DÉCRETS
Relatif à la formation des Légions
Du 27-29 Avril 1792. N° 1653.
L'Assemblée nationale, considérant que le moyen le plus sur de faire la guerre avec succès, est d'opposer à l'ennemi, des troupes de même arme que celles qu'il emploie ; que les troupes légères, connues sous la dénomination de légions, rempliront cet objet, décrète qu'il est urgent de les organiser.
Après avoir délibéré sur la proposition du roi, entendu le rapport de son comité militaire dans les séances du 24 février dernier, des 24 et 25 de ce mois, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1.er Il sera incessamment formé six légions, sous la dénomination de I.ere, 2.e, 3.e 4.e, 5.e et 6.e
2. Chaque légion sera composée de deux bataillons d'infanterie légère, d'un régiment de chasseurs à cheval, et d'une division d'ouvriers.
3. Les six légions seront formées de six régimens de chasseurs à cheval, et des douze premiers bataillons d'infanterie légère.
4. Chacune des compagnies, tant de l'infanterie légère que des chasseurs à cheval, sera portée dès-à-présent à cent trente hommes, y compris les officiers, et pourra, pendant la campagne, être portée à deux cents hommes.
5. Les compagnies de chasseurs à cheval seront composées d'un maréchal des-logis en chef, de quatre maréchaux-des-logis, un brigadier-fourrier, huit brigadiers, huit appointés, deux trompettes, un maréchal-ferrant, et du nombre de chasseurs nécessaire pour porter lesdites compagnies sur le pied fixé par l'article 4
6. Les compagnies d'infanterie légère seront composées d'un sergent major, de quatre sergens, un caporal-fourrier, huit caporaux, huit appointés , deux tambours, et du nombre de chasseurs nécessaire pour porter Iesdites compagnies sur le pied fixé par l'article 4
7. II ne sera rien changé à la composition de l'état-major des régimens de chasseurs et des bataillons d'infanterie légère, ni au nombre des officiers des compagnies.
8. Il sera formé, dans chacune des six légions, une division d'ouvriers composée de trente hommes ; savoir : deux sergens, deux caporaux, deux appointés et vingt-quatre ouvriers, dont douze en bois et douze en fer.
Une moitié de cette division sera attachée au premier bataillon d'infanterie légère, l'autre au second bataillon.
9. Tous les citoyens que des raisons particulières auraient mis dans le cas de prendre leur congé, après avoir servi dans les compagnies d'ouvriers, de mineurs ou de sapeurs, et qui, encore en état de servir, se présenteront pour entrer dans les divisions d'ouvriers légionnaires, y seront admis autant qu'il y aura de places à donner dans les mêmes grades dont ils auraient joui dans lesdites compagnies.
10. Les militaires retirés du service avec pension ou un traitement militaire quelconque , et qui rentreront au service dans les légions, toucheront, pendant la durée de la présente guerre seulement, outre les appointemens du grade qu'ils occuperont, la pension ou traitement militaire dont ils jouissent.
11. Sur les huit compagnies de chaque bataillon d'infanterie légère, et sans en augmenter le nombre, il en sera formé une sous la dénomination de compagnie de carabiniers, qui sera composée des hommes les plus adroits tireurs , les plus vigoureux et les plus lestes.
Ils seront armés de carabines, équipés et exercés d'une manière analogue au genre de service auquel ils seront destinés.
Le pouvoir exécutif prescrira l'ordre dans lequel s'exécutera cette formation, tant pour les officiers que pour les sous-officiers et soldats, sans que, sous aucun prétexte, on puisse augmenter le nombre des officiers.
12. Les bataillons d'infanterie légère et les régimens de chasseurs ne seront point incorporés, mais adjoints pour le temps qui sera jugé nécessaire ; ils conserveront réunis en légion leur administration particulière, et, à cet effet, le pouvoir exécutif donnera tous les ordres et instructions convenables à ces différentes armes.
13. Chaque légion sera commandée en chef par un officier présenté par le général de l'armée où elle sera employée, et nommé par le Roi, sans que le nombre des officiers de l'armée puisse en être augmenté.
Il ne fera point partie de l'état-major de la légion, et le général pourra lui confier le commandement de plusieurs légions, s'il ie juge à propos.
