Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3-1

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Encyclopédie méthodique - Architecture
1825


ENCYCLOPÉDIE
METHODIQUE,

OU
PAR ORDRE DE MATIERES ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
DE SAVANS ET D’ARTISTES ;
Précédée d’un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout l’Ouvrage, ornée des Portraits de MM. DIDEROT & D’ALEMBERT, premiers Éditeurs de l’Encyclopédie.

ENCYCLOPÉDIE

MÉTHODIQUE.

ARCHITECTURE,

Par M. QUATREMERE DE QUINCY,


TOME TROISIEME.
A PARIS,
Chez Mme veuve Agasse, Imprimeur-libraire, rue des Poitevins, n° 6.
M. DCCCXXV.

AVIS.


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Un recueil de planches auroit pu être un appendice agréable de ce Dictionnaire. Deux considérations ont empêché d'y joindre ce supplément.

D'abord il est certain que le grand nombre d'ouvrages gravés et aujourd'hui connus de tout le monde, sur cette matière, en a rendu la répétition beaucoup moins nécessaire aux lecteurs.

Nous dirons ensuite que le moindre choix de planches correspondantes à tous les objets qu'embrasse ce Dictionnaire nécessiteroit un volume considérable, par trop disproportionné avec l'ouvrage si on donnoit aux gravures les dimensions convenables et aussi hors de mesure par leur prix avec les conditions de la souscription et les intentions des souscripteurs.

NAC

NACELLE, s. f. On appelle ainsi, dans les profils, un membre quel qu’il soit, creux et taillé en demi-ovale C’est ce que les ouvriers appellent gorge (voyez ce mot). On donne encore le nom de nacelle à ce que l’on entend par scotie. Voy. Scotie.


NAISSANCE, s. f. On désigne dans les membres de l’architecture, par ce mot général, le lieu d’où semble sortir, et par conséquent naître en quelque sorte, la forme de tout corps, de toute saillie qui se compose d’une partie protubérante et d’une partie rentrante. Tels sont ce qu’on appelle les corbeaux, les trompes, les consoles, et les congés.

Le mot congé est plus usité aujourd’hui que celui de naissance.

Vitruve (liv. IV, ch. 7) donne à ce que nous appelons de l’un ou de l’autre de ces termes, le nom d’apophygis, qui en grec signifie fuite. Scaliger a proposé de lire, au lieu d’apophygis, apophysis, ce qui revient au mot naissance, et signifie une éminence qui semble naître et sortir d’un corps. C’est ainsi que les anatomistes grecs ont appelé les parties les plus éminentes des os.

Naissance se dit de plus d’un objet en architecture, pour indiquer le point d’où part la courbe qui le constitue. On dit :

Naissance de colonne. C’est, dans la colonne, cette légère courbure en creux qui aboutit au petit membre carré en forme de listel, servant, si l’on peut dire, de pied à la colonne, et qui fait le commencement du fût. On la nomme aussi congé. Voyez ce mot.

Naissance de voute. C’est le commencement de la courbure d’une voûte, et qui se forme par les retombées ou premières assises, lesquelles peuvent être élevées sans le secours d’un cintre, et peuvent subsister encore après que la voûte est tombée.

Naissance d’enduit. Ce sont, dans les enduits, certaines plates-bandes au circuit des croisées et ailleurs, qui ne sont ordinairement distinguées que par du badigeon, par des panneaux de crépi, ou d’enduit qu’elles entourent.


NANNI di Baccio Bigio, architecte et sculpteur florentin. On ignore l’époque de sa naissance et celle de sa mort. Il vivoit encore au temps où Vasari, qui lui a consacré dans son ouvrage une courte notice, écrivoit les Vies des peintres. Voy. Vasari, tom. VII, pag. 96 et 97.

Nanni n’a pas laissé d’ouvrages capables de lui assurer une place distinguée parmi les architectes de son époque, et peut-être auroit-il peu mérité d’en obtenir une dans l’histoire de l’architecture, si l’homme dont il osa devenir le rival, et sur lequel il réussit par intrigue à l’emporter deux fois, ne lui eût donné une certaine célébrité.

Nanni fut, en sculpture, élève de Raphaël de Monte-Lupo. Il fit dans sa jeunesse de petits ouvrages qui donnèrent de lui d’assez grandes espérances. A Rome, il travailla sous le sculpteur Lorenzetto, exécuta quelques copies sous Michel Ange, et enfin il entra dans l’école d’architecture d’Antoine San Gallo, qui l’occupa aux travaux de l’église de Saint-Pierre, dont il avoit alors la direction.

Après la mort de San Gallo, Michel Ange, qui lui succéda, se mit, comme l’on sait, à détruire l’ouvrage de son prédécesseur. Il fit plus, il en renvoya tous les agens. Nanni fut de ce nombre. Michel Ange dès-lors eut en lui un ennemi déclaré, qui se fit le chef de tous ses détracteurs, et qui n’aspiroit à rien moins qu’à le supplanter dans la place d’architecte de Saint-Pierre.

Il réussit d’abord à se faire adjuger au préjudice de Michel Ange, mais surtout de la chose publique, la restauration du pont antique de Sainte Marie.

Michel Ange avoit commencé cette opération sous le pontificat de Paul III. Il avoit déjà procédé aux moyens de réparer les piles et d’en refaire les fondations par encaissemens. A cet effet, il avoit amassé beaucoup de grands bois de charpente et de pierre travertine, dans la vue de donner à toute cette construction la plus grande solidité. A force d’intrigues, Nanni parvint à capter la confiance d’une commission que le pape avoit chargée de la surveillance de ces travaux. Il alléguoit que Michel Ange étoit trop âgé pour s’y livrer. Il obtint enfin l’adjudication de l’ouvrage.

Son premier soin fut de vendre à son profit les matériaux qu’avoit amassés Michel Ange. Au lieu de renforcer les piles, il s’étudia à en alléger la construction en y employant une foible maçonnerie. Michel Ange avoit prédit ce qui ne tarda pas à arriver. Passant un jour à cheval avec Vasari sur le pont terminé, passons vite, lui dit-il, ce pont tremble sous nous. Effectivement, il fut renversé à la première forte inondation qui survint. Voyez Vasari, tom. VI, pag. 274.

Arrivé à un âge qui ne lui permettoit plus de porter dans la conduite des travaux de Saint Pierre l’active surveillance dont ils avoient besoin, Michel Ange prévoyoit que ses détracteurs pourroient bien profiter de son absence, soit pour lui prêter des erreurs, soit pour lui en faire commettre. Il avoit déjà présenté un successeur, qui fut trouvé trop jeune. Enfin il proposa Daniel de Volterre. Nanni avoit si bien fait, qu’il étoit parvenu à s’insinuer auprès des commissaires de la fabrique. L’ancienne cabale de San Gallo le soutenoit, et elle vint à bout de lui faire donner la préférence sur Daniel de Volterre.

Déjà il étoit à l’œuvre, et il avoit commencé de faire un pont de charpente, inutile pour le service des matériaux. Michel Ange l’apprend ; l’indignation lui rend toute la vivacité de la jeunesse. Il va sur-le-champ trouver le pape, et lui dénonce le choix que vient de faire la fabrique. On m’a donné, dit-il, un successeur; je ne sais quel homme c’est ; mais si les commissaires de votre Sainteté le connoissent, et s’ils me trouvent de trop, je demande à retourner à Florence. Le pape appaisa Michel Ange, manda les commissaires de la fabrique, pour qu’ils eussent à rendre compte de leur conduite. Ceux-ci alléguèrent des erreurs et des malfaçons dans la construction, qui, disoient-ils, menaçoit ruine. Soupçonnant bien que ces allégations pouvoient n’être que les échos de l’envie et de l’intrigue, le pape envoya vérifier par un homme de confiance, les faits avancés par les commissaires, avec injonction à Nanni d’administrer les preuves des erreurs dont on parloit. Cet éclaircissement justifia Michel Ange et dévoila les menées secrètes de Nanni qui fut ignominieusement congédié. On se rappela alors les bévues qu’il avoit commises quelques années auparavant dans la restauration du pont de Sainte-Marie ; on se souvint que, s’étant fait fort de nettoyer à peu de frais le port d’Ancône, il l’avoit plus encombré en quelques jours, que la mer ne l’avoit fait en dix ans.

Nanni fut un de ces hommes, comme il y en aura toujours, qui doivent précisément à leur médiocrité ce fonds de confiance en eux-mêmes, qui en impose à ce grand nombre d’hommes, dont le besoin est de croire au mérite sur parole, n’importe de qui, même de ceux qui se vantent eux-mêmes. Il auroit pu être bon en seconde ligne, Pour avoir voulu aspirer au premier rang, on ne sauroit lui eu donner aucun.

Si l’on juge de son goût et de son talent par quelques-uns des édifices qu’il a laissés, il fut très-certainement inférieur à tout les architectes de son époque. On ne sauroit trouver de qualité remarquable dans le palais de Ricci, situé rue Giulia. On est d’accord que la partie du palais Mattei, construite sur ses dessins, est inférieure à l’autre. Le palais Salviai, qu’il a élevé à la Longara, est sans doute un édifice important par sa musse, mais d’une disposition peu remarquable, d’un goût assez maussade ; les bossages employés dans sa façade n’y produisent que l’effet de la lourdeur, au lieu de l’impression de force et de sévérité qui doit résulter de leur emploi. Les détails de toute cette architecture ne sont d’accord avec son ensemble, que par le mauvais genre d’exécution qui est commun à toute cette ordonnance.


NAPPE D’EAU, s. f. (Arch. Hydr.) On entend ordinairement par nappe d’eau, une espèce de cascade dont l’eau tombe en forme de nappe mince sur une ligne droite, et telle est celle qu’on voit en tête de l’allée d’eau à Versailles, ou bien sur une ligne courbe ou circulaire, comme sur les bords d’un bassin ou d’une vasque ronde. Les plus belles nappes sont les plus garnies, c’est-à-dire, celles dont la lame d’eau est continue et sans interruption ni brisure; elles ne doivent pas tomber d’une grande hauteur, parce qu’elles se déchirent. Pour éviter ce déchirement, on ne donne aux grandes nappes que deux pouces d’eau par pied courant, et un aux petites nappes des buffets et pyramides. Lorsqu’on n’a pas assez d’eau, pour suivre ces proportions, on déchire la nappe, ce qui se fait en pratiquant des ressauts sur les bords de la coupe de marbre ou de plomb, découpée en forme de coquille; de manière que l’eau ne tombe que par lames interrompues, il est vrai, mais qui n’ont guère moins d’agrément qu’une belle nappe, quand elles sont bien ménagées. Quelquefois on fait courir les eaux dans un canal ondulé qui leur donne plus d’effet et de brillant. Dans les vasques de la place de Saint-Pierre, l’eau tombe en nappe lisse de la première coupe creuse sur une seconde coquille bombée et sculptée en écailles, sur lesquelles l’eau ruisselé, se brise et acquiert un effet brillanté qui contraste avec le luisant uniforme de la nappe supérieure. Quelques fontaines de Paris nous offrent d’assez belles nappes d’eau tombante, telles qu’au Château-d’eau du boulevard Bondi, et surtout à la fontaine des Innocens, où l’on a tiré un si heureux parti des façades sculptées par le célèbre Jean Goujon. On regrette que la fontaine de Grenelle ne soit pas entourée de belles nappes d’eau, qui par leur éclat et leur mouvement, ajouteroient un nouveau prix aux sculptures de Bouchardon. L’habile statuaire en sentoit bien la nécessité dans la composition de son monument dont il a fait lui-même la critique, en indiquant la place que les eaux devoient occuper, par des bouillons de marbre sculpté.

L’habile architecte à qui nous devons l’un des plus beaux monumens de Paris, l’Ecole de médecine, avoit eu l’idée de nous faire apercevoir une vaste nappe d’eau à travers les colonnes du péristyle d’un temple qu’on auroit pu nommer celui de Neptune, et dont cette nappe argentée auroit voilé le sanctuaire. Il n’a pas entièrement réalisé son projet, contrarié par des vues d’une étroite économie dans les eaux et dans la disposition pittoresque de l’édifice, qui, au moyen de jours adroitement. ménagés, auroit produit un bel effet de clair-obscur. Nous devons à la mémoire de Jacques Gondoin, ainsi qu’à l’honneur de notre goût, de ne pas laisser imparfaite une fontaine qu’il seroit aisé de rendre l’une des plus belles de la capitale

Nous devons déplorer notre pauvreté en eaux jaillissantes et tombantes, malgré les efforts de l’autorité et les promesses qu’on nous fait depuis si long-temps, lorsqu’on la compare avec la surabondance des eaux que Rome doit à la munificence des souverains pontifes, encore plus qu’à la puissance romaine. Ce luxe est porté à un tel point, qu’une grande reine, qui admiroit les jets d’eau si abondans de La place de Saint-Pierre, crut qu’on en faisait les frais pour elle, et pria qu’on mît un terme à ce jeu ruineux. Mais quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’après avoir vu les fleuves qui couloient des fontaines de Trevi, Navoue et Pauline, etc., on lui affirma, comme cela étoit vrai, que toutes ces eaux étoient pérennes. C’est donc à Rome et dans les nombreuses villa de ses environs, que l’on peut prendre une idée des plus belles et des plus vastes nappes d’eau ; comme c’est là qu’on apprendra l’art de donner aux eaux les formes, la variété de dessin des corps sur lesquels elles ruissèlent, et par des combinaisons ingénieuses de multiplier leur étendue et leur volume.

Mais que sont ces effets de l’art, comparés aux magnifiques nappes d’eau que la nature déploie avec autant de grandeur que de prodigalité dans les diverses parties du monde, et où l’on admire des effets toujours beaux, quoiqu’opposés entr’eux, et toujours variés suivant l’effet du soleil à différentes hauteurs, et le plus ou moins d’abondance des eaux qui les alimentent ? Nous ne décrirons pas la célèbre cataracte de Niagara, qui frappe de surprise, d’admiration et presque d’effroi les voyageurs ; nous nous contenterons de rappeler les cascatelles de Tivoli, célèbres à tant de titres, et par leur propre beauté et par les souvenirs qu’elles retracent. Ces fleuves semblent s’échapper des nuage qui couvrent souvent les hauteurs d’où ils se précipitent en nappes argentées, se détachant sur le fond brun et verdâtre des rochers, et sont transformés, avant d’avoir atteint le fond de la vallée, en un brouillard humide, qui se teint de toutes les nuances du prisme, ou étincèle du seu des diamans.

L’effet le plus magique des eaux tombant en nappes, est celui dont on jouit lorsqu’on peut pénétrer dans le fond d’une caverne dont l’ouverture est entièrement fermée par une nappe d’eau ; rien de plus étonnant alors que le contraste de l’obscurité de la grotte avec le riche tableau qu’offrent les rayons du soleil se jouant à travers le voile éclatant qui remplit l’espace vide, ou éclairant la campagne, qu’on aperçoit par intervalles, comme au travers d’une glace ondulée.

Les Anciens, auxquels les grandes idées sembloient familières, avoient eu celle de faire tomber la grande cascade de l’Anio du haut de constructions soutenues par des arcades où l’on pouvoit circuler, et d’où l’on voyoit le fleuve tout entier grondant sur sa tête, se précipiter devant ses yeux en une nappe immense. La beauté de ce spectacle étoit digne d’exalter l’imagination poétique des Virgile et des Horace, et Stace qui le décrit, inspiré par la sublimité du sujet, élève sa versification à la hauteur de ses modèles.

On peut encore étendre l’acception de nappe d’eau à plusieurs autres combinaisons qui sont du ressort du paysage, et dont l’architecte compositeur de jardins fait une étude particulière.

Lorsqu’on creuse un puits et qu’on arrive à la couche de glaise qui retient les eaux, on dit qu’on est parvenu à la nappe d’eau ; aussi donne-t-on ce nom à toute espèce d’eau non seulement tombante, mais encore qui s’étend horizontalement dans un espace circonscrit, où elle repose tranquille, pure, transparente, et qui réfléchit comme une glace l’azur des cieux, la verdure des arbres, ou les édifices qui ornent ses bords. La rivière de Seine, par exemple, entre le Pont-Royal et le Pont-Neuf, offroit une belle nappe d’eau, qu’on a eu le regret de voir interrompre par un nouveau pont qui n’admet d’excuse que dans son utilité.

Si cette étendue d’eau est renfermée d’une manière régulière par une construction en marbre ou en pierre, et presqu’à fleur de terre, cette nappe d’eau devient un bassin auquel on donne parfois le nom de miroir, comme celui de Marly, qui s’étendoit en face de ce château de féerie, étoit entouré de douze pavillons isolés, et qui doubloit cette brillante image dont le génie flatteur de Charles Lebrun avoit voulu faire le palais et les douze stations du dieu du soleil.

Le lac de Nemi étoit aussi nommé par les Anciens le miroir de Diane. L’on trouve cette dénomination aussi juste que pittoresque, lorsqu’on voit le croissant de cette déesse entouré du cortége scintillant des étoiles, ou plutôt de ses nymphes, se mirer avec une netteté remarquable dans cette belle et tranquille nappe d’eau.

(A. L. C.)


NARNI, l’ancienne Narnia. Petite ville à cinquante-cinq milles de Rome. Ses rues sont étroites ; elle offre peu d’édifices intéressans, avant été saccagée et détruite par les troupes des Vénitiens qui alloient joindre Charles V, assiégeant Clément VII dans le château Saint-Ange.

La ville est en pente et assez désagréable. Au bas on voit un très-beau pont antique sur la Nera : on l’appelle le pont d’Auguste. De quatre grandes arches dont il étoit composé, une seule subsiste en son entier ; des trois autres, il ne reste que les piles avec la naissance de leurs arcs. L’arche qui reste, quoique la moins considérable, est d’une grandeur et surtout d’une hauteur imposante.

Ce pont étant destiné à établir la communication entre deux montagnes fort élevées, il falloit donner aux arches cette grande élévation, et l’architecte y est parvenu, en mettant sous les piles ou pieds-droits de ses arches un grand piédestal couronné d’une cimaise, composée d’un fort talon et d’un filet.

A en juger par la situation de ce pont, par l’irrégularité et par la différence de hauteur dans les deux montagnes, on peut croire que la corniche n’étoit point horizontale, mais qu’elle étoit rampante en suivant l’inclinaison du pavé ; afin d’arriver insensiblement de la montagne la moins élevée à la plus élevée, qui se trouvoit de l’autre côté du fleuve.

La pile a sur la face trente pieds de large, et d’épaisseur vingt-quatre pieds ; l’arche a de haut quatre-vingt-sept pieds, et de large soixante pieds.

Cet édifice est bâti d’une pierre blanche, argileuse, qu’on trouve dans le pays ; elle est fort dure, serrée, compacte et d’un grain fin. Au premier coup d’œil, elle ressemble un peu au marbre ; elle est employée par blocs formant des assises de 54 centim. (1 pied 8 pouces) environ de hauteur. Les blocs paroissent posés à sec, sans aucun ciment, et ils sont liés par des crampons ou agraffes de fer fixées avec du plomb.

Sur l’imposte des arches, dans la largeur du pont, et aux faces intérieures et extérieures du piédestal, on observe plusieurs corbeaux de pierre, dont la queue fait parpaing dans la bâtisse : ils ont la hauteur d’une assise, et environ 33 centim. (1 pouce de saillie). Ils sont placés sans ordre, ce qui peut faire croire qu’ils ne sont point là comme décoration, mais qu’ils ont été faits pour servir a échafauder lors de la construction, et qu’on les a laissé subsister en cas de réparation.

Les assises des piles sont taillées en bossages ; autour de l’arc règne un archivolte, orné d’un gros filet seulement ; l’arc plein-cintre est formé de cinquante-sept voussoires, qui ont de hauteur la largeur de l’archivolte.

La position de ce pont est une des plus agréables ; il traverse une vallée arrosée par la Néra, qui, en donnant la fertilité, offre de toutes parts un riche spectacle. Des peupliers, des mûriers, des figuiers et des arbres à fruits de toute espèce font que ces belles rivières sont encore l’objet de l’étude des architectes, comme celle des peintres de paysages. Narni est à neuf milles de Terni.

Il n’y a plus dans la ville de Narni aucun vestige d’édifices antiques, si ce n’est un fragment d’aqueducs souterrains, qui offre peu d’intérêt.

Pour le pont d’Auguste, consultez l’ouvrage de Antonio Martinelli.

Descrizione di diversi ponti. Roma, 1676, in-4º.

Latium vetus, du P. Volpi.

Leandro Alberti Descrizione dell Italia.

(Huyot.)


NAUMACHIE. Edifice destiné chez les Romains à des espèces de combats, qui étoient une sorte de représentation d’un combat naval.

La forme de la naumachie êtoit celle d’un cirque ou d’un amphithéâtre, à cela près que l’area y étoit creusée plus profondément, pour y recevoir le volume d’eau nécessaire aux vaisseaux qui devoient y voguer.

Les naumachies ne furent point, dans l’origine, des édifices. Il en fut des combats sur l’eau, comme de ceux qui entroient dans tous les jeux du cirque. Avant qu’on eût construit pour ces spectacles de vastes monumens, le creux d’un vallon et des terrains façonnés par l’art pour recevoir les spectateurs, suffirent au but qu’on se proposoit.

De même pour les combats sur l’eau. On commença par creuser des bassins où l’on faisoit entrer l’eau de la rivière, et les spectateurs se rassembloient autour et sur les bords de ces lacs factices.

Entr’autres jeux que César donna au peuple romain, il lui procura le spectacle d’un combat naval, et il fit à cet effet creuser un grand bassin dans le champ de Mars. Auguste fit aussi creuser une naumachie près du Tibre, à l’endroit où, suivant Suétone, se trouva par la suite le parc ou le bois des Césars. L’empereur Claude fit servir à de semblables jeux le lac Fucin. Selon Dion Cassius, il fit entourer en partie le lac d’un amphithéâtre dont les gradins étoient en bois ; le reste de l’espace environnant se composoit de collines sur lesquelles se tenoient les spectateurs. D’autres fois on se servoit probablement de la terre qu’on avoit enlevée pour creuser le bassin, et ces déblaiemens formoient à l’entour l’élévation nécessaire pour y placer des gradins ou des siéges.

Il paroît certain que les cirques mêmes et les amphithéâtres se convertissoient en naumachies, et l’on en a acquis la preuve à l’amphithéâtre de Vespasien, par les fouilles qui depuis quelques années y ont été faites dans le terrain de son area.

Domitien est le premier qui ait construit exprès et en pierres une véritable naumachie. Elle étoit établie près du Tibre. Toutefois cet édifice ne subsista pas long-temps ; et Suétone nous apprend (Vie de Domitien, §. 5) qu’on en employa les Pierres à rebâtir les murs du grand cirque qui tomboient de vétusté. Il faut donc regarder comme à peu près imaginaires les dessins de naumachies qu’on trouve dans certains recueils d’antiquités : il ne reste à Rome aucun vestige de cette sorte d’édifice.

On auroit également de la peine à trouver quelque reste authentique de naumachie dans la plupart des villes antiques dont il subsiste des débris, quoique des traditions apocryphes y fassent souvent mention de ces monumens. Il suffit de quelques vestiges, soit de citernes, soit de bâtimens circulaires, pour faire donner le nom de

naumachie à des constructions qui n’eurent aucun rapport à cette destination.

On ne peut s’en former une idée approximative, que d’après les représentations qui s’en sont conserves aux revers de quelques médailles impériales et c’est sur ces indications qu’on a restitué des dessins de ce genre de monument, qui tenoit pour le plan de la forme des amphithéâtres, qui étoit de même environné de portiques, mais qui ne paroit point en avoir eu plusieurs rangs l’un au-dessus de l’autre.


NEF, s. f. La nef est, dans une église, la partie intérieure qui s’étend depuis la porte principale jusqu’au chœur. Le mot grec exprime à peu près la même idée, et nous donne l’étymologie de nef. C’est la navata ou nave des Italiens. Cependant, le plus ancien de nos historiens, Grégoire de Tours, nomme la nef capsum, pris ici pour coffre on charriot couvert, peut-être pour ne pas confondre un édifice sacré avec le temple de l’idole de l’Auvergne, que les Gaulois nommaient, dit-il, vasso, nom qu’on retrouve avec la même signification dans vaisseau appliqué à un édifice. Un autre écrivain de la même époque, Sidoine Apollinaire, désigne la nef par campum médium ; enfin, l’auteur des Constitutions apostoliques veut que l’église offre un parallélogramme dont l’extrémité tournée vers l’orient soit faite en poupe de navire’ Est-ce par allusion à la nef de Saint-Pierre, qu’on a voulu donner la forme et quelquefois l’apparence extérieure d’un vaisseau à nos plus anciennes églises du genre gothique ? En effet, ces arcs-boutants multipliés, et qui s’appuient et semblent se lier avec le faîte de l’édifice, ces aiguilles élancées, évidées et terminées en pointe trésaiguë, surmontées de girouettes, la forme pyramidale et surhaussée du clocher ; enfin, cette multitude d’objets qui ressemblent plus à un ouvrage d’orfévrerie qu’à une bâtisse, pouvoient de loin produire une certaine illusion qui ait fait nommer cet édifice un vaisseau.

Quoi qu’il en soit, on dit de la capacité d’une église, d’une galerie et d’une salle de spectacle, c’est un vaste, un magnifique vaisseau.

C’est aussi par analogie qu’on nomme, en français, vaisseau tout vase qui se distingue par sa grandeur, son élégance ou la richesse de sa matière.

On donnoit le nom de nef à un grand vase qui ornoit la table de nos premiers rois. Cet usage subsistoit encore il y a moins d’un siècle ; c’est, suivant le Dictionnaire de l’Académie, un vase de vermeil fait en forme de vaisseau, et où l’on met les serviettes qui doivent servir à table aux rois et aux reines. Le même usage existoit en Italie au seizième siècle ; des artistes célèbres donnèrent le dessin de ces sortes de pièces d’apparat. En 1512, les magistrats de Pérouse firent exécuter une nef d’argent du poids de 35 livres, de la composition de Pierre Pérugin, maître de Raphaël. Ou trouva seulement étrange qu’au lieu d’un vaisseau, l’artiste représentât un char, sans doute celui du Neptune, traîné par des chevaux, marins.

Revenons à la nef des églises, qui est la portion la plus vaste de l’édifice, dans laquelle le peuple se rassemble pour assister aux cérémonies du culte, c’est-à-dire, en considérant la forme du temple comme celle d’une croix latine, c’est le prolongement de la grande branche ; aussi un temple à croix grecque n’a point de nef proprement dite, chacune de ses travées étant semblable à moins qu’on n’affecte la dénomination de nef à la partie qui fait face au grand autel.

Indépendamment de la beauté du coup d’œil et de l’effet perspectif, l’église en forme de basilique semble convenir mieux que toute autre aux usages religieux, et à la libre disposition des cérémonies du culte.

On distingue la forme des églises par le nombre de leurs nefs. On dit une église simple ou à une seule nef, une église à trois et à cinq nefs. La partie du milieu, plus large, est la nef proprement dite ; les bas côtés se nomment aussi des nefs ; mais ces dernières, qui longent les murs, se nomment plus particulièrement les bas côtés. On ne trouve que peu d’exemples de la première, qui est la plus simple forme des églises, c’est-à-dire, offrant un carré long sans autres bas côtés, que des chapelles d’une pente dimension ; car, dès que l’intérieur s’élargit au-delà de la portée des bois de charpente, on fut forcé de diviser l’espace en plusieurs nefs qui sont nécessaires pour supporter les plafonds ou la retombée des cintres, et obvier à leur poussée. Cependant, Rome nous fournit quelques églises de ce premier caractère, telles que celle de Sainte-Marie in Capella du onzième siècle ; celle de San Sisto Vecchio du treizième, et une chapelle maintenant ruinée, qui se voit près du mausolée de Cecilia Metella, et qui offre cette simplicité qui caractérisait l’architecture gothique dans son premier âge. Nous pouvons en voir un exemple à Paris, dans la Sainte-Chapelle, et un autre dans l’église de Vincennes.

Quant au second genre de ces édifices, c’est-à-dire à trois nefs, nous ne serions embarrassés que du choix, même en ne citant que les plus remarquables, surtout par leur ancienneté, et la beauté ou la singularité de leurs plans.

Parfois la nef prolonge jusqu’à l’autel principal qui se trouve absolument à l’extrémité de l’édifice et au fond de l’abside en hémicycle ; c’est la forme des anciennes basiliques, qu’on retrouve dans l’église de Sainte Agathe Majeure, à Revenue, bâtie à la sin du quatrième siècle. Ici, l’application de celle forme aux temples chrétiens est d’autant plus remarquable, qu’elle s’est conservée sans altération jusqu’à nos jours. L’église du Saint-Esprit, dans la même ville, paroît encore plus ancienne que la précédente, mais la proportion en est moins simple et moins élégante.

Le premier exemple d’une église offrant la forme de la croix, forme qui est devenue par la suite caractéristique dans nos temples, nous semble être celui que nous fournit l’église de Saint-Michel in Foro, a Rimini, bâtie au cinquième siècle.

A Rome, dans l’église de Saint-Clément, modèle le mieux conservé de la disposition des églises primitives, on remarque une singulière inégalité de largeur dans les nefs latérales ; celle de droite, destinée à recevoir les femmes, est beaucoup plus étroite que l’autre nef, où se plaçoient les hommes, les catéchumènes et les nouveaux convertis. On observe aussi dans la même église, et dans la portion de la grande nef du milieu qui se rapproche du chœur ou sanctuaire, une enceinte fermée d’un petit mur en marbre à hauteur d’appui, dans laquelle se plaçoient les exorcistes et autres fonctionnaires des ordres mineurs ; le peuple pouvoit tourner autour de cet espace jusqu’au devant du presbyterium, où étoient placés la table de communion et le jubé.

On trouvoit une semblable disposition dans l’ancienne cathédrale de Ravenne, qui a été démolie en 1734 et rebâtie sur un nouveau dessin. Fondée avant le quatrième siècle, elle offroit le plus bel exemple des monumens de l’antiquité sacrée, et elle conservoit en même temps le plus de vestiges de l’antiquité profane. L’hémicycle situé au fond de l’édifice rappeloit le tribunal des Basiliques, et dans une enceinte formée par de petites colonnes, que l’on voyoit au milieu de la grande nef, on reconnoissoit l’espèce de chœur isolé qui, suivant les rites de la primitive église, occupoit cette partie que nous avons déjà signalée dans Saint-Clément.

Il nous reste à parler du troisième et plus magnifique genre de nef, c’est-à-dire, des églises à cinq nefs, ou à doubles bas côtés, formés de deux rangs de galeries ou de portiques. Telles sont la plupart des cathédrales gothiques ; mais telle étoit long-temps avant, et dès l’origine du christianisme, la fameuse église du Saint-Sépulcre, construite sous le règne de Constantin par Eustathius. La description qu’en fait Eusèbe, nous donne la plus grande idée de ce temple, et nous indique peut-être la meilleure manière de disposer les églises. Un double portique entouroit la nef et le sanctuaire ; il supportoit une double galerie, soutenue aussi par de grandes colonnes, au-dessus desquelles s’élevoit une magnifique voûte en plein cintre qui couvroit la nef, et, prenant la forme d’une coupole sur le sanctuaire, étoit supportée par douze colonnes dont les chapiteaux étoient d’argent et d’un travail merveilleux.

Ce plan, d’une extrême simplicité, ne diffère de celui de l’ancienne église de Saint-Pierre, construite à Rome aussi du temps de Constantin, que par la petite nef transversale qu’on avoit adaptée à la forme de la basilique, pour donner à l’édifice sacré l’apparence de la croix ; forme que l’on retrouve dans les plus anciennes églises, telles que Saint-Paul-hors-des-murs et Saint-Jean-de-Latran à Rome, et les cathédrales de Ravenne, de Pise, de Milan, de Séville, enfin dans celle de Notre-Dame à Paris.

On peut aussi diviser les nefs en trois sortes, relativement à l’élévation ou à la coupe de l’édifice et à la manière dont elles sont couvertes.

Les premières sont dans la forme primitive des basiliques, c’est-à-dire, un espace circonscrit par des murs en parallélogramme, et divisé dans le sens de sa largeur par deux ou quatre rangs de colonnes qui supportent la charpente à découvert, comme dans Saint-Paul-hors-les-murs, ou cachée par un plafond horizontal divisé en cuissons ou encadremens motivés par la croisure des sablières et des solives, comme à Sainte-Marie-Majeure.

Dans la seconde espèce de nefs, les colonnes reçoivent la retombée d’arcs qui supportent des murs également percés d’arcades, sur lesquels reposent des petites voûtes en arête, en arc de cloître ou en tiers-point, dit ogive. Ces constructions sont variées à l’infini dans le jeu des voûtes, leur pénétration, leurs évidemens, et surtout dans leur décoration.

Enfin, la troisième manière de couvrir les nefs consiste en une voûte en berceau à plein cintre et continue, ou divisée par de simples bandeaux qui marquent l’espacement des supports, et plus ou moins ornée de caissons, comme à Saint-Pierre de Rome.

Au reste, les constructions modernes, qui sont presque toutes dans ce système, vont motiver quelques réflexions sur la meilleure ordonnance des nefs.

C’est en effet en grande partie de leur bonne disposition, c’est-à-dire, du juste rapport entre la largeur, la hauteur et l’espacement des bas côtés, en un mot, de l’harmonie des proportions de la nef, que dépend l’effet qu’un tel édifice doit produire au premier abord.

Pour que l’impression soit favorable, il faut que le coup d’œil puisse embrasser à la fois la presque totalité de l’édifice, ou au moins que ce qu’on en voit fasse deviner le reste.

En entrant, par exemple, dans une église à trois nefs séparées par deux files de colonnes, les yeux se portent en avant et découvrent la grande nef toute entière jusqu’à son extrémité, mais ils devinent en même temps le prolongement des nefs latérales, parce qu’ils l’entrevoient à travers les colonnes. L’espace semble même s’agrandir à mesure qu’on avance ; car, s’il perd quelque chose en profondeur, il le gagne en largeur : il y a compensation, et la même idée de grandeur subsiste. Mais cette idée de grandeur est relative, et souvent elle n’est qu’apparente ; un vaste vaisseau peut paroître exigu, comme celui qui n’a qu’une petite capacité paroître avoir de la grandeur. Prenons pour point de comparaison les deux extrêmes, la basilique de Saint-Pierre, et la petite église de San Pietro in Vincoli.

Certes, tout le monde s’accorde à dire que la basilique vaticane est réellement plus vaste qu’elle ne le paroît au premier coup d’œil, tandis qu’en entrant dans Saint-Pierre-aux-liens ou éprouve un sentiment contraire et qui tient, sans aucun doute, à la bonne disposition de son ensemble et à la juste répartition de ses parties ; et quoique cette église soit l’une des moindres de Rome, quant à la superficie, il en est peu qui aient un aspect aussi majestueux et aussi grandiose.

Ne pourroit-on pas expliquer cette impression, en la rapprochant du principe que nous avons déjà émis, qu’il faut autant que possible embrasser un ensemble d’un seul coup d’œil, pour que l’esprit en conçoive une grande idée ? Les regards aiment moins à s’égarer qu’à glisser, pour ainsi dire, sans fatigue, en parcourant un long espace subdivisé par des objets tous réguliers et à une petite distance l’un de l’autre, C’est l’effet que produit la nef de Saint-Pierre-aux-liens, formée par deux rangs de colonnes sans ornemens étrangers, toutes semblables et dans une juste proportion, quant à leur espacement et à leur hauteur ; aussi découvre-t-on, dès l’abord et sans obstacle, tout l’intérieur de l’édifice.

Partagez cet espace seulement en trois ou quatre parties, ne vous sembleroit-il pas raccourci ? C’est ce qui arrive à la grande basilique de Saint-Pierre. L’énorme épaisseur des piliers qui supportent les voûtes, dissimule entièrement aux regards l’étendue des bas côtés, empêche même de juger de la grande largeur de l’église.

Supposons maintenant, qu’au lieu de quatre énormes massifs dont est flanquée la principale nef, on ait subdivisé le même espace au moyen de colonnes d’un module convenable et relatif à la hauteur de l’architrave ; certes cet espace auroit paru immense, sans cesser d’être en rapport avec les proportions de l’édifice. Cette disposition (en en supposant toutefois la possibilité) auroit eu de plus l’avantage de laisser pénétrer les regards dans le vaste enfoncement des bas côtés, et l’esprit auroit été surpris autant que charmé d’un spectacle unique au monde, et qui auroit surpassé tout ce que les Anciens avoient imaginé dans ce genre.

Depuis l’érection de l’église de Saint-Pierre, la plupart de celles qu’on a construites, sont faites sur le même modèle, c’est-à-dire, composées d’arcades fort massives, dont les pieds-droits, aussi lourds, servent d’arrière-corps a des pilastres. Il y auroit eu bien moins d’inconvénient à conserver du gothique, ou plutôt du style qui l’a précédé, ce qu’il avoit de bon : je veux parler de la légèreté des supports et du dégagement qui en résultoit. Que l’on compare les églises construites suivant le nouveau système, avec celles de Royaumont, de Long-Pont et de Sainte-Croix d’Orléans, et l’on sera forcé d’avouer qu’on ne peut entrer dans ces temples, tout gothiques qu’ils soient, sans être saisi d’admiration, par la beauté du coup d’œil qu’offre cette multitude de colonnes assises immédiatement sur le pavé, et si bien disposées en plan, qu’elles laissent voir sans embarras et d’un seul regard, toute la grandeur et toute la magnificence de ces édifices.

Des architectes modernes ont fait une application nouvelle de ces principes, pour restituer à l’ancienne galerie du Louvre une dignité et une ampleur qu’elle n’avoit pas auparavant. On s’attache pour l’ordinaire à augmenter l’effet de la longueur. Ici, où elle étoit démesurée, il s’agissoit de la diminuer en apparence ; c’est ce qu’on a cherché à obtenir avec assez d’adresse, en divisant ce long espace en travées qui, indépendamment du mérite du décor architectonique et propre au classement d’objets d’art, ont eu celui de dissimuler l’étroit du vaisseau, comparé à sa longueur démesurée.

La preuve que c’est de l’effet de la bonne proportion de la nef d’un temple, que résulte le plus ou moins d’impression qu’il produit, et que a proportion la plus anciennement adoptée est la meilleure, comme toutes les premières idées, c’est que, lorsqu’on a voulu abandonner la forme simple des basiliques et des croix latines, pour adopter la croix grecque, ce n’a été qu’au détriment de l’art. En effet, qu’on compare le plan de l’ancienne basilique de Saint-Pierre et de la nouvelle, ou des antiques temples grecs avec celui de Sainte-Sophie, bâtie lors de la décadence, certes l’avantage sera du côté de la forme longue sur la forme carrée. On l’a si bien senti lors de la construction de Saint-Pierre à Rome, qu’après l’avoir commencé sur le plan de la croix grecque, on a été force d’alonger l’un des bras de cette croix ; et quoique ce raccordement n’ait pas été exécuté avec toute l’adresse possible par Carlo Maderno, pour sauver le point de suture, le résultat en est ostensiblement meilleur.

C’est le défaut qu’on remarque dans l’église de Sainte-Geneviève de Paris, et ses proportions colossales à l’extérieur sont amoindries lorsqu’on entre dans cet édifice, à un point qui ne peut se comprendre, qu’en réfléchissant que cet effet mesquin est produit par le rapprochement du sanctuaire, qu’on est habitué dans les autres temples à voir à une distance pour ainsi dire respectueuse, et dans un lointain qui permet de se pénétrer du recueillement nécessaire avant de s’approcher des mystères sacrés.

Il résulte de ce que nous venons de dire sur les nefs et leur disposition si diverse, que malgré cette immense variété de combinaisons imaginées depuis seize siècles, l’on seroit tenté de croire qu’on n’a pas fait un seul pas vers la perfection depuis le commencement de l’ère chrétienne, et que, mettant à part le genre dit gothique, qui a pourtant son avantage, on peut citer encore comme le modèle des nefs, et peut-être dirons-nous des temples chrétiens, les basiliques de Sainte-Marie-Majeure et celle de Saint-Paul hors les murs à Rome ; bien que l’un et l’autre de ces édifices aient été construits au quatrième siècle, époque qu’on est habitué à considérer comme un temps de barbarie, et qui cependant conservoit, si ce n’est le génie, au moins la tradition des arts antiques.

(A. L. C.)

Comme il n’y a rien de plus facile que les théories abstraites ou générales, dans lesquelles l’esprit se saisit, et l’imagination s’empare d’un point de vue, qui ne permet pas de mettre en compte les besoins, les convenances, les sujétions qu’une multitude de causes locales imposent surtout à l’architecte, nous devons prévenir que c’est abstraction faite de toute considération pratique ou exécutive, qu’on a rédigé les précédentes notions.

Nul doute que l’aspect intérieur d’une nef à colonnes, entourée de bas côtés supportés sur des colonnes, n’offre à la vue bien plus de dégagement, et ne présente à l’esprit plus de moyens de mesurer tout l’espace.

A cet égard, le naos des grands temples grecs étoit ainsi disposé, du moins le plus souvent. Mais à quelques exceptions près, cet intérieur des temples grecs, où le peuple n’entroit point, où aucune cérémonie ne réunissoit la multitude, ne sauroit se comparer même à nos petites églises. A peine le naos du temple de Minerve, à Athènes, avoit-il cent pieds de long. Et puis, qui ne sait que ces temples, selon les uns n’avoient point de couvertures, selon les autres n’étoient couverts qu’en charpente et en plafonds de bois ?

Veut-on parler des premières basiliques chrétiennes, faites sans doute à l’instar des édifices de ce nom, chez les Anciens (voyez Basilique), les nefs toutes en colonnes, sur de très-vastes plans, sont d’un très-bel effet pour les yeux. Mais on oublie que pour leur donner cette élévation que l’étendue de l’espace exige, on a été contraint d’élever sur les colonnes un mur très-exhaussé, dans lequel les fenêtres sont percées, et qu’un pareil parti deviendroit fort difficile avec la construction en pierre de taille. Ajoutons que ces basiliques n’étoient couvertes qu’en bois et par des plafonds de menuiserie. Or, l’incendie de la superbe basilique de Saint-Paul à Rome qui vient d’avoir lieu, nous a expliqué la fréquence des incendies des temples antiques.

Ce seroit pour la construction en pierre, un assez beau problème à résoudre, que l’union des voûtes plein cintre en pierre de taille, sur de vastes nefs supportées par des colonnes. Il faut dire qu’il ne l’a point encore été.

Les églises gothiques ne peuvent servir à cette solution. D’abord elles n’ont point de colonnes, mais des piliers énormes ; ensuite elles n’emploient que l’arc aigu ; enfin, l’élévation très-grande des intérieurs et l’impression qui en résulte, sont achetées bien chèrement par l’aspect hideux des extérieurs, qui ne vous donne d’autre idée, que celle d’un édifice ruineux, étayé de toute part. Tel est l’effet des arcs-boutans, sans lesquels les nefs ne pourroient se soutenir.

Un temple de six cents pieds de longueur, des nefs de cent soixante pieds de hauteur, une coupole de quatre cents pieds d’élévation ; voilà Saint-Pierre. On peut ne pas vouloir de ces grandeurs-là ; mais si on en veut, il faut les faire reposer sur des massifs proportionnels.

Nul parallèle à faire entre nos temples et ceux des Anciens.

NERFS, s. m. pl. On appelle assez généralement de ce nom, dans l’architecture gothique, les moulures des arcs doubleaux des croisées d’ogives, et formerets, qui séparent les pendentifs des voûtes.

On se sert plus volontiers, dans l’architecture, du mot nervure. Voyez ce mot.

NERVURE, s. f. La nervure s’entend plus particulièrement des arêtes des voûtes ornées d’un ou de plusieurs filets. Dans les voûtes d’arête, ces ornemens sont quelquefois nécessaires pour indiquer la pénétration des portions de cercle dont elles se composent, afin d’éviter l’effet de la mollesse.

Comme le mot nervure vient de nerf, on doit entendre par nervure en général, toute espèce de moulure placée sur des parties lisses ou sur des angles, et qui semblent être comme les nerfs de l’objet. Ainsi, dans les voûtes, les nerfs ou nervures seront les parties saillantes et continues qui de fait sont les nerfs de la construction ; dans l’architecture gothique, on voit souvent des moulures qui servent à consolider les voûtes d’arêtes, en fortifiant les angles par des nervures. Les Anciens n’ont point employé ce genre de nervure' . Cependant, dans les voûtes des Thermes, on voit qu’ils ont été obligés, pour en accuser les arêtes, de pincer un peu les angles, afin de rendre sensible la pénétration, et de rectifier en même temps le défaut de la construction, qui, sans cette précaution, auroit produit un effet peu régulier et désagréable.

Dans les colonnes, on appelle nervure les côtes qu’on ajoute quelquefois aux cannelures de l’ordre corinthien, comme on le voit à celles des colonnes de la grande niche du Panthéon à Rome.

Dans les volutes du chapiteau ionique, on appelle nervure le filet qu’on met quelquefois sur l’arête de la volute, comme on le voit dans les chapiteaux ioniques grecs du temple de Minerve Poliade à Athènes.

En construction, la nervure est généralement l’arête qu’on laisse pour fortifier une partie de la pierre, particulièrement aux angles, afin d’eu faciliter la pose.

On voit des exemples de ces espèces de nervures aux architraves de quelques édifices antiques. La partie de l’architrave qui pose sur le chapiteau étant plus susceptible de s’éclater aux arêtes, les Anciens laissoient quelquefois une nervure qui avoit la forme d’un petit boudin ou baguette, afin de fortifier les angles. On voit encore de ces nervures à l’arc de Septime-Sévère, au-dessus des chapiteaux ; dans ce cas, elles n’étoient point placées comme ornement, et on les supprimoit lorsque l’édifice étoit terminé.

On se sert encore du mot nervure pour désigner, dans les feuillages des rinceaux d’ornemens sculptés, les côtes élevées de chaque feuille, et qui représentent les liges ou les espèces de ramifications des plantes naturelles.
(Huyot.)


NEUDS. Voyez Nœuds.


NICHE, s. f. On appelle ainsi un renfoncement pratiqué par la construction dans l’épaisseur des murs d’un édifice, et destiné à recevoir différens objets, tels que bustes, vases, trépieds, mais particulièrement des statues.

Vitruve n’a parlé de niches dans aucun endroit de son Traité, et nous n’aurions que des conjectures très-vagues à former sur le nom qu’on leur donna jadis, si une inscription publiée dans les Monumenti Gabini, par Visconti, ne nous apprenoit qu’on désignoit en latin les niches par le mot de Zothecœ, formé des deux mots grecs zoon, figure, et theca, repositorium, en français etui, réduit où l’on conserve.

Le mot niche est le mot italien nichia, venu sans doute de nichio, qui signifie coquille, conque marine. On donne pour raison de cette étymologie, l’idée de la ressemblance d’une statue dans sa niche, avec le poisson dans sa coquille. D’autres ont expliqué cette étymologie, par l’usage assez fréquent d’orner avec une coquille la partie demi-sphérique qui termine souvent le haut d’une niche.

La pratique des niches considérées sous le rapport de la forme simple et primitive indiquée par la définition qu’on a donnée de ce mot, paroît avoir existé à peu près partout, et plus ou moins dans toutes les architectures.

On doit ainsi reconnoître comme ayant été des niches, dans les monumens de l’antique Égypte, ces renfoncemens qu’offrent les murs, et où l’on plaçoit quelquefois les gaines des momies ; et comme quelques-uns ont prétendu voir dans ces gaines l’origine des statues (ce qui ne peut s’entendre que de l’Égypte), d’autres ont imaginé fort gratuitement, à ce qu’il paroît, d’aller puiser aussi là l’usage des niches.

Cet usage toutefois semble être du nombre de ceux qui n’ont besoin d’aucun exemple étranger, pour se produire en tout pays et s’y perpétuer.

Si l’on ne trouve à citer aucun exemple de niches dans les ruines des édifices de la Grèce, les plus anciens de ceux qui existent encore, c’est que ces édifices sont presque tous des temples, qui n’admettoient ni au dedans ni au dehors l’usage des statues placées dans des niches. Il s’en trouve toutefois de quadrangulaires au monument choragique de Thrasyllus, c’est-à-dire dans la partie de la construction qui s’adosse au rocher de la citadelle. On croit que cet édifice date de la 94e. olympiade. Le monument de Philopapus, d’une époque il est vrai postérieure, a aussi trois niches, une circulaire et deux quadrangulaires, encore aujourd’hui ornées de statues. Quand nous n’aurions pas ces exemples, il faudroit dire que tous les édifices de la Grèce, tels que Gymnases, Agora, Stades, etc., et tous les ouvrages du luxe des particuliers, ayant péri, on ne peut tirer contre l’usage des niches, dans l’architecture des meilleurs temps, aucun argument valide, de cela seul, qu’il ne s’en trouve point dans le petit nombre des monumens d’une certaine époque, dont il existe des restes.

Mais les différentes formes des tombeaux et les pratiques diverses de sépulture avoient dû rendre très-anciennement l’usage des niches familier aux Grecs et aux Romains, dans les sépulcres construits surtout pour les familles. Ces sépulcres, qu’on appela Columbaria, avoient leurs murs intérieurs ornés de petites niches destinées à recevoir les urnes où étoient déposées les cendres des morts. Très-souvent une niche beaucoup plus grande occupoit la place principale de ces chambres, et c’est là qu’étoit l’urne ou le sarcophage du chef de la famille.

On trouve des niches pratiquées dans des intérieurs de temples ou ædicules des Romains, ouvrages qui passent pour devoir être d’une construction assez ancienne.

Sur les bords du lac d’Albano, on admire un petit édifice construit en reticulatum, et qu’on croit avoir été un Nympheum. Chaque côté de son intérieur est orné de six niches, dont l’élévation annonce qu’elles furent destinées à recevoir des statues.

Le nom de ce monument en rappelle un autre situé à Nîmes, près de la fontaine, et qu’on croit aussi avoir été un temple consacré aux nymphes, bien qu’on lui donne assez ordinairement le nom de temple de Diane. Le dedans de l’édifice a les deux côtés décorés de six colonnes corinthiennes adossées aux murs. Chaque entre-colonnement est occupé par une niche du genre de celles que les Modernes appellent à tabernacle. Chacune repose sur un stylobate ; chacune est ornée d’un chambranle formé par deux pilastres soutenant un fronton alternativement angulaire et circulaire. Dans une de ces niches il doit y avoir encore des fragmens de statues.

Cette sorte de niche, des plus belles qu’il y ait dans l’antiquité, nous conduit naturellement à faire mention de l’espèce de niches encore plus magnifiques qui ornent l’intérieur du Panthéon, à Rome : elles sont aussi du genre de celles qu’on désigne par le nom de tabernacle (selon Chambray). Leur renfoncement est orné d’un bandeau et accompagné de deux colonnes corinthiennes qui supportent des frontons alternativement circulaires et angulaires. Les colonnes posent sur un stylobate, quoique Desgodets leur donne des piédestaux isolés.

On ne sauroit quitter le Panthéon sans y faire observer les deux grandes niches circulaires en plan et dans leur fermeture, qui sont sous le péristyle, une de chaque côté de la porte, et qui, sans doute, comme leur dimension l’indique, furent destinées à recevoir des statues colossales.

Il seroit aussi long qu’inutile de faire mention de tous les édifices antiques romains où l’on trouve des niches. Plus les statues se seront multipliées à Rome et dans les diverses parties de l’Empire, plus, comme cela est probable, l’usage des niches sera devenu fréquent et général. Ainsi, un des hémicycles du monument appelé le temple de la Paix, à Rome, conserve encore dans sa circonférence intérieure une rangée circulaire de douze niches.

Lorsque l’architecture eut à sa disposition une grande quantité de statues, on en fit un objet de décoration universelle. Les théâtres, les forum, les gymnases, les thermes, les tombeaux et beaucoup d’autres édifices furent ornés d’un nombre de niches proportionné au nombre des statues que le luxe public et celui des particuliers, mais surtout les spoliations de la guerre, avoient singulièrement multipliées.

Le grand usage des statues dut rendre ainsi l’emploi des niches si commun, qu’il arriva sans doute qu’au lieu de faire des niches pour les statues qu’on possédoit, on en sera venu à faire des niches pour les statues à venir. Ainsi, il en aura été de la niche, surtout dans les édifices des derniers siècles de l’Empire, comme nous voyons qu’il en est dans les édifices modernes : elle sera devenue une sorte d’ornement banal, un lieu commun de l’architecture, et les architectes en auront fait sans aucune intention d’y placer des statues.

On est fort porté à le croire en parcourant les ruines des édifices de Palmyre, de Baalbeck et de Spalatro. C’est là qu’on voit des niches de tout genre et de toute forme, placées les unes au-dessus des autres, et, à ce qu’il paroît, plutôt pour la décoration des masses et des superficies, que pour recevoir des statues.

Ainsi, un édifice de Rome, appelé l’Arc de Janus, a tous ses massifs quadrangulaires occupés par deux étages de niches ornées de coquilles dans la partie circulaire d’en haut. Quelques-unes de ces niches, c’est-à dire celles des angles, ne sont que figurées ou feintes, parce qu’effectivement l’épaisseur en cet endroit n’eût pas permis de leur donner la profondeur nécessaire pour recevoir des statues.

On retrouve l’ornement en coquilles dont on vient de parler, au plus grand nombre des niches qui décorent les monumens de Palmyre et de Baalbeck : c’est là aussi, comme à Spalaro, qu’on verra toutes les sortes de variétés que l’abus du luxe commença à introduire dans cette partie de l’architecture. Parmi un grand nombre de niches ornées de colonnes et de frontons avec beaucoup de régularité, il en est aussi dont les frontons n’ont plus de base ; il en est d’autres où les frontons éprouvent des ressauts ; d’autres où le fronton est contourné d’une manière capricieuse. Enfin, il semble que là auroit pris naissance l’usage d’employer arbitrairement et à tout propos les niches, et sans aucun autre but que celui de garnir les superficies, ou de remplir des espaces qui, sans cela, seroient demeurés lisses.

Les divers monumens qu’on vient de citer, en suivant l’ordre des temps, peuvent fournir à l’architecture les exemples et les modèles de toutes les espèces dé niches ; et sans doute ils suffiront pour faire connoître à quel genre de convenance elles doivent être assujetties, selon la nature des édifices, et selon le caractère des ordonnances qui les reçoivent. Ces convenances nous paroissent devoir être assimilées à celles d’après lesquelles se règlent la forme et la décoration des portes et des fenêtres, à quoi les niches peuvent et doivent être comparées, sous toutes sortes de rapports, destinées qu’elles sont à servir souvent de pendans, comme objets décoratifs, aux différentes ouvertures des édifices.

En effet on peut, avec toute raison, considérer la niche comme une ouverture ou un percé pratiqué dans un mur, dans un massif ; et il en est qui le sont effectivement, c’est-à-dire, où l’objet qu’on y place peut être vu de l’un et de l’autre côté. C’est ainsi qu’on prend pour de véritables niches, et ils le sont en réalité, ces percés dans l’arc appelé de Claudius Drusus, aujourd’hui Porta Maggiore, et où étoient placés jadis les trophées dits de Marius. De même, dans bien des cas, des arcades sont des niches percées, comme les niches sont des arcades fermées.

Il fut donc, et il est fort naturel encore de donner aux niches, dans la décoration de l’architecture, les mêmes variétés de caractère, de forme, d’ornemens et d’accompagnemens que l’usage a affectés aux ouvertures des fenêtres et des portes.

Ainsi, il y a des niches quadrangulaires dans leur plan et leur fermeture, qui ne reçoivent ni chambranle, ni aucune espèce d’accompagnement, et qui forment le genre le plus simple, en y joignant aussi celles qui sont circulaires en plan et cintrées par en haut, mais sans couronnement et sans encadrement.

On peut ranger dans la classe suivante les niches quadrangulaires dans leur renfoncement et leur fermeture, mais ornées de chambranles ou couronnées d’une plate-bande supportée par deux consoles, ainsi que celles dont les chambranles ornés de pilastres sont surmontés d’un fronton.

Dans la troisième classe on comprendra les niches demi-circulaires en plan, et arrondies dans leur fermeture, ornées de bandeaux, accompagnées de colonnes, et couronnées par des frontons angulaires ou circulaires.

Cette sorte de classification de niches, empruntée de la pratique reçue à l’égard des ornemens des fenêtres, comporte naturellement, comme toutes les parties de l’architecture, trois caractères qui, correspondant aux trois ordres, seront facilement mis en rapport avec les qualités qu’exigent le genre simple ou fort, le genre moyen ou élégant, le genre riche ou varié.

Les trois classes de niches qu’on vient de décrire devront donc trouver place dans les édifices, selon que le caractère de chacun de ceux-ci sera désigné par l’un ou l’autre des trois ordres dorique, ionique ou corinthien.

Dans tout ouvrage d’architecture, ou faisant partie de l’ensemble des édifices, la proportion est un élément principal du caractère qu’on doit lui donner. Ainsi il va sans le dire, que chacune des trois classes de niches déjà désignées, doit avoir une proportion, qui soit moralement en rapport avec la forme qu’on lui donne et la mesure d’ornement qui lui est affectée : on dit moralement, parce qu’au fond il appartient surtout au sentiment des convenances et au goût, de déterminer de semblables rapports.

Quelques architectes ont essayé en vain de les fixer dans leurs théories par des règles invariables. Selon eux, la règle générale seroit de donner à la hauteur des niches deux fois et demie leur largeur ; la règle particulière seroit de donner à la niche de la première classe vingt-huit parties ; à celle de la seconde, trente ; à cette de la troisième, trente-une, en prenant douze de ces parties pour la largeur du chaque niche. C’est ainsi qu’ils approprient aux proportions respectives des différentes niches, le système des proportions qu’ils appliquent aux ordres dans leurs traités d’architecture.

Toutes ces fixations proportions n’étant, à l’égard même des colonnes et des membres d’une ordonnance, que des espèces de termes moyens, établis dans les méthodes, pour servir de mesure approximative aux combinaisons de l’architecte, on comprend combien il seroit ridicule de prétendre assujettir les dimensions des niches à une échelle de proportions invariablement déterminées.

En effet, il n’y a peut-être point d’objets de


décoration en architecture qui doive être, plus que les niches, soumis aux conditions essentiellement variables, soit de l’emploi qu’on en fait lorsqu’on y place des statues, soit du lieu qu’elles doivent occuper, soit de la distance où elles se trouvent de la vue, soit des accessoires qui les environnent.

Beaucoup d’observations plus ou moins judicieuses ont été faites relativement à la pratique des niches et à leur emploi dans l’architecture ; et il faut dire qu’ici, comme sur d’autres points, des critiques beaucoup trop sévères se sont prévalus des abus que quelques-uns ont fait des niches pour en proscrire tout usage. On a soutenu que c’étoit une invention vicieuse, par cela que les niches ne devant être destinées qu’à recevoir des statues, ces statues enchâssées, si l’on peut dire, dans des renfoncemens, ne faisoient plus d’effet, et que l’œil ne pouvoit plus en embrasser les divers aspects. La chose est vraie, sans doute, et la critique auroit raison sur ce point, si toutes les statues étoient de nature à devoir être considérées de tous les côtés, et si on n’en faisoit pas tout exprès pour être enfermées dans des niches. Or, tout le monde sait que la sculpture a plus d’une manière de travailler les ouvrages, selon qu’ils figurent isolément, ou qu’ils sont destinés à servir d’ornement dans l’architecture. Condamner, pour une aussi futile raison, l’emploi des statues dans les niches, ce serait condamner l’architecture à se priver d’un de ses moyens de décoration les plus agréables et les plus utiles en même temps.

J. F. Blondel a pensé qu’on ne devoit pas pratiquer deux rangs de niches l’un sur l’autre, à moins qu’ils ne sussent séparés par la ligne d’un entablement qui annonce l’existence d’un plancher ; autrement, dit-il, la statue de la niche supérieure sembleroit avoir ses pieds posés sur la tête de la statue placée dans la niche inférieure. Il faut craindre, en architecture, autant l’absence que l’abus du raisonnement. Or, nous croyons que si la raison nous dit qu’il peut y avoir de l’inconvénient à trop multiplier les niches dans les murs ou les élévations d’un édifice, ce ne sera jamais par la considération de la position de la statue d’en haut, à l’égard de l’inférieure, que cette multiplicité blessera les yeux du spectateur.

On sera plus volontiers de l’avis de Blondel, dans les préceptes qu’il donne sur les rapports des statues avec les niches. Il s’oppose, avec raison, à ce que l’on fasse porter les pieds d’une statue sans plinthe sur la base de la niche. La plinthe effectivement est nécessaire au bon effet de toute figure en statue ; c’est sortir des conventions de la sculpture, et de l’art en général, que de prétendre à la vaine illusion qui sembleroit résulter de la privation des caractères matériels qui entrent dans les conditions de l’imitation. C’est faute de faire cette réflexion que des critiques se sont prononcés contre l’emploi des statues placées par l’architecture dans des lieux, disent-ils, où il n’est ni possible ni probable qu’un homme vivant puisse parvenir ou rester. Mais, dans la décoration architecturale, il ne sauroit jamais être question de considérer les figures comme êtres naturels et vivans ; il ne faut les voir que sous le rapport d’imitation, c’est-à-dire, comme statues.

C’est d’après cela qu’on blâmera, et avec raison, l’artiste de donner aux statues que doivent renfermer les niches, des compositions trop pittoresques, des attitudes et des mouvemens qui ambitionnent l’illusion, et qui, faisant sortir la figure des lignes de la niche, la mettent trop en saillie hors des murs ou des paremens.

Il resteroit à parler du judicieux emploi que l’architecte peut faire des niches sous le rapport de la décoration. La niche ainsi considérée, devient sans doute trop souvent (comme on l’a déjà dit) une sorte de lieu commun, un objet parasite dont on remplit le vide des superficies qu’on ne sait point occuper autrement : de-là, dans beaucoup de monumens modernes, ces niches multipliées qui sont restées sans statues, parce qu’effectivement ce n’étoit pas le besoin de statues qui les avoit fait imaginer. Aussi a-t-on déjà remarqué qu’une des meilleures destinations qu’on pût aujourd’hui donner à la sculpture, seroit de remplir toutes les niches vides que présentent nos édifices.

Au nombre des raisons qui plaident en faveur des niches dans l’architecture, il faut compter non-seulement l’heureux effet des statues comme objets décoratifs, mais l’effet plus heureux encore de leur signification, et cet effet résulte de l’analogie des sujets exprimés dans les statues avec la destination de l’édifice que ces sujets désignent et caractérisent. On dénoncera donc comme un abus trop commun dans les projets et dans leur exécution, cette habitude de faire des niches qui n’auront pas de statues, ou de les remplir par des statues qui sont sans rapport aveu la destination du monument.

Si cet effet des statues, qui devroit être la vraie raison de l’emploi des niches, étoit toujours présent à l’esprit de ceux qui font des projets d’architecture, il est probable qu’ils seroient plus économes de niches ; celles-ci, moins prodiguées, acquerroient plus de valeur, surtout si elles ne se présentoient jamais sans les statues pour lesquelles elles sont faites.

On donne aux niches différens noms, selon leur forme, leurs accompagnemens, et aussi selon les parties d’édifices ou les emplacemens qu’elles y occupent. Ainsi l’on appelle :

Niche carrée, celle qui forme dans un mur un renfoncement dont le plan et la fermeture sont quadrangulaires.

Niche ronde, celle qui est cintrée dans sa fermeture et circulaire dans son plan.


Niche rustique, celle dont le bandeau est orné de refends du de bossages.

Niche à cru, celle qui, ne portant sur aucun corps ni massif, prend naissance du rez-de-chaussée, comme sont les deux grandes niches du portique du Panthéon, ou qui repose sans plinthe sur l’appui continu d’une façade.

Niche angulaire, celle qui est prise dans un encoignement, qui, dans l’angle, est fermée par une trompe.

Niche de buste, celle qui consiste ordinairement en un petit renfoncement circulaire.

Niche d’autel, ce le qui occupe la place d’un tableau dans un retable d’autel.

Niches en tabernacle. celles qui sont décorées de chambranles, de colonnes avec frontons, et reposent sur un stylobate.

Niche en tour ronde, cette qui est prise dans le dehors d’un mur circulaire, et dont la fermeture est en saillie. On appelle niche en tour creuse, celle qui fait l’effet contraire de la niche en tour ronde.

Niche, œdicula, zotheca, loculamentum.

Les plus anciennes sont évidemment celles qui sont taillées dans la montagne même, et celles qui leur ont succédé et qu’on voit dans les excavations de la Nubie. La nécessité de faire des figures de ronde bosse fit creuser autour de ces figures nu creux qui servit à les détacher plus ou moins. On fit ces entailles carrées autour de la figure, ainsi qu’on en voit dans les excavations d’Eysenboule, de Gerche-Assan, de Déry, etc. On creusoit aussi de petites niches à l’entrée des fontaines ou des temples, et dans les tombeaux, pour y placer des lampes. Il est si naturel, lorsqu’on a un objet quelconque à placer dans un mur ou sur un rocher, d’y faire une entaille ou ronde ou carrée, que la niche en général est de la plus haute antiquité : mais l’usage d’en faire un ornement propre à l’architecture est bien moins ancien ; car on ne peut donner le nom de niches à ces excavations égyptiennes faites pour réserver les figures plus saillantes que celles qu’on voit sur les obélisques, par exemple, qu’on ne peut appeler niches. Ce sont les Grecs, je crois, qui donnèrent les premiers une proportions aux niches, selon la place qu’elles occupaient, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur des édifices. Comme ce sont eux qui firent le plus de statues ronde bosse pour faire partie des édifices, il devint naturel de leur donner une place dans la construction, ce qui donna l’origine de la niche proprement dite ; la proportion de la statue lui donna naturellement une véritable proportion, qui fut cependant assujettie à l’ordre et aux ornemens dont étoient enrichis les édifices.

Les Romains, qui ont beaucoup emprunté des Grecs dans les arts, ont souvent fait un abus de ce genre d’ornement, C’est effectivement dans l’architecture romaine que les niches donnent un caractère à cette architecture ; mais nous distinguerons deux espèces de niches, celles qui ne servent qu’à y placer des statues, et celles qui servent à différens usages, comme les exèdres, les renfoncemens plus ou moins grands, de forme carrée ou circulaire, qui se trouvent dans les murs d’une grande longueur. Les premières sont dans les temples, dans les salles, dans les basiliques, dans les entre-colonnemens des portiques, sur des murs lisses, mais doivent être généralement de la grandeur de six à sept pieds, afin d’y placer une statue grande comme nature, Elles sont prises dans les épaisseurs des murs, sont terminées par une plate-bande ou par une partie circulaire, quelquefois décorées de chambranles, de colonnes, de frontons et d’ornemens, selon leur place ou le rapport qu’elles ont avec l’architecture. Les autres niches sont vastes et descendent jusqu’au sol : elles servent à y placer des bancs, des sièges pour y réunir beaucoup de monde, comme on en voit dans les extrémités des basiliques, des églises, des tribunaux ; elles étoient appelées calcidiques, selon plusieurs commentateurs de Vitruve : les autres, placées dans les thermes, les salles de réunion, avoient la même forme, quoique moins grandes, et servoient à y placer des siéges pour les bains ou pour converser : on les appeloit exèdres. On peut encore appeler indistinctement calcidique, exèdre on niche, selon l’emploi, la forme et la décoration qu’on leur donne, ces renfoncemens qu’on voit plus particulièrement dans les édifices romains, et qui souvent sont répétés dans les enceintes de vastes édifices. Ces niches sont nécessaires à la construction et à la solidité de ces longs murs ; car, malgré la grande épaisseur qu’on leur donne ordinairement, ils ont besoin, de distance en distance, de certains points d’appui : souvent on y met des contre-forts ; mais lorsque la localité le permet, il est mieux de les remplacer par des ressauts agréablement disposés, qui servent a soutenir toute la volée du mur, qui, par son élévation et son étendue, sortiroit facilement de son à-plomb. C’est cette nécessité de former des ressauts pour la solidité des murs d’une grande étendue, qui est cause que tous les aqueducs romains ne sont jamais en ligne droite, ce qui a donné lieu à bien des conjectures. On a prétendu que c’étoit pour éviter certains courans qui se trouvoient sur son passage, ou que c’étoit afin de diminuer la rapidité de l’eau, ou pour chercher les lieux les plus élevés afin d’éviter la trop grande dépense. Il est vrai que cette dernière est souvent une des raisons ; mais la plus forte, et celle qu’on doit admettre avec le plus de probabilité c’est qu’un mur d’une aussi grande étendue, et souvent très-élevé, auroit été facilement renversé, soit par le tassement, soit par des tremblemens de terre, et que si une partie venoit à tomber, elle entraineroit bientôt, par son poids,


celle qui se trouve sur la même ligne. C’est donc pourquoi on a plié cette longue distance, en profitant effectivement des hauteurs qui pouvoient être favorables à la construction, dans les lieux où il falloit moins de fondation. Mais les diverses brisures des longs aqueducs romains sont nécessaires pour maintenir et fortifier le mur. Il n’est point jusqu’au plus simple des particuliers qui ne suive cette règle pour le paravent qui se trouve dans sa chambre pour le garantir du froid. C’est donc ce principe de solidité qui fit que les murs des Romains particulièrement, qui souvent n’otoient que de briques, avoient une infinité de renfoncemens, comme on le voit dans les enceintes des thermes.

Les niches servent encore dans la construction à ménager les matériaux, soit la pierre, soit les briques qu’on y emploie ; c’est encore une des raisons pour lesquelles les Romains en firent un si grand usage dans les énormes massifs de leurs constructions en brique. Elles servent encore dans certains cas, comme de décharge pour lier les murs et les différentes parties de muraille ; car, lorsque les murs ont une grande hauteur, il est essentiel de faire quelquefois sur la hauteur ce qu’on fait sur la largeur, c’est-à-dire, de former des arcades pour lier les murs, en rompant les assises régulières horizontales. On n’y met ordinairement que des plates-bandes ou des arcs ; mais lorsque le mur a une grande épaisseur, on peut y mettre des niches. Les niches servent encore de décharge dans les fondations, et butent les terres. On fait pour les murs de terrasse des contre-murs, ou on y place une suite de niches circulaires qui isolent les terres et empêchent lent poussée et leur humidité, comme on le voit au camp de la ville Adrienne.

Maintenant que nous avons donné une idée des niches en général, voyons comment les Anciens et les Modernes les ont employées. Il nous reste peu de niches des Grecs. Dans les temples, les statues étoient colossales et placées au fond de la cella, isolées comme au temple de Jupiter olympien et à celui de Minerve à Athènes. On voit cependant quelques niches à quelques édifices ; elles sont ordinairement carrées. Je n’en saurois citer de circulaires, les Romains en ont peu employé dans l’architecture qu’ils out empruntée des Grecs, comme dans les temples, par exemple, construits en marbre ; mais dans les grandes constructions en pierre, on peut citer celles de l’enceinte du temple de Mars vengeur : elles n’ont de grandeur que les dimensions suffisantes pour recevoir des statues grandes comme nature. Cette dimension est celle qui convient le plus aux édifices ; elle sert d’échelle, de comparaison pour établir les justes dimensions de l’édifice. Les niches de cette dimension ont été souvent, et avec profusion, répétées dans l’intérieur même des temples lorsqu’ils étoient en brique, comme on le voit encore an temple du Forum d’Antonin, appelé basilique d’Antonin ; à celui de Vénus et de Rome, construit par Adrien, en face du colisée. On voit de ces niches dans une infinité de constructions en brique, soit à Rome, dans les thermes, soit à Tivoli, dans les constructions privées de la ville Adrienne. Il est certain qu’à Rome il devoit y en avoir eu une grande quantité pour placer ce peuple de statues qu’on y voyoit. Les portiques, les basiliques, les bains, les édifices publics et privés étoient remplis de statues, qui, généralement, n’étoient pas plus grandes que nature, et qui rendoient encore plus immense la grande dimension des édifices, tels que les thermes, les théâtres, les amphithéâtres, les cirques, etc. Ces niches étoient ou rondes ou carrées ; lorsqu’elles étoient carrées en plan, elles l’étoient en élévation, et lorsqu’elles présentoient un plan circulaire, elles étoient terminées par une élévation circulaire. Quelquefois elles étoient sans ornemens, souvent ornées de chambranles, comme on en voit encore un exemple à l’arc de Janus : elles avoient aussi des colonnes et des frontons, comme on le voit au Panthéon, aux Thermes. Souvent ces colonnes posoient sur un piédestal, et avoient alternativement un fronton rond et un fronton circulaire, comme celles du Panthéon. Quelquefois placées sur une hauteur trop élevée pour avoir un piédestal, les colonnes posoient sur des consoles, comme on le voit aux thermes de Dioclétien, dans la décoration de la saçade et de l’édifice appelé le temple de la Paix, dans la niche circulaire qu’on y a ajoutée. Les Romains ont fait des niches plus grandes pour recevoir, soit des groupes, soit des statues colassles ; alors elles posoient directement sur le sol, comme on le voit dans le portique du Panhéon, où étoit la statue d’Agrippa.

Les niches d’une plus grande dimension encore servoient dans l’extrémité des temples, des basiliques ou des salles, à recevoir, ou des statues colossales, ou des sièges pour les juges, comme ou le voit dans les deux cella du temple de Vénus et de Rome, qui étoient vraisemblablement pour des statues colossales ou des groupes, dans le monument appelé le temple de la Paix, qui étoit la basilique de Constantin ; le temple de Mars vengeur ; dans les basiliques des Thermes ; dans plusieurs salles de la ville Adrienne ; dans la basilique qui est à Pompeïa : elles servoient alors pour recevoir ou les siéges des bains, ou des siéges pour les juges. Enfin, des niches plus grandes encore, étoient dans les enceintes pour servir de point d’appui aux murs, comme nous l’avons déjà dit : elles étoient ou rondes ou carrées quelquefois alternées. Lorsqu’ elles étoient d’une grande dimension, elles n’étoient point couvertes on y mettoit des siéges et des gradins ; elles servoient alors pour les entretiens, ou comme d’amphithéâtres pour, certains jeux. On les appelle plus communément exèdres. On en voit aux thermes de Caracalla et à ceux de Dioclétien. Les Grecs faisoient usage de ces sortes de niches. On en voit dans plusieurs enceintes et aux portes de ville, où le voyageur pouvoit se reposer, afin de se préparer à entier dans la ville, comme à Pompeïa, etc. Ces exèdres étoient encore dans les portiques qui servoient d’enceinte aux grands temples. Dans l’enceinte qui reste à Athènes, et qui est peut-être celle du temple de Jupiter olympien, restauré par Adrien, on voit de ces exèdres alternativement carrés et circulaires : ils étoient décorés de colonnes et couverts de peintures. Comme ils n’étoient point d’une grandeur démesurée, ils avoient une couverture en bois, richement décorée de peintures et de compartimens. Les niches, comme nous l’avons déjà dit, essentielles à la construction sont faites pour économiser les matériaux, ou pour isoler et butter les murs de terrasses ; c’est pourquoi on en voit dans les thermes et les grottes que nous conservons des Anciens, comme à la ville Adrienne et au tombeau d’Auguste, etc.

On emploie les niches avec succès dans les fontaines et châteaux d’eau : on en voit un bel exemple à la fontaine de Trévi, dans laquelle est une statue colossale de Neptune ; elle est décorée de colonnes, de caissons, de statues, d’inscriptions, etc., et bien que le goût n’y soit point d’une grande pureté, on peut dire qu’elle est d’un grand effet.

(Huyot)


NICOLAS de Pise, architecte et sculpteur florentin du treizième siècle. Il paroit qu’il naquit au commencement de ce siècle, car Vasari rapporte à l’an 1225 sa première entreprise en sculpture, qui fut à Bologne le tombeau de S. Dome nico Calagora.

Nicolas de Pise s’étoit d’abord adonné particulièrement à la sculpture, qu’il avoit apprise de certains ouvriers grecs employés aux ornemens de la cathédrale et du baptistère de Pise. C’étoit l’époque où les Pisans, dans leurs expéditions maritimes ou commerciales, rapportoient du Levant, et chargeoient sur leurs vaisseaux d’assez beaux restes et des fragmens plus ou moins précieux de sculpture et d’architecture antique, Parmi ces ouvrages, Nicolas de Pise remarqua un beau sarcophage, sur lequel étoient sculptées la chasse du sanglier et l’histoire de Méléagre. Ce monument et quelques autres objets d’antique sculpture lui inspirèrent un meilleur goût, et bientôt il surpassa tous ceux qui, de son temps, manioient le ciseau. C’est ce dont on s’aperçut dans l’exécution du tombeau dont on a parlé, et qu’il termina, en 1231, dans la ville de Bologne, où il bâtit le couvent et l’église des Dominicains.

De retour a Pise, il se livra aux travaux de l’architecture et de la construction : on lui dut d’heureux changemens dans la manière de faire les fondations. Le sol humide et inconsistant de cette ville exigeoit des précautions qui étoient tombées en désuétude. Il remit en usage la méthode d’établir les massifs des fondemens sur pilotis et d’unir ces massifs par des arcs.

C’est de cette manière qu’il éleva l’église de S. Michele in Borgo et différens palais.

Un de ses plus ingénieux monumens fut le Campanile des Augustins à Pise. Cet édifice est extérieurement octogone et circulaire en dedans. L’intérieur renferme un escalier en limaçon, formant un vide circulaire aussi qui ressemble à un puits. De quatre marches en quatre marches s’élèvent des colonnes qui supportent des arcs rampans et vont ainsi en spirale jusqu’au sommet ; de sorte que ceux qui sont, soit en haut, soit en bas, soit au milieu, se voient tous monter ou descendre. Cet escalier, comme on l’a dit à l’article Bramante (voyez Lazzari dit Bramante), servit de modèle à cet architecte pour celui qu’il exécuta au belvédère du Vatican, et fut encore imité en d’autres lieux.

Nicolas de Pise donna, en 1240, les dessins de l’église de Saint-Jacques à Pistoia, et il y revêtit la grande niche du fond en mosaïques exécutées par des artistes toscans.

A Padoue, il éleva la grande église de Saint-Antoine, patron de cette ville, et qu’on nomme par excellence il Santo. A Venise, il bâtit l’église des Frères-Mineurs. Celle de Saint-Jean, à Sienne, fut construite sur ses dessins.

De retour à Florence, il donna les dessins de l’église de la Trinité, ceux du monastère des Dames de Faenza et ceux du couvent de Saint Dominique à Arezzo, et de Saint-Laurent à Naples, où un de ses élève, nommé Maglione, fut chargé de les exécuter.

Nicolas de Pise, après avoir fait de grandes augmentations à la cathédrale de Volterre, qu’il décora à neuf, ainsi que le couvent des Dominicains de Viterbe, fut appelé à Naples, où il éleva une église et une magnifique abbaye en mémoire de la victoire remportée sur Conradin par Charles d’Anjou. Il bàtit encore l’église de Sainte-Marie d’Orviette, et enfin il se retira dans sa pairie où il mourut. La date de sa mort est inconnue.


NICOTEAUX. Voyez Pièces de tuile.


NIGETTI (Matteo), architecte florentin, mort en 1649.

Elève de Boutalenti, il eut une grande part dans la construction du palais Strozzi à Florence. Il bâtit, dans la même ville, le cloître des religieux (degli Angeli), la nouvelle église de Saint-Michel des P. Théatins, qui fut achevée par Silvani et il fit le dessin et le modèle de l’église de Tous-les-Saints des moines de l’Observance.

Cosme, premier grand-duc de Toscane, eut l’intention de donner à l’église de Saint-Laurent une troisième sacristie, de la même grandeur qua celle qu’y fit Michel Ange, mais toute revênue de marbres et de mosaïques, pour en faire le tombeau des grands-ducs de Toscane et y rassembler leurs mausolées. Vasari en fit le dessin. Lui mort, ainsi que Cosme 1er., le grand-duc Ferdinand 1er. voulut agrandir le projet de son prédécesseur. Il communiqua son idée à Jean de Médicis, aussi habile dans l’art de la guerre que dans les arts du dessin, et lui demanda un dessin et un nouveau modèle du monument par lui projeté. Jean de Médicis répondit à son désir. Ce ne fut plus une sacristie, mais une vaste et magnifique coupole qui termine l’église de Saint-Laurent.

Ce fut Nigetti qui exécuta le dessin de Jean de Médicis. Il en commença la construction l’an 1604 ; il en ordonna, composa et acheva la magnifique décoration, toute formée de l’assemblage des marbres les plus précieux, et toujours sous la direction du prince qui en avoit donné le projet.

Nigetti fut aussi sculpteur. Il s’adonna particulierement aux travaux de pierres précieuses et de marbres rares, qui ont illustré les ateliers de Florence, et on lui doit les embellissement du merveilleux Ciborium de la susdite chapelle de Saint-Laurent. (Article traduit de Milizia.)


NILLES, s. f. pl. Petits pitons carrés de fer, qui, étant rivés aux croisillons et traverses, aussi de fer, des vitraux d’église, retiennent avec des clavettes, ou petits coins, les panneaux de leurs formes.


NILS. Voyez Euripes.


NISMES, l’une des plus anciennes villes de France, particulièrement recommandable par ses monumens antiques.

Lorsque nous offrons, dans cet ouvrage, des modèles à ceux qui cultivent l’architecture, nous allons presque toujours les chercher dans la Grèce et l’Italie, nous abandonnant à la pente naturelle de l’esprit humain qui le porte à ne puiser que les choses rares et lointaines. En effet on dédaigne celles dont l’abord est facile, et l’on aime à porter ses regards sur un obscur lointain, espérant y faire de nouvelles découvertes, souvent bien futiles, il est vrai, et qui ne doivent leur importance qu’à leur étrangeté. Il en résulte que ceux qui ne voyagent que dans les livres, n’estiment un pays qu’à raison du plus ou moins de soin qu’on a mis à le décrire, et qu’un étranger, en traversant la France avec rapidité, la connoît et l’apprécie beaucoup mieux que nous-mêmes. Néanmoins le goût des antiquités a fait de nos jours quelques progrès parmi les gens qui se piquent d’instruction ; mais pourquoi perdent-elles presque tout leur prix lorsque nous les retrouvons chez nous, et par quelle fatalité avons-nous laissé détruire peu à peu la plupart de nos antiques monumens, tandis qu’en Italie on a tant pris de soin à les exhumer, à les rétablir et à les illustrer par de savantes restaurations ! Nîmes, Orange, Arles, Bordeaux et tant d’autres villes contenoient des précieux vestiges d’architecture romaine ; ils ont été presque tous mutilés ou convertis à des usages étrangers à leur destination primitive ; pendant que nous avions sous les yeux l’exemple d’une longue série de papes et de souverains d’Italie qui tous s’illustrèrent par leur amour pour les arts, et la restitution des chefs-d’œuvre de l’antiquité. Quelques-uns de nos rois, il est vrai, essayèrent de soulever le voile de barbarie qui nous déroboit nos propres richesses ; mais ce n’est que de nos jours, et seulement depuis quelques années, qu’on s’occupe avec succès de la recherche des antiques sur le sol de la France. La ville de Nîmes possédoit déjà un bel héritage en antiquités, mais elle vient de s’enrichir de monumens inconnus jusqu’à ce jour, et qui font de la Maison carrée un temple de la plus magnifique ordonnance. Nous profitons d’une Notice publiée à ce sujet pour donner une légère idée des découvertes faites en 1820 et 1821, renvoyant d’ailleurs nos lecteurs aux grands ouvrages déjà publiés sur les antiquités de cette ville.

Ce fut environ vers le milieu du dix-huitième siècle que l’on commença les travaux nécessaires pour rendre les eaux de la fontaine de Nîmes plus abondantes, et qu’on fit la recherche et la collection des monumens antiques provenant des fouilles ; mais ce ne fut que long-temps après qu’on fit prendre une direction plus uniforme aux recherches.

Le temple qu’on appelle la Maison carrée nous offre, dans sa restauration actuelle, l’un des monunmens antiques les plus complets que l’on connoisse, et qui, par ses accessoires, est devenu un modèle curieux de la disposition générale des temples antiques : car on ne met plus en question maintenant la destination primitive de cet édifice, dont on avoit fait, tantôt une basilique, tantôt un prétoire ; enfin, un temple faisant partie d’un forum. Cette dernière supposition est changée eu certitude.

La Maison carrée offre en plan un parallélogramme rectangle de 25 mètres 65 centimètres de longueur, sur 13 mètres 45 centimètres de largeur.

Trente colonnes cannelées décorent son extérieur ; le pérystile en présente six de front : on en voit onze sur les faces latérales, mais c’est à la quatrième seulement que commence l’enceinte proprement dite ou la cella ; à partir de ce point, elles sont à demi engagées dans le mur d’enceinte du corps de l’édifice. La hauteur des colonnes, est de 8 mètres 95 centimètres, base et chapiteau compris. Ceux-ci, taillés eu feuilles d’olivier, sont sculptés avec une rare précision. Les feuilles ont un grand relief, et leur proportion, leur galbe et leurs détails ne laissent rien à désirer, ainsi que les profils et le choix des ornemens de l’architecture. La frise et la corniche qui composent l’entablement ont 2 mètres 24 centimètres de hauteur.

L’intérieur de la cella u’offre maintenant que des murs nus, mais il est probable que sa décoration correspondoit à la magnificence du dehors. De nombreux fragmens de marbres précieux, trouvés dans les dernières fouilles, pourroient aider à en faire une restauration.

Au reste, les différentes révolutions que cet édifice a éprouvées, et les usages auxquels il a été successivement consacré, ont contribué à cette dévastation.

Ces vicissitudes datent de fort loin ; on pourroit les faire remonter au siècle d’Auguste. En effet, sans parler de l’établissement de la colonie, fait par cet Empereur, et de la médaille frappée en son honneur, le témoignage d’anciennes inscriptions et la découverte de lettres de métal attachées sur la frise de l’architrave de la Maison carrée, nous apprennent que cet édifice fut consacré, l’an de Rome 754, en l’houneur de Caïus et de Lucius César, enfans adoptifs d’Auguste et princes de la jeunesse ; d’où il suit que la richesse de la ville remontoit beaucoup plus haut, puisque les Nîmois étoient alors en état d’ériger un tel monument. Il paroît même démontré aujourd’hui que ce temple, avant d’être consacré aux enfans adoptifs d’Auguste, l’avoit été primitivement à une divinité ou à quelqu’autre prince : c’est ce qui résulte de la composition de l’inscription elle-même. Elle offre deux lignes, dont la seconde est coupée par l’un des bords de l’encadrement ; or, peut-on supposer que les habiles constructeurs de cet édifice aient ainsi violé les règles de la plus simple symétrie ? Il est plus naturel de penser que la flatterie a fait disparoître la première inscription pour y substituer une nouvelle dédicace : c’est ainsi que sur les épaules des statues impériales, on substituoit de nouvelles têtes à chaque changement de règne.

Vers le milieu du onzième siècle, on convertit la Maison carrée en hôtel-de-ville ; l’intérieur fut divisé en plusieurs pièces, et des fenêtres furent percées dans l’épaisseur des murs. Au commencement du seizième siècle, elle fut vendue à un particulier qui y adossa une maison ; quelque temps après, un nouvel acquéreur plus barbare convertit le sanctuaire en écurie ; enfin, en 1670, par un contraste singulier, les religieux Augustins l’achetèrent pour en faire une église, dont l’administration centrale s’empara ensuite pour y tenir ses séances publiques.

Cependant la Maison carrée, débarrassée successivement des bâtisses et des remparts qui en déroboient la vue, attira l’attention, et l’on s’indigna d’avoir laissé dépérir un si bel édifice. Un projet général de restauration fut dressé, en 1809, par M Grangent, ingénieur en chef du département. Néanmoins, les travaux ne furent commencés que long-temps après, c’est-à-dire, en 1820.

On entreprit sérieusement alors la restauration à peine commencée de l’édifice qui étoit encore enterré jusqu’aux trois quarts de sa base : on enleva les terres dans le pourtour du monument, de manière à pouvoir rétablir le stylobate et à le montrer assis sur le sol primitif. Des marbres de différentes couleurs, des tronçons de colonnes, des fragmens d’une grande frise sculptés avec goût, et plusieurs autres fragmens d’architecture antique, firent d’abord soupçonner l’existence d’un monument plus vaste ; bientôt une construction rectangle en avant et sur l’angle nord-ouest de la face principale confirma les conjectures.

La forme de cette construction trouvée à dix centimètres au-dessous de la base du stylobate, un grand conduit en pierre de taille du côté de l’ouest, un aqueduc de 44 centimètres de largeur, construit au-dessous de ce conduit, dont le fond, ainsi que les parois du mur, étoient encore revêtus de stalactites sanguines, et contenoient des touffes de poils de taureaux, donnèrent lieu de croire que c’étoit dans ce bassin qu’on égorgeoit les victimes destinées aux sacrifices.

Aucun auteur connu n’avoit fait mention d’une enceinte qui eût existé autour de cet édifice ; néanmoins on n’ignoroit pus que les temples antiques offroient quelquefois de pareilles constructions, destinées à mettre le peuple à l’abri des injures du temps pendant les cérémonies religieuses : on conjectura qu’elles devoient exister ci mais rien n’en déterminoit la forme ni la disposition.

Cependant il fut décidé que les fouilles seroient poussées aussi loin que possible, et qu’on isoleroit le monument des maisons voisines, au moyen d’un mur d’enceinte, couronné d’une grille ; ce qui amena enfin à la découverte d’une nouvelle colonnade d’enceinte, qui confirma tous les indices précédens.

Une chose digne de remarque et qui prouveroit qu’avant la construction de la Maison carrée, il existoit d’autres monumens qui annonçoient une haute civilisation et de grands progrès dans les arts, c’est la découverte d’un fragment d’un beau pavé en mosaïque, à 1 mètre 70 centimètres au-dessous de la base du stylobate et de la plate-forme de l’enceinte extérieure, ou à 60 centimètres au-dessous du sol antique.

Ces intéressantes découvertes, en faisant paroître cet édifice sous un aspect entièrement nouveau, ont donné lieu aux amateurs de l’antiquité de rechercher à quelle sorte de monument se rattachent ces magnifiques débris. Différentes opinions se sont formées à cet égard, et ont successivement partagé les suffrages et exercé la critique. M, Grangent qui a suivi avec attention les fouilles qu’il a dirigées, pense que la Maison carrée étoit un temple périptère, entouré d’une galerie couverte, destinée à servir d’abri au peuple. Cette galerie étoit elle-même enfermée dans un mur extérieur entièrement bâti en pierres de taille, et couronné d’une corniche formée seulement d’un quart de rond, d’un filet et d’une large cymaise. Cette dernière enceinte, d’environ 100 mètres, avoit, suivant M. Grangent, la forme d’un carré ; ce qui servoit à justifier l’ancien nom de Maison carrée que de vieilles chartes et les traditions lui donnoient, et qui paroissoit mal se rapporter à un édifice rectangulaire, dont la longueur étoit double de sa largeur.

Le monument qu’on nomme le Temple de Diane s’éloigne du style des constructions des autres temples de l’antiquité : les uns l’ont cru dédié à Vesta ; d’autres à Diane, à Isis et Osiris, ou aux héros némauses, et Palladio, aux dieux infernaux. On a aussi pensé que cela pouvoit être une basilique, par la conformité qu’on a cru apercevoir entre son plan et celui de la basilique d’Otricoli. Quoi qu’il en soit, l’exposition de cet édifice est tout-à-fait contraire à celle des temples, la porte d’entrée étant placée à l’orient. Aucune décoration extérieure ne semble avoir embelli ce monument. Sa distribution intérieure, sa voûte en berceau, les niches et les ornemens qui décorent les murs et le plafond, les corridors qui l’entourent, les tuyaux de descente et l’aqueduc dont il est environné, tout annonce une belle salle de thermes ou un Nymphée, opinion qui est encore confirmée par l’ornement des voûtes, où l’on voit des dauphins placés dans les rosaces et entourés de feuillages.

Ce monument devint une église, puis il fut converti en grange et en chantier ; un incendie en ruina la partie antérieure, et pendant les guerres de religion, il fut en grande partie détruit.

Le monument nommé la Tour magne, et placé au sommet d’un coteau qui domine la ville du côté du nord, étoit engagé dans les antiques murailles, mais n’avoit aucune saillie en dehors ; ce qui montre que cette tour ne faisoit point partie des fortifications. D’ailleurs, sa forme pyramidale et à pans lui donneroit plutôt l’air d’un septizone ou encore d’un tombeau.

Le corps de la tour à huit pans réguliers, orientés vers les quatre points cardinaux et leurs divisions intermédiaires, s’élevoit sur un soubassement, où l’on montoit par une pente douce du côté du couchant ; un escalier à rampes droites, avec pallier en retraite, pratiqué dans l’épaisseur du massif, mène ainsi, après avoir monté 132 marches, au sommet de l’édifice. Il avoit trois étages : le second étoit décoré, à l’extérieur, de pilastres très-serrés, avec le chapiteau & la base toscane. L’intérieur de cet étage étoit évidé par huit niches demi-circulaires distribuées à sa circonférence. L’étage supérieur étoit à jour, orné de colonnes isolées, vraisemblablement couronnées d’une petite coupole, pour abriter la figure ou le sarcophage placé à cet étage.

On n’alongera point cet article de la mention ou description des autres monumens antiques d’architecture qui existent dans Nîmes, ou qui se rapportent à cette ville. À l’article Aqueduc (Voyez ce mot), on a parlé de celui qu’on appelle vulgairement le Pont du Gard, grande et magnifique construction qui unit deux montagnes, et porte encore le canal qui conduisoit les eaux à Nîmes. Au mot Amphithéâtre, on a aussi donné les mesures de ce qu’on appelle les Arenes de Nîmes, et nous avons renvoyé, comme nous renvoyons encore le lecteur au bel ouvrage de M. Cerisseau sur les antiquités de la France. (A. L. C.)

NIVEAU, s. m. Instrument qui sert à tracer tine ligne parallèle à l’horizon, à poser horizontalement les assises de maçonnerie, à dresser un terrain, à régler les pentes et à conduire les eaux.

Il y a plusieurs sortes de niveaux. Il y a des niveaux d’air, à pendule à lunette, a pinnules etc. ; mais tous ces instrumens sont purement mathématiques, et on en trouve la description, la figure et la théorie dans les Dictionnaires de mathématiques ; c’est pourquoi nous nous dispenserons d’en faire connoître ici les formes et les particularités.

Ce qui est le principe de tous les niveaux, c’est la ligne parallèle à l’horizon. Dans l’art de bâtir, On dit poser de niveau, arraser de niveau, etc. On dit encore qu’un parterre ou qu’une allée est de niveau, quand elle est d’une égale hauteur dans toute son étendue.

On nomme niveau de pente un terrain qui, sans ressauts, a une pente réglée dans sa longueur.

On disoit autrefois liveau de l’italien livello ou libello, diminutif de libra, parce qu’un niveau se pose horizontalement comme une balance, et qu’anciennement il en avoit la figure.

Niveau de paveur. Longue règle, au milieu et sur l’épaisseur de laquelle est assemblée, à angle droit, une autre règle où est attaché en haut un cordeau avec un plomb qui pend sur une ligne de foi, tracée d’équerre à la grande règle, et qui marque, en couvrant exactement cette ligne, que la base est de niveau.

Niveau de poseur. Niveau composé de trois règles assemblées, qui forment un triangle isocèle et rectangle comme la lettre A. À l’angle de son sommet est attachée une corde où pend un plomb qui passe sur une ligne de foi, tracée d’équerre a la grande règle, et qui marque, en couvrant exactement cette ligne, que la ligne est de niveau.



NIVELER, verb. act. C’est, avec un niveau, chercher une ligne parallèle à l’horizon, en une ou plusieurs stations, pour connoître et régler les pentes, dresser de niveau un terrain et conduire les eaux.

NIVELEUR. C’est le nom qu’on donne à celui qui nivèle.

NIVELLEMENT, s. m. C’est l’opération qu’on fait avec un niveau pour connoître la hauteur d’un lieu à l’égard d’un autre.

NOBLE, NOBLESSE. L’idée de noble ou de noblesse transportée dans le langage et dans la théorie de l’art, est un emprunt fait à l’idée que l’opinion générale attache, dans l’ordre social, soit aux familles, soit aux hommes qu’une honorable perpétuité, que de grands services ou de belles actions marquent d’un caractère particulier entre les autres familles, entre les autres hommes.

Le mot noblesse, si on l’explique par son étymologie, ou si on le prend dans le sens de son acception usuelle, exprime et signifie cette espèce de qualité dont l’effet est de faire remarquer et distinguer les personnes auxquelles on applique cette dénomination.

Il fut donc naturel de l’appliquer aussi aux choses, aux travaux des hommes, et particulièrement aux ouvrages des beaux-arts, où l’on remarque des propriétés qui leur assurent une prééminence sur les autres ouvrages ; et la noblesse fut mise au nombre des qualités morales de l’imitation.

Quand on s’est ainsi rendu compte de l’idée de noblesse et de la qualité générale que le mot signifie, on éprouve, comme à l’égard de toutes les qualités dont l’expression véritable dépend du génie de l’artiste, quelque difficulté à développer par le discours, surtout dans les œuvres de l’architecture, et à faire sensiblement comprendre ce à quoi tient la manifestation de cette qualité.

S’il s’agit de la peinture ou de la sculpture, on peut plus aisément faire saisir par des exemples, et fixer par des analogies le caractère de la noblesse. Naturellement ces arts trouvent dans les signes extérieurs, dans l’apparence, c’est-à-dire dans les formes, les mouvemens, la contenance, les accessoires des personnes, le modèle de certaines qualités physiques ou sociales auxquelles on est convenu d’attacher l’idée de la noblesse du corps, de la physionomie, et celle même de l’action. Quant à la noblesse moralement entendue, c’est-à-dire celle de l’âme ou des sentimens, il est encore reconnu que ces arts n’en peuvent rendre l’idée sensible que par la noblesse extérieure des formes du corps.

L’architecture n’a pas dans la nature de modèle aussi sensible, et ainsi le type de certaines qualités y est plus abstrait, échappe plus facilement à la théorie, et peut donner lieu à plus de controverses. Il faut donc chercher les élémens de la noblesse dans un composé de quelques autres qualités propres à produire, à l’égard d’un édifice, ce même effet général dont on a parlé, savoir, celui de le faire remarquer et distinguer entre d’autres édifices.

Il nous semble que ce qu’on appelle noblesse dans un monument, ainsi que dans son effet, ne sauroit résulter d’un caractère un, absolu et exclusif ; il doit y avoir une certaine combinaison de grandeur, de simplicité, d’élégance et de richesse.

La grandeur de dimension est déjà, comme on sait, un puissant moyen, pour l’artiste, d’attirer l’attention sur un édifice, de le faire briller entre les autres, de le recommander à l’admiration. Cependant un édifice pourroit offrir de la grandeur dans les mesures, et de la petitesse dans les proportions : la grandeur proportionnelle, qui tient à l’harmonie de l’ensemble, doit donc entrer dans le caractère de la noblesse. Combien de portails d’églises plus étendus en tous sens que le portique du Panthéon à Rome, ou du Parthenon d’Albènes, ont cependant beaucoup moins de noblesse !

L’usage associe l’idée de noble à celle de simple, si fréquemment (comme lorsqu’on dit une noble simplicité), qu’il doit y avoir réciprocité, c’est-à-dire qu’on peut croire que la simplicité se mêle au caractère de la noblesse. On ne sauroit en douter quand on pense que le simple est aussi un des élémens de la grandeur moralement entendue. Très-certainement, la petitesse dans les rapports, la multiplicité des parties, la mesquinerie des détails, détruiront le caractère auquel s’attache l’idée de noble. Trop de simple y seroit aussi contraire ; ce qui signifie que la noblesse veut de l’élégance et de la richesse.

L’élégance nous paroît être une qualité qui tient le milieu entre le simple, et le riche, et qui participe des deux. L’élégance dans les manières, dans l’habillement, dans l’ornement, à quelque genre qu’on l’applique, a toujours quelque chose qui distingue et fait remarquer les personnes, les actions et les choses, ainsi que toutes les productions des arts. C’est pourquoi cette qualité paroît devoir être un des attributs de la noblesse en architecture.

On ne sauroit se refuser à mettre aussi de ce nombre la richesse, à laquelle l’instinct seul attache tant de moyens de considération et de distinction, soit dans les choses de la vie, soit dans les travaux de l’homme.

Si l’on admet cette combinaison de qualités, comme formant l’ensemble des effets qu’on exprime pur le mot noblesse, il faut dire que c’est ensuite à l’architecte à user des moyens de son art, pour en rendre le caractère sensible par la construction, l’ordonnance et la décoration, c’est-à-dire dans la disposition des masses, dans l'em-


ploi des ordres, dans l’économie des ornemens.

Il dépend souvent du pari pris relativement à ce qu’on appelle la disposition générale de l’ensemble et des parties constituantes d’un édifice, de lui imprimer ou de lui enlever le caractère de noblesse que sa destination réclame : on s’en convaincra en se rappelant ces frontispices d’églises auxquelles des étages et des percés multipliés de fenêtres et d’autres ouvertures, donnent une apparence qui les rapproche trop de l’extérieur des habitations ordinaires.

Un des moyens les plus propres à donner aux édifices, selon la nature de leur destination, le caractère de noblesse, est certainement l’emploi des ordres, soit en colonnes isolées dans les parties qui en comportent l’application, soit en colonnes engagées ou en pilastres dans les portique et autres espaces des élévations. Cet emploi proportionnel fournit à l’artiste des degrés divers de noblesse, et cette graduation résultera de la combinaison variée des qualités de grandeur, de simplicité, d’élégance et de richesse. Or, chacun des trois ordres donne des moyens de multiplier encore les nuances du caractère qu’on veut exprimer.

Chaque ordre, par les modifications des proportions et des ornemens qu’il comporte, peut rendre plus ou moins, et produire à différens degrés l’idée de noblesse. Si toutefois les qualités. d’élégance et de richesse devoient être dominantes dans l’effet du genre noble en architecture, l’ordre corinthien, par le développement de ses proportions, par la magnificence de son chapiteau, par l’abondance de ses ornemens, réclameroit peut-être la première place en fait de noblesse, comme le dorique occupe le premier rang pour la force et la gravité, comme l’ionique l’emporte sur les autres par le caractère moyen, si conforme à ce qui demande de la grâce et de la délicatesse.

Ce qui n’exclut toutefois aucun de ces orders du droit de partage dans une qualité qui doit être propre à chacun d’eux.

Il est sans doute encore d’autres moyens de donner de la noblesse à un édifice. Ils consisteront soit dans l’exposition, soit dans les corps de bâtimens qui l’annoncent on qui l’accompagnent ; mais on comprend que de tels moyens sont en quelque sorte hors de l’art, et surtout des ressources dont l’architecte peut ordinairement disposer.

NŒUDS, s. m. pl. Ce qu’on appelle ainsi dans le bois, selon l’emploi qu’on en fait et la nature de la matière, est tantôt un défaut et tantôt un mérite ou un agrément.

S’il s’agit de bois de charpente on d’assemblage, un nœud peut quelquefois en vicier la pièce et la couper, ou contribuer à sa ruine ; s’il s’agit de certains bois qu’on emploie en placage, ce qu’on appelle nœud y produit une variété et quelque soit des caprices de dessin que les amateurs recherchent, au point qu’on en est venu à contrefaire ces jeux de la nature dans des bois qui n’en avoient aucune trace.

Nœuds de marbre. Ce sont ou des corps étrangers à cette matière, ou des duretés par veines ou taches provenant des hasards, qui sont entrés dans la construction de ses élément. Les nœuds de couleur de cendre, dans le marbre blanc, s’appellent émeril. Les ouvriers donnent le nom de clous aux nœuds des autres marbres.

Nœuds de serrurerie. Ce sont les différentes divisions qui se font dans les charnières de fiches ou couplets, de portes ou fenêtres, par où le clou, ou la rivure passe. Il y a des fiches à deux, à trois et à quatre nœuds.


NOIR, sub. m. ou adj. Le noir peut être pris comme couleur, ou comme privation de lumière, et dans ces deux acceptions il s’applique à l’architecture, soit comme effet de clair-obscur, soit comme motif d’ornement.

L’absence de la lumière produisant le noir, en ce sens les ombres portées par la saillie des membres d’architecture, et les noirs qui résultent du refoulement des objets sculptés ou des vides des portes, fenêtres et autres ouvertures dans les édifices, doivent être pris en considération par l’architecte dans l’ordonnance des élévations géométrales.

Il en est de même des décorations architectoniques, où l’on doit tenir compte des ombres portées par le soleil dans l’effet d’un édifice ; plus il sera chargé de ressauts et de reliefs multipliés sur le nu du mur, et qui portent chacun leur ombre, et moins son aspect sera simple et grandiose. C’est pour cela que les architectes ne doivent pas se contenter d’exécuter leurs dessins au simple trait, mais doivent les ombrer à 45 degrés d’une manière exacte. Ces dessins, à l’effet, leur feront souvent apercevoir des défauts d’ensemble que l’exécution leur auroit révélés trop tard.

En général, plus une façade sera percée de croisées et de renfoncemens où le noir ira se loger, et moins elle aura de simplicité et d’unité d’aspect. Ce n’est pas à dire cependant qu’un mur tout lisse soit préférable à celui qui est décoré de reliefs d’architecture et de sculpture, creusé par des refends, relevé de moulures et interrompu par des percés ; car tous les objets mis en opposition avec des lisses on surfaces plates feront un très-bon effet s’ils sont distribués avec intelligence. D’ailleurs, on sait qu’en architecture les pleins doivent l’emporter sur les vides, sans cela il y auroit maigreur, et, en apparence, défaut de solidité : c’est ce qui a fait dire et adopter comme axiome, qu’il ne faut pas seulement qu’un édifice soit solide, mais qu’il faut encore qu’il le paroisse.

Le noir, considéré comme ornement, s’emploie de deux manières, soit qu’on fasse usage, dans la construction, de matériaux solides de celle couleur, tels que des marbres et des ardoises, soit qu’on leur donne cette apparence au moyen de la peinture.

Nous voyons en effet, que la plupart des mosquées de l’Egypte, de Constantinople, ainsi que les monumens moresques de l’Espagne, sont construits par assises alternées blanches et noires, ou d’autres couleurs tranchantes.

Lors de la renaissance de l’architecture, en Italie, on remarque l’influence du même goût pour les assises alternativement blanches et noires aux cathédrales de Sienne, de Milan, de Florence, etc., non-seulement dans les murs extérieurs, mais dans la construction des pilastres et des colonnes, comme au Campo-Santo de Pise et au dôme d’Orvietto.

Ce goût des tons opposés en architecture s’est conservé long-temps, et on en voit un exemple du temps de François Ier. dans la décoration du château de Chambord, où l’ardoise, adroitement appliquée sur la pierre blanche, forme des ornemens qui imitent ceux qu’on exécute dans les mosaïques et dans les pavés, avec le marbre noir et la pierre de liais.

Le marbre noir est aussi employé dans la construction des monumens funéraires, et cette couleur, considérée comme celle du deuil, remonte à une haute antiquité.

On a été jusqu’à trouver par analogie des rapports du noir avec plus d’une sorte d'idées.

On a conservé dans notre religion l’emploi du noir comme emblème de deuil, et l’on tend les églises de draperies de cette couleur en certains cas, dans les jours d’affliction et d’abstinence, mais plus particulièrement en commémoration des morts.

L’architecture s’empare quelquefois de cette lugubre décoration des temples, surtout lorsqu’il est question de faire la pompe funèbre d’un grand personnage, ou son cénotaphe : alors de vastes draperies noires, semées de larmes d’argent on d’autres attributs funéraires, couvrent les murs et jusqu’aux plafonds. Le corps est placé sur une estrade élevée, et quelquefois recouvert d’un monument temporaire orné de toute la pompe de la sculpture, et converti en chapelle ardente au moyen d’une multitude de torches, de lustres et de cierges allumés. Voyez le mot Catafalque.

(A. L. C.)


NOTRE (le) (André), né en 1613, mort en 1700.

Le Nôtre naquit à Paris. Son père, qui étoit surintendant du jardin des Tuileries, lui destina la survivance de sa charge. Pour le mettre en état d’en remplir les fonctions d’une manière distinguée, il ne négligea rien de ce qui pouvoit seconder et accroître ses heureuses dispositions. Il lui fit étudier l’architecture, cet art auquel, alors surtout, se lioit étroitement celui de la composition des jardins, vers lequel il dirigeoit son goût.

Le Nôtre voyagea en Italie, seul pays qui offrit alors à l’architecture des jardins ces grands modèles dont le goût s’est propagé dans le reste de l’Europe. Les architectes de ce temps, et dans ce pays, étoient aussi les ordonnateurs des jardins et des plantations, dont ils savoient si bien mettre l’ensemble d’accord avec l’ordonnance des palais et des maisons de plaisance. Florence, Rome, Frascati, Tivoli et d’autres villes, ont conservé jusqu’à nos jours de ces grands plans de jardins et de parcs où Le Nôtre alla former son goût. Il passe même pour avoir donné à Rome les dessins des jardins de la villa Pamphili et de la villa Ludovisi.

Indépendamment des goûts qui dominent dans chaque siècle, il faut dire que celui des grands jardins d’Italie est peut-être soumis à l’influence de quelques causes naturelles et locales qui l’ont fait naître et qui l’y perpétuent. Le pays fournit à l’ordonnance des plantations un certain nombre d’arbres toujours verts, qui empêchent les jardins d’éprouver la tristesse des hivers ; mais ces arbres, tels que les pins, cyprès, mélèzes, orangers, lauriers, etc., sont moins favorables aux variétés que l’artiste, en d’autres climats, peut tirer des nombreux arbustes, de leurs floraisons, des différences de verdure des arbres sujets à perdre leurs feuilles. Le climat plus chaud, un soleil plus brûlant, permettent aussi beaucoup moins que dans le Nord, l’emploi des prés, des gazons, qui deviennent le fond le plus agréable, et si l’on peut dire, le tapis naturel du terrain.

Le Nôtre semble avoir bien compris ce que la différence de pays et de climats lui permettoit d’emprunter à l’Italie, et ce qu’elle repoussoit aussi en France. Il n’imita des jardins italiens que la grandeur de disposition, les vastes parties de plantations, et cette magnificence de percés, de distributions soumises à un plan uniforme et symétrique, mais avec toutes les variétés de détail que l’unité comporte. Du reste, il sut assortir les compositions à ce qu’on peut appeler les matériaux de son pays. Il pratiqua de vastes ombrages, des taillis et des fourrés d’arbustes à fleurs, formant des plants irréguliers, inscrits dans de vastes espaces de lignes régulières.

