Ma biographie (Béranger)/Notes sur les chansons

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Garnier Frères (p. 272-336).


NOTES
BIOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES
RÉDIGÉES
PAR BÉRANGER
SUR
LES CHANSONS PUBLIÉES PAR LUI AVANT 1825


Dans un exemplaire de l’édition de 1821, en 2 volumes in-18, Béranger a placé une centaine de notes écrites sur des feuilles volantes. « Quelques notes sur mes chansons, commencées en 1826, » a-t-il mis sur la couverture du premier volume.

L’éditeur se réserve, pour la commodité du public, de placer ces notes aux bas des chansons auxquelles elles se rapportent, lorsqu’il publiera une édition définitive des chansons complètes de Béranger ; mais il a paru que le caractère de ces notes, qui sont assez longues, motivait une publication particulière, et qu’elles formaient un supplément naturel pour Ma Biographie. Ce sont en effet des notes le plus souvent biographiques. Elles achèveront de peindre l’homme et de raconter l’histoire du poëte.

À la fin du second volume de l’édition qu’il annotait, Béranger a mis cette note dernière :

« Toutes les notes comprises dans ces deux volumes ont été écrites avant la Révolution de juillet 1830. L’auteur ne croit pas devoir y faire de changements. Quand elles verront le jour, ce qui ne sera probablement qu’après sa mort, il faudra peut-être que l’éditeur prenne la peine de les revoir et d’en expliquer ou d’en compléter quelques-unes, au risque d’ajouter des notes à des notes, si tout cela mérite d’être publié. »

Ces notes, écrites de 1826 à 1830, précèdent de dix ans le travail que Béranger a composé sur sa vie : ce sont comme des matériaux préparatoires.

On trouvera donc ici quelques remarques et quelques pensées qui se retrouvent dans Ma Biographie, exprimées quelquefois d’une même manière ; on y trouvera aussi des remarques et des pensées nouvelles. À la suite de l’histoire générale de Béranger, ces écrits biographiques et littéraires ont une physionomie particulière qui a son prix. Ce n’est pas un de leurs moindres mérites que de faire en détail l’histoire de ses plus importantes chansons. Béranger y a marqué plus vigoureusement que partout ailleurs la trace des efforts qu’il a faits pour donner à la chanson un rang dans la littérature et pour soutenir son rôle de 1815 à 1830.


PREMIÈRE PRÉFACE (1815)


Note I. — Au titre.


Cette préface, que le libraire Eymeri exigea, se trouve en tête du volume de chansons publié chez lui en novembre 1815 et qui porte la date de 1816. Ce volume, qui contenait à peu près les quatre-vingts premières chansons des éditions postérieures, ne donna lieu contre l’auteur à aucune poursuite, et l’on ne parut même pas penser alors à lui ôter la modique place d’expéditionnaire qu’il occupait dans les bureaux de l’Université depuis 1809.

Plusieurs de ces chansons furent pourtant incriminées en 1821, lors de la réimpression et malgré la prescription invoquée.

Longtemps après la publication de ce premier volume, on fit savoir à Béranger que, s’il en publiait un second, où se trouveraient les nouvelles chansons qui couraient manuscrites ou disséminées dans quelques recueils, on se verrait contraint de lui ôter sa place. Cette espèce de menace ne l’empêcha pas de faire cette publication, dont le premier résultat fut de lui ravir son seul moyen d’existence. Il est vrai d’ajouter que la vogue de cette seconde publication fut telle, qu’il en tira de quoi satisfaire à des besoins que son amour de l’indépendance a toujours su modérer. Aussi a-t-il souvent répété qu’il s’était corrompu dans la prison de Sainte-Pélagie, parce qu’il y avait eu, pour la première fois de sa vie, des rideaux à son lit et du feu. Il ajoutait, en sortant de la Force, après neuf mois de détention, que là il avait pris l’habitude d’être servi, lui qui, jusqu’alors s’était presque toujours servi lui-même. (Note de Béranger.)

Le recueil de 1821 contenait cent soixante-deux chansons, du Roi d’Yvetot au Cinq Mai. C’est à ces cent soixante-deux chansons seules que se rapportent les notes inédites de Béranger. (Note de l’Éditeur.)


Note II. — À la ligne : C’est de l’écriture de Collé.

Collé, auteur de la Partie de chasse de Henri IV, est le plus varié et le plus spirituel des anciens chansonniers français. Ses couplets, presque toujours graveleux, sont les fruits d’une observation fine et d’une gaieté mordante. Il a laissé des mémoires recommandables par quelques anecdotes piquantes, mais où règne parfois un ton d’humeur qu’on ne s’attend pas à y trouver. Collé, dans son extrême jeunesse, avait entrevu la Régence ; il passa une partie de sa vie auprès des grands. Malgré cela et en dépit de la licence reprochée à ses chansons, il a laissé la réputation d’un homme honnête et de mœurs pures. Il mourut en 1782. (Note de Béranger.)

Collé, cousin de Regnard et ami de Panard et de Gallet, dont parlent les notes inédites de Béranger, est né en 1709. Le recueil complet de ses chansons a été publié en 2 vol. in-18, 1807 : Ses mémoires (le Journal historique), qui sont une œuvre de satire (3 vol. in-8o), ont paru de 1805 à 1807. (Note de l’Éditeur.)


Note III. — À la ligne : Conversation entre mon censeur et moi.

On sent que l’auteur fait ici une supposition pour excuser plusieurs parties de son recueil, nécessité que le libraire lui avait imposée. Du reste, il y avait quelques rapports réels entre le chantre de Marotte et le chansonnier de 1815. (Note de Béranger.)


NOTE IV. — À la ligne : Chansons que mon censeur n’a pas dû me passer.

Collé publia en effet sous ce titre un recueil chantant dont la licence peut effrayer les censeurs les moins sévères. (Note de Béranger.)


NOTE V. — À la ligne : Vous, monsieur Collé, qui avez pour protecteur un prince de l’auguste maison dont vous avez si bien fait parler le héros.

Cette note de Béranger manque. Elle eût fait allusion à la ressemblance qu’il y avait entre Collé, protégé du duc d’Orléans, fils du Régent, et auteur de la Partie de chasse de Henri IV, et Béranger, qui, devant à Lucien Bonaparte de si utiles encouragements, chanta la gloire de Napoléon. (Note de l’Éditeur.)


NOTE VI. — Au commencement du post-scriptum.

Telle était la préface du premier volume publié en 1815. Dans l’édition de 1821, faite en deux volumes, l’auteur a ajouté à cette préface le post-scriptum suivant (voir ce post-scriptum). Béranger a toujours regretté d’avoir été obligé de faire une préface à ses chansons. Il n’aimait pas à écrire en prose et ne s’en croyait même pas capable. Aussi fut-il affligé de voir toujours ses libraires vouloir réimprimer ce morceau qu’il jugeait être mauvais, et dont le ton d’ailleurs ne convenait plus aux productions qu’il a ajoutées à celles de son premier volume. (Note de Béranger.)


Note VII. — Au titre.

Lorsqu’en 1813 cette chanson courut manuscrite, elle fut regardée comme un acte de courage, tant alors l’esprit d’opposition était éteint en France. L’auteur n’étant pas connu, on l’attribua d’abord à plusieurs personnes marquantes. Cependant la police parvint bientôt à savoir de qui elle était. Béranger, qui n’avait jamais eu l’intention d’en faire un mystère, rendit les recherches faciles. Il faut dire à la louange du gouvernement impérial que l’auteur n’éprouva aucune persécution à ce sujet et que sa petite place lui fut conservée.

Une vieille tradition veut qu’en réparation d’un crime commis par un roi de la race mérovingienne un seigneur d’Yvetot, ville de Normandie, obtint que son petit domaine fût érigé en royaume. Malgré l’autorité des critiques éclairés qui ont contesté, avec toute vraisemblance, l’authenticité de cette tradition, elle subsista fort longtemps et subsiste peut-être encore dans quelque province.

Il existe une histoire de ce prétendu royaume. (Note de Béranger.)

Il y a plusieurs histoires du royaume d’Yvetot, et on ne saurait dire à laquelle Béranger fait allusion. On peut, en effet, citer divers auteurs qui, à des points de vue différents, se sont occupés de ce royaume. Par exemple C. Malingre, in-8o, 1614 ; Jean Ruault, in-4o, 1631 ; Vertot, 1714 (Mém. de l’Acad. des Insc. et B.-Lett., IV, 728) ; le Mercure de septembre 1725 et de janvier 1726 ; Dom Toussaint-Duplessis (Descript. de la Haute-Normandie, in-4o, 1740, t. I, p. 173) ; le Journal de Verdun (1741, sept.), de la Rivière (Éloge des Normands, in-12, 1748) ; Mém. de l’Acad. de Rouen (11 avril 1811 et in-8o, 1835), Alexandre Fromentin, in-8o, 1843 ; V***, in-12, 1844, et Aug. Guilmeth, in-8o, 1842. (Note de l’Éditeur.)


Note VIII. — Au titre.

Voici une chanson sans refrain. L’auteur en a peu fait ainsi, non par un goût particulier, mais parce qu’il s’était aperçu du peu de succès qu’elles obtenaient. La chanson est faite pour l’oreille : là peut-être se trouve l’obligation des vers répétés à la fin des couplets ou des reprises en forme de rondeau. Quand on s’adonne à un genre, il y a maladresse à lutter contre un goût général. Notre poésie, privée de rhythme accentué, a besoin de la rime, et le goût de la rime amène peut-être celui des refrains. Voulant faire de la poésie chantée, Béranger fut donc contraint de plaire d’abord à l’oreille avec les seuls moyens que lui offrait le style de la chanson. (Note de Béranger.)


Note IX. — Au titre.

On avait tellement soif d’opposition alors, quoique personne n’osât en faire, ou plutôt parce que personne n’osait en faire, que cette innocente chanson fut regardée, à cause de son titre, comme un trait de satire dirigé contre le pouvoir. C’est une singularité qui semble inexplicable aujourd’hui, et qui par cela même méritait d’être signalée. (Note de Béranger.)


Note X. — Au titre.

Le Caveau moderne était une réunion de chansonniers, instituée à l’imitation de l’ancien Caveau, où, chez le restaurateur Landel, se réunissaient Piron, Collé, Panard, Crébillon père et Crébillon fils, etc. Le nouveau Caveau a aussi compté des noms justement célèbres et a longtemps joui d’une réputation d’esprit et de gaieté ; mais les événements politiques ont mis un terme à ses réunions. Chaque mois cette société publiait un cahier de chansons et un volume à la fin de chaque année. L’auteur fut reçu membre de cette société à la fin de 1813 ; il n’avait pas sollicité cet honneur, mais il ne put qu’en être flatté. Il y fit d’agréables connaissances qui le tirèrent de la retraite où il vivait. Il doit citer surtout Désaugiers, dont il a toujours admiré les productions et aimé la personne, malgré la faiblesse de caractère qu’on a pu reprocher à ce chansonnier. Il n’a cessé de le voir que lorsque le président du Caveau tomba dans les excès d’une opinion qui ne pouvait être celle de notre auteur. Béranger ne l’en a pas moins toujours regardé comme un excellent homme, victime et jouet de quelques intrigants qui faisaient tourner à leur profit son extrême bonté et son rare talent. (Note de Béranger.)


Note XI. — Au titre.

