Utilisateur:FreeCorp/Brouillon/EncyclopedieTome02-Ajutage

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 92-241).

fixe la signification de ante. J’ai dit qu’en ces occasions ce n’étoit que par un usage arbitraire que l’on donnoit au nom déterminant la terminaison de l’accusatif ; car au fond ce n’est que la valeur du nom qui détermine la préposition : & comme les noms Latins & les noms Grecs ont différentes terminaisons, il falloit bien qu’alors ils en eussent une ; or l’usage a consacré la terminaison de l’accusatif après certaines prépositions, & celle de l’ablatif après d’autres ; & en Grec il y a des prépositions qui se construisent aussi avec le génitif.

Le troisieme usage de l’accusatif est d’être le suppôt de l’infinitif, comme le nominatif l’est avec les modes finis ; ainsi comme on dit à l’indicatif Petrus legit, Pierre lit, on dit à l’infinitif Petrum legere, Pierre lire, ou Petrum legisse, Pierre avoir lû. Ainsi la construction de l’infinitif se trouve distinguée de la construction d’un nom avec quelqu’un des autres modes ; car avec ces modes le nom se met au nominatif.

Que si l’on trouve quelquefois au nominatif un nom construit avec un infinitif, comme quand Horace a dit patiens vocari Cæsaris ultor, au lieu de patiens te vocari ultorem ; c’est ou par imitation des Grecs qui construisent indifféremment l’infinitif, ou avec un nominatif, ou avec un accusatif, ou bien c’est par attraction ; car dans ce passage d’Horace, ultor est attiré par patiens, qui est au même cas que filius Maiæ : tout cela se fait par le rapport d’identité. Voyez Construction.

Pour épargner bien des peines, & pour abreger bien des regles de la méthode ordinaire au sujet de l’accusatif, observez :

1°. Que lorsqu’un accusatif est construit avec un infinitif, ces deux mots forment un sens particulier équivalent à un nom, c’est-à-dire, que ce sens seroit exprimé en un seul mot par un nom, si un tel nom avoit été introduit & autorisé par l’usage. Par exemple, pour dire Herum esse semper lenem, mon maître est toûjours doux, Terence a dit heri semper lenitas.

2°. D’où il suit que comme un nom peut être le sujet d’une proposition, de même ce sens total exprimé par un accusatif avec un infinitif, peut aussi être, & est souvent le sujet d’une proposition.

En second lieu, comme un nom est souvent le terme de l’action qu’un verbe actif transitif signifie, de même le sens total énoncé par un nom avec un infinitif est aussi le terme ou objet de l’action que ces sortes de verbes expriment. Voici des exemples de l’un & de l’autre, & premierement du sens total qui est le sujet de la proposition, ce qui, ce me semble, n’est pas assez remarqué. Humanam rationem proecipitationi & præjudicio esse obnoxiam satis compertum est. Cailly, Phil. Mot à mot, l’entendement humain être sujet à la précipitation & au préjugé est une chose assez connue. Ainsi la construction est : hoc, nempe humanam rationem esse obnoxiam proecipitationi & præjudicio, est χρήμα seu negotium satis compertum. Humanam rationem esse obnoxiam proecipitationi & præjudicio, voilà le sens total qui est le sujet de la proposition ; est satis compertum en est l’attribut.

Caton dans Lucain, Liv. II. v. 288. dit que s’il est coupable de prendre le parti de la République, ce sera la faute des Dieux. Crimen erit Superis & me fecisse nocentem. Hoc, nempe Deos fecisse me nocentem, de m’avoir fait coupable, voilà le sujet dont l’attribut est erit crimen Superis. Plaute, Miles gl. act. III. scen. j. v. 109. dit que c’est une conduite loüable pour un homme de condition qui est riche, de prendre soin lui-même de l’éducation de ses enfans ; que c’est élever un monument à sa maison & à lui-même. Laus est magno in genere & in divitiis maximis liberos, hominem educare, generi monumentum & sibi. Construisez, hominem constitutum magno in genere & divitiis maximis educare liberos, monumentum generi & sibi, hoc, inquam, est laus ; ainsi est laus est l’attribut, & les mots qui précédent font un sens total, qui est le sujet de la proposition.

Il y a en François & dans toutes les langues un grand nombre d’exemples pareils ; on en doit faire la construction suivant le même procédé. Il est doux de trouver dans un amant qu’on aime, un époux que l’on doit aimer, Quinault. Il, illud, à savoir l’avantage, le bonheur de trouver dans un amant qu’on aime un époux que l’on doit aimer. Voilà un sens total, qui est le sujet de la proposition ; on dit de ce sens total, de ce bonheur, de ce il, qu’il est doux ; ainsi est doux, c’est l’attribut.

Quàm bonum est correptum manifestare pœnitentiam ! est negotium quàm bonum. Eccli, c. xx. v. 4. construisez : Hoc, nempe hominem correptum manifestare pœnitentiam, est negotium quàm bonum ! Il est beau pour celui qu’on reprend de quelque faute, de faire connoître son repentir. Il vaut mieux pour un esclave d’être instruit que de parler, plus scire satius est quàm loqui hominem servum. Plaute, act. I. scen. j. v. 57. construisez : Hoc, nempe hominem servum plus scire, est satius quam hominem servum loqui. Homines esse amicos Dei, quanta est dignitas ! Qu’il est glorieux pour les hommes, dit Saint Grégoire le Grand, d’être les amis de Dieu ! où vous voyez que le sujet de la proposition est ce sens total, homines esse amicos Dei. Le même procédé peut faire la construction en François, & dans quelqu’autre Langue que ce puisse être. Il, illud, à savoir d’être les amis de Dieu, est combien glorieux pour les hommes ! Mihi semper placuit non Rege solum, sed regno liherari Rempublicam. Lett. VII. de Brutus à Ciceron. Hoc, scilicet Rempublicam liberari non solum, à Rege, sed regno, placuit mihi. J’ai toûjours souhaité que la République fût délivrée non-seulement du Roi, mais même de l’autorité royale.

Je pourrois rapporter un bien plus grand nombre d’exemples pareils d’accusatifs qui forment avec un infinitif un sens qui est le sujet d’une proposition : passons à quelques exemples où le sens formé par un accusatif & un infinitif, est le terme de l’action d’un verbe actif transitif.

A l’égard du sens total, qui est le terme de l’action d’un verbe actif, les exemples en sont plus communs. Puto te esse doctum ; mot à mot, je crois toi être sçavant ; & selon notre construction usuelle, je crois que vous êtes savant. Sperat se palmam esse relaturum, il espere soi être celui qui doit remporter la victoire, il espere qu’il remportera la victoire.

La raison de ces accusatifs Latins est donc qu’ils forment un sens qui est le terme de l’action d’un verbe actif ; c’est donc par l’idiotisme de l’une & de l’autre Langue qu’il faut expliquer ces façons de parler, & non par les regles ridicules du que retranché.

A l’égard du François, nous n’avons ni déclinaison ni cas ; nous ne faisons usage que de la simple dénomination des noms, qui ne varient leur terminaison que pour distinguer le pluriel du singulier. Les rapports ou vûes de l’esprit que les Latins font connoître par la différence de la terminaison d’un même nom, nous les marquons, ou par la place du mot, ou par le secours des prépositions. C’est ainsi que nous marquons le rapport de l’accusatif en plaçant le nom après le verbe. Auguste vainquit Antoine, le travail surpassoit la matiere. Il n’y a sur ce point que quelques observations à faire par rapport aux pronoms. Voyez Article, Cas, Construction. (F)

ACCUSATION, s. f. en Droit, est la délation d’un crime ou délit faite en Justice, ou par une partie privée, ou par la Partie Publique, c’est-à-dire, le Procureur Général ou son Substitut. Voyez Action & Information. Ce mot vient du Latin accusatio, qui signifie la même chose.

Chez les Romains il n’y avoit point d’accusateur public pour les crimes publics : chaque particulier, soit qu’il y fût intéressé ou non, en pouvoit poursuivre la vindicte : mais l’accusation des crimes privés n’étoit recevable qu’en la bouche de ceux qui y avoient intérêt. Personne, par exemple, ne pouvoit accuser une femme d’adultere que son mari ; & cette loi s’observe encore parmi nous, au moins dans ce cas particulier. Voyez Adultere.

Le terme d’accusation n’avoit lieu même qu’à l’égard des crimes publics : la poursuite d’un crime ou délit particulier s’appelloit simplement action. Voyez Action.

Caton le plus honnête homme de son siecle fut accusé quarante-deux fois, & absous autant de fois. Voyez Absolution.

Quand l’accusé accuse son accusateur, cela s’appelle récrimination, laquelle n’est point admise que l’accusé n’ait commencé par se purger. Voyez Récrimination.

Les lois cruelles de l’inquisition exigent de l’accusé qu’il s’accuse lui-même du crime qu’on lui impute. Voyez Inquisition.

C’étoit autrefois la coûtume dans quelques parties de l’Europe, lorsque l’accusation étoit grave, qu’on la décidât par le combat, ou qu’on obligeât l’accusé à se purger par serment ; serment qui néanmoins ne suffisoit pas pour le purger, à moins qu’un certain nombre de ses voisins ou de ses connoissances ne jurassent conjointement avec lui. Voyez Duel, Combat, Serment, Purgation, &c.

C’est sans doute par une suite de cet usage qui a été long-tems en vigueur en Angleterre, qu’on y appelle encore celui qui s’intéressant à la personne d’un mort, se porte accusateur du meurtrier, appellant, & l’accusé appellé. (H)

ACCUSÉ, en Droit, est celui qu’on poursuit en Justice pour la réparation d’un crime qu’on lui impute. Il est de l’essence de la procédure criminelle, qu’il soit entendu avant que d’être jugé, si ce n’est qu’il soit contumax ou refuse de répondre ; auxquels cas, après l’avoir sommé de se représenter ou de répondre, on passe outre au jugement du procès. Il doit répondre présent & en personne, & non pas par Procureur, si ce n’est qu’il ne sût pas le François, auquel cas on lui adjoindroit un Interprete qui expliqueroit ses réponses au Juge. Voyez Interprete, Muet, & Contumax.

Il n’est point reçu à user de récrimination, qu’il n’ait purgé l’accusation contre lui intentée.

L’accusé meurt integri statûs, c’est-à-dire, sans flétrissure, lorsqu’il meurt avant le jugement de son procès, nonobstant que les informations fussent achevées & qu’elles fussent concluantes contre lui ; nonobstant même qu’il fût déja condamné par les premiers Juges, pourvu que l’appel n’ait point encore été confirmé par des Juges souverains, si ce n’est que l’accusation ait pour objet un crime de lese-Majesté. Et par conséquent ses biens ne sont pas sujets en ce cas à confiscation : ce qui n’empêche pourtant pas que la Partie civile ne puisse répéter ses dommages & interêts contre les héritiers ; lesquels n’ont d’autre moyen de s’en faire décharger, que de purger la mémoire du défunt. Voyez Mémoire.

Un Ecclésiastique accusé ne peut point résigner, quand le crime emporte la privation de son bénéfice. (H).

ACCUTS, terme de Chasse, se dit des endroits les plus réculés des terriers des renards & des blereaux ; & aussi des lieux les plus enfoncés, où l’on oblige le gibier de se retirer.

Accuts, sont aussi les bouts des forêts & des grands pays de bois.

ACÉ, s. f. (Geog. anc.) ville de Phénicie. Voyez Ptolemais.

