Discussion Livre:Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795.djvu/Diff

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Livre:Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795.djvu

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+LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR.
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-1- HaWxule AI aiT bientôt tî ‘ ’im oa aoaf cjualcja allant œur a la rai km renc 1 lu » Le plaiGr parle
+{{IllustPP|img=Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795, illustration - 0001.png|txt=l’Habitude un instant cause en nous quelqu’allarme Mais bientôt dans un cœur à la raison rendu, Le plaisir parle
-et iexil oiV eut <J/wd
+et seul est entendu.}}
-T • * / 3 L A m i i Cui 11 1 {J/à I r. ’ * J», ; 1 Vf » m DANS O U D OIE \’r’+\tWi’êtA ’\ v\tf \ s’sr#.\tm!\t>\t/ Ouvrage
+LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR, Ouvrage
-de M Justine. T OM E PREMIER tMMSjk I % La
+de Justine. {{-|30}} TOME PREMIER. {{-|30}} La
-en près ai; a la
+en prescrira la
-sa fillè# .T» kxx I) 0 N. /7ÿ? S a; !o A L O N D R E S, dépens
+sa fille. A LONDRES, Aux dépens
-Compagnie. L POT* M. D G C. X C a \T Y. . / À
+Compagnie. {{-|7}} M. DCC. XCXV.
-\t \ X I ; j . y r \y * / • * % • s.* ( / i • A ■ * * *• -v / ’ •. / V / \ 1
-LIBERTINS. / Voluptueux
+LIBERTINS. {{-|5}} Voluptueux
-vos pas¬ sions , et
+vos passions, et
-vues qu’elle a
+vues qu’elles a
-ces pas¬ sions délicieuses,
+ces passions délicieuses,
-votre modèle; méprisez,
+votre modèle ; méprisez,
-son exemple , tout
+son exemple, tout
-et dangereux* d’une vemdantast queet d’une religion dégoû¬ tante, imitez
+et dangereux d’une vertu fantastique et d’une religion dégoutante, imitez
-Eugénie, détrui¬ sez , foulez
+Eugénie, détruisez, foulez
-rapidité qu’elle , tous
+rapidité qu’elle, tous
-préceptes ridi¬ cules, inculqués par dhfnbécdies parens. 9 f v Et
+préceptes ridicules, inculqués par d’imbéciles parens. Et
-vous \\t* t. *\t*\ti\t*\t*\tj\t• qui,
+vous qui,
-d’autres freina que vos désirs, et d’autres • • loix
+d’autres freins que vos désirs et d’autres loix
-le ciniqua Dolmancé
+le cinique Dolmancé
-serve d’exemple; allez auisi loin
+serve d’exemple ; allez aussi loin
-comme lu:, vous
+comme lui, vous
-lubricité vou: prépare ; conVainqu z-vous à
+lubricité vous prépare ; convainquez-vous à
-école q e ce
+école que ce
-étendant k sphère de sef goûts
+étendant la sphère de ses goûts
-ses fantaisies , que
+ses fantaisies, que
-qu’en sacridant ‘out à la volupté , que le malheui\t7\tJL reux individu
+qu’en sacrifiant tout à la volupté, que le malheureux individu
-nom cT’iomme , et
+nom d’homme, et
-triste uni¬ vers , peut
+triste univers, peut
-quelques rose» put Iss épines
+quelques roses sur les épines
-BOUDOIR, O u LES
+BOUDOIR, OU LES
-IMMORAUX, \ V I) IALOGU E S Destines ci Véducation des jeunes Demoisellesc -. -. 2 ’ "* ’ • * / * 1 * ■»\tI——\tu —^aiiiiwii4»iw«i»>in ■>hi^\trp>— ft—«■■■\t -\t..\t.\tm.^e. PREMIER DIALOGUE. Madame DE SAINT- ANGE , le
+IMMORAUX, DIALOGUES Destinés à l’éducation des jeunes Demoiselles. PREMIER DIALOGUE. {{acteurs|Madame DE SAINT-ANGE, le
-DE MIRVEL. Madame
+DE MIRVEL.|n}} Madame
-Saint-Ange. JBon jour,
+Saint-Ange. Bon jour,
-eh bien ,M. Dolrnancé i Le
+eh bien, M. Dolmancé ? Le
-heures précises , nous Tome L\tA
+heures précises, nous
-« * > ne
+ne
-nous aurons , comme tu vois , loue le
+nous aurons, comme tu vois, tout le
-Saint-Ange. Sais-tu , mon frère , que
+Saint-Ange. Sais-tu, mon frère, que
-me repeats un peu , et
+me repents un peu, et
-ma curiosité , et
+ma curiosité, et
-les pro¬ jets obscènes formes pour aujourd’hui; en vérité , mon
+les projets obscènes formés pour aujourd’hui ; en vérité, mon
-trop indulgent , plus
+trop indulgent, plus
-être raisonnable , plus
+être raisonnable, plus
-maudite tète s’irrite
+maudite tête s’irrite
-sert qu’a rue gâter..... A vingt» six ans , je
+sert qu’à me gâter... À vingt-six ans, je
-déjà dévote , et
+déjà dévote, et
-des femmes Oa n’a
+des femmes... On n’a
-je conçois , mou ami , de
+je conçois, mon ami, de
-m’en teuant aux femmes , cela rue rendrait sage;.... que
+m’en tenant aux femmes, cela me rendrait sage ;... que
-s’exhaleraient [dus vers le votre ; projets chimé¬ riques , mon
+s’exhaleraient plus vers le vôtre ; projets chimériques, mon
-me priver , ne
+me priver, ne
-on était , comme
+on était, comme
-le liberti¬ nage , il
+le libertinage, il
-à s’impo¬ ser des freins > de fongueux désirs
+à s’imposer des freins, de fougueux désirs
-( 3 ) bientôt. En fin , mon cher , je
+bientôt. Enfin, mon cher, je
-animal amphibie , j’aime tout , je
+animal amphibie, j’aime tout, je
-; mais , avouele , mon fière , n*e$t-ce pas
+; mais, avoue-le, mon frère, n’est-ce pas
-extravagance complètes: à moi , que
+extravagance complette à moi, que
-connaître V ce singulier Dolmance qui
+connaître ce singulier Dolmancé qui
-ses jours , dis¬ tu , n’a
+ses jours, dis-tu, n’a
-le prescrit , qui, sôdomite par principe , nonseulement est
+le prescrit, qui, sodomite par principe, non-seulement est
-son sexe , mais
+son sexe, mais
-au nôtre , que
+au nôtre, que
-clause spé¬ ciale de
+clause spéciale de
-hommes. Vois , mon frère , quelle
+hommes. Vois, mon frère, quelle
-bizarre fan» taisie !
+bizarre fantaisie !
-ce nou¬ veau Jupiter , je
+ce nouveau Jupiter, je
-ses goûts , de ses débauches , jeveux être
+ses goûts, de ses débauches, je veux être
-le sais , mon
+le sais, mon
-livrée ainsi , qu’à toi , par com¬ plaisance , ou
+livrée ainsi, qu’à toi, par complaisance, ou
-cette façon , ne
+cette façon, ne
-la complaisance , ni le caprice , c’est
+la complaisance, ni le caprice, c’est
-goût sciil qui me détermine Je crois , entre
+goût seul qui me détermine... Je crois, entre
-m’ont asservie , Aij
+m’ont asservie,
-et. ceux
+et ceux
-cette mmie bizarre,
+cette manie bizarre,
-inconcevable différence , et
+inconcevable différence, et
-avant que de
+avant de
-l’avoir rencon¬ tré l’autre
+l’avoir rencontré l’autre
-Le Chevalïel Dolmancé , ma sœur , vient
+Le Chevalier. Dolmancé, ma sœur, vient
-sa / \ trente-sixième année , il est grand , cl’une fort belle figure , des
+sa trente-sixième année, il est grand, d’une fort belle figure, des
-et trèsspirituels , mais
+et très spirituels, mais
-se peintmalgré lui
+se peint malgré lui
-la tournure ,-par l’habitude , sans doute , qu’il
+la tournure, par l’habitude, sans doute, qu’il
-élégance extrême , une jolie voix , des talcns , et
+élégance extrême, une jolie voix, des talens, et
-dans l’esprit., / Madame
+dans l’esprit. Madame
-en Dieu , j’espère
+en Dieu, j’espère
-/\t( 5 ) Le Chevalier. Âh î que
+Le Chevalier. Ah ! que
-? c’cst le
+? c’est le
-célèbre athée , l’homme
+célèbre athée, l’homme
-plus immoral Oh \ c’est
+plus immoral... Oh ! c’est
-plus entière , l’individu
+plus entière, l’individu
-au inonde. Madame de Saint-An ge. Comme
+au monde. Madame de Saint-Ange. Comme
-cela m’échauffe , je vais raffo¬ ler de cet homme , et ses goûts , mon
+cela m’échauffe, je vais raffoler de cet homme, et ses goûts, mon
-comme patient; il
+comme patient ; il
-ses plaisirs , et
+ses plaisirs, et
-à es¬ sayer des femmes , ce
+à essayer les femmes, ce
-pour chan¬ ger de
+pour changer de
-lui. je lui
+lui. Je lui
-de toi , je
+de toi, je
-tes intentions , il accepte , et
+tes intentions, il accepte, et
-du marché Je
+du marché. Je
-ma sceur, il
+ma sœur, il
-tout net , si
+tout net, si
-votre A iij
+votre
-sceur , est , prétend-il , une licence ,... une
+sœur, est, prétend-il, une licence,... une
-précautions. • Madame
+précautions. Madame
-souiller ! .... des
+souiller !... des
-la • x % folie
+la folie
-autres femmes , nous
+autres femmes, nous
-de cet mots
+de ces mots
-admis... Eh , dis-moi , mon cher, ... il
+admis... Eh, dis-moi, mon cher,... il
-ta deheieuse figure
+ta délicieuse figure
-je crois , captiver
+je crois, captiver
-Chevalier. ]e ne
+Chevalier. Je ne
-le fait , j’aime
+le fait, j’aime
-et ^ ne
+et je ne
-croire a nos j eunes freluquets qu’il faut repondre par
+croire à nos jeunes fréluquets qu’il faut répondre par
-( 7 ) tic semblables
+de semblables
-de singuliers , mais
+de singuliers, mais
-insulter jamais , leur
+insulter jamais, leur
-la nature > ils n’etaient pas
+la nature, ils n’étaient pas
-goûts differens, que
+goûts différens, que
-bienfait. Unhomrae vous d i t-il d’ailleurs
+bienfait. Un homme vous dit-il d’ailleurs
-chose de* sagréable en
+chose désagréable en
-sans doute , c’est
+sans doute, c’est
-les so.s qui pui sent penser ainsi 5 jamais
+les sots qui puissent penser ainsi, jamais
-parlera sur cette
+parlera de cette
-peuplé d plats
+peuplé de plats
-que c’cst leur
+que c’est leur
-des plaisirs , et
+des plaisirs, et
-les femmes , toujours
+les femmes, toujours
-leurs droits , s’imaginent
+leurs droits, s’imaginent
-Doms 1\tO Quichottes
+Doms Quichottes
-en bru* ialisant ceux
+en brutalisant ceux
-pas tout® l’étendue.
+pas toute l’étendue.
-de Saint-Ange. Ah! mon arai , baise-moi,
+de Saint-Ange Ah ! mon ami, baise-moi,
-différemment -, mais
+différemment ; mais
-de détail , je t’en conjure , et
+de détail, je t’en conjure, et
-avec tou Le Chevalier. M. Dolrnancé était
+avec toi. Le Chevalier M. Dolmancé était
-mes amis , du
+mes amis, du
-dont t-u sais
+dont tu sais
-suis pourvu , il
+suis pourvu, il
-marquis deV... à
+marquis de V... à
-je portais-, la curio¬ sité parut
+je portais ; la curiosité parut
-un trèsbeau cul
+un très-beau cul
-me tourna , et
+me tourna, et
-me Supplia de jouir , me
+me supplia de jouir, me
-goût sruî avait
+goût seul avait
-cet examen, je pré¬ vins Dolrnancé de
+cet examen. Je prévins Dolmancé de
-de l’en¬ treprise , rien ne l’effaroucha, je suis
+de l’entreprise, rien ne l’effaroucha. Je suis
-me dit-il , et
+me dit-il, et
-était là , il nous encoura¬ geait en tripotant , maniant , baisant
+était là, il nous encourageait en tripotant, maniant, baisant
-et l’autre, je ta
+et l’autre. Je
-en bien , me
+en bien, me
-le Mar¬ quis , vous
+le Marquis, vous
-sera satisfait , dis-je , en
+sera satisfait, dis-je, en
-plongeant aveu¬ glément dans le gouffre— et
+plongeant aveuglément dans le gouffre.... et
-crois peutetre , ma
+crois peut-être, ma
-je touchais le
+je touchai le
-traitai Dol¬ mancé en ami , l’excessive
+traitai Dolmancé en ami, l’excessive
-qu’il goû¬ tait , ses frétillcmens , ses propos délicieux , tout
+qu’il goûtait, ses frétillements, ses propos délicieux, tout
-heureux moi-méme , et je l’inondai . A
+heureux moi-même, et je l’inondai. A
-que Dol¬ mancé seretournant vers moi échévelé ,rouge comme
+que Dolmancé se retournant vers moi échevelé, rouge comme
-me dit-il , en m’of¬ frant un
+me dit-il, en m’offrant un
-et mutin , fort
+et mutin, fort
-de tour , daigne , je t’en conjure , ô
+de tour, daigne, je t’en conjure, ô
-mon amant , et
+mon amant, et
-puisse # dire
+puisse dire
-d’empire. Trouvant
+d’empire. » Trouvant
-de difficulté à
+de difficultés à
-qu’à l’autre , je
+qu’à l’autre, je
-le Marquis se déculottant a mes yeux , me
+le marquis, se déculottant à mes yeux, me
-de vou¬ loir bien
+de vouloir bien
-comme Doîrnancé , qui me rèndant au
+comme Dolmancé, qui, me rendant au
-notre tiers , exhala
+notre tiers, exhala
-mon cul, cette liqueur enchanieresse dont j’arrosais , presqu’en même temps celui dé V....\t-\t*\t’\tI / Madame de Saint-Angl Tu
+mon cul cette liqueur enchanteresse dont j’arrosais, presque en même temps, celui de V*** Madame de Saint-Ange Tu
-plus g^and plaisir , J mon frère , à
+plus grand plaisir, mon frère, à
-deux , on
+deux ; on
-Le Chevalier. I*\ti ïî est
+Le Chevalier Il est
-mon ange , que
+mon ange, que
-en puisse dire , tout cela sont
+en dise, tout cela ce sont
-de Saint-Ange. Eh bien , mon cher amour , pour récona-
+de Saint-Ange Eh bien, mon cher amour, pour récompenser
-f ) pcnlcr aujourd’hui ta délicatccorapîaisanee 9 je
+aujourd’hui ta délicate complaisance, je
-jeune fuie vierge,
+jeune fille vierge,
-plus beileque l’amour. Le Chevalier. Comment, avec Dolmancé .... tu fais ve¬ nir une
+plus belle que l’Amour. Le Chevalier — Comment ! Avec Dolmancé... tu fais venir une
-? % Madame de Saint-Ange. Il
+? Mme de Saint-Ange — Il
-éducation , c’est
+éducation ; c’est
-l’automne dernier , pendant
+l’automne dernier, pendant
-était aux. eaux. La nous
+était aux eaux. Là, nous
-pûmes rien , nous n’osàmes rien, trop de yeux étaient fixes sur nous , mais
+pûmes rien, nous n’osâmes rien, trop d’yeux étaient fixés sur nous, mais
-promîmes dé nous reunir dès » que
+promîmes de nous réunir dès que
-uniquement occu¬ pée de ce désir j’ai , pour y satisfaire , fait
+uniquement occupée de ce désir, j’ai pour y satisfaire, fait
-un libertin .... que
+un libertin... que
-l’attends , nous
+l’attends ; nous
-jours ensemble.... deux
+jours ensemble... deux
-délicieux , la meil¬ leure partie
+délicieux ; la meilleure partie
-ce temps , je
+ce temps, je
-à eduquer cette
+à éduquer cette
-tête , t©us les
+tête tous les
-plus cf-
+plus effréné,
-fréné, nous l’embraserons c!e nos feux, cous l’alimenterons de noire philosophie , nous lui inspirerons nos
+nous l’embraserons de nos feux, de nos
-veux join¬ dre un
+veux joindre un
-la théorie , comme je /eux qu’on
+la théorie, comme je veux qu’on
-qu’on dis¬ sertera , je t’ai destiné , mon frère , à la mois¬ son des myrthes de Cythère , Dolmancé
+qu’on dissertera, je t’ai destiné, mon frère, à la moisson des myrtes de Cythère, Dolmancé
-des loses de Sodomc. J’aurai deux plai¬ sirs à la fois , celui
+des roses de Sodome. J’aurais deux plaisirs à la fois, celui
-des leçons , d’en
+des leçons, d’en
-bien, Chevalier, ce
+bien, chevalier, ce
-mon ima¬ gination ? Le Chevalier. Il
+mon imagination ? Le Chevalier — Il
-elle , il est divin , ma soeur , et
+elle ; il est divin, ma sœur, et
-d’y rem¬ plir à
+d’y remplir à
-m’y destine. Ah ! friponne , comme
+m’y destines. Ah ! friponne, comme
-plaisir d’eduquer cette enfant; quelles delices pour
+plaisir d’éduquer cette enfant ! quelles délices pour
-la corrompre , d’ètouffer / dans
+la corrompre, d’étouffer dans
-ses insti¬ tutrices. En vérité cela est tiop roué pour moi, i\tMadame
+ses institutrices ! En vérité, cela est trop roué pour moi.
-Madame de Saint-Ange. Il
+Mme de Saint-Ange — Il
-pour îa pervertir , pour dégrader , pour
+pour la pervertir, pour dégrader, pour
-pu déjà l’étourdir’; je veux , en deux leçons , la
+pu l’étourdir ; je veux, en deux leçons, la
-que moi.... aussi impie.... aussi débauchée. Pré¬ viens Dolmancé , mets - le au
+que moi... aussi impie... aussi débauchée. Préviens Dolmancé, mets-le au
-qu’il arrivera , pour
+qu’il arrivera, pour
-venin de scs immora¬ lités circulant
+venin des ses immoralités, circulant
-j’y lancerai , parvienne
+j’y lancerai, parvienne
-peu d’instans toutes
+peu d’instants toutes
-Le Chevalier. II était
+Le Chevalier — Il était
-mieux trouverl’hom* me qu’il
+mieux trouver l’homme qu’il
-fallait , l’irréligion , l’impiété , l’inhumanité , le
+fallait : l’irréligion, l’impiété, l’inhumanité, le
-de Dolmancé , comme autrefois fonc¬ tion mystique, de
+de Dolmancé, comme autrefois l’onction mystique de
-de Cambrai; c’est
+de Cambrai ; c’est
-séducteur, rhomme le plus corrompu , le plus dange¬ reux.... Ah î ma chcrc amie , que
+séducteur, l’homme le plus corrompu, le plus dangereux... Ah ! ma chère amie, que
-bientôt perdue, Time L\tE
+bientôt perdue.
-( u ) Madame de Saint-Ange. Cela
+Mme de Saint-Ange — Cela
-les dis¬ positions que
+les dispositions que
-lui connais.... Le Chevalier. Mais dis-moi , chère sœur , ne
+lui connais... Le Chevalier — Mais, dis-moi, chère sœur, ne
-des parens ?
+des parents ?
-chez elle. Madame de Saint-Anc-e. Ne crains rien , i’ai séduit le père.... il
+chez elle ? Mme de Saint-Ange — Ne crains rien, j’ai séduit le père... il
-à moi , faut-il enfin
+à moi. Faut-il enfin
-l’avouer , je
+l’avouer ? je
-yeux , il
+yeux ; il
-mes desseins , mais
+mes desseins, mais
-les approfondir.... je le
+les approfondir... Je le
-Le Chevalier. Tes
+Le Chevalier — Tes
-sont affreux. y Madame de Saint-Ange. Voilà
+sont affreux ! Mme de Saint-Ange — Voilà
-soient urs. Le Chevalier. Eh dis-moi , je te prie , quelle
+soient sûrs. Le Chevalier — Eh ! dis-moi, je te prie, quelle
-? Madame de Saint-Angs. Ou la nomme Eugénie 5 clic est
+? Mme de Saint-Ange — On la nomme Eugénie, elle est
-( iS ) certain Mistival , l’un
+certain Mistival, l’un
-riches traitant de la capitale , âgé
+riches traitants de la capitale, âgé
-trente-deux , et
+trente-deux et
-Pour Eugénie , ce
+Pour Eugénie, ce
-en vain , mon
+en vain, mon
-que t’essaierais de
+que j’essaierais de
-la peindre; elle
+la peindre : elle
-mes pin¬ ceaux , qu’il
+mes pinceaux ; qu’il
-toi , ni
+toi ni
-jamais vu rien d’aussi
+jamais rien vu d’aussi
-Le Chevalier. Mais
+Le Chevalier — Mais
-peux pein¬ dre , afin que sachant à-peu-près à
+peux peindre, afin que, sachant à peu près à
-avoir à faire, je
+avoir affaire, je
-mieux ^imagination de
+mieux l’imagination de
-sacrifier. Madame de Saint-Ange. Eh bien , mon ami , ses cheveux châtains qu’à
+sacrifier. Mme de Saint-Ange — Eh bien, mon ami, ses cheveux châtains, qu’à
-peut empoigner , lui descen¬ dent au
+peut empoigner, lui descendent au
-des fesses, son
+des fesses ; son
-blancheur éblouissante , son nez un peu iqui’in , ses
+blancheur éblouissante, son nez est un peu aquilin, ses
-noir d’ebène , et d’une ardeur...., oh, mon
+noir d’ébène et d’une ardeur !... Oh ! mon
-ces yeux - là , 4u n’imagines
+ces yeux-là... Tu n’imagines
-qu’ils B ij 1
+qu’ils
-[ i6 ) m’ont
+m’ont
-faire... , si tu
+faire... Si tu
-jolis sour¬ cils qui les couronnent.,.. , le3 intéressantes
+jolis sourcils qui les couronnent... les intéressantes
-les bordent, sa bouche est trèspetite , ses
+les bordent !... Sa bouche est très petite, ses
-fraîcheur Une
+fraîcheur !... Une
-la ma¬ nière élégante
+la manière élégante
-sur scs épaules,
+sur ses épaules,
-la tourne\t Eugénie
+la tourne... Eugénie
-âge , on lui donnerait dixsept ans, sa
+âge ; on lui donnerai dix-sept ans ; sa
-de finesse , Sa gorge délicieuse.... , ce sont
+de finesse, sa gorge délicieuse... Ce sont
-jolis petits tetons.... , à peine
+jolis tétons !... A peine
-la main , mais si doux.... , si frais.... , si blancs ; vingt fois
+la main, mais si doux... si frais... si blancs !... Vingt fois
-les baisant, et
+les baisant ! et
-mes caresses..., comme
+mes caresses... comme
-son ame... ; mon ami , je
+son âme !... Mon ami, je
-pas comme est
+pas comment est
-reste. Âh ! s’il en faut juger
+reste. Ah ! s’il faut en juger
-je connais , jamais l’Olimpe n’eut
+je connais, jamais l’Olympe n’eut
-la valût.... Mais je l’entends.... Laisse-nous , sors
+la valût... Mais je l’entends... laisse-nous ; sors
-point rencontrer , et
+point rencontrer, et
-au rendezvous. V
+au rendez-vous.