Cette chanson fut faite en 1814. Une portion du territoire français était envahie et le pressentiment d’un renversement général occupait déjà les esprits sérieux. (Note de Béranger.)


Note XII. — Au titre.

1812. (Note de Béranger.)

Cette pièce, dans l’édition de 1821, était placée après celle de Roger Bontemps. (Note de l’Éditeur.)

Note XIII. — Au premier vers.

La censure exercée sous l’Empire avait interdit à la chanson la satire, qui en est peut-être le premier élément.

Toutes les chansons de cette époque ont une uniformité insupportable, à l’exception de celles de Désaugiers et d’un ou deux autres de ses collègues. La chanson graveleuse devait renaître alors : elle appartient aux temps de despotisme. C’est la seule justification de l’auteur de ce recueil pour celles de ce genre qu’il peut contenir et qui toutes, en effet, sont nées sous le régime impérial. Il est vrai qu’il faut ajouter que l’auteur n’avait pas encore vu tout le parti qu’on pouvait tirer de la chanson. Les malheurs de la France devaient le lui révéler. Il devait apprendre bientôt que ce n’était plus le temps de plaisanter contre les médecins et les procureurs, les coquettes et les Sganarelles, que l’indécence et l’acrimonie des Noëls de la cour étaient même une inconvenance à une époque grave et triste, qu’il fallait que la chanson prît une marche différente de celle que Collé, Panard et tant d’autres lui avaient imprimée, et que la gaieté même devait avoir son utilité. (Note de Béranger.)


Note XIV. — Au titre.

Parny, le plus célèbre de nos poëtes élégiaques, auteur de la Guerre des dieux et de tant d’autres productions pleines de grâce et d’esprit, mourut en 1814. Sa philosophie hardie l’ayant rendu odieux aux hommes de cette époque, peu de voix osèrent témoigner les regrets que devait inspirer la perte de ce poëte aimable, l’une des gloires les plus réelles du temps où il a vécu. (Note de Béranger.)


Note XV. — Au titre.

Voilà une des premières chansons de l’auteur qui aient obtenu de la vogue. Elle date de 1810 ou 1811. Le succès de cette chanson et de quelques autres ne suffit point pour faire penser à Béranger qu’il ne dût s’adonner qu’à ce genre. Il travaillait alors à des idylles que plus tard il abandonna. (Note de Béranger.)


Note XVI. — À la date.

1813. (Note de Béranger.)

Cette chanson est datée de 1811 dans toutes les éditions publiées du vivant de Béranger. (Note de l’Éditeur.)

Note XVII. — Au premier vers.

Cette chanson ne mériterait aucune remarque, s’il n’était curieux de constater l’état d’oppression de la presse à cette époque par la suppression qu’il fallut faire du quatrième couplet, lorsqu’elle fut imprimée en 1814, peu de temps avant la chute de Napoléon, dans le recueil du Caveau moderne. Ce qui n’est pas moins étrange à dire, c’est que ceux des membres de cette société qui en demandèrent la suppression furent ceux qui se montrèrent les plus outrés partisans de la Restauration et les plus violents ennemis de l’Empire. (Note de Béranger.)

La chanson du Mort vivant, dans le recueil de 1821, était placée après le Petit Homme gris. (Note de l’Éditeur.)


Note XVIII. — Au titre.

Cette chanson ressemble aux anciens vaudevilles satiriques. Elle est d’une date beaucoup plus ancienne que celle qui est indiquée en tête ; elle fut, je crois, imprimée dans un mauvais recueil sous le Consulat, et elle passa inaperçue. L’auteur n’a pas voulu donner la date plus précise, de peur de mettre sur la voie de beaucoup d’autres de ses chansons imprimées dans le même recueil et qui presque toutes sont dignes de l’oubli où elles sont tombées en naissant. Il prie les éditeurs qu’il pourrait avoir un jour de ne point aller fouiller dans ce panier aux ordures. Il a dit souvent qu’un recueil de chansons, pour être complet, en devait contenir de mauvaises : il en faut pour tous les goûts ; mais il croit avoir suffisamment satisfait à cette obligation dans les recueils qu’il a publiés lui-même. (Note de Béranger.)

Cette chanson, dans l’édition de 1821, venait après le Mort vivant. Ce que dit Béranger explique pourquoi on n’a pas voulu, à la fin de Ma Biographie, recueillir les pièces qu’il a proscrites. (Notes de l’Éditeur.)


Note XIX. — Au titre.

Dans son ouvrage de l’Éducation des Filles, Fénelon entre dans les plus petits détails des travaux propres aux femmes.

Il faut bien se garder de faire de cette chanson une application générale. La critique qu’elle contient deviendrait injuste si l’on voulait y voir un tableau de l’éducation des jeunes personnes à l’époque où cette chanson fut faite. (Note de Béranger.)


Note XX. — Au titre.

Cette chanson et celle de Marie Stuart sont ce qu’on appelle des romances. C’est un genre particulier que Moncrif, Coupigny et quelques autres ont exploité très-heureusement. Béranger n’a fait ces deux romances que pour la musique, qui est d’un de ses amis. Depuis, ayant fait prendre à la chanson des tons qu’elle avait repoussés jusqu’à lui, le ton mélancolique ou élevé que la romance affectait seul est venu se fondre avec les autres parties du genre chantant qu’il agrandit autant qu’il fut en son pouvoir. Mais, que ces chansons fussent tristes, sérieuses ou guerrières, elles ne furent plus du tout ce qu’on appelait du nom de romances. Cela tient à des nuances qu’il serait difficile de faire ressortir ici d’une manière claire et en peu de mots : ajoutons que la chose n’en vaut pas la peine. (Note de Béranger.)


Note XXI. — Au vers :
Au censeur Mascarille.

La note manque ; mais Béranger a mis là une croix qui marquait son intention d’en faire une. Serait-ce de Lemontey que Béranger voulait parler ? Il avait eu à se plaindre de lui. (Note de l’Éditeur.)

Note XXII. — Au vers :
Trois auditeurs me disent : Viens, Camille.

Les auditeurs au conseil d’État de Napoléon obtenaient presque tous des intendances dans les pays conquis, ce qui explique le nom d’intendant que leur donne l’auteur.

Cette chanson est tout à fait dans le genre de Collé, et ce serait le cas de répéter ce qui a été dit pour la Gaudriole. (Note de Béranger.)

La bonne Fille, dans l’édition de 1821, venait après Charles VII. (Note de l’Éditeur.)


Note XXIII. — Au titre.

À l’âge de vingt-quatre ans, Béranger était presque entièrement chauve. Il ne put jamais attribuer cette calvitie prématurée qu’aux violents maux de tête qui le tourmentèrent dès son enfance. C’est par une espèce de licence poétique qu’il semble ici indiquer une autre cause à la perte de ses cheveux. (Note de Béranger.)


Note XXIV. — À la date.

1813. (Note de Béranger.)

Note XXV. — Au vers.
Nous aimons bien un peu la guerre.

La note manque. Il est probable que Béranger voulait parler de quelque suppression exigée encore pour ce couplet qui avait l’air de ne pas admirer à l’excès la gloire des batailles. (Note de l’Éditeur.)


Note XXVI. — À la date.

1812. (Note de Béranger.)

Cette chanson venait, dans l’édition de 1821, après l’Âge futur. (Note de l’Éditeur.)


Note XXVII. — Au titre.

L’Ami Robin est une chanson de l’Empire : Béranger ne se proposait alors que Collé pour modèle. Comme il n’écrivait pas ses chansons, il en a perdu un grand nombre de cette même époque. Il a toujours regretté des couplets intitulés le Bœuf gras et le Décrotteur suivant la cour, couplets fort satiriques que les convenances l’eussent sans doute empêché de publier à la Restauration, puisqu’ils attaquaient le gouvernement déchu, mais qui n’en auraient pas moins été pour lui un complément de l’histoire chantante des règnes sous lesquels il a vécu.

Lorsque les amis de Béranger l’engagèrent à écrire ses chansons, il en retrouva dans sa mémoire près de quatre-vingts, tant bonnes que mauvaises, dont il forma un recueil avec ce titre : Chansons morales et autres, par M. un tel, membre d’une société de gens de bon goût et de mauvais ton. On peut, d’après cela, juger du peu d’importance qu’il attachait à ces productions. Son premier volume, publié à la fin de 1815, est encore intitulé : Chansons morales et autres. (Note de Béranger.)


Note XXVIII. — Au titre.

À l’époque de la première invasion, on engagea tous les membres du Caveau à faire des chansons pour ranimer l’esprit public. Désaugiers en fit une, qui, je crois, commençait ainsi :

Il reviendra, le fils de la Victoire !


et que la police s’empressa de faire répandre. Celle-ci n’était que patriotique : elle n’eut point de succès et peut-être n’en méritait-elle pas, quoiqu’elle ne fût pas le fruit d’une inspiration de commande. (Note de Béranger.)


Note XXIX. — Au sous-titre : Chanson chantée aux soupers de Momus.

Autre société chantante fondée à l’imitation du Caveau moderne. Le président des Soupers de Momus porte, à table, une marotte pour signe distinctif.

Les troisième et quatrième vers du troisième couplet font assez voir que cette chanson date du commencement de la Restauration. (Note de Béranger.)


Note XXX. — Au titre.

L’auteur serait fâché qu’on crût qu’il a voulu, dans cette chanson, tourner en ridicule les véritables amis de la musique. Il ne s’en prend qu’aux prétendus connaisseurs et aux amateurs ridicules que la mode a créés parmi nous. (Note de Béranger.)


Note XXXI. — Au sous-titre.

Cette chanson fut dirigée contre de trop nombreuses réunions de gastronomes qui remplissaient les journaux des détails de leurs gloutonneries. Les chansonniers mêmes ne parlaient plus que de boire et de manger. Ces mots étaient les refrains les plus habituels du Caveau. (Note de Béranger.)


Note XXXII. — À la date.

L’ennemi avançait sur Paris, et l’auteur n’avait pas encore osé élever le ton de la chanson. Sans cela, c’eût été d’une voix plus grave qu’il eût exprimé les sentiments qui l’agitaient alors. Il est nécessaire d’ajouter que personne ne pouvait se persuader que Paris tomberait si facilement au pouvoir des étrangers, et que rien jusque-là n’avait troublé les plaisirs de cette capitale.

Le jour de la première reddition de Paris, le matin, on afficha encore les spectacles. (Note de Béranger.)

Note XXXIII.

Il y a dans le recueil d’Olivier Basselin, donné par Jean le Houx, une chanson qui ressemble fort à celle-ci. (Note de l’Éditeur.)


Note XXXIV. — Au titre.

L’auteur voyait alors beaucoup de Français insulter à leur propre gloire. Il n’y avait plus de boussole politique qui pût guider le patriotisme. L’habitude de penser s’était, pour ainsi dire, perdue sous l’Empire. Les plus sages avaient bien de la peine à opposer un frein à la démence des royalistes, qui étaient alors en assez grand nombre dans les salons. Béranger ne pensa d’abord qu’à réclamer au nom de la gloire nationale indignement méconnue, et, quoiqu’il n’aimât point les Bourbons, il crut devoir se servir de leur nom pour célébrer, en présence des étrangers eux-mêmes, et nos nombreux faits d’armes et la supériorité de nos arts.