ACENSE, s. f. terme de Coûtumes, est un héritage ou ferme qu’on tient d’un Seigneur, moyennant un cens ou autre pareille redevance annuelle à perpétuité ou à longues années, comme en vertu d’un bail emphitéotique ou d’un bail à tente. (H)

ACENSEMENT, s. m. terme de Coûtumes, tenue ou tenure d’un fonds ou d’un héritage à titre d’acense. Voyez ci-dessus Acense. (H)

ACEPHALE, s. m. ἀκέφαλος, qui n’a point de chef ou de tête, mot formé du grec, savoir d’ privatif & de κεφαλὴ, tête. On l’emploie dans le sens propre pour exprimer des êtres vivans sans tête, s’il en existe ; car il paroît que c’est sans fondement que les anciens Naturalistes ont avancé qu’il y avoit des peuples entiers agissans sans cette partie du corps humain. Pline les nomme les Blemmyes. Borel, savant Medecin, a refuté cette fable, sur la relation d’un Voyageur, son parent. Mais on trouve souvent des insectes & des vers qui vivent sans tête. V. Vers.

Acéphale se dit plus ordinairement dans un sens figuré d’un corps sans chef. Ainsi l’on appelle acephales des Prêtres qui se soustrayent à la discipline & à la jurisdiction de leur Evêque, & des Evêques qui refusent de se soûmettre à celle de leur Patriarche. Voyez Exemption & Privilége.

On a encore donné ce nom aux Monasteres ou Chapitres indépendans de la jurisdiction des Evêques ; sur quoi Geoffroi, Abbé de Vendome, fit cette réponse au commencement du XII. siecle : « Nous ne sommes point acéphales, puisque nous avons Jesus-Christ pour chef, & après lui le Pape ». Raison illusoire, puisque non-seulement tout le Clergé, mais encore les Laïcs auroient pû la prétexter pour se soustraire à la jurisdiction des Ordinaires. Aussi les Conciles & les Capitulaires de nos Rois prononcent-ils des peines très-grieves contre les Clercs acéphales.

L’Histoire Ecclésiastique fait mention de plusieurs Sectes désignées par le nom d’acéphales. De ce nombre sont, 1°. ceux qui ne voulurent adhérer ni à Jean, Patriarche d’Antioche, ni à S. Cyrille d’Alexandrie, dans la dispute qu’ils eurent après l’Assemblée du Concile d’Ephese : 2°. certains Hérétiques du cinquieme siecle, qui suivirent d’abord les erreurs de Pierre Mongus, Evêque d’Alexandrie, puis l’abandonnerent, parce qu’il avoit feint de souscrire aux décisions du Concile de Chalcedoine ; ils soûtenoient les erreurs d’Eutychés : (V. Eutychien) 3°. les Sectateurs de Severe, Evêque d’Antioche, & généralement tous ceux qui refusoient d’admettre le Concile de Chalcedoine. Voyez Severiens.

Quelques Jurisconsultes appellent aussi acéphales les pauvres gens qui n’ont aucun Seigneur propre, parce qu’ils ne possedent aucun héritage, à raison duquel ils puissent relever du Roi, d’un Baron, d’un Evêque, ou autre Seigneur féodal. Ainsi dans les lois d’Henri I. Roi d’Angleterre, on entend par acéphales, les citoyens qui, ne possédant aucun domaine, ne relevent d’aucun Seigneur en qualité de vassaux. Du Cange, Glossar. Latinit (G)

ACERBE, adj. espece de saveur mixte qui consiste en un goût sûr, avec une pointe piquante & astringente. Voyez Goust.

Tel est le goût des poires, du raisin & de la plûpart des autres fruits avant leur maturité. Voyez Fruit, &c.

Les Medecins entendent ordinairement par acerbe une saveur intermédiaire entre l’acide & l’amer. Voyez Acide & Astringent.

* ACERENZA ou CIRENZA, s. ville du Royaume de Naples, capitale de la Basilicate sur le Branduno, au pié de l’Apennin. Longit. 33. 40. latit. 40. 48.

ACERER, v. adj. (Serrurerie & Taillanderie) c’est souder un morceau d’acier à l’extrémité d’un morceau de fer ; on pratique cette opération dans tous les outils tranchans qui servent à couper des matieres dures.

On acere de différentes manieres. S’il s’agit d’un marteau soit de la tête soit de la panne, on commence par corroyer un morceau d’acier de la largeur & de la forme de la tête du marteau ; puis on le soude à un morceau de fer menu de la même forme. Ensuite on fait chauffer la tête du marteau & cette acérure, & on soude le tout ensemble comme il sera dit à l’article Souder. On ne pratique l’acérure avec le fer que pour conserver à l’acier sa qualité. Il y a des ouvriers qui pour s’épargner de la peine, s’en dispensent & n’en font pas mieux. S’il s’agit de la panne, on peut employer la même façon : mais ordinairement on fend le côté de la panne du marteau, & on y insere un morceau d’acier amorcé en forme de coin.

Les deux premieres façons d’acérer s’appellent acérer à chaude portée.

Il vaut mieux se servir de la troisieme façon, autant qu’il est possible, parce que la chaude portée est sujette à se dessouder à cause des crasses qui se trouvent souvent prises entre les deux surfaces appliquées, quelque précaution que l’on prenne.

On voit Planche I. du Taillandier, Fig. u. un marteau de Tailleur de Pierre fendu en pié de biche par son extrémité supérieure, & prêt à recevoir l’acérure.

Le morceau d’acier x fait en coin s’appelle l’acérure. Ce morceau se met dans la fente en pié de biche du marteau, & s’y soude. Alors on dit que le marteau est acéré ou aciéré.

Pour acérer un tas, on prend d’abord un morceau d’acier plat ; on le roule, comme on voit, Planche 1. du Taillandier. Quand il est ainsi roulé, on le soude bien, & on lui donne la forme quarrée qu’on lui voit en H où il est soudé avec le morceau d’acier G 2 qu’on appelle une mise. Ainsi la mise se trouve entre le tas & son acérure, comme on voit Fig. 1. Voyez, quant à l’assemblage de ces parties, l’article Tas.

* ACERNO ou ACIERNO, s. ville d’Italie dans le Royaume de Naples. Long. 31. 58. lat. 40. 55.

* ACERRA, s. petite ville d’Italie au Royaume de Naples dans la Terre de Labour. Long. 31. 58. lat. 40. 55.

ACERIDES est un emplâtre fait sans cire, comme celui qu’on appelle emplastrum Norimbergense. Il entre de la cire dans l’emplâtre de Nuremberg de la Pharmacopée de Paris, & il n’en entre point dans la véritable recette. (N)

ACERRE, s. f. du latin Acerra. Chez les Romains c’étoit une espece d’autel dressé près du lit d’un mort sur lequel les parens & les amis du défunt brûloient perpétuellement de l’encens jusqu’au moment des funérailles. (G)

ACERSOCOME, adj. pris subst. nom d’Apollon qui veut dire à longue chevelure, parce qu’on représente ordinairement ce Dieu avec la chevelure d’un jeune homme. (G)

ACERURE, s. f. (Serrurerie & Taillanderie.) On donne ce nom aux morceaux d’acier préparés pour être soudés à l’extrémité de morceaux de fer, ou autrement, suivant le besoin, & comme on voit à l’article Acerer.

* ACESTIDES, s. f. (Hist. nat. & Minéralog. anc.) nom que les anciens donnoient aux cheminées des fourneaux à fondre le cuivre. Elles alloient en se rétrécissant du bas au sommet, afin que les vapeurs du métal en fusion s’y attachassent & que la cadmie s’y formât en plus grande quantité. Voyez Dioscoride, Saumaise.

ACESCENCE (Medecine.) disposition à l’acidité. On appelle liqueurs & médicamens acescens tous ceux qui affectent les organes du goût d’une aigreur piquante. Voyez Acides.

* ACESIOS, ou qui rend la santé, (Myth.) surnom de Telesphore, Dieu de la Medecine.

* ACHEIROPOEETE, (Théol. & Hist. mod.) qui n’est pas fait avec la main. C’est le nom d’une Image de J. C. qui est à Rome dans l’église de Saint-Jean de Latran, & qu’on dit que S. Luc ébaucha & que les Anges acheverent.

ACETABULE, s. m. (Hist, nat.) On avoit mis l’acétabule au rang des plantes marines : mais on a reconnu qu’il appartient au regne animal, & qu’il est produit par des insectes de mer. En effet cette production ne paroît pas analogue aux plantes par la substance qui est pierreuse : mais elle en est moins éloignée par sa figure. C’est un petit bassin fait en forme de cone renversé qui tient par sa pointe à un pédicule fort mince & assez long. Il y a plusieurs de ces pédicules qui semblent sortir d’une pierre, ou d’une coquille, ou d’une autre matiere dure sur laquelle ils sont collés. Cette apparence jointe à d’autres circonstances avoit induit en erreur sur la nature de l’Acétabule & de bien d’autres prétendues plantes marines, jusqu’à ce que M. Peyssonel ait découvert qu’elles étoient des productions animales. Voyez Polipier de mer, Plantes marines. (I)

Acetabule, en Anatomie, s’emploie pour désigner dans certains os une cavité profonde destinée à recevoir les grosses têtes d’autres os qui s’y articulent.

C’est ainsi que la cavité de l’os des iles qui reçoit la tête du fémur ou os de la cuisse, est appellée acetabule, & quelquefois cotyle ou cavité cotyloïde. Voyez Os des Iles, Femur, Cotyle, &c.

L’acetabule est revêtu & tapissé d’un cartilage dont le bord circulaire est appellé sourcil ; au fond de cette cavité est une grosse glande mucilagineuse.

Acetabule est aussi employé par les Anatomistes dans le même sens que cotyledon. Voyez Cotyledon. (L)

Acetabule (Hist. anc.) du mot latin acetabulum, petit vase ou burette que chez les Anciens on mettoit sur la table rempli de quelque sauce ou assaisonnement, & semblable à nos salieres, saucieres, huiliers & vinaigriers. On doit principalement le déterminer à cette derniere espece, puisqu’Agricola, Traité des mesures Romaines, tire l’étymologie d’acetabulum, d’acetum, vinaigre : d’autres prétendent que c’étoit un vase en compartiment, qui contenoit diverses sortes d’épices.

Acetabule étoit aussi une mesure Romaine dont on se servoit pour les choses liquides, & même pour les seches, particulierement en Medecine. Cette sorte de mesure contenoit un cyathe, comme le prouve Agricola par deux vers de Fannius, qui, parlant du cyathe, dit qu’il contient le poids de dix dragmes, & l’oxybaphe ou acetabule, celui de quinze.

Bis quinque hunc (cyathum) faciunt drachmæ, si appendere tentes ;
Oxybaphus fiet, si quinque addantur ad illas.

Du Pinet, dans son Traité des mesures antiques, mis à la tête de sa traduction de Pline, prétend que l’acetabule d’huile pesoit deux onces & deux scrupules ; l’acetabule de vin, deux onces deux dragmes un grain & un tiers de grain ; l’acetabule de miel, trois onces trois dragmes un scrupule & deux siliques ou huit grains. (G)

ACETUM radicatum (Chimie.) c’est la partie la plus acide du vinaigre, après qu’on en a tiré le phlegme. Voyez Vinaigre radical. (M)

* ACHAIE, s. m. (Geog. anc.) C’est le nom d’une ancienne Province de Grece, située entre la Thessalie, l’Epire, le Péloponese & la mer Ægée, & qu’on nomme aujourd’hui Livadie ou la Province du Péloponese, qui s’appelle maintenant le Duché de Clarence.