14. Les régimens de chasseurs à cheval et les bataillons d'infanterie légère qui formeront les six légions , continueront d'être commandés par leurs chefs et leurs officiers respectifs, qui seront cependant sous les ordres du commandant en chef.
15. Le brevet et le grade de colonel sera donné au plus ancien des lieutenans-colonels des deux bataillons d'infanterie légère, formant ensemble l'infanterie de la même légion.
16. En présence comme en l'absence du commandant en chef, le plus ancien des colonels aura le commandement intérieur de la légion, pour tout ce qui concerne le service et la discipline; en l'absence des colonels, ce sera le plus ancien des lieutenans-colonels; et à parité de service, ce commandement appartiendra au plus âgé des lieutenanscolonels, de quelque aime qu'il puisse être ; mais dans les détachemens de différentes armes, les lois déjà établies sur cet objet serviront de règle.
17. Pour parvenir à compléter les régimens de chasseurs et les douze bataillons d'infanterie légère destinés à former les six légions, les hommes licenciés des colonies et tous autres militaires arbitrairement destitués, qui seront munis de cartouches, ou, à défaut de cartouches, de certificats de leurs municipalités qui attesteront leur civisme et leurs services, seront admis dans lesdites légions ; ils pourront choisir celle qui leur conviendra, ainsi que l'arme à laquelle ils se croiront propres.
A mesure qu'il y aura des places vacantes, elles seront données à ceux d'entre eux qui occupaient le même grade dans des régimens, à l'époque où ils les ont quittés ; et jusqu'à ce qu'ils aient été nommés à des places de sergent ou de maréchal-des-logis, de caporal ou de brigadier, ils recevront un sou par jour d'augmentation de paie.
18. Les étrangers seront admis dans les légions, et ils y seront traités comme les nationaux.
19. Le prix et les conditions pour les engagemens de légionnaires, seront les mêmes que ceux portés pour l'infanterie et la cavalerie par le décret du 24 janvier dernier.
20. La solde, les masses et l'augmentation de paie pour la campagne, seront les mêmes pour les légions que dans l'infanterie et les dragons, à l'exception des carabiniers et des ouvriers, qui jouiront d'un sou d'augmentation de paie en cette qualité.
Si, parmi ies ouvriers et carabiniers, il s'en trouvait qui eussent quitté le service dans le grade de sous-officier, caporal ou brigadier, il leur sera payé en outre l'augmentation prescrite par l'article 17 du présent décret.
Les fonds seront faits, dans chaque régiment de chasseurs et bataillon d'infanterie légionaire, pour les masses nécessaires à l'entretien des hommes et des chevaux, d'augmentation, et elles recevront le même accroissement que dans les régimens d'infanterie et de dragons.
21. Le pouvoir exécutif donnera les ordres nécessaires pour le rassemblement, la formation et l'organisation des six légions, conformément à ce qui est prescrit par les différens articles du présent décret.
22. Les sous-officiers et soldats des troupes des colonies, qui se trouvent dans le cas désigné par l'article 17, rejoindront les différens lieux indiqués par le Roi pour le rassemblement des légions où ils auront desiré de servir, sur des routes par étapes.
23. Les appointemens du commandant en chef sont fixés à 9,000 liv.; tel s'il est officier général, il recevra les appointemens affectés à son grade.
24. Toutes les lois militaires faites pour l'infanterie et la cavalerie légère, auxquelles il n'est pas dérogé par le présent décret, seront applicables aux légionnaires.
25. Les conseils d'administration des bataillons d'infanterie légère et des régimens de chasseurs réunis en légion, continueront, chacun dans leurs corps respectifs, à suivre le mode d'administration qui leur est prescrit par les décrets et les réglemens militaires ; mais ils seront tenus de rendre compte de leurs délibérations au commandant en chef de la légion, qui pourra y assister lorsqu'il le jugera convenable ; il le présidera et y aura voix délibérative.
26. Il sera formé un conseil général, composé par la réunion des conseils d'administration des chasseurs à pied et à cheval ; les trois quartiers maîtres trésoriers y rempliront alternativement les fonctions de secrétaire. Ce conseil s'assemblera toutes les fois que le bien général de la légion l'exigera.