-( x7 ) Le
+Le
-mon exactitude.... Oh ciel i sor¬ tir.... te
+mon exactitude... Oh, ciel ! sortir... te
-je suis.... Adieu.... un baiser...» un
+je suis !... Adieu... un baiser... un
-ma soeur ,jpour me
+ma sœur, pour me
-jusque-là. ( Elle le baise , touche
+jusque-là. (Elle le baise, touche
-avec précipitaiion. )
+avec précipitation.)
-( iS ) SECOND DIALOGUE. Madame DE.SAINT-ANGE, EUGÉNIE. Madame: de Saint-An ge. JE H bon jour . ma belle ,je t’attendais
+<div class="text"> Mme de Saint-Ange — Eh ! bonjour, ma belle ; je t’attendais
-bien aisément si tu lis; dans
+bien aisément, si tu lis dans
-cœur. Eugénie. Oh! ma toute bonne , j’ai
+cœur. Eugénie — Oh ! ma toute bonne, j’ai
-je n’ar¬ riverais jamais , tant
+je n’arriverais jamais, tant
-d’être -clans tes
+d’être dans tes
-avant que de partir j’ai
+avant de partir, j’ai
-tout ne changeât
+tout changeât
-partie , elle
+partie ; elle
-pas con» venable qu’une ftüc de
+pas convenable qu’une jeune fille de
-seule ^ mais mon pére l’avait
+seule ; mais mon père l’avait
-rentrer madame de Misiival dans le néant; elle
+rentrer Mme de Mistival dans le néant ; elle
-par consentira ce que m’accordait mon père , et
+par consentir à ce qu’accordait mon père, et
-deux jour* ? / I
+deux jours ;
-( *0 ) il
+il
-et Tune de
+et l’une de
-me ramène après demain. Madame de S ai nï-Ange. Que
+me ramènent après-demain. Mme de Saint-Ange — Que
-est court , mon cher ange,à peine pourrai-je , en
+est court, mon cher ange ! à peine pourrai-je, en
-de temps s t’exprimer
+de temps, t’exprimer
-tu m’inspires.... , et
+tu m’inspires... et
-dois l’initier dans
+dois t’initier dans
-de Vé¬ nus ; auro:as-ncus le
+de Vénus ? aurons-nous le
-? Eugénie. Ah
+? Eugénie — Ah
-pas tout je resterais.... je
+pas tout, je resterais... je
-sois savante.... Mad. de Saint-Ange , la baisart. Oli ! cher amour , que
+sois savante. Mme de Saint-Ange, la baisant — Oh ! cher amour, que
-nous al¬ lons faire
+nous allons faire
-réciproquement ; mais a pro¬ pos veux-tu dejeûner , ma reine , il serait
+réciproquement ! Mais, à propos, veux-tu déjeuner, ma reine ? Il serait
-fût lougue ? Eugénie. Je n’ai , chère amie , d’autre besom que
+fût longue. Eugénie — Je n’ai, chère amie, d’autre besoin que
-t’entendre 7 nous avons d jeûné à
+t’entendre ; nous avons déjeuné à une
-lieue d’ici , j’attendrais maintenant jus. qu’à huit
+lieue d’ici, j’attendrais maintenant jusqu’à huit
-le Kioindre besoin. % Madame de Sain t-A n g e. M Passons
+le moindre besoin. Madame de Saint-Ange. Passons
-mon boudoir , nous y scions plus à. I aise ;
+mon boudoir, nous y serons plus à l’aise ;
-interrompre. ( Elles y
+interrompre. (Elles y
-bras Vune de l’autre. ) / % P* MMM\t1—» Ç MM.
+bras l’une de l’autre.)
-’ ! 21 ) / TROISIÈME DIALOGUE. La scène est dans un Boudoir délicieux. Madame DE SAINT-,ANGE , EUGÉNIE , DOLMANCÉ. Eugénie, très-surprise de
+<div class="text"> Eugénie, très surprise de
-qu’elle n’at¬ tendait pas» , Oh dieu, ma
+qu’elle n’attendait pas — Oh ! Dieu ! ma
-amie, c’estune trahison ! Mad. de
+amie, c’est une trahison ! Mme de
-également surprise» Par quel hazard ici , Monsieur , vous ne deviez cerne semble arriver
+également surprise — Par quel hasard ici, monsieur ? Vous ne deviez, ce me semble, arriver
-quatre heures? Dolmancé. On
+quatre heures ? Dolmancé — On
-vous voir , Madame ; j’ai ren¬ contre monsieur votre frère, il
+vous voir, madame ; j’ai rencontré monsieur votre frère ; il
-le be¬ soin dont
+le besoin dont
-à Mademoiselle , il
+à mademoiselle ; il
-le cours, il m’y z secrètement introduit , n’imaginant
+le cours ; il m’y a secrètement introduit, n’imaginant pas que vous le
-pas que vous îe désaprouvassiez , et
+désaprouvassiez, et
-ne se¬ ront nécessaires qu’àprès les dissertations théoriques , il
+ne seront nécessaires qu’après les dissertations théoriques, il
-tantôt. Madame DE Saint-Ange. En vérité , Dolrnancé , voilà un tour...* Eugénie. Dont
+tantôt. Mme de Saint-Ange — En vérité, Dolmancé, voilà un tour... Eugénie — Dont
-la dupe , ma
+la dupe, ma
-amie , tout
+amie ; tout
-ton ouvrage.... , aumoins fallait-il me consulter.... , me voilà d’une * honte
+ton ouvrage... Au moins fallait-il me consulter... Me voilà d’une honte
-présent qui , certainement , s’oppo¬ sera à
+présent qui, certainement, s’opposera à
-projets. Madame de Saint-Ange. Je te piotcste , Eugénie , que
+projets. Mme de Saint-Ange — Je te proteste, Eugénie, que
-; mai» qu’elle ne t’effraye pas , Dolrnancé que je con¬ nais pour
+; mais qu’elle ne t’effraie pas : Dolmancé, que je connais pour
-fort aimable , et précilément du
+fort aimable, et précisément du
-ton instruction , ne
+ton instruction, ne
-qu’être très-utile à
+qu’être très utile à
-sa dis¬ crétion , je
+sa discrétion, je
-Familiarise-toi donc , ma chère , avec l’homI* me du
+Familiarise-toi donc, ma chère, avec l’homme du
-et
+et de
-( 23 ) ic te
+te
-parcourir en¬ semble. Eugénie, rougissant. Gh î je
+parcourir ensemble. Eugénie, rougissant — Oh ! je
-pas moin3 d’une conftiSlOIli « « o\t*\t, D O L M A N C É. Allons, belle Eugénie , mettez-vons à vo¬ tre aise.... , la
+pas moins d’une confusion... Dolmancé — Allons, belle Eugénie, mettez-vous à votre aise... la
-vous devez , avec
+vous devez, avec
-de charmes <, savoir
+de charmes, savoir
-merveille. Eugénie. Mais la décence.... D o L m A n c É. Autre usage gothique dont
+merveille. Eugénie — Mais la décence... Dolmancé — Autre usage gothique, dont
-peu de cas
+peu cas
-fort ia nature. Dolmancé saisit Eugénie , ia presse enfrs ses
+fort la nature ! (Dolmancé saisit Eugénie, la presse entre ses
-la taise. Eugénie, se défendant. Finissez donc , Monsieur...,. , en vérité vous
+la baise.) Eugénie, se défendant — Finissez donc, monsieur !... En vérité, vous
-bien peu»
+bien peu ! Mme de Saint-Ange —
-Madame de Saint» An g t. * ‘ Eugénie,
+Eugénie,
-que toi, regardes pour¬ tant comme
+que toi : regarde comme
-lui ;\t{ Elle le
+lui ! (Elle le
-la bouche ) imite-moi. Eugénie. Oh , je
+la bouche.) Imite-moi. Eugénie — Oh ! je
-veux bien, de
+veux bien ; de
-meilleurs exemples? Elle se
+meilleurs exemples ! (Elle se
-baise arclemmI7it langue en bouche. Dolmancé. âh î l’aimable
+baise ardemment, langue en bouche.) Dolmancé — Ah ! l’aimable
-délicieuse créature. Madame de Saint-Ange la
+délicieuse créature ! Mme de Saint-Ange, la
-de mime. Crois-tu donc , petite friponne , que
+de même — Crois-tu donc, petite friponne, que
-mon tour? Ici Dolmancé les
+mon tour ? (Ici Dolmancé, les
-un quart-if heure toutes
+un quart d’heure toutes
-lui rendent. Do L M A N C É. Ah î voilà
+lui rendent.) Dolmancé — Ah ! voilà
-volupté î Mesdames , voulez-vous
+volupté ! Mesdames, voulez-vous
-croire ,
+croire ? Il
-\ > ’* T ’ • • •<*\t./ \\t’’\t’ . 95 ) croire , il fait
+fait
-chaud , mettons-nous
+chaud : mettons-nous
-notre aise , nous jaserons in¬ finiment mieux. Madame de Sain t-à n g e. J’y
+notre aise, nous jaserons infiniment mieux. Mme de Saint-Ange — J’y
-de gaze, elles
+de gaze : elles
-désir. Eugénie. > En vérité , ma bonne , vous
+désir. Eugénie — En vérité, ma bonne, vous
-des choses.... Mad. DE Saint-Ange, Caidant à se déshabiller. Tout-à-fait ridicule , n’est-ce
+des choses !... Mme de Saint-Ange, l’aidant à se déshabiller — Tout à fait ridicules, n’est-ce
-? Eugénie. #\ti\t0\t0\t* Au
+? Eugénie — Au
-bien indeccnte , en vérité... eh !
+bien indécentes, en vérité... Eh !
-me baises. Madame de Saint-An ce. La jolie gorge.... C’est une
+me baises ! Mme de Saint-Ange — La jolie gorge !... c’est une
-peine cpatiouie. ÜOLMÀNCÉ, considérant
+peine épanouie. Dolmancé, considérant
-tétons d’Eugénie sans les toucher. O Et
+tétons d’Eugénie, sans les toucher — Et
-d’autres appas.*, infiniment plus estimables, tome I. .\tC - 0 % >\t•-* h\t1\t.\t(,\t’ ✓ ’
+d’autres appas... infiniment plus estimables.
-( *6 ) Madame de Saint-Ange, Plus
+Mme de Saint-Ange — Plus
-? Dolmancé, Oh oui, d’honneur î En disant cela Dolmancé
+? Dolmancé — Oh ! oui, d’honneur ! (En disant cela, Dolmancé
-pour Vexaminer par derrière. 0 Eugénie. Oh , non , non , je
+pour l’examiner par-derrière.) Eugénie — Oh ! non, non, je
-conjure. Madame de Saint-An G e„ Non , Dolmancé.... , je
+conjure. Mme de Saint-Ange — Non, Dolmancé... je
-sur vous , pour que Payant une
+sur vous, pour que, l’ayant une
-la tête , vous
+la tête, vous
-ensuite rais, mer de sens-froid. Nous
+ensuite raisonner de sang-froid. Nous
-leçons, donnez-nous-les , et les myrthçs que
+leçons, donnez-nous-les, et les myrtes que
-ensuite vo¬ tre couronne. Dolmancé. Soit,
+ensuite votre couronne. Dolmancé — Soit,
-pour démontrer , pour
+pour démontrer, pour
-du liber¬ tinage , il
+du libertinage, il
-bien au-moins vous .Madame, que vous ayiez la
+bien au moins que vous, madame, vous ayez la
-vous prê¬ ter.
+vous prêter.
+Mme de Saint-Ange — A la bonne heure !... Eh bien, tenez, me voilà toute nue : dissertez sur moi autant que vous voudrez ! Dolmancé — Ah ! le beau corps !... C’est Vénus elle-même, embellie par les Grâces ! Eugénie — Oh ! ma chère amie, que d’attraits ! Laissez-moi les parcourir à mon aise, laissez-moi les couvrir de baisers. (Elle exécute.) Dolmancé — Quelles excellentes dispositions ! Un peu moins d’ardeur, belle Eugénie ; ce n’est que de l’attention que je vous demande pour ce moment-ci. Eugénie — Allons, j’écoute, j’écoute... C’est qu’elle est si belle... si potelée, si fraîche !... Ah ! comme elle est charmante, ma bonne amie, n’est-ce pas, monsieur ? Dolmancé — Elle est belle, assurément... parfaitement belle ;
+mais je suis persuadé que vous ne le lui cédez en rien... Allons, écoutez-moi, jolie petite élève, ou craignez que, si vous n’êtes pas docile, je n’use sur vous des droits que me donne amplement le titre de votre instituteur. Mme de Saint-Ange — Oh ! oui, oui, Dolmancé, je vous la livre ; il faut la gronder d’importance, si elle n’est pas sage. Dolmancé — Je pourrais bien ne pas m’en tenir aux remontrances. Eugénie — Oh ! juste ciel ! vous m’effrayez... et qu’entreprendriez-vous donc, monsieur ? Dolmancé, balbutiant et baisant Eugénie sur la bouche — Des châtiments... des corrections, et ce joli petit cul pourrait bien me répondre des fautes de la tête. (Il le lui frappe au travers de la simarre de gaze dont est maintenant vêtue Eugénie.)
+Mme de Saint-Ange — Oui, j’approuve le projet, mais non pas le reste. Commençons notre leçon, ou le peu de temps que nous avons à jouir d’Eugénie va se passer ainsi en préliminaires, et l’instruction ne se fera point. Dolmancé — (Il touche à mesure, sur Mme de Saint-Ange, toutes les parties qu’il démontre.) Je commence. Je ne parlerai point de ces globes de chair : vous savez aussi bien que moi, Eugénie, que l’on les nomme indifféremment gorge, seins, tétons ; leur usage est d’une grande vertu dans le plaisir ; un amant les a sous les yeux en jouissant ; il les caresse, il les manie, quelques-uns en forment même le siège de la jouissance et, leur membre se nichant entre les deux monts de Vénus, que la femme serre et comprime sur ce membre, au bout de quelques mouvements, certains hommes parviennent à répandre là le baume délicieux de la vie, dont l’écoulement fait tout le bonheur
+des libertins... Mais ce membre sur lequel il faudra disserter sans cesse, ne serait-il pas à propos, madame, d’en donner dissertation à notre écolière ? Mme de Saint-Ange — Je le crois de même. Dolmancé — Eh bien, madame, je vais m’étendre sur ce canapé ; vous vous placerez près de moi, vous vous emparerez du sujet, et vous en expliquerez vous-même les propriétés à notre jeune élève. (Dolmancé se place et Mme de Saint-Ange démontre.) Mme de Saint-Ange — Ce sceptre de Vénus, que tu vois sous les yeux, Eugénie, est le premier agent des plaisirs en amour : on le nomme membre par excellence ; il n’est pas une seule partie du corps humain dans lequel il ne s’introduise. Toujours docile aux passions de celui qui le meut, tantôt il se niche là (elle touche le con d’Eugénie) : c’est sa route ordinaire... la plus usitée, mais non pas la plus
+agréable ; recherchant un temple plus mystérieux, c’est souvent ici (elle écarte ses fesses et montre le trou de son cul) que le libertin cherche à jouir : nous reviendrons sur cette jouissance, la plus délicieuse de toutes ; la bouche, le sein, les aisselles lui présentent souvent encore des autels où brûle son encens ; et quel que soit enfin celui de tous les endroits qu’il préfère, on le voit, après s’être agité quelques instants, lancer une liqueur blanche et visqueuse dont l’écoulement plonge l’homme dans un délire assez vif pour lui procurer les plaisirs les plus doux qu’il puisse espérer de sa vie. Eugénie — Oh ! que je voudrais voir couler cette liqueur ! Mme de Saint-Ange — Cela se pourrait par la simple vibration de ma main : vois, comme il s’irrite à mesure que je le secoue ! Ces mouvements se nomment pollution et, en terme de libertinage, cette action s’appelle branler.
+Eugénie — Oh ! ma chère amie, laisse-moi branler ce beau membre. Dolmancé — Je n’y tiens pas ! Laissons-la faire, madame : cette ingénuité me fait horriblement bander. Mme de Saint-Ange — Je m’oppose à cette effervescence. Dolmancé, soyez sage ; l’écoulement de cette semence, en diminuant l’activité de vos esprits animaux, ralentirait la chaleur de vos dissertations. Eugénie, maniant les testicules de Dolmancé — Oh ! que je suis fâchée, ma bonne amie, de la résistance que tu mets à mes désirs !... Et ces boules, quel est leur usage, et comment les nomme-t-on ? Mme de Saint-Ange — Le mot technique est couilles... testicules est celui de l’art. Ces boules renferment le réservoir de cette semence prolifique dont je viens de te parler, et dont l’éjaculation dans
+la matrice de la femme produit l’espèce humaine ; mais nous appuierons peu sur ces détails, Eugénie, plus dépendants de la médecine que du libertinage. Une jolie fille ne doit s’occuper que de foutre et jamais d’engendrer. Nous glisserons sur tout ce qui tient au plat mécanisme de la population, pour nous attacher uniquement aux voluptés libertines dont l’esprit n’est nullement populateur. Eugénie — Mais, ma chère amie, lorsque ce membre énorme, qui peut à peine tenir dans ma main, pénètre, ainsi que tu m’assure que cela se peut, dans un trou aussi petit que celui de ton derrière, cela doit bien faire une grande douleur à la femme. Mme de Saint-Ange — Soit que cette introduction se fasse par-devant, soit qu’elle se fasse par derrière, lorsqu’une femme n’y est pas encore accoutumée, elle y éprouve toujours de la douleur. Il a plu à la nature de ne nous faire
+arriver au bonheur que par des peines ; mais, une fois vaincue, rien ne peut plus rendre les plaisirs que l’on goûte, et celui qu’on éprouve à l’introduction de ce membre dans nos culs est incontestablement préférable à tous ceux que peut procurer cette même introduction par-devant. Que de dangers, d’ailleurs, n’évite pas une femme alors ! Moins de risque pour sa santé, et plus aucun pour la grossesse. Je ne m’étends pas davantage à présent sur cette volupté ; notre maître à toutes deux, Eugénie, l’analysera bientôt amplement, et, joignant la pratique à la théorie, te convaincra, j’espère, ma toute bonne, que, de tous les plaisirs de la jouissance, c’est le seul que tu doives préférer. Dolmancé — Dépêchez vos démonstrations, madame, je vous en conjure, je n’y puis plus tenir ; je déchargerai malgré moi, et ce redoutable membre, réduit à rien, ne pourrait plus servir à vos leçons. Eugénie — Comment ! il s’anéantirait, ma bonne, s’il
+perdait cette semence dont tu parles !... Oh ! laisse-moi la lui faire perdre, pour que je voie comme il deviendra... Et puis j’aurais tant de plaisir à voir couler cela ! Mme de Saint-Ange — Non, non, Dolmancé, levez-vous ; songez que c’est le prix de vos travaux, et que je ne puis vous le livrer qu’après que vous l’aurez mérité. Dolmancé — Soit, mais pour mieux convaincre Eugénie de tout ce que nous allons lui débiter sur le plaisir, quel inconvénient y aurait-il que vous la branliez devant moi, par exemple ? Mme de Saint-Ange — Aucun, sans doute, et j’y vais procéder avec d’autant plus de joie que cet épisode lubrique ne pourra qu’aider nos leçons. Place-toi sur ce canapé, ma toute bonne. Eugénie — O Dieu ! la délicieuse niche ! Mais pourquoi toutes ces glaces ? Mme de Saint-Ange —
+C’est pour que, répétant les attitudes en mille sens divers, elles multiplient à l’infini les mêmes jouissances aux yeux de ceux qui les goûtent sur cette ottomane. Aucune des parties de l’un ou l’autre corps ne peut être cachée par ce moyen : il faut que tout soit en vue ; ce sont autant de groupes rassemblés autour de ceux que l’amour enchaîne, autant d’imitateurs de leurs plaisirs, autant de tableaux délicieux, dont leur lubricité s’enivre et qui servent bientôt à la compléter elle-même. Eugénie — Que cette invention est délicieuse ! Mme de Saint-Ange — Dolmancé, déshabillez vous-même la victime. Dolmancé — Cela ne sera pas difficile, puisqu’il ne s’agit que d’enlever cette gaze pour distinguer à nu les plus touchants attraits. (Il la met nue, et ses premiers regards se portent aussitôt
+sur le derrière.) Je vais donc le voir, ce cul divin et précieux que j’ambitionne avec tant d’ardeur !... Sacredieu ! que d’embonpoint et de fraîcheur, que d’éclat et d’élégance !... Je n’en vis jamais un plus beau ! Mme de Saint-Ange — Ah ! fripon ! comme tes premiers hommages prouvent tes plaisirs et tes goûts ! Dolmancé — Mais peut-il être au monde rien qui vaille cela ?... Où l’amour aurait-il de plus divins autels ?... Eugénie... sublime Eugénie, que j’accable ce cul des plus douces caresses ! (Il le manie et le baise avec transport.) Mme de Saint-Ange — Arrêtez, libertin !... Vous oubliez qu’à moi seule appartient Eugénie, unique prix des leçons qu’elle attend de vous ; ce n’est qu’après les avoir reçues qu’elle deviendra votre récompense. Suspendez cette ardeur, ou je me fâche. Dolmancé — Ah !