Il sut éviter aussi l’abus des ornemens factices et puériles des rocailles, des jeux hydrauliques multipliés, des labyrinthes, des imitations artificielles de portiques ou de colonnades par les arbres et les massifs de verdure découpés ; du moins s’il se trouve encore de tels caprices dans ses jardins, ce sont des détails si insignifians qu’ils n’empêchent point d’y admirer la grandeur, l’unité de conception, les beaux partis de décoration, les heureux mouvemens de terrain et l’art de mettre à profit les hasards, et même les obstacles de la nature.

Ce fut à Vaux-le-Vicomte que Le Nôtre fit, en France, les premiers essais de son talent. Il sut, par des inventions nouvelles, seconder la magnificence du surintendant Fouquet. Il est certain qu’il surpassa, dans ce délicieux séjour, tout ce qui avoit été fait jusqu’alors.

Au mot Jardinage, nous avons montré que des deux genres régulier et irrégulier qui aujourd’hui divisent les amateurs de jardins, aucun des deux ne pouvoit réclamer l’exclusion de l’autre, et que ce seroit par un abus de mois et d’idées, que le jardinage irrégulier se prétendroit avoir seul les avantages de l’imitation ; qu’au contraire, par sa prétention à paroître la réalité même, il s’éloignoit d’autant plus du caractère imitatif, qu’il tomboit dans le vice de l’identité.

Ce qu’il faut dire du jardinage considéré en grand, c’est que les vastes jardins étant ordinairement des dépendances des plus grands palais, l’art de les distribuer sera toujours de la compétence de l’architecte, et que la nature n’ayant point fait de jardins qui puissent servir de points d’imitation à l’art, la disposition et la création d’un jardin est laissée au libre arbitre de l’architecte, qui, selon le caractère du palais, les besoins et les convenances des lieux et des personnes, peut employer plus ou moins de régularité, de symétrie dans l’ordonnance des plantations, plus ou moins de luxe et de magnificence dans les accessoires de leur décoration.

C’est ce qu’a fait Le Nôtre, et l’on s’en convaincroit si quelques-uns de ses plus célèbres jardins existoient encore. Ainsi le parc de Sceaux, aujourd’hui détruit, offroit, quoique dans un vaste ensemble de lignes assujetties à un plan symétrique, beaucoup plus de variétés, de détails agrestes, que le parc de Versailles, où il dut coordonner ses conceptions à la magnificence du caractère royal.

Le Nôtre sentit qu’il travailloit pour un grand roi, pour un grand siècle ; il fit preuve, dans la composition de ce jardin, d’un génie fécond en ressources. Ses inventions, nombreuses et variées, offrent des partis imposans qui furent profondément médités, sous le rapport de l’effet qu’ils devoient produire. On peut ranger dans ce nombre la création du grand canal. Le site où il a été pratiqué étoit un vaste marais : déjà, par des essais infructueux, on avoit tenté un dessèchement qui devoit coûter des sommes énormes, et dont le succès étoit douteux, Le Nôtre, au lieu de chercher à détourner les eaux de ces terres basses, où elles n’avoient aucune issue naturelle, fut les réunir, et forma le vaste canal, qui est un des plus beaux ornemens de ces jardins célèbres, dans lesquels le génie de la magnificence eut à lutter contre l’ingratitude de la position du sol et de ses aspects.

Nous avons déjà dit, à l’article de Jules-Hardouin Mansart (Voy. Mansart), qu’une opinion assez répandue attribue à Le Nôtre l’idée générale de la composition de l’édifice appelé l’Orangerie (Voyez ce mot), qui, sans contredit, est ce qu’il y a de plus remarquable dans le jardin de Versailles, et sous le rapport de l’architecture et sous celui de l’effet pittoresque. La seule chose peut-être qu’on puisse reprocher à cet ouvrage, est de se trouver placé dans un site étranger au coup d’œil général de l’ensemble, de manière que ce qu’il y a de plus admirable, c’est-à-dire la perspective de ces deux grandes montées, n’a son effet que du côté de la route qui borde le jardin en cet endroit. Tel est l’inconvénient de ces dessins trop immenses, dans lesquels il n’y a d’ensemble que sur le plan, lorsqu’en élévation les parties s’offusquent les unes les autres.

Le Nôtre créa successivement les jardins de Marly, de Trianon, de Chantilly, et donna les dessin de cette admirable disposition que présente à Paris le jardin des Tuileries, depuis le château jusqu’aux Champs- Elysées. L’étendue moyenne de ce jardin offre peut-être à l’art du jardinier la mesure la plus convenable pour faire jouir les yeux et l’esprit de l’harmonie d’un véritable ensemble, dans lequel l’esprit a conçu les détails avant que l’œil les ait parcourus, et où rien ne dérobe à la vue la liaison des parties.

Louis XIV, toujours attentif à encourager, à récompenser les hommes de mérite qui pouvoient concourir à l’illustration de son règne, donna à Le Notre une charge de conseiller : il le nomma contrôleur-général des maisons royales et des manufactures, et le fit chevalier de Saint-Lazare. Lorsqu’en 1693 le Roi eut fait quelque réforme dans cet Ordre, la décoration lui eu fut retirée, mais il reçut en échange, ainsi que Mansart, le cordon de Saint-Michel.

Si Le Nôtre fut recommandable par son talent, il le fut encore par son caractère franc, et par son désintéressement. Simple dans ses mœurs, modeste dans sa fortune, homme de bien autant qu’habile homme, il porta son art à un point de perfection auquel, depuis lui, aucune circonstance favorable n’a mis personne en France à même d’atteindre.

NOUE, s. f. C’est l’endroit où deux combles se joignent en angle rentrant, et qui fait l’effet contraire de l’arestier. On appelle noue cornière celle où les couvertures de deux corps-de-logis se joignent.

Noue est aussi le nom d’une espèce de tuile en demi-canal, pour égoutter les eaux. Quelquefois les convreurs emploient, au lieu de noues, des tuiles hachées qu’ils taillent, exprès à coups de martelet.

Noue de plomb. C’est une table de plomb au


droit du tranchis, et de toute la longueur de la noue d’un comble d’ardoise.

NOULETS, s. m. pl. Ce sont les petits chevrons qui forment les chevalets et les noues, ou angles rentrans par lesquels une lucarne se joint au comble, et qui forment la fourchette.

NOYAU, sub. m. Ce mot a été emprunté par quelques arts à la structure de certains fruits, qui renferment la substance dure et ligneuse qu’on appelle de ce nom, pour exprimer certains massifs de maçonnerie ou de pierre qui forment soit le milieu, soit le point central d’appui de diverses constructions.

Ainsi, dans l’art de fondre les statues de métal et d’en composer le moule, on forme de diverses matières ce qu’on appelle le noyau, qui n’est autre chose que la masse, laquelle formera le vide de la statue après qu’elle aura été fondue.

Dans la construction, il y a des édifices dont les murs auront double parement soit en pierre, soit en marbre, et dont l’intérieur sera rempli d’une maçonnerie de blocage ou à la rinfuse, qui forme dans la réalité un véritable noyau.

Les Romains donnoient, dans le même sens, le nom de nucleus, noyau, à ce massif qui, dans le pavage de leurs grands chemins, étoit établi entre ce qu’ils appeloient statumen ou le fondement, et la summa crusta qui étoit l’assemblage de dales ou de pierres irrégulières formant ce que nous appelons le pavé.

Le nucleus ou noyau étoit un mélange de gravier, de sables divers et de chaux, et c’étoit sur et dans cette couche que s’enfonçoient les pavés. Voyez à l’article Chemin, .

On appeloit encore noyau et les Italiens appellent ossatura, la saillie brute, soit en moellons, soit en briques, destinée à recevoir, soit en plâtre, soit en stuc, le revêtement qui doit la cacher, et recevoir à cet effet des moulures ou des profils qu’on y traîne avec des calibres, ou qu’on y sculpte sur l’enduit comme on le feroit sur de la pierre.

On appelle

Noyau de bois, une pièce de bois qui, posée à-plomb, reçoit dans ses mortaises le tenon des marches d’un escalier de bois, et dans laquelle sont assemblés les limons et appuis des escaliers. Voyez ci-après Noyau d'escalier.

Noyau de fond, Celui qui porte depuis le rez-de-chaussée jusqu’au dernier étage.

Noyau suspendu, Celui qui est conpé au-dessous des paliers et rampes de chaque étage.

Noyau à corde. Celui qui est taillé d’une grosse moulure, en manière de corde, pour conduire la main. C’est ainsi qu’on les faisoit autrefois.

Noyau d’escalier. C’est un cylindre de pierre qui porte de fond, et qui est formé par le bout des marches gironnées d’un escalier à vis. On appelle noyau creux celui qui, étant d’un diamètre suffisant, a un puisard dans le milieu, et qui retient par encastrement les collets des marches. Tel est le noyau des escaliers de l’eglise de Saint-Louis, aux Invalides.

On donne aussi le nom de noyau creux à un noyau fait en manière de mur circulaire, et percé d’arcades et de croisses pour donner du jour. Tel est celui qu’on a pratiqué aux escaliers en limace de l’église de Saint-Pierre de Rome, et à l’escalier du château de Chambord.

Il y a encore de ces noyaux qui sont carrés, et qui servent aux escaliers en arc de cloître, à lunettes et à repos. Tel est le noyau du bout de l’aile du château de Versailles, appelé l’aile des Princes, du côté de l’orangerie.

NU. Se dit, dans la construction, d’une surface à laquelle on doit avoir égard pour déterminer les saillies. On dit ainsi le nu d’un mur, pour dire la surface d’un mur qui sert de champ aux saillies.

Nu. Se prend dans le langage de la décoration comme synonyme de pauvre, comme l’opposé de riche, d’orné. Cette façade est trop nue ; il y a trop de nu dans cette ordonnance.

NYMPHÈE (Nymphœum), C’est le nom qu’on donnoit dans l’antiquité à des lieux, à des grottes et à des édifices consacrés aux nymphes.

Il y a sur l’espèce de monumens qu’on appeloit ainsi, deux sortes d’opinions, dit Fabricius : les uns veulent que c’ait été des édifices publics où se faisoient les noces de ceux qui n’avoient point de local assez grand pour cette fête ; les autres prétendent que c’etoit des lieux publics et d’agrément où l’on amenoit des eaux abondantes, non point pour l’usage des bains, comme dans les thermes, mais seulement pour l’embellissement et le plaisir de la fraîcheur, et que le nom de nymphée leur vint des statues des nymphes dont ils étoient décorés. Il ajoute qu’on ne connoît ni la forme ni la nature de ces monumens.

On s’accorde aujourd’hui à reconnoître pour avoir été des nymphées, un assez grand nombre de petits édifices que le temps nous a conservés, et qui, sans aucun doute, ont succédé aux nymphées primitifs, qui furent des grottes naturelles ou modifiées par l’art.

Les récits de Pausanias nous apprennent que rien n’étoit plus commun en Grèce que ces sortes de nymphées, on grottes consacrées aux nymphes. Près de Samicou on voyoit le nymphœum ou la grotte des nymphes Anigrides. Dans le territoire


de Thébes, il y en avoit une consacrée aux nymphes Cythéronides. Une des grottes les plus remarquables étoit celle de la nymphe Corycia sur le Parnasse. On ne finiroit pas si l’on vouloit recueillir toutes les citations de ce genre.

Le même usage régna en Italie, et le culte des nymphes n’y manqua ni de grottes, ni d’édifices construits à l’instar des grottes, dans tous les lieux qui recéloient quelque source d’eau vive.

L’usage des lustrations dans la religion des Anciens rendoit si nécessaire l’emploi de l’eau, tant de superstitions religieuses ou médicinales s’attachoient aux différentes qualités des eaux de source, que les lieux qui en recéloient quelque une devenoient presque toujours le centre de quelque cuite. De-là les édifices qui renfermèrent quelque source et remplacèrent les grottes naturelles.

L’art effectivement dut bientôt, s’emparer de ces grottes ; on les orna des statues de leurs divinités : on embellit, on tailla, on sculpta leurs parois rustiques. Il y a dans l’Attique un nymphœum ainsi orné de beaucoup de bas-reliefs et d’inscriptions. Archidamas de pherœ dont l’image se trouve parmi ces bas-reliefs, y est désigné comme étant celui qui dédia cette grotte aux nymphes.

Ce qu’on appelle près de Rome la grotte de la nymphe Egérie paroît de même avoir été un nymphœum donné par la nature, agrandi peut-être et décoré par l’art, comme le témoigne le fragment de statue qu’on y voit encore.

Il est certain que si la nature fit d’abord les frais de cette sorte de monument, l’architecture s’empara bientôt des occasions de rivaliser avec elle, par des édifices construits dans les mêmes intentions, et pour les mêmes besoins.

Tels paroissent être les deux petits monumens situés sur le bord du lac d’Albano, près du Rome ; l’un, du côté de Castel-Gandophe, l’autre du côté de Marino, et dont Piranesi a donne les plans, les détails et la description. En les appelant des nymphées, il semble leur avoir, avec beaucoup de raison, rendu leur ancienne dénomination. On ne sauroit les voir sans leur appliquer ces vers de Virgile :

Fronte sub adversâ scopulis pendentibus antrum
Intuis aquce dulces vivoque sedilia laxo.

On voit que le nymphœum de Virgile avoit reçu de l’art qui les avoit taillés dans le roc, des bancs ou des sièges pour ceux qui venoient y prendre le frais.

Cet usage étoit devenu si commun, qu’Ovide, dans des vers où il décrit un semblable monument, a soin de dire que, bien qu’il parût travaillé artificiellement, l’art n’y avoit point touché.

Vallis in extremo est antrum nemorale recessa,
A te laboratum nullâ, simulaverat artem
Ingenio natura suo, nam pumice vero
Et levibus tophis nativum duxerat arcum.

Une peinture antique du palais Barberini représente un de ces nymphées rustiques. On y voit une grotte percée dans le tuf, dont l’espèce de voûte est formée par des pierres brûtes : d’abondantes eaux y coulent de toutes parts, et sont reçues dans des bassins. Le terrain en paroit inondé et rempli d’herbages. A l’entrée de la grotte est une petite chapelle dont l’entablement est supporté par des colonnes et orné de vases.

On voit donc que les nymphées, comme on l’a dit, furent originairement des espèces de monumens naturels ou rustiques, consacrés aux nymphes, qui d'abord n’y figuroient que sous l’emblême des eaux, dont elles étoient les divinités. Leurs statues y furent ensuite placées lorsque les embellissemens de l’art vinrent, suivant l’expression de Juvénal, profaner la nature ; car c'étoit de semblables lieux que ce poête parloit dans ces vers :

In vallem Egeria descendimus atque speluncam
Dissimiles veris quanto prestantius esset
Numen aqua. viridi si margine clauderet umbres
Herba, nec ingenuum violarent marmora tophum.

Martial fréquentoit de semblables grottes sur le rivage de Bayes. Ces lieux, consacrés d’abord par la religion, servoient aussi de refuge contre les ardeurs du soleil ou les intempéries de l’air ; mais ensuite ils devinrent des rendez-vous de débauche et de libertinage, et, dans les temps de corruption, on y rechercha toutes sortes de genres d’agrémens. Enfin, la sainteté du lieu ne fut plus qu’un voile sous lequel le plaisir se cachoit plus hardiment.

Tout ce que les poëtes et les écrivains disent des nymphées, convient si bien aux deux grottes du lac d’Albano, dont on a parlé plus haut, que nous ne pouvons nous dispenser d’y ramener le lecteur.

La première de ces grottes, celle qui est située sous Castel-Gandolpho, est taillée irrégulièrement dans la montagne, et l’on y remarque une certaine réunion de l’art et de la nature : celle-ci paroit en avoir seule donné le plan irrégulier, et l’art fut obligé, dans la décoration des murs, de s’y conformer. On n’y observe aucune symétrie ni correspondance entre les niches. Trois autres grottes plus petites, percées de même, sont pratiquées dans l’intérieur de la grande. Des conduits taillés dans le roc indiquent qu’il y eut jadis des eaux abondantes qui sont aujourd’hui réduites à un filet.

La voûte est encore ornée de rocailles, faites de tuf ou de pierre-ponce. La montagne est taillée à pic en avant et autour de la grotte, pour en rendre l’entrée plus ouverte et plus dégagée. Les murailles, qui sont de briques, sont encore revêtues par endroit, ainsi que les niches, des mêmes rocailles que la voûte : mais, dit Piranesi, on est porté a croira que c’est plutôt à l’art qu’à la destruction qu’il faut attribuer ces manques de continuité dans le revêtissement. C’est qu'on auroit cherché à imiter en tout les caprices que la nature offre dans ces sortes de lieux.

Le second nymphœum, situé à la partie septentrionale du lac d’Albano, du côté de Marino, doit avoir été au nombre de ceux dont se plaignoit Juvénal, dans les vers rapportes plus haut, et oû l’art avoit caché la nature, qui, selon le poëte, devoit seule faire le charme de ces endroits. Quoi qu’il en soit du goût de Juvénal, on ne souroit s’empêcher de reconnoître, dans cet édifice, le caractère d’architecture convenable au lieu, et ce monument pourroit servir de modèle aux grottes ornées dont on embellit les jardins.

Ce nymphée eut, beaucoup plus que le précédent, la forme d’un temple consacré aux nymphes. Son plan est régulier ; il forme un carré long. Les murs sont, de chaque côté, ornés de sept niches de forme quadrangulaire : les niches du bout sont circulaires par leur plan. On descendoit dans ce lieu par un escalier composé de onze marches, et précédé d’un vestibule. Au-delà de ce qui étoit le sacrarium, on trouve encore quelques chambres, qui ne recevoient de jour que par un puits pratiqué et percé à-plomb dans le cœur de la montagne.

La construction de ce nymphée est en reticulatum qui étoit recouvert du rocailles. Son architecture a des particularités qui méritent d’être remarquées. Les pilastres des angles ont des chapiteaux dont les volutes sout ioniques ; mais elles offrent cette singularité, qu’elles prennent leur naissance ainsi que les cannelures, et s’élèvent de bas en haut, comme les feuilles et les caulicoles du chapiteau corinthien. L’architecte imagina peut-être ce chapiteau, pour le raccorder avec les consoles, qui portent l’entablement et se terminent aussi en volutes, et qui, par leur saillie, semblent être l’extrémité de poutres enfoncées dans le mur sur lequel portent les plates-bandes. Ces consoles et les quatre pilastres du bout, quoique de figure ionique, ont un entablement orné de triglyphes. Ce n’est pas le seul exemple de cette réunion qu’on puisse citer dans l’antique. Un petit tombeau à Agrigente offre des colonnes ioniques à ses quatre angles, et l’entablement est dorique, avec des triglyphes.

Il paroît que l’intérieur de Rome avoit plusieurs de ces nymphées construits et décorés par l’art, où l’on trouvait des fontaines qui, sans doute, servoient aux besoins publics,

A Nîmes, près de l’endroit qu’on appelle encore aujourd’hui la Fontaine, et d’où partent des distribuions d’eaux dans toute la ville, on voit un beau reste d’un autre petit temple qu’on dit, sans aucune raison, avoir été un temple de Diane, On croit, et avec assez de vraisemblance, que ce fut autrefois un nymphœum. Voyez Nismes.

OBÉ

OBÉLISQUE, s. m. C’est le nom qu’on donne et que donnèrent les Romains (d’après les Grecs) à de très-hautes pierres taillées le plus souvent à quatre faces, quelquefois davantage, dans une forme légèrement pyramidale, qui se termine en pointe, ce qui les fit appeler obeloi (broches) par les Grecs, guglie (aiguilles) par les Italiens modernes.

On croit aussi que le mot stela (stèle, en français), qui vient du verbe σιαω, stare (être debout), mot qu’on donna, dans l’antiquité, à beaucoup de monumens historiographiques ou commémoratifs, signifia, chez les Grecs, la même chose qu’obélisque ; et une inscription grecque, trouvée récemment à Philae, dans la haute Égypte, sur le piédestal d’un obélisque renversé tout auprès, et transporté depuis peu en Angleterre, fait mention de cet obélisque sous le nom de stele.

Les Grecs se servoient en général de ce nom, pour désigner tout monument monolythe, sur lequel on traçoit des caractères (voyez Pierre stele) Hérodote appelle ainsi ceux qu’il dit avoir été élevés par Sésostris dans les pays et chez les peuples qu’il avoit subjugués. Ces monumens étoient-ils des obélisques ?

Cet usage de pierres debout et de pierres écrites, est trop général pour exiger qu’on en apporte ici des preuves. Or, dans ce genre de monumens, chaque peuple dut se laisser conduire par le genre des matériaux qui étoient à sa disposition, et par l’instinct primitif, qui, dès l’origine, devint le régulateur de son goût. On a vu, à l’article Architecture égyptienne, quelles causes portèrent les Egyptiens à la simplicité dans les édifices, à la solidité et à la grandeur dans leurs masses. Ce fut là leur principal luxe. Les énormes rochers de granit que la haute Égypte présentoit à leur exploitation, dûrent leur suggérer de porter au plus haut point d’élévation les masses de leurs stèles ou obélisques. Ils en firent le principal ornement de l’entrée de leurs temples ou de leurs palais, s’il est vrai, comme quelques-uns le pensent, que les grands assemblages de bâtimens, auxquels on donne toujours le nom de temple, aient pu servir aussi de demeures aux rois, ainsi qu’aux prêtres.

Il ne sauroit entrer ici dans notre objet de dire quel put être l’emploi des obélisques. N’ayant à les considérer que sous le rapport qu’ils ont eu à toutes lus époques avec l’architecture, nous avons toutefois besoin de dire à quoi il est plus que probable qu’ils ne servirent point en Égypte.

Nous ne nous arrêterons pas à combattre les conjectures de Kircher, de Goguet et de Bruce, qui ont cru que les obélisques avoient pu être des gnomons chez les Egyptiens. Il suffit, pour détruire


cette opinion, de considérer la place que les obélisques occupèrent dans leurs monumens. Or, il s’en trouve encore deux d’une grande hauteur à Thèbes, qui sont placés des deux côtés de l’entrée d’un grand pylone, et à une assez petite distance des massifs de cette porte. Celui qui exécuta, du temps de Sylla, la mosaïque de Palestrine, qui est une image abrégée de l’Égypte, y a fait voir deux obélisques placés de même à l’entrée d’un temple.

Une opinion aussi peu vraisemblable est celle de Pierius et de Bellon, qui tend à faire regarder les obélisques comme des monumens funéraires. Cette idée n’a pu naître que de l’abus qu’on dira dans la suite avoir été fait de cette forme par les Modernes.

De telles erreurs procèdent, en grande partie, de l’ignorance où l’on est de l’écriture hiéroglyphique, et par conséquent de ce qui est gravé sur les obélisques, qui, presque tous, sont couverts des caractères de cette sorte d’écriture. Le voile qu’on a déjà soulevé à cet égard, et quelques secrets surpris à cette mystérieuse écriture, font croire qu’on s’est formé de trop hautes idées des matières que renferment les inscriptions hiéroglyphiques ; et le peu qu’on a découvert porte à présumer que les sciences naturelles, l’astronomie et la philosophie, auroient peu de choses à y trouver.

Il est plus naturel, à l’égard des obélisques, de s’en tenir au témoignage des anciens écrivains, et de croire que les Egyptiens, ayant coutume d’inscrire sur des stèles plus ou moins grandes, les faits dont ils vouloient conserver le souvenir, élevoient de ces pierres d’une dimension colossale, lorsqu’il s’agissoit de consacrer la mémoire des bienfaits des rois, de leurs conquêtes, des monumens de leur piété envers les dieux, des constructions dues à leur munificence ; et les cartouches qu’on voit sur les hiéroglyphes où l’on est parvenu a lire les noms de plusieurs rois de l’Égypte, mettent déjà sur la voie de ces explications aussi simples que naturelles.

Il paroît qu’il y eut en Égypte un fort grand nombre d’obélisques. On l’infère, soit de ceux qu'on voit à Rome, ou en d’autres lieux, et qui, étant de granit rose, ne purent être taillés, n’importe en quel temps, que dans les carrières de Sienne, soit de ceux qui sont encore sur pied en Égypte, au nombre de six, soit d’une infinité de fragmens qu’on y observe dans les ruines des temples.

Les obélisques, si on les considère sous le point de vue général de leur emploi originaire, ne dûrent pas être placés tous en avant des temples, Il est probable que ceux, par exemple, qui furent d’une petite dimension et taillés dans des blocs de grés, eurent des emplois moins importans, du moins comme monument de décoration. Ils pouvoient quelquefois s’élever au milieu des lacs ou des bassins, et indiquer les différentes crues du Nil. Placés encore dans les péristyles intérieurs des édifices, que l’on prend peut-être trop exclusivement pour des temples, ils pouvoient n’être que relatifs à l’histoire des rois, comme on soupçonne que cela fut dans une des enceintes du grand édifice de Carnack, où se trouve une série de huit rois, qui semble être une généalogie. Il paroit que les obélisques du port d’Alexandrie, qui y furent transportés au temps des Ptolémées, pouvoient indiquer l’entrée de la ville.

Ce qui étonne le plus, après le travail de la taille des obélisques et de la sculpture de leurs signes hiéroglyphiques, c’est la difficulté du transport et de l’érection de masses aussi considérables. Plusieurs de ceux qui existent aujourd’hui ont 80 pieds de haut. Hérodote parle d’obélisques hauts de 120 pieds. Tel étoit encore celui du roi Nectebis, que Ptolémée Philadelphe fit transporter à Alexandrie. Pline nous donne, à cette occasion, quelques notions sur les moyens de transport qu’on dut souvent employer en Égypte.

On creusa d’abord un canal qui, partant du Nil, alloit passer sous l’obélisque couché à terre, qu’il s’agissoit d’enlever. On remplit ensuite deux grandes barques de pierres, jusqu’à ce que leur poids fût double de celui de l’obélisque. Ainsi chargées, ces barques enfoncèrent dans l’eau du canal, pour pouvoir passer sous l’obélisque, dont les deux extrémités portoient sur les rives du canal. On vida ensuite les barques, jusqu’à ce que déchargées de leur poids, et forcées de remonter, elles soulevèrent l’obélisque qu’il fut alors facile de conduire sur les eaux du Nil.

Le Nil traversant toute l’Égypte, les carrières étant peu éloignées de ce fleuve, et la plupart des villes, ainsi que leurs temples, étant situées sur ses bords, il est probable que l’eau fut le conducteur ordinaire de presque toutes les masses, dont le transport par terre eût coûté des peines et des dépenses incalculables.

Mais les masses des obélisques une fois arrivées aux lieux où il falloit les ériger, quels moyens employoit-on à cet effet ? C’est la-dessus qu’on n’a aucune notion. Y avoit-il de puissans moyens mécaniques alors connus et oubliés depuis ? D’ingénieux procédés suppléoient-ils aux ressources de la science, ou bien la force des bras, le temps et la patience venoient-ils au secours des architectes d’alors ? Chacun peut faire la-dessus des conjectures. Le peu d’occasions qu’ont eu les Modernes de s’exercer à de pareils tours de force, fournit encore peu de lumières à la divination en ce genre.

Quelles qu’aient été les raisons ou les causes qui portèrent ou engagèrent les Egyptiens à faire et à multiplier chez eux les obélisques, on est à peu près certain que le plus grand nombre de ces raisons n’influèrent point sur le goût de ceux qui, dans la suite, firent sortir ces monumens de leur paya natal. On entend ici parler de la signification religieuse, politique ou morale que leur avoit donnée le peuple qui se livra à de tels travaux : car il faut reconnoître qu’il ne se fait jamais rien de grand sans une grande raison. Or, il nous paroît que c’est cette raison sur laquelle on n’a que des conjectures, qui fut particulière aux Egyptiens, et qui ne sortit pas de l’Égypte.

Nous ne voyons point, par exemple, que cette sorte de monumens ait fait partie de ceux auxquels le génie des Grecs donna naissance, ou qu’il put naturaliser chez lui. On ne croit pas que, parmi les ruines nombreuses de la Grèce, on ait jamais découvert des fragmens d’obélisques. Il est certain que ce pays ne fut en aucun temps vis-à-vis de l’Égypte, non-seulement dans le cas de lui enlever ses monumens, mais même de lui en emprunter le goût. Les petits États qui se partageoient le territoire déjà peu étendu de la Grèce, n’eurent jamais les moyens de faire les dépenses d’un luxe qui auroit été pour eux sans plaisir, comme sans objet. La principale valeur des obélisques, du moins pour les yeux et pour l’opinion, consistant à être des masses énormes d’un seul morceau, tous les pays n’ont pas de ces carrières qui permettent d’y tailler à volonté des pierres d’une grandeur démesurée. Si les Grecs inscrivirent sur des stèles leurs lois, les actes de leurs gouvernemens, ils se contentèrent de pierres d’une dimension médiocre. Il est vrai de dire aussi que le genre d’écriture littérale n’exigeoit pas, chez eux, d’aussi grands espaces ; les caractères alphabétiques pouvant dire les mêmes choses que les signes hiéroglyphiques, avec vingt fois moins d’étendue en superficie.

Le mot obelos, qu’on trouve chez Pausanias, employé à décrire l’espèce de balustrade de l’antre de Trophonius, a pu exprimer quelques formes d’ornemens semblables à celles des obélisques, mais il ne prouve rien en saveur de l’emploi que les Grecs en auroient fait, comme monumens publics. Les colonnes, chez eux, ont dû souvent jouer le même rôle.

Il n’y a aucune autorité contraire à tirer de l’obélisque de granit octogone porté dans la ville de Catané, sur un éléphant de lave, qui paroit lui-même être un ouvrage antique. Cet obélisque ne fut pas le seul que posséda cette ville, et le Muséum du prince de Biscari renferme les fragmens d’un autre, qui paroît lui avoir servi de pendant. Rien autre chose à conclure de-là, sinon que les Romains y auront, n’importe dans quel temps, transporté ces deux morceaux, pour en orner le cirque de cette ville.

Ce sera pour le même objet qu’aura été transporté et érigé, dans la ville d’Arles en Provence, l’obélisque placé aujourd’hui sur sa place publique.

Lorsque les Romains furent maîtres de l’Égypte, ils dûrent voir avec envie des monumens dont la proportion leur parut conforme à la grandeur de leur Empire et de leur ambition. Il paroît qu’ils ne tardèrent pas à user de leur droit de conquête, c’est-à-dire, de rapine, sur le pays qu’ils avoient enfin subjugué. Nous lisons sur la base de l’obélisque du cirque Flaminien (aujourd’hui de la Piazza del popolo à Rome) qu’Auguste, dans la douzième année de son règne, après avoir réduit l’Égypte sous la puissance du peuple romain, consacra ce monument au Soleil. Au bas de l’obélisque érigé aujourd’hui au milieu de la place de Saint Pierre, on lit une inscription qui porte que Tibère l’avoit consacré à Auguste. L’histoire de ces monumens, à Rome, nous montre que les empereurs ne cessèrent point d’embellir leur ville de ces ouvrages, soit qu’ils aient enlevé d’Égypte ceux qui en décoroient les édifices, soit, comme cela n’est pas invraisemblable, qu’ils y en aient fait tailler de nouveaux dans les carrières de Sienne, ce qu’on a soupçonné particulièrement à l’égard de ceux de ces monumens qui sont lisses ou sans hiéroglyphes.

Il ne paroît pas que, chez les Romains, l’obélisque soit entré dans les projets de l’architecture comme partie accessoire des monumens, c’est-à-dire, liée plus ou moins à leur décoration. En Égypte, il participoit au système général des masses des edifices ; il s’associoit à leurs proportions ; il étoit en tout d’accord avec leur style et leur goût. À Rome, ces masses étrangères par leur forme et leur matière à l’architecture et au genre de bâtir en usage, ne présentoient encore dans leurs signes hiéroglyphiques, inintelligibles au peuple, rien qui pût en rendre l’emploi nécessaire. Ils ne furent donc regardés que comme les productions curieuses d’une industrie gigantesque ; et ce qu’on dut y priser, après les avoir considérés comme des trophées de victoire, dut s’appliquer à la grandeur de la masse, à la dureté de la matière.

L’emploi le plus ordinaire que les obélisques reçurent à Rome, fut d’orner les cirques. Ces monumens (voy. Cirque) offroient entre les gradins dont ils étoient bordés dans leur longueur, une arène ou un grand espace, divisé en deux allées par un massif relevé qu’on appeloit spina, parce qu’il régnoit sur toute cette longueur comme l’épine dans le corps d’un poisson. Cette spina recevoit toutes sortes de monumens en trépieds, en statues, en autels, et c’étoit à une de ses extrémités qu’était placée la borne.

Les obélisques de l’Égypte trouvèrent sur ce massif une place très- favorable à leur effet, et contribuèrent singulièrement à l’embellissement des cirques. On y en plaçoit ordinairement deux, un


grand et un petit. Le grand étoit terminé au-dessus de son pyramidium par un globe de bronze doré, parce qu’il étoit consacré au soleil. Le petit avoit à son sommet un disque d’argent, et il étoit consacré à la lune.

Indépendamment de l’espèce de soubassement formé par la spina, les obélisques qu’on y dressoit posoient encore sur des piédestaux ornés de moulures et presque toujours d’un seul bloc de granit rouge, taillé dans les carrières de Sienne. C’est là un des motifs qu’un a de croire que les Romains auroient bien pu y exploiter aussi des obélisques.

Nous trouvons qu’un autre genre d’emploi fut affecté par Auguste à un obélisque égyptien qu’il fit dresser dans le champ de Mars, et auquel il donna pour destination d’être un gnomon ou cadran solaire. Pline, qui en parle assez en détail, nous apprend qu’il étoit placé sur un vaste plateau dressé et nivelé. À son sommet il avoit un globe de bronze doré, qu’on appeloit pyropum : le plateau étoit en marbre blanc. On y avoit tracé des lignes incrustées en bronze ; elles indiquoient les différentes projections que devoit parcourir l’ombre du gnomon. Il paroît qu’on avoit joint á l’usage de cadran dans ce monument, la propriété du calendrier : on voyoit effectivement tracées sur le plateau les indications des jours, des mois, des saisons et des équinoxes. Si l’on en croit Nardini, les différentes positions du ciel et l’étoile des vents s’y seroient aussi trouvées figurées. Cet antiquaire rapporte (Lib. 6°.) que de son temps, sur l’emplacement de l’ancien champ de Mars (près san Lorenze in Lucina), on trouva des règles de bronze doré incrustées dans de grandes pierres carrées, avec une inscription en mosaïque où on lisoit : Boreas spirat.

Tous les obélisques que les Romains trausportèrent d’Égypte sont de granit, et furent tous d’un seul bloc ; la seule exception qu’on connoisse à cet égard est à Constantinople. Un de ceux qu’on y voit encore, et qui était placé dans l’hippodrome, fut construit de plusieurs assises régulières, et revêtu en bronze.

Il n’entre point dans notre sujet de dire ni de quelle manière les obélisques furent transportés d’Égypte à Rome, ni de quels procédés on usa pour les mouvoir et les ériger. Il est fort à présumer qu’on dut se servir des moyens certainement fort anciens, des poulies de renvoi, des cabestans dont usa Fontana (voyez ce nom) pour élever l’obélisque de Saint -Pierre. Sur le piédestal du l’obélisque de Constantinople, le seul resté debout de tous les obélisques transférés par les Romains dans leur empire, on voit un bas-relief sur lequel sont représentés des hommes occupés à mouvoir des cabestans pour ériger un obélisque armé de pièces de bois. C’est très-probablement à l’érection de cet obélisque même que s’applique la représentation du bas-relief. Malheureusement l’exécution en est si barbare, qu’on ne peut guère en tirer de notions détaillées et précisés sur les procédés mécaniques suivis par l’architecte.

Presque tous les obélisques dressés par les Romains subirent le sort du plus grand nombre des édifice et des monumens de ce peuple ; ils furent renversés et brisés dans les différentes invasions des Barbares, et ils restèrent dans cet état recouverts en grands partie de terre et de décombres jusqu’au temps dit pape Sixte-Quint, qui entreprit de rendre à la Rome chrétienne la grandeur et la magnificence qu’on lui voit aujourd’hui, grâce au zèle soutenu pour les beaux-arts de tous les pontifes ses successeurs. Sixte-Quint fit transporter devant l’église, et au milieu de la place de Saint-Pierre, l’obélisque du Vatican, le seul qui étoit demeuré debout à Rome sur son piédestal, dans le cirque où Caius César l’avoit placé. Il fit retirer à très-grands frais, des ruines du grand cirque, les morceaux du plus grand obélisque qu’il y ait eu à Rome, et les fit replacer l’un sur l’autre de manière à lui rendre, pour l’œil, son ancienne intégrité, et il l’érigea sur la place et en face de Saint-Jean-de-Latran. On lui doit encore la restauration et l’érection de celui qui orne la place del Popolo, ainsi que de celui qui s’élève en face de Sainte-Marie-Majeure.

Depuis Sixte-Quint on vit successivement reparoître et s’élever dans les différentes places de Rome les autres obélisques, soit ceux que le temps avoit épargnés en entier, soit ceux qui eurent besoin de restauration : tels furent ceux de la place Navone, par le pape Urbain VIII ; de la place de la Minerve, pur Alexandre VII. Le pape Benoit XIV fit transporter les morceaux de l’obélisque horaire devant le palais de Moute-Citorio. Ces morceaux ont été depuis rassemblés et restaurés par les soins du pape Pie VI, qui a rendu à cet obélisque son ancienne destination, en le faisant dresser sur la place et vis-à-vis du palais de Monte-Citorio, où un nouveau globe de bronze, surmonté du style d’un gnomon, doit encore servir de méridien. Le même pape a relevé les derniers obélisques qui restoient encore, ou inconnus, ou négligés dans Rome, et il en a fait dresser un sur la place de Monte–Cavallo, un autre en face de l’église de Trinita-del-Monte.

On voit donc que les obélisques égyptiens, encore plus étrangers aux usages, aux croyances des modernes et aux pratiques de leur architecture, ne devinrent, dans Rome chrétienne, que des monumens décoratifs pour les yeux, et des objets de recherches ou de curiosité pour les antiquaires.

Cependant ces prodigieux ouvrages de l’art égyptien ne durent pas manquer d’étonner les artistes. Tout ce qui est grand a droit à l’admiration des hommes. En fait de monumens, les obélisques et les pyramides de l’Égypte sont restés dans l’imagination, et sont, par le fait, les ouvrages les plus durables de l’industrie humaine, ceux dont la masse bravera le plus victorieusement les efforts du temps et de la destruction.

Il ne faut donc pas s’étonner du goût qui en a perpétué la forme et l’usage dans les productions de l’art moderne, bien qu’aucune opinion religieuse ou politique ne s’y trouve mêlée. La forme obéliscale et la forme pyramidale ont entr’elles quelques points de ressemblance qui ont contribué à les faire confondre, dans les emplois purement allégoriques qu’on en a souvent faits, en les appliquant à certaines compositions de la sculpture. Il est indubitable que les pyramides, en Égypte, furent des tombeaux ; les Romains firent aussi des tombeaux dans cette forme, témoin la pyramide de C. Cestius, à Rome. Si l’on ne peut pas connoître encore avec certitude l’emploi moral de l’obélisque, on peut toujours certifier que ce monument ne fut aucunement en rapport avec les usages des sépultures.

Lorsque des signes sont consacrés de toute ancienneté à l’expression de quelqu’idée, le goût enseigne à ne point les dénaturer par un mélange indiscret. Ainsi, l’on ne sauroit désapprouver qu’on ait fait entrer dans la composition des mausolées modernes la forme de pyramide, comme servant de fond aux objets représentés par la sculpture. La forme pyramidale est devenue en quelque sorte, dans l’écriture allégorique de cet art, l’hiéroglyphe de tombeau. Mais on a vu la forme obéliscale employée à la même fin dans plus d’une composition funéraire : or, on sent que ce ne peut être là qu’une méprise.

Un autre abus en ce genre, a consisté à mêler ensemble les deux types, de manière que l’objet n’est plus ni pyramide ni obélisque.

On doit dire que c’est le reproche qu’on peut faire à l’architecte Blondel dans la décoration de son arc triomphal de la porte Saint-Denis, Sont-ce des obélisques ou des pyramides manquées, qu’il a couvert d’ailleurs fort habilement de trophées ? C’est surtout dans les ouvrages qui se recommandent par de grandes beautés, et par la célébrité du nom de leur auteur, qu’il faut faire remarquer ces défauts de convenance, tant est contagieuse l’influence d’un mauvais exemple donné par un habile homme ; tant il est vrai que ce qu’on imite le plus facilement des grands hommes, c’est leurs défauts. Rien de plus important, en architecture surtout, que de respecter les significations de chaque forme.

Nous n’appliquerons point cette observation à l’usage assez répandu d’élever de petits obélisques comme monumens, ou de parade ou de reconnoissance dans les parcs, dans les points des forêts qui servent de réunion à plusieurs routes. La forme obéliscale a l’avantage de produire des monumens que leur procérité même rend propres à remplacer les colonnes isolées, qui deviennent souvent nécessaires à certains points de vue.

Il importe peu que l’obélisque, ainsi considéré dans ces petits emplois, soit monolythe ou composé de plusieurs assises. Mais de vaines singeries ont quelquefois fait imaginer de reproduire au milieu de nos places des obélisques de la hauteur de ceux de l’Egypte et qui n’arriveraient à de telles dimensions qu’au moyen de beaucoup d’assises. L’insignifiance d’un pareil monument dans nos mœurs doit assez avertir, que si l’on n’y compense pas ce défaut, par le mérite ou d’une grande difficulté vaincue, ou du prix que la rareté d’un seul bloc de pierre de cent pieds de haut peut donner à une chose inutile, on ne feroit, avec une telle dépense, que la parodie ridicule d’une grande chose.

OBSERVATOIRE, s. m. On donne ce nom à un édifice fait ordinairement en forme de tour, sur un terrain élevé, autant que les localités le permettent, et se terminant en terrasse propre à faire les observations astronomiques, et d’autres expériences physiques.

Le plus grand et le plus bel observatoire qu’on puisse citer comme monument d’architecture, est sans aucun doute celui de Paris qui fut élevé par Claude Perrault, à l’extrémité du faubourg Saint-Jacques et au haut de la rue d’Enfer. Cet édifice remarquable à beaucoup d’égards, mais situé à une des extrémités les moins fréquentées de la ville, étoit en quelque sorte inconnu au plus grand nombre des habitans, ou du moins ne leur étoit guère connu que de nom. Le percement d’une grande et belle avenue tracée sur les terrains qui séparent cet édifice du palais du Luxembourg, a, depuis quelques années, produit une ouverture qui les met aujourd’hui en regard, et, en faisant de l’Observatoire une des perspectives du jardin, l’a, si l’on peut dire, rapproché de la ville, en donnant au public l’occasion de s’en approcher tous les jours.

L’édifice du l’Observatoire est, avec la colonnade du Louvre, le monument sur lequel Claude Perrault a fondé sa réputation. Nous en traiterons a l’article de ce célèbre architecte (voy. Perrault), sous le rapport du goût, du style et du caractère. Ici on se contentera d’abréger la description qu’en a donnée J.-F. Blondel, tom. II de l’Architecture française.

La forme de cet édifice est un rectangle d’environ 16 toises sur 14, flanqué de deux tours pentagonales du côté du midi. À la face opposée (celle du nord), et au milieu de cette façade, est un pavillon extérieurement carré, qui donne entrée, au rez-de-chaussée, dans un vestibule à pans dont la voûte est percée. Le plan du premier étage se compose de différentes pièces, qui ont chacune leur destination scientifique. Originairement l’espace octogone d’une des deux tours étoit sans voûte ; il formoit une sorte de puits destiné à mesurer la quantité d’eau qui tombe annuellement. Cet espace a, depuis, été couvert en voûte d’arête ; et la communication établie par les arêtes de cette voûte, fait que deux personnes parlant bas, l’une d’un côté, l’autre de l’autre, s’entendent entr’elles lorsque ceux qui sont au milieu n’entendent rien. On appelle cette pièce le cabinet des secrets. La pièce du milieu est nommée méridienne, parce que c’est que M. Cassini a tracé la ligne méridienne qui traverse l’axe de l’édifice. On y a pratiqué une petite ouverture circulaire faite pour observer les degrés d’accélération de la chute des corps : cette ouverture perce également tous les plafonds des étages, depuis les souterrains jusqu’à la terrasse supérieure qui couvre tout l’édifice.

Il faut observer que dans la construction de cet observatoire on n’a employé ni fer ni bois ; toutes les pièces sont voûtées avec la plus grande solidité, et l’appareil de chacune peut passer pour un chef-d’œuvre dans l’art du trait.

L’utilité ayant été le principal objet d’un semblable édifice, l’architecte n’en a voulu devoir la beauté qu’à la simplicité des formes, à la justesse de l’appareil, à la régularité des masses : il a compris que le lieu des observations devant être au premier étage, il y falloit de vastes ouvertures et des fenêtres fort exhaussées ; c’est pour cela qu’il a élevé cet étage sur une espèce de soubassement dont la destination particulière n’exigeoit que des fenêtres d’une modique hauteur. Toutes les croisées des façades sont à plein cintre, sans aucun ornement.

OCRE, s. f. Les ocres ou les bols sont des substances d’apparence argileuse, qui sont colorées en jaune ou en rouge par une certaine quantité de fer qui devient sensible à l’aimant, quand on calcine ces terres, de manière à les faire passer au rouge-brun, et même au noir.

Les ocres se dissolvent dans l’eau, pour laquelle elles ont une grande avidité. Pour obtenir une couleur plus pure, et dégagée de toute matière étrangère, on les broie, on les lave à grande eau, et on les décante jusqu’à ce que le lavage ne fournisse plus de couleur ; alors on jette le sédiment. Voyez le Dictionnaire des Beaux-Arts, article Ocre.

Les ocres rouges naturelles sont plus rares que les jaunes ; la plupart de celles qu’on répand dans le commerce sont des préparations artificielles, ou des ocres jaunes calcinées.

Voici les plus connues des ocres rouges : Ocre ou bol rouge d’Arménie ; il est d’un rouge-pâle, et est plus employé en médecine qu’en peinture. — Ocre rouge de Bucaros en Portugal, d’un rouge-orangé ; on en fait dus poteries. — Ocre rouge d’Afrique ; les Caffres s’en servent pour se peindre le corps. Les ocres jaunes de bonne qualité sout assez rares, et les couches en sont peu abondantes. Nous les tirons de la Bourgogne et du Berry. — L’ocre de rhue, d’un jaune-foncé, vient d’Angleterre et d’Italie. La terre jaune d’Italie, dont la nuance approche du souci, est peu employée dans le bâtiment, sans doute à cause de sa rareté. — La terre de Sienne est une ocre d’un assez beau jaune, dont la finesse est extrême cette même terre grillée prend une teinte d’un beau rouge transparent. — La terre d’ombre est encore une espèce d’ocre ; c’est un brun très-foncé, mais d’un ton faux ; elle est très-avide d’eau. La terre d’ombre calcinée devient d’un brun-noirâtre, et acquiert de la transparence.

De toutes les couleurs employées dans le bâtiment, les ocres sont les plus solides et les moins coûteuses. Ces matières colorantes, avons-nous déjà du, varient de nuances es depuis le janne-clair jusqu’au brun le plus foncé, en passant par presque tous les tons de rouge intermédiaires : elles sont employées dans la peinture en détrempe, à fresque, à l’huile et à la cire, dont on encaustique les pavés et parquets. On se sert aussi des ocres pour colorer le plâtre dont on fait des revêtermens, et cette maniere de l’employer, connue des Anciens, ressemble assez au stuc. La couleur en est bien plus solide, n’étant pas superficielle, mais inhérente à l’enduit et en pénétrant la masse entière. Néanmoins les ocres entrent dans les badigeons, à l’intérieur comme à l’extérieur des édifices. Les ocres jaunes, broyées à l’eau ou à l’huile, servent surtout à donner les premières couches sur les boiseries qui doivent recevoir des couleurs plus chères et plus fines, ou sur celles que l’on peint seulement pour les garantir de l’action des pluies, tels que poteaux, barrières, portes, treillages, ponts de charpente, etc., el cette couleur, employée à l’huile, conserve les bois mieux que toute autre.

Le rouge de Prusse et celui d’Allemagne sont ceux qu’on emploie dans l’encaustique du pavé des appartenons. Ou donne maintenant la préférence à l’ocre jaune, ou bien à la terre de Sienne, ou à la terre d’ombre, qui imite la couleur des parquets en bois de chêne. Cette teinte est plus douce et plus amie de l’œil, qu’allée le désagréablement le rouge cru ou le jaune, rendu encore plus vis par son mélange aveu la cire lustrée par un frottement réitéré.
(A. L. C.)

OCTOGONE, adj. des deux genres. Figure qui a huit pans et huit angles.

OCTOSTYLE, adj. des deux genres. Se dit de l’ordonnance d’une façade d’édifice ou de temple, qui a huit colonnes à son rang antérieur.

Tel est le temple de Minerve, à Athènes ; tel est le Panthéon d’Agrippa, à Rome. Les ordonnances du diptère et du pseudodiptère, chez les Anciens, étoient octostyles.

ODÆUM. On laisse à ce mot sa terminaison latine, selon l’usage reçu pour tout les ouvrages d’antiquité, quoique l’on eût pu d’autant mieux lui laisser sa terminaison grecque, que cette terminaison est devenue celle du mot odéon en français. C’est pourquoi on eu usera dans le cours de cet article.

On donnoit le nom d’odéon, chez les Grecs, à une espèce d’édifice daus lequel les poëles et les musiciens disputoient les prix de musique, de chant et d’exécution instrumentale ; cela devoit répondre, relativement aux théâtres, à ce qu’est, chez les Modernes, la salle de concert.

Périclès, qui lil bâtir le premier odéon à Athènes, avoit eu l’intention qu’il servit aux choréges des différentes tribus, pour s’y exercer et pour y instruire les chœurs. L’odéon devoit aussi servir de magasin pour les objets employés dans les pompes solennelles et religieuses. Il eut encore une autre destination ; il offrit, comme portique, un refuge aux spectateurs assemblés dans le théâtre de Bacuhus, qui lui étoit contigu, lorsque la mauvais temps obligeoit de se mettre à convert. Quelquefois même il servit aux Athéniens pour y tenir des assemblées politiques.

L’odéon ressembloit par sa forme au théâtre, à cela près qu’il avoit beaucoup moins d’étendue, et qu’il recevoit une couverture. Aucun auteur ancien ne nous a laissé, toutefois, une description de cette sorte d’édifice, ni donné aucune mention de sa disposition intérieure. Vltruve ne parle qu’en passant de celui d’Athènes ; et quant aux ruines que plus d’un voyageur appelle des ruines d’odéon, rien de moins authentique que leurs notions, qui peuvent toujours s’appliquer à des restes de théâtre. Il est probable qu il ne devoit y avoir ni scène, ni précisément ce qu’on appelle le proscenium.

La disposition des couvertures on des toits des odéons ne nous est pas beaucoup mieux connue. Vitruve nous dit, à la vérité, que la toiture de l’odéon de Périclès avoit été faite avec les mâts et les antennes, ou vergues des vaisseaux pris sur les Perses par les Grecs à la bataille de Salamine. Pausanias nous apprend qu’on avoit donné à cette toiture la forme de la tente de Xerxès. Cette ressemblance extérieure, qui étoit toute seule un monument de victoire, porte à croire que le toit dont étoit couronné l’odéondevoit se terminer en angle fort aigu ou en cône. Les mâts auront tenu, dans cet assemblage de charpente, la place, et joué le rôle des chevrons dans les toits ordinaires. Les antennes, pièces de bois plus légères, auront fait l’office, des pannes placées transversalement pour recevoir les tuiles. Dans l’intérieur, s’il n’y eut pas de plafond, la charpente du toit aura été recouverte et façonnée en manière de voûte.

Il est probable que l’odéon construit à Athènes par Périclès, aura été le premier édifice de ce genre en Grèce : il n’y fut pas le seul, comme on va le dire, et plusieurs croient que cette ville vit successivement élever jusqu’à trois odéons. Du reste, les villes de la Grèce en construisirent à l’envi. C’est après avoir fait mention de celui de Patras, que Pausanias parle du nouvel odéon d’Athènes, qui n’existoit pas encore, lorsqu’il passa dans cette ville, et qui, depuis son départ, avoit été construit par Hérodes Atticus.

Cet odéon étoit situé au pied de l’Acropolis, et du côté du sud-ouest. Quelques antiquaires croient qu’on en voit aujourd’hui les restes dans les ruines de l’édifice que presque tous les voyageurs out pris pour le théâtre de Bacchus C’étoit, selon Pausanias, un des plus beaux édifices de la Grèce, et il surpassoit en magnificence tous les autres odéons. Il en subsiste aujourd’hui assez pour faire connoître sa forme générale, c’est-à-dire qu’on en voit encore l’excavation faite dans le rocher, où l’on avoit taillé les siéges demi-circulaires ; une partie assez considérable du mur qui devoit occuper la place de la scène, et quelques arcades ouvertes faisant corps aujourd’hui avec les fortisications de la citadelle.

L’exemple des Athéniens fut suivi par d’autres villes de la Grèce, qui firent aussi construire des odéons Pausanias, toutefois, ne fait mention que de deux odéons bâtis, l’un à Corinthe, l’autre à Patras. Il est vrai qu’en parlant de celui de cette dernière ville, il donne assez à comprendre qu’il y en avoit aussi dans beaucoup d’autres villes. Peut-être faut-il inférer de-là que l’odéon n’étoit pas, comme le théâtre, le gymnase, etc., un édifice obligé pour chaque ville : peut-être aussi sa destination principale n’exigeoit -elle pas autant de dépense et d’étendue que celle du théâtre ; et Pausanias, dans ce cas, n’aura fait mention des odéons, qu’en raison de leur grandeur et de leur magnificence.

Plusieurs villes de l’Asie mineure eurent aussi des odéons. Celui de Smyrne étoit renommé, selon Pausanias, à cause d’un tableau d’Apelles qui représentoit les Grâces. Les voyageurs Pocoke et Chandler ont pris pour des odéons plus d’un édifice en forme de théâtre dans les villes d’Ephèse et de Laodicée ; mais Chandler, aux. débris nombreux de la sculpture qui enrichissoit l’édifice de Laodicée, a présumé qu’il devoit être d’architecture romaine.

Rome, plus tard, eut aussi des odéons. Fabricius, dans sa description de Rome, y en compte quatre. Mais de plus modernes critiques ont prouvé qu’il n’y en eut jamais que deux : le premier fut construit par Domitien qui, entr’autres jeux publics célébrés en l’honneur de Jupiter Capitolin, institua des combats de musique pour lesquels on érigea l’odéon ; le second, bâti sous Trajan, avoit été l’ouvrage de l’architecte Apollodore.

On trouveroit encore à citer, d’après les récits des historiens, d’autres odéons construits sous les Romains, dans différentes villes des pays qu’ils avoient conquis.

Le mot odéon est devenu, depuis quelque temps, un mot français, et on en a affecté le nom à un des théâtres de Paris, non par aucune similitude d’usage on de forme, mais par ce besoin qu’on a de chercher dans l’antiquité des dénominations nouvelles, à beaucoup de choses qui n’ont toutefois rien de nouveau.


ŒIL, s. m. Ce mot, en architecture s’emploie par métaphore, pour signifier certaines ouvertures ou fenêtres circulaires que l’on pratique le plus souvent dans les combles, dans les attiques ou dans les reins d’une voûte.

Les Grecs (on l’a déjà dit au mot Fenêtre) se servoient du terme opaion, formé d’opè, signifiant trou, ouverture, et par une métaphore en sens inverse de la nôtre, ils donnoient quelquefois ce nom à l’œil, parce que l’œil est regardé comme l’ouverture, et en quelque sorte la fenêtre, par où nous recevons l’impression visuelle des objets.

Les Anciens firent donc fréquemment de ces fenêtres que nous appelons du mot œil, au sommet de leurs édifices, et nous avons déjà cité celui que l’architecte Xénoclès pratiqua dans le comble du temple d’Eleusis.

C’est bien du mot œil qu’on doit appeler l’ouverture circulaire qui, percée au sommet de la voûte du Panthéon d’Agrippa, introduit la lumière dans son intérieur, et c’est de cette sorte qu’étoient éclairées, comme leurs ruines le témoignent encore aujourd’hui, beaucoup de salles circulaires qu’on voit à Pouzzol et à Rome, soit que ces édifices aient été des temples, soit qu’ils n’aient été que des parties de l’ensemble des thermes, discussion indifférente et étrangère à l’objet de ces ouvertures.

Œil-de-bœuf. Petit jour pris dans une couverture pour éclairer un grenier, un faux-comble. On appelle de même les petites lucarnes d’un dôme, telles que celles du dôme de Saint Pierre à Rome ; on y en compte quarante-huit en trois rangs.


Œil de dôme.C’est l’ouverture qui est au haut de la coupe d’un dôme, et que l’on couvre le plus souvent d’une lanterne.


Œil de volute. C’est le petit cercle du milieu de la volute ionique, où l’on marque les treize centres pour en décrire les circonvolutions.


Œil de pont. (Terme d’architecture hydraulique.) Nom que l’on donne à certaines ouvertures rondes au-dessus des piles, et dans les reins des arches d’un pont ; ce qu’on fait autant pour rendre l’ouvrage léger, que pour faciliter le passage des grosses eaux. Il y a de ces ouvertures, par exemple, au pont neuf de la ville de Toulouse, et à quelques ponts sur l’Arno, à Florence.

ŒUVRE, s. m. Ce terme s’emploie diversement, dans plus d’une locution, en architecture.

On dit mettre en œuvre. — C’est employer une matière quelconque, lui donner, par le travail, la forme et la place qu’elle doit avoir.

Dans œuvre et hors d’œuvre. — Le mot œuvre, synonyme d’ouvrage, se prenoit autrefois d’une manière plus générale dans la bâtisse, pour le bâtiment ou la fabrique (voyez plus bas). Les deux mots dans œuvre et hors d’œuvre s’appliquent donc aux mesures prises de l’intérieur ou de l’extérieur d’un bâtiment. Par suite de cet usage, le mot hors d’œuvre se dit de tout corps de bâtisse, de tout objet, de tout travail accessoire et étranger à l’ensemble, quel qu’il soit, du corps de l’objet ou du travail principal.

Sous œuvre (Reprise en). — Se dit, en bâtisse, de l’opération par laquelle on rebâtit sous la partie supérieure d’une construction, une construction nouvelle, soit qu’on veuille changer la disposition d’un rez-de-chaussée, soit que la partie inférieure de l’édifice dans ses fondations, et de même au-dessus du sol, menace ruine par l’effet d’un vice de construction ou de la mauvaise qualité des matériaux. C’est ainsi qu’on vient de reprendre en sous œuvre et de reconstruire dans l’église de l’Abbaye, à Paris, tous les piliers de sa nef, dont les pierres, prêtes à s’écraser, menacoient d’une ruine prochaine.

Toute opération de reprise en sous œuvre a lieu par le moyen de forts étais qu’on place, de manière a supporter la construction supérieure, sans qu’elle puisse éprouver ni tassement ni dérangement. On démolit alors la construction vicieuse qu’il s’agit de remplacer, et on rebâtit jusqu’à ce qu’on arrive à la rejoindre à celle d’en haut ; ce qui exige des soins, une exactitude et une précision particulières.

Œuvre d'église. On appelle de ce nom, dans nos églises, l’espèce d’enceinte et de place distinguée, qu’occupent les marguilliers ou fabriciens, & ce dernier mot, qui signifie préposés à la fabrique, nous explique l’étymologie du mot œuvre dans nos églises.

Il suffit d’ouvrir les histoires des anciennes constructions des églises, surtout en Italie, pour voir que ces grands ouvrages furent entrepris et exécutés par des corporations ou compagnies qu’on appeloit magistri dell’ opera, les maîtres de l’ouvrage ou de l’œuvre. Ces grands édifices termines avoient besoin d’être continuellement surveillés réparés, entretenus. Des fonds plus ou moins considérables étoient affectés à cet entretien. L’administration de ces fonds, leur emploi, la police du lieu saint et toutes les dépenses relatives au culte extérieur, continuèrent d’être dans les attributions des maîtres de l’œuvre, appelés depuis fabriciens. On leur donna une place d’honneur dans l’église, et cet usage subsiste encore. Il paroît que le langage aura abrégé la dénomination dont il s’agit. On aura dit le banc des maîtres de l’œuvre, le banc de l’œuvre, et enfin, par ellipse, l’œuvre.

Ce banc d’honneur, où se placent les intendans de la fabrique, qu’on nomme aujourd’hui marguilliers, est devenu l’objet d’une décoration particulière dans certaines églises. On a souvent adossé ce banc ou cette enceinte en menuiserie, à une cloison en bois, plus ou moins ornée ; on l’a décorée d’une espèce de dais ou d’impériale. Enfin, on y a élevé des colonnes, et ce banc primitif est devenu quelquefois une construction plus importante, qu’il ne conviendrait d’en faire dans des intérieurs, qui seraient soumis à une architecture régulière.

L’œuvre de la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Paris, passe avec raison pour le travail en bois le plus considérable et encore le plus remarquable en ce genre. C’est aussi à son importance que s’adresseroit la critique qu’on vient de faire, si ces sortes de hors-d’œuvres ne sembloient trouver leur excuse dans le genre des intérieurs gothiques.

OFFICE, s. m. Dans les palais et les grands hôtels, on comprend sous ce nom l’ensemble de toutes les pièces qui forment ce qu’on appelle le département de la bouche, comme les cuisines, garde-mangers, dépenses, sommelleries, salles un commun, etc.

On appelle aussi particulièrement office une pièce, près de la salle à manger, où l’on renferme tout ce qui dépend du service de la table et du dessert.

La meilleure situation des offices, considérés en grand, est à l’extrémité des ailes du bâtiment, supposé que le terrain ne soit pas très-étendu, c’est-à-dire, que l’aile ne soit pas trop longue ; car alors il faudroit faire une cour pour les cuisines et on y disposeroit à volonté les offices.

Ce qu’il faut surtout éviter dans leur disposition, c’est de les placer sous le corps principal de logis, à moins qu’on n’ait pas d’autre emplacement à leur donner.

OGYVE , s. m. Il n’est pas facile de s’accorder sur l’origine de ce mot. Il n’y a, sur son étymologie, que des conjectures et des notions douteuses qui le composent de deux anciens mots français. Quoi qu’il en soit, ce nom a été donné et se donne encore, et généralement au pluriel, dans dans l’architecture gothique, à ces courbures saillantes que nous appelons nervures, qui, dans les travées ou croisées des voûtes (comme on le voit à toutes les églises gothiques), se croisent diagonalement au sommet, en allant d’un angle à l’autre, et produisent, dans les voûtes, ces compartimens angulaires qu’on y remarque.

Les ogyves ou les nervures des voûtes, qu’on appelle ainsi, sont quelquefois méplates, quelquefois arrondies avec filets, quelquefois elles se composent de plusieurs moulures.

Les ogyves ainsi définies forment toujours, dans les voûtes où elles se croisent, ce qu’on peut appeler l’ossature de la construction. Elles sont ordinairement de pierres dures et d’une plus grande dimension que celles qui forment les remplissages, et ne sont guère autre chose que de petits moellons qui, comme les briques, servent de revêtement à une maçonnerie de blocage.

Les ogyves, dans les constructions gothiques, ne sont donc rien autre chose que les arêtes saillantes au lieu d’être les arêtes sans saillie des voûtes lunelatœ, à lunettes, ou ployées (du verbe luno, qui signifie courber), que les Anciens ont appliquées à leurs grands intérieurs voûtés, tels que furent ceux des vastes salles des thermes.

Le besoin d’établir dans les églises catholiques (voyez Gothique (Architecture) des voûtes à de très-grandes hauteurs, dans de vastes dimensions et sur des supports isolés, fit adopter aux architectes d’alors le système de construction, qui tend le plus possible à diviser la pesanteur des voûtes, à eu répartir la poussée, et à en décharger le plus possible leurs supports.

L’angle aigu produit par le croisement des ogyves ou arêtes saillantes dans les voûtes, occasionne encore le ploiement des arcs tiers-point ou arcs doubleaux formant le remplissage entre les ogyves, et de-là naturellement l’usage des arcs aigus, soit dans les arcades des nefs d’église, soit dans celles des fenêtres des bas côtés ou des nefs qui correspondent aux arcs doubleaux.

Toutefois ou ne sauroit s’empêcher de remarquer que les ogyves des voûtes gothiques nous prouvent, non-seulement que l’arc aigu ne fut pas une invention de leurs architectes, puisqu’on eu trouve des exemples dans toutes les architectures antérieures, mais que ces architectes ne méconnurent pas, comme on le répète trop souvent l’arc plein cintre. En effet, l’arc plein cintre, outre qu’on le trouve employé souvent dans les arcades des édifices gothiques, existe de fait dans toutes les voûtes à ogyves. Les angles produits dans le dessin des voûtes par le croisement des ogyves, empêchent souvent de remarquer que ces quatre compartimens angulaires ne sont dus qu’aux deux arcs en plein cintre qui forment les nervures de l’ogyve. Ces arcs sont plus ou moins exhaussés ou surbaissés, selon l’élévation ou la largeur que doivent avoir les voûtes. Voy. Gothique (Architecture).

OLIVE, sub. f. Le fruit de l’olivier a fourni à l’ornement, dans l’architecture, une imitation qui trouve sa place en grains oblongs, enfilés comme des chapelets, et qu’on taille sur les astragales et sur les baguettes.

Olive (feuille d’). On l’emploie dans l’ornement, et nous avons vu qu’on distingue dans les chapiteaux corinthiens ceux dont les feuillages sont taillés d’après l’imitation de l’acanthe, ou d’après celle des feuilles de l’olivier. Voyez Chapiteau corinthien.

ONGLET. Voyez Assemblage en onglet.

OPA. Mot latin qui est le même qu’οωα ou οωη, lequel, en grec, signifie trou, ouverture.

Les Romains usèrent du mot opa, opœ, dans l’architecture, pour désigner, comme Vitruve le dit, ces trous que nous appelons trous de boulin, lesquels sont formés dans la construction par l’intervalle qu’occupent les solives, intervalles qui restent vides et produisent des ouvertures carrées lorsque les solives disparoissent.

Les Grecs, et Vitruve après eux, ont donné le nom d’opa, trou, à ces intervalles qui, dans la, charpente des plafonds, séparent les solives dont les bouts extérieurs furent décorés du triglyphe (voyez Triglyphe), et de-là le nom de métope, composé de μιτα et deοωη, trou intermédiaire entre les solives ou les triglyphes. Voyez, sur cet objet, la discussion qui a lieu à l’article Métope.

OPAION. Du mot οπα, les Grecs ont fait le mot οπαιον, qui signifie ouverture d’en haut dans les bâtimens.

OPISTHODOME. Ce mot est grec (οπιοιοδομος), et se compose en grec de deux mots, οπισιε et δομος, qui signifient derrière et maison, et dans leur composition veulent dire la partie de derrière d’une maison.

Le mot domos s’applique aux temples, comme les Italiens disent encore il duomo pour église ; c’est la maison par excellence. Ainsi opisthodome signifie, appliqué aux temples grecs, cette partie de leur ordonnance qui correspondoit au pronaos, et que les Romains appelèrent posticum.

Cependant opisthodome a, dans le sens que nous lui donnons, la propriété de signifier dans le temple grec deux parties distinctes, quoique toutes deux situées au côté opposé de celui qui formoit le devant de l’édifice ; et nous verrons encore que, par suite de l’emploi qui fut donné à une de ces parties postérieures du temple, on peut appeler opisthodome un édifice distinct et séparé du temple.

Nous allons parcourir les trois manières d’entendre ce mot.

L’opisthodome, selon la première manière d’être appliqué à l’ensemble et à l’ordonnance générale du temple, est cette partie qui, dans le parallélogramme dont est formé le naos, répète symétriquement à l’extrémité postérieure la partie antérieure qu’on appelle pronaos ou avant-temple. L’avant-temple se compose, dans les temples amphiprostyles, d’un rang de colonnes formant le porche et soutenant le fronton, et dans les temples périptères ou diptères, de plusieurs rangs de colonnes en renfoncement (voy. Pronaos) ; l’opisthodome en est presque toujours une répétition exacte à l’autre extrémité du temple : en sorte que l’on peut dire que, d’un côté, est l’avant-temple, et de l’autre le post-temple. Il suffit de consulter les plans de tous les temples périptères pour se convaincre de l’entière similitude de ces deux parties de l’ordonnance, similitude telle que l’œil ne pouvait pas distinguer au dehors dans la masse générale du temple, quel en étoit le côté antérieur el quel en étoit le côté extérieur. Plusieurs temples avoient également deux portes ou deux entrées semblables dans le naos.

Mais les grands temples périptères ou diptères, outre cette partie de l’ordonnance extérieure, qui étoit le post-temple, en tout conforme à l’avant-temple, avoient encore un autre genre d’opisthodome.

Tous les grammairiens anciens, Hesychius, Harpocrates, etc., s’accordent sur ce point, que l’opisthodome étoit le lieu où l’on conservoit les richesses des temples et les finances même de l’Etat. On sait que c’est dans l’opisthodome du temple de Minerve, à Athènes, qu’Aristophane place Plusus, le dieu des richesses. Or, le temple de Minerve, ou le Parthenon qui subsiste encore, et dont les voyageurs nous ont donné les plus fidèles dessins, avoit l’intérieur de son naos partagé en deux pièces, l’une d’à peu près cent pieds de long, qui étoit le vrai temple, où l’on voyoit la statue colossale de la déesse, l’autre d’environ quarante pieds en longueur, ayant sa porte extérieure dégageant sur le post-temple. Que cette pièce ait été, et de fait et de nom, l’opisthodome servant de trésor, c’est ce qu’ont démontré encore les débris d’inscriptions trouvées par Chandler dans l’intérieur du Parthénon : quelques-unes de ces inscriptions contiennent un inventaire des offrandes consacrées à Minerve, et une entr’autres fait expressément mention de l’opisthodome. Le temple de Jupiter, à Olympie, d’après la description extrêmement détaillée que nous a donnée Pausanias, avoit une parfaite ressemblance avec le Parthenon d’Athènes, sauf quelques variétés dans la distribution des sculptures autour du naos. Pausanias donne clairement à entendre qu’il y avoit un bas-relief au-dessus de la porte du naos, νπερ τα ναα των θορων, et un semblable au-dessus de la porte de l’opisthodome, νπερ τα οπισζοδομα των θυρυν. S’il n’avoit été question que de désigner la porte de derrière du temple, Pausanias auroit dit, οπισζε τοο ναα. Dès qu’il spécifie la porte du naos et la porte de l’opisthodome, il faut conclure que le temple avoit, comme celui de Minerve, une pièce servant de trésor, placée aussi dans la partie postérieure du temple.

Ces deux autorités paroissent suffisantes pour prouver que l’on appela opisthodome une pièce située, comme on vient de le dire, dans les grands temples périptères, et qui dut recevoir de sa position le nom de post-temple ou arrière-temple.

Cette pièce ainsi dénommée servoit de trésor. Sera-t-il arrivé jadis, comme on le voit souvent, que l’usage auquel un édifice est destiné, ait fait conserver à cet édifice un nom démenti par son étymologie ? C’est ce que quelques-uns ont pensé de l’opisthodome ; et comme ce mot peut vouloir dire aussi, maison ou bâtiment situé par-derrière (sous-entendu le temple), on a cru qu’il y avoit des édifices distincts et séparés du temple servant de trésor, et cette opinion a été avancée et répétée sur l’opisthodome de la citadelle d’Athènes.

Nous croyons toutefois que cette opinion est due au vague du sens auquel peut prêter la composition du mot en grec, et à l’ambiguïté qu’il comporte comme presque tous les mots composés. Il suffit de penser à la composition toute semblable du mot pronaos, pour voir que ce mot ne signifiant pas temple en avant, mais partie en avant du temple, opisthodome ne doit vouloir dire aussi que partie en arrière du temple, naos et domos étant ici synonymes.

OPPENORD , né à Paris en 1672, mort dans la même, ville en 1742.

Son père, qui étoit ébéniste du Roi, lui mit de bonne heure le crayon à la main, uniquement dans l’intention d’en faire son successeur, en lui transmettant un état, où il faut du goût et quelques connoissances qui ne sont pas sans liaison avec celles de l’architecture. Il s’aperçut bientôt de celle liaison par les dispositions que l’étude du dessin développoit chez son jeune élève ; il s’empressa de les seconder, en lui faisant apprendre les mathématiques, et il le plaça chez Jules-Hardouin Mansart, surintendant et ordonnateur des bâtimens du Roi.

Les progrès d’Oppenord lui valurent bientôt d’aller étudier à Rome, comme pensionnaire du Roi, à l’Académie de France. Il passa huit années, tant à Rome qu’en Lombardie, et s’y forma sur le goût et la manière de l’école dominante alors. Cette école avoit pour chef Boromini, dont la méthode étoit de sacrifier la forme principale aux détails décoratifs, puisés eux-mêmes dans les inventions du caprice.

L’ouvrage par lequel Oppenord débuta lors de son retour à Paris, fut le principal autel de l’église de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Il le composa dans le goût alors régnant, celui des baldaquins, dont Bernin avoit le premier réalisé l’idée, au-dessus du maître-autel de Saint-Pierre (voy. Baldaquin). Bernin, comme on l’a dit à cet article, n’avoit dans sa composition fait autre chose qu’enchérir sur la forme, le goût et la magnificence de l’ancien ciborium (voy. ce mot) Les successeurs de Bernin, et Oppenord fut de ce nombre, se mirent à enchérir à l’envi sur l’idée de ce grand modèle. Ainsi le baldaquin dont Oppenord donna le dessin pour l’autel de Saint-Germain-des-Prés se composoit de six colonnes de marbre cipolino, portant un entablement architravé sur lequel s’élevoit l’impériale, dont les courbes étaient liées par une couronne orale. Des consoles donnoient naissance à des palmes qui se terminoient en pyramide, et portoient un globe surmonté d’une croix. Un ange, accompagné de deux autres plus petits, tenoient l’ostensoir. On ce rapporte ici cette description que parce que l’ouvrage n’existe plus. Il a été détruit aux temps de la révolution, et les colonnes du ce baldaquin sont aujourd’hui dans le Musée royal des antiques.

Oppenord eut une assez grande part dans les travaux de la construction de la grande église de Saint-Sulpice à Paris. C’est de lui qu’est le portail de la croisée qui est du côté de la rue Palatine : il y employa les ordres dorique et ionique couronnés d’un fronton. Le portail correspondant de la même croisée a été rachevé par lui, depuis l’entablement de l’ordre inférieur. Il contribua à l’achèvement des bas côtés de la nef, et il donna les dessins du maître-autel, qui n’existe plus.

On auroit quelque peine à citer aujourd’hui les palais ou hôtels qu’il contribua à décorer, tant les changemens de propriétaires tendent à dénaturer promptement de semblables travaux.

Oppenord passa, de son temps, pour être un grand décorateur ; mais comme le goût dans lequel il exerça son talent est l’opposé du goût simple, vrai et naturel, nous finirons ce qui concerne cet architecte, en disant qu’on l’appelle le Boromini de la France.

OPPOSITION , sub. fém. On a déjà fait sentir (voyez Contraste) la différence que la langue des beaux-arts et la théorie du goût ont établie entre ce qu’on entend par contraste, et ce qu’on exprime en général par le mot opposition. Quoique ces deux mots paroissent être synonymes, et se prennent quelquefois l’un pour l’autre, et quoique leur composition étymologique semble leur affecter une même signification, cependant il ne se peut pas que le langage ne distingue point, dans l’emploi raisonné de l’un ou de l’autre, une variété correspondante à celle de deux nuances d’idées faciles à saisir.

C’est pourquoi il nous paraît que, selon l’usage qu’on en fait, le mot contraste emporte avec soi l’idée d’un changement brusque ou violent, qui a lieu dans le rapprochement des choses, des objets, et qui produit aussi dans l’ame un changement inattendu de situation : et il nous semble que le mot opposition indique entre les choses, les images ou les idées des objets, une position que est a la vérité diverse et contraire, mais sans produire toutefois le choc du contraste, et sans opérer sur les sens et sur l’ame les effets frappans de la surprise et d’autres sensations violentes.

Si, d’après cette distinction, on applique l’idée de contraste, telle qu’on vient de la définir, aux œuvres et aux moyens propres de l’architecture, il est permis de croire que cet art n’est guère en état de produire les effets du genre de ceux qu’on peut appeler contrastans, c’est-à-dire qui surprennent vivement, et qui, par une impulsion rapide, sout passer l’ame d’une situation extrême à une autre.

L’architecte qui voudroit produire pour les sens de véritables contractes, ne le pourrait faire effectivement qu’en mettant en présence ou en contact, par exemple, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, ceux de la richesse et de la pauvreté ; ou bien, dans les proportions, ceux de l’élévation démesurée d’un intérieur, avec la largeur la plus rétrécie ; mais on comprend qu’assujettie par la nature des choses à des devoirs qui l’empêchent de se permettre ces sortes de jeux, l’artiste qui se livrerait à de tels caprices ne seroit que du ridicule : or, un semblable ridicule ne saurait se supposer.

Il n’est guère possible d’admettre l’idée de contraste telle qu’on l’entend, c’est-à-dire, comme passage brusque et sans transition d’un effet à un autre, d’une impression donnée à une autre impression ailleurs que dans les changemens subits de décorations sur les théâtres. C’est là, comme on le sait, que le décorateur peut nous faire passer de la manière la plus inattendue, la plus soudaine, du palais de l’Olympe à celui de Pluton, de la salle d’un bal à une prison, etc. Mais on voit que, bien que les objets qui contrastent ainsi à nos yeux, sur la scène, soient des images d’architecture, ils sont cependant beaucoup plus l’ouvrage de la peinture. Or, ce qu’on prétend, c’est que l’architecture, dans les monument réels, ne sauroit guère avoir ni l’occasion, ni les motifs, ni les moyens d’opérer l’effet de semblables contrastes, qui, dans le fait, résultent de la privation de lumière, ou d’un passage subit des ténèbres à la clarté, moyens dès-lors plus ou moins factices, et indépendant du pouvoir de l’art de bâtir proprement dit.

Si le mot opposition indique entre les objets, les images et les idées, un rapport de contrariété moins frappant, et qui corresponde davantage à ce qu’on appelle variété ou diversité, et si l’idée d’opposition est à celle de contraste ce que la nuance est à la couleur entière, sans aucun doute il entrera dans la nature, dans la fin et dans les moyens de l’architecture, de produire des oppositions.

Effectivement, la combinaison des élémens matêriels de l’architecture, et des effets moraux que l’intelligence sait en tirer, procure à l’artiste plus d’une sorte de procédés et du moyens pour opérer, selon le but qu’il se propose, divers genre. d’oppositions ; et il les emploie, soit pour éviter une certaine monotonie dans l’aspect général d’un édifice, soit pour faire valoir et mieux apprécier certaines qualités, certains rapports, et produire sur les sens, comme sur l’esprit, une impression plus déterminée.

On peut, ce semble, réduire à deux espèces les moyens matériels de produire quelques oppositions dans les édifices. Les premiers pourront dépendre de la diversité des matériaux eux-mêmes, et de la variété qu’on mettra dans leur emploi ; les seconds procéderont d’un certain art de disposer et de ménager des objets d’une dimension subordonnée, pour faire d’autant briller la grandeur de l’objet qu’on veut rendre dominant.

Parmi les matières employées par l’architecture, il faut reconnoitre qu’il en est dont les substances, les couleurs, la manière de les entremêler, les variétés que le travail leur donne, procurent dans l’aspect, soit d’un seul corps de bâtiment, soit des corps séparés d’un grand ensemble, certains effets d’opposition propres à indiquer les degrés différens de simplicité, de variété ou de richesse que l’architecte veut faire ressortir.

Ainsi, des blocs laissés bruts, des pierres de taille rustiquées, donneront aux soubassemens d’un monument une apparence de massivité dont l’opposition fera paroitre plus élégantes les parties et les ordonnances supérieures. L’emploi de ce genre d’opposition entre les matériaux a quelquefois été porté plus loin. Il y a des exemples de plus d’un édifice, où l’architecture a fait entrer dans son appareil, des pierres tellement taillées et façonnées en forme de rochers, que leur opposition avec le reste de la construction semble avoir eu pour but, de donner l’idée d’un monument pratique et comme fondé sur des masses de rocs naturels. Tel est à Rome (peut-être dans un sens allégorique) le palais de justice à Monte-Citorio.

On sait que souvent, pour varier et rendre plus piquant l’aspect des façades d’un édifice, l’architecte met en opposition des superficies taillées en refend ou de bossage, avec les pilastres, les colonnes et d’autres objets qui, en se détachant sur un semblable fond, en recoivent un effet plus vif. Ainsi, à Rome, le temple de Mars vengeur se détachoit autrefois sur le fond de ce grand mur composé de bossages tres-saillans, dont il subsiste encore un beau reste au Campo-Vaccino à l’arc de Pantano.

Les mélanges de matériaux divers par leurs couleurs, comme le sont souvent la brique et la pierre, employés soit aux paremens, soit dans des, détails de la construction, fournissent encore quelques oppositions propres à faire mieux distinguer au milieu d’un grand assemblage de batimens le corps principal, de ses membres ou parties accessoires.

Enfin, si l’artiste met en œuvre dans quelque intérieur, ou la beauté des marbres de couleur, ou l’éclat des métaux précieux, ou les charmes de la peinture, le goût approuvera qu’il en fasse ressortir l’effet, en ménageant, dans la simplicité de ce qui précède ou accompagne ce local, une juste opposition. C’est aussi ce que l’on pratique volontiers dans les suites de pièces qui forment les appartemens d’un palais, en y graduant les ornemens et la richesse, de façon à faire mieux briller la décoration des pièces d’honneur ou de cérémonie.

On a mis au nombre des moyens matériels ou mécaniques d’opposition, en architecture, les effets de comparaison qui peuvent résulter de certaines diversités de mesure entre les objets ou les masses d’un édifice. Quoiqu’on ait avancé qu’il ne sauroit entrer dans les procédés réguliers de l’art, de faire contraster, comme par une sorte de jeu, les extrêmes de la grandeur et de la petitesse, et d’autres contraires semblables, on ne disconvient pas toutefois, que certaines oppositions concertées à dessein, dans les dimensions des parties d’un grand tout, pourront y produire l’effet qu’on en attend, surtout s’il ne paroit rien d’affecté dans ces rapprochemens, et si leur motif sort naturellement du sujet de la composition. C’est ainsi, et à ces conditions, que dans un vaste el colossal ensemble, des masses accessoires subordonnées, el déjà d’une assez grande dimension, seront mieux juger de la grandeur relative du corps principal. Ainsi, les petites coupoles qui, au dedans comme au dehors, servent d’accompagnement au dôme de Saint-Pierre, font, à son égard, l’effet d’une échelle de proportion, et le l’ont paroitre plus vaste qu’il ne paroitroit, sans ces points d’opposition.

Mais les vrais moyens d’opposition qui appartiennent moins au matériel qu’au moral de l’art, dans l’architecture, sont ceux qui naissent des combinaisons du génie de l’artiste. A cet égard, loin qu’on puisse méconnoitre l’existence des oppositions dans cet art, on pourroit plutôt affirmer que ses effets et ses impressions dépendent du secret même d’y opposer, tant en général dans l’ensemble, qu en détail dans chaque partie, les différentes qualités qui se font valoir l’une par l’autre.

Les seuls détails de la modénature ou de l’art de profiler, nous offrent les plus évidentes applications de l’art des oppositions. C’est la qu’on apprend que l’unité de caractère ne consiste pas à faire tout également fort, également délicat, également léger, également riche. Comme dans la musique, le fort et le doux, les mouvemens vifs ou lents doivent se succéder, sous peine de monotonie ; de même, quant a l’harmonie des lignes et des formes, le goût consiste à entremêler dans leur action, sur nos sens, de légères oppositions qui en corrigent l’uniformité. Ainsi les Grecs, dans leurs profils du caractère le plus mâle et le plus prononcé, ne manquèrent jamais d’introduire, après un membre fort et très-saillant, un membre fin et léger, qui lui fait opposition.

Généralement, si tout est fort, si tout est riche, si tout est simple, rien ne paroîtra ni fort, ni riche, ni simple. Il faut opposer quelques légèretés à ce qu’on veut faire massif, sous peine de ne produire que de la lourdeur. La richesse des décorations ne sera plus qu’une confusion indigeste, si quelques parties lisses n’y opposent certains espaces qui reposent l’œil. La simplicité dénuée de tout ornement, se réduira à n’être que de la pauvreté.

Ce manque d’un sentiment juste, eu égard à l’emploi des moyens d’opposition, a souvent égaré les architectes, jusque dans l’accord des proportions entre les parties constituantes et les accessoires des édifices. On s’est quelquefois persuadé qu’il falloit tout agrandir dans un grand ensemble : sans doute, et c’est une vérité incontestable, qu’un grand tout doit avoir de grandes parties. Aussi n’entendra-t-on pas blâmer cette correspondance naturelle, qui soumet toutes les parties d’une ordonnance à des dimensions proportionnelles. On veut seulement parler de l’abus où un système d’harmonie exagérée, fait quelquefois tomber le décorateur de grands édifices, en lui persuadant d’outrer les mesures de certains partis d’ornemens, et de porter jusqu’au gigantesque la proportion de certaines figures adhérentes à l’architecture. Il paroît que, dans l’intérêt qu’on pourroit avoir d’aider à l’impression du sentiment de la grandeur dans un édifice, il conviendroit au contraire d’y laisser beaucoup de ces accessoires dans leurs proportions, soit naturelles, soit commandées par la place qui leur est assignée, et que ces simples oppositions feroient valoir d’autant la grandeur de l’ensemble. Ainsi, dans la nef de Saint-Pierre, on a orné quelques archivoltes des arcades, avec des figures d’une saillie et d’une proportion si hors de toute mesure, que ces grandes arcades s’en trouvent rapetissées. Telle ne fut pas cependant l’intention du décorateur ; il voulut faire conclure de l’énormité de ces accessoires à l’immensité du principal. Mais son erreur, en ce genre, fut semblable à celle dont on a parlé plus haut, et qui consiste à faire tout fort, tout riche, ou tout simple. De même, faire tout colossal, c’est empêcher tout de le paroître. Les oppositions modérées, puisées dans des objets de dimension diverse, aident l’œil à juger : or, l’œil ne juge que par comparaison.

OPTIQUE , s. m. Science physico-mathématique, qui enseigne de quelle manière se fait la vision dans l’œil. Les principes de cette science sont la base de la délinéation et de la peinture. Ils ne sont pas moins utiles à l’architecte.

Les règles de l’optique (dit Perrault, Ordonnance des colonnes), appliquées à l’architecture, tendent à remédier aux erreurs des sens. Comme les images des choses, dans notre œil, sont plus petites et moins distinctes lorsque les objets sont éloignés, que quand ils sont proches, et que les vues droites font paroître les objets autrement que quand elles sont obliques, on s’est imaginé qu’il falloit suppléer à cela, comme étant un défaut auquel l’art doit remédier. De-là certains systèmes, tendant à changer les proportions et la situation des objets, des membres de l’architecture et de leurs accessoires, et l’on s’est même fondé sur l’autorité de Vitruve. Perrault a montré que toute cette théorie étoit fausse, parce que l’esprit avoit la propriété de redresser les manières de voir les choses et sait les replacer dans leur état naturel. Nous avons rendu compte de toute cette critique au mot Changement de proportion. Voy. cet article.

OR, s. m. L’or, en tant que métal solide, ne sauroit se considérer comme étant au nombre des matériaux que l’architecture ait jamais pu employer, autrement que sous le rapport de dorure (voyez ce mot), dans l’ensemble et les détails des édifices. Rien n’empêche qu’il n’ait été mis en œuvre dans de petits modèles, de la manière dont on a vu des reliquaires précieux et autres objets qui sont du ressort de l’orfévrerie, consacrés dans les lieux saints.

Nous ne trouvons dans l’histoire ancienne qu’une exception à ce qu’on vient d’avancer.

On peut, en effet, regarder comme un monument réel d’architecture, la chambre sépulcrale qui renferma le corps d’Alexandre, et quoiqu’elle ait été établie sur un chariot qui la conduisit de Babylone en Egypte, ses dimensions et son ordonnance furent telles, qu’on doit y voir une espèce de petit temple périptère, qui, sans pouvoir aller de pair, pour la grandeur, avec les édifices ordinaires, construits en pierre, auroit pu toutefois passer pour une œdicula. Sa longueur étoit d’environ vingt pieds, sa largeur de douze. Or, on ne sauroit révoquer en doute, que toute cette construction fut d’or solide, et non de métal doré : non que, par les mots or solide, il faille entendre que le tout étoit massif. Sans doute une armature fut nécessaire pour donner de la consistance à tout l’ensemble, et il faut entendre qu’une carcasse, ou, si l’on veut, une charpente en fer aura été disposée sur le plateau, fixé au chariot de manière à offrir un appui solide à tous les membres, à toutes les parties de l’ordonnance, aux colonnes, à l’entablement, au cintre de la voûte : l’or solide dont on a parlé, aura fourni le revêtement de cette armature.

On est porté à croire qu’il faut entendre par or, et non par dorure, les termes dont se sert Diodore de Sicile dans la description de ce monument, description qu’il a abrégée, en la rant de l’ouvrage qu’avoit publié, sur cette merveille de l’art, Hiéronyme de Cardie. On sait, en effet, combien l’or étoit abondant en Asie, combien il en fut alors envoyé en Grèce, et il est probable que les généraux et héritiers d’Alexandre n’épargnèrent rien dans le monument qui devoit devenir, sur toute la route, le catafalque du héros.

Nous renverrons, pour l’analyse et la restitution de cet ouvrage, au tome IV des Mémoires de la classe d’histoire et littérature ancienne de l’Institut, où nous avons ajouté, à une discussion détaillée du texte de Diodore de Sicile, un dessin qui représente l’image fidèle de l’objet décrit par l’historien.

Nous allons nous contenter d’en rapporter ici le texte traduit.

« D’abord on avoit préparé et fait au marteau, sur la mesure du corps (d’Alexandre), un cercueil d’or, qu’on avoit rempli jusqu’à moitié d’aromates destinés à répandre une bonne odeur, et à préserver le corps de la corruption.
« Sur le cercueil on plaça un cénotaphe également d’or, qui en embrassoit exactement toute la surface supérieure.
« Par-dessus, on avoit étendu un tapis de pourpre, magnifiquement brodé en or, autour duquel on avoit étalé les armes du roi mort, pour que tout, dans cette composition, servit rappeler ses exploits.
« On fit ensuite approcher le chariot destiné au transport. On avoit établi, sur ce chariot, une chambre d’or voûtée, dont la couverture circulaire étoit ornée d’écailles formées par des pierres précieuses. Sa largeur étoit de huit coudées ; sa longueur, de douze.
« Au-dessous du comble (entre le plafond et le toit) tout l’espace étoit occupé (en avant) par un trône d’or carré, orné de figures en relief de tragelaphes, d’où pendoient des anneaux d’or de la grandeur de deux palmes, et à ces anneaux s’attachaient des festons formés de fleurs de toutes sortes de couleurs.
« En haut régnoit une frange en réseau, avec de fortes sonnettes, pour annoncer au loin l’approche du char.
« Aux angles de la voûte s’élevoit, de chaque côté, une victoire d’or, partant un trophée.
« La voûte étoit supportée par un péristyle d’or, dont les colonnes avoient des chapiteaux ioniques.
« En dedans du péristyle (ou de la colonnade environnante) régnoit un réseau d’or, dont les fils étoient de l’épaisseur d’un doigt, et quatre tableaux parallèles, remplis de figures : ces tableaux étoient égaux aux murs (fournis par le réseau ou grillage d’or).
« Dans le premier tableau, on voyoit un char richement travaillé en métal. Alexandre y étoit assis, tenant en main un sceptre magnifique. Autour de lui marchoient la garde macédonienne, armée de toutes pièces, et le bataillon des Perses, appelé les Mélophores. En avant étoient les Oplites.
« Le second tableau se composoit du train des éléphans équipés en guerre, ayant en avant leurs Indiens, et par-derrière les Macédoniens, avec leurs armures ordinaires.
« On avoit figuré, dans le troisième tableau, des corps de cavalerie imitant les manœuvres et les évolutions d’un combat.
« Le quatrième, représentoit des vaisseaux en ordre de bataille.
« A l’ésodos de la chambre (ou sous le vestibule en avant) il y avoit des lions d’or, placés de manière qu’ils regardoient les entrans.
« Du milieu de chaque colonne s’élevoit un rinceau en acanthe d’or, qui alloit jusqu’au chapiteau.
« Au-dessus du faîte et au milieu du comble s’étendoit en plein air un tapis de pourpre, sur lequel posoit une couronne d’olivier d’une grande dimension. Elle étoit d’or, et lorsque les rayons du soleil frappoient dessus, l’éclat s’en trouvoit répercuté de manière que, de loin, il produisoit l’effet des éclairs.
« Le train du chariot sur lequel reposoit cet ensemble, avoit deux essieux, autour desquels tournoient quatre roues à la persanne, dont les rayons & les jantes étoient dorés ; les bandes seules étoient de fer. Des têtes de lions d’or, dont les gueules mordoient un fer de lance, faisoient l’ornement des moyeux.
« Au milieu de la longueur du chariot et au point central de la chambre, étoit adapté, avec beaucoup d’art, un pivot sur lequel l’édifice maintenu en équilibre conservoit son niveau, et se trouvoit aussi garanti contre les secousses et préservé de l’inconvénient des inégalités du terrain.
« Il y avoit quatre timons, à chacun desquels étoit attaché un quadruple rang de jougs, quatre mulets à chaque joug. Le nombre des mulets étoit de soixante-quatre. On avoit choisi les plus forts et les plus hauts. Chacun d’eux avoit sur la tête une couronne dorée, des sonnettes d’or aux deux côtés de la mâchoire, et autour du cou, des colliers chargés de pierres précieuses. »

Cette description, à laquelle nous n’ajouterons aucune des explications qui alongeroient outre mesure cet article, nous a paru devoir trouver sa place dans le Dictionnaire d’Architecture, comme présentant l’idée d’un des monumens les plus riches de l’art, et en même temps un ouvrage de mécanique des plus particuliers. Nous avons cru devoir le placer à l’article Or, comme exemple du plus prodigieux emploi qu’on ait jamais fait de ce métal précieux à aucun travail, et appliqué en même temps à un objet qui fut véritablement un objet d’architecture.

On l’a dit au commencement de cet article : si l’or fut employé jadis avec profusion dans la sculpture surtout, et dans les colosses d’or et d’ivoire (voyez l’article Ivoire), ce ne fut que comme appliqué, soit au bronze, soit à la pierre et au stuc, que nous le voyons figurer dans les monumens de l’architecture proprement dite. Mais tous ces emplois ne font supposer autre chose que l’application de l’or, en feuilles, c’est-à-dire, la dorure. Ainsi nous renvoyons le lecteur à ce mot. Voyez Dorure.

ORANGE . Le non moderne de cette ville de Provence, est une corruption du mot Aransio, ancienne ville du pays des Cavares. Il auroit fallu, si l’usage l’eût permis, écrire Aurange.

Cette ville a conservé plusieurs restes très-remarquables d’antiquités romaines. Le mieux conservé est, dans une plaine à quatre cents pas des dernières maisons de la ville, un arc de triomphe de soixante-six pieds de large sur soixante de hauteur. Il est percé de trois arcades : celle du milieu est plus large et plus haute que ses collatérales. Quatre colonnes corinthiennes ornent la masse inférieure de l’arc. Elles séparent les trois arcades, une à chaque angle, les deux autres accompagnent la grande arcade. Elles supportent un entablement qui est surmonté d’un premier attique ; un fronton situé au-dessus de l’arc du milieu interrompt cet attique. Un second attique, beaucoup plus élevé, couronne la masse, et des restes de piédestaux font voir qu’il devoit y avoir des statues.

Les parties latérales du monument sont ornées aussi de quatre colonnes corinthiennes, et dans leurs entre-colonnemens s’élèvent des trophées, au bas desquels on voit encore les figures des villes ou des provinces captives.

Cet arc de triomphe, dont on ignore la date, est resté jusqu’à présent un objet de controverse entre les antiquaires. Aucune inscription suffisante ne donne de lumières à cet égard. Quelques noms écrits sur les armes, les boucliers et autres espaces, sont des indications trop vagues pour qu’on puisse y fonder autre chose que des conjectures. Massei, d’après le style de l’architecture et de la sculpture, a pensé que cet arc fut élevé au temps d’Adrien. D’autres en remontent l’époque jusqu’à Auguste et César. Il nous semble qu à défaut de toute autorité positive, on peut s’aider du goût de l’ouvrage pour en conjecturer aussi l’époque.

Si l’on s’en rapporte à celle mesure de critique, on est obligé de convenir que tout décèle dans la composition, le style et la décoration du monument, un âge fort éloigné de celui qui vit naître les ouvrages les plus renommés de l’architecture des Romains.

La composition de l’arc est la moins simple et, si l’on peut dire, la plus chargée, de toutes celles dont les monumens de ce genre nous donnent l’idée, soit ceux qui furent exécutés à Rome, soit ceux dont les médailles nous ont conservé les types et les formes. Cette surcharge de formes est sensible dans cette cumulation du fronton élevé au-dessus du grand arc, et coupant l’espace du premier attique, dans la surimposition du second attique beaucoup plus élevé que le premier, et qui indique, par les saillies du massif du milieu, et des deux piédestaux accompagnans, qu’un char de triomphe et des statues devoient en porter l’élévation à une plus grande hauteur.

La profusion des ornemens n’y est pas moins remarquable dans les bordures des parties cintrées des arcades, dans les trophées de bas-reliefs répandus sur toutes les superficies, tant des faces que des côtés latéraux. On ne sauroit nier que cet ensemble, dont l’exécution est assez louable, n’ait dû offrir un aspect fort magnifique et fort riche. Mais on sait que l’abus du luxe décoratif est un des caractères de ces siècles, où la richesse remplaça le goût, et en suivant cette analogie, on est conduit à croire que l’arc d’Orange devroit s’attribuer à un siècle encore postérieur à celui d’Adrien.

Les trophées de victoires navales, composés de tous les attributs maritimes, tels que proues de navires, ancres, rames, acrostoles, aplustres, etc., qui partagent la décoration de cet arc, avec les trophées composés d’armes des guerres de terre, ont rendu plus difficile encore à expliquer, l’érection d’un tel monument, dans un lieu aussi éloigné du théâtre des batailles navales. On a donc soupçonné de cela même, et des noms gravés sur les armures, qui indiquent des époques fort différentes, que cet are fut exécuté pour rappeler à la fois toutes les victoires des Romains, non-seulement dans la Provence, mais dans toute la Gaule Narbonnaise.

Après l’arc d’Orange, le monument le plus remarquable de cette ville est celui qu’on appelle improprement aujourd’hui le Cirque. Ce prétendu Cirque est un théâtre dont beaucoup de parties se sont conservées.

La partie circulaire, où se trouvoient établis les sièges des spectateurs, est pratiquée dans la montagne : les deux extrémités du demi-cercle étoient liées par des constructions, à la scène, où elles se terminoient. C’est ainsi que sont bâtis la plupart des théâtres qui existent encore, Voyez Théâtre.

Le mur qui coupoit le demi-cercle, et qui formoit le fond de la scène, existe encore en entier, et produit un fort bel effet, vu de la grande place. On reconnoît du premier coup d’œil, à la manière dont il a été bâti, qu’il est de construction romaine. Il a cent huit pieds de haut et trois cents de large. Il est tout en belles pierres carrées, égales, jointes avec la plus grande exactitude : son élévation se compose de deux rangées d’arcades séparées par un grand intervalle, et elle se termine par une sorte d’attique. Au milieu du rang des portiques inférieurs, s’ouvre une grande porte, qui devoit être l’entrée principale des acteurs et des personnages scéniques employés dans les chœurs.

Des deux côtés de ce mur, formant la scène on trouve une entrée dans deux salles contiguës, qui sans doute servirent à contenir les personnages qui devoient arriver latéralement sur le théâtre, peut-être à d’autres usages encore.

Le haut du mur de la scène a, dans sa façade, plusieurs rangées de pierres saillantes (ou corbeaux) espacées également et trouées perpendiculairement pour recevoir ces mâts, à l’extrémité desquels on attachoit les voiles qui servoient à préserver les spectateurs de l’ardeur du soleil.

On ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration, en voyant ce beau reste du théâtre d’Orange, sa belle construction, la régularité et la solidité de son appareil composé de pierres énormes, jointes sans aucun ciment, et dont quelques-unes sont longues de quinze pieds sur une épaisseur proportionnée.

Orange possédoit encore d’autres édifices antiques, un amphithéâtre, des thermes, un aqueduc. Il n’existe plus que quelques arcades qui sont enclavées dans les murs des maisons. Tout le sol de cette ville et de ses environs est une mine, qui rendroit certainement, si on la fouilloit avec soin, beaucoup de matériaux plus ou moins précieux pour l’histoire et pour les arts.

On y a déjà recueilli des mosaïques, des inscriptions, des fragmens de tombeaux, de statues, etc.

ORANGERIE , s. f. Bâtiment destiné à serrer les orangers pendant l’hiver, et dans lequel, au moyen de poêles, ou leur procure une atmosphère artificielle, portée à la température des climats d’où viennent ces arbres. Voyez le mot SERRE CHAUDE.

Les orangers et les citroniers sont en effet des arbres exotiques, et qui ne se sont acclimatés que difficilement en Grèce, et surtout en Italie.

Que ce soit les oranges ou les citrons que les Latins ont nommé mala aurantia, pommes d’or des Hespérides, apportées en Grèce par Hercule, on n’en peut fixer exactement la transplantation dans ce pays, qu’à une époque bien postérieure et indiquée par une comédie d’Aristophane, où un jeune homme présente des citrons à sa maîtresse, en lui disant que l’espèce en a été apportée tout récemment des Etats du grand roi à Athènes. Ils se répandirent bientôt dans toute la Grèce, mais il n’y en avoit pas encore en Italie du temps de Pline. Il dit qu’on en avoit apporté de la Grèce plusieurs fois, mais qu’ils n’avoient pu s’acclimater : ce ne fut qu’environ cinquante ans après, et du temps d’Adrien, qu’on trouva le moyen de


les faire venir de semence, et depuis lors l’Italie en fut remplie. Enfin, ils ne tardèrent pas à pénétrer en Provence et en Languedoc.

A l’égard des autres lieux où l’on élève des citroniers et des orangers, l’art supplée à la nature ; on les plante dans des caisses remplies de bonne terre amendée de certains terreaux, propres à y entretenir une chaleur proportionnée à celle du terroir, où ces arbres viennent naturellement. Ces caisses sont mises à l’air dans la belle saison, et ordinairement depuis la mi-mai jusqu’au mois d’octobre ; mais en hiver on les renferme dans des serres chaudes, auxquelles on donne le nom d’orangeries. Voyez la Quintinie,Traité de la culture des oranges.

Ces édifices, en forme de galerie voûtée et garnie de croisées et doubles châssis, sont bâtis à l’exposition du midi et à proximité du parterre où l’on range les caisses d’orangers dans la belle saison. Le parterre où ces arbres sont disposés d’une manière régulière, et qui n’est guère orné que de carrés de gazon, de vases et de statues, prend aussi le nom d’orangerie.

Quoique les orangeries ne soient absolument nécessaires que dans les pays du Nord, où les orangers ne peuvent résister en plein air aux rigueurs du climat, et ont besoin, pour exister, d’une atmosphère factice, on est forcé, même en Italie, d’employer des précautions pour garantir ces arbres de l’atteinte du froid ; les citroniers surtout sont très-délicats, et l’espoir de la récolte est perdu s’ils sont frappés de la plus petite gelée. On en forme, à l’exposition du midi, des espaliers disposés de manière qu’à l’arrière-saison on peut les garantir ; pour cela, on dispose des pierres d’attente saillantes du mur, ou enfoncées en terre à une certaine distance, et creusées pour recevoir des morceaux de charpente verticaux qui supportent un toit incliné, couvert en tuiles creuses ; les parois sont garnies de paillassons, et cette légère bâtisse, qu’on fait disparoître au printemps, suffit pour garantir les arbres de toute influence nuisible.

En France et dans le Nord, les orangeries sont devenues des monumens d’une grande importance, et on les a décorés de tout le luxe de l’architecture, et même de peinture à l’intérieur ; mais comme composition architectonique, l’orangerie de Versailles est, sans contredit, le plus beau monument de ce genre : il offre une masse et un développement qui lui donnent l’aspect d’un immense édifice. On a converti à cet usage ce qu’en Italie on nomme grottes, c’est-à-dire, les appartemens de rez-de-chaussée voûtés qui supportent des terrasses, et que, dans ce pays, on habite pendant les grandes chaleurs ; c’est surtout dans les sites où le terrain est inégal et escarpé, qu’on peut aisément se procurer ces sortes d’édifices, qui ont alors la propriété de se tenir à une température modérée et égale, comme les caves, sans en avoir l’humidité. On a profité à Versailles d’une pareille configuration de terrain, et l’orangerie construite contre l’escarpement de la grande terrasse, au niveau de laquelle on arrive par deux immenses rampes, offre une disposition admirable pour une orangerie. En effet, ces deux escaliers disposés de chaque côté et en avant du bâtiment principal, le garantissent de l’impulsion de tous les vents froids, et n’empêchent pas le soleil à son midi de frapper sur la façade : l’espace resté vide entre les rampes est disposé en parterre à six compartimens de gazon, avec un grand bassin au milieu. L’orangerie consiste donc en trois galeries ; celle du fond est de quatre-vingts toises de longueur ; au milieu s’élève la statue en marbre de Louis XIV : les deux autres galeries en retour ont soixante toises, et communiquent à la grande par deux tours rondes qui ont leur saillie en dehors. Ces galeries sont décorées d’un ordre toscan, et dans le vestibule on remarque une statue de Cérès en pierre de touche.

Parfois une vaste orangerie devient un jardin d’hiver où l’on peut se procurer le plaisir de la promenade, à l’abri du froid et au milieu de la verdure, des fleurs et d’une atmosphère embaumée ; aussi a-t-on cherché à embellir ces sortes de lieux par des ornemens d’architecture, et même de peinture, comme à l’orangerie de Saint-Cloud. Dans les contrées septentrionales on a poussé ce genre de luxe fort loin, surtout en Angleterre et en Russie. (A. L. C.)

ORATOIRE, sub. m. Lieu destiné à la prière. On connoissoit les oratoires chez les Anciens ; ceux qui ne pouvoient aller aux temples, suppléaient à ce devoir dans leurs oratoires ou chapelles domestiques : les riches y faisoient des sacrifices ou d’autres offrandes, pendant que les pauvres s’acquittoient par de simples salutations ou de courtes prières. On gardoit dans ces chapelles, avec les dieux lares, les images des personnes pour qui on avoit une estime particulière. Lampridius, dans sa Vie de Sévère, dit qu’il avoit placé la statue d’Alexandre avec celles des autres dieux dans cette espèce d’oratoire, qu’il nomme lararium majus. On appeloit ces statues cubiculares imagines, comme nous l’apprend Suétone. Le monument que Cicéron se proposoit de faire bâtir en mémoire de sa fille n’étoit pas un tombeau, mais un temple, ou plutôt un oratoire.

Le lararium ou oratoire domestique étoit ordinairement placé dans la partie la plus reculée de la maison ; c’étoit une petite pièce avec des bancs sur les deux côtés, un autel au milieu, devant une niche décorée d’une image ou des statues des Lares, faites en cire et couvertes d’une peau de chien, ce qui, dit-on, signifioit qu’ils étoient les gardiens de la maison. On entretenoit toujours du feu ou de la Lumière devant les figures, auxquelles on donnait parfois le nom d’atria, lorsqu’elles occupoient l’atrium ou cavœdium, cour couverte qui se trouvoit à l’entrée des maisons. On voit encore à Pompéi, dans un atrium à l’angle gauche, l’autel des dieux lares : on rencontre aussi fréquemment au coin des rues, dans la même ville ruinée, des oratoires ornés de peintures, ou des autels consacrés aux dieux populaires, dont le culte commode n’exigeoit point de dispendieux sacrifices ; on les nommoit dii patellarii[illisible], parce qu’une simple patella (écuelle) suffisoit pour leurs sacrifices. Voyez le Dictionnaire d’Antiquités.

Chez les Modernes, un oratoire est une pièce située dans l’endroit le plus retiré de la maison, et où l’on peut, à l’abri de toute distraction, se livrer à la méditation et à la prière. Ce lieu doit être sobre d’ornemens, peu éclairé, sans autre meuble qu’un prie-dieu, surmonté d’un crucifix ou d’un tableau représentant quelque sujet pieux, On voit aussi dans des oratoires une table en forme d’autel, mais elle n’est point consacrée, et on n’y célèbre pas le sacrifice de la messe. Les chapelles particulières des églises ne sont pas des oratoires, quoique parfois on les nomme ainsi, et qu’elles deviennent, dans certains cas, le motif d’oraisons adressées successivement aux divers saints auxquels elles sont dédiées. En Italie, on nomme oratoire toute chapelle isolée et qui n’est pas desservie habituellement par le clergé ; néanmoins plusieurs petites églises de Rome portent le nom d’oratoires, comme l’oratoire de la Via Crucis au Campo Vaccino ; ceux de Saint-Marcel, de Sainte-Marie-du-Carmel, des Cinq-Plaies, etc. Les grands artistes n’ont pus dédaigné de décorer la façade de certains oratoires. Vignole et Palladio ont attaché leurs noms à quelques-uns, et l’oratoire de Saint-Roch, à Venise, est célèbre par les peintures dont le Tintoret l’a décoré. On voit dans les jardins des couvens, des ædicules qu’on prendroit pour des chapelles, et qui ne sont que des oratoires situés au milieu de la verdure, tapissés de coquillages formant une sorte de mosaïque ; on y amenoit une source dont le murmure entretenoit la rêverie et portoit l’esprit à la méditation. C’est surtout dans les lieux écartés, et sur le bord des routes ou de sentiers suspendus sur l’escarpement des montagnes, et qui conduisent à quelqu’ermitage, qu’on aime à retrouver des oratoires, qui sont des lieux de repos et de refuge eu cas de mauvais temps. Les petites chapelles servant de station pour arriver à un calvaire, sont autant d’oratoires. On trouve dans les catacombes de Rome une foule de tombeaux convertis en oratoires et puis en chapelles, par les premiers chrétiens persécutés ; plusieurs de ces catacombes sont même devenues ce qu’un appelle dans plusieurs églises la confession, ou temple souterrain, comme a Sainte-Praxède, près de Sainte-Marie-Majeure, et à Sainte-Prisca, sur le mont Aventin, où l’on a conservé la chambre souterraine de la sainte, et au centre son tombeau, qui sert d’autel. On peut voir ainsi, dans l’ouvrage de M. Dagincourt les plans de Saint-Martin-aux-Mouts, exemple d’une église élevée au-dessus d’un oratoire souterrain.

