Alors les modioles lithophages (Mytilus lithofagus. L.) les perforèrent sur une hauteur de six pieds environ, à partir du fond de la mer jusqu’à la surface. Loffredo, qui vivait en 1330, affirme qu’à cette époque la mer baignait toute la plaine basse dite la Straza dont le temple fait partie. Sur toute la côte, M. Élie de Beaumont a observé, et MM. Roberton, Forbes, Lyell et Underwood ont recueilli des coquilles subfossilles identiques avec celles qui vivent actuellement dans la Méditerranée ; ce sont : par exemple, Spontylus gaderopus, Citherea decussata, Arca tetragona, Chama gryphoïdes, etc. M. Underwood a, de plus, rapporté des débris de marbre, de poteries dont les cassures sont couvertes de serpules ; un tronçon de colonne était même perforé aux deux extrémités. Le fait d’un abaissement est donc incontestable, il n’est pas moins certain que le temple a été soulevé de nouveau ; suivant quelques uns, l’éruption du Muonte Nuevo, qui eut lieu le 20 novembre 1538, produisit une oscillation en sens inverse de la précédente, et souleva le temple au-dessus du niveau de la mer. L’édifice n’aurait donc été sous l’eau que pendant cinquante ans environ, ce qui s’accorde merveilleusement avec l’opinion de Spallanzani, qui, d’après la profondeur des trous creusés par des pholades, crut pouvoir avancer qu’elles n’avaient dû travailler que pendant l’espace de quarante à cinquante ans environ. M. Babbage pense que le temple s’est abaissé graduellement, Il me paraît fort douteux qu’il ait été subitement relevé ; je suis plutôt tenté de croire à des oscillations, résultant d’abaissements et d’élévations alternatifs et lents. Voici sur quoi je me fonde : La planche de Goethe et l’ensemble de son mémoire démontrent évidemment qu’en 1787 époque à laquelle il observa le monument, sa base était élevée au-dessus du niveau de la mer. Celle-ci ne pouvait donc pas refluer dans les canaux souterrains, et inonder la cour intérieure. Or, à l’heure qu’il est, le pavé du temple est à un pied au-dessous du niveau de la mer ; les cours sont remplies d’eau au point qu’on ne peut les parcourir qu’à l’aide de grandes planches jetées çà et là. Tous les observateurs modernes font mention de ce fait que M. Caristie constate de son côté ; par conséquent le temple s’est abaissé de nouveau depuis 1787, et l’on serait en droit d’admettre des oscillations lentes et alternatives de cette partie du littoral méditerranéen.

Je ne crois pas davantage qu’il soit nécessaire de supposer que des cendres volcaniques ont rempli la cour intérieure jusqu’à la hauteur de dix pieds ; il suffît, pour expliquer cet enfouissement de se rappeler ce qu’on observe tous les jours autour des monuments ruinés ; leurs débris, en s’accumulant à leurs pieds, exhaussent peu à peu le niveau du sol, au point qu’ils disparaissent quelquefois sous leurs propres ruines. Pour retrouver le sol antique, on est toujours forcé de creuser plus ou moins profondément ; c’est ce qui est arrivé lorsqu’on déblaya le pied des colonnes du temple. Que si cette explication est sujette à quelques difficultés, elle présente au moins l’avantage de ne pas appeler à son aide un phénomène insolite, exceptionnel, véritable Deus ex machinâ, mais de s’appuyer sur un fait, constant, nécessaire, et qu’on peut vérifier partout.

Au moment de mettre sous presse, nous sommes heureux de voir notre opinion confirmée par celle d’un savant astronome napolitain, M. Capocci ; dans la séance du 15 mai 1837, M. Arago a présenté le résumé des observations de ce géomètre : elles prouvent que depuis le commencement du siècle, le temple s’est de nouveau graduellement abaissé de dix-huit pouces. Cette observation vient confirmer pleinement les idées que la lecture du mémoire de Goethe comparée aux récits des voyageurs modernes nous avait suggérées.