+friponne ! c’est de la jalousie... Eh bien, livrez-moi le vôtre : je vais l’accabler des mêmes hommages. (Il enlève la simarre de Mme de Saint-Ange et lui caresse le derrière.) Ah ! qu’il est beau, mon ange... qu’il est délicieux aussi ! Que je les compare... que je les admire l’un près de l’autre : c’est Ganymède à côté de Vénus ! (Il les accable de baisers tous deux.) Afin de laisser toujours sous mes yeux le spectacle enchanteur de tant de beautés, ne pourriez-vous pas, madame, en vous enchaînant l’une à l’autre, offrir sans cesse à mes regards ces culs charmants que j’idolâtre ? Mme de Saint-Ange — A merveille !... Tenez, êtes-vous satisfait ?... (Elles s’enlacent l’une dans l’autre, de manière à ce que leurs deux culs soient en face de Dolmancé.) Dolmancé — On ne saurait davantage : voilà précisément ce que je demandais, agitez maintenant ces beaux culs de tout le feu de la lubricité ; qu’
+ils se baissent et se relèvent en cadence ; qu’ils suivent les impressions dont le plaisir va les mouvoir... Bien, bien, c’est délicieux !... Eugénie — Ah ! ma bonne, que tu me fais de plaisir !... Comment appelle-t-on ce que nous faisons là ? Mme de Saint-Ange — Se branler, ma mie... se donner du plaisir ; mais, tiens, changeons de posture ; examine mon con... c’est ainsi que se nomme le temple de Vénus. Cet antre que la main couvre, examine-le bien : je vais l’entrouvrir. Cette élévation dont tu vois qu’il est couronné s’appelle la motte : elle se garnit de poils communément à quatorze ou quinze ans, quand une fille commence à être réglée. Cette languette, qu’on trouve au-dessous, se nomme le clitoris. Là gît toute la sensibilité des femmes ; c’est le foyer de toute la mienne ; on ne saurait me chatouiller cette partie sans me voir pâmer de plaisir... Essaie-le... Ah ! petite friponne ! comme tu y vas !... On dirait que tu
+n’as fait que cela toute ta vie !... Arrête !... Arrête !... Non, te dis-je, je ne veux pas me livrer !... Ah ! contenez-moi, Dolmancé !... sous les doigts enchanteurs de cette jolie fille, je suis prête à perdre la tête ! Dolmancé — Eh bien ! pour attiédir, s’il se peut, vos idées en les variant, branlez-la vous-même ; contenez-vous, et qu’elle seule se livre... Là, oui !... dans cette attitude ; son joli cul, de cette manière, va se trouver sous mes mains ; je vais le polluer légèrement d’un doigt... Livrez-vous, Eugénie ; abandonnez tous vos sens au plaisir ; qu’il soit le seul dieu de votre existence ; c’est à lui seul qu’une jeune fille doit tout sacrifier, et rien à ses yeux ne doit être aussi sacré que le plaisir. Eugénie — Ah ! rien au moins n’est aussi délicieux, je l’éprouve... Je suis hors de moi... je ne sais plus ce que je dis ni ce que je fais... Quelle ivresse s’empare de mes sens. Dolmancé — Comme la petite friponne décharge !... Son
+anus se resserre à me couper le doigt... Qu’elle serait délicieuse à enculer dans cet instant ! (Il se lève et présente son vit au trou du cul de la jeune fille.) Mme de Saint-Ange — Encore un moment de patience. Que l’éducation de cette chère fille nous occupe seule !... Il est si doux de la former. Dolmancé — Eh bien ! tu le vois, Eugénie, après une pollution plus ou moins longue, les glandes séminales se gonflent et finissent par exhaler une liqueur dont l’écoulement plonge la femme dans le transport le plus délicieux. Cela s’appelle décharger. Quand ta bonne amie le voudra, je te ferai voir de quelle manière plus énergique et plus impérieuse cette même opération se fait dans les hommes. Mme de Saint-Ange — Attends, Eugénie, je vais maintenant t’apprendre une nouvelle manière de plonger une femme dans la plus extrême volupté. Écarte bien tes cuisses... Dolmancé, vous voyez que,
+de la façon dont je la place, son cul vous reste ! Gamahuchez-le-lui pendant que son con va l’être par ma langue, et faisons-la pâmer entre nous ainsi trois ou quatre fois de suite, s’il se peut. Ta motte est charmante, Eugénie. Que j’aime à baiser ce petit poil follet !... Ton clitoris, que je vois mieux maintenant, est peu formé, mais bien sensible... Comme tu frétilles !... Laisse-moi t’écarter... Ah ! tu es sûrement bien vierge !... Dis-moi l’effet que tu vas éprouver dès que nos langues vont s’introduire, à la fois, dans tes deux ouvertures. (On exécute.) Eugénie — Ah ! ma chère, c’est délicieux, c’est une sensation impossible à peindre ! Il me serait bien difficile de dire laquelle de vos deux langues me plonge mieux dans le délire. Dolmancé — Par l’attitude où je me place, mon vit est très près de vos mains, madame ; daignez le branler, je vous prie, pendant que je suce ce cul divin. Enfoncez davantage votre langue, madame,
+{{IllustPP|img=Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795, illustration - 0002.png|txt=}}
+ne vous en tenez pas au clitoris ; faites pénétrer cette langue voluptueuse jusque dans la matrice : c’est la meilleure façon de hâter l’éjaculation de son foutre. Eugénie, se raidissant — Ah ! je n’en peux plus, je me meurs ! Ne m’abandonnez pas, mes amis, je suis prête à m’évanouir !... (Elle décharge au milieu de ses deux instituteurs). Mme de Saint-Ange — Eh bien ! ma mie, comment te trouves-tu du plaisir que nous t’avons donné ? Eugénie — Je suis morte, je suis brisée... je suis anéantie !... Mais expliquez-moi, je vous prie, deux mots que vous avez prononcés et que je n’entends pas ; d’abord que signifie matrice ? Mme de Saint-Ange — C’est une espèce de vase, ressemblant à une bouteille, dont le col embrasse le membre de l’homme et qui reçoit le foutre produit chez
+la femme par le suintement des glandes, et dans l’homme par l’éjaculation que nous te ferons voir ; et du mélange de ces liqueurs naît le germe, qui produit tour à tour des garçons ou des filles. Eugénie — Ah ! j’entends ; cette définition m’explique en même temps le mot foutre que je n’avais pas d’abord bien compris. Et l’union des semences est-elle nécessaire à la formation du fœtus ? Mme de Saint-Ange — Assurément, quoiqu’il soit néanmoins prouvé que ce fœtus ne doive son existence qu’au foutre de l’homme ; élancé seul, sans mélange avec celui de la femme, il ne réussirait cependant pas ; mais celui que nous fournissons ne fait qu’élaborer ; il ne crée point, il aide à la création, sans en être la cause. Plusieurs naturalistes modernes prétendent même qu’il est inutile ; d’où les moralistes, toujours guidés par la découverte de ceux-ci, ont conclu, avec assez de vraisemblance, qu’en ce cas l’enfant formé du sang du père
+ne devait de tendresse qu’à lui. Cette assertion n’est point sans apparence, et, quoique femme, je ne m’aviserais pas de la combattre. Eugénie — Je trouve dans mon cœur la preuve de ce que tu me dis, ma bonne, car j’aime mon père à la folie, et je sens que je déteste ma mère. Dolmancé — Cette prédilection n’a rien d’étonnant : j’ai pensé tout de même ; je ne suis pas encore consolé de la mort de mon père, et lorsque je perdis ma mère, je fis un feu de joie... Je la détestais cordialement. Adoptez sans crainte ces mêmes sentiments, Eugénie : ils sont dans la nature. Uniquement formés du sang de nos pères, nous ne devons absolument rien à nos mères ; elles n’ont fait d’ailleurs que se prêter dans l’acte, au lieu que le père l’a sollicité ; le père a donc voulu notre naissance, pendant que la mère n’a fait qu’y consentir. Quelle différence pour les sentiments ! Mme de Saint-Ange — Mille raisons de plus sont en ta faveur, Eugénie. S’
+il est une mère au monde qui doive être détestée, c’est assurément la tienne ! Acariâtre, superstitieuse, dévote, grondeuse... et d’une pruderie révoltante, je gagerais que cette bégueule n’a pas fait un faux pas dans sa vie... Ah ! ma chère, que je déteste les femmes vertueuses !... Mais nous y reviendrons. Dolmancé — Ne serait-il pas nécessaire, à présent, qu’Eugénie, dirigée par moi, apprît à rendre ce que vous venez de lui prêter, et qu’elle vous branlât sous mes yeux ? Mme de Saint-Ange — J’y consens, je le crois même utile, et sans doute que, pendant l’opération, vous voulez aussi voir mon cul, Dolmancé ? Dolmancé — Pouvez-vous douter, madame, du plaisir avec lequel je lui rendrais mes plus doux hommages ? Mme de Saint-Ange, lui présentant les fesses — Eh bien, me trouvez-vous comme il faut ainsi ?
+Dolmancé — A merveille ! Je puis vous rendre, de cette manière, les mêmes services dont Eugénie s’est si bien trouvée. Placez-vous, à présent, petite folle, la tête bien entre les jambes de votre amie, et rendez-lui, avec votre jolie langue, les mêmes soins que vous venez d’en obtenir. Comment donc ! mais, par l’attitude, je pourrai posséder vos deux culs, je manierai délicieusement celui d’Eugénie, en suçant celui de sa belle amie. Là... bien... Voyez comme nous sommes ensemble. Mme de Saint-Ange, se pâmant — Je me meurs, sacredieu !... Dolmancé, que j’aime à toucher ton beau vit, pendant que je décharge !... Je voudrais qu’il m’inondât de foutre !... Branlez !... sucez-moi, foutredieu !... Ah ! que j’aime à faire la putain, quand mon sperme éjacule ainsi ! C’est fini, je n’en puis plus... Vous m’avez accablée tous les deux... Je crois que de mes jours je n’eus tant de plaisir. Eugénie — Que je suis aise d’en être la cause ! Mais
+un mot, chère amie, un mot vient de t’échapper encore, et je ne l’entends pas. Qu’entends-tu par cette expression de putain ? Pardon, mais tu sais ? je suis ici pour m’instruire. Mme de Saint-Ange — On appelle de cette manière, ma toute belle, ces victimes publiques de la débauche des hommes, toujours prêtes à se livrer à leur tempérament ou à leur intérêt ; heureuses et respectables créatures, que l’opinion flétrit, mais que la volupté couronne, et qui, bien plus nécessaires à la société que les prudes, ont le courage de sacrifier, pour la servir, la considération que cette société ose leur enlever injustement. Vivent celles que ce titre honore à leurs yeux ! Voilà les femmes vraiment aimables, les seules véritablement philosophes ! Quant à moi, ma chère, qui depuis douze ans travaille à le mériter, je t’assure que loin de m’en formaliser, je m’en amuse. Il y a mieux : j’aime qu’on me nomme ainsi quand on me fout ; cette injure m’échauffe la tête.
+Eugénie — Oh ! je le conçois, ma bonne ; je ne serais pas fâchée non plus que l’on me l’adressât, encore bien moins d’en mériter le titre ; mais la vertu ne s’oppose-t-elle pas à une telle inconduite, et ne l’offensons-nous pas en nous comportant comme nous le faisons ? Dolmancé — Ah ! renoncez aux vertus, Eugénie ! Est-il un seul des sacrifices qu’on puisse faire à ces fausses divinités, qui vaille une minute des plaisirs que l’on goûte en les outrageant ? Va, la vertu n’est qu’une chimère, dont le culte ne consiste qu’en des immolations perpétuelles, qu’en des révoltes sans nombre contre les inspirations du tempérament. De tels mouvements peuvent-ils être naturels ? La nature conseille-t-elle ce qui l’outrage ? Ne sois pas la dupe, Eugénie, de ces femmes que tu entends nommer vertueuses. Ce ne sont pas, si tu veux, les mêmes passions que nous qu’elles servent, mais elles en ont
+d’autres, et souvent bien plus méprisables... C’est l’ambition, c’est l’orgueil, ce sont des intérêts particuliers, souvent encore la froideur seule d’un tempérament qui ne leur conseille rien. Devons-nous quelque chose à de pareils êtres, je le demande ? N’ont-elles pas suivi les uniques impressions de l’amour de soi ? Est-il donc meilleur, plus sage, plus à propos de sacrifier à l’égoïsme qu’aux passions ? Pour moi, je crois que l’un vaut bien l’autre ; et qui n’écoute que cette dernière voix a bien plus de raison sans doute, puisqu’elle est seule organe de la nature, tandis que l’autre n’est que celle de la sottise et du préjugé. Une seule goutte de foutre éjaculée de ce membre, Eugénie, m’est plus précieuse que les actes les plus sublimes d’une vertu que je méprise. Eugénie (Le calme s’étant un peu rétabli pendant ces dissertations, les femmes, revêtues de leurs simarres, sont à demi couchées sur le canapé, et Dolmancé auprès d’elle dans un grand fauteuil.) — Mais il est des vertus de plus d’une espèce ;
+que pensez-vous, par exemple, de la piété ? Dolmancé — Que peut être cette vertu pour qui ne croit pas à la religion ? et qui peut croire à la religion ? Voyons, raisonnons avec ordre, Eugénie : n’appelez-vous pas religion le pacte qui le lie à son Créateur, et qui l’engage à lui témoigner, par un culte, la reconnaissance qu’il a de l’existence reçue de ce sublime auteur ? Eugénie — On ne peut mieux le définir. Dolmancé — Eh bien ! s’il est démontré que l’homme ne doit son existence qu’aux plans irrésistibles de la nature ; s’il est prouvé qu’aussi ancien sur ce globe que le globe même, il n’est, comme le chêne, le lion, comme les minéraux qui se trouvent dans les entrailles de ce globe, qu’une production nécessité par l’existence du globe, et qui ne doit la sienne à qui que ce soit ; s’il est démontré
+que ce Dieu, que les sots regardent comme auteur et fabricateur unique de tout ce que nous voyons, n’est que le nec plus ultra de la raison humaine, que le fantôme créé à l’instant où cette raison ne voit plus rien, afin d’aider à ses opérations ; s’il est prouvé que l’existence de ce Dieu est impossible, et que la nature, toujours en action, toujours en mouvement, tient d’elle-même ce qu’il plaît aux sots de lui donner gratuitement ; s’il est certain qu’à supposer que cet être inerte existât, ce serait assurément le plus ridicule de tous les êtres, puisqu’il n’aurait servi qu’un seul jour, et que depuis des millions de siècles il serait dans une inaction méprisable ; qu’à supposer qu’il existât comme les religions nous le peignent, ce serait assurément le plus détestable des êtres, puisqu’il permettrait le mal sur la terre, tandis que sa toute-puissance pourrait l’empêcher ; si, dis-je, tout cela se trouvait prouvé, comme cela l’est incontestablement, croyez-vous alors, Eugénie, que la piété qui lierait l’homme à ce Créateur imbécile, insuffisant, féroce
+et méprisable, fût une vertu bien nécessaire ? Eugénie, à Mme de Saint-Ange — Quoi ! réellement, mon aimable amie, l’existence de Dieu serait une chimère ? Mme de Saint-Ange — Et des plus méprisables, sans doute. Dolmancé — Il faut avoir perdu le sens pour y croire. Fruit de la frayeur des uns et de la faiblesse des autres, cet abominable fantôme, Eugénie, est inutile au système de la terre ; il y nuirait infailliblement, puisque ses volontés, qui devraient être justes, ne pourraient jamais s’allier avec les injustices essentielles aux lois de la nature ; qu’il devrait constamment vouloir le bien, et que la nature ne doit le désirer qu’en compensation du mal qui sert à ses lois ; qu’il faudrait qu’il agît toujours, et que la nature, dont cette action perpétuelle est une des lois, ne pourrait se trouver en concurrence et en opposition perpétuelle avec lui. Mais, dira-t-on à cela, Dieu et la
+nature sont la même chose. Ne serait-ce pas une absurdité ? La chose créée ne peut être égale à l’être créant : est-il possible que la montre soit l’horloger ? Eh bien, continuera-t-on, la nature n’est rien, c’est Dieu qui est tout. Autre bêtise ! Il y a nécessairement deux choses dans l’univers : l’agent créateur et l’individu créé. Or quel est cet agent créateur ? Voilà la seule difficulté qu’il faut résoudre ; c’est la seule question à laquelle il faille répondre. Si la matière agit, se meut, par des combinaisons qui nous sont inconnues, si le mouvement est inhérent à la matière, si elle seule enfin peut, en raison de son énergie, créer, produire, conserver, maintenir, balancer dans les plaines immenses de l’espace tous les globes dont la vue nous surprend et dont la marche uniforme, invariable, nous remplit de respect et d’admiration, que sera le besoin de chercher alors un agent étranger à tout cela, puisque cette faculté active se trouve essentiellement dans la nature elle-même, qui n’est autre chose que la matière en action ? Votre chimère déifique
+éclaircira-t-elle quelque chose ? Je défie qu’on puisse me le prouver. A supposer que je me trompe sur les facultés internes de la matière, je n’ai du moins devant moi qu’une difficulté. Que faites-vous en m’offrant votre Dieu ? Vous m’en donnez une de plus. Et comment voulez-vous que j’admette, pour cause que je ne comprends pas, quelque chose que je comprends encore moins ? Sera-ce au moyen de dogmes de la religion chrétienne que j’examinerai... que je me représenterai votre effroyable Dieu ? Voyons un peu comme elle me le peint... Que vois-je dans le Dieu de ce culte infâme, si ce n’est pas un être inconséquent et barbare, créant aujourd’hui un monde, de la construction duquel il s’en repent demain ? Qu’y vois-je, qu’un être faible qui ne peut jamais faire prendre à l’homme le pli qu’il voudrait ? Cette créature, quoique émanée de lui, le domine ; elle peut l’offenser et mériter par là des supplices éternels ! Quel être faible que ce Dieu-là ! Comment ! il a pu créer tout ce que nous voyons, et il lui est impossible de former un homme à sa guise ?
+Mais, me répondrez-vous à cela, s’il l’eût créé tel, l’homme n’eût pas eu de mérite. Quelle platitude ! et quelle nécessité y a-t-il que l’homme mérite de son Dieu ? En le formant tout à fait bon, il n’aurait jamais pu faire le mal, et de ce moment seul l’ouvrage était digne d’un Dieu. C’est tenter l’homme que de lui laisser un choix. Or Dieu, par sa prescience infinie, savait bien ce qui en résulterait. De ce moment, c’est donc à plaisir qu’il perd la créature que lui-même a formée. Quel horrible Dieu que ce Dieu-là ! quel monstre ! quel scélérat plus digne de notre haine et notre implacable vengeance ! Cependant, peu content d’une aussi sublime besogne, il noie l’homme pour le convertir ; il le brûle, il le maudit. Rien de tout cela ne le change. Un être plus puissant que ce vilain Dieu, le Diable, conservant toujours son empire, pouvant toujours braver son auteur, parvient sans cesse, par ses séductions, à débaucher le troupeau que s’était réservé l’Éternel. Rien ne peut vaincre l’énergie de ce démon sur nous. Qu’imagine alors, selon vous, l’horrible Dieu
+que vous prêchez ? Il n’a qu’un fils, un fils unique, qu’il possède de je ne sais quel commerce ; car, comme l’homme fout, il a voulu que son Dieu foutît également ; il détache du ciel cette respectable portion de lui-même. On s’imagine peut-être que c’est sur des rayons célestes, au milieu du cortège des anges, à la vue de l’univers entier, que cette sublime créature va paraître... Pas un mot : c’est dans le sein d’une putain juive, c’est au milieu d’une étable à cochons, que s’annonce le Dieu qui vient sauver la terre ! Voilà la digne extraction qu’on lui prête ! Mais son honorable mission nous dédommagera-t-elle ? Suivons un instant le personnage. Que dit-il ? que fait-il ? quelle sublime mission recevons-nous de lui ? quel mystère va-t-il révéler ? quel dogme va-t-il nous prescrire ? dans quels actes enfin sa grandeur va-t-elle éclater ? Je vois d’abord une enfance ignorée, quelques services, très libertins sans doute, rendus par ce polisson aux prêtres du temple de Jérusalem ; ensuite une disparition de quinze ans, pendant laquelle le fripon va s’empoisonner
+de toutes les rêveries de l’école égyptienne qu’il rapporte enfin en Judée. A peine y reparaît-il, que sa démence débute par lui faire dire qu’il est le fils de Dieu, égal à son père ; il associe à cette alliance un autre fantôme qu’il appelle l’Esprit-Saint, et ces trois personnes assure-t-il, ne doivent en faire qu’une ! Plus ce ridicule mystère étonne la raison, plus le faquin assure qu’il y a du mérite à l’adopter... de dangers à l’anéantir. C’est pour nous sauver tous, assure l’imbécile, qu’il a pris chair, quoique dieu, dans le sein d’une enfant des hommes ; et les miracles éclatants qu’on va lui voir opérer, en convaincront bientôt l’univers ! Dans un souper d’ivrognes, en effet, le fourbe change, à ce qu’on dit, l’eau en vin ; dans un désert, il nourrit quelques scélérats avec des provisions cachées que ses sectateurs préparèrent ; un de ses camarades fait le mort, notre imposteur le ressuscite ; il se transporte sur une montagne, et là, seulement devant deux ou trois de ses amis, il fait un tour de passe-passe dont rougirait le plus mauvais bateleur de nos jours.
+Maudissant d’ailleurs avec enthousiasme tous ceux qui ne croient pas en lui, le coquin promet les cieux à tous les sots qui l’écouteront. Il n’écrit rien, vu son ignorance ; parle fort peu, vu sa bêtise ; fait encore moins, vu sa faiblesse, et, lassant à la fin les magistrats, impatientés de ses discours séditieux, quoique fort rares, le charlatan se fait mettre en croix, après avoir assuré les gredins qui le suivent que, chaque fois qu’ils l’invoqueront, il descendra vers eux pour s’en faire manger. On le supplicie, il se laisse faire. Monsieur son papa, de Dieu sublime, dont il ose dire qu’il descend, ne lui donne pas le moindre secours, et voilà le coquin traité comme le dernier des scélérats, dont il était si digne d’être le chef. Ses satellites s’assemblent : "Nous voilà perdus, disent-ils, et toutes nos espérances évanouies, si nous ne nous sauvons par un coup d’éclat. Enivrons la garde qui entoure Jésus ; dérobons son corps, publions qu’il est ressuscité : le moyen est sûr ; si nous parvenons à faire croire cette friponnerie, notre nouvelle religion s’étaie, se propage ; elle séduit le monde
+entier... Travaillons ! " Le coup s’entreprend, il réussit. A combien de fripons la hardiesse n’a-t-elle pas tenu lieu de mérite ! Le corps est enlevé ; les sots, les femmes, les enfants crient, tant qu’ils le peuvent, au miracle, et cependant, dans cette ville où de si grandes merveilles viennent de s’opérer, dans cette ville teinte du sang d’un Dieu, personne ne veut croire à ce Dieu ; pas une conversion ne s’y opère. Il y a mieux : le fait est si peu digne d’être transmis, qu’aucun historien n’en parle. Les seuls disciples de cet imposteur pensent tirer parti de la fraude, mais non pas dans le moment. Cette considération est encore bien essentielle, ils laissent écouler plusieurs années avant de faire usage de leur fourberie ; ils érigent enfin sur elle l’édifice chancelant de leur dégoûtante doctrine. Tout changement plaît aux hommes. Las du despotisme des empereurs, une révolution devenait nécessaire. On écoute ces fourbes, leur progrès devient très rapide : c’est l’histoire de toutes les erreurs. Bientôt les autels de Vénus et de Mars sont changés en ceux
+de Jésus et de Marie ; on publie la vie de l’imposteur ; ce plat roman trouve des dupes ; on lui fait dire cent choses auxquelles il n’a jamais pensé ; quelques-uns de ses propos saugrenus deviennent aussitôt la base de sa morale, et comme cette nouveauté se prêchait à des pauvres, la charité en devient la première vertu. Des rites bizarres s’instituent sous le nom de sacrements, dont le plus indigne et le plus abominable de tous est celui par lequel un prêtre, couvert de crimes, a néanmoins, par la vertu de quelques paroles magiques, le pouvoir de faire arriver Dieu dans un morceau de pain. N’en doutons pas ; dès sa naissance même, ce culte indigne eût été détruit sans ressource, si l’on n’eût employé contre lui que les armes du mépris qu’il méritait ; mais on s’avisa de le persécuter : il s’accrut ; le moyen était inévitable. Qu’on essaie encore aujourd’hui de le couvrir de ridicule, il tombera. L’adroit Voltaire n’employait jamais d’autres armes, et c’est de tous les écrivains celui qui peut se flatter d’avoir fait le plus de prosélytes. En
+un mot, Eugénie, telle est l’histoire de Dieu et de la religion ; voyez le cas que ces fables méritent, et déterminez-vous sur leur compte. Eugénie — Mon choix n’est pas embarrassant ; je méprise toutes ces rêveries dégoûtantes, et ce Dieu même, auquel je tenais encore par faiblesse ou par ignorance, n’est plus pour moi qu’un objet d’horreur. Mme de Saint-Ange — Jure-moi bien de n’y plus penser, de ne t’en occuper jamais, de ne l’invoquer en aucun instant de ta vie, et de n’y revenir de tes jours. Eugénie, se précipitant sur le sein de Mme de Saint-Ange — Ah ! j’en fais le serment dans tes bras ! Ne m’est-il pas facile de voir que ce que tu exiges est pour mon bien, et que tu ne veux pas que de pareilles réminiscences puissent jamais troubler ma tranquillité ?