* ACHAIENS ou ACHÉES ou ACHÉENS, s. m. Peuples anciens de l’Achaie. Voyez Achaie.

ACHALANDER (Commerce) attirer les Marchands, accréditer, mettre une boutique, un magasin en réputation, y faire venir les chalans. Voyez Chaland.

Achalandé, Achalandée, qui a des chalands. Il se dit également du marchand & de la boutique. Un marchand achalandé est celui qui fait un grand débit. Une boutique achalandée est celle où il vient quantité de marchands pour acheter des marchandises. (G)

* ACHAM ou AZEM ou ASEM, s. Royaume d’Asie, dans la partie septentrionale des Etats du Roi d’Ava.

ACHAMECH, que quelques-uns écrivent acamech, d’autres acemech, signifie, selon quelques Chimistes, l’écume de l’argent, ou la litharge d’argent. Voyez Litharge, &c. (M)

* ACHANACA, s. (Hist. nat. & Bot.) plante qui croît en Afrique, au Royaume de Meli, qui a la feuille grande, & semblable à celle du chou, mais moins épaisse & avec une côte plus menue. Elle porte un fruit gros comme un œuf & de couleur jaune, que les naturels du pays nomment alfar ou fach. Sa feuille & son fruit sont des sudorifiques, qu’ils emploient dans les maladies vénériennes. Cette description seroit passable pour des Africains : mais elle est insuffisante & mauvaise pour nous. C’est une réflexion qu’on n’a que trop souvent occasion de faire sur la Botanique des plantes étrangeres.

ACHANE, s. f. (Hist. anc.) ἄχανη, ancienne mesure de blé, usitée en Perse, qui contenoit quarante-cinq médimnes attiques. Arbuthhn. Dissertat. p. 104. (G)

ACHARNAR, en Astronomie, est le nom d’une étoile de la premiere grandeur, à l’extrémité australe de la constellation appellée Eridan. V. Eridan. (O)

ACHARNER, v. act. (Chasse & Fauc.) On acharne les chiens en leur donnant le goût & l’appétit de la chair. On dit acharner l’oiseau sur le tiroir, soit au poing avec le tiroir, ou en attachant le tiroir au leurre. Voyez Tiroir & Leurre.

ACHAT, s. m. (Commerce.) C’est l’acquisition d’une chose moyennant le payement de sa valeur. Achat se prend aussi pour la chose achetée. Vente est le contraire d’achat ; & acheteur est opposé à vendeur.

On appelle Livre d’achat un Livre particulier dont les Marchands se servent pour écrire journellement toutes les marchandises qu’ils achetent. V. Livres. (G)

Achat, (Jurisprud.) est l’acquisition d’un effet ou mobilier ou immobilier, moyennant une somme à laquelle il a été estimé entre les parties à l’amiable, ou prisé judiciairement. Le consentement de l’acheteur est ce qui rend parfait l’achat. L’achat & la vente ne sont qu’une même sorte de contrat considéré par rapport aux différentes parties contractantes : car il ne sauroit y avoir d’achat sans vente, ni de vente sans achat. C’est pourquoi ce contrat est appellé dans le Droit civil d’un même nom, emptio-venditio.

Ce qu’on dit proverbialement qu’achat passe loüage, signifie que le nouvel acquéreur d’une maison ou autre héritage est le maître de déposséder le locataire ou le fermier. (H)

ACHE, s. f. est une plante potagere qui est un vrai persil : on en compte de quatre sortes : l’ache ou persil de Macédoine ; l’ache de jardin ou persil ordinaire ; l’ache de montagne, qui est celle qui s’éleve le plus haut ; l’ache de marais, que d’autres nomment l’ache royale.

Cette derniere plante se cultive dans les jardins. Ses feuilles ressemblent à celles du persil, & poussent une tige d’un pié de haut, d’où naissent des fleurs en Juillet & Août faites en ombelles, de couleur jaune ou blanche, composées de cinq feuilles disposées en rose. A la place de ces fleurs croît un fruit qui renferme deux graines qui en multiplient l’espece, ainsi que ses racines éclatées dont on se sert le plus ordinairement.

Cette plante aime une terre humide & substantielle, avec peu de soleil. On mange ses racines crues & cuites.

Il y a encore une ache fort cultivée dans les jardins, qui est appellée celleri. Voyez Celleri. (K)

* Apium palustre, & apium officinarum (C. B. Pin. 154.) Cette plante est amere, acre, aromatique : elle contient beaucoup de sel volatil huileux, dont le sel ammoniac n’est pas entierement décomposé, mais dissous dans beaucoup de phlegme & uni avec beaucoup de terre. Mém. de l’Acad. Royale des Sciences. On en tire par l’analyse chimique, outre plusieurs liqueurs acides, beaucoup de soufre, beaucoup de terre, assez d’esprit urineux, & un peu de sel volatil concret : c’est pourquoi elle est apéritive, diurétique, sudorifique, fébrifuge, vulnéraire. On fait prendre six onces du suc de ses feuilles dans le commencement du frisson de l’accès des fievres intermittentes : on couvre le malade ; & il sue ordinairement.

Un gros d’extrait de feuilles d’ache avec deux gros de kinkina, est un excellent remede contre la fievre quarte, & toutes celles qui naissent d’obstructions au bas-ventre. On peut substituer le suc d’ache à celui de cochléaria, dans le scorbut, & quand il faut fortifier les gencives & nettoyer les ulceres de la bouche. On en bassine le cancer & les ulceres extérieurs. On emploie la racine d’ache en tisane, dans les bouillons, dans les apozèmes & dans les sirops propres à désopiler. C’est une des cinq apéritives. Pour faire passer le lait, faites bouillir égale partie de feuilles d’ache & de mente dans du saindoux, passez par un tamis ; saupoudrez ce qui sera passé avec les semences d’ache pulvérisées. Cette plante se trouve le long des fossés & des ruisseaux.

* ACHÉENNE, adj. pris subst. (Myth.) surnom qu’on donna à Cérès à cause de la douleur qu’elle ressentit de l’enlevement de Proserpine sa fille. Cérès achéenne, c’est-à-dire, Cérès la triste ou la désolée.

ACHÉES, s. m. (Pêche.) On donne ce nom & celui de laiche à certains vers qui servent à nourrir des oiseaux, ou à faire des appats pour la pêche ; & comme il est quelquefois assez difficile d’en trouver, voici divers moyens pour en avoir presqu’en toutes les saisons de l’année.

Le premier est de s’en aller dans un pré ou autre lieu rempli d’herbes, où l’on jugera qu’il peut y avoir de cette sorte de vers ; là il faut, sans sortir d’une place, danser ou plutôt trépigner des piés environ un demi quart d’heure sans s’arrêter ; vous verrez les vers sortir de terre tout autour de vous ; vous les amasserez, non à mesure qu’ils sortiront, mais quand ils seront tous dehors ; car si vous vous arrêtez un moment, ils rentreront dans la terre.

Le deuxieme moyen s’emploie lorsqu’il y a des noix vertes sur les noyers : prenez-en un quarteron ou deux, ayez un seau plein d’eau, & une brique ou thuile sur laquelle vous raperez la broue de vos noix, tenant la brique & les noix dans le fond de l’eau : lorsque vous aurez tout rapé, l’eau sera amere ; répandez cette eau ; s’il y a des vers, ils sortiront dans un quart d’heure.

On fait la même chose avec des feuilles de noyer ou de chanvre qu’on fait bouillir, & on répand sur la terre l’eau dans laquelle les feuilles ont bouilli.

On fait encore bouillir du verd de gris dans un peu de vinaigre, & on en arrose la terre.

Enfin vous trouverez des achées aisément la nuit, ayant une lanterne sourde, & marchant doucement dans un jardin le long des allées, ou dans un pré où il n’y aura plus d’herbes, quand il aura plû ou après un brouillard. Quand il fait sec, les achées ne sortent de leurs trous que dans les lieux humides, & à l’abri du vent & du soleil.

Autre moyen : c’est de planter d’environ un pié un gros bâton dans un endroit d’un pré humide, & de remuer la terre pendant un demi quart d’heure en agitant le bâton en tout sens : l’ébranlement de la terre fera sortir les vers.

* ACHELAÉ, n. p. f. (Myth.) nom d’une des Harpies. On lui donne pour sœurs Alope & Ocypete.

* ACHEM ou ACHEN, s. ville capitale du Royaume du même nom, dans la partie septentrionale de l’Isle de Sumatra, aux Indes orientales. Long. 113. 30. lat. 5.

* ACHEMENIS, s. f. (Myth.) plante dont il est fait mention dans Pline, à laquelle la Fable a attribué la vertu de jetter la terreur parmi les armées, & de les mettre en fuite. C’est dommage que ce soit là une fable, & que les hommes ne puissent pas aller au combat avec des plantes à la main.

ACHEMENS, s. m. terme de Blason, lambrequins ou chaperons d’étoffe découpés qui environnent le casque & l’écu. Ils sont ordinairement des mêmes émaux que les armoiries. (V)

ACHEMINER un cheval, (Manege.) c’est accoûtumer un poulain à marcher droit devant lui. Voyez Poulain. Cheval acheminé est celui qui a de la disposition à être dressé, qui connoît la bride & répond aux éperons, qui est dégourdi & rompu. (V)

* ACHERON, s. m. (Géog. anc. & Myth.) C’étoit un fleuve des enfers, chez les Poëtes & les anciens Géographes ; ou un fleuve de la Thesprotie, prenant sa source au marais d’Acheruse, & se jettant près d’Ambracie dans le golfe Adriatique ; ou de la Calabre en Italie.

* ACHERUSE, s. f. (Géog. Hist. anc. & Myth.) lac d’Egypte près de Memphis, environné de belles campagnes où les Egyptiens venoient déposer leurs morts. Ils les exposoient d’abord sur les rives du lac, & des Juges examinoient la vie qu’ils avoient menée. On écoutoit les accusateurs ; & selon ce qu’on alléguoit pour ou contre le vivant, le mort étoit honoré ou privé de la sépulture. Il y avoit dans la même contrée un temple consacré à Hécate la ténébreuse, & deux marais appellés le Cocyte & le Cirsé : c’est là-dessus que l’imagination des Poëtes s’est exercée, & qu’elle a bâti ses enfers & son élysée.

ACHETER des marchandises (Commerce.) ou en faire l’achat, c’est les acquérir pour un prix dont on convient, moyennant quoi on s’en rend le propriétaire : il y a différentes manieres d’acheter.

Acheter en gros, c’est enlever une grande quantité de la même marchandise ou denrée, & quelquefois tout ce qu’il y en a à vendre. Voyez Enlever & Monopole. Par opposition, acheter en détail, c’est enlever une portion modique de marchandise.

Acheter comptant, c’est payer sur le champ, en monnoie réelle, les marchandises qu’on vient d’acheter.

Acheter au comptant ou pour comptant, c’est une maniere de parler des Négocians, qui semble signifier qu’on devroit payer comptant ; cependant elle peut avoir une autre signification, d’autant que quand on achete de cette façon on a quelquefois jusqu’à trois mois de terme pour payer.

Acheter à crédit ou à terme, c’est acheter à condition de payer dans un certain tems dont on convient.