Il prouvait aussi par là que son patriotisme faisait abnégation des personnes, ce qui était vrai, sauf ensuite à s’en prendre aux Bourbons eux-mêmes, si tant de promesses faites ne devaient aboutir qu’à nous rendre l’ancien régime et tous ses abus. Aussi, dans l’édition de 1821, mit-il plusieurs petites notes qui ne durent point laisser de doute à cet égard.

Beaucoup de chansons de commande furent faites alors en faveur des Bourbons et contre Napoléon, par plusieurs membres du Caveau, qui avaient chanté l’Empereur dans toutes les occasions. Béranger avait aussi été sollicité ; mais il refusa, non pour s’en faire un mérite, mais parce qu’il pensa toujours qu’il faut de la conscience, même en chansons. (Note de Béranger.)


Note XXXV. — Au titre.

Voici la première chanson d’opposition que la Restauration inspira à l’auteur. Le nom de tyran était alors donné à tout propos à Napoléon par ceux-là même qui l’avaient le plus flatté et parmi lesquels se trouvaient tant de noms de l’ancienne aristocratie. Les prétentions absurdes renaissaient à la cour et à la ville. Tout comme autrefois était le mot d’ordre, et les vieilles modes reparaissaient avec les vieux usages.

Des amis trop prudents empêchèrent l’auteur d’insérer cette chanson dans le volume qu’il publia en 1815. (Note de Béranger.)


Note XXXVI. — Au-dessous du titre.

1815. (Note de Béranger.)

Cette chanson, dans l’édition de 1821, venait après Beaucoup d’amour. (Note de l’Éditeur.)


Note XXXVII. — Au titre.

Des boxeurs anglais vinrent à Paris, en effet, à cette époque ; mais il faut dire à notre louange qu’ils n’y obtinrent point de succès, malgré l’anglomanie qui régnait alors. Les combats de coqs ne furent pas plus heureux. (Note de Béranger.)


Note XXXVIII. — Au sous-titre.

C’est peu de temps après la première Restauration que le ministère, par l’organe de M. l’abbé de Montesquiou, chargé de l’intérieur, demanda une loi répressive de la liberté de la presse. Cette loi donnait des censeurs aux divers journaux, et la Chambre n’opposa presque pas de résistance à ces limitations de la plus importante des libertés publiques.

Pendant les Cent-Jours, on proposa à l’auteur la place de censeur du Journal général ; il refusa, tout pauvre diable qu’il était, en disant qu’il avait assez cherché à déconsidérer le métier pour n’avoir pas de mérite à refuser de le faire, même pour 6,000 francs. (Note de Béranger.)


Note XXXIX. — À la date.

Cette chanson exige plusieurs explications.

La Gazette de France était, dès cette époque, l’apologiste de l’ancien régime.

Quant aux Déesses civiques, on sait qu’elles contribuèrent peut-être à faire dégénérer les fêtes républicaines.

Les Habits Verts, livrée de l’Empereur.

Les Habits Bleus, livrée des Bourbons.

On voyait reparaître alors les habits de l’ancienne cour. Le public s’en amusait beaucoup. Quant à l’Habit de saint, on sait que déjà l’hypocrisie reprenait son masque.

On remarqua aussi, chez plusieurs fripiers, des costumes de la cour impériale. L’auteur y fait allusion dans l’avant-dernier couplet. (Note de Béranger.)


Note XL. — Au titre.

Cette chanson appartient aux Cent-Jours. Le couplet sur le chapeau de fleurs de la Liberté fait allusion à quelques hommes dont les noms ne rappelaient de 93 que ses excès et qui avaient la prétention de représenter seuls le parti républicain.

Le cinquième couplet fait allusion au congrès de Vienne, alors assemblé. (Note de Béranger.)


Note XLI. — Au sous-titre.

La note manque ; mais une croix indique qu’il devait y avoir là une note. (Note de l’Éditeur.)


Note XLII. — Au titre.

La note, indiquée par une croix, manque. Elle devait, sans doute, expliquer et raconter la visite des membres du Caveau aux Catacombes. (Note de l’Éditeur.)


Note XLIII. — Au titre.

La note manque. Il est permis de croire que Béranger pensait, en marquant le titre d’une croix, à la Marie Stuart de son vieil ami M. Lebrun, ou à la musique de son ami Wilhem, qui lui avait demandé cette chanson. (Note de l’Éditeur.)


Note XLIV. — Au sous-titre, qui, dans l’édition de 1821, était celui-ci :
Chanson qui n’est point à l’usage des gens intolérants.

Cette chanson fut faite après la première Restauration, lorsque, par une ordonnance royale, on fit une obligation de fermer les boutiques le dimanche, et que bientôt les prêtres, renchérissant sur cette mesure, proscrivirent la danse dans plusieurs communes, les jours de fête. On put juger dès lors jusqu’où le clergé pouvait pousser l’esprit d’intolérance qui lui est si naturel, aidé comme il l’était par une cour toute bigote. (Note de Béranger.)

La Pétition de P. L. Courier, pour les villageois qu’on empêche de danser, est du même temps et a le même sens que la chanson. (Note de l’Éditeur.)


Note XLV. — Au deuxième couplet et aux vers : Où Favart… Où Panard, etc.

Deux croix marquent que Béranger voulait mettre deux notes pour parler des deux chansonniers que ses vers caractérisent ici rapidement et nettement. Dans Ma Biographie il est question de Favart, que Béranger a vu dans son enfance. Il n’a pu voir Panard, né en 1694, mort en 1765. (Note de l’Éditeur.)


Note XLVI. — À la date.

Cette chanson, faite dans les Cent-Jours, peu de temps après le retour de Napoléon, parut imprimée dans plusieurs journaux. Parmi les auteurs qui ont injurié ce grand homme après sa double chute, il y en a peu, sans doute, qui eussent voulu lui parler ainsi que Béranger le fit dans ces couplets. Lors de la seconde rentrée des Bourbons, on ne l’accusa pas moins d’avoir flatté l’Empereur. Il fut loin d’en juger ainsi, puisque dans son premier volume, publié à la fin de 1815, il n’inséra pas cette chanson, parce qu’il la regardait comme une critique trop directe du gouvernement impérial, ce qui lui semblait peu convenable alors.

Il faut toujours se rappeler que Béranger n’avait pas encore osé donner à son genre des formes plus en rapport avec les idées qui occupaient le peuple français. De là, le ton et le cadre qu’il prit dans le Traité de politique.

C’est à l’époque où il fit cette chanson qu’on lui proposa la place de censeur du Journal général, feuille connue par son royalisme. Béranger, partisan de la plus grande liberté possible de la presse, refusa cette place, qui rapportait 6,000 francs, quoiqu’il n’eût alors pour vivre et soutenir des charges assez fortes que son emploi de 1,800 francs. (Note de Béranger.)


Note XLVII. — À la date.

Pendant les Cent-Jours, le royalisme et la malveillance rappelaient de tous leurs vœux les armées étrangères. L’auteur crut les frapper de ridicule en mettant l’opinion des dames du faubourg Saint-Germain dans la bouche des demoiselles dont il est question dans cette chanson. Béranger avait le désir de stigmatiser, dans une chanson qui pût devenir populaire, un parti que ses trames criminelles et antipatriotiques eussent dû rendre odieux à tous les cœurs honnêtes.

Béranger a fait emploi du langage patoisé. Dans cette chanson ce langage était convenable et pouvait même devenir piquant. L’auteur ne se l’est guère permis que pour de pareils sujets, en regrettant toujours d’être obligé d’en faire usage. (Note de Béranger.)


Note XLVIII. — À la date.

Pour la seconde fois, l’ennemi était sous les murs de Paris, dont la résistance ne devait pas durer, quand l’auteur fit cette chanson. Elle est bien différente, pour le ton, de celle qu’il avait faite un an auparavant, à peu près en pareille circonstance. Il commençait à sentir qu’on lui permettrait de prendre des accents plus graves pour parler des grands événements qui répandaient tant de tristesse dans le peuple. Le succès qu’obtint cette chanson le confirma dans l’idée qu’il avait que, le peuple, depuis la Révolution, étant entré pour quelque chose dans ses propres affaires, il fallait que le genre qu’on disait être l’expression des sentiments populaires prît enfin tous les tons pour répondre à ces mêmes sentiments. L’éloge de l’amour et du vin ne devait être le plus souvent que le cadre des idées qu’il fallait que la chanson exprimât désormais, au moins à une époque où toutes les circonstances un peu importantes réagissaient sur des masses nombreuses et sur des individus plus éclairés. (Note de Béranger.)


Note XLIX. — Au sous-titre.

Peu de temps après la seconde Restauration, Désaugiers fut nommé directeur du théâtre du Vaudeville. Béranger voyait encore fréquemment cet homme aimable, qui, jusque-là, avait semblé respecter les opinions de ceux qui ne pensaient ni n’agissaient comme lui. Il se fit un plaisir de lui adresser cette chanson, où à des éloges mérités se mêlaient quelques idées patriotiques.

Dans les éditions de 1821 et suivantes, Béranger eût éprouvé de la peine, quoique toute intimité eût cessé entre Désaugiers et lui, à effacer le mot ami, placé en tête de cette chanson. Il connaissait trop bien Désaugiers pour lui en vouloir de quelques torts de conduite, qui tenaient à la faiblesse de son caractère, et que même il n’aurait jamais eus, s’il n’eût été entouré que d’amis véritables. Ce joyeux chansonnier fit lui-même savoir à Béranger combien il regrettait de n’avoir pas continué d’être en rapport avec lui. Ce regret était partagé. Mais un des résultats les plus tristes des dissensions politiques, c’est que, non-seulement elles divisent les hommes les plus faits pour s’aimer, mais que le temps, en rapprochant enfin les partis les plus opposés, ne renverse pas toujours les barrières que les opinions ont élevées entre ces mêmes hommes. (Note de Béranger.)


Note L. — Au titre.
(Cette chanson, dans l’édition de 1821, porte la date de 1815.)

Né d’un père qui, trompé par quelques traditions vagues, croyait à la noblesse de sa famille, bien qu’il ne fût que le fils d’un cabaretier du village de Flamicourt, près de Péronne, et qui ajoutait toujours à son nom la particule nobiliaire, Béranger la reçut dans ses actes de naissance. Il ne s’en serait jamais paré, sans la nécessité où il fut d’établir une différence entre son nom et celui de plusieurs Béranger qui, lors de son début, avaient quelque réputation littéraire. Ayant vu plusieurs de ses vers attribués à un M. Béranger de Lyon, qui eut à souffrir de cette erreur, les vers étant fort mauvais, il prit le de vers 1812, et le fit même précéder de ses noms patronymiques (Pierre-Jean). À la Restauration, il continua de signer ainsi ses chansons, regardant comme ridicules ces altérations de noms, espèce de concession qui n’est qu’une faible garantie politique. Il était bien sûr d’en pouvoir donner d’autres. Longtemps le faubourg Saint-Germain le crut vraiment noble, même encore après la chanson du Vilain, ce qui ne contribua pas peu à augmenter la haine qu’il inspirait. Quand il eut enfin bien établi sa roture, ces messieurs et ces dames disaient alors que c’était parce qu’il était sans naissance qu’il faisait la guerre aux privilèges.

Le troisième couplet de cette chanson fait allusion à tous ces hommes d’ancienne noblesse qui, las d’une retraite forcée dans leurs châteaux, sollicitèrent des emplois dans l’antichambre du nouveau Charlemagne.