+Mme de Saint-Ange — Pourrais-je avoir d’autre motif ? Eugénie — Mais, Dolmancé, c’est, ce me semble, l’analyse des vertus qui nous a conduits à l’examen des religions ? Revenons-y. N’existerait-il pas dans cette religion, toute ridicule qu’elle est, quelques vertus prescrites par elle, et dont le culte pût contribuer à notre bonheur ? Dolmancé — Eh bien ! examinons. Sera-ce la chasteté, Eugénie, cette vertu que vos yeux détruisent, quoique votre ensemble en soit l’image ? Révérerez-vous l’obligation de combattre tous les mouvements de la nature ? les sacrifierez-vous tous au vain et ridicule honneur de n’avoir jamais une faiblesse ? Soyez juste, et répondez, belle amie : croyez-vous trouver dans cette absurde et dangereuse pureté d’âme tous les plaisirs du vice contraire ? Eugénie — Non, d’honneur, je ne veux point de celle-
+là ; je ne me sens pas le moindre penchant à être chaste, mais la plus grande disposition au vice contraire ; mais, Dolmancé, la charité, la bienfaisance, ne pourraient-elles pas faire le bonheur de quelques âmes sensibles ? Dolmancé — Loin de nous, Eugénie, les vertus qui ne font que des ingrats ! Mais ne t’y trompe point d’ailleurs, ma charmante amie : la bienfaisance est bien plutôt un vice de l’orgueil qu’une véritable vertu de l’âme ; c’est par ostentation qu’on soulage ses semblables, jamais dans la seule vue de faire une bonne action ; on serait bien fâché que l’aumône qu’on vient de faire n’eût pas toute la publicité possible. Ne t’imagine pas non plus, Eugénie, que cette action ait d’aussi bon effets qu’on se l’imagine : je ne l’envisage, moi, que comme la plus grande de toutes les duperies ; elle accoutume le pauvre à des secours qui détériorent son énergie ; il ne travaille plus quand il s’attend à vos charités, et devient, dès qu’elles lui manquent, un voleur
+ou un assassin. J’entends de toutes parts demander les moyens de supprimer la mendicité, et l’on fait, pendant ce temps-là, tout ce qu’on peut pour la multiplier. Voulez-vous ne pas avoir de mouches dans votre chambre ? N’y répandez pas de sucre pour les attirer. Voulez-vous ne pas avoir de pauvres en France ? Ne distribuez aucune aumône, et supprimez surtout vos maisons de charité. L’individu né dans l’infortune, se voyant alors privé de ces ressources dangereuses, emploiera tout le courage, tous les moyens qu’il aura reçus de la nature, pour se tirer de l’état où il est né ; il ne vous importunera plus. Détruisez, renversez sans aucune pitié ces détestables maisons où vous avez l’effronterie de receler les fruits du libertinage de ce pauvre, cloaques épouvantables vomissant chaque jour dans la société un essaim dégoûtant de ces nouvelles créatures, qui n’ont d’espoir que dans votre bourse. A quoi sert-il, je le demande, que l’on conserve de tels individus avec tant de soin ?
+A-t-on peur que la France ne se dépeuple ? Ah ! n’ayons jamais cette crainte. Un des premiers vices de ce gouvernement consiste dans une population beaucoup trop nombreuse, et il s’en faut bien que de tels superflus soient des richesses pour l’État. Ces êtres surnuméraires sont comme des branches parasites qui, ne vivant qu’aux dépens du tronc, finissent toujours par l’exténuer. Souvenez-vous que toutes les fois que, dans un gouvernement quelconque, la population sera supérieure aux moyens de l’existence, ce gouvernement languira. Examinez bien la France, vous verrez que c’est ce qu’elle vous offre. Qu’en résulte-t-il ? On le voit. Le Chinois, plus sage que nous, se garde bien de se laisser dominer ainsi par une population trop abondante. Point d’asile pour les fruits honteux de sa débauche : on abandonne ces affreux résultats comme les suites d’une digestion. Point de maisons pour la pauvreté : on ne la connaît point en Chine. Là, tout le monde travaille : là, tout le monde est heureux ; rien n’altère l’énergie du pauvre,
+et chacun y peut dire, comme Néron : Quid est pauper ? Eugénie, à Mme de Saint-Ange — Chère amie, mon père pense absolument comme Monsieur : de ses jours il ne fit une bonne œuvre. Il ne cesse de gronder ma mère des sommes qu’elle dépense à de telles pratiques. Elle était de la Société maternelle, de la Société philanthropique : je ne sais de quelle association elle n’était point ; il l’a contrainte à quitter tout cela, en l’assurant qu’il la réduirait à la plus modique pension si elle s’avisait de retomber encore dans de pareilles sottises. Mme de Saint-Ange — Il n’y a rien de plus ridicule et en même temps de plus dangereux, Eugénie, que toutes ces associations : c’est à elles, aux écoles gratuites et aux maisons de charité que nous devons le bouleversement horrible dans lequel nous voici maintenant. Ne fais jamais d’aumône, ma chère, je t’en supplie. Eugénie — Ne crains rien ; il y a longtemps que mon
+père a exigé de moi la même chose, et la bienfaisance me tente trop peu pour enfreindre, sur cela, ses ordres... les mouvements de mon cœur et tes désirs. Dolmancé — Ne divisons pas cette portion de sensibilité que nous avons reçue de la nature : c’est l’anéantir que de l’étendre. Que me font à moi les maux des autres ! N’ai-je donc point assez des miens, sans aller m’affliger de ceux qui me sont étrangers ! Que le foyer de cette sensibilité n’allume jamais que nos plaisirs ! Soyons sensibles à tout ce qui les flatte, absolument inflexibles sur tout le reste. Il résulte de cet état de l’âme une sorte de cruauté, qui n’est quelquefois pas sans délices. On ne peut pas toujours faire le mal. Privés du plaisir qu’il donne, équivalons au moins cette sensation par la méchanceté piquante de ne jamais faire le bien. Eugénie — Ah ! Dieu ! comme vos leçons m’enflamment ! je crois qu’on me tuerait plutôt maintenant
+que de me faire faire une bonne action ! Mme de Saint-Ange — Et s’il s’en présentait une mauvaise, serais-tu de même prête à la commettre ? Eugénie — Tais-toi, séductrice ; je ne répondrai sur cela que lorsque tu auras fini de m’instruire. Il me paraît que, d’après tout ce que vous me dites, Dolmancé, rien n’est aussi indifférent sur la terre que d’y commettre le bien ou le mal ; nos goûts, notre tempérament doivent seuls être respectés ? Dolmancé — Ah ! n’en doutez pas, Eugénie, ces mots de vice et de vertu ne nous donnent que des idées purement locales. Il n’y a aucune action, quelque singulière que vous puissiez la supposer, qui soit vraiment criminelle ; aucune qui puisse réellement s’appeler vertueuse. Tout est en raison de nos mœurs et du climat que nous habitons ; ce qui est crime ici est souvent vertu quelque cent lieues
+plus bas, et les vertus d’un autre hémisphère pourraient bien réversiblement être des crimes pour nous. Il n’y a pas d’horreur qui n’ait été divinisée, pas une vertu qui n’ait été flétrie. De ces différences purement géographiques naît le peu de cas que nous devons faire de l’estime ou du mépris des hommes, sentiments ridicules et frivoles, au-dessus desquels nous devons nous mettre, au point même de préférer sans crainte leur mépris, pour peu que les actions qui nous le méritent soient de quelques volupté pour nous. Eugénie — Mais il me semble pourtant qu’il doit y avoir des actions assez dangereuses, assez mauvaises en elles-mêmes, pour avoir été généralement considérées comme criminelles, et punies comme telles d’un bout de l’univers à l’autre ? Mme de Saint-Ange — Aucune, mon amour, aucune, pas même le viol ni l’inceste, pas même le meurtre ni le parricide.
+Eugénie — Quoi ! ces horreurs ont pu s’excuser quelque part ? Dolmancé — Elles y ont été honorées, couronnées, considérées comme d’excellentes actions, tandis qu’en d’autres lieux, l’humanité, la candeur, la bienfaisance, la chasteté, toutes nos vertus, enfin, étaient regardées comme des monstruosités. Eugénie — Je vous prie de m’expliquer tout cela ; j’exige une courte analyse de chacun de ces crimes, en vous priant de commencer par m’expliquer d’abord votre opinion sur le libertinage des filles, ensuite sur l’adultère des femmes. Mme de Saint-Ange — Écoute-moi donc, Eugénie. Il est absurde de dire qu’aussitôt qu’une fille est hors du sein de sa mère, elle doit, de ce moment, devenir la victime de la volonté de ses parents, pour rester telle jusqu’à son dernier soupir.
+Ce n’est pas dans un siècle où l’étendue et les droits de l’homme viennent d’être approfondis avec tant de soins, que des jeunes filles doivent continuer à se croire les esclaves de leurs familles, quand il est constant que les pouvoirs de ces familles sur elles sont absolument chimériques. Écoutons la nature sur un objet aussi intéressant, et que les lois des animaux, bien plus rapprochées d’elle, nous servent un moment d’exemples. Les devoirs paternels s’étendent-ils chez eux au-delà des premiers besoins physiques ? Les fruits de la jouissance du mâle et de la femelle ne possèdent-ils pas toute leur liberté, tous leurs droits ? Sitôt qu’ils peuvent marcher et se nourrir seuls, dès cet instant, les auteurs de leurs jours les connaissent-ils ? Et eux, croient-ils devoir quelque chose à ceux qui leur ont donné la vie ? non, sans doute. De quel droit les enfants des hommes sont-ils donc astreints à d’autres devoirs ? Et qui les fondent, ces devoirs, si ce n’est l’avarice ou l’ambition des pères ? Or, je demande s’il est juste qu’une jeune fille qui commence à sentir et
+à raisonner se soumette à de tels freins. N’est-ce donc pas le préjugé tout seul qui prolonge ces chaînes ? Et y a-t-il rien de plus ridicule que de voir une jeune fille de quinze ou seize ans, brûlée par des désirs qu’elle est obligée de vaincre, attendre, dans des tourments pires que ceux des enfers, qu’il plaise à ses parents, après avoir rendu sa jeunesse malheureuse, de sacrifier encore son âge mûr, en l’immolant à leur perfide cupidité, en l’associant, malgré elle, à un époux, ou qui n’a rien pour se faire aimer, ou qui a tout pour se faire haïr ? Eh ! non, non, Eugénie, de tels liens s’anéantiront bientôt ; il faut que, dégageant dès l’âge de raison la jeune fille de la maison paternelle, après lui avoir donné une éducation nationale, on la laisse maîtresse, à quinze ans, de devenir ce qu’elle voudra. Donnera-t-elle dans le vice ? Eh ! qu’importe ? Les services que rend une jeune fille, en consentant à faire le bonheur de tous ceux qui s’adressent à elle, ne sont-ils pas infiniment plus important que ceux qu’en s’isolant elle offre à son époux ? La
+destinée de la femme est d’être comme la chienne, comme la louve : elle doit appartenir à tous ceux qui veulent d’elle. C’est visiblement outrager la destination que la nature impose aux femmes, que de les enchaîner par le lien absurde d’un hymen solitaire. Espérons qu’on ouvrira les yeux, et qu’en assurant la liberté de tous les individus, on n’oubliera pas le sort des malheureuses filles ; mais si elles sont assez à plaindre pour qu’on les oublie, que, se plaçant d’elles-mêmes au-dessus de l’usage et du préjugé, elles foulent hardiment aux pieds les fers honteux dont on prétend les asservir ; elles triompheront bientôt alors de la coutume et de l’opinion ; l’homme devenu plus sage, parce qu’il sera plus libre, sentira l’injustice qu’il y aurait à mépriser celles qui agiront ainsi et que l’action de céder à la nature, regardée comme un crime chez un peuple captif, ne peut plus l’être chez un peuple libre. Pars donc de la légitimité de ces principes, Eugénie, et brise tes fers à quelques prix que ce puisse être ; méprise les vaines remontrances
+d’une mère imbécile, à qui tu ne dois légitimement que de la haine et que du mépris. Si ton père, qui est un libertin, le désire, à la bonne heure : qu’il jouisse de toi, mais sans t’enchaîner ; brise le joug s’il veut t’asservir ; plus d’une fille ont agi de même avec leur père. Fouts, en un mot, fous ; c’est pour cela que tu es mise au monde ; aucune borne à tes plaisirs que celles de tes forces ou de tes volontés ; aucune exception de lieux, de temps et de personne ; toutes les heures, tous les endroits, tous les hommes doivent servir à tes voluptés ; la continence est une vertu impossible, dont la nature, violée dans ses droits, nous punit aussitôt par mille malheurs. Tant que les lois seront telles qu’elles sont encore aujourd’hui, usons de quelques voiles ; l’opinion nous y contraint ; mais dédommageons-nous en silence de cette chasteté cruelle que nous sommes obligées d’avoir en public. Qu’une jeune fille travaille à se procurer une bonne amie qui, libre et dans le monde, puisse lui faire secrètement goûter les plaisirs ; qu’elle tâche, au défaut
+de cela, de séduire les argus dont elle est entourée ; qu’elle les supplie de la prostituer, en leur promettant tout l’argent qu’ils pourront retirer de sa vente, ou ces argus par eux-mêmes, ou des femmes qu’ils trouveront, et qu’on nomme maquerelles, rempliront bientôt les vues de la jeune fille ; qu’elle jette alors de la poudre aux yeux de tout ce qui l’entoure, frères, cousins, amis, parents ; qu’elle se livre à tous, si cela est nécessaire pour cacher sa conduite ; qu’elle fasse même, si cela est exigé, le sacrifice de ses goûts et de ses affections ; une intrigue qui lui aura déplu, et dans laquelle elle ne se sera livrée que par politique, la mènera bientôt dans une plus agréable situation, et la voilà lancée. Mais qu’elle ne revienne plus sur les préjugés de son enfance ; menaces, exhortations, devoirs, vertus, religion, conseils, qu’elle foule tout aux pieds ; qu’elle rejette et méprise opiniâtrement tout ce qui ne tend qu’à la renchaîner, tout ce qui ne vise point, en un mot, à la livrer au sein de l’impudicité.
+C’est une extravagance de nos parents que ces prédictions de malheurs dans la voie du libertinage ; il y a des épines partout, mais les roses se trouvent au-dessus d’elles dans la carrière du vice ; il n’y a que dans les sentiers bourbeux de la vertu que la nature n’en fait jamais naître. Le seul écueil à redouter dans la première de ces routes, c’est l’opinion des hommes ; mais quelle est la fille d’esprit qui, avec un peu de réflexion, ne se rendra pas supérieure à cette méprisable opinion ? Les plaisirs reçus par l’estime, Eugénie, ne sont que des plaisirs moraux, uniquement convenables à certaines têtes ; ceux de la fouterie plaisent à tous, et ces attraits séducteurs dédommagent bientôt de ce mépris illusoire auquel il est difficile d’échapper en bravant l’opinion publique, mais dont plusieurs femmes sensées se sont moquées au point de s’en composer un plaisir de plus. Fouts, Eugénie, fous donc, mon cher ange ; ton corps est à toi, à toi, seule ; il n’y a que toi seule au monde qui aies le droit d’en jouir et d’en faire jouir qui bon te
+semble. Profite du plus heureux temps de ta vie : elles ne sont que trop courtes, ces heureuses années de nos plaisirs ! Si nous sommes assez heureuses pour en avoir joui, de délicieux souvenirs nous consolent et nous amusent encore dans notre vieillesse. Les avons-nous perdues ?... des regrets amers, d’affreux remords nous déchirent et se joignent aux tourments de l’âge, pour entourer de larmes et de ronces les funestes approches du cercueil... Aurais-tu la folie de l’immortalité ? Eh bien, c’est en foutant, ma chère, que tu restera dans la mémoire des hommes. On a bientôt oublié les Lucrèce, tandis que les Théodora et les Messaline font les plus doux entretiens et les plus fréquents de la vie. Comment donc, Eugénie, ne pas préférer un parti qui, nous couronnant de fleurs ici-bas, nous laisse encore l’espoir d’un culte bien au-delà du tombeau ! Comment, dis-je, ne pas préférer ce parti à celui qui, nous faisant végéter imbécilement sur la terre, ne nous promet après notre existence que du mépris et de l’oubli ?