Acheter partie comptant, & partie à tems ou à crédit, c’est payer une partie sur le champ, & prendre du tems pour l’autre.

Acheter à crédit pour un tems, à charge d’escompte ou de discompte, ou à tant pour cent par mois pour le prompt payement, c’est une convention par laquelle le vendeur s’oblige de faire une diminution ou rabais sur le payement des marchandises qu’il a vendues, supposé que l’acheteur veuille les lui payer avant le tems, & cela à proportion de ce qu’il en restera à expirer, à compter du jour du payement.

Acheter à profit, c’est acheter suivant le livre journal d’achat du vendeur, à tant pour cent de bénéfice.

Acheter pour payer d’une foire à l’autre, ou pour payer de foire en foire, c’est proprement acheter à crédit pour un tems.

Acheter pour son compte, c’est acheter pour soi-même ; & par opposition, acheter par commission, c’est acheter pour le compte d’autrui, moyennant un droit que l’on appelle de commission.

Acheter partie comptant, partie en Lettres de change, & partie à terme ou à crédit, c’est payer en argent comptant une partie, une autre en Lettres de change, & s’obliger de payer l’autre partie dans un certain tems dont on convient.

Acheter partie comptant, partie en promesses, & partie en troc, c’est payer une partie en monnoie réelle & sur le champ, une autre en promesses ou billets payables dans des tems, & donner pour l’autre des marchandises dont on convient de prix ; ce qui s’appelle marchandise de troc.

La maniere la plus avantageuse d’acheter est celle qui se fait à crédit pour un tems, à charge d’escompte ou de discompte. Voyez Escompte & Discompte. (G)

ACHETEUR, s. m. (Jurisprud.) est celui qui a fait l’achat, soit d’un immeuble ou d’un effet mobilier ; en quoi ce terme differe de celui d’acquéreur, qui ne se dit proprement que de l’acheteur d’un immeuble. Voyez Achat & Acquéreur. (H)

Acheteur (Commerce.) Marchand qui achete des marchandises pour faire son commerce ; pour les revendre en gros ou en détail, en magasin, en boutique, en foire, &c. Acheteur se dit aussi de toute personne qui achete quelque marchandise, ou denrée, pour en faire simplement usage pour elle-même, sans en faire trafic. (G)

ACHEVEMENT, s. m. terme de Teinturier ; c’est l’action de finir une étoffe en noir par le Teinturier du petit teint, lorsqu’elle a été guédée ou passée sur la cuve du bleu par le Teinturiet du grand teint. Voyez Guesde, Bleu, &c. & Teinture.

ACHEVER un cheval (Manége.) c’est achever sa derniere reprise au manége. Cheval achevé est celui qui est bien dressé, qui ne manque point à faire un certain manége, qui est confirmé dans un air ou un manége particulier. Voyez Air, Manége, &c. Cheval commencé, acheminé & achevé, sont les termes dont on se sert pour marquer les différentes dispositions, &, pour ainsi dire, les différentes classes d’un cheval qui a de l’école. Voyez École. (V)

Achever, terme de Potier d’étain. Ce mot se dit de ce qui reste à faire depuis que l’ouvrage est tourné, jusqu’à ce qu’il soit fini. Ainsi, à l’égard de la vaisselle, achever, c’est la forger, qui est sa derniere façon. Voyez Forger l’étain. A l’égard de la poterie ou menuiserie d’étain, achever, c’est jetter les anses sur la piece, ou les mouler, ou souder à la soudure légere, & enfin réparer. Voyez Jetter sur la piece, Mouler les anses, Souder à la soudure légere, Réparer.

* ACHIA, s. (Commerce.) espece de canne confite en verd dans le vinaigre, le poivre, des épiceries & d’autres ingrédiens, de la longueur à peu près & de la consistance de nos cornichons ; d’un jaune pâle & d’un tissu fibreux. Les Hollandois l’apportent des Indes Orientales, dans des urnes de terre.

ACHILLE, tendon d’Achille, en Latin, corda Achillis. C’est un gros tendon formé par l’union des tendons des quatre muscles extenseurs du pié. Voyez Tendon & Pié.

Il est ainsi nommé, parce que ce fut en cet endroit qu’Achille reçut cette fatale blessure, que l’on prétend lui avoir causé la mort. (L)

* ACHILLEA, s. f. (Géog. anc.) Isle du Pont-Euxin ; ainsi nommée d’Achille, qui y étoit adoré comme un Dieu.

* ACHILLÉES, adj. pris subst. (Hist. anc.) fêtes instituées en l’honneur d’Achille. Elles se célébroient à Braseis où ce Héros avoit un temple. C’est tout ce qu’on en sait.

ACHILLEIDE (Belles-Lettres.) ouvrage en vers, de Stace, dans lequel cet Auteur se proposoit de raconter toute la vie & les exploits d’Achille : mais prévenu par la mort, il n’a traité que ce qui concernoit l’enfance & l’éducation de son Héros ; & cette histoire est demeurée imparfaite.

Nous disons Histoire, quoique nous n’ignorions pas que des Auteurs célebres l’ont appellée Poëme épique, & que Jules Scaliger donne à Stace la préférence sur tous les Poëtes héroïques Grecs & Romains, sans en excepter Homere : mais on est assez généralement d’accord aujourd’hui que Stace a traité son sujet plûtôt en Historien qu’en Poëte, sans s’attacher à ce qui fait l’essence & la constitution d’un véritable Poëme épique ; & que, quant à la diction & à la versification, en cherchant à s’élever & à paroître grand, il donne dans l’enflure & devient empoulé. Un Poëme épique n’est pas l’histoire de la vie entiere d’un Héros. Voyez Épopée ou Poeme épique. (G)

* ACHIOTL, s. (Hist. nat.) Voyez Roucou.

* ACHITH, s. m. (Hist. nat. & Bot.) sorte de vigne de l’Isle de Madagascar, qui donne un fruit nommé Voachit, de la grosseur du raisin verd, qui mûrit en Décembre, Janvier & Février.

* ACHLADES, s. f. plur. (Hist. nat. & Bot.) espece de poires sauvages, qui croissent sur les montagnes de Crete. Ray.

* ACHLYS, s. m. (Myth.) nom que quelques Auteurs Grecs donnent au premier Etre, dont l’existence précédoit celle du monde, des dieux & du cahos ; qui fut seul éternel, & qui engendra les autres dieux. Ce mot vient, selon toute apparence, du mot Grec ἀχλὺς, ténebres.

* ACHOAVAN ou ACHOAVA, s. (Hist. nat. & Bot.) C’est ainsi qu’on appelle une plante commune en Egypte, mais surtout en Sbechie. Elle est moins haute que la camomille, mais elle lui ressemble assez par ses fleurs, & à la matricaire par sa feuille. Prosper Alpin, qui l’a souvent cueillie fraîche, lui a trouvé le goût & l’odeur desagréable. Prosper Alpin étoit assez habile homme pour nous dire de cette plante mieux que cela, s’il eût voulu s’en donner la peine.

* ACHOR, s. m. (Myth.) Dieu Chasse-Mouche, ou Dieu des Mouches. Pline dit que les habitans de Cyrene lui sacrifioient, pour en obtenir la délivrance de ces insectes, qui occasionnoient quelquefois dans leur pays des maladies contagieuses. Cet Auteur ajoûte qu’elles mouroient aussi-tôt qu’on avoit sacrifié. Un savant Moderne remarque que Pline auroit pû se contenter de dire, pour l’honneur de la vérité, que c’étoit l’opinion vulgaire ; pour moi, il me semble qu’il ne faut pas exiger une vérité qui peut être dangereuse à dire, d’un Auteur qu’on accuse d’avoir menti en tant d’occasions où il eût été véridique sans conséquence ; & que Pline qui vraissemblablement ne croyoit gueres à la divinité de Chasse-Mouche, mais qui se proposoit de nous instruire du préjugé des habitans de Cyrene, sans exposer sa tranquillité, ne pouvoit s’exprimer autrement. Voilà, je crois, une de ces occasions où l’on ne peut tirer aucune conséquence du témoignage d’un Auteur ni contre lui-même, ni pour le fait qu’il atteste.

ACHORE, s. m. (en Médec.) est la troisieme espece de teigne, ou le troisieme degré de cette maladie. C’est encore un petit ulcere qui se forme sur la peau de la tête ; il en sort par nombre de petits trous dont il est parsemé, une quantité de pus qui est plus épais que l’eau, mais qui n’a pas cependant tout-à-fait la consistance du miel.

Il paroît que les anciens Grecs & les Arabes ont compris sous le nom d’achore, les croûtes de lait & la teigne ; quoique ces accidens soient différens pour le siége & le danger. Les croûtes de lait attaquent le visage, le cou, & il n’y a gueres que les enfans qui tetent, qui y soient sujets, d’où elles ont tiré leur nom. Le siége des croûtes de lait est dans les glandes cutanées de la tête ; celui de la teigne est dans la peau même qui en est toute sillonnée. Voyez Croûtes de lait. Voyez aussi Teigne (N).

* ACHOUROU, s. espece de laurier qui croît en Amérique, & que l’on appelle Bois d’Inde. Ce bois d’Inde s’éleve beaucoup ; il est dur, rouge, & s’emploie aux ouvrages solides. Il a la feuille & le fruit aromatiques. La décoction de ses feuilles se prend dans les maladies des nerfs & dans l’hydropisie. Son fruit qui a la figure d’une grappe de raisin, & dont les baies sont plûtôt ovales que rondes, est d’un violet foncé, couvert d’une pellicule, menu & plein de suc. Il renferme des semences vertes, violettes, & en forme de rein : les oiseaux qui en mangent, ont la chair violette & amere au goût. Voyez le Diction. de Med.

ACHRONIQUE, adj. m. terme d’Astronomie, qui se dit du lever ou du coucher d’une étoile, lorsqu’il se fait au moment où le Soleil se couche ou se leve. On écrit aussi Acronique ; l’ortographe de ce mot dépend de l’étymologie qu’on lui donne, & c’est sur quoi on n’est point entierement d’accord. Voyez Acronique. (O)

* ACHSTEDE, ou AKSTEDE, s. petite Ville d’Allemagne dans le Duché de Brem, sur le Lun.

ACHTELING, s. (Commerce.) mesure de liqueurs dont on se sert en Allemagne : il faut 32 achtelings pour un heémer. Quatre schiltems font un achteling. (G)

ACHTENDEELEN, ou ACHTELING, s. (Commerce.) mesure de grains dont on se sert en quelques endroits de Hollande. Deux hoeds de Gormiheng font cinq achtendeelens. Vingt-huit achtendeelens d’Aspesen en font 32 de Rotterdam, mais il n’en faut que 26 de ceux de Worcum ; 29 achtendeelens de Delft font 12 viertels d’Anvers, quatre achtendeelens de Delft, font le hoed de Bruges. Voyez Viertel & Hoed. (G)

* ACHYR, ACHIAI, s. ville & château de l’Ukraine ou Volnie intérieure sur le Vorsklo, aux Russiens. Long. 53. 34. lat. 49. 32.

* ACCIOCA, herbe qui croît au Pérou, & que l’on substitue à l’herbe du Paraguai, dont on lui croit les propriétés. Voyez Paraguai.

* ACIDALE, s. (Myth.) fontaine de Béotie, d’où Venus fut appellée Acidalie. Voyez Acidalie.