Le nom de Merlin l’enchanteur ne peut donner lieu à aucune interprétation. Ce nom ne fut illustré, sous l’Empire, que par le plus fameux des jurisconsultes, qu’on laissa mourir en exil et qui n’eut rien à débattre avec les domestiques du prince. (Note de Béranger.)


Note LI. — À la date.

Cette chanson fut faite au milieu des proscriptions et des exécutions qui ternirent la seconde Restauration, et qui durent lui aliéner pour longtemps les cœurs vraiment généreux et patriotiques. Ce n’est pas avec des chansons et des vers qu’on fait entendre raison aux rois et aux factions ; mais les poëtes ne doivent pourtant pas se décourager. (Note de Béranger.)


Note LII. — Au titre.

Voilà une des chansons contre lesquelles Marchangy, avocat du roi, s’est livré aux plus violentes déclamations, lors du procès fait à Béranger[1]. Elle est au nombre des chansons condamnées.

L’auteur rappelle à la fin du second couplet le refus d’inhumation, fait si souvent par nos prêtres à nos acteurs et actrices. (Note de Béranger.)

On sait que, lorsque le curé de Saint-Roch refusa d’ouvrir son église au corps de mademoiselle Raucourt, il y eut dans Paris de l’agitation. (Note de l’Éditeur.)


Note LIII. — À la date.

C’est au moment où M. Arnault se préparait à partir pour l’exil, auquel les proscriptions l’avaient condamné, et lorsque sa famille fêtait le jour de sa naissance, que Béranger fit ces couplets, où il n’exprimait que faiblement la peine que lui causaient les malheurs d’un homme à qui il avait de véritables obligations et dont il a toujours estimé le noble caractère.

La chanson tomba dans les mains de la police. Béranger fut semoncé et menacé de la perte de son emploi. C’est alors qu’il répondit en riant : « Si on me l’ôte, je me ferai journaliste. Aime-t-on mieux cela ? » Sa place d’expéditionnaire lui fut conservée. (Note de Béranger.)

Les Oiseaux, dans l’édition de 1821, venaient après les Deux Sœurs de charité. (Note de l’Éditeur.)


Note LIV. — Au sous-titre.

Voici une espèce de vaudeville sur cette époque, où beaucoup d’autres choses auraient pu et dû être dites. Wellington était le héros du parti antifrançais et l’épouvantail qu’on opposait aux patriotes.

Deuxième couplet : Louis XVIII affectait des mœurs galantes, qui n’allaient ni à son âge ni à sa santé. Le duc de Berry vivait dans les coulisses.

Troisième couplet : Le gouvernement faisait peu pour les artistes, qui presque tous passaient pour de mauvais royalistes.

Quatrième couplet : On sait combien de procès signalèrent cette malheureuse époque. Les juges se montrèrent plus que zélés.

Dernier couplet : M. Laborie, dès lors agent du parti occulte et des jésuites, avait osé élever la voix en faveur de la restitution des biens du clergé.

La raison qui avait déterminé Béranger à choisir ces demoiselles pour faire la chanson de l’Opinion l’engagea à mettre encore dans leur bouche cette satire patoisée, que leur langage seul pouvait égayer un peu. (Note de Béranger.)


Note LV. — À la date.

Cette chanson obtint une très-grande vogue. On pense que plusieurs personnes du gouvernement, frappées de l’absurdité des prétentions féodales de nos anciens nobles, contribuèrent à répandre cette satire, ou du moins ne furent pas fâchées qu’elle courût toute la France. Une réponse y fut faite sur le même air. (Note de Béranger.)


Note LVI. — Au titre.

Quel Parisien, sans sortir de France, a pu voir plus de rois que celui qui, dans son enfance, a d’abord vu Louis XVI, puis après Napoléon, son fils, ses frères, Joseph, Louis, Jérôme et Murat, et, à leur suite, les rois d’Étrurie, de Wurtemberg, de Saxe, de Bavière, le pape, deux rois d’Espagne, Charles IV et Ferdinand, et qui, enfin, aux deux invasions de la France, a vu Alexandre, François II, Frédéric-Guillaume de Prusse, Guillaume des Pays-Bas, Bernadotte, et tutti quanti. Ajoutez à ce nombre, déjà si grand, Louis XVIII, Charles X, sans compter Mathurin Bruneau. En voilà bien assez pour un républicain. (Note de Béranger.)


Note LVII. — À la date.

Décembre 1816. (Note de Béranger.)

Note LVIII. — Au premier vers.

Beaucoup de personnes ont cru et dit que cette chanson avait été faite contre Désaugiers. On aurait dû penser que Béranger ne personnifia jamais la satire que contre les hommes puissants, et que, d’ailleurs, il était encore en relation avec Désaugiers, lorsqu’il fit Paillasse. Quelques traits pouvaient bien tomber sur ce chansonnier ; mais Paillasse était une peinture générale de tant d’individus bien autrement élevés et importants que Désaugiers. Aussi disait-il plaisamment à ce sujet : « Ce ne peut être moi. Je n’ai point sauté pendant les Cent-Jours. » De faux amis parvinrent à lui persuader de répondre à cette chanson, et il en fit une intitulée l’Employé et le Garde national. Elle n’est point bonne. Béranger en plaisanta avec lui, et cette obscure tracasserie ne parvint pas encore à les diviser. (Note de Béranger.)


Note LIX. — Au premier vers.

Un discours au moins étrange, prononcé par M. le premier président Séguier à la rentrée des tribunaux (en 1816), donna naissance à cette chanson, qui eut une vogue prodigieuse. Depuis, M. Séguier, comme membre de la chambre des Pairs, dans l’affaire de la conspiration de 1820, montra tant d’humanité et d’amour de la justice, que Béranger eût voulu pouvoir faire disparaître ces couplets. Outre l’inutilité de cette suppression, comme il le dit dans une note, ce qui devait le porter à n’en rien faire, c’est que, le dernier couplet attaquant M. Bellart, qui était encore tout-puissant lorsque parut l’édition de 1821, Béranger eût semblé reculer devant cette terrible puissance, à laquelle il prévoyait bien qu’il aurait affaire avant peu. Ses prévisions ne furent pas trompées ; et M. Bellart, si l’on croit quelques rapports, ne se montra pas seulement magistrat sévère. C’est le cas de rapporter un fait qui est de peu d’importance, mais qui ne doit pas rester dans l’oubli, puisqu’il honore Napoléon et un de ses ministres.

À l’époque des Cent-Jours, Bellart prit la fuite. Sa famille voulut faire sonder l’Empereur pour savoir s’il pourrait rentrer sans danger. On s’adressa à Béranger, qui connaissait M. Regnaud-de-Saint-Jean-d’Angély. Les prières du chansonnier engagèrent celui-ci à parler de Bellart à Napoléon, qui répondit qu’il pourrait rentrer en France, qu’il y serait tranquille et ne courait aucun danger. Béranger, qui n’avait pas encore de cet avocat l’idée qu’il a dû concevoir depuis, heureux d’une telle réponse, se hâta de la porter à l’ami de Bellart qui l’avait engagé à se charger de cette négociation. En 1822, le procureur général ne pouvait l’ignorer, car une personne de la famille de cet ami écrivit pour le lui rappeler ou le lui apprendre, pendant le procès que Béranger eut à soutenir, après sa condamnation, lorsque, contre tout droit, on voulut lui imputer à crime la publication des pièces du premier procès fait aux chansons. Or le parquet seul avait provoqué cet affaire, et M. Bellart en était le chef. C’était un terrible homme que ce magistrat : il eût volontiers traité un chansonnier comme un maréchal de France.

Pour revenir à la chanson qui donne lieu à cette note, il faut dire qu’elle se compose en partie des expressions mêmes qui choquèrent si généralement dans le discours de M. le premier président, et qu’elle fut composée le Moniteur à la main : ce qui la rendait piquante lorsqu’elle parut doit la rendre inintelligible aujourd’hui. (Note de Béranger.)

On trouve, par extraits seulement, le discours de M. Séguier, à la page 1252 du Moniteur de 1816. C’est, en effet, une étrange satire de l’œuvre de la Révolution française. Le principe d’égalité y est tourné en ridicule, et le premier magistrat de la France déclare que le Code est un livre empoisonné. (Note de l’Éditeur.)


Note LX. — Au titre.

Beaucoup de personnes d’un rang élevé à la cour eurent la déplorable idée de célébrer, dans un repas d’anniversaire, plusieurs fois renouvelé, l’entrée des troupes alliées à Paris en 1814. C’est à propos de cette réunion, qu’un mot du roi eût pu empêcher, que Béranger fit cette chanson, où l’ironie est d’autant plus claire, qu’elle avait à exprimer une plus vive indignation.

Le couplet sur Henri IV est le seul qui ait été attaqué par les tribunaux comme un outrage à la personne du roi. (Note de Béranger.)


Note LXI. — Au premier vers.

La Sainte-Alliance des rois est un fait historique trop connu pour qu’il soit nécessaire d’expliquer le but de cette chanson. Le roi Christophe était alors dans toute sa gloire. Il en était de même de M. de Bonald. M. Ferrand, si connu par sa déposition dans l’affaire de M. de Lavallette, dont elle détermina la condamnation, a fait un ouvrage intitulé Esprit de l’Histoire, plein de vues fausses et d’une critique superficielle. (Note de Béranger.)


Note LXII. — Au sous-titre.

Les chansons de fête disent toujours trop ou trop peu. Celle-ci a ce dernier inconvénient. Il y avait beaucoup plus et beaucoup mieux à dire de M. de Jouy. Ce n’est pas la matière, c’est la place qui a manqué à l’éloge que Béranger eût voulu pouvoir faire de l’Ermite de la Chaussée d’Antin, de l’auteur de la Vestale, de Sylla, etc., etc. La reconnaissance lui en faisant un devoir. Personne plus que de Jouy n’a pris à tâche de travailler à la réputation de son ami. Il n’est presque pas un de ses ouvrages où il ne se soit plu à en répéter le nom, même à l’époque où ce nom était connu de bien peu de monde. Il est bon de remarquer que de Jouy a lui-même fait un grand nombre de chansons dont plusieurs ont obtenu et mérité une véritable vogue.

(D’une écriture plus récente.) Il est cruel de penser qu’à l’époque où cette note fut écrite quelques personnes aient semblé prendre à tâche de dénigrer ce littérateur célèbre, doué d’un talent incontestable et du caractère le plus aimable. La jeune littérature a des torts à expier envers lui, car il fut toujours le protecteur des débutants de la carrière. (Note de Béranger.)


Note LXIII. — Au titre.

Cette chanson fut surtout maltraitée par Marchangy, qui en prit occasion pour faire le plus étrange éloge des capucins. Elle contribua plus que toute autre à la première condamnation de Béranger. Ce couplet,

L’Église est l’asile des cuistres !
irrita surtout les dévots.

En 1817, des capucins s’étaient déjà montrés, même à Paris. Les journaux royalistes n’étaient pleins que de détails de fêtes d’église ; on faisait communier les soldats pour de l’argent, et les missionnaires tonnaient dans les campagnes contre les acquéreurs de biens nationaux. (Note de Béranger.)

Cette chanson, dans l’édition de 1821, porte la date de 1817, qui évidemment est la date vraie. (Note de l’Éditeur.)