+Eugénie, à Mme de Saint-Ange — Ah ! cher amour, comme ces discours séducteurs enflamment ma tête et séduisent mon âme ! Je suis dans un état difficile à peindre... Et, dis-moi, pourras-tu me faire connaître quelques-unes de ces femmes... (troublée) qui me prostitueront, si je leur dis ? Mme de Saint-Ange — D’ici à ce que tu aies plus d’expérience, cela ne regarde que moi seule, Eugénie ; rapporte-t’en à moi de ce soin, et plus encore à toutes les précautions que je prendrai pour couvrir tes égarements : mon frère et cet ami solide qui t’instruit seront les premiers auxquels je veux que tu te livres ; nous en trouverons d’autres après. Ne t’inquiète pas, chère amie : je te ferai voler de plaisir en plaisir, je te plongerai dans une mer de délices, je t’en comblerai, mon ange, je t’en rassasierai ! Eugénie, se précipitant dans les bras de Mme de Saint-Ange — Oh ! ma bonne, je t’adore ; va, tu n’auras
+jamais une écolière plus soumise que moi ; mais il me semble que tu m’as fait entendre, dans nos anciennes conversations, qu’il était difficile qu’une jeune épouse se jette dans le libertinage sans que l’époux qu’elle doit prendre après ne s’en aperçoive ? Mme de Saint-Ange — Cela est vrai, ma chère, mais il y a des secrets qui raccommodent toutes ces brèches. Je te promets de t’en donner connaissance, et alors, eusses-tu foutu comme Antoinette, je me charge de te rendre aussi vierge que le jour que tu vins au monde. Eugénie — Ah ! tu es délicieuse ! Allons, continue de m’instruire. Presse-toi donc en ce cas de m’apprendre quelle doit être la conduite d’une femme dans le mariage. Mme de Saint-Ange — Dans quelque état que se trouve une femme, ma chère, soit fille, soit femme, soit veuve, elle ne doit jamais avoir d’autre but, d’autre occupation, d’autre désir que
+de se faire foutre du matin au soir : c’est pour cette unique fin que l’a créée la nature ; mais si, pour remplir cette intention, j’exige d’elle de fouler aux pieds tous les préjugés de son enfance, si je lui prescris la désobéissance la plus formelle aux ordres de sa famille, le mépris le plus constaté de tous les conseils de ses parents, tu conviendras, Eugénie, que, de tous les freins à rompre, celui dont je lui conseillerai le plus tôt l’anéantissement sera bien sûrement celui du mariage. Considère en effet, Eugénie, une jeune fille à peine sortie de la maison paternelle ou de sa pension, ne connaissant rien, n’ayant nulle expérience, obligée de passer subitement de là dans les bras d’un homme qu’elle n’a jamais vu, obligée de jurer à cet homme, aux pieds des autels, une obéissance, une fidélité d’autant plus injuste qu’elle n’a souvent au fond de son cœur que le plus grand désir de lui manquer de parole. Est-il au monde, Eugénie, un sort plus affreux que celui-là ? Cependant la voilà liée, que son mari lui plaise
+ou non, qu’il ait ou non pour elle de la tendresse ou des mauvais procédés ; son honneur tient à ses serments : il est flétri si elle les enfreint ; il faut qu’elle se perde ou qu’elle traîne le joug, dût-elle en mourir de douleur. Eh ! non, Eugénie, non, ce n’est point pour cette fin que nous sommes nées ; ces lois absurdes sont l’ouvrage des hommes, et nous ne devons pas nous y soumettre. Le divorce même est-il capable de nous satisfaire ? Non, sans doute. Qui nous répond de trouver plus sûrement dans de seconds liens le bonheur qui nous a fuies dans les premiers ? Dédommageons-nous donc en secret de toute la contrainte de nœuds si absurdes, bien certaines que nos désordres en ce genre, à quelques excès que nous puissions les porter, loin d’outrager la nature, ne sont qu’un hommage sincère que nous lui rendons ; c’est obéir à ses lois que de céder aux désirs qu’elle seule a placés dans nous ; ce n’est qu’en lui résistant que nous l’outragerions. L’adultère que les hommes regardent comme un crime, qu’ils ont osé punir comme tel
+en nous arrachant la vie, l’adultère, Eugénie, n’est donc que l’acquit d’un droit à la nature, auquel les fantaisies de ces tyrans ne sauraient jamais nous soustraire. Mais n’est-il pas horrible, disent nos époux, de nous exposer à chérir comme nos enfants, à embrasser comme tels, les fruits de vos désordres ? C’est l’objection de Rousseau ; c’est, j’en conviens, la seule un peu spécieuse dont on puisse combattre l’adultère. Eh ! n’est-il pas extrêmement aisé de se livrer au libertinage sans redouter la grossesse ? N’est-il pas encore plus facile de la détruire, si par imprudence elle a lieu ? Mais, comme nous reviendrons sur cet objet, ne traitons maintenant que le fond de la question : nous verrons que l’argument, tout spécieux qu’il paraît d’abord, n’est cependant que chimérique. Premièrement, tant que je couche avec mon mari, tant que sa semence coule au fond de ma matrice, verrais-je dix hommes en même temps que lui, rien ne pourra jamais lui prouver que l’enfant qui naîtra ne
+lui appartienne pas ; il peut être à lui comme n’y pas être, et dans le cas de l’incertitude il ne peut ni ne doit jamais (puisqu’il a coopéré à l’existence de cette créature) se faire aucun scrupule d’avouer cette existence. Dès qu’elle peut lui appartenir, elle lui appartient, et tout homme qui se rendra malheureux par des soupçons sur cet objet le serait de même quand sa femme serait une vestale, parce qu’il est impossible de répondre d’une femme, et que celle qui a été sage peut cesser de l’être un jour. Donc, si cet époux est soupçonneux, il le sera dans tous les cas : jamais alors il ne sera sûr que l’enfant qu’il embrasse soit véritablement le sien. Or, s’il peut être soupçonneux dans tous les cas, il n’y a aucun inconvénient à légitimer quelquefois des soupçons : il n’en serait, pour son état de bonheur ou de malheur moral, ni plus ni moins ; donc il vaut tout autant que cela soit ainsi. Le voilà donc, je le suppose, dans une complète erreur ; le voilà caressant le fruit du libertinage de sa femme : où donc est le
+crime à cela ? Nos biens ne sont-ils pas communs ? En ce cas, quel mal fais-je en plaçant dans le ménage un enfant qui doit avoir une portion de ses biens ? Ce sera la mienne qu’il aura ; il ne volera rien à mon tendre époux ; cette portion dont il va jouir, je la regarde comme prise sur ma dot ; donc ni cet enfant ni moi ne prenons rien à mon mari. A quel titre, si cet enfant eût été de lui, aurait-il eu part dans mes biens ? N’est-ce point en raison de ce qu’il serait émané de moi ? Eh bien, il va jouir de cette part, en vertu de cette même raison d’alliance intime. C’est parce que cet enfant m’appartient que je lui dois une portion de mes richesses. Quel reproche avez-vous à me faire ? Il en jouit. — Mais vous trompez votre mari ; cette fausseté est atroce. — Non, c’est un rendu, voilà tout ; je suis dupe la première des liens qu’il m’a forcée de prendre : je m’en venge, quoi de plus simple ? — Mais il y a outrage réel fait à l’honneur de votre mari. — Préjugé que cela ! Mon libertinage ne touche mon mari en rien ; mes
+fautes sont personnelles. Ce prétendu déshonneur était bon il y a un siècle ; on est revenu de cette chimère aujourd’hui, et mon mari n’est plus flétri de mes débauches que je ne saurais l’être des siennes. Je foutrais avec toute la terre sans lui faire une égratignure ! Cette prétendue lésion n’est donc qu’une fable, dont l’existence est impossible. De deux choses l’une : ou mon mari est un brutal, un jaloux, ou c’est un home délicat ; dans la première hypothèse, ce que je puis faire de mieux est de me venger de sa conduite ; dans la seconde, je ne saurai l’affliger ; puisque je goûte des plaisirs, il en sera heureux s’il est honnête : il n’y a point d’homme délicat qui ne jouisse au spectacle du bonheur de la personne qu’il adore. — Mais si vous l’aimiez, voudriez-vous qu’il en fît autant ? — Ah ! malheur à la femme qui s’avisera d’être jalouse de son mari ! Qu’elle se contente de ce qu’il lui donne, si elle l’aime ; mais qu’elle n’essaie pas de le contraindre ; non seulement elle n’y réussirait pas, mais elle s’en ferait bientôt détester. Si
+je suis raisonnable, je ne m’affligerai donc jamais des débauches de mon mari. Qu’il en fasse de même avec moi, et la paix règnera dans le ménage. Résumons : Quels que soient les effets de l’adultère, dût-il même introduire dans la maison des enfants qui n’appartinssent pas à l’époux, dès qu’ils sont à la femme ils ont des droits certains à une partie de la dot de cette femme ; l’époux, s’il est instruit, doit les regarder comme des enfants que sa femme aurait eus d’un premier mariage ; s’il ne sait rien, il ne saurait être malheureux, car on ne saurait l’être d’un mal qu’on ignore ; si l’adultère n’a point de suite, et qu’il soit inconnu du mari, aucun jurisconsulte ne saurait prouver, en ce cas, qu’il pourrait être un crime ; l’adultère n’est plus de ce moment qu’une action parfaitement indifférente pour le mari, qui ne le sait pas, parfaitement bonne pour la femme, qu’elle délecte ; si le mari découvre l’adultère, ce n’est plus l’adultère qui est un mal alors, car il ne l’était pas tout à l’heure, et il ne saurait avoir changé de nature ; il n’y
+a plus d’autre mal que la découverte qu’en a faite le mari ; or, ce tort-là n’appartient qu’à lui seul : il ne saurait regarder la femme. Ceux qui jadis ont puni l’adultère étaient donc des bourreaux, des tyrans, des jaloux, qui, rapportant tout à eux, s’imaginaient injustement qu’il suffisait de les offenser pour être criminelle, comme si une injure personnelle devait jamais se considérer comme un crime, et comme si l’on pouvait justement appeler crime une action qui, loin d’outrager la nature et la société, sert évidemment l’une et l’autre. Il est cependant des cas où l’adultère, facile à prouver, devient plus embarrassant pour la femme, sans être pour cela plus criminel ; c’est, par exemple, celui où l’époux se trouve dans l’impuissance ou sujet à des goûts contraires à la population. Comme elle jouit, et que son mari ne jouit jamais, sans doute alors ses déportement deviennent plus ostensibles ; mais doit-elle se gêner pour cela ? Non, sans doute, La seule précaution qu’elle doive employer est de ne pas faire d’enfants ou de se faire
+avorter si ces précautions viennent à la tromper. Si c’est par raison de goûts antiphysiques qu’elle est contrainte à se dédommager des négligences de son mari, il faut d’abord qu’elle le satisfasse sans répugnance dans ses goûts, de quelque nature qu’ils puissent être ; qu’ensuite elle lui fasse entendre que de pareilles complaisances méritent bien quelques égards ; qu’elle demande une liberté entière en raison de ce qu’elle accorde. Alors le mari refuse ou consent ; s’il consent, comme a fait le mien, on s’en donne à l’aise, en redoublant de soins et de condescendances à ses caprices ; s’il refuse, on épaissit les voiles, et l’on fout tranquillement à leur ombre. Est-il impuissant ? on se sépare, mais dans tous les cas on s’en donne ; on fout dans tous les cas, cher amour, parce que nous sommes nées pour foutre, que nous accomplissons les lois de la nature en foutant, et que toute loi humaine qui contrarierait celles de la nature ne serait faite que pour le mépris. Elle est dupe, la femme que des nœuds aussi absurdes que ceux de l’hymen empêchent de se livrer à ses penchants,
+qui craint ou la grossesse, ou les outrages à son époux, ou les taches, plus vaines encore, à sa réputation ! Tu viens de le voir, Eugénie, oui, tu viens de sentir comme elle est dupe, comme elle immole bassement aux plus ridicules préjugés et son bonheur et toutes les délices de la vie. Ah ! qu’elle foute, qu’elle foute impunément ! Un peu de fausse gloire, quelques frivoles espérances religieuses la dédommageront-elles de ses sacrifices ? Non, non, et la vertu, le vice, tout se confond dans le cercueil. Le public, au bout de quelques années, exalte-t-il plus les uns qu’il ne condamne les autres ? Eh ! non, encore une fois, non, non ! et la malheureuse, ayant vécu sans plaisir, expire, hélas ! sans dédommagement. Eugénie — Comme tu me persuades, mon ange ! comme tu triomphes de mes préjugés ! comme tu détruis tous les faux principes que ma mère avait mis en moi ! Ah ! je voudrais être mariée demain pour mettre aussitôt tes maximes en usage. Qu’elles sont séduisantes, qu’elles
+sont vraies, et combien je les aime ! Une chose seulement m’inquiète, chère amie, dans ce que tu viens de me dire, et comme je ne l’entends point, je te supplie de me l’expliquer. Ton mari, prétends-tu, ne s’y prend pas, dans la jouissance, de manière à avoir des enfants. Que te fait-il donc, je t’en prie ? Mme de Saint-Ange — Mon mari était déjà vieux quand je l’épousai. Dès la première nuit de ses noces, il me prévint de ses fantaisies en m’assurant que de son côté, jamais il ne gênerait les miennes. Je lui jurai de lui obéir, et nous avons toujours, depuis ce temps-là, vécu tous deux dans la plus délicieuse liberté. Le goût de mon mari consiste à se faire sucer, et voici le très singulier épisode qu’il y joint : pendant que, courbée sur lui, mes fesses d’aplomb sur son visage, je pompe avec ardeur le foutre de ses couilles, il faut que je lui chie dans la bouche !... Il avale !... Eugénie — Voilà une fantaisie bien extraordinaire !
+Dolmancé — Aucune ne peut se qualifier ainsi, ma chère ; toutes sont dans la nature ; elle s’est plu, en créant les hommes, à différencier leurs goûts comme leurs figures, et nous ne devons pas plus nous étonner de la diversité qu’elle a mise dans nos traits que de celle qu’elle a placée dans nos affections. La fantaisie dont vient de vous parler votre amie est on ne saurait plus à la mode ; une infinité d’hommes, et principalement ceux d’un certain âge, y sont prodigieusement adonnés ; vous y refuseriez-vous, Eugénie, si quelqu’un l’exigeait de vous ? Eugénie, rougissant — D’après les maximes qui me sont inculquées ici, puis-je donc refuser quelque chose ? Je ne demande grâce que pour ma surprise ; c’est la première fois que j’entends toutes ces lubricités : il faut d’abord que je les conçoive ; mais de la solution du problème à l’exécution du procédé, je crois que mes instituteurs doivent être sûrs qu’il n’y aurait jamais
+que la distance qu’ils exigeront eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, ma chère, tu gagnas donc ta liberté par l’acquiescement à cette complaisance ? Mme de Saint-Ange — La plus entière, Eugénie. Je fis de mon côté tout ce que je voulus, sans qu’il y mît d’obstacles, mais je ne pris point d’amant : j’aimais trop le plaisir pour cela. Malheur à la femme qui s’attache ! il ne faut qu’un amant pour la perdre, tandis que dix scènes de libertinage, répétées chaque jour, si elle le veut, s’évanouiront dans la nuit du silence aussitôt qu’elles seront consommées. J’étais riche : je payais des jeunes gens qui me foutaient sans me connaître ; je m’entourais de valets charmants, sûrs de goûter les plus doux plaisirs avec moi s’ils étaient discrets, certains d’être renvoyés s’ils disaient un mot. Tu n’as pas d’idée, cher ange, du torrent de délices dans lequel je me suis plongée de cette manière. Voilà la conduite que je prescrirai toujours à toutes les femmes qui voudront m’imiter. Depuis douze ans que je suis mariée, j’ai peut-
+être été foutue par plus de dix ou douze mille individus... et on me croit sage dans mes sociétés ! Une autre aurait eu des amants, elle se serait perdue au second. Eugénie — Cette maxime est la plus sûre ; ce sera bien décidément la mienne ; il faut que j’épouse, comme toi, un homme riche, et surtout un homme à fantaisies... Mais, ma chère, ton mari, strictement lié à ses goûts, n’exigea jamais autre chose de toi ? Mme de Saint-Ange — Jamais, depuis douze ans, il ne s’est démenti un seul jour, excepté lorsque j’ai mes règles. Une très jolie fille, qu’il a voulu que je prenne avec moi, me remplace alors, et les choses vont le mieux du monde. Eugénie — Mais il ne s’en tient pas là, sans doute ; d’autres objets concourent extérieurement à diversifier ses plaisirs ? Dolmancé — N’en doutez pas, Eugénie ; le mari de madame
+est un des plus grands libertins de son siècle ; il dépense plus de cent mille écus par an aux goûts obscènes que votre amie vient de vous peindre tout-à-l’heure. Mme de Saint-Ange — À vous dire le vrai, je m’en doute ; mais que me font ses déportements, puisque leur multiplicité autorise et voile les miens ? Eugénie — Suivons, je t’en conjure, le détail des manières par lesquelles une jeune personne, mariée ou non, peut se préserver de la grossesse, car je t’avoue que cette crainte m’effarouche beaucoup, soit avec l’époux que je dois prendre, soit dans la carrière du libertinage ; tu viens de m’en indiquer une en me parlant des goûts de ton époux ; mais cette manière de jouir, qui peut être fort agréable pour l’homme, ne me semble pas l’être autant pour la femme, et ce sont nos jouissances exemptes des risques que j’y crains, dont je désire que tu m’entretiennes. Mme de Saint-Ange — Une fille ne s’expose jamais à faire d’enfants
+qu’autant qu’elle se le laisse mettre dans le con, qu’elle évite avec soin cette manière de jouir, qu’elle offre à la place indistinctement sa main, sa bouche, ses tétons ou le trou de son cul ; par cette dernière voie, elle prendra tout autant de plaisir, et même beaucoup davantage qu’ailleurs ; par les autres manières elle en donnera. On procède à la première de ces façons, je veux dire celle de la main, ainsi que tu l’as vu tout à l’heure, Eugénie ; on secoue comme si l’on pompait le membre de son ami ; au bout de quelques mouvements, le sperme s’élance ; l’homme vous baise, vous caresse pendant ce temps-là, et couvre de cette liqueur la partie de votre corps qui lui plaît le mieux. Veut-on le faire mettre entre les seins ? on s’étend sur le lit, on place le membre viril au milieu des deux mamelles, on l’y presse, et au bout de quelques secousses l’homme décharge de manière à vous inonder les tétons et quelquefois le visage. Cette manière est la moins voluptueuse de toutes, et ne peut convenir qu’à des femmes dont la gorge, à force de service, a
+déjà acquis assez de flexibilité pour serrer le membre de l’homme en se comprimant sur lui. La jouissance de la bouche est infiniment plus agréable, tant pour l’homme que pour la femme. La meilleure façon de la goûter est que la femme s’étende à contresens sur le corps de son fouteur : il vous met le vit dans la bouche, et, sa tête se trouvant entre vos cuisses, il vous rend ce que vous lui faites, en vous introduisant sa langue dans le con ou sur le clitoris ; il faut, lorsqu’on emploie cette attitude, se prendre, s’empoigner les fesses et se chatouiller réciproquement le trou du cul, épisode toujours nécessaire au complément de la volupté. Des amants chauds et pleins d’imagination avalent alors le foutre qui s’exhale dans leur bouche, et jouissent délicatement ainsi du plaisir voluptueux de faire mutuellement passer dans leurs entrailles cette précieuse liqueur, méchamment dérobée à sa destination d’usage. Dolmancé — Cette façon est délicieuse, Eugénie ; je vous en recommande l’exécution. Faire perdre
+ainsi les droits de la propagation et contrarier de cette manière ce que les sots appellent les lois de la nature, est vraiment plein d’appas. Les cuisses, les aisselles servent quelquefois aussi d’asiles au membre de l’homme, et lui offrent des réduits où sa semence peut se perdre, sans risque de grossesse. Mme de Saint-Ange — Quelques femmes s’introduisent des éponges dans l’intérieur du vagin, qui, recevant le sperme, l’empêchent de s’élancer dans le vase qui le propagerait ; d’autres obligent leurs fouteurs de se servir d’un petit sac de peau de Venise, vulgairement nommé condom, dans lequel la semence coule, sans risquer d’atteindre le but ; mais de toutes ces manières, celle du cul est la plus délicieuse sans doute. Dolmancé, je vous en laisse la dissertation. Qui doit mieux peindre que vous un goût pour lequel vous donneriez vos jours, si on les exigeait pour sa défense ? Dolmancé — J’avoue mon faible. Il n’est, j’en conviens,
+aucune jouissance au monde qui soit préférable à celle-là ; je l’adore dans l’un et l’autre sexe ; mais le cul d’un jeune garçon, il faut en convenir, me donne encore plus de volupté que celui d’une fille. On appelle bougres ceux qui se livrent à cette passion ; or, quand on fait tant que d’être bougre, Eugénie, il faut l’être tout à fait. Foutre des femmes en cul n’est l’être qu’à moitié : c’est dans l’homme que la nature veut que l’homme serve cette fantaisie ; et c’est spécialement pour l’homme qu’elle nous en a donné le goût. Il est absurde de dire que cette manie l’outrage. Cela se peut-il, dès qu’elle nous l’inspire ? Peut-elle dicter ce qui la dégrade ? Non, Eugénie, non ; on la sert aussi bien là qu’ailleurs, et peut-être plus saintement encore. La propagation n’est qu’une tolérance de sa part. Comment pourrait-elle avoir prescrit pour loi un acte qui la prive des droits de sa toute-puissance, puisque la propagation n’est qu’une suite de ses premières intentions, et que de nouvelles constructions, refaites par sa main,
+si notre espèce était absolument détruite, redeviendraient des intentions primordiales dont l’acte serait bien plus flatteur pour son orgueil et sa puissance ? Mme de Saint-Ange — Savez-vous, Dolmancé, qu’au moyen de ce système, vous allez jusqu’à prouver que l’extinction totale de la race humaine ne serait qu’un service rendu à la nature ? Dolmancé — Qui en doute, madame ? Mme de Saint-Ange — Oh ! juste ciel ! les guerres, les pestes, les famines, les meurtres ne seraient plus que des accidents nécessaires des lois de la nature, et l’homme, agent ou patient de ces effets, ne serait donc pas plus criminel, dans l’un des cas, qu’il ne serait victime dans l’autre ? Dolmancé — Victime, il l’est sans doute, quand il fléchit sous les coups du malheur ; mais criminel,
+jamais. Nous reviendrons sur toutes ces choses ; analysons, en attendant, pour la belle Eugénie, la jouissance sodomite, qui fait maintenant l’objet de notre entretien. La posture la plus en usage pour la femme, dans cette jouissance, est de se coucher à plat ventre sur le bord du lit, les fesses bien écartées, la tête le plus bas possible. Le paillard, après s’être un instant amusé de la perspective du beau cul que l’on présente, après l’avoir claqué, manié, quelquefois même fouetté, pincé, mordu, humecte de sa bouche le trou mignon qu’il va perforer, et prépare l’introduction avec le bout de sa langue ; il mouille de même son engin avec de la salive ou de la pommade et le présente doucement au trou qu’il veut percer ; il le conduit d’une main, de l’autre il écarte les fesses de sa jouissance ; dès qu’il sent son membre pénétrer, il faut qu’il pousse avec ardeur, en prenant bien garde de perdre du terrain ; quelquefois la femme souffre alors, si elle est neuve et jeune ; mais, sans aucun égard des douleurs qui vont bientôt se
+changer en plaisirs, le fouteur doit pousser vivement son vit par gradations, jusqu’à ce qu’il ait enfin atteint le but, c’est-à-dire jusqu’à ce que le poil de son engin frotte exactement les bords de l’anus de l’objet qu’il encule. Qu’il poursuive alors sa route avec rapidité, toutes les épines sont cueillies ; il ne reste plus que des roses. Pour achever de métamorphoser en plaisir les restes de douleur que son objet éprouve encore, si c’est un jeune garçon, qu’il lui saisisse le vit et le branle ; qu’il chatouille le clitoris, si c’est une fille ; les titillations du plaisir qu’il fait naître, en rétrécissant prodigieusement l’anus du patient, doubleront les plaisirs de l’agent, qui, comblé d’aise et de volupté, dardera bientôt au fond du cul de sa jouissance un sperme aussi abondant qu’épais, qu’auront déterminé tant de lubriques détails. Il en est d’autres qui ne veulent pas que le patient jouisse ; c’est ce que nous expliquerons bientôt. Mme de Saint-Ange — Permettez qu’un moment je sois écolière à
+mon tour et que je vous demande, Dolmancé, dans quel état il faut, pour le complément des plaisirs de l’agent, que se trouve le cul du patient ? Dolmancé — Plein, très assurément ; il est essentiel que l’objet qui sert ait alors la plus complète envie de chier, afin que le bout du vit du fouteur, atteignant l’étron, s’y enfonce et y dépose plus chaudement et plus mollement le foutre qui l’irrite et qui le met en feu. Mme de Saint-Ange — Je craindrais que le patient y prit moins de plaisir. Dolmancé — Erreur ! Cette jouissance est telle qu’il est impossible que rien lui nuise et que l’objet qui la sert ne soit transporté au troisième ciel en la goûtant. Aucune ne vaut celle-là, aucune ne peut aussi complètement satisfaire l’un et l’autre des individus qui s’y livrent, et il est difficile que ceux qui l’ont goûtée puissent revenir
+à autre chose. Telles sont, Eugénie, les meilleures façons de goûter le plaisir avec un homme, sans courir les risques de la grossesse ; car on jouit, soyez-en bien sûre, non seulement à prêter le cul à un homme, ainsi que je viens de vous l’expliquer, mais aussi à le sucer, à le branler, etc., et j’ai connu des femmes libertines qui mettaient souvent plus de charmes à ces épisodes qu’aux jouissances réelles. L’imagination est l’aiguillon des plaisirs ; dans ceux de cette espèce, elle règle tout, elle est le mobile de tout ; or, n’est-ce pas par elle que l’on jouit ? n’est-ce pas d’elle que viennent les voluptés les plus piquantes ? Mme de Saint-Ange — Soit ; mais qu’Eugénie y prenne garde ; l’imagination ne nous sert que quand notre esprit est absolument dégagé de préjugés : un seul suffit à la refroidir. Cette capricieuse portion de notre esprit est d’un libertinage que rien ne peut contenir ; son plus grand triomphe, ses délices les plus éminentes consistent à briser tous les freins qu’on lui oppose ;
+elle est ennemie de la règle, idolâtre du désordre et de tout ce qui porte les couleurs du crime ; voilà d’où vient la singulière réponse d’une femme à imagination, qui foutait froidement avec son mari ; — Pourquoi tant de glace ? lui disait celui-ci. — Eh ! vraiment, lui répondit cette singulière créature, c’est que ce que vous me faites est tout simple. Eugénie — J’aime à la folie cette réponse... Ah ! ma bonne, quelles dispositions je me sens à connaître ces élans divins d’une imagination déréglée ! Tu n’imaginerais pas, depuis que nous sommes ensemble... seulement depuis cet instant, non, non, ma chère bonne, tu ne concevrais pas toutes les idées voluptueuses que mon esprit a caressées... Oh ! comme le mal est maintenant compris par moi !... combien il est désiré de mon cœur ! Mme de Saint-Ange — Que les atrocités, les horreurs, que les crimes les plus odieux ne t’étonnent pas davantage, Eugénie ; ce qu’il y a de plus sale, de
+plus infâme et de plus défendu est ce qui irrite le mieux la tête... c’est toujours ce qui nous fait le plus délicieusement décharger. Eugénie — A combien d’écarts incroyables vous avez dû vous livrer l’un et l’autre ! Que j’en voudrais connaître les détails ! Dolmancé, baisant et maniant la jeune personne — Belle Eugénie, j’aimerais cent fois mieux vous voir éprouver tout ce que je voudrais faire, que de vous raconter ce que j’ai fait. Eugénie — Je ne sais s’il ferait trop bon pour moi de me prêter à tout. Mme de Saint-Ange — Je ne te le conseillerais pas, Eugénie. Eugénie — Eh bien, je fais grâce à Dolmancé de ses détails ; mais toi, ma bonne amie, dis-moi, je t’en conjure, ce que tu as fait de plus extraordinaire en ta vie. Mme de Saint-Ange — J’ai
+fait la chouette à quinze hommes ; je fus foutue quatre-vingt-dix fois en vingt-quatre heures, tant par-devant que par-derrière. Eugénie — Ce ne sont que des débauches cela, des tours de force : je gage que tu as fait des choses plus singulières. Mme de Saint-Ange — J’ai été au bordel. Eugénie — Que veut dire ce mot ? Dolmancé — On appelle ainsi des maisons publiques où, moyennant un prix convenu, chaque homme trouve de jeunes et jolies filles, toutes prêtes à satisfaire ses passions. Eugénie — Et tu t’es livrée là, ma bonne ? Mme de Saint-Ange — Oui, j’y ai été comme une putain, j’y ai
+satisfait pendant une semaine entière les fantaisies de plusieurs paillards, et j’ai vu là des goûts bien singuliers ; par un égal principe de libertinage, comme la célèbre impératrice Théodora, femme de Justinien1, j’ai raccroché au coin des rues... dans les promenades publiques, et j’ai mis à la loterie l’argent venu de ces prostitutions. Eugénie — Ma bonne, je connais ta tête, tu as été beaucoup plus loin encore. Mme de Saint-Ange : Cela se peut-il ? Eugénie — Oh ! oui, oui, et voici comme je le conçois : ne m’as-tu pas dit que nos sensations morales les plus délicieuses nous venaient de l’imagination ? Mme de Saint-Ange — Je l’ai dit.