* ACIDALIE, ou ACIDALIENNE, (Myth.) c’est ainsi que les Grecs appelloient quelquefois Venus, d’Acidale, fontaine de Béotie où les Graces alloient se baigner avec elle.

ACIDE, adj. qui se prend quelquefois subst. (Ord. Encyclop. Entendem. Science de la Nat. Chim.) ce qui pique la langue & lui cause en même tems un sentiment d’aigreur. Voyez Goût, Acidité.

On divise ordinairement les acides en manifestes & cachés.

Les acides manifestes sont ceux que nous venons de définir, savoir ceux qui causent une impression sensible. Tels sont le vinaigre, & l’esprit de vinaigre ; les sucs de pomme sauvage, de citrons, d’oranges, de limons, d’épine-vinette, de tamarins, & des fruits qui ne sont pas murs : l’esprit d’alun, l’esprit de vitriol, l’esprit de soufre, tiré par la cloche, l’esprit de sel, &c. sont autant d’acides manifestes. Voyez Vinaigre, Nitre, Vitriol, Alun, Soufre, &c.

Les acides cachés sont ceux qui n’ont pas assez d’acidité pour se faire sentir au goût, mais qui ressemblent aux acides manifestes par d’autres propriétés suffisantes pour les mettre au rang des acides.

Il paroît par-là qu’il y a des caracteres d’acidité plus généraux que celui d’un goût aigre, quoique l’on considere principalement ce goût, en parlant des acides.

La grande marque, ou la marque générale à laquelle on reconnoît les acides, c’est l’effervescence qui se fait lorsqu’on les mêle avec une autre sorte de corps appellés alkalis. Voyez Effervescence & Alkali.

Cependant il ne faut pas toûjours s’arrêter à cette seule propriété pour déterminer qu’une substance est acide, parce que tout acide ne fait pas effervescence, ou ne fermente pas avec tout alkali ; il est des acides que le goût seul fait connoître mieux qu’aucune autre épreuve. Les acides se reconnoissent encore à quelques changemens de couleur qu’ils causent a certains corps. Par exemple, pour éprouver un acide caché, mettez-le avec une teinture bleue de quelque végétal, comme sera une infusion, ou du sirop de violettes délayé dans de l’eau ; si la teinture bleue devient rouge par ce mêlange, c’est une marque d’acidité ; & la teinture bleue deviendra plus ou moins rouge, selon que le corps qu’on éprouvera par son moyen sera plus ou moins acide. Si au contraire la teinture bleue devenoit verte, c’est une preuve d’alkalicité.

Tout ce qui est acide est sel, ou ce qui fait l’acidité de tout corps acide ou aigre, est sel. On peut même dire que l’acide fait l’essence de tout sel, non-seulement de tout sel acide, comme on le comprend aisément, mais encore de tout sel moyen, & même, ce qui paroîtra d’abord extraordinaire, de tout sel alkali. Les sels moyens ne sont sels que par leur acide, joint à une terre particuliere qui l’a adouci ; ce qui forme une matiere qui n’est ni acide ni alkaline, & qu’on nomme pour cette raison, sel moyen, ou neutre.

Les alkalis ne sont sels, que par un peu d’acide concentré par la fusion dans beaucoup de terre absorbante, qui par ce mélange intime avec l’acide, est dissoluble, & a de la saveur, en un mot, est saline.

Les acides sont ou minéraux, comme est celui du sel commun ; ou végétaux, comme est le vinaigre ; ou animaux, comme est l’acide des fourmis.

Il y a trois especes différentes d’acides minéraux ; savoir, l’acide vitriolique, l’acide du nitre, & l’acide du sel commun.

L’acide vitriolique se trouve dans les vitriols, dans l’alun, dans le soufre minéral, &c. l’acide vitriolique joint à un fer dissout ou mêlé avec de l’eau, & un peu de terre, forme le vitriol verd, ferrugineux, comme est le vitriol d’Angleterre, celui de Liége, &c.

Lorsque l’acide vitriolique est joint de même à du cuivre, il en résulte un vitriol bleu, tel qu’est la couperose bleue, ou vitriol de Chypre.

On croit que la base métallique du vitriol blanc est le zinc ; & je soupçonne que le peu de terre qui entre dans la composition des vitriols, est alkaline, & de la nature de la base du sel commun ; c’est ce qui fait qu’il y a un peu de sel commun dans le vitriol. Voyez Vitriol, Couperose.

L’acide vitriolique incorporé avec une terre de la nature de la craie, mêlée avec un peu de la base du sel commun, & avec une très-petite quantité de bitume, fait l’alun. Voyez Alun.

L’acide vitriolique combiné avec un peu de bitume, donne le soufre minéral. Il faut très-peu de bitume pour ôter à l’acide vitriolique sa fluidité, & pour lui donner une consistance de corps solide, telle qu’est celle du soufre. Il faut bien peu de ce soufre aussi pour faire perdre au mercure sa fluidité, & pour le fixer en quelque sorte, ce qui fait le cinnabre. V. Soufre, Cinnabre.

On peut dire la même chose de l’acide du sel commun : il donne différens sels. Voyez l’analyse des eaux de Plombieres dans les Memoires de l’Académie Royale des Sciences, de l’année 1746.

L’acide du sel commun, incorporé naturellement avec une terre alkaline de la nature de la soude, constitue le sel gemme, qui se trouve en especes de carrieres ou de mines en différentes parties du globe terrestre ; ce qui fait les fontaines & les puits salés lorsque l’eau traverse des terres salées. V. Salines.

L’acide du sel commun joint ainsi à cette terre alkaline, & de plus intimement mêlé avec des matieres grasses qui résultent du bitume & de la pourriture des plantes & des animaux qui vivent & meurent dans la mer, forme le sel marin.

L’acide marin incorporé à une grande quantité de matiere bitumineuse & à très-peu de terre alkaline, donne un petit sel grenu, qu’il est impossible de mettre en crystaux distincts. Voyez Sel commun.

L’acide nitreux, qui est l’eau forte ou l’esprit de nitre, joint à une terre alkaline semblable au sel alkali du tartre, forme le nitre, qu’on nomme vulgairement salpetre ; & cette sorte de nitre est différente encore selon différentes combinaisons : quoiqu’en général le salpetre de houssage, le nitre fossile des mines & notre nitre, ne different pas entre eux essentiellement, ils ne sont cependant pas absolument les mêmes.

L’acide nitreux est naturellement combiné avec un principe gras, qui donne à l’esprit de nitre lorsqu’il est en vapeurs dans le balon pendant la distillation, une couleur rouge orangée, qui le distingue dans la distillation de tous les autres acides & esprits. Cette couleur rouge des vapeurs de l’esprit de nitre lui a fait donner par les Alchimistes le nom de sang de la salamandre. Voyez Nitre.

C’est aussi l’acide qui fait l’essence saline des sels des végétaux. Les sels de la terre dissous dans l’eau, que les plantes en tirent pour leur accroissement & pour leur entretien, deviennent propres à la plante qui les reçoit. Ce qui forme les sels de la terre, sont les acides minéraux dont nous venons de parler. Les plantes tirent l’un ou l’autre de ces sels, suivant qu’ils se trouvent plus dans la terre où elles sont plantées, & selon les différentes especes de plantes ; c’est pourquoi il y a des plantes dont on tire du tartre vitriolé, comme sont les plantes aromatiques, le romarin, &c. d’autres desquelles on tire un sel nitreux, comme sont les plantes rafraîchissantes, la pariétaire, &c. Il y a des plantes qui donnent beaucoup de sel commun ; ce sont les plantes marines, comme est le kali.

Comme les végétaux tirent leur salure de la terre où ils sont plantés, les animaux s’approprient les sels des plantes dont ils se nourrissent : c’est pourquoi il y a dans les animaux de l’acide vitriolique, de l’acide nitreux, & de l’acide du sel commun. V. la Chimie Medicinale, Partie II. chap. j.

On ne doit pas révoquer en doute qu’il y a de l’acide dans les animaux : les sages Medecins reconnoissent avec Hippocrate qu’il y a dans l’homme du doux, de l’amer, du salé, de l’acide, & de l’acre. Tant que ces choses, qui sont de qualités différentes, ne sont point à part, en dépôt, & qu’elles sont proportionnées entre elles, & dans un mouvement naturel, elles font la santé : si au contraire elles dominent sensiblement les unes sur les autres, qu’elles restent en repos, & qu’elles soient dans un trop grand mouvement, elles produisent la maladie, & l’espece de la maladie est différente, selon la différente nature de ce qui domine, & selon la différente partie où il se porte.

Il y a dans les animaux plus ou moins de salure, & par conséquent plus ou moins d’acide, comme le prouvent plusieurs opérations de Chimie, & particulierement celle du phosphore ; & cette salure est différente dans les différentes especes d’animaux : elle est dans la plûpart, de la nature du sel ammoniac, ou de celle du nitre. Il y a aussi des animaux dont la salure approche plus de l’acidité, & cette acidité est volatile, comme on peut le reconnoître dans les fourmis.

Les acides sont ou fixes, comme est l’acide du vitriol, le tartre ; ou volatils, comme sont les esprits sulphureux, les esprits fumans, & l’esprit de fourmis.

En général, les acides sont plus pesans que ne sont les sels neutres & les alkalis.

Les acides sont fort utiles en medecine, comme est celui du citron, de l’épine-vinette, de la groseille & du vinaigre ; on peut mettre au nombre des remedes acides, l’eau de Rabel, l’esprit de nitre dulcifié, & l’esprit de sel dulcifié, qui sont d’un bon usage pour la guérison de plusieurs maladies.

Les acides coagulent les liqueurs animales, comme on le voit arriver au lait quand on y mêle quelque acide : c’est pourquoi on se sert des acides pour prévenir la dissolution du sang sur la fin des fievres ardentes, lorsqu’il s’est formé dans les humeurs du malade un acre urineux qui vise à l’alkali. C’est pourquoi Hippocrate recommandoit les acides dans ces cas.

Les acides temperent l’effervescence de la bile & du sang ; c’est ce qui les rend utiles à ceux qui ont le visage rouge par trop de chaleur : & au contraire les acides sont nuisibles à ceux qui ne sont point ainsi échauffés, ou qui ont des sentimens de froid dans les chairs, & qui ont le visage pâle.

Dans certains cas les acides font atténuans & apéritifs ; comme lorsqu’il y a des humeurs glaireuses ou couenneuses avec chaleur : alors les acides agissant sur les fibres, sont des remedes toniques qui les excitent à briser les liqueurs visqueuses.

Les acides sont les corps les plus pénétrans par rapport au tissu & à la forme de leurs parties, comme les fluides sont aussi les corps les plus pénétrans par rapport à la petitesse & à la mobilité de leurs parties ; de sorte que des acides en liqueur sont ce qu’il y a de plus propre à pénétrer & à dissoudre : c’est pourquoi on est quelquefois obligé d’ajoûter de l’eau aux eaux-fortes dont on se sert pour dissoudre les métaux, non pas pour affoiblir ces eaux-fortes, comme on le dit ordinairement, au contraire c’est pour les rendre plus fortes en leur donnant plus de fluidité.

Les acides minéraux sont des dissolvans plus forts que les acides végétaux, & les acides végétaux plus forts que les acides animaux.

Cela est vrai en général, mais souffre des exceptions particulieres par rapport à différens corps qui se dissolvent plus aisément par des acides plus foibles, c’est-à-dire qui sont réputés plus foibles, parce qu’ils dissolvent moins de corps, & les dissolvent moins fortement que ne les dissolvent les acides plus forts, comme sont les acides minéraux, qui sont nommés pour cela eaux-fortes.