Note LXIV. — Au titre.

Voici une des chansons patriotiques de Béranger qui eurent le plus de succès : elle descendit surtout dans les classes inférieures, à qui l’auteur crut toujours nécessaire de plaire, dans l’intérêt même de la poésie, qui, selon lui, avait trop longtemps, chez nous, dédaigné un public qui nous eût conduit à plus de naturel et de vérité. La Vivandière déplut singulièrement à la police, et on empêcha de la chanter dans les guinguettes. (Note de Béranger.)


Note LXV. — Au titre.

L’histoire redira le nom des hommes plus ou moins illustres que la seconde Restauration proscrivit de France ou força de s’en éloigner. À l’époque où cette chanson fut faite, on paraissait espérer que les Bourbons se lasseraient enfin d’un système de rigueur. Si quelqu’un devait élever la voix, c’était Béranger, qui regarda toujours comme sa plus grande gloire d’avoir, par ses chansons, adouci le sort de tant de victimes des réactions révolutionnaires. Il reçut bien souvent des lettres venues des pays les plus éloignés, de Calcutta même, où des Français lui témoignaient leur reconnaissance pour le charme qu’ils avaient trouvé dans leur exil à répéter des chants qui leur rappelaient la terre chérie. Jamais plus douce récompense ne put être décernée à leur auteur. (Note de Béranger.)


Note LXVI. — Au titre.

La note, indiquée par une croix, manque. (Note de l’Éditeur.)


Note LXVII. — Au titre.

Cette chanson fut faite par une réunion de libéraux qui s’intitulait « Société des Apôtres ; » Béranger portait le nom de Jacques le Majeur. Sa chanson commençait ainsi :

Mes frères, les bons apôtres,
Que mon cousin le bon Dieu,
Lorsque nous faisons des nôtres,
Soit avec nous dans ce lieu !
Mais, s’il fut pris en défaut
Pour avoir parlé trop haut,
        Parlons bas.

Cette société, qui se réunissait à table, n’eut pas une longue durée. Un homme de police s’y était introduit dès le commencement, et il n’en fut pas le seul Judas. Le portrait de ce lâche apôtre convenait à tant de gens, que, par la suppression du premier couplet, cette chanson devint d’une application générale. Cependant il en fut fait une particulière à un ancien membre du Caveau, soupçonné d’avoir précédemment appartenu à la police impériale et devant qui, en 1815, Béranger fut prévenu par Désaugiers de ne pas chanter le Roi d’Yvetot. Depuis, ce même personnage n’en a pas moins obtenu et cumulé des places de censeur, de bibliothécaire, des pensions, des croix, etc. (Notes de Béranger.)


Note LXVIII. — Au titre.

C’est vers le milieu de 1817 que Béranger fit le Dieu des bonnes gens. Jusque-là, c’était toujours avec une espèce de timidité qu’il avait tenté d’élever le ton de la chanson. Enhardi par le succès, il osa davantage cette fois ; mais la frayeur le reprit quand il eut terminé ces couplets. Pour expliquer cette frayeur, il faut dire qu’il était reçu au Caveau qu’il ne fallait point mettre de poésie dans la chanson. Béranger avait souvent entendu professer cette doctrine par Armand Gouffé. Aussi trembla-t-il fort lorsque, pour la première fois, dans une réunion d’hommes de lettres, il se hasarda à chanter le Dieu des bonnes gens. Les applaudissements qu’il obtint furent tels, que, dès ce moment, sûr de pouvoir dépenser dans ce genre le peu qu’il se sentait d’idées poétiques, il renonça à tout autre et conçut l’espoir de donner à la France une poésie chantée, ce qu’elle n’avait pas, selon lui, malgré la sublimité de beaucoup de nos odes et l’excellence de plusieurs passages de nos opéras. Pour arriver à cela, il fallait continuer à se servir de nos airs de ponts-neufs, convenablement entremêler les tons, ainsi que notre langue pouvait l’exiger, s’attacher de plus en plus à dramatiser ses petits poëmes, et surtout s’astreindre au refrain, frère de la rime, quelque prix qu’il en dût coûter, car Béranger avait souvent observé que, sans refrain, la chanson ne réussissait pas, et il tint dès lors à faire tout ce que le genre exigeait pour y obtenir davantage et l’élever enfin à la hauteur des sentiments et des idées que la chanson lui paraissait appelée à exprimer, surtout à une époque où la presse était esclave. Il sentit d’ailleurs tout l’avantage qu’il y avait pour lui à faire un genre qui n’avait point de poétique et qui laissait à sa disposition tout le dictionnaire de la langue française, dont nos critiques ne permettent guère qu’une partie à presque tous les autres genres. (Note de Béranger.)


Note LXIX. — Au titre.

Les anciens historiens rapportent que le désir d’avoir du vin ne contribua pas peu à l’invasion que les Gaulois firent en Italie. C’est là, sans doute, un conte comme tant d’autres que nous a laissés l’antiquité, et particulièrement sur cette même invasion, tels que les oies du Capitole, la balance de Brennus, l’action de Camille, etc. ; mais ce sujet dut plaire à l’auteur, qui y vit un cadre pour l’éloge de son pays, où, sans prendre le ton emphatique dont il a toujours eu l’horreur, il pouvait rendre pleine justice à un peuple que ceux qui le gouvernaient alors semblaient vouloir dégrader à ses propres yeux, tandis que les peuples rivaux se vengeaient de vingt ans d’humiliations par un débordement d’injures contre une nation qui n’a jamais mérité ses malheurs. (Note de Béranger.)


Note LXX. — Au premier vers du cinquième couplet :
En vain un fou crie, en entrant.

Ce fou n’est autre que M. de Bonald, dont la réputation exagérée, commencée sous le pouvoir absolu de l’Empire, est venue échouer dans les débats politiques de la Restauration. C’est ce pair de France qui, lors de la discussion sur l’atroce loi du sacrilège, à propos de la peine de mort, fit entendre cette phrase : Il faut renvoyer les accusés à leur juge naturel. Et voilà les hommes qui se sont permis tant de déclamations contre ceux qui ont sauvé la France en 1793 ! (Note de Béranger.)


Note LXXI. — Au titre.

Cette chanson précéda l’Âme et le Dieu des bonnes gens. Elle est une des premières dans lesquelles Béranger s’essaye à poétiser le genre qui commençait à l’occuper uniquement. Elle eut d’abord peu de succès ; aussi fut-il frappé d’un mot qu’en l’entendant lui dit M. Jay, l’auteur de l’Histoire de Richelieu : « Courage ! voilà de la poésie, vous avez encore mieux que cela dans la tête. »

Béranger devait sans doute croire qu’il avait mieux que cela, lui qui, dès l’âge de vingt ans, avait rêvé les plus grands travaux littéraires, et qui, bien que sachant à peine l’orthographe, s’était particulièrement occupé de ce qu’on appelle haute poésie. Mais il fut longtemps à craindre que la chanson ne pût rendre toutes les pensées et tous les sentiments. Son erreur venait de ce qu’il la considérait comme un genre ; tandis qu’elle est toute une langue. (Note de Béranger.)


Note LXXII. — Au vers :
J’ai bu jadis avec le bon Panard.

Panard est un des noms que les chansonniers ont dû répéter le plus souvent. Le premier peut-être il a soumis la chanson à une correction étudiée et à une grande richesse de rimes. Il a commencé à rendre ce genre difficile pour les simples amateurs : C’est cependant plutôt un coupletteur habile qu’un vrai poëte. Panard se meut dans un cercle d’idées très-étroit et il ne fit jamais de la chanson ni un petit drame ni un tableau. Gallet, moins connu, moins cité, lui est peut-être supérieur sous ce rapport.

Les Mémoires de Marmontel contiennent différents passages sur Panard qui le font aimer, et donnent lieu de croire que, grâce à une douce indifférence, ce chansonnier dut vivre heureux. (Note de Béranger.)

Voici un extrait curieux du livre IV des Mémoires de Marmontel que cite Béranger.

« Ce vaurien (Gallet) était un original assez curieux à connaître.

« C’était un marchand épicier de la rue des Lombards, qui, plus assidu au théâtre de la foire qu’à sa boutique, s’était déjà ruiné lorsque je le connus. Il était hydropique, et n’en buvait pas moins et n’en était pas moins joyeux : aussi peu soucieux de la mort que soigneux de la vie, et tel qu’enfin dans la misère, dans la captivité, sur un lit de la douleur, et presque à l’agonie, il ne cessa de faire un jeu de tout cela.

« Après sa banqueroute, réfugié au Temple, lieu de franchise alors pour les débiteurs insolvables, comme il y recevait tous les jours des mémoires de créanciers : « Me voilà, disait-il, logé au Temple des mémoires. » Quand son hydropisie fut sur le point de l’étouffer, le vicaire du Temple étant venu lui administrer l’extrême-onction : « Ah ! monsieur l’abbé, lui dit-il, vous venez me graisser les bottes ; cela est inutile, car je m’en vais par eau. » Le même jour il écrivit à son ami Collé, et, en lui souhaitant la bonne année par des couplets sur l’air : Accompagné de plusieurs autres, il terminait ainsi sa dernière gaieté :

De ces couplets soyez content :
Je vous en ferais bien autant
Et plus qu’on ne compte d’apôtres ;
Mais, cher Collé, voici l’instant
Où certain fossoyeur m’attend,
Accompagné de plusieurs autres.

« Le bonhomme Panard, aussi insouciant que son ami, aussi oublieux du passé et négligent de l’avenir, avait plutôt, dans son infortune, la tranquillité d’un enfant que l’indifférence d’un philosophe. Le soin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, ne le regardait point ; c’était l’affaire de ses amis, et il en avait d’assez bons pour mériter cette confiance. Dans les mœurs, comme dans l’esprit, il tenait beaucoup du naturel simple et naïf de la Fontaine. Jamais l’extérieur n’annonça moins de délicatesse ; il en avait pourtant dans la pensée et dans l’expression. » (Note de l’Éditeur.)


Note LXXIII. — À la date.

Cette chanson eut un grand désavantage, lorsqu’elle courut manuscrite ; le Concordat n’était qu’un projet et la matière était peu connue du public. Elle nécessita une quantité de notes, qui nous évitent d’en faire de nouvelles, mais qui prouvent l’embarras où se trouve un chansonnier qui veut aller au-devant du mal à venir. Les masses ne sentent bien que le mal présent, et ce qui attaque par prévision tel ou tel acte du pouvoir les intéresse peu. Il faut pourtant dire que ce Concordat expira obscurément sous les coups du parti libéral. Quoique cette chanson ait, sans doute, mérité peu de part aux honneurs du triomphe, elle n’en fut pas moins poursuivie et condamnée en 1821.

Le couplet :


Dans chaque ville un séminaire,


fit surtout éclater la colère de Marchangy. (Note de Béranger.)


Note LXXIV. — À la suite de la note qui existe déjà.

Beaucoup de bonnes gens croient encore que Mathurin Bruneau, mort, il y a quelques années, dans une prison de Normandie, était réellement Louis XVII, mort au Temple. Cet imposteur maladroit, grossier et sans aucune éducation, eut l’art de s’attirer les secours de quelques personnes crédules jusqu’à la fin de sa vie. Il est à peu près inutile d’expliquer les allusions que contiennent les couplets de cette chanson, faite en 1817.