+Eugénie : Eh bien, en laissant errer cette imagination, en lui donnant la liberté de franchir les dernières bornes que voudraient lui prescrire la religion, la décence, l’humanité, la vertu, tous nos prétendus devoirs enfin, n’est-il pas vrai que ses écarts seraient prodigieux ? Mme de Saint-Ange — Sans doute. Eugénie — Or, n’est-ce pas en raison de l’immensité de ses écarts qu’elle nous irritera davantage ? Mme de Saint-Ange — Rien de plus vrai. Eugénie — Si cela est, plus nous voudrons être agitées, plus nous désirerons nous émouvoir avec violence, plus il faudra donner carrière à notre imagination sur les choses les plus inconcevables ; notre jouissance alors s’améliorera en raison du chemin qu’aura fait la tête, et...
+Dolmancé, baisant Eugénie — Délicieuse ! Mme de Saint-Ange — Que de progrès la friponne a faits en peu de temps ! Mais, sais-tu, ma charmante, qu’on peut aller loin par la carrière que tu nous traces ? Eugénie — Je l’entends bien de cette manière, et puisque je ne me prescris aucun frein, tu vois où je suppose que l’on peut aller. Mme de Saint-Ange — Aux crimes, scélérate, aux crimes les plus noirs et les plus affreux. Eugénie, d’une voix basse et entrecoupée — Mais tu dis qu’il n’en existe pas... et puis ce n’est que pour embraser sa tête : on n’exécute point. Dolmancé — Il est pourtant si doux d’exécuter ce qu’on a conçu. Eugénie, rougissant — Eh bien, on exécute... Ne voudriez-vous
+pas me persuader, mes chers instituteurs, que vous n’avez jamais fait ce que vous avez conçu ? Mme de Saint-Ange — Il m’est quelquefois arrivé de le faire. Eugénie — Nous y voilà. Dolmancé — Quelle tête ! Eugénie, poursuivant — Ce que je te demande, c’est ce que tu as conçu, et ce que tu as fait après avoir conçu. Mme de Saint-Ange, balbutiant — Eugénie, je te raconterai ma vie quelque jour. Poursuivons notre instruction... car tu me ferais dire des choses... Eugénie — Allons, je vois que tu ne m’aimes pas assez pour m’ouvrir à ce point ton âme ; j’attendrai le délai que tu me prescris ; reprenons nos détails. Dis-moi, ma chère, quel est l’heureux mortel que tu rendis le maître de tes prémices ?
+Mme de Saint-Ange — Mon frère : il m’adorait depuis l’enfance ; dès nos plus jeunes ans, nous nous étions souvent amusés sans atteindre le but ; je lui avais promis de me livrer à lui dès que je serais mariée ; je lui tins parole ; heureusement que mon mari n’avait rien endommagé : il cueillit tout. Nous continuons de nous livrer à cette intrigue, mais sans nous gêner ni l’un ni l’autre nous ne nous en plongeons pas moins tous les deux, chacun de notre côté, dans les plus divins excès du libertinage ; nous nous servons même mutuellement : je lui procure des femmes, il me fait connaître des hommes. Eugénie — Le délicieux arrangement ! Mais l’inceste n’est-il pas un crime ? Dolmancé — Pourrait-on regarder comme telles les plus douces unions de la nature, celle qu’elle nous prescrit et nous conseille le mieux ! Raisonnez un moment, Eugénie : comment
+l’espèce humaine, après les grands malheurs qu’éprouva notre globe, put-elle autrement se reproduire que par l’inceste ? N’en trouvons-nous pas l’exemple et la preuve même dans les livres respectés par le christianisme ? Les familles d’Adam2 et de Noé purent-elles autrement se perpétuer que par ce moyen ? Fouillez, compulsez les mœurs de l’univers : partout vous y verrez l’inceste autorisé, regardé comme une loi sage et faite pour cimenter les liens de la famille. Si l’amour, en un mot, naît de la ressemblance, où peut-elle être plus parfaite qu’entre frère et sœur, qu’entre père et fille ? Une politique mal entendue, produite par la crainte de rendre certaines familles trop puissantes, interdit l’inceste dans nos mœurs ; mais ne nous abusons pas au point de prendre pour loi de la nature
+ce qui n’est dicté que par l’intérêt ou par l’ambition ; sondons nos cœurs : c’est toujours là où je renvoie nos pédants moralistes ; interrogeons cet organe sacré, et nous reconnaîtrons qu’il n’est rien de plus délicat que l’union chamelle des familles ; cessons de nous aveugler sur les sentiments d’un frère pour sa sœur, d’un père pour sa fille. En vain l’un et l’autre les déguisent-ils sous le voile d’une légitime tendresse : le plus violent amour est l’unique sentiment qui les enflamme, c’est le seul que la nature ait mis dans leurs cœurs. Doublons, triplons donc, sans rien craindre, ces délicieux incestes, et croyons que plus l’objet de nos désirs nous appartiendra de près, plus nous aurons de charmes à en jouir. Un de mes amis vit habituellement avec la fille qu’il a eue de sa propre mère ; il n’y a pas huit jours qu’il dépucela un garçon de treize ans, fruit de son commerce avec cette fille ; dans quelques années ce même jeune homme épousera sa mère ; ce sont les vœux de mon ami ; il leur fait un sort analogue à ces projets, et ses intentions, je le sais,
+sont de jouir encore des fruits qui naîtront de cet hymen ; il est jeune et peut l’espérer. Voyez, tendre Eugénie, de quelle quantité d’incestes et de crimes se serait souillé cet honnête ami s’il y avait quelque chose de vrai dans le préjugé qui nous fait admettre du mal à ces liaisons. En un mot, sur toutes ces choses, je pars, moi, toujours d’un principe : si la nature défendait les jouissances sodomites, les jouissances incestueuses, les pollutions, etc., permettrait-elle que nous y trouvassions autant de plaisir ? Il est impossible qu’elle puisse tolérer ce qui l’outrage véritablement. Eugénie — Oh ! mes divins instituteurs, je vois bien que, d’après vos principes, il est très peu de crimes sur la terre, et que nous pouvons nous livrer en paix à tous nos désirs, quelque singuliers qu’ils puissent paraître aux sots qui, s’offensant et s’alarmant de tout, prennent imbécilement les institutions sociales pour les divines lois de la nature. Mais cependant,
+mes amis, n’admettez-vous pas au moins qu’il existe de certaines actions absolument révoltantes et décidément criminelles, quoique dictées par la nature ? Je veux bien convenir avec vous que cette nature, aussi singulière dans les productions qu’elle crée que variée dans les penchants qu’elle nous donne, nous porte quelquefois à des actions cruelles ; mais si, livrés à cette dépravation, nous cédions aux inspirations de cette bizarre nature, au point d’attenter, je le suppose, à la vie de nos semblables, vous m’accorderez bien, du moins je l’espère, que cette action serait un crime ? Dolmancé — Il s’en faut bien, Eugénie, que nous puissions vous accorder une telle chose. La destruction étant une des premières lois de la nature, rien de ce qui détruit ne saurait être un crime. Comment une action qui sert aussi bien la nature pourrait-elle jamais l’outrager ? Cette destruction, dont l’homme se flatte, n’est d’ailleurs qu’une chimère ; le meurtre n’est
+point une destruction ; celui qui le commet ne fait que varier les formes ; s’il rend à la nature des éléments dont la main de cette nature habile se sert aussitôt pour récompenser d’autres êtres ; or, comme les créations ne peuvent être que des jouissances pour celui qui s’y livre, le meurtrier en prépare donc une à la nature ; il lui fournit des matériaux qu’elle emploie sur-le-champ, et l’action que des sots ont eu la folie de blâmer ne devient plus qu’un mérite aux yeux de cette agente universelle. C’est notre orgueil qui s’avise d’ériger le meurtre en crime. Nous estimant les premières créatures de l’univers, nous avons sottement imaginé que toute lésion qu’endurerait cette sublime créature devrait nécessairement être un crime énorme ; nous avons cru que la nature périrait si notre merveilleuse espèce venait à s’anéantir sur ce globe, tandis que l’entière destruction de cette espèce, en rendant à la nature la faculté créatrice qu’elle nous cède, lui redonnerait une énergie que nous lui enlevons en nous propageant ; mais quelle inconséquence, Eugénie ! Eh quoi ! un souverain
+ambitieux pourra détruire à son aise et sans le moindre scrupule les ennemis qui nuisent à ses projets de grandeur... des lois cruelles, arbitraires, impérieuses, pourront de même assassiner chaque siècle des millions d’individus... et nous, faibles et malheureux particuliers, nous ne pourrons pas sacrifier un seul être à nos vengeances ou à nos caprices ? Est-il rien de si barbare, de si ridiculement étrange, et ne devons-nous pas, sous le voile du plus profond mystère, nous venger amplement de cette ineptie3 ? Eugénie — Assurément... Oh ! comme votre morale est séduisante, et comme je la goûte !... Mais, dites-moi, Dolmancé, là, bien en conscience, ne vous seriez-vous pas quelquefois satisfait en ce genre ?
+Dolmancé — Ne me forcez pas à vous dévoiler mes fautes : leur nombre et leur espèce me contraindraient trop à rougir. Je vous les avouerai peut-être un jour. Mme de Saint-Ange — Dirigeant le glaive des lois, le scélérat s’en est souvent servi pour satisfaire à ses passions. Dolmancé — Puissé-je n’avoir pas d’autres reproches à me faire ! Mme de Saint-Ange, lui sautant au col —— Homme divin !... je vous adore !... Qu’il faut avoir d’esprit et de courage pour avoir, comme vous, goûté tous les plaisirs ! C’est à l’homme de génie seul qu’est réservé l’honneur de briser tous les freins de l’ignorance et de la stupidité. Baisez-moi, vous êtes charmant ! Dolmancé — Soyez franche, Eugénie, n’avez-vous jamais souhaité la mort à personne ?
+Eugénie — Oh ! oui, oui, et j’ai sous mes yeux chaque jour une abominable créature que je voudrais voir depuis longtemps au tombeau. Mme de Saint-Ange : Je gage que je devine. Eugénie — Qui soupçonnes-tu ? Mme de Saint-Ange — Ta mère. Eugénie — Ah ! laisse-moi cacher ma rougeur dans ton sein ! Dolmancé — Voluptueuse créature ! je veux t’accabler à mon tour des caresses qui doivent être le prix de l’énergie de ton cœur et de ta délicieuse tête. (Dolmancé la baise sur tout le corps, et lui donne de légères claques sur les fesses ; il bande ; Mme de Saint-Ange empoigne et secoue son vit ; ses mains, de temps en
+temps, s’égarent aussi sur le derrière de Mme de Saint-Ange, qui le lui prête avec lubricité ; un peu revenu à lui, Dolmancé continue.) Mais cette idée sublime, pourquoi ne l’exécuterions-nous pas ? Mme de Saint-Ange — Eugénie, j’ai détesté ma mère tout autant que tu hais la tienne, et je n’ai pas balancé. Eugénie — Les moyens m’ont manqué. Mme de Saint-Ange — Dis le courage. Eugénie — Hélas ! si jeune encore ! Dolmancé — Mais à présent, Eugénie, que feriez-vous ? Eugénie — Tout... Qu’on me donne les moyens, et l’on verra ! Dolmancé — Vous les aurez, Eugénie, je vous le promets ; mais j’y mets une condition. Eugénie — Quelle
+est-elle ? ou plutôt quelle est celle que je ne sois prête à accepter ? Dolmancé — Viens, scélérate, viens dans mes bras : je n’y puis plus tenir ; il faut que ton charmant derrière soit le prix du don que je te promets, il faut qu’un crime paie l’autre ! Viens !... ou plutôt accourez toutes deux éteindre par des flots de foutre le feu divin qui nous enflamme ! Mme de Saint-Ange — Mettons, s’il vous plaît, un peu d’ordre à ces orgies, il en faut même au sein du délire et de l’infamie. Dolmancé — Rien de si simple : l’objet majeur, ce me semble, est que je décharge, en donnant à cette charmante petite fille le plus de plaisir que je pourrai. Je vais lui mettre mon vit dans le cul, pendant que, courbée dans vos bras, vous la branlerez de votre mieux ; au
+moyen de l’attitude où je vous place, elle pourra vous le rendre : vous vous baiserez l’une et l’autre. Après quelques courses dans le cul de cette enfant, nous varierons le tableau. Je vous enculerai, madame ; Eugénie, au-dessus de vous, votre tête entre ses jambes, m’offrira son clitoris à sucer : je lui ferai perdre ainsi du foutre une seconde fois. Je me replacerai ensuite dans son anus ; vous me présenterez votre cul au lieu du con qu’elle m’offrait, c’est-à-dire que vous prendrez, comme elle viendra de le faire, sa tête entre vos jambes ; je sucerai le trou de votre cul, comme je viendrai de lui sucer le con, vous déchargerez, j’en ferai autant, pendant que ma main, embrassant le joli petit corps de cette charmante novice, ira lui chatouiller le clitoris pour la faire pâmer également. Mme de Saint-Ange — Bien, mon cher Dolmancé, mais il vous manquera quelque chose. Dolmancé — Un vit dans le cul ? Vous avez raison, madame.
+Mme de Saint-Ange — Passons-nous-en pour ce matin ; nous l’aurons ce soir : mon frère viendra nous aider, et nos plaisirs seront au comble. Mettons-nous à l’œuvre. Dolmancé — Je voudrais qu’Eugénie me branlât un moment. (Elle le fait.) Oui, c’est cela... un peu plus vite, mon cœur... tenez toujours bien à nu cette tête vermeille, ne la recouvrez jamais... plus vous faites tendre le filet, mieux vous décidez l’érection... il ne faut jamais recalotter le vit qu’on branle... Bon !... préparez ainsi vous-même l’état du membre qui va vous perforer... Voyez-vous comme il se décide ?... Donnez-moi votre langue, petite friponne !... Que vos fesses posent sur ma main droite, pendant que ma main gauche va vous chatouiller le clitoris. Mme de Saint-Ange — Eugénie, veux-tu lui faire goûter de plus grands plaisirs ?
+Eugénie — Assurément... je veux tout faire pour lui en donner. Mme de Saint-Ange — Eh bien ! prends son vit dans ta bouche, et suce-le quelques instants. Eugénie, le fait — Est-ce ainsi ? Dolmancé — Ah ! bouche délicieuse ! quelle chaleur !... Elle vaut pour moi le plus joli des culs !... Femmes voluptueuses et adroites, ne refusez jamais ce plaisir à vos amants : il vous les enchaînera pour jamais... Ah ! sacredieu !... foutredieu !... Mme de Saint-Ange — Comme tu blasphèmes, mon ami ! Dolmancé — Donnez-moi votre cul, madame... Oui, donnez-le-moi, que je le baise pendant qu’on me suce, et ne vous étonnez point de mes blasphèmes : un de mes plus grands plaisirs
+est de jurer Dieu quand je bande. Il me semble que mon esprit, alors mille fois plus exalté, abhorre et méprise bien mieux cette dégoûtante chimère ; je voudrais trouver une façon ou de la mieux invectiver, ou de l’outrager davantage ; et quand mes maudites réflexions m’amènent à la conviction de la nullité de ce dégoûtant objet de ma haine, je m’irrite et voudrais pouvoir aussitôt réédifier le fantôme, pour que ma rage au moins portât sur quelque chose. Imitez-moi, femme charmante, et vous verrez l’accroissement que de tels discours porteront infailliblement à vos sens. Mais, doubledieu !... je le vois, il faut, quel que soit mon plaisir, que je me retire absolument de cette bouche divine... j’y laisserais mon foutre !... Allons, Eugénie, placez-vous ; exécutons le tableau que j’ai tracé, et plongeons-nous tous trois dans la plus voluptueuse ivresse. (L’attitude s’arrange.) Eugénie — Que je crains, mon cher, l’impuissance de vos efforts ! La disproportion est trop forte. Dolmancé — J’
+en sodomise tous les jours de plus jeunes ; hier encore, un petit garçon de sept ans fut dépucelé par ce vit en moins de trois minutes... Courage, Eugénie, courage !... Eugénie — Ah ! vous me déchirez ! Mme de Saint-Ange — Ménagez-la, Dolmancé ; songez que j’en réponds. Dolmancé — Branlez-la bien, madame, elle sentira moins la douleur, au reste, tout est dit maintenant m’y voilà jusqu’au poil. Eugénie — Oh ! ciel ! ce n’est pas sans peine... Vois la sueur qui couvre mon front, cher ami... Ah ! Dieu ! jamais je n’éprouvai d’aussi vives douleurs !... Mme de Saint-Ange — Te voilà à moitié dépucelée, ma bonne,
+te voilà au rang des femmes ; on peut bien acheter cette gloire par un peu de tourment ; mes doigts, d’ailleurs, ne te calment-ils donc point ? Eugénie — Pourrais-je y résister sans eux !... Chatouille-moi, mon ange... je sens qu’imperceptiblement la douleur se métamorphose en plaisir... Poussez !... poussez !... Dolmancé... je me meurs ! Dolmancé — Ah ! foutredieu ! sacredieu ! tripledieu ! changeons, je n’y résisterais pas... Votre derrière, madame, je vous en conjure, et placez-vous sur-le-champ comme je vous l’ai dit. (On s’arrange, et Dolmancé continue.) J’ai moins de peine ici... Comme mon vit pénètre !... Mais ce beau cul n’en est pas moins délicieux, madame !... Eugénie — Suis-je bien ainsi, Dolmancé ? Dolmancé — A merveille ! Ce joli petit con vierge s’offre
+délicieusement à moi. Je suis un coupable, un infracteur, je le sais ; de tels attraits sont peu faits pour mes yeux ; mais le désir de donner à cette enfant les premières leçons de la volupté l’emporte sur toute autre considération. Je veux faire couler son foutre... je veux l’épuiser, s’il est possible... (Il la gamahuche.) Eugénie — Ah ! vous me faites mourir de plaisir, je n’y puis résister !... Mme de Saint-Ange — Pour moi, je pars !... Ah ! fous !... fous !... Dolmancé, je décharge !... Eugénie — J’en fais autant, ma bonne... Ah ! mon Dieu, comme il me suce !... Mme de Saint-Ange — Jure donc, petite putain !... Jure donc !... Eugénie — Eh bien, sacredieu ! je décharge ! Je suis dans la plus douce ivresse !... Dolmancé — Au poste !... au poste, Eugénie ! Je serai la dupe
+de tous ces changements de main. (Eugénie se replace.) Ah ! bien ! me revoici dans mon premier gîte... montrez-moi le trou de votre cul, madame, que je le gamahuche à mon aise... Que j’aime à baiser un cul que je viens de foutre ! Ah ! faites-le-moi bien lécher, pendant que je vais lancer mon sperme au fond de celui de votre amie... Le croiriez-vous, madame ? il y est entré cette fois-ci sans peine !... Ah ! foutre ! foutre ! vous n’imaginez pas comme elle le serre, comme elle le comprime !... Sacré foutu dieu, comme j’ai du plaisir !... Ah ! c’en est fait, je n’y résiste plus... mon foutre coule... et je suis mort !... Eugénie — Il me fait mourir aussi, ma chère bonne, je te le jure... Mme de Saint-Ange — La friponne ! comme elle s’y habituera promptement ! Dolmancé — Je connais une infinité de jeunes filles de son âge que rien au monde ne pourrait engager
+à jouir différemment ; il n’y a que la première fois qui coûte ; une femme n’a pas plutôt tâté de cette manière qu’elle ne veut plus faire autre chose... Oh ! ciel ! je suis épuisé ; laissez-moi reprendre haleine, au moins quelques instants. Mme de Saint-Ange — Voilà les hommes, ma chère, à peine nous regardent-ils quand leurs désirs sont satisfaits ; cet anéantissement les mène au dégoût, et le dégoût bientôt au mépris. Dolmancé, froidement — Ah ! quelle injure, beauté divine ! (Il les embrasse toutes deux.) Vous n’êtes faites l’une et l’autre que pour les hommages, quel que soit l’état où l’on se trouve. Mme de Saint-Ange — Au reste, console-toi, mon Eugénie ; s’ils acquièrent le droit de nous négliger, parce qu’ils sont satisfaits, n’avons-nous pas de même celui de les mépriser, quand leur procédé nous y force ! Si Tibère sacrifiait à Captée les objets qui venaient de servir ses passions4,
+Zingua, reine d’Afrique, immolait aussi ses amants5. Dolmancé — Ces excès, parfaitement simples et très connus de moi, sans doute, ne doivent pourtant jamais s’exécuter entre nous : "Jamais entre eux ne se mangent les loups", dit le proverbe, et, si trivial qu’il soit, il est juste. Ne redoutez jamais rien de moi, mes amies : je vous ferai peut-être faire beaucoup de mal, mais je ne vous en ferai jamais. Eugénie — Oh ! non, non, ma chère, j’ose en répondre : jamais Dolmancé n’abusera des droits que nous lui donnons sur nous ; je lui crois la probité des roués : c’est la meilleure ; mais ramenons notre instituteur à ses principes et revenons, je vous supplie, au grand dessein qui nous enflammait, avant que nous ne nous calmassions. Mme de Saint-Ange —
+Quoi ! friponne, tu y penses encore ! J’avais cru que ce n’était l’histoire que de l’effervescence de ta tête. Eugénie — C’est le mouvement le plus certain de mon cœur, et je ne serai contente qu’après la consommation de ce crime. Mme de Saint-Ange — Oh ! bon, bon, fais-lui grâce : songe qu’elle est ta mère. Eugénie — Le beau titre ! Dolmancé — Elle a raison ; cette mère a-t-elle pensé à Eugénie en la mettant au monde ? La coquine se laissait foutre parce qu’elle y trouvait du plaisir, mais elle était bien loin d’avoir cette fille en vue. Qu’elle agisse comme elle voudra à cet égard ; laissons-lui la liberté tout entière et contentons-nous de lui certifier qu’à quelque excès qu’elle arrive en ce genre, elle ne se rendra jamais coupable d’aucun mal. Eugénie — Je
+l’abhorre, je la déteste, mille raisons légitiment ma haine ; il faut que j’aie sa vie, à quelque prix que ce puisse être ! Dolmancé — Eh bien, puisque tes résolutions sont inébranlables, tu seras satisfaite, Eugénie, je te le jure ; mais permets-moi quelques conseils qui deviennent, avant que d’agir, de la première nécessité pour toi. Que jamais ton secret ne t’échappe, ma chère, et surtout agis seule : rien n’est plus dangereux que les complices ; méfions-nous toujours de ceux mêmes que nous croyons nous être le plus attachés : Il faut, disait Machiavel, ou n’avoir jamais de complices, ou s’en défaire dès qu’ils nous ont servi. Ce n’est pas tout : la feinte est indispensable, Eugénie, aux projets que tu formes. Rapproche-toi plus que jamais de ta victime avant que de l’immoler ; aie l’air de la plaindre ou de la consoler ; cajole-la, partage ses peines, jure-lui que tu l’adores ; fais plus encore, persuade-le-lui : la
+fausseté, dans de tels cas, ne saurait être portée trop loin. Néron caressait Agrippine sur la barque même qui devait l’engloutir : imite cet exemple, use de toute la fourberie, de toutes les impostures que pourra te suggérer ton esprit. Si le mensonge est toujours nécessaire aux femmes, c’est surtout lorsqu’elles veulent tromper qu’il leur devient plus indispensable. Eugénie — Ces leçons seront retenues et mises en action sans doute ; mais approfondissons, je vous prie, cette fausseté que vous conseillez aux femmes de mettre en usage ; croyez-vous donc cette manière d’être absolument essentielle dans le monde ? Dolmancé — Je n’en connais pas, sans doute, de plus nécessaire dans la vie ; une vérité certaine va vous en prouver l’indispensabilité : tout le monde l’emploie ; je vous demande, d’après cela, comment un individu sincère n’échouera pas toujours au milieu d’une société
+de gens faux ! Or s’il est vrai, comme on le prétend, que les vertus soient de quelque utilité dans la vie civile, comment voulez-vous que celui qui n’a ni la volonté, ni le pouvoir, ni le don d’aucune vertu, ce qui arrive à beaucoup de gens, comment voulez-vous, dis-je, qu’un tel être ne soit pas essentiellement obligé de feindre pour obtenir à son tour un peu de la portion de bonheur que ses concurrents lui ravissent ? Et, dans le fait, est-ce bien sûrement la vertu, ou son apparence, qui devient réellement nécessaire à l’homme social ? Ne doutons pas que l’apparence seule lui suffise : il a tout ce qu’il faut en la possédant. Dès qu’on ne fait qu’effleurer les hommes dans le monde, ne leur suffit-il pas de nous montrer l’écorce ? Persuadons-nous bien, au surplus, que la pratique des vertus n’est guère utile qu’à celui qui la possède : les autres en retirent si peu que, pourvu que celui qui doit vivre avec nous paraisse vertueux, il devient parfaitement égal qu’il le soit en effet ou non. La fausseté, d’ailleurs, est presque toujours un
+moyen assuré de réussir ; celui qui la possède acquiert nécessairement une sorte de priorité sur celui qui commerce ou qui correspond avec lui : en l’éblouissant par de faux dehors, il le persuade ; de ce moment il réussit. M’aperçois-je que l’on m’a trompé, je ne m’en prends qu’à moi, et mon suborneur a d’autant plus beau jeu encore que je ne me plaindrai pas par orgueil ; son ascendant sur moi sera toujours prononcé ; il aura raison quand j’aurai tort ; il s’avancera quand je ne serai rien, il s’enrichira quand je me ruinerai ; toujours enfin au-dessus de moi, il captivera bientôt l’opinion publique ; une fois là, j’aurai beau l’inculper, on ne m’écoutera seulement pas. Livrons-nous donc hardiment et sans cesse à la plus insigne fausseté ; regardons-la comme la clé de toutes les grâces, de toutes les faveurs, de toutes les réputations, de toutes les richesses, et calmons à loisir le petit chagrin d’avoir fait des dupes par le piquant plaisir d’être fripon.