Les autres acides, même les acides animaux, sont plus forts pour dissoudre certains corps que ne le sont les eaux-fortes. On a un exemple de cela dans la dissolution de l’ivoire par le petit-lait. Le petit-lait aigre dissout les os, les dents, & l’ivoire.

Nous avons expliqué plus haut comment les acides les plus forts, comme sont les eaux-fortes, perdent leur force & s’adoucissent par les alkalis, en devenant simplement des corps salés. Nous devons ajoûter ici que les acides s’adoucissent encore davantage par les corps huileux, comme est l’esprit de vin : les acides ainsi joints à une matiere grasse, font des savons acides, comme les alkalis joints à des matieres grasses, font les savons alkalis, qui sont les savons ordinaires.

Les acides dulcifiés sont des liqueurs fort agréables. L’esprit de nitre ou l’eau-forte qui a une odeur insupportable, devient très-agréable lorsque cet acide est mêlé avec un peu d’esprit de vin ; & l’odeur qui en résulte, ne tient ni de celle de l’eau-forte, ni de celle de l’esprit de vin.

Les liqueurs les plus douces, comme sont les différens laits, & les plus agréables, comme sont les différens vins, sont des acides adoucis.

C’est sur-tout des différentes proportions de l’acide & de l’huile, & de leurs différentes combinaisons, que dépendent les différentes qualités des vins. (M)

Acides, adj. pris subst. (Medecine.) Les acides sont regardés avec raison par les Medecins comme une des causes générales des maladies. Les acides occasionnent divers accidens selon les parties qu’ils occupent. Tant qu’ils sont contenus dans le ventricule, ils causent des rapports aigres, un sentiment de faim, des picotemens douloureux, qui produisent même la cardialgie : parvenus aux intestins, dans le duodenum, ils diminuent l’action de la bile ; dans les autres ils produisent la passion iliaque, les spasmes ; en resserrant l’orifice des vaisseaux lactées, ils donnent naissance à des diarrhées chroniques, qui souvent se terminent en dyssenteries : lorsqu’ils se mêlent avec le sang, ils en alterent la qualité, y produisent un épaississement, auquel la lymphe qui doit servir de matiere aux secrétions, se trouve aussi sujette : de là naissent les obstructions dans les glandes du mesentere ; maladie commune aux enfans, les fibres dont leurs parties sont composées, étant encore trop molles pour émousser les pointes des acides qui se rencontrent dans la plûpart des alimens qu’ils prennent. Les gens sédentaires & qui travaillent beaucoup dans le cabinet, se trouvent souvent attaqués des maladies que produit l’acrimonie acide ; la dissipation & l’exercice étant très-nécessaires pour prévenir ces maladies en augmentant la transpiration. Les pâles-couleurs auxquelles les filles sont si sujettes lorsque leurs regles n’ont point encore paru, ou ont été supprimées par quelque accident, sont aussi des suites de l’acrimonie acide ; ce qui leur occasionne l’appétit dépravé qu’elles ont pour le charbon, la craie, le plâtre, & autres matieres de cette espece, qui sont toutes absorbantes & contraires aux acides.

L’on vient à bout de détruire les acides, & d’arrêter le ravage qu’ils peuvent faire, lorsque l’on s’apperçoit de bonne-heure de leur existence dans l’estomac, en les évacuant en partie par le moyen des émétiques, auxquels on fait succéder l’usage des absorbans, les remedes apéritifs & martiaux, qui sont tous très-propres pour donner du ressort aux parties solides, & de la fluidité aux liqueurs ; enfin en mettant en usage les remedes, qui fermentant promptement avec les acides, forment des sels d’une nature particuliere, & qui ont une vertu stimulante, diaphorétique, & capable de résoudre les obstructions.

Tous ces remedes doivent être administrés avec soin, & l’on doit toûjours avoir égard aux forces, à l’âge, au tempérament, & au sexe des malades. (N)

ACIDITÉ, s. f. (Chimie.) qualité qui constitue un corps acide, c’est-à-dire, ce sentiment d’aigreur, ce goût, qu’excitent les acides en piquant la langue. Voyez Acide, Gout, &c.

Un peu d’acide de vitriol, communique à l’eau une agréable acidité. Le vinaigre & le verjus ont une différente sorte d’acidité.

On empêche que les acidités ne prédominent dans les corps & ne viennent à coaguler le sang, soit en les corrigeant & les émoussant par des sels alkalis, ou par des matieres absorbantes, soit en les enveloppant dans des matieres grasses : ainsi le lait, l’huile, ou les alkalis, émoussent les acides du sublimé corrosif, qui est un poison corrodant par les acides du sel marin, dont l’action est augmentée par le mercure qui y est joint. Le sublimé corrosif est un mercure réduit en forme seche & saline par l’acide du sel commun. Voyez Sublimé corrosif.

C’est ainsi que le minium détruit l’acidité de l’esprit de vinaigre ; la pierre calaminaire, celle de l’esprit de sel, &c. Voyez Absorbant, &c. (M)

ACIDULÉ, adj. (Pharmacie) c’est en général tout ce à quoi l’on a mêlé quelque suc acide, afin de rendre d’un goût agréable certaines liqueurs rafraîchissantes, comme la limonade, les eaux de groseille, de verjus, les sucs de berberis, les teintures de roses où l’on a ajoûté quelques goutte, d’esprit de vitriol jusqu’à une agréable acidité ; les esprits minéraux dulcifiés par l’esprit de vin, doivent trouver ici leur place, tels que l’esprit de vitriol, de nitre, & de sel marin. Voyez Acide. (N)

Ce nom convient aussi aux eaux minérales froides. On les a ainsi nommées pour les distinguer des thermales, qui sont les eaux-chaudes.

* ACIERIE, s. f. (Métallurgie.) c’est l’usine où l’on transporte les plaques de fer fondu au sortir de la fonte ou forge, pour y continuer le travail qui doit les transformer en acier, soit naturel, soit artificiel. Voyez le détail de ces opérations à l’article Acier.

* ACIER, s. m. (Entend. Science de la Nat. Chim. Métallurg.) Ce mot, selon Menage, vient d’aciarium, dont les Italiens ont fait acciaro, & les Espagnols azero : mais aciarium, acciaro, & azero, viennent tous d’acies, dont Pline s’est servi pour le mot chalybs. Les Latins l’appelloient chalybs, parce que le premier acier qui ait été en réputation parmi eux, venoit, dit-on, d’Espagne, où il y avoit un fleuve nommé chalybs, dont l’eau étoit la plus propre que l’on connût pour la bonne trempe de l’acier.

De tous les métaux, l’acier est celui qui est susceptible de la plus grande dureté, quand il est bien trempé. C’est pourquoi l’on en fait beaucoup d’usage pour les outils & les instrumens tranchans de toute espece. Voyez Tremper.

C’étoit une opinion généralement reçûe jusqu’à ces derniers tems, que l’acier étoit un fer plus pur que le fer ordinaire ; que ce n’étoit que la substance même du fer affinée par le feu ; en un mot, que l’acier le plus fin & le plus exquis n’étoit que du fer porté à la plus grande pureté que l’art peut lui procurer. Ce sentiment est très-ancien : mais on jugera par ce qui suit, s’il en est pour cela plus vrai.

On entend par un fer pur ou par de l’acier, un métal dégagé des parties hétérogenes qui l’embarrassent & qui lui nuisent ; un métal plus plein des parties métalliques qui constituent son être, sous un même volume. Si telle étoit la seule différence de l’acier & du fer ; si l’acier n’étoit qu’un fer qui contînt sous un même volume une plus grande quantité de parties métalliques, la définition précédente de l’acier seroit exacte : il s’ensuivroit même de-là une méthode de convertir le fer en acier, qui seroit fort simple ; car elle consisteroit à le battre à grands coups sur l’enclume & à resserrer ses parties. Mais si ce fer pur ou l’acier est moins depouillé de parties étrangeres, que les fers d’une autre espece qui ne sont point de l’acier ; s’il a même besoin de parties hétérogenes pour le devenir ; & si le fer forgé a besoin d’en être dénué, il ne sera pas vrai que l’acier ne soit que du fer plus pur, du fer plus compact, & contenant sous un même volume plus de parties métalliques. Or je démontrerai par ce que je dirai sur la nature du fer & de l’acier, que l’acier naturel est dans un état moyen entre le fer de fonte & le fer forgé ; que lorsque l’on pousse le fer de fonte au feu (j’entens celui que la nature a destiné à devenir acier naturel), il devient acier avant que d’être fer forgé. Ce dernier état est la perfection de l’art, c’est-à-dire, du feu & du travail ; au-delà de cet état, il n’y a plus que de la destruction.

Si l’on veut donc définir exactement l’acier, il faut d’abord en distinguer deux especes ; un acier naturel, & un acier factice ou artificiel. Qu’est-ce que l’acier naturel ? c’est celui où l’art n’a eu d’autre part que de détruire par le feu l’excès des parties salines & sulphureuses, & autres, dont le fer de fonte est trop plein. J’ajoûte & autres ; car qui est-ce qui peut s’assûrer que les sels & les soufres soient les seuls élémens détruits dans la fusion ? La Chimie est loin de la perfection, si on la considere de ce côté, & je ne pense pas qu’elle ait encore des preuves équivalentes à une démonstration, qu’il n’y eût dans un corps, quel qu’il soit avant son analyse, d’autres élémens que ceux qu’elle en a tirés en l’analysant. L’acier artificiel est du fer à qui l’art a restitué, par le secours des matieres étrangeres, les mêmes parties dont il étoit trop dénué. Enfin si l’on desire une notion générale & qui convienne aux deux fers, il faut dire que l’acier est un fer dans lequel le mêlange des parties métalliques, avec les parties salines, sulphureuses & autres, a été amené à un point de précision qui constitue cette substance métallique qui nous est connue sous le nom d’acier. Ainsi l’acier consiste dans un certain rapport qu’ont entr’elles les parties précédentes qu’on nous donne pour ses élemens.

La Nature nous présente le fer plus ou moins mêlangé de ces parties, mais presque toûjours trop grossierement mêlangé ; c’est-à-dire, presque jamais contenant les parties dont il est composé, dans le vrai rapport qui conviendroit pour nous en procurer les avantages que nous en devons retirer. C’est ici que l’art doit réformer la Nature. Le fer de fonte ou la mine qui vient d’être fondue, est dure, cassante, intraitable ; la lime, les ciseaux, les marteaux n’ont aucune prise sur elle. Quand on lui donne une forme déterminée dans un moule, il faut qu’elle la garde ; aussi ne l’emploie-t-on qu’en bombes, boulets, poesles, contre-cœurs de cheminées. Voyez Forge. La raison de sa dureté, de son aigreur, & de son cassant, c’est, dit-on, l’excès des parties sulphureuses & terrestres dont elle est trop pleine ; si vous l’en dépouillez, elle deviendra ductile, molle, & susceptible de toutes sortes de formes, non par la fusion, mais sous le marteau. C’est donc à épurer le fer de ces matieres étrangeres que consistent les deux arts de faire l’acier naturel & l’acier artificiel.