On sait bien ce qu’il pouvait y avoir de piquant à faire cesser le tutoiement aux derniers vers de chaque couplet. (Note de Béranger.)


Note LXXV. — À la place des deux notes qui existent dans les éditions postérieures à celle de 1821.

Ce carnaval ne fut que d’un jour.

Cette chanson rappelle la servilité de la majorité des Chambres, la leçon morale que Wellington prétendit donner à la France par la spoliation du Musée, conquête assurée par les traités, et seul prix qui nous restait du sang de tant de héros, et enfin les frais que la police croyait devoir faire pour simuler une joie qui était loin d’exister. (Note de Béranger.)


Note LXXVI. — Au sous-titre.

Voici encore une de ces chansons-vaudevilles dont le succès fut immense. Elle était d’une application si générale, que presque chaque département y put reconnaître un de ses députés. Quelques personnes d’un goût délicat reprochèrent à l’auteur l’emploi du mot ventru. Plus le mot est bas, plus l’emploi en fut heureux. Il restera peut-être pour désigner toujours cette espèce d’hommes qui, dans les Chambres, vendent au pouvoir les intérêts de leur pays, se font gorger de faveurs, eux et les leurs, et s’engraissent à la table des ministres.

Place à dix pas de Villèle,
À quinze de d’Argenson.

M. de Villèle était alors le chef de l’opposition de droite, vers laquelle penchait toujours le ministère. M. d’Argenson était l’homme qui, à cette époque, représentait le mieux les généreux principes de la gauche. M. de Villèle est devenu ministre, et les ventrus, qui se sont élevés au nombre de trois cents, le soutinrent jusqu’en 1827. M. d’Argenson n’a cessé de mériter la reconnaissance de son pays par sa constante et invariable opposition à toutes les lois désastreuses et à tous les empiétements de l’absolutisme. (Note de Béranger.)


Note LXXVII. — Au titre.

Qui le croirait ? Ces missionnaires, qui firent tant de mal et sont encore la cause de tant de scandales, ne paraissaient pas assez dangereux, en 1819, à certains députés libéraux. Plusieurs de ceux qui craignent toujours de voir les abus où ils existent, parce qu’on leur impose l’obligation de les attaquer, reprochèrent à Béranger cette chanson, qu’ils trouvaient trop violente. C’était d’ailleurs, selon eux, afficher trop de philosophie et donner occasion aux dévots de pousser des cris d’alarme. Que de fois le pauvre chansonnier eut-il à repousser de pareilles observations, faites par des hommes qui se vantaient pourtant de penser comme lui ! En vain dix fois l’événement justifia-t-il ses prévisions ; à chaque attaque il fut en butte à de pareils reproches. Il finit par en rire, et, chaque fois qu’ils se renouvelaient, on l’entendit proposer à ses prétendus amis de le désavouer publiquement, s’ils l’osaient. C’est dans une de ces occasions qu’il disait à l’un d’eux : « Ne m’ayez aucune obligation des chansons que j’ai faites pour servir la bonne cause. Ne m’en ayez que de celles que je n’ai pas faites contre vous tous. »

Ces hommes sont ceux qui portaient envie à la popularité de Manuel, et qui parvinrent à empêcher sa réélection en 1824. Ce sont eux qui, en 1827, après la chute de Villèle, firent prendre à la Chambre une marche indécise, qui ne pouvait servir que leur ambition personnelle, au risque de déconsidérer le gouvernement représentatif, dont la France espérait retirer tant de fruits. Le résultat de la politique de ces personnes a été de faciliter l’arrivée du ministère Polignac. (Note de Béranger.)


Note LXXVIII. — À la date.

Au commencement de 1818, beaucoup de Français proscrits et retirés en Amérique conçurent le projet de fonder, sur les bords du Texas, une nouvelle colonie pour tous les Français dispersés par l’exil dans les quatre parties du monde. Le général Lallemand était à la tête de cette noble entreprise. Pour y concourir, une souscription fut ouverte à Paris, et c’est le désir de contribuer à l’augmenter qui fit faire cette chanson à Béranger. Mais l’esprit de colonisation est presque entièrement étranger aux hommes de notre pays : ils sont trop tourmentés du désir de revoir la France pour former au loin des établissements solides. Les bords du Texas, qui avaient reçu le nom de Champ d’Asile, furent bientôt abandonnés et n’ont peut-être conservé que le souvenir de la légèreté française. Il faut pourtant reconnaître que, dans cette circonstance, comme dans mille autres, elle ne doit être attribuée qu’à un excessif amour du sol paternel. (Note de Béranger.)


Note LXXIX. — Au titre.

Il peut être nécessaire d’avertir que la Mort de Charlemagne n’est pas un sujet tiré du vieux Roman de la Rose, livre que personne ne lit, mais dont on se croit obligé de parler souvent. (Note de Béranger.)


Note LXXX. — Au titre.

Cette chanson eut le sort de toutes les autres : on n’en parla pas. D’ailleurs, elle avait le défaut d’aller au-devant des événements, et l’on a déjà expliqué cet inconvénient à propos de la chanson des Chantres de Paroisse.

Deuxième couplet. Les préfets dressaient à leur guise la liste des jurés : aussi les mêmes noms y reparaissaient souvent, et les condamnations furent multipliées, surtout à Paris, où certaines personnes se firent une triste réputation (comme MM. Héron de Villefosse, Trouvé, etc.) par leur facilité à condamner au gré du pouvoir ceux qu’on leur donnait à juger. M. Héron de Villefosse présidait le jury qui condamna M. de Lavalette : M. Trouvé présidait au jugement des jeunes gens de la Rochelle. (Note de Béranger.)


Note LXXXI. — Au titre.

Lorsque les troupes étrangères évacuèrent le sol français, le vieux et respectable duc de la Rochefoucauld pria Béranger de lui faire une chanson, pour célébrer leur départ, dans une fête donnée à cette occasion au château de Liancourt. L’auteur ne promit rien, quelque instance que put y mettre le duc de la Rochefoucauld, car il ne pouvait être sûr de ce que lui inspirerait ce sujet. Cependant il y rêva, et, lorsque la chanson fut faite, il l’envoya, mais sans vouloir assister à la fête, Béranger s’étant presque toujours fait une loi de ne point fréquenter les grands seigneurs, de quelque régime qu’ils fussent, cela non par fierté malentendue ou désobligeante pour eux, mais par un goût très-vif pour une manière de vivre toute simple et toute bourgeoise. La chanson eut du succès, et la Minerve la publia ; mais, sans le nom de M. de la Rochefoucauld, peut-être cette publication eût-elle offert quelque danger.

Dans le dernier couplet, l’auteur n’omit point de parler de la beauté extraordinaire de l’automne de 1818. On vit, dans beaucoup d’endroits, des arbres fruitiers refleurir comme au printemps. (Note de Béranger.)


Note LXXXII. — Au titre.

Qui pourrait croire qu’en 1819 beaucoup de personnes doutaient des progrès que les jésuites faisaient sourdement en France ? À cette époque pourtant, sous des noms divers, on comptait plus de trente maisons régentées par eux. Ils étaient protégés par le gouvernement occulte, à la tête duquel était le comte d’Artois.

L’atroce gouvernement de Ferdinand VII, en Espagne, avait trouvé des gens pour le louer en France.

Quant au grand homme du jour, dont il est question au troisième couplet, c’est M. Decazes, qui acheta, par ses complaisances, l’honneur d’avoir la duchesse d’Angoulême pour marraine de son fils.

La prédiction que l’auteur fit de sa chute ne tarda pas à s’accomplir. On a trop dit que la mort du duc de Berry en avait été la cause ; elle n’en fut que l’occasion. Le système de bascule qu’il inventa ou plutôt qu’il suivit avait dès longtemps fait prévoir l’impossibilité de la durée de son règne.

C’est particulièrement sous son ministère que les jésuites firent, en France, les plus rapides progrès et commencèrent à envahir l’instruction publique. Il serait injuste de croire qu’il les aimât ; mais il ne fit rien pour s’opposer à leurs progrès ; il craignait trop de déplaire au frère du roi et à ses amis, qui ne lui ménageaient pas les menaces. (Note de Béranger.)


Note LXXXIII. — Au titre.

On a souvent accusé Béranger de se laisser dominer par l’esprit de parti. Jamais reproche ne fut moins fondé. « Le bonheur de la France avant tout, » tel était le fond de sa politique. Au commencement de 1819, une espérance d’amélioration parut saisir tous les hommes amis du pays. Le poète se laissa aller à cette douce espérance, et cette chanson en porte l’empreinte ; Mais Béranger ne dut point oublier les outrages que l’Angleterre fit subir à sa patrie : aussi, à propos d’une riche exposition de peinture, rappelle-t-il la spoliation du Musée. (Note de Béranger.)


Note LXXXIV. — Au titre.

La petitesse morale des hommes qui nous gouvernaient inspira cette chanson, où Béranger se plut à confondre les soldats d’Achille avec les Myrmidons d’une ancienne fable qui a fait de ce nom un terme de mépris. Il faut remarquer qu’à l’époque où furent faits ces couplets un grand nombre de serviteurs inaperçus de l’Empire s’étaient élevés aux plus hautes dignités de la Restauration. Ils avaient en effet l’air de se venger des dédains mérités du maître qu’ils avaient servi d’abord et dont ils avaient été les premiers à insulter la chute et les malheurs.

Le Mironton mirontaine de Marlborough n’est autre que Wellington, à qui on avait donné l’épée de Napoléon.

On nous écoute au congrès.

Ce vers rappelle la menace si souvent faite, en termes plus ou moins déguisés, par les ministres de Louis XVIII. Le congrès d’Aix-la-Chapelle venait d’avoir la plus fâcheuse influence sur notre armée, que le maréchal Gouvion-Saint-Cyr avait voulu réorganiser, ce qui lui fit perdre le ministère.

Il n’est pas nécessaire de dire que le dernier couplet de cette chanson est une allusion au jeune Napoléon[2], qui fut, est et sera longtemps peut-être, un épouvantail pour les Bourbons et leurs ministres. (Note de Béranger.)


Note LXXXV. — Au sous-titre.

Cette chanson de fête eut un grand succès, grâce au ridicule du système qu’elle attaque. L’interprétation en matière de presse fut propagée chez nous par Bellart, Marchangy, Jacquinot de Pampelune, Hua et Vatimesnil. Celui-ci, plus jeune que les autres, fut d’abord un ardent promoteur de ce moyen facile de condamnation. Aujourd’hui (1830), il a quitté les rangs des oppresseurs de la pensée, et il est à espérer qu’il n’y rentrera jamais. Sa conduite au ministère semble en être la preuve. Avec un parquet qui prenait plaisir à torturer tous les mots et des jurés choisis par le préfet, il était impossible qu’un auteur accusé ne succombât pas toujours. Cependant cela ne suffit point encore au pouvoir, et l’on vint à enlever au jury le jugement des délits de la presse. (Note de Béranger.)


Note LXXXVI. — Au sous-titre.

On assure que l’École des Chartes peut avoir une grande utilité, que ses recherches rendront des services à l’histoire. Jusqu’à présent il n’y a point encore paru, et il a pu être permis de penser qu’il y avait mieux à faire en fait d’histoire qu’à fouiller dans nos vieilles archives, toujours incomplètes pour ce qui a trait aux droits du peuple. (Note de Béranger.)