+Mme de Saint-Ange — En voilà, je le pense, infiniment plus qu’il n’en faut sur cette matière. Eugénie, convaincue, doit être apaisée, encouragée : elle agira quand elle voudra. J’imagine qu’il est nécessaire de continuer maintenant nos dissertations sur les différents caprices des hommes dans le libertinage ; ce champ doit être vaste, parcourons-le ; nous venons d’initier notre élève dans quelques mystères de la pratique, ne négligeons pas la théorie. Dolmancé — Les détails libertins des passions de l’homme sont peu susceptibles, madame, de motifs d’instruction pour une jeune fille qui, comme Eugénie surtout, n’est pas destinée à faire le métier de femme publique ; elle se mariera et, dans cette hypothèse, il y a à parier dix contre un que son mari n’aura point ces goûts-là ; si cela était cependant, la conduite est facile : beaucoup de douceur et de complaisance avec lui ; d’autre part, beaucoup de fausseté et de dédommagement en secret : ce peu
+de mots renferme tout. Si votre Eugénie pourtant désire quelques analyses des goûts de l’homme dans l’acte du libertinage, pour les examiner plus sommairement nous les réduirons à trois : la sodomie, les fantaisies sacrilèges et les goûts cruels. La première passion est universelle aujourd’hui ; nous allons joindre quelques réflexions à ce que nous en avons déjà dit. On la divise en deux classes, l’active et la passive : l’homme qui encule, soit un garçon, soit une femme, commet la sodomie active ; il est sodomite passif quand il se fait foutre. On a souvent mis en question laquelle de ces deux façons de commettre la sodomie était la plus voluptueuse : c’est assurément la passive, puisqu’on jouit à la fois de la sensation du devant et de celle du derrière ; il est si doux de changer de sexe, si délicieux de contrefaire la putain, de se livrer à un homme qui nous traite comme une femme, d’appeler cet homme son amant, de s’avouer sa maîtresse ! Ah ! mes amies, quelle volupté ! Mais, Eugénie, bornons-nous ici à quelques conseils de détail,
+uniquement relatifs aux femmes qui, se métamorphosant en hommes, veulent jouir à notre exemple de ce plaisir délicieux. Je viens de vous familiariser avec ces attaques, Eugénie, et j’en ai assez vu pour être persuadé que vous ferez un jour bien des progrès dans cette carrière. Je vous exhorte à la parcourir comme une des plus délicieuses de l’île de Cythère, parfaitement sûr que vous accomplirez ce conseil. Je vais me borner à deux ou trois avis essentiels à toute personne décidée à ne plus connaître que ce genre de plaisirs, ou ceux qui leur sont analogues. Observez d’abord de vous faire toujours branler le clitoris quand on vous sodomise : rien ne se marie comme ces deux plaisirs ; évitez le bidet ou le frottement de linge, quand vous venez d’être foutue de cette manière : il est bon que la brèche soit toujours ouverte ; il en résulte des désirs, des titillations qu’éteignent aussitôt les soins de propreté ; on n’a pas idée du point auquel les sensations se prolongent. Ainsi, quand vous serez dans le train de vous amuser de cette manière,
+Eugénie, évitez les acides : ils enflamment les hémorroïdes et rendent alors les introductions douloureuses ; opposez-vous à ce que plusieurs hommes vous déchargent de suite dans le cul : ce mélange de sperme, quoique voluptueux pour l’imagination, est souvent dangereux pour la santé ; rejetez toujours au-dehors ces différentes émissions à mesure qu’elles se font. Eugénie — Mais si elles étaient faites par-devant ne serait-ce pas un crime ? Mme de Saint-Ange — N’imagine donc pas, pauvre folle, qu’il y ait le moindre mal à se prêter de telle manière que ce puisse être à détourner du grand chemin la semence de l’homme, parce que la propagation n’est nullement le but de la nature : elle n’en est qu’une tolérance ; et lorsque nous n’en profitons pas, ses intentions sont bien mieux remplies. Eugénie, sois l’ennemie jurée de cette fastidieuse propagation, et détourne sans cesse, même en
+mariage, cette perfide liqueur dont la végétation ne sert qu’à gâter nos tailles, qu’à émousser dans nous les sensations voluptueuses, nous flétrir, nous vieillir et déranger notre santé ; engage ton mari à s’accoutumer à ces pertes ; offre-lui toutes les routes qui peuvent éloigner l’hommage du temple ; dis-lui que tu détestes les enfants, que tu le supplies de ne point t’en faire. Observe-toi sur cet article, ma bonne car, je te le déclare, j’ai la propagation dans une telle horreur que je cesserais d’être ton amie à l’instant où tu deviendrais grosse. Si, pourtant, ce malheur t’arrive, sans qu’il y ait de ta faute, préviens-moi dans les sept ou huit premières semaines, et je te ferai couler cela tout doucement. Ne crains point l’infanticide ; ce crime est imaginaire ; nous sommes toujours les maîtresses de ce que nous portons dans notre sein, et nous ne faisons pas plus de mal à détruire cette espèce de matière qu’à purger l’autre, par des médicaments, quand nous en éprouvons le besoin.
+Eugénie — Mais si l’enfant était à terme ? Mme de Saint-Ange — Fût-il au monde, nous serions toujours les maîtresses de le détruire. Il n’y a sur la terre aucun droit plus certain que celui des mères sur leurs enfants. Il n’est aucun peuple qui n’ait reconnu cette vérité : elle est fondée en raison, en principe. Dolmancé — Ce droit est dans la nature... il est incontestable. L’extravagance du système déifique fut la source de toutes ces erreurs grossières. Les imbéciles qui croyaient en Dieu, persuadés que nous ne tenions l’existence que de lui, et qu’aussitôt qu’un embryon était en maturité, une petite âme, émanée de Dieu, venait l’animer aussitôt ; ces sots, dis-je, durent assurément considérer comme un crime capital la destruction de cette petite créature, parce que, d’après eux, elle n’appartenait plus aux hommes. C’était l’ouvrage de Dieu ; elle était à Dieu : en pouvait-on disposer
+sans crime ? Mais depuis que le flambeau de la philosophie a dissipé toutes ces impostures, depuis que la chimère divine est foulée aux pieds, depuis que, mieux instruits des lois et des secrets de la physique, nous avons développé le principe de la génération, et que ce mécanisme matériel n’offre aux yeux rien de plus étonnant que la végétation du grain de blé, nous en avons appelé à la nature de l’erreur des hommes. Étendant la mesure de nos droits, nous avons enfin reconnu que nous étions parfaitement libres de reprendre ce que nous n’avions donné qu’à contre-cœur ou par hasard, et qu’il était impossible d’exiger d’un individu quelconque de devenir père ou mère s’il n’en a pas envie ; que cette créature de plus ou de moins sur la terre n’était pas d’ailleurs d’une bien grande conséquence, et que nous devenions, en un mot, aussi certainement les maîtres de ce morceau de chair, quelque animé qu’il fût, que nous le sommes des ongles que nous retranchons de nos doigts, des excroissances de chair que nous extirpons de
+nos corps, ou des digestions que nous supprimons de nos entrailles, parce que l’un et l’autre sont de nous, parce que l’un et l’autre sont à nous, et que nous sommes absolument possesseurs de ce qui émane de nous. En vous développant, Eugénie, la très médiocre importance dont l’action du meurtre était sur terre, vous avez dû voir de quelle petite conséquence doit être également tout ce qui tient à l’infanticide, commis sur une créature déjà même en âge de raison ; il est donc inutile d’y revenir : l’excellence de votre esprit ajoute à mes preuves. La lecture de l’histoire des mœurs de tous les peuples de la terre, en vous faisant voir que cet usage est universel, achèvera de vous convaincre qu’il n’y aurait que de l’imbécillité à admettre du mal à cette très indifférente action. Eugénie, d’abord à Dolmancé — Je ne puis vous dire à quel point vous me persuadez. (S’adressant ensuite à Mme de Saint-Ange.) Mais, dis-moi, ma toute bonne, t’es-tu quelquefois servie du remède que
+tu m’offres pour détruire intérieurement le fœtus ? Mme de Saint-Ange — Deux fois, et toujours avec le plus grand succès ; mais je dois t’avouer que je n’en ai fait l’épreuve que dans les premiers temps ; cependant deux femmes de ma connaissance ont employé ce même remède à mi-terme, et elles m’ont assuré qu’il leur avait également réussi. Compte donc sur moi dans l’occasion, ma chère, mais je t’exhorte à ne te jamais mettre dans le cas d’en avoir besoin : c’est le plus sûr. Reprenons maintenant la suite des détails lubriques que nous avons promis à cette jeune fille. Poursuivez, Dolmancé, nous en sommes aux fantaisies sacrilèges. Dolmancé — Je suppose qu’Eugénie est trop revenue des erreurs religieuses pour ne pas être intimement persuadée que tout ce qui tient à se jouer des objets de la piété des sots ne peut avoir aucune sorte de conséquence. Ces
+fantaisies en ont si peu qu’elles ne doivent, dans le fait, échauffer que de très jeunes têtes, pour qui toute rupture de frein devient une jouissance ; c’est une espèce de petite vindicte qui enflamme l’imagination et qui, sans doute, peut amuser quelques instants ; mais ces voluptés, ce me semble, doivent devenir insipides et froides, quand on a eu le temps de s’instruire et de se convaincre de la nullité des objets dont les idoles que nous bafouons ne sont que la chétive représentation. Profaner les reliques, les images de saints, l’hostie, le crucifix, tout cela ne doit être, aux yeux du philosophe, que ce que serait la dégradation d’une statue païenne. Une fois qu’on a voué ces exécrables babioles au mépris, il faut les y laisser, sans s’en occuper davantage ; il n’est bon de conserver de tout cela que le blasphème, non qu’il ait plus de réalité, car dès l’instant où il n’y a plus de Dieu, à quoi sert-il d’insulter son nom ? Mais c’est qu’il est essentiel de prononcer des mots forts ou sales, dans l’ivresse du plaisir, et que ceux du blasphème
+servent bien l’imagination. Il n’y faut rien épargner ; il faut orner ces mots du plus grand luxe d’expressions ; il faut qu’ils scandalisent le plus possible ; car il est très doux de scandaliser : il existe là un petit triomphe pour l’orgueil qui n’est nullement à dédaigner ; je vous l’avoue, mesdames, c’est une de mes voluptés secrètes : il est peu de plaisirs moraux plus actifs sur mon imagination. Essayez-le, Eugénie, et vous verrez ce qu’il en résulte. Étalez surtout une prodigieuse impiété, lorsque vous vous trouvez avec des personnes de votre âge qui végètent encore dans les ténèbres de la superstition ; affichez la débauche et le libertinage ; affectez de vous mettre en fille, de leur laisser voir votre gorge ; si vous allez avec elles dans les lieux secrets, troussez-vous avec indécence, laissez-leur voir avec affectation les plus secrètes parties de votre corps ; exigez la même chose d’elles ; séduisez-les, sermonnez-les, faites-leur voir le ridicule de leurs préjugés ; mettez-les ce qui s’appelle à mal ; jurez comme un homme avec elles ; si elles sont plus jeunes que vous, prenez-les
+de force, amusez-vous-en et corrompez-les, soit par des exemples, soit par des conseils, soit par tout ce que vous pourrez croire, en un mot, de plus capable de les pervertir ; soyez de même extrêmement libre avec les hommes, affichez avec eux l’irréligion et l’impudence : loin de vous effrayer des libertés qu’ils prendront, accordez-leur mystérieusement tout ce qui peut les amuser sans vous compromettre ; laissez-vous manier par eux, branlez-les, faites-vous branler ; allez même jusqu’à leur prêter le cul ; mais, puisque l’honneur chimérique des femmes tient à leurs prémices antérieures, rendez-vous plus difficile sur cela, une fois mariée, prenez des laquais, point d’amant, ou payez quelques gens sûrs : de ce moment tout est à couvert ; plus d’atteinte à votre réputation, et sans qu’on ait jamais pu vous suspecter, vous avez trouvé l’art de faire tout ce qui vous a plu. Poursuivons : Les plaisirs de la cruauté sont les troisièmes que nous nous sommes promis d’analyser.
+Ces sortes de plaisirs sont aujourd’hui très communs parmi les hommes et voici l’argument dont ils se servent pour les légitimer. Nous voulons être émus, disent-ils, c’est le but de tout homme qui se livre à la volupté, et nous voulons l’être par les moyens les plus actifs. En partant de ce point, il ne s’agit pas de savoir si nos procédés plairont ou déplairont à l’objet qui nous sert, il s’agit seulement d’ébranler la masse de nos nerfs par le choc le plus violent possible ; or, il n’est pas douteux que la douleur affectant bien plus vivement que le plaisir, les chocs résultatifs sur nous de cette sensation produite sur les autres seront essentiellement d’une vibration plus vigoureuse, retentiront plus énergiquement en nous, mettront dans une circulation plus violente les esprits animaux qui, se déterminant sur les basses régions par le mouvement de rétrogradation qui leur est essentiel alors, embraseront aussitôt les organes de la volupté et les disposeront au plaisir. Les effets du plaisir sont toujours trompeurs dans les femmes ; il est d’ailleurs
+très difficile qu’un homme laid ou vieux les produise. Y parviennent-ils ? ils sont faibles, et les chocs beaucoup moins nerveux. Il faut donc préférer la douleur, dont les effets ne peuvent tromper et dont les vibrations sont plus actives. Mais, objecte-t-on aux hommes entichés de cette manie, cette douleur afflige le prochain ; est-il charitable de faire du mal aux autres pour se délecter soi-même ? Les coquins vous répondent à cela qu’accoutumés, dans l’acte du plaisir, à se compter pour tout et les autres pour rien, ils sont persuadés qu’il est tout simple, d’après les impulsions de la nature, de préférer ce qu’ils sentent à ce qu’ils ne sentent point. Que nous font, osent-ils dire, les douleurs occasionnées sur le prochain ? Les ressentons-nous ? Non ; au contraire, nous venons de démontrer que de leur production résulte une sensation délicieuse pour nous. A quel titre ménagerions-nous donc un individu qui ne nous touche en rien ? A quel titre lui éviterions-nous une douleur qui ne nous coûtera jamais une larme, quand il est certain que de cette douleur va naître un très
+grand plaisir pour nous ? Avons-nous jamais éprouvé une seule impulsion de la nature qui nous conseille de préférer les autres à nous, et chacun n’est-il pas pour soi dans le monde ? Vous nous parlez d’une voix chimérique de cette nature, qui nous dit de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait ; mais cet absurde conseil ne nous est jamais venu que des hommes, et d’hommes faibles. L’homme puissant ne s’avisera jamais de parler un tel langage. Ce furent les premiers chrétiens qui, journellement persécutés pour leur imbécile système, criaient à qui voulait l’entendre : "Ne nous brûlez pas, ne nous écorchez pas ! La nature dit qu’il ne faut pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait." Imbéciles ! Comment la nature, qui nous conseille toujours de nous délecter, qui n’imprime jamais en nous d’autres mouvements, d’autres inspirations, pourrait-elle, le moment d’après, par une inconséquence sans exemple, nous assurer qu’il ne faut pourtant pas nous aviser de nous délecter si cela peut faire de la peine aux autres ? Ah !
+croyons-le, croyons-le, Eugénie, la nature, notre mère à tous, ne nous parle jamais que de nous ; rien n’est égoïste comme sa voix, et ce que nous y reconnaissons de plus clair est l’immuable et saint conseil qu’elle nous donne de nous délecter, n’importe aux dépens de qui. Mais les autres, vous dit-on à cela, peuvent se venger... A la bonne heure, le plus fort seul aura raison. Eh bien, voilà l’état primitif de guerre et de destruction perpétuelles pour lequel sa main nous créa, et dans lequel seul il lui est avantageux que nous soyons. Voilà, ma chère Eugénie, comme raisonnent ces gens-là, et moi j’y ajoute, d’après mon expérience et mes études, que la cruauté, bien loin d’être un vice, est le premier sentiment qu’imprime en nous la nature. L’enfant brise son hochet, mord le téton de sa nourrice, étrangle son oiseau, bien avant que d’avoir l’âge de raison. La cruauté est empreinte dans les animaux, chez lesquels, ainsi que je crois vous l’avoir dit, les lois de la nature se lisent bien plus énergiquement
+que chez nous ; elle est chez les sauvages bien plus rapprochée de la nature que chez l’homme civilisé : il serait donc absurde d’établir qu’elle est une suite de la dépravation. Ce système est faux, je le répète. La cruauté est dans la nature ; nous naissons tous avec une dose de cruauté que la seule éducation modifie ; mais l’éducation n’est pas dans la nature, elle nuit autant aux effets sacrés de la nature que la culture nuit aux arbres. Comparez dans vos vergers l’arbre abandonné aux soins de la nature, avec celui que votre art soigne en le contraignant, et vous verrez lequel est le plus beau, vous éprouverez lequel vous donnera de meilleurs fruits. La cruauté n’est autre chose que l’énergie de l’homme que la civilisation n’a point encore corrompue : elle est donc une vertu et non pas un vice. Retranchez vos lois, vos punitions, vos usages, et la cruauté n’aura plus d’effets dangereux, puisqu’elle n’agira jamais sans pouvoir être aussitôt repoussée par les mêmes voies ; c’est dans l’état de civilisation qu’elle est dangereuse, parce que l’être lésé
+manque presque toujours, ou de la force, ou des moyens de repousser l’injure ; mais dans l’état d’incivilisation, si elle agit sur le fort, elle sera repoussée par lui, et si elle agit sur le faible, ne lésant qu’un être qui cède au fort par les lois de la nature, elle n’a pas le moindre inconvénient. Nous n’analyserons point la cruauté dans les plaisirs lubriques chez les hommes ; vous voyez à peu près, Eugénie, les différents excès où ils doivent porter, et votre ardente imagination doit vous faire aisément comprendre que, dans une âme ferme et stoïque, ils ne doivent point avoir de bornes. Néron, Tibère, Héliogabale immolaient des enfants pour se faire bander ; le maréchal de Retz, Charolais, l’oncle de Condé, commirent aussi des meurtres de débauche : le premier avoua dans son interrogatoire qu’il ne connaissait pas de volupté plus puissante que celle qu’il retirait du supplice infligé par son aumônier et lui sur de jeunes enfants des deux sexes. On en trouva sept ou huit cents d’immolés dans un de ses châteaux de Bretagne.