Le seul agent que nous ayons & qui soit capable de séparer les parties métalliques des parties salines, sulphureuses & terrestres, c’est le feu. Le feu fait fondre & vitrifier les terrestres. Ces parties étant plus légeres que les parties métalliques, surnagent le métal en fusion, & on les enleve sous le nom de crasses ou scories. Cependant le feu brûle & détruit les soufres & les sels. On croiroit d’abord que si l’on pouvoit pousser au dernier point la destruction des parties terrestres, sulphureuses, & salines, la matiere métallique qui resteroit, seroit absolument pure. Mais l’expérience ne confirme pas cette idée, & l’on éprouve que le feu ne peut séparer totalement les parties étrangeres d’avec la matiere métallique, sans l’appauvrir au point qu’elle n’est plus bonne à rien.

L’art se réduit donc à ne priver le fer de ses parties hétérogenes, qu’autant qu’il est nécessaire pour détruire le vice de l’excès, & pour n’y en laisser que ce qu’il lui en faut pour qu’il soit ou de l’acier ou du fer forgé, suivant les mines & leur qualité.

Pour cet effet on travaille, & la mine qui doit donner du fer & celle qui doit donner de l’acier, à peu près de la même maniere, jusqu’à ce qu’elles soient l’une & l’autre en gueuse ; (Voyez pour ces préparations bitumineuses l’article Forge.) on la paîtrit sous des marteaux d’un poids énorme, & à force de la ronger & de la tourmenter plus ou moins suivant que l’expérience l’indique, on change la nature de la fonte, & d’une matiere dure, aigre, & cassante, on en fait une matiere molle & flexible, qui est ou de l’acier ou du fer forgé, selon la mine.

La Nature nous donne deux especes de mines ; les unes, telles sont celles de France, contiennent un soufre peu adhérent qui s’exhale & s’échappe aisément dans les premieres operations du feu, ou qui peut-être n’y est pas en assez grande quantité, même avant la fusion ; d’où il arrive que la matiere métallique qui en est facilement dépouillée, reste telle qu’elle doit être pour devenir un fer forgé : les autres mines, telles sont celles qui sont propres à donner de l’acier naturel, & qu’on appelle en Allemagne mines ou veines d’acier, contiennent un soufre fixe, qu’on ne détruit qu’avec beaucoup de peine. Il faudroit réitérer bien des fois sur elles, & avec une augmentation considérable de dépense, le travail qui amene les premieres à l’état de fer forgé ; ce que l’on n’a garde de faire, car avant que d’acquérir cette derniere qualité de fer forgé, elles sont acier. L’acier naturel est donc, comme j’avois promis de le démontrer, un état moyen entre le fer de fonte & le fer forgé : l’acier est donc, s’il est permis de s’exprimer ainsi, sur le passage de l’un à l’autre.

Mais, pourroit-on objecter contre ce système, si l’état de la matiere métallique, sans lequel elle est acier, est sur le passage de son premier état de mine à celui où elle seroit fer forgé, il semble qu’on pourroit pousser la mine qui donne l’acier naturel, depuis son premier état, jusqu’à l’état de fer forgé ; & il ne paroît pas qu’on obtienne du fer forgé & de l’acier de la même qualité de mine. La seule chose qu’on nous apprenne, c’est que si on y réussissoit, on feroit sortir les matieres d’un état où elles valent depuis 7, 8, 9, jusqu’à 15 & 16 sous la livre, pour les faire arriver, à grands frais, à un autre où elles ne vaudroient que 3 à 4 sous.

En un mot, on nous apprend bien qu’avec de la fonte, on fait ou du fer forgé ou de l’acier naturel, & cela en suivant à peu près le même procédé : mais on ne nous apprend point, si en réiterant ou variant le procédé, la mine qui donne de l’acier naturel, donneroit du fer forgé ; ce qui ne seroit pourtant pas inutile à la confirmation du système précédent sur la différence des deux mines de fer. Quoi qu’il en soit, il faut avoüer qu’en chauffant & forgeant les fontes de Stirie, Carinthie, Tirol, Alsace, & de quelques autres lieux, on fait de l’acier ; & qu’en faisant les mêmes opérations sur les mines de France, d’Angleterre & d’ailleurs, on ne fait que du fer forgé.

Mais avant que d’entrer dans le détail des procédés par lesquels on parvient à convertir le fer de fonte en acier naturel, nous allons parler des manieres différentes dont on s’est servi pour composer avec le fer forgé, de l’acier artificiel, tant chez les Anciens, que parmi les Modernes.

M. Martin Lister pense qu’il y avoit dans le procédé que les Anciens suivoient pour convertir le fer en acier, quelque particularité qui nous est maintenant inconnue ; & il prononce avec trop de séverité peut-être que la maniere dont on exécute aujourd’hui cette transformation chez la plûpart des Nations, est moins une méthode d’obtenir du véritable acier, que celle d’empoisonner le fer par des sels. Quoi qu’il en soit du sentiment de M. Lister, Aristote nous apprend, Meteor. L. IV. c. VI. « Que le fer forgé, travaillé même, peut se liquéfier derechef, & de rechef se durcir, & que c’est par la réiteration de ce procédé, qu’on le conduit à l’état d’acier. Les scories du fer se précipitent, ajoûte-t-il, dans la fusion ; elles restent au fond des fourneaux ; & les fers qui en sont débarrassés de cette maniere, prennent le nom d’acier. Il ne faut pas pousser trop loin cet affinage ; parce que la matiere qu’on traite ainsi, se détruit, & perd considérablement de son poids. Mais il n’en est pas moins vrai, que moins il reste d’impuretés, plus l’acier est parfait ».

Il y a beaucoup à desirer dans cette description d’Aristote, & il n’est pas facile de la concilier avec les principes que nous avons posés ci-devant. Il est vrai que le fer même travaillé peut être remis en fusion ; & qu’à chaque fois qu’il se purge, il perd de son poids. Mais fondez, purgez tant qu’il vous plaira de certains fers, vous n’en ferez jamais ainsi de l’acier. Cependant c’est avec du fer ainsi purgé, qu’on fait incontestablement le meilleur acier, continue M. Lister : il y a donc quelque circonstance essentielle omise dans le procédé d’Aristote.

Voici la maniere dont Agricola dit qu’on fait avec le fer de l’acier artificiel ; & le Pere Kircher assûre que c’est celle qu’on suivoit dans l’Isle d’Ilva, lieu fameux pour cette fabrication, depuis le tems des Romains jusqu’à son tems.

« Prenez, dit Agricola, du fer disposé à la fusion, cependant dur, & facile à travailler sous le marteau ; car quoique le fer fait de mine vitriolique puisse toûjours se fondre, cependant il est ou doux ou cassant, ou aigre. Prenez un morceau de ce fer ; faites-le chauffer rouge ; coupez-le par parcelles ; mêlez-les avec la sorte de pierre qui se fond facilement. Placez dans une forge de Serrurier ou dans un fourneau, un creuset d’un pié & demi de diametre & d’un pié de profondeur ; remplissez-le de bon charbon ; environnez-le de briques, qui forment autour du creuset une cavité qui puisse contenir le mêlange de pierre fusible & de parcelles de fer coupé.

« Lorsque le charbon contenu dans le creuset sera bien allumé, & le creuset rouge ; soufflez & jettez dedans peu à peu le mêlange de pierre & de parcelles de fer.

« Lorsque ce mêlange sera en fusion, jettez dans le milieu trois ou quatre morceaux de fer ; poussez le feu pendant cinq ou six heures ; prenez un ringard ; remuez bien le mêlange fondu, afin que les morceaux de fer que vous avez jettés dedans, s’impreignent fortement des particules de ce mêlange : ces particules consumeront & diviseront les parties grossieres des morceaux de fer auxquels elles s’attacheront ; & ce sera, s’il est permis de parler ainsi, une sorte de ferment qui les amollira.

« Tirez alors un des morceaux de fer hors du feu ; portez-le sous un grand marteau ; faites-le tirer en barre, & tourmenter ; & sans le faire chauffer plus qu’il ne l’est, plongez-le dans l’eau froide.

« Quand vous l’aurez trempé, cassez-le ; considérez son grain, & voyez s’il est entierement acier, ou s’il contient encore des parties ferrugineuses.

« Cela fait, reduisez tous les morceaux de fer en barre ; soufflez de nouveau ; rechauffez le creuset & le mêlange ; augmentez la quantité du mêlange, & rafraîchissez de cette maniere ce que les premiers morceaux n’ont pas bu ; remettez-y ou de nouveaux morceaux de fer, si vous êtes content de la transformation des premiers, ou les mêmes, s’ils vous paroissent ferrugineux ; & continuez comme nous avons dit ci-dessus ».

Voici ce que nous lisons dans Pline sur la maniere de convertir le fer en acier : fornacum maxima differentia est ; in iis equidem nucleus ferri excoquitur ad indurandam aciem, alioque modo ad densandas incudes malleorumque rostra. Il sembleroit par ce passage, que les Anciens avoient une maniere de faire au fourneau de l’acier avec le fer, & de durcir ou tremper leurs enclumes & autres outils. Cette observation est de M. Lister, qui ne me paroît pas avoir regardé l’endroit de Pline assez attentivement ; Pline parle de deux opérations qui n’ont rien de commun, la trempe & l’aciérie. Quant au nucleus ferri, au noyau de fer, il est à présumer que c’est une masse de fer affiné, qu’ils traitoient comme nous l’avons lu dans Aristote, dont la description dit quelque chose de plus que celle de Pline. Mais toutes les deux sont insuffisantes.

Pline ajoûte dans le chapitre suivant : Ferrum accensum igni, nisi duretur rictibus, corrumpitur ; & ailleurs, Aquarum summa differentia est quibus immergitur ; ce qui rapproche un peu la maniere de convertir le fer en acier du tems de Pline, de celle qui étoit en usage chez les Grecs, du tems d’Aristote.

Venons maintenant à celui des Modernes, qui s’est le plus fait de réputation par ses recherches dans cette matiere ; c’est M. de Reaumur, célebre par un grand nombre d’ouvrages, ou imprimés séparément, ou répandus dans les Mémoires de l’Académie des Sciences ; mais surtout par celui où il expose la maniere de convertir le fer forgé en acier. Son ouvrage parut en 1722 avec ce titre : l’Art de convertir le fer forgé en acier, & l’Art d’adoucir le fer fondu, ou de faire des ouvrages de fer fondu aussi finis que de fer forgé. Il est partagé en différens Mémoires, parce que effectivement il avoit été lu à l’Académie sous cette forme, pendant le cours de trois ans.

M. de Reaumur, après avoir reconnu que l’acier ne differe du fer forgé, qu’en ce qu’il a plus de soufre & de sel, en conclut : 1°. que la fonte qui ne differe aussi du fer forgé, que par ce même endroit, peut être de l’acier ; 2°. que changer le fer forgé en acier, c’est lui donner de nouveaux soufres & de nouveaux sels.

Après un grand nombre d’essais, M. de Reaumur s’est déterminé, pour les matieres sulphureuses, au charbon pur & à la suie de cheminée ; & pour les matieres salines, au sel marin seul, le tout mêlé avec de la cendre pour intermede. Il faut que ces matieres soient à une certaine dose entr’elles, & la quantité de leur mêlange dans un certain rapport avec la quantité de fer à convertir, il faut même avoir égard à sa qualité.