27. Le général de l'armée réunira, quand il le jugera à propos, la quantité d'artillerie nécessaire, soit à pied, soit à cheval, pour le service desdites légions ; elle sera toujours tirée du corps de l'artillerie.
28. Les six régimens de hussards et les six régimens de chasseurs qui ne seront point employés dans les légions, seront portés le plus promptement possible à cent trente hommes par compagnie, en suivant la formation prescrite par l'article … du présent décret.
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Légions. — La loi du 29 avril 1792 avait créé six légions composées chacune de deux bataillons d'infanterie légère, d'un régiment de chasseurs à cheval ou de dragons et d'une division d'ouvriers. On en forma successivement plusieurs autres; mais les lois du 2l février 1793 et du 9 pluviôse an H ordonnèrent leur incorporation : l'infanterie forma de nouveaux bataillons de chasseurs à pied, et la cavalerie servit de noyau à huit nouveaux régiments de chasseurs à cheval. Voici le nom de ces légions:
Légion de Kellermann ou de la Moselle. — De Luckner ou du centre. — Des Ardennes ou de Myazinsky. — Des Alpes. — Du Midi ou des Américains composée d'hommes de couleur satisfaits d'habiter la terre de la liberté, dit le décret de création, et commandée par le célébre chevalier de Saint-George.— Nationale du Midi ou de Montesquiou.— Nationale des Pyrénées. Castelverd, chef.—De la Montagne, fille des sociétés populaires, levéeà Marseille par Barraset Servières. — Nationale des montagnes des Pyrénées on de Miquelets. — De Rosenthal, levée par le citoyen d'Hingue. — Nantaise, organisée en Vendée par le représentant Dubois-Crancé. — Des Francs, levée a Mayence en m;ii 1793.
En l'an IV, le général Hoche forma dans l'ouest la première légion des Francs ou légion Rouge, et la deuxième légion des Francs, qui furent toutes deux incorporées dans la ligne l'année suivante.
L'arrêté du 17 ventôse an Tiii, qui ordonnai! la formation d'une armée de réserve, prescrivit l'organisation à Dijon d'une légion volontaire de la réserve du premier consul, commandée par le chef de brigade Labarbée, et composée de jeunes gens de riches familles échappés à la conscription. L'infanterie portail l'uniforme des troupes de ligne, et la cavalerie, équipée à la hussarde, avait une pelisse couleur jaune clair qui lit donner aux soldats qui la portaient le surnom de Canaris. Celte légion fut licenciée et incorporée en l'an ix, après avoir fait une seule campagne à l'armée des Grisons.
Les légions de réserve de l'intérieur, créées au nombre de cinq par décret du 2O mars 1807, pour la défense des frontières, s'organisèrent à Lille, Metz, Rennes, Versailles et Grenohle. Elles avaient, dans l'origine, pour chefs les généraux Colaud, Sainte-Suzanne, Demont, Laboissière et Valence.
Contrairement au principe de leur institution, les trois premiers bataillons de ces légions entrèrent en Espagne à la fin de 1807 avec le corps du général Dupont, et trouvèrent la mort ou la captivité snr le champ de bataille de Baylen, à Cabrera et sur les pontons de Cadix. Les quatrièmes bataillons de chaque légion les remplacèrent à l'armée d'Espagne. On réorganisa les cadres des trois premiers bataillons, qui furent complétés, et on en forma, le 1er janvier 1809, deux régiments qui prirent dans la ligne les numéros l2l et 122.
Germain Nicolas, Brahaut Adrien Pascal, Jules François Le Comte, Germain Nicolas Brahaut, François Sicard.- Histoire de l'armée et de tous les régiments depuis les premiers temps de la monarchie française jusqu'à nos jours, A. Barbier, 1850, Google Livres p. 99. (FR-BNF 31363617c).
- Lecomte, Jules (1814-1864).- Histoire de l'armée et de tous les régiments, depuis les premiers temps de la monarchie française... par M. Adrien Pascal [terminée par Jules Ducamp]. Dutertre, Paris 1860-1864, 5 vol. gr. in-8°. (FR-BNF 30767653r).