En France on appelle oratoire (par syncope) l’église qui appartient à la congrégation qui porte ce non, et dont les membres s’appellent Oratoriens. Il y en a une église à Paris, rue Saint-Honoré.

En Italie, l’oratorio est une dépendance de l’église qui appartient à la congrégation de Saint-Philippe de Neri : tel est, a Rome, l’oratorio della Chiesa nuova, bâti par Boromini.
(A. L. C.)

ORCAGNA . Voyez André de Cionne.

ORCHESTRE , s. m. C’est le même mot que le mot grec orchestra ; mais il signifie, dans l’usage des théâtres modernes, toute autre chose que sur le théâtre antique.

Chez les Grecs et les Romains, ce mot signifioit le lieu où l’on dansoit ; c’étoit la place comprise entre le proscenium destiné aux acteurs, et l’amphithéâtre composé des gradins où étoient assis les spectateurs : là s’exécutoient les chœurs de danse.

Dans les théâtres modernes, l’orchestre se dit de l’espace qui vient après la rampe de la scène, et où se tiennent ceux qui jouent des instrumens. Par extension on a encore donné ce nom à une enceinte qui environne celle de l’orchestre proprement dit, et qui renferme des bancs on des siéges pour un certain nombre de spectateurs.

On doit porter en général une attention particulière à la fabrication de l’orchestre c’est-à-dire de cette enceinte où se tiennent les exécutans : on doit lui donner des proportions convenables pour que les symphonistes y soient le plus rassemblés et le mieux distribués qu’il est possible. Il est important qu’il ne soit situé ni trop haut, de peur d’intercepter au spectateur la vue de la scène, ni trop bas, dans la crainte que l’effet des corps sonores s’en trouve diminué.

Le système de la construction d’un orchestre veut qu’on regarde l’enceinte destinée à renfermer les symphonistes et leurs instrumens, comme une sorte de grand instrument lui-même, auquel on doit procurer toutes les propriétés qui tendent à faire vibrer les sons, C’est pourquoi cette enceinte doit être d’un bois léger comme celui du sapin, et on l’établit sur un vide avec des arcs-boutans en sorte que le corps même de l’orchestre pourtant ainsi dire en l’air, et ne touchant à rien, acquière, par le seul fait de cet isolement, une plus grande résonnance.

Pour ce qui regarde avec plus de détail l’orchestre du théâtre grec et romain, voyez le mot Théatre.

ORDONNANCE , s. f. Ce mot est un synonyme de disposition, de distribution (voyez ces mots) ; mais dans l’application qu’on en fait, soit à l’architecture en général, soit à un édifice en particulier, on lui donne des significations qui diffèrent entr’elles, comme l’espèce diffère du genre.

Lorsqu’on se sert de ce mot, en théorie générale, on fait de ce qu’on appelle ordonnance, comme une des parties élémentaires de la science de bâtir. C’est ainsi que Viruve a cherché à distinguer, entre toutes les choses qui constituent l’architecture, ex quibus architectura constat (liv. 1er, ch. 2), l’ordinatio de la dispositio et de la distributio. Mais ces distinctions sont fort arbitraires ; et si jadis l’usage des mots y fixa quelque variété sensible, il seroit aujourd’hui assez difficile de l’apercevoir, et de faire passer ces nuances dans les acceptions des mots français qui leur correspondent.

Nous nous contenterons de dire qu’ordonnance, lorsqu’on l’emploie, comme lorsqu’on dit l’ordonnance dans l’art de bâtir, nous paroît exprimer cet art de disposer convenablement et selon l’objet pour lequel l’édifice est fait, dans l’élévation, les masses, les parties de la construction, les colonnes, les pleins et les vides ; dans le plan, les entrées, les dégagemens, les communications, la correspondance des différentes pièces, seulement en grand : les détails en celle partie dépendant de ce qu’on appelle distribution. Voy. ce mot.

Ordonnance, lorsqu’on fait l’application de ce mot, non à l’architecture, mais à un de ses ouvrages, à un édifice en particulier, signifie la manière dont l’architecte en a ordonné les masses, les parties, les détails, considérés dans leur ensemble, dans leur effet, dans l’impression que leur aspect produit, et aussi dans le caractère qui doit être propre de l’édifice. Ainsi on dira que l’ordonnance de tel bâtiment est noble, grande, simple ou commune, mesquine et découpée. Sous ce rapport, l’ordonnance d’un édifice doit être en accord, non-seulement avec sa dimension, mais encore avec son emploi. Il y a tel vaste palais dont l’ordonnance est trop peu conforme à son étendue ; il y a telle ordonnance qui a trop d’importance pour la petitesse de son bâtiment.

Ordonnance est ainsi à l’ordre considéré comme qualité dans l’architecture, ce que l’effet est à la cause ; c’est, si l’on peut dire, I’ordre mis en application.

Quant à l’ordre entendu dans le langage de l’art, comme assemblage de rapports, de formes et de proportions, dont chaque genre de colonne est l’indicateur et le type, on dira qu’il y a autant d’ordonnances que d’ordres de colonnes. On donnera le nom d’ordonnance à une disposition quelconque des colonnes de chacun des ordres, et chacune de ces ordonnances prendra le nom de chaque ordre. Il y a ainsi des ordonnances, doriques, ioniques, corinthiennes.

Non-seulement on appelle ainsi chacune des manières dont chacun des trois ordres est mis en œuvre par l’architecte, dans le plan et l’élévation d’un édifice, mais en donne encore ce nom à la masse de l’édifice qui, dans son élévation, n’aura point de colonnes, pourvu que les parties de cette élévation présentent des espaces proportionnés aux règles de tel ou tel ordre, et des détails de moulures ou de profils qui rappellent le goût et le caractère des détails affectés à ces ordres.

On reconnoît aussi cinq sortes d’ordonnances, qui se fondent, pour la disposition des colonnes, dans les péristyles antérieurs des temples, sur le nombre de colonnes formant le front de ces péristyles, depuis le temple, qui n’a que deux colonnes aux angles, et progressivement, jusqu’au temple, qui en a dix, ou le décastyle.

ORDRE, sub. m. Ce mot a, en architecture, une acception générale qui n’a besoin d’aucune définition, puisque tous les synonymes, tels qu’arrangement, disposition, etc., n’en donneroient pas une idée plus claire.

L’idée d’ordre est une de ces idées primaires qui portent leur explication avec elles, et servent à en expliquer d’autres, plutôt que les autres ne peuvent servir à l’expliquer : aussi y a-t-il peu de mots qui aient de plus nombreux emplois.

Appliqué à l’architecture, ce mot signifie donc généralement, comme dans les œuvres de la nature,. et dans celles de toutes les productions de l’homme, ua certain système de disposition des parties d’un tout, et de leur rapport entr’elles et avec ce tout, qui montre qu’une intention intelligente y a présidé. Le hasard ne produit aucun ordre, c’est-à-dire aucun état de choses qui dénote la nécessité d’une existence de rapports prévus et constans. Aussi rien, par l’effet du hasard, ne peut arriver ou se succéder d’une manière semblable ; et c’est l’effet contraire, c’est-à-dire la continuité, la perpétuité et le retour toujours te même des mêmes causes, des mêmes résultats et des mêmes phénomènes qui, de tout temps, a attesté à la raison humaine l’existence d’une Providence, source et principe immuable de l’ordre par excellence, qui régit l’Univers.

Les ouvrages de l’homme approchent plus on moins do ceux de l’auteur de la nature, selon qu’on y découvre le plus d’application du principe intelligent, que l’homme seul, entre tous les êtres créés, a reçu de la Divinité, C’est pur l’ordre que se manifeste ce principe d’intelligence : c’est aussi ce que nous admirons dans l’organisation des sociétés, dans la législation des peuples, dans les productions du génie, dans tous les ouvrages de l’industrie. C’est vers la perfection de l’ordre que tendent sans cesse les méditations des philosophes les recherches des savans, les travaux des artistes.

Entre tous les arts, il n’en est point où l’existence et l’application de l’ordre se fassent mieux sentir que dans l’architecture, considérée, non pas seulement sous les rapports physiques qu’elle a avec les besoins des hommes, mais plus particulièrement encore dans ces combinaisons intellectuelles que l’art, comme production de l’esprit, se plait à manifester et à rendre sensibles aux yeux, pour satisfaire la raison et le goût.

Comme le principe d’ordre, naturel à l’homme en tant qu’être intelligent, ne se développe point au même degré dans l’organisation des peuples, dans leurs luis et dans leurs institutions, parce que différentes causes empêchent ou retardent diversement chez les hommes vus en général, comme chez l’homme individuellement considéré, le perfectionnement des facultés morales, de même les ouvrages, ou de chaque peuple, ou de chaque homme, participent à différens degrés de la qualité qu’on appelle l’ordre.

En vain se refuseroit-on à reconnoître la réalité d’un meilleur ordre dans l’art de tel peuple, en argumentant de la diversité qui se rencontre chez d’autres peuples dans le même art, pour prétendre qu’il n’y a point de vérité absolue en ce genre ; la réponse à cette objection, on la trouve eu comparant homme à homme. Qui est-ce qui ne sait pas que l’intelligence, d’ou émane le principe de l’ordre, est diverse entre les individus, selon le degré de culture ou d’organisation de chacun ? et toutefois le défaut d’intelligence chez l’un n’est pas une raison de la méconnoitre chez l’autre. Le désordre d’idées chez l’aliéné ou le sauvage n’empêche pas qu’on soit d’accord sur ce qu’on appelle raison, bon sens, jugement, chez l’homme qui possède ces qualités : on est donc d’accord, sinon sur le principe de ces qualités, au moins sur l’effet, qui est l’ordre.

Ce qu’on appelle ordre est donc une chose sur laquelle s’accorde un sentiment général chez tous Ici hommes. On peut affirmer qu’il est dans leur nature d’y tendre ; mais eu ce genre, comme en beaucoup d’autres, tous n’y parviennent point ; et ceux-là en approchent le plus qui en ont le plus et le mieux étudié les lois dans le livre de a nature, lequel, bien qu’ouvert à tous, n’est compris que par le petit nombre. Cette étude n’arrive à son plus haut degré que chez les peuples et chez les hommes où la plus grande et la plus parfaite civilisation aura développé les facultés propres à saisir dans leurs causes et dans leurs effets, les propriétés des rapports qui unissent entr’eux les objets physiques et les choses de l’intelligence.

Lorsqu’on observe quels sont les peuples qui se sont le plut livrés à cette étude, ou remarque aussi que c’est chez eux que les arts de l’imitation sont parvenus à ce degré éminent de justesse, d’harmonie, de vérité, do proportion, toutes qualités qui émanent du principe général de l’ordre.

Entre ces arts, on l’a déjà dit, l’architecture, qui ne consiste qu’en rapports, est l’art dont la perfection peut le plus sacilement se mesurer par l’ordre qu’on y verra dominer, et par l’évidence avec laquelle il s’y montrera.

Nul doute que dans toutes les architectures les plus étrangères entr’elles, il ne règne quelqu’élément d’ordre. Une négation absolue d’ordre ne sauroit peut-être exister dans aucun ouvrage des hommes, et l’on en retrouvera toujours quelque idée, jusque dans la hutte ou dans la cabane la plus informe du sauvage. Mais il est sensible qu’en fait de théorie, on n’appliquera la notion d’ordre qu’à l’ouvrage qui en portera le caractère au plus haut degré. Il en sera de l’ordre, considéré en tant que qualité, comme de toutes les autres qualités : on ne reconnaît celle du génie, de l’invention, du raisonnement, et bien d’autres, dans les ouvrages des arts, qu’autant qu’elles s’annoncent par un degré de supériorité remarquable ; et ceux qu’on juge comme en étant privés, ne laissent pourtant point d’en avoir souvent, mais dans un degré inférieur. C’est sur la différence de cette mesure qu’ont lieu les controverses, lorsqu’un esprit de critique, rétréci ou sophistique, se plaît à nier ce qui ne sauroit avoir d’évidence mathématique.

En un mot, la notion d’ordre, en théorie d’art et de goût, emporte avec soi l’idée d’ordre par excellence.

Or, l’ordre par excellence, dans l’architecture, sera celui qui reposera sur le système le plus complet, c’est-à-dire celui où se montrera le plus à découvert le principe de l’intelligence, qui aura coordonné de la manière la plus juste, la plus constante, les rapports de chaque partie avec le tout, et du tout avec chaque partie, par l’harmonie des proportions.

Mais c’est, comme on le dira ailleurs (voyez Proportion), sur l’idée de proportion que le plus grand nombre prend le change. On donne très-improprement ce nom aux principaux rapports d’un objet quelconque : chaque objet a sans doute des rapports de hauteur, de largeur, etc. ; mais ces simples rapports de mesure ne font pas la proportion. La nature produit fort diversement les corps ou les êtres qu’elle a créés ; tous et chacun d’eux, ont leurs rapports, mais tous n’ont pas des proportions générales et fixes. Chaque montagne, chaque rocher, chaque arbre, a ses rapports à soi particuliers ; mais de cela seul qu’ils lui sont particuliers, ils n’entrent pas dans le système des lois des proportions. Il n’y a réellement que les corps appelés organisés qui aient des proportions ; cela s’entend d’un seul mot. Ainsi, de la grosseur de la branche de chaque arbre, on ne conclura ni la grandeur, ni la grosseur de l'arbre ; car l’on sait combien de hasard rendroient cette règle fautive et trompeuse en en généralisant l’application. Au contraire, chaque animal est organisé d’une manière tellement constante dans son espèce, et les rapports d’un de ses membres avec son corps sont tellement uniformes, qu’une seule partie vous fait connoître la mesure du tout (ex ungue leonem), et réciproquement on peut le dire du tout.

Voilà ce qu’on appelle proportion ; voilà l’image de l’ordre. S’il est impossible de nier que ce ne soit là l’ordre par excellence, appliqué aux œuvres de l’architecture, il ne sera pas difficile de discerner entre les diverses architectures connues, quelle sera celle qui méritera la préférence sur les autres. Il est clair que ceci nous offre une mesure qui ne dépend ni du caprice ni de la prévention.

Nous ne prétendrons pas ici parcourir tous les pays du la terre, pour soumettre à ce parallèle les différentes manières de bâtir (que les articles de ce Dictionnaire ont déjà fait connaître) ; un court exposé suffira au résultat de celle théorie.

Deux seules architectures peuvent être soumises à cette recherche ; celle de l’Egypte, et celle qu’on nomme gothique.

Y eut-il en Egypte un principe d’ordre tellement régulier, tellement généralisé et constant, qu’on puisse en déduire un véritable système de proportions ? Quelque prévention que les monumens aujourd’hui bien connus de celle architecture aient pu l’aire naître en sa laveur, nous croyons qu’on s’est trompé en cherchant à lui appliquer les mêmes propriétés que celle des Grecs. D’abord, l’extraordinaire simplicité des masses des batimens égyptiens, Leur perpétuelle monotonie, l’esprit tout-à-fait routinier de la nation dans tous ses ouvrages, nous sont regarder comme aussi invraisemblable qu’elle eût été inutile, une étude de rapports destinés à plaire beaucoup plus encore à l’esprit qu’aux yeux. On sait qu’un temple, dans son ensemble et dans ses parties, étoit nécessairement assujetti aux types qu’une religion ennemie de toute nouveauté avoit une fois consacrés. On se persuade donc aisément qu’un pareil édifice ne réclama ni le génie particulier de l’artiste, ni ces essais multipliés dont il a besoin pour découvrir les causes des impressions de l’art sur notre esprit. En Egypte, grandeur et solidité furent les qualités que la religion avoit permis à l’architecte d’exprimer ; mais la grandeur et la solidité peuvent exister sans aucun système de proportions. Des colonnes massives, des plates-bandes massives, des murs massifs, voila toute l’architecture égyptienne.

On y trouve, il est vrai, des colonnes diversement fuselées, et des chapiteaux variés, et même très-diversifiés dans leurs formes ; mais on n’a jamais remarqué qu’il se soit établi un rapport nécessaire entre les formes ou les ornemens de tel chapiteau, et la conformation comme la décoration de telle colonne. On n’a jamais pu établir qu’il y ait eu un rapport constant entre la hauteur de tel chapiteau, et celle de telle colonne, et l’on voit un chapiteau à feuillages (par exemple) et à plusieurs étages, sur la même colonne, tantôt plus basse, tantôt plus élevée ou plus grêle, tantôt plus épaisse ou plus svelte. Une certaine uniformité de mesure règne, il est vrai, entre la hauteur et la grosseur de quelques colonnes, mais ces choses-là se rencontrent partout, et les procédés les plus simples de la construction servent à établir ce rapport. Il y eut certainement en Egypte des mesures fixées pour tout, et l’on faisoit un temple, une colonne, comme ou faisoit une statue, avec le compas : voilà tout ; mais le compas ou l’emploi simple et mécanique de cet instrument, ne donnent point ces rapports d’harmonie, de goût et de beauté, sur lesquels repose l’ordre par excellence.

Le trop d’uniformité et de servilité s’opposa, en Egypte, à ce qu’il s’y établit un système de proportions, résultat de l’ordre, résultat dont la propriété est de manifester l’intelligence qui le produit. Il y avoit des mesures générales, c’est-à-dire, celles que le besoin et l’habitude fixent dans les produits routiniers de l’industrie, entre leurs parties principales ; mais on n’y connut pas ce module régulateur, qui peut devenir la mesure de tous les édifices, et qu’on peut trouver dans chacune de leurs plus petites parties.

Si l’excès de simplicité et d’uniformité routinière s’opposa, dans l’architecture égyptienne, à la découverte d’un système de rapports à la fois fixes dans leurs principes, et variables dans leurs applications, selon les différences de caractère et d’idées que l’art veut exprimer, nous avons vu à l’article Gothique (voyez ce mot) que le genre de bâtisse auquel on donne ce nom, naquit, par un sort contraire, de tant d’élémens hétérogènes, et prit naissance dans des temps d’une telle confusion, d’une, telle ignorance, que l’extrême diversité de formes, inspirées par le seul caprice, empêcha tout vrai système de proportion de s’introduire dans une architecture qui n’exprime réellement à l’esprit, par le mélange d’élémens qui le constituent, que l’idée du désordre.

Il faut ici s’entendre sur les vraies notions que comporte cette matière ; car beaucoup de personnes se trompent dans les idées qu’elles se forment de l’ordre et de la proportion en architecture. Lorsqu’on entre dans un intérieur d’église gothique, ou est frappé de la disposition régulière des piliers et des arcades dont elle se compose ; on y admire l’élancement de ses voûtes, la légèreté, et ce qu’on appelle la hardiesse de ses masses ; mais tous ces mérites, quelle que soit leur valeur, ne tiennent en rien au principe de l’espèce d’ordre que nous disons être celui du système d’une architecture. Beaucoup de choses dictées par le seul instinct peuvent produire des beautés dans cet art, et n’avoir point de proportions, dans le sens qu’il faut attacher à ce mot. Ainsi, interroges l’architecture gothique, demandez-lui si ses piliers ont des rapports fixes entr’eux et entre leurs parties. Elle vous répondra par les faits, que le même pilier pourra avoir en hauteur trois fois, ou six fois, et encore plus sa grosseur ; que rien de tout cela n’y est déterminé, de manière à être constant ni dans les édifices, ni même dans un seul bâtiment, quelle que soit sa dimension. Demandez-lui si le chapiteau a un rapport de grandeur, du forme et d’ornement avec son pilier. Elle vous répondra par les faits, que le seul caprice ou le hasard en décide. Demandez-lui si elle a des membres, des saillies, des détails correspondans à telle ou à telle disposition. Elle vous dira que jamais elle ne s’est inquiétée d’autres rapports, que de ceux de la bâtisse et de l’exécution ; elle vous montrera les supports les plus écrasés à côté des fuseaux les plus élancés ; elle vous fera voir des agroupemens de petites colonnes qui ne supportent rien, et tantôt une multitude de ces supports inutiles, tantôt des masses en porte-à-faux ou sans supports. Si vous lui demandez raison de ses extérieurs d’églises, elle ne vous répondra que par une confusion indigeste de parties et de détails incohérens, découpés par le caprice le plus ignorant. Si elle fait des élévations, elle ne leur proportionne jamais leur soutien, et elle tire vanité d’une procérité qui n’aspire qu’à paroître un tour de force.

Il n’y a donc point un système de proportion dans le gothique ; il n’y règne point un principe d’ordre, qui permette de demander à chaque partie, à chaque détail, à chaque ornement, la raison qui les coordonne au tout, et avec d’autres parties, d’autres détails, d’autres ornemens.

On croit qu’il est fort inutile de montrer qu’un pareil esprit n’entra jamais dans l’architecture indienne (voyez ce mot), produit d’un instinct encore plus borné, et où le luxe d’ornemens les plus désordonnés, prend la place des formes qui pourroient constituer une manière quelconque de bâtir. Encore plus, sans doute, sera-t-on dispensé de chercher la moindre indication du principe d’ordre dont il s’agit ici, dans les légèretés des structures de la Chine, et chez un peuple où tout a été, de tout temps, réduit en routine, Faisons donc voir maintenant que le principe d’ordre que nous n’avons pu trouver dans aucune des architectures connues, non-seulement est lisiblement écrit dans l’architecture grecque, mais ne peut pas ne point y être, puisque cette architecture lui a dû, en quelque sorte, sa naissance.

En effet, il faut se souvenir (nous n’en donnerons pas ici les preuves (voyez les mots Architecture, Bois, Charpente, Dorique, etc.) que l’architecture grecque, telle que les monumens nous la présentent, avec les développemens et les modifications qui l’ont fixée, et l’ont rendue applicable à tous les peuples, n’eut pas pour créateur unique cet instinct qui partout apprit à tailler et assembler des pierres. Elle seule eut, pendant les siècles qui l’ont formée, une espèce de modèle et ce modèle étoit lui-même une combinaison de parties assorties et mises en rapport constant, par la nécessité et le raisonnement, Elle naquit donc d’une combinaison préexistante, dont elle adopta les principales données. De là son principe d’ordre. Le bois qui forma, en Grèce, les premiers édifices, y produisit un composé par assemblage de pièces, qui se trouvèrent subordonnées à des rapports naturellement uniformes partout. Voilà ce qui porta dans l’assimilation qu’en fit la construction en pierre, cette régularité : de disposition, dont toutefois l’esprit de l’imitation fut écarter ce qui auroit pu y introduire l’immuable fixité de la routine. On ne prit du modèle que l’esprit d’ordre et de proportion, et la variété y fit entrer une dose de liberté suffisante, pour que l’art pût se ployer à l’expression de plus d’une sorte de qualité.

Mais en se donnant un système de proportions dans les premières combinaisons de la construction en bois, l’art avoit encore besoin d’étudier l’esprit des proportïons dans un plus grand modèle, celui de la nature. Il arriva donc en Grèce ce qui n’est arrivé nulle part ; c’est qu’à mesure que l’imitation de la nature se perfectionnoit dans les images que l’art du dessin faisoit du corps bumain, cet esprit d’imitation dut nécessairement avoir son influence sur l’architecture.

Or, c’est ici qu’en réfléchissant au lien commun qui réunit tous les arts, on aperçoit tout à la fois, comment et pourquoi l’ignorance des proportions de la nature dans le corps humain, dut réagir sur l’art de bâtir des Egyptiens, des Gothiques, des Indiens et des autres peuples, et aussi, comment et pourquoi l’architecture qui a le plus d’ordre de proportions fixes, fut celle du peuple qui porta le plus loin l’étude et la science des proportions, dans la peinture, la délinéation et la sculpture des corps.

Ce fut par-là que l’architecte, comparant son ouvrage à celui de la nature, dans les êtres organisés, se donna un nouveau modèle par analogie, et ce nouveau modèle consista (comme on l’a dit aux articles ci-dessus cités) non dans la forme positive d’aucun être, mais dans le système des lois qui régissent l’organisation de tous les êtres vivans. Comme chacun de ces êtres est un composé de membres et d’organes, dont toutes les dimensions, dans chaque espèce, sont telles, qu’une de ces parties indique la mesure et des autres parties et du tout, l’architecte s’imposa de même la condition de régler les parties constitutives de l’édifice, dans une telle correspondance entr’elles, que la grandeur du tout pût déterminer celle de la colonne, par exemple, et vice versa. Il en fut de même des parties secondaires. Ainsi, chaque division d’un entablement fut douée de la faculté de faire connoître la mesure de l’entablement. Un simple triglyphe détermina la largeur de chaque entre-colonnement. L’entre-colonnement put indiquer le diamètre de la colonne ; le diamètre de la colonne put devenir, dans l’édifice, le régulateur de tous les espacemens, et toutes ces proportions se trouvèrent, comme elles le sont dans la nature, non des données géométriques, qui auroient aussi réduit l’art à une servile monotonie, mais seulement un principe général d’ordre, susceptible de nombreuses modifications, comportant, en un mot, les mêmes variétés que celles dont la nature nous donne et le précepte et l’exemple.

Mais cette imitation du système proportionnel des êtres organisés, transporté dans l’architecture, ne devoit pas se réduire à être un simple principe d’ordre abstrait, et propre uniquement à satisfaire la raison.

Les arts qui imitent le corps humain, ne bornent pas l’étude des proportions naturelles à la simple régularité qu elle porte dans la méthode imitative. Le résultat de cette étude fut de fixer l’attention de l’imitateur sur les effets qui en dérivent, et ces effets sont les diverses impressions de plaisir que procure la variété même des proportions que la nature modifie dans les êtres, selon les sexes, selon les qualités différentes qui leur conviennent, selon les propriétés qu’elle distribue à divers degrés entre les créatures.

L’imitation du corps humain ne put pas être fort fong-temps, sans discerner ces variétés dans ses modèles, sans qu’on’ s’aperçût que chaque sorte de qualité physique, ou même morale, se faisoit distinguer dans la conformation extérieure des corps, par des variétés de proportion, qui devenoient l’indicateur fidèle d’une propriété caractéristique. Ainsi, la force ou la légèreté, l’agilité, l’adresse, la grâce, la noblesse, la beauté, se trouvèrent représentées à l’esprit, par un certain accord entre les formes et les proportions, accord où l’œil ne dut point se tromper. Les proportions furent une sorte de langage, qui exprima d’abord les qualités les plus sensibles, les plus saillantes, ensuite celles qui en sont les nuances. Il n’y a personne qui ne connoisse cette échelle graduée de tous les caractères physiques ou moraux, dont tous les genres de nature, dans les statues antiques, offrent le recueil.

Il en dut arriver de même à l’architecture, dès qu’elle eut reçu une organisation qui l’assimila aux œuvres de l’imitation de la nature.

L’architecture eut le besoin d’exprimer aux yeux et à l’esprit, le caractère des qualités physiques ou morales, qui peuvent être rendues sensibles par l’accord des formes qui la constituent, par les rapports de ces fermes entr’elles, par la diversité des masses, par les variations des inclines, par la signification des détails et des ornemens, toutes choses qui manifestent telle ou telle qualité, et produisent sur le spectateur, telle ou telle impression déterminable.

Ce fut là un des résultats du principe d’ordre, non plus entendu dans un sens matériel ou physique, mais dans l’acception morale que l’esprit et le goût lui donnent.

Il est, en effet, dans la nature de l’ordre, que chaque ouvrage de l’art, comme chaque ouvrage de la nature, porte le caractère extérieur des qualités qui le constituent. On comprend bien qu’il ne s’agit ici que de l’ordre moral et intellectuel. Tout édifice peut, sans doute, suffire aux besoins matériels de son emploi, sans que l’art en façonne les formes extérieures dans la vue de plaire ; mais le plaisir est aussi un besoin pour l’homme cultivé par la société, et c’est ce besoin qui est le père des beaux-arts. Dès que ce besoin se fit sentir, il demanda à l’architecture d’exprimer aux yeux, et par des signes constans, les principaux caractères que les formes, les proportions et les détails accessoires d’un édifice peuvent rendre sensibles.

Ces principaux caractères sont ceux auxquels attachent les idées de puissance ou de force, de grâce et d’élégance, de légèreté et de richesse. Or, comme ces idées qui doivent ressortir de la combinaison des lignes, des formes et des mesures, se manifestent de la manière la plus claire, par la lourdeur on la légèreté, il dut s’établir une progression de ces deux qualités, dans la proportion relative des masses de chaque édifice, et par conséquent des supports ou des colonnes.

De-là cette graduation de lourdeur ou de légèreté qui, dans l’architecture grecque, distingue et caractérise chacun des modes applicables aux édifices, ce que les Grecs appeloient ergasia, les Romains ratio columnarun, et ce que nous nommons un ordre de colonnes.

L’ordre, en effet, et le caractère de la qualité qu’il exprime, n’existent pas seulement dans chaque espèce de colonnes, ils sont répandus dans toutes les parties de l’édifice ; mais la colonne en est l’indicateur et le régulateur. C’est pour cela que l’on a donné le nom d’ordre aux supports de proportion différente, de style et de forme diverse, et diversement ornés, qu’on appelle colonne dorique, ionique ou corinthienne.

A ces différens mots (voyez-les), on a traité, du genre de chacun des ordres, de leur formation, de leur caractère, de leur propriété et de leurs diversités, et nous n’entrerons pas ici dans de nouveaux détails à leur égard.

Le but de cet article a été, en analysant les notions générales de l’ordre appliqué a l’architecture, de montrer comment et par quelle raison l’ordre entendu, non comme disposition quelconque, mais comme emploi systématique des proportion, étoit le privilège de l’architecture grecque, et comment chaque genre de colonnes, appelé ordre étoit le type des proportions, soit matérielles pour l’œil, soit morales pour l’esprit, que l’art sait mettre en œuvre et à différens degrés.

Il est, en effet, constant que chaque ordre de colonnes, et par la nature des proportions qui le constituent, et par l’effet du caractère que ses proportions lui ont imprimé, sert à rendre une espèce de qualité principale, à laquelle correspondent sa mesure, sa forme, son ornement. Mais il ne faut pas croire que chacun de ces trois modes se trouve borné à ce qu’il y a d’absolu dans chacune de ces qualités.

Ainsi, l’ordre dorique, qui signifie la force, peut exprimer beaucoup de degrés et de nuances diverses de cette qualité, par des degrés nombreux de pesanteur et de massivité. La moindre connoissance des monumens doriques de l’antiquité nous apprend, qu’un peut y compter un assez grand nombre de nuances. De fait, il en est de cette sorte d’imitation des qualités abstraites, comme de celle des propriétés du corps humain, où l’on peut, dans l’expression de la forme corporelle, discerner aussi un assez grand nombre de degrés, depuis la pesanteur jusqu’à un commencement de légèreté. Cela se trouve ainsi chez les Grecs, depuis le dorique, qui a moins de quatre diamètres de hauteur, jusqu’à celui qui approche de six en hauteur.

Si l’ordre dorique est celui qui préside à l’imitation ou à l’expression de la force, de la simplicité et de toutes les variétés qui sont comme les demi-tons de ce mode, l’ordre ionique, qui vient après, fait entendre par l’exhaussement de son fût, par la forme plus svelte de sa masse, par l’élégance de son chapiteau, par la suppression des détails commémoratifs de la construction primitive, qu’il est le représentant de ce caractère, qui, dans la conformation du corps humain, appartient à tel sexe ou à tel âge, et qui, dans l’échelle morale des sensations et des idées, est le propre de certaines formes du discours, de certains modes d’éloquence ou de poésie.

Comme on ne peut point faire plus fort que ce qui est déjà fort dans le sens absolu, sans devenir lourd, ni plus léger que ce qui est élégant, sans tomber dans le maigre, ou ne sauroit aller aussi au-delà de ce qui est riche, sans en venir a l’excès du luxe, et l’ordre corinthien, en tant que type et image d’élégance à la fois, et de richesse, trouve, dans l’emploi varié de ses proportions, de ses formes, de ses ornemens, de quoi satisfaire à tous les degrés que peut comporter l’expression de la qualité qui lui est affectée. Aussi l’expérience a-t-elle prouvé qu’on s’est trompé en voulant enchérir sur cet ordre, par la formation du prétendu composite.

Chacun de ces ordres est donc, dans les édifices, l’indicateur des formes, du goût et du caractère sur lesquels se fonde le système de l’ordre moral, qui se rencontre dans l’architecture grecque, et qu’elle seule a su réunir à l’ordre physique des proportions ou des rapports positifs du tout avec chaque partie : de sorte que ce qui est agrément, ornement et richesse, se trouve aussi réparti dans chaque partie, comme dans le tout, et avec la même économie.

Ce qu’on vient de dire sur la propriété caractéristique des trois ordres grecs, et sur l’espèce de qualité dont chacun offre l’expression, doit démontrer quelle fut et quelle sera toujours l’erreur de ceux, qui ont tenté ou qui tenteront encore l’invention de nouveaux ordres. Cette erreur provient du faux point de vue sous lequel on est porté à considérer les genres de colonnes qu’on appelle ordres, et les genres d’ordonnances qui en résultent.

Il a déjà été observé qu’il y a trois choses fort distinctes dans les trois ordres grecs : leur forme, leur ornement et leur proportion. Chacun des trois se distingue des deux autres dans chacun de ces trois objets : or, il y a déjà une grande méprise à prétendre inventer un ordre nouveau, par le changement d’une seule de ces trois choses ; car si l’on ne fait que changer la forme, sans changer l’ornement, ou l’ornement sans la forme, ou l’un et l’autre, sans la proportion, on n’aura rien fait de nouveau ; on n’aura produit que de l’inconséquence et du disparate, puisque ces trois choses se sont nécessaires l’une à l’autre, et dépendent d’une raison commune qui les a unies, non pas arbitrairement, mais en verte du principe général de l’harmonie.

Car l’invention des ordres grecs tient moins qu’on ne pense, aux types de leurs formes apparentes. Les Grecs, dans le fait, n’ont point inventé d’ordre, ils ont seulement reconnu qu’en architecture, comme dans tout le reste, il y avoit le plus, le moins et le point milieu entre les deux ; puisque les édifices, qu’on le sache ou qu’on ne le sache pas, qu’on le veuille ou non, exprimeront toujours, dans leurs apparences, le plus ou le moins de solidité, de gravité, de simplicité ou de légèreté, d’agrément ou de variété.

Comme, entre ce plus et ce moins, il ne peut pas ne point y avoir un terme moyen qui réunisse dans un degré quelconque ces qualités opposées, les Grecs n’ont fait autre chose que fixer ces trois termes ; dans le dorique, par les caractères qui donnent la plus juste idée, de supports solides, d’ornemens graves, de proportions courtes ; dans l corinthien, par les formes les plus élégantes, la décoration la plus riche, la proportion la plus svelte ; dans l’ordre moyen ou ionique, par l’emploi moyen de formes, d’ornemens et de proportions également éloignées de la simplicité du l’un et de la richesse de l’autre.

Dès-lors il ne dépend pas du caprice, de transposer les propriétés de chaque ordre, sans désassortir ce que le simple bon sens réunit : car chacune de ces trois choses, forme, ornement et proportion, étant au jugement seul des yeux, et de l’instinct le plus ordinaire, dans une corrélation nécessaire avec les deux autres, ce seroit contrarier la nature même des choses, que mettre ce qu’il y a de plus riche, sur ce qu’il y a de plus pauvre, et réciproquement.

Voilà le principe élémentaire des ordres. Ce qui nu signifie pas qu’il soit et doive être contre nature, de donner à l’ordre solide un autre chapiteau que le dorique, ou à l’ordre élégant un autre chapiteau que le corinthien. Rien, sans doute, en théorie générale, ne s’y opposera, pourvu que, dans chacun de ces ordres, le chapiteau nouveau corresponde au caractère le plus simple dans l’un, et le plus riche dans l’autre. De fait plus d’une variété a eu lieu en ce genre, surtout à l’égard du corinthien, et si elles ont rarement obtenu du succès, c’est que ces nouveautés ne se sont fait remarquer, que par mi excès qui n’ajoutoit rien à l’expression du caractère donné, soit parce qu’elles restoient en deçà, soit parce qu’elles alloient au-delà.

Tel a été ordinairement le sort d’inventions prétendues, dont les auteurs n’inventoient rien, et ne pouvoient rien inventer : car on ne trouve rien hors de la loi de nature, et cette loi ayant été une fois découverte par le génie de l’art dans les trois combinaisons qu’on a développées, il ne reste plus d’autre conquête à l’esprit d’innovation, que par la bizarrerie, c’est-à-dire, le désordre.

Mais la plus ignorante de toutes les prétentions a été celle de croire inventer un ordre nouveau, par quelque changement de feuilles ou de symboles dans un chapiteau. Qu’on substitue à l’acanthe ou au laurier, la feuille du chêne, la fleur du lys, tel ou tel autre symbole, rien ne l’empêche, et une multitude de ces variantes se voient dans l’antique. Eh bien l’on aura fait, non pas un chapiteau nouveau, mais un nouvel ornement de chapiteau, encore moins un ordre nouveau : car l’ordre ne tient pas plus à cela, que la proportion de la figure humaine ou de sa tête ne tient à l’habit ou à la coiffure.

Nous avons déjà énoncé plusieurs de ces considérations aux mots sous lesquels se trouvent décrits les trois ordres grecs, et nous n’alongerons pas cet article de nouvelles notions à leur égard. Pour se conformer à l’usage des dictionnaires, qui d’après les nomenclatures reçues ont multiplié sans aucune raison les noms des ordres, nous nous contenterons de placer ici leurs simples désignations.

Ordre attique. Voyez au mot Attique. ce qu’il faut entendre par-là.

Ordre caryatide. Voyez au mot Caryatide. ce que fut ce prétendu ordre.

Ordre composé. Voyez à ce mot ce qu’on a dit de cette variété de l’ordre corinthien,

Ordre corinthien. Voyez Corinthien.

Ordre ionique. Voyez Ionique.

Ordre toscan. Voyez au mot Toscan ce qu’il faut penser d’un ordre qui ne fut que lu dégénération du dorique.

Ordre rustique. On appelle ainsi la colonne dont le fût est découpé en refend ou par des bossages.

OREILLER. Voyez Coussinet de chapiteau.

OREILLON. Voyez Crossette.

ORGUE, s. m. Instrument de musique à vent, composé d’un grand nombre de tuyaux qui se partagent en plusieurs jeux, et dont on joue au moyen d’un clavier. Il est particulièrement consacré à l’office divin, et c’est dans les églises qu’on en voit les plus grands modèles.

L’orgue de rapport avec les édifices, qu’à raison de l’emploi qu’on y en fait, et de l’ajustement que sa situation, sa composition extérieure et sa décoration exigent de l’architecte, lorsque ce qu’on appelle le buffet d’orgue, au lieu d’être portatif, est rendu fixe et adhérent. Sa place la plus ordinaire dans ce cas est au-dessus de là porte d’entrée de l’église. On en forme la composition de différentes matières le plus souvent en bois, et on le fait supporter par une sorte de tribune que soutiennent quelquefois des consoles, quelquefois des colonnes. Quant à la décoration dus orgues, on y a employé beaucoup de motifs que la nature irrégulière de l’objet principal rend très-souvent arbitraires et bizarres. Il y a peu de règles à prescrire sur ce sujet. Ici, comme dans bien d’autres cas, on risquera fort peu de pécher par la simplicité.

Orgue hydraulique. Instrument en manière de buffet d’orgue, qui joue par le moyen de l’eau, et dont on fait usage dans les jardins ou dans les grottes qu’on y pratique. Voy Hydraulique.

ORGUEIL, s. m. Mot d’usage parmi les ouvriers, pour désigner une grosse cale de pierre, ou un coin de bois que l’on met sous l’extrémité d’un levier ou d’une pince, pour servir de point d’appui, ou de centre de mouvement, quand on fait une pesée ou un abatage.

ORIENTER, v. act. C’est marquer sur le lerrain avec la boussole, ou sur le dessin, avec une rose des vents, la disposition d’un bâtiment par rapport aux points cardinaux de l’horizon. On dit d’un édifice qu’il est orienté, quand les quatre côtés correspondent à ces quatre points, bien qu’on puisse le dire tel aussi, lorsque la face principale est tournée du côté du soleil levant.

Orienté se dit encore dans une acception plus générale, comme synonyme d’exposé. Une maison est bien ou mal orientée.

On dit s’orienter, pour se reconnoître dans un lieu, d’après quelqu’objet ou endroit remarquable pour lever un plan.

ORLE, s. m. Mot traduit de l’italien orlo, ourlet. C’est un filet sous l’ove ou l’échine d’un chapiteau. Lorsqu’il est dans le bas ou dans le haut du fût d’une colonne, on l’appelle aussi ceinture.

ORNEMENT, s. m. Nous avons, à l’article Décoration (voyez ce mot), renvoyé ici tout ce qui regarde l’ornement proprement dit, ou autrement ce qu’on désigne spécialement par ce terme, dans le langage de l’architecture.

L’ornement ainsi entendu, et tel que cet article le présentera, forme certainement une partie de la décoration ; mais par cela même qu il en est une partie, le mot qui le désigne ne sauroit être un vrai synonyme de celui auquel nous avons consacré un très-long article. La decoration, ainsi qu’on peut l’y voir, embrasse, selon l’usage, une idée générale de l’art d’embellir les monumens de tous les genres, dans toutes leurs parties, et de les embellir avec toutes les sortes de moyens qui appartiennent à la réunion des arts du dessin. On y a vu que si toutes les ressources de la peinture forment la plus grande partie des moyens de décoration dans les intérieurs des édifices surtout, la sculpture a particulièrement dans son lot ce qui regarde leur extérieur.

On ne comprendra point dans cet article ce que l’art de sculpter sait produire en colosses, en statues, en bas-reliefs, soit dans les places, soit dans les niches, soit dans les frontons, soit dans ces compositions historiques ou allégoriques, qui, appliquées aux murs des constructions, rivalisent avec celles de la peinture. Tout cela se trouve compris d’une façon plus particulière dans l’idée de décoration.

L’ornement, sous le rapport de sa dénomination technique, comprend cette partie secondaire d’embellissement, que nous avons déjà fait connoître au mot Arabesque (voyez ce mot). Dans le fait, il n’est aucun de ces objets que la peinture aussi ne puisse rendre, car rien n’est hors des moyens de la peinture. Aussi dit-on la peinture d’ornement, et l’on a vu que le genre de l’arabesque peut reproduire dans ses compartimens, tous les détails d’ornemens, dont la sculpture dispose pour l’embellissement des membres de l’architecture. Cependant le mot ornement, sans autre désignation, convient plus particulièrement à cet art dont l’architecture est forcée d’emprunter le secours, et cet art est la sculpture.

C’est pourquoi nous ne considérons ici l’ornement que sous ce seul point de vue, et dans sa liaison intime avec l’exécution de l’architecture.

L’architecture (on a déjà eu l’occasion de le dire) n’est en quelque sorte, sous le rapport de l’exécution matérielle, que de la sculpture. C’est au travail mécanique du ciseau, qu’elle est redevable des formes qui lui donnent l’existence. Mais outre ce qu’il y a de purement mécanique dans ce qui regarde, soit la taille des pierres, soit l’élaboration des autres matières, c’est encore à l’art de la sculpture qu’il faut rapporter les travaux plus on moins difficiles, plus ou moins délicats, qui rachèvent, si l’on peut dire, l‘impression des signes variés, qui deviennent le complément de son écriture, et la rendent de plus en plus intelligible aux yeux et à l’esprit. Ces nuances plus ou moins légères, c’est l’ornement qui les rend sensibles.

Ainsi chaque genre d’ordre a ses ornemens, dont le caractère correspond au caractère de ses formes. Tout le monde sait que l’ordre qui exprime la force et la simplicité, le dorique, admet dans les cannelures des colonnes, dans les contours du chapiteau, dans les triglyphès et les métopes de la frise, dans les mutules et les profils de la corniche, des parties d’ornemens qui participent du type général, et des proportions graves et sévères de l’ordre.

L’ionique, ordre moyen par ses proportions, ses formes et le genre de sa modénature, entre le dorique et le corinthien, admet dans ses cannelures, dans sa base, dans son chapiteau, dans les profils de son entablement, plus d’ornemens, de plus légers et de plus variés. Le corinthien, par l’emploi le plus abondant, le plus diversifié de tous les détails d’ornemens, sur sa base, son fût, son chapiteau et toutes les parties de son ordonnance, sait établir entre ses proportions et ses formes, cet accord qui lui donne la propriété d’exprimer les qualités de magnificence, de richesse, de légèreté, etc. On sait que ceux qui ont voulu porter encore plus loin cette expression, ne l’ont fait dans le prétendu ordre appelé composite, qu’en chargeant davantage de détails d’ornemens, tous les membres de l’ordre corinthien qui peuvent les admettre, en faisant enfin qu’il n’y ait plus une seule partie lisse.

Tout le monde connoît, au moins d’une manière générale, les principaux ornemens, dont la sculpture décore les membres de l’architecture. Il suffira de citer ici les noms des denticules, des oves, des feuilles d’eau, des chapelets, des perles., des palmettes, des rinceaux, des tigettes, des caulicoles, des volutes, des acanthes, des enroulemens, que le goût de l’architecte distribue diversement, dans chaque mode d’ordonnance. Nous ne décrirons pas ici ces détails, dont les noms forment tous la matière de quelqu’article particulier, auquel nous renvoyons le lecteur. Nous n’avons rappelé cette nomenclature, que pour bien fixer l’idée de ce qu’on appelle spécialement ornement, dans l’exécution de l’architecture.

Nous ne nous arrêterons pas non plus sur l’origine ou l’espèce d’étymologie de chacune de ces sortes de caractères. Nous l’avons indiquée plus d’une fois, et nous on avons montré la source, tantôt dans les analogies que le hasard a fournies à l’artiste, des plantes naturelles adhérentes aux édifices, tantôt dans les pratiques empruntées aux parures des semmes, tantôt dans l’emploi des offrandes faites aux lieux saints, tantôt dans les usages de l’allégorie, tantôt encore dans cette habitude d’orner, qui est un des instincts de l’homme.

Nous nous bornerons ici à parler de l’ornement, comme étant simplement, dans les mains de l’artiste, un moyen d’ajouter une signification plus claire, à celle du caractère déjà établi dans un édifice, par son style, ses formes et ses proportions.

Le premier point à observer, est leur distribution. Ce mot renferme avant tout l’idée qu’on doit se faire de la mesure d’ornement qui convient ou à chaque ordre, ou dans les édifices du même ordre, au caractère qu’il s’agit d’y exprimer, car (ainsi qu’on l’a vu à l’article Ordre) chaque ordre est dans l’échelle des variétés de l’architecture, une couleur principale, qui peut fournir, selon l’emploi qu’on en fait, des nuances et des tons variés.

Ainsi le dorique, dont le caractère est la force et la simplicité, pouvant, par les variétés de proportion qu’il comporte, manifester plus ou moins ces deux qualités, l’architecte pourra, selon l’un et l’autre cas, distribuer dans quelques membres de cette ordonnance, un certain nombre d’ornemens qui la fera participer au caractère de l’ionique. On peut citer des chapiteaux de l’ancien dorique grec, où de pareilles légèretés sont introduites dans les filets de son collario. Des ornemens plus significatifs encore trouvent place dans les espaces des métopes, et des palmettes sont taillées aux acrotères du temple dorique de Minerve à Athènes. Remarquons aussi que la proportion de ce dorique a quelque chose de plus élégant que celle du plus grand nombre d’édifices de cet ordre considéré selon l’ancien système grec. Depuis, le dorique alongé par les modernes, a reçu même des oves dans l’échine découpée de son chapiteau, et des profils ou des filets dans son tailloir.

Le second objet d’observation par rapport à l’emploi des ornemens, est le choix de leurs différentes espèces. Comme le plus ou le moins dans leur distribution, contribue à l’expression du degré de simplicité, d’élégance et de richesse, le mode de chaque espèce d’ornement a aussi la propriété de se prêter à cette expression, de la renforcer, de la rendre sensible aux yeux et à l’esprit.

Dans ce grand nombre d’objets que la sculpture sait approprier aux formes et aux membres de l’architecture, il en est dont l’imitation produit des effets sérieux ou gais, simples ou variés, gracieux ou sévères, et déjà, comme on le voit, chaque ordre, selon son caractère, s’est approprié les formes des profils les plus graves ou les plus légers, les motifs des ornemens les plus articulés ou les plus ondoyans. Tel enroulement se compose selon le genre de cette sorte d’harmonie, ou de contours sévères, ou de feuillages qui, sous le ciseau, s’arrondissent avec plus ou moins de flexibilité. Il n’y a point de feston ou de guirlande, qui par le choix judicieux de telles ou telles fleurs, de telles ou telles feuilles de chênes, de roses, de lauriers, ou de cyprès, par exemple, ne présente une idée ou une autre, ne fasse un effet plus ou moins analogue au style du monument qui en reçoit l’application.

L’ornement ainsi considéré, devient donc dans l’emploi plus ou moins modéré qu’en fait l’architecte, l’expression du degré de la richesse que chaque édifice doit recevoir de son caractère, c’est-à-dire de l’usage auquel il est consacré. Entre celui qui exclut toute idée d’ornement (comme seroit une prison) et celui qui, comme un temple, un palais, un théâtre, en admet la plus grande abondance, les degrés sont très-nombreux : or, chacun de ces degrés doit être également marqué, par le choix du genre d’objets qui y devient le motif de l’ornement.

Après la distribution et le choix des ornemens, nous indiquerons comme le troisième point d’observation, l’exécution même des objets que l’architecte confie au ciseau du sculpteur.

L’ornement, dans le sens spécial que nous lui avons donné ici, se compose particulièrement des objets qui se taillent sur les moulures et les profils, et qui s’appliquent sur les superficies des principales formes de l’architecture. L’exécution de ces sortes d’ornemens est donc ce qui peut en modifier le plus activement l’effet. Ce sont des espèces de caractères dont la sculpture sait rendre l’impression plus ou moins sensible. Il dépend de l’art qui les façonne, de leur donner plus ou moins de saillie, de les tracer avec plus ou moins de profondeur, de leur donner des contours plus ou moins tranchans, et par conséquent de les détacher avec plus ou moins de vivacité. Or, tout ce qui met de la différence entre leurs effets, contribue aussi, dans une mesure quelconque, à l’expression du caractère de l’édifice.

Il semble inutile de faire observer que dans l’exécution l’ornement, on doit également avoir en vue la dimension des édifices, et l’éloignement où sont des yeux les objets que l’on veut orner. Il y a une manière douce et légère de traiter les feuillages, une manière sévère et fouillée, une manière heurtée, une manière finie et précieuse : car, ainsi qu’on l’a dit au commencement de cet article, l’architecture, dans son exécution, s’approprie et les qualités et les procédés de la sculpture pratique. Ainsi il doit en être des procédés d’exécution des ornemens, par rapport à leur effet, dans un édifice, comme de ceux que l’on suit, dans la manière de traiter les statues, selon leur proportion, ou selon la distance d’où l’on est forcé de les voir.

On n’auroit toutefois qu’une idée incomplète de ce qu’il faut comprendre sous le nom d’ornement, dans l’application que la sculpture en fait aux édifices, si on se bornoit aux seuls détails que reçoivent les profils et les membres des colonnes, ou des parties qui constituent les ordonnances.

Les édifices ne se composent pas seulement de colonnes et d’entablemens. Les superficies formées par les murs et les élévations, selon toutes les formes que l’architecte leur donne, sont propres à recevoir aussi beaucoup de ces motifs courans d’ornemens, qui tantôt interrompent l’uniformité des espaces lisses, tantôt contribuent, par les signes allégoriques qu’on y mêle, à expliquer l’emploi de l‘édifice.

Ainsi l’on verra souvent des espèces de bandeaux continus, ornés d’entrelas ou de postes, régner autour des murs d’un intérieur ou d’un extérieur : ailleurs, les rinceaux dont on a déjà parlé se trouveront composés, selon le caractère du lieu, ou de victoires, ou de génies, ou de symboles divers.

Sous ce rapport, l’emploi de l’ornement devient pour l’architecte l’objet des compositions les plus ingénieuses ; car il est peu d’édifices auxquels on ne puisse donner, par les symboles ou les attributs qui correspondent à sa destination, une valeur de signification particulière.

Ayant restreint, dans cet article, l’idée et le mot d’ornement à ce que l’on entend le plus généralement en architecture par l’imitation et l’emploi de tous les objets que désigne, au pluriel, le mot ornement, nous avons déjà renvoyé le lecteur aux articles séparés, où chacun de ces objets est traité sous sa dénomination particulière ; il ne reste plus qu’à indiquer ici certaines manières de les désigner selon leur emploi ou selon leur exécution.

Ainsi l’on dit :

Ornemens courans. On appelle de ce nom ceux qui se sculptent sur ces parties des édifices qu’on nomme frises, bandeaux, plinthes, baguettes, etc., et qui, régnant avec plus ou moins du continuité, obligent d’y répéter le même objet, comme les oves, les chapelets, les entrelas, les rinceaux.

Ornemens de coins. Ornemens qu’on met aux angles des chambranles, autour des portes ou des fenêtres, dans le retour des cadres ou des corniches. On distingue ces ornemens en simples et en doubles.

Ornemens de relief. Ornemens taillés ou en saillie sur les superficies lisses qui leur servent de fond, comme les frises, les bandeaux, ou pris à même des membres qui s’en trouvent découpés ; telles sont les moulures qui reçoivent des feuilles d’eau et de refend, des perles, des chapelets, des oves, des coquilles, des rais de cœur, etc.

Ornemens en creux. Ce sont ceux ou qui consistent dans de simples traits gravés et ne présentent que des contours, ou qui sont, quoique de relief, pratiqués dans l’épaisseur de la matière sans la déborder, comme le sont beaucoup des signes hiéroglyphiques de l’Egypte.

Ornemens marins. On peut appeler ainsi ceux qu’on applique à certains édifices hydrauliques, tels que grottes, fontaines, réservoirs d’eau etc. Ils représentent ordinairement tous objets qui se rapportent à l’eau, comme coquillages, poissons, joncs marins, roseaux, glaçons ou lapidifications, etc.


ORTHOGRAPHIE, sub. f. C’est le mot grec devenu latin, puis français, quoiqu’on ne l’emploie plus dans la langue de l’art, pour exprimer ce que l’on entend aujourd’hui par élévation géométrale. Ce mot signifie dessin, droit. Vitruve lui oppose le mot scénographie, qui veut dire élévation en perspective.


ORTHOSTATA. Mot grec employé par Vitruve, et qui signifie chez cet auteur, au sens simple, qui se tient droit ou debout. L’architecte romain donne ce nom, dans la construction des murs formés par du remplissage, aux paremens extérieurement dressés d’à-plomb, ou à des chaînes de muraille. On peut le dire encore d’un piédroit.


OTRICOLI. Les fouilles de l’ancienne ville d’Ocriculum, commencées l’an 1775, furent continuées avec activité par ordre de Pie VI. On y découvrit une infinité d’édifices encore assez bien conservés.

Cette ville étoit ornée de temples, de palais publics et particuliers, de thermes, de bains, de conserves d’eau ; il y avoit des places avec des portiques, des camps pour les soldats, des places entourées de murs, un théâtre, un amphithéâtre, des aqueducs, des puits, et une infinité d’habitations. Les routes étoient ornées de sépulcres et de mausolées, particulièrement la voie Flaminienne, qui conduisoit à Rome en passant le Tibre sur le pont d’Auguste.

Les thermes sont construits en briques ; l’entrée principale correspondoit à un grand espace qui s’étendoit jusqu’au Tibre, et pouvoit être orné d’arbres, de statues et de fontaines. L’atrium est voûté ; il a la forme d’un carré long, et conduit à une grande salle octogone de cinquante-trois palmes de diamètre. Il y a quatre niches dans les angles : dans une de ces niches il y avoit un bain revêtu de marbre cipolin ; dans le fond étoit une mosaïque et un conduit de plomb qui servoit à vider l’eau ; au milieu de la niche étoit un autre conduit par lequel venoit l’eau pour remplir le bain.

Dans le pavé de la salle étoit une belle mosaïque formée de pierres naturelles de diverses couleurs, divisée par compartimens ornés de méandres de diverses formes, avec des festons de fruits et de fleurs, des masques, des vases, et dans les grands compartimens, des figures grandes comme nature, représentant des divinités, avec des monstres marins qui sembloient se jouer dans l’eau ; dans d’autres compartimens on voyoit eucore d’autres figures représentant divers combats de soldats avec des centaures. Au milieu est un sujet entouré de méandres et de rinceaux.

Le pape Pie VI ordonna à Giuseppe Panini de faire lever cette belle mosaïque, et au mois de juin 1780 elle fut transportée à Rome pour être restaurée et placée dans le pavé de la nouvelle rotonde que le pape venoit de faire ériger à son musée du Vatican, où on la voit maintenant. Panini, pendant son séjour à Otricoli, dessina et mesura les antiquités de cette ville, qu’il se proposoit de publier. On trouve plusieurs de ses plans dans l’ouvrage de Guattani.

Dans deux des niches dont nous avons parlé, et qui étoient dans la grande salle octogone, on a trouvé deux piédestaux en travertin, avec ces inscriptions :

Sur l’un : Sur l’autre :
I. L. F. PAL. IVLIANO
PATRONO. MUNICIPI
TRAENEVS. LIB.
L. IVLIO. I. V. PALAT
LVCILIANO
PATRONO. MVNICI.
PI. TRAENEVS
LIB.

Dans le bourg du territoire d’Otricoli, sur la voie Romaine, il y avoit un cippe qui a été transporté depuis au musée du Vatican. Il y a une inscription qui indique celui qui fit construire ces thermes :

IVLIAE. LVCILIAE
L. IVLII IVLIANI FIL
PATRONO MVNICIPI
CVIVS PATER
THERMAS OCRICOLA
NAS A SOLO EXTRVCTAS
SVA PECVNIA DONAVIT
DECVR. AVG. P-I. FEC
LD. D. D.

Les mosaïques des niches, en arabesques et feuillages, furent transportées à Rome, ainsi que divers fragmens de statues.

Après cette grande salle octogone, il y en avoit une autre qui servoit pour les bains. Les murs étoient recouverts en marbre attaché avec des crampons de bronze ; autour étoient des bassins pour l’usage des bains : cette salle étoit vraisemblablement l’étuve. Près de cette salle étoit une grande cour entourée de portiques, ayant des bancs des quatre côtés, et un pavé de mosaïque en marbre blanc et noir, représentant l’histoire d’Ulysse attaché au mât du vaisseau, les syrênes et autres monstres marins : ces mosaïques sont dans la grande salle ronde du Vatican, autour de la mosaïque dont nous avons parlé plus haut.

On a retrouvé aussi le calidarium, avec les fourneaux, les conduits pour l’eau et la fumée. Enfin, une infinité de pièces, de portiques ornés de mosaïques, de marbres et de statues, composoient ces magnifiques thermes. Près des thermes on a trouvé une fabrique entourée de murs, et isolée dans les jardins : au milieu étoit une tête de Méduse en mosaïque ; dans les angles étoient quatre têtes représentant les quatre vents principaux, avec leurs noms, Eurus, Boreas, Zephyrus, Oriens. La tête de Méduse est celle qu’on a placée au milieu de la mosaïque du Vatican.

Sur un des côtés de ces thermes est une voie qui prend une direction en ligne droite vers la voie Flaminienne qui conduit à Rome.

On trouve encore une conserve d’eau de forme ovale, de laquelle se distribuoient les eaux par des conduits de plomb coulé, du diamètre de quatre onces sur lesquels on lisoit de distance en distance cette inscription :

L. ATTIVS. PRIMITIVVS. FE.

Près des thermes est un haut mur formé de grandes pierres carrées, qui s’élève au-dessus du sol des thermes, et semble avoir servi de substruction à un magnifique palais découvert en partie l’an 1783. On a trouvé plusieurs pièces peintes, avec des tableaux et des pavés de marbre consumés par le feu.

Dans la partie la plus élevée d’Otricoli on a retrouvé le Forum, soutenu par des murs et des voûtes souterraines. Ce Forum avoit quatre portiques autour de la place, couverts d’un toit soutenu par des colonnes, avec des barres et des chapiteaux de travertin d’ordre ionique. Sous les portiques étoit une mosaïque blanche et noire ; le pavé de la cour étoit recouvert en brèche.

Près des thermes on trouve encore une grande fabrique qui étoit vraisemblablement un camp ou logement pour les soldats : il étoit divisé dans le milieu de la hauteur par des planchers, et formoit vingt-deux divisions séparées par des murs et couvertes par des voûtes. Au rez-de-chaussée dévoient être les écuries pour les chevaux : à chaque division sont autant de chambres séparées à la partie postérieure, et communiquant par une porte attenante. On a trouvé un bain qui sembleroit avoir été destiné pour l’usage des soldats.

Près du camp on trouve le théâtre tourné vers le midi, construit en pierre, entouré de portiques. La scène avoit un portique, et paroît avoir été richement décorée. On a retrouvé diverses colonnes de marbre jaune antique et de cipolino, des corniches très-bien sculptées, des frises avec des bas-reliefs, et divers fragmens de statues, dont trois collossales, des bas-reliefs, des ornemens, etc. Il y avoit un escalier de travertin qui conduisoit du plan inférieur au plan supérieur des portiques et au camp des soldats.

On retrouve encore des restes d’une grande fabrique, qui étoit le collège où l’on élevoit la jeunesse, ainsi que l’indique une inscription qui est sur un cippe de travertin retrouvé dans ces ruines :

L. IVLIO. FARNAV.
CVRINO. PATRONO
CIVITATIS. ET. COLLECI.
IVVENVM. M. E. ET. CO.
LLEGI DENDROFORVM
OMNIBVS. HONORIBVS
CIVITATIS. SVAE
FVNCTO. IVVENES. SVI
AMANTISSIMO
L. D. D. D.

Dans cet endroit on a trouvé beaucoup de bas-reliefs et de statues qui ont été portés à Rome, l’année 1776, dans le musée du Vatican.

On a retrouvé les restes d’un temple à quatre colonnes, du diamètre de cinq palmes, avec bases et chapiteaux d’ordre corinthien. Le piédestal de la statue et des fragmens indiquent qu’elle étoit de bronze. Le pavé étoit en mosaïque. Tout annonce que ce temple a été endommagé par le feu.

Dans un antre temple périptère on a trouvé, dans les années 1780 et 1781, vingt-quatre statues qui étoient vraisemblablement placées sur un piédestal dans la niche circulaire qui étoit dans le fond. La quantité de charbon, de cendres et de clous de fer, indiquent que ce temple étoit couvert en bois.

L’amphithéâtre, de forme ovale, est encore assez bien conservé ; il est adossé a une petite montagne, et la moitié est taillée dans le tuf.

On a retrouvé une infinité de fragmens et de statues dans la ville d’Otricoli ; ils ont été transportés à Rome. Parmi les statues qui étoient dans le théâtre, il y en a une d’une femme assise, qu’on peut croire être Lucia-Lucilia, fille de Livius-Julianus, qui jouissoit des dignités municipales, ayant été décurion d’Auguste, et ayant fait construire les thermes d’Ocriculum à ses frais. Le peuple, par reconnoissance, lui dédia cette statue, en la plaçant dans le lieu le plus apparent du théâtre.
(Huyot.)

OURLET, s. m. On a vu au mot Orle, le même qu’ourlet, que c’est le nom d’un filet sous l’ove du chapiteau.

Ourlet se dit, dans le bâtiment, de plus d’un objet. On appelle ainsi :
1°. La jonction de deux tables de plomb sur leur longueur, laquelle se fait en recouvrement par le bord de l’une repliée, en forme de crochet, sur l’autre ;
2°. La lèvre repliée en rond d’un chéneau à bord, d’une cuvette de plomb ;
3°. Le petit rebord qui est sur l’aile du plomb des panneaux de vitre.


OUTIL, s. m. Félibien fait venir le mot outil du latin utile, à cause de l’utilité dont est aux ouvriers tout instrument appelé de ce nom.

Chaque art, de quelque genre qu’il soit, dès que son exécution dépend d’un travail matériel, emploie nécessairement des outils analogues à son exécution. Cependant on ne donne ordinairement le nom d’outil qu’aux instrumens des arts purement mécaniques, ou à ceux chez lesquels la partie matérielle ou mécanique a le plus d’apparence.

On appelle outil, dans l’architecture, les marteaux, ciseaux, scies, truelles, etc. , qui servent à ce qu’il y a de plus pratique dans cet art. On donnera le nom d’instrument (on l’a déjà dit à ce mot, voyez Instrument) aux objets dont se sert l’architecte pour dessiner et tracer ses plans.

Ainsi, on ne donne pas le nom d’outil au pinceau du peintre, mais on le donne au ciseau du sculpteur, parce qu’il entre dans les procédés de celui-ci un travail et une action plus mécanique, en apparence, sur la matière qu’il met en œuvre.


OUVERTURE, s. f. Terme générique par lequel on exprime le plus souvent, en architecture et dans les bâtimens, le vide ou la baie qu’on pratique ou qu’on laisse dans un mur, dans une façade de maison ou de palais, dans un frontispice quelconque d’édifice, pour les divers usages qu’ils comportent. C’est dire assez que les ouvertures sont ou des portes ou des fenêtres, ou quelquefois des arcades pour servir de passage.

Les ouvertures servent, avant tout, à la commodité et aux besoins des édifices. Il est des bâtimens qui, construits uniquement dans la vue de certains besoins, de certains intérêts, tout-à-fait étrangers à ceux de l’art et du goût, n’ont à recevoir, sur ce point, d’autres règles que celles de la nécessité. À leur égard, il importe peu dans quel nombre et de quelle manière on y pratique des ouvertures.

Mais les ouvertures, à l’extérieur des grands édifices surtout, étant propres à frapper la vue d’une manière particulière, et présentant des parties dont le nombre, la position, la grandeur, a forme et la décoration influent considérablement sur la bonne ou la mauvaise apparence de l’ensemble, on comprend que leur disposition, et tout ce qui s’y rapporte, exige de l’architecte autant de goût que de discernement.

À l’article Croisée (voyez ce mot), on a déjà traité de tout ce qui se rapporte au bon emploi des ouvertures qu’on appelle ainsi, et sous tous les rapports. Nous ne répéterons donc ici que ce qu’il y a de plus général dans cette notion ; c’est-à-dire que, moins on multiplie les ouvertures, et meilleur est l’effet des bâtimens ;

Que l’ouverture étant le vide, il convient, ou que le plein l’emporte sur le vide, ce qui est d’accord avec la solidité, ou qu’au moins le vide et le plein se trouvent en proportion, à peu près égale ;

Que la distribution des ouvertures doit toujours avoir lieu d’une manière symétrique ; que la plus grande, comme celle d’une porte, doit occuper le milieu de la façade ;

Que les ouvertures placées les unes au-dessus des autres, comme dans les ordonnances ou étages, se correspondent exactement ; qu’elles soient, dans chaque étage, disposées sur une même ligne ; que leur hauteur et leur grandeur soient égales entr’elles ;

Que les ouvertures, soit fenêtres, soit portes, soit arcades, reçoivent des ornemens en proportion du genre et de la richesse de l’ordonnance, les ouvertures comportant ou des encadremens simples, ou des bandeaux ornés, ou des chambranles plus ou moins riches. À cet égard, l’ornement des croisées peut avoir les mêmes variétés, que celui des niches. Voyez Niche.

Ouverture se dit aussi, dans les édifices et ouvrages de l’art de bâtir, comme dans ceux de la nature, d’une fracture ou fissure provenue soit de malfaçon, soit de caducité. On dit, dans ce cas, l’ouverture d’une voûte, d’un mur, d’un parement.

On appelle encore ainsi le commencement de la fouille d’un terrain, pour pratiquer une tranchée, une rigole, une fondation.

Ouverture se dit de l’espace qui fait la largeur d’un angle d’un hémicycle. On dit l’ouverture du compas.

Ouverture plate ou sur le plat. Nous trouvons, dans les lexiques, qu’on donne ce nom à un trou circulaire au haut d’une coupole, pour faire venir le jour d’en haut. Voyez Fenêtre, Œil, Opaion.


OUVRAGE (Construction), s. m. On appelle ainsi ce qui est produit par l’ouvrier et qui reste après son travail, comme dans la construction des bâtimens, la maçonnerie, la charpenterie, la serrurerie, etc.

Il y a deux sortes d’ouvrages dans la maçonnerie ; on les appelle gros ouvrages et menus ouvrages.

Les gros ouvrages sont les murs de face et de refend, les murs avec crépi, enduits et ravalemens, et toutes les espèces de voûtes ainsi exécutées. Ce sont aussi les contre-murs, les marches, les via potoyers, les bouchemens et percemens de portes et croisées à mur plein, les corniches et moulures de pierres de taille, quand on n’a point fait de marché à part, les éviers, lavoirs et lucarnes ; ce qui est de différens prix, suivant la différence des marchés.

Les légers et menus ouvrages sont les plâtres de différentes espèces, comme tuyaux, souches et manteaux de cheminée, lambris, plafonds, panneaux de cloison, et toutes saillies d’architecture, les escaliers, les lucarnes avec leurs jouées de charpenterie revêtue, les exhaussemens des greniers, les crépis et renformis contre les vieux murs, les scellemens de bois dans les murs ou cloisons, les fours, potagers, carrelages, quand il n’y a point de marché fait ; les contre-caves, âtres de cheminées, aires, mangeoires, scellemens de portes, de croisées, de lambris, de chevilles, de corbeaux de bois ou de fer, de grilles, etc.

On appelle ouvrages de sujétion, ceux qui sont cintrés, rampans, ou cerchés par leur plan ou leur élévation, et dont les prix augmentent à proportion du déchet notable de la matière, et de la difficulté qu’il y a de les exécuter.


OUVRIER, s. m. C’est le nom qu’on donne à tous ceux qui sont occupés dans les travaux mécaniques, dans les ouvrages de bâtiment, de maçonnerie, et qu’on emploie, en les payant, soit à la tâche, soit à la journée.


OUVROIR, s. m. C’est dans un arsenal, ou une manufacture, un lieu séparé où les ouvriers sont employés à une même espèce de travail. On appelle aussi de ce nom, dans les communautés, la salle où, à des heures réglées, on s’occupe de différens travaux.


OVALE, adj. des deux genres. Se dit, en général, de ce qui a une figure ronde et oblongue, à peu près semblable à celle d’un œuf.

En architecture et dans la construction surtout, on ajoute au mot ovale les mots ralongés ou rampans. Dans le premier cas, c’est la cerche ralongée de la coquille d’un escalier ovale ; dans le second, c’est une ovale biaise on irrégulière, qu’on trace pour trouver des arcs rampans dans les murs d’échiffre d’un escalier.

OVALE, s. m. L’ovale est une forme employée fréquemment en architecture, surtout lorsque cet ovale est parfait, c’est-à-dire qu’il est produit par la section diagonale d’un cylindre. Il est plus rarement en usage lorsqu’il offre un ovoïde, ou qu’il affecte la forme d’un œuf, et ce n’est guère que dans l’ornement appelé ove (voyez ce mot) qu’il se trouve. Nous considérons l’ovale comme une figure curviligne, oblongue, dont les deux diamètres sont inégaux, mais dent les extrémités sont semblables ; c’est ce que les géomètres nomment l’ellipse, qui peut se tracer de diverses manières. Serlio, dans sa Géométrie appliquée à l’architecture en indique plusieurs qui sont aussi claires que faciles à exécuter : chacune de ces opérations fournit un ovale d’une forme différente et plus ou moins agréable ; la plus ordinaire est de former l’ellipse au moyen de deux cercles d’un diamètre égal, dont l’un a son centre à la circonférence de l’autre, et qu’on termine avec des arcs tracés du point où ces deux cercles se coupent.

L’ovale dit du jardinier se trace par le moyen d’un cordeau, dont la longueur est égale au plus grand diamètre de l’ovale, et qui est attaché à deux piquets aussi plantés sur ce grand diamètre pour former cet ovale, d’autant plus alongé que les deux piquets sont plus éloignes.

Les Anciens n’ont guère donné la forme ovale en plan qu’à leurs amphithéâtres, et cet ovale, plus ou moins alongé, affecte toujours la forme de l’ellipse. Ils n’ont pas employé la forme ovale, en élévation, et leurs voûtes ou leurs arcades étoient toujours formées par un demi-cercle ou plein cintre, ou bien par une portion de cercle. C’est aux Modernes qu’on doit l’invention, des arcs surbaissés en anse de panier, et des voûtes en cul-de-four et dans la forme d’un ovoïde, qu’on retrouve dans la plupart des coupoles modernes faites à l’imitation des mosquées des Arabes, qui imitoient eux-mêmes la forme d’une pomme de pin creusée.

Dans les temps de dégénération du goût en architecture, on a fort abusé de la forme ovale, et on l’a adaptée aux ouvertures de fenêtres, de niches, comme celles qu’on voit dans la décoration intérieure de la cour du palais Farnèse, etc. Enfin on a été jusqu’à faire des colonnes ovales, sous prétexte qu’avec moins de saillie on pouvoit produire autant d’effet.

Quelquefois l’architecte, resserré dans un local long et étroit, on pour procurer plus de développement à un escalier, lui donne la forme ovale : c’est ce qu’on nomme ovale ralongé, ou cerche ralongée de la coquille d’un escalier ovale, faite de la section oblique d’un cylindre. On appelle aussi ovale rampante, celle qui biaise ou qui est irrégulière par quelque sujétion, comme celle qu’on trace pour trouver des arcs rampans dans les murs d’échiffre d’un escalier. Le Beruin a adopté la forme ovale pour la place de la colonnade de Saint-Pierre : il n’a sans doute agi ainsi que par la nécessité de se restreindre dans un sens, en tâchant de donner le plus de développement possible à l’autre côté ; c’est sans doute par la même raison que les bas côtés de la grande nef de la basilique de Saint-Pierre sont éclairés par six petits dômes ovales, motivés par le plan oblong des intervalles laissés entre les piliers. Mais nous ne devinons pas la raison qui a fait donner la forme ovale en plan au dôme des Quatre-Nations. Le plan inférieur de la coupole de la cathédrale de Pise est aussi elliptique et percé de quatre grands arcs surmontés de huit autres plus petits, qui supportent un tambour très-peu apparent, et sur lequel s’appuie la coupole de forme elliptique comme le plan inférieur : celui de Sainte-Marie in castello, à Cornetto, est anssi ovale et percé de six arcs. Nous ne concevons pas ce qui a pu porter à s’imposer volontairement des difficultés assez grandes dans l’appareil des pierres et dans toutes les parties de ces constructions ; nous n’y voyons aucun avantage, et bien certainement cette forme bâtarde doit produire un effet désagréable de perspective, dont l’œil ne peut se rendre compte, mais dont il doit être affecté comme il l’est de toutes les figures irrégulières, lorsqu’il s’attend à ne trouver dans un édifice que des formes simples et d’une régularité parfaite.

Depuis que nous avons renoncé, avec raison, pour nos salles de spectacle, à la forme de parallélogramme des jeux de paume, qui paroissent avoir servi de premier modèle à nos théâtres, on a cherché à se rapprocher, autant que nos mœurs pouvoient le permettre, de la forme de ceux des Anciens, et le célèbre Palladio en a donné un bel exemple dans la salle olympique de Viceuce ; exemple que MM. Legrand et Molinos ont imité au théâtre Feydeau. On a aussi employé la forme circulaire comme au Théâtre-Français, construit par Peyre et de Wailly ; mais le plus souvent on a alongé le cercle pour obtenir un plus vaste développement, et on a donné à nos salles de spectacle la forme elliptique des anciens amphithéâtres.

L’ovale est aussi employé dans les compartimens des jardins réguliers, où l’on trouve des bassins et des corbeilles de cette forme, et c’est de la fréquence des ovales dans les parterres, qu’on a donné à la manière de les tracer avec le cordeau, le nom d’ovale du jardinier. Le plus communément les puits mitoyens sont ovales, à raison du mur de séparation qui doit exister dans leur milieu. — La forme ovale convient aussi à des tableaux, à des écussons et à d’autres objets de décoration des édifices : cependant cette figure exige des proportions régulières pour être agréable, c’est-à-dire, un juste rapport entre la largeur et la hauteur ; autrement elle est bizarre et de mauvais goût. En effet, plus une figure se complique, se contourne, s’éloigne en un mot de la simplicité, et moins elle est de bon goût ; car, si du contraste des formes composées d’élémens simples naît la variété, dès qu’elle dépasse la limite de l’unité, autre qualité bien plus essentielle de l’architecture, elle tombe dans l’extravagance.

(A. L. C.)

OVE, s. m. C’est le nom d’un ornement ainsi appelé par la ressemblance de sa forme avec celle d'un œuf. On s’en sert ordinairement au pluriel. Voyez Oves.

On donne, au singulier, le même nom à la moulure arrondie, dont le profil est ordinairement fait d’un quart de cercle. C’est pourquoi les ouvriers l’appellent quart de rond. Son nom, chez les Anciens et les Modernes, qui l’ont aussi adopté, est échine. On l’applique ordinairement au membre arrondi du chapiteau dorique. Sa courbe varie dans l’antique selon le caractère de l’ordre. Dans le dorique moderne, on a assez généralement adopté la mesure du quart de rond.

OVES, s. m. pl. Ainsi désigne-t-on, dans les profils des entablemens et d’autres objets analogues, cet ornement qu’on découpe en forme d’œuf renfermé, à la manière de certains fruits, dans une espèce de coque. Cette sorte d’ornement se taille sur la moulure à laquelle nous avons vu, dans l’article précédent, qu’on donne le nom d’ove.

On appelle oves fleuronnés ceux qui sont comme enveloppés par quelques feuilles de sculpture. Quelquefois aussi cet ornement se taille en forme de cœur, et on y place d’un côté et de l’autre des pointes eu manière de dard.

OVICULE, s. m. Diminutif d’ove. Quelques auteurs appellent ovicule l’ove ou la moulure ronde des chapiteaux ionique et composite, laquelle est ordinairement taillée de sculpture.


PÆS

PÆSTUM, ville antique de l’ancienne Lucanie, dont les ruines célèbres se voient et sont situées dans le golfe de Salerne, à dix lieues de Naples, au milieu d’une plaine vaste et montueuse.

L’enceinte de la ville, de forme oblongue, angulaire et rétrécie dans la partie de l’ouest, est formée par de grosses murailles en partie ruinées, qui ont encore de douze à vingt-un pieds de hauteur, et presque partout environ neuf pieds d’épaisseur. De grasses tours carrées flanquent chaque angle des murs de la ville, avec plusieurs autres intermédiaires entre celles-là et les portes. Il existe encore une porte toute entière à l’est, et une autre dont le cintre est entièrement ruiné.

L’enceinte de la ville renferme encore un grand nombre de ruines, au milieu desquelles ou voit s’élever le grand temple périptère dorique, dont le naos intérieur se divise en trois nefs formées par deux rangs de colonnes à deux étages, le petit temple, périptère aussi et d’ordre dorique, enfin un autre grand édifice formé d’une colonnade de même ordre, mais dont l’intérieur fut divisé dans sa longueur par un seul rang de colonnes qui le partageoient en deux nefs. On lui donne ordinairement le nom de basilique. Nous ne dirons rien ici de ces monumens dont il a déjà été fait mention à l’article Dorique (voyez ce mot), et dont l’article Temple nous donnera occasion de parler encore.

On trouve, dans l’enceinte de la ville, les vestiges de quelques autres monumens. On croit y reconnoître les débris d’un cirque, d’un amphithéâtre, de deux portes, de tours, de murs d’aqueducs, etc.

M. de Lagardette, dans son ouvrage sur Pæstum, a donné la description des matériaux dont les édifices de cette ville sont composés, et il y a joint des conjectures sur la manière dont ils ont été construits.

Cet auteur pense que les pierres qui ont servi à leur construction, ont été tirées des carrières de Viétri. Dans leurs excavations, il a trouvé des tambours de colonnes tout taillés, qui sont d’un diamètre égal à ceux des temples encore debout ; mais ils ne sont point cannelés.

Tout l’intérieur de ces vastes souterrains offre la même espèce de pierre qu’on a employée aux édifices dont on a parlé. Le mortier qui sert de liaison à leurs matériaux, est mêlé de beaucoup de cailloutages pilés, et agglutinés par la chaux éteinte. Tel est du moins celui qu’on a observé aux murs, aux aqueducs et aux tours d’enceinte. Quant à l’enduit qui recouvre les édifices, c’est un mortier fait avec une espèce de sable très-fin, agglutiné par la chaux, mortier sur lequel on passa plusieurs couches de chaux éteinte, et qu’ensuite on a poli par le frottement. Plusieurs parties de cet enduit ont conservé des restes de couleurs.

PAGODE, s. f. On donne, en Europe, ce nom à des édifices qui, dans l’architecture d'une grande partie de l’Asie, servent de temples aux dieux de ces contrées.

Dans la Chine, plusieurs de ces temples sont très-petits et consistent en une seule pièce. Quelques autres ont une cour environnée de galeries, au bout desquelles se trouve le lieu où les idoles sont placées. Il y en a aussi un petit nombre qui sont composées de plusieurs cours entourées de galeries.

Chambers. dans ses Edifices des Chinois, pl. 1, a donné le plan d’une de ces dernières pagodes qui est celle de Houang. Elle offre une grande étendue de terrain. Outre les temples des idoles, elle renferme des appartemens pour deux cents bonzes, des hôpitaux, un potager, un cimetière, etc.

Les édifices que les Chinois consacrent à leur culte, n’ont point, comme ceux des anciens Grecs, Romains et autres, des formes qui leur soient propres et puissent les faire distinguer des différentes sortes de bâtimens dont se composent les villes. L’espèce de construction qu’ils nomment ting ou tong, entre indifféremment dans la forme de toutes les sortes d’édifices. On la retrouve aux temples comme aux palais, aux portes des villes, enfin à tous les bâtimens où l’on met du luxe. Chambers a observé dans divers quartiers de Canton quatre espèces de ting. Les trois premières se voient à des temples, la quatrième dans plusieurs jardins. Il a figuré, à la planche 9 de son ouvrage, la forme qu’ont le plus communément les pagodes. C’est une répétition à peu près exacte du ting de la pagode de Cochinchine.

Tous ces édifices sont élevés sur un soubassement : on y monte par trois escaliers. C’est un carré, environné d’une colonnade de vingt colonnes qui soutiennent un toit surmonté d’une balustrade de bois, qui renferme une galerie régnante au second étage. Cet étage a la même disposition et les mêmes dimensions que l’inférieur. Il est couvert d’un toit d’une construction particulière aux Chinois. Les angles sont enrichis d’ornemens de sculpture qui représentent des dragons. La largeur de l’édifice est égale à la hauteur, et le diamètre du corps de bâtiment a les deux tiers de la largeur. Voyez Chinoise (Architecture).

Le mot pagode s’applique de même aux temples du plus grand nombre des peuples de l’Asie. On a décrit les plus célèbres pagodes de l’Inde à l’article de l’Architecture indienne (voyez ces deux mots). Ce sont des espèces de tours à plusieurs étages, et qui vont en se rétrécissant de bas en haut.

On donne aussi le nom de pagode aux idoles mêmes que renferment les édifices de ce nom.

PALAIS, s. m. Ce mot vient de palatium, qui désigna, à Rome, l’habitation d’Auguste et ensuite des empereurs romains, laquelle étoit située sur le mont Palatin, qui lui donna son nom.

Palais signifie, dans l’usage moderne et selon le langage de l’architecture, tout bâtiment consacré, soit à l’habitation des princes, des grands, des riches, soit à l’établissement de certains services publics, de certaines institutions qui exigent de la grandeur, de l’étendue, de la solidité, et une dignité extérieure, caractère sensible de leur importance.

Un palais est ainsi un édifice qui doit s’élever au-dessus des maisons ordinaires et se distinguer au-dessus d’elles par les divers moyens que l’architecture peut employer, pour affecter à chacun le degré de richesse et de magnificence qui lui convient.

Dès qu’il y eut des sociétés, il y eut des gouvernemens, c’est-à-dire, des chefs qui, sous un titre ou sous un autre, furent chargés de soins et d’emplois pour lesquels il fut nécessaire d’avoir des bâtimens plus spacieux. L’inégalité des fortunes, suite nécessaire de l’inégalité que la nature a mise entre les hommes, dut se manifester par la différence de grandeur et de richesse des habitations. A peine trouve-t-on quelques exceptions à cet usage dans quelques petits États, où certaines formes de gouvernement populaires excitant l’envie chez les pauvres, commandèrent aux riches de déguiser la supériorité de leurs fortunes, sous les apparences d’une hypocrite égalité dans leurs habitations.

Mais le gouvernement d’un seul, né partout avec la société, dut produire partout des palais pour les chefs des États, et comme nous voyons aujourd’hui dans le monde entier, sous toutes les formes des architectures connues, s’élever de vastes édifices pour l’habitation des rois et des princes, de même les notions les plus anciennes de l’histoire nous font voir des palais bâtis à grands frais, dès les temps les plus reculés, pour les souverains dont la mémoire s’est conservée.

Les ruines nombreuses de l’Egypte, aujourd’hui parfaitement connues, laissent encore douter si, parmi tant de restes considérables d’édifices, il en existe qu’on puisse croire avoir été jadis des palais.

Le goût monotone et routinier de l’architecture égyptienne qui, généralement parlant, n’eut qu’un seul type, et n’eut pour ainsi dire qu’un seul plan, est peut-être une des causes qui empêchent de discerner et de constater, au milieu de ses nombreux débris, certaines variétés qui pourroient y faire distinguer un palais d’un temple. Il est vrai que dans les ruines de Karnac, les plus anciennes de l’Egypte, on a remarqué, sur certaines parties d’édifices, des tableaux hiéroglyphiques, qui représentent des guerres, des batailles, des cérémonies de victoire, des captifs, etc. Ces sortes de sujets ont porté à croire, que ce pourroit être là les restes de quelqu’édifice qui auroit servi de palais aux rois de Thèbes. Cependant ces sujets se trouvent sculptés sur des massifs entièrement semblables à ceux dont se composent les temples. Et puis, qui est-ce qui prouve que de pareilles représentations n’auroient pas pu trouver place sur quelques-unes de ces parties toujours les mêmes, dont se composoient les suites ou enfilades de pièces et de corps de bâtisse, qu’on paroît avoir ajoutés l’un après l’autre aux temples ?

Il y a, sur cet objet, une autre opinion, que la critique pourra confirmer un jour, si l’intelligence des signes hiéroglyphiques, en s’augmentant, parvient à jeter quelques lumières sur les usages de l’Egypte. C’est que ces grandes réunions de corps de bâtimens, appelés temples, auroient pu servir aussi d’habitation aux rois, dans un pays, surtout, où le pouvoir religieux se trouva, sur tant de points, confondu avec le pouvoir politique. Mais nous ne pousserons pas cette hypothèse plus loin.

Ne seroit-il pas permis cependant de s’appuyer d’une autre vraisemblance, qui repose sur ce que Diodore de Sicile nous apprend ? Tout en avançant (liv. I, sect. II, S. 5l) que le roi Uchoris avoit bâti à Memphis des palais aussi beaux qu’aucun de ceux qu’on voyoit ailleurs, il ajoute que ces édifices étoient fort au-dessous de la magnificence et du goût de ses prédécesseurs, en d’autres ouvrages. Quels étoient ces autres ouvrages ? C’étoient leurs tombeaux. « Car (dit-il) c’étoit à se construire de magnifiques sépultures qu’ils employoient ces sommes immenses, qu’en d’autres pays les princes consacrent à se bâtir des palais. Ils ne pensoient pas que la fragilité du corps, pendant sa vie, méritât de solides habitations. Ils ne regardoient le palais des rois que comme une hôtellerie qui, appartenant successivement à tous, n’étoit à personne. Mais leurs tombeaux, ils les envisageoient comme leurs véritables palais, comme leur domicile propre, fixe et perpétuel. Aussi n’épargnoient-ils rien pour rendre indestructibles des monumens, qui dévoient être les dépositaires de leur corps et de leur mémoire. »

Ce renseignement sur les opinions égyptiennes nous paroît devoir entrer dans la balance des raisons qui expliqueroient, comment et pourquoi, dans un pays qui a conservé tant de restes d’édifices, et d’aussi durables encore, on ne découvre rien qui porte évidemment le caractère de palais, ou du moins d’habitations conformes à ce qu’on voit ailleurs.

Les temps les plus anciens de la Grèce sont ceux où ce pays fut, dans tous ses petits Etats, gouverné par des rois. Les poëmes d’Homère en font foi, et c’est encore là que nous trouvons les premières indications ou descriptions de palais. Quand on voudroit supposer que le poëte eût été lui-même l’architecte des palais qu’il décrit, il n’en seroit pas moins vrai qu’il en auroit puisé l’idée dans les modèles qu’il avoit sous les yeux. Le palais de Priam est décrit dans le sixième chant de l’Iliade, comme un édifice vaste, dont la partie inférieure étoit composée de portiques en pierres et de galeries couvertes, au-dessus desquelles il y avoit cinquante chambres richement décorées, habitées par les cinquante fils de Priam. En face de cet édifice, dit le poëte, et dans l’intérieur de la cour, il y en avoit un autre bâti et pierres, et où l’on comptoit douze belles chambres pour les filles du Roi. Paris, qui est représenté comme ayant des connoissances en architecture, avoit fait venir à Troye plusieurs architectes, pour lui bâtir un palais. Cet édifice fut construit entre le palais de Priam et celui d’Hector.

La description du palais d’Alcinotis par Homère, toute fabuleuse qu’on puisse la supposer, quant aux détails de décoration, n’en est pas moins un témoignage irrécusable du goût régnant au temps du poëte, et de l’usage reçu de porter le plus grand luxe dans les habitations des princes.

Il est bien vraisemblable, et l’on doit croire que, lorsque le régime démocratique se fut établi dans les différentes parties de la Grèce, le luxe de chacune de ces républiques fut plutôt appliqué à l’architecture des temples et des établissemens publics, que dirigé vers la construction des palais ou des maisons particulières. L’état républicain ne convenant qu’à de petits territoires, n’a ordinairement que des revenus bornés, et sans quelque cause extraordinaire, on ne sauroit s’y livrer à ces grandes entreprises qui, en fait de palais, ne peuvent appartenir qu’aux gouvernemens monarchiques ou aristocratiques.

C’est ce que Démasthènes nous fait bien entendre dans sa harangue contre Aristocrate, en comparant l’état ancien des mœurs d’Athènes, à celui de son temps : « Jadis (dit-il) la république étoit riche et florissante, lorsque nul particulier ne s’élevoit au-dessus du peuple. Ceux qui connoissent la maison de Thémistocle, celle de Miltiade et des autres grands-hommes de ce temps-là, voient que rien ne les distingue des maisons ordinaires (alors aussi les édifices publics étoient si beaux, qu’il n’y a point de moyen d’enchérir sur leur magnificence). De nos jours, au contraire, l’opulence des particuliers qui se mêlent des affaires de l’Etat est portée à un point, qu’ils se sont bâti des maisons qui surpassent en beauté nos grands édifices. Quant aux ouvrages que la ville fait construire, ils sont si modiques et si misérables, que j’aurois honte d’en parler. »

On ne sauroit mieux montrer combien le gouvernement démocratique s’oppose à la construction des palais. Athènes touchoit alors aux derniers jours de la république.

Rome républicaine ne connut point le luxe des palais : nous ne le concluons point de ce que les Romains n’employèrent d’autre mot que le mot domus, maison, à exprimer toutes les sortes d’habitations ; car ils le donnoient aussi à de véritables palais, comme on le verra. Avant les conquêtes qui introduisirent dans la république la richesse et le goût de l’ostentation, une grande simplicité de mœurs, une sorte de rusticité produite par la vie agricole, d’une part, et les habitudes militaires de l’autre, s’accommodèrent d’habitations où il eût été, non-seulement inconvenant, mais dangereux d’affecter une certaine supériorité.

Mais Rome en vint bientôt à ce point de réunir les deux conditions les plus favorables au luxe des palais ; savoir, celles de l’aristocratie et celles de la monarchie. Dès que la guerre, les conquêtes et l’esprit de rapine, effet et cause à son tour de la manie de conquérir, eurent fait passer dans les mains des généraux d’armée, et des gouverneurs de provinces, la fortune des peuples et les trésors des princes, on vit des citoyens égaler leurs habitations à celles des rois. L’élément aristocratique, d’ailleurs, qui forme le fond du gouvernement de Rome, avoit habitué les esprits à reconnoitre dans les familles des supériorités et des droits aux honneurs et aux dignités, qui veulent se manifester par des signes extérieurs, et l’histoire nous fournit de nombreuses preuves de l’inégalité des habitations, avant l’époque qui vit expirer la république.

On trouve chez Cicéron des notions assez instructives à cet égard, soit dans les mentions qu’il fait des habitations de quelques-uns de ses contemporains, soit dans ce qu’il rapporte de ses propres maisons, où nous voyons que l’emploi des colonnes et tout le luxe des statues, des galeries et des ornemens avoient déjà cours d’une manière remarquable ; et il s’en falloit que Cicéron, d’une famille nouvelle et d’une fortune médiocre, pour son temps, pût entrer en comparaison avec les Pompée, les Sylla, les Crassus et les Lucullus, dont la magnificence, en fait de palais, devoit l’emporter sur celle d’un parvenu.

Cependant il paroît que ce n’éloit encore que le prélude de ce que le règne des empereurs devoit opérer. Auguste disoit qu’il avoit trouvé Rome bâtie d’argile (c’est-à-dire en briques) et qu’il la laissoit toute de marbre. Ce fut effectivement à partir de cette époque, qu’on voit les carrières de tous les pays s’épuiser pour satisfaire le luxe des palais.

De la même époque date aussi cette habitation de l’Empereur, qui, bâtie sur le mont Palatin, donna par la suite le nom de palatium (palace) aux demeures des rois et des grands. On continua toutefois d’appeler domus les plus magnifiques constructions de ce genre ; témoin la maison d’or (domus aurea) de Néron, dont il reste encore des vestiges dans quelques ruines, mais tellement incohérentes entr’elles, qu’on ne sauroit y retrouver l’idée de leur ensemble.

Les constructions destinées aux habitations, de quelque genre qu’elles aient été, sont au milieu de toutes les ruines antiques, celles dont il s’est conservé le moins de vestiges reconnoisables. La raison en est que, d’une part, elles reçurent moins de solidité que les monumens publics, et d’autre part, elles dûrent subir de bien plus grands et plus faciles changemens. Les révolutions qui amènent après elles et de nouveaux besoins et de nouveaux usages chez les peuples qui se succèdent, font éprouver aux habitations une action bien plus destructive. Les matériaux des maisons et des palais deviennent des carrières où d’autres habitans trouvent à s’approvisionner. Aussi voiton, soit dans les sociétés croissantes, soit dans celles qui décroissent, les anciennes bâtisses servir à la construction ou de plus vastes demeures ou de plus chétives. Ainsi disparoissent aujourd’hui tous ces châteaux qui furent l’orgueil de leur temps, et leurs matériaux paient le prix des bâtimens qui leur succèdent.

Combien de fois, dans l’espace de tant de siècles, le même agent de destruction n’a-t-il pas dû s’exercer sur les palais des Grecs et des Romains ! À peine reste-t-il le souvenir de la place jadis occupée par ce célèbre palais de Mausole, à Halicarnasse, dont Vitruve s’est plu à faire une mention expresse. Il seroit, comme on l’a dit, impossible de faire sortir des nombreuses ruines de Rome, l’idée tant soit peu vraisemblable du plan d’un seul de ses palais, encore moins de leur élévation. L’ensemble de ruines le plus considérable et tout à la fois le plus authentique d’une de ces grandes constructions, est certainement celui qu’on appelle à Tivoli la villa Adriana. Nonobstant le nom, qui sembleroit n’avoir dû convenir qu’à une maison de campagne, ce fut un des plus grands palais qu’il y ait eu. Cependant ce vaste champ de ruines n’offre aussi qu’un vaste champ aux conjectures de l’architecte, qui essaie d’en coordonner les parties. Et puis ce qui manque à ce palais, comme à tant d’autres, c’est la forme et le système de son élévation, sans laquelle l’imagination ne peut rien saisir de positif, et ne peut embrasser l’aspect des masses constituantes, du caractère général, de l’esse et de l’harmonie d’un palais.

Deux circonstances ont contribué à sauver de la loi générale de destruction dont on vient de parcourir les effets, un seul et vaste palais antique, celui de Dioclétien à Spalatro, jadis Spalatum, nom qu’on croit formé de palatium (palais). Il fut bâti dans cette ville vers le commencement du quatrième siècle, par cet Empereur, qui en avoit un autre à une lieue de là, c’est-à-dire, à Salone, où il s’éloit retiré. On voit d’abord, par la date de cette construction, qu’elle est une des dernières de ce qu’on peut appeler l’architecture antique. Mais il n’est pas moins sensible que cette énorme masse de bâtimens ne trouva point, dans cette petite péninsule de la Dalmatie, où elle resta long-temps cachée, ce mouvement d’une grande population qui, en bâtissant ou rebâtissant d’immenses cités, doit finir, surtout dans des siècles d’indifférence pour les arts, par mettre à contribution tous les matériaux des bâtisses que de nouvelles mœurs ont rendus inutiles.

Encore l’état même de ces restes de palais est-il une preuve de ce qu’on vient d’annoncer. Si nous écoutons les plaintes des voyageurs à cet égard, elles ne nous confirment que trop l’effet du principe destructeur dont on parle. Quoiqu’il subsiste encore à Spalatro (dit le dernier de ceux qui l’oui visité) un nombre prodigieux de vestiges de ce magnifique palais de Dioclétien, l’un des plus grands fragmens d’antiquité qui nous soient parvenus, il est impossible de ne pas regretter que l’on se soit permis de construire des bâtimens modernes dans l’intérieur de ce palais. Outre que cela nuit infiniment aux recherches qui conduiraient à déterminer d’une manière exacte son ancienne et première distribution, il faut dire encore que de superbes matériaux ont été dénaturés pour servir à des bâtimens modernes. L’avarice, l’ignorance et des intérêts particuliers ont hâté la ruine de monumens qui auraient pu, pendant bien des siècles encore, captiver l’admiration, et servir à l’étude de l’histoire des arts. Les habitans de Spalatro ne se sont pas contentés de dépouiller le palais de Dioclétien, ils ont encore été ravir ce que les ruines de Salone possédoient de plus beau, bien moins pour décorer que pour bâtir des clochers, des maisons, et même de simples murs de clôture.

Ce qui reste toutefois de cette grande construction a cela de particulier et qui en fait le prix, qu’il existe de chaque partie de l’ensemble assez, non-seulement pour en relever le plan, mais pour en figuier encore l’élévation. On peut en jouir à peu près dans son entier, en considérant sa façade principale, c’est-à-dire, celle qui regarde la mer, et que décoroit une colonnade à peu près toute conservée, puisque, de cinquante colonnes qui la composoient, il en reste encore quarante-deux, formant un long portique en arcades, dans la longueur desquelles s’étendoit une galerie qui donnoit entrée dans cet intérieur. Beaucoup de parties et de masses de l’élévation permettent de se faire une juste idée des proportions et du tout, des fenêtres, des ouvertures et des couvertures, et il n’y manque aucun des détails propres à en restituer l’ensemble. Mais on en réserve la description à l’article Spalatro. Voy. ce mot.

Il seroit maintenant difficile suivre par quelqu’indication formelle des monumens, l’histoire abrégée du goût et de la disposition des palais dans cette nuit des arts, qu’on appelle du nom de moyen âge, sans avoir recours aux notions du genre gothique et des châteaux, dont à peine il reste des fragmens ou des traditions confuses.

On seroit obligé de franchir un assez grand nombre de siècles pour arriver en Italie, par exemple, au palais ducal de Venise, dont toutefois le goût diffère encore sensiblement de celui de nos châteaux construits sous le règne du régime féodal. L’Italie n’eut pas à beaucoup près, dans ce temps, le même système que le reste de l’Europe ; la féodalité n’y poussa point des racines aussi profondes et ne s’y étendit pas sous les mêmes formes. On ne vit pas ce pays hérissé de châteaux forts, dont les seigneurs, en guerre avec leurs voisins et leurs souverains, habitoient des bastions au lieu de palais, et retranchés derrière leurs fossés et leurs ponts-levis, n’avoient guère à s’occuper de la beauté intérieure ou extérieure de leurs habitations. Il paroît certain qu’en Italie, le goût de l’antique architecture ne cessa jamais entièrement, sinon de dominer, au moins d’influer dans les édifices de tous les âges. Trop de modèles s’en étoient conservés, pour que le genre gothique pût en faire disparoître la trace. Aussi le voyons-nous reparoître dès les douzième et treizième siècles. Le quatorzième et le quinzième surtout virent élever à Florence des palais dont les masses et les détails rappellent les formes et les élévations colossales des Romains. Il suffit de nommer Bruneleschi et le célèbre palais Pitti, pour se convaincre qu’aucune tradition, aucun mélange de la bâtisse gothique n’existoit à cette époque.

Cette époque étoit encore celle où l’on ne trouvoit en France que des châteaux qui, construits dans le système de défense militaire alors en usage, n’avoient aucun rapport avec l’architecture greco-romaine, aucune ressemblance avec ce qu’on est convenu d’appeler un palais. Ce qu’on appela même ainsi par la suite, et jusqu’au renouvellement du bon goût, ne fut, dans les demeures des rois, des princes et des grands, que des assemblages de tours rondes ou carrées, réunies dans de grandes cours, par des corps de bâtimens surmontés de toits fort exhaussés, ne présentant au dedans et au dehors que des masses de pierres, percées d’ouvertures sans ornemens. Tel étoit le plan et telles étoient les élévations des palais du Louvre et dus Tuileries avant le seizième siècle. Tel avoit été ce qu’on nomme aujourd’hui le Palais, dont il ne reste plus de trace de son ancienne structure que dans la grande tour qu’on appelle la tour de l’horloge, et dans quelques constructions circulaires du même genre. On peut encore voir des restes de cette ancienne disposition des palais de ce temps au château de Vincennes, malgré les modifications nombreuses que cet ensemble a subies.

Ce type des châteaux forts étoit tellement devenu celui des palais les plus magnifiques, que le palais de Chambord, qui fut la merveille de son temps, et qui fut commencé à bâtir sous François Ier., en 1523, est encore une répétition de la même disposition. Toujours des tours rondes, interrompues par des corps de bâtimens flanqués d’autres tours ; et cependant, à l’époque où s’élevoit ce célèbre château, l’Italie étoit déjà couverte de palais où l’on voyoit revivre, dans toute la régularité des formes et des ordonnances antiques, les masses, les détails, les proportions de la plus belle architecture. Déjà Bruneleschi, Léon-Batista Alberti, Ammanati, Bramante, San Gallo, Scamozzi, avoient élevé ces palais sur lesquels les architectes continuèrent d’aller former leur goût. Il suffit de citer les palais du Vatican, de la Chancellerie, à Rome, le palais Farnèse, le palais Strozzi, à Florence, le palais de Caprarole, par Vignole. Enfin, c’est de cette époque ou à peu près que date cette longue suite de palais, peut-être plus élégans, dont Palladio a donné les modèles, et qui ont si puissamment contribué à répandre le bon goût de l’architecture et à le naturaliser dans toute l’Europe. Voyez Palladio.

Ce goût ne tarda point à entrer en France : Primatice, Serlio et plusieurs autres y furent appelés, et bientôt on vit le Louvre changer tout-à-fait de forme sous le crayon de Pierre Lescot. Enfin, disparurent ces restes de gothicité qui s’opposoient à ce qu’un palais soumis à une ordonnance régulière reçût les formes, les colonnes, les profils de l’architecture grecque. D’essais en essais, de changemens en changemens, le Louvre est enfin devenu un des plus grands et des plus magnifiques ensembles de palais que l’or puisse citer, surtout depuis que, dans le siècle suivant, Perrault eut décoré sa façade d’entrée, de cette superbe colonnade qui lui a donné un extérieur de magnificence, dont on ne sauroit trouver l’égal dans aucun autre palais.

Le dix-septième siècle fut celui peut-être qui vit s’élever, dans la plupart des États, le plus de palais, et les plus riches et les plus somptueux. Malheureusement le goût de l’architecture avoit déjà perdu de sa noblesse et de sa simplicité, et l’amour de la variété en avoit corrompu les formes.

Il faut excepter cependant l’Angleterre, où l’école de Palladio s’étoit naturalisée. On doit regretter que des circonstances funestes aient interrompu, à Londres, l’exécution du magnifique palais qu’Inigo Jones avoit commencé pour les rois d’Angleterre. Un seul fragment qui subsiste de son élévation (le palais de Withall), nous assure qu’elle auroit répondu dans toutes les parties, et sous tous les rapports, à la grandeur du plan le plus vaste et le plus beau qui ait jamais été conçu. Mais, comme on l’a dit au commencement, le sort de l’architecture, en fait de palais, dépend beaucoup de la nature et de la forme du gouvernement. Rien de grand, en ce genre, ne fut plus conçu dans ce pays, depuis la catastrophe de Charles Ier., et le roi d’Angleterre est aujourd’hui le souverain le plus mal logé de toute l’Europe. La réforme d’une part, et la révolution de Cromwel, de l’autre, ont enlevé à l’art de bâtir les seules grandes occasions où il puisse briller, celles d’élever de grands temples et de grands palais.

En Italie, il suffit de nommer Bernin et Boromini, pour annoncer le changement de goût que l’architecture des palais fut forcée de subir. Quoiqu’il y ait loin, sous tous les rapports, du premier de ces architectes au second, qui dénatura tout, cependant il faut convenir que le génie de Bernin devoit produire celui de Boromini. Nous avons assez fait connoître à leurs articles, quelle fut sur l’architecture l’influence du goût de ces deux maîtres. La décoration prit le dessus ; l’ornement corrompit la forme : l’on ne connut plus les grandes masses, les grandes lignes, les grandes proportions.

D’autres mœurs amenèrent aussi avec elles d’autres genres de dispositions. Le luxe changeant de forme et d’objet, la plus grande dépense des palais fut celle des intérieurs, des meubles et d’une multitude de superfluités indépendantes de l’architecture. Tout se rapetissa en dehors des édifices. Si l’on en veut une preuve, on la trouvera dans le vaste palais de Versailles, qui en dehors n’a de grand que la longueur de la ligne sur laquelle il est bâti, et l’étendue de sa superficie, et dont l’élévation mesquine, sans forme, sans caractère, sans idée, sans aucun mérite d’exécution, est restée, pour l’architecture, et ce qui en fait la valeur, au-dessous de tous les palais qui l’avoient précédé depuis deux siècles.

Le goût du grand disparut enfin tout-à-fait, et le dix-huitième siècle n’auroit pas un grand palais à citer, si Van-Vitelli n’eût bâti, à Caserte, celui du roi de Naples, seule entreprise de ce siècle qui, pour la simplicité du plan, l’immensité de la superficie, la grandeur de sa masse et de son élévation, rappelle les travaux des siècles passés.

On a dû voir par les édifices dont on a parcouru si rapidement la série dans cet article, qu’on n’a entendu traiter que des palais des souverains ou de ceux des grands. Nous n’ignorons pas qu’on pourroit faire mention de beaucoup d’autres monumens remarquables auxquels on donne aussi le nom de palais.

Ainsi, l’on appelle palais tout grand édifice qui renferme quelqu’ établissement public. On appelle palais celui où siègent les tribunaux ; celui où les grands corps politiques tiennent leurs séances ; celui où sont placées les administrations ; celui où des institutions quelconques et des compagnies qui ont un rang dans l’Etat, se trouvent réunies.

Beaucoup de ces édifices, chez les différentes nations, ont occupé le génie des architectes, et on en trouve les mentions et les descriptions aux articles biographiques des artistes. Nous y renvoyons le lecteur.

PALANÇONS, s. m. pl. Morceaux de bois qui retiennent les torchis. Voyez Torchis.

PAL-A-PLANCHE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est une dosse affûtée par un bout, pour être pilotée, à l’effet d’entretenir une fondation, un batardeau, etc. Cet affûtement a lieu, tantôt dans la moitié de la planche, tantôt en écharpe, et toujours d’un même sens, afin qu’il soit plus solide. On coupe les dosses en onglet et à chanfrein, pour qu’elles puissent mieux couler dans la rainure qui doit les recevoir.

On appelle vannes les pal-à-planches quand on les couche en long du batardeau.

PALASTRE, s. f. (Terme de serrurerie.) C’est la pièce de fer qui couvre toutes les garnitures d’une serrure, et contre laquelle sont montés tous les ressorts nécessaires à une fermeture.

PALE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) Espèce de petite vanne, qui sert à ouvrir et à fermer la chaussée d’un étang.

PALÉE, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un rang de pieux employés de leur grosseur, espacés assez près les uns des autres, liernés, moisés et boulonnés d’une cheville de fer, qui, étant plantés suivant le fil de l’eau, servent de piles pour porter les travées d’un pont de bois.

PALESTRE ou PALAESTRE. Ce mot vient du latin palœstra, qui lui-même est grec, et chez les Grecs signifioit à la fois lutte et l’endroit, l’édifice où l’on s’exerçoit aux combats gymnastiques. Aussi Vitruve, liv. V, ch. II, le décrit-il comme appartenant aux usages, non de l’Italie, mais de la Grèce.

Dana les palœstres (dit-il) on fait les portiques sur un plan carré-long, de manière que l’espace à parcourir dans leur circuit comprenne deux stades, ce que les Grecs appellent diaulon. Trois de ces portiques sont simples ; le quatrième, qui est tourné vers le midi, est double, afin que les grandes pluies, accompagnées de vent, ne puissent point pénétrer dans l’intérieur. Dans les trois portiques simples, on place des écoles ou exèdres, avec des sièges, où les philosophes, les rhéteurs et autres gens studieux puissent s’asseoir pour discuter entr’eux.

Le portique double est disposé de façon à recevoir ces trois sortes d’emplacemens. Dans le milieu est l’ephebeum, grande école ou exèdre, avec des sièges, qui doit avoir en longueur un tiers de plus que sa largeur. A droite est le coriceum, ensuite le conisterium, puis, et dans l’angle du portique, le bain froid, appelé lutron. A gauche de l’ephebeum est l’eleotesium, suivi du frigidarium, ensuite, dans l’autre angle du portique, est le passage au propnigeum, côté, mais dans l’intérieur, et en face du frigidarium, est située la concamerata sudatio, etc.

En dehors de cet ensemble de bâtimens, il y a trois portiques, l’un au sortir de la palœstre, les deux autres à droite et à gauche, etc.