Au temps où Béranger a écrit cette note, l’épigramme était en effet permise, et on pouvait croire que l’étude des archives du moyen âge ne se serait pas dirigée dans un sens favorable à l’esprit de la Révolution française. L’École des Chartes a heureusement servi à autre chose qu’à retrouver les parchemins de la féodalité : elle s’est appliquée et elle s’appliquera de plus en plus à rechercher la trace des vieilles mœurs à reconstruire, pierre à pierre, l’édifice historique du passé de nos pères. Les dispendieuses, mais intéressantes études, entreprises pour recueillir les matériaux de l’histoire du tiers état, ont permis à l’un des maîtres de l’art moderne, M. Augustin Thierry, de regrettable mémoire, de raconter précisément l’origine des droits du peuple que Béranger craignait de voir négligés. (Notes de l’Éditeur.)


Note LXXXVII. — Au titre.

Le désir de voir naître une poésie toute populaire, c’est-à-dire puisée dans les idées et les sentiments du peuple, a toujours préoccupé Béranger. Il a toujours cru que, plus la civilisation faisait de progrès, plus la poésie se réfugiait dans les classes inférieures. C’est pourquoi il travailla longtemps au genre pastoral, où il espérait pouvoir être vrai sans bassesse et simple au moins, s’il ne pouvait être naïf.

Les Étoiles qui filent, cette croyance populaire, étaient un sujet qu’il s’était promis de traiter en idylle. La chanson ayant fini par l’emporter dans son esprit sur tous les autres genres dont il s’était occupé, il chanta les étoiles, et ce ne fut pas le seul sujet d’idylle qu’il fit servir ainsi au succès de sa muse nouvelle. (Note de Béranger.)


Note LXXXVIII. — Au sous-titre.

Voici encore un vaudeville dans l’ancien genre. Celui-ci n’eut de succès qu’au tribunal et par une circonstance assez singulière.

L’auteur avait mis à l’avant-dernier couplet :


Mais la Charte encor nous défend.
Du roi, c’est l’immortel enfant
    Il l’aime, on le présume.
Oui, mais papa, gardant la dot,
Traite sa fille comme Loth.


L’imprimeur fut effrayé par ces deux méchants vers, auxquels Béranger tenait peu, et demanda qu’on les laissât en blanc. Contre son habitude, l’auteur s’empressa d’y consentir, voyant bien quel parti la malice publique tirerait de cette lacune. Il ne s’était point trompé, et ces blancs furent matière à la plus vive accusation de la part de Marchangy. Rien de plus plaisant et en même temps de plus odieux que de l’entendre accuser le silence de l’auteur à propos de ces deux lignes de points. Dupin tira un excellent parti de ce passage du réquisitoire.

Béranger n’eut jamais envie de rétablir les deux vers, tant ils lui semblaient au-dessous de l’idée que le public s’en était faite.

Les deux ministres nommés dans le cinquième couplet sont MM. Siméon et Pasquier. (Note de Béranger.)


Note LXXXIX. — Au sous-titre.

Le préfet de police Anglès et tous ses successeurs ont déclaré la guerre aux réunions chantantes. Celles qu’on nomme goguettes, presque uniquement composées d’hommes d’industrie et de commerce, et même d’un grand nombre d’ouvriers, sont surtout l’objet des craintes de ces magistrats. Le patriotisme anime ces réunions, mais il n’en est pas le seul esprit. On serait étonné de la quantité de jolis couplets, même de chansons piquantes et correctement tournées, qui, chaque année, sortent de ces réunions, qui, presque toutes, ont lieu au cabaret ou dans les guinguettes aux portes de Paris. Béranger a dû en grande partie la vogue dont il a joui à l’espèce de culte que ces sociétés professaient pour lui. Il devait donc prendre parti en leur faveur quand parut l’ordonnance de M. Anglès. Rien de plus ridicule que cette ordonnance qui mit le trouble dans ces joyeuses réunions. Les oiseaux, d’abord effarouchés, revinrent bientôt à leurs habitudes, et, à force de ruses innocentes, éludèrent les dispositions vexatoires et firent résonner de nouveaux chants.

Troisième couplet :

À Sa Grâce il fait peine.

Allusion à Wellington.

Quatrième couplet :

Que dirait de mieux Marchany ?

Cet avocat général fut, sans contredit, le plus infatigable interprétateur. Il employait à ce métier tout ce qu’il pouvait avoir d’esprit. Toutefois ce qu’il faut surtout lui reprocher, c’est sa conduite dans l’affaire des quatre malheureux sergents de la Rochelle, dont le plus âgé avait vingt-six ans. (Note de Béranger.)


Note XC. — Au sous-titre.

Béranger connaissait fort peu madame Dufrénoy lorsqu’il fit cette chanson pour la remercier de l’envoi de ses poésies. Cette dame lui en prouva sa reconnaissance en célébrant sa première captivité. Il lui savait surtout gré d’être restée femme dans des vers dont la sincérité n’est certes pas le seul mérite. Pourtant il reconnaissait qu’ils auraient besoin de plus de travail ; mais c’est ce dont les femmes poëtes ne sont presque jamais capables. Un peu plus de travail est peut-être tout ce qui manque aussi aux vers de madame Tastu, qui jouit maintenant d’une réputation si méritée, et pour le moins égale à celle que madame Dufrénoy eut de son temps. Mademoiselle Delphine Gay[3] fait mieux le vers que ces deux dames ; mais il lui manque d’autres qualités qui semblent être leur partage. C’est au moins le jugement qu’en portent plusieurs personnes et qu’en portait Béranger lui-même. Du reste, il ne croyait pas les femmes propres aux soins mécaniques de la versification, qui, selon lui, étaient un grand élément de la durée du succès. Il disait toujours : « Malheur à qui n’est pas bon ouvrier ! Mais aussi malheur à qui n’est que cela ! » (Note de Béranger.)


Note XCI. — Au titre.

« Est-ce ainsi que Platon parlait de Dieu ! » s’écria, à propos de cette chanson, Marchangy dans son réquisitoire. Non, certes ; mais Aristophane ne parlait pas des dieux comme Platon. Béranger, dont la croyance en l’Auteur de la nature ne put jamais être mise en doute, puisqu’elle est attestée par une continuelle inspiration qui perce dans ses moindres productions, et par l’espèce de profession de foi qu’il ne cessa de faire à cet égard, Béranger, en faisant la chanson du Bon Dieu, n’eut pas l’idée de commettre une impiété, il s’en faut. Il prit, cette fois, Dieu comme nos religions l’ont fait dans la tête du peuple, et non comme lui-même l’avait conçu. C’est cette idole grossière qui lui servit de cadre pour des couplets dont la morale, après tout, est plus en rapport avec l’Évangile que celle de nos jésuites intolérants. Marchangy le savait, mais c’était ce qu’il poursuivait dans la popularité de cette chanson. (Note de Béranger.)


Note XCII.

La chanson du Vieux Drapeau, dans l’édition de 1821, était précédée des lignes qui suivent :

« Cette chanson n’exprime que le vœu d’un soldat qui désire voir la Charte constitutionnellement placée sous la sauvegarde du drapeau de Fleurus, de Marengo et d’Austerlitz. Le même vœu a été exprimé à la tribune par plusieurs députés, et, entre autres, par M. le général Foy, dans une improvisation aussi noble qu’énergique. » (Note de l’Éditeur.)

Note XCIII. — Au premier vers.

Béranger fut obligé de mettre en tête de sa chanson une note pour l’innocenter, s’il était possible. L’imprimeur, sans cela, ne voulait point l’admettre dans le recueil. Cette note n’empêcha pas Marchangy d’en faire l’objet de ses plus vives attaques. L’auteur courait le risque de deux années d’emprisonnement, si l’avocat général avait gain de cause ; mais M. Cottu, juge impartial aussi bien qu’écrivain politique déraisonnable, fit observer à la cour qu’il y avait bien dans le Code pénal de la presse provocation à la révolte, port d’un signe séditieux, mais non provocation au port d’un signe séditieux. Cette subtilité eut du succès, et la chanson reconnue condamnable ne put être une cause de condamnation. Mais une autre loi de la presse fut faite, et l’on y inséra un article relatif à la provocation au port d’un signe séditieux.

Il est inutile peut-être de consigner des faits en eux-mêmes si puérils : ils font apprécier une époque.

Béranger n’oublia jamais l’obligation qu’il avait à M. Cottu, avec qui il était lié depuis longtemps et dont il estimait les qualités personnelles, en dépit des exagérations politiques de ce magistrat.

Comme la plupart des chansons de Béranger, la chanson du Vieux Drapeau avait couru avant qu’il la fît imprimer. D’autres prirent même le soin de la faire courir avant lui, et un grand nombre d’exemplaires furent jetés dans les casernes. Le ministère s’en effraya. Un conseiller d’État attaché à l’Université fut chargé de sermonner l’auteur, qui répéta, cette fois encore, qu’on pouvait lui ôter son emploi ; mais c’est ce qu’on ne voulait pas faire, croyant toujours que la crainte de perdre son unique moyen d’existence l’empêcherait de donner une édition complète de ses chansons. Il en est peu qui aient eu un succès aussi général que le Vieux Drapeau. (Note de Béranger.)


Note CXIV. — Au titre.

Après avoir attaqué les anciens marquis par la chanson du Marquis de Carabas, il y avait justice à se jouer des anciennes marquises. La politique n’est pas le seul côté faible de ces dames : elles offrent d’ailleurs une pâture à la satire, et le type de la marquise de Pretintaille n’est pas tout d’invention. Dans le dernier couplet, l’auteur fait allusion à la fameuse note secrète, ouvrage d’un comité ultra-congréganiste qui sollicitait auprès des cours étrangères la rentrée en France des soldats de la Sainte Alliance des rois.

À voir Béranger s’en prendre si souvent à la noblesse, quelques personnes de cette caste ont supposé qu’il avait le regret de n’être pas , comme disent ces messieurs et ces dames. Jamais accusation ne fut moins fondée. Notre auteur n’a jamais connu que l’ambition littéraire, encore d’une manière fort modérée. Jamais supériorité sociale n’a pu le choquer personnellement ; on peut même ajouter qu’il n’eut jamais à en souffrir ; mais il regardait les priviléges de naissance comme une contradiction avec les principes de notre Révolution et comme un obstacle au bonheur de son pays. De là vient la guerre qu’il a cru devoir leur faire, guerre bien justifiée, par la conduite de presque tous les hommes de caste. Béranger a vécu dans un temps où il était si facile de se faire passer pour noble, que, s’il eût eu cette fantaisie, il eût pu la satisfaire, surtout à l’aide de la particule qui accompagne son nom. Loin de là, il sympathisait, par des sentiments de justice et d’humanité, avec les classes inférieures, et il s’est toujours fait un plaisir de rappeler qu’il était né dans cette foule populaire, au progrès et à la consolation de laquelle il a consacré presque toutes ses inspirations. (Note de Béranger.)


Note XCV. — Au sous-titre.

Il serait superflu de rappeler que la plus solide amitié existait entre M. Dupont (de l’Eure) et Béranger. Ce dernier s’en montra toujours glorieux. Les vertus du député sont trop populaires pour qu’il soit non plus besoin d’en faire l’éloge ici. Près de trente ans de magistrature les ont mises en évidence, et la carrière politique a achevé de les illustrer. Une seule épreuve a manqué à ces vertus : les hauts emplois publics ; mais on peut assurer que, si elles y avaient été soumises[4], elles seraient sorties intactes d’une épreuve si périlleuse pour tant d’autres hommes.