+Tout cela se conçoit, je viens de vous le prouver. Notre constitution, nos organes, le cours des liqueurs, l’énergie des esprits animaux, voilà les causes physiques qui font, dans la même heure, ou des Titus ou des Néron, des Messaline ou des Chantal ; il ne faut pas plus s’enorgueillir de la vertu que se repentir du vice, pas plus accuser la nature de nous avoir fait naître bon que de nous avoir créé scélérat ; elle a agi d’après ses vues, ses plans et ses besoins : soumettons-nous. Je n’examinerai donc ici que la cruauté des femmes, toujours bien plus active chez elles que chez les hommes, par la puissante raison de l’excessive sensibilité de leurs organes. Nous distinguons en général deux sortes de cruauté : celle qui naît de la stupidité, qui, jamais raisonnée, jamais analysée, assimile l’individu né tel à la bête féroce : celle-là ne donne aucun plaisir parce que celui qui y est enclin n’est susceptible d’aucune recherche ; les brutalités d’un tel être sont rarement dangereuses : il est toujours facile de s’en mettre à l’abri ; l’autre espèce de cruauté, fruit de l’extrême sensibilité
+des organes, n’est connue que des êtres extrêmement délicats, et les excès où elle les porte ne sont que des raffinements de leur délicatesse ; c’est cette délicatesse, trop promptement émoussée à cause de son excessive finesse, qui, pour se réveiller, met en usage toutes les ressources de la cruauté. Qu’il est peu de gens qui conçoivent ces différences !... Comme il en est peu qui les sentent ! Elles existent pourtant, elles sont indubitables. Or, c’est ce second genre de cruauté dont les femmes sont le plus souvent affectées. Étudiez-les bien - vous verrez si ce n’est pas l’excès de leur sensibilité qui les a conduites là ; vous verrez si ce n’est pas l’extrême activité de leur imagination, la force de leur esprit qui les rend scélérates et féroces ; aussi celles-là sont-elles toutes charmantes ; aussi n’en est-il pas une seule de cette espèce qui ne fasse tourner des têtes quand elle l’entreprend ; malheureusement, la rigidité ou plutôt l’absurdité de nos mœurs laisse peu d’aliment à leur cruauté ; elles sont obligées de se cacher, de dissimuler, de couvrir
+leur inclination par des actes de bienfaisance ostensibles qu’elles détestent au fond de leur cœur ; ce ne peut plus être que sous le voile le plus obscur, avec les précautions les plus grandes, aidées de quelques amies sûres, qu’elles peuvent se livrer à leurs inclinations ; et, comme il en est beaucoup de ce genre, il en est par conséquent beaucoup de malheureuses. Voulez-vous les connaître ? annoncez-leur un spectacle cruel, celui d’un duel, d’un incendie, d’une bataille, d’un combat de gladiateurs : vous verrez comme elles accourront ; mais ces occasions ne sont pas assez nombreuses pour alimenter leur fureur : elles se contiennent et elles souffrent. Jetons un coup d’œil rapide sur les femmes de ce genre. Zingua, reine d’Angola, la plus cruelle des femmes, immolait ses amants dès qu’ils avaient joui d’elle ; souvent elle faisait battre des guerriers sous ses yeux et devenait le prix du vainqueur ; pour flatter son âme féroce, elle se divertissait à faire piler dans un mortier toutes les femmes devenues enceintes avant l’âge de trente
+ans6. Zoé, femme d’un empereur chinois, n’avait pas de plus grand plaisir que de voir exécuter des criminels sous ses yeux ; à leur défaut, elle faisait immoler des esclaves pendant qu’elle foutait avec son mari, et proportionnait les élans de sa décharge à la cruauté des angoisses qu’elle faisait supporter à ces malheureux. Ce fut elle qui, raffinant sur le genre de supplice à imposer à ses victimes, inventa cette fameuse colonne d’airain creuse que l’on faisait rougir après y avoir enfermé le patient. Théodora, la femme de Justinien, s’amusait à voir faire des eunuques ; et Messaline se branlait pendant que, par le procédé de la masturbation, on exténuait des hommes devant elle. Les Floridiennes faisaient grossir le membre de leurs époux et plaçaient de petits insectes sur le gland, ce qui leur faisait endurer des douleurs horribles ; elles les attachaient pour cette opération et se réunissaient plusieurs
+autour d’un seul homme pour en venir plus sûrement à bout. Dès qu’elles aperçurent les Espagnols, elles tinrent elles-mêmes leurs époux pendant que ces barbares Européens les assassinaient. La Voisin, la Brinvilliers empoisonnaient pour leur seul plaisir de commettre un crime. L’histoire, en un mot, nous fournit mille et mille traits de la cruauté des femmes, et c’est en raison du penchant naturel qu’elles éprouvent à ces mouvements que je voudrais qu’elles s’accoutumassent à faire usage de la flagellation active, moyen par lequel les hommes cruels apaisent leur férocité. Quelques-unes d’entre elles en usent, je le sais, mais elle n’est pas encore en usage, parmi ce sexe, au point où je le désirerais. Au moyen de cette issue donnée à la barbarie des femmes, la société y gagnerait ; car, ne pouvant être méchantes de cette manière, elles le sont d’une autre, et, répandant ainsi leur venin dans le monde, elles font le désespoir de leurs époux et de leur famille. Le refus de faire une bonne action, lorsque l’occasion s’en présente, celui de secourir l’infortune, donnent
+bien, si l’on veut, de l’essor à cette férocité où certaines femmes sont naturellement entraînées, mais cela est faible et souvent beaucoup trop loin du besoin qu’elles ont de faire pis. Il y aurait, sans doute, d’autres moyens par lesquels une femme, à la fois sensible et féroce, pourrait calmer ses fougueuses passions, mais ils sont dangereux, Eugénie, et je n’oserais jamais te les conseiller... Oh ! ciel ! qu’avez-vous donc, cher ange ?... Madame, dans quel état voilà votre élève !... Eugénie, se branlant — Ah ! sacredieu ! vous me tournez la tête... Voilà l’effet de vos foutus propos !... Dolmancé — Au secours, madame, au secours !... Laisserons-nous donc décharger cette belle enfant sans l’aider ?... Mme de Saint-Ange — Oh ! ce serait injuste ! (La prenant dans ses bras.) Adorable créature, je n’ai jamais vu une
+sensibilité comme la tienne, jamais une tête si délicieuse !... Dolmancé — Soignez le devant, madame ; je vais avec ma langue effleurer le joli petit trou de son cul, en lui donnant de légères claques sur ses fesses ; il faut qu’elle décharge entre nos mains au moins sept ou huit fois de cette manière. Eugénie, égarée — Ah ! foutre ! ce ne sera pas difficile ! Dolmancé — Par l’attitude où nous voilà, mesdames, je remarque que vous pourriez me sucer le vit tour à tour ; excité de cette manière, je procéderais avec bien plus d’énergie aux plaisirs de notre charmante élève. Eugénie — Ma bonne, je te dispute l’honneur de sucer ce beau vit. (Elle le prend.) Dolmancé — Ah ! quelles délices !... quelle chaleur voluptueuse !... Mais, Eugénie, vous comporterez-
+vous bien à l’instant de la crise ? Mme de Saint-Ange — Elle avalera... elle avalera, je réponds d’elle ; et d’ailleurs si, par enfantillage... par je ne sais quelle cause enfin... elle négligeait les devoirs que lui impose ici la lubricité... Dolmancé, très animé — Je ne lui pardonnerais pas, madame, je ne lui pardonnerais pas !... Une punition exemplaire... je vous jure qu’elle serait fouettée... qu’elle le serait jusqu’au sang !... Ah ! sacredieu ! je décharge... mon foutre coule !... Avale !... avale, Eugénie, qu’il n’y en ait pas une goutte de perdue !... Et vous, madame, soignez donc mon cul : il s’offre à vous... Ne voyez-vous donc pas comme il bâille, mon foutu cul ?... ne voyez-vous donc pas comme il appelle vos doigts ?... Foutredieu ! mon extase est complète... vous les y enfoncez jusqu’au poignet !... Ah ! remettons-nous, je n’en puis plus... cette charmante fille m’a sucé comme un ange...
+Eugénie — Mon cher et adorable instituteur, je n’en ai pas perdu une goutte. Baise-moi, cher amour, ton foutre est maintenant au fond de mes entrailles. Dolmancé — Elle est délicieuse... et comme la petite friponne a déchargé !... Mme de Saint-Ange — Elle est inondée !... Oh ! ciel ! qu’entends-je !... On frappe : qui peut venir ainsi nous troubler ?... C’est mon frère... imprudent !... Eugénie — Mais, ma chère, ceci est une trahison ! Dolmancé — Sans exemple, n’est-ce pas ? Ne craignez rien, Eugénie, nous ne travaillons que pour vos plaisirs. Mme de Saint-Ange — Ah ! nous allons bientôt l’en convaincre ! Approche, mon frère, et ris de cette petite fille qui se cache pour n’être pas vue de toi. ---- === no match === 1 Voyez les anecdotes de Procope. 2 Adam ne fut, comme Noé, qu’un restaurateur du genre humain. Un affreux bouleversement laissa Adam seul sur la terre, comme un pareil événement y laissa Noé ; mais la tradition d’Adam se perdit, celle de Noé se conserva. 3 Cet article se trouvant traité plus loin avec étendue, on s’est contenté de jeter seulement ici quelques bases du système que l’on développera bientôt. 4 Voyez Suétone et Dion Cassius de Nicée. 5 Voyez l’Histoire de Zingua, reine d’Angola. 6 Voyez l’Histoire de Zingua, reine d’Angola, par un missionnaire. </div> {{Navigateur|Deuxième Dialogue|Sade — La Philosophie dans le boudoir|Quatrième Dialogue}}
+=== Quatrième Dialogue === Madame de Saint-Ange, Eugénie, Dolmancé, Le Chevalier de Mirvel. Le Chevalier — Ne redoutez rien, je vous en conjure, de ma discrétion, belle Eugénie elle est entière ; voilà ma sœur, voilà mon ami, qui peuvent tous les deux vous répondre de moi. Dolmancé — Je ne vois qu’une chose pour terminer tout d’un coup ce ridicule cérémonial. Tiens, chevalier, nous éduquons cette jolie fille, nous lui apprenons tout ce qu’il faut que sache une demoiselle de son âge, et pour la mieux instruire, nous joignons toujours un peu de pratique à la théorie. Il lui faut le tableau d’un vit qui décharge ; c’est où nous en sommes : veux-tu nous donner le modèle ? Le Chevalier — Cette proposition est assurément trop flatteuse
+pour que je m’y refuse, et mademoiselle a des attraits qui décideront bien vite les effets de la leçon désirée. Mme de Saint-Ange — Eh bien, allons ; à l’œuvre à l’instant ! Eugénie — Oh ! en vérité, c’est trop fort ; vous abusez de ma jeunesse à un point... mais pour qui monsieur va-t-il me prendre ? Le Chevalier — Pour une fille charmante, Eugénie... pour la plus adorable créature que j’aie vue de mes jours. (Il la baise et laisse promener ses mains sur ses charmes.) Oh ! Dieu ! quels appas frais et mignons !... quels charmes enchanteurs !... Dolmancé — Parlons moins, chevalier, et agissons beaucoup davantage. Je vais diriger la scène, c’est mon droit ; l’objet de celle-ci est de faire voir à Eugénie le mécanisme de l’éjaculation ; mais, comme il est difficile qu’elle puisse observer un tel phénomène de sang-froid, nous
+allons nous placer tous quatre bien en face et très près les uns des autres. Vous branlerez votre amie, madame ; je me chargerai du chevalier. Quand il s’agit de pollution, un homme s’y entend, pour un homme, infiniment mieux qu’une femme. Comme il sait ce qui lui convient, il sait ce qu’il faut faire aux autres... Allons, plaçons-nous. (On s’arrange.) Mme de Saint-Ange — Ne sommes-nous pas trop près ? Dolmancé, s’emparant déjà du chevalier — Nous ne saurions l’être trop, madame ; il faut que le sein et le visage de votre amie soient inondés des preuves de la virilité de votre frère ; il faut qu’il lui décharge ce qui s’appelle au nez. Maître de la pompe, j’en dirigerai les flots, de manière à ce qu’elle s’en trouve absolument couverte. Branlez-la soigneusement pendant ce temps, sur toutes les parties lubriques de son corps. Eugénie, livrez votre imagination tout entière aux derniers écarts du libertinage ; songez que vous
+allez en voir les plus beaux mystères s’opérer sous vos yeux ; foulez toute retenue aux pieds : la pudeur ne fut jamais une vertu. Si la nature eût voulu que nous cachassions quelques parties de nos corps, elle eût pris ce soin elle-même ; mais elle nous a créés nus ; donc elle veut que nous allions nus, et tout procédé contraire outrage absolument ses lois. Les enfants, qui n’ont encore aucune idée du plaisir, et par conséquent de la nécessité de le rendre plus vif par la modestie, montrent tout ce qu’ils portent. On rencontre aussi quelquefois une singularité plus grande : il est des pays où la pudeur des vêtements est d’usage, sans que la modestie des mœurs s’y rencontre. A Otaïti les filles sont vêtues, et elles se troussent dès qu’on l’exige. Mme de Saint-Ange — Ce que j’aime de Dolmancé, c’est qu’il ne perd pas son temps ; tout en discourant, voyez comme il agit, comme il examine avec complaisance le superbe cul de mon frère, comme il branle voluptueusement le beau vit
+de ce jeune homme... Allons, Eugénie, mettons-nous à l’ouvrage ! Voilà le tuyau de la pompe en l’air ; il va bientôt nous inonder. Eugénie — Ah ! ma chère amie, quel monstrueux membre !... A peine puis-je l’empoigner !... Oh ! mon Dieu ! sont-ils tous aussi gros que cela ? Dolmancé — Vous savez, Eugénie, que le mien est bien inférieur ; de tels engins sont redoutables pour une jeune fille ; vous sentez bien que celui-là ne vous perforerait pas sans danger. Eugénie, déjà branlée par Mme de Saint-Ange — Ah ! je les braverai tous pour en jouir !... Dolmancé — Et vous auriez raison : une jeune fille ne doit jamais s’effrayer d’une telle chose ; la nature se prête, et les torrents de plaisirs dont elle vous comble vous dédommagent bientôt des petites douleurs qui les précèdent. J’ai vu des filles plus jeunes que vous soutenir
+de plus gros vits encore. Avec du courage et de la patience on surmonte les plus grands obstacles. C’est une folie que d’imaginer qu’il faille, autant qu’il est possible, ne faire dépuceler une jeune fille que par de très petits vits. Je suis d’avis qu’une vierge doit se livrer, au contraire, aux plus gros engins qu’elle pourra rencontrer, afin que, les ligaments de l’hymen plus tôt brisés, les sensations du plaisir puissent ainsi se décider plus promptement dans elle. Il est vrai qu’une fois à ce régime, elle aura bien de la peine à en revenir au médiocre ; mais si elle est riche, jeune et belle, elle en trouvera de cette taille tant qu’elle voudra. Qu’elle s’y tienne ; s’en présente-t-il à elle de moins gros, et qu’elle ait pourtant envie d’employer ? qu’elle les place alors dans son cul. Mme de Saint-Ange — Sans doute, et pour être encore plus heureuse, qu’elle se serve de l’un et de l’autre à la fois- que les secousses voluptueuses dont elle agitera celui qui l’enconne servent à précipiter
+l’extase de celui qui l’encule, et qu’inondée du foutre de tous deux, elle élance le sien en mourant de plaisir. Dolmancé — (Il faut observer que les pollutions vont toujours pendant le dialogue.) Il me semble qu’il devrait entrer deux ou trois vits de plus dans le tableau que vous arrangez, madame ; la femme que vous placez comme vous venez de le dire ne pourrait-elle pas avoir un vit dans la bouche et un dans chaque main ? Mme de Saint-Ange — Elle en pourrait avoir sous les aisselles et dans les cheveux, elle devrait en avoir trente autour d’elle s’il était possible ; il faudrait, dans ces moments-là, n’avoir, ne toucher, ne dévorer que des vits autour de soi, être inondée par tous au même instant où l’on déchargerait soi-même. Ah ! Dolmancé, quelque putain que vous soyez, je vous défie de m’avoir égalée dans ces délicieux combats de la luxure... J’ai fait tout ce qu’il est possible en ce genre.
+Eugénie, toujours branlée par son amie, comme le chevalier l’est par Dolmancé — Ah ! ma bonne... tu me fais tourner la tête !... Quoi ! je pourrai me livrer... à tout plein d’hommes !... Ah ! quelles délices !... Comme tu me branles, chère amie !... Tu es la déesse même du plaisir !... Et ce beau vit, comme il se gonfle !... comme sa tête majestueuse s’enfle et devient vermeille !... Dolmancé — Il est bien près du dénouement. Le Chevalier — Eugénie... ma sœur... approchez-vous... Ah ! quelles gorges divines !... quelles cuisses douces et potelées !... Déchargez !... déchargez toutes deux, mon foutre va s’y joindre !... Il coule !... ah ! sacredieu !... (Dolmancé, pendant cette crise, a soin de diriger les flots de sperme de son ami sur les deux femmes, et principalement sur Eugénie, qui s’en trouve inondée.)
+{{IllustPP|img=Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome I, 1795, illustration - 0003.png|txt=}}
+Eugénie — Quel beau spectacle !... comme il est noble et majestueux !... M’en voilà tout à fait couverte... il m’en est sauté jusque dans les yeux !... Mme de Saint-Ange — Attends, ma mie, laisse-moi recueillir ces perles précieuses ; je vais en frotter ton clitoris pour provoquer plus vite ta décharge. Eugénie — Ah ! oui, ma bonne, ah ! oui : cette idée est délicieuse... Exécute, et je pars dans tes bras. Mme de Saint-Ange — Divin enfant, baise-moi mille et mille fois !... Laisse-moi sucer ta langue... que je respire ta voluptueuse haleine quand elle est embrasée par le feu du plaisir !... Ah ! foutre ! je décharge moi-même !... Mon frère, finis-moi, je t’en conjure !... Dolmancé — Oui, chevalier... oui, branlez votre sœur.
+Le Chevalier — J’aime mieux la foutre : je bande encore. Dolmancé — Eh bien, mettez-lui, en me présentant votre cul : je vous foutrai pendant ce voluptueux inceste. Eugénie, armée de ce godemiché, m’enculera. Destinée à jouer un jour tous les différents rôles de la luxure, il faut qu’elle s’exerce, dans les leçons que nous lui donnons ici, à les remplir tous également. Eugénie, s’affublant d’un godemiché — Oh ! volontiers ! Vous ne me trouverez jamais en défaut, quand il s’agira de libertinage : il est maintenant mon seul dieu, l’unique règle de ma conduite, la seule base de toutes mes actions. (Elle encule Dolmancé.) Est-ce ainsi, mon cher maître ?... fais-je bien ?... Dolmancé — A merveille !... En vérité, la petite friponne m’encule comme un homme !... Bon ! il me semble que nous voilà parfaitement liés tous les quatre : il ne s’agit plus que d’aller.
+Mme de Saint-Ange — Ah ! je me meurs, chevalier !... Il m’est impossible de m’accoutumer aux délicieuses secousses de ton beau vit !... Dolmancé — Sacredieu ! que ce cul charmant me donne de plaisir !... Ah ! foutre ! foutre ! déchargeons tous les quatre à la fois !... Doubledieu ! je me meurs ! j’expire !... Ah ! de ma vie je ne déchargeai plus voluptueusement ! As-tu perdu ton sperme, chevalier ? Le Chevalier — Vois ce con, comme il en est barbouillé. Dolmancé — Ah ! mon ami, que n’en ai-je autant dans le cul ! Mme de Saint-Ange — Reposons-nous, je me meurs. Dolmancé, baisant Eugénie — Cette charmante fille m’a foutu comme un dieu.
+Eugénie — En vérité j’y ai ressenti du plaisir. Dolmancé — Tous les excès en donnent quand on est libertine, et ce qu’une femme a de mieux à faire, est de les multiplier au-delà même du possible. Mme de Saint-Ange — J’ai placé cinq cents louis chez un notaire pour l’individu quelconque qui m’apprendra une passion que je ne connaisse pas, et qui puisse plonger mes sens dans une volupté dont je n’aie pas encore joui. Dolmancé — (Ici les interlocuteurs, rajustés, ne s’occupent plus que de causer.) Cette idée est bizarre et je la saisirai, mais je doute, madame, que cette envie singulière, après laquelle vous courez, ressemble aux minces plaisirs que vous venez de goûter. Mme de Saint-Ange — Comment donc ? Dolmancé — C’
+est qu’en honneur, je ne connais rien de si fastidieux que la jouissance du con, et quand une fois, comme vous, madame, on a goûté le plaisir du cul, je ne conçois pas comment on revient aux autres. Mme de Saint-Ange — Ce sont de vieilles habitudes. Quand on pense comme moi, on veut être foutue partout et, quelle que soit la partie qu’un engin perfore, on est heureuse quand on l’y sent. Je suis pourtant bien de votre avis, et j’atteste ici à toutes les femmes voluptueuses que le plaisir qu’elles éprouveront à foutre en cul surpassera toujours de beaucoup celui qu’elles éprouveront à le faire en con. Qu’elles s’en rapportent sur cela à la femme de l’Europe qui l’a le plus fait de l’une et de l’autre manière : je leur certifie qu’il n’y a pas la moindre comparaison, et qu’elles reviendront bien difficilement au devant quand elles auront fait l’expérience du derrière. Le Chevalier — Je ne pense pas tout à fait de même. Je
+me prête à tout ce qu’on veut, mais, par goût, je n’aime vraiment dans les femmes que l’autel qu’indiqua la nature pour leur rendre hommage. Dolmancé — Eh bien ! mais, c’est le cul ! Jamais la nature, mon cher chevalier, si tu scrutes avec soin ses lois, n’indiqua d’autres autels à notre hommage que le trou du derrière ; elle permet le reste, mais elle ordonne celui-ci. Ah ! sacredieu ! si son intention n’était pas que nous foutions des culs, aurait-elle aussi justement proportionné leur orifice à nos membres ? Cet orifice n’est-il pas rond comme eux ? Quel être assez ennemi du bon sens peut imaginer qu’un trou ovale puisse avoir été créé par la nature pour des membres ronds ! Ses intentions se lisent dans cette difformité ; elle nous fait voir clairement par là que des sacrifices trop réitérés dans cette partie, en multipliant une propagation dont elle ne fait que nous accorder la tolérance, lui déplairaient infailliblement. Mais poursuivons notre
+éducation. Eugénie vient de considérer tout à l’aise le sublime mystère d’une décharge ; je voudrais maintenant qu’elle apprît à en diriger les flots. Mme de Saint-Ange — Dans l’épuisement où vous voilà tous deux, c’est lui préparer bien de la peine. Dolmancé — J’en conviens, aussi voilà pourquoi je désirerais que nous puissions avoir, dans votre maison ou dans votre campagne, quelque jeune garçon bien robuste, qui nous servirait de mannequin, et sur lequel nous pourrions donner des leçons. Mme de Saint-Ange — J’ai précisément votre affaire. Dolmancé — Ne serait-ce point par hasard un jeune jardinier, d’une figure délicieuse, d’environ dix-huit ou vingt ans, que j’ai vu tout à l’heure travaillant à votre potager ? Mme de Saint-Ange — Augustin ! Oui, précisément, Augustin,
+dont le membre a treize pouces de long sur huit et demi de circonférence ! Dolmancé — Ah ! juste ciel ! quel monstre !... et cela décharge ?... Mme de Saint-Ange — Oh ! comme un torrent !... Je vais le chercher.