On peut consulter, sur le reste des détails que donne Vitruve, les destins de Galiani, sans lesquels il est difficile de se faire une juste idée de cette description.

Ce qu’on vient de rapporter suffit pour faire comprendre que la palœstre des Grecs étoit un ensemble de locaux divers, servant aux exercices du corps et à ceux de l’esprit, qui comprenoit plus d’une sorte d’institution, où l’on trouvoit des salles de jeu, des bains chauds et froids, etc. Il nous semble que les Romains, qui, au dire de Vitruve, n’avoient point de palœstre proprement dite, en eurent l’équivalent avec plus de grandeur et de somptuosité, dans ce qu’ils appelèrent des thermes, genre d’édifices où il est assez facile de reconnoître à peu près les mêmes usages.

PALESTRINE. Voyez Præneste.

PALIER ou REPOS, s. m. On donne ce nom à un espace qui, dans toute montée composée de marches ou de gradins, offre à celui qui monte l’occasion d’un repos, et divise ainsi, pour la commodité, en plusieurs séries, la succession des degrés.

Ce qu’on appeloit prœinctiones dans les suites de gradins dont se composoit l’intérieur des théâtres et des amphithéâtres antiques, étoit de véritables paliers servant de repos à ceux qui montoient, et offrant un couloir de circulation pour ne point déranger les personnes assises.

Dans les escaliers des maisons, les paliers sont ordinairement déterminés par les étages. Il est quelquefois dangereux de les multiplier ou de les faire trop courts, parce que l’action de monter ou de descendre dépendant d’un mouvement souvent instinctif, tout ce qui arrête mal-à-propos, ou contrarie ce mouvement, produit des faux pas dangereux.

Les paliers doivent avoir au moins la largeur de deux marches dans les grands perrons, et ils doivent être aussi longs que larges, quand ils sont dans le retour des rampes des escaliers.

On appelle demi-palier un palier qui est carré sur la longueur des marches. Philibert Delorme nomme double marche un palier triangulaire dans un escalier à vis.

Palier de communication. Palier qui sépare deux appartenons de plain-pied, et communique à chacun.

Palier circulaire. C’est le palier de la cage ronde ou ovale d’un escalier eu limaçon.

PALIFICATION, s. f. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est l’opération par laquelle on fortifie un sol avec des pilots. Voyez Mouton et Pilots.

PALISSADE, s. f. Espèce de barrière de pieux fichés en terre, à claire voie, qu’on fait, au lieu d’un petit fossé, au bout d’une avenue nouvellement plantée (par exemple), pour empêcher que les charois n’endommagent les jeunes arbres. Il y a, sans qu’il soit besoin de le dire, bien d’autres emplois de la pratique des palissades.

PALISSADE (Jardinage). On appelle ainsi, dans les jardins, ces rangées plus ou moins serrées d’arbres feuillus par le pied, qu’on taille en manière de mur, contre les murailles des jardins, pour en cacher la clôture, ou qu’on établit des deux côtés d’une allée, entre les arbres qui la forment.

Les palissades faites avec l’arbre qu’on appelle charme, sont celles qui remplissent le mieux ce double objet, tant cet arbre a la propriété de se laisser émonder et conduire à toute hauteur, et au gré de l’usage auquel on veut l’appliquer.

On fait des palissades avec plus d’une sorte d’arbres, selon palissades pays et les productions naturelles qui s’y prêtent.

En Italie, on voit les murs des jardins palissés avec des lauriers, des citroniers, des orangers, qui ont l’avantage d’offrir une verdure perpétuelle.

Dans le Nord, on fait de petites palissades avec de la charmille, de l’if et du buis pour les allées. Les palissades à hauteur d’appui se font avec des jasmins, des lilas, des rosiers, etc.

On fait, dans les jardins réguliers, des palissades qu’on appelle à banquettes, qui n’excèdent jamais trois pieds et demi de haut. Elles servent à borner seulement les allées par en bas, et le reste de l’espace est libre entre les arbres.

La hauteur de semblables palissades doit être les deux tiers de la largeur de l’allée. Si on les fait plus hautes, elles font paroître les allées étroites et les rendent tristes : leur mérite consiste à être bien garnies par en bas.

L’utilité des palissades consiste : 1°. à cacher les murs du clôture, à boucher par endroits des trouées qui produiroient des aspects désagréables, et à procurer des ouvertures aux points de vue qu’on veut méuager ; 2°. à corriger et à racheter les biais qui souvent se trouvent dans un terrain, et les coudes que forment certains murs ; 3°. à servir de clôture aux bosquets, cloîtres et autres compartimens qui doivent être séparés, et où l’on pratique d’espace en espace des renfoncemens le long des allées ; 4°. a revêtir le mur d’appui d’une terrasse ; 5°. à former des niches qui décorent des jets d’eau, des figures ou des vases ; 6°. enfin, à dresser des portiques et à former dus galeries et des arcades.

On appelle palissades crénelées les palissades qui sont couvertes d’espace en espace, en manière de créneaux, au-dessus d’une hauteur d’appui, comme il y en a, par exemple, autour de la pièce d’eau appelée I’Ile royale, à Versailles.

Tondre une palissade, c’est la dresser avec le croissant, qui est une espèce de faux.

PALISSER (Jardinage), v. act. C’est disposer les branches des arbres d’une palissade à un treillage, ou contre un mur de clôture ou de terrasse, en sorte qu’il en soit couvert partout le plus qu’il est possible.

PALLADIO (ANDRÉ), architecte, né à Vicence, en 1518, mort en 1580. On voit par la date de la naissance de Palladio, et conséquemment par celle de l’époque où il put commencer à exercer l’architecture, que déjà cet art, retiré depuis un siècle de la barbarie du moyen âge, rappelé à ses anciens principes, à ses véritables types, aux pratiques du goût des Anciens, par les études d’un très-grand nombre d’artistes célèbres du quinzième siècle, et porté au plus haut point peut-être de la perfection moderne, dans les ouvrages de Bruneleschi, de Léon-Baptiste. Alberti, de Bramante, de Balthazar Peruzzi, des San-Gallo, devoit offrir à leurs successeurs une carrière déjà parcourue avec tant d’éclat, que de nouveaux succès y devenoient plus difficises. Lorsque les premières places semblent toutes occupées, il est assez naturel à ceux qui surviennent, ou de se faire les suivans de leurs prédécesseurs, ou de su créer une fausse célébrité, par la nouveauté qu’on cherche dans le caprice et la bizarrerie.

André Palladio eut le bonheur et le mérite d’échapper à ce double écueil. Après tant d’architectes originaux, il fut encore, non-seulement être original, mais devenir le modèle sur lequel se sont réglés la plupart de ceux qui, dans plus d’un pays, ont fait briller l’art de l’architecture. Son goût devint dominant, et il a donné son nom à une école, c’est-à-dire, à une manière qui n’a pas, depuis lui, eu de rivale ; tant il est vrai qu’il y a toujours une place nouvelle dans tous les arts, pour l’homme à qui la nature a donné le secret de voir, de sentir et de penser par lui-même.

Il faut avouer cependant, qu’en architecture surtout, il faut encore une autre condition. Cet art dépend, bien plus que tout autre, d’une rencontre de circonstances sans lesquelles, comme dans certains lerrains, les meilleurs germes peuvent rester inféconds. Pour qu’il se donne d’habiles architectes dans un temps ou dans un pays, il faut qu’il s’y donne le besoin d’avoir de l’architecture. Or l’architecture, pour être ce que son nom signifie, demande ce qu’elle ne sauroit obtenir, ni de toute sorte de société, ni dans chaque siècle. Une multitude de causes physiques et morales en développent ou en compriment la naissance ou l’essor ; une multitude de circonstances en font naître le besoin, mais sous des formes mes diverses, et à des degrés fort différens.

Les seuls noms des premiers architectes que nous venons de nommer, nous font connoître, dans les monumens qui les ont illustrés, c’est-à-dire par la magnificence, la richesse et la grandeur des temples, des palais, des édifices civils et religieux, une époque où l’architecture étoit comme le premier besoin de la société, où le luxe des grandes familles rivalisoit avec celui des governemens. Ce fut alors que se créa cette suite mémorable des grands ouvrages qui, en Italie, ont marqué l’époque de la grande architecture, c’est-à-dire, de l’art appliqué dans les plus grandes proportions, avec la plus grande solidité et le plus de richesse, à tous les ouvrages commandés par les grands intérêts de la société.

Palladio ne trouva ni dans l’Etat vénitien, ni à l’époque où il parut, c’est-à-dire, vers le milieu du seizième siècle, d’occasions aussi propices à la conception et à l’exécution de ces grandes entreprises. L’Etat de Venise, encore brillant alors par le commerce et par les armes, avoit dû à quelques monumens de l’antiquité, conservés dans ses provinces, à ses anciennes communications avec la Grèce, les traditions du bon goût, et les premiers ouvrages de son architecture ture en font foi. Son gouvernement aristocratique avoit favorisé le luxe des édifices particuliers. La démocratie l’étouffé sous le niveau de l’égalité ; mais le régime de l’aristocratie ne présente d’autre idée, que celle d’une royauté répartie entre plusieurs. Il est dans les intérêts de cet ordre de choses, que la classe privilégiée qui gouverne, fasse sentir au dehors son importance. Elle ne sauroit mieux le faire pour la multitude, que par la distinction et la supériorité des demeures. De-là l’espèce d’étiquette imposé à chaque membre du Gouvernement, de proportionner à son rang l’extérieur de son habitation, et de-là des causes favorables à l’architecture des palais, soumis toutefois à de moindres dimensions que ceux des princes et des monarques.

Telle fut la carrière qui s’ouvrit à Palladio : il n’eut à créer ni de vastes églises, ni de ces palais de souverains, ni de ces grands monumens d’utilité publique, dont l’inconvénient ordinaire fut d’user les talens successifs et divers de plusieurs architectes. L’état politique de son pays lui présenta une classe nombreuse de citoyens enrichis et distingués, jaloux de laisser un souvenir de leur existence, dans des demeures auxquelles ils attachaient leur nom. L’époque dont on parle fut aussi pour Venise, comme il arrive surtout dans les pays dont le commerce augmente les fortunes, une époque de renouvellement pour l’art de bâtir. Alors, une sorte de courant de mode porte chacun, de proche en proche, à suivre le ton dominant. Palladio contribua beaucoup à augmenter ce mouvemeut, C’étoit à qui auroit un projet de lui : les campagnes des environs et les rives de la Brenta s’embellirent d’une suite de palais ou de maisons de plaisance, qui sont devenues l’école de l’architecture civile.

La supériorité du goût de Palladio, ou ce qui a donné à son école une plus grande autorité, tient à ce qu’il a plus soigné ses plans qu’on ne l’avoit fait avant lui, qu’il les a rendus plus accommodés aux besoins des temps modernes, et aux facultés des fortunes moyennes ; qu’il a su faire du grand sans de grandes dimensions, et de la richesse sans beaucoup de dépense ; qu’il a eu le secret d’approprier les ordres aux façades des palais avec une élégance toute nouvelle ; d’employer les ressources des matériaux divers, et d’en faire servir la variété à la décoration des bâtimens ; qu’enfin, il a mieux qu’aucun autre trouvé, dans l’imitation de l’antique, cet heureux milieu de correction sans pédanterie, de sévérité sans affectation, de liberté sans licence, qui a rendu l’architecture et les ordonnances des Grecs propres à tout pays, applicables à tous les usages, à tous les genres de matériaux, dans toutes les sortes de bâtimens, en petit comme en grand, et selon tous les degrés de fortune de ceux qui bâtissent.

De fait, après que l’architecte a formé son style sur les grands modèles de l’antiquité, et y a puisé les raisons fondamentales et les principes de proportion, sur lesquels repose tout le système de l’architecture, lorsqu’il a étudié dans les grands ouvrages de Rome moderne et de Florence, les applications faites de ces lois aux mœurs el aux convenances d’un ordre de choses tout-à-fait différentes, il semble qu’il ne peut pas se dispenser d’aller chercher dans les œuvres de Palladio le secret d’un genre d’applications encore plus usuelles aux travaux que noire état social exigera de lui, d’y étudier l’art de faire plier tour à tour et nos besoins aux plaisirs d’une belle


architecture, el l’agrément de celle-ci, aux nécessités et aux sujétions sociales actuelles.

C’est ainsi que le goût de l’école de Palladio a trouvé comme une seconde patrie en Angleterre, où Inigo Jones, Wreen, Gibb, Chambers et plusieurs autres ont naturalisé ses plans, ses façades de bâtiment, l’ajustement heureux de ses formes, de ses profils, de ses ordonnances, et la style de ses détails.

Le style de Palladio a une propriété qui devoit le propager ; c’est (comme on l’a dit) une espèce de moyen terme entre cette austérité de système, dont quelques esprits exclusifs abusent dans l’imitation de l’antique, et les doctrines anarchiques et licencieuses de ceux qui se refusent à tout système, parce qu’aucun ne peut recevoir d’application universelle, et qui soit sans exception. Il y a dans les édifices de Palladio, une raison toujours claire, une marche simple, un accord satisfaisant entre les lois du besoin et celles du plaisir ; une telle harmonie enfin, qu’on ne sauroit dire lequel a commandé à l’autre. Sa manière présente à tous les pays une imitation facile ; son mérite est bien ce qui a produit cette facilité, mais cette facilité même d’être adaptée à tout, est ce qui proclame son mérite. Aussi estil vrai de dire que Palladio est devenu le maître le plus universellement suivi dans toute l’Europe, et, si l’on peut dire, le législateur des Modernes.

L’homme qui eut tant d’élèves paroît ne l’avoir été lui-même de personne. On ne cite aucun architecte de son temps dont Palladioait suivi les leçons. Si on l’en croit, et ce qu’il dit de lui dans la préface et l’épître dédicatoire du premier livre de son Traité d’Architecture entraîné dès son jeune âge, par un goût naturel, vers l’étude de cet art, il n’eut pour guide et pour maître que Vitruve. Ses études faites ainsi dans sa jeunesse, démentent l’opinion fondée sur une simple tradition, qu’il auroit perdu ce temps si précieux dans des travaux mécaniques et subalternes. La seule intelligence de Vitruve suppose un sujet déjà versé dans plus d’un genre d’études. Aussi Temanza assure-t-il que, dès l’âge de vingt-trois ans, Palladio avoit déjà acquis des notions de géométrie el de littérature, premiers degrés nécessaires pour arriver au savoir qu’exige l’architecture.

Quelques-uns ont cru toutefois que le célèbre littérateur Trissino auroit pu contribuer à son instruction dans cet art, et influer sur la direction de son goût. On l’a encore conclu de la mention honorable que Palladio, dans son Traité déjà cité, a fait de Trissino ; mais de cela même qu’il n’en parle point, comme ayant été son maître, on doit conclure que cela ne fut point, tant l’intérêt même se seroit uni à la reconnoissance, pour engager l’artiste à se vanter d’avoir reçu les leçons d’un homme aussi célèbre.

Quoi qu’il en soit, il dut, sans doute, à son savoir et à son amitié, les encouragemens qui lui facilitèrent les moyens de faire de rapides progrès ; et, par exemple, on voit qu’il fit, avec son zélé protecteur, trois fois le voyage de Rome.

Palladio ne tarda point à s’apercevoir de l’insuffisance des études restreintes aux écrits de Vitruve, de Léon-Baptiste Alberti et des autres maîtres, ses devanciers. Il se livra en entier à l’exploration des monumens antiques, mais non point superficiellement, comme ceux qui ne veulent qu’en copier les œuvres. Lui, il voulut les imiter dans leurs raisons et leurs principes, dans leurs détails et leur ensemble. Non content de relever les parties des édifices ruinés que le temps a épargnées, il interrogea leurs fondations, et recomposant, d’après leurs fragmens, ces restes mutilés, il fut des premiers à redonner, dans de savantes restaurations, l’idée complète de leur état primitif.

Une lettre de Trissino, en date de 1547, nous apprend que cette même année Palladio, âgé de vingt-neuf ans, revint se fixer dans sa patrie, qu’il devoit enrichir des dépouilles de Rome. On est assez d’accord qu’il eut quelque part dans la construction du palais ou hôtel-de-ville d’Udine, commencé par Jean Fontana : du moins Temanza, bon juge en cette matière, assure que le goût de Palladio y est écrit sur plus d’un endroit en caractères fort lisibles.

Mais une plus grande entreprise devoit bientôt donner l’essor à son talent : nous voulons parler de ce qu’on appelle la Basilique de Vicence, ancienne construction, dans le goût qu’on nomme tudesque ou gothique en Italie. C’est une vaste salle, jadis aussi environnée de portiques, où il paroît qu’on rendoit la justice, et qui fut, sans doute, une tradition des anciennes basiliques chez les Romains. Le laps des siècles et divers accidens l’avoient réduite à un état ruineux, et dès le quinzième siècle, on avoit fait, surtout aux portiques extérieurs, de graves réparations qui n’aboutirent qu’à retarder les progrès du mal. Il devint si menaçant, que plusieurs architectes furent consultés pour trouver le meilleur moyen de conserve au moins le corps de bâtiment ou la grande salle, en lui donnant pour contre-forts de nouveaux portiques extérieurs. Jules Romain, alors fixé à Mantoue, donna un projet de cette restauration, mais celui de Palladio obtint un plus grand nombre de suffrages ; il eut la préférence.

Rien de plus difficile en architecture, que de raccorder à un reste de bâtiment obligé, un ensemble nouveau, qui ne paroisse point un horsd’œuvre disparate, et où rien ne fasse sentir la gêne imposée à l’artiste. Ce fut certainement un coup de maître de la part de Palladio, d’avoir appliqué au support de cette ancienne construction, une ordonnance de portiques si bien en rapport avec elle, que personne ne soupçonnerait que ce fût un édifice dû à des temps si divers et à


des styles si étrangers l’un à l’autre. L’architecte imagina d’élever tout à l’entour deux rangs de galeries, dont l’inférieur a un ordre dorique, et le supérieur est orné d’un ionique. Ces colonnes, tant celles d’en haut que celles d’eu bas, sont adossées à des piédroits, et séparées par des arcades, dont la retombée porte sur de petites colonnes isolées. L’entablement dorique est orné de triglyphes et de métopes. L’ionique supporte une balustrade servant d’appui à une terrasse qui règne dans tout le pourtour, et au-dessus de laquelle s’élève comme une espèce d’attique orné de pilastres, percé de jours circulaires, qui sont de l’ancienne construction, et répandent la lumière dans l’intérieur de la salle. Il faut examiner le plan et les coupes de tout le monument dans son état actuel, pour pouvoir se rendre compte de l’intelligence avec laquelle Palladio a su établir la plus exacte correspondance, entre les colonnes de sa nouvelle ordonnance extérieure, et les piliers gothiques de l’intérieur. La beauté de la pierre, la pureté de l’exécution, la finesse et la correction des détails ajoutèrent un prix nouveau à cette entreprise. Voyez au mot BASILIQUE MODERNE, une plus ample description de ce monument.

La réputation qu’elle lui acquit lui valut l’honneur d’être appelé à Rome, où il retourna pour la quatrième fois. Il s’agissoit de concourir aux projets de la nouveIle basilique de Saint-Pierre, mais le pape Paul IIl mourut avant son arrivée. Trissino l’avoit recommandé au pontife pour succéder à San-Gallo, et Trissino mourut aussi bientôt après. Cependant Palladio fut mettre à profit ce nouveau séjour à Rome. Il se mit a mesurer encore, à revoir et à redessiner le plus grand nombre des édifices antiques, tels que théâtres, amphithéâtres, arcs de triomphe, temples, tombeaux, thermes, etc. Il est à croire que ce fut aussi alors qu’il eut l’occasion de faire exécuter, à Rome, quelques projets de son invention, à moins qu’on ne les rapporte à un autre voyage ; car Rome le vit cinq fois, et toujours occupé de ses antiquités.

C’est à ces études réitérées qu’il dut de publier, en 1554, un petit ouvrage sur les monumens antiques, qui, bien qu’assez abrégé, fut reçu avec applaudissement, et réimprimé, tant à Rome qu à Venise.

De retour, et définitivement fixé dans sa patrie, Palladio commença à y jouir d’une réputation exclusive. C’étoit à qui auroit un palais de ville ou de campagne exécuté sur ses dessins ; et ici commenceroit, si l’étendue de cet article le permettoit, la description de cette nombreuse série d’édifices si variés dans leurs plans et leurs élévations, si ingénieux dans leur composition si élégans et d’un goût si exquis, dont les villes et les campagues de l’Etat vénitien nous offrent le recueil.

Mais comment faire connoître par le discours, des beautés sur lesquelles le discours n’a aucune prise ? Une nouvelle difficulté est venue se joindre à celles que de semblables descriptions font éprouver à l’écrivain. En effet, le plus grand nombre des ouvrages de Palladio, comme on l’a dit, fut exécuté pour les demeures de riches particuliers, de familles opulentes et illustres, dans leur pays. Or, par quel nom désigner aujourd’hui la plupart de ces élégans palais, de ces charmantes maisons de campagne, qui, par l’effet des révolutions et du temps, ont changé de propriétaires ? Il en faudroit aujourd’hui une description nouvelle, ou pour mieux dire, il faudroit faire une nouvelle œuvre de Palladio, où chacun de ses ouvrages seroit désigné par le nom de la ville, de la rue, de la campagne, où il existe. L’ancienne nomenclature ne peut presque plus nous servir.

Au lieu donc d’en suivre les notions, telles que les donnent les biographies, sous leurs anciens noms, nous allons nous contenter de classer les palais de ville et de campagne de Palladio, sous le seul rapport des variétés de leur architecture.

On peut affirmer qu’il y a épuisé presque toutes les combinaisons que les diversités des ordres grecs, leurs nombreuses applications aux formes et aux besoins de la construction, les procédés de l’art de bâtir, l’emploi de tous les types, de tous les matériaux, peuvent sournir au génie inventif de l’architecte.

Dans les palais de ville, Palladio sut réunir avec beaucoup de propriété l’usage des portiques et l’emploi des ordres de colonnes. Volontiers le rez-de-chaussée de ses édifices se compose d’arcades, quelquefois simples et sans bandeau, comme on le voit au palais qu’on croit avoir été construit par lui pour Trissino, où des niches carrées sont percées dans le massif des piédroits, lorsqu’au-dessus d’autres petites niches circulaires renferment des bustes. D autres fois ses portiques servent de soubassement rustique à l’étage supérieur ou à l’ordonnance qui le décore. Personne n’a employé avec plus de réserve et d’élégance à la fois, le genre rustique. Les bossages sont dans l’heureux emploi que l’architecte sait en faire, ce que, dans la peinture, sont les ombres et les moyens d’opposition, qui résultent de la diversité des tons et des couleurs. Tel est l’effet des matériaux rustiques, dans l’ensemble des devantures ou des façades des palais ; en même temps qu’ils servent à fixer par le plus ou le moins de force et de saillant qu’on leur donne, le caractère plus ou moins grave de l’ordonnance, ils forment un contraste plus ou moins sensible avec ce qui les environne. Mais ils ont surtout l’avantage de donner un grand air de solidité à la bâtisse. Palladio ne porta point, comme on l’avoit fait avant lui à Florence, l’abus du bossage à cet excès qui semble ne devoir convenir qu’à des murs de forteresses ou de prisons. Il fut en varier avec goût les compartimens, il fut en tempérer l’austérité par des nuances légères, et par un accord si bien raisonné entre les vides et les pleins, entre la masse générale et ses détails, que l’œil trouve dans ces variétés un agrément d’autant plus vif, que le genre sembloit le moins devoir s’y prêter.

Telle est l’impression que produit le magnifique palais, connu sous le nom de Tiene. Palladio lui-même, en nous apprenant qu’il avoit disposé le côté de ce palais regardant la place, de manière à admettre des boutiques, qui ont dans le cintre des arcades, un entre-sol, nous fait peut-être entendre que ce motif put le porter à donner un caractère massif à ce soubassement. L’étage principal ayant onze croisées de face dans chacun de ses quatre côtés, est orné de pilastres corinthiens, accouplés aux angles ou sur quelques trumeaux plus larges, isolés sur tous les autres, et se détachant sur un mur découpé de simples refends. Les fenêtres sont à frontons alternativement angulaires et circulaires, portées par de petites colonnes entrecoupées de bossages, lesquels, avec les claveaux également en saillie de la platebande des croisées, rappellent le style du soubassement.

Il est, sans doute, à regretter qu’un aussi bel ensemble n’ait pas reçu son entière exécution. On ne s’en forme l’idée générale que dans le grand Recueil des Œuvres de Palladio, publié à Vicence, en 1786.

Palladio, dans son Traité d Architecture, où il traite également des édifices de l’antiquité, s’est souvent permis de produire les dessins des siens propres, comme exemples d’autant mieux faits pour expliquer Vitruve, que nourri de tous les modèles des ruines de Rome et d’autres pays, ce fut souvent à l’instar des fabriques antiques, qu’il imagina, composa et distribua les palais dont il étoit chargé.

Ainsi le voyons nous dans le palais qu’il bâtit à Vicence, pour un seigneur de cette ville, qu’il nomme Joseph de’ Porti, en établir le plan de la manière la plus symétrique, sur un terrain qui, faisant face à deux rues, lui donna lieu de répéter, d’un côté comme de l’autre, et la même distribution intérieure, et la même élévation extérieure. Ce sont comme deux maisons semblables, réunies par une seule et même cour. Celle de devant, dit-il, est à l’usage du maître, celle de derrière sera pour les étrangers selon la pratique des maisons grecques, qui avoient ainsi deux corps-de-logis distincts. Ce double palais se compose d’un rez-de-chaussée à arcades et en bossages peu ressentis, formant le soubassement d’une ordonnance de colonnes ioniques, qui séparent les sept fenêtres de la façade. Au-dessus s’élève un attique, percé d’autant de petites fenêtres carrées, dont les trumeaux sont occupés par des statues, à l’à-plomb des colonnes. Les fenêtres du premier étage sont à chambranles, ornés de frontons alternativement angulaires et circulaires. La cour est environnée d’une galerie formée par de belles colonnes à chapiteau composite, et coupées par la balustrade de la galerie supérieure, qui répond aux fenêtres du premier étage.

Palladio ne s’est presque jamais répété dans une seule de ses nombreuses compositions. Il dispose de tous les moyens de l’architecture avec pleine liberté. Ici il établit deux ordres de colonnes adossées ; là il use de pilastres, dont la hauteur embrasse l’étage d’en bas et l’étage supérieur ; tantôt il place les colonnes de ses devantures sur de très-hauts piédestaux, qui sont exhaussés eux-mêmes sur des socles ; tantôt il accouple les ordres, et donne aux colonnes une base commune ; tantôt il fait le contraire. Ici, comme au palais Valmanara, un soubassement d’arcades toutes lisses supporte un péristyle de colonnes doriques, dont les entre-colonnemens sont inégaux, et partout on sent l’action d’un génie rempli de toutes les richesses de l’art, toujours conduit par les principes du beau, mais jamais esclave d’aucune méthode exclusive. Tout ce qu’une sévérité de principes absolue pourroit regarder comme abus ou comme licence, reçoit de l’harmonie de sa composition et de l’élégance de ses formes, un tel charme, qu’on est toujours porté à croire que le mieux y auroit été l’ennemi du bien.

Il y a en architecture, comme en tout genre, des esprits portés à n’admettre que des règles inflexibles, et qui semblent croire que c’est aux hommes, aux temps, aux besoins, à se faire aux règles, comme si la règle du convenable n’étoit pas l’effet de toutes les causes préexistantes. Palladio semble avoir eu pour objet de montrer que tout ce qu’il y a de beau et de bon dans l’architecture des Anciens, peut convenir à tous les temps, à tous les pays, avec les modifications que les Anciens ont admises eux-mêmes dans leurs ouvrages. D’après sa manière d’imiter les Anciens, il paroîtroit n’avoir eu d’autre système que de faire, comme feroient les mêmes Anciens, s’ils revenoient exercer leur art chez les Modernes. De-là cette application libre, facile et spirituelle, des masses, des lignes, des plans, des ornemens de l’antique, a toute construction.

On ne sauroit parcourir la suite nombreuse des charmantes maisons de campagne, dont il a embelli le Vicentin et les Etats de Venise, sans se croire transporté dans l’ancienne Grèce, ou sur le territoire, si riche en ce genre, de Rome et de ses environs.

C’est là que Palladio a donné l’essor à son imagination : disposant à volonté de terrains bien moins circonscrits que ne le sont ceux des villes, il s’est plu à embrasser dans l’ensemble de ses plans, toutes les sortes d’accompagnemens, qui servent, si l’on peut dire, de cadre au corps principal du bâtiment.

Faute de pouvoir nous livrer, dans cet article, à la description détaillée de toutes ces inventions, c’est au Traité d’Architecture de Palladio que nous renvoyons le lecteur. Il y verra avec plaisir l’auteur lui-même énumérer et décrire, soit par le discours, soit par le dessin, cette multitude de maisons bâties par lui, et dont chacune semble un de ces projets composés de fantaisie, dont l’imagination de l’architecte aime à fixer sur le papier l’exécution peu dispendieuse. Ici, il verra la maison de campagne s élever au fond d’une spacieuse avant-cour fermée de portiques circulaires ; là, elle se trouve flanquée de bâtimens, dont les ordonnances viennent se réunir au corps principal. Ailleurs, le bâtiment d’habitation se compose de quatre corps chacun, avec son péristyle, et réunis dans le milieu par une coupole. De grands portiques conduisent ordinairement à la maison, et l’architecte s’est étudié à varier les plans de tous ces accessoires, autant que les façades et les élévations de son édifice. La plus grande symétrie règne dans les plans, et toujours on trouve dans l’aspect du bâtiment, un motif ingénieux qui naturellement y produit un effet pittoresque. Ajoutons qu’à toutes ces inventions président un goût sage, une exécution pure, un choix de formes et de matériaux heureusement combinés, sans que jamais la bizarrerie s’y montre. On n’y voit ni frontons rompus, ni ressauts inutiles, ni formes contournées, ni détails découpés ; toujours la ligne droite ou la courbe régulière ; rien de mixtiligne dans les plans ; point d’ondulation dans l’élévation, point d’entablemens brisés ou chantournés.

Disons-le enfin, telle fut l’abondance des inventions de Palladio, en ce genre, et telle la multitude des entreprises offertes à son génie, ou auxquelles son génie donna lieu, qu’on peut affirmer qu’il est peu de bâtimens exécutés depuis lui en divers pays, qui ne lui aient payé un tribut d’imitation. Une opinion généralement répandue le confirme. C’est du Palladio, dit-on, quand on veut louer, en fait de maison de ville ou de campagne, l’ouvrage d’un architecte moderne.

Le nom de Palladio, déjà connu dans toute l’Italie, avoit aussi, depuis quelque temps, retenti à Venise. Il venoit de construire près de cette capitale, sur les rives de la Brenta, le beau palais Foscari, si remarquable par la simplicité de sa masse, la belle proportion et la noblesse de son péristyle en colonnes ioniques. Sansovino, âgé de quatre-vingts ans, touchoit au terme de sa longue vie : il fut des premiers à proclamer Palladio pour son successeur, et il lui céda le sceptre de l’art.

Le premier ouvrage de celui-ci, à Venise, fut le monastère des chanoines de Saint-Jean-de-Latran de la Charité. Nourri de toutes les idées de l’antiquité, Palladio forma le projet de réaliser, dans la conception de son édifice, le plan donné par Vitruve de la Maison des Romains. Sur ce programme, il construisit, à l’entrée, un bel atrium corinthien, conduisant à une cour environnée de portiques, qui, par toutes ses dépendances, se rattachoit aux bâtimens d’habitation, à l’église et aux salles de services nécessaires. Déjà beaucoup de ces constructions étoient achevées, lorsqu’un incendie vint en détruire la plus grande partie. De tout cet ensemble, il n’est resté qu’un côté de la grande cour, une des salles et l’escalier en limaçon.

Dans le même temps on construisoit, sur ses dessins, le beau réfectoire de Saint-George-Majeur. Les religieux, enchantés du style pur et gracieux de Palladio, résolurent d’abattre leur ancienne église, en le chargeant d’en construire une nouvelle. C’est un des principaux ouvrages de notre architecte, et il y fit preuve d’autant de goût que de jugement, dans la manière d’adapter les maximes, les formes et les proportions de l’architecture antique, aux données, aux besoins et aux habitudes des Modernes, dans les églises chrétiennes, si différentes en tout des temples payens.

C’est ici que se montre bien à découvert cet esprit dans lequel nous avons déjà dit que Palladio sut imiter les Anciens, non pas en se plaçant dans leur siècle, mais en supposant ce qu’ils feroient eux-mêmes si, revenant au monde, ils se trouvoient dans le sien. Le système des Anciens dans la composition de leurs monumens, et, pour mieux dire, dans le développement qu’ils donnèrent à leur architecture, fut d’asseoir la forme extérieure de chaque genre d’édifice sur une raison élémentaire, puisée dans la nature des choses, c’est-à-dire, sa nature des usages consacrés par le besoin. Ce fut ainsi qu’à partir des premiers types qui servirent de rudimens aux parties constituantes de leurs ordonnances, ils se réglèrent progressivement dans le caractère de chaque monument, sur la forme primitive que la nécessité et les convenances qui en procèdent, lui avoient imprimée.

Palladio fit de même. Il ne trouva plus de rapport naturel entre la forme du temple payen et celle de l’église chrétienne. Au lieu de faire violence aux usages, aux dimensions, aux constructions, aux opinions reçues, il partit du type des basiliques chrétiennes, comme d’une donnée à laquelle l’art de la disposition et de la décoration se devoit conformer. L’usage étant d’élever très-haut la nef principale de l’église en lui subordonnant les nefs collatérales des bas côtés, il conserva cette division dans le frontispice de Saint-George-Majeur. Son portail se compose donc d’un grand ordre, exhaussé sur des piédestaux, et portant un fronton qui arrive au sommet du toit de la grande nef. Il suppose ensuite que les bas côtés auroient reçu un fronton commun, qui se trouve coupé par le grand ordre, et dont l’architecture a conservé seulement les parties rampantes avec l’entablement, que soutient un ordre de pilastres, de la moitié moins hauts que les colonnes du milieu. Ainsi se trouve accusée et laissée à découvert la disposition du corps de In construction de l’église ; et ce parti, qui n’est pas sans objection si l’on veut y appliquer la mesure d’une critique absolue, paroîtra toujours plus raisonnable, que ces devantures de portail qui, ne tenant en aucune manière au système de la bâtisse, ne semblent être que des placages et des hors-d’œuvres postiches.

L’intérieur de l’église de Saint-George-Majour forme une croix latine, dont les quatre nefs sont réunies par une coupole. On y trouve partout un caractère sage, une exécution précieuse, et un style de détails simples, nobles et bien ordonnés. Le chœur, qui semble avoir été une addition au plan primitif, offre une imitation si exacte de l’antique dans l’ordonnance des fenêtres, qu’on croît y reconnoître la disposition des niches du temple vulgairement appelé temple de Diane, à Nimes, que Palladio avoit vu, dessiné et mesuré avec les autres antiquités de celle ville.

Il suivit le même système de façade dans le frontispice qu’il fut chargé de faire à l’église de San-Francesco della Vigna, ouvrage de Sansovino, qui lui avoit destine un autre portail. Mais le projet de Palladio eut la préférence. C’est encore un grand ordre corinthien, placé en avant et jusqu’à la hauteur de la grande nef, et coupant l’entablement d’un petit ordre adapté aux bas côtés, qui sont indiqués par une portion de la pente de leur toit.

Le Sénat chargea Palladio de la construction de l’église du Rédempteur, monument élevé en actions de grâce de la cessation de la peste, qui fit les plus grands ravages en 1576. On admire la simplicité du plan intérieur, la noblesse de son ordonnance corinthienne, et l’heureuse disposition des chapelles latérales qui occupent la place des bas côtés et en tiennent lieu, jusqu’à un certain point, par l’effet d’un passage qui conduit d’une chapelle à l’autre. Palladio fut encore fidèle au parti de décoration qu’il avoit adopté dans les frontispices d’église. Toujours portions rampantes de fronton pour les bas côtés ; toujours un grand ordre, avec fronton, pour la nef : ici toutefois le fronton s’élève moins haut. Il y a au-dessus un attique qui va chercher la croupe du toit de l’église.

On attribue encore à Palladio d’autres églises d’une moindre dimension, mais qui, quand même elles seroient son ouvrage, ajouteroient peu de chose à la gloire de leur auteur.

Ces grands travaux n’empêchoient pas le célèbre artiste vicentin de travailler pour sa ville, où l’on se faisoit un devoir de le charger de tous les ouvrages importans. Ainsi, en 1561, on lui demanda les plans d’un théâtre qu’on vouloit construire dans la grande salle de la Maison de ville, pour y représenter la tragédie d’Œdipe. A Venise, il éleva un théâtre que décora Frédéric Zaccaro : on le conserva long-temps comme modèle en son genre, jusqu’à ce qu’un incendie eut consumé la plus grande partie des bâtimens du monastère où il étoit situé.

Palladio eut encore d’assez fréquentes occasions de déployer les richesses de son imagination, dans les fêtes publiques auxquelles divers événemens donnèrent lieu de son temps. C’est alors qu’on le voyoit reproduire en monumens temporaires, toutes les magnificences de l’architecture antique : arcs de triomphe, colonnes triomphales, obélisques, fontaines, groupes de figures, colosses de tout genre. Le passage de Henri III par Venise, lorsqu’il quitta la Pologne pour monter sur le trône de France, donna aussi lieu à des réjouissances, dont le génie de Palladio fit les frais. La représentation de cette entrée triomphale s’est conservée dans un tableau d’André Vicentino, et fut décrite par Marsilio della Croce.

Un événement désastreux, arrivé en 1567, le mit dans le cas de montrer son talent dans un autre genre. La Brenta débordée ayant renversé le pont de Bassano, Palladio composa le dessin d’un nouveau pont en pierres, dont on voit la figure au chapitre IV du 3e. livre de son Traité d’Architecture. L’énormité de la dépense effraya les habitans : on se réduisit à lui demander un pont de bois, qui fut exécuté en 1570, et dont on voit la figure au chapitre IX du livre susdit. Ce pont de cent quatre-vingts pieds de long sur vingt-six de large, est d’une simplicité remarquable. Il est couvert d’une galerie à jour, supportée par des colonnes qui servent aussi à l’agrément du coup d’œil.

Palladio étoit aussi instruit dans l’art de l’antique architecture, que dans la science de la construction des Anciens et de leurs procédés mécaniques de charpente. Ayant lu, dans les Commentaires de César, la description du pont de bois que ce grand capitaine avoit fait jeter sur le Rhône, il essaya d’en réaliser, par le dessin, les savantes combinaisons, dans un pont, dont on peut voir, au livre déjà cité, les intéressans détails. On y admire encore le projet d’un pont de magnificence, pour une grande capitale. Palladio pensoit à Venise, et ce pont auroit dû être celui de Rialto, qu’on projetoit depuis long-temps de construire en pierres sur le grand canal. Déjà Michel Ange et Fra-Giocondo avoient présenté des dessins pour ce projet toujours resé sans exécution. D’autres concurrens se mirent sur les rangs, et on compte dans le nombre Sansovino, Scamozzi, Vignole, Palladio et Ant. Delponte. Le modèle de ce dernier fut préféré ; ce qui prouve que le résultat de la concurrence n’est pas toujours, en pratique, ce qu’on se le figure en spéculation.

Nous avons cru devoir supprimer, dans cet article, l’énumération très-inutile, si elle n’est accompagnée de descriptions, et la description toujours insuffisante sans le dessin qui parle aux yeux, des innombrables projets de palais ou de maisons de campagne, exécutés par Palladio, dans tout le territoire de Venise, et dans toutes les villes voisines. Le choix de quelques-uns de ces édifices n’eût pus été moins embarrassant, et chacun auroit pu se plaindre de la préférence qu’on auroit donnée à l’un au préjudice de l’autre. Il nous a semblé plus convenable de faire ressortir le goût de l’artiste, et d’indiquer l’influence qu’il a exercée sur toute l’Europe, par la manière ingénieuse, facile et agréable, dont il a su appliquer les formes de l’art antique aux besoins et aux sujétions des usages modernes.

Nous nous sommes donc bornés à parcourir ses nombreux travaux, sous le rapport qui peut le mieux en faire sentir le mérite, Nous n’avons point omis toutefois de faire une mention particulière des principaux monumens sur lesquels sa réputation se fonde avec plus d’éclat. Il nous reste à parler de celui qui occupa les dernières années de sa vie, et dans lequel il s’est montré le digne émule et continuateur des architectes grecs et romains.

Nous voulons parler du théâtre olympique de Vicence.

L’académie olympienne de cette ville venoit de remettre en honneur le théâtre des Anciens, dans des imitations faites en italien, des œuvres des poëtes grecs et romains. C’étoit pour de semblables représentations, comme pour la Sophonisbe de Trissino, que Palladio avoit élevé, en plus d’un endroit, des théâtres temporaires. L’académie, fatiguée d’avoir à changer sans cesse de lieu, résolut d’établir, dans son emplacement, un théâtre fixe et durable. Comme tout étoit à l’antique alors, pièces, sujets, mœurs et facture des poëmes ; l’idée d’imiter aussi l’antique dans la construction, la forme et la décoration, tant de la scène pour les acteurs, que du théâtre pour les spectateurs, fut une idée toute simple et toute naturelle. Vicence possédoit encore l’artiste le plus versé dans l’intelligence de l’antiquité, sur ce point, et qui avoit déjà fourni à Daniel Barbaro, pour son Commentaire sur Vitruve, les lumières que la pratique et l’étude de cette partie lui avoient fait acquérir.

Palladio fut donc chargé de cette entreprise, où il montra autant de savoir que d’intelligence ; mais surtout il y fit preuve, comme dans tout le reste, de ce bon esprit qui sait accommoder aux lieux, aux terrains, aux sujétions données, les types et les formes des modèles antiques. Gêné par le terrain, Palladio s’écarta des règles de Vitruve, dans la formation de son théâtre, auquel il donna la forme elliptique, au lieu de celle d’un demi-cercle. Au-dessus des gradins du théâtre, il éleva une belle colonnade corinthienne, supportant un entablement avec des statues, et procurant une galerie supérieure et inférieure, à laquelle toutefois il ne put donner une entière continuité, gêné qu’il fut par l’espace de la rue qui lui est contiguë. Mais l’aspect et la symétrie y perdent fort peu.

Il disposa la scène selon la méthode antique, c’est-à-dire, qu’il construisit, en face des gradins du théâtre, une magnifique devanture, formée de deux ordonnances de colonnes, l’une au-dessus de l’autre, et couronnées par un attique. Rien n’est plus propre à nous donner une juste idée de la décoration de la scène, dans les théâtres des Anciens, où, comme l’on sait, l’architecture se permettoit des libertés, qu’on doit appeler quelquefois excessives. C’est là, et les notions de Pline, sur ce sujet, nous le confirment, que le luxe décoratif et l’abus de la richesse ne connoissent point de terme. Palladio, à cet égard, nous paroît être resté dans des bornes très-raisonnables. Il y a une grande sagesse dans la disposition des ordonnances, et beaucoup plus de sobriété d’ornemens qu’on ne pourroit le croire. Les statues étoient jadis prodiguées par centaines à l’embellissement des théâtres. Il semble que Palladio se soit aussi étudié à les multiplier. Si cependant on excepte celles qui s’adossent aux colonnes du second ordre, on avouera que toutes les autres y sont placées avec autant de convenance que d’économie.

Quant aux détails, ils sont parfaitement conformes aux pratiques de l’antiquité. Ce sont les mêmes percées, laissant voir par les ouvertures des portes les décorations peintes sur des prismes mobiles. Palladio n’eut pas l’avantage de terminer ce monument. Il fut achevé par son fils, sur ses dessins. Comme ce fut son dernier ouvrage, nous terminons aussi par lui la mention de ses travaux.

Les études, les voyages, les fatigues de son état, paroissent avoir altéré sa santé et abrégé ses jours, à un âge où il auroit pu produire encore beaucoup d’ouvrages, et donner la dernière main à ceux qu’il avoit commencés. Il mourut à Vicence, le 19 août 1580, âgé de soixante-deux ans, vivement regretté des habitans d’une ville qu’il avoit illustrée et embellie par les œuvres de son génie.

Les académiciens de la Société olympique lui rendirent les derniers devoirs, et composèrent, en son honneur, un grand nombre de pièces de vers.

Palladio avoit eu trois fils, Léonidas, Horace et Scilla. Un sonnet d’Horace, qui s’est conservé, prouve que ce jeune homme avoit profité de l’éducation qu’il avoit reçue. Scilla fut celui qui succéda à son père dans les entreprises d’architecture. Léonidas l’aida dans quelques-uns de ses travaux littéraires, comme les notes sur les Commentaires de César.

En effet, Palladio réunissoit à la science de l’architecture, une érudition peu commune. Son Traité d’Architecture est un monument qui dépose à la fois de son talent, comme artiste, et de son savoir comme érudit et antiquaire. Le succès de ce traité fut tel, que dans l’espace de soixante-douze ans, on en fit, à Venise, trois éditions. Depuis, il a été publié et traduit dans toutes les langues.

C’est surtout en Angleterre que le style de Palladio s’est propagé et reproduit avec le plus de succès : il y est devenu classique. On y a construit un nombre infini de maisons et de palais qui semblent des répétitions exactes des masses, des formes, des ordonnances et des proportions de Palladio. L’habile architecte Inigo Jones, qui fut son élève, contribua surtout à cette transplantation. Voyez Inigo Jones.

PALME, s. m. Terme par lequel on désigne en Italie une mesure de longueur. Elle est nécessaire à connoître avec ses variétés, parce qu’elle est employée dans beaucoup d’ouvrages d’architecture et de monumens d’antiquité.

Le palme fut aussi une mesure linéaire chez les anciens Romains. L’usage s’en est perpétué jusqu’à nos jours. La nature en a donné le modèle, dans la dimension de la paume de la main, prise depuis la flexion du métacarpe jusqu’au bout du doigt, qui est celui du milieu et le plus long. C’est encore avec cela qu’on mesure approximativement beaucoup de choses en Italie, à défaut de l’instrument métrique.

Les anciens Romains avoient deux sortes de palme, le grand palme qui contenoit douze doigts, ou neuf pouces du pied de roi. Le petit palme, pris sur la largeur de la main, étoit de quatre doigts, ou trois pouces. Selon Maggi, le palme antique romain n’étoit que de huit pouces six lignes et demie. Les Grecs distinguoient un palme grand et un palme petit ; le premier de cinq doigts, le second de quatre doigts.

Le palme diffère aujourd’hui de mesure, selon les lieux où on l’emploie. Le palme de Gênes porto neuf pouces neuf lignes ; celui de Naples, huit pouces sept lignes ; celui de Palerme, huit pouces cinq lignes. Le palme romain moderne est de huit pouces trois lignes et demie.

Palme, s. f. C’est la branche du palmier. Rien de plus fréquent que la représentation de la palme sur les monumens de l’antiquité.

La palme étoit portée par le triomphateur. La palme faisoit les couronnes des vainqueurs aux combats gymnastiques. On la voit sur la table des jeux athlétiques figurer avec d’autres objets comme devant être le prix de la victoire.

Cette propriété d’exprimer l’idée de victoire lui a été conservée dans les langues modernes, et dans les pays qui n’ont ni palmier, ni palme. Ce n’est plus qu’une métaphore. Ce n’est plus aussi que sous le rapport de symbole qu’on voit aujourd’hui la palme figurer dans les ornemens de l’architecture.

Inutile de dire que sa place la plus naturelle est sur les monumens que l’on destine encore sous le nom d’arcs de triomphe ou de porte triomphale, à célébrer les exploits guerriers. La palme décorera donc plus d’un espace des édifices, tantôt dans les angles formés par le cintre de l’arc, tantôt dans des frises en se croisant, tantôt mêlée à la branche d’olivier ou à la couronne. La palme peut entrer aussi dans les ornemens du chapiteau à campane ou corinthien.

Dans les monumens des premiers temps du christianisme on trouve la palme employée (à ce que l’on croit) comme l’attribut des martyrs, et plus d’un sarcophage a accrédité cette opinion. Ce fut encore une allégorie fort naturelle. On regardoit le chrétien comme l’athlète de la foi, comme le soldat de J. C., et lorsqu’il avoit subi le martyre, on regardoit sa mort comme une victoire remportée sur l’idolâtrie.

Aussi, dans toutes les représentations de semblables sujets pour la peinture et la sculpture, voit-on la palme donnée comme attribut au saint glorifié, et le langage a consacré le même symbole dans le récit des Actes des martyrs. On dit que tel ou tel a remporté la palme du martyre.

PALMETTE, s. m. On nomme ainsi un petit ornement fort usité, et qui est du nombre des ornemens qu’on appelle courans. Il semble être effectivement un diminutif de la palme, qu’il imite par la composition symétrique de ses feuilles, que l’on sculpte dans une forme un peu conventionnelle, sur toutes sortes de couleurs ou d’espaces, soit des édifices, soit des meubles, soit des vases.

La palmette fut avec le méandre, et ce que nous appelons postes, l’ornement le plus fréquemment employé sur les vases grecs peints. On l’y voit ou formant la ligne sur laquelle s’élèvent les figures, ou ornant les bords et les franges des tuniques et des étoffes. Ordinairement l’extrémité des feuilles qui le composent est roulée et se termine en cercle, comme cela se voit à certaines gousses.

La palmette est devenue un ornement très-commun depuis quelques années. On diroit même trop, comme il arrive à tout ce que l’esprit de mode se plaît à multiplier ; car le propre de la mode est d’exclure la raison de tout ce dont elle s’empare.

PALMYRE, ville autrefois très-célèbre dans l’ancienne Syrie. Elle étoit la capitale de la province à laquelle son nom donna celui de Palmyréenne. Par la suite elle devint la capitale d’un royaume particulier. Anciennement elle fut appelée Thamar ou Tadmor, c’est-à-dire, ville des palmiers, d’où lui est venu le nom de Palmyre.

Le désert qui environne Palmyre, et qui depuis long-temps en a isolé les restes, et les a séparés des pays habités, a sans doute contribué à la conservation de ce nombre prodigieux de ruines qu’on y admire encore. Nul autre lieu n’en renferme une aussi grande quantité et d’une aussi belle conservation.

En 1753, MM. Wood et Davkins ont fait connoître dans leur bel ouvrage ces restes importans. C’est d’après eux, et en renvoyant toutefois à leurs beaux dessins, que nous donnerons une courte notice des principaux monumens qu’ils ont détaillés dans de nombreuses planches.

Le reste le plus important des édifices de Palmyre, et en même temps le plus instructif pour la connoissance des grands temples de l’antiquité, est celui auquel les voyageurs ont donné le nom de temple du soleil. Il paroît d’après le plan de son ensemble, qu’il se composoit d’une vaste enceinte carrée, ayant huit cents pieds anglais dans chacune de ses faces. Cette enceinte est formée par un péribole, ou mur orné extérieurement et intérieurement de pilastres, auxquels correspondent en dedans deux rangs de colonnes, qui présentent deux galeries ou promenoirs circulant ainsi tout à l’entour de la place immense, où est situé le temple périptère dont on parlera.

L’enceinte du côté occidental offre une magnifique entrée. C’est un très-grand portique formé de dix colonnes corinthiennes, supportant un fronton. On y observe une irrégularité d’entre-colonnement aux colonnes du milieu qui, pour dégager la porte et élargir l’entrée, se trouvent rapprochées de chacune de leur voisine, de manière à produire de chaque côté deux colonnes accouplées et réunies sur un seul socle. Il y a dans l’aspect de ce péristyle quelque chose qui rappelle celui de la colonnade du Louvre, et qui sembleroit en avoir inspiré le caractère et l’idée. Du reste, ce péristyle est en saillie sur le mur d’enceinte, et les colonnes se raccordent avec les pilastres de ce mur.

Le temple périptère dont on a déjà fait mention n’occupe point le milieu de la grande area, et c’est sur sa longueur qu’il se présente en entrant par le péristyle qui donne entrée dans cette area. Est-ce par suite de cette disposition que l’entrée du temple même est placée aussi dans sa partie latérale, et à quoi faut-il attribuer que cette entrée n’occupe point le milieu de cette face du temple ? Il y a, au reste, beaucoup de particularités dans toute cette architecture, sur lesquelles on desireroit des détails et des observations d’une bien plus grande étendue.

Il faut, par exemple, remarquer que le mur de la cella ou du naos de ce temple est percé dans chacun de ses flancs, de quatre fenêtres ; mais la critique auroit besoin, avant de raisonner sur tous ces objets, que de nouveaux voyageurs ajoutassent aux dessins des Anglais, beaucoup de notions propres à éclairer sur les divers changemens que les siècles ont pu faire subir à ces monumens.

Ce qu’on peut dire de leur architecture, où l’on ne trouve d’autre ordre que le corinthien, c’est que plus d’un détail dans les formes, plus d’une licence dans le style, plus d’un abus de disposition ou de décoration, indiquent un âge où la richesse avoit pris la place de la noble simplicité des temps antérieurs.

Cela se prouve par les chapiteaux de l’ordre qui forme l’élévation du temple. Il ne reste de ce chapiteau que ce qu’on peut en appeler la cloche ou le tambour ; mais on y remarque des trous de scellement qui montrent que les feuilles du chapiteau y avoient été rapportées et attachées. Or cela ne peut s’expliquer qu’en les supposant de métal, et cette explication rend compte aussi du dépouillement qu’ont éprouvé les chapiteaux, et de l’état dans lequel se trouva cette partie de la colonne.

La description gravée des ruines de Palmyre nous présente, au milieu de ses débris, les restes de ce que les dessinateurs ont appelé un arc, mais qui ne paroît avoir eu rien de commun avec un monument triomphal, quoiqu’il se compose d’une grande arcade, accompagnée de deux plus petites. Il paroît, d’après les rangées de colonnes qui viennent s’y raccorder, que c’étoit une porte à trois entrées, donnant accès dans un monument dont il est difficile, sur le vu des dessins, de se rendre compte. Quoi qu’il en soit, toute cette architecture étoit richement décorée. Des pilastres remplis de rinceaux s’élèvent aux deux côtés du grand arc. Beaucoup de détails de l’entablement ruiné qui subsistent dans les ruines accumulées au bas du monument, ont permis d’en restituer les parties, et l’on y voit que la sculpture ne fut épargnée à aucun membre.

Un des édifices les mieux conservés dans ce vaste champ de ruines, est celui qu’on appelle le petit temple. Il ne lui manque que le fronton et la couverture. Il se compose d’un péristyle corinthien de quatre colonnes en avant sur deux en retour, en comptant deux fois celles des angles. Le corps du temple, ou la cella, a son mur orné de pilastres du même ordre. Ce qu’elle offre de particulier, c’est, dans l’entre-pilastre du milieu de chaque partie latérale, une fenêtre ornée de son chambranle, qui introduisoit la lumière dans l’intérieur du temple. Cet exemple, joint à celui du grand temple périptère de la même ville, et dont le mur étoit percé de quatre fenêtres de chaque côté, doit être ajouté à ceux que nous avons déjà donnés au mot FENÊTRE (voyez ce mot), pour rendre très-probable que l’intérieur des temples


antiques dut souvent recevoir le jour autrement que par la porte d’entrée.

L’ordonnance de ce temple est corinthienne, ainsi que dans tous les monumens de Palmyre. Ses colonnes offrent aussi, comme dans quelques autres édifices, une espèce de petite console taillée en saillie, au tiers de la hauteur du fût, sans doute pour supporter ou des bustes, ou de petites statues.

Un monument curieux, et seul de son genre dans l’antiquité, est celui qu’on prend pour un sépulcre. C’est un bâtiment carré, précédé d’un péristyle formé d’un seul rang de colonnes corinthiennes. L’intérieur offre, de chaque côté, neuf renfoncemens divisés par des cloisons murs dont les fronts sont ornés d’une colonne engagée : le côté qui fait face à la porte n’a que sept de ces renfoncemens. On croit qu’ils étoient destinés à recevoir des sarcophages. Rien de plus riche et de plus varié en caissons et compartimens de tout genre, que les soffites ou plafonds de toutes ces petites chambres sépulcrales. On y trouve les dessins les plus élégans, les idées les plus gracieuses. Il y avoit, dans l’espace du milieu de ce tombeau, une place pour l’urne ou le sarcophage du chef do famille, et elle est indiquée dans le plan par quatre colonnes.

Qu’étoit-ce qu’un monument d’un plan particulier, offrant une nef divisée eu deux parties, un péristyle corinthien de quatre colonnes, flanqué en retraite de deux colonnes de chaque côté, ayant cinq colonnes de face sur quatre de profondeur ? C’est ce que nous ne pourrions dire. Les auteurs des Monumens de Palmyre n’ont malheureusement point accompagné leur ouvrage de descriptions et de renseignemens suffisans.

Les ruines de cette ville attendent encore quelque voyageur qui, profitant des dessins qu’on possède, portera dans l’explication et la restitution de tant de débris curieux, l’esprit de critique de l’antiquaire, joint à la science du dessinateur et de l’architecte.

PAMPRE, s. f. On donne ce nom à des festons composés de feuilles de vigne et de grappes de raisin.

C’étoit, dans l’antique, un des attributs de Bacchus. Les têtes de ses statues étoient couronnées de pampre, et on en voit aussi souvent aux troncs d’arbres qui leur servent de tenon. Il y a plus d’un reste de pilastres ou de montans arabesques dont lespampres remplissent les fonds. On a encore introduit les pampres dans la décoration des colonnes torses.

PAN, s. m. C’est le côté d’une figure rectiligne, régulière ou irrégulière. C’est aussi, dans certains pays, le nom d’une mesure.

Pan coupé. On donne ce nom principalement dans les maisons qui sont aux angles d’une rue, à l’encoignure rabattue d’un pilier ou piédroit, pour faciliter le tournant des charois. C’est encore ainsi qu’on appelle, dans une église dont les quatre nefs sont réunies par un dôme, la face de chaque pilier de sa croisée, d’où prennent naissance les pendentifs.

Pan de bois. Assemblage de charpente, qui sert de mur de face à un bâtiment. On le fait de plusieurs manières, parmi lesquelles la plus ordinaire est de sablières, de poteaux à plomb, et d’autres inclinés et posés en décharge.

Il y a deux assemblages qu’on appelle pans de bois : l’un qu’on nomme assemblage à brins de fougère, est une disposition de petits potelets assemblés diagonalement à tenons et à mortaises, dans les intervalles de plusieurs poteaux à plomb, laquelle ressemble à des branches de fougère, qui dans la réalité font cet effet. L’autre assemblage est dit à losanges entrelacées. C’est une disposition des pièces d’un pan de bois ou d’une cloison, posées en diagonale, entaillées de leur demi-épaisseur et chevillées. Les panneaux, dans l’une et l’autre manière, sont remplis ou de briques, ou de maçonnerie enduite d’après les poteaux, ou recouverte et lambrissée sur un lattis.

On arrête les pans de bois des médiocres bâtimens, avec des tirans, ancres, équerres et liens de fer à chaque étage. On appeloit autrefois les pans de bois cloisonnages & colombages.

Pan de comble. C’est l’un des côtés de ta couverture d’un comble. On appelle long pan le plus long côté.

Pan de mur. C’est une partie de la continuité d’un mur. Ainsi on dit, quand quelque partie est tombée, qu’il n’y a qu’un pan de mur de tant de longueur à construire ou à réparer.

PANACHE, s. m. C’est ainsi qu’on appelle cette portion triangulaire de voûte qui aide à porter la tour d’un dôme. Voyez Pendentif.

Panache de sculpture. Ornement de plumes d’autruche, qu’on a quelquefois imaginé de substituer aux feuilles d’acanthe, dans ces prétendues inventions de chapiteau, destinées à composer ce qu’on a voulu faire passer pour un ordre français.

PANETERIE, s. f. C’est, dans de grands palais, un lieu qui sert à la distribution du pain.

PANIER, s. m. (ou Corbeille). On se sert du premier de ces mots, comme exprimant en sculpture une sorte de récipient rempli et surmonté de fleurs et de fruits, qu’on place quelquefois comme amortissement sur des colonnes ou des piliers de clôture des jardins.

On voit des figures de satyres, en forme de thermes ou de caryatides, porter sur leurs têtes de ces sortes de paniers.

PANNE, s. f. (Terme de charpenterie.) Pièce de bois qui, portée sur les tasseaux et chantignoles des forces d’un comble, sert à en soutenir les chevrons. Il y a des pannes qui s’assemblent dans les forces, lorsque les fermes sont doubles.

On nomme panne de brisis celle qui est au droit du brisis d’un comble à la mansarde.

PANNEAU, s. m. Ce mot vient certainement de pan (voyez ce mot). Il signifie l’une des faces d’une pierre taillée, ou toute superficie plus ou moins enbordurée, qui, comme on le dira, figure dans une multitude d’espaces des bâtimens, soit extérieurement, soit intérieurement.

En construction et dans la coupe des pierres on distingue plusieurs sortes de panneaux. On appelle panneau de douelle, celui qui forme en dedans et en dehors la cavité d’un voussoir, panneau de tête celui qui est en avant, panneau de lit celui qui est caché dans les joints.

On appelle encore panneau ou moule, un morceau de fer-blanc ou de carton, levé ou coupé sur l’épure, pour tracer une pierre.

Panneau de fer. Morceau d’ornement de fer forgé ou fondu, et renfermé dans un châssis, pour une rampe, un balcon, une porte, etc. Il se fait aussi de ces panneaux par simples compartimens.

Panneau de glace. C’est, dans un placard, un compartiment de miroirs, pour réfléchir la lumière et les objets, et pour faire paroître un local plus étendu.

Panneau de maçonnerie. Table d’ais minces, réunis ensemble, et qui, dans un nombre plus ou moins grand, remplissent le bâti d’un lambris ou d’une porte d’assemblage de menuiserie. On appelle panneau recouvert le panneau qui excède le bâti, et qui est ordinairement moulé d’un quart de rond, comme on en voit à quelques portes cochères.

On nomme encore, dans la menuiserie, panneaux, des bois de chêne fendus et débités en planches de différentes grandeurs, de six à huit lignes d’épaisseur, dont on fait les moindres panneaux de menuiserie.

Panneau de sculpture. On donne ce nom à un ouvrage d’ornement, travaillé en bas-relief, où sont représentés divers sujets qui se composent en manière de trophées, de symboles ou d’attributs allégoriques, et dont on enrichit les lambris ou les placards de menuiserie. On fait quelquefois de ces panneaux à jour, pour des clôtures de chœurs, des balustrades, des jalousies de tribunes.

Panneau de vitre. C’est un compartiment de pièces de verre, dont les unes sont carrées, les autres sont en tranchoirs ou octogones, en tringlettes, chaînons, etc. On fait aussi de ces compartimens de pièces de verre, distingués par des plates-bandes de verre blanc.

En architecture le panneau est ou une table renfoncée, ou une table en saillie, ou une table encadrée par une bordure.

Dans la vérité ce doit toujours être un espace qui ait une destination : on doit les employer soit à contenir des inscriptions, soit à recevoir des ornemens symboliques, soit à être sculptés en bas-reliefs, et c’est ainsi qu’on les voit mis en œuvre dans tous les bons ouvrages. Cependant il n’y a que trop d’exemples de l’emploi des panneaux en manière de lieux communs, auxquels a recours l’architecte, qui ne sait comment remplir les superficies de certains édifices. Souvent il arrive qu’on dispose ainsi certaines tables renfoncées ou en saillie, sans savoir ce qu’on leur fera dire, et l’édifice s’achève avant qu’on ait pensé à ce qu’on fera de ces espaces. De-là, dans tant de monumens, des panneaux ou des tables qui n’y ont d’antre objet que celui d’occuper ou de diviser les parties lisses, et qui restent aussi insignifians pour les yeux que pour l’esprit.

PANNONCEAU. Voyez Girouette.

PANORAMA, s. m. Ce mot semble devoir appartenir uniquement à la langue de la peinture, car il signifie, dans sa composition de deux mots grecs, une vue totale ou générale, qu’on obtient par le moyen d’un fond circulaire, sur lequel on trace une suite d’aspects qui ne pourroient être rendus que par une série de tableaux séparés.

Or, c’est précisément cette condition indispensable à ce genre de représentations, qui fait du champ sur lequel le peintre doit s’exercer, un ouvrage d’architecture. On donne, en effet, le nom de panorama à l’édifice qui reçoit la peinture, comme à la peinture même.

Cet édifice doit être une rotonde, puisque c’est sur la circonférence intérieure du mur que doit s’appliquer et se dérouler, on peut le dire au sens simple, la toile sur laquelle le peintre opère. Il faut que le jour y soit introduit par en haut, de manière à porter exclusivement sur la peinture. Le reste du local doit être obscur. On observe encore que le spectateur soit conduit au point de centre de la rotonde par des corridors prolongés et obscurs, pour déshabituer les yeux de la clarté du jour, et lui faire trouver plus naturelle la lumière de la peinture ; car il s’agit de produire ici, autant qu’il est possible, l’apparence de la réalité. Le spectateur ainsi conduit sur une galerie circulaire, élevée au milieu de la rotonde, ne sauroit voir d’où vient le jour ; il n’aperçoit ni le haut ni le bas de la peinture, qui, circulant autour de la circonférence du local, n’offre aucun point de commencement ni de fin, aucune limite, de sorte qu’il se trouve comme sur une montagne où sa vue n’est bornée que par l’horizon, et d’où, eu se tournant de chaque côté, il embrasse la totalité d’une contrée.

Il n’entre point dans l’objet de ce Dictionnaire d’en dire davantage sur l’invention de ce procédé pittoresque qui vient d’Angleterre, sur les hommes habiles qui s’y sont adonnés, sur les ouvrages remarquables qui ont été produits en ce genre, sur le talent qu’il exige, sur l’espèce d’illusion fort légitime qui en fait le charme, sur les limites qu’il convient de lui donner, et sur l’utilité que les arts peuvent en retirer.

On a cru devoir en faire mention, parce qu’il entre dans les attributions de cette espèce de peinture, de faire connoître avec une rare perfection les différentes villes, les aspects des plus beaux sites et les ruines de l’antiquité. Ainsi, diverses peintures de panorama nous ont reproduit les vues de Naples, de Rome, de Londres, de Jérusalem et d’Athènes. Dans ce dernier, les précieux restes d’antiquité de cette ville ont été rendus avec cette vérité qui sembleroit pouvoir dispenser de la vue même des originaux.

PANSTÉRÉORAMA. Ce mot est, comme le précédent, un composé des deux mêmes mots, avec l’addition du mot stereos, solide, qui indique que la vue totale ou générale se compose d’objets non plus simplement appareus, mais solides ou de relief.

On désigne donc par ce mot des ouvrages en relief, qui représentent, dans une proportion réduite, des contrées, des villes, des monumens, avec tout leur ensemble et toutes leurs parties. Ces ouvrages s’exécutent ordinairement en bois, en liége, en carton ou en plâtre, c’est-à-dire, en matières légères et faciles à travailler.

On a vu ainsi, à Paris, le panstéréorama, ou la représentation en relief des villes de Paris, de Londres, de Lyon, de Marseille. On voit à la bibliothèque de Sainte-Geneviève, celui de la ville de Rome.

Il faut placer sous cette dénomination la collection de représentations semblables, en relief, à l’hôtel royal des Invalides, où l’on voit la plupart des forteresses et des ports de mer de la France.

PANTHÉON. Ce mot signifioit, dans l’architecture des Anciens, un temple consacré à tous les dieux.

Il y en avoit un à Athènes, bâti par Adrien, et dont on voit encore quelques restes. sur lesquel règne toutefois une certaine confusion entre les antiquaires. Quelques-uns prennent pour tel ce que d’autres appellent temple de Jupiter olympien, et réciproquement. Quoi qu’il en soit, on peut conclure, soit de l’un, soit de l’autre édifice, que la forme circulaire n’étoit pas le caractère indispensable d’un panthéon, comme on se l’est imaginé d’après les antiquités de Rome ; car on met au nombre des édifices qui eurent le nom de panthéon, ce qu’on appelle le temple de Minerva medica couvert par une coupole.

Le plus fameux de tous ces monumens est le panthéon d’Agrippa à Rome, conservé presqu’en entier, moins quelques restaurations et modifications qu’il a dû subir par le laps dus années, et en raison de sa destination nouvelle.

Nous ne dirons ici rien de plus d’un ouvrage dont on trouvera les notions à beaucoup d’articles, tels que Coupole, Caissons, Péristyle, Temple, etc.

PAPETERIE, s. f. C’est un grand bâtiment établi ordinairement auprès d’une chute ou d’un courant d’eau rapide, où l’on fabrique le papier.

Ce bâtiment est distribué en différentes pièces qui ont chacune un usage et un nom particulier, comme le pourrissoir, lieu où l’on fait dissoudre les vieux linges dont on fait le papier. D’autres pièces s’appellent la batterie, dont l’eau fait agir les maillets armés de tranchans, pour hacher et réduire en bouillie les vieux linges (ce qui forme le moulin à papier) ; la cuve est le lieu où l’on fige les papiers dans les châssis ; l’étendoir est celui où on les fait sécher ; et il y a le magasin, où on plie et où l’on emballe les papiers, sans compter les hangars, les fourneaux pour le bois et le charbon, les logemens pour les ouvriers.

PARALLÈLE, adject. , dont on fait aussi un substantif. Comme adjectif, parallèle est l’épithète qu’on donne à des lignes, à des figures, qui, dans toute leur étendue, sont à une distance égale.

Parallèle, comme substantif, est un synonyme de comparaison. Ainsi, quelques écrivains ont fait des ouvrages dans lesquels ils comparent les différens systèmes des architectes sur les proportions des ordres, les différentes architectures entr’elles, et leurs monumens, et ils ont donné à ces ouvrages le titre de parallèle. Voyez à l’article Chambray ; la mention que l’on a faite du parallèle de l’architecture antique et moderne de cet auteur.

PARAPET, s. m. Ce mot est le même que le mot italien parapetto, lequel signifie un corps élevé, qui va jusqu’à la poitrine, et qui garantit les passans du danger d’un précipice. C’est donc un petit mur d’appui qu’on appelle aussi garde-fou, et qu’on établit sur un pont, sur une terrasse, sur un quai.

PARAPETASMA. Nom que les Grecs donnèrent, en général, à ce que nous appellerions rideau de tenture, tapis.

Pausanias a fait plus d’une mention du parapetasma et de son emploi dans les temples. C’étoit un très-grand tapis qui se plaçoit dans l’intérieur du naos, en avant de la statue de la divinité. Il se relevoit et s’abaissoit pur le moyen de cordes et de poulies. Au temple de Jupiter, à Olympia, le parapetasma étoit de pourpre et avoit été donné par le roi Antiochus ; il se relevoit jusqu’an haut du temple. Pausanias nous apprend qu’au contraire celui du temple de Diane, à Ephèse, s’abaissoit jusque sur le pavé.

PARATONNERRE, s. m. On appelle ainsi une barre ou verge de fer, terminée en pointe, qu’on place sur le point le plus élevé d’un édifice, pour le garantir de la foudre. A la base de cette barre, on attache un cordon composé de fils de fer ou de laiton tressés. Ce cordon, qui sert de conducteur, doit se prolonger jusque dans un puits, ou du moins dans un souterrain constamment humide.

PARC, s. m. (Jardinage.) Ce mot, à quelqu’objet qu’on l’applique, signifie enclos, enceinte. C’est le septum du latin. Cette signification est donc ce qui indique avec le plus de clarté la différence qui sépare le parc du jardin, surtout dans les usages des grandes maisons de plaisance, des palais de campagne des princes et des souverains.

Le parc y est un vaste espace de terrain boisé, fermé par des murailles, des fossés, des palissades, des haies, pour que les arbres y soient garantis de la dévastation, et que le gibier puisse y être élevé pour les plaisirs de la chasse.

Les anciens Romains eurent aussi de la même manière et pour les mêmes objets, dans leurs maisons de campagne, des parcs distincts de leurs jardins. Parfois on consacroit à ces parcs un petit district où l’on ne renfermoit que des lièvres. De là le nom de leporaria qu’on donnoit à ces enclos. Ailleurs on entretenoit des sangliers, des cerfs, des chevreuils, des chèvres sauvages, et ces enceintes avoient l’étendue de plusieurs milles. Fulvius Lupinus fut un des premiers qui agrandirent les parcs. Le parc de Pompée avoit une circonférence d’environ quarante mille pas. Hortensius suivit cet exemple, et il établit, pour la nourriture du gibier, un parc de cinquante acres de terrain, qu’il appeloit theriotropheion. Ce parc étoit disposé en forme de théâtre : dans l’endroit le plus élevé, il donnoit des festins à tous ses amis. Alors un esclave, habillé en Orphée, donnoit du cor, et rassembloit une quantité de cerfs, de sangliers et d’autres gibiers. Ce coup d’œil, selon Varron, valoit celui d’un combat d’animaux dans le grand cirque.

Chez les Romains, un parc devoit contenir beaucoup de bois, être agréablement entrecoupé de prairies et arrosé de rivières ou de ruisseaux. Lorsque l’eau courante y manquoit, on construisoit un canal, pour y conduire les sources voisines, ou bien on y creusoit un étang qui recevoit les eaux de pluie et de source.

L’enclos du parc étoit formé par un mur de pierre ou de terre. Lorsqu’il avoit trop d’étendue, on l’entouroit d’une palissade faite de bois ensoncés en terre à huit pieds de distance l’un de l’autre, et ces intervalles étoient fermés par des perches liées ensemble, de manière qu’aucun animal ne pût forcer cette barrière ; ce qui faisoit donner à cet enclos le nom de roboraria.

Toutefois Varron veut que le mur d’un parc soit haut et lisse, pour que les loups et autres animaux nuisibles ne puissent ni sauter par-dessus, ni les passer en grimpant.

Selon Columelle, il y avoit deux espèces de parcs. Tantôt ils étoient situés dans la plaine, tout près de la maison de campagne, et ils ne devoient servir qu’à l’amusement du propriétaire qui se plaisoit à y nourrir le gibier ; tantôt, si le gibier étoit un objet de commerce, on plaçoit le parc dans une forêt, mais à peu de distance de la villa, afin que le propriétaire fût à portée d’y veiller convenablement.

On voit que la plupart de ces usages antiques ne diffèrent point de ce qui se pratique aujourd’hui pour les parcs qui sont les dépendances des châteaux et des maisons royales.

Ainsi, pour ne parler que de ces derniers, un grand nombre de vastes terrains plantés de bois et enclos de murs se sont perpétués jusqu’à nos jours, comme autant d’exemples de l’usage des parcs aux environs des demeures et des palais de nos anciens rois. Qui ne voit, par exemple, que ce qu’on appelle, aux environs de Paris, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne, formoit jadis lesparcs du château de Vincennes, dont il subsiste encore des constructions, et du château de Madrid, qui a été démoli il y a une trentaine d’années ? Ces parcs étoient, comme nous le voyons encore aujourd’hui à des palais plus modernes, les annexes ou supplémens des jardins. Ainsi le grand parc de Versailles fait suite à ses magnifiques jardins et en est distinct. Autant doit-on en dire du parc de Saint-Cloud, de celui de Fontainebleau, et, dans de moindres proportions, de beaucoup de parcs appartenant à de moindres palais.

Dans le système des jardins irréguliers on distingue à peine, surtout quand on en lit la description, l’enceinte du parc de l’enceinte du jardin. Ce sont les mêmes dispositions pittoresques, les mêmes plantations, les mêmes fabriques.

Selon le système des jardins réguliers, le parc se distingue du jardin, d’abord parce qu’il en est séparé soit par des murs, soit par des fossés, soit par des grilles, pour empêcher le gibier ou la bête sauve de s’introduire dans les terrains destinés à la, promenade.

Le parc surtout, dans la dépendance des châteaux royaux, forme un enclos de plusieurs lieues de circonférence. Il est destiné principalement à la chasse : on y pratique de grandes allées bien percées, qui coupent directement l’espace, soit en étoile, soit en patte d’oie. On y bâtit des pavillons qui servent ou de rendez-vous de chasse, ou de but à la promenade.

Parc d'artillerie. C’est un emplacement choisi dans un camp, hors la portée du canon de la place, et qu’on entoure de lignes pour y placer les pièces d’artillerie, les magasins à poudre, et généralement toutes les munitions de guerre nécessaire pour faire le siége d’une place.

Parc de marine. C’est, dans une ville maritime, une enceinte qui renferme les magasins généraux et particuliers de tout ce qui est nécessaire pour la construction des vaisseaux.

PARCLOSE, s. f. On donne ce nom à cette enceinte d’une stale d’église qui renferme le siége.

PAREMENT, s. m. Ce mot porte avec soi son étymologie, et avec celle-ci son explication. Il est certainement formé ou du mot paroitre, ou du mot parer. Dans l’un ou l’autre sens, il rend l’idée ou de la partie apparente d’une pierre, ou de toute autre matière employée dans lis édifices, ou de la parure qu’on donne aux surfaces des matériaux, pour l’ornement et pour le plaisir des yeux.

Ainsi, le parement se définit la surface visible et par conséquent extérieure de toute matière employée, soit dans la construction, soit dans les revêtemens. On peut, pour conserver les arêtes des pierres, les poser à paremens bruts, et on les retaille sur le tas : les Anciens en usoient souvent ainsi.

Les paremens sont rendus unis, soit avec l’outil seul, soit avec le grès et d’autres procédés. L’art de travailler les paremens dépend de la variété des matières. On polit diversement le bois, le plâtre, la pierre et le marbre.

Dans la menuiserie, on appelle ouvrages à deux paremens ceux qui, comme les portes à placard des appartemens, sont travaillés, unis et décorés des deux côtés.

Parement brut. C’est la face d’une pierre, telle qu’elle est sortie de la carrière, et avant qu’elle soit taillée.

Parement d'appui. On nomme ainsi les pierres à deux paremens qui sont entre les alléges, et qui forment l’appui d’une croisée, particulièrement quand elle est vide dans l’embrasure.

Parement de couverture. Nom qu’on donne aux plâtres qu’on met contre les gouttières, pour soutenir le battellement des tuiles d’une couverture.

Parement de menuiserie. C’est ce qui paroît extérieurement d’un ouvrage de menuiserie, avec cadres et panneaux, comme d’un lambris, d’une embrasure, d’un revêtement, etc.

Parement de pavé. C’est l’assiette uniforme du pavé, sans bornes ni flaches.

PARERGA. Ce mot est grec et signifie hors-d’œuvre : on s’en sert quelquefois dans le langage des arts ; en architecture, par exemple, pour signifier des additions ou supplément faits à l’ouvrage principal, et qui lui servent d’ornement ; en peinture, pour désigner de petites cartelles placées sur le fond ou dans quelqu’angle, et qui semblent des objets étrangers au sujet. On use encore de ce mot, en parlant des vignettes, des sleurons, des culs-de-lampe, dont on enrichit les pages d’un livre.

PARIGI (Jules), architecte florentin, mort en 1590.

Il paroît qu’il y eut à Florence trois architectes de ce nom. Celui-ci, Alphonse Parigi son père, dont on ne parle que comme d’un simple bâtisseur qui, apres la mort de Vasari, poussa en avant la construction des Uffizi nuovi, et un autre Alphonse, fils de Jules, dont la mention suivra celle-ci.

Jules Parigi eut pour maître le célèbre Buontalenti, et devint habile architecte civil et militaire ; il fut versé dans le dessin, dans la mécanique et dans les mathématiques. Sa réputation s’accrut au point qu’il fut choisi pour enseigner ces sciences aux princes de Toscane. Il se fit beaucoup d’honneur par les décorations qu’il exécuta dans différentes fêtes. Divers monumens le mirent au nombre des habiles maîtres de son temps. On doit citer dans ce nombre la villa ou maison de campagne de Poggio imperiale, le couvent de la Pace, pour les pères de Saint-Bernard, hors la porte romaine. Le palais Marucelli, qu’il bâtit à Florence, passe encore pour être un assez bon ouvrage d’architecture. (Traduit de Milizia.)

PARIGI (Alphonse), architecte florentin, mort en 1656.

Il fut fils de Jules, dont il termina un bon nombre d’ouvrages à son retour d’Allemagne, où il servit dans les armées, en qualité d’ingénieur. On admise l’habileté avec laquelle cet architecte remit sur son à-plomb le second étage du palais Pitti, qui débordoit sur la place d’environ huit pouces la ligne perpendiculaire. Il perça de plusieurs trous le mur du la façade, et y fit passer de grosses chaînes de fer, qu’il fixa en dehors avec de fortes pièces de bois. Il mit ensuite au bout de ces chaines, du côté des appartemens, des espèces de vis avec de forts écrous, et parle moyen de leviers agissant sur ces écrous, il parvint à remettre d’à-plomb les pierres qui surplomboient.

Alphonse Parigi voulut ensuite ajouter deux ailes au palais Pitti ; il commença même l’aile gauche ; mais, après l’élévation des principaux murs, un abandonna l’ouvrage, peut-être parce que eus ailes, placées sur un terrain en pente, n’auroient pu faire un bon effet. L’œil effectivement auroit vu des fenêtres plus hautes les unes que les autres, résultat du plan incliné. Ces ailes d’ailleurs auroient toujours paru mesquines et basses, comparées à la grande hauteur de cette masse colossale de la façade construite par Bruneleschi.

Alphonse Parigi bâtit encore, à Florence, le palais Scarlati à trois étages, qui offrent une belle division, mais dont les fenêtres auroient pu être d’un meilleur goût. Employé à réparer les digues de l’Arno, qui venoit, par ses inondations, faire beaucoup de dégât dans les campagnes, il éprouva, dans ce travail, tant de contradictions et de dégoûts de la part de ses envieux, que le chagrin qu’il en conçut abrégea ses jours. (Traduit de Milizia.)

PARLOIR, s. m. C’est, dans un couvent de religieuses, une salle, un cabinet, où les personnes qui viennent les voir, peuvent leur parler à travers un grillage.

Ce nom se donne encore, dans quelques pays, à une pièce située au rez-de-chaussée d’une maison, et qui sert à recevoir les visites.

PAROI. Voyez Mur.

PAROS. Voyez Marbre de paros.

PARPAIN, adj. On dit une pierre parpaigne, pour dire une pierre de taille qui tient toute l’épaisseur d’un mur.

On dit d’une pierre qu’elle fait parpain, pour dire qu’elle fait face, dans une construction, des deux côtés.

Un mur fait parpain lorsque les pierres dont il est construit, le traversent et en sont les deux paremens.

Ces pierres à deux paremens étoient appelées diatonous chez les Grecs.

PARQUET, s. m. Ce mot vient du mot parc, et exprime toujours l’idée d’enclos ou d’enceinte. Cela est évident par l’usage qui l’a affecté dans les tribunaux, à l’espace renfermé par ce qu’on appelle la barre d’audience.

PARQUET. (Ouvrage de menuiserie.) L’analogie a fait appeler ainsi ces compartimens en bois qui sont comme une espèce de cadre renfermant d’autres morceaux plus petits, et dont on couvre le plancher des appartemens.

Ce mot devenu usuel a été aussi appliqué à désigner des compartimens fort divers dans leur assemblage.

Le plus souvent ce qu’on appelle parquet est un assemblage de trois pieds ou à peu près, de figure carrée, et qui se compose d’un châssis, et de plusieurs traverses croisées carrément ou diagonalement, dont les intervalles sont remplis de petits carreaux à rainures ou languettes, le tout à parement arrasé.

Ces assemblages particuliers, destinés à se réunir à d’autres semblables, s’appellent feuilles de parquet, et on les arrête sur les lambourdes (Voy. ce mot) avec des clous à tête perdue.

PARQUETER, v. act. C’est couvrir un plancher de parquet.

PARQUETERIE, s. f. On trouve dans quelques Dictionnaires ce mot employé à désigner l’art de faire des parquets. Cet art a effectivement beaucoup de rapports avec celui qu’on appelle marqueterie ou ébénisterie. Un parquet étant un assemblage de petits morceaux de bois réunis, de manière à produire des formes variées par leurs lignes, et aussi par la couleur des substances, le goût peut intervenir dans le dessin de ces compartimens. Il y a effectivement des parquets formés de bois rares et précieux, dont les couleurs diverses produisent des effets de teintes et de sigures aussi diversifiés qu’un marbre. Une multitude d’ornemens, tels que méandres, postes, entrelas, étoiles, etc. , peuvent s’exécuter avec des bois différens dans leurs teintes, comme avec des marbres bigarrés.

PARTAGE, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est le lieu le plus élevé, d’où l’on puisse faire couler les eaux, et d’où on les distribue, par le moyen de canaux, de conduits, etc., en différens endroits. (Voyez Bassin de partage.) On appelle point de partage le repaire où la jonction des eaux se fait.

PARTERRE, s. m. C’est dans les salles de spectacle l’espace compris entre l’orchestre, et les loges ou l’amphithéâtre, lorsqu’il y en a un au fond de la salle. Cet espace est occupé par les bancs qui reçoivent les spectateurs.

Parterre. (Jardinage.) Ce mot vient du latin partire, diviser. C’est le nom qu’on donne surtout dans les jardins du genre régulier, à la partie découverte d’un jardin qui occupe le devant de la maison, et en général toute sa largeur, dans une longueur indéterminée, et qui reçoit des compartimens de gazons, de fleurs et de dessins variés, dont le goût varie selon les temps.

Jadis, et nous trouvons cet usage décrit par Pline le jeune, dons su maison de campagne de


Laurentum, on employoit le buis nain à former toutes sortes de broderies, dont l’effet étoit plus ou moins agréable à l’œil, et qui étoient surtout destinées à être vues d’en haut, ou des a partemens de la maison. Pline nous apprend qu’on faisoit ainsi, à l’aide du buis, des caractères qui écrivoient le nom du maître.

Nous avons vu le même procédé employé dans les temps modernes, à figurer les armoiries du seigneur du lieu. Ce qui est certain, c’est qu’aucun autre plant n’est aussi propre à se prêter à toutes les formes de l’ornement, et à produire de véritables dessins. Le buis fait le trait ou le contour, et il se détache sur des sables de couleur qui sont comme le fond du dessin.

Ce goût de parterres ainsi dessinés de toutes sortes de figures, par le moyen du buis, fut tellement et si long-temps de mode, que cette sorte d’art eut sa nomenclature, et les dessinateurs ou décorateurs en ce genre vous parloient de becs-de-corbin simples, de becs-de-corbin doubles, de becs de refend, de palmettes, de fleurons, de rinceaux, de volutes, de traits, de nilles doubles, de nilles simples, d’agrafes, de chapelets, de cartouches, de culots, de massifs, d’attaches, de guillochis ou entrelas, de dents-de-loup, de trèfles, d’enroulemens, de coquilles, de gazons, de sentiers, de plates-bandes et autres figures. Enfin il s’est fait des traités sur cette matière, avec des planches qui enseignent l’art de tracer toutes ces configurations.

Le goût des parterres s’est fort simplifié dans les grands jardins, et il consiste presqu’uniquement aujourd’hui dans de grandes plates-bandes fort larges, tracées en ligne droite, et qu’on destine à recevoir les arbustes fleuris de toute espèce, les sleurs plus ou moins vivaces, et toutes celles qu’on est obligé ou de semer tous les ans, ou de planter lorsqu’elles ont été déjà cultivées dans les serres chaudes. Ces plates-bandes n’ont guère plus d’autres bordures, que des bordures de gazon, et elles servent elles-mêmes de cadre aux grandes pièces de gazon, dont la verdure se marie très-agréablement à la variétè des fleurs auxquelles elles servent de fond.

Généralement la disposition d’un parterre consiste en deux longues pièces de gazon ainsi enbordurées, avec une allée dans le milieu, lorsque l’étendue du jardin est moyenne, ou bien avec des allées collatérales et un seul tapis. Si l’on a un grand terrain, comme au jardin des Tuileries et à celui du Luxembourg, le parterre se compose en deux grands tapis de verdure, avec des allées collatérales, et une allée dans le milieu ; il se trouve encore partagé en quatre portions égales, par une allée qui le coupe en croix.

C’est dans les grands espaces de ces allées qu’on place les caisses des orangers. Voyez Orangerie.

On dispose aussi dans le milieu de ces grands parterres un bassin ou une pièce d’eau, non-seulement pour l’agrément de la vue, mais aussi pour la facilité des arrosages, car les parterres, leurs tapis, leurs fleurs, veulent être fréquemment arrosés. Aussi voit-on que ce qui fait le charme des parterres appartient de préférence aux climats pluvieux et moins chauds.

Nous avons dit que le parterre, tel qu’on vient de le décrire, étoit surtout le propre des jardins du genre régulier, Ce n’est pas que le jardinage irrégulier n’admette des tapis de gazon devant les maisons, et des sleurs aussi dans les massifs ; mais on voit que le genre des plantations pittoresques, c’est-à-dire d’arbres disposés sans aucun art apparent, qui semblent venus comme au hasard, et comme la nature les produit, demandant le même goût de disposition dans les contours des tapis verts, les fleurs dont on plante des massifs subordonnés à un dessin irrégulier ne sauroient donner le même agrément à la vue. Effectivement, d’après le système d’imitation identique de ce qu’on appelle le naturel, dans le jardin irrégulier, les fleurs, telles que le parterre les demande, ne devroient pas y trouver place. La nature ne nous présente guère les fleurs qu’éparses, et les réunions qu’on en fait, pour plaire par leurs masses et par leurs contrastes, sont quelque chose d’artificiel, qui ne s’accorde point avec un système de singerie absolue du paysage naturel.

Ce qui plaît dans le parterre est précisément ce que le genre irrégulier ne sauroit admettre : c’est cet alignement de fleurs, c’est cette disposition alternative, c’est cette succession de floraison, c’est ce goût d’opposition dans les couleurs, et mille autres agrémens qui ne peuvent être que le résultat de la combinaison symétrique d’un art apparent. Ajoutons qu’un dus agrémens duparterre consiste encore dans l’emploi qu’on y peut faire, et qu’on y fait habituellement, de beaucoup de plantes exotiques, d’arbustes rares, qui ne sauroient se cultiver ni réussir en pleine terre. Il faut donc les entretenir dans des vases, dans des caisses qu’on remplit d’un terreau préparé et artificiel. Rien de plus agréable que ces dispositions de vases, de formes et de natures différentes qui accompagnent les bordures des plates-bandes, et y deviennent, selon toutes sortes du compartiment, une décoration nouvelle et accessoire.

On comprend que rien de tout cela ne peut avoir raisonnablement lieu autour des lignes sinueuses d’un tapis de gazon ; on dit raisonnablement ; ce qui signifie, sans contrarier la raison d’après laquelle a lieu le genre irrégulier de plantations : car, sitôt qu’un procédé factice ou artificiel se joint à la manière dite sans art, il n’y a plus contraste, il y a contradiction.

Répétons donc que le parterre, avec tous ses agrémens, est uniquement applicable aux jardins du genre régulier, parce qu’ainsi que le potager, il veut des lignes droites ; et bien que dans les jardins de particulier, qui réunissent sur un espace peu étendu et l’agrément de l’un, et l’utile de l’autre, on ait vu la manie des lignes sinueuses assujettir les massifs de fleurs et les plans de légumes au système de l’anti-symétrie, ces caprices n’ont fait que mieux sentir le ridicule de la singerie, et l’ignorance du vrai principe de l’imitation appliquée aux arts, et à chacune de leurs dépendances.

On trouve dans les Dictionnaires des noms différens affectés aux diverses sortes de parterres. Quoique plusieurs de ces notions appartiennent à des goûts qui ne sont plus de mode, on a cru devoir en conserver ici les indications.

Parterre de broderie. Parterre composé de rinceaux, de fleurons et autres figures formées par des traits de buis nain, qui imitent la broderie, et entourent les plates-bandes. On mêle quelquefois parmi la broderie, des massifs de gazon, pour remplir davantage, et on la détache avec des sables de diverses couleurs. Cette décoration est assez agréable, mais il faut avoir soin de renouveler les sables de temps en temps, parce que les couleurs passent et perdent de leur éclat.

Il n’y a point de règles à prescrire aux formes de la broderie : on observe seulement que les naissances des pièces qui en dessinent l’ensemble, sortent d’un endroit bien choisi et sans se confondre. On tire souvent, et avec succès, ces naissances, soit d’un enroulement, soit d’un culot ou d’une volute.

Parterre de compartiment. C’est un parterre qui ne diffère du parterre de broderie, qu’en ce que le dessin se répète symétriquement en haut, en bas et dans les côtés. On forme ce parterre de massifs et de pièces de gazon, d’enroulemens et de plates-bandes de fleurs, mêlées avec quelque broderie bien placée : on en laboure le fond, on sable le dedans des feuilles, et l’on met du ciment et de la brique pilée dans le petit sentier qui sépare les compartimens.

Parterre de gazon. Parterre fait de pièces de gazon en compartimens de diverses figures.

Parterre découpé. C’est un parterre qui est en compartimens de figures régulières, séparées par des sentiers, et dans lequel on met des fleurs.

Parterre d'eau. On donne aussi ce nom à un compartiment formé de plusieurs bassins de diverses figures, avec jets et bouillons d’eau.

PARTI, s. m. Ce mot, qui reçoit beaucoup d’acceptions dans le langage ordinaire, est un de ceux que la langue des arts s’est aussi appropriés pour exprimer certains effets, ou résultats de la pensée de l’artiste dans l’invention, la composition et l’exécution de son ouvrage.

Dans tout ouvrage l’artiste est obligé de se décider entre des idées, des points de vue, des caractères, des effets divers qui s’offrent à son choix. Ce choix qu’il fait est ce qu’on appelle le parti qu’il prend. De-là on dit en peinture, un bon ou un mauvais parti de couleur, de composition, de clair-obscur. On dit un bon ou un mauvais parti de draperies, d’ajustemens.

Ceci s’applique également à l’architecture. Ainsi en considérant le plan d’un édifice, son élévation, et tout ce qui dépend, soit de la disposition du local, soit du choix de l’ordonnance, soit du système de l’ornement, on dira que l’architecte a pris un bon parti dans l’agencement des distributions, un beau parti dans l’ensemble des masses, un heureux parti de décoration.

On se sert encore du mot parti pour exprimer l’emploi plus ou moins agréable, plus ou moins convenable, que l’architecte sait faire, ou de certaines sujétions, ou de certains corps de bâtimens, auxquels il est tenu de se raccorder. Ainsi Bahazar Peruzzi a tiré le parti le plus ingénieux du site et de l’emplacement ingrat où il fut obligé de bâtir le palais Massimi. Voyez Peruzzi.

PARVIS, s. m. On a donné de la signification de ce mot, ainsi que de sa formation, des raisons peu satisfaisantes.

On a prétendu que c’étoit, dans le temple de Salomon, un espace quelconque qui environnoit ou précédoit le tabernacle. Mais il est clair que l’usage d’une place en avant de ce monument, fut commun à beaucoup d’autres, et ensuite rien ne nous assure que le mot français ne soit pas une traduction fort arbitraire, et ce qu’on appelle un équivalent du mot hébreu.

Il y a sur l’étymologie du mot parvis une opinion plus difficile encore à admettre : on le fait dériver du mot paradis en supprimant l’a, et en changeant le d contre un v. Cela vient, dit-on, de qu’on regardoit les places en avant d’une église, comme un symbole du paradis terrestre, par lequel il faut passer pour arriver au paradis céleste, qui est l’église.

Il nous semble que s’il falloit une étymologie grammaticale au mot parvis, on la trouveroit avec plus de vraisemblance dans le mot latin pervium, qui signifie l’accès ou le passage qui donne entrée dans un lieu quelconque.

Quoi qu’il en soit, le mot parvis s’est donné et se donne en France, à la place qui est devant la principale façade d’une église ; l’on dit toujours à Paris, le parvis de Notre-Dame, pour signifier la place qui précède cette cathédrale.

PAS, s. m. On donne ce nom à une mesure naturelle ou conventionelle : c’est l’espace qui, lorsqu’on marche, sépare le pied qui reste en arrière de celui qu’on a porté en avant. On voit que cette sorte de mesure, comme toutes celles dont les hommes ont pris le type dans le pied, le palme, le bras, la coudée, doit être variable selon les individus ; c’est pourquoi on a été obligé de lui donner une dimension de convention : ainsi on a établi que le pas géométrique est de cinq pieds.

Pas. Se prend pour le seuil de la porte : il signifie aussi la marche dans une suite de degrés, comme lorsqu’on dit, il y a quatre pas à monter. Les pas diffèrent cependant du seuil, en ce qu’ils avancent au-delà du nu du mur, en manière de marches.

Pas, pl. Petites entailles, par embrévement, faites sur les plates-formes d’un comble, pour recevoir les pieds des chevrons.

PASSAGE, s. m. Ce mot indique dans les villes, dans les maisons, dans toute espèce d’édifice, un conduit qui diffère de ce qu’on appelle rue, allée, corridor.

Passage de servitude. C’est un passage dont on jouit sur le terrain d’autrui, par convention ou par prescription.

Passage de souffrance. C’est celui qu’on est obligé de souffrir chez soi, ou sur son terrain, en vertu d’un titre.

PATENOTRES, s. m. pl. Ce mot est emprunté de l’usage pieux de réciter le Pater noster, selon l’indication qu’en porte le chapelet. Ce sont donc tout simplement, dans l’ornement, de petits grains ronds qu’on taille sur les baguettes : ce terme est synonyme de perle dans le langage de l’ornement.

PATÈRE, s. f. On appeloit ainsi patera dans les pratiques religieuses des anciens, un vase propre aux sacrifices, servant sans doute ou aux libations, ou à recevoir le sang des victimes. Il y en avoit de plus d’une forme, et elles différoient encore dans leur grandeur et leurs ornemens ; quelques-unes avoient un manche, d’autres, et de ce genre sont celles qu’on voit fréquemment dans la main des divinités, ne consistoient qu’en une forme circulaire à peu près semblable à celle de ce que nous appelons une soucoupe. Il s’en fit en terre, en bronze, eu argent et en or. Leur intérieur surtout recevoit des ornemens. Beaucoup de patères, parmi celles qui sont venues jusqu’à nous, ne furent que des vases votifs, et comme elles n’étoient réellement destinées à aucun emploi, l’art se plaisoit à les orner de toutes sortes de figures.

C’est sans doute de l’usage de ces patères votives, suspendues dans les temples et dans leurs opisthodomes, comme objets purement décoratifs, que sera venue l’idée d’en imiter les formes dans l’architecture, et d’en faire un ornement que la sculpture s’est plue depuis à multiplier sur les cippes, les autels, dans les frises et en beaucoup d’autres monumens.

Ainsi trouve-t-on souvent la patère sculptée dans les métopes de l’ordre dorique, où sa forme circulaire s’adapte agréablement à l’espace carré qui la reçoit.

Cet ornement, quoique moins en rapport avec les usages et la religion des modernes, a continué de trouver place dans les ornemens même des édifices religieux. Il est devenu comme une sorte de symbole consacré au culte, et certaine analogie de forme avec ce qu’on appelle la patère dans les cérémonies de l’Eglise, a contribué encore à le naturaliser dans l’architecture chrétienne.

PATIN, s. m. Pièce de bois posée de nive sur le parpain de chiffre d’un escalier, et dans laquelle sont assemblés à-plomb les noyaux et les potelets.

PATINS. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièces de bois que l’on couche sur un pilotage, et sur lesquelles on pose les plates-formes pour fonder dans l’eau.

PATTE, s. f. Petit morceau de fer plat, droit ou coudé, fendu ou pointu par un bout, et à queue d’aronde par l’autre, qui sert pour soutenir les placards et chambranles des portes, les châssis dormans des croisées, et les lambris de menuiserie.

Patte en platre. C’est une patte dont la queue est refendue en crochet.

Patte-d’oie, s. f. (Charpenterie. ) C’est une enrayure formée de l’assemblage des demi-tirans qui retiennent les chevets d’une vieille église.

On se sert aussi du mot patte-d’oie pour exprimer la marque à trois hoches qu’on fait sur les pièces de bois avec le traceret.

Patte-d’oie de jardin. Division de trois allées qui viennent aboutir à un même endroit.

Patte-d’oie de pavé. C’est l’extrémité d’une chaussée de pavé, qui s’étend en glacis rond pour se raccorder aux ruisseaux d’en bas.

PAVÉ, s. m. Ce mot, dans la langue ordinaire, a deux significations, et dans le langage de l’art il exprime aussi deux choses assez différentes.

Selon l’usage le plus commun, on appelle pavé l’aire d’un chemin, d’une cour, d’un espace quelconque, qui pour l’avantage de la marche et le service des charois est recouverte ou formée d’un assemblage de petites pierres, de cailloux, de grès ou de toute autre matière solide. C’est aini qu’on dit qu’il y a un bon ou un mauvais pavé d’un lieu à un autre ; on dit le pavé d’une rue, d’une cour, etc. Dans ce sens on parle de l’assemblage des matériaux qui affermissent le terrain.

Selon le même usage on appelle pavé le corps solide pris séparément, qui sert à faire l’assemblage dont on vient de parler ; et l’on dit on pavé de grès, de cailloux, etc. On dit remplacer un pavé par un autre, etc.

Le mot pavé s’applique aussi diversement aux ouvrages de l’art. Il signifie d’abord non plus le travail grossier des chemins, des rues, etc. , mais dans les intérieurs des monumens, des appartemens, les compartimens des matières dont on recouvre leur sol. On donne ensuite ce nom à de certains ouvrages de goût, où le dessin et l’ait des ornemens produisent des compositions s ou moins agréables : c’est ainsi qu’on dira, un pavé de stuc, de marbre, de mosaïque.

Nous ne dirons que peu de chose dans cet article, des pavés anciens ou modernes qui entrent dans la formation des routes. On trouvera sur ce point des notions fort étendues aux mots Aire et Chemin (voyez ces mots). Nous avons aussi, au mot Mosaïque, parlé des plus riches pavés en ce genre, qui comprend, comme on l’a vu, l’emploi des marbres de toutes couleurs.

Il ne nous reste donc ici qu’un petit nombre d’observations à faire sur les pavés, qui par l’emploi des compartimens, deviennent des objets dépendans de l’art du dessinateur et de l’architecte.

Ces pavés, soit qu’ils se composent de cimens, de pierres ou de marbres, sont susceptibles de recevoir des dessins de toute espèce, et de produire par la réunion des couleurs un très-grand nombre d’effets, qui peuvent se trouver plus ou moins en harmonie avec le local qui let reçoit.

S’il s’agit de cet effet des couleurs dans leur rapport au caractère des lieux, tout le monde sentira que des marbres noirs, par exemple, auxquels on opposera dans une juste mesure le contraste du marbre blanc, devront former le pavé d’une chambre ou d’une chapelle sépulcrale. Les couleurs gaies et fleuries y seroient aussi déplacées, qu’elles seront convenablement appliquées à des galeries, à des lieux de plaisir. Il faut avouer que l’architecte n’est pas toujours le maître d’employer au pavé de ses intérieurs les marbres qui seroient assortis à leur caractère, et le doit souvent se contenter de mettre en œuvre ceux que le pays lui fournit.

Mais l’artiste peut ordonner plus à son gré le plan et le dessin des compartimens dont il forme son pavé. Certaines sujétions d’économie lui prescrivent souvent de mettre en œuvre de petits morceaux, ou des fragmens de marbres divers : c’est là qu’il fera preuve d’intelligence et de goût. L’art de la marbrerie, sous ce rapport, a beaucoup de ressemblance arec celui de sa marquetterie ou de l’ébénisterie, qui n’a guère que de fort petits morceaux de bois dont il puisse opérer la réunion. Le génie de l’ornement leur offre une multitude de détails légers qui ne demandent, pour produire les plus agréables effets, que ce que l’on peut appeler des échantillons, soit en bois, soit en marbre. Tels sont les méandres, les portes, les palmettes et tous les genres d’enroulemens qui forment tantôt les cadres, tantôt les divisions des objets, que le dessinateur imagine de faire entrer dans ces sortes de tableaux.

Il est peu de configurations qui ne se prêtent, soit en grand, soit en petit, à l’assemblage des marbres de différentes couleurs, au moyen desquels on peut produire dans les pavés un semblant de peinture, ou tout au moins l’imitation du travail de la tapisserie.

Nous ne pouvons passer ici sous silence, comme exemple unique et mémorable de ce que l’art peut faire en ce genre, le magnifique pavé du dôme de la cathédrale de Sienne, commencé par Ducio, et terminé par Dominique Beccafumi. On avoit cru, et Vasari lui-même avoit avancé que dans cette sorte de peinture, Beccafumi s’étoit étudié à produire les ombres des figures par des marbres gris ou noirs, opposés au marbre blanc, pour faire les clairs. Mais M. Mariette s’est convaincu et a prouvé, que tout le travail consistoit en traits tracés avec des couleurs, dont la propriété étoit de pénétrer le marbre jusqu’à une certaine profondeur.

Du reste, on ne sauroit trop admirer, dans les compartimens de ce pavé, la suite des sujets d’histoire qui y sont tracés en figures de grandeur naturelle, et même au-dessus. Mais leur description ne pourroit regarder que le Dictionnaire de Peinture.

Tout ce qui regarde les opérations pratiques du pavement moderne des rues ou des chemins, ayant été traité an mot Chemin, et ce qui se rapporte au goût des pavés de luxe, rentrant dans l’ordre des notions de la décoration par le dessin et la peinture, nous nous contenterons d’indiquer dans la nomenclature suivante, les différentes manières de faire les pavés.

Pavé de briques. Pavé dont la masse se compose de briques potées de champ, quelquefois en épi, ou ce qu’on appelle point de Hongrie (tel est le pavé de la ville de Venise), quelquefois posées à plat, d’autres fois faites en forme barlongue et à six pans, etc.

Pavé de cailloux. Pavé qui est fait par un assemblage ou de petits cailloux cimentés, ou de gros cailloux de rivière, posés de champ les uns près des autres. On appelle galets les cailloux que la mer rejette sur ses rivages, et on les emploie aussi au pavement dans les villes maritimes.

Pavé de grès. C’est un pavé qu’on fait de quartiers de grès de huit à neuf pouces, presque de figure cubique. On s’en sert à Paris pour paver les rues, les cours, et, dans une partie de la France, pour paver les grands chemins.

On appelle pavé refendu le pavé qui est de la demi-épaisseur du précédent, et dont on pavé les petites cours, les cuisines, les écuries, etc.

On appelle pavé d’échantillon celui qui est de grandeur ordinaire, selon la coutume de Paris.

Le pavé de grès est le meilleur. L’usage en a été introduit à Paris et aux environs, par le roi Philippe-Auguste, l’an 1184.

Pavé de lave. Pavé fait avec les pierres produites par les volcans. Ces substances sont de natures différentes. Il en est de plut dures, et qui ne se travaillent guère qu’en se cassant. On les emploie à paver, tantôt en très-grands morceaux unis à joints irréguliers, comme les Romains le pratiquèrent dans le pavement de leurs routes, comme on le pratique encore à Florence dans le pavement de ses rues, et tantôt en petits blocs carrés, comme on le fait aujourd’hui à Rome. Il est une pierre de lave qui se taille en dalles quadrangulaires, et qu’on pique. C’est ainsi qu’est parée la ville de Naples.

Pavé de marbre. C’est celui qu’on fait, soit en dalles de marbre, soit en carreaux d’égale dimension, ordinairement de deux couleurs, soit en grands compartimens que l’architecte dispose en plan, de manière à ce que les lignes et les configurations de ces compartimens correspondent aux corps principaux, aux dispositions des voûtes, des plafonds, et aussi de leurs ornemens.

Le plus bel exemple qu’on puisse citer, à Paris, de ces sortes de pavés, dans de grands monumens, est celui du pavé de la coupole des Invalides.

Pavé de moilon. Pavé fait de moilons de meulière posés de champ, pour affermir le fond de quelque grand bassin ou pièce d’eau.

Pavé de pierre. On appelle de ce nom, pour les distinguer de ceux qu’on fait en marbre, les pavés de pierre commune mais dure, et qu’on taille en dalles de toute grandeur ou en carreaux quadrilatères. On peut se dispenser de citer les exemples de ce genre de pavés, tant ils sont multipliés.

Pavé de terrasse. Pavé qui sert de couverture en plate-forme, soit sur une voûte, soit sur un plancher en bois.

Pavé poli. Nom général qu’on donne à tout pavé bien assis, bien dressé de niveau, cimenté, mastiqué et poli avec le grès.

PAVEMENT. On se sert de ce terme pour exprimer l’action de paver, et aussi l’espace pavé en compartiment de carreaux, de quelque genre qu’ils soient.

Le mot pavement répondant au mot pavimentum du latin, si généralement employé à désigner des ouvrages de luxe, d’art et de goût, devroit être d’autant plus convenablement affecté aussi en français à cet emploi, qu’on a quelque peine à nommer du même nom pavé, et les ouvrages les plus grossiers du besoin, et les travaux les plus élégans, les plus variés du luxe et de la magnificence des intérieurs.

PAVER, v. act. Ce verbe appliqué à l’opération toute ordinaire du pavé des rues et des chemins, signifie asseoir le quartier ou le dé de grès ou de pierre, le dresser au marteau, le battre avec la demoiselle.

On dit paver à sec lorsqu’on asseoit le pavé sur une forme de sable de rivière, comme cela se pratique à Paris, dans les rues et sur les grands chemins.

On dit paver à bain de mortier, lorsqu’on se sert de mortier de chaux et de ciment, pour asseoir et maçonner le pavé, de la manière dont on le fait dans les cours, les cuisines, les écuries, terrasses, aqueducs, pierrées, cloaques, etc.

On dit repaver : c’est manier à bout le vieux pavé sur une forme neuve, et en mettre de neuf à la place de celui qui est cassé.

PAVEUR, s. m. C’est le nom de la profession de ceux qui entreprennent, taillent et assoyent les pavés.

PAVILLON, s. m. Ce mot vient de l’italien padiglione, où il signifie, comme aussi en français, une tente ou un de ces logemens que, dans les camps, on établit légèrement et ordinairement avec un comble incliné pour les eaux. Nous ne voyons pas qu’en Italie le mot padiglione et l’objet qu’il exprime au propre, soient fort usités dans le langage, comme dans les formes de l’architecture.

L’application très-usuelle et fort ancienne qu’on a faite en France du mot pavillon à certains corps de bâtiment, nous paroît provenir des usages des châteaux et des toitures gothiques. Les tours et les tourelles si multipliées dans la disposition des châteaux, les corps de bâtimens isolés que nous voyons encore dans ce qui nous


en reste, les combles fort élevés qui les couronnoient, tout cela ne laissa pas d’offrir, au moins pour la vue, quelque ressemblance avec les tentes et leurs pavillons. Pourquoi ne chercheroiton pas là, l’étymologie de cette dénomination dans l’architecture française ?