Quand cette chanson fut faite, Béranger était encore dans les bureaux de l’Université. M. Pasquier, nommé dans le dernier couplet, avait, comme garde des sceaux, signé la destitution de Dupont de la place de président à la cour royale de Rouen, et sans que celui-ci pût obtenir la pension due à ses longs services. Lisot, nommé aussi dans ce couplet, était un député constamment ministériel, que le pouvoir employait pour lutter contre l’influence que Dupont exerce, dans son pays, par la juste idée qu’on y a de l’indépendance de son caractère et par sa belle réputation, que la Normandie entière regarde comme sa propriété. (Note de Béranger.)


Note XCVI. — À la date.

Christophe, empereur et roi d’Haïti, mourut, en 1820, à la suite d’une révolution militaire. La Sainte-Alliance avait mis les congrès à la mode. L’Espagne et Naples avaient déclaré leur indépendance, et l’on pensait déjà, dans les cabinets, à châtier leur témérité révolutionnaire. Le troisième couplet est une allusion aux formes mystiques, données aux protocoles des princes-unis ; ce couplet fut le seul de la chanson que Marchangy signala aux jurés. (Note de Béranger.)


Note XCVII. — Au dernier vers.

Nous avons déjà dit que plusieurs sujets que Béranger avait eu d’abord l’idée de traiter sur le genre de l’idylle étaient devenus, plus tard, des sujets de chanson. Voilà un de ces sujets. Peut-être a-t-il gagné beaucoup à ce changement. Le refrain sort du cadre même, et le chant ne peut qu’ajouter à l’effet que le poëte a voulu produire : aussi a-t-il toujours regardé cette chanson comme une de ses meilleures.

Ceux qui, dans le temps, y ont cherché une allusion à Louis XVIII sont tombés dans une erreur qu’on a bien souvent renouvelée à l’égard des productions de notre auteur. C’est un inconvénient auquel sont exposés les satiriques. On leur suppose souvent des intentions qu’ils n’ont pas, et le public, sur ce point, n’est pas plus raisonnable que MM. les avocats généraux et les procureurs du roi. (Note de Béranger.)


Note XCVIII. — À la date.

Le fond de misanthropie qu’on peut remarquer dans cette chanson est justifié par l’apathie nationale qui existait à l’époque où elle fut faite et par les nombreuses défections que l’opposition eut à essuyer de la part d’hommes qui sollicitèrent ou consentirent à recevoir les faveurs de la cour de Louis XVIII. On peut, entre autres, citer le général Rapp, qui fut décoré d’un titre de garde-robe. On conçoit qu’une fois que Béranger eut reconnu que les Bourbons ne pouvaient faire que le malheur de la France, il ait regardé avec une sorte de colère les hommes qui, en se rapprochant d’eux, diminuaient les forces du parti national. (Note de Béranger.)


Note XCVIX. — Au titre.

Le peuple de Paris n’a jamais cru, bien généralement, à la légitimité de la naissance du duc de Bordeaux. Le procès-verbal de l’accouchement de la mère était propre à faire naître des doutes. Bien des personnes placées haut les ont eus. L’enfant du miracle pouvait être l’enfant de la fraude. On peut donc être surpris que Béranger n’ait pas mis à profit ce côté de l’événement, qui prêtait si bien à la chanson ; mais presque tous ses couplets politiques ont été le fruit de la réflexion. Il avait calculé qu’un jour ou l’autre cette famille serait renversée, et il ne croyait pas que cet enfant pût jamais arriver au trône. Il regardait donc comme utile qu’un rejeton de la race dite légitime existât quelque part, pour que celui qui serait appelé au trône, par suite d’événements probables, fût bien évidemment dans le cas d’usurpation, au point de vue légitimiste, ce qui devait être avantageux au principe de la souveraineté populaire, principe que Béranger a toujours professé. C’était surtout dans le cas où la branche d’Orléans arriverait au trône, que ce représentant de la légitimité paraissait nécessaire au chansonnier. Voilà ce qui le détermina à ne pas chicaner la naissance miraculeuse du duc de Bordeaux, au risque d’exposer sa chanson à être reçue plus froidement qu’elle ne l’aurait été, faite dans le sens qui eût le plus flatté la malignité publique. Il ne faut pas croire que ce soit la seule fois qu’il ait soumis ses inspirations à un examen aussi approfondi.

Dans le second couplet, il est question de l’eau du Jourdain, dont on prétend que M. de Chateaubriand offrit une fiole pour le baptême du roi de Rome. Le fait n’est peut-être pas exact : mais le trait qui en résulte est trop peu mordant pour qu’on ait cru nécessaire de s’assurer de la vérité historique.

Béranger n’a point cessé d’admirer le talent de l’auteur d’Atala, et crut toujours qu’on devait une sorte de respect à l’homme supérieur qui s’égare. Le parti royaliste n’usa jamais d’une pareille réserve : il faut en excepter M. de Chateaubriand, qui donna à cet égard de véritables preuves de supériorité. (Note de Béranger.)


Note C. — Au titre.

Jamais la chanson n’avait élevé ses prétentions si haut qu’en osant déplorer la mort du plus grand homme des temps modernes et peut-être des temps anciens, de celui qui avait, à lui seul, gagné autant de batailles qu’Alexandre et César, autant administré que Charlemagne et Louis XIV, et à qui nous devons un code civil, résumé de notre nouvelle position sociale, dont le bienfait compense, à lui seul, les maux que les ennemis de Napoléon ont prétendu qu’il avait faits à la France.

L’auteur hésita longtemps s’il tenterait un pareil chant funèbre. Une fois ce cadre déterminé, il crut devoir y faire entrer des Espagnols, plutôt que tout autre peuple, parce que ceux-ci passaient pour avoir plus à se plaindre de Napoléon. Il crut donc, en les faisant participer à la douleur de l’exilé français, à qui ils ont accordé le passage, exprimer mieux que par tout autre moyen combien les traitements odieux que ce grand homme avait eu à essuyer l’avaient rendu l’objet de l’intérêt des peuples mêmes qu’il passait pour avoir le plus opprimés.

On remarquera, sans doute, que le refrain est ici presque complétement isolé du couplet. Il ne s’y rattache que par opposition, puisque Napoléon ajoutait à ses malheurs, déjà si longs, celui de mourir loin de sa patrie et du fils, qui devait avoir ses dernières pensées et qui aurait dû lui fermer les yeux. Ce refrain, ainsi détaché, est une imitation de la manière antique. Le chansonnier, qui ne savait pas plus de grec que de latin, avait cependant, pour les ouvrages de la langue grecque, une admiration si vive, qu’elle résista toujours au dégoût que devaient lui causer la plupart de nos traductions. (Note de Béranger.)


Note CI. — Au vers :
Allez, enfants, nés sous un autre règne.

Béranger voulait annoter toutes ses chansons, comme il l’avait fait pour le recueil de 1821. Il a seulement laissé deux notes placées au dernier feuillet du tome II de l’édition de 1821 ; elles se rapportent au troisième volume, qu’il publia en 1825 (Chansons nouvelles, in-18, imprimerie de Plassan), et qu’il avait fait précéder d’une chanson-préface. (Note de l’Éditeur.)

Ce volume n’eut point le sort des précédents, ni de celui qui l’a suivi : on ne poursuivit point l’auteur. Il est vrai que ses libraires lui firent tant de chicanes sur les chansons dont il le composa, que, malgré son opiniâtreté, il fut obligé de céder quelquefois à leurs craintes et à leurs prières. Béranger a toujours soupçonné que l’un d’eux communiqua le manuscrit à la police. Il avait, d’ailleurs, prévu que M. de Villèle, tout-puissant alors, ne se soucierait pas de donner, par un procès, du relief à la publication. C’était au commencement du règne de Charles X, à qui on voulait faire une espèce de popularité : un procès fait à des chansons eût été une grosse maladresse. On prit donc ses mesures d’avance, et grand nombre de suppressions furent demandées par le libraire en question. Il en est une, entre autres, qui fut l’objet d’une longue négociation : il s’agissait de faire disparaître le couplet d’envoi à Manuel, qui termine la chanson des Esclaves gaulois. L’auteur fut inflexible, et le couplet resta seul.

Ce qu’il y eut de particulier, c’est que, Béranger ayant refusé de retrancher plusieurs vers dans différentes autres chansons, il fut obligé de se déclarer éditeur du volume, et que c’est à ce titre que le dépôt en fut fait sous son nom à la direction de la librairie.

Le libraire et l’imprimeur, de leur autorité privée, n’en firent pas moins disparaître ces cinq ou six vers dans une moitié de l’édition ; il en résulta saisie d’exemplaires et procès pour vice de forme, procès qui eût dû être fait à l’auteur, éditeur déclaré ; mais le parti était pris, cette fois, de ne pas le tourmenter, et il ne fut question que de l’imprimeur en première instance et en appel, tandis que c’était l’éditeur qui, dans les règles, eût dû être mis en cause. Certes, si le ministre tout-puissant n’eût pas donné le mot d’ordre, l’affaire ne se fût point passée ainsi, mais M. de Villèle n’avait point besoin, pour faire valoir son royalisme, de tracasser un pauvre auteur. Béranger l’avait prévu, et, comme il avait habitude de proportionner son attaque au danger qui en pouvait résulter, cette prévision ne contribua pas peu à le rendre plus facile aux exigences de ses libraires, pour les passages de ce volume où il ne vit pas une nécessité de résister aux craintes dont ils étaient obsédés. Au reste, ces corrections furent en très-petit nombre, et le volume, tel qu’il parut, suffit bien pour prouver que la prison n’avait pas éteint, dans le chansonnier, les sentiments qui lui avaient mérité l’honneur d’une condamnation. Aussi les journaux ultra ne manquèrent-ils point de le dénoncer de nouveau à l’animadversion du parquet et des juges ; mais, malgré les plaintes des royalistes, le libraire seul eut un peu à souffrir du zèle de MM. les magistrats. (Note de Béranger.)


Note CII.

Au commencement du règne de Charles X, bon nombre de généraux de l’ancienne armée et quantité de libéraux de tribune et de journaux se persuadèrent ou voulurent persuader à la nation que l’époque était arrivée d’un rapprochement entre elle et le trône légitime. Béranger ne tomba pas dans cette erreur ; mais il voulut la constater dans cette Préface. Au quatrième couplet, il indique ce qu’on devait redouter le plus, c’est-à-dire le jésuitisme. Par le dernier couplet, on peut juger qu’il n’était pas complétement rassuré sur les bonnes intentions de l’autorité à son égard. Au reste, cette préface était propre à détourner les coups qui pouvaient le menacer. (Note de Béranger.)



  1. Marchangy poursuivit aussi la Descente aux Enfers. Il est presque impossible d’en deviner la cause, si ce n’est la protection que le pouvoir accorde aux superstitions les plus absurdes. (Note de Béranger.)
  2. Le duc de Reichstadt. Ceci est écrit, il faut se le rappeler, entre 1826 et 1830. (Note de l’Éditeur.)
  3. Madame Émile de Girardin. (Note de l’Éditeur.)
  4. Écrit avant 1830. (Note de l’Éditeur.)