Il y a ainsi de certaines traditions qui se perpétuent dans les édifices, même après que l’architecture y a changé de forme et de style. Ainsi, le château des Tuileries a conservé dans sa façade renouvelée sous Louis XIV, l’usage de ces corps de bâtimens carrés et isolés, réunis autrefois par des murs dans les enceintes des châteaux, et l’on y appelle encore cet trois principaux corps du nom depavillon. On dit le pavillon de Flore, le pavillon de l’horloge ; même chose au Louvre, où les restaurations et les reconstructions successives ont supprimé quelques-uns de ces pavillons, et ont toutefois conservé celui qu’on appelle le pavillon des caryatides.

Le nom de pavillon se donne toutefois aujourd’hui à tout petit bàtiment isolé et couvert d’un seul comble.

Tels sont, dans les jardins, les petits édifices qu’on y construit, pour servir de retraite et de lieu de repos.

PAYSAGE, s. m. (Jardinage. ) On donne ce nom, soit à un ouvrage de la peinture, dont l’imitation représente la vue d’un pays, d’une scène quelconque de la nature, ou d’un point de vue plus ou moins étendu de cette scène, soit aussi à la chose elle-même en réalité, c’est-à-dire, à l’objet de l’imitation. C’est au Dictionnaire de Peinture qu’il faut renvoyer le mot PAYSAGE, sous le premier rapport. A l’égard du second, il ne peut trouver place ici que comme article de jardinage.

Il est encore entendu que l’idée de paysage, dans l’art de composer et de faire des jardins, ne convient qu’au genre du jardinage irrégulier. Ce n’est pas que dans le système opposé un ne doive avoir aussi en vue, en composant un jardin régulier, d’y ménager des percés, d’où l’on découvre le pays d’alentour, et qui font jouir de l’aspect de paysages et de sites plus ou moins heureux, selon les pays et les cantons : mais on doit dire que le jardin régulier, assujetti à un plan et à des lignes symétriques, ne sauroit offrir eu lui-même et dans sa seule enceinte, l’idée d’un paysage, comme ouvrage seul de la nature ; et si, comme on l’a dit, il peut donner ouverture aux aspects naturels du dehors, leur contraste avec les formes régulières que l’art a données an jardin, produiroit dans l’imitation un effet peu agréable.

L’esprit et le système du genre de jardinage irrégulier consiste au contraire, d’abord à façonner le jardin dans des contours, des formes et avec des masses susceptibles de se lier sans disparate aucune, avec le pays d’alentour, en sorte que les parties des jardins ne semblent être que les premiers plans du paysage, mais ensuite à disposer, surtout dans de grands espaces, et les plantations, et le terrain même, de manière à produire ces inégalités, ces variétés d’aspect, qu’on trouve dans la nature agreste et non travaillée par la main des hommes.

Il y a de ces jardins, qui, occupant plusieurs lieues de superficie, et pratiqués sur des terrains inégaux, avec des sols divers, des rochers, des étangs, des cascades, prêtent à l’artiste qui sait en profiter, tous les moyens de produire des paysages de plus d’un genre. Lorsque de tels terrains, sur de vastes superficies, reçoivent différentes sortes de culture, des bâtimens rustiques, des ponts, des fabriques d’utilité ou d’agrément, et que tout cela se trouve tout simplement mis en accord avec les points de vue ou des campagnes environnantes, ou des montagnes lointaines, l’illusion du paysage en réalité y devient telle, que l’idée d’imitation disparoît. Nous avons déjà fait sentir à l’article Jardinage (voyez ce mot) qu’alors l’idée d’image étant remplacée par celle de réalité, l’art s’est trompé lui-même, puisqu’on croit voir le modèle au lieu de son imitation. Ce qui fait que cet art du jardinage cesse d’être un art, selon les éléments d’une saine théorie.

PEINTURE, s. m. Il ne peut appartenir à ce Dictionnaire de traiter de la peinture que sous les deux rapports généraux qui mettent l’emploi soit des ouvrages de cet art, soit des substances colorantes, en contact avec l’architecture et avec les édifices.

L’un de ces rapports embrasse l’usage ou l’abus qu’on peut faire des inventions ou des compositions du peintre, dans leur application à l’ensemble comme aux parties constituantes de l’architecture et de la construction.

L’autre rapport est celui des substances colorantes, des procédés pratiques et de leur emploi, taut au dedans qu’au dehors des bâtimens.

Si l’on considère l’emploi de la peinture, c’est-à-dire des sujets d’imitation propres de cet art, comme contribuant à la décoration de l’architecture, il y auroit lieu de développer sur ce point une théorie fort étendue, et qui seroit seule l’objet d’un ouvrage. D’abord il faut commencer par poser en principe, que lorsque la peinture est appelée à décorer un édifice, cet art ne peut pas s’y exercer avec toute l’indépendance du génie de la composition. L’architecte ne sauroit jamais cesser d’être l’ordonnateur et le régulateur de tout ce qui, n’étant qu’accessoire, doit se conformer au goût et aux convenances de l’objet principal.

Il y a donc nécessité, que l’architecte décide du genre de sujets que le caractère de son édifice doit admettre.

Or, sur ce point, la peinture décorative comporteroit plus d’une division, relativement à la nature, à la proportion, à l’exécution des sujets.

Quant à leur nature, il seroit superflu de s’arrêter à prouver, que la destination de chaque édifice demande des sujets qui lui soient analogues, qu’on les puise, soit dans la classe des compositions historiques, soit dans celle des idées allégoriques ou des motifs symboliques, soit dans la région capricieuse de l’arabesque.

La proportion des sujets que le peintre aura à traiter est une des choses que l’architecture doit fixer avec le plus de soin. Il est inutile de faire observer que de ce rapport de proportion entre les détails de la décoration el les masses de la construction, résulte l’harmonie générale de l’ensemble. Rien n’est plus ridicule que de voir, comme on l’a fait trop souvent, les petits objets et les légères inventions de l’arabesque appliquées à de grands espaces et à des édifices d’un caractère grave et sérieux. Bien souvent encore de trop fortes dimensions dans les figures des compositions, tendent ou à rapetisser l’effet de l’architecture, ou à lui donner un excès de pesanteur.

Le genre de l’exécution, contribue aussi à l’accord ou au désaccord de la décoration avec le local qu’elle occupe. Une exécution libre, facile, heurtée, pourra convenir dans de grands espaces, et aux sujets vus de loin, comme dans des plafonds ou des coupoles. Une exécution fine, légère et précieuse, propre aux petits endroits, doit accompagner les membres d’une architecture délicate, et son fini contribuera à relever encore celui de l’exécution matérielle des profils et des ornemens, que le ciseau du sculpteur y aura taillés.

Mais une convenance indispensable dans l’emploi des compositions de la peinture appliquée à la décoration de l’architecture, c’est que le peintre soit tenu de les renfermer dans les espaces que l’architecte, ou pour mieux dire l’architecture même lui prescrit.

On ne citeroit que trop d’exemples, en Italie surtout, de cette sorte d’extravasion de la peinture, de cet empiétement du domaine d’un art sur le terrain d’un autre. On a vu des peintres disposer de tous les espaces d’un édifice, et regardant toutes ses superficies comme une grande toile préparée pour le pinceau, détruire par des illusions de la couleur tous les membres, toutes les saillies de l’architecture, les couper par des figures, faire descendre des groupes et des nuages jusque sur les parties essentielles de la modénature. On a vu enfin la forme de l’édifice disparoître par lea usurpations de la peinture. Voyez Plafond.

Le simple bon sens nous dit cependant, que la peinture n’est admise dans tout édifice, que comme un ornement auxiliaire. L’architecte lui ménage des champs ou des espaces sous de certaines conditions. S’il lui livre la superficie entière d’une voûte ou d’un plafond privé de tout membre indicatif de la construction, il lui donne la liberté de supposer que cet espace est un vide, au travers duquel on peut apercevoir ou le ciel, ou toute composition d’objets et de figures présumées en l’air et supportées sur des nuages.

Il est d’autres superficies que l’architecte abandonne au pinceau du décorateur, comme étant des percées, dont l’apparence n’affecte en rien, pour les yeux, le sentiment ou l’effet de la solidité ; mais c’est que des membres d’architecture ou des massifs de construction rassurent la vue, et servent d’encadrement aux compositions du peintre. Celui-ci est donc tenu de se renfermer fidèlement dans les limites qu’on lui prescrit, sinon il détruit pour l’œil l’ordonnance du bâtiment, et en altère le principe essentiel qui est la solidité, sinon réelle, du moins apparente.

Nous ne dirons rien ici de la peinture, soit qu’elle consiste en tableaux isolés, qui ont un cadre, soit que de semblables objets soient peints sur mur à fresque ou autrement, mais avec des encadremens peints et figurant des tableaux. Ces sortes de peinturestrouvent place sur une multitude de superficies, et se considérant comme des objets mobiles, ils donnent beaucoup moins de prise à la critique dont on vient de toucher les principaux points ; savoir, que la peinture ne doit jamais faire invasion sur les parties constitutives des ordonnances, et que jamais, lorsqu’elle est appliquée à ce qu’on appelle les pleins ou les masses de la construction, elle ne doit y traiter de ces sujets qui exigeant des lointains et des perspectives, produisent l’effet du vide, là où l’apparence du plein est nécessaire. La théorie sur ce point est la même pour l’emploi de la peinture que pour celui du bas-relief, qui régnant sur les entablemens d’un édifice, sur le nu d’une colonne, ne doit se permettre que le moindre nombre de plans possible, de peur d’altérer l’intégrité du parement, et de fausser tout te système de l’architecture.

Le second rapport qui unit la peinture à l’architecture, est, avons-nous dit, celui de l’emploi des couleurs, comme enduits sur les surfaces variées des bâtimens.

Les emplois de ce genre ne laissent pas que d’être nombreux, et ils ont lieu soit dans les extérieurs, soit dans les intéurs.

Il est assez reconnu et avéré aujourd’hui, par les ruines de beaucoup de temples d’une assez haute antiquité (voyez PAESTUM), que leurs colonnes et toutes les parties de leurs constructions, lorsque la pierre étoit surtout d’une qualité rebelle à un beau poli, se revâtissoient d’une couche légère de stuc, qui recevoit des couleurs probablement imitant celles des marbres. Ainsi ont été colorés tous les temples doriques de la Sicile, et la peinture qu’on y introduisoit, s’appliquoit avec des teintes diverses aux fonds des mé-


topes, aux mutules et aux détails de leur modénature.

Le luxe des marbres fut si commun dans l’antiquité, qu’un édifice qui n’eût offert qu’une pierre commune, auroit semblé être d’une pauvreté peu convenable, surtout à un temple. Les Anciens savoient aussi faire changer de couleur aux marbres. Pline nous apprend que d’un marbre blanc on faisoit un marbre numidien, en y insérant les veines et les teintes qui le falsisioient ; à plus forte raison dut-ou employer la peinture à colorer les enduits des colonnes qui n’étoient que de briques : telles sont toutes celles qu’on trouve en très-grand nombre, restées debout dans les ruines de Pompéii. On voit encore sur toutes, et la couche de stuc dont la brique étoit revêtue, et les teintes bien conservées des couleurs dont ce stuc étoit peint.

Nous ne pouvons guère douter que la peinture ait été employée comme enduit au dehors de beaucoup de maisons anciennes. L’usage s’en est conservé plus ou moins dans un grand nombre de villes d’Italie. Celle de Gênes, entr’autres, a porté ce luxe extérieur des bâtimens, au point de faire entrer jusqu’à la dorure, dans les couleurs dont plus d’un palais a reçu la décoration.

En général il faut dire que le goût pour ce genre d’orner l’extérieur des bâtimens, ainsi que l’usage qu’on en fait, tiennent à la nature ou à la qualité es matériaux dont on dispose. Les plus favorables à cette pratique sont les revêtissemens qui ont lieu avec des mortiers où il entre de la chaux, et ce qu’on appelle des stucs. La chaux elle-même devient la préparation sur laquelle s’enduisent les couleurs.

Mais les pays où l’on construit beaucoup en bois, où cette matière forme non-seulement les charpentes, mais les panneaux de revêtissement, ces pays, disons-nous, doivent employer moins par goût encore, que par nécessité, la peinture à l’extérieur des maisons. Ainsi voit-on à la Chine et à Constantinople toutes les façades des habitations particulières peintes de toutes couleurs : ce qui ne laisse pas de produire un coup d’œil fort agréable, au dire des voyageurs.

Il semble assez inutile de répéter ici, que la peinture forme la plus grande partie des ornemens, dans l’intérieur des maisons et des appartemens, soit qu’on l’emploie en teinte plate et unie sur let lambris, les portes, les boiseries, les chambranles, les murs, les cloisons, les plafonds et les planchers, soit que ces enduits reçoivent des compartimens de toute sorte de dessin, en rinceaux, en arabesques, en détails décoratifs. Voyez DÉCORATION.

On auroit plutôt fait de dire ce qui, dans les édifices, ne reçoit pas le concours des couleurs et de leur application, que ce qui en réclame nécessairement l’emploi, tant sont nombreux les besoins que les matériaux en ont pour leur propre conservation, tant la propreté et l’agrément des intérieurs dépendent des préparations du peintre en bâtiment.

Tous les détails de cette partie pratique de la peinture se trouvent aux articles Décoration, Enduit, etc., et aux mots qui expriment les divers objets auxquels l’application des couleurs est nécessaire, tels que Lambris, Plafonds, etc.

Nous ne dirons plus que deux mots, sur les différens genres de peinture qui, sous le rapport seul de leur nature, ou de leur procédé technique, entrent dans les besoins de l’art de bâtir, et les plaisirs de la décoration. Ces genres de peinture se distinguent par les noms suivans.

Peinture. — en camaïeu est celle où l’on n’emploie qu’une ou deux couleurs sur un fond d’une autre couleur, et quelquefois doré. On l’appelle grisaille lorsqu’elle consiste en une seule couleur grise.

en clair-obscur — est celle où l’on ne met en œuvre que du noir et du blanc. On en use ordinairement pour peindre dans la décoration, des figures ou des bas-reliefs, en manière de marbre blanc ou de pierre.

à détrempe. On donne ce nom à la peinture qui emploie les couleurs détrempées avec de l’eau et un peu de gomme ou de colle : on s’en sert sur le plâtre, le bois, les peaux, la toile et le papier. C’est de cette manière qu’on peint les décorations de théâtre, des fêtes publiques, et ces tentures de papier qui ont remplacé depuis plusieurs années le travail du pinceau, dans la décoration des intérieurs de maison.

à fresque. On appelle ainsi celle qu’on exécute sur des murs fraîchement enduits d’un mortier fait de chaux et de sable, avec des couleurs détrempées à l’eau et préparées exprès. Cette sorte de peinture est des plus solides, et elle peut être employée dans les endroits exposés à l’air.

à l’huile — est celle où les couleurs qu’on emploie, ont été broyées et mêlées avec des huiles plus ou moins siccatives. La peinture à l’huile est celle dont on use le plus souvent dans les intérieurs des maisons, sur les bois, les lambris, etc.

On comprend que nous n’avons dû faire ici aucune mention de bien d’autres genres de peintures, comme celles qu’on nomme en émail, au pastel, en miniature, etc., qui sont tout-à-fait étrangères à l’architecture.

PELLEGRINO (Tibaldi), né en 1522, mort en 1592. Il fut surnommé Tibaldi, parce que son père, qui étoit un maçon, s’appeloit communément maître Tibaldo. Il fut d’abord peintre, et fit dans la peinture de tels progrès, que les Carraches l’appeloient un Michel Angelo riformato : ce qui signifie que Pellegrino avoit dans sa manière adouci la fierté du destin Michel Angesque, et avoit su y joindre une couleur plus naturelle, et un ton de chair plus vrai. Mais ce ne fut pas sans de grands efforts qu’il parvint à cette supériorité : il paroît avoir eu long-temps à lutter contre l’adverse fortune. On raconte qu’Octavien Mascherino le rencontra un jour dans les environs de Rome, près de la Porta Portese, en proie à un tel désespoir de son peu de succès dans la peinture, qu’il étoit résolu de se laisser mourir de faim. Mascherino l’en dissuada (peut-être sans beaucoup de peine), et lui conseilla de s’adonner à l’architecture.

Ainsi Pellegrino embrassa ce nouvel art, où il devint en peu de temps si habile, et s’acquit une telle réputation, qu’il fut chargé de la grande construction de la grande cathédrale de Milan, et ingénieur en chef du duché de ce nom.

L’église cathédrale de Milan fut commencée en 1387, sous le duc Jean-Galéas Visconti. Ce fut un certain Henri Zamodia ou Gamodia, architecte allemand, qui en donna le plan. D’autres veulent que le premier auteur de ce vaste édifice ait été Caporale, commentateur des cinq premiers livres de Vitruve, le même qui a fait la Chartreuse de Pavie. Si on ne fait attention qu’à l’étendue de cette église, à la beauté des marbres qui la décorent, à la quantité des sculptures de tout genre, on peut la comparer aux plus célèbres monumens de l’Europe moderne. Mais si on examine le tout dans le sens de l’art, et avec les yeux de l’artiste, on trouve que ce grand ensemble manque du génie de l’invention. On n’y voit ni forme décidée, ni correspondance entre les parties, ni une véritable connexion de celles-ci avec le tout. Les membres de ce vaste corps sont foibles, las détails en sont des découpures : ce n’est au fait qu’une montagne de marbres évidée, un amas de matières transportées à grands frais, et placées les unes à côté des autres, sans goût et sans aucun ordre.

On ne nous apprend point que Pellegrino y ait fait d’autre chose, que le dessin de son pavé, qui passe pour un fort bel ouvrage, et le projet de sa façade qui fut approuvé par S. Charles Boromée. Elle est d’un goût qui tient une sorte de milieu entre ce qu’on appelle le gothique, et ce qu’il faut appeler te style antique.

Pellegrino eut pour associé et pour rival dans la construction de l’église de Milan, Martin Bassi, qui le combattit sur plusieurs points, entr’autres sur la disposition d’un certain bas-relief qui devoit être placé au-dessus de la porte du nord, sur le baptistère de l’église, etc. Ces controverses ont donné lieu à plus d’une consultation, où intervinrent Palladio, Vignola, Vasari et Bertani. Martin Bassi, qui paroît avoir eu l’avantage, publia à cette occasion un écrit intitulé Dispareri in materia d’architettura e di prospettiya, c’est-à-dire, dispute sur différens sujets d’architecture et de perspective.

On ne doit pas négliger de rapporter, à l’occasion de ces démêlés, la réponse de Vignole au sujet de la construction du baptistère dont on a fait mention, Pellegrino, très-prévenu en faveur de son plan, proposoit d’avoir recours dans les entre-colonnemens à des armatures de fer, qui devoient en prévenir l’écartement. Vignole lui répondit que les édifices ne devoient point être soutenus par des lisières.

Lorsque Pellegrino étoit occupé de ces débats, Philippe II, roi d’Espagne, l’appela pour peindre à l’Escurial, pour restaurer le vieux palais, et encore pour d’autres travaux. Notre artiste se rendit aux invitations du Roi, dont il remplit les intentions, avec un succès qui contribua à sa réputation autant qu’à sa fortune. Après un séjour assez long en Espagne, il retourna en Italie, où il rapporta plus de cent mille écus. Le Roi lui donna de plus la terre de Valsoda, où il étoit né, et érigea, pour le récompenser encore, ce fief en marquisat.

Pellegrino est l’auteur de beaucoup de monumens : on cite de lui à Milan l’église de Saint-Laurent, où l’on voit une coupole octogone, dont les côtés sont égaux, sur un soubassement octogone aussi, mais à côtés inégaux ; l’église des Jésuites offre dans sa nef une décoration peu ingénieuse : sa façade, qui a deux ordres l’un au-dessus de l’autre, participe des défauts de ce genre de composition. Ancône vante le beau portique dont Pellegrino fut l’architecte. Bologne cite parmi les monumens qu’elle lui doit, le palais et la chapelle bâtie pour la famille Poggi ; l’église de la Madone, près Saint-Celse, une autre dédiée à la Sainte-Vierge, et le cortile de l’Institut, d’ordre dorique, avec des métopes barlongs entre les pilastres accouplés.

On doit citer comme preuve du talent et de la rare intelligence de Pellegrino Tibaldi, la maison professe des Jésuites à Gênes. L’architecte eut à tirer parti d’un terrain des plus irréguliers, et bordé de rues étroites. Il ne paroissoit pas possible qu’un semblable espace pût suffire à tout ce qu’exigeoient les besoins et les convenances du programme proposé pour l’établissement. Toutefois Pellegrino mit tant d’art dans son plan, qu’après avoir trouvé à y faire entrer une fort belle église au lieu le plus apparent, il sut profiter de tout le reste du terrain, de façon que rien n’y fut oublié ; et l’on y admire comment il avoit pu y disposer, avec aisance, les parties si nombreuses d’un local, où il falloit réunir d’amples et spacieux réfectoires, de beaux corridors, des salles de récréation, une magnifique bibliothèque, une grande cour, et tant d’autres pièces d’usage, de nécessité et d’agrément.

Ce monument est encore aujourd’hui un des plus remarquables de la ville de Gênes, et par sa masse, et par sa richesse, et par la noblesse de son architecture. On ne citera point comme un mérite rare, dans une ville où abondent les plus beaux marbres, le luxe des matières. L’éloge qu’on doit ici à Pellegrino, c’est d’avoir su faire que l’admiration de la matière n’arrive qu’après celle de l’art.

Pellegrino eut pour élève son fils, qu’on appella Domenico Tibaldi, qui fut comme son père, peintre à la fois, et architecte également renommé dans l’un et l’autre art, et qui sut y ajouter encore le talent du graveur.

Il exécuta, dans la cathédrale de Bologne, une chapelle que Clément VIII, dit-on, déclara supérieure même aux plus belles de Rome.

Bologne compte de cet artiste plus d’un ouvrage et des plus recommandables. Tels sont celui de la douane, qui, dans son genre, n’a point son pareil ; celui de la Madona del Borgo su le mura, celui de la grande porte de l’hôtel-de-ville, où l’on plaça la statue de Grégoire XIII.

Mais ce qui mérite encore plus d’éloges, c’est le palais Magnani. Sa façade est décorée de deux ordres d’architecture, sans entablement qui les sépare : de-là un mérite d’unité harmonieuse. Ce palais est d’une dimension médiocre, mais la grande manière qui y domine, le fait paroître beaucoup plus étendu qu’il n’est. Il en est de même de sa cour qui, malgré sa petitesse, paroît très-spacieuse.

Cet habile architecte, né en 1541, mourut en 1588, et comme l’on voit, jeune encore, dans toute la force de son talent, et laissa beaucoup d’enfans. Il fut enterré dans l’église de l’Annonciade, à Bologne.

PELOUSE, s. f. Nom qu’on donne à un terrain couvert d’une herbe fine et menue : tels sont les tapis de gazon qu’on pratique dans les jardins et les parcs.

PENDANT. Ce mot se prend substantivement et adjectivement. On dit, en fait d’ouvrages d’art, faire un pendant, donner un pendant à un tableau, à une statue ; et l’on dit aussi qu’un objet fait pendant à un autre. Dans ce sens, un corps de bâtiment fait pendant à un autre corps de bâtiment, lorsqu’il est placé dans un rapport de distance, et composé dans un système de symétrie qui, soit en plan, soit en élévation, le répètent exactement.

PENDENTIF, s. m. C’est une portion de voûte entre les arcs d’un dôme, qu’on nomme aussi fourche ou panache, et dont l’espace se remplit par des figures sculptées, comme on le voit à l’église du Val-de-Grâce et à celle des Invalides à Paris. Dans d’autres coupoles, les pendentifs sont ornés de figures peintes, et tels sont, à Rome, ceux des églises de Saint-André della Valle et de Saint-Charles degli Catenari, ouvrage du Dominiquin. Les pendentifs du dôme de Saint-Pierre sont en mosaïque.

Pendentif de moderne. C’est la portion d’une voûte gothique, entre les formerets, arcs doubleaux, ogives, liernes et tiercerons.

Pendentif de valence. Espèce de voûte en manière de cul-de-four, rachetée par fourche. On les appelle de Valence, parce qu’on croit que le premier a été exécuté à Valence en Dauphiné.

PENDULE, s. f. On a donné ce nom à la boîte ou au cartel qui renferme le mouvement et le cadran d’une horloge à pendule. Parmi les formes sans nombre que le caprice de la mode a données aux pendules, il n’est pas rare d’eu trouver qui ont pris modèle sur le type des autels, des cippes, que les Anciens ornoient de profils, de moulures et d’accessoires divers. Cette forme, qui a l’avantage de se prêter commodément au mouvement du pendule, est encore susceptible de recevoir des allégories de tout genre, et comme elle présente aussi l’idée d’un piédestal, elle est très-propre à servir de support à tous les couronnemens qu’on peut imaginer.

PÊNE, s. m. (Terme de serrurerie.) C’est le morceau de fer qui, dans une serrure, ferme la porte, et que la clef fait aller et venir en tournant.

On dit pêne à ressort ou à demi-tour. C’est celui qui se lâche sans le secours de la clef.

Pêne dormant, celui qui ne se meut qu’avec le secours de la clef.

Pêne en bord, celui dont le bout est coudé en équerre ou en rond, pour faciliter la place des ressorts et des mouvemens de la serrure.

Pêne à pignon. Pêne qui se meut par le moyen d’un pignon fixé et tourné sur le palastre.

PENSÉE, s. f. Ce mot se dit, en architecture comme dans les autres arts, soit de la conception que fait l’artiste d’au plan ou d’une élévation d’édifice, et qui n’est encore que dans son imagination, soit du trait léger qu’il en trace sur le papier, pour en fixer les masses principales et l’ensemble, avant de mettre au net et de soigner, par un dessin plus formé, chacune des parties.

On dit, ouvrage qui manque de pensée, celui dans lequel l’auteur n’a reproduit que des réminiscences d’autres ouvrages, ou un parti commun et vulgaire.

On dit, ce fut une grande pensée à Bramante de placer sur les reins des voûtes du temple de la paix, la coupole du Panthéon.

PENTAGONE, s. m. Figure qui a cinq côtés et cinq angles. Le mot devient aussi adjectif, et l’on dit un bâtiment pentagone.

PENTE, s. f. Inclinaison peu sensible qu’on pratique sur divers genres de superficies, comme terrains, terrasses, pavés, pour faciliter l’écoulement des eaux, ou pour tout autre objet. Ainsi, on a vu plus haut que l’espace des théâtres que l’on nomme parterre (voyez ce mot) étoit disposé en pente, pour que les spectateurs placés les uns devant les autres ne se cachent point la vue de la scène.

Il y a des degrés de pente différemment fixés pour chaque genre de superficie, selon les besoins et les usages. La pente se règle à tant de lignes par toise courante, pour le pavé et les terres, pour les canaux des aqueducs, pour les conduits des égouts, pour les chéneaux et gouttières des combles.

On appelle contre-pente dans le canal d’un aqueduc ou du ruisseau d’une rue, l’interruption d’un niveau de pente causés par mal-façon ou par l’affoiblissement du terrain, en sorte que les eaux n’ayant pas leur libre cours, s’étendent ou restent dormantes.

Pente de chéneau. Plâtre de couverture, conduit en glacis, sous la longueur d’un chéneau, de part et d’autre, depuis son heurt.

Pente de comble. C’est l’inclinaison des côtés d’un comble, qui te rend plus ou moins roide sur la hauteur, par rapport à sa base.

PENTELIQUE (Marbre). Le marbre appelé ainsi a tiré son nom du mont Penteles près d’Athènes. Voyez Marbre.

PENTURE, s. f. (Terme de serrurerie.) Morceau de fer plat, replié en rond par un bout et creusé de manière à recevoir le mamelon d’un gond. On l’attache sur une porte ou sur un contrevent, avec clous rivés, pour les soutenir et les faire mouvoir sur leurs gonds, soit quand on veut les ouvrir, soit quand on les ferme.

Penture flamande. C’est une penture faite de deux barres de fer, soudées l’une contre l’autre, et repliées en rond, pour faire passer le gond. Après qu’elles sont soudées, on les ouvre, on les sépare l’une de l’autre, autant que la porte a d’épaisseur, et on les courbe ensuite carrément, pour les faire joindre des deux côtés de la porte.

On ornoit jadis les pentures de feuillages en tôle découpée ou ciselée ; aujourd’hui cela n’a guère lieu que pour les bâtimens communs.

PEONIUS, architecte grec qui eut l’honneur de terminer la construction du grand temple de Diane à Ephèse, et qui, avec Daphnis de Muet, construisit, dans la ville de ce nom, le temple d’Apollon Milésien, d’ordre ionique, et tout en marbre. Ce fut un des plus considérables ouvrages de l’architecture antique. Voyez Milet.

PEPERIN (Peperino). C’est le nom d’une pierre qu’on exploite dans les environs de Rome, et qui, de tout temps, a été employée dans les édifices anciens ou modernes de ce pays. Elle est d’un gris-noirâtre, et on la tire particulièrement des environs d’Albe (aujourd’hui Albano).

PÉPINIÈRE, s. f. (Jardinage.) Selon Ménage, ce mot vient de pepin. Cette étymologie paroît d’autant mieux fondée, que c’est souvent du pepin de certains fruits qu’on tire les jeunes plants qu’on élève.

Mais beaucoup d’arbres se plantent de plus d’une autre manière. Du reste la pépinière est un lieu ordinairement clos on de murs, ou de haies, qui sert à élever des plants d’arbres, d’arbrisseaux et de fleurs, sur plusieurs lignes, et on les sépare, selon leurs espèces, par des sentiers ou des rigoles.

Les grands jardins ont ordinairement des pépinières qui servent à l’éducation des jeunes plants dont on a toujours besoin pour remplacer les anciens. Ces pépinières forment des espèces de petits bois qui contribuent à l’agrément des jardins, en même temps qu’ils servent aux besoins de la culture.

PERCÉ, adj. et subst. masc. On applique, ou du moins on peut appliquer ce mot à toute ouverture qu’on pratique dans un mur, dans une devanture d’édifice. On dira d’un bâtiment, qu’il est bien ou mal percé, qu’il est trop ou trop peu percé, qu’il est percé régulièrement ou non. Cela ne signifie ordinairement rien autre chose, sinon qu’il y a une juste proportion, ou non, entre les pleins et les vides.

Percé devient aussi un substantif, et on emploie ainsi ce mot dans une multitude de cas. On dit, par exemple, dans la disposition d’un jardin, d’un paysage, qu’il faut y ménager ou pratiquer des percés.

Un percé, dans l’architecture, est une ouverture qui, pratiquée au bout d’une pièce, d’une galerie, d’une nef d’église, conduit les yeux au-delà du lieu où l’on est, fait découvrir un nouveau point de vue, et semble agrandir le local.

PERCEMENT, s. m. Nom général qu’on donne à toute ouverture faite après coup, pour la baie d’une porte ou d’une croisée, ou pour tout autre objet.

Les percemens ne doivent pas se faire dans un mur mitoyen, sans appeler les voisins intéressés a donner leur consentement. Voy. Mur mitoyen.

PERCHE, s. f. , signifie, dans son acception la plus ordinaire, un brin de bois long, de la grosseur à peu près du bras, et qui sert à toutes sortes d’usages.

Perche est une mesure qui, sans doute, aura reçu ce nom, dans l’arpentage des terrains, du morceau de bois primitivement employé pour arpenter.

Perches. On appelle de ce nom, au pluriel, dans l’architecture gothique, certains petits piliers ronds, menus et fort hauts, qui, joints ou rapprochés par trois ou cinq ensemble, portent de fond, et se courbent dans leur sommité, pour former les arcs et nerfs d’ogives, qui retiennent les peudentifs.

PERIBOLOS (Péribole). Enceinte bâtie autour des temples dans l’antiquité, et qui comprenoit la totalité du terrain sacré.

Les premiers temples consistèrent dans un espace de terrain consacré, qu’on appeloit hiéron. Ce terrain étoit plus ou moins étendu : il paroit qu’on dut souvent se contenter, à la naissance des sociétés, d’environner d’un mur l’espace au milieu duquel étoit placé l’autel où se faisoient les sacrifices. Voyez Temple.

La construction des édifices sacrés suivit bientôt ; et qui sait si ce qu’on appelle temple ou naos ne fut pas originairement la même chose que le peribolos, c’est-à-dire, l’enceinte plus ou moins étendue du lieu sacré où étoit l’autel.

Dans cette hypothèse, la grandeur et l’étendue des temples, auraient pu dépendre de la grandeur de l’espace originaire de terrain consacré, formant, à proprement parler, le lieu saint ou l’hiéron, qui ne signifie pas autre chose.

Ce qu’on doit croire, et ce qu’il est même permis d’affirmer, c’est que rien n’a jamais pu déterminer une mesure précise à l’étendue du lieu saint primitif. Une multitude de causes locales et morales dut établir et établit réellement, en ce genre, les plus grandes et les plus nombreuses différences. Tous les temples antiques témoignent de ces variétés, et elles dûrent avoir lieu particulièrement dans l’intérieur des villes.

On pourroit donc classer tous les temples de l’antiquité, d’après les données de cette théorie.

Dans la première classe auroient été ceux qui ne consistoient qu’en un espace de terrain vide, sans construction. C’étoit le terrain sacré, sur lequel on ne pouvoit empiéter sans sacrilège.

Bientôt l’on sentit la nécessité d’entourer de murs ces espaces, pour les défendre de toute violation, et l’on bâtit des murs à l’entour. Ce fut là l’origine du peribolos, architecturalement parlant, qui constitua dans la suite la plus grande el la plus magnifique espèce de temple.

Mais le peribolos proprement dit, fut lui-même quelque chose de très-variable, à entendre le mot et l’idée dans le sens simple.

Ainsi, lorsque l’espace sacré ou l’hiéron étoit fort circonscrit et qu’on eut bâit à l’entour un mur, on eut non plus un champ muré, mais un bâtiment qu’il fut naturel de couvrir, et de-là la troisième classe de temple formant un naos, qui n’étoit lui-même que la clôture de l’hiéron. Ce sont là les temples qu’on a pu comparer à une maison, avec une porte d’entrée, et si l’on veut avec un pronaos ou vestibule, et qui renferimoit le terrain sacré.

Si l’on veut supposer ce terrain sacré ou cet hiéron plus étendu, on aura une quatrième espèce de temple, celle des édifices, qu’on peut diviser en plusieurs classes d’ordonnances, qu’on connoît sous les noms de temples prostyles, amphiprostyles, pseudopériptères, périptères, diptères (voyez tous ces mots), où le peribolos est composé de murs soit lisses, soit avec des colonnes engagées, ou bien orné de colonnes isolées, c’est-à-dire, avec un ou deux rangs de galeries ambiantes.

Dans les données de ce système, et en supposant la terre sacrée, ou l’hieron, d’une plus vaste étendue, on aura une cinquième espèce de temples, celle où l’édifice, tel qu’on vient de le décrire, se trouve au milieu de l’espace, entouré lui-même d’un mur orné de colonnes, faisant un promenoir tout à l’entour, et qu’on appela proprement peribolos.

Nous savons que beaucoup de temples antiques, mais surtout les plus grands, furent ainsi environnés d’un péribole formant une très-vaste place.

Cette place étoit ordinairement ornée de statues, d’autels et de monumens de tout genre : quelquefois elle comprenoit de plus petils temples, et elle renfermoit encore des plantations et des bois sacrés.

Le péribole du temple de Jupiter Olympien à Athènes, qui fut terminé sous le règne d’Hadrien, avoit quatre stades de circonférence. On y comptoit un grand nombre de statues consacrées à cet Empereur, par les villes de la Grèce qui avoient été l’objet de ses libéralités. Là se trouvoient d’anciennes statues, telles qu’un Jupiter en bronze, un petit temple de Saturne et de Rhéa, un emplacement particulier qui portoit le nom d’Olympia, et qui probablement étoit planté d’arbres.

ll y avoit un semblable péribole autour des temples suivans ; savoir, le temple de Bacchus à Athènes, celui de Palaemon sur l’isthme de Corinthe, les temples d’Hercule et d’Esculape à Sicyone, celui de Cérès sur l’acropole à Phlius, celui de Despoina à Acacestium en Àrcadie, celui d’Esculape à Titane : il étoit environné de vieux cyprès.

Le temple d’Apollon Didyméen, près de Milet, avoit un péribole et un bois sacré.

Les temples circulaires avoient aussi quelquefois leur péribole, et tel se montre encore le temple qu’on appelle de Jupiter Serapis à Pouzzol.

Pausanias cite beaucoup de temples avec des bois sacrés. Il est à croire que ces bois avoient un mur d’enceinte ou péribole. Peut-être aussi l’usage n’en étoit pas impérieusement prescrit.

On voit encore aujourd’hui en toute réalité un péribole au temple d’Isis à Pompéii. La seule différence entre ce péribole, et ceux qu’on vient de citer, c’est que le petit naos, au lieu d’être dans le milieu de l’enceinte, est à une extrémité, c’est-à-dire, attenant à une des parties du carré formé par elle. On trouve de même dans cette enceinte des autels, et une œdicula parfaitement conservée.

Mais le plus notable exemple de péribole, est à Palmyre, où le grand temple periptère est environné d’une enceinte formée d’un mur avec deux rangs de colonnes intérieures. Chaque face de ce vaste carré a de 7 à 800 pieds de longueur. Voyez Palmyre.

PÉRIDROME, s. m. C’est le nom qu’on donne, dans un temple périptère, à l’espace ou à la galerie, et si on l’aime mieux, à l’allée qui règne entre le mur du naos et les colonnes qui en forment ce que les Grecs appeloient les ailes. Le mot péridrome peut également, d’après sa formation, s’appliquer à toute galerie servant de promenoir autour d’un édifice.

PÉRIPHÉRIE, s. f. signifie contour.

PÉRIPTÈRE (adj. des deux genres). Ce mot se compose de deux mots grecs, pteron, qui veut dire aile, et péri, qui signifie autour.

Périptère signifie donc qui a des ailes à l’entour, qui est entouré d’ailes. C’est que, comme on a eu déjà l’occasion de le dire, et comme on le redira au mot Pteron, le dessin d’un temple périptère grec, considéré soit en plan, soit en élévation, donnoit l’idée d’un corps ailé. Les galeries on colonnes qui l’entourioient, sembloient en être les ailes.

Le mot périptère caractérise une des espèces de temples grecs, dont le naos ou la cella étoit environné d’un seul rang de colonnes, pour le distinguer de celui qui en avoit deux, et qu’on appeloit diptère (voyez ce mot), ou de celui qui n’avoit que des colonnes engagées dans le mur, qu’on appeloit faux-périptère, pseudo-périptère, ou de celui qui avoit des colonnes engagées dans le mur, et un rang de colonnes engagées : c’étoit le pseudo-diptère. Voyez ces mots.

Rien de plus commun parmi les restes des temples grecs, que le temple périptère. Il suffira de citer ici ou de rappeler à la mémoire les temples de Minerve et de Thésée à Athènes, tous les temples de la Sicile et de la grande Grèce, qui sont d’ordre dorique. On voit, à Palmyre, un temple périptère d’ordre corinthien.

Les usages des temples chrétiens ayant fait adopter, comme on l’a dit plus d’une fois, la forme de la basilique antique, où les colonnes se trouvoient plus naturellement appliquées aux intérieurs, il n’a guère pu venir dans l’idée des architectes modernes d’imiter les temples des Anciens, où tout le luxe de l’architecture sembloit réservé pour l’extérieur. Aussi à peine trouveroit-on à citer jusqu’à cette époque un monument périptère moderne.

Cependant Paris voit en ce moment sur le point d’être terminés, dans cette configuration, deux édifices fort remarquables, et qui sont réellement périptères. L’un est l’église de la Madelaine, qui offre dans de très-grandes proportions un magnifique peripteron d’ordre corinthien ; l’autre est l’édifice de la Bourse, monument également périptère, et qui ne differe du temple que par l’absence de frontons. Son ordre est aussi corinthien.

Quelques critiques pourront trouver à redire que le même type d’architecture et d’ordonnance soit employé à deux édifices si divers dans leur destination, et qui sembleroient avoir dû exiger un caractère spécial. Ces critiques pourront avoir raison ; mais là où aucun système régulier et protégé par un pouvoir capable de le mainteuir, ne préside à la construction des édifices, l’architecte indépendant ne voit dans la conception d’un monument, que l’occasion de faire montre de son talent, et les ordonnateurs ne considérant dans une sorum ou l’autre à donner aux édifices, qu’un degré de luxe ou de richesse plus ou moins en rapport avec les sommes qu’on peut y employer, on ne doit guère s’étonner qu’il n’y ait pas de règle, là où il n’y a point de régulateur moral.

On peut dire encore, pour excuser ou faire approuver cette confusion de caractère, résultat de la confusion des types en architecture, que les raisons qui sont de telle ou elle disposition une application spéciale à tel ou tel édifice, n’ont jamais le pouvoir de soumettre le goût d’une manière absolue, et de le forcer à reconnoître des limites. Ainsi pourra-t-on prétendre que tout édifice qui est destiné à recevoir beaucoup de personnes, ayant le besoin de converser ensemble, exige naturellement de ces espaces, qui leur procurent la facilité de circuler à couvert, et que de ce genre est l’édifice de la Bourse.

PÉRISTYLE, s. m. Mot composé, comme le précédent, de deux mois grecs, péri (autour) et stulos (colonne). Ainsi il désigne aussi l’édifice qui a un entourage de colonnes.

La distinction que quelques-uns ont cherché à établir entre la signification du mot périptère et celle du mot péristyle, ne paroît pas trop fondée. Selon cette opinion, le péristyle ne se diroit que de l’édifice qui auroit des colonnes isolées dans son pourtour intérieur. De tout temps, ceux qui ont décrit des monumens ont plutôt suivi les usages du langage ordinaire, que les raisons d’une analyse systématique, à laquelle les mots eux-mêmes ne se sont jamais soumis.

Il nous paroit donc assez inutile de rechercher si les écrivains anciens ont réellement, ou non, observé la distinction dont on parle. Il suffit qu’aujourd’hui il soit certain qu’on applique le mot péristyle à des compositions, à des ensembles de colonnes placées tantôt au dehors, et tantôt au dedans d’un édifice.

Il y a plus : en prenant à la rigueur l’étymologie du mot qui signifie colonnes à l’entour, il seroit encore faux que beaucoup de ces réunions de colonnes qu’on appelle péristyles, selon l’usage, puissent se prendre pour des colonnes qui environnent un édifice.

On se sert effectivement du mot péristyle, et l’on appelle de ce nom, ce qu’on devroit appeler un prostyle. Tel seroit (si la grammaire et l’élymologie avoient le pouvoir de disposer de la formation des mots) le nom qu’il faudroit donner à cette partie des temples que les Grecs nommoient temples prostyles, qui n’avoient qu’un seul frontispice orné de colonnes. Cependant on dit lepéristyle du Panthéon à Rome, le péristyle de Saiute Geneviève à Paris. On dit aussi le péristyle du Louvre, en parlant du célèbre frontispice que Perrault a élevé à la façade antérieure de la cour et du palais du Louvre. On a deja parlé de cet ouvrage au mot Accouplement, et on en trouvera une nouvelle mention au mot Perrault.

Rien, comme on voit, ne conviendroit moins que cette dénomination à la colonnade qui sert de promenoir extérieur ou de galerie couverte à cette façade, s’il falloit la restreindre à toute disposition d’ordonnance intérieure de colonnes.

Nous devons dire toutefois que le mot péristyle, tel qu’on le trouve employé dans les description, faites par les anciens historiens, des monumens de l’antique Egypte, convient fort bien, d’après la formation du mot, à ces grandes cours qui se succèdent dans les temples égyptiens, et dont les murs intérieurs offrent en avant des files de colonnes faisant galeries ou promenades tout à l’entour. C’est que par le mot péri, autour, il ne faut pas seulement entendre le circuit extérieur d’un bâtiment. Des colonnes peuvent régner tout autour de l’intérieur d’une cour, ou d’un grand espace fermé par un mur.

Ainsi avons-nous vu les périboles des grands temples grecs (voyez Péribole) recevoir dans leur périphérie des rangées de colonnes, qu’on doit véritablement appeler péristyles ; et de ce nom, sans doute, nous pouvons aussi appeler dans les palais ou autres édifices publics, ces cours autour desquelles circulent des galeries couvertes, formées de colonnes isolées.

Comme l’usage qui fait les langues et assigne à chaque chose son nom, précède toujours l’analyse raisonnée de la signification que chaque mot devroit avoir, nous devons dire qu’il en a été ainsi à l’égard du mot péristyle. Certainement si l’on considère cette partie de la colonnade régnante autour d’un temple, et qui se trouve placée au frontispice antérieur et postérieur de ce temple, cette partie, disons-nous, appartenant à la colonnade appelée peristylium, dut aussi naturellement porter le nom du tout : de-là sera venu l’usage de lui continuer ce nom, même lorsque l’édifice n’aura plus eu de colonnes dans tout son pourtour.

Ainsi, il est établi qu’on peut appeler péristyle le frontispice en colonnes d’un temple, et peut-être ce mot vaut-il encore mieux que celui de portique dont on se sert assez souvent, quoique la composition du mot indique, ou simple-plement une entrée par une porte, ou ces arcades qui ont la forme de portes, et qui se composent de piédroits ornés de colonnes adossées ou engagées. Voyez Portique. PERLE, s. f. On donne ce nom à de petits grains ronds qui ressemblent à des perles, et qui forment, sur les petits membres d’architecture où on les taille, ce qu’on appelle aussi des chapelets. Voyez ce mot.

PERPENDICULAIRE (adj. des deux genres), se dit de ce qui pend à-plomb, de ce qui tombe à-plomb.

PERRAULT (Claude), né en 1613, et mort en 1688.

Il naquît à Paris ; son père, avocat au Parlement, l’avoit destiné à la médecine : il l’étudia, et reçut le titre de docteur de la Faculté de Paris, Faut-il attribuer ou à son peu dé goût, ou au manque de science et de succès, l’abandon qu’il fit de cette profession ? Il semble que ce fut une cause de ce genre qui donna lieu à l’épigramme de Boileau : on sait que ce poëte l’eut en vue, dans la peinture de celui qui d’ignorant médecin devint bon architecte. N’ayant ici à considérer Claude Perrault que sous le rapport de l’architecture, nous n’entrerons dans aucun des détails de sa vie et des controverse qui le mirent en rapport avec Boilean.

Il est certain qu’il eut des connoissances fort variées dans plus d’un genre, et ce fut comme littérateur qu’il s’initia aux études de l’art de bâtir.

La France ne faisoit que commencer à recevoir l’impulsion des grands ouvrages et des écoles de l’Italie. Déjà, sans doute, Pierre Lescot, Philibert Delorme, Ducerceau et plusieurs autres avoient fait revivre dans quelques édifices les méthodes et le goût de l’art des Anciens. Mais le goût ne pouvoit pas changer aussi promptement et aussi généralement en architecture, que dans les autres arts, et surtout ceux de la littérature. D’innombrables châteaux empreints à différens degrés de ce style du moyen âge, qu’on appelle gothique, et formés par et pour les mœurs du temps, opposoient une puissante résistance à l’introduction d’une manière inconciliable avec leurs plans, leurs dispositions et leurs élévations. Tous ces châteaux étoient une réunion de tours, de massifs, de tourelles, de parties sans liaison, découpées par des murs couronnées par des combles d’une hauteur démesurée ; toutes choses qui ne pouvoient s’allier avec le système des ordres et des ordonnances régulières des colonnes.

Tel avoit été le château des Tuileries, déjà fort modifié par Ducerceau et Delorme ; tel étoit le château du Louvre, auquel Pierre Lescot avoit aussi fait subir un changement de plan et d’élévation, du moins dans la quatrième partie du carré actuel de sa cour. Pour le dire en un mot, la connoissance de l’architecture antique étoit celle de quelques architectes, qui en avoient fait pour eux, en Italie, des études particulières, mais elle n’avoit pu agir encore sur les usages et sur l’opinion générale.

Colbert, occupé du soin d’éveiller sur tous les genres de connoissances et de recherches, la curiosité des Français, chargeoit les Académies qui venoient d’etre créées, de l’exploration des sources antiques, d’où devoient se répandre de toutes parts de nouvelles lumières. Perrault fut chargé de traduire en français Vitruve, dont il n’existoit encore que des commentaires incomplets. L’entreprise étoit alors des plus ardues, surtout pour un homme qui n’étoit pas sorti de France, et qui n’avoit pu confronter aux monumens même de l’antique architecture, les notions souvent obscures de l’architecte romain. Sans aucun doute la traduction de Perrault a été surpassée en bien des points, et ce n’est plus aujourd’hui chez lui, qu’on ira chercher les interprétations des passages les plus difficiles, et surtout les notions les plus précises sur l’esprit et les détails d’une multitude d’objets relatifs soit aux usages, soit aux matériaux, soit a la construction, soit au style et à la composition de beaucoup de monumens. Pour bien traduire Vitruve, il faut être en même temps capable de le bien commenter. Il faudroit donc réunir les tasen pratiques de l’artiste aux connoissances du philologue et aux recherches posititives de l’antiquaire. Depuis lui, et en profitant même de ses erreurs, plusieurs traducteurs de différens paya ont de beaucoup surpassé son travail, sans qu’on puisse dire qu’il ne reste pas encore a faire mieux et à faire plus.

Ce seroit à la France, qui a ouvert en quelque sorte la route, que sembleroit devoir être réservé l’honneur de poser le but. Mais il y faudra jours une condition assez difficile à obtenir ; celle d’une alliance bien rare de deux sciences, de deux talens chez le même homme, ou la réunion plus rare encore de deux hommes, l’un savant, érudit et versé dans les connoissances archéologiques ; l’autre artiste et dessinateur habile : car c’est autant par des dessins une par des notes, qu’il faut interpréter et Vitruve.

C’est là ce que Perrault avoit fait, et quoi-qu’on doive dire des planches et des dessins exécutés à grands frais, dont il accompagna sa traduction, qu’ils laissent beaucoup à desirer, il faut toutefois beaucoup plus admirer ce qu’ils offrent de vrai, de judicieux et d’applicable au texte, que s’étonner de ce qui leur manque, surtout quant au caractère, à la physionomie, au style précis des monomens décrits, et que Perrault n’avoit pu counoitre par lui-même.

Il falloit, sans doute, être déjà architecte, pour faire, sur Vitruve, le travail auquel il se livra : un peut croire cependant que ce grand ouvrage, qui dut être le fruit de beaucoup d’années, aura été ce qui fit de Perrault un architecte.

Naturellement de telles études dûrent le porter à voir l’architecture en grand, à concevoir des idées élevées, à s’occuper de cet art, sous les rapports qu’il doit avoir avec les monumens, avec la magnificence de la décoration, avec les qualités qui constituent le caractère de chaque édifice. Perrault n’étoit pas, dans le fait, architecte de profession ; il devoit passer plutôt pour théoricien que pour artiste.

A cette époque Louis XIV, voulant éveiller dans sa nation le génie de tous les arts, songeoit à s’illustrer par les plus hautes entreprises dans l’art qui amène tous les autres à sa suite, l’architecture ; il forma le projet, dirons-nous, de continuer, de terminer, et ne dirons-nous pas plutôt de refaire le Louvre, projeté trop en petit sous Henri III, qui n’avoit conçu, par le plan de Pierre Lescot, que le quart du projet actuel. C’étoit, comme on l’a fait entendre, un amas de masses discordantes dans leur proportion, leur forme, leur disposition, résultat d’entreprises partielles, et qui ne pouvoient être subordonnées a un raccordement régulier.

Il falloit prendre un grand parti, il falloit refondre dans un plan nouveau et soumettre à un dessin général, tout ce qui pouvoit se conserver ; et il ne s’agissoit pas seulement d’établir cette uniformité dans l’intérieur de la cour, il convenoit encore qu’une même ordonnance régnât à l’extérieur. Rien n’a mieux prouvé que ce monument, combien les grandes entreprises d’architecture ont de peine à parvenir à se compléter. Après trois siècles de travaux successifs, de projets, de reprises, etc. , le palais du Louvre, qu’il faut regarder aujourd’hui comme terminé, a encore un des côtés intérieurs de sa cour différent des trois autres, et de ses quatre faces extérieures, il n’en est pas deux qui se ressemblent.

Il n’y avoit point alors d’architecte en crédit à Paris, et il y avoit à Home un artiste d’un talent universel, dont la renommée avoit porté le nom dans toute l’Europe, le célèbre Bernin (voyez à l’article Bernin) le Roi le demanda, le reçut avec beaucoup de distinction : ou connoît le succès qu’ent cette démarche.

Il, n’est pas vrai, comme on l’a prouvé à l’article Bernin, que le péristyle du Louvre par Perrault eût existé en réalité, quand Bernin vint à Paris. A peine peut-on supposer que le projet eût été connu de l’artiste italien ; mais ce qui paroît constant, n’est que toutes les circonstances contribuèrent à exciter l’ambition et le génie de Perrault. Sollicité par son frère, il ne put résister au desir d’essayer ses forces sur un sujet dans lequel, libre des sujétions d’un programme donné, il put n’écouter que les inspirations de son goût.

Si Perrault eût été plus architecte de profession qu’il ne l’étoit, s’il eût rapporté ses conceptions aux besoins de son temps, aux sujétions de son pays, aux calculs pécuniaires, aux convenances locales, et aux usages d’un palais d’habitation, il est probable qu’il n’eût jamais projeté son péristyle ; mais il vit son sujet en homme habitué à saisir ce qu’on peut appeler le côté poétique d’un édifice. Le palais du grand Roi d’un grand empire lui parut demander, comme un temple, ce luxe extérieur de colonnes, de frontispices, qui saisir l’admiration du spectateur, et le porte à se former une grande idée du maître qui l’occupe.

Le péristyle du Louvre, tel surtout qu’il sortit des mains de Perrault (et avant qu’on y eût ouvert les fenêtres qui aujourd’hui sout percées sous la colonnade), n’est réellement qu’un modèle idéal de portail, de devanture sans emploi usuel, propre uniquement à annoncer la majesté du prince et de sa cour.

Après le départ de Bernin, l’attention se reporta sur le projet de Perrault. Pour mettre plus de maturité dans cet examen, ou forma un conseil des bâtimens, composé du premier architecte, de Lebrun et de Perrault ; Charles Perrault son frère en fut nommé secrétaire ; Colbert présidoit les séances, qui avoient lieu deux fois la semaine. C’étoit une nouveauté que des colonnes unies par des plates-bandes composées de claveaux, et l’on craignoit la poussée des plafonds sur les colonnes. Pour se rendre compte des moyens d’exécution, il fut résolu de construire en petit un modèle du péristyle, avec autant de petites pierres qu’il devoit en entrer de grandes dans l’édifice et de les retenir avec des barres de fer proportionnées à la mesure qu’elles auroient en grand. L’exécution de ce modèle rassura sur les difficultés qui avoient été le sujet de l’objection principale. On se convainquit que le fer employé à retenir la poussée des architraves, n’avoit pas, dans cet emploi, les inconvéniens qu’il a lorsqu’on lui donne celui de soutenir.

L’ouvrage enfin fut entrepris, et malgré ce qu’on peut y reprocher, c’est toujours, il faut le dire, une grande et magnifique conception.

Ajoutons qu’en le considérant sous le simple rapport d’architecture, on doit à Perrault la justice d’y avoir fait revivre avec une grande habileté, la justesse et la beauté des proportions antiques, d’y avoir porté la pureté des profils, l’élégance des formes et des ornemens, la correction des détails, le sini de l’exécution, à ce point auquel on ne sauroit dire qu’aucun grand édifice soit arrivé depuis.

Nous avons traité ailleurs (voyez Accouplement) des autres considérations, sous lesquelles on peut ou louer, ou blâmer, ou excuser plus d’un objet de cette composition, et nous renvoyons le lecteur à cet article. Du reste, il seroit à souhaiter que tout l’extérieur du Louvre ait été achevé dans la disposition et selon l’ordonnance de la façade de ce grand palais du côté de la rivière. Il y régneroit entre toutes les parties un accord qu’il faut aujourd’hui désespérer d’obtenir jamais.

Perrault, auquel ses connoissances variées avoient ouvert, l’Académie des sciences, devoit naturellement devenir l’architecte d’un monument que le Roi vouloit consacrer aux études astronomiques. Il dut en faire les plans, et en régler les dispositions sous la dictée de l’Académie. Nous voulons parler de l’Observatoire, dont on a déjà donné la description. Voyez Observatoire.

Il ne nous reste ici à en parler que sous le rapport du talent de l’architecte, et du style ou du caractère de l’architecture. Quant à ce qui regarde la construction, on en a déjà vanté la solidité, le bel appareil, et le soin apporté dans toute les parties qui peuvent en assurer la durée. Mais nous trouvons (à l’article Perrault de la Biographie universelle) une censure de ce monument qui nous paroît injuste. On l’accuse d’avoir un style lourd, et on parle de défauts qui frappent tous les yeux. Cette critique étant une critique de goût, nous croyons pouvoir en juger autrement.

Si Perrault, comme on l’a dit, eut en architecture un mérite, ce fut certainement de saisir dans la conception de ses ouvrages, cette qualité qui repose sur l’idée poétique ou morale, que l’imagination donne à chaque édifice, et qui en doit manifester la destination. C’est ce qu’on appelle donner le caractère. C’est ce qui fait qu’un genre d’édifice ne doit pas ressembler à un autre genre d’édifice ; de telle sorte que ce qui sera propre à l’un, deviendra impropre dans un autre, et que ce qui seroit ici lourdeur, là doit passer seulement pour simplicité et sévérité. Qu’est-ce que Perrault se proposa dans le caractère donné à son Observatoire ? de bien prononcer son emploi, en faisant d’abord qu’on ne puisse pas le prendre pour un bâtiment d’habitation, en faisant ensuite que l’on comprît, qu’il avoit pour objet d’offrir aux observateurs une grande plateforme dans son sommet. Toute apparence de comble ou de toit eût donné le démenti à cet objet. Or, sans aucun doute, tout manque de couronnement qui fait pyramider un édifice, doit lui donner une apparence qui est l’opposé de celle de la légèreté. Si, comme on n’en peut douter, cela contribue à donner à la masse de l’Observatoire, une apparence de lourdeur, ce prétendu défaut nous paroît y être un mérite.

Nous avons déjà remarqué que les très-grandes ouvertures dont l’édifice est percé, conviennent au moins pour l’apparence, seule chose dont il s’agit ici, à la destination positive d’un observatoire. Nous ne pouvons qu’y louer encore la simplicité de son extérieur, et il nous semble que tout luxe de colonnes ou d’ordonnances y eût été déplacé.

La gloire de Perrault, comme architecte, se fonde encore sur un autre monument, où certainement il eût fait preuve de beaucoup d’imagination, s’il lui eût été donné d’en suivre et d’en régulariser l’exécution. On veut parler du grand arc de triomphe élevé à Louis XIV, dont il nous a conservé le dessin, et dont il ne fit que jeter les fondemens. Ce monument qui devoit orner l’entrée de la grande rue du faubourg Saint-Antoine, fut comme par manière d’essai, et apparemment pour en faire mieux juger, ébauché en plâtre. Il arriva en cette occasion, ce qu’on a vu arriver plus d’une fois. La curiosité satisfaite éteignit le zèle des ordonnateurs. D’autres projets attirèrent ailleurs les ressources de l’Etat ; ou travailla avec moins d’ardeur, et bientôt on finit par abandonner cette entreprise, par détruire même ce qui avoit été déjà exécuté.

Ce fut sur les dessins de Perrault qu’on exécuta la grotte de Versailles, l’allée d’eau, et plusieurs ornemens des jardins. Il fit même un projet pour substituer un nouveau bâtiment, au petit château bâti par Louis XIII, que Louis XIV voulut absolument conserver.

Perrault composa plusieurs ouvrages qui attestent la variété de ses connoissances. Il publia quatre volumes d’essais de physique, qui ont aujourd’hui peu d’intérêt, et plusieurs mémoires pour servir à l’histoire naturelle. Outre sa traduction de Vitruve, on a de lui un abrégé du même auteur, pour l’instruction des jeunes architectes, ainsi qu’un traité de l’ordonnance des colonnes. Enfin on trouva après sa mort, parmi ses manuscrits, un recueil de machines imprimé depuis, et qu’on peut consulter avec fruit.

On prétend que Perrault mourut des effets de la putridité occasionnée par un chameau, à la dissection duquel il assistoit.

Indépendamment des hommages que l’Académie des sciences rendit à sa mémoire, la Faculté de médecine fit placer son portrait dans le lieu de ses séances, à la suite de ceux des médecins célèbres de tous les temps, qui avoient le mieux mérité de la science et de l’humanité. Non moins juste que les contemporains, la postérité a conservé à l’auteur de la colonnade du Louvre, au savant traducteur de Vitruve, un rang distingué parmi les hommes qui ont illustré le siècle de Louis XIV.

PERRON, s. m. Lieu élevé, à découvert, et en dehors d’une maison, d’un édifice quelconque, lequel est composé d’un petit nombre de marches, soit construit par encorbellement, de manière à former une sorte de voûte, soit établi sur un massif pour conduire à un étage exhaussé au-dessus du sol, ou pour communiquer à quelque terrasse dans un jardin.

Ou donne aux perrons différens noms, selon la forme de leur construction.

Perron a pans est celui dont les encoignures sout coupées.

Perron cintré. Perron dont les marches sont rondes ou ovales. Il y a de ces perrons qui ont une partie de leurs marches convexes, et l’autre partie est concave. Cela forme dans le milieu un palier circulaire.

Perron double. On appelle ainsi celui qui a deux rampes égales, qui tendent à un même palier, comme celui de la cour du Capitole à Rome ; ou celui qui a deux rampes opposées pour arriver à deux paliers, comme celui de la Cour des fontaines à Fontainebleau. Il y a des perrons doubles qui ont ces deux dispositions de rampes en sorte que par un perron carré, on monte sur un palier, d’où partent deux rampes opposées, qui conduisent chacune à un palier rectangulaire : de ce palier on monte par deux autres rampes à un palier commun. On voit de ces perrons au jardin des Tuileries, et ils sont du dessin de le Nôtre.

Perron carré. Perron qui est d’équerre, comme est celui qui est en avant du péristyle de l’église de la Sorbonne, dans la cour, à Paris, ou celui qui est établi au-devant du portail de Sainte-Geneviève. Tel est encore celui de l’église du Val-de-Grâce.

PERSE-PERSANNE (Architecture). On peut traiter de l’architecture d’un peuple, faire l’analyse de ses principes, de ses pratiques, de ses formes, et de ce qui constitua ou ses usages, ou les habitudes que diverses sortes de besoin lui firent prendre, lorsqu’un nombre de monumens élevés en différens temps, qui se sout succédé pendant des siècles, ou qui furent consacrés à plus d’une sorte d’emplois, mettent à portée d’y établir l’espèce de critique dont l’art de bâtir est susceptible.

Comment essayeroit-on de faire et de communiquer aux autres une idée de l’architecture persanne d’après le peu qu’on en connoît ? Qu’est-ce qu’un reste d’édifice unique, lorsqu’on ignore même l’époque précise à laquelle il fut construit, s’il ne le fut point par des artistes étrangers au pays, quelle fut sa destination, si son goût fut le goût natif du pays, ou ne fut pas un mélange d’idées, de styles, de manières étrangères à ce pays ?

« Ce qui nous reste de l’architecture des Persans (a dit Winckelmann dans son Histoire de l’art), prouve qu’ils étoient grands a mateurs d’ornemens. Il les prodiguoient outre mesure, défaut qui faisoit perdre beaucoup de la majestueuse grandeur de leurs bâtimens. Les grandes colonnes de Persepolis ont jusqu’à quarante cannelures, mais larges seulement de trois pouces. Les colonnes grecques au contraire n’en avoient que vingt-quatre, mais fort larges, et qui excédoient quelquefois la largeur d’un palme. Ce n’étoit pas assez au goût des Perses de multiplier ainsi les cannelures sur leurs colonnes. Cet ornement ne leur suffison pas ; y joignoient encore des figures en relief, dont ils ornoient le haut de ces colonnes. »

Ces détails, Winckelmann les tenoit des dessins faits d’après le fragment d’édifice de Tchelminar, l’antique Persepolis. C’est peut-être assez pour des conjectures générales sur le goût des Persans, qui très-surement dûrent porter dans leur art et dans l’architecture surtout cet instinct de caprice, cet amour de marveilleux commun à toute l’Asie, et que nous avons déjà caractérisé à l’article Asiatique (Architecture).

Mais s’il y en a assez des ruines de Persepolis pour montrer que les Perses, comme tous les autres peuples de l’Asie, furent dominés plutôt par cet instinct de l’imagination qui ne connoît point de règles, ou par celui de la routine qui obéit en esclave à ce qui a déjà été, que par l’esprit d’imitation qui cherche dans les œuvres de la nature ou des modèles, ou des principes, ou des raisons, on conviendra qu’il faut s’en tenir à une théorie générale à leur égard. Des applications plus particulières ne sauroient former qu’un système sans point d’appui.

On a pu raisonner sur l’architecture de l’Egypte, sur celle de l’Inde, sur celle de la Chine. On a pu de leurs nombreux ouvrages déduire pour conséquence, que telle fut leur manière de construire, de disposer, d’orner les édifices ; que telles ou telles formes, tels ou tels plans, tels ou tels détails, s’appliquoient d’une manière constante à un genre ou à un autre de monumens. On a pu chercher et peut-être indiquer avec quelque vraisemblance le principe originaire de leur manière de bâtir, c’est-à-dire, la cause première qui, selon le besoin du climat, d’après les habitudes sociales, en vertu des matériaux, et eu égard soit aux mœurs, soit aux constitutions politiques ou religieuses, aura donné aux travaux cette direction, d’où résulte ce qu’on peut appeler le caractère ou la physionomie d’une architecture.

Il n’en sauroit être ainsi par rapport à la Perse. On doit avouer qu’on manque des élémens nécessaires, pour généraliser une semblable théorie à son égard. Réduits à la connoissance d’un seul reste échappé à la destruction d’un seul de ses monumens, nous, nous contenterons de faire connoître ce fragment curicux d’après les descriptions des voyageurs, et nous laisserons à chacun le soin d’en déduire les conséquences relatives à ce qui put former le style habituel de ce pays dans l’art de bâtir. Voyez Persepolis.

PERSEPOLIS. Corneille Bruyn avoit déjà publié quelques détails sur les ruines célèbres de cette ville, auxquelles on donne le nom de Tchel-Minar, ainsi que Nieburg nous l’apprend. Or, ce nom signifie les quarante minarets ou colonnes.

Ces colonnes, continue Corneille Bruyn, sont toutes cannelées de la même manière. Le fût des unes est de trois, et celui des autres est de quatre pièces, sans compter le chapiteau qui est de cinq morceaux et d’un ordre qui diffère de tous les ordres d’architecture connus. Il y a des écrivains qui prétendent que quelques-uns de ces chapiteaux sont formés de figures de chevaux ailés d’une grandeur extraordinaire, et qu’ils couronnent les deux colonnes qui sont auprès des deux portiques, à côté de l’escalier de la façade de l’édifice. Il y en a même un qui soutient l’avoir vu de ses propres yeux, sans marquer en quelle année ; il ne fait cependant aucune mention des chameaux qui sont sur d’autres colonnes. C’est pourtant une cose que je puis affirmer, puisqu’on en voit un à genoux sur une des neuf colonnes sans chapiteaux qui sont à côté les unes des aues. A la ve, ce chameau est fort endommagé ; mais on ne laisse pas de voir une partie de son corps et les pieds de devant, avec plusieurs ornemens semblables à ceux des animaux qui sont dans les premiers portiques. On n’en sauroit douter en examinant les morceaux qui sont tombés du haut des colonnes. Un de ces chapiteaux semble avoir été ébranlé par un tremblement de terre, et être sorti de sa place ; il ne laisse pas toutefois de tenir son équilibre, quoiqu’il penche un peu d’un côté.

Nous avons aussi pris soin de marquer sur deux ou trois de ces colonnes, qui ont conservé leur chapiteau, un morceau de pierre informe, qui représentoit aussi quelqu’animal, sans qu’on en puisse distinguer l’espèce.

L’écrivain dont on vient de parler, dit qu’il a trouvé seize colonnes qui, avec les deux de l’escalier de la façade, en font dix-huit ; c’est ce que je ne saurois comprendre, puisque j’y en ai trouvé dix-neuf. Au reste, je ne trouve aucune différence entre ces colonnes, si ce n’est que les unes ont des chapiteaux, et que les autres n’en ont pas. Quant à leur élévation, elles ont toutes 70 à 72 pieds, et 17 pieds 7 pouces de circonférence. Les bases en sont rondes et ont 24 pieds 8 pouces de tour et 4 pieds 3 pouces de haut, et la moulure de dessous a 1 pied 8 pouces d’épaisseur. Elles ont trois sortes d’ornement ; mais les corniches des portes et des fenêtres ne diffèrent aucunement entr’elles.

Corneille Bruyn ajoute que rien n’étoit si solide que l’architecture de ce palais. Il admire la grosseur des pierres qui forment l’escalier et les colonnes, et il ne peut pas comprendre comment on avoit pu lever si haut d’aussi lourdes masses : ou s’étonne encore, dit-il, de voir des chambres entières, dont le plancher, les murailles, le plafond, sont d’une seule pierre très-noire et très-dure, sans pourtant être taillées dans le roc.

Citons maintenant, sur les monumens de Persepolis, un voyageur plus moderne et plus instruit, le célèbre Nieburg, dont nous abrégerons les récits.

Cette ville (dit l’écrivain voyageur) détruite depuis deux mille ans, n’offriroit, comme Memphis, que des doutes sur le lieu de son existence, sans les ruines célèbres de Tchel-Minar, qu’on croit être les restes de l’ancien palais des maîtres de l’Asie, auquel Alexandre fit mettre le feu dans un instant d’ivresse et de débauche.

Ces ruines, dont le nom moderne signifie quarante colonnes, sont adossées à une montagne ; leur nom toutefois ne leur convient plus aujourd’hui, que le nombre de colonnes se trouve réduit à vingt selon quelques voyageurs, à vingt-cinq selon d’autres. Le terrain qui forme l’immense esplanade couverte de ces ruines a des inégalités considérables dans sa superficie horizontale (que Nieburg a indiquées dans son plan). Il paroît dès lors que ces constructions étant établies sur des plans d’une hauteur inégale, elles indiquent plutôt un palais qu’un temple.

Les murs qui forment cette esplanade sont encore debout, et paroissent faits pour braver éternellement les injures du temps et celles de la barbarie. Ces murs suivent les inégalités de la superficie du terrain, et leurs contours extérieurs offrent des saillies qui ressemblent assez aux corps avancés et aux parties rentrantes des fortifications. Tout le terrain a été visiblement taillé dans la montagne de marbre, d’où l’on a tiré les pierres qui ont servi à la construction de l’édifice ; par conséquent le pavé se trouvoit être un massif de marbre, et comme le dit Nieburg, l’imagination auroit peine à s’en figurer un plus beau et plus durable. On n’observe dans toute cette construction ni chaux ni ciment, mais en certains endroits on a remarqué les places de crampons, dont l’enlèvement n’a pourtant apporté aucun dérangement aux assises de pierre, ni altéré leur jonction. Elles sont si bien unies entr’elles, qu’on a quelque peine à en apercevoir les joints, et l’on ne pourroit pas y introduire la lame la plus mince.

La place occidentale, qui s’offre aux yeux la première, s’élève de vingt-deux pieds au-dessus de la plaine, où étoit bâtie la ville ; elle a près de 600 pas communs (c’est-à-dire, de 22 à 23 pouces) de longueur. Celles qui regardent le midi et le nord, et qui sont inégales, ont à peu près 390 pas. Toutes les pierres ont 8, 9 et 10 pas de longueur, sur 6 de largeur. Un seul escalier, formé de deux rampes et placé vers une des extrémités de l’esplanade, conduisoit en haut. Ces marches ont 27 pieds de longueur, sur 14 pouces de profondeur et 4 de hauteur. Les pierres dont ces degrés sont formés, sont d’une telle épaisseur, que souvent dans une seule on a taillé un nombre de marches équivalent à, la hauteur totale de l’escalier. Les chevaux et les chameaux chargés y montent facilement.

Lorsqu’on est arrivé sur l’esplanade par le grand escalier, on aperçoit, à 42 pieds de distance du bord, deux grandes portes séparées par deux colonnes debout. Ces portes ont 22 pieds de profondeur, 13 de largeur, et la première a d’élévation 39 pieds, la seconde 29.

A la hauteur de 4 pieds 8 pouces du sol, sont sculptés, sur les montans des portes, des animaux dont les uns ressemblent à des chevaux caparaçonnés ; les deux autres sont ailés, et leur tête humaine et barbue est couverte de la coissure persanne. Leurs corps sont taillés de bas-relief dans le mur ; mais leurs têtes et leurs pieds de devant sont détachés du fond, et sont entièrement de ronde bosse. Les deux colonnes dont on a parlé, sont les mieux conservées de toutes celles qu’on voit à Persepolis.

Quand on a passé ce premier assemblage de ruines, on arrive au second, qui est placé à la droite de ces portes, a 172 pieds de distance, et sur un terrain plus élevé d’une toise et demie. On juge que ce local a formé autrefois une des plus nobles parties de tout le palais. Le mur qui en soutient le sol est de marbre sculpté dans une très-grande partie. On y monte par un escalier semblable à celui dont a parlé, mais plus petit. Les murs d’appui de cet escalier sont ornés d’inscriptions et de bas-reliefs représentant une longue suite de figures humaines. Les bases de trente-six colonnes occupent, avec quelques débris d’un autre édifice, ce vaste emplacement pavé en pierres de 28 pieds de longueur. Du grand nombre de colonnes qui existoient en cet endroit, dix-sept seulement sont debout, et quelques-unes de celles-ci, en trèspetit nombre, ont conservé leurs chapiteaux. Les restes de ces chapiteaux offrent des figures de chameaux accroupis. Ces colonnes ont toutes de 70 à 72 pieds de hauteur. Elles sont composées les unes de trois, les autres de quatre assises ; plusieurs assises entrent aussi dans la formation du chapiteau.

Non loin de là, se voient les débris de trois portes, et les bases de quelques colonnes. Ces portes ont 24 pieds d’élévation. Elles sont chargées de bas-reliefs, dont les figures de 2 pieds de haut, ont toutes les bras élevés, comme pour supporter les bas-reliefs sculptés au-dessus.

Entre les colonnes et la montagne, on trouve un espace carré de 85 pas de largeur, renfermé par des débris de portes, de murailles et de fenêtres. Quelques bases restées dans le milieu ont servi à porter des colonnes, sur lesquelles étoient des plafonds. Les portes ont 5 toises de hauteur et sont formées de huit pierres seulement, et quelquefois d’un moindre nombre : les jambages sont chargés de bas-reliefs très-riches.

Au-dessus et à côté de la colonnade s’élève un édifice, que sa position fait reconnoître pour le bâtiment principal. Il est divisé en plusieurs parties, et l’on n’en voit plus que les portes et les fenêtres. Celles-ci sont toutes taillées d’une seule pierre, et sont ornées d’inscriptions et de diverses matières. Ou y voit des restes d’aqueducs et des canaux souterrains qui, suivant Corneille Bruyn, n’ont pu servir qu’à la conduite des eaux. La partie méridionale de l’esplanade présente deux autres édifices absolument semblables pour la construction et la décoration, à ceux qu’on vient de décrire ; mais ils sont plus endommagés.

La montagne elle-même offre au spectateur des restes de tombeaux et des bas-reliefs semblables à, ceux de Naxi-Rustan, autre montagne située à deux lieues de Persepolis, et où il paroit qu’étoient situés les hypogées de cette grande ville.

Tous ces rochers sont taillés et offrent un grand nombre de salles remplies, les unes de tombes et d’urnes sépulcrales, les autres, de niches. Un de ces tombeaux a sa façade ornée de quatre colonnes qui soutiennent un vaste entablement, sur lequel est sculpté une espèce d’autel, orné de deux rangs de figures, dont les bras élevés supportent les profils. Une porte feinte est placée entre les colonnes. On en a ouvert une partie qui donne entrée dans les tombeaux, à ceux qui s’y laissent descendre avec des cordes.

On trouve à Naxi-Rustan des bas-reliefs qui indiquent un goût différent de celui des Perses, et qu’on croit être celui des Parthes, auxquels la Perse fut soumise du temps des premiers Césars. Ces bas-reliefs représentent des combats singuliers, et les héros sont montés sur des chevaux. Cet animal ne se trouve point sur les bas-reliefs de Persepolis, ni sur les monumens de l’Egypte.

Si l’on considère attentivement les ruines de Persepolis, on ne sauroit leur refuser une admiration que les restes de l’Egypte ne diminuent point. Elles offrent encore les débris de plus de deux cents colonnes et de plus de douze cents figures d’hommes et d’animaux.

PERSIENNE, s. f. Nom qu’on donne à des sortes de jalousies faites de châssis, qui se composent d’un assemblage de lattes ou tringles de bois plates et minces, qui sont abat-jour. Probablement cette manière de se garantir du soleil et de se procurer, sans être vu, la facilité de voir en dehors, sera une invention de la Perse, et aura pris le nom du pays qui la mit en usage.

PERSIQUE (Statue). On donne cette épithète à des statues viriles que l’on emploie, ainsi que les statues féminines, appelées caryatides, à supporter, en place de colonnes, les plates-bandes ou les entablemens des édifices.

Cependant les mots d’atlantes et de télamons, d’après leur étymologie seule, conviennent mieux à toute figure employée dans la décoration, soit à soutenir réellement, soit à paroître porter toutes les sortes d’objets, de formes ou de fardeaux que l’imagination de l’architecte et le goût de l’ornement lui imposent. Le nom de caryatide étant reçu, à cet égard, dans le langage ordinaire, et s’appliquant aussi plus volontiers aux statues on figures féminines, il nous semble que celui d’atlantes ou de télamons devroit appartenir, pour les distinguer, aux statues ou figures viriles.

Nous avons, à l’article Caryatides (voyez ce mot), embrassé l’universalité des notions, des exemples, des usages et des documens applicables à ce genre de supports, et nous y avons rapporté l’histoire des statues persiques (voyez Caryatide). Nous n’en redirons rien ici, et nous ne releverons pas de nouveau les erreurs auxquelles ont donné lieu, à cet égard, plusieurs statues antiques mal observées.

Persique (Ordre). On trouve dans plus d’un dictionnaire ces deux mots joints ensemble, comme nous avons fait voir que l’on avoit aussi imaginé un ordre caryatide. Toutes ces vaines dénominations proviennent de la méprise de ceux qui font consister l’ordre, non pas seulement dans la fonction matérielle de la colonne comme support, mais encore dans une de sas parties isolées telle que le chapiteau, ou telle que son fût, au lieu d’entendre par ordre, un système complet de formes, de proportions et d’ornemens mis en rapport dans un édifice, avec telle ou telle qualité, telle ou telle expression. Nous dirons donc qu’il n’y pas plus d’ordre persique que d’ordre caryatide.

PERSPECTIVE, s. f. La perspective linéaire, qu’on distingue de la perspective aérienne, est la seule qui soit du ressort de l’architecture.

Comme science, la perspective linéaire fait partie des mathématiques, et comme telle elle est soumise à des principes rigoureusement démontrés. Elle enseigne de quelle manière les lignes qui circonscrivent les objets, se présentent à l’œil du spectateur, suivant le point où l’œil est placé, et selon la distance de ces objets.

C’est fort injustement qu’on a prétendu que la science de la perspective avoit manqué aux Anciens. Ce qui a particulièrement accrédité cette erreur, est l’évidente violation des règles et des plus simples élémens, non pas même de la science, mais de toute apparence de la perspective, dans une multitude de bas-reliefs, et surtout dans ceux de la colonne Trajane, où il eût été impossible, et même déraisonnable de la mettre en pratique, quand la nature des choses ne s’y seroit pas opposée. (Voy. ce qui a été développé sur ce point à l’article Bas-reliefs. ) On s’est fondé encore sur l’ignorance de la plupart des décorateurs qui ont peint des arabesque a Herculanum et à Pompéii, où toutefois il se trouve certains sujets d’architecture qui pourroient déposer du contraire. Ce qu’on doit dire, à cet égard, c’est que beaucoup de peintres aujourd’hui même ignorent les procédés de la perspective linéaire, et qu’il y a un certain art d’en tracer les lignes par sentiment, à vue d’œil, plutôt que par principe et d’après les règles. Or, nous pensons que beaucoup de peintres dans l’antiquité se sont contentés de cet à peu près. Et c’est bien ce qu’il faut croire de tous ces peintres de décors qui, sur les enduits des murs et des intérieurs de maisons à Pompéii, tracèrent et colorèrent toutes les fantaisies du genre arabesque. Ces exemples d’ignorance pratique ne prouvent point que les Anciens aient méconnu les règles de laperspective et aient omis de s’y soumettre, dans les ouvrages plus importans, surtout dans les décorations de leurs théâtres, qui en exigeoient une sévère observance.

La vérité est que les Anciens pratiquoient avec beaucoup de succès l’art de peindre sur les murs des perspectives d’architecture, comme les Modernes l’ont fait, et qu’il est impossible de supposer que dans des emplacement tels que ceux des théâtres où ces perspectives avoient pour juges les yeux de la multitude, on y eût commis de ces erreurs qui auroient frappé les plus ignorans : car s’il faut du savoir pour tracer avec justesse les lignes de l’architecture feinte, il suffit de l’instinct pour être révolté de ses erreurs. Au théâtre de Claudius Pulcher, on vit une décoration peinte et exécutée avec tant de vérité et une telle illusion, que, selon Pline, les corbeaux, trompés par l’imitation des toitures et des tuiles, venoient s’y abatre pour s’y reposer. On sait ce qu’il faut penser de ces effets d’illusion sur les animaux. Quels qu’ils puissent être, il ne faut voir dans de tels récits, que l’expression, peut-être figurée, de la perfection du moyen imitateur.

Mais à quoi servent ces autorités, et d’autres exemples semblables rapportés par les écrivains, lorsque Vitruve lui-même nous raconte expressément, quand et par qui cet art de la perspective linéaire fut inventé ? Selon cet architecte, nécessairement instruit en cette partie, la pratique de la perspective remontoit au siècle d’Eschyle, et dès cette époque Agatarchus en avoit fait admirer les effets sur le théâtre d’Athènes. Vinrent ensuite Anaxagoras et Démocrite, ses deux élèves, qui rédigèrent ses exemples en préceptes et en publièrent la théorie. Ainsi il arriva à cet art ce qu’on a vu arriver à tous les autres : la pratique y devança la théorie. Le peintre, observateur attentif de la nature, imita d’abord les objets tels que leur position les présentoit à son œil. La géométrie vint ensuite démontrer la nécessité de ces effets, et la méthode à suivre pour les rendre sans avoir besoin du modèle.

La pratique et la science raisonnée de la perspective, ont donc une date antérieure à l’époque de Périclès, et elles étoient dès ce temps réduites en règles. Ce passage de Vitruve mérite d’être cité en entier.

Namque primùm Agatarchus Athenis, Eschylo docente tragediam scenam fecit, et de eâ commentarium reliquit. Ex eo moniti Democritus et Anaxagoras de eâdem re scripserunt, quemadmodùm opporteat ad aciem oculorum radiorumque extensionem, certo loco centro constituto, ad lineas ratione naturali respondere, uti de incertâ re certœ imagines œdificiorum, in scenarum picturis redderent speciem, et quœ in directis planisque frontibus sint sigurata alia abscedentia, alia prominentia esse videantur. Vitr., in Præfat., lib. 7.
« Agatarchus fut le premier qui, lorsqu’Eschyle enseignoit à Athènes l’art de la tragédie, fit un scène, et en rédigea un Traité. D’après ses leçons, Démocrite et Anaxagoras écrivirent sur le même sujet, et ils démontrèrent de quelle manière on doit, selon le point de vue et de distance, faire, à l’instar de la nature, correspondre toutes les lignes à un point de centre terminé, en sorte que, d’après un modèle incertain, on puisse tracer avec certitude sur les scènes les ressemblances exactes des édifices, lesquels, quoique peints sur des surfaces planes et droites, présentent des parties qui paroissent s’éloigner, et d’autres qui semblent saillir en avant. »

La pratique raisonnée de la perspective ne resta point, chez les Grecs, confinée dans l’enceinte des théâtres, elle s’introduisit dans les écoles de peinture, comme aussi nécessaire aux tableaux qu’aux décorations. Le peintre Pamphile, qui ouvrit à Sicyone la plus célèbre école de dessin, enseignoit publiquement la perspective. Il prétendoit que sans la géometrie, la peinture ne pouvoit rien faire de parfait. Omnibus litteris eruditus prœcipuè arithmeticœ et geometriœ, sine qui-bus negabat artem perfisi-posse.

Ainsi avant Apelles qui fut élève de Pamphile, avant Protogenes, avant les peintres les plus renommés de la Grèce, la perspective étoit déjà enseignée et pratiquée ; comme dans les temps modernes, on la voit déjà connue et mise en œuvre, avant le seizième siècle, dans les compositions du cimetière de Pise, dans les tableaux de Perugin, de Masaccio, de Jean Bellin et autres.

Les documens relatifs à l’étude de la perspective ne sauroient trouver place dans cet article : ils dépendent de certaines démonstrations par figures, qu’il faut aller chercher dans les ouvrages qui traitent uniquement de cette méthode.

Perspective feinte. On donne ce nom à des peintures sur mur, qui représentent des décorations d’architecture, de monumens, de points de vue et de paysages, qu’on place quelquefois sur des pignons de mur ou de clôture, pour en cacher la difformité, pour y produire des aspects lointains.

Ce qu’on nomme ainsi rentre, comme on le voit, dans le domaine de ce que l’on appelle architecture feinte. Nous avons retracé sous cette dénomination, à laquelle nous renvoyons le lecteur, d’assez nombreux exemples de ce que la peinture en ce genre peut opérer d’ouvrages recommandables sous plus d’un rapport. C’est surtout à Bologne que ce goût de peinture, encouragé pendant un certain temps, et pratiqué par les hommes les plus habiles, a produit des modèles d’une perfection remarquable, autant pour l’excellence de la composition, que pour le charme de l’exécution et de l’illusion. On peut consulter, à cet égard, Algarotti, qui, sur ce genre d’ouvrages, a recueilli les notions les plus curieuses.

PERTUIS, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) On appelle ainsi un passage étroit, pratiqué dans une rivière, aux endroits où elle est basse, pour en augmenter l’eau de quelques pieds, afin de faciliter ainsi la navigation des bateaux qui montent et qui descendent. Cela se fait en laissant entre deux batardeaux une ouverture qu’on ferme avec des ailes ou avec des planches en travers, ou enfin avec des portes à vannes.

Pertuis de bassin. C’est un trou par lequel se perd l’eau d’un bassin de fontaine ou d’un réservoir, lorsque le plomb, le ciment ou le corroi se trouve fendu en quelqu’endroit. Si l’on veut connoître la dépense d’un pertuis carré, circulaire, rectangulaire, vertical ou horizontal, il faut lire les sections IX et X de l’Architecture hydraulique de Bélidor, tome I, part. 1.

Pertuis de clef. (Terme de serrurerie.) C’est l’ouverture qui est au panneau d’une clef. On la fait de différentes figures, en rond, en cœur, etc.

PERUZZI (Balthazar), né en 1481, mort en 1536.

Trois villes d’Italie se sont disputé l’honneur d’avoir produit ce célèbre architecte. Chacune des trois a en effet quelque droit de le revendiquer : Florence, pour avoir été la patrie de sa famille, Volterre, pour l’avoir vu naître, et Sienne, pour l’avoir fait artiste.

Antoine Peruzzi, noble florentin, voulant fuir les troubles des guerres civiles dont Florence étoit alors le foyer, s’étoit réfugié à Volterre. Il s’y maria et y eut une fille nommée Virginie, et un fils qu’il nomma Balthazar. Il étoit venu dans cette ville pour chercher la paix, mais la guerre sembloit le poursuivre. Volterre fut prise et saccagée. Il y perdit toute sa fortune, heureux d’avoir pu sauver sa famille, qu’il transporta à Sienne. Antoine y mourut peu de temps après, laissant son fils encore en bas âge et sans aucune ressource pour son éducation ; mais la nature et la nécessité sont deux grands maîtres : Balthazar Peruzzi sut profiter de leurs leçons.

La connoissance de quelques artistes avoit fait naître de bonne heure en lui le goût du dessin ; le dénuement dans lequel le laissoit la mort de son père, ne lui permettoit plus de le cultiver comme un goût. Il en fit une étude sérieuse. Il vit les peintures des meilleurs maîtres, les copia, fut bientôt maître lui-même et assez habile, non-seulement pour vivre du produit de ses tableaux, mais pour soutenir sa mère et sa sœur, et pouvoir encore se livrer à des études infructueuses. Ses premiers ouvrages se trouvent à Sienne et à Volterre. Là, il se lia d’amitié avec un peintre de cette ville, nommé Pierre, que le pape Alexandre VI employoit à peindre dans le Vatican. Ce peintre le conduisit à Rome dans l’intention de lui t’faire partager ses travaux. La mort du Pape rompit ce projet de société, et Balthazar se livra à divers ouvrages de fresque, tels que ceux qu’on voit à Saint-Roch, et qui commencèrent sa réputation dans Rome. Cet heureux début lui procura des travaux plus considérables à Ostia, où il peignit en clair-obscur une bataille dans le style antique. Le costume y fut observé avec soin ; les armures, les instrumens de guerre, les boucliers, les cuirasses, tout y est une répétition fidèle des bas-reliefs et des monumens de l’antiquité. Cesare da Sesto l’aida dans cette entreprise, qui acheva de le faire connoître pour ce qu’il valoit.

De retour à Rome, Balthazar Peruzzi contracta une étroite amitié avec le célèbre amateur Augustin Chigi de Sienne, qui croyant trouver en lui un compatriote à produire, vit aussi un grand talent à encourager. Cette liaison fut d’une grande utilité aux arts : on lui dut les beaux ouvrages que le goût de l’amateur commanda à l’artiste ; mais Peruzzi lui dut le loisir et les ressources qui lui permirent de se livrer à l’étude de l’architecture. Il en embrassa toutes les parties, et en devenant grand architecte, il voulut encore faire profiter l’art de bâtir, des rares connoissances qu’il avoit dans l’art de peindre. L’architecture seinte, qui exige un double talent, lui fut redevable en quelque sorte de son origine, et peut-être de sa perfection.

Jusqu’alors la science de la perspective n’étoit guère sortie des livres assez obscurs de quelques savans. Les peintres du quinzième siècle la mettoient en pratique dans les fonds de leurs tableaux. Mais les compositions du temps, pour la plupart, étoient si simples, que leurs fonds n’exigeoient aussi que les procédés élémentaires de la perspective linéaire. A l’époque de Peruzzi, les grands ouvrages de Raphaël, en étendant la sphère de la peinture, avoient à la vérité rendu indispensable l’union de la théorie et de la pratique en ce genre.

Toutefois pour que cette science produisit, comme on l’a vu depuis, un genre d’art particulier, celui qu’on connoît sous le nom d’architecture feinte, il falloit qu’elle reçût une nouvelle sorte d’application à un genre de peintures plus grandes encore, et qui en ont un plus grand besoin, je veux parler des décorations scéniques. Mais l’art dramatique étoit alors dans l’enfance, et restreint aux pieuses conceptions des solennités religienses ; il n’exigeoit guère plus de savoir chez les décorateurs que chez les auteurs. En se livrant, comme il le fit, a la théorie ainsi qu’à la pratique de la perspective, Balthazar Peruzzi sembloit pressentir qu’il étoit destiné à renouveler dans tout son éclat l’art de la décoration de théâtre.

La perfection où il porta du premier coup les ouvrages de cet art peut paroître difficile à croire, quand on sait combien de degrés l’esprit de l’homme parcourt ordinairement pour atteindre le but de l’imitation. Mais il y a tel genre d’imitation qui n’est autre chose qu’une combinaison nouvelle des élémens et des moyens de genres déjà formés et perfectionnés. Il ne faut alors qu’un homme exercé dans leurs procédés, et capable de les réunir en les dirigeant vers un objet nouveau. On voit alors paroître, comme par enchantement, un art dont on ne soupçonnoit pas l’existence.

Ces observations sont nécessaires pour s’expliquer comment Balthazar Peruzzi, le premier des Modernes qui, selon l’histoire, ait peint des décorations de théâtre, a peut-être été le plus habile peintre de ce genre. Il étoit peintre, architecte, grand perspectiviste, dessinateur et peintre d’architecture. Que falloit-il de plus pour faire de lui un grand décorateur scénique ? Une occasion. Elle se présenta bientôt dans les fêtes qui furent données à Julien de Médicis.

Vasari parle en deux endroits des décorations de Peruzzi, d’abord à l’occasion des fêtes en question, et ensuite au sujet de la comédie du cardinal Bibiena, appelée la Calandra, et que Léon X fit représenter devant lui ; ce qui fait croire que cet artiste eut plus d’une occasion de n’exercer dans ce genre ; mais partout il en parle avec cet enthousiasme que l’art porté à sa perfection pouvoit seul exciter chez un aussi bon juge.

« Balthazar (dit Vasari) s’acquit d’autant plus d’honneur, que ce genre de décoration n’étoit pas encore connu, vu la désuétude dans laquelle étoient tombés l’art de la poésie et celui de la représentation dramatique. Mais les décorations dont il s’agit, pour avoir été les premières, n’en furent pas moins la règle et le modèle de celles qu’on fit depuis. On a peine à concevoir avec quelle habileté décorateur, dans un espace si resserré, fut représenter un si grand nombre d’édifices, de palais, de loges, de profils et d’entablemens ; tout cela d’une telle vérité, qu’on croyoit voir des objets réels, et que le spectateur devant une toile peinte, se croyoit transporté au milieu d’une place véritable et matérielle, tant l’illusion étoit portée loin. Balthazar fut aussi disposer pour son effet, avec une admirable intelligence, les lumières, l’éclairage des châssis, ainsi que toutes les machines qui ont rapport au jeu de la scène. »

A part, si l’on veut, un peu d’excès d’admiration pour ce qui est nouveau, l’éloge de Vasari renfermoit l’idée de tous les genres de mérite que peut réunir l’art de la décoration de théâtre. Il en est un cependant dont il n’a pas fait mention, sans doute parce que ce fut celui qui, dans le temps, dut produire le moins d’étonnement, je veux dire le beau style de l’architecture, la correction et la pureté des formes que, pendant long-temps, certains préjugés avoient fait croire inconciliables avec les charmes de la composition et l’effet de la peinture scénique. En faisant dans les décorations de l’architecture antique, Peruzzi ne fit que ce qu’il n’auroit pu s’empêcher de faire. Si ce fut chez lui un mérite de plus, ce mérite est celui de l’architecte, plus encore que du décorateur. Il est malheureux qu’il ne nous reste de tout cela que de vains souvenirs. Tel est le sort de ce genre d’ouvrages, sort commun à beaucoup de choses qui durent d’autant moins, qu’elles brillent plus. Pour se former une idée de ce que l’exécution de ces peintures pouvoit être, c’est à la Farnesine qu’il est encore possible de se le figurer.

La décoration considérée sous le rapport d’architecture feinte ou d’imitation en grand des œuvres de l’art de bâtir par l’art de peindre, compte Balthazar Peruzzi au rang de ses plus grands maîtres, si elle ne le met à la tête de tous. Il ne paroît pas qu’on ait jamais porté plus loin l’illusion de cette sorte d’imitation, que dans la loggia de la Farnesina, qui donne sur le jardin, et où est peinte l’histoire de Méduse. On raconte dans l’histoire de ce genre de peinture, plusieurs traits d’animaux, d’oiseaux surtout, trompés par les prestiges de la perspective linéaire, et ceux de la couleur dans des vues d’architecture. L’ouvrage de Balthazar fit plus, il trompa non-seulement des hommes, mais les plus habiles peintres. Titien, conduit un jour pur Vasari dans cette salle, fut tellement induit eu erreur par le relief des ornemens et des profils peints, que déjà détrompé par son guide, il eut besoin encore que le tact désenchantât ses yeux. Telle est effectivement la perfection de ces détails, qu’encore aujourd’hui l’œil ne cesse pas d’être dupe, après que l’expérience en a rectifié le jugement.

Ce qu’on appelle actuellement la Farnesina ou le petit palais Farnèse, étoit celui d’Augustin Chigi. Son architecture est de Balthazar Peruzzi ; quoique l’extérieur ait perdu la plupart des agrémens de détail qui l’embellissoient, ce ne laisse pas que d’être encore un des plus charmans édifices de Rome. Sa façade principale, c’est-à-dire, celle d’entrée du côté de la cour, offre au rez-de-chaussée une belle loggia ou un portique qui se compose de cinq arcades. C’est dans ce portique que Raphaël a peint la fable de Psyché. Cette loggia, est en retraite, ainsi que le corps principal du bâtiment ; de deux ailes qui lui font avant-corps. Une ordonnance de pilastres doriques règne dans tout l’étage du rez-de-chaussée et dans sa circonférence, avec la plus grande régularité. Cette uniformité n’est interrompue que par les arcades dont on a parlé. Mais c’est toujours le même ordre de pilastres, et sans aucune inégalité d’entre-colonnemens, l’ouverture des arcs étant de la même mesure que l’entre-deux des pilastres, ce petit portique donne de la variété à la masse, sans rompre l’unité de la composition. L’étage qui s’élève au-dessus du rez-de-chaussée présente la même distribution et la même ordonnance de pilastres doriques, appliqués aux trumeaux des fenêtres dans tout le pourtour. On peut trouver quelque monotonie dans cette répétition du même ordre. Une chose y frappe encore, c’est que l’ordre inférieur est plus svelte que le supérieur. Quel que soit le défaut que la critique puisse remarquer en cela, il est toujours certain qu’il n’ôte rien à l’accord, à la grâce et à la symétrie de l’ensemble. La frise qui surmonte l’étage dont on vient de parler, est ornée de festons soutenus par des génies et des candélabres, qui font assez heureusement diversion au rang de petites fenêtres pratiquées entr’eux, dans cette espèce de mezzanino. Tous les détails des profils sont purs, de cette sorte de pureté, qu’on pourroit appeler attique, et qui donne à cette architecture un genre d’élégance qu’on ne peut bien définir, qu’en le comparant à celui d’une statue grecque.

Ce petit palais dut être, dans son temps, une merveille, par la réunion de la peinture et de l’architecture de Peruzzi. Tous les dehors en étoient ornés de sujets en grisaille, aujourd’hui effacés. On ne peut plus appeler que l’imagination à s’en figurer l’image. Quand on pense, en effet, au double talent de l’artiste qui en dirigea l’exécution et comme architecte et comme peintre, on peut comprendre tout ce que dut offrir d’harmonie, un ensemble né d’une telle conjonction de circonstances. Dès-lors s’explique facilement l’éloge que Vasari en a fait par ces deux mots : Si vede non murato, ma veramente nato. C’est ce qu’on peut dire de tout ouvrage produit par le sentiment qui crée, et non par le savoir qui façonne.

Balthazar Peruzzi excelloit dans ce genre d’ornemens que les Italiens nomment a teretta, et que nous appelons grisaille. On en usoit beaucoup alors dans l’embellissement extérieur des maisons. On se servoit, pour cela, d’une combinaison de terre argileuse, de charbon pilé et de poussière de travertin ou de pierre calcaire. Le dessin se faisoit en creux sur l’enduit, et les hachures se remplissoient ou de blanc ou de noir, pour produire les grands clairs ou les ombres. Rien ne jouoit mieux la sculpture, et c’étoit une manière économique de faire ou des bas-reliefs, ou des ornemens. Malheureusement pour les productions de quelques habiles maîtres en ce genre, le temps ne les a pas épargnés plus que d’autres, et l’on chercheroit on vain aujourd’hui celles de Balthazar à Rome ; il n’en existe plus que des souvenirs.

Etant allé à Bologne, il y fit deux dessins en grand avec leurs coupes, pour la façade de S. Petronio, dont l’un étoit dans le goût moderne et l’autre dans le style gothique. Il les accompagna de projets fort ingénieux pour approprier la nouvelle construction à l’ancienne, sans endommager celle-ci. Ces dessins furent admirés, mais restèrent sans exécution. On cite comme son ouvrage la porte de l’église de San-Michel in Bosco, beau couvent situé hors de Bologne, la cathédrale de Carpi, exécutée sur ses dessins, et l’église de Saint-Nicolas, dans la même ville, dont il commença les travaux el qu’il abandonna, forcé qu’il fut de se livrer à ceux des fortification de la ville de Sienne.

De retour à Rome, il fut employé par Léon X à la construction de l’église de Saint-Pierre. Bramante en avoit jeté les fondemens avec cette précipitation qu’il mettoit, ou si l’on veut, que Jules II lui faisoit mettre dans la plupart de ses ouvrages. Après la mort de l’un et de l’autre, on fut effrayé de la grandeur des masses et de la foiblesse des points d’appui. On n’avisa plus qu’aux moyens de diminuer les uns et d’augmenter les autres.

Balthazar Peruzzi fut chargé de faire un nouveau modèle ; Serlio nous l’a conservé. C’est une croix grecque, dont les quatre branches se terminent en hémicycle. Extérieurement et entre chacune des parties circulaires formées par les hémicycles, s’élève, sur un plan carré, une sacristie. Ces quatre masses devoient servir de soubassement à autant de campaniles. A l’extrémité de chaque hémicycle est une porte ouvrant sur un portique demi-circulaire qui donne entrée dans l’église, par trois ouvertures, ou si l’on veut, trois entre-colonnemens. Le grand autel est entre les quatre grands piliers, sur lesquels s’élève une coupole de 188 palmes de diamètre. Celle-ci est accompagnée de quatre petites coupoles de 65 palmes de diamètre, qui s’élèvent au point central du croisement des bas côtés entr’eux. Tout ce plan est conçu avec la plus grande intelligence. Quoiqu’il n’ait pas eu d’exécution, il n’a pas été inutile aux architectes qui ont remplacé Balthazar Peruzzi.

Cet artiste fit bien voir par la belle composition de ce plan, que son génie étoit de niveau avec les plus hautes idées de l’architecture, et que celui qui savoit ainsi rectifier Bramante, pouvoit bien lui succéder. Cependant, soit que la fortune des grands talens en architecture dépende d’un certain concours de circonstances, soit que les grands talens aient aussi besoin d’un certain art de faire fortune, art que le caractère timide et réservé de Peruzzi ne lui permit pas de pratiquer, la construction de Saint-Pierre ne fit que languir sous sa direction indécise. Malgré la protection de plusieurs grands personnages qui savoient apprécier son mérite, il continua d’être employé à de plus petits ouvrages, c’est-à-dire, à la construction de palais qui n’ont de petit que l’étendue de leur masse ou de leur superficie.

Mais il est, en architecture, une grandeur qui échappe aux mesures du compas. Produite par le génie de l’artiste, elle n’est appréciable qui par l’homme de goût. Celui-ci passera sans en recevoir aucune impression devant beaucoup de ces immenses palais qui renferment dans leur enceinte plusieurs arpens de terrain. Il se trouvera involontairement arrêté à l’aspect des charmantes façades dont Balthazar Peruzzi a orné divers palais plus modestes. Ces masses élégantes, vrais modèles du genre qui convient au plus grand nombre des propriétaires, seront toujours l’objet des études de celui qui desire mettre le goût de la bonne architecture, à la portée des classes moins opulentes de la société. C’est de semblables édifices que Poussin faisoit un recueil pour les fonds de ses tableaux, et l’on peut croire que les édifices bâtis par Peruzzi étoient le type de ceux dont ce grand peintre composoit les belies perspectives de villes antiques, qui, dans plus d’un de ses ouvrages, partagent avec leurs figures l’admiration du spectateur.

Du nombre du ces maisons sont celle que l’or voit près la place de Saint-Pierre, rue Borgo-Nuovo, et celle qui est à l’entrée de la rue qui aboutit en face du palais Farnèse. Toutes deux sont gravées dans le Recueil des palais de Rome, par Falda. C’est là que ceux qui ne les ont pas vues peuvent s’en former l’idée. Toute description orale est insuffisante à l’égard d’ouvrages, dont le principal mérite tient à une certaine grâce d’harmonie, que le sentiment seul peut comprendre, et qui n’offrent rien d’extraordinaire ou de saillant a quoi les sens puissent se prendre. Que dire, en effet, de ces maisons, si ce n’est qu’on y trouve un choix exquis des plus belles formes de croisées et de chambranles, qu’on y voit les profils les plus purs, que les rapports entre les pleins et les vides y sont d’un accord parfait, qu’il y règne un aspect de solidité sans lourdeur, de richesse sans luxe et de caractère sans affectation ?

Disons seulement que les ouvrages de ce genre ne sauroient être trop étudiés par les jeunes architectes, qui trop souvent frappés des grandeurs de tous les édifices de l’ancienne Rome, oublient que les villes se composent de maisons, et que la beauté des villes dépend plus du bon goût répandu par l’art dans les simples ordonnancés des maisons de particuliers, que de l’érection de quelques grands monumens que plusieurs siècles parviennent à peine à terminer. Les fabriques de Peruzzi, comme celles de Palladio, sont une sorte d’école pratique du genre d’architecture qui peut convenir aux besoins même des villes commerçantes. Il y a de Peruzzi telle maison avec boutiques et entresols, qui n’en est pas moins un chef-d’œuvre de bon goût en architecture.

Il est fort à regretter que ce beau style qui commençoit à devenir, dans Rome, le style dominant, et comme il arrive toujours, une sorte de mode, n’ait pas régné plus long-temps. Le projet de Léon X se seroit réalisé, et Rome antique auroit reparu dans les monumens de la Rome moderne. Mais lorsque tous les arts, d’un pas égal et rapide, sembloient devoir remonter à leur ancienne hauteur, trois événemens successifs en arrêtèrent la marche.

Le premier fut la mort si prématurée de Raphaël. La grande école dont il étoit l’ame perdit tout son ressort et commença à se dissoudre. Les hommes habiles qui la composoient, répandirent si l’on veut, en se dispersant sur plusieurs points, les lumières du bon goût. Mais ces rayons épars et divergens ne produisirent plus que de foibles clartés.

Le second fut la mort de Léon X, qui arriva peu de temps après, et produisit, pour les arts, une sorte d’éclipse totale pendant le pontificat d’Adrien VI, jusqu’à ce qu’un nouveau Médicis, Clément VII, élu en 1724, fit rentrer avec lui, dans Rome, le génie des beaux arts.

Mais le dernier et le plus fatal des événemens fut la prise et le sac de Rome par le connétable de Bourbon, en 1727. Alors disparut toute espérance de rassembler de nouveau les élémens de cette célebre génération d’artistes qu’avoit réunis Léon X. Un très-grand nombre périt dans cette catastrophe, le reste fut réduit à chercher son salut dans la suite.

Balthazar Peruzzi courut, dans cette crise, les plus grands dangers. Sa physionomie, tout à la fois noble, aimable et sérieuse, le fit prendre pour quelque prélat déguisé ou pour un homme bon à mettre à contribution. On le fit prisonnier, et il eut à essuyer toutes sortes d’outrages et de mauvais traitemens. Parvenu enfin à prouver qu’il n’étoit qu’un pauvre peintre, il fut forcé par les soldats de faire le portrait du connétable de Bourbon, qui avoit été tué à son entrée dans Rome. Il lui fallut acheter la liberté à ce prix. Echappé de leurs mains, il s’embarqua pour Porto Ercole, d’où il gagnoit Sienne, lorsque sur la route il fut pris de nouveau et dépouillé de tout. C’est dans cet état qu’il arriva dans la ville qui étoit sa patrie de prédilection.

Peruzzi y trouva des amis qui s’empressèrent de le secourir et lui procurèrent des travaux. Il y construisit plusieurs maisons particulières. Il donna le dessin de la décoration de l’orgue dans l’église del Carmine et fut employé à rachever les fortifications précédemment commencées sur ses dessins.

Ce fut à peu près vers ce temps que Clément VII, qui connoissoit sa capacité en ce genre et son talent d’ingénieur, voulut l’occuper comme tel au siége de Florence, qu’il faisoit avec l’armée impériale. MaisPeruzzi, sacrifiant les bonnes grâces du Pape à l’amour de sa première patrie, refusa la commission. Le Pape en conserva quelque ressentiment, et l’artiste, après la paix générale, eut besoin de faire aussi la sienne avec le pontife. Les cardinaux Salviati, Trivulzi et Césarino s’employèrent à cette petite négociation.

Balthazar Peruzzi reprit ses travaux ordinaires à Rome. Il donna aux princes Orsini différens dessins de palais qui furent bâtis, les uns près de Viterbe, les autres dans la Pouille. La cour du palais Altemps, à Rome, passe aussi pour être son ouvrage. On le croiroit assez au goût sage qui y règne. En tout cas, ce ne fut qu’une espèce de restauration.

Mais un édifice vraiment original, sous tous les rapports, qu’on peut appeler le chef-d’œuvre de Balthazar Peruzzi, et un des chefs-d’œuvre de l’architecture des palais à Rome, est le palais Massimi. L’art n’a rien produit de mieux conçu, de plus élégamment disposé pour l’emplacement, de plus sage et de plus neuf à la fois dans l’élévation.

Le premier mérite de l’architecte est d’avoir su tirer un parti aussi heureux d’un site ingrat, étroit et irrégulier. Ce parti est tel qu’on le croiroit inventé à plaisir, plutôt que dicté par le besoin. La façade circulaire du palais est ornée de refends dans toute son étendue. Une ordonnance dorique en pilastres et en colonnes, embrasse le contour du rez-de-chaussée, dont le milieu est un vestibule formé de colonnes isolées, et qu’on ne sauroit dire précisément accouplées, quoiqu’elles soient, ainsi que les pilastres du reste de l’ordonnance, disposées deux par deux. L’entre-colonnement de l’entrée est plus large que ses autres. Le petit portique ou vestibule dont on a parlé, donne réellement l’idée d’un atrium antique. On y monte par quelques degrés. Son plafond est décoré de compartimens en stuc très-élégans. A chacune des extrémités est une grande niche. La porte fait face à l’entre-colonnement de l’entrée, et l’ordonnance de l’extérieur règne dans tout cet intérieur.

Il n’y a pas de plus belle exécution que celle de toute cette architecture. Le même goût, la même pureté, brillent dans les deux portiques de la cour. Ce qui plaît surtout dans l’ensemble et dans les parties de ce charmant ouvrage, est précisément ce qui auroit pu être un désagrément pour tout autre. En effet, tout y est subordonné aux sujétions les plus gênantes ; cependant on diroit qu’au lieu d’obéir à l’emplacement, l’architecte l’auroit commandé lui-même. L’espace est étroit et petit ; tout ce qui le remplit est grand et y paroît à l’aise. Malheureusement il n’a pas été au pouvoir de l’architecte d’élargir la rue sur laquelle donne la façade du palais : aussi n’y jouit-on qu’imparfaitement des beaux chambranles des fenêtres au premier étage, et du riche entablement qui couronne toute la masse de l’édifice.

Ce fut le dernier ouvrage de Balthazar Peruzzi. Il n’eut pas même l’avantage d’en voir la fin. La mort le surprit avant qu’il eût pu le terminer entièrement, et lorsqu’il étoit encore dans la force de son talent. On a eu quelques soupçons que cette mort prématurée avoit pu être l’effet du poison, et les soupçons tombèrent sur un de ses envieux, qui ambitionnoit sa place d’architecte de Saint-Pierre. Cependant les médecins n’eurent des indices de cette cause que quand il n’y avoit plus de remède. Il mourut âgé de cinquante-six ans, regretté de ses amis et de sa famille, à laquelle il ne laissoit pour héritage, qu’un nom qui devoit devenir encore plus célèbre après lui. Les artistes lui firent d’honorables funérailles, et sa sépulture fut placée dans le Panthéon, à côté de celle de Raphaël.

Balthazar Peruzzi vécut et mourut pauvre. Son seul revenu consistoit en 250 écus que lui valoit la place d’architecte de Saint-Pierre. C’étoit sa seule ressource pour l’entretien de sa famille. Le pape Paul III n’eut connoissance du mauvais état de ses affaires que dans sa dernière maladie, et ce fit à la veille de le perdre qu’il parut sentir toute la perte que les arts alloient faire. Il lui fit compter cent écus, accompagnés d’offres de service et des témoignages flatteurs d’une tardive obligeance.

Le caractère timide de cet artiste avoit toujours nui à sa fortune. Une sorte de délicatesse qu’il portoit à l’excès, l’empêcha de se prévaloir autant qu’il auroit pu le faire, des occasions de mettre son talent à profit, et il arriva que ceux auxquels il avoit affaire, se prévaloient trop souvent de sa modestie et de sa réserve. Occupé pour des hommes riches et par de grands personnages, il ne put ni sortir de la détresse, ni se décider à en révéler le secret. Son amour pour l’étude conspiroit encore à l’y retenir. Tous les momens que lui laissoit la pratique de son art, il les donnoit à leur théorie et à des recherches savantes.

Sébastien Serlio fut héritier en partie de ses écrits et des dessins d’antiquités qu’il laissa. Il en a enrichi son Traité d’architecture, principalement ses troisième et quatrième livres, qui contiennent les monumens antiques de Rome.

PESÉE. Voyez Levier.

PEUPLER, v. act. C’est, en charpenterie, garnir un vide de pièces de bois, espacées à égale distance.

Ainsi on dit, peupler de poteaux une cloison, peupler de solives un plancher, peupler de chevrons un comble.

PHARE, s. m. On appelle ainsi une tour fort élevée, construite en pierres, en maçonnerie ou en bois, à l’entrée d’un port de mer, ou sur le bord d’une côte dangereuse, et au haut de laquelle on entretient un fanal ou soyer de lumières, pour éclairer pendant la nuit les navigateurs, et servir de signal aux vaisseaux.

Ces tours furent en usage dès les temps les plus anciens, et plus d’un passage d’écrivain en dépose. Les feux allumés sur des montagnes furent les premiers fanaux de ce genre. Depuis on fit, pour le même objet, des constructions d’un genre fort simple. Enfin, l’art de l’architecture s’en empara et en fit des monumens remarquables.

Le plus fameux de tous dans l’antiquité, et qui passa pour une des sept merveilles du monde, fut celui que Ptolémée Philadelphe fit construire de pierres blanches dans l’île de Pharos, lieu qui depuis a donné son nom aux monumens de ce genre. Il étoit à plusieurs étages qui, allant chacun en se rétrécissant, donnoient à l’ensemble la forme pyramidale. Chaque étage avoit une galerie extérieure. Si on en croit les écrivains arabes, ce monument auroit eu dans l’origine mille coudées de hauteur. Les tremblemens de terre le réduisirent à moins de quatre cents. On le répara dans la suite, et on ne lui laissa que deux cent trente-trois coudées. Son intérieur renfermoit plusieurs centaines de pièces et un grand nombre d’escaliers, ce qui formoit une espèce de labyrinthe. Les escaliers étoient faits de manière que les bêtes de somme pouvoient les monter facilement. Sur la fin du huitième siècle, le phare se trouva singulièrement dégradé. Dès avant le neuvième, il fut réparé par un gouverneur d’Egypte. Dans le siècle suivant, un tremblement de terre fit crouler une portion du sommet, dans une hauteur d’environ trente coudées. Vers 1182, la hauteur totale de l’édifice étoit encore de cinquante coudées. Il existoit alors une mosquée à son sommet. Une nouvelle secousse de tremblement de terre arriva en 1303, endommagea et détruisit ce qui restoit encore du phare. Depuis cette époque il n’en reste que d’assez légers vestiges. Le phare d’Alexandrie est figuré sur plusieurs médailles, mais de la manière abréviative, dont les monétaires représentoient les monumens d’Architecture sur les monnoies. Cependant quelques monnoies d’Alexandrie nous le sont voir surmonté d’une figure colossale tenant une haste. Aux quatre coins sont des tritons sonnant de la conque. Sur quelques revers on voit Isis, surnommée Pharia, que porte un vaisseau qui entre à pleines voiles dans le port. Sostrate Cnidien avoit été l’architecte du phare d’Alexandrie. Voyez Sostrate.

Les Romains ont construit un grand nombre de phares, et quelques-uns à l’imitation de celui d’Alexandrie. Tel auroit été, selon Suétone, celui que l’empereur Claude fit bâtir à Ostie. Le même historien parle du phare de l’île de Caprée, qu’un tremblement de terre fit écrouler peu de jours avant la mort de Tibère. Pline parle des phares de Ravennes et de Pouzzol. Denis de Byzance a décrit un phare célèbre, situé a l’embouchure du fleuve Chrysorrhoas, qui débouchoit dans le Bosphore de Thrace.

Un phare célèbre, bâti par les Romains, subsistoit encore en France vers l’an 1643. C’est celui de Boulogne-sur-Mer, Bononia. On a toujours cru qu’il étoit le même que celui dont parle Suétone dans la vie de Caligula qui le fit bâtir. Cette tour élevée sur le promontoire, ou sur la falaise qui commandoit au port de la ville, étoit octogone. Chacun des côtés avoit, selon Bocherius, vingt-quatre ou vingt-cinq pieds. Son circuit étoit d’environ deux cents pieds, et son diamètre de soixante-six. Elle avoit douze entablemens, ou espèces de galeries l’une sur l’autre. Chaque entablement porté sur l’épaisseur du mur de dessous, formoit un petit promenoir d’un pied et demi, et le tout alloit en se rétrécissant de manière à produire, comme ou l’a déjà dit, une forme pyramidale.

Suivant ce qu’en a recueilli Montfaucon, les rangs de pierres et de briques y étoient diversifiés en vue de l’effet agréable de ce mélange. On voyoit d’abord trois lits d’une pierre d’un gris de fer, tirée de la côte ; ensuite deux autres d’une pierre jaune plus molle, et par-dessus deux rangs de brique très-rouge et très-ferme, épaisse de deux doigts, longue d’un peu plus d’un pied. Telle étoit la construction dans toute la hauteur.

Ce phare étoit appelé depuis plusieurs siècles Turris ordens ou Turris ordensis. Les Boulonois le nommoient Tour d’ordre. Mais on croit, et avec beaucoup de fondement, que Turris ordens n’étoit que la corruption de Turris ardens, la Tour ardente, épithète qui convenoit parfaitement à une tour où le feu paroissoit toutes les nuits. Au reste, la tour et le fort qu’on y avoit adossé s’écroulèrent en 1644. Un Boulonois en a heureusement conservé le dessin qu’on peut voir dans Montfaucon, Suppl. à l’Antiq. expl., tom. IV, pl. 50.

Plusieurs ont pensé qu’il y avoit un autre phare sur la côte opposée, et que la vieille tour qui subsiste au milieu du chateau de Douvres étoit le phare des Romains. D’autres, au contraire, en ont vu les ruines dans ce grand amas de pierres calcaires qu’on trouve au pied du château.

Des fouilles faites par ordre de l’archevêque de Cantorbery, ont fait découvrir un phare à peu près semblable à celui de Boulogne, ce qui a fait penser que celui qui est debout a été construit sur les ruines de l’ancien. L’archevêque en avoit envoyé à Montfaucon le plan, le profil et la coupe, que celui-ci fit graver, tom. IV, pl. 51, Suppl. à l’Antiq. expl. Cette tour octogone, comme celle de Boulogne, étoit bâtie de pierres plus grosses, l’intérieur en étoit carré, et les dimensions de cet intérieur étoient égales de haut en bas, quoique l’extérieur allât toujours en diminuant de bas en haut.

Le même antiquaire a publié une médaille d’Apamée, sur laquelle on voit un phare ; il donne aussi le dessin d’un autre phare tiré d’un médaillon antique.

PHENGYTES, étoit le nom d’une sorte d’albâtre gypseux, transparent, et que les Anciens mettoient au nombre des pierres spéculaires, dont chez eux l’usage remplaçoit dans bien des cas celui du verre.

Au temps de Néron, dit Pline, on trouva en Cappadoce une qualité de pierre qu’on appela phengytes à cause du son éclat et de sa transparence. Lapis duritia marmoris, candidus, atque translucens…. ex argumento phengytes appellatus.

La qualité diaphane de cette pierre devoit être extraordinaire, puisqu’elle n’avoit pas même besoin d’être réduite en dalles plus ou moins minces, pour transmettre la lumière. Néron en avoit fait bâtir un temple à la Fortune dans l’enceinte de sa maison d’or, et même les portes fermées, foribus opertis, il y régnoit de la clarté. Interdiù claritas ibi diurna erat. Toutefois, ajoute-t-il, il n’y avoit point de spéculaires, alio quam specularium modo. La lumière paroissoit y être renfermée, et ne point y arriver du dehors, tamquàm inclusâ luce non transmissâ. Ainsi sans le secours des pierres spéculaires, le temple se trouvoit éclairé par le seul effet de la transparence des pierres dont il étoit bâti.

Il est fait encore d’autres mentions de cette pierre, et elles prouvent toutes que sa propriété étoit parfaitement égale à celle du verre. Par exemple, dit Pline, on en fabriquoit des ruches, afin de pouvoir observer le travail des abeilles. C’est pour le même objet qu’on fait aujourd’hui des ruches de verre.

Nous renvoyons le lecteur au mot Spéculaire, où l’on traite de toutes les matières qui furent jadis les équivalens du verre. Voyez Spéculaire.

PHIGALIE, ville antique de l’Arcadie, située à peu de distance du mont Cotylus, sur lequel étoit construit un des plus beaux temples du Péloponèse. Pausanias s’exprime ainsi, lib. VIII, cap. 41.

« Phigalie est environnée de montagnes…… Le mont Cotylus est à quarante stades de la ville. Il y a un temple d’Apollon Epicurius (libérateur), bâti en marbre, et doit la voûte est de la même matière. Il est, à l’exception de celui de Tégée, le plus beau du Péloponèse, et pour la matière et pour l’art…… L’architecte de ce temple fut Ictinus, qui vécut au temps de Péricles, et qui avoit bâti le Parthénon à Athènes. »

En 1812, la compagnie anglaise et allemande, occupée de recherches dans la Grèce, découvrit les restes encore bien conservés de ce temple, et y trouva une suite de bas-reliefs, qui avoient composé une frise dans son intérieur. Ces bas-reliefs, dont on ne donnera ici qu’une légère mention, sont aujourd’hui partie du Muséum des antiquités de Londres.

Le temple que nous appellerons de Phigalie, comme ayant été une dépendance de cette ville, n’est pas encore bien connu dans toutes ses particularités. Les dessins que nous en connoissons suffisent pour en donner une idée générale ; mais ils laissent à desirer les détails instructifs de ses mesures partielles, et les autorités positives, sur lesquelles doivent se fonder plusieurs notions relatives à ce que sa disposition intérieure offre de nouveau.

Quant à l’extérieur, nous dirons en peu de mots, qu’il est formé, comme presque tous les temples grecs qui nous sont parvenus, d’un ordre dorique sans base, que son ordonnance est exastyle, et que le rang de colonnes qui règne tout à l’entour, le place dans la classe des périptères. Il a deux portiques parfaitement semblables, l’un en devant, l’autre en arrière.

La partie la plus curieuse de ce temple, la plus neuve et la plus instructive pour l’histoire des temples antiques, est celle de son intérieur, et de la disposition de son naos. Il se divisoit en deux espace : l’un plus étendu et orné de colonnes, l’autre formant une pièce carrée, séparée de la précédente par une colonne d’ordre corinthien, lorsque les colonnes de la grande nef sont ioniques. Celles-ci, au lieu d’être isolées, comme elles l’étoient dans l’intérieur des temples de Minerve à Athènes, et de Jupiter à Olympie, se trouvoient adossées à un piédroit, lié au mur de la cella. Chaque entre-colonnement devoit ainsi former un renfoncement assez semblable à celui qui, dans nos églises, constitue ce que nous appelons des chapelles particulières.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur les détails de cette architecture qui, ainsi qu’on l’a déjà dit, attendent des dessins plus développés. Ceux que nous avons sous les yeux sout partie de la collection des bas-reliefs de ce temple, collection publiée à Rome, en 1814. Ils font toutefois assez bien connoître la distribution du naos intérieur dont on vient de parler, pour qu’il soit permis de s’en autoriser dans la manière d’entendre un certain passage de la mention faite par Pausanias.

C’est assez l’usage des critiques et des antiquaires (et on ne sauroit trop les en blâmer) de n’admettre, à l’égard des pratiques de l’art des Anciens, que ce dont on trouve des témoignages irrécusables dans les restes ou les ruines des monumens. Cependant, quand on pense au déluge de destruction qui a englouti les ouvrages de vingt siècles, et à ce peu de fragmens qui nous en reste, si l’on doit être sobre de conjectures pour restituer et pour affirmer, il faut aussi se défier de l’esprit absolu qui nie ce dont on n’a pu encore retrouver la preuve.

Lorsque surtout une multitude de vraisemblances et de considérations puisées dans la nature des choses, nous montre comme nécessaire tel ou tel usage, tel ou tel procédé d’une part, et que de l’autre toutes sortes d’invraisemblances se réunissent pour prouver, par une épreuve inverse, que l’usage en question ne put point ne pas être ; que d’ailleurs rien, dans les monumens, ne s’oppose à ce que l’on admette l’hypothèse donnée, et que même beaucoup d’inductions et d’analogies la renforcent, alors il nous semble qu’il est permis d’avancer certaines opinions, eu appelant toutefois à de plus amples renseignemens.

C’est ce que nous fimes il y a une quinzaine d’années, dans une dissertation qui fait partie des Mémoires de la classe de littérature ancienne de l’lnstitut, et où nous prétendîmes établir, contre l’opinion généralement reçue, que le naos intérieur des temples anciens, et surtout des grands temples périptères, devoit être éclairé, et ensuite que le temple appelé hypœtre ne devoit pas avoir son naos intérieurement découvert. Nous avons inséré une partie de ces notions au mot Fenêtre de ce Dictionnaire. Voyez Fenêtre.

En essayant de prouver ces diverses thèses, nous dûmes rechercher et dans les monumens existans, et dans les notions des écrivains anciens, des exemples propres à confirmer, nonseulement que plusieurs des temples périptères avoient des couvertures, en toitures et en plafonds, mais que quelques-uns même avaient été voûtés en pierre. La notion de Pausanias sur le temple de Phigalie nous parut renfermer sur ce dernier point au exemple irrecusable, et nous combattîmes l’opinion de Winckelmann qui, en expliquant les mots πιφου χαι αυτες οροφος, avoit pensé qu’il ne s’agissoit là que de tuiles de marbre. Il nous sembla qu’en disant que le temple étoit bâti en pierres ainsi que son comble, cela devoit signifier une voûte de pierre.

On ne doit pas se dissimuler, lorsqu’on connoît la disposition intérieure de la plupart des temples grecs, qu’il y eût eu beaucoup de difficulté, qu’il y eût eu même quelqu’impossibilité à les voûter, et à faire reposer une voûte en berceau sur les murs de leur cella, avec le peu d’épaisseur qu’on leur connoît et leur peu de contrefort ; qu’il eût été encore moins possible de l’établir sur les colonnes isolées des temples, dont l’intérieur avoit trois nefs et deux rangs de colonnes. Nous ignorions alors quelle étoit la disposition interne du temple de Phigalie, et quelles étoient ses dimensions. l’our accorder qu’il avoit une voûte eu pierre, il suffisoit de supposer une nef étroite et des murs fort épais.

Le plan bien connu maintenant de cet intérieur, vient lever toutes les difficultés, confirme la notion de Pausanias, et l’interprétation que nous en avions faite.

On y voit en effet : 1°. que la nef rétrécie par les deux rangées de colonnes adossées aux piédroits ne devoit guère avoir, ainsi que sa voûte, plus de quinze à vingt pieds de largeur ; 2°. que les colonnes avec les piédroits adossés aux murs présentoient un appui des plus solides ; 3°. que les murs, tels que le plan les présente, devoient avoir plus de trois pieds d’épaisseur.

Le temple de Phigalie ou d’Apollon épicurien renferme plusieurs autres particularités, qui deviendront d’un fort grand intérêt pour la critique de l’art et l’histoire et l’architecture, lorsque de nouveaux dessins mettront à portée d’en discuter les détails avec plus de précision.

La suite des bas-reliefs qu’on en a enlevés et qui sont aujourd’hui à Londres, se compose de tous sujets relatifs à la guerre des Centaures et à celle des Amazones. La composition et l’invention de la plupart de ces bas-reliefs offrent beaucoup d’action, une grande énergie de mouvemens, de la grandeur dans le style et souvent de la chaleur d’exécution. Le relief en est beaucoup plus saillant que celui de la frise du Parthénon, et l’on doit dire encore qu’il y règne moins de pureté, de correction et de fim. Plus d’un ciseau y a été employé, et à tout prendre, l’invention en est supéricure à l’exécution.

PHILÆ. C’est le nom d’une petite île située au milieu du Nil, ou dans un coude que fait ce fleuve, qui, dans cet endroit, a près d’une lieue de large. L’ile a 192 toises de long, 68 dans sa plus grande largeur, et 450 de circonférence. Le nom de Philæ, qui lui fut donné par les Grecs et les Romains, est tout-à-fait ignoré aujourd’hui dans le pays, où on lui donne un nom qui signifie l’île du Temple.

On y voit effectivement des restes assez considérables d’un grand temple, d’un autre plus petit, et de quelque autres constructions qui, sans doute, eu dépendoient.

L’ile étoit entourée jadis d’un mur de quai, dont on retrouve partout des vestiges, et dont plusieurs parties sont même encore bien conservées. Ce mur est en talus, bâti en grès. Les pierres en sont taillées avec soin, et en général il est d’une belle construction.

Plusieurs édifices servent d’avenue au grand temple. L’on peut consulter, sur leurs détails, la description de l’Egypte. Nous n’avons ici d’autre objet que d’indiquer les sources où l’on pourra puiser, sur ces ruines, des connoissances précises.

On sait assez que presque tous les temples de l’Egypte offrent une très-grande uniformité d’aspect, d’ordonnance extérieure et de ce qu’on appelle, en architecture, style et caractère. L’observateur y trouve toutefois dans leur disposition intérieure un assez grand nombre de variétés.

Ainsi le grand temple de Philæ présente dans la disposition de son portique une particularité remarquable, et qui ne se remarque une autre fois que dans un seul monument a Thèbes. Ce portique qui, comme tous les autres, est fermé latéralement, l’est encore antérieurement par un pylone, en sorte que la façade du temple n’est autre que celle de ce même pylone. Comme, par cette disposition, le portique, se trouveroit privé de lumière, on a laissé une grande ouverture dans le plafond, de manière que ce portique forme une espèce de cour environnée de colonnes de trois côtés.

Ce temple du reste est, comme tous les autres, une succession de pylones, de péristyles ou de cours formées par des colonnes.

Le portique dont on vient de parler a conservé assez fidèlement un exemple de la manière, dont la plupart des figures hiéroglyphiques étoient peintes. On y voit l’union de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Ce système de décoration fut beaucoup plus général qu’on ne pense dans toute l’antiquité.

L’île de Philæ renferme les restes d’un plus petit temple. La longueur totale de cet édifice est de treize toises. Les colonnes sous l’architrave n’ont que dix-sept pieds de haut. Les chapiteaux sont de formes et de décorations très variées. Ils sont distribués avec si peu de symétrie, qu’on seroit tenté de croire que l’architecte n’a pas été libre de faire autrement. Il y a de ces chapiteaux qui paroissent représenter des faisceaux de joncs ou de lotus ployés. Quant à la forme, il est difficile d’en trouver l’origine, et plus difficile encore de ne pas la trouver bizarre, et très-différente de celle de tous les autres chapiteaux.

Sur chaque face du dé qui surmonte ces chapiteaux, est sculptés en relief fort saillant une tête d’Isis, et au-dessus de cette tête, l’image de la façade d’un petit temple égyptien. Dans un petit renfoncement, qui figure la porte du temple, on voit un serpent portant un disque sur sa tête.

On remarque que le temple a deux façade : la première ou celle d’entrée offre deux colonnes ; la façade postérieure en a trois. Cette disposition, dit la description que nous abrégeons, semble manquer à toutes les règles, puisqu’elle présente une colonne dans son milieu. Mais si l’on réfléchit qu’il n’y a point d’entrée sur cette face, alors l’inconvenance disparoît. Nous renvoyons, pour tous les détails de ces monumens, à la description de l’Ouvrage sur l’Egypte.

PHOCICUM. C’est le nom (en grec φαχιχιε) que Pausanias, lib. 10, cap. 5, donne à un grand édifice qui renfermoit la salle d’assemblée des députés des villes de la Phocide.

« Voici le passage littéral de l’auteur grec…. On trouve un grand édifice appelé Phocicon, où se réunissent les Phocéens de chaque ville. Dans l’intérieur de l’édifice et sur sa longueur s’élèvent des colonnes. Des gradins contre (ou à partir de) ces colonnes vont s’adosser à chaque mur. C’est sur ces gradins que s’asseyent les députés des Phocéens. En face du passage ou au bout, il n’y a ni colonnes ni gradins, mais bien les statues de Jupiter, de Minerve et de Junon. La statue de Jupiter est sur un trône. Junon et Minerve sont debout de chaque côté, l’une à sa droite, l’autre à sa gauche. »

La traduction peut donner une idée de la disposition de cet intérieur, de laquelle il faudroit conclure, soit que l’édifice eût eu dans sa longueur un seul rang de colonnes, soit qu’il eu eût eu deux, que les gradins partant par eu bas, ou du seul rang, ou de chacun des deux rangs de colonnes, alloient dans la longueur méme de l’édifice, s’appuyant sur chaque mur. Ainsi dans cette manière d’entendre les mots du texte, il y auroit eu dans la longueur de la salle deux amphithéâtres, occupant l’espace entre les colonnes et le mur, de façon que les députés assis sur les gradins, de chaque côté, auroient été séparés soit par un rang, soit par deux rangs de colonnes.

L’hypothèse d’un seul rang de colonnes dans le milieu, séparant les deux amphithéâtres, nous paroît la moins soutenable.

L’hypothèse de deux rangs de colonnes divisant le local dans sa longueur, donneroit l’idée d’un intérieur semblable a celui des temples à trois nefs ; alors il est facile de s’en former une image, en admettant que chacune des nefs, que nous appellerions bas côtés, auroit été occupée dans sa longueur, par plusieurs rangs de gradins, commençant en bas à partir des colonnes, et allant s’appuyer sur chaque mur latéral en longueur. Les idées qu’on se forme d’une róunion d’hommes délibérant ensemble, pourroïent faïre naître quelque difficulté sur cette dïsposïtion des deux amphithéâtres.

Il resteroit une troisième hypothèse ; c’est que l’édifice auroit eu deux rangs de colonnes dans sa longueur, mais que les amphithéâtres se seroient trouvés établis, non dans cette longueur, mais sur la largeur ou le petit côté de la salle, en face l’un de l’autre. Chaque amphithéâtre partant aussi des colonnes, mais d’une autre manière, auroit été entre leurs deux rangs, et se seroit de même appuyé coutre chaque mur du petit côté de la salle. Dans cette supposition, l’entrée, ou la porte, au lieu d’être percée, comme celle d’un temple, sur la face étroite de l’édifice, l’auroit été dans le milieu de sa longueur. Il y auroit eu un entre-colonnement plus large dans le milieu de chaque rangée do colonnes, et en face de l’entrée auroit été placé le trône de Jupiter, avec les deux statues collatérales de Junon et de Minerve.

PICNOSTYLE. Voyez Pycnostyle.

PIÈCE, s. f. Ce mot nous paroît venir de l’italien pezzo, morceau. Il a dans les deux langues une multitude d’emplois.

Dans l’architecture proprement dite, et dans la distribution ou la disposition d’un intérieur de maison surtout, pièce signifie des’ parties constituantes d’un appartement, comme chambre, antichambre, cabinet, salon, etc. Ainsi l’on dit qu’un local, qu’un appartement est composé de tant de pièces.

Ce mot s’applique encore dans les arts à beaucoup d’autres choses ; on indiquera ici les principales. — On dit :

Pièce d’appui. C’est à un châssis de menuiserie, une grosse moulure en saillie, qui pose en recouvrement sur l’appui ou la tablette da pierre d’une fenêtre, pour empêcher l’eau d’entrer dans la feuillure.

Pièce de bois. C’est, selon l’usage, un bois dont la mesure est de 6 pieds de long, sur 72 pouces d’équarrissage. Ainsi une pièce de bois méplat de 12 a pouces de largeur, sur 6 ponces de grosseur, et 6 pieds de long, ou une solive de 6 pouces de gros, sur 12 pieds de long, fera ce qu’on appelle une pièce, à quoi un réduit toutes les pièces de bois de différentes grosseurs et longueurs, qui entrent dans la construction des bâtimens, pour les estimer par cent.

Pièce de charpente. C’est tout morceau de bois taillé, qui entre dans un assemblage de charpente, et qui, dans les bâtimens, s’applique à toutes sortes d’emplois. On appelle maîtresses pièces les plus grosses, comme les poutres, tirans, entraits, jambes de force, etc.

Pièces de rapport. Ce mot peut s’entendre de plus d’une manière.

D’abord on appelle ainsi les corps étrangers, appliqués, incrustés, ou enchassés comme les pierres fines, les pierres fausses, les cailloux, porcelaines, etc., sur un meuble ou un bijou. (Voyez Marqueterie, Mosaique. ) C’est dans ce sens qu’on dit d’un ouvrage quelconque, qui est composé de plusieurs morceaux, et qui n’ont pas été faits pour être rassemblés, qu’il est de pièces de rapport.

La même dénomination se donne ensuite à toutes les pièces de même métal qui sont ou appliquées ou soudées à un ouvrage d’orsèvrerie, de bijouterie, et comme ornemens de bas-reliefs, etc.

Enfin on peut appeler ainsi tout ouvrage métallique, statue ou autre, qui, au lieu d’être d’un seul morceau, en tant que résultat d’une seule fonte, se compose de beaucoup de pièces réunies les unes aux autres, soudées et rivées entr’elles. Les chevaux de bronze doré de Venise sont composés de plusieurs pièces de rapport.

Pièces de tuile. Ce sont tous les morceaux de tuile employés à différens endroits sur les couvertures. On nomme tiercines, les morceaux d’une tuile fendue en longueur, employée aux battellemens, et nigoteaux, ceux d’une tuile sendue en quatre, pour servir aux solins et ruillées. Pour l’intelligence de ceci, voyez Solin et Ruillée.

Pièce de verre. On appelle ainsi tous les petits carreaux on morceaux de verre de différentes figures et grandeurs, qui entrent dans les compartimens des formes et panneaux de vitre.

Dans le jardinage on donne le nom de pièce à beaucoup d’objets ; nous en citerons seulement deux.

Pièce d’eau. C’est, dans un jardin, un grand bassin de figure conforme à sa situation, comme, par exemple, la pièce d’eau appelée des Suisses, devant l’orangerie, à Versailles ; celle de l’Ile royale, dans le petit parc ; celle de Neptune, devant la Fontaine du Dragon. Voyez Bassin.

Pièces coupées. On donne ce nom, dans le jardinage, à un compartiment de plusieurs petites pièces figurées, ou formées de lignes parallèles et d’enroulemens, et séparées par des sentiers, pour faire un parterre de sleurs ou de gazon.

PIED (Considéré comme mesure linéaire). Son type originaire a dû être, comme celui de toutes les autres mesures, tiré d’une des parties du corps humain ; telles que brasse, palme, pouce, doigt.

Le pied de l’homme variant de dimension, selon les individus et les âges, ce modèle ne put jamais donner une dimension invariable, suffisante dans les premiers temps des sociétés pour l’évaluation approximative des transactions bornées aux plus simples rapports, il fallut bientôt en fixer l’étalon pour obvier aux fraudes, et en conservant son nom originaire, le pied varia de mesure selon les pays.

On appelle donc pied un instrument en forme de petite règle, qui a une longueur déterminée, laquelle se divise en plus ou moins de parties, telles que pouces ou lignes, qui y sont gravées.

Nous allons rapporter ici le tableau de ces principales variétés, telles que les lexiques les présentent. Cette connoissance est indispensable à l’architecte, dans les rapprochemens qu’il a souvent occasion de faire des descriptions de monumens élevés en divers pays, avec la mesure usitée dans le sien.

On considère les pieds comme antiques ou comme modernes, et c’est cette division que nous allons suivre, en rapportant les mesures des pieds les plus usités, selon qu’elles ont été déterminées par Suellius, Riccioli, Scamozzi, Petit, Picard, et autres géomètres et architectes. Les uns et les autres sont réduits au pied de roi. Ce pied est divisé en 12 pouces, le pouce en 12 lignes, et la ligne en 12 points. Ainsi il est divisible en 1728 parties. Six de ces pieds forment la toise.

Pieds antiques par rapport au pied de roi.
Pied d’Alexandrie, 13 prouces 2 lignes a points.
Pied d’Antioche, 14 pouces 12 lignes 2 points.
Pied arabique, 12 pouce 4 lignes.
Pied babylonien, 12 pouces 1 ligne 6 points ; selon Capellus, 14 pouces 8 lignes 1/2 selon Petit, 12 pouces 10 lignes 6 points.
Pied grec, 11 pouces 5 lignes 6 points ; selon Perrault, 11 pouces 3 lignes.
Pied hébreu, 13 pouces 3 lignes.
Pied romain. Selon Viliapande at Riccioli, ce pied a 11 pouces 1 ligne 8 points ; selon Lucas Pœtus (au rapport de Perrault) et selon Picard, 10 pouces 10 lignes 6 points, qui est la longueur qu’on voit au Capitole, et qui apparemment est la mesure la plus certaine de ce pied. Malgré ce témoignage, M. Petit, qui, pour des raisons a lui connues, prend le milieu des différentes mesures qu’on a sur cet objet, persiste a soutenir que le pied romain doit être de 11 pouces.
Pieds modernes par rapport au pied de roi.
Pied d’Amsterdam, 10 pouces 5 1ignes 3 points.
Pied d’Anvers, 10 pouces 5 lignes.
Pied d’Ausbourg en Allemagne, 10 pouces 11 ligne 3 points.
Pied de Bavière en Allemagne, 10 pouces 8 lignes.
Pied ou brasse de Bologne en Italie, 14 pouces selon Scamozzi, et 14 pouces 1 ligne selon Picard.
Pied de Cologne, 10 pouces 2 lignes.
Pied ou pic de Constantinople, 24 pouces 5 lignes.
Pied de Copenhague en Danemarck, 10 pouces 9 lignes 6 points.
Pied de Cracovie en Pologne, 13 pouces 2 lignes.
Pied de Dantzick, 10 pouces 4 lignes 6 points selon Petit, et 10 pouces 7 lignes selon Picard.
Pied de Genève, 18 pouces 4 points.
Pied de Heidelberg en Allemagne, 10 pouces 2 lignes.
Pied de Leyde en Hollande, 11 pouces 7 lignes.
Pied de Liège, 11 pouces 7 lignes 6 points.
Pied de Lisbonne en Portugal, 1 pouces 7 lignes 7 points.
Pied de Londres et de toute l’Angleterre, 11 pouces 2 lignes 6 points selon Picard, et 11 pouces 4 lignes 6 points suivant une mesure originale. Le pouce d’Angleterre se divise en dix parties ou lignes.
Pied de Manheim dans le Palatinat du Rhin, 10 pouces 8 lignes 7 points.
Pied de Mayence en Allemagne, 11 pouces 1 ligne 6 points.
Pied de Middelbourg en Zélande, 11 pouces 1 ligne.
Pied de Prague en Bohême, 11 pouces 1 ligne 8 points.
Pied du Rhin, 11 pouces 5 lignes 3 points.
Pied de Savoie, 10 pouces.
Pied de Stockholm en Suède, 12 pouces 1 ligne.
Pied de Tolède, 11 pouces 2 lignes 2 points.
Pied de Turin ou de Piémont, 16 pouces selon Scamozzi.
Pied de Venise, 12 pouces 10 lignes.
Pied de Vienne en Autriche, 11 pouces 8 lignes.
Pied selon ses dimensions.
Pied courant. C’est le pied qui est mesuré suivant sa longueur.
Pied carré. C’est un pied qui est composé de la multiplication de deux pieds. Ainsi un pied étant de 12 pouces, le pied carré est de 144 pouces, nombre qui provient de 12 multiplié par 12.
Pied cube. C’est un pied qui contient 1720 pouces cubes, nombre qui est formé du produit du pied carré par le pied simple.
Pied considéré dans les divers emplois qu’on fait de ce mot.

Le mot pied s’emploie dans une multitude de cas, et s’applique à un très-grand nombre de choses dans l’architecture. Il suffit d’en faire simplement une courte mention. Tout le monde sait, en effet, qu’on dit le pied d’un mur, d’une colonne, d’une tour, etc.: pied alors ne signifie que l’extrémité inférieure, c’est-à-dire, cette partie de l’objet qui lui est ce que le pied est au corps de l’homme.

On donne le nom de pied à plus d’un genre de supports, que l’art de l’ornement sait embellir, et qui ajoutent un fort grand prix aux objets dont ils font partie. Ainsi les Anciens avoient appelé tripodes à trois pieds, trépieds, ces autels portatifs en bronze, qu’on imita depuis en marbre, et qui consistoient en un brasier soutenu par trois supports ou pieds, qu’on auroit pu appeler également jambes. Les pieds dont on parle formoient le principal mérite de ces ouvrages, parmi lesquels on peut citer de véritables chefs-d’œuvre d’invention, de composition, de goût et d’exécution. Ce fut jadis pour la sculpture d’ornement un sujet inépuisable, et où l’art des meubles modernes trouve à copier les pins agréables modèles pour la forme et les détails. Mais nous renvoyons, pour en traiter plus amplement, au mot Trepied.

Les Anciens portèrent aussi le goût du même genre de luxe dans les pieds des lits sur lesquels les convives se plaçoient pour leurs repas. Le plus souvent on les faisoit d’ivoire. C’étoit un grand objet de commerce que la fabrication des pieds de tout genre, dont on ornoit les siéges, les tables, les buffets. On y employoit les métaux et les matières les plus précieuses, et l’art de l’ornement y ajoutoit un prix infiniment plus grand.

Il suffira, pour en donner l’idée, de rappeler au lecteur les diversités de formes que l’artiste a su leur donner. Tantôt ce sont des pattes d’animaux, tantôt des figures de griffon, de sphinx, d’animaux symboliques ; tantôt des enroulemens capricieux, des contours en volutes, etc. ; tantôt des balustres, des colonnes, des pilastres, des montans d’arabesques.

La plupart de ces formes s’étant naturalisées aussi dans l’exécution et l’ornement des meubles, et des objets d’embellissemens que l’architecture des modernes s’est appropriés, nous n’alongerons pas cet article de la notion de tous les emplois qu’on fait du mot pied. On sait qu’il y a des pieds de siéges, de trônes, de tables, de consoles, de guéridons, et qu’on les adapte à ces usages, tantôt au nombre de quatre et même plus, tantôt au nombre de trois, tantôt en n’y en employant qu’un, comme dans ce qu’on appelle guéridon.

Cette dernière manière trouve une application assez fréquente dans certains bassins de fontaines jaillissantes, qu’on fait en marbre. La coupe du milieu de laquelle sort le jet ou le bouillon d’eau, est portée sur un balustre, ou rond ou à pans, qu’on orne de feuillages sculptés. Il y a ainsi, dans ce qu’on appelle la colonnade des jardins de Versailles, trente-un pieds de marbre qui soutiennent autant de bassins en marbre blanc.

En construction, on appelle :

Pied-de-biche, une barre de fer, dont un bout est attaché par un crampon dans un mur, et dont l’autre, en forme de crochet, s’avance ou recule dans les dents d’une crémillière, sur un guichet de porte enchère, pour empêcher qu’il ne soit forcé.

Pied-de-chèvre. C’est une troisième pièce de bois qu’on ajoute à une chèvre, pour lui servir de jambe, lorsqu’on ne peut l’appuyer contre un mur, pour enlever quelque fardeau de peu de hauteur, comme une poutre sur des tréteaux pour la débiter.

Pied de mur. C’est la partie inférieure d’un mur, laquelle (selon le langage de la construction) est comprise depuis l’empatement de la fondation, jusqu’au-dessus, ou à la hauteur de retraite.

PIÉDESTAL, s. m., est le mot français par lequel nous traduisons le mot grec et latin stylobata, que nous employons aussi dans la langue de l’architecture. Mais stylobate, par sa composition, signifie porte-colonne. Quelle que soit la composition du mot piédestal, piedestallo et piedistylo en italien, et quand on en conclurait qu’il est l’équivalent du mot grec, toujours seroit-il vrai qu’il a une signification plus générale, c’est-à-dire, qu’on applique ce mot à désigner le support de beaucoup de corps et d’objets différens d’une colonne.

Piédestal considéré dans ses rapports avec les statues et autres objets.

Ce qu’on appelle piédestal, défini dans son acception générale, est un corps du matières, de formes et de proportions différentes, et diversement orné, qu’on donne pour support à des statues, à des bustes, à des vases, à des candélabres, à des cadrans solaires, à des tombeaux ou cénotaphes, etc.

Quant à la matiène, on fait des piédestaux en pierre, en marbre, en métal, en maçonnerie, en plâtre, en stuc, en bois, selon l’importance, la richesse ou la rareté des objets qu’on y impose.

Quant à la forme, on fait des piédestaux carrés, circulaires, ovales, et même quelquefois triangulaires.

La proportion des piédestaux, dans la diversité des emplois qu’on vient d’indiquer, ne sauroit avoir de règles déterminées, comme on l’a fait à l’égard de ceux qu’on emploie sous chaque ordre de colonnes. Il semble qu’en général il ne convient guère de donner au piédestal, en hauteur, plus du double de son épaisseur. Mais ces rapports varient beaucoup, selon la dimension de l’objet qu’il est destiné à supporter, selon le point de distance d’où on doit le considérer, selon l’effet qu’on veut faire produire à tout l’ensemble.

Le point de goût le plus important en cette matière, est celui qui regarde les piédestaux qu’on destine aux statues, en raison de leur nature, de leur objet, de leur dimension et de leur position.

Mais sous combien de rapports une statue ne peut-elle pas être considérée ? Si c’est un ouvrage d’art, objet d’étude pour les artistes, il conviendra que la figure soit le plus qu’il est possible rapprochée de l’œil, pour qu’on puisse en parcourir avec facilité les moindres détails.

Une statue assise, par exemple, ou couchée, comportera un piédestal plus élevé qu’une figure en pied.

Si la statue doit être placée dans une niche à cru, c’est-à-dire, qui prend naissance du sol, il conviendra de donner au piédestal une mesure combinée de la hauteur de la statue et de celle de la niche.

Quand une statue est destinée à figurer en plein air, dans un local spacieux, et comme point de décoration pour la vue, le piédestal, alors partie importante du monument, exige une proportion un peu plus indépendante de la statue.

On avoït peut-être un peu trop abusé de cette liberté dans les piédestaux des statues équestres des rois en France. Il y en eut dont la hauteur portoit la figure du héros à une telle distance de a vue, que l’œil en discernait avec peine les traits, Tel fut le piédestal de la statue équestre de Louis XV, par Bouchardon. Il semble que dans de pareils monumens, la mesure de la hauteur du piédestal ne devroit guère excéder la moitié de celle de la statue.

L’on a fait de toutes sortes de formes les piédestaux des statues équestres. On en a fait selon les goûts régnans dans chaque siècle, de quadrangulaires, de circulaires ou ovales ; on en a fait avec des ressauts, avec des angles arrondis ou chantournés. Mais après toutes sortes de variations, le bon goût qui, en architecture, n’est guère autre chose, que le bon sens appliqué à la manière d’être de toutes les compositions, a fait revenir à la forme naturelle, qui est la quadrangulaire. Un piédestal du genre de ceux dont on parle, doit d’abord offrir une idée de solidité dans sa masse, qui ne sauroit bien s’accorder qu’avec une certaine simplicité quant à la forme générale et à celle des détails. Des profils sages et suffisamment prononcés en font l’ornement nécessaire. A l’égard de sa décoration, la plus naturelle est celle des bas-reliefs dont ses faces seront ornées, et des inscriptions qu’on y gravera.

Piédestal considéré dans son rapport avec les colonnes.

Le piédestal considéré architectoniquement, tel qu’on l’emploie dans beaucoup de cas, comme partie d’un ordre de colonnes, est un corps carré, avec base et corniche, qui porte la colonne et lui sert de soubassement.

Généralement parlant, et en stricte théorie, le piédestal est une chose tout-à-fait indépendante de la colonne, surtout isolée : aussi ne cite-t-on pas beaucoup d’exemples d’ordonnances isolées dont les colonnes posent sur cette sorte de supplément de base, qui doit passer pour une superfétation. On ne sauroit nier que le besoin d’employer des colonnes de marbre trop courtes pour l’élévation à laquelle on les destina, n’ait pu faire excuser, et ne puisse justifier encore, dans quelques occasions, l’addition du piédestal sous des colonnes ainsi données.

La même sévérité ne sauroit avoir lieu lorsqu’il s’agit de ces ordonnances, dont les colonnes sont engagées dans les piédroits, ou adossées à des murs, surtout lorsqu’un soubassement continu, ou en manière d’appui, comme dans certaines galeries, rend nécessaire de le profiler en saillie sous les colonnes. D’autres convenances ont encore engagé à pratiquer des piédestaux sous les colonnes qui servent d’ornemens aux arcs de triomphe. Ces monumens, comme on le sait, participent plus ou moins de la forme et du caractère des portiques en arcades et en piédroits. Les colonnes y sont plus de décoration que de nécessité, et les champs des piédestaux offroient à la sculpture des champs très-favourables aux figures qu’on y représentoit.

Une multitude de monumens et de grandes constructions à plusieurs étages de portiques, de piédroits et de colonnes engagées, tels que les théâtres, les cirques, les amphithéàtres, rendirent très-commun l’usage des piédestaux sous les colonnes, et les Modernes en ont usé dans presque tous leurs édifiées, dans l’intérieur des églises, dans leurs frontispices, dans les façades des palais, dans les galeries de leurs cours, etc.

En subordonnant ainsi à chaque ordre de colonnes un piédestal, il fut naturel d’en coordonner la proportion et les profils au caractère de l’ordre. Les Anciens l’avoient fait. Les Modernes, dans leurs traités, ont constamment réuni la règle des mesures et des profils propres de chaque ordre, à celle des mesures et des profils qui conviennent à son piédestal. Le piédestal, dans leurs théories, est devenu sinon une partie nécessaire, du moins l’accessoire obligé de l’ordre ; et comme presque toutes ces théories font partie des exemples de l’architecture des Romains, qui semblent avoir admis plus de variétés d’ordres que les Grecs, on s’est étudié a établir entre ce qu’on a appelé les cinq ordres, une progression de proportions et d’ornemens, qu’on a dû naturellement appliquer aux cinq genres de piédestaux, toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. C’est pour nous conformer à l’usage des méthodes reçues dans les écoles, que nous allons rapporter les règles sur lesquelles elle s’accordent à cet égard.

Piédestal toscan. Ce piédestal est le plus simple de tous ; il n’a qu’une plinthe et un astragale, ou un talon couronné pour sa corniche. Le cavet de cette corniche a un cinquième et demi du petit module, et le cavet de la basa en a deux, à prendre du piédestal même. La base et la corniche out l’une et l’autre les moulures du piédestal corinthien dans la colonne Trajane. Le piédestal de Palladio n’a qu’une espèce de socle carré, sans base et sans corniche. Celui qu’on a le plus souvent adopté en France, d’après Scamozzi, tient un milieu entre les deux excès.

Piédestal dorique. Ce piédestal a des moulures, un cavet et un larmier dans sa corniche. Il est un peu plus haut que le piédestal toscan. Telle est sa proportion. On partage le tiers de toute sa base eu sept parties, dont on donne quatre au tore qui est sur le socle, et trois au cavet. La saillie du tore est celle de toute la base, et celle du cavet a deux cinquièmes du petit module au-delà du nu du dé. A l’égard de la corniche, elle a un cavet avec son filet au-dessus, et ce filet soutient un larmier couronné d’un filet. Pour proportionner ces membres, on les partage en six parties, dont cinq sont pour le larmier, et la sixième pour son filet. Un cinquième et demi du petit module au-delà du nu du dé, forme la sallie du cavet avec son filet. On en donne trois cinquièmes au larmier, et trois et demi à son filet. Selon Vignole, Serlio et Perrault, ces membres forment le caractère du piédestal dorique. Scamozzi y met un filet entre le tore et le filet du cavet, et Palladio y ajoute une doucine.

Piédestal ionique. On donne à ce piédestal orné de moulures presqu’en tout semblables a telles du piédestal dorique, deux diamètres de haut et denx tiers ou environ. Sa base a le quart de toute la hauteur ; la corniche a le demi-quart, & les moulures de la base ont le tiers de toute la base. La proportion de ces moulures se règle, en divisant le tiers de la base en huit parties, qu’on divise ainsi : quatre à la doucine et une à son filet, deux au cavet et une à son filet. La saillie de ce dernier membre est du cinquième du petit module, celle du filet de la doucine de trois ; reste la corniche dont les parties sont un cavet avec son filet au-dessous, et un larmier couronné d’un talon, avec son filet. Ces profils ou membres, étant partagés en dix parties, deux sont pour le cavet, une pour le filet, quatre pour le larmier, deux pour le talon et une pour son filet. Enfin, la saillie de ces membres de la corniche est la même que celle de la doucine et du cavet dont en vient de parler.

Piédestal corinthien. La quatrième partie de la hauteur de la colonne forme la hauteur de ce piédestal. On le divise en neuf parties, dont une est pour la cymaise, deux pour la base, et les autres pour le dé. Cette buse est composée de cinq membres ; savoir, un tore, une doucine avec son filet, et un talon avec son filet au-dessus. De neuf parties dont un tiers de la base est formé (les deux autres tiers sont pour le socle), le tore en a deux et demie, la doucine trois, une demie pour son filet, le talon deux et demie, et son filet une demie. Ce premier membre a la saillie de toute la base, la doucine a la sienne égale aux deux cinquièmes trois quarts du petit module, et la saillie du talon avec son filet est d’un cinquième.

Six membres composent la corniche du piédestal corinthien : un talon avec son filet, une doucine, un larmier et un talon avec son filet. On divise toute la hauteur de ces membres en onze parties, dont une et demie est pour le talon, une demie pour le filet, trois pour la doucine, trois pour le larmier, deux pour le talon, et une pour le filet. Pour les saillies, on donne au talon avec son filet, un cinquième du petit module, deux cinquièmes et demi-tiers de la doucine, trois au larmier, et un cinquième au talon supérieur avec non filet.

Piédestal composite. Ce piédestal est semblable, pour la proportion, au piédestal corinthien, mais les profils de sa base et de sa corniche sont différens. Sa base est composée d’un tore, d’un petit astragale, d’une doucine avec son filet, d’un gros astragale et d’un filet. De dix parties de cette base, le tore en a trois, le petit astragale une, le filet de la doucine une demie, la doucine trois et demie, le gros astragale une et demie, et le filet qui fait le congé, une demie. Les saillies de ocs membres sont égales à peu près a celles de ceux du piédestal corinthien.

Un filet avec son congé, un gros astragale, une doucine avec son filet, forment la corniche qui occupe la huitième partie du piédestal. Le filet a une douzième partie et demie de toute la corniche, l’astragale une demie, la doucine trois et demie, le filet une demie, le larmier trois, le talon deux et le filet une. Les saillies de ces membres sont à peu près les mêmes que celles de la corniche dupiédestal corinthien.

Le piédestal composite a de hauteur la troisième partie de la colonne.

On donne différens noms aux piédestaux, selon leurs formes et leurs emplois. On dit :

Piédestal composé. C’est un piédestal d’une forme extraordinaire, comme ronde, carrée-longue, arrondie ou avec plusieurs retours. Il sert pour porter les groupes de figures, les statues, vases, etc.

Piédestal continu. Piédestal qui, sans ressaut, porte un rang de colonnes. Tel est celui qui soutient les colonnes ioniques cannelées du palais des Tuileries, du côté du jardin.

Piédestal double. C’est le nom qu’on donne à celui qui porte deux colonnes et qui a plus de largeur que de hauteur. On trouve de ces piédestaux à plusieurs des portails d’église qui ont des colonnes adossées aux murs et accouplées.

Piédestal en adoucissement. Ainsi appelle-t-on le piédestal dont le corps ou le milieu est bombé. C’est là un de ces caprices que le bon sens et le bon goût réprouvent.

Piédestal en balustre. On en fait de cette façon pour supporter, en manière de guéridon, une coupe. Voyez plus haut.

Piédestal flanqué. Piédestal dont les encoignures sont flanquées on cantonnées de quelques corps, comme de pilastres attiques ou en consoles, etc.

Piédestal irrégulier. Celui dont les angles ne sont pas droits dans le plan, ni les faces égales ou parallèles, mais quelquefois cintrées, par la sujétion de quelque plan, comme d’une tour ronde ou creuse.

Piédestal orné. C’est celui qui, non-seulement a ses moulures taillées d’ornemens, mais qui encore a ses tables fouillées ou en saillies, ornées de bas-reliefs, de chiffres, d’armoiries, etc., soit que ces ornemens soient pris dans la matière même du piédestal, soit qu ils y soient rapportés en bronze, comme on le pratique à l’égard des piédestaux qui supportent les statues équestres, et d’autres monumens honorifiques.

Piédestal carré. On appelle ainsi celui qui est égal en hauteur et en largeur. Tels sont les piédestaux de l’Arc des lions, a Vérone, d’ordre corinthien, et que quelques-uns, comme Serlio et Philander, ont affecté à leur ordre toscan.

Piédestal triangulaire. On n’use guère de ce piédestal en architecture. On l’a quelquefois placé sous des groupes, et d’autres fois on le voit, en manière d’autel, servant de support à des candélabres.

PIÉDOUCHE, s. m. Ce mot est le même que le mot italien pieduccio, petit pied.

On applique ce nom à un très-petit piédestal qu’on donne pour support à de petits objets, à de petites figures, et, le plus ordinairement, à des têtes ou à des bustes. Sa forme la plus ordinaire, chez les Modernes, est celle d’un grand cavet avec des moulures en haut et en bas.

On fait le plus souvent les piédouches circulaires, mais il y en a aussi de carrés, avec le même adoucissement et les mêmes moulures. Du reste, la proportion de ces sortes de bases n’est déterminée que par la mesure du buste et par la masse qu’elles doivent supporter.

Il y a des personnes qui condamnent la forme habituelle du piédouche, comme étant molle, sans caractère, et semblant être, ainsi que le balustre, l’ouvrage du tourneur plutôt que celui de l’architecte. Nous ne trouvons point effectivement cette forme employée par les Anciens, qui nous ont transmis et de petites figures, et aussi des bustes sur des piédouches ; mais ils sont le plus souvent carrés : ils portent un petit cartel pour recevoir une inscription. Nous avouerons que cette forme carrée, sous un buste, a peu d’agrément, qu’elle est lourde et fait peu valoir ce qu’on y impose. On a trouvé dans l’antique, surtout pour de petites figures en bronze, des piédouches d’une forme plus agréable (on peut les voir dans le Recueil des bronzes du Muséum d’Herculanum). Ces piédouches circulaires ont une forme alongée et pyramidale ; au lieu de la gorge trop rentrée ou du cavet très-creusé du piédouches moderne, leur fût ne décrit qu’une courbe très-légère, et est susceptible de recevoir des ornemens.

PIÉDROIT, s. m. C’est le nom qu’on donne à cette partie de la construction d’une arcade, d’une porte ou d’une fenêtre, qu’on appelle aussi jambage ou trumeau, et qui comprend le bandeau ou chambranle, le tableau, la feuillure et l’écoinçon.

Dans l’architecture des grands édifices où l’on emploie les ordres des colonnes avec des arcades le piédroit reçoit ou des pilastres, ou des colonnes tantôt engagées, tantôt simplement adossées. Il participe alors au genre et à la nature d’ornemens propres à chaque ordre.

Si l’ordre y est appliqué sans piédestal, le piédroit ne reçoit aussi alors qu’un socle avec une simple moulure ; si l’on donne un piédestal à l’ordre, comme dans les arcs de triomphe, quelquefois la corniche de ce piédestal ou une partie de ses moulures se profile sur le piédroit. L’ornement principal de ce dernier consiste dans le bandeau qui le couronne, et sur lequel viennent reposer les bondes de l’archivolte.

Comme chaque archivolte reçoit, selon le caractère plus ou moins simple, plus ou moins riche de l’ordonnance générale, plus ou moins de profils dans ses bandes, et aussi plus ou moins d’ornemens, de même l’espèce de chapiteau ou ce qui sert de couronnement au piédroit, aura ou peu de profils et des profils tout lisses s’il s’agit d’un ordre sévère, ou des profils multipliés et taillés d’ornemens, dans l’ordre qui exprime la variété et la richesse.

Du reste, le piédroit fait une partie si essentielle de la plupart des constructions, que sa manière d’être taillé, façonné ou appareillé, contribue beaucoup au caractère général de l’édifice. On fait des piédroits rustiques, on en fait de taillés en bossages et en refends. En un mot, le piédroit entre dans le système d’appareil que l’architecte a cru devoir affecter à son monument.

PIERRE, s. f. Matière plus ou moins dure, plus ou moins solide, qu’on emploie le plus généralement à bâtir, et qu’on trouve soit en terre, à une plus ou moins grande profondeur, et par couches ou lits, soit en plein air, sur les sommets des montagnes, soit dans ces masses qu’on appelle des rochers.

Les diversités de pierres sont telles et si nombreuses, selon les pays et les contrées où il s’en rencontre, que l’enumération et de leurs variétés, et des noms qu’elles reçoivent, seroit la matière d’un ouvrage qu’il ne sera très-probablement jamais possible de rendre complet.

Comme il ne sauroit être ici question de considérer les pierres d’après les connoissances géologiques de l’histoire naturelle, el d’après l’analyse e leur substance ou de leur formation, nous ne nous assujettirons, dans leurs nomenclatures, qu’aux variétés des qualités qui les distinguent dans l’art de bâtir, aux différences des noms qui leur sont imposés par les emplois qu’on en fait, par les pays qui les produisent.

A l’égard de cette dernière nomenclature, nous n’avons pas besoin de prévenir le lecteur, qu’il eût été impossible de lui donner l’étendue qu’elle comporte. Déjà dans quelques articles particuliers, on a fait mention de certaines espèces de pierres et de marbres, qui, employées par les Anciens, ont acquis une certaine célébrité. On se contentera ici de relater la plus grande partie des qualités de pierres qu’on emploie à Paris dans les constructions.

DES DIFFÉRENS NOMS DES PIERRES, SUIVANT LEURS ESPÉCES.

Pierre d’Arcueil près Paris. Cette pierre porte de hauteur du banc, nette et taillée, depuis 14 pouces jusqu’à 24. Il y en a une espèce qu on appelle de bas appareil, qui ne porte que 9 à 10 pouces.

Pierre de belle hache. On la tire vers Arcueil, d’un endroit appelé la Carrière royale. Elle porte de hauteur 18 à 19 pouces. C’est une des pierres les plus dures, mais il s’y rencontre des cailloux.

Pierre de bon banc. Cette pierre, qui se tire près de Vaugirard, porte depuis 13 jusqu’à 24 pouces de hauteur.

Pierre de Caen en Normandie. Espèce de pierre noire qui tient de l’ardoise (voyez Ardoise), mais qui est beaucoup plus dure. Elle reçoit le poli et sert dans les compartimens des carrelages.

Pierre de la Chaussée, près Bougival, à côté de Saint-Germain-en-Laye. Cette pierre porte 15 à 16 pouces.

Pierre de Cliquart près d’Arcueil. On l’appelle aussi de bas appareil. Elle porte 6 à 7 pouces.

Pierre de Saint-Cloud. Pierre qu’on tire au lieu du même nom, près Paris, et qu’on trouve nette et taillée, depuis 18 jusqu’à 24 pouces de hauteur.

Pierre de Fécamp. On trouve cette pierre dans la vallée de ce nom, près Paris. Elle a 15 à 18 pouces de hauteur.

Pierre de lambourde. Cette pierre se trouve près d’Arcueil. Elle porte depuis 20 pouces jusqu’à 60 de hauteur, mais ou la délite. On trouve aussi de la lambourde hors du faubourg Saint-Jacques à Paris, qui a depuis 18 jusqu’à 24 pouces.

Pierre dure de Saint-Leu. On la tire aux côtes de la montagne d’Arcueil.

Pierre de Lais. On en distingue deux espèces qu’on appelle : l’une, franc liais, l’autre liais férant, qui est plus dur que le franc. On les tire tous deux de la même carrière, hors la porte Saint-Jacques près Paris. Il y a aussi le liais rose, qu’on tire près de Saint-Cloud. Il est plus doux et reçoit un beau poli au grès. Le banc de ces différentes espèces porte de 6 a 8 pouces de hauteur.

Pierre de Meudon près Paris. Cette pierre porte depuis 14 jusqu’à 18 pouces. Il y en a une sorte qu’on appelle rustique de Meudon, qui est plus dure et plus trouée, mais qui a la même hauteur.

Pierre de Montesson près Nanterre, à deux lieues de Paris. Elle porte de 9 à 10 pouces.

Pierre de Saint-Nom, au bout du parc de Versailles. Cette pierre a depuis 18 jusqu’à 22 pouces de hauteur.

Pierre de Senlis. On prend cette pierre à Saint-Nicolas-lès-Senlis, à dix lieues de Paris. Elle porte depuis 12 jusqu’à 16 pouces.

Pierre de Souchet. Se trouve hors du faubourg Saint-Jacques, près Paris, Elle porte depuis 12 jusqu’à 16 pouces.

Pierre de Tonnerre, en Bourgogne. Elle a denis 16 jusqu’à 18 ponces.

Pierre de Vaugirard, près Paris. Elle est dure c rie, et a 18 a 19 pouces.

Pierre de Vergeté. On tire cette pierre de Saint-Leu, à dix lieues de Paris. Elle porte 18 à 20 pouces.

Pierre de Vernon, à douze lieues de Paris. Son banc porte depuis 2 jusqu’à, 3 pieds de hauteur.

On désigne par les noms suivans quelques espèces de pierres plus tendres.

Pierre d’ardoise. Voyez Ardoise.

Pierre de craie. Voyez Craie.

Pierre de Saint-Leu, à dix lieues de Paris. Elle porte depuis 2 pieds jusqu’à 4.

Pierre de Maillet et de Trocy. On tire cette pierre de Saint-Leu. Celle de Trocy a cela de particulier, que son lit est fort difficile à connoître. On ne le découvre que par de petits trous.

Pierre de tuf. Voyez Tuf.

Différens noms qu’on donne a la pierre, selon ses qualités.

Pierre à chaux. Sorte de pierre grasse qu’on tire ordinairement des côtes des montagnes, et qu’on calcine pour faire de la chaux.

Pierre à plâtre. C’est une espèce de pierre de la nature des talcs et des albâtres, qu’on cuit dans des fours, et qu’on pulvérise ensuite pour faire du plâtre. Voyez Platre.

Pierre de couleur. On donne ce nom généralement à toute pierre qui n’est pas blanche. Il y en a ainsi de grisâtres, de noirâtres, de rougeâtres, de jaunâtres. L’emploi de ces pierres produit souvent des variétés agréables dans les bâtimens.

Pierre de taille. On appelle ainsi toute pierre dure ou tendre, qui peut être équarrie et taillée avec paremens, ou même avec détails d’archiecture, pour la solidité ou la décoration des édifices.

Pierre fine, se dit de toute pierre qui est difficile à travailler, à cause de sa dureté et de sa sécheresse.

Pierre franche. C’est ainsi qu’on appelle toute pierre qui est parfaite en son espèce, qui n’a ni la dureté de ce qu’on appelle ciel dans les carrières, ni le tendre de ce qu on nomme moellon.

Pierre fusilière. Espèce de pierre dure et sèche, qui tient de la nature d caillou. Elle est ordinairement grise et noirâtre.

Pierre gélisse ou verte. C’est celle qui, étant nouvellement tirée de la carrière, n’a point encore jeté son humidité.

Pierre pleine, se dit de toute pierre dans laquelle il ne se trouve ni coquillages, ni cailloux, ni moyes, ni trous.

Pierre poreuse ou trouée. Pierre qui a des trous, comme le rustique de Meudon, le tuf et toutes les pierres meulières. On l’appelle aussi choqueuse.

Différens noms qu’on donne a la pierre, selon ses façons.

Pierre bien faite, se dit d’une pierre qui approche de la figure cubique, et que l’on équarrit presque sans déchet.

Pierre de haut appareil, est celle dont le banc porte une grande hauteur, comme celles de Vernon, de Saint-Cloud, de Saint-Nom, de Vaugirard, de Saint-Leu.

Pierre de bas appareil, est celle dont le banc perte peu de hauteur, par exemple moins d’un pied.

Pierre débitée. C’est une pierre qui est sciée. La pierre dure se débite à la scie sans dents, avec l’eau et le grès pilé ; la pierre tendre, comme le saint-Leu, le tuf, la craie, etc., avec la scie à dents.

Pierre d’échantillon. C’est un bloc de pierre d’une mesure déterminée, commandée exprès aux carriers.

Pierre d’encoignure. Pierre qui a deux faces ou paremens, et qui forme l’angle saillant ou rentrant d’un bâtiment.

Pierre ébousinée. Pierre dont on a enlevé le bousin ou le tendre.

Pierre en chantier, est celle qui est callée par le tailleur de pierre, et qui est disposée pour être taillée.

Pierre en débord, se dit des pierres que les carriers font voiturer sur les ateliers, sans ordre, et dont on n’a pas besoin.

Pierre esmillée. Pierre qui est équarrie et taillée grossièrement avec la pointe du marteau, pour être employée seulement dans les garnis des gros murs et dans le remplissage des piles et culées de pont.

Pierre faite, celle qui est entièrement taillée et prête à être enlevée pour être posée à sa place.

Pierre fusible, celle qui, par l’opération du feu, change, de nature et devient transparente.

Pierre hachée. Pierre dont les paremens sont dressés avec la hache du marteau bretelé, pour être ensuite layée ou rustiquée.

Pierre layée, est celle qui est travaillée à la laye, ou marteau avec bretelures.

Pierre louvée, est celle où l’on fait un trou pour recevoir la louve. Voyez Louve.

Pierre nette. Ainsi appelle-t-on celle qui est équarrie et atteinte jusqu’au vif.

Pierre parpaigne. C’est le nom qu’on donne à une pierre qui traverse toute l’épaisseur d’un mur, et qui en fait les deux paremens.

Pierre piquée. Pierre dont les paremens sont piqués à la pointe, et dont les ciselures sont relevées.

Pierre polie, est celle qu’on frotte avec le grès pour effacer les coups de ciseau et de marteau, et qui, par sa dureté, est susceptible de recevoir le poli.

Pierre ragréée au fer. Pierre qui est passée au riflard, espèce de ciseau large et dentelé.

Pierre retaillée. On appelle ainsi non-seule-ment une pierre qui, ayant été déjà taillée, l’est une seconde fois avec déchet, mais encore toute pierre tirée d’une démolition, et qu’on retaille pour être derechef mise en œuvre.

Pierre retournée, celle dont les paremens, opposés les uns aux autres, sont d’equerre et parallèles.

Pierre rustique, est celle dont le parement, après avoir été dressé, est piqué grossièrement à la pointe.

Pierre statuaire, se dit de tout bloc d’échantillon destiné à faire une statue.

Pierre tranchée, est celle où l’on fait une tranchée avec le marteau pour la débiter.

Pierre traversée, celle où les traits des bretelures sont croisés.

Pierre velue. Nom qu’on donne à toute pierre brute, telle qu’on l’amene de la carrière.

Pierres à bossage ou de refend. Pierres qui, étant mises en œuvre, sont séparées par des canaux, à égale distance, et qui représentent les assises des pierres. Les joints de lit doivent être cachés dans le haut des refends. Lorsque ces pierres sont en liaison, les joints montans sont dans l’un des angles du refend.

Pierres artificielles. Ce sont les matériaux propres à la bâtisse qui sont formés par l’art, comme sont les briques, le béton, etc.

Pierres feintes, se dit de tous ornemens des murs de face, dont les crépis et enduits de plâtre, stuc ou mortier, sont façonnés de manière à imiter, au moyen de refends et de bossages, les murs de pierre.

Pierres fichées, sont celles dont les joints sont remplis de coulis ou de mortier clair.

Pierres jontoyées. Ce sont des pierres qui ont le dehors de leurs joints bouché, et ragréé de mortier serré, de plâtre ou de ciment.

Différens noms qu’on donne a la pierre, selon ses usages.

Pierre à laver. Pierre plate, dont la surface supérieure est creusée d’environ deux pouces, en conservant un rebord tout autour, et qui sert dans une cuisine à laver la vaisselle.

Pierre d’attente. Ainsi se nomme toute pierre à laquelle on laisse une saillie hors du mur, soit pour tailler quel qu’ornement de sculpture, soit, pour faire liaison avec ou autre bâtiment qui sera construit auprès dans la suite. Voyez Harpes.

Pierre de touche. Espèce de marbre noir que les Italiens appellent pietra di paragone, pierre de comparaison, parce qu’elle sert à éprouver les métaux.

Pierre incertaine, est celle qu’on emploie en lui laissant dans tous les pans et angles qu’elle offre, sa forme irrégulière.

Pierre levée. Voyez Levée.

Pierre lithographique. Pierre dont on use pour y dessiner avec un crayon gras, et qui, soumise à la pression, ‘produit une imitation de la gravure sur cuivre ou sur bois.

Pierre noire. Espèce de pierre tendre dont on se sert pour dessiner, et que les ouvriers emploient pour tracer les ouvrages.

Pierre percée. Dalle de pierre dans laquelle on fait des trous, et qu’on place dans un châssis de pierre à feuillure, soit sur une voûte, pour donner de l’air ou du jour à un souterrain, soit pour l’écoulement des eaux dans un puisard, soit dans un mur devant l’avant-bout d’une pièce de bois pour lui donner de l’air. De ce genre est à peu près ca qu’on appelle la pierre à châssis, qui sert a fermer un regard ou une fosse d’aisance.

Pierres précieuses. Nom général qu’on donne aux gemmes, telles que topaze, sardoine, agathe, etc. , et aussi à de certaines matières rares, comme le lapis lasuli, à des matières dures, telles que les porphyres, dont on fait des ouvrages précieux, des reyêtissemens dispendieux, etc. , a des devants d’autels, des tabernacles.

On appelle pierre de rapport, toutes ces pierres rares et précieuses qu’on emploie en compartimens pour former des pavés en mosaïque.

Pierre milliaire. Pierre qui, sur les chemins, indique un nombre de mille pas géométriques.

Chez les Romains, toute route avoit son espace ainsi divisé de mille en mille pas, par des bornes sur lesquelles on inscrivoit le nombre de chaque division, à partir du milliaire doré placé dans le Forum. On trouve encore aujourd’hui beaucoup de ces pierres avec leur chiffre indicateur. C’est aussi ce que nous apprennent ces mots des historiens latins, primus, secundus, tertius, etc., ab urbe lapis. Voyez Milliaire.

L’usage des pierres milliaires est devenu très-commun aujourd’hui chez la plupart des nations modernes.

Pierre perdue ou pierres perdues. On appelle ainsi les pierres qu’on jette soit dans la mer, soit dans un lac, pour servir de fondement à une jetée, ou à quelqu’autre ouvrage qui doit avoir sa base dans l’eau.

On donne le même nom aux pierres dites aussi de blocage, qu’on jette dans une fondation à bain de mortier.

On nomme pierres jectiles, celles qui peuvent être jetées avec la main, sommes les gros et menus cailloux qui servent à affermir les aires des grands chemins, et paver les grottes, fontaines et bassins.

Pierre-ponce, est une pierre qui est si légère qu’elle nage sur l’eau. On place dans celle catégorie certaines scories volcaniques qui sont perforées comme des éponges, et dont on fait des voûtes de la plus grande solidité.

Pierre sépulcrale, se dit de ces dalles de pierre ou de marbre, portant une épitaphe, et que, dans les cimetières, on place sur les lieux où les corps sont déposés.

Pierre spéculaire, est une pierre transparente qui se débite par feuilles plus ou moins épaisses, qui jadis servoit de carreaux du vitre. Voyez Fenetre et Spéculaire.

Pierre de sanguine, est une pierre tendre, d’un rouge brun, pesante, compacte, unie et douce au toucher, dont on se sert pour dessiner. A cet effet on la taille en crayons.

Il est une multitude d’autres dénominations de pierres, comme pierre à aiguiser, pierre à broyer, dont l’énumération seroit trop longue. Les usages de la pierre sont innombrables, et chaque jour en doit produire de nouveaux.

Différens noms qu’on donne a la pierre, selon ses défauts.

Pierre coquillière ou coquilleuse. Pierre dans laquelle il se rencontre de petites coquilles qui forment des trous dans ses paremens. Telle est pour Paris, la pierre de Saint-Cloud et celle de Saint-Nom.

Pierre coupée, est celle qui, ayant été mal taillée, ne peut servir à la place où elle étoit destinée.

Pierre délitée, celle qui est fendue à l’endroit d’un fil de lit, et qui, taillée avec déchet, ne peut servir qu’a faire des arrases.

Pierre de soupré. C’est, dans les carrières de Saint-Leu, la pierre du banc le plus bas, et dont on ne se sert point, parce qu’elle est trouée et défectueuse.

Pierre de souchet. On nomme ainsi, en quelques endroits, la pierre du banc le plus bas, qui, n’étant pas plus formée que le bouzin, est de nulle valeur.

Pierre en délit, est celle qui, dans un cours d’assises, n’est pus posée sur son lit de carrière.

Pierre fêlée. Pierre qui est traversée par un fil on veine courante. On dit pierre entière celle qui est le contraire. Le son que rend la pierre lorsqu’on la frappe avec le marteau, fait connoitre l’un et l’autre état de la matière.

Pierre feuilletée. Pierre qui se délite en feuillets ou écailles par l’effet de la gelée. La lambourde, entr’autres pierres, est sujette à cet inconvénient.

Pierre gauche, est celle dont les paremens et les côtés opposés ne se bornoyent pas, parce qu’ils ne sont point parallèles.

Pierre grasse, est celle qui est humide, et par conséquent sujette à se geler. Telle est, par exemple, la pierre appelée cliquart.

Pierre moyée. Pierre dont la moye, ou le tendre, est abattu avec perte, parce que son lit n’est pas également dur. Cela arrive très-souvent à la pierre de la Chaussée.

Pierre moulinée. Pierre qui est graveleuse et qui s’égraine à l’humidité. C’est un défaut particulier à la lambourde.

PIERRÉE, s. f. Canal souterrain, souvent construit à pierres sèches, et glaisé dans le fond, qui sert à conduire les eaux des fontaines, des cours et des combles.

PIEU, s. m. Grosse pièce de bois, qu’on aiguise par un bout, ou par les deux bouts, pour faire des barrières ou des palissades.

PIEUX, s. m. pl. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièces de bois de chêne, qu’on emploie de leur grosseur, pour faire les palées des ponts de bois, nu qu’on équarrit pour former ce qu’on appelle les files de pieux, qui retiennent les berges de terre, les digues, etc., pour aider à construire les batardeaux. Les pieux sont pointus et ferrés comme les pilots. Ce qui en fait la différence, c’est qu’ils ne sont jamais enfoncés tout-à-fait dans la terre, et que ce qui en paroît au dehors est souvent équarri. Voyez Pilots.

Pieux de garde (Terme d’architecture hydraulique.) Ce sont des pieux qui sont au-devant d’un pilot, plus peuplés et plus hauts que les autres, et recouverts d’un chapeau. On en met ordinairement devant la pile d’un pont, et au pied d’un mur de quai ou de rempart, pour le garantir du heurt des bateaux et des glaçons, et pour empêcher le dégravoiement.

PIGEON. Voyez Epigeonner.

PIGNON, s. m., se dit de la partie supérieure, du mur de face d’un bâtiment ou d’une maison, qui se termine en pointe, et où aboutit la couverture d’un comble à deux égouts.

Telle étoit la forme de la devanture des anciennes maisons. Ce comble avoir ordinairement une assez grande saillie sur le mur de face, et formoit une sorte d’auvent qui mettoit à l’abri de la pluie. Cette forme est encore fort en usage dans les pays du Nord. De là vint le proverbe, avoir pignon sur rue, pour dire, être propriétaire d’une maison.

Ces sortes de pignons recevoient souvent des ornements, soit en consoles faites en bois, soit en découpures chantournées.

Pignon a redents. On appeloit ainsi, dans les anciennes constructions en pierre, certains murs se terminant en pointe à la tête d’un comble à deux égouts, et dont les côtés sont par retraites en manière de degrés. On les pratiquoit ainsi, pour qu’ils pussent servir d’escaliers propres à conduire sur le faîtage lorsqu’il falloit réparer la couverture.

Cette pratique a lieu encore dans les pays du Nord, où les combles sont fort pointus. De ce qui étoit un besoin, on a fait une espèce d’ornement.

Pignon entrapeté. C’est celui qui, au lieu de former un triangle, est pentagonal, comme le pignon qui termine un comble brisé, dit à la mansarde, ou qui a la forme d’un trapèze, comme celui qui termine un comble brisé dont la partie supérieure est en croupe.

PILASTRE, s. m., est le même mot que l’italien pilastro, lequel est formé du mot pila, pile, pilier, et signifie espèce de pile.

L’idée générale de ce qu’il faut entendre par pilastre, en architecture, s’exprimoit chez les Romains, selon les cas, ou par le mot anta, (voyez ce terme), ou par le mot parastata, qui est grec, et qui, par sa composition, nous indique un objet adossé à un autre ; et ce mot est, comme l’on voit, une fort bonne définition du pilastre, qui, dans le plus grand nombre de ses emplois, se trouve ou engagé, ou adossé à un mur.

De l’origine du pilastre, des variétés de sa forme et de sa disposition.

L’origine du pilastre nous est suffisamment révélée par sa forme primitive, qui fut carrée, forme qu’il a toujours plus ou moins conservée dans les diverses modifications que l’usage lui a fait subir. Quelle qu’ait été l’origine de la colonne, qu’on la cherche dans les troncs des arbres, qui naturellement durent s’offrir comme supports des édifices, qu’on prétende qu’en d’autres pays ce fut la pierre qui fournit à la construction les soutiens des élévations, il est également vraisemblable qu’on dut, dès les premiers temps, faire des colonnes quadrangulaires aussi bien que des circulaires.

On a fait assez souvent remarquer qu’en supposant le bois, comme la matière première, sur laquelle se forma et se régularisa l’architecture grecque, il falloit se garder de croire que l’art eût eu en vue d’imiter les arbres dans leur état naturel. Nous avons plus d’une fois montré que dans celle imitation, il ne falloit considérer l’arbre que déjà façonné par la charpente, soit dans les poutres perpendiculaires, soit dans les sommiers horizontaux. Or, dès que c’est l’arbre façonné en état de poutres ou de solives, qu’il faut se figurer, comme élément de l’imitation dans les essais de l’art de bâtir, il doit passer pour constant, qu’on dut alors tout aussi naturellement employer pour supports, des bois équarris que des bois arrondis.

Voilà pourquoi il se fit aussi par la suite dans les édifices en pierre, des colonnes carrées.

Il faut appeler colonnes carrées, piliers ou pilastres, ce que l’on désigne dans les ordonnances des temples par le mot antes. C’est au front du mur de la cella du temple qui n’a point de colonnades en avant ou à l’entour, comme du temple prostyle ou du périptère ce montant quadrangulaire dont le chapiteau diffère de celui de l’ordonnance générale. Voyez Ante.

A plus forte raison doit-on appeler colonnes carrées, ces mêmes montans en façon de pilier lorsqu’ils sont isolés, comme nous montrerons qu’il y en eut jadis plus d’un exemple. Ce fut par suite de cette forme qu’on regarda encore comme colonnes carrées, ce que l’on nomme aujourd’hui spécialement pilastres. Ce n’est effectivement autre chose qu’une colonne quadrangulaire, supposée engagée à une plus ou moins grande épaisseur dans un mur, ce qui fait que la superficie apparente oie du pilastre est toujours plane.

On voit enfin que, comme il y eut des colonnes circulaires, dont la circonférence est censée plus ou moins engagée dans la construction d’un mur, il y eut de même des colonnes carrées, qui, engagées de la mène façon, produisirent ces ordonnances moins saillantes, qu’on désigne aujourd’hui par le nom général de pilastres. Voilà, sans aucun doute, l’origine du pilastre actuel, qu’on pourroit appeler colonne de bas-relief, et dont l’usage est devenu très-commun sous cette forme, et pour ainsi dire universel chez les Modernes.

Il y a, en effet, bien peu d’exemples que ceux-ci l’aient employé isolé, comme la colonne. Sans doute, on pourra le trouver a plus d’une ordonnance de portail ou de frontispice de portes, figurant dans toute son épaisseur, mais adossé au mur avec des colonnes également en appliquage. On auroit cru manquer d’autorité dans l’antique pour toute autre disposition. Aussi Perrault dit-il, que les pilastres carrés et isolés sont rares dans l’architecture antique. Selon lui, on n’en voit un exemple qu’au temple de Trévi (ou de Spolette), petit monument qui ne paroît point dater des beaux siècles de l’art.

Toutefois on s’est trop hâté de prononcer des arrêts absolus d’après ce qu’on trouve, et surtout d’après ce qu’on ne trouve point dans les restes de l’antiquité. On seroit plus réservé dans de tels jugemens, si l’on vouloit penser qu’il ne nous reste pas la millième partie de ses ouvrages. Aussi, chaque jour voit-il de nouvelles découvertes infirmer les opinions les plus accréditées, mais uniquement sur la foi des autorités négatives qu’on avoit tirées de l’absence des exemples.

Ainsi, la description du grand temple de Jupiter Olympien à Agrigente, par Diodore de Sicile, nous avoit appris que ce temple pseudo-périptère avoit ses colonnes engagées dans le mur à l’extérieur, et que, dans l’intérieur, elles étoient Carrées ; ce qui rendait certain que le mur de la cella étoit intérieurement orné de pilastres adossés ou engagés. Mais les découvertes qui sont ré-sultées des fouilles faites sur l’emplacement de ce temple détruit, nous ont appris que l’espace intérieur de la cella étoit divisé en trois nefs formées par deux rangs non de colonnes circulaires, mais de pilastres isolés, quadrangulaires, au-dessus desquels, s’élevoit un rang de colosses en manière de télamons ou d’atlantes, soutenant la corniche supérieure de la nef.

Voilà les principales diversités qu’on rencontre sur ce qui constitue la forme générale du pilastre.

Quant aux variétés de détail, il y a quatre choses principales à y observer : leur saillie sur le mur, leur diminution, la manière dont l’entablement doit poser dessus lorsqu’un même temps il pose sur une colonne, leurs cannelures et leurs chapiteaux.

A l’égard de la saillie du pilastre, Perrault observe que celui qui n’a qu’une face hors du mur, doit avoir sa saillie de toute la moitié, ou ne sortir tout au plus que de la sixième partie, comme au frontispice de Néron, lorsque rien n’oblige de lui donner plus d’épaisseur. Les pilastres extérieurs du Panthéon n’ont de saillie que la dixième partie de leur surface, et quelquefois on n’y donne au pilastre que la quatorzième partie, ainsi que cela est pratiqué au Forum de Nerva. Mais quand les pilastres doivent recevoir des impostes, qui viennent se profiler contre leurs côtés, on leur donne de saillie le quart de leur diamètre. Cette proportion est commode, en ce qu’elle n’oblige point à tronquer irrégulièrement le chapiteau corinthien ; car il arrive alors que la feuille inférieure et la tigette même du chapiteau se trouvent justement coupées par leur milieu. Par cette même raison de symétrie, lorsque les demi-pilastres sont à des angles rentrans, il leur faut donner plus que la moitié de leur diamètre.

La théorie de la diminution du pilastre tient essentiellement à celle de la forme. Il y a, sur ce point, quelques diversités d’opinions. Voici ce que Perrault prescrit à cet égard.

« On ne diminue point ordinairement les pilastres lorsqu’ils n’ont qu’une face hors du mur. Ceux du dehors du portique du Panthéon sont ainsi sans diminution. Mais quand ces pilastres étant sur une même ligne que des colonnes, on veut faire passer l’entablement sur les uns et sur les autres (sans faire un ressaut), ainsi qu’il y en a aux côtés du dehors du Panthéon, il faut alors donner au pilastre la même diminution qu’à la colonne (cela s’entend de la face de devant), le laissant par les côtés, sans diminution, ainsi qu’il se voit pratiqué au temple d’Antonin et Faustine. Quand le pilastres a deux faces hors du mur, étant à une encoignure, et qu’il a une de ses faces qui regarde une colonne, cette face est diminuée de même que la colonne, ainsi qu’on le voit au portique de Septimius, où la face qui ne regarde point la colonne n’est pas diminuée. Il y a pourtant des exemples dans l’antique, où les pilastres n’ont point de diminution, comme on le voit dans l’intérieur du Panthéon, ou n’en ont que fort peu, et moins que la colonne, comme au temple de Mars Vengeur, et à l’arc de Constantin. Dans ces cas, la pratique des Anciens est quelquefois de mettre l’architrave sur le nu des colonnes ; ce qui le fait retirer au dedans du nu du pilastre. Ainsi le voit-on au temple de Mars Vengeur, au dedans du Panthéon et au punique de Septique. Quelquefois ils partagent la chose par la moitié, en faisant saillir et porter à faux l’architrave par-delà le nu de la colonne, d’une moitié, et de le retirer de l’autre moitié sur le nu du pilastre, ainsi que cela se voit au Marché de Nerva. »

Le pilastre, lorsqu’il entre dans les ordonnances des colonnes, est, comme on le voit, soumis, pour sa forme et sa proportion, aux mêmes conditions que la colonne. Quant aux cannelures, il règne plus de liberté dans l’application qu’on peut en faire aux pilastres. Plus d’une diversité chez Les Anciens a lieu à cet égard. Quelquefois des pilastres cannelés se trouvent associés à des colonnes sans cannelures. Cela se voit au portique du Panthéon, et cela s’y explique, sans doute, par la différence des matières. Les pilastres y sont de marbre blanc, lorsque les colonnes y sont de granit, matière qui ne comporte point le travail de la cannelure, et dont le principal mérite tient au lisse comme au poli, qui en fait ressortir le prix. Il y a quelquefois aussi des colonnes cannelées qu’accompagnent des pilastres non cannelés. L’exemple s’en trouve au temple de Mars Vengeur et au portique de Septimius. Disons encore que, lorsque les pilastres ont en saillie moins de la moitié de leur diamètre, on ne pratique point de cannelures à cette partie qu’on appelle en retour.

Le nombre des cannelures n’a rien de fixe dans les pilastres, si l’on consulte l’autorité de l’antique. Par exemple, il n’y en a que sept aux pilastres du portique du Panthéon, à l’Arc de Septime Sévère et à celui de Constantin. Les pilastres de l’intérieur du Panthéon ont neuf cannelures, bien que, selon l’usage ordinaire, les colonnes n’en aient que vingt-quatre. Les cannelures, dans le pilastre, se pratiquent toujours en nombre impair, si ce n’est qu’aux demi-pilastres, qui font un angle rentrant, on met quatre cannelures au lieu de trois et demie, et cinq au lieu de quatre et de mie, lorsque, dans la même ordonnance, les pilastres entiers en ont sept ou neuf. Cela se fait ainsi pour éviter le mauvais effet du chapiteau, qui, étant replié dans l’angle, seroit trop rétréci par eu haut, et particulièrement eu égard au chapiteau orné de feuilles, qui, sans cet élargissement, n’y seroient pas suffisamment développées.

Les proportions des chapiteaux sont les mêmes aux pilastres qu’aux colonnes pour ce qui est des hauteurs ; mais les largeurs sont différence. Le développement de la forme da pilastre donnant un plus grand espace à chacune de ses faces, si on le suppose quadrangulaire ; un observe toutefois de ne lui donner que le même nombre de feuilles, qui doit être huit pour la circonférence. Il y a cependant aux thermes de Dioclétien et au frontispice de Néron, des exemples de douze feuilles au lieu de huit. La disposition ordinaire des feuilles an chapiteau ; du pilastre corinthien est telle, qu’au rang d’en bas ou en place deux, au rang d’en haut une au milieu, et deux et demie aux côtés, qui sont la moitié des grandes feuilles, placées sur l’angle. Ce qu’il faut encore remarquer, c’est que le haut du tambour n’a point sa superficie plane comme le bas, mais qu’il est relevé dans son milieu, c’est-à-dire, bombé. Il l’est ainsi de la huitième partie du diamètre inférieur de la colonne à la basilique d’Antonin ; mais il ne l’est que de la dixième au portique de Septimius, et de la douzième au portique du Panthéon. (La plus grande partie de ces observations sont tirées du Traité de l’ordonnance des colonnes, par Perrault.)

De l’emploi et de l’abus du pilastre.

Ce qu’on vient de dire sur l’origine du pilastre a dû prouver que, selon la manière la plus ordinaire de l’employer aujourd’hui, il n’est autre chose qu’une colonne carrée, qu’on suppose engagée dans un mur, et qui par conséquent peut être, dans cet état, appliquée à l’ordonnauce des édifices, avec autant de raison et de vraisemblance que la colonne circulaire, lorsqu’on l’adosse à un massif ou qu’on l’y engage.

Voilà pour celui qui veut n’admettre dans l’architecture, que ce dont on peut rendre raison en en constatant l’origine.

Maintenant nous dirons que le pilastre peut être aussi considéré comme une représentation fictive de la colonne, et la remplacer avec convenance dans beaucoup de cas. Quelques-uns, je le sais, voudroient exclure l’emploi du pilastre des pratiques usuelles de l’architecture, fondés sur ce que les monuments qui nous restent de l’art des Grecs, ne nous montrent point cette sorte d’ordonnance, comme ayant eu cours généralement dans leurs édifices. Mais nous ferons, à ce sujet, une observation que nous avons déjà répétée plus d’une fois ; c’est que, d’une part, il ne nous est guère parvenu de l’architecture originale des Grecs, qu’un fort petit nombre d’ouvrages, et qu’il n’y a rien à en conclure de général ni d’absolu. D’autre part, nous dirons que les ouvrages d’où l’on voudrait tirer des conséquences péremptoires contre l’emploi des pilastres, étant presque tous des temples assez uniformes dans leurs plans et leurs élévations, il n’y a rien à en conclure, sinon que l’usage général de leurs ordonnances n’admettoit le plus souvent que des colonnades isolées, et toutefois l’on a vu que le grand temple de Jupiter à Agrigente avoit, dans son intérieur, des pilastres engagés dans le mur et despilastres isolés ou des colonnes carrées.

Cela Suffit pour rendre vraisemblable que dans beaucoup d’autres genres d’édifices et de constructions, que nous ne pouvons plus, connoître, les Grecs, aux meilleurs temps de l’art, ont pu appliquer le pilastre à la décoration de plus d’une sorte de monumens, avec plus de simplicité, de régularité et de réserve, si l’on veut, qu’on ne l’a fait depuis.

Nous ne nous arrêterons pas à prouver que l’architecture, romaine a fait un très-grand usage du pilastre dans les bâtisses. Il nous est, en effet, resté non-seulement plus de monumens de cette architecture, mais une bien plus grande diversité de ses ouvrages. Aussi en pourroit-on citer un grand nombre où le pilastre figure soit en ordonnance décorative sans aucune correspondance avec des colonnes, soit mis en rapport avec les colonnes isolées. Il est, en effet, une multitude de cas où les colonnes d’un portique, d’un avantcorps, se trouvent convenablement rappelées par des pilastres qui leur répondent, et lorsqu’une plate-bande d’architrave doit aboutir à un mur, qui est-ce qui n’approuveroit pas qu’an la fasse reposer sur le chapiteau d’un pilastre du même ordre, au lieu de reposer a cru sur le mur ?

Il seroit difficile d’énumérer toutes les circonstances locales qui déterminent à employer des pilastres, plutôt que des ordonnes isolées ou engagées. Dans des intérieurs étroits et d’une pente cimension, la colonne ou occuperoit trop d’espace, ou seroit d’un effet trop lourd, et rapetisseroit physiquement et moralement l’étendue du local. La nature différente des matériaux d’une construction induit encore souvent à l’emploi du pilastre, qui exige beaucoup moins de saillie daus les entablements. Le pilastre peut se pratiquer avec toute espère de batisse. Il est véritablement, comme on l’a déjà dit, une colonne de bas-relief ou sans saillie, et c’est cette grande diminution de matière, de travail el de saillie, qui en rend l’emploi facile et économique.

Mais c’est surtout aux devantures des maisons et des palais du second degré, que semble convenir la décoration des pilastres. L’architecture doit avoir et a réellement des degrés de richesse, qui suivent ceux des fortunes particulières et des rangs divers de la société. Les ordonnances de pilastres appliquées aux façades des bâtimens d’habitation, soit que chaque étage reçoive un ordre, soit que le même ordre occupe la hauteur du deux étages, forment un aspect élégant, et contribuent a donner au tout ensemble ce charme de proportions qui, sans cela, ou seroit bien moins exprimé, ou seroit plus difficilement saisi.

Nous n’alléguerons en faveur de ces considérations d’autres exemples, que ceux des palais construits par les Bramante, San-Gallo, Palladio et tant d’autres qui ont su tirer de l’emploi des pilastres aux façades de leurs édifices, des effets tour-à-tour simples, élégans, riches et variés. Ces édifices, sans aucun doute, plairoient moins, quoiqu’avec les mêmes masses et les mêmes proportions, si on leur enlevoit cette décoration.

De tout ceci, il résulte que le pilastre est quelquefois objet de nécessité, quelquefois de convenance, d’autres fois de décoration et de richesse proportionnée au caractère des édifices de la seconde classe.

Sans aucun doute, il n’est qu’un remplacement de la colonne, et cela seul, en indiquant l’emploi qu’on en peut faire, suffit pour montrer l’abus qu’on en fait, si on l’applique aux monuments dont la grandeur, la haute destination et le caractère spécial demandent à l’architecture l’emploi de ses pius riches moyens. L’inconvénient des ordonnances de pilastres mises en œuvre dans de semblables monuments est d’en diminuer l’effet, d’en rapetisser l’idée. Certainement l’effet produit par les masses de l’architecture est une des chums qui contribuent le plus à l’expression de son, caractère, el l’on ne sauroit disconvenir que le jeu de la lumière et des ombres dans les colonnades isolées, est une des principales causes de cet effet. Nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter à M. Leroi (Monumens de la Grèce, tome II, pages 6 et 7) les observations que ce sujet lui a donné lieu de développer.

« Supposons (dit-il) que toute la surface du Panthéon fût un mur lisse : la vue de cette surface ne nous affecteroit certainement d’aucune manière…. Considérons deux façades, l’une composée de colonnes qui touchent un mur, l’autre formée par des colonnes qui en sont assez éloignées, pour qu’elles sassent péristyle, el supposons encore que les entre-colonnes, dans l’un et l’autre cas, soient égaux et décorés de même ; on observera, dans la dernière façade, une beauté réelle dont l’autre sera privée, et qui résultera uniquement des différens aspects, ou des tableaux variés et frappans, que les colonnes présenteront au spectateur en se projetant sur le fond du péristyle qu’elles forment. Cette propriété de multiplier, sans les affoiblir, les sensations que nous éprouvous à l’aspect d’un édifice, est encore un avantage très-considérable, et qui se fait sentir bien plus fortement dans les péristyles, que dans aucune autre espèce de décoration. Une comparaison qui nous paroît frappante va le faire Voir.
« Si vous vous promenez dans un jardin, à quelque distance et le long d’une rangée d’arbres plantés régulièrement, dont tous les troncs touchent un mur percé d’arcades, la situation respective des arbres avec ces arcades ne vous paroîtra changer que d’une manière trèsinsensible, et vous n’éprouverez aucune sensation nouvelle, quoique vous ayiez eu toujours les yeux fixés sur les arbres et sur les ouvertures du mur, et qu’eu marchant vous ayiez par couru assez vite un espace considérable. Mais si cette rangée d’arbres est éloignée du mur, en vous promenant de même, vous jouirez d’un spectacle toujours nouveau, par les différens espaces du mur que les arbres paroîtront, à chaque pas que vous ferez, couvrir successivement. Tantôt vous verrez les arbres diviser les arcades en deux parties égales, un instant après les couper inégalement, ou les laisser entièrement à découvert, et ne cacher que leurs intervalles, Enfin, si vous vous approcher ou que vous vous éloigniez de ces arbres, le mur vous paroîtra monter jusqu’à la naissance de leurs branches, ou couper leurs troncs à des hauteurs très-différentes. Ainsi, quoique nous ayions supposé le mur décoré régulièrement, et les arbres également éloignés, la première des décorations semblera immobile, pendant que l’autre, au contraire, s’animant en quelque sorte par le mouvement du spectateur, lui présentera une succession de vues très-variées, qui résulteront de la combinaison infinie des objets simples qu’il aperçoit.
« Ces effets opposés qui résultent uniquement des différentes positions d’une rangée d’arbres, par rapport à un mur percé d’arcades, nous représentent le contraste frappant que nous avons voulu faire sentir, et qui seroit entre la décoration monotone produite par ces colonnes qui toucheroient à un mur décoré, el la riche variété qui résulteroit de celles qui formeroient péristyle. Qu’on suppose, en effet, dans le premier cas, les entre-colonnes ornés de niches, de figures, de bas-reliefs ; toute la richesse qu’on aura prodiguée dans celle décoration, ne changeant que très-peu à notre vue, malgré les efforts que nous ferons pour la considérer sous différens aspects, nous abandonnerons bientôt un spectacle où l’œil ayant tout vu dans un instant, cherche en vain de nouveaux objets qui satisfassent son activité. Dans le second, au contraire, la magnificence des plafonds, ajoutée à celle du fond du péristyle, se reproduira en quelque sorte à chaque instant : elle se présentera sous mille faces diverses aux yeux du spectateur, et lui offrira des points de vue toujours différens. »

Rien, ce semble, ne sauroit rendre un compte plus sensible de la supériorité de l’emploi des colonnes isolées, sur celui des pilastres, et mieux faire connoître l’abus qu’on en a fait, dans la plupart des frontispices. d’églises, dont la théorie précédente explique l’insignifiance et la monotonie.

DES DIFFÉRENS NOMS QU’ON DONNE AU PILASTRE.

Pilastre attique. C’est un petit pilastre d’une proportion particulière et plus courte qu’aucun de ceux des cinq ordres. II y a deux sortes de pilastres attiques ; il y en a de simples et de ravalés.

Pilastre bandé. Pilastre qui, à l’imitation des colonnes bandées ou à bossages, a des bandes sur son fût. Tels sont les pilastres toscans de la galerie du Louvre, du côté de la rivière.

Pilastre cannelé. Celui dont le fût est orné de cannelures.

Pilastre cintré. C’est celui dont le plan est curviligne, parce qu’il suit le contour d un mur circulaire, convexe ou concave. Tels sont les pilastres d’un dôme ou du rond-point d’une église.

Pilastre cornier ou angulaire. Pilastre qui cantonne l’angle ou l’encoignure d’un bâtiment, comme au frontispice du Louvre.

Pilastre coupé, se dit de celui qui est traversé par une imposte qui passe par-dessus, ce qui fait un mauvais effet. On en peut juger par les pilastres ioniques des portiques du château des Tuileries.

Pilastre dans l’angle. Pilastre qui ne présente qu’une encoignure, et qui n’a de saillie de chaque côté que lu sixième ou le septième de son diamètre.

Pilastre de rampe. On appelle ainsi tous les pilastres à hauteur d’appui, qui ont quelquefois des bases et des chapiteaux, et qui servent à retenir les travées des balustres, des rampes d’escaliers et des balcons.

Pilastre diminué. C’est un pilastre qui, étant derrière une colonne ou à côté d’elle, en répète le même contour et est diminué par le haut, pour empêcher qu’il n’excède l’à-plomb de l’entablement. On le voit ainsi au portail de Saint Gervais à Paris, et à celui du Collège Mazarin.

Pilastre doublé. Pilastre formé de deux pilastres entiers, qui se joignent à angle droit et rentrant ou à angle obtus, et qui ont leurs bases et leurs chapiteaux confondus.

Pilastre ébrasé. Pilastre plié en angle obtus, par sujétion d’un pan coupé, comme on le pratique aux églises qui ont un dôme sur leur croisée.

Pilastre engagé. On donne ce nom au pilastre qui, bien que placé derrière une colonne qui lui est adossée, n’en suit cependant pas le contour, mais qui est continu entre deux lignes parallèles, et dont la base et le chapiteau se confondent avec la base et le chapiteau de la colonne. Tels sont, par exemple, les pilastres des quatre chapelles d’encoignures de l’église des Invalides.

Pilastre en gaîne de terme. Pilastre qui est plus étroit par le bas que par le haut. Ce genre de pilastre s’emploie uniquement dans ce qu’on appelle décoration, comme au support d’une corniche de terrasse, de balcon, etc.

Pilastre flanqué. Pilastre accompagné de deux demi-pilastres, avec une médiocre saillie. Tels sont les pilastres corinthiens de l’église de Saint-André della Valle à Rome.

Pilastre grêle. Pilastre placé derrière une colonne, et qui est plus étroit qu’il ne devroit l’être, s’il étoit proportionné à cette colonne, parce qu’il n’a de largeur parallèle que le diamètre de la diminution de la colonne, pour éviter un ressaut dans l’entablement. Il y a des pilastres grêles au grand portail de l’église de Saint-Louis, aux Invalides.

On nomme aussi pilastre grêle un pilastre qui a en hauteur plus de diamètres que n’en comporte la proportion ordinaire de son ordre. On voit ainsi à quelques portails des pilastres corinthiens ayant douze diamètres, au lieu qu’ils n’en devroient avoir que dix.

Pilastre lié. On peut appeler ainsi, non-seulement un pilastre qui est joint à une colonne par une languette, comme Bernin l’a pratiqué à la colonnade de Saint-Pierre, mais encore les pilastres qui ont quelques parties de leurs bases et de leurs chapiteaux jointes ensemble.

Pilastre plié. Celui qui est partagé en deux moitiés dans un angle rentrant, Il y a de ces pilastres dans un grand nombre d’édifices.

Pilastre rampant. Il y a deux sortes de pilastres qu’on nomme ainsi : le premier est celui qui, quoiqu’à- plomb, suit la rampe d’un escalier, se trouve d’équerre sur les paliers et sert à la décoration des murs de sa cage, ou de ce qu’on appelle l’échiffre. La seconde sorte de pilastre est assujettie á une autre espèce de pente. Tels sont ceux des ailes qui établissent la communication de la colonnade avec le portail de l’église de Saint-Pierre à Rome.

Pilastre ravalé. C’est un pilastre dont le parement est refouillé et incrusté d’une table de marbre bordée d’une moulure, ou avec des ornemens (comme on en voit, par exemple, aux pilastres de l’arc des orfévres), ou avec des compartimens en relief, ou de marbres de diverses couleurs. Il y a aux chapelles Sixte et pauline de Sainte-Marie-Majeure, à Rome, des pilastres ravalés de cette seconde espèce.

Pilastre rudenté. Pilastre dont les cannelures sont remplies jusqu’au tiers, d’une rudenture ronde, comme les pilastres de la grande galerie du Louvre, ou d’une rudenture plate, telle qu’on la voit a l’église du Val-de-Grâce, à Paris, ou enfin d’ornemens semblable à ceux des colonnes rudentées.

Pilastres accouplés. Pilastres qui sont deux à deux, comme ceux qui, sous le péristyle du Louvre, correspondent aux colonnes accouplées de ce monument.

On applique encore le nom de pilastre à plus d’une sorte d’ouvrages plus ou moins étrangers à l’architecture. Ainsi l’on dit :

Pilastre de fer. (Terme de serrurerie.) C’est le nom qu’on donne à certains montants à jour qu’on établit d’espace en espace, pour entretenir les travées des grilles. On y introduit des ornemens analogues. Tels sont les pilastres des grilles du château de Versailles et de ses écuries.

Pilastre de lambris. (Terme de menuiserie.) Espèce de montant ordinairement ravalé entre les panneaux de lambris, d’appui et de revêtement.

Pilastre de treillage. (Terme de jardinage.) Corps d’architecture long et étroit, fait d’échalas en compartimens, dont on décore les portiques et cabinets de treillage dans les jardins.

Pilastre de vitre. (Terme de vitrerie.) Espèce de montant de verre, qui a base et chapiteau, avec des ornemens peints, et qui termine les côtés de la forme d’un vitrail d’église.

PILE, s. f. Ce mot vient de pila, qui signifie en latin la même chose, c’est-a-dire, un amas, ou un montant de matériaux destines, dans l’art de bâtir, à supporter une masse quelconque. Au fond, le mot pile et le mot pilier sont synonymes, mais l’usage a spécialement affecté le premier à l’architecture hydraulique, et l’on s’en sert à l’égard des montans qui servent de supports aux arches des ponts.

Une pile de pont est donc un massif de forte maçonnerie et de pierres, dont le plan est le plus souvent un exagone alongé, qui sépare et porte les arches d’un pont de pierre, ou les travées d’un pont de bois.

On construit ce massif avec beaucoup de précaution. Le fondement qu’on lui donne est élevé ; en talus, par recoupemens, retraites et degrés, jusqu’au niveau de la terre, au fond de l’eau. La première assise d’une semblable construction est toute en pierres de taille, et se compose de carreaux et de boutisses. Les carreaux ont deux pieds de lit, les boutisses ont au moins trois pieds de queue. Ces pierres sont coulées, fichées jointoyées, et mêlées de chaux et ciment. On cramponne celles qu’on appelle pierres de parement, les unes aux autres, avec des crampons de fer scellés en plomb. Outre cela, ou met à chaque pierre de parement un crampon pour la lier avec des libages dont on entoure la première assise. Ces libages, de même hauteur que les pierres de parement, sont posées a bain de mortier, de chaux et de ciment, et on remplit les joints d’éclats de pierre dure. On bâtit de même les autres assises de pierres.

La construction d’une pile de pont, et les procédés qu’on y emploie, ne sont pas encore ce qu’il y a de plus difficile a régler. Un point, peut-être plus important, est de déterminer par la théorie la proportion qu’il convient de donner à sa masse.

Les anciens, selon Bergier, donnoient aux piles de leurs ponts la troisième partie et même la moitié de la grandeur des arches. Aujourd’hui on pense qu’elles doivent avoir moins, c’est-a-dire, un quart ou un cinquième. Mais on ne sauroit dire sur quoi se fondent ces règles, et l’on est porté à penser que l’expérience seule doit fixer les dimensions des piles. Or, le résultat de cette expérience est nécessairement variable. Il dépend, en effet, de la force et de la consistance des matériaux que l’architecte emploie à supporter la pesanteur du fardeau des arches.

Il y en a qui prétendent que la pile ne doit supporter que la moitié du poids de la maçonnerie des arches, à supputer cette moitié depuis le milieu de la clef de l’arcade. Cela étant, en connaissant la solidité de cette masse, on doit savoir quelle sera celle qu’il faudra donner à son support, et l’on trouvera là une base d’après laquelle on pourra déterminer la dimension de ce support.

Mais n’y a-t-il pas d’autre condition à examiner ? Ceci, comme on voit, est le sujet d’une discussion qui doit être traitée dans un autre ouvrage, et nous renvoyons le lecteur au Dictionnaire des ponts et chaussées.

Pile percée. C’est encore un terme dont la notion appartient à l’architecture hydraulique. On se bornera à dire ici que c’est une pile qui, au lieu d’avant-bec d’amont et d’aval, est ouverte par une petite arcade, au-dessus de la crèche, pour faciliter le courant rapide des grosses eaux d’une rivière ou d’un torrent. Il y a de ces piles à ce qu’on appelle le pont de César près d’Apt, et à celui du pont du Saint-Esprit sur le Rhône.

PILIER, s. m. Ce mot désigne tout corps élevé, debout, massif et sans ornement, qui sert à soutenir on à supporter, dans la construction des édifices, une charge quelconque de maçonnerie.

Les voûtes, les arcades, les plafonds des grandes salles, quelquefois aussi les toits de certains édifices, sont supportés par des piliers.

Avant que l’art en fût venu à embellir les formes des premiers supports, on se contenta d’employer pour le simple besoin, soit les bois, soit les pierres plus ou moins bien taillées, et assemblées, à supporter les masses, soutenues depuis par des colonnes agréablement arrondies, ou par des piliers équarris avec art, et soumis au caractère de chaque ordonnance. Le pilier grossièrement formé, fut donc la colonne primitive d’une architecture encore dans l’enfance. Aussi, comme lorsqu’on le considère isolément, il n’entre guère dans ce qu’on appelle la partie décorative de l’architecture, les architectes ne lui ont assigné dans leurs méthodes, ni forme, ni proportion, ni ornemens déterminés. On trouvera des piliers ronds, carrés et polygones.

On doit pourtant excepter ce qu’on appelle le piédroit (voyez ce mot) dans la formation des portiques en arcades, et auquel le nom de pilier semble véritablement convenir. Le piédroit entre dans le système de chacune des ordonnances de colonnes, auxquelles il se trouve associé par l’application très-ordinaire que l’on fait de la colonne qui s’y adosse. Alors cette sorte de pilier reçoit un couronnement et un socle qui participent dans leurs profils, et quelquefois dans leurs ornemens, au caractère des profila et des ornemens de l’ordre lui-même. Quoiqu’en général on ne lui donne aucune diminution, Scamozzi cependant lui en fait éprouver une, à la vérité fort légère.

Si l’on n’exige pas qu’un pilier soit élégant, néanmoins le goût veut qu’il puisse aussi plaire aux yeux, comme tout ce qui entre dans l’architecture. C’est pourquoi il peut emprunter aux différens ordres quelques parties de leurs ornemens mais surtout du système de leurs proportions. Il ne doit être ni trop mince ni trop épais ; son diamètre doit être subordonné à la masse qu’on lui impose ; et bien que souvent (la solidité du support pouvant résulter de la dureté et de la consistance de la pierre ) une masse considérable par son volume, puisse être portée sans danger sur un pilier fort mince, ce qu’ont quelquefois pratiqué les constructeurs gothiques, cependant il convient que l’œil soit toujours rassuré, par un rapport sensible entre là masse qui parte et celle qui est portée.

On donne généralement le nom de pilier aux supports des édifices gothiques. Effectivement, ce nom seul leur convient, depuis que celui de colonne appliqué aux supports, dans l’architecture grecque devenue celle de toute l’Europe, donne l’idée d’un corps soumis à une forme déterminée, á des proportions raisonnées, à des ornemens analogues, soit aux formes, soit aux proportions de chaque ordre. Or, il n’est rien de tout cela dans le gothique. L’énorme diamètre de ses supports, tous destinés à soutenir des arcades à angle aigu, ou les retombées des ogyves des voûtes, l’absence d’un rapport déterminé entre leur diamètre et leur élévation, le manque de système et de régularité dans leurs ornemens, tout cela dévot empêcher qu’on les appelât d’un nom qui eût exprimé tout autre chose que ce qu’ils sont. Que pourroient avoir de commun avec la colonne, des masses qui sont quelquefois des agroupemens de légers fuseaux, qui quelquefois ressemblent à des tours par leur circonférence, et d’autres fois ne paraissent être que des perches élancées ? Le pilier, ou pour mieux, dire, le nom de pilier appartient donc en propre à l’architecture gothique, et l’usage est ici d’accord avec le fait.

Autant doit-on en dire de l’architecture indienne (voyez ces mots), où l’on trouve encore, en guise de colonne, des masses plus écrasées, plus fantastiques, et plus éloignées de tout système raisonné ou raisonnable.

Le corps de bâtisse appelé pilier, trouve place, comme on l’a vu, dans les constructions où l’on emploie les portiques. Mais il a encore, considéré simplement comme masse, plus d’un emploi dans l’architecture, où il figure sous différens noms, ainsi qu’on va le dire. Pilier buttant. C’est un corps de maçonnerie ou de construction, qu’on élève en dehors d’une église, par exemple, ou contre un mur de terrasse, pour contenir la poussée des voûtes ou des terrains. Il y a des piliers buttans que l’on raccorde par leurs profils, avec l’ordonnance extérieure de l’édifice. Quelquefois on les termine en adoucissemens ou en enroulemens (ce qui est d’assez mauvais goût), quelquefois on les pratique en arcades.

Pilier buttant en console. C’est une espèce de pilastre attique, dont la pârtie insérieure se termine en enroulement, dans la forme d’une console renversée. On s’est servi de ce genre de pilier buttant à l’extérieur du dôme des Invalides et dans son attique, comme d’un moyen de butter contre la poussée de la voûte de la coupole, et aussi pour raccorder par la retraite que fait l’enroulement en console, le plan circulaire du diamètre supérieur avec le plan plus large du diamètre inférieur de la coupole.

Pilier de dôme. On appelle ainsi, dans une église dont la croisée est couronnée par un dôme, chacun des quatre corps do maçonnerie ou de construction isolés, qui ont un pan coupé à une de leurs encoignures, et servent de supports à la coupole.

Pilier de moulin a vent. C’est en massif de maçonnerie qui se termine en cône, et qui porte la cage d’un moulin à vent, laquelle tourne verticalement sur un pivot, pour qu’on ait la facilité d’en exposer a l’action variable du vent les ailes on volets.

Pilier carré. C’est le nom du massis dont on a parlé plus haut, qu’on peut appeler aussi jambage, et qui sert à porter les arcades, les platesbandes et les retombées des voûtes.

Pilier de carrière. Ce nom convient parfaitement à ces masses de pierres, qu’on laisse d’espace en espace, pour soutenir le ciel d’une carrière. Quelquefois, et selon les dangers d’éboulement qu’on peut y craindre, selon la nature de la pierre, on construit exprès des piliers pour retenir les gerçures qui se forment dans le lit du ciel de la carrière.

PILOTAGE, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C'est dans l’eau, ou dans un terrain de mauvaise consistance, un espace peuplé de pilots, sur lequel on fonde. Voyez Pilot.

PILOTER, v. act. (Terme d’architecture hydraulique.) C'est enfoncer des pieux ou des pilots, pour supporter et pour affermir les fondemens d’un édifice qu’on bâtit dans l’eau, ou sur un terrain de mauvaise consistance. On ferre ordinairement le bout des pilotes, ou on le brûle, pour empêcher qu’il ne pourrisse, et on l’enfonce avec la sonnette ou l’engin, jusqu’au refus du mouton ou de la hie.

PILOTS ou PILOTIS, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) Pièce de bois de chêne, ronde, employée de sa grosseur, affilée par un bout, quelquefois armée d’un fer pointu, et à quatre branches, et dont l’autre extrémité est frettée d’une couronne de fer, pour recevoir les coups du mouton, qui doit l’enfoncer en terre.

On se sert, pour enfoncer les pilots, d’une machine appelée sonnette. (Voyez ce mot.) Voici comme on estime le temps et la dépense de l’enfoncement.

On commence à sonder le fond où l’on veut travailler. Cette opération fait connoître la densité du terrain dans lequel le pilot doit étre enfoncé. Si cette densité est uniforme, l’enfoncement croit à proportion du nombre des coups égaux que le pilot reçoit. Est-elle variable ? c’est par le nombre différent des coups, qu’on juge de la différent de densité. Si, par exemple, la densité d’une seconde couche est plus grande, il faudra un plus grand nombre de coups pour produire un enfoncement égal à celui de la première couche. Ce sera le contraire si la densité de cette couche est momdre que celle de l’autre.

Cela posé, on estime une minute vingt secondes pour chaque volée de trente percussions, et autant pour reprendre haleine. Ainsi, en ajoutant vingt secondes pour le temps qu’on perd, on aura trois minutes pour chaque volée.

On appelle

Pilots de bordage, ceux qui environnent le pilotage, et qui portent les patins et les racinaux.

Pilots de remplage, ceux qui garnissent l’espace pilote. Il en entre dix-huit à vingt dans une toise superficielle.

Pilots de retenue, ceux qui sont en dehors d’une fondation, et qui soutiennent le terrain de mauvaise consistance sur lequel une pile de pont est fondée.

Pilots de support, ceux sur la tête desquels la pile est supportée, comme ceux, par exemple, qu’on plante dans les chambres d’un grillage. Voyez Grillage.

PINTELLI (Baccio). Nous trouvons chez Vasari une courte notice sur les travaux de cet architecte, qui vécut dans la dernière moitié du quinzième siècle, et fut employé par le pape Sixte IV aux plus grands ouvrages de son règne. Pintelli est donc honorablement cité pour avoir construit à Rome le couvent de Santa Maria del Popolo, l’église qui en dépend, et dans cette église, plusieurs chapelles remarquables, entr’autres celle de Dominique de la Rovere, cardinal et neveu du pape de ce nom.

Pour avoir bâti dans Borgo vechio, un fort grand palais qui fut fort estimé dans son temps.

Pour avoir établi au Vatican les salles de la grande bibliothèque.

Pour avoir été l’architecte de la célèbre chapelle du Vatican, appelée la chapelle Sixtine, du nom du pape Sixte IV, qui la fit bâtir.

Pour avoir fondé et terminé avec la plus grande solidité, sous le pape Sixte IV, le pont qui porte son nom.

Pour avoir élevé l’église des Saints-Apôtres, remplacée depuis par une autre.

Mais l’ouvrage aujourd’hui le plus célèbre de Baccio Pintelli, est encore à Rome l’église de S. Pietro in Vimoli, dont la nef est formée par deux rangs de colonnes en cipolino d’ordre dorique, sans base, reste d’un monument de l’antique Rome, où ces colonnes, taillées en Grèce, avoient été faites dans le système de l’ancien dorique.

PIPI (Giulio), Jules Romain. Le surnom de Romano qu’il porta de son vivant, nous apprend qu’il étoit né à Rome. C’est tout ce que nous savons sur ce qui le concerne personnellement. La date de sa mort, qui est 1546, et l’âge de 54 ans auquel Vasari nous apprend qu’il mourut, font connoitre qu’il naquit en 1492.

Jules Romain est plus particulièrement connu comme peintre, comme ayant été élève de Raphaël, le plus habile de ses collaborateurs, son héritier et son successeur dans l’exécution de la bataille de Constantin et les autres peintures de cette salle du Vatican, à laquelle le premier empereur chrétien a donné son nom.

Raphaël ayant été lui-même habile architecte (voyez Sanzio), ayant été placé par Léon X à la tête de la construction de Saint-Pierre, ayant bâti plus d’un palais à Florence et à Rome, ayant montré, par la beauté des fonds d’édifices dont il orna ses tableaux, à quel point il possédoit le génie de l’architecture, il est fort naturel de penser que le plus habile de ses élèves, celui qui l’imita le mieux, dut recevoir aussi de lui le goût et les connoissances qui devoient en faire un grand architecte.

Vasari nous l’apprend d’une manière plus positive. « Après avoir appris de son maître, dit-il, les choses les plus difficiles dans l’art de peindre, il arriva bientôt à savoir mettre les édifices en perspective, à les mesurer, à en faire les plans. Quelquefois Raphaël, après avoir simplement donné l’esquisse de ses inventions, les faisoit rédiger en grand par Jules Romain, pour s’en servir dans les compositions d’architecture. Ainsi, peu à peu, Jules Romain y prenant goût, devint habile, et parvint à être un excellent architecte. »

Ceci nous explique comment il dut arriver alors, et encore plus depuis, que certains édifices aient passé pour avoir été l’ouvrage également de Raphaël et de Jules Romain. De ce nombre dut être la charmante villa qui s’appelle encore aujourd’hui Villa Madama, mais que fit construire le cardinal Jules de Médicis, qui fut depuis pape sous le nom de Clément VII. Vasari, dans la vie de Raphaël, lui eu attribue l’architecture, et dans la vie de Jules Romain, il donne également au maître la première idée de ce beau demi-cercle qui sert d’entrée au palais, mais il avoue que l’exécution en fut conduite parJules Romain.

La Villa Madama, qui paroît n’avoir point été terminée entièrement, est devenue une de ces ruines modernes, où les architectes et les décorateurs vont chercher des leçons et des exemples, comme dans les ruines antiques. Rien ne fut ni plus élégamment pensé, ni décoré avec plus de charme, C’est un de ces édifices conçus, comme il n’est plus permis d’espérer qu’il s’en reproduira, sous le charme des idées et des formes antiques, et dans lesquels le propriétaire mit avant tout, le plaisir de l’art, plaçant le luxe et la dépense dans ce qui doit être l’objet durable de l’admiration des gens de goût.

Le cardinal de Médicis avoit choisi sur le penchant de Monte Mario, un site en très-belle vue, dont le terrain boisé, avec des eaux vives, s’étendoit le long du Tibre, depuis Ponte Mole, jusqu’à la Porta Angelica. Ce fut là que Raphaël et Jules Romain établirent le charmant casino dont on admire, malgré sa dégradation, et l’aspect et la composition pittoresque.

La façade, ou l’a déjà dit, se présente par une grande partie demi-circulaire en forme de théâtre, divisée par des niches et des fenêtres, avec une ordonnance ionique : de- la on passe dans un vestibule qui conduit a une magnifique galerie ouverte sur le jardin, que Vasari appelle une Loggia bellissima, ornée de deux grandes niches, et de niches plus pentes, qui toutes, dans l’ortgine, étoient occupées par des statues antiques. C’est dans les voûtes de ce local que Jules Romain a peint cette suite charmante de compositions représentant les divinités de la Fable, el qui fort heureusement ont été gravées, avant qu’elles aient totalement disparu. La Villa Madama est, après les loges du Vatican, ce qu’on peut citer de plus élégant pour la décoration. Ce fut le même gout de stucs, d’arabesques ; ce furent très-certainement les mêmes artistes qui y travaillèrent. Malheureusement les événemens qui survinrent, empêchèrent que l’ouvrage parvînt à sa fin, et ce casin, depuis fort long-temps abandonné, n’a pu retrouver un propriétaire qui en connût la valeur, et qui fût en état de faire les frais de sa restauration.

Vasari nous dit encore qu’un charmant Ouvrage attribué à Jules Romain, passoit auprès de quelques-uns, pour être de la composition de Raphaël Il s’agit du petit palais Alberini (in Banchi), dont on voit la façade, n° 40 de la collection des palais de Rome. Rieu de plus inutile à discuter que ; le choix de l’un ou de l’autre des deux auteurs de ce palais ; d’abord, parce que tout renseignement historique manque à cet égard, ensuite parce que Jules Romain et Raphaël ayant eu le même style, il y a encore bien plus de difficultés à discerner des différences de mauière en architecture qu’en peinture. Ce qu’il faut dire, c’est qu’on peut donner en ce genre, indistinctement à l’un ou à l’autre, l’exécution de ces charmantes maisons, qui, comme on l’a vu à l’article de Peruzzi, semblent être des ouvrages échappés à la destruction de l’antique Rome.

Tel est le petit palais Cenci (alla Dogana), n° 34 de la même collection, qui joint à l’habitation de luxe dans son ordonnance supérieure, l’utilité d’une maison de commerce, par les quatre boutiques qui s’ouvrent dans le soubassement rustique, et accompagnent, au nombre de deux de chaque côté, la grande porte d’entrée, que couronne un fronton avec bossages. Les cinq croisées dont se compose la façade, sont séparées par de larges trumeaux ornés de pilastres doriques accouplés, et les fenêtres ont des chambranles surmontés de frontons alternativement angulaires et circulaires. La même distribution règne dans l’étage supérieur, et de simples montans sans base et sans chapiteau, encadrent les fenêtres de cet étage.

Avec plus de goût et d’élégance encore, se présente, dans le même genre d’ordonnance, le palais Alberini, dont on a parlé plus haut. Ici cinq arcades, dont celle du milieu forme la porte d’entrée, composent le soubassement, où l’on voit des compartimens de refends et de bossages distribués et exécutés avec tout l’art qu’il est possible d’y appliquer ; les cintres des quatre antres arcades dessinent l’emplacement de quatre boutiques, chacune avec l’espèce d’entresol qui lui appartient. Au-dessus d’une corniche ornée s’élève l’étage principal avec cinq fenêtres, dont les chambranles reçoivent un encadrement ; un ordre de pilastres isolés remplit les trumeaux. L’étage attique qui règne au-dessus, offre les mêmes compartimens et encadremens, et le tout est couronné par nu fort bel entablement.

On voit encore à la Lungara et sur le Janicule un joli casin bâti par Jules Romain, pour monseigneur Balthazar Turini da Pescia, qu’oa appela depuis la Villa Lente, possédée par le marquis de ce nom. On peut encore y voir les restes de toutes les inventions que le génie de Jules Romain y prodigua. Il paroît que ces diverses constructions l’occupèrent pendant les années qu’il passa à Rome, après la mort de Raphaël, lorsque, devenu l’héritier d’une partie de la fortune de son maître, et de ses entreprises, il rachevoit au Vatican la décoration de la grande salle de Constantin, et la célèbre bataille dont Raphaël n’avoit laissé que la composition.

Jules Romain, placé au second rang du vivant de son maître, devint, sans aucune contestation, après lui, le premier de l’école, autant dans l’art de la peinture, que par l’espèce d’universalité de talens et de connoissances qu’il possédoit. Il avoit hérité aussi de l’amitié de quelques-uns de ces littérateurs celèbres, que Raphaël avoit eu pour amis plus que pour protecteurs. De ce nombre étoit Balthazar Castiglione, chargé alors auprès du pape Clément VII, des affaires du duc de Mantoue Frédéric Gonzaga, amateur éclairé des arts, et qui cherchoit depuis long-temps à réaliser les grands projets d’embellissemens par lesquels il devoit illustrer son nom et sa ville. Castiglione ne pouvoit mieux servir sa louable ambition, qu’en lui procurant un géuie qui fût à son niveau. Rappelé à Mantoue pour aller de-là, en qualité de nonce apostolique, en Espagne, il engagea Jules Romain à le suivre : il le présenta au marquis Gonzaga, qui, par des bienfaits, et par tout ce qui peut flatter un artiste célèbre, parvint à se l’attacher, et le détermina à se fixer près de sa personne.

Après lui avoir donné son entière confiance, avec le litre de préfet des eaux et surintendant des bâtimens, il le chargea de la direction de tous les ouvrages d’art qui devoient embellir sa ville. Ce fut alors que Jules Romain, secondé par deux de ses élèves, qu’il avoit amenés de Rome, l’un desquels étoit Benedetto Pagni da Pescia, rétablit et changea presqu’entièrement la vie de Mantoue, la défendit par des digues et par des dispositions savantes, contre les fréquentes inondations du Pô et du Mincio. Il assainit les quartiers bas, en desséchant les marais et en donnant de l’écoulement aux eaux stagnantes. Il rétablit et décora plusieurs édifices anciens ; il en éleva de nouveaux, et faisant preuve d’habileté dans tous les genres, il sut, par des fêtes et des divertissemens ingénieux et de bon goût, mériter les éloges de l’empereur Charles-Quint, lorsqu’en 1520 ce souverain vint à Mantoue, et que, pour reconnoître les honneurs signalés que lui rendit Gonzaga, il érigea en duché le marquisat de Mantoue.

Il est probable qu’à l’époque de ce passage de Charles-Quint dans cette ville, Jules Romain avoit déjà fort avancé le palais qu’on appelle du TE, et qui fut l’ouvrage le plus mémorable de cet artiste, en fait d’architecture.

Le nom de TE, que l’on a donné à ce palais, ne vint pas, comme plusieurs l’ont dit et répété, de la forme de son plan qui, selon eux, seroit celle de la lettre T. Le plan de l’édifice dément déjà cette opinion. Il paroît, et c’est l’opinion d’historiens dignes de confiance, que le mot TE fut une abréviation, ou, si l’on veut, une mutilation de tajetto ou tejetto, qui signifie coupure ou passage fait pour l’écoulement des eaux, et que cette dénomination locale, appliquée au terrain sur lequel le palais fut bâti, lui aura, dans le langage vulgaire, communiqué son nom.

Il y avoit autrefois sur ce terrain, et au milieu d’une vaste prairie, un bâtiment assez rustique, servant d’écurie pour les chevaux du prince. L’agrément de la position lui avoit fait désirer d’y avoir une habitation de peu d’importance, et Jules Romain, en peu de mois, y éleva à peu de frais et en briques, une construction agréable et légère. Cela donna naissance au grand palais, dont nous allons faire une description abrégée.

Le corps principal du palais forme en plan un carré parfait, dont chaque face a près de 180 pieds de longueur en dehors. L’intérieur de la cour est de même un grand quadrangle de 120 pieds environ. Il y a deux entrées : la principale est une grande porte cintrée en bossages, qui donne accès dans un vestibule orné de colonnes ! L’autre entrée latérale se compose de trois arcades également formées de boisages.

L’élévation de ce palais, tant au dehors qu’au dedans de la cour, consiste dans un ordre dorique qui, élevé sur un stylobate, décore, avec une fort grande régularité, les trumeaux d’un rang de croisées à rez-de-chaussée et d’un rang supérieur de fenêtres plus petites. Seulement aux angles, les pilastres sont accouplés. Les bossages ont été employés, dans cette construction, avec beaucoup d’intelligence et de goût ; ils passent derrière les pilastres et vont d’une croisée à l’autre formant leurs bandeaux. Ces croisées (du moins celles de l’étage inférieur) sont surmontées par des claveaux saillans en bossages. Cet étage est séparé du supérieur par un bandeau orné de postes. Toute la masse est, dans son étendue, couronnée d’un bel entablement dorique, avec triglyphes et métopes, avec ornemens et mutules. Rien de plus sage et de plus régulier.

Du grand Cortile, dont l’ordonnance est la même, excepté qu’au lieu de pilastres, ce sont des colonnes engagées, on passe dans un superbe vestibule (que les Italiens appellent loggia) qui s’ouvre sur le jardin. La façade de cette loge, de ce côté, offre un péristyle do douze colonnes, dont huit, celles du milieu, font deux groupes de quatre. Là aboutit un pont qui sépare deux pièces d’eau. Au-delà est le parterre, bordé d’un côté et de l’autre par des bâtimens d’utilité, et terminé par une grande parlie circulaire en forme de théâtre divisé par des espaces qui figurent des niches. Le tout a 550 pieds de longueur.

L’intérieur du palais du TE seroit l’objet d’une immense description, dans tout ouvrage qui auroit pour but, de faire connoître quel parti un grand peintre peut tiret de son art, pour l’embellissement des édifices. Celui-ci doit être cité comme un modèle unique dans l’architecture moderne. Aucun autre n’a reçu en aucun temps l’avantage d’avoir été construit el peint par le mème artiste, en sorte qu’il eut ce mérite, que la construction et la décoration étant l’émanation d’un même génie, on ne sauroit dire si ce fut l’architecture qui commanda à la peinture, ou la peinture à l’architecture, tant il semble que le tout est né simultanément.

Nous ne ferons que parcourir rapidement cette suite d’inventions décoratives dont Jules Romain fut l’auteur.

La grande loge dont on a parlé, fait admirer sa voûte peinte à fresque par compartimens de cinq lunettes, où est représentée l’histoire de David.

On passe, à main droite, dans une salle dont le principal ornement se compose d’une frise à deux rangs l’un sur l’autre, travaillée en stuc sur les dessins de Jules Romain, par le Primatice et par Jean-Baptiste Mantouan. C’est une suite de figures qui présentent une imitation de celles de la colonne Trajane. On seroit tenté de croire qu’on ne s’y est proposé aucun sujet déterminé, ni surtout applicable aux temps modernes, quoique quelques - uns prétendent que l’intention fut de représenter avec le style de l’antique, le triomphe de l’empereur Sigismond. On y voit effectivement le personnage qui paroît être l’empereur, suivi d un écuyer portant un bouclier sur lequel est un aigle à deux têtes couronnées, Ce sont toutes scènes de batailles, de marches, de campemens, avec toute la vérité des costumes romains. Rien toutefois n’offre de copie formelle d’après l’antique. On voit que Jules Romain savoit son antiquité par cœur, et son crayon s’est plu à improviser d’imagination et à redire à sa manière ce que les monumens de Rome lui avoient appris. Qui ne te sauroit, croiroit que cette grande composition est un ouvrage de l’ancienne Rome, tant y est grande la fidélité des costumes, tant l’art du sculpteur a su aussi se modeler sur le goût d’exécution qui caractérise le bas-relief antique. Les stucs qui ornent la voûte de cette salle participent de la même habileté et du même goût.

La pièce d’après est celle dont la voûte est ornée d’un grand tableau peint par Primatice, sur les dessins de Jules Romain, qui l’a décorée encore dans six autres compartimens de figures peintes par lui-même.

La dernière pièce de ce côté est la plus célèbre de toutes, par l’invention extraordinaire de sa décoration. De quelle forme est cette pièce, c’est ce que l’œil ne sauroit apprendre, tant la peinture, en s’emparant de toutes les superficies, a réussi à faire disparoître les lignes qui en déterminoient la figure. Aussi quelques-uns ont-ils cru qu’elle formoit un cercle, quand elle n’est qu’un carré-long dont les angles sont légèrement arrondis. Cette salle est celle qu’on appelle la salle des géans, conception prodigieuse par la hardiesse de pensée comme d’exécution, et dont la, description a trop peu de rapport à l’architecture, pour que nous nous y arrêtions. La peinture, en effet, comme on l’a dit, a fait de cette pièce, moins éncore un tableau qu’un spectacle magique d’épouvante et d’illusion. Tout a été mis en œnvre pour la rendre complète : une fois entré, le spectateur ne voit plus d’issue ; il n’est environné que de rochers qui se précipitent sur les géans ou écrasés, ou se défendant en vain. Le sol même de la pièce est composé de débris le plafond, c’est l’Olympe, d’où Jupiter lance la foudre.

En revenant sur ses pas, et en repassant par le beau vestibule dont on a parlé, une autre suite d’appartemens offre au spectateur une sorte de poëme mythologique en peinture, dont chaque pièce est en quelque sorte un chant, où la muse de Jules Romain a retracé les aventures de, Phaéton, celles de Psyché, son mariage avec l’Amour, son banquet nuptial, riche et vaste composition, où sont mises à contribution toutes les richesses de l’antiquité.

Nulle part la poésie de la peinture ne s’est développée avec autant de charme et de grandeur. Tout paroit s’être assujetti aux heureuses fantaisies du peintre. S’il se trouve une cheminée, vous voyez Vulcain occupé sur sa forge enflammée à fabriquer les foudres de Jupiter. Ailleurs, c’est Polyphème assis sur un rocher. L’artiste a pris à tâche d’approprier à l’usage de chaque pièce les sujets qui lui sont analogues.

On ne sauroit se dispenser d’indiquer encore dans l’ensemble de ce palais, comme ouvrage classique, pour le goût de l’ornement, le charmant corps-de-Logis qu’on appelle de la Grotte, parce qu’effectivement il s’y en trouve une pratiquée pour l’usage du bain. C’est un ensemble de salles, les unes plus, les autres moins grandes, où l’on voit briller dans toute sa pureté le style d’arabesques et d’ornemens antiques, remis eu honneur par Raphaël, au Vatican, propagé depuis par quelques-uns de ses élèves, dans divers endroits de l’látalie, qu’un a malheureusement vu disparoître avec son école, et dont personne encore n’a fait revivre ni l’exécution, ni surtout le génie.

La ville de Mantoue est pleine de Jules Romain. Elle fut sa seconde patrie, et, par tous les travaux qu’il y fit, il passa pour en avoir été le second fondateur. Il y rebâtit des quartiers et des rues entières, lui redonna une forme nouvelle, et l’orna d’édifices qui en sont encore aujourd’hui la gloire. Il rebâtit à neuf le palais ou le château ducal, qu’il décora des plus excellentes peintures représentant la guerre de Troye. Nous manquons de renseignement sur un autre palais qu’il bâtit pour le duc à Marmiruolo, lieu situé à cinq milles de Mantoue ; mais Vasari nous apprend que cet édifice reçut aussi de la main deJules Romain de grandes peintures qui ne le cèdent ni à celles du château ducal, ni à celles du palais du TE.

On voit encore à Mantoue la maison qu’il avoit construite pour son habitation. Sa façade, jadis toute ornée de stucs colorés, est remarquable au dehors par une petite statue antique de Mercure. L’intérieur formoit autrefois une sorte de Muséum plein des richesses de l’antiquité et de celles que son génie s’étoit plu à y prodiguer.

Plusieurs églises furent redevables à Jules Romain ou de leur restauration, ou de leur embellissement. De ce nombre fut celle de Saint-Benoît, qui reçut de lui une formè nouvelle, et qu’il décora comme peintre, après l’avoir rétablie comme architecte.

Mais le plus grand de ses ouvrages, en ce genre, fut la cathédrale de Mantoue, que le cardinal de Gonzaga, après la mort du duc, confia à ses soins, pour être refaite en entier. Ce monument, dans lequelJules Romain fit revivre le style de l’antiquité, par la belle proportion des colonnes, le style noble et pur de tous les détails, doit se mettre au rang des plus beaux temples de l’Italie ; et il ne manque à sa renommée, comme à celle des principaux édifices de Mantoue, que d’être plus connu des artistes et des voyageurs qui visitent l’Italie. Malheureusement cette ville ne se trouve pas sur la roule la plus battue par les curieux. Il faut aller exprès à Mantoue. Aussi manquons-nous d’une description fidèle des beautés qu’elle renferme, et une multitude de dessinateurs qui s’en vont répétant chaque année, ce que tant d’autres ont répété avant eux, reviennent sans s’être douté que Mantoue leur eût présenté la matière la plus riche d’un ouvrage aussi précieux pour l’histoire, que pour l’élude des arts.

Le dessin que Jules Romain donna pour la façade de la grande église de Saint-Pétrone à Boulogne, passa, dans son temps, pour le plus beau de ceux que présentèrent les plus célèbres de ses contemporains. Il n’a qu’un seul ordre, mais colossal. On y admire le terme moyen tenu par l’artiste, entre le goût de l’architecture grecque et celui de l’édifice qui participe du goût gothique. Ce fut une preuve de jugement de la part de Jules Romain. Rien n’en manque plus que ces frontispices faits après coup qu’on applique à des monumens d’un autre âge, et qui n’y produisent d’autre effet que celui d’une dissonance.

Le duc Frédéric Gonzaga mourut en 1540. Il laissa Jules Romain comblé de biens et d’honneurs, mais tellement affligé de la perte d’un prince qui avoit honoré ses talens, et dont il étoit devenu l’ami, que le Cardinal, frère de son protecteur, eut beaucoup de peine à le détourner du projet qu’il avoit formé de revoir Rome. Ce fut en le comblant de bienfaits et en le chargeant d’ouvrages nouveaux, qu’il parvint à le retenir, et c’est à cette généreuse contrainte que Mantoue fut redevable de l’érection de sa cathédrale, qui ne fut toutefois terminée qu’après lui par Bertano son élève.

Une circonstance nouvelle vint bientôt réveiller chez Jules Romain le desir de se retrouver à Rome. En vain le bel établissement qu’il avoit à Mantoue, celui de sa famille, les honneurs dont il y jouissoit, la reconnoissance même, sembloient l’y devoir attacher pour la vie ; la mort de Sangallo, architecte de Saint-Pierre, ayant appelé tous les regards sur lui, il ne put résister à cet honorable appel : il se disposait à partir ; mais la Providence en avoit ordonné autrement. Une maladie fort courte l’enleva à l’âge de 54 ans.

Ainsi Jules Romain fut enlevé, on peut le dire, au milieu de sa carrière, et la chose seroit encore plus vraie, s’il fallait, sur la foi d’une date rapportée dans une courte Notice de sa vie, qui fait partie d’une petite description du palais du TE, imprimée à Mantoue en 1783, admettre qu’il mourut à 47 ans. L’autorité sur laquelle cette opinion se fonde, est, dit-on, que dans les archives de la Sanita, à Mantoue, on trouve sur le registre des morts du Ier. novembre 1546, cette note : Il sior Julio Romano di Pipi superior de le fabriche ducale, de febra infirmo giorni 15, morto d’anni 47.

On doit remarquer d’abord que cette note n’étant que ce que nous appellerions un extrait mortuaire, a beaucoup moins de valeur que n’en aurait ce que nous appelons l’extrait de baptême ou de naissance, ce que jamais l’acte mortuaire n’est tenu de rappeler, tant il arrive souvent qu’on n’a aucun moyen de le constater, à l’égard surtout du grand nombre d’hommes qui meurent hors de leur pays. Qui nous dira ensuite quel est le degré de fidélité à laquelle la note dont il s’agit étoit obligée, et si une simple méprise de la mémoire ou de la plume n’a pas pu changer un chiffre pour un autre.

Vasari dit positivement, dans la Vie de Jules Romain, qu’il mourut à 54 ans, et il est d’accord sur la date de sa mort, c’est-à-dire, sur l’an 1546. Or, Vasari connoissoit particulièrement Jules Romain et en nous racontant qu’il alla le visiter à Mantoue, il indique la date de cette visite comme postérieure à la mort du duc Frédéric, qui mourut en 1540, puisqu’il ne parle que du cardinal Gonzaga, et qu’à cette époque déjà Jules Romain avoit élevé la cathédrale de Mantoue, qui ne fut commencée qu’après le mort de Frédéric, c’est-à-dire, que Vasari vit Jules Romain deux ans avant qu’il mourût. Il n’est guère probable qu’il se soit trompé autant sur son âge.

Mais voici une dernière raison qui me paroît sans réplique. Si Jules Romain, comme l’a prétendu la note de la Sanita, ne vécut que 47 ans, et mourut en 1546, il sera né en 1599. Or, Raphaël mourut en 1520, et déjà, depuis longtemps, Jules Romain étoit parvenu à ce degré de talent qui, non-seulement lui avoit gagné toute la confiance de son maître, mais l’avoit rendu son principal collaborateur, au point qu’on distinguoit souvent à peine ce qui étoit du maître et ce qui étoit de l’élève, et cela fort long-temps avant 1520. Ainsi on connoît l’histoire de la copie du portrait de Léon X, par Raphaël, envoyée à Mantoue, et la surprise de Jules Romain, qui, ayant, comme il le dit lui-même à Vasari, travaillé à l’original, ne s’étoil point aperçn de l’échange fait de cet original contre la copie d’André del Sarto. On citeroit bien d’autres ouvrages de Raphaël, où Jules Romain fut associé, plusieurs années avant 1520. Comment peut-on supposer qu’un jeune homme de 15 à 16 ans seroit arrivé à un degré de capacité si éminent ?

Si, au contraire, on suppose, d’après l’âge où il mourut, que Jules Romain éloit né en 1491 ou 1492, il avoil 29 ans à la mort de Raphaël, et l’on trouvera fort naturel qu’il ait pu, depuis 20 ans jusqu’à 29, avoir acquis le talent dont il dut faire preuve pour avoir été ainsi adopté par son maître.

J’ajouterai que l’on trouve le portrait de Jules Romain, jeune vérité, mais avec un peu de barbe, faisant pendant avec celui de Marc-Antoine, dans le tableau d’Héliodore, dont on a la date. Jules Romain pouvoit alors avoir 22 ans.

PIQUER, v. act. On use de ce mot, dans la construction, pour désigner une opération qui consiste à donner aux pierres une apparence rustique, en piquant avec une pointe de fer leurs paremens. On le pratique ainsi dans les bâtisses en petites pierres ou moellons, et on appelle cette construction moellons piqués. S’il s’agit de pierres plus grandes et plus dures, dont on se sert dans les appareils en bossages, on ne taille au ciseau que les bords de la pierre ; on laisse le reste relevé en bosse plus moins saillante, et avec le marteau pointu, on donne à la partie saillante, en la piquant au hasard, l’air d’avoir été laissée brute.

En charpenterie, piquer, c’est marquer une pièce de bois avec le traceret, pour la tailler et la façonner.

PIQUETS, s. m. pl. On donne ce nom à de petits morceaux de bois pointus, qu’on enfonce en terre, pour tendre des cordeaux qui servent à marquer le plan d’un bâtiment, et la surface de terrain qu’il faudra fouiller pour y planter les fondations.

On se sert de piquets pour tracer les lignes et les contours des jardins qu’il s’agit de planter. C’est surtout dans l’exécution des plans du jardinage irrégulier que cette méthode est usuelle. On les multiplie à volonté, et en les rapprochant, on forme d’une manière très-sensible le trait des massifs ou des allées, et cette manière de le tracer, offre la plus grande facilité pour en changer ou corriger les contours particuliers, ou le dessin général.

On nomme taquets les piquets qu’on enfonce à tête perdue dans la terre, afin qu’on ne les arrache point, et pour qu’au besoin ils puissent servir de repaires.

PIQUEUR, s. m. On appelle ainsi, dans un atelier, l’homme préposé par l’entrepreneur pour recevoir par compte les matériaux, en garder les tailles, veiller à l’emploi du temps, marquer les journées des ouvriers, et piquer sur son rôle ceux qui s’absentent pendant les heures du travail, afin de retrancher leur salaire. C’est de-là que vient le nom de piqueur.

On appelle chassavans les piqueurs subalternes dont l’emploi se borne à hâter les ouvriers.

PIRAMIDE. Voyez Pyramide.

PIRRO LIGORIO. Voyez Ligorio.

PISCINE, s. f. , du mot latin piscina. Ce mot, formé de piscis, poisson, indique assez quel fut l’usage de la piscine. Quoique le mot, comme on le dira, ait été, dans le langa ordinaire, appliqué à exprimer d’autres emplois, il n’est pas douteux qu’on ne doive, avant tout, le donner à ces réservoirs d’eau que nous nommons vivier, et où les Romains nourrissoient et entretenoient avec beaucoup de dépense des poissons de toute espèce.

Les riches établissoient des piscines dans leurs maisons de campagne, C’étoit de vastes bassins d’eau vive, où, soit pour leur consommation, soit pour en tirer un revenu, ils se plaisoient à rassembler les poissons les plus chers et les plus rares. On cite, par-dessus tous les autres, l’établissement que Lucullus avoit fait en ce genre.

La piscine étant, comme on voit, un amas d’eau artificiel, on donna le même nom, dans les bains publics, à de grands bassins où l’on s’exerçoit à la nage. Il y en eut même une publique, destinée à cet usage, entre le Celius et le Celiolus à Rome. Elle n’existoit plus du temps de Festus, mais ce qu’il en dit prouve que jadis le peuple l’avoit fréquentée, et le nom de piscine publique étoit resté au lieu qu’elle avoit jadis occupé.

Dans les aqueducs on désignoit par le mot piscine, un réservoir par lequel la continuité des canaux de maçonnerie ou des tuyaux se trouvoit interrompue. On établissoit ces piscines ou réservoirs, pour que l’eau pût y déposer les parties terreuses et la vase qu’elle charrie. Par cette raison, on l’appeloit quelquefois piscina limaria. Aux aqueducs dont les tuyaux étoient de terre cuite, ces réservoirs ou piscines étoient encore nécessaires, pour qu’on pût trouver plus facilement les endroits qui avoient besoin de réparation. Quelquefois ces piscines étoient couvertes d’une voûte, mais le plus souvent elles étoient à découvert.

On peut donner aussi le nom de piscine à de vastes citernes que l’on bâtissoit dans certains endroits, et à ce qu’il paroît, pour l’usage des armées qui étoient cantonnées. Telle est du moins l’opinion la plus probable, sur l’usage de ce qu’on appelle encore à Pouzzol la piscina mirabile, construction véritablement admirable et par sa disposition, et par les détails de son exécution, et par sa belle conservation.

On y descend de deux côtés par deux escaliers de quarante marches. L’intérieur de ce local est soutenu par quarante-huit piliers qui, en plan, forment chacun une croix. Ils sont sur quatre rangs également espacés, et divisent l’espace en cinq espèces d’allées, les murs d’enceinte compris. La longueur totale est de 56 pas ordinaires, la largeur de 25, et la hauteur a 31 pieds. On remarque, dans le milieu de tout l’espace, une sorte de cavité destinée à recevoir les ordures. Les piliers dont on a parlé, supportent de petites voûtes, au-dessus desquelles est établie une plateforme régnant sur toute la bâtisse, et qui est percée de treize trous carrés, par lesquels on puisoit l’eau. Cette construction très-solide étoit revêtue d’un enduit de mortier auquel s’est attaché le dépôt de l’eau, qui a contribué à donner encore à ce revêtissement une dureté qui le dispute aux pierres les plus compactes.

PISÉ ou PISAY, s. m. On donne ce nom à une sorte de construction de murs faits avec une terre qu’on rend compacte. Dans plus d’un pays, on forme ainsi avec un mélange de terre et d’argile principalement, des constructions rurales, et cette méthode n’étoit pas inconnue aux Romains. Pour élever ainsi un mur, on placoit deux cloisons en planches, éloignées l’une de l’autre d’une distance égale à l’épaisseur de la construction qu’on vouloit faire. On remplissoit ensuite cet intervalle de terre ou d’argile, qu’on battoit et piloit fortement pour lui donner la consistance nécessaire, et on continuoit ainsi, jusqu’à ce que le mur fût arrivé à la hauteur déterminée, L’opération finie, et les planches formant l’espèce de moule qu’on a décrit, étant retirées, on avoit un mur qui, ensolidité, ne le cédoit point à beaucoup d’autres, et qui opposoit une résistance convenable aux rigueurs des saisons, aux dangers des incendies.

Les Romains avoient appris, dit-on, ce genre de construction des Carthaginois, et ils l’employoient particulièrement dans leurs campagnes, à des bâtisses rustiques.

Cette sorte d’architecture a été, depuis un certain nombre d’années, renouvelée en France, sous le nom de pisé, par M. Cointereau, qui en a propagé l’usage, et par la pratique et par les écrits qu’il a multipliés sur les procédés, dont il faut lire les descriptions. Voyez, à ce sujet, l’ouvrage intitulé : Ecole d’architecture rurale.

PITTORESQUE, adj. des deux genres. Ce mot, dans son acception littérale et la plus générale, devroit signifier simplement ce qui regarde la peinture, ce qui est du ressort de l’art du peintre. Les Italiens, dont ce mot est emprunté, ont deux expressions pour rendre les rapports de la peiuture avec les idées diverses qu’on y attache. Ils disent pittoresco et pittorico. Le premier de ces mots exprime, comme en français, un certain effet propre de la peinture ; le second s’entend de ce qui appartient au matériel ou à l’historique de l’art.

Pittoresque, en français, signifie, selon l’usage, tout ce qui, soit dans la nature, soit dans l’imitation, présente un aspect, des formes, des effets ou une disposition capables de surprendre et de plaire à l’esprit et aux yeux, par une combinaison accidentelle peu commune, et qui semble offrir de la singularité.

Il y auroit beaucoup à dire sur le pittoresque, dans les arts d’imitation, et cette théorie contiendroit des observations de goût fort utiles, pour préserver les artistes d’une recherche souvent périlleuse en ce genre, car lorsque l’art s’y montre trop, le bizarre vient à sa suite.

Le pittoresque entendu et défini, comme on vient de le faire, appartient donc ou peut appartenir à tout. Il n’est point d’objet, grand ou petit, production de la nature ou de l’art, qui n’offre ou ne puisse offrir l’impression de ce qu’on appelle pittoresque. On en trouve dans la formation d’une montagne, dans le spectacle des cieux, comme dans l’ajustement d’une coiffure ou d’une draperie.

Il y a donc aussi, ou il peut y avoir un pittoresque en architecture. Et d’abord on en trouvera dans le site occupé par un monument, dans la manière dont il se présente aux yeux, avec les oppositions d’objets accessoires qui ajoutent à son effet ; Il y avoit un grand effet pittoresque dans la manière dont Vitruve nous dit que le roi Mausole avoit, au fond du port d’Halicarnasse, disposé son palais, la citadelle et les principaux monumens de la ville, comme en amphithéàtre.

Il y a ou il peut y avoir du pittoresque dans la composition d’un monument : beaucoup d’édifices comprennent des masses partielles, qui toutefois doivent se réduire à un tout ensemble. C’est dans ce genre de monumens que l’architecte peut surtout produire un effet que la peinture aimeroit à s’approprier, dans les tableaux qu’on désigne par le nom de vues. Elle préférera le bâtiment dont les lignes sont variées, dont les masses produiront des ombres, à l’édifice, du reste supérieur par l’art, qui ne présenteroit qu’une seule ligne. Mais l’œil aussi donnera la préférence, dans les monumens qui en comportent l’emploi, à ces partis heureux de composition, dont les élévations naturelles, ou des variétés de plans font pyramider les masses et l’architecture. Ainsi, un très-grand nombre de palais à Gênes, d’un goût sage et pur, donnent une juste idée du pittoresque permis à l’art de bâtir, dans ces escaliers à plusieurs rampes, dans ces ouvertures de galeries en colonnes, qui se détachent sur le ciel. Ainsi, le nouvel escalier qui conduit au grand salon du Louvre est un modèle de pittoresque, et plus d’un dessinateur s’est plu à en rendre l’effet.

Il peut y avoir aussi du pittoresque en architecture, par l’emploi des matériaux divers dont l’artiste peut user, pour opérer des oppositions agréables, entre les murs et les pilastres qui les décorent, entre les trumeaux et les chambranles des croisées. Les plus habiles architectes ont employé avec beaucoup de goût ces moyens de diversifier l’aspect des élévations, et des masses de leurs édifices.

PITHEUS, architecte grec, qui paroît avoir réuni à une grande habileté en architecture, beaucoup d’autres connoissances, et la pratique de plus d’un art.

Selon Vitruve (lib. VII. Prœfat.), Pitheus auroit, conjointement avec Satyrus, bâti le célèbre tombeau de Mausole à Halicarnasse. On ne doit pas le révoquer en doute, parce qu’il ne parle de ces artistes, que dans le passage où il fait mention des architectes, qui ont écrit sur leur art, ou qui ont laissé des ouvrages de description des plus célèbres monumens. Nous voyons en effet, par les autres exemples qu’il cite, que ces descriptions de monumens furent faites par ceux mêmes qui les avoient bâtis. De ce nombre sont Théodore, Ctésiphon et Ictinus. Lors donc que Vitruve dit que Pitheus et Satyrus écrivirent sur le mausolée, il faut admettre qu’ils décrivirent leur propre ouvrage. La suite du passage le prouve. « Ils jouirent (continue l’écrivain) d’un très-grand bonheur ; leurs travaux, qu’accompagnera, l’admiration de tous les siècles, eurent encore l’avantage de procurer d’importans ouvrages à leurs contemporains. (Je lis coœtaneis au lieu de cogitatis.) Car chacun des quatre sculpteurs, Leochares, Briaxis, Scopas et Praxiteles, eut l’entreprise d’une des quatre faces du monument. » Quelques-uns y joignent Timothée. Pline, eu parlant de la partie pyramidale ajoutée, avec un quadrige, au sommet du monument, nomme pour sculpteur de cet ouvrage Pythis. Il est probable qu’il faut lire Pytheus.

C’est encore le nom de Pytheus qu’il faut substituer dans cette même préface du septième livre de Vitruve, au nom de Fileus que porte ordinairement le texte, et c’est Vitruve lui-même (lib. I cap. 1.) qui autorise cette correction. En effet, au livre VII, il cite Fileus, comme celui qui auroit donné la description du temple de Minerve à Prienne, et au livre I, chap, I, on lit : « Pitheus, celui qui, parmi les anciens architectes, construisit avec un grand succès à Prienne le temple de Minerve. » Indubitablement, dans les deux endroits, il est question du même architecte, puisque, outre la ressemblance de nom, c’est du même monument qu’il s’agit. De plus, les deux passages font mention de cet architecte, comme ayant été aussi écrivain. Vitruve, en effet, le cite encore ici, pour avoir dit dans ses Commentaires, que l’architecte devoit en savoir faire plus dans chaque art, et dans chaque partie des connoissances relatives à l’architecture, que les plus habiles en chacune de ces parties. Quelques lignes plus bas, Vitruve réfute l’opinion de Pitheus. Il s’est trompé, dit-il, faute d’avoir réfléchi que tout art se compose de deux choses, de la pratique et de la théorie. L’une de ces choses appartient à ceux qui exercent l’art, et c’est la pratique l’autre, savoir, la théorie, est le propre de tous les savans. C’est à la suite de cette discussion que Vitruve prétend que l’architecte doit avoir quelque connoissance de toutes les sciences qui ont du rapport avec l’architecture, sans être obligé d’en savoir autant que celui qui fait profession d’une seule de ces sciences.

Il résulte de ces notions, que Pitheus fut un fort habile architecte, et extrêmement instruit ; qu’il bâtit le tombeau de Mausole, le grand temple de Minerve à Prienne ; qu’il laissa des descriptions de ses propres monumens, et qu’écrivain également instruit, il composa des traités d’architecture, et de. savantes théories sur cet art.

PIVOT, s. m. Morceau de fer ou de bronze, qui, étant arrondi à son extrémité, et attaché au ventail d’une porte, entre par le bas dans une crapaudine, et en haut de la porte, dans ce qu’on appelle une semelle, et fait tourner la porte verticalement.

On ne parle ici de l’usage du pivot que par rapport à l’architecture, car on s’en sert dans beaucoup de machines pour les faire tourner.

A l’égard des portes, et de la manière de les suspendre, l’emploi du pivot est certainement ce qu’il y a tout à la fois de plus simple et de plus solide. On peut s’en convaincre aux portes du Panthéon à Rome, qui sont de bronze, et don ! les ventaux, chacun de vingt-trois pieds de haut sar sept de large, n’ont pas encore surplombé depuis le long espace de temps qu’ils subsistent. Ils s’ouvrent et se ferment encore avec la plus grande facilité.

PLACAGE, s. m. On appelle de ce nom tout ouvrage de menuiserie ou d’ébénisterie, qui consiste en morceaux de bois plaqués sur d’autres, soit pour y produire des moulures, soit pour leur servir de revêtissement

Souvent on forme des lambris, des portes, ou leurs ventaux, et beaucoup d’antres ouvrages en bois, dont les panneaux, au lieu de moulures poussées à même la pièce, ou taillées dans son épaisseur, reçoivent tous ces détails, au moyen de morceaux rapportés, qu’on y plaque, et qu’on y arrête de différentes manières.

Dans la fabrication des meubles en bois rares et précieux, on emploie le procédé du placage d’une façon encore plus générale. On scie ou l’on débite le bois qu’on veut plaquer, en lames extrêmement minces, par conséquent assez flexibles pour pouvoir s’adapter aux formes et aux contours du meuble, ou de l’objet d’un bois plus commun, qu’on veut en revêtir, et au moyen d’une colle très-forte, on attache la feuille de placage au corps solide dont elle épouse la figure. Ainsi se font aujourd’hui, c’est-à-dire, en placage, presque tous les meubles qu’on appelle d’acajou. Ce bois n’est, si l’on peut dire, que l’épiderme de l’ouvrage, et l’on prétend que plus cette espèce d’épiderme est mince, plus l’ouvrage est durable.

PLACARD, s. m. C’est une dénomination qu’on donne, dans le bâtiment, à une décoration de porte d’appartement, en bois, en pierre ou en marbre, laquelle se compose d’un chambranle couronné de sa frise ou gorge, et de sa corniche portée quelquefois sur des consoles.

On donne encore le nom de placard au revêtement d’une porte de menuiserie, garnie de seventaux.

Ce mot comme le précédent, vient de plaque ou plaquer, et il est évident par cette étymologie, que l’on considère ces objets comme des travaux d’appliquage qu’on fait à part, et qu’on ne met en place, qu’après que le travail de la bâtisse est terminé.

Placard cintré. C’est ainsi qu’on nomme un placard dont le plan est curviligne, comme une arcade, une porte arrondie, dont on use par conséquent dans toute pièce circulaire par son plan.

Placard double. Placard qui, dans un baie de porte, est répété des deux côtés du dedans et du dehors, avec embrasure entre-deux, sur l’épaisseur d’un mur ou bien d’une cloison.

Placard feint. Placard qui n’est autre chose qu’un lambris, et qui ne sert qu’a la symétrie, eu répétant une porte, soit parallèle, soit opposée.

PLACE, s. m. Ce mot, dans son rapport avec l’architecture et les édifices, exprime plusieurs choses : 1°. le lieu même, le terrain obligé ou choisi sur lequel on élève un bâtiment ; 2°. l’espace qu’on ménage à son aspect ; 3°. celui qu’on laisse vide ou qu’on pratique au milieu d’une ville pour l’agrément ou les besoins de ses habitans ; 4°. celui qui doit servir d’accompagnement à certains objets de décoration.

Selon la première de ces acceptions, place est synonyme d’emplacement, et à cet égard on ne sauroit dire combien le choix d’une place ou d’un emplacement convenable contribue à l’effet d’un monument et à la beauté des aspects d’une ville. Il faut remarquer cependant, que le choix de l’emplacement, en bien des cas, doit être déterminé par la nature même de l’édifice, c’est-à-dire, de sa destination usuelle. Il y a des monumens dont la place doit être au centre d’une ville : tels sont ceux qui correspondent aux affaires ou aux besoins journaliers du plus grand nombre. C’est ainsi que le Forum, qui étoit la place publique, dans les villes antiques, en occupoit toujours le centre. C’étoit le point qu’on établissoit en premier dans la fondation d’une ville, parce que ce Forum comprenoit le marché, les juridictions, les comptoirs d’échange, etc. , enfin tout ce qui se rapportoit aux besoins de la vie, aux affaires de commerce. C’étoit le rendez-vous universel, le lieu de réunion où, pour toutes sortes de motifs, le plus grand nombre passoit la journée entière. Lorsque les villes s’agrandissent, elles deviennent nécessairement des réunions de plusieurs villes ; dès-lors il faut que chaque quartier ait sa place publique. Ainsi Rome antique vit se former dans les diverses parties de ses nouvelles enceintes, de nouveaux Forum ; et nous voyons de même dans les grandes villes modernes, établir au centre de chacun de leurs quartiers, les bâtimens dont l’usage correspond à celui du Forum des Anciens.

Après l’utilité commune, qui décide, avant tout, de la place que doivent occuper les monumens, il faut prendre en considération la beauté que procure, soit aux villes, soit aux édifices, le choix d’une place qui mette en vue l’ouvrage de l’architecture. Rien ne contribue plus à la magnificence des aspects extérieurs dune ville, que la position élevée de certains monumens, dont les masses pyramidales dominent le reste des constructions ordinaires. Partout où le terrain occupé par les villes renfermoit quelques hauteurs, les Anciens ne manquèrent jamais de choisir une semblable place, pour y situer le temple principal ou tout autre édifice important.

Il n’est pas toujours donné de placer ainsi les monumens. Là où le terrain tout uni ne sauroit leur offrir de semblables expositions, il y a encore plus d’un moyen de leur ménager une place qui ajoute à leur effet, comme, par exemple, en face d’une grande rue, ou de quelque percée qui leur permette de s’annoncer de loin. Mais ceci nous conduit à l’autre acception du mot place, signifiant l’espace qu’on laisse ou qu’on pratique devant ou à l’entour d’un édifice.

Les villes, surtout dans les temps et chez les peuples modernes, ont fort rarement été construites et fondées sur des plans déterminés d’avance. Cet avantage fut plus fréquent chez les Anciens, qui eurent l’habitude de former des colonies, de transporter des populations entières, sur des terrains inhabités. Dès-lors rien ne mettoit d’obstacles à la distribution, aux alignemens des maisons et des rues, an choix des emplacemens que dévoient occuper les édifices principaux, et par suite à la disposition des places qu’on devoit pratiquer pour embellir leur aspect. Presque toutes les villes modernes, au contraire, nées, si l’on peut dire, d’elles-mêmes, formées par une agrégation successive de maisons, de rues, de quartiers, n’ont reçu que du hasard, et leur agrandissement et leur disposition. Il devient donc par la suite fort difficile, ou de donner des places aux monumens déjà faits, ou d’en faire de nouveaux, auxquels on puisse procurer des emplacemens extérieurs proportionnés à leur mesure ou à leur caractère.

Quelques villes ont dû à des causes particulières, l’avantage de pouvoir former autour et en face de leurs monumens des places dignes d’eux. Rome moderne peut être citée à cet égard. Mais on voit qu’elle eut un rare privilège, celui de s’élever sur les ruines de la plus immense ville qui ait existé, et de trouver dans ses restes, les modèles des plus vastes emplacemens, et les traditions d’une grandeur à laquelle nulle cite n’étoit parvenue. Rome moderne, capitale nouvelle du monde nouveau, le monde chrétien, eut aussi le besoin d’une grandeur inconnue avant elle. Siége de la religion de presque toute l’Europe, elle éleva dans sa basilique de Saint-Pierre un temple qui, pour l’immensité, n’eut jamais d’égal. Ce monument, élevé sur les débris d’un cirque antique, devoit encore proclamer sa supériorité sur les conceptions du paganisme, par une place qui répondît à ses élévations colossales, et la place environnée de colonnes, que Bernin fut avec tant d’habileté, réunir au frontispice du temple, est devenue la plus belle de l’Europe.

Les mêmes causes ont procuré à beaucoup d’églises de Rome, et à plusieurs autres monumens, des places dont on admire le rapport avec l’édifice qu’elles annoncent ou qu’elles environnent. Peu de villes lui sauroient disputer la supériorité eu ce genre, et beaucoup, au contraire, nous montrent de grands monumens qui manquent d’une place convenable.

On cite ordinairement l’église de Saint-Paul à Londres, comme celle qui, par son étendue et sa hauteur, tient le second rang après Saint-Pierre à Rome. Mais ce vaste édifice n’a d’aucun de ses côtés, ni même en avant de son frontispice, une place qui permette d’en embrasser les aspects, au point de distance nécessaire pour juger de l’effet du tout ensemble. La raison de ce défaut est dans le lieu même où le monument est situé c’est-à-dire, au milieu de la cité, quartier étroit, serré, et où la place pour bâtir coûte plus cher que la bâtisse.

C’est un autre défaut à un édifice, d’être accompagné on précédé par de trop vastes empla cemens. Une étendue démesurée d’espace, rapetisse et pour l’esprit et pour l’œil, la dimension et l’effet de l’architecture. Cet art ne consiste qu’en rapports, Nul ne demande plus d’être secondé par le parallèle des objets environnans. Deux très grands frontispices d’église, celui de Saint-Jean-de-Latran à Rome, et celui des Invalides à Paris, situés en quelque sorte hors de l’enceinte de ces villes, ont devant eux des espaces illimités, et leur valeur, sous le rapport de l’effet, s’en trouve singulièrement diminuée. Certainement le péristyle du panthéon de Rome paroitroit moins grand, et seroit moins imposant, si la place qui le précède se trouvoit agrandie.

Fixer des mesures en ce genre, seroit quelque chose de très-difficile, et l’on sent bien qu’une fort grande incertitude régneroit à cet égard, tant il y a de considérations diverses, relatives non-seulement à la dimension, mais au caractère même et au style de l’édifice, qui pourroient rendre la règle variable. On peut dire toutefois, qu’en prenant pour base la hauteur de l’édifice, il n’y auroit jamais d’inconvénient à donner en reculée à la place qui le précède, au moins deux fois cette mesure.

La troisième manière d’entendre le mot place, en architecture, s’applique à ces grands espaces qu’on laisse ou qu’on pratique au milieu des villes, avons-nous dit, pour l’agrément ou les besoins de leurs habitans.

Un de ces premiers besoins est la salubrité, et rien n’y contribue davantage, dans les villes populeuses, que ces vastes emplacemens qui donnent au vent les moyens de renouveler l’air, et où. les hommes longtemps entassés dans l’intérieur des maisons, peuvent venir respirer. Aucune ville n’a porté le luxe, si l’on peut dire, de ces sortes de places aussi loin que la ville de Londres. Ayant en l’avantage d’être rebâtie toute entière à neuf (la cité exeeptée), tous les quartiers ont été construits sur de grands alignemens, et on y a ménagé, d’espace en espace, de ces vastes places carrées, qu’on appelle squares. Leur milieu en est assez souvent occupé par de petites plantations, ordinairement enceintes d’une grille. il s’en pratique toujours de semblables dans les quartiers nouveaux, dont cette ville ne cesse point de s’agrandir, et ils en forment le principal embellissement.

Rome moderne a hérité de l’ancienne, plusieurs des places qu’on y admire. Telle est entr’autres la place Navone, qui a succédé à un grand cirque, et qui sert tout à la fois de marché, de promenade, et où les belles fontaines qui la décorent, procurent, dans les chaleurs de l’été, le moyen de la convertir en une espèce de grand lac.

Il est peu de villes qui n’aient ainsi, selon leur étendue, une on plusieurs places publiques, qui se convertissent tantôt en marché, tantôt en foires, tantôt en lieux de spectacles, de divertissement ou de promenade.

Une des plus belles places en ce genre, et qu’on ne doit pas oublier dans un Dictionnaire d’Architecture, est, sans contredit, la place de Saint-Marc à Venise, place d’autant plus remarquable par son étendue, qui est de 180 toises (en y comprenant la petite place en retour), que la ville, bâtie au milieu des eaux, n’a pu avoir que des terrains conquis par l’art sur l’élément liquide. Cette place, qui forme un grand carré-long, est environnée de magnifiques galeries dans tout son pourtour, et son architecture uniforme dans l’ensemble, quoique variée dans ses détails, offre les plus beaux modèles de la disposition, et du caractère qui conviennent aux monumens publics, et à ceux particulièrement que l’on comprend sous la dénomination de place de décoration.

C’est la quatrième acception qu’on donne au mot place dans ce sens, une place est elle-même un monument, en tant qu’on la construit sur un seul plan, avec une ordonnance régulière et symétrique, pour recevoir une statue, une colonne, une fontaine, etc.

Nous ne saurions dire, et il est peut-être douteux que les Anciens aient bâti exprès des places aussi étendues, que le sont les places modernes dont on veut parler, pour être l’encadrement, si l’on peut ainsi s’exprimer, d’une statue honorifique. Dans l’antiquité, d’après les usages, et vu l’extraordinaire multiplicité des statues, considérées comme témoignages d’honneur, de reconnoissance ou d’adulation, il est indubitable qu’il n’y auroit jamais eu assez de terrain dans aucune ville, s’il eût fallu faire des places, n’importe de quelle mesure, aux statues de tous ceux à qui on en élevoit. L’histoire grecque et romaine nous prouvent à chaque page, qu’on plaçoit les statues dans certains lieux, où elles se pressoient en quelque sorte. Les théâtres, les forum, les gymnases, les rues et les carrefours en étoient remplis. La différence des gouvernemens et des mœurs a rendu les statues honorifiques extrêmement rares. On en a fait, sous certaines formes colossales, le privilège des rois et des princes. Je veux parler des statues équestres en bronze, qui depuis la renaissance des arts, se sont multipliées dans presque toutes les grandes villes de l’Europe. Il s’en trouve à Venise, à Florence, à Modène, à Vienne, à Stockholm, à Pétersbourg, à Copenhague, à Londres.

Mais la France, surtout à partir du règne de Henri IV, a vu s’élever, tant à Paris que dans la plupart de ses plus grandes villes, les statues équestres en bronze de ses rois. Renversés par les fureurs de la révolution, ces monumens avoient péri. D’autres aujourd’hui leur succèdent, et avant peu, toutes les places qui leur furent jadis destinées auront retrouvé dans les statues déjà restituées ou en train de l’être, les objets qui les firent construire.

C’est, en effet, à ces statues, comme on l’a déjà dit, que Paris doit les places qui font un de ses principaux ornemens. Ainsi fut construite, pour recevoir la statue équestre de Louis XIII, la place qu’on appelle Royale. Elle forme un vaste carré de bâtimens uniformes, dont le rez-de-chaussée en portiques présente tout à l’entour une galerie couverte. Ainsi s’éleva, sous Louis XIV, la place Vendôme, au milieu de laquelle étoit placée la statue équestre en bronze du Roi. Le plan et le dessin de cette place ont une parfaite régularité. Une ordonnance de pilastres corinthiens orne la devanture des bâtimens qui l’entourent, et l’on n’y entre que par deux côtés.

Quelques-uns veulent que les places de ce genre, situées dans l’intérieur des villes, aient un peu moins de cet isolement qui semble en faire une cour ; ils désirent qu’on y ménage des percés plus nombreux, qui mettent le monument plus en communication avec les rues environnantes. Telle est, en effet, à Paris, la place qu’on appelle des Victoires au milieu de laquelle vient d’être érigée la nouvelle statue équestre de Louis XIV. Cette place, circulaire dans son plan, et dont les bâtimens uniformes ont une ordonnance symétrique, est percée par plusieurs rues, qui, sans nuire à l’unité décorative de l’architecture, donnent à l’ensemble plus de mouvement et de variété.

Si l’on doit éviter de faire d’une semblable place une sorte d’enceinte trop particulière, il faut se garder encore plus de choisir, pour y élever les monumens honorifiques dont on parle, de ces emplacemens vagues et trop étendus, qui, d’une part, offrent à la décoration architecturale trop de difficultés, et de l’autre, manquent de ce juste rapport de proportion nécessaire à l’effet de la statue sur le spectateur ; car tout ouvrage d’art a besoin d’être présenté à la vue dans de certaines limites, et avec un certain accord d’accompagnemens qui lui conviennent. Ainsi, l’emplacement jadis choisi pour la statue de Louis XV, à Paris, eut le double désavantage de n’avoir rien de circonscrit qui, en déterminât la mesure, et de ne donner à la statue équestre aucun point de parallèle qui fit juger de sa grandeur.

La place considérée comme étant elle-même un monument, c’est-à-dire, un ensemble d’architecture, peut servir aussi d’enceinte à quelqu’autre ouvrage d’art qu’une statue. Ce qu’on appelle, à Rome, la place Colonne, a, dans son milieu, la colonne triomphale de Marc Aurèle. Un obélisque sert de point de centre à plusieurs autres places de cette ville. Autant peut-on en dire de quelques fontaines.

Il est aussi bien des villes qui ont de grandes et magnifiques places dont l’enceinte est formée uniquement de bâtimens particuliers, seulement soumis à l’alignement. Mais ces sortes de places, qui contribuent, sans doute, à l’agrément et à la beauté des villes, ne devant rien à l’art en général, et surtout à celui de l’architecture, n’ont aucun droit d’être décrites ou citées dans ce Dictionnaire.

PLAFOND, s. m. C’est le nom général qu’on donne, en architecture et dans les édifices, à la surface de dessous, soit des plates-bandes et autres parties de la construction, soit des planchers dans les intérieurs des bâtimens, soit des couvertures dont sont couronnés les monumens, et qui sont tantôt horizontales, tantôt cintrées à différens degrés, en voûtes plus ou moins exhaussées.

Il y a là, comme on le voit, plus d’une manière d’envisager le plafond.

Et d’abord, nous dirons qu’en architecture, on donne encore le nom de soffitte, de l’italien soffitto, à cette partie du dessous des plates-bandes, larmiers, etc., qui, selon le caractère de chacun des ordres, reçoivent plus ou moins d’ornemens, ou des ornement plus ou moins simples. Nous renverrons, à cet égard, le lecteur au mot Soffite. Voyez ce mot.

Considérant ensuite le plafond, ou pour mieux dire, ses notions principales, dans leur premier rapport avec l’art de l’architecture, nous sommes encore obligés d’en attribuer l’origine aux procédés primitifs de l’art de bâtir, selon les besoins et les ressources locales des différent pays.

Si nous consultons ces causes premières en Egypte, nous voyons que la pierre, qui fut, pour l’architecture de ce pays, le seul principe générateur de ses conceptions, fut aussi, dans la mesure des matériaux, le seul module des plafonds. Ce qui nous reste de l’architecture égyptienne nous montre dans ses nombreux édifices, que la mesure des pierres, dont l’art pouvoit disposer, devint le régulateur uniforme et universel de la disposition des monumens. On ne sauroit se dissimuler que tout lui fut subordonné. Comment se fait-il qu’au milieu de tant de restes d’édifices et de temples, on ne découvre ni un plan, ni une élévation d’où résulte un intérieur de qnelquétendue ? Tout espace qu’on peut y appeler intérieur, n’est autre chose qu’une réunion de colonnes qui supportent une terrasse, et cette terrasse n’est autre chose qu’une réunion de dalles de pierres, qui s’étendent horizontalement d’une colonne à l’autre. Il n’y a rien dans toute l’Egypte, qui donne l’idée de ce que nous appelons une salle, une nef, un intérieur enfin, ayant une couverture, et dès-lors un dessous de couverture, ou un plafond d’une dimension tant soit peu remarquable.

Le plafond, en Egypte, ne fut donc que la surface de dessous des grandes pierres, qui formèrent les couvertures des péristyles, des, pronaos, des vestibules, et qui s’étendoient, dans une mesure constamment la même, ou du mur à la colonne, ou d’une colonne à une colonne.

On peut se former une juste idée des plafonds égyptiens, par l’ouvrage qu’on voit aujourd’hui au Cabinet des antiques de la bibliothèque du Roi, de ce célèbre zodiaque de Denderah, sur l’antiquité duquel on avoit hasardé tant de fausses conjectures. Il formoit le plafond d’une très-petite pièce carrée du temple, laquelle pouvoit avoir au plus vingt pieds. Deux pierres, l’une plus grande, l’autre plus petite, firent son plafond, sur lequel on sculpta une image quelconque du ciel, avec les signes du zodiaque, et les constellations ; le tout sculpté de bas-relief.

Le dessin général de ce plafond, formant un cercle, supporté par de grandes figures debout, et d’autres agenouillés, offre une composition décorative, qui seule auroit suffi, pour faire penser que l’ouvrage appartenoit à un autre génie que celui des Egyptiens, lesquels n’employèrent jamais leurs signes hiéroglyphiques, que sous le rapport et dans l’esprit de l’écriture.

C’étoit, en effet, avec ces sortes de caractères, que l’Egypte décoroit ses plafonds, y employant aussi les couleurs. On y en voit encore qui sont enduits de teintes diverses, et Diodore de Sicile nous parle d’un de ces plafonds qui étoit peint en bleu, et parsemé d’étoiles d’or. Voyez Egyptienne (Architecture).

Le plafond, partie si brillante de l’architecture, dut véritablement son origine à cet autre principe de l’art de bâtir, qui fut celui de l’art des Grecs, et ce principe fut la construction en bois. Comme on le trouve écrit en dehors des édifices (ainsi qu’on l’a développé tant de fois), sur toutes les parties constitutives des ordres, il n’est pas moins visible dans l’ensemble et les détails des plafonds. Ce fut des solives dont se composent les planchers, et du croisement de ces solives, que naquit cette heureuse décoration des plafonds, que l’on nommoit lacunar ou laquear (voyez ces deux mots). Ainsi, ce qui n’étoit qu’un effet nécessaire du besoin, devint, , par les additions de l’ornement, une des plus riches parties de l’architecture.

Comme, en Egypte, la pierre qui forme les plafonds des galeries ou autres intérieurs, n’avoit subi, dans aucune sorte de système imitatif, la moindre transformation d’idée ou de fait, on la voit rester ce qu’elle est, simple surface lisse, simple dalle jointe étroitement à la dalle qui l’avoisine, et ne produisant ainsi ni élévation, ni renfoncement, ni aucune, espèce de variété. Il n’en fut pas de même dans l’architecture grecque. On peut se convaincre déjà de cette différence, sous le seul rapport du procédé de construction, dans le plafond de la galerie périptère du temple de Théée à Athènes.

M. Leroi, dans ses Ruines des monumens de la Grèce, est celui qui a le mieux fixé sur ce genre de construction, l’attention de ceux qui étudient, dans les œuvres de l’architecture, le principe originaire de cet art en Grèce.
« Le plafond du temple de Thésée (dit-il) est bien simple et bien conservé ; les solives de marbre que l’on y voit, répondent par leur direction horizontale, à chaque triglyphe, à quelques différences près, qui ne résultent vraisemblablement que de petites erreurs dans l’exécution. Ce rapport très-remarquable qu’elles ont avec les triglyphes, prouve qu’elles tirent leur origine des pièces de bois, qui les formoient par leurs extrémités…… Les solives de marbre du plafond du temple de Thésée portent des tables, percées chacune de quatre trous…. Chacun de ces trous étoit bouché par-dessus le temple, au moyen d’une petite pièce de marbre carrée, qui pouvoit se lever et se remettre. »

Rien ne montre mieux, comment l’art de bâtir en pierre, s’appropria les combinaisons et les procédés de l’art de bâtir en bois, qui régna longtemps en Grèce, et dont les ouvrages devinrent, plus positivement qu’on ne pense, les modèles des édifices plus solides qui les remplacèrent.

Qui est-ce, en effet, qui ne voit pas que les plafonds qui continuèrent d’être faits en bois, même dans les édifices en pierre, donnèrent lieu à des compartimens, que l’usage des dalles de pierres égyptiennes ne put jamais suggérer ? Lorsque les solives, en se croisant, eurent formé des vides quadrangulaires, il fallut, comme dans les petites tables des plafonds du temple de Thésée, fermer par-dessus ces sortes de trous, et voilà l’ornement des rosaces qui se présenta pour les remplir.

Le mot plafond, comme beaucoup d’autres, n’exprime qu’imparfaitement ce que l’usage lui a fait signifier. D’après sa composition, le mot sembleroit ne devoir s’appliquer qu’à des couvertures plates, et d’une surface plane. Cependant on en use également pour les couvertures cintrées, qu’on appelle voûtes. Par une conséquence fort naturelle, ces couvertures concaves empruntèrent aux couvertures plates, et leurs compartimens & leurs détails décoratifs, et l’on dit un plafond cintré.

Dès que l’on eut employé le bois et les solives, dans une direction horizontale, l’art de la charpente ne dut pas tarder à faire des voûtes en bois, et l’on ne seroit pas embarrassé d’en citer des exemples dans l’antiquité. Ainsi, le même procédé des caissons, lacunaria, fut appliqué à l’ornement des plafonds cintrés, et il suffit à cette simple excursion de notions historiques sur les plafonds, de rappeler au lecteur, ce grand nombre de voûtes antiques, décorées de caissons, qui, bien que différens de forme, n’en sont pas moins l’intervalle quadrangulaire, supposé formé par le croisement des solives, et rempli par la nécessité d’établir le plancher, qui n’est autre chose que la surface supérieure, opposée à la surface intérieure du plafond.

En architecture, tout procéda par analogie du simple an composé, du nécessaire à l’agréable. Ce fut ainsi que le caisson, forme simple et nécessaire des plafonds horizontaux, ayant été transporté, par la force de l’usage, dans les voûtes et les coupoles sphériques, comme ornement et décoration, le même esprit décoratif en varia les configurations, et de-là ces riches plafonds à compartimens de caissons octogones, et ornés de toutes sortes d’objets et de couleurs, dans leurs bandes, comme dans les renfoncemens à retraites ou à degrés.

Mais il dut arriver aussi que plusieurs convenances ayant porté à cacher les solives des plafonds, soit par des revêtemens en bois, soit par des enduits en superficie, offrirent à la peinture des champs favorables à l’ornement. Il en fut de même des voûtes construites en maçonnerie, c’est-à-dire, de matériaux propres à recevoir des couches plus ou moins épaisses de stuc, de plâtre, etc. Les plafonds, quelque forme qu’ils eussent, composés comme les murs de surface lisse, invitèrent le peintre à en faire les fonds habituels de ses dessins et des jeux de son pinceau.

Les plafonds furent donc décorés de peintures. Il n’entre point dans le sujet de cet article, de faire connoître en détail les diversités de compositions, que les restes de l’antiquité nous ont conservées. On trouve ces détails aux mots Décoration, Arabesque, etc. Ce qu’il importe seulement ici de faire observer, c’est le genre de décoration auquel la peinture des Anciens paroît s’être bornée dans les plafonds. On ne voit pas qu’elle soit sortie, à cet égard, des termes du genre qui nous appelons arabesque. Une multitude de chambres sépulcrales, les grandes salles qu’on appelle des thermes de Titus, et beaucoup d’autres, ont conservé des plafonds élégamment compartis en stucs, ou petits ornemens de bas-relief, en teintes plates, rehaussées de détails et de rinceaux d’autres couleurs, en figures légères, se dérachant sur des fonds lisses. L’art de la peinture en grand, si nous en croyons les espèces de tableaux sur mur, retrouvés sous les cendres du Vésuve, ne paroît pas s’être occupé des embellissemens des plafonds. Cet art, d’après le dire de Pline, et nous entendons l’art qu’exerçoient et professoient les grands peintres, dédaignoit, en Grèce, l’emploi de décorateur en bâtimens. Le peintre habile ne faisoit que des tableaux portatifs. Rien ne fait soupçonner que cela eût changé à Rome. On peut donc croire, sans crainte de se tromper, que l’antiquité ne connut point l’emploi de la peinture appliquée en grand, comme l’ont pratiquée les Modernes, à la décoration des voûtes et des plafonds.

La peinture de plafond, comme ornement de l’architecture, n’importe par quelle raison, s’agrandit dans les temps modernes. L’usage de la fresque, genre de peinture extrêmement approprié à la construction en briques, ou à la maçonnerie recouverte d’enduits composés de sable et de chaux, se prêta merveilleusement au nouveau genre de décoration.

Pour réduire ces notions, qui seroient le sujet d’un long ouvrage, mais plus particulier à la peinture qu’a l’architecture, nous ne remonterons pas ici au-delà du seizième siècle. Avant cette époque, au reste, on ne pourroit citer d’autres décorations de plafond, que celles qui se qui se combinoient avec les données de l’architecture.

Telle fut celle qu’adopta Michel Ange, dans la répartition des peintures dont il orna les voûtes et le plafond de la chapelle Sixtine. Adaptant ses compositions aux lunettes déjà pratiquées dans la voûte, il divisa toute sa superficie en grands espaces qui chacun ne donne d’autre idée, que celle de tableaux qui y seroient attachés.

Les plafonds des salles de Raphaël, au Vatican, n’ont pas d’autre système de décoration. Ce sont toujours des compartimens dont les espaces sont supposés renfermer des tableaux.

Nous voyons de même la vaste coupole de Saint-Pierre se diviser en un nombre quelconque de compartimens, dont les montans rappellent à l’œil et à l’esprit l’idée de l’architecture, et dont les vides reçoivent par étage des figures peintes en mosaïque, et qui semblent être une image de la hiérarchie céleste.

Les plafonds, dans les palais, furent alors exécutés selon le même esprit. Lorsque Raphaël, dans la loggia de la Farnesine, voulut orner de grandes compositions en figures le plafond de ce local, il le divisa en deux compartimens, où se trouvent représentés, comme on sait, d’un côté, l’assemblée ; de l’autre, le banquet des dieux pour les noces de l’Amour et Psyché. Le peintre, pour indiquer, de manière a ce que l’on ne pût pas s’y tromper, que c’étoit des peintures faites pour être vues verticalement, simula autour d’elles, en guise de cadres, des bordures de tapisserie, qui semblent fixées au plafond par des clous.

Jules Romain fit de même dans les décorations de ses plafonds du palais du TE à Mantoue, qu’il orna de peintures figurant des tableauk dans des compartimens, à l’exception de la salle des géans foudroyés, qui fut, de sa part, une sorte de caprice et un jeu hardi de son pinceau.

Annibal Carrache ne s’est point encore écarté de ce système, dans les décorations de la galerie du palais Farnèse ; les peintures de son plafond sont toutes en compartimens encadrés. Cependant Annibal Carrache a cru souvent devoir mettre des raccourcis dans ces sujets, par cela qu’ainsi devroient être vus, dans la nature, les objets réels, qui, de ce point de distance, se présenteroient au spectateur. Ainsi, peu à peu on perdit de vue la convention qui doit faire regarder de pareilles compositions, non comme faisant voir les objets eux-mêmes, mais uniquement comme des tableaux placés là par le décorateur.

A mesure que le génie de la peinture, aidé de la science de la perspective, des procédés de la décoration, de la pratique des raccourcis, ambitionna de plus vastes champs, le système des plafonds changea ; l’architecture ne présida plus ni au choix du genre de sujets analogues au local, ni à la disposition des espaces que le peintre devoit remplir ; le plafond ne fut plus même un espace réel pour la vue. La peinture en annula jusqu’à l’idée, en supposant une vaste ouverture, au travers de laquelle l’imagination du peintre fit voir dans les cieux et sur les nuages, tels spectacles, telles apparitions qu’il lui plut d’inventer.

Le premier grand modèle de ce genre de plafond fut, au palais Barberini, la composition de Pietro da Cortona, et au dire de tous les connoisseurs, elle n’a été égalée depuis par personne. Le peintre conserva toutefois dans les espaces de sa composition, des parties montantes d’une architecture feite.

L’usage des coupoles d’église qui, à cette époque, commençoient à se multiplier dans toutes les parties de l’Europe, ouvrit bientôt à la peinture des plafonds, des espaces encore plus indéfinis. Comme, par une sorte de réciprocité, chaque genre d’ouvrage produit les talens qui lui conviennent, et se reproduit aussi pur eux ; on vit, pendant plus d’un siècle, la peinture désertant les anciennes routes du simple, du naturel, du vrai, enfin de l’art des tableaux, se précipiter dans le genre de l’effet, de la magie, de la facilité ambitieuse du décorateur de théâtre, pour remplir ces cadres immenses où il ne s’agissoit plus que de masses, de groupes, de repoussoirs, destinés à heurter les yeux, à la distance de quelques centaines de pieds.

Les plafonds n’appartinrent donc plus à l’architecture ; le peintre en disposa à son gré, et bientôt ces espaces ne suffirent plus à l’immensité des scènes sans bornes que son esprit concevoit. Après avoir détruit la voûte de la coupole, pour nous introduire dans les cieux, il en vint à introduire les cieux eux-mêmes dans le local de l’église, et s’emparant de tous les espaces de l’architecture, les nuages et leurs groupes vinrent masquer jusqu’aux supports de la coupole, et toute une église devint bientôt une composition de peinture.

On voit de quel excès je veux parler, et à quels édifices cet abus s’applique. Ce n’est point à cet ouvrage qu’appartient la critique de ces abus, considérés dans leur rapport avec la peinture, qui gagne beaucoup moins qu’on ne pense à cette extension de cadre, de champ, de ressources et d’effets. Sans prétendre donc disputer à l’art de peindre les grandes compositions de plafonds et de coupoles, nous nous contenterons de répéter ici ce qui a déjà été dit dans un autre article (voyez Peinture), que l’architecte doit non-seulement présider au choix, au genre, et à la mesure des conceptions pittoresques du peintre, mais lui déterminer les emplacemens, et s’opposer à tout envahissement des effets de la couleur, sur les membres et les parties constituantes de l’édifice.

Il y a beaucoup de convenances dont on ne parle point ici, à observer pur le peintre, dans le choix des objets que traite un plafond, lorsque ce plafond est censé être une ouverture par laquelle, comme dans un dôme, le spectateur ne peut, vu l’élévation, s’attendre à voir autre chose que le ciel, et par conséquent des objets aériens. Cependant quelques peintres de plafond, perdant de vue la convention, non-seulement morale, mais même, si l’on peut dire, matérielle de leur composition, ont regardé l’espace livré à leur pinceau, comme un champ libre et tout-à-fait indépendant du local, et ont placé à ces hauteurs des arbres, des montagnes, et des sujets purement terrestres. Ce sont là de ces contradictions auxquelles l’architecte doit s’opposer, autant pour l’intérêt de la peinture, que pour celui de l’architecture.

On donne différens noms aux plafonds, soit à raison du genre de leur décoration, soit à raison de la matière dont ils sont composés, ou de leur forme.

Ainsi on dit :

Plafond cintré. Plafond fait en voûte plus ou moins exhaussée, plus ou moins surbaissée, par opposition au plafond proprement dit, ou horizontal.

Plafond de corniche. C’est le dessous du larmier d’une corniche. Il est ou simple, ou orné de sculpture. On l’appelle aussi soffite. Voyez ce mot.

Plafond en compartimens, est celui qui est divisé par l’architecte en espaces réservés à la peinture ou à d’autres ornemens, mais de manière que les séparations de ces espaces soient ou des encadremens ou des parties, soit feintes, soit réelles, qui fassent que la disposition entière du plafond appartienne ou semble appartenir à l’architecture du local.

PLAFOND EN PERSPECTIVE. Ce nom se donne à certains plafonds, dont l’ornement consiste en une composition d’architecture feinte.

PLAFOND EN PIERRE. C’est le dessous d’un plancher fait, ou de dalles de pierre dure, ou de pierres de haut appareil. Ces plafonds peuvent être simples et sans ornements, ou avec compartiments et sculpture, comme ceux de la colonnade du Louvre.

PLAFONNER, v. act. C’est revêtir le dessous d’un plancher, ou d’un cintre de charpente, avec des ais, ou de petites planches, etc.

PLAIN-PIED, s. m. Ce mot porte avec soi son explication par les deux mots dont il se compose. Plain vient du latin planus, uni, plat, et réuni au mot pied, il indique que, l’action du pied, en marchant sur le terrain qu’on appelle ainsi, ne rencontre aucune inégalité, ou autrement que le pied reste à plat.

Plain-pied signifie par conséquent, dans les édifices et les maisons, ou les terrains, soit un niveau parfait, soit un niveau de pente, sans pas, sans aucun ressaut.

On appelle chambres de plain-pied, des chambres d’un même étage, et toutes établies sur un même niveau.

On dit qu’il y a beaucoup de plain-pied dans une maison, pour dire que cette maison offre beaucoup d’étendue en longueur, et qu’on peut y parcourir de niveau une grande suite de pièces.

On dit dans ce sens un beau plain-pied.

PLAN, s. m. Ce qu’on appelle plan en architecture, ou plutôt dans l’art d’en dessiner les projets ou les ouvrages, les Anciens l’appeloient ichnographie. Or, le mot ichnos signifie l’empreinte de la plante du pied. Cette empreinte est véritablement à l’homme, ce que le plan est a un bâtiment.

Le plan dans le dessin de l’architecture, est la représentation de tous les corps solides qui composent les supports d’un bâtiment, qu’on suppose coupé horizontalement au-dessus du niveau du terrain qu’il occupe. Si l’on veut se figurer un édifice ainsi coupé, son plan est réellement l’empreinte qu’il laisseroit sur le terrain.

Il y a deux choses à considérer dans l’art de faire les plans.

L’une est purement technique, lorsqu’il ne s’agit que de lever le plan d’un édifice existant, et l’on y procède en relevant exactement les mesures des vides et des pleins. Si l’on entend encore par cet art, celui de réaliser la représentation des solides et de leur espace, par le moyen des lignes et des couleurs, cette sorte de procédé fort simple mérite à peine qu’on s’occupe de le décrire.

L’autre manière d’entendre et de considérer l’art de faire un plan, est beaucoup plus importante, car elle comprend la conception fondamentale d’un édifice, et ce qui, de la part de l’architecte, doit s’appeler la pensée, l’invention et le principe de la beauté des monuments.

C’est d’abord de la composition du plan que dépend le mérite, qui doit être, dans un édifice, le premier de tous, celui de l’utilité ; savoir : qu’il soit disposé en raison des besoins et des convenances qu’exige son usage. A cet égard, l’architecte habile est celui qui sait le mieux unir la commodité des services intérieurs, des dégagemens nécessaires, à une régularité toujours desirable ; cependant il y a un plaisir de symétrie, de correspondance uniforme entre toutes les parties d’un plan, auquel on doit se garder de tout sacrifier. Très-souvent cette symétrie, qui est un agrément pour l’œil, quand on regarde un plan, sera de nul effet dans l’élévation. Autant on doit y rester fidèle quand rien ne s’y oppose, autant il est du devoir d’y renoncer, pour satisfaire à l’obligation première de toute composition, celle d’être en rapport avec les besoins et l’emploi de l’édifice.

Il y a dans la composition du plan d’un monument, un mérite d’un autre genre, et qui s’adresse surtout à l’esprit et au goût, c’est celui du parti général, d’où dépendront la forme de l’édifice, son caractère, et ce qu’on doit appeler sa physionomie particulière.

Ce mérite dépendra, avant tout, de la forme que l’architecte adoptera dans son plan. Une figure circulaire donnera une toute autre idée d’un édifice, que ne le fera la figure quadrangulaire. Il y a quelque chose de contradictoire dans certains plans qui présentent pour l’entrée principale d’un monument, et eu avant de la façade, une partie convexe. Celle forme repousse au lieu d’inviter. Il dépend encore des données principales du plan, de l’emploi plus ou moins multiplié des colonnes, des masses plus ou moins solides, de caractériser l’édifice, en faisant connoitre que de semblables dispositions sont en rapport avec tels ou usages.

Le plan d’un édifice est ce qui détermine son élévation, et lorsque ce plan a été bien conçu, il doit en résulter aussi dans les masses qui s’élèveront dessus, un aspect agréable, par la seule corrélation que l’esprit y aperçoit.

Généralement, c’est la simplicité du plan qui donne de la simplicité à l’élévation, et du simple naît toujours le grand. Un plan découpé, contourné, produit une multiplicité de ressauts, de formes fausses, de lignes interrompues, qui rapetissent par trop de détails l’effet de l’architecture.

Le grand effet des temples des Grecs, provient de l’extrême simplicité de leurs plans.

Dans la partie didactique de l’architecture, on donne aux plans différences noms, selon les diverses manières de les tracer.

On appelle plan géométral, celui qui représente dans leurs proportions naturelles, tous les corps et tous les vides ; tels que les murs principaux et de refend la largeur des portes et des fenêtres, la distribution des escaliers, enfin de toutes les parties dont se compose un édifiée.

On appelle plan relevé, celui où l’élévation est dessinée sur le géométral, en sorte que la distribution en reste cachée.

On appelle plan perspectif, un plan qui est levé par des gradations, selon les règles du la perspective.

Lorsqu’on dessine ces plans, on marque les massifs d’un lavis noir. Les objets qui posent à terre se tracent avec des lignes ponctuées. On distingue les augmentations ou les réparations à faire, d’une couleur différente de ce qui est construit, et les teintes ou lavis de chaque plan se font plus claires, selon la hauteur des étagea qu’on représente.

On appelle plan en grand, celui qu’on trace dans la grandeur même de l’ouvrage, soit sur le terrain, avec, des lignes ou cordeaux attachés par des piquets, pour marquer les encoignures, les retours, les centres, à dessin de faire l’ouverture des fondations, soit sur une aire, pour servir d’épuré aux appareilleurs, et planter le bâtiment avec exactitude.

On appelle plan régulier, le plan qui se compose de figures régulières, c’est-à-dire, dont les côtés et les angles sont égaux ; et on appelle plan irrégulier, celui qui est biais ou de travers, en tout ou en partie, à cause de quelque sujétion.

Plan. (Jardinage.) On dira du plan d’un jardin, ce qu’on a dit de celui d’un bâtiment, On entend ce mot de deux manières, et il exprime deux choses.

L’une, la conception générale de l’ensemble d’un jardin, du genre régulier comme du genre irrégulier. Sous ce rapport, le plan est une chose qui dépend de l’imagination ou de l’intelligence de l’artiste. La carrière en ce genre est immense et indéfinie, tant sont variés les éléments et les matériaux de l’art du jardinage. Les exemples sont aussi innombrables, et les règles qu’on en peut déduire out trop de vague, pour qu’aucune théorie puisse les fixer.

La seconde manière d’entendre le mot plan, quant au jardinage, s’applique au procédé graphique du dessinateur. Sous ce point de vue, un plan de jardin est ordinairement relevé sur le plan géométral. Les arbres, les treillages et massifs y sont colorés én vert ; les eaux y sont teintes en bleu ; la terre est figurée de couleur grise ou rougeâtre.

PLANCHE, s. m. , se dit de toute pièce de bois refendue de peu d’épaisseur, de toute longueur et largeur, dont on se sert dans les ouvrages de menuiserie, et qui a de tres-nombreux emplois dans les bâtimens. Voyez Ais.

Planche (Jardinage.) C’est un espace de terre plus long que large, en manière de plate-bande isolée où l’on cultive des fleurs, et qu’on occupe encore par des arbustes fleuris. Ces planches, qui régnent ordinairement le long des parteries (voyez ce mot), sont ordinairement accompagnées par des sentiers, et ont des bordures formées de gazon, de buis ou d’autres plantes. Voyez Plate-bande.

PLANCHEΪER, v. act. C’est couvrir une aire quelconque de planches jointes à rainures ou languettes, arrêtées et clouées sur des lambourdes. C’est aussi revêtir un plafond d’ais minces, de panneaux de menuiserie, que l’on cloue aux solives.

PLANCHER, s. m. Ce mot vient de planche, comme sa formation l’annonce, et comme la composition même des planchers va le montrer encore mieux.

Un plancher est un bâtis ou un assemblage de solives, qui sépare les étages d’une maison. Cependant l’usage, qui se joue de l’étymologie et de la formation des mots, emploie le mot plancher à signifier l’aire d’un rez-de-chaussée, aussi bien que celle d’un étage voûté ou porté sur des solives. Il y a plus, on emploie indistinctement aussi le mot plancher pour synonyme de plafond ; et l’on dit d’un lustre, qu’il est suspendu au plancher d’une pièce, etc. Pour éviter cette confusion, il auroit été convenable de se servir du mot aire, area, qui désigne tout sol de niveau, soit à rez-de-chaussée, soit sur voûtes, soit sur solives. C’est aussi a ce mot (voyez Aire) que nous renvoyons le lecteur, pour toutes les notions relatives surtout à l’antiquité.

Le mot plancher, nous l’avons déjà dit, nous apprend qu’originairement les aires que l’on appeloit ainsi, étoient formées et recouvertes de planches, et le mot latin tabulatum, qui dit la même chose que le mot français, est une nouvelle preuve de l’ancien usage des planches employées a former les superficies des planchers ou des plafonds. Cet usage est encore général dans bien des pays, où le bois seul fait les frais de cette partie de la construction des maisons.

Cependant les étages dont les planchers ne sont formés que de solives et de planches, s’ils ont l’avantage de l’économie et de la légèreté, ont aussi l’inconvénient d’être incommodes à ceux qui habitent les logemens inférieurs, à cause du bruit que font les habitans du logement supérieur. Aussi, la où est établi l’usage de ces planchers (comme en Angleterre), est-on obligé d’étendre des tapis qui amortissent le bruit.

Les planchers se construisent de diverses manières, selon que les maisons elles-mêmes sont destinées à recevoir dans leur hauteur, et le nombre de leurs étages, plus ou moins de solidité.

Il y a des pays (comme à Naples), où les maisons, formées d’un grand nombre d’étages, ont des planchers dont les solives reçoivent une couche fort épaisse de maçonnerie revêtue d’un enduit susceptible d’un beau poli. On en dira autant des planchers de Venise, où l’on emploie encore dans le massif de l’aire qui recouvre les solives, une composition de mortier mêlé d’éclats de marbre, qui donne à toute la superficie l’apparence d’être entièrement de marbre.

Les planchers, dans le plus grand nombre des pays, se composent d’un massif, soit de mortier, soit de plâtre, qu’on recouvre, soit avec des briques, soit avec des carreaux de terre cuite.

Tel est à Paris l’usage le plus général dans les maisons et pour les logemens ordinaires. On y emploie aussi le bois, soit en planches, dans beaucoup de rez-de-chaussée, de salles basses et de boutiques, soit dans les appartemens plus importans, en compartimens de parquet ou de marqueterie. (Voyez ces deux mots. ) On a parlé aussi au mot Pavé, de toutes les matières plus précieuses dont on réserve l’emploi aux édifices publics ou particuliers, qui comportent et plus de luxe et une plus grande solidité. Voyez Pavé.

A l’égard du plancher considéré, ainsi que l’a voulu l’usage, comme synonyme de plafond, nous avons montré à son article, qu’il se composa originairement des solives et des intervalles qu’elles laissent entr’elles, lorsqu’elles se croisent ; de- la forme des caissons. Dans quelques pays, à Rome surtout, c’est encore des compartimens des solives que résultent les ornemens des planchers. L’art ensuite, ajoutant des compartimens plus variés à ceux de la construction naturelle, se plut à revêtir en bois de menuiserie sculptée, peinte ou dorée, les solives auxquelles ces ornemens furent cloués.

Mais à Paris, dans le plus grand nombre des bâtimens et des maisons, les planchers se font en plâtre qui s’attache aux lattes clouées sur les solives, et qui forme des enduits superficiels fort unis et assez durables.

On donne aux planchers différens noms, selon la diversité de leurs formes ou de leur, construction. L’on dit :

Plancher affaissé ou arêné. C’est un plancher qui, n’étant plus de niveau, penche d’un côté ou d’un autre, ou qui se courbe vers le milieu, parce que sa charge est trop pesante, que ses bois sont trop foibles.

Plancher creux, est celui dont la charpente est lattée par-dessus à lattes jointives, recouvertes d’une fausse aire de deux ou trois pouces d’épaisseur, sur laquelle on pose le carreau, et qui est lattée de même par-dessous, et enduite en plâtre ou mortier de bourre, pour former le plafond de l’étage inférieur.

Plancher enfoncé. Plancher dont les entrevoux sont couverts d’ais, ou d’un enduit sur lattis, par en haut, et dont les bois restent apparens en bas ou par-dessous.

Plancher hourdé, est celui dont les bois de charpente ont leurs entrevoux couverts par-dessus avec ais ou lattes, et maçonnés grossièrement pour recevoir la charge et le carreau, ou les lambourdes d’un parquet.

Plancher plein, celui dont les entrevoux sont remplis de maçonnerie et enduits à fleur de solive, dont les bois de solives restent apparens ou sont recouverts de plâtre, comme cela se pratiquoit autrefois. Cette sorte de planchers n’est plus en usage, à cause de leur trop grande pesanteur.

Plancher ruiné et tamponné. Plancher dont les entrevoux sont remplis de plâtre et de plâtras, retenus par des tampons ou fentons de bois, avec des rainures (voyez ce mot) hachées aux côtes des solives.

Plancher de plate-forme. (Architecture hydraulique.) C’est, sur un espace peuplé de pilots, une aire faite de plates-formes, ou madriers posés en chevauchure sur des patins et racineaux, pour recevoir les premières assises de pierre de la culée ou de la pile d’un pont, d’un môle, d’une digue, etc.

PLANT, s. m. (Jardinage.) Ce mot s’applique dans le jardinage, et s’entend de deux manières.

On appelle plant d’arbres, ce qu’on désigne aussi par le nom de pépinière, c’est-à-dire, un lieu où l’on élève, du jeunes arbres, où l’on a planté des arbrisseaux. Les grands jardins ont ordinairement de ces plants, où l’on prend les sujets qui doivent remplacer ceux qui manquent par vétusté, ou pour toute autre cause. Ces plants utiles, ne laissent pas d’être encore un agrément dans les jardins, surtout ceux qui sont d’une grande entendue.

On appelle plant d’arbres, un, espace, planté d’arbres avec symétrie ou dans un ordre quelconque, comme sont les avenues qui conduisent à un, château, les quinconces, d’un, jardin, régulier, les bosquets, et assez généralement toutes les dispositions d’arbres, qu’on destine à servir de promenade publique.

PLANTER, v. act. (Jardinage.) Ce mot se dit généralement de l’action de mettre en terre une plante, soit en germe, soit déjà lavée, pour qu’elle prenne racine et qu’elle croisse. Ceci regarde la science du jardinage, et est étranger à l’art des jardins d’agrément, ou du moins à la théorie, qui ne les considère que sous le rapport du goût.

On ne dira donc ici que deux mots sur l’action de planter les arbres dans les jardins. Ordinairement on y plante l’arbre déjà grand et élevé dans la pépinière, on en rafraîchit les racines, en les raccourcissant, on l’enterre ensuite dans le trou préparé pour le recevoir, et on comble ce trou au niveau du terrain. Une autre méthode de planter les arbres déjà grands, est de les enlever en motte du terrain qu’ils occupoient, c’est-à-dire, en cernant l’arbre tout à l’entour, avec la terre à une certaine distance, et de l’enlever avec la terre environnante, pour le transporter ainsi dans le trou qu’on lui a préparé, Cette méthode à l’avantage de ne déranger en rien les racines de l’arbre, qui, en changeant de place, ne change point de terre.

On dit, planter un parterre. C’est former avec du buis nain ou de petites fleurs, des compartimens de broderie, sur un terrain bien dressé, en suivant exactement le tracé du dessin. Voyez Parterre.

Planter. On emploie métaphoriquement ce mot en architecture, pour exprimer les premiers travaux de la construction d’un édifice, comme, par exemple, le tracé de toutes les parties dont il doit se composer, sur le terrain qu’il occupera, pour faire les fouilles des fondations ; comme la bâtisse et la maçonnerie des fondemens ; comme encore la disposition des premières assises de pierre dure qu’on établit sur ces fondemens.

On dit planter, pour dire, dans l’architecture hydraulique, enfoncer des pieux avec la sonnette, au refus du mouton ou de la hie.

On dit planter les piquets qui servant à prendre des alignemens.

On dit de même au figuré, planter une croix, planter des bornes, planter des piliers, planter des jallons, etc.

On dit d’une maison qu’elle est bien plantée, pour dire qu’elle est bien située, qu’elle est bâtie dans une situation agréable.

PLAQUE, s. f. Ce nom s’applique de préférence aux travaux de métal. On dit une planche de bois, une table de marbre, une plaque de bronze.

On se sert du mot plaque surtout, pour désigner ces garnitures du fond des cheminées, qu’on fait en fer fondu. On dit plaque de fonte. Voyez Atre et Contre-cœur.

PLAQUER, v. act. En terme d’art, plaquer signifie généralement, appliquer un corps plat sur un autre, une feuille de bois, de métal, sur un autre bois, un autre métal, et surtout un bois plus précieux, un métal plus rare, sur ce qui est moins rare ou moins précieux. Voyez Placage.

On dit plaquer du mortier, du plâtre. C’est l’employer avec la main, ce qu’on appelle en gobetage.

Plaquer du gazon, c’est étendre sur une terre preparée, des planches de gazon enlevé avec sa terre, et qu’on bat pour l’incorporer au nouveau terrain.

PLASTRON, s. m. Ornement de sculpture, en manière d’anse de panier, avec deux enroulemens.

PLATEAU, s. m. Vient du mot plat, et signifie une sorte de meuble plat sur lequel on pose, soit des vases, soit d’autres objets. L’idée de plateau se joint toujours a celle de support plat. C’est pourquoi on appelle

Plateau, une butte, une élévation dont le terrain est uni, et dont la surface supérieure est assez plate, pour qu’on puisse y bâtir ou y élever quelque monument.

PLATE-BANDE, s. f. Ce terme, composé des deux mots plat et bande, exprime, dans l’architecture, certains membres qui réunissent ces deux idées.

On donne ordinairement le nom de plate-bande aux pierres dont se compose l’architrave, dans la construction des ordonnances, des péristyles, des colonnades.

Les Anciens eurent l’usage de faire d’un seul bloc les plates-bandes qui posoient sur les axes de deux colonnes, et formoient l’entre-colonnement ; mais ils y employoient ou des marbres, ou des pierres d’une dureté équivalente, et l’on ne voit pas dans les restes nombreux de leurs temples, que jamais ces espèces de poutres eu pierre se soient fendues dans leur milieu. Cependant il faut dire qu’en général, leurs plates-bandes en pierres, surtout dans leurs temples encore si nombreux aujourd’hui, d’ordre dorique, n’avoient pas une portée extraordinaire. L’ordre dorique tel qu’ils le pratiquoient, ne comportoit guère d’autre largeur dans son entre-colonnement, que celle du diamètre inférieur de la colonne, ou d’un diamètre et demi de sa partie supérieure au-dessous du chapiteau. Cette largeur étoit encore diminuée par la très-grande saillie de l’échine et de l’abaque du chapiteau.

La nature des pierres que l’architecte trouve à employer, doit entrer dans les calculs qui commandent au choix, de son ordonnance, à ses proportions, à la mesure de l’ensemble et au parti de sa composition.

Nous en voyons un exemple remarquable dans la disposition et la construction du grand temple de Jupiter Olympien à Agrigente. Plusieurs temples encore existans dans les ruines de cette ville, ont leurs plates-bandes d’entre-colonnement faites d’un seul morceau. Cependant la pierre dont étoient bâtis tous ces temples, ne donnant ni des blocs d’une dimension indéfinie, ni une consistance suffisante pour une grande étendue de plates-bandes, l’architecte qui eut à élever dans une dimension double des autres monumens de cette ville, le temple colossal de Jupiter, prit la parti de supprimer les colonnades isolées du genre des périptères, et eut recours au pseudopériptère, c’est-à-dire, à une ordonnance de colonnes engagées dans le mur, parce qua la pierre du pays n’auroit pu supporter l’étendue des plates-bandes que le périptère auroit exigée. Par la même raison, il ne fit point de péristyle ou de pronaos saillant en avant, et porté sur des colonnes isolées. Dès-lors les plates-bandes de l’architrave se trouvant également engagées dans le mur, il put les composer dans chaque entre-colonnement d’un nombre de pièces plus ou moins grand.

Les Anciens n’ont point connu, du moins en grand, la méthode des plates-bandes d’entre-colonnemens à claveaux, c’est-à-dire, taillées de façon à former une voûte plate. (Voyez Claveau. ) Là où l’on veut introduire les colonnes isolées dansles péristyles, et où la nature ne fournit pas de pierres assez étendues et assez, consistantes pour faire l’architrave ou la plate-bande de l’entre-colonnement d’un seul bloc, on use de plates-bandes à claveaux. Ainsi sont construites, à Paris, les colonnades du frontispice du Louvre, celles de la place Louis XV. Ainsi sont formées les architraves du grand péristyle de l’église de Sainte-Geneviève. Le plus grand inconvénient de ce genre de construction, est l’emploi du fer qu’on est obligé de mettre en œuvre pour retenir les claveaux de la plate-bande dans son niveau, et empêcher la poussée de cette voûte plate.

Plate-bande. C’est le nom d’une moulure carrée, plus haute que saillante.

Dans l’ordre dorique, on appelle ainsi la face qui passe immédiatement sous le triglyphe. Elle est à cet ordre ce que la cymaise est aux autres ordres.

On dit :

Plate-bande arrasée. C’est une plate-bande dont les claveaux sont d’une hauteur égale et ne font pas liaison avec les assises supérieures.

Plate-bande bouchée. Un appelle ainsi la fermeture ou le linteau d’une porte ou d’une croisée, qui est bombée dans l’embrasure ou dans le tableau, et qui est droite par son profil.

Plate-bande circulaire, est celle qui forme l’architrave d’un édifice circulaire, comme sont les temples dits de Vesta et de la Sibylle, ou comme sont les porches de quelques monumens. Tel est celui de l’église de Saint-André, bâtie par Bernin, sur le mont Quirinal, dont la plate-bande, quoiqu’avec beaucoup de portée, a été rendue solide par l’artifice de son appareil.

Plate-bande de baie. C’est la pierre qui sert de linteau à une porte et à une fenêtre, ou bien l’assemblage de claveaux qui tiennent lieu d’un bloc unique. Dans ce dernier cas, leur nombre doit être impair, afin qu’il y en ait un qui serve de clef. Ces claveaux sont ordinairement traversés par des barres de fer, quand la plate-bande a une grande portée ; mais il vaut mieux les soulager par des arcs de charge, bâtis en dessus.

Plate-bande de compartiment, se dit de toute face plate, qui occupe l’intervalle entre deux moulures, dans les compartimens des lambris et des plafonds.

Plate-bande de fer. Barre de fer encastrée sous les claveaux d’une plate-bande de pierres, dont elle soulage la portée.

— se dit aussi de toute Barre de fer plat, ornée de moulures aux deux bords, dont on garnit les barres d’appui des balcons et des rampes d’escalier.

Plate-bande de parquet. C’est un assemblage long et étroit, avec compartiment en losange, qui sert de bordure au parquet d’une pièce d’appartement.

Plate-bande de pavé. Nom général qu’on donne à toute dalle de pierre, ou tranche de marbre, qui, dans les compartimens d’un pavé, sert d’encadrement à un dessin de figures ou d’ornemens quelconques. On nomme de même, dans les pavemens intérieurs d’un édifice, ces larges bandes qui répondent par terre à la surface des arcs doubleaux des voûtes.

Plate-bande. (Terme de jardinage.) Espèce de planche garnie d’arbrisseaux, de fleurs, et bordée de buis nain ou d’autres plantes, qui forme un des principaux ornemens des parterres dans les jardins du genre régulier.

Ceux qui ont écrit sur la théorie et sur la pratique de ce genre de jardinage, distinguent quatre sortes de plates-bandes.

Les premières renferment une espèce de broderie dans un parterre. On les laboure en dos-d’àne, et on les garnit de fleurs, d’arbrisseaux et d’ifs.

La seconde espèce de plate-bande est coupée en compartimens, d’espace en espace, par de petits passages, et elle est en dôme ; on l’orne de fleurs et d’arbrisseaux.

Les plates-bandes de la troisième espèce sont unies et plates, sans fleurs, avec un simple massif de gazon au milieu, bordé de deux petits sentiers ratissés et sablés. On les orne quelquefois d’ifs et d’arbrisseaux, ou bien de vases, de pots de fleurs, posés sur des dés de pierre, et placés par symétrie au milieu du massif du gazon.

Enfin les plates-bandes de la quatrième classe sont toutes nues, et simplement sablées ; telles sont celles des parterres d’orangers. On les pratique aussi le long des murs et des palissades de jardins.

La proportion ordinaire des plates-bandes est de quatre pieds de large pour les petites, et de cinq ou six pour les grandes. Celles-ci sont toujours tenues bombées ou en dos-d’âne.

PLATÉE, s. f. , Se dit d’un massif de maçonnerie qu’on établit dans toute l’étendue des fondemens d’une maison quelconque. Lorsque ce massif est arrasé de niveau, à une hauteur convenable, on trace sur sa surface les differentes parties de l’édifice qu’il s’agit d’élever.

PLATE-FORME, s. f. Ce mot, dans les ouvrages de la nature, comme dans ceux de l’art, signifie tout terrain élevé, offrant une superficie plane et unie.

Ainsi, on dit qu’une montagne se termine par une plate-forme ; qu’une maison, une terrasse, occupent une plate-forme ; qu’un édifice est couronné par une plate-forme, d’où l’on a une belle vue.

Dans l’architecture, on donne le nom de plate-forme à la couverture d’une maison, d’un édifice, qui n’ont point de comble, et qui ont pour couverture une terrasse, soit voûtée, soit pavée en dalles de pierres, soit formée de ciment, soit revêtue en plomb. Voyez Terrasse.

Dans le Levant, tous les édifices sont surmontés de plates formes. Toutes les maisons de la ville de Naples ont de semblables couvertures, formant, au haut des maisons, une terrasse avec un petit mur d’appui sur la rue.

Le bâtiment de l’Observatoire, à Paris, se termine par une très-grande plate-forme, destinée à porter les instrumens astronomiques, et à faire des observations dans le ciel. Voyez Observatoire.

Plate-forme, dans l’art de la charpente, se dit de pièces de bois plates, assemblées par des entretoises, en sorte qu’elles forment deux cours, ou deux rangs, dont celui de devant reçoit, dans des pans entaillés par un embrèvement, les chevrons d’un mur, et qui portent sur l’épaisseur des murs. Quand ces plates-formes sont étroites, comme pour de foibles murs, on les nomme sablières.

Plates-formes. (Terme d’architecture hydraulique.) On les appelle plates-formes de fondation. C’est un assemblage de pièces de bois plates, arrêtées avec des chevilles de fer sur un pilotage, pour asseoir dessus la maçonnerie, ou bien en pièces de bois posées sur des racineaux, dans le fond d’un réservoir, pour y élever un mur de douve.

Voici comme on construit une plate-forme sur pilotage :

On enfonce, le plus qu’il est possible, des pieux de bon bois de chêne rond, ou d’aulne, ou d’orme ; on remplit tout le vide avec des charbons ; par-dessus les pierres, on place, d’espace en espace, des poutres de huit à neuf pouces, que l’on cloue sur la tête des pieux coupés d’égale hauteur. On attache ensuite sur ces poutres de grosses planches de cinq pouces d’épaisseur, et l’on a une espèce de plancher, qui est ce qu’on appelle la plate-forme.

PLATINE, s. f. C’est Une petite plaque de fer sur Laquelle est attaché un verrou ou une targette. On appelle platine à panaches celle qui est chantournée en manière de feuillages, et platine ciselée, celle qui est amboutie ous relevée de ciselures.

Platine de loquet. Sorte de plaque de fer plate et déliée, qu’on attache à la porte, au-dessus de la serrure. On l’appelle aussi entrée.

PLATRAS, s. m. pl. Morceaux de plâtre qu’on tire des démolitions, et dont les plus gros servent pour faire les hauts des murs de pignon, les panneaux des pans de bois et cloisons, les jambages de cheminée, etc.

PLATRE, s. m. Pierre qu’on tire des entrailles de la terre, qu’on fait cuire dans un four, à feu égal et modéré, qu’on réduit ensuite en poudre, et qui, étant gâché avec de l’eau, sert de liaison aux ouvrages de maçonnerie.

On distingue plusieurs sortes de plâtres : celui qu’on trouve aux environs de Paris, en forme de pierre, et celui qui se trouve sous la forme de feuilles de talc, que les Anciens appeloient gypsum, et qu’on appelle encore de même. On s’en sert pour les ouvrages plus précieux, et pour faire ce qu’on nomme du stuc.

Le plâtre peut être considéré comme une espèce de chaux, mais il n’a besoin d’aucun autre mélange que celui de l’eau, pour former un corps solide, d’une dureté moyenne. Par cette seule raison, il seroit préférable au mortier, s’il pouvoit résister plus long-temps aux intempéries de l’air et à l’humidité. Malgré cet inconvénient, le plâtre est une matière fort commode pour la construction des maisons ordinaires, surtout à Paris, où il est de bonne qualité, et lorsqu’il est employé convenablement. Comme cette matière s’attache également aux pierres et aux bois, on s’en sert avec avantage pour la construction des murs, des voûtes, et pour les enduits. Le plâtre résiste encore à l’action du feu dans les âtres et les cheminées. Ses emplois sont très-nombreux. On en recouvre les cloisons de tout genre, les pans de bois, les planchers, etc. ; en sorte que depuis le rez-de-chaussée jusqu’au toit, une maison peut être toute revêtue en plâtre, et paroître non-seulement d’une seule matière, mais, on peut le dire, d’une seule pièce.

Il y a une différence essentielle à connoître entre le plâtre et le mortier, c’est que le plâtre gâché augmente de volume en faisant corps, au lieu que le mortier diminue, surtout lorsqu’il n’a pas été massivé. C’est pourquoi il y a des précautions à prendre lorqu’on se sert du plâtre pour certains ouvrages, tels que les voûtes, les cheminées qu’on adosse aux murs isolés, les plafonds et autres objets.

Les Anciens firent peu d’usage du plâtre dans leurs constructions ; il paroît qu’ils ne s’en sont servis que pour les enduits intérieurs, encore ne l’employoient-ils pas pur. Vitruve en blâme l’usage, parce que le plâtre faisant corps plus promptement que le mortier avec lequel on le mêle, l’enduit est sujet à gercer. Peut-être, là où il étoit abondant, l’employoient-ils, comme nous, dans la construction des maisons ordinaires. Comme cette matière dure peu, en comparaison du mortier, il peut se faire que ses enduits soient détruits depuis long-temps.

Le meilleur procédé pour cuire la pierre à plâtre, consiste à lui communiquer d’abord une chaleur modérée, pour dessécher l’humidité qu’elle contient. On augmente ensuite graduellement le feu, pour lui donner le degré de cuisson convenable, ce qui exige environ vingt-quatre heures. Lorsque le plâtre n’est pas assez cuit, il est aride et ne forme pas un corps assez solide. Lorsqu’il a éié trop cuit, il perd, quand on le gâche, ce que les maçons appellent amour, c’est-à-dire, qu’il n’est pas assez gras. Si le plâtre est cuit à propos, l’ouvrier sent, eu le maniant, qu’il a de la douceur sous les doigts, et qu’il s’y attache. C’est à cette propriété qu’il distingue la bonne qualité du plâtre.

Aussitôt qu’il est cuit, il doit être réduit en poudre, ce qu’on fait, soit en le battant, soit en l’écrasant avec des meules ou des cylindres de pierre. Pour peu qu’il soit exposé à l’air, il perd de sa qualité. Le soleil, en échaussant, le fait fermenter, l’humidité diminue sa force, et l’air emporte la plus grande partie de ses sels. C’est ce qui lui fait perdre son onctuosité, et la faculté de durcir promptement, comme de former un corps solide. Dans cet étal, le plâtre ne s’unit que foiblement aux matières qu’il doit lier, et l’on voit bientôt gercer les enduits auxquels il a été employé.

Lorsqu’on ne peut pas employer le plâtre aussitôt qu’il est cuit ou battu, ce qui arrive dans les pays où il est rare, et où l’on est obligé de le tirer de loin, il faut le faire venir en pierre avant qu’il cuit, ou bien il faut le renfermer dans des tonneaux, et le placer dans des endroits, où il soit également à l’abri et de l’humidité et de l’ardeur du soleil.

Quand on a des ouvrages précieux à faire, on choisit les pierres les mieux cuites, et on les fait écraser à part, avant que ceux qui préparent le plâtre aient fait le mélange des unes et des autres.

Pour gâcher le plâtre, à Paris, il faut autant d’eau que de plâtre ou environ. On commence par mettre l’eau dans l’auge ; on ajoute ensuite le plâtre en le semant avec la main ou avec la pelle, jusqu’à ce qu’il atteigne, ou à peu près, la surface de l’eau. Alors, on le remue avec une truelle, jusqu’à ce qu’il forme une pâle d’une consistance égale. Plus le plâtre est fort, plus il faut que cette opération se fasse vîte, afin que le maçon ait le temps de l’employer avant qu’il commence à se durcir.

On met plus ou moins d’eau pour gâcher le plâtre, en raison des ouvrages qu’on a à faire. Si l’on a besoin que le plâtre ait toute sa force, on n’y met que la quantité d’eau nécessaire pour l’employer tout de suite. C’est ce que les maçons appellent gâcher serré. Lorsqu’on y met plus d’eau, ils disent gâcher clair ; dans ce dernier cas, le plâtre donne plus de temps pour l’employer.

Il y a des ouvrages pour lesquels on est forcé de gâcher encore plus clair, comme, par exemple, lorsqu’il s’agit de l’étendre sur de grandes surfaces, pour faire des enduits.

Enfin, lorsqu’on doit remplir des vides, où la truelle et la main ne peuvent pas atteindre, comme pour sceller quelques dalles de revêtement, ou des marches, on emploie le plâtre, ce qu’on appelle par coulis. Ce plâtre extrêmement clair se verse par des godets placés de manière à ce qu’il puisse, en coulant, s’introduire dans toutes les cavités. On ne doit pas s’attendre qu’ainsi délayé, le plâtre puisse former un corps bien solide. Aussi ne l’emploie-t-on le plus souvent ainsi, que lorsque les corps qu’il faut sceller n’ont pas besoin d’une forte liaison, et tels sont les joints verticaux ou d’à-plomb. Il ne faut point user de ce procédé pour les lits horizontaux.

Les emplois du plâtre dans les bâtimens sont innombrables, on l’a déjdit. Un des plus usuels, et pour lequel cette matière est très-propre, est l’emploi des scellemens de gonds et de serrures.

Depuis quelques années, on a imaginé d’employer encore le plâtre à former des murs de cloison d’une nouvelle manière. On en fait de grands carreaux d’un pied et demi de long, sur un pied de large et deux pouces d’épaisseur. On les pose de champ, les joints se scellent en creusant dans l’épaisseur un espace qu’on remplit de plâtre gâché. Il ne faut employer ces carreaux que quand ils sont bien secs. Généralement on n’en use que pour faire très-promptement des cloisons de petite distribution, dans les appartemens qu’on veut habiter de suite, et afin d’éviter les effets dangereux, qui résultent de l’évaporation de l’humidité dans les plâtres frais.

Quoiqu’on puisse employer le plâtre pour bâtir dans toutes les saisons, il est cependant d’une bonne économie de ne le faire, surtout à l’extérieur, que dans les saisons où il peut avoir le temps de sécher, ou, comme le disent les ouvriers, de se ressuyer. Les ouvrages en plâtre, faits à la fin de l’automne et dans l’hiver, sont de peu de durée, et sujets à se fendre ou à tomber par éclats. Le froid condensant l’humidité de l’eau avec laquelle il a été gâché, amortit les sels du plâtre, qui reste alors sans liaison.

On donne au plâtre différens noms, suivant la nature de ses qualités ou celle de ses emplois.

Ainsi l’on dit :

Plâtre blanc. C’est celui qui a été ce qu’on appelle tablé. Cela veut dire qu’on l’a purgé du charbon en le tirant du four.

Plâtre clair, est le plâtre au sas, qui est gâché avec beaucoup d’eau, et dont les maçons se servent pour ragréer les moulures traînées.

Plâtre cru. C’est la pierre à plâtre, qui est propre à cuire. On s’en sert aussi quelquefois, au lieu de moellons, dans les fondations. Le meilleur est celui qu’on laisse à l’air avant de l’employer.

Plâtre éventé. On appelle ainsi le plâtre qui, après avoir été cuit et réduit en poudre, a été quelque temps exposé au grand air, au soleil ou à l’humidité, qui dès-lors a perdu ses bonnes qualités, et ne peut produire que de mauvais ouvrages.

Plâtre gras. Plâtre qui, ayant été bien cuit, est le plus aisé à manier, est onctueux entre les doigts, et le meilleur à l’emploi, parce qu’il se prend aisément, se durcit de même et fait bonne liaison.

Plâtre gris. C’est la deuxième qualité de la pierre à plâtre. Elle est plus tendre et plus facile à cuire.

Plâtre gros, ou gros plâtre. C’est le plâtre qu’on emploie tel qu’il est sorti du four, sans avoir été battu ni passé. On s’en sert aussi pour épigeonner. — On appelle encore gros plâtre les gravois qui restent dans le panier, après qu’on l’a passé ou criblé ; on s’en sert pour les renformis et hourdis.

Plâtre mouillé, est celui qui a été exposé à l’humidité ou à la pluie, et n’est plus bon à être employé.

Plâtre noyé, celui qui est gâché avec une grande quantité d’eau, pour le rendre coulant. On l’emploie pour ficher les joints de pierre.

Plâtre au panier, est celui qu’on a criblé à travers un panier, et dont on se sert pour faire les crépis.

Plâtre au sas, est celui qu’on a passé à travers un tamis, et dont on se sert pour les enduits et moulures, et pour les ornemens de sculpture.

Plâtre serré. Plâtre qui est gâché avec peu d’eau, et qu’on emploie ainsi pour remplir des crevasses, et former les soudures des enduits.

Plâtre tablé. Voyez Plâtre blanc.

PLATRES, s. m. pl. On nomme ainsi généralement tous les légers ouvrages en plâtre d’un bâtiment, comme les enduits, ravalemens, lambris, corniches, languettes de cheminée, plinthes, scellemens, etc.

On marchande ces ouvrages séparément des autres, à des compagnons maçons.

On appelle encore au pluriel, plâtres de couvertures, les mêmes ouvrages faits en plâtre par les couvreurs, pour arrêter les tuiles ou les ardoises sur les entablemens, ou le long des murs et des lucarnes. Tels sont les arêtiers, crossettes, cueillies, filets, paremens, ruellées, solins, etc.

Plâtres, au pluriel, se dit encore des ouvrages de sculpture, moulés et coulés en plâtre, dans des creux, comme frises, rosaces de plafond, coins de corniches, masques, festons, bas-reliefs, etc.

PLATRER, v. act. Employeur du plâtre à quelque ouvrage.

PLATRIER, s. m. C’est le nom de celui ou qui tire du plâtre de la terre, ou le fait cuire, le bat, et le vend aux maçons.

PLÂTRIÈRE, s. f. Nom qui est commun et à la carrière d’où on tire la pierre à plâtre, et au lieu où on la cuit dans les fours.

Les meilleures plâtrières sont celles de Montmartre près Paris.

PLEIN, adj. m. Ce mot, en architecture, exprime les parties construites et massives, dans l’élévation d’un édifice, comme piédroits, trumeaux, murs, colonnes, piliers, etc. , par opposition aux parties vides, comme fenêtres, arcades, ouvertures de portes, entre-piliers, entre-colonnemens, etc.

L’accord entre les vides et les pleins est un des mérites de l’architeure, et une des qualités que l’artiste doit s’étudier à rendre sensibles. Le plein, comme on l’a vu, étant tout ce qu’on appelle massif dans un bâtiment, est ce qui, non-seulement en produit la solidité, mais en produit aussi et l’idée et la conviction, à l’œil du spectateur. Or, cette idée est aussi nécessaire au plaisir, que la réalité l’est au besoin. Les trop grandes légèretés peuvent étonner l’œil, mais elles importunent bientôt l’esprit ; et comme jamais l’architecture ne peut, dans ses ouvrages, se séparer du principe qui les commande, savoir, un besoin quelconque, le premier de tous les besoins étant la sécurité de ceux, pour qui l’édifice est fait, c’est une nécessité, pour nous plaire, que cet édifice ne nous donne aucune inquiétude.

C’est là une des raisons de l’accord du vide et du plein dans toute construction. La nature seule des moyens de bâtir et des matériaux, met des bornes à l’abus du merveilleux, qu’on peut chercher à produire, par l’économie des pleins. Cependant on a vu quelquefois l’art de bâtir avoir recours à des moyens artificiels, pour se procurer le plus de vides possibles. Mais ces tours de force, lors même qu’on est rassuré sur l’effet de la solidité, ont toujours l’inconvénient de laisser dans l’esprit un sentiment d’inquiétude.

On peut se convaincre de la réalité de ce sentiment dans certaines constructions, telles que celles des ponts, où plus d’une sorte de raison, soit celle des crues d’eau, soit celle du peu de hauteur des berges, obligent ou de donner plus d’évasure aux arches, ou d’en surbaisser le cintre, par conséquent d’y augmenter le vide et d’y diminner le plein, autant qu’il est possible. Comme, soit dans la réalité, soit surtout pour les yeux, la ligne des arcs surbaissés offre une moindre idée de durée et de solidité, il est certain que l’on préfère la forme de voûte plein-cintre, où le plein et le vide sont dans un meilleur accord.

Dans les façades de maison, il faut également observer un rapport entre le vide des fenêtres, et le plein de leurs trumeaux. On ne parle ici que des maisons qui permettent de s’occuper du bon goût. Rien à prescrire pour toutes celles que des projets de location, de commerce, de convenances locatives, font élever, partout où on ne s’occupe d’autre intérêt que de celui de l’argent. Les maisons dont on parle n’appartiennent plus à l’architecture. Ce sont des espèces de cages, où l’on voudroit que les pleins n’eussent d’épaisseur que celle des grilles. En général, la moindre largeur des pleins qui forment les trumeaux, devroit être égale à celle des vides qui forment les fenêtres. En Italie, les pleins, dans les façades des palais, ont ordinairement beaucoup plus, et rien ne donne un plus bel aspect à la masse générale. Il est toutefois quelques palais, où les trumeaux ont tant de largeur, que l’idée de tristesse pour l’intérieur, et de pesanteur à l’extérieur, vient dénoncer à l’œil et à l’esprit cette sorte d’excès, et en fait sentir aussi l’abus.

C’est dans les intérieurs d’églises, que l’harmonie entre le plein et le vide, contribue particulièrement au bon effet que l’œil en attend. Généralement, et on doit le dire, l’excès du vide dans ces intérieurs, a l’avantage de les faire paroître plus spacieux qu’ils ne sont ; et comme la grandeur est une des qualités que nous desirons trouver aux œuvres de l’architecture, nous sommes portés à pardonner le vice même, auquel nous devons le sentiment du l’admiration, ou plutôt de l’étonnement.

Dans plus d’un article de ce Dictionnaire, mais surtout au mot Nef (voyez ce mot), l’on a fait sentir la supériorité des intérieurs formés de colonnes, sur ceux qui se composent d’arcades, de piédroits et de portiques. Ce dernier genre de construction ou de disposition nécessite des massifs, qui empêchent l’œil de parcourir toute l’étendue de l’espace, lorsque les percés, bien plus multipliés par les vides nombreux des entre-colonnemens, donnent à la vue la liberté de parcourir sans obstacle, toutes les superficies du terrain. Ajoutons que cette multiplicité même de supports légers, que l’on ne sauroit en quelque sorte dénombrer, donne l’idée et fait naître la sensation de l’indéfini, lorsqu’au contraire, le petit nombre des piédroits des arcades, dans une nef, et dont on fait l’addition en un clin d’œil, produit une impression bornée. Ceci est une affaire d’instinct, mais l’instinct qui est le premier juge de ces sortes d’impressions, doit être aussi consulté, par celui qui recherche les principes de la théorie du beau dans les arts.

A l’article Nef, nous avons toutefois rendu compte aussi des raisons qui s’opposent, dans le système des grandes églises voûtées, soit à l’emploi des colonnes, à la manière des Anciens, qui ne voûtèrent point les intérieurs des grands temples, soit à la pratique des piliers, selon la manière des Gothiques, qui ne se permirent de grands vides, dans les intérieurs de leurs églises, que par le moyen des voûtes d’arête et des arcs-boutans extérieurs.

Lorsque dans une église, comme celle de Saint-Pierre à Rome, en se plaignant que le plein dans les supports semble l’emporter sur le vide, on regrette le système des colonnes, on ne fait pas attention, que si l’on y perd l’espèce de grandeur qui résulte d’un dégagement des entre-colonnemens, on a, eu remplacement, une autre sorte de grandeur, qu’il faut seulement évaluer, non en détail, mais en masse. Effectivement, l’accord du plein avec le vide n’y est pas moins sensible ; mais il existe entre les masses des piédroits des arcades, et l’extraordinaire ouverture de ces arcades, entre les massifs énormes, si l’on veut, des piliers de la coupole, et le vide immense de cette coupole.

PLI, s. m. On appelle ainsi, dans la construction, l’angle rentrant, comme on appelle coude, ce qui produit un angle saillant dans la continuité, par exemple, d’un mur.

PLINTHE, s. f. Ce mot est dérivé du grec plinthos, qui signifie une brique, soit qu’on ait ainsi appelé une plinthe par simple analogie de ressemblance, soit parce qu’anciennement on auroit placé sous les colonnes, peut-être lorsqu’on les faisoit en bois, ou des briques ou de grandes dalles de terre cuite.

Il est assez reçu que tout corps qu’on place perpendiculairement, doit avoir un empatement, un corps qui le reçoit, et qui en forme le pied. Les monumens, les maisons, ont des soubassemens qui leur servent en quelque sorte de plinthe. Les colonnes ont des bases et des piédestaux, les piédestaux et les bases ont des plinthes.

La plinthe, dans le langage technique on didactique de l’architecture, est aussi ce que les Italiens appelent zoccolo, et qu’on nomme en français socle ; elle représente en quelque sorte la semelle de l’ensemble qui s’élève dessus. C’est sur elle que posent les moulures dont se compose la base.

On appelle :

Plinthe arrondie, celle dont le plan est circulaire, ainsi que le tore. Telle est celle que Vitruve donne au Toscan. Il y a plus d’un exemple de plinthe circulaire, et on comprend qu’il peut y avoir aussi plus d’une raison de la faire ainsi, selon les endroits où il peut être expédient de supprimer les angles quelquefois incommodes d’un plateau quadrangulaire.

Plinthe de figure. Plinthe qui n’est qu’une base plate, ronde ou carrée, pour porter une statue.

Plinthe de mur. Moulure plate et haute, qui, dans les murs de face, marque les planchers, et sert à porter l’égout d’un chaperon de mur de clôture, et le larmier d’une souche de cheminée.

Plinthe ravalée, celle qui a une petite table refouillée, quelquefois avec des ornemens, comme postes, guillochis, entrelas, etc. Il y a de ces plinthes à beaucoup de palais de Rome, entr’autres au palais Farnèse.

PLOMB, s. m. Métal d’un blanc bleuâtre, mou de sa nature, et le plus pesant après l’or.

Le plomb est brillant lorsqu’il est fraîchement coupé, mais il devient d’un gris mat lorsqu’il a été quelque temps exposé à l’air. Il se fond aisément ; il est ductile, malléable, flexible, et dès-lors susceptible de se prêter à toutes sortes de formes.

Le plomb a dans les bâtimens un très-grand nombre d’emplois. Il sert sous toutes sortes d’épaisseurs, pour les enfaitemens des combles et des lucarnes, pour les noquets, les revêtemens des lucarnes et œils-de-bœuf, et de beaucoup d’autres ouvrages de charpente. On en fait les chénaux, bavettes, descentes, canons ou gouttières, arêtiers, amortissemens. Il forme, par la facilité des soudures, les superficies les plus étendues, et on en couvre les terrasses.

Le plomb sert, dans l’hydraulique, à faire les conduits et les tuyaux, à revêtir l’intérieur des réservoirs et conserves d’eau.

On façonne le plomb de deux manières. La première consiste à le couler sur le sable, mais avec ce procédé on ne peut jamais être certain de donner à ces tables une épaisseur parfaitement égale. L’autre manière est de le laminer ; le plomb ainsi réduit en table, acquiert la plus grande égalité d’épaisseur.

Les plus grandes tables de plomb laminé, ont 4 pieds 8 pouces de large, sur 30 pieds de long, ce qui, dans l’emploi qu’on en fait, épargne beaucoup de soudures.

Les différentes manières de façonner le plomb, et les nombreux usages auxquels on l’emploie, lui ont fait donner diverses dénominations.

On dit :

Plomb blanchi. C’est celui qui est étamé ou coloré avec de l’étain, comme le fer-blanc.

Plomb d’enfaîtement, est un bout de table de plomb, qui surmonte le faîte d’un comble couvert d’ardoise. Il doit avoir une ligne d’épaisseur au moins, et une ligne et demie au plus, sur 18 à 24 pouces de large.

Plomb coulé sur toile, est celui qui est coulé en table trés-mince sur une toile de coutil.

Plomb en culot, est le vieux plomb refondu, qu’on laisse refroidir dans la cuillère, d’où lui vient cette dénomination.

Plomb en saumon ou navette. C’est le plomb neuf tel qu’il vient des mines, en masses d’environ 2 pieds de long, qui pèsent depuis 120 jusqu’à 200 livres.

Plomb de revêtement, celui qui est façonné en table d’une ligne d’épaisseur, et dont on couvre la charpente des dômes, des lanternes, des lucarnes, des œils-de-bœuf.

Plomb de vitres. On nomme ainsi le plomb qui est façonné par petites bandes, dans une lingotière, et qu’on fait ensuite passer par le tire-plomb, d’où il sort en verge a deux rainures. Il sert aux vitriers, pour contenir les vitres de différentes formes, qui, principalement dans les grands vitraux des anciennes églises, composent les panneaux de leurs compartimens.

PLOMB-D’OUVRIER. C’est le nom qu’on donne à un petit cylindre, d’un mêtal quelconque, percé suivant son axe, à travers lequel on passe une ficelle, ou cordelette, pour le tenir suspendu. On y joint une petite plaque, que l’on appelle chas, du même métal, et de même diamètre que le cylindre, et percé dans son centre, par où passe aussi cette ficelle. Tous les ouvriers qui sont obligés de poser leur ouvrage perpendiculairement à l’horizon, se servent à cet effet du plomb qu’on vient de décrire. Toutefois le plomb des charpentiers n’a point de chas. Il est plat et en forme de rose à jour.

On nomme plomb cet instrument, parce qu’il est fait ordinairement de ce métal, plutôt que de tout autre.

PLOMBÉE, s. f. On donne quelquefois ce nom à une ligne qui est à-plomb.

PLOMBER, v. act. C’est poser le plomb sur la face d’un mur, ou d’un lambris, pour juger de sa position, soit verticale, soit inclinée.

Plomber (Jardinage.) On dit plomber un arbre. C’est, après qu’il est planté d’alignement, et comblé jusqu’au niveau du terrain, peser du pied sur la terre qu’on a jetée autour de sa souche, pour l‘affermir dans sa position.

PLOMBERIE, s. f. , est, ou l’art d’employer le plomb, de le fondre, de le travailler, ou le lieu dans Lequel ce métal se travaille.

PLOMBIER, s. m. Nom qu’on donne à celui qui emploie le plomb, le coule, le façonne et le met en œuvre.

PLUMÉE, s. f. , est l’action de dresser les bords du parement d’une pierre, avec la règle et le marteau, pour la dégauchir. On dit faire une plumée.

PLUTEUS. Vitruve Appelle ainsi une espèce de petit mur d’appui, ou de balustrade, qu’on plaçoit en avant des portiques des temples et entre les colonnes. Ces petites défenses d’enceinte se faisoient, à ce qu’il paroît, en bois ou en menuiserie, si on peut le conjecturer d’après une des peintures d’architecture arabesque, pl. 41 des Peintures d’Herculanum, où il semble que le pluteus qu’on y voit, offre une porte d’entrée mobile.

PNIX. On appeloit ainsi, à Athènes, le lieu ou les citoyens s’assembloient pour choisir leurs magistrats. Il étoit situé près de l’Acropole, sur la pente d’une colline, presqu’en face de l’Aréopage. Sa disposition étoit fort simple. Le devant consistoit en un mur qui formoit la courbe d’un ovale, et du côté opposé, le pnix étoit taillé dans le roc, de sorte que les trois côtés, ou murs naturels, s’unissoient en angle obtus. Dans les plus anciens temps, Le pnix étoit sans ornemens. Par la suite on le décora se statues, et l’on s’en servit en place d’Odéon.

PODIUM. Ce mot signifie généralement un piédestal continu, et en particulier, la saillie du petit mur qui entouroit l’arêne de l’amphithéâtre, qui formoit une espèce de galerie ou d’allée, et qui, à partir de l’orchestre, ressembloit à un piédestal continu, à cause de la plinthe, et de l’espèce de corniche dont il étoit orné.

Dans l’amphithâtre et dans le cirque, on donnoit le nom de podium à une certaine place qui avoit assez de largeur pour contenir plusieurs rangées de siéges placés les uns derrière les autres. C’étoit là que se plaçoient les premiers sénateurs, et les principaux magistrats, sur leurs chaises curules.

PŒCILE, du mot grec poikilos. Ce fut, à Athènes, le nom d’un portique célèbre, qui ne fut ainsi appelé, que depuis qu’il eut été orné des peintures de Polygnote et de Micon ; car le mot grec exprime l’idée de variété de couleurs et d’ornemens. A ce portique on avoit suspendu les boucliers que les Athéniens avoient pris à ceux de Scio et à leurs auxiliaires. On y voyoit aussi ceux qu’on avait enlevés aux Spartiates.

Le pœcile d’Athènes ne fut pas le seul portique ainsi nommé. A Sparte il y en avoit un décoré de même ; et un portique ainsi orné et appelé du même nom, étoit à Olympie, dans le bois sacré de l’Altis.

POÊLE, s. m. Les Romains connoissoient des sortes de poêles pour échauffer leurs chambres et les autres appartemens de leurs maisons. C’étoient des fourneaux bâtis sous terre, dans la longueur des gros murs, ayant des tuyaux qui répondoient à chaque étage, et aux chambres qu’on vouloit échauffer. Voyez Hypocauste et Cheminée.

C’est encore ainsi que, dans les pays du Nord, se pratiquent les poêles des grandes maisons. Un seul foyer souterrain distribue la chaleur dans toutes les parties du bâtiment. De pareils poêles doivent être bâtis et distribués, en vue des communications des tuyaux de chaleur.

Plus ordinairement, dans les pays moins froids, le poêle est un fourneau de terre cuite ou de métal, monté à demeure dans une pièce, ou placé de manière à être mobile, sur des pieds de fer, qui l’isolent, par en bas, du plancher ou du sol au-dessus duquel il s’élève, ayant vers sa partie supérieure, un tuyau par lequel s’échappe la fumée du feu qu’on y fait.

Il y a des poêles construits de façon que la bouche par laquelle on introduit le bois, est dans la pièce voisine, c’est-à-dire, que le poêle peut échauffer les deux pièces à la fois. Cela a lieu en bâtissant le poêle contre une cloison que l’on perce. Du reste, toutes sortes de diversités de construction ont lieu à cet égard, soit pour la distribution des bouches de chaleur, soit pour la conduite de la fumée, ou, pour mieux dire, du tuyau par où elle s’échappe.

On peut en dire autant des formes et de la décoration des poêles. Il s’en fait en forme de piédestaux, surmontés de colonnes qui renferment le tuyau ; d’autres s’élèvent sous la forme d’obélisques. Le fer fondu, ou la terre cuite ou émaillée qu’on emploie en carreaux à leur fabrication, reçoivent aussi des ornemens de tout geure, qu’il est inutile de décrire.

POINÇON, s. m., ou AIGUILLE, s. f. On appelle de l’un ou de l’autre de ces noms, la pièce de bois debout, assemblée avec les arbalêtriers ou les jambes de force, dans une ferme de comble. C’est aussi, dans les vieilles églises, qui ne sont pas voûtées, une pièce de bois à-plomb, de la hauteur de la montée du cintre, qui étant retenue avec des étriers et des boulons, sert à lier l’entrait avec le tirant.

On nomme encore poinçon l’arbre d’une machine, sur lequel elle tourne verticalement, comme dans une grue, un gruau, etc.

Poinçon est aussi un outil fait d’un morceau de fer carré, de vingt-quatre à trente pouces de longueur, diminué en pointe carrée, par une extrémité qui est acérée, et dont se servent les tailleurs de pierre ou les maçons, pour faire des trous.

POINT, s. m. Est et se définit mathématiquement, ce qui n’a ni longueur, ni largeur, ni épaisseur.

Comme la science mathématique ne trouve de place ici, qu’autant qu’elle est liée à l’architecture, nous ne parlerons du point, que relativement à cet art.

Dans les dessins d’architecture, le point est ou un petit trou qu’on fait avec la pointe du compas, sur le papier, ou l’impression qu’y laisse la pointe d’un crayon ou d’une plume.

On se sert de points, dans les plans, pour marquer les alignemens, les objets qui ne sont pas dans le même niveau, comme les corniches d’appartement, etc.

On appelle points longs ou courans les petites lignes, en manière de hachures, qui, sur les plans, servent à marquer les plans, les sillons des terres labourées, et les couches de potager.

Point d’aspect. C’est le lieu d’où l’on voit avec le plus d’avantage un édifice, une ville, un site quelconque. Toutes ces choses se présentent autrement à l’œil, lorsqu’on les voit d’un côté ou d’un autre, de bas ou d’en haut, en rapport avec un objet ou avec un autre, de près ou de loin.

Un édifice ne sauroit, dans son ensemble et dans ses détails, correspondre à un seul point d’aspect, qui leur soit également favorable. Là est l’erreur de ceux qui se plaignent souvent de certains détails, qui ne sauroient faire leur effet du point de distance où il faut se placer pour jouir de l’effet du tout.

Par exemple, on vous donnera pour règle assez générale, de prendre le point d’aspect d’un monument, ou de vous placer à une distance qui soit égale à la hauteur de ce monument.

Ainsi, si l’on veut juger de l’ensemble de l’église des Invalides, comme sa hauteur est de trente-cinq toises, il conviendra d’abord de se placer à un point distant de la même étendue. Venant ensuite a l’ordonnance de sa façade et de son portail, on restera à une distance de cette partie de l’édifice qui sera égale à sa hauteur, laquelle est d’environ seize toises. Enfin, si l’on veut examiner les profils et le goût de sculpture de cette ordonnance, on ne doit plus s’éloigner que d’une distance dont la mesure sot égale à l’élévation de l’ordre dorique, laquelle est de sept toises et demie. Si l’on s’approchoit davantage, ou ne verroit plus le développement naturel des objets qui se moniroient en raccourci.

Le point d’aspect, dont on parle ici, n’a rien de commun avec ce qu’on appelle, dans la perspective des objets peints d’un tableau, le point de vue, qui doit y être déterminé d’après des principes et par des procédés qui sont étrangers à l’architecture. On appelle ici point d’aspect celui qu’on oppose au point vague, d’où regardant un bâtiment dans une distance indéterminée, on ne peut que se former une idée relative de la grandeur de sa masse, par comparaison aux. autres édifices qui lui sont contigus.

Point de vue. Ce n’est autre chose, par rapport à l’architecture, qu’un point fixe dans la ligne horizontale d’un bàtiment, où se termine le principal rayon visuel, et auquel tous les autres qui lui sant parallèles, vont aboutir.

Le mot point s’applique encore à beaucoup de notions plus o moins dépendantes de l’architecture. On appelle, par exemple, points perdus trois points qui, n’étant pas donnés sur une même ligne, peuvent être compris dans une portion de cercle, dont le centre se trouve par une opération géométrique ; ce qui sert pour les cherches ralongées.

On dit encore points perdus, des centres de cercle, par lesquels ou trace des portions d’arc de cercle, qui, étant recroisées, forment des losanges curvilignes, qu’on distingue dans les compartimens de pavés, par les couleurs des marbres et par la variété des ornemens. Le pavé qui est sous la coupole, et dans les chapelles du Val-de-Grâce, à Paris, est fait de cette manière.

Le mot point entre dans beaucoup de locutions, comme lorsqu’on dit point de centre, qui porte sa définition, point d’appui, point d’équilibre, qui signifient le lieu précis où un corps trouve a être supporté, à se tenir sans tomber, et hors duquel il tomberoit.

POINTAL, s. m. Ce mot vient de l’italien puntale, poinçon. C’est toute pièce de bois qui, posée debout, sert d’étai pour soutenir une poutre, ou quelqu’autre partie d’un bâtiment.

C’est aussi particuliérement une pièce de bois, posée verticalement sur des verreins, pour relever quelque ferme de charpente, ou une travée de plancher.

POINTE, s. f. , se dit, en général, de l’extrémité aiguë d’un corps quelconque ; c’est l’angle ou l’encoignure d’un bâtiment, d’une île, d’un môle, d’un quai.

C’est le sommet de l’angle d’un fronton ; c’est l’extrémité supérieur d’un comble, d’un clocher, d’une pyramide, d’un obélisque, etc.

On appelle pointe de pavé la jonction, en manière de fourche, des deux ruisseaux d’une chaussée en un ruisseau, entre deux revers de pavé.

Pointe, est un outil de fer aigu, dont on se sert dans beaucoup d’ouvrages en pierre, marbre, etc.

Pointe de compas. C’est la partie inférieure des jambes d’un compas, et il y en a de plus d’une sorte. La pointe simple est celle qui est ordinairement d’acier. La pointe au crayon est celle qui doit, à son extrémité, recevoir un bout de crayon. La pointe à l’encre est faite en manière de plume. La pointe courbe est celle qui forme une portion de cercle dans les compas des appareilleurs et des ouvriers, pour prendre des épaisseurs et mesurer des diamètres.

Pointe de diamant, se dit des pierres qui, dans les paremens à bossage, sont taillées à facettes, comme des diamans.

POINTER, v. act. On dit pointer une pièce de trait. C’est, sur un dessin de coupe de pierre, rapporter avec le compas, le plan ou le profil au développement des panneaux. C’est aussi faire la même opération en grand, avec la fausse équerre, sur des cartons séparés, pour en tracer les pierres.

POINTES, s. f. pl. Ce sont des clous longs et déliés, avec une petite tête ronde, qui servent à attacher les targettes, les verroux, etc. , et dont on ferre les grandes fiches.

POITRAIL, s. m. Grosse pièce de bois, comme une poutre, destinée à porter, sur des piédroits, ou jambes étrières, un mur de face, les trumeaux d’une maison, ou un pan de bois.

POLA, ville antique, et autrefois une des plus considérables de l’Istrie, a conservé beaucoup de vestiges de son ancienne splendeur. Elle fut jadis le centre d’une république, comme l’atteste l’inscriptition respublica polensis, gravée sur la base d’une statue élevée à l’empereur Septime-Sévère, inscription que l’on voit encore à l’entrée de l’église de Pola.

Le monument qu’on aperçoit de plus loin en arrivant par la mer, sur le bord de laquelle il paroît situé, est l’amphitéâtre, dont les murailles extérieures sont encore entières. Sa forme est semblable à celle de tous les monumens de ce genre. Il a trois étages, dont chacun est percé de soixante-douze arcades, en tout deux cent seize. Il ne reste que la cage de l’édifice, Il est flanqué de quatre contre-forts, c’est-à-dire, de quatre montans en saillie et de la même ordonnance, dont nous avons rendu compte à l’article Amphithéatre, et que nous avons expliqués par la supposition qu’ils étoient la cage de quatre escaliers de bois qui conduisoient par-dehors aux divers étages des gradins, qu’on croit aussi avoir été faits en bois. On pense généralement que les pierres dont ce monument est bâti, ont été tirées des carrières de l’Istrie ; quoiqu’elles soient fort belles, et encore très-saines, elles ne paroissent pas être du genre de celles qu’on nomme pierres d’Istrie, espèce de marbre assez rare, et dont on fait des colonnes précieuses.

La ville de Pola a conservé l’ensemble de deux temples qui étoient placés parallèlement et en pendant l’un avec l’autre. De ces deux temples, l’un a perdu les colonnes de son péristyle ; l’autre est encore entier, et son inscription apprend qu’il étoit dédié à Rome et à Auguste. Il a douze pieds de large, sur à peu près vingtquatre de longueur. L’intérieur de la cella fait la moitié de la longueur ; l’autre moitié est pour le pronaos et le péristyle, lequel se compose de quatre colonnes en avant, de deux en retour, en comptant deux fois celles des angles, sans compter les pilastres des autres. C’est précisément ce que Vitruve appelle un temple prostyle.

L’ordre est corinthien ; les chapiteaux sont ornés de feuilles d’olivier, et leurs caulicoles sont recouvertes de feuilles de chêne. Les faces de l’architrave vont en diminuant de largeur du bas en haut ; elles ne sont point d’à-plomb, mais elles vont per retraite en montant. On voit, dans le fronton de devant, une sorte de médaillon, et le fronton de derrière en a un semblable. Cette dernière face est beaucoup plus simple que celle de devant. Dans le pourtour de l’édifice règne une frise très-belle, sculptée en enroulemens de feuillages, et l’on pense que cette architecture est digne du siècle d’Auguste. Les colonnes de cet édifice sont, autant qu’on en peut juger, d’une espèce de brocatelle, qui ressemble à la brèche d’Egypte. Le reste du temple est de marbre blanc. Au frontispice, et de chaque côté de l’inscription, est sculptée une Victoire ailée, tenant une colonne.

Quelques ruines, auxquelles l’opinion populaire donne le nom de palais de Julie, présenteroient une obscurité difficile à percer, s’il falloit deviner à quelle Julie cet édifice auroit appartenu. Quoi qu’il en soit, il n’en reste plus que quelques pierres éparses, auxquelles on auroit fait peu d’attention, sans la tradition qu’on a rapportée sur l’ancienne destination de ces ruines ; l’architecture d’ailleurs en est tellement effacée, que l’on ne sauroit tirer de son style la moindre conjecture, sur l’âge qui la vit élever.

Il y avoit encore à Pola un théâtre dont il reste peu de vestiges. On le détruisit presqu’entièrement pour en construire la forteresse actuelle, dont les murailles sont formées de ses matériaux, et d’où Serlio a tiré les détails qu’il a donnés de ce monument. Il fut, comme la plupart des théâtres antiques, construit sur le penchant d’une montagne.

Mais un reste d’une belle conservation, est l’arc de triomphe qu’on appelle Porta aurea, et que l’on met aujourd’hui au nombre des portes d’entrée de la moderne Pola.

Ce beau monument a une seule arcade en plein cintre, accompagnée, de chaque côté, par deux colonnes corinthiennes, portant un entablement qui fait ressaut. C’est dans l’espace compris en retraite au-dessus du cintre, qu’est placée l’inscription qui annonce que c’est une Salvia Posthuma qui, à ses frais, fit ériger cet arc à Sergius Lépidus, édile et tribun militaire de la vingt-unième légion.

Nous avons appelé, selon l’usage, ce monument arc de triomphe ; tout cependant porteroit à croire qu’il ne fut, comme plusieurs autres, qu’une sorte de monument honorifique, sous une forme déjà consacrée ; mais cette discussion alongeroit par trop cet article.

Au-dessus de l’entablement s’élève un attique, avec trois socles, qui ont dû servir à porter des statues. A en juger par les inscriptions, sur celui du milieu devoit être la figure du Romain pour qui le monument fut fait. A droite, étoit celle de son père Lucius Sergius, édile et décemvir ; à gauche, celle de son oncle Cneius, également édile et décemvir pour cinq ans. C’est sur la face qui regarde la ville qu’on lit ces inscriptions : de ce côté, l’architecture est entièrement à découvert, et l’on en jouit parfaitement. La façade extérieure, celle du côte de la campagne, étoit semblable ; mais elle est obstruée par les vieilles murailles de l’enceinte moderne, en sorte que l’on n’aperçoit que les chapiteaux des colonnes et une partie du cintre de l’arcade.

Généralement le style de cette architecture est pur, noble et de bon goût ; les ornemens, au lieu d’y être prodigués, comme on l’a remarqué à l’arc d’Orange, y sont au contraire ménagés avec beaucoup de goût. L’entablement est d’un fort beau profil, et la sculpture est répartie dans la frise avec discrétion. Le dessous du cintre de l’arc est orné de caissons en losanges, et les montans des piédroits offrent une disposition très-élégante d’ornemens en rinceaux.

On a déjà fait observer, à l’article Arc de triomphe, qu’il falloit se garder de croire, comme quelques-uns l’ont fait, que les colonnes adossées de l’arc de Pola soient accouplées. Le dessin de Serlio a pu, sur ce point, induire en erreur ; mais les dessins des nouveaux voyageurs démontrent que les colonnes de face sont séparées entr’elles par un espace de prés d’un entre-colonnement. Leurs bases sont également éloignées, au lieu d’être contiguës. Quant aux colonnes latérales, il ne peut y avoir lieu, sur ce point, à aucune incertitude.

POLI, POLIMENT, s. m. Le poli, dans les matières, est Le résultat du poliment qu’on leur fait subir, lequel donne le lustre et l’éclat aux marbres, aux pierres rares et dures qu’emploient la sculpture et l’architecture.

POLIR, v. act. En général, c’est enlever, par le frottement, les inégalités que le travail de l’outil laisse nécessairement sur les matières.

Chaque sorte de matière se polit avec des substances différentes. Le fer se polit avec l’émeril, le bois se polit avec la peau de chien, la pierre ponce ; la pierre se polit avec le grès pulvérisé et le sablon. On polit les marbres et les pierres dures avec la pierre ponce, la peau de chien, l’émeril, la cire, et d’antres procédés plus ou moins lents.

Le poli, qui ajoute aux belles matières une beauté nouvelle, contribue encore à leur conservation. Il est certain qu’un marbre qui a reçule poli, non-seulement garde plus long-temps l’agrément de ses couleurs, mais oppose à l’humidité, à la poussière et à d’autres causes de destruction, beaucoup plus d’obstacles. L’effet naturel du poli est de resserrer les pores de la matière, et si, pour opérer ce poli, ou pour l’achever, on a mis en œuvre le frottement de cire, par exemple, alors l’action des causes atmosphériques a moins de prise sur elle, l’eau et la poussière y glissent, et sa superficie se trouve préservée dé tous les inconvéniens qu’éprouve la pierre mal polie. On sait que ce qu’on prend souvent pour de simples ordures sur les marbres noircis et exposés aux intempéries de l’air, n’est autre chose que la germination d’un lichen très-fin, qui prend racine dans les pores de la matière, que l’humidité y entretient, qui s’y propage, et finit par l’altérer de plus d’une manière.

Les Anciens, dans les ouvrages de tous leurs arts, furent très-exacts à leur donner tout le poli dont ils sont susceptibles. Lorsque la pierre, par sa nature, ne comportoit pas un poli qui lui fût propre, ils y passoient des couleurs, ou ils la revêtoient d’enduits fort minces de stuc, qu’ils polissoient avec le plus grand soin, et qu’ils colorœint ensuite.

On ne sauroit dire aussi combien le poli qu’on donne aux pierres, dans les édifices, ajoute de précieux à l’architecture, de pureté à tous les détails, et contribue à en rendre l’aspect agréable.

POLLAIOLO (Simon), surnommé le Cronaca, architecte florentin, né en 1454, mort en 1509.

Obligé fort jeune encore de quitter Florence, il alla à Rome, où un goût naturel, qu’il avoit pour l’architecture, lui fit embrasser les études de cet art. Il y eut pour maître l’antiquité qui, à cette époque, se montroit encore dans une multitude de restes et de fragmens d’édifices bien conserves. Il se mit à les mesurer, les dessiner, et devint, par ses recherches et par des travaux continus ou ce genre, un digne imitateur des Anciens.

De retour à Florence, il ne s’entretenoit que de monumens antiques, il en faisoit l’objet de toutes ses conversations. De là lui vint le sobriquet de Cronaca, sous lequel il est beaucoup plus connu.

Sa réputation le fit bientôt choisir par Philippe Strozzi pour continuer le magnifique palais commencé par Benedetto da Mayano, qui avoit quitté Florence lorsque le Cronaca y arrivoit. C’est à lui qu’on doit la façade de ce palais, une des plus grandioses de toute la ville, et particulièrement le superbe entablement qui le couronne, le plus beau qu’on eût vu jusqu’alors, et qui peut-être n’a encore été surpassé par aucun autre. Aussi passe-t-il pour être un ouvrage classique en son genre, et on ne lui oppose guère que celui du palais Farnèse, à Rome, par Michel Ange. Ce ne fut pas une chose facile que d’imposer à une masse colossale, comme celle du palais Strozzi, un entablement qui joignit, à un juste accord dans les proportions, la noblesse des formes et la pureté des détails. Cronaca, il est vrai, en avoit emprunté le dessin et l’idée à un des plus beaux fragmens d’entablement antiques, dont Rome lui avoit offert le modèle. Mais, comme le remarque judicieusement Vasari, si rien n’est plus facile, en architecture, que de copier l’antique, rien n’est plus difficile que de l’imiter. Or, il ne se trouve presque jamais que l’ordonnance et la composition d’une partie d’édifice puissent se transporter identiquement sur un autre. Mille raisons, mille circonstances rendent donc toute copie moralement impossible.

Pour le prouver, le même Vasari cite l’exemple de Baccio d’Agnolo, qui voulut, a l’instar de Cronaca, placer, sur une façade de palais, le bal entablement antique, qu’on appelle, à Rome, du frontispice de Néron ; mais le palais étoit petit, et l’entablement se trouva colossal ; ce qui fit l’effet d’une énorme coiffure sur une petite tête : sopra un capo piccino una gran beretta. Il ne sert de rien, continue l’écrivain florentin, de s’excuser en disant qu’on a copié l’antique, parce qu’il y a dans toutes ces choses des rapports qu’on ne saisit point avec le compas, et dont l’œil, conduit par le goût, est le seul juge.

Cronaca travailloit à Florence dans un temps où l’ambition, des Grands étoit de faire vivre leur nom par des constructions capables de braver les siècles. Plus de trois siècles ont effectivement passé sur le palais Strozzi, et cet espace de temps semble avoir déjà prouvé que le temps n’a presque point de prise sur de semblables masses. Les faces extérieures de ce palais sont en bossages, énormes et de la pierre la plus dure ; sur un soubassement de trente-quatre pieds de haut, percé de haut, percé de huit petites fenêtres, quatre de chaque côté de la porte, s’élèvent deux étages séparés par un bandeau orné de denticules, ayant chacun de vingt-huit à vingt neus pieds de hauteur, et percés de neuf grandes arcades, formant les fenêtres dont le vide, occupé par une colonne, sépare chaque fenêtre en deux. Pour mieux laisser briller son entre-colonnement, Cronaca eut l’attention de ménager entre lui et les rangs de bossages, deux assises lisses, qui offrent à l’œil un repos, et aux ornemens des profils une opposition. L’entablement a six pieds dix pouces de hauteur.

Vasari se plaît à vanter le soin que l’architecte apporta dans sa construction, pour en lier les pierres, en pondérer les masses et en rendre l’assemblage indestructible. Le même soin, dit-il, régna dans l’appareil et l’exécution de toutes les pierres. Tout y fut traite avec une telle perfection d’assises et de joints, qu’on croiroit que le palais est d’un seul bloc.

La cour et l’intérieur de cc palais ne paroissent pas répondre à la grandeur de la masse extérieure ; mais ce manque d’accord ne doit point s’attribuer à Cronaca. Quoiqu’il puisse passer pour avoir été l’architecte de toute l’élévation, cependant il fut forcé de s’accommoder aux premières dispositions de Benedetto da Mayano. S’il en fut ainsi, comme Vasari nous l’apprend, ce ne sera peut-être point à Cronaca que s’adressera le reproche d’avoir introduit dans les trois rangs de portiques qui environnent le cortile, un ordre dorique entre deux corinthiens. Du reste, pour être peu spacieuse, cette cour est bien dégagée, et l’on y admire surtout la loggia en colonnes qui forment la galerie d’en haut, et soutiennent l’espèce d’impluvium, au-dessus duquel règne en retraite un attique de petites fenêtres quadrangulaires. D’autres critiques ont encore été faites, tant des escaliers qu’on trouva trop roides, que des appartemens qui, pour le temps, parurent au-dessous de ce qu’annonçoit et devoit promettre la masse imposante de l’extérieur. Nonobstant cela, ajoute Vasari, le palais Strozzi n’en sera pas moins réputé une des plus magnifiques constructions particulières qu’on ait vues jusqu’à nos jours en Italie. Il est encore plus certain (pouvons-nous le dire) que depuis il ne s’en est fait, ni en Italie, ni ailleurs, qui puisse seulement en approcher.

Cronaca bâtit, a Florence, la sacristie de l’église du Saint-Esprit sur un plan octogone. L’ouvrage fut exécute avec une extrême élégance, et l’on y admire la sculpture des chapiteaux, due au ciseau d’André Coutucci. Dans le même temps il éleva, sur la hauteur de San Miniato, l’église de Saint-François de l’Observance, charmant édifice que Michel Ange appeloit, dit-on, sa belle Villageoise. Le couvent des Servites, bâti tout à coté, fut encore de son architecture, et fut très-vanté. Il n’en reste presque plus rien aujourd’hui, par l’effet des changemens et augmentations qui survinrent dans la suite.

Il s’agissoit alors de faire la grande salle du Conseil dans le palais de la Seigneurie de Florence. Les plus habiles architectes du temps, Michel Ange, Julien de San Gallo, Baccio d’Agnolo, furent admis avec Cronaca, pour en donner les plans, et décider des moyens de sa construction. Savonarole, alors en crédit, favorisa Cronaca, qui fut chargé de l’exécution. Cette salle passe pour être la plus grande de l’Italie. Il fallut y employer, pour sa couverture, des moyens de charpente extraordinaires. Depuis, elle a été restaurée et changée dans sa disposition, comme dans ses ornemens, par Vasari, qui a décrit fort en détail les améliorations qu’il y fit.

Cronaca, dans ses dernières années, s’étoit fort attaché au parti de Savonarole, et il avoit embrassé toutes les opinions de ce fanatique prédicateur. Il n’eut bientôt plus d’autres pensées ni d’autres entretiens : la mort vint l’enlever dans cet état, après une maladie assez longue.

POLLION. Voyez Vitruve.

POLYCLÈTE. Le célèbre statuaire de ce nom, auquel l’antiquité, pour sa Junon colossale d’Argos, en or et ivoire, avoit donné le premier rang après Phidias, fut aussi un très-habile architecte.

Pausanias le cite comme auteur de deux monumens fort remarquables ; l’un à Epidaure, étoit un édifice circulaire qu’on appeloit Tholos, comme nous dirions aujourd’hui la coupole ou le dôme. Il étoit construit en marbre blanc, et dans son intérieur on voyoit des peintures de Pausias. En rapprochant les détails qu’en donne Pausanias, il étoit environné d’un péribole, où s’élevoient autrefois un grand nombre de stèles (cippes ou petites colonnes), sur lesquelles étoient écrits les noms de ceux que le dieu avoit guéris, la maladie que chacun d’eux avoit eue, et la manière dont il avoit été guéri. Au temps de Pausanias, il ne restoit plus que six de ces stèles.

Mais un édifice encore plus renommé de Polyclète, dans la même ville d’Epidaure, étoit le théâtre bâti sur la grande enceinte qui environnoit le temple d’Esculape. Ce théâtre, dit Pausanias, est d’une beauté très-particulière. Les théâtres des Romains (continue-t-il) surpassent véritablement tous les autres pour la magnificence des ornemens, et même pour la grandeur, sans en excepter celui de Mégalopolis, chez les Arcadens. Mais, pour l’harmonie des parties et pour l’élégance, aucun n’approche de celui de Polyclète, qui fut aussi l’architecte de la rotonde dont on vient de parler.

POLYGONE (adj. des deux genres); qui a plusieurs angles et plusieurs côtés. Ce mot est plus particulièrement appliqué à la fortification des places, et est un terme d’architecture militaire.

On l’applique aussi aux figures de dessins à compartimens, et l’on dit polygone régulier ou polygone irrégulier.

Quant à l’architecture, on a, surtout depuis quelques années, employé le mot polygone irrégulier pour définir la taille de pierres employées dans des constructions d’une plus ou moins grande antiquité, à former des murs d’enceinte, de fortifications et autres, à paver les grandes routes, à faire des ponts, etc.

On trouve dans Vitruve l’emploi des pierres polygones irrégulières, sous le nom d’opus incertum. Cet écrivain le décrit comme un genre de maçonnerie, dans lequel de petits moellons de formes irrégulières se rapportoient à joints irréguliers, par le mortier, et formoient les paremens des massifs de maçonnerie bâtis en blocage ou à la rinfusa. Cet appareil de maçonnerie, Vitruve le compare à un autre qu’on appeloit reticulatum, ou à réseau, formé de petits cubes, faisant des compartimens beaucoup plus agréables à la vue, mais moins solides que les paremens de l’opus incertum, qui, dans le fait, n’avoit, contre lui, qu’un aspect de désordre et d’irrégularité.

Il en fut de même de l’opus incertum, ou appareil en grand de blocs de pierres polygones irrégulières. Cette sorte de construction avoit, comme celle qu’on vient de décrire, certains avantages sur l’appareil en pierres de taille régulières (saxum quadratum).

Le premier étoit l’économie de matière, de temps et de travail. Les pierres qu’on employoit ainsi pouvoient servir, quelles que fussent leur forme et leur dimension, rien n’obligeant à une mesure égale dans la disposition qu’on leur donnoit et dans leur liaison à d’autres pierres. Ces pierres, formées ordinairement du délitement des montagnes, avoient leurs paremens tout dressés. Il ne s’agissoit que d’ajuster leurs côtés aux angles déjà donnés par les pierres auxquelles on vouloit les associer ; et comme, dans cette sorte de bâtisse, il n’y avoit ni lits, ni assises, il suffisoit de prendre, avec la règle de plomb, les angles rentrans des pierres déja posées, et d’en porter les lignes ou les traits sur la pierre qu’on devoit leur joindre. Ainsi toute pierre étant bonne, toute forme étant indifférente, ainsi que toute mesure, de semblables appareils ne demandoient aucun art.

Le second avantage de ce genre de construction, surtout dans les murs de fortification des villes, fut que, n’y ayant ni lits ni assises, toute brèche qu’on y pouvoit faire en enlevant quelques pierres, ne devoit pas produire un éboulement considérable ; les pierres s’accrochant les unes aux autres dans toutes sortes de directions, formaient des espèces de voûtes irrégulières elles-mêmes, et dont les points d’appui étoient divers et multipliés.

Mais cette sorte de construction en polygones irréguliers, étoit d’un aspect désagréable a l’œil, qui dans l’architecture, aime précisément qu’on lui montre une certaine régularité, compagne de l’art.

On a essayé de faire, d’une telle façon de bâtisse, le caractère diagnostique d’un peuple, d’une époque de l’art, ou d’une classe de monumens en particulier. Mais tout système, à cet égard, est aussi difficile à soutenir qu’à recevoir. S’il s’agit de peuple, on voit une pareille méthode indiquée souvent par la nature même des matériaux et par l’instinct le plus vulgaire, se produire presque par toute la terre, avec quelques différences sans doute, mais telles que toute méthode, même la plus uniforme, en comporte. Si l’on prétend que la construction en polygones irréguliers fut presqu’uniquement d’un certain âge, et des siècles reculés de l’art de bâtir en Grèce et ailleurs, la chose ne peut guère être douteuse, tant il entre, dans cette méthode, de cet art sans art, que l’instinct dut inspirer de tout temps aux peuples à qui la nature eu fournit les moyens et les matériaux. Mais que jamais depuis, et dans des temps postérieurs, un n’ait employé cette construction ; c’est ce qui, d’une part, ne sauroit être prouvé, et de l’autre, ne paroîtra point probable, surtout si l’on réfléchit que cette manière d’assembler les pierres fut constamment celle que l’on pratiqua pour la confection des voies romaines. Quelle raison auroit donc empêché de s’en servir dans des constructions verticales ? Eu accordant que la construction par assises régulières est plus belle et plus convenable aux édifices dans lesquels on doit rechercher la beauté de l’appareil, n’y auroit-il pas eu toujours un grand nombre de cas où la recherche de cette beauté eût été inutile ?

On ne sauroit encore prétendre que la construction par blocs polygones irréguliers n’aura été affectée qu’à un certain genre de bâtisses vulgaires, ou simplement de solidité, comme des murs de villa ou de citadelle. Un temple dit de Thémis, à Rhamnus, près Athènes (Voy. Unedited Atiquities of Attica, chap. 7, pl. II) a son pronaos formé d’un ordre dorique du même style que celui du Parthénon, et ses murs sont construits en blocs polygones irréguliers.

POLYSPASTOS. Nom d’une machine employée par les Anciens, et qui ue consistoit qu’en un seul mât incliné. C’est ce qui lui donnoit l’avantage de pouvoir être dirigée du côté où l’on vouloit porter le fardeau, L’extrémité inférieure du mât étoit fixée en terre. Pour maintenir l’extrémité supérieure, on y attachoit quatre câbles, qu’on fixoit à autant de forts pieux enfoncés dans la terre. A la partie supérieure du mât, au-dessous de l’endroit où étoient attachés les câbles, on plaçoit un moufle ; un second moufle étoit lié au fardeau qu’on se proposoit d’élever, et un troisième se trouvoit au pied du mât. Les deux premiers de ces moufles avoient trois rangées, chacune de trois poulies, et celui qui étoit fixé au pied du mât avoit encore trois poulies. C’est ce grand nombre de poulies qui a fait donner à cette machine le nom de polyspastos.

POLYSTYLE, mot grec, composé de polus, plusieurs, et de stulos, colonne, Cet adjectif, donné à une pièce quelconque, ou à un édifice, signifie, non pas que cette pièce ou cet édifice a plusieurs colonnes, ce qui seroit commun à presque toutes les pièces, à presque tous les édifices, tant il est rare qu’il ne s’y trouve qu’une seule colonne, mais que les colonnes y sont extraordinairement multipliées.

Ainsi trouvons-nous le nom de polystyle donné par les anciens écrivains à ces parties des temples égyptiens, qui étoient toutes remplies de colonnes. Il eût, dans le fait, été difficile aux architectes de l’Egypte de ne pas multiplier les colonnes, dans un local sur lequel ils vouloient établir une plate-forme. N’usant, pour leurs intérieurs, ni de voûtes, ni de plafonds de charpente (voyez Plafond), et n’ayant d’autre ressource de couverture, que celle des dalles de pierre, que leurs carrières ne pourvoient leur donner que dans une dimension bornée, ils devoient quant aux intérieurs, en remplir l’espace par des colonnes, dout les intervalles se mesuroient sur la longueur et la largeur des dalles de pierre.

Nous retrouvons encore dans les ruines de l’Egypte, ces salles polystyles, qui offrent comme une plantation d’arbres également espacés.

C’est aussi aux édifices arabes, à leurs plans, et surtout à celui de la mosquée de Cordoue, qu’on peut donner le nom de polystyle (voyez Moresque (Architecture). Là, il se trouve, non des espèces de plantations, mais de véritables forêts de colonnes, dont l’œil ne peut apprécier le nombre.

POMME DE PIN, s. f. Fruit de l’arbre qu’on nomme pin. La sculpture antique fit des imitations nombreuses de ce fruit, qu’on voit sur un nombre infini de bas-reliefs, orner l’extrémité des thyrses, dont la représentation forme souvent l’ornement des frises.

La pomme de pin toute seule fut employée comme ornement, dans les angles de plafond des corniches dorique et ionique.

La pomme de pin servit à couronner les couvercles des vases, et on en fit aussi l’amortissement des édifices circulaires, qui se terminoint par une couverture voûtée.

Le plus notable exemple de l’emploi de la pomme de pin, comme ornement et couronnement des édifices, est celui du mausolée de l’empereur Adrien. On peut voir la restitution entière de ce monument dans l’ouvrage des Sepolcri antichi, par Pietro Sante Bartoli. D’après les meilleurs témoignages, et de sa masse qui est encore entière, et des restes nombreux de ses colonnes transportées dans ta basilique de Saint-Paul, ce mausolée devoit se terminer par une coupole applatie que surmontoit la pomme de pin colossale en bronze, qui est placée au bout d’une cour du Vatican, sur le haut de la double rampe, qui est au bas de la grande niche du belvédère.

POMPE, s. f. Machine composée de tuyaux cylindriques de bois ou de métal, d’un piston et d’une soupape. On s’en sert pour puiser l’eau et l’élever.

La construction de ces machines n’est point du ressort de ce Dictionnaire. Quel que soit leur moteur, cet article ne peut faire partie que du Dictionnaire de Mécanique. Il n’en est question ici, que parce que les pompes, considérées et employées en grand, pour fournir de l’eau avec abondance, dans les grandes villes où il y a une rivière, exigent des bâtimens, où s’établit le mécanisme qui amène l’eau, et le bassin qui doit la recevoir.

Paris avoit ainsi, sur deux de ses ponts, un édifice construit pour recevoir le jeu d’une pompe, dont le moteur se trouvoit naturellement dans l’action du courant de la rivière, sur une roue à aubes, qui faisoit agir le piston de la pompe. De ces deux pompes, celle qui étoit à la seconde arcade du Pont-Neuf, dans le grand bras de la rivière, a disparu. Il ne reste plus que la pompe du pont Notre-Dame.

On a, depuis quelques années, remplacé ce genre de pompes, qui embarrassoit la rivière, par les pompes à feu, et dont le moteur est la vapeur d’eau. Plusieurs pompes semblables sont établies sur les bords de la rivière, dont l’eau, par un canal, est introduite dans un grand bassin, où elle s’épure, et d’où le jeu de la pompe l’élève dans un autre bassin. De là elle est répartie en divers tuyaux qu’on dirige selon les besoins des différens quartiers.

Ces nouvelles machines hydrauliques ont donné lieu à quelques édifices de peu d’étendue, mais d’une construction simple et de bon goût. Tel est celui qu’on apelle la pompe à feu de Chaillot, situé sur le quai de ce nom. Le style de ces bâtimens, qui n’exige ni fenêtres, ni ouvertures, doit tenir de celui qu’on affecte aux réservoirs, ou à ce qu’on appelle des châteaux d’eau.

POMPEIA. Ville antique de la Campanie, voisine d’Herculanum, et qui fut ensevelie sons les cendres du Vésuve.


A l’article HERCULANUM, nous avons déjà dit que l’éruption de l’an 79 ne fut pas la seule cause de la destruction de Pompeia. Un tremblement de terre avoit précédemment renversé ses édifices, et il paroît qu’entre cet événement et celui de la grande éruption, il s’étoit écoulé un espace de temps pendant lequel les habitans, rentrés dans leur ville, avoient pu en restaurer plusieurs édifices. Il est également prouvé que Pompeia ne fut pas entièrement couverte, en 79, par les cendres du volcan, et que dans la suite de nouvelles éruptions la dérobèrent entièrement. Mais beaucoup de ses édifices, restés plus ou moins enterrés, eurent à subir, dans tous ces intervalles, plus d’un genre de destruction, indépendant des causes naturelles.

On a besoin de quelques-unes de ces considérations pour s’expliquer les différens états de conservation ou de ruine dans lesquels se retrouvent aujourd’hui les restes de cette ville antique, restes toutefois des plus curieux et des plus instructifs. Nulle autre ville de l’antiquité ne nous a été conservée dans un tel état d’intégrité, et tel surtout quant aux plans, que l’architecte n’a souvent autre chose à foire que de relever on de rachever ses élévations, sur les témoignages incontestables des parties inférieures qui en subsistent.

Les monumens de Pompeia appartiennent à l’architecture grecque ; cependant on est forcé de convenir qu’elle ne s’y montre point dans toute sa pureté primitive, quoique d’ailleurs les édifices de cette ville ne manquent ni de simplicité, ni de noblesse, ni de grâce. Les peuples divers qui l’ont habitée tour à tour, ont dû y laisser des traces de leur passage. Mais on y sent particulièrement l’influence que dut y exercer la longue domination des Romains, chez lesquels le goût de l’architecture grecque avoit reçu plus d’une altération. Ajoutons encore que Pompeia ne dut être qu’une ville du troisième ordre. Or, on comprend que jadis, comme cela a lieu de nos jours, les plus célèbres artistes ne dévoient travailler que pour les grandes villes. Pompeia n’auroit eu ni les moyens, ni les occasions d’élever de ces grands monumens où l’art peut déployer ses ressources. On y trouve bien à peu près tous les établissemens dont se composoient les grandes cités ; mais on les y voit, si l’on peut dire, en diminutif, et réduits, soit pour l’étendue, soit pour la composition, soit même pour le genre ou la mesure des matériaux.

En examinant les ruines de Pompeia sous le point de vue de la construction, on y trouve cependant l’emploi des différens modes de bâtir, dont parle Vitruve ; mais le plus ordinaire est l’opus incertum et la maçonnerie en briques.

Les pierres sont celles qu’un appelle la pierre de lave dure, les scories volcaniques, le tuf plus ou moins blanc, la pierre ponce blanche, le piperno, pierre grise d’un grain rude, et quelques pierres calcaires, le travertin.

Le mortier qui lie les matériaux, quoiqu’assez abondant dans certains endroits, est cependant loin d’avoir la solidité qu’on lui trouve ailleurs ; il paroît qu’il ne faut en accuser que la négligence des ouvriers.

Le cuivre, le fer et le plomb sont mis en œuvre dans les constructions, à peu près comme on le fait aujourd’hui ; mais, contre la pratique la plus ordinaire chez les Anciens, l’emploi du fer est plus commun que celui du cuivre.

Le bois, outre d’autres usages, servit à faire, ainsi qu’on le pratique encore à Naples, des terrasses fort solides, quoique supportées par des pièces d’un foible diamètre et d’une grande portée. La charpente y étoit d’une grande simplicité, les bois y étoient quelquefois à peine équarris. C’étoit le plus souvent du sapin ; on l’employoit de préférence, et particulièrement pour les toits qui recouvroient les cours des maisons.

Les édifices sont décorés à peu de frais, et, à l’exception de quelques pavés et des mosaïques, on ne trouve guère de marbre qu’aux théâtres.

Le stuc est employé, ou pour les ornemens, ou comme revêtement sur les enduits, et fait conformément aux procédés indiqués par Vitruve, de plusieurs couches de mortier avec de la chaux et de la pouzzolane. Le stuc, qui étoit appelé, par les Anciens, opus albarium, à cause de sa blancheur, ou marmoratum parce qu’il imitoit le marbre, et qu’il en entroit dans sa préparation, se mettoit sur la dernière couche d’enduit. Tous les stucs n’étoient pas de la même finesse. Dans les endroits les moine apparens, et chez les particuliers pauvres, ils étaient d’une espèce inférieure.

On faisoit encore usage, à Pompeia, d’une composition à peu près semblable, pour former des aires sur les terrasses, dans les cours et les appartemens. Avant qu’elle fût sèche, on y incrustoit de petits morceaux de marbre de couleur, pour l’embellir ; d’autres fois on mêloit seulement à cet enduit, du tuileau pilé, ce qui lui donnoit l’apparence d’une espèce de granit rouge. C’est ce qu’on appeloit opus signinum.

Les édifices sont aussi presque tous ornés, même avec profusion, de ces pavés du mosaïque, nommés lithostrotos par les Grecs, qui en furent les inventeurs, et que les Romains paroissent n’avoir connus que vers la fin de la république, puisque Sylla, dit Pline, fut le premier qui en introduisit l’usage.

Les peintures étoient d’un usage si général dans cette ville, qu’an peut dire qu’elle est entièrement peinte. Elles sont dans le goût do ces arabesques qui commencèrent à devenir de mode sous Auguste, et contre lesquelles Vitruve s’est élevé avec peut-être plus de raison que de goût.

Les murailles de la ville de Pompeia n’ont été découvertes qu’en quelques endroits, cependant on en voit assez pour prendre une idée juste de leur construction ; elles sont bâties de grosses pierres taillées et posées avec beaucoup de soin. Près de la porte, on aperçoit des contre-forts intérieurs, qui soutiennent la poussée du terre-plein du rempart, auquel on monte par dix marches rapides et peu commodes. Dans quelques endroits on aperçoit que ces murailles ont été réparées par des constructions en briques et de blocage.

De toutes les portes, il n’en reste plus que trois visibles, dont une seule est assez conservé. Elle consiste en trois ouvertures ; savoir, une grande et deux petites latérales, qui se répètent aux deux bouts d’un long passage. Les petites portes se ferminent avec des ventaux ; celle du milieu, du côté de la ville, étoit close de même, ainsi que le témoignent les trous dans lesquels tournoient les pivots ; mais, du côté extérieur, elle étoit fermée par une herse. Elle est construite en briques et moellons posés par assises alternatives, et revêtue d’un beau stuc blanc.

Cette porte donne entrée sur une rue dont le pavé est formé, comme celui des voies romaines, de gros blocs polygones irréguliers, avec un petit trotoir de chaque côté ; elle a, entre les trotoirs, de douze à quatorze pieds, ce qui suffisoit au passage de doux voilures, dont les roues ont laissé dans la pierre une trace assez profonde.

On trouve, avant l’entrée de cette rue, divers tombeaux, une petite œdicula ; de chaque côté, intérieurement et extérieurement, sont placés de petits bancs de pierre. Après est un banc demi-circulaire, dont les deux extrémités sont terminées par une griffe de lion ailé. Au milieu de son cintre est placé, sur l’appui du banc, un encadrement qui contenoit autrefois une inscription. Ce banc est suivi d’un reste de tombeau, dont le soubassement est construit en grosses pierres. Plus loin s’élève le tombeau do la prêtresse Mammia. Cet édifice est décoré de colonnes engagées ; il est entouré d’un appui formé de petites arcades. L’intérieur est orné de niches et de peintures. Au milieu est un massif qui sans doute portait l’urne où étoient renfermées les cendres de Mammia. Ce tombeau est construit en moellons, les colonnes sont en briques, le tout revêtu d’un stuc assez épais.

De nouvelles fouilles ont fait découvrir, sur la voie qui conduit à la ville, de nouveaux tombeaux, mieux conservés encore que celui de Mammia. La description détaillée de ces monumens seroit la matière d’un ouvrage. Nous nous contenterons, dans cet article, d’en donner la simple énumération. On voit ainsi se succéder, sur le bord de la voie, deux tombeaux, dont aucune inscription ne désigne les personnages auxquels ils appartenoient. Le tombeau de Lucius Libella et de son fils ; un tombeau sans nom ; un triclinium funèbre ; le tombeau de Nevolia Tychè et de Numatius ; le sepulcretum de la famille Nistacidia ; le tombeau de Calventius Quietus ; un tombeau circulaire, sans nom ; le tombeau de Scaurus.

S’il s’agissoit maintenant de rendre compte, en entrant dans la ville et en parcourant les rues qu’on y a déblayées, de chaque maison, dont les plans, les rez-de-chaussée, et les élévations plus ou moins conservés, permettent de retrouver les distributions et les formes, nous entrerions dans un détail auquel le discours seul ne sauroit suffire. Nous renvoyons donc le lecteur a l’ouvrage des Ruines de Pompei, par M. Mazois.

Quelques idées générales sur les maisons de cette ville suffiront à la courte notice que comporte cet article.

On remarque à Pompeia, comme dans toutes les villes, trois ordres de maisons, les unes petites, les autres moyennes, d’autres grandes et étendues.

Les maisons, à quelque classe qu’elles aient appartenu, ne paraissent avoir eu presque toutes qu’un étage à rez-de-chaussée, du munis sur la rue. Dans quelques-unes on voit, ou des restes d’escaliers, ou dans les murs, les trous qui indiquent les pièces de charpente, ou les marches de certaines montées conduisant à un petit étage, dont les fenêtres donnent sur le cavœdium. Cette disposition des maisons, et leur manque d’élévation, pourroit s’expliquer ici par la situation d’une ville bâtie sur un terrain qui, de temps immémorial, fut sujet aux tremblement de terre, occasionnés par le voisinage du Vésuve. Mais on voit qu’elle correspond assez bien à celle que Vitruve nous a donnée de la maison des Grecs, en général, car, d’après sa description, on ne remarque point qu’il y ait eu des étages les uns sur les autres. Cela tenoit jadis aux mœurs. Chaque famille avoit sa maison, et cette maison avoit en étendue de place, ce que, dans les usages modernes, on met un hauteur.

Cependant on remarque que beaucoup de grandes maisons, à Pompeia, avoient sur la rue des boutiques qui souvent ne communiquoient pas à la maison dont elles dépendoient. Ces boutiques formoient un revenu de location fort important.

On a facilement reconnu dans les moyennes et dans les grandes maisons de Pompeia, dont les rez-de-chaussée, quoiqu’à demi détruits en élévation, sont encore tout-à-fait entiers quant au plan, la plus grande similitude avec les parties qui, d’après Vitruve, composoient les maisons grecques. On y retrouve le protyron, le vestibulum, l’atrium, le tablinum, les différentes sortes de cavœdium, dont Vitruve nous a laissé les descriptions.

Quelques-unes des principales maisons de Pompeia offrent encore, lorsqu’on en considère les plans, la preuve d’une fort grande intelligence dans leurs distributions, et dans l’art de faire accorder une disposition de bâtimens réguliers avec les élémens discordans d’un terrain irrégulier.

Les maisons particulières de Pompeia ont donné lieu, dans leurs plans, et par les restes de leur élévation, à des rapprochemens faciles à faire de leur disposition intérieure, avec les descriptions que Vitruve nous a laissées des maisons de son temps. Le texte de cet auteur, privé des figures ou dessins qui en rendoient l’intelligence facile, est demeuré en quelques endroits d’une telle obscurité, qu’on seroit parvenu difficilement à l’éclaircir, sans les découvertes de la ville de Pompeia.

Vitruve, par exemple, a distingué, dans la construction intérieure des maisons, cinq espèces de cavœdia ou d’atria ; savoir : le toscan, et le tétrastyle, le corinthien, le dipluviatum et le testudiné. En rétablissant, d’après leurs plans et des vestiges de murs ou de colonnes, le plus grand nombre des maisons de Pompeia, on retrouve toutes les variétés que Vitruve a établies dans cette partie de l’art des distributions intérieures.

Presque toutes les pièces d’usage, décrites ou mentionnées par les auteurs dans les maisons d’habitation, ont été retrouvées et restituées en dessin et en théorie par l’auteur des Ruines de Pompei. On y voit le tablinum, qui étoit une pièce attenante au cavœdium. Cette pièce, à Pompeia, est ouverte du côté du cavadium, et on y trouve encore des portraits peints.

Les ailes étoient des pièces semblables, mais plus petites, placées à droite et à gauche de l’atrium. Elles étoient aussi ornées de portraits. On en voit dans presque toutes les maisons.

Dans les maisons de peu d’étendue, on logeoit les étrangers autour de l’atrium ; mais les grandes maisons avoient un local qu’on appeloit hospitium.

Le péristyle, ainsi qu’on le voit à beaucoup de maisons de Pompeia, étoit un portique qui entouroit une cour plus grande que le cavœdium, et entièrement découverte. On ornoit quelquefois l’intérieur de cette cour avec des fleurs et des arbustes.

Les chambres à coucher ou cubicula étoient presque toujours précédées d’une antichambre, appelée procœton. Elles n’étoient point aussi spacieuses que les nôtres, parce qu’elles ne servoient que pour dormir. On y ménageoit quelquefois une alcove pour y placer le lit.

Le triclinium étoit la salle à manger, qu’on appela d’abord diœta ou cœnaculum. Parmi les triclinia qu’on voit à Pompeia, il en est qui n’ont jamais pu recevoir la lumière du jour nécessaire pour les éclairer suffisamment ; ce qui ne doit pas étonner ; puisque le principal repas se faisoit le soir, et par conséquent à la lumière des lampes.

Les cœci correspondoient à nos salons. Il y en avoit de plusieurs sortes : les corinthiens, voûtés et environnés de colonnes ; les tétrastyles, qui avoient deux ordres, et un balcon ou terrasse extérieure ; enfin, les cyzicènes, ordinairement situés sur le jardin, et dont les fenêtres s’ouvroient du haut en bas.

On trouvoit encore dans les maisons l’exèdre, lieu de conversation, la pinacotheca, ou galerie de tableaux ; les bains, l’ergastulum, ou logement des esclaves, et dans le lieu le plus secret de la maison, une petite pièce que nous dirions la chapelle, et qu’on nommoit sacrarium.

Nous avons rapporté ici cette énumération, uniquement dans la vue d’engager le lecteur à en vérifier les élémens, sur les monumens mêmes de Pompeia dans l’ouvrage déjà cité.

Avant de passer à la mention des monumens pl considérables que renferment les ruines de Pompeia, nous dirons encore un mot d’une habitation plus étendue ; c’est celle que l’on connoît et qu’on désigne ordinairement sous le nom de maison de campagne, comme étant située à quelque distance de la ville. Elle avoit deux divisions, l’une plus élevée que l’autre. Des colonnes, ou plutôt des piliers carrés, formoient une galerie couverte autour de la cour, qui avoit quatre-vingt-quatorze pieds en carré. En y entrant on apercevoit un portique ouvert, soutenu par six colonnes. Des deux côtés il étoit entouré d’arbres, dont on a découvert encore des troncs et beaucoup de branches. L’autre division de la maison étoit la plus élégante. Les peintures dont elle étoit décorée étoient faites avec beaucoup de soin ; celles surtout de la pièce principale étoient très-bien exécutées.

Le temple d’Isis est un des monumens tout à la fois les plus remarquables et les mieux conservés entre les ruines de Pompeia. C’est, en petit, une image assez ressemblante de ces grands temples de l’antiquité qu’entouroit une grande enceinte. Celui d’Isis étoit formé par un péribole en colonnes, presque toutes bien conservées. Au milieu de l’area, entourée par ce péribole, étoient des autels, et il y existe encore une petite ædicula ornée de bas-reliefs en stuc. A l’extrémité de cette area s’élevoit le temple, construction d’une petite étendue, à laquelle conduisoient plusieurs marches : c’étoit là sans doute le sanctuaire obscur de la déesse.

Près de là s’est conservé un édifice spacieux, qui, selon toute apparence, a servi de logement et de place d’armes aux soldats romains ; c’est pourquoi on l’a appelé le quartier des soldats. Les colonnes de la galerie qui forme cet édifice sont d’ordre dorique sans base : elles sont hautes de onze pieds, et leur diamètre est de dix-huit pouces. Cette galerie donne entrée dans un grand nombre de chambres.

De nouvelles fouilles, exécutées dans ces dernières années, ont fait reparoître un fort grand nombre de monumens, dont la plus courte description excéderoit de beaucoup l’étendue d’un simple article de Dictionnaire. Nous terminerons celui-ci par une mention fort abrégée sur l’ensemble du forum de Pompeia.

Il étoit conforme, par sa disposition et dans ses détails, à la description qu’a faite Vitruve de cette partie des villes antiques.

On croit y reconnoître, 1°. les restes d’un temple de Jupiter ; quelques fragmens de sa statue justifient cette hypothèse.

2° Un temple qu’on appelle de Vénus, dont l’ensemble est complet et se compose d’une enceinte, d’un portique, d’un naos, etc. Quoique ce monument touche au forum par un de ses côtés, sa disposition toutefois ne t’y rattache pas.

3°. Une curie : ainsi interprète-t-on, d’après les restes de cet édifice, la destination qu’on lui suppose, et de là le nom qu’on lui donne.

4°. Un hospitium public. Il paroît que ce nom convient mieux au monument dont il s’agit, que celui de panthéon qu’on lui donne actuellement. Sa disposition, son plan et ses détails semblent indiquer un lieu de réunion pour les étrangers.

5°. Un chalcidicum. Selon Vitruve, ce qu’on appelle ainsi devoit être placé aux deux bouts de la basilique, lorsque le terrain le permettoit. Une inscription apprend que ce chalcidicum fut construit par une certaine Eutychia.

6°. La basilique. Sa construction est en blocage lié par un ciment de chaux et de pouzzolane recouvert de stuc. Les colonnes du grand ordre et de l’ordre engagé étoient de briques de différentes grandeurs, taillées en angle. Il ne reste que la base du grand ordre ; elle est en peperino. Le petit ordre corinthien est tout entier de la même pierre. Tous les ordres sont couverts de stuc, et ce stuc étoit peint de diverses couleurs.

POMPEION. Edifice d’Athènes, dans lequel les ustensiles sacrés, et les choses nécessaires pour la célébration des fêtes, étoient en dépôt. On l’avoit construit à l’entrée de l’ancienne cité, du côté du port de Phalère, et il étoit embelli par un grand nombre de statues de héros. Ce bâtiment avoit été ainsi appelé, parce qu’on y conservoit ce qui se rapportoit aux pompes ou processions solennelles.

PONCE (Pierre de). Lave vitreuse qu’on emploie à unir et à polir differentes matières. Les Anciens en usèrent, soit pour polir le parchemin et le papyrus sur lequel ils écrivoient, soit pour aiguiser les roseaux qui leur tenoient lieu de plumes.

On polit encore aujourd’hui avec la pierre de ponce le parchemin et beaucoup d’autres substances molles ; mais elle sert surtout à polir les bois et les marbres. Les sculpteurs n’emploient guère autre chose pour donner à leurs statues ce dernier poli qui fait disparoître toutes les traces de l’outil, et souvent aussi les aspérités du la matière.

PONCEAU, subs. mas. Nom qu’on donne à un petit pont d’une seule arche, pour passer un ruisseau ou un petit canal.

PONCER, v. act. C'est employeur de la pierre ponce à polir les matières sur lesquelles elle a prise.

Poncer se dit encore d’une pratique de l’art du dessin, dans laquelle probablement on emploie d’abord la poussière de la pierre-ponce. Cette pratique consiste dans l’opération de piquer le contour d’un dessin avec la pointe d’une aiguille, et de faire passer une poussière très fine et colorée par ces trous, qui marquent ainsi les traits et les contours du dessin qu'on veut calquer. On se sert de cette pratique très-volontiers pour la broderie.

PONCIS, s. m. On appelle ainsi le dessin ou l’estampe dont les traits et les contours sont piqués à jour avec l’aiguille, et qui sert de patron pour en faire de semblables.

PONCTUER, v. act. C’est marquer ou exprimer par des points, dans la délinéation de l’architecture, certaines parties saillantes, comme les voûtes, les saillies des corniches, et beaucoup d’autres choses, que l’on veut tout à la fois faire concevoir, ou faire supposer, sans en donner le détail.

PONT, sub. m. Si on définit un pont sous le rapport de son emploi, c’est un chemin suspendu, porté sur divers genres de supports, et élevé par l’art pour faire traverser une rivière, un canal, un fossé, un intervalle quelconque entre des terres ou des montagnes, etc.

Si on définit un pont sous le point de vue de son exécution, c’est un ouvrage de construction fait de différentes matières, par des procédés divers, dont l’objet est d’offrir un chemin sûr, solide el approprié aux convenances et aux besoins des temps, des lieux et des peuples.

Cette double définition fait déjà connoître quelle multiplicité de notions un pareil sujet pourroit embrasser, si l’on prétendoit réunir sous ce titre les travaux en ce genre de tous les peuples et de tous les temps, tracer l’esquisse de l’origine et des progrès de l’industrie appliquée à cette sorte d’ouvrages, faire connoître en détail les moyens que la nature et l’art ont suggérés aux hommes pour construire de tels édifices, donner une idée des variétés de formes appliquées par l’architecture à leur embellissement, décrire les ouvrages les plus remarquables par lent étendue ou leur masse, et entrer dans les procédés de leur construction.

Nous nous croyons dispensés de donner à cet article un semblable degré d’importance. D’abord, le Dictionnaire des Ponts et Chaussées ayant pour objet d’embrasser tout ce qui a rapport a la science de la construction, et le Dictionnaire d’antiquités, ce qui concerne les plus anciennes notions en cette matière, nous ne pourrions qu’offrir ici le tableau raccourci et par trop incomplet d’un sujet si étendu. Ensuite, un grand nombre d’articles de notre Dictionnaire a déjà parcouru plus d’une de ces notions, qui, appartenant à la construction en général, sont communes à celle des ponts, et d’autres simplement descriptives, qui font partie de la biographie des plus célèbres, architectes. C’est pourquoi cet article se bornera à un résumé succinct de l’historique des ponts dans les temps anciens et modernes, et des principaux systèmes ou moyens de construction employés jusqu’à nos jours dans ces ouvrages.

NOTIONS HISTORIQUES ET CHRONOLOGIQUES SUR LES PONTS

Ceux qui se plaisent à remonter, en chaque genre d’inventions, aux premiers essais que le besoin des sociétés naissantes dut inspirer à l’instinct de l’art de bâtir, trouvent avec beaucoup de vraisemblance l’origine des ponts dans les radeaux. On abattoit, disent-ils, des arbres au bord des rivières qu’on vouloit traverser, et on les couchoit en travers sur leur courant. Ces arbres couverts de fascines, de terre et de gazon, ont pu former un chemin sur lequel il bit possible de passer des ruisseaux ou de petites rivières.

En effet, dans tous les temps, l’art de se créer des passages sur des courans d’eau, a dû être proportionné à la largeur, à la rapidité de ces courans. Ce que des peuplades à demi sauvages ont pu essayer de la manière qu’on vient de décrire, n’a pu avoir lieu sur des rivières plus larges et plus profondes.

Si l’on recherche en spéculation l’espèce de pont qui, dans l’ordre des premières inventions, a dû succéder aux radeaux, il paroîtra vraisemblable que la seconde sorte d’essais dut consister à assembler des bateaux liés entr’eux dans le travers du courant d’une rivière. Cette manière de traverser les fleuves, usitée dans les opérations militaires, s’est perpétuée jusqu’à nos jours au milieu de quelques villes.

Les ponts de charpente nous offrent ensuite le premier système de ce qu’il faut appeler construction en ce genre, et on peut encore, selon l’ordre naturel des inventions humaines, diviser en deux temps ces sortes d’ouvrages. D’abord, on se contenta de planter des pieux dans le terrain recouvert par l’eau, et d’établir dessus, les travées de bois qui doivent constituer le chemin. Par la suite, et lorsqu’on eut trouvé l’art de construire sous le courant même, au moyen des batardeaux, on bâtit des piles de maçonnerie qui servirent de support au chemin formé en bois de charpente, et élevé quelquefois sur des arcades également de bois.

Cette construction économique, mais sujette aussi à de fréquentes réparations, dut être bientôt suivie de la construction toute de maçonnerie ou de pierres, qui présente à la fois le plus de solidité et de durée.

Dans l’histoire qu’on pourroit faire de la construction des ponts chez les différens peuples, il faut avoir égard aussi aux causes locales qui dûrent y favoriser plus ou moins un genre de construction ou un autre.

Ainsi, tel peuple peut avoir élevé ou construit avec beaucoup d’industrie de grands édifices, et n’avoir rien produit dans l’architecture des ponts, si la nature ne lui en imposa point le besoin. Il semble que le degré d’habileté, de hardiesse et d’exercice en ce genre de construction, a toujours dû se mesurer sur le nombr et la grandeur des rivières ou des fleuves qui traversent chaque pays. En Egypte, par exemple, qu’un seul fleuve traverse avec une largeur si considérable, et où le débordement périodique des eaux inonde tous les ans les terrains qui l’environnent, la construction des ponts eût été aussi difficile qu’inutile. Les communications que le commerce rendoit nécessaires d’une rive du fleuve à l’autre, quand le débordement le faisoit rentrer dans son lit, ne pouvoient avoir lieu que par le secours des barques ; et quant aux nombreux canaux dont étoit coupé, tout le pays, on sait que, vu leur peu de largeur et de profondeur, ils ne dévoient exiger, pour être facilement et sûrement traversés, que les moyens les plus simples, savoir, des piles de pierre sans fondation et des dales de même matière, d’une pile à l’autre, ce qui n’exigeoit ni art ni science. Ce fut peut-être celle simplicité de moyens qui contribua encore à rendre inutile dans ce pays, sur des eaux dormantes, la pratique des voûtes et des arcades, qu’exigent en d’autres lieux la traversée des eaux courantes, sur les plus petites rivières et les torrens, dans des terrains inégaux et montueux.

On n’a cité aucun exemple, et l’on ne rencontre aujourd’hui aucun reste de pont remarquable dans la Grèce. Par une raison contraire à celle que nous venons de faire observer en Egypte, les Grecs n’auroient pu avoir de grandes constructions à exécuter en ce genre : la Grèce proprement dite n’a que de fort petits fleuves, et plusieurs de ceux qu’on appelle ainsi, ressemblent plutôt à des torrens, grossis par intervalles, qu’à ces grandes masses d’eau qui, parcourant d’immenses étendues de terrain, s’augmentent dans leur cours, du tribut d’un grand nombre de ruisseaux et de rivières, et dès-lors exigent, pour être traversées, d’énormes et dispendieus constructions. Il dut suffire le plus souvent, dans ce pays, d’une seule arche de pont, dont les points d’appui se trouvoient d’un côté et de l’autre d’une berge ordinairement fort élevée.

Si nous suivons, avec l’histoire des autres arts celle des ponts en Italie sous l’empire des Romains, nous voyons un pays coupé par de beaucoup plus grands fleuves, offrir à l’architecture de bien plus nombreuses occasions de construire des ponts dans de bien autres dimensions, autant pour le service intérieur des villes, que pour celui des expéditions militaires dans des pays lointains.

Rome, dès ses premiers temps, fut obligée de se livrer à d’assez grands travaux en ce genre sur le Tibre, fleuve dont le volume d’eaux et les crues subites exigèrent dans la suite de fortes constructions. Il paroît toutefois que les premiers ponts furent en bois ; tel étoit celui qui servoit à joindre le Janicule au Mont-Aventin. On l’appela Sublicius, parce qu’il reposoit sur des pieux et des poutres, et sa charpente étoit assemblée sans fer ni chevilles, pour qu’on pût aisément la démonter en cas de besoin.

Rome compta jusqu’à huit ponts. Celui dont on vient de parler, qui dans la suite prit le nom d’Æmilius, pour avoir été rebâti en pierre par Æmilius Lepidus ; ruiné de nouveau, il fut reconstruit par Antonin-le-Pieux, en marbre, d’où on l’appela Pons marmoratus. On n’en voit aujourd’hui presque plus rien. Le pont triomphal, près du Vatican, ce qui le fit nommer aussi Pons Vaticanus, conduisoit du Champ-de-Mars au Vatican. On croit en reconnoître encore les vestiges auprès de l’hôpital du Saint-Esprit. Le pont Palatin ou Sénatorius, étoit placé entre le Forum et le Janicule, Marcus Fulvius en fit faire les piles ; les arches en furent achevées et cintrées par Lucius Mummius. En 1598, un débordement du Tibre en emporta plusieurs arches ; il n’a point été rétabli depuis. C’est celui qu’on appelle aujourd’hui Ponte Rotto. Deux ponts établissoient jadis la communication entre la ville et l’île dite du Tibre. L’un, appelé du nom de Fabricius, qui le fit construire étant curator viarum, intendant des chemins. On l’appelle aujourd’hui Ponte di quatro Capi, à cause d’une figure à quatre têtes placée à l’issue du pont dans l’île. L’autre pont, qui faisoit communiquer l’île avec le Janicule, fut nommé Pons Cestinus, parce qu’il fut bâti par Cestius Gallus du temps de Tibère. Il fut réparé par les empereurs Valentinien, Valens et Gratien, ainsi que le prouve une longue inscription. Aujourd’hui il porte le nom de pont Saint-Barthélemi, de l’église de ce nom qui se trouve près de là dans l’île. Le pont Janiculensis ou Aurelius, conduisoit du Champ-de-Mars au Janicule : il fut rebâti sous le règne d’Antonin-le-Pieux. Rétabli par le pape Sixte-Quint, il en retint le nom qu’on lui donne aujourd’hui de Ponte Sisto. Le pont Ælius ou Adrianus, ainsi appelé du nom de l’empereur qui le fit construire, subsiste encore dans son entier. C’étoit, en suivant le cours du fleuve, le second dans la ville ; il y réunissoit le mausolée superbe qui porte encore aujourd’hui le nom de Mole Adrienne. Les papes Nicolas V et Clément IX l’ont fait restaurer et l’ont orné de statues ; c’est celui qu’on désigne par le nom de ponte Sant Angelo. On appelle à présent Ponte Mole celui que l’on appeloit Pons Milvius. Il est à un mille de Rome. Ce fut près de ce pont que Constantin défit le tyran Maxence, qui se noya dans le Tibre. Nicolas V l’a fait rétablir, mais il ne conserve presque plus rien de son antique structure. On peut joindre encore aux ponts antiques de Rome, quelques petits ouvrages qui sont sur l’Anio ou le Teverone, tout près de la ville ; le pont Salarius, ponte Salaro, parce qu’il étoit sur la Via Salara ; le pont Lucanus, ponte Lugano, construit probablement sous l’empereur Claude ; le pont Mammœus ou Mammolus, bâti par Alexandre Sévère, et le pont Nomentanus, qui conduisoit sur la voie Nomentana, et qu’on appelle aujourd’hui ponte della Montana.

Il existe encore en Italie d’autres restes de ponts bâtis par les anciens Romains, quelques-uns restaurés et rétablis dans les temps modernes, comme celui de Capone sur le Vulturne ; comme celui de Narui sur la Néra, qui dut établir la communication entre deux montagnes fort élevées, ce qui obligea de donner une très-grande hauteur aux arches. Une seule des quatre arches subsiste encore (voyez la description de cet ouvrage au mot Narni). A Rimini on admire encore ùn très-beau pont qu’Auguste fil bâtir pour joindre la voie Flaminienne à la voie Emilienne. Il a deux cents pieds de longueur, et est porté sur cinq arches.

L’art de bâtir les ponts prit de l’accroissement avec l’Empire romain, et aussi à mesure que les conquêtes dans les régions lointaines, et les opérations militanes s’étendirent sur des pays traversés par des fleuves considérables, tels que le Rhône, le Rhin, le Danube. Ainsi les écrivains nous ont conservé des notions sur le pont que Trajan avoit bâti sur le Danube pour faciliter les irruptions dans la Dacie. Selon Dion Cassius, ce pont avoit vingt piles en pierre de taille, qui, sans compter les fondations, avoient cent cinquante pieds de haut, soixante de largeur, et qui étoient jointes par des arches de cent soixante-dix pieds d’ouverture. Hadrien le fit détruire depuis, parce qu’après avoir servi les projets d’invasion des Romains dans la Dacie, il favorisa réciproquement les excursions des Daces hors de leur pays.

Trajan fut encore celui sous le règne duquel l’Espagne vit s’élever le célèbre pont de la Norba Cesarea, appelé depuis par les Maures, et encore aujourd’hui, Alcantara. Nous en avons déjà parlé à ce mot (voyez Alcantara). Ce pont a six cent soixante-dix pieds de longueur : il se compose de six arches, dont chacune a quatre-vingts pieds d’une pile à l’autre ; les piles sont carrées, et ont de vingt-sept à vingt-huit pieds de face de chaque côté. La hauteur du pont, depuis la surface de l’eau, est de deux cents pieds. Voyez encore, au mot Lacer, ce qu’on a dit de l’architecte ainsi nommé, qui fut l’auteur de cet ouvrage.

C’est par erreur que la plupart des lexiques mettent au nombre des grands travaux antiques, en fait de pont, ce qu’on appelle improprement le pont du Gard. Le nom d’aqueduc est celui qui lui convient. (Voyez Aqueduc.) Il est bien vrai que le rang inférieur d’arcades sur lequel s’élèvent les deux autres rangs beaucoup plus nombreux, donne passage, dans une ou deux arcades, à la petite rivière du Gardon ; mais cela seul ne constitue pas un pont, ouvrage qui, d’après sa définition, doit offrir un chemin au-dessus de ses arches : or, les arcades inférieures de l’aqueduc antique du Gard n’offroient point de passage au voyageur. C’est dans les temps modernes qu’on a ajouté, et si l’on peut dire accolé, une nouvelle construction en saillie au rang des arcades d’en bas ; cette addition en a fait un pont dans toute l’étendue du terme, mais ce supplément ne doit pas se mettre sur le compte de l’antiquité.

Si l’on faisoit une histoire générale des ponts et de l’art de les construire, il faudroit sans doute rechercher ce qui doit ou peut avoir été exécuté dans se genre, après la chute de l’Empire romain, et chez les peuples modernes au milieu des siècles d’ignorance ; mais de telles recherches n’appartiennent point et conviendroient mal à cet essai. Il est fort à croire qu’avant que les nations modernes eussent acquis, par des gouvernemens réguliers et le perfectionnement de la civilisation, la puissance et les ressources nécessaires à l’exécution des grands travaux de l’art de bâtir, les parties isolées et incohérentes de ces états furent réduites à l’économie des ponts de bois. Ainsi voyons-nous, et par l’histoire, et par des ouvrages parvenus jusqu’à nos jours, que l’on en usa dans les plus grandes villes ; et il n’y a pas long-temps qu’on a vu disparoître, à Paris et dans ses environs, les derniers ponts bâtis en charpente, et à Rouen, le pont de bateaux qui servoit encore naguère de communication aux habitans de cette grande ville.

Nous passerons donc tout de suite, selon l’ordre des temps, à un très-grand ouvrage qui date du treizième siècle, et qui est encore de nos jours un objet d’admiration ; je parle du pont du Saint-Esprit, qui a donné son nom à la ville qu’on appelle ainsi. Ce pont, construit sur le Rhône, fut commencé en 1265, et fut achevé environ l’an 1309. Il a quatre cent vingt toises de long, sur deux toises quatre pieds quatre pouces de large ; cette seule disproportion montre assez quel étoit, à cette époque, l’état du commerce et des moyens de voiturage. Il n’y a pas aujourd’hui si petit pont sur si petite route que ce soit, qui n’offre une voie beaucoup plus large. Le pont Saint-Esprit, au reste, a dû beaucoup de sa célébrité au temps reculé qui le vit construire, à la largeur, à la profondeur et à la rapidité du fleuve qu’il traverse, et, il faut le dire aussi, à sa solidité. Il est soutenu par vingt-six arches, dix-neuf grandes et sept petites, qui sont aux extrémités et forment les rampes ; ces petites arches sont souvent à sec, et ne servent au passage de l’eau que dans les débordemens. Sans doute il dut passer pour une merveille, dans un temps où l’on ne construisoit les ponts qu’en bois.

Ce fut également au commencement du seizième siècle que fut bâti le pont en pierres qu’on appelle à Londres le pont de Londres. Il remplaça le pont de bois qui avoit été construit sur la Tamise, au même endroit, dans les premières années du onzième siècle. Le pont de Londres a neuf cent quinze pieds de long et soixante-treize de large. Excepté l’arche du milieu, toutes les autres sont beaucoup trop étroites ; mais cet ouvrage devoit être prodigieusement surpassé dans la suite.

Paris, nous l’avons déjà dit, n’eut dans ses commencemens que des ponts de bois. L’histoire des temps anciens de cette ville nous apprend que deux ponts de bois, appelés l’un, Pont-aux-Changeurs, l’autre, Pont-aux-Meûniers, construits dans le voisinage de la tour de l’horloge du palais, ayant été brûlés en 1621, le roi Louis XIII ordonna qu’à leur lieu et place on établiroit un seul pont, sous le nom de Pont-au-Change, et ce pont fut bâti en pierres. Il est composé de cinq arches.

Toutefois, plus d’un siècle auparavant, Louis XII avoit appelé d’Italie à Paris Fra Giocondo (voy. ce nom) pour la construction en pierres du pont Notre-Dame, qui fut commencé en 1500, et terminé en 1507.

Le seizième siècle vit élever aussi en Italie plus d’un ouvrage de construction remarquable en fait de ponts. Florence a conservé, sous le nom de Ponte Vechio, un ouvrage dont la date est 1345 ; mais, en 1557, Ammanati bâtit, dans le système des arcs surbaissés, le pont de la Trinité, dont nous aurons occasion de reparler (voyez Ammanati). Nous avons aussi, à l’article de Palladio, cité plusieurs de ses entreprises et de ses projets en ce genre.

L’état actuel des principaux Etats de l’Europe nous montre, comment et pourquoi la hardiesse et l’étendue des travaux que demande l’art des ponts, dut aller en croissant. L’augmentation du commerce dut contribuer à les multiplier ; la grandeur, la largeur et la profondeur des rivières exigèrent la plus grande solidité. Les changemens survenus dans les voitures dans le transport des marchandises et des personnes, firent chercher encore les moyens de donner à la voie publique des ponts beaucoup moins de pente, ce qui obligea de surbaisser leurs arcs lorsque les berges du fleuve ont peu d’élévation.

Les entreprises modernes, en fait de pont, sont donc devenues beaucoup plus considérables, et bien autrement nombreuses que dans les temps anciens.

Ainsi Paris, en moins de deux siècles, a vu s’élever sur la rivière qui le traverse, dix ponts en pierre de taille. De plus grands ouvrages ont encore été exécutés hors de la capitale ; tels sont les ponts de Neuilly, de Sainte-Maxence, de Mantes, d’Orléans, de Bordeaux, etc.

La vaste étendue en largeur de la Tamise, dans la ville de Londres, à donné Lieu à des travaux qui surpassent en grandeur et en magnificence de construction ce qui avoit été fait. On ne citera ici que les noms desponts de Westminster, de Black-Friars et de Waterloo ; ce dernier bâti en granit. Nous reviendrons sur ces travaux dans la seconde partie de cet article, ainsi que sur les ponts de fer, dont on trouve à Londres les plus prodigieux modèles, et dont la ville de Paris a tiré l’imitation de deux de ses ponts.

notions abrégées sur les divers systèmes et procédés de construction des ponts.

L’art de bâtir, comme tous les travaux de l’homme, procéda toujours du simple au composé. Des besoins plus variés et plus multipliés appellent des moyens plus compliqués. Ce que le simple instinct de la solidité fit d’abord imaginer, ne suffit plus lorsque la science vient le remplacer. Alors naissent de nouvelles combinaisons appropriées aux services qu’exigent tantôt les localités différentes, tantôt la diversité des matériaux, tantôt les progrès du commerce et de la civilisation ; c’est ce qui est arrivé à l’art de construire les ponts. Peu de constructions présentent un plus grand nombre de variétés dans leurs élémens, dans leurs matériaux et dans le système de leur emploi.

Après les constructions toutes en charpente, on a fait voir que bientôt on dut établir les bois dont se composèrent les arches, sur des piles en pierre : de là il n’y eut qu’un pas aux constructions des voûtes ou des arches, soit en briques, soit en pierres.

Lorsqu’on voulut établir en matériaux solides de semblables ponts, le premier et le plus naturel de tous les systèmes de construction fut celui des arcs en voûte plein-cintre, ou en demi-cercle régulier. Nul système de construction n’a plus de solidité et n’offre plus de garantie de la durée des édifices. Il existe encore des restes de monumens romains, où des arcades de plein cintre, détachées de la suite des portiques dont elles faisoient partie, sont restées, depuis des siècles, isolées et sans autre appui que celui de leurs piédroits. On a vu qu’au pont antique de Narni (voyez Narni) il ne subsiste plus depuis fort long-temps qu’une seule arche, des quatre dont l’ensemble se composoit jadis, et cette arches est assise encore sur ses deux piles de plus de quatre-vingts pieds de haut, et de soixante de large.

Mais ce pont sous lequel coule la Néra est construit entre deux montagnes dont il falloit établir la communication, et la rivière qui coule au fond de ce ravin n’eût pas exigé une telle élévation.

Cependant, selon la nature des terrains, la grandeur des rivières, et l’exhaussement des eaux qui en produit le renslement et l’impétuosité, mais surtout lorsqu’il s’agit de construire des ponts au milieu des villes, dont on ne sauroit à volonté exhausser les terrains, et lorsque les rivières encaissées par des quais, par des levées et des constructions, sont sujettes à s’élever prodigieusement, le système des arches plein-cintre a dû offrir plus d’un inconvénient.

1º. Si un fleuve ainsi encaissé est sujet à de grandes crues d’eau, la hauteur des berges prescrivant celle qu’on doit donner aux arches, et la voûte plein-cintre prescrivant aussi la largeur qu’elles doivent avoir, on comprend que l’architecte ne pourra s’empêcher de multiplier le nombre des arches, et par suite le nombre des piles, et par conséquent le nombre ou la quantité des obstacles qui s’opposeront au cours de l’eau.

2º. Si on suppose les berges du fleuve peu élevées, l’architecte, qui n’est pas le maître, selon les localités, d’élever son terrain à volonté et au gré de la hauteur que demanderoient les voûtes en plein-cintre de ses arches, ne pourroit le faire qu’en pratiquant de l’un et de l’autre côté du pont, des montées qui en rendroient l’accès très-difficile aux voitures.

De-là dut naitre le système des voûtes à cintre surbaissé, dont il paroît qui les Modernes ont usé les premiers.

Les premiers exemples de ce genre de construction des ponts nous paroissent être ceux de Florence, pratiqués sur l’Arno, par suite de la nécessité d’ouvrir de plus grandes issues aux débordemens de ce fleuve. On y voit deux ponts composés chacun de trois arches à cintre surbaissé ; mais le plus beau des deux, et sans aucun doute un des plus remarquables ouvrages dans ce nouveau système, est celui de la Trinité, que Côme Ier, fit construire par Ammanati, lorsque la grande inondation de 1557 eut renversé celui qui étoit à la même place. Ce pont, dans une longueur de trois cent dix-neuf pieds, n’a que trois arches ; celle du milieu a quatre-vingt-dix pieds d’ouverture. Les arcs fort surbaissés offrent une construction des plus légères, et la voie de ce pont n’éprouve ni montée ni descente d’aucun côté.

Cet exemple n’eut point d’imitation en Europe pendant un siècle et demi ; mais vers le milieu du dix-huitième siècle, le système de construction d’Ammanati fat remis en vigueur dans plus d’une contrée de la France par M. Perronnet. Dès 1751, fut commencé par cet architecte, ingénieur des ponts et chaussées, le vaste pont d’Orléans, composé de neus arches à cintre surbaissé, sur la Loire. La largeur de chaque arche est de quatre-vingt-seize pieds.

En 1765, fut achevé par le même, sur un bras de la Seine, à Mantes, et toujours en cintre surbaissé, un pont à trois arches, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les deux autres n’ont que cent huit pieds.

En 1774, fut commencé par le même M. Perronnet, le pont bâti à Pont-Sainte-Maxence, sur la rivière d’Oise. Il a trois arches surbaissées ; chacune a soixante-douze pieds d’ouverture, et trente-neuf pieds de largeur d’une tête à l’autre.

Ce fut en 1768 que fut commencé, par M. Perronnet, le grand pont de Neuilly, près Paris ; il fut achevé en 1774. Il est formé par cinq arches surbaissées, dont celle du milieu a cent vingt pieds d’ouverture ; les quatre autres ont quelque chose de moins.

On doit au même ingénieur les plans et les projets du pont de Louis XVI, à Paris, lequel est composé de cinq arches, dont celle du milieu a quatre-vingt-huit pieds ; les autres en ont soixante-douze.

Cesystème de construction est devenu général en France. L’on peut citer encore le pont du Champ-de-Mars, en face de l’Ecole militaire, à Paris, composé aussi de cinq arcades surbaissées, et, pour parler du dernier ouvrage fait dans ces dernières années en France, le pont de Bordeaux, composé de dix-sept arches à cintre surbaissé, qui a été terminé en 1822.

De grands ouvrages, en fait de ponts s’élevèrent aussi dans le cours du dix-huitième siècle, à Londres ; tels furent les ponts de Westminster et de Black-Friars, sur la Tamise.

Le premier fut commencé en 1739, et achevé en 1750. Il a douze cent vingt-trois pieds de long, quarante-quatre de large ; il se compose de quinze arches, dont celle du milieu a soixante-seize pieds d’ouverture. Ce pont est bâti dans le système des arcs plein-cintre.

Le pont de Black-Friars est composé de neuf arches ; celle du milieu a cent pieds d’ouverture ; les autres ont quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-trois et soixante-dix pieds : la longueur totale est de neus cent quatre-vingt-quinze pieds ; la largeur de quarante-deux. Commencé en 1760, il fut terminé en 1770. Le système de construction des arches de ce pont tient le milieu entre celui des voûtes surbaissées, ou plus ou moins plates, et le système des voûtes en plein-cintre. Ici la courbe des arches est elliptique.

Nous ne voyons pas que, jusqu’ici, la construction en cintres surbaissés ait été pratiquée en Angleterre. Le dernier pont, appelé de Waterloo, qui vient d’être construit à Londres, tout en granit, et qui est certainement le plus grand et le plus remarquable monument de l’Europe en ce genre, participe, pour la courbe de ses voûtes, du pont de Black-Friars.

On ne sauroit douter que le système des voûtes aplaties, système commandé, ainsi qu’on l’a dit, par certaines localités et pour certaines convenances, ne porte en soi-même, dans l’exécution en pierres, cet inconvénient que toute la solidité des claveaux dépend uniquement de la résistance des culées, en sorte que l’écartement dans une seule arche, si le confrefort venoit à céder, produiroit la chute de toutes les voûtes. Les ponts de Londres, bâtis sur la Tamise, ayant exigé pour la navigation et le passage des vaisseaux marchands une grande élévation dans les arches, le système des voûtes surbaissées ne dut point y être applicable, et c’est probablement la raison pour laquelle les architectes anglais n’ont point adopté cette nouveauté.

Mais on doit à l’Angleterre l’introduction d’un nouveau système dans l’art de construire les ponts ; et il faut faire observer avant tout, que c’est encore ici la nature qui dut en suggérer l’emploi, dans un pays où les pierres propres à la construction sont rares, ou d’un transport dispendieux, et où les métaux rendus usuels par l’abondance du combustible qu’on appelle charbon de terre, vinrent, avec les ressources de la mécanique, suppléer au défaut des autres matériaux.

On veut parler des ponts construits en fer. Les premiers essais de ce genre de bâtir ne datent guère que du commencement du dix-huitième siècle. En 1722, il fut proposé d’en faire un à Lyon sur la Saône. Il devoit se composer de trois arches, chacune de soixante-dix-huit pieds d’ouverture ; il y eut même un commencement d’exécution, mais l’économie fit préférer un pont en charpente.

En 1779 fut construit, en Angleterre, le pont en fer fondu de Coolbroockdale, sur la rivière de Saverne, à 180 milles de Londres. Il est formé d’une seule arche, dont le diamètre est de cent pieds six pouces anglais.

Le pont de Sunderland, situé dans le comté de Burham, est composé aussi d’une seule arche, dont la largeur est de deux cent trente-six pieds anglais. Il a été commencé en 1793, et terminé en 1796 ; il est situé entre deux rochers escarpés, et élevés de quatre-vingt-quatorze pieds au dessus de la rivière de Wear. Les vaisseaux passent dessous à pleines voiles.

Le pont de Stains, sur la Tamise, à 17 milles de Londres, a été construit en 1802, également en fer fondu ; il a une seule arche de cent quatre-vingts pieds d’ouverture. Jusqu’ici ces sortes de ponts consistent en une seule et unique arcade d’une plus ou moins grande ouverture.

Vers la même époque furent construits sur la Seine, à Paris, deux ponts en fer fondu, l’un vis-à-vis le Louvre, l’autre vis-à-vis le Jardin royal des Plantes.

Le premier, qu’on nomme le Pont-des-Arts, destiné uniquement au passage des gens de pied, est composé de neus arches, chacune de cinquante-neus pieds six pouces d’ouverture, en sorte que sa longueur entre les culées est de cinq cent trente-cinq pieds. Chacune des arches est formée de cinq armatures semblables, en fer fondu, qui offrent une combinaison de courbes en arc de cercle, dont les unes forment le cintre des arches, et les autres servent à le contre-butter vers le milieu des reins de cette sorte de voûte. Au-dessus de chacune de ces armatures sont fixées, à des distances égalés, des espèces de potelets aussi en fer, qui soutienneut les pieux de bois de charpente sur lesquels pose le plancher du pont recouvert en madriers.

Le second pont dont on a parlé est composé de cinq arches, chacune de cent pieds d’ouverture. On peut en voir les détails dans le texte et les figures du tome IV, 2e. partie, du Traité de l’art de bâtir, par M. Rondelet.

Cette méthode et procédé acquirent donc une plus grande étendue, et un plus hardi développement, depuis qu’on eut osé multiplier les arches en les faisant supporter par des piles. Deux ponts de ce genre ont été construits depuis à Londres même, sur la Tamise, et le dernier qu’on vient d’y élever semble avoir porté cette pratique, au plus haut degré de force, de hardiesse et de grandeur qu’elle puisse atteindre.

Il resteroit à faire encore mention des ponts suspendus par des chaînes de fer, si ces sortes d’ouvrages n’étoient, dans le fond, beaucoup plutôt des travaux de mécanique que des monumens d’architecture. Les modèles de ponts ainsi suspendus se trouvent en Chine ; on cite surtout celui qui est situé près la ville de Kingtung, et dont la charpente est attachée à vingt chaînes de fer qui joignent les extrémités de deux montagnes. Il y a déjà en Angleterre quelques imitations de ces sortes de ponts, et on est en train d’en établir un semblable à Paris, vis-à-vis les Invalides.

Il y auroit peu d’articles plus fécond en notions de tout genre que celui-ci : toutefois, comme beaucoup de ces notions correspondent à un grand nombre d’articles de ce Dictionnaire qui traitent de la taille des pierres, de la formation des voûtes, des travaux hydrauliques, nous avons dû encore devoir ici nous restreindre, d’autant plus que les connoissances spéciales et pratiques de Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/176 Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/177 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/178 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/179 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/180 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/181 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/182 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Encyclopédie méthodique - 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