Si la composition qui doit changer le fer en acier est trop forte ; si le feu a été trop long, le fer sera trop acier ; trop de parties sulphureuses & salines introduites entre les métalliques, les écarteront trop les unes des autres, & en empêcheront la liaison au point que le tout ne soutiendra pas le marteau. M. de Reaumur a donné d’excellens préceptes pour prévenir cet inconvénient ; & ceux qu’il prescrit pour faire usage de l’acier, quand par malheur il est devenu trop acier par sa méthode, ne sont pas moins bons. Il avoit trop de soufres & de sels, il ne s’agit que de lui en ôter. Pour cet effet, il ne faut que l’envelopper de matieres alkalines, avides de soufres & de sels. Celles qui lui ont paru les plus propres, sont la chaux d’os & la craie ; ces matieres avec certaine durée de feu, remettent le mauvais acier, l’acier trop acier, au point qu’il faut pour être bon. On voit, qu’en s’y prenant ainsi, on pourroit ramener l’acier à être entierement fer, & l’arrêter dans tel degré moyen qu’on voudroit. L’art de M. de Reaumur, dit très-ingénieusement M. de Fontenelle dans l’Histoire de l’Académie, semble se joüer de ce métal. Voilà pour le fer forgé converti en acier. Voyez, quant à l’art d’adoucir le fer fondu, ou de faire des ouvrages de fer fondu aussi finis que de fer de forge, les articles Fer & Fonte. Nous rapporterons seulement ici un de ces faits singuliers que fournit le hasard, mais que le raisonnement & les réflexions mettent à profit : M. de Reaumur adoucissoit un marteau de porte cochere assez orné ; quand il le retira du fourneau, il le trouva extrèmement diminué de poids ; & en effet, ses deux grosses branches, de massives qu’elles devoient être, étoient devenues creuses, en conservant leur forme ; il s’y étoit fait au bas un petit trou par où s’étoit écoulé le métal qui étoit fondu au dedans, & pour ainsi dire, sous une croûte extérieure. Voyez les inductions fines que M. de Reaumur a tirées de ce phénomene : tout tourne à profit entre les mains d’un habile homme ; il s’instruit par les accidens, & le Public s’enrichit par ses succès.

Voici une autre description de la maniere de convertir le fer en acier, tirée de Geoffroi, Mat. Med. Tom. I. pag. 495. « Si le fer est excellent, on le fond dans un fourneau ; & lorsqu’il est fondu, on y jette de tems en tems un mêlange fait de parties égales de sel de tartre, de sel alkali, de limaille de plomb, de râclure de corne de bœuf, remuant de tems en tems ; on obtient ainsi une masse qu’on bat à coups de marteau, & qu’on met en barre.

« Si le fer ne peut supporter une nouvelle fusion, on fait une autre opération : on prend des verges de fer de la grosseur du doigt ; on les place dans un vaisseau de terre fait exprès, alternativement, lit sur lit, avec un mélange fait de parties égales de suie, de poudre de charbon, de râpure de corne de bœuf ou de poil de vache. Quand le vaisseau est rempli, on le couvre ; on l’enduit exactement de lut, & on le place dans un fourneau de reverbere. Alors on allume le feu, & on l’augmente par degré, jusqu’à ce que le vaisseau soit ardent ; sept ou huit heures après, on retire les verges de fer changées en acier, ce que l’on connoît en les rompant. S’il y paroît des pailles métalliques brillantes, très-petites, & très-serrées, c’est un très-bon acier : si elles sont peu serrées ; mais parsemées de grands pores, il est moins bon ; quelquefois les paillettes qui sont à l’extérieur sont serrées, & celles qui sont à l’intérieur ne le sont pas ; ce qui marque que l’acier n’a pas été suffisamment calciné. Alors il faut remettre lit sur lit, & calciner de nouveau ». Il faut substituer dans cette description le mot de lames, à celui de paillettes, parce que celui-ci se prend toûjours en mauvaise part, & que tout acier pailleux est défectueux.

Voilà pour l’artificiel : voici maintenant pour l’acier naturel. Avant que d’entrer dans la description du travail de l’acier naturel, il est à propos d’avertir qu’on ne sauroit discerner à l’œil, par aucun signe extérieur, une mine de fer, d’avec une mine d’acier. Elles se ressemblent toutes, ou pour mieux dire, elles sont toutes si prodigieusement variées, que l’on n’a pu jusqu’à présent assigner aucun caractere qui soit particulier à l’un ou à l’autre. Ce n’est qu’à la premiere fonte qu’on peut commencer à conjecturer ; & ce n’est qu’après avoir poussé un essai à son plus grand point de perfection, que l’on s’assure de la bonté ou de la médiocrité de la mine.

La Nature a tellement destiné certaines mines, plûtôt que d’autres, à être acier, que dans quelques Manufactures de France, où l’on fait de l’acier naturel, on trouve dans la même fonte un assemblage des deux mines bien marqué ; elles se tiennent séparées dans le même bloc. Il y en a d’autres où l’acier surnage le fer dans la fonte. Cette espece donne même de l’acier excellent & à très-bon compte : mais on en tire peu. Voici un fait arrivé dans une mine d’Alsace, & qui prouvera que plus les mines tendent à être acier, ou acier plus pur, moins elles ont de dispositions à se mêler avec celles qui sont destinées à être fer forgé, ou acier moins pur. Le Mineur ayant trouvé un filon qui par ses caracteres extérieurs lui parut d’une qualité differente de l’arbre de la mine, il en présenta au Fondeur, qui de son chef en mit fondre avec la mine ordinaire ; mais quand il vint à percer son fourneau, les deux mines sortirent ensemble, sans se mêler ; la meilleure portée par la moins bonne ; d’où il s’ensuit que plus une mine est voisine de la qualité de l’acier, plus elle est legere.

Lorsqu’on a trouvé une mine de fer, & qu’on s’est assuré par les épreuves, qu’elle est propre à être convertie en acier naturel ; la premiere opération est de fondre cette mine. La seule différence qu’il y a dans cette fonte des aciéries, est celle des Forges où l’on travaille le fer ; c’est que dans les forges on coule le fer en gueuse, (Voyez Forge) & que dans les aciéries on le coule en plaques minces, & cela afin de pouvoir le briser plus facilement. Chaque pays, & presque chaque forge & chaque aciérie, a ses constructions de fourneaux, ses positions différentes de soufflets, ses fondants particuliers, ses charbons, ses bois ; mais ces variétés de manœuvres ne changent rien au fond des procédés.

Dans les aciéries de Dalécarlie, on fait rougir la premiere fonte ; on la forge, & on la fond une seconde fois. On fait la même chose à Quvarnbaka : mais ici on jette sur cette fonte des cendres mélées de vitriol & d’alun. En Alsace & ailleurs, on supprime la seconde fonte. A Saltzbourg, où l’on fait d’excellent acier, on le chauffe jusqu’au rouge blanc ; on met du sel marin dans de l’eau froide, & on l’y trempe. En Carinthie, en Stirie, on ne tient pas le fer rouge, & au lieu de sel, c’est de l’argile que l’on detrempe dans l’eau. Ailleurs, on frappe le fer rouge long-tems avant que de le tremper ; ensorte que quand on le plonge dans l’eau, il est d’un rouge eteint.

Dans presque toutes les aciéries, on jette des crasses ou scories sur la fonte, pendant quelle est en fusion ; on a soin de l’en tenir couverte, pour empêcher qu’elle ne se brûle. En Suede, c’est du sable de riviere. En Carinthie, Tirol & Stirie, on emploie au même usage des pierres à fusil pulvérisées. En Stirie, on ne fond que quarante à cinquante livres pesant de fer à la fois ; ailleurs, on fond jusqu’à cent & cent ving-cinq livres à la fois. Ici l’orifice de la tuyere est en demi-cercle ; ailleurs il est oval. On regarde dans un endroit la chaux comme un mauvais fondant ; ce fondant réussit bien en Alsace. Les fontes de Saltzbourg sont épaisses dans la fusion ; dans d’autres endroits on ne peut les avoir trop limpides & trop coulantes. Là, on agite la fonte, & on fait bien ; ici, on fait bien de la laisser tranquille. Quelques-uns ne veulent couler que sur des lits de sable de riviere fin & pur, & ils prétendent que l’acier en vaudra mieux ; en Alsace, on se contente d’un sable tiré de la terre, & l’acier n’en vaut peut-être pas moins.

Il faut attribuer toutes ces différences presqu’autant au préjugé & à l’entêtement des ouvriers, qu’à la nature des mines.

Après avoir instruit le Lecteur de toutes ces petites différences, qui s’observent dans la fonte de l’acier naturel, afin qu’il puisse les essayer toutes, & s’en tenir à ce qui lui paroîtra le mieux, relativement à la nature de la mine qu’il aura à employer ; nous allons reprendre ce travail, tel qu’il se fait à Dambach à sept lieues de Strasbourg, & le suivre jusqu’à la fin.

A mi-côte d’une des montagnes de Vosges, on ouvrit une mine de fer qui avoit tous les caracteres d’une mine abondante & riche. Elle rendoit en 1737 par la fusion cinquante sur cent ; les filons en étoient larges de quatre à cinq pieds, & on leur trouvoit jusqu’à vingt à trente toises de profondeur. Ils couroient dans des entre-deux de rochers extrèmement écartés ; ils jettoient de tous côtés des branches aussi grosses que le tronc, & que l’on suivoit par des galleries. La mine étoit couleur d’ardoise, composée d’un grain ferrugineux très-fin ; enveloppée d’une terre grasse, qui, dissoute dans l’eau, prenoit une assez belle couleur d’un brun violet. Quoiqu’on la pulverisât, la pierre d’aimant ne paroissoit point y faire la moindre impression ; l’aiguille aimantée n’en ressentoit point non plus à son approche : mais lorsqu’on l’avoit fait rôtir, & qu’on avoit dépouillé la terre grasse de son humidité visqueuse, l’aimant commençoit à s’y attacher.

Il est étonnant que les corps les plus compacts, comme l’or & l’argent, mis entre le fer & l’aimant, n’arrêtent en aucune façon l’action magnétique, & qu’elle soit suspendue par la seule terre grasse qui enveloppe la mine.

On tiroit cette mine en la cassant avec des coins, comme on fend les rochers, & on la voituroit dans un fourneau à fondre. Là on la couloit sur un lit de sable fin, qui lui donnoit la forme d’une planche de cinq à six piés de long sur un pié ou un pié & demi de largeur, & deux ou trois doigts d’épaisseur. Long-tems avant que de couler, on remuoit souvent avec des ringards, afin de mêler les deux especes de mines qui seroient restées séparées, même en fusion, sans cette précaution. Il eût été peut-être mieux de ne les point mêler du tout, & de ne faire couler que la partie supérieure, qui contenoit l’acier le plus pur. C’est aux Entrepreneurs à le tenter.

Après cette fonte, qui est la même que celle du fer, & qu’on verra à l’art. Forge, dans le dernier détail ; on transportoit les planches de fonte ou les gâteaux, dans une autre usine, qu’on appelle proprement Aciérie. C’est là que la fonte recevoit sa premiere qualité d’acier.

Pour parvenir à cette opération, on cassoit les plaques, ou gueuses froides, en morceaux de vingt-cinq à trente livres pesant ; on faisoit rougir quelques-uns de ces morceaux, & on les portoit sous le marteau qui les divisoit en fragmens de la grosseur du poing. On posoit ces derniers morceaux sur le bord d’un creuset qu’on remplissoit de charbon de hêtre : lorsque le feu étoit vif, on y jettoit ces fragmens les uns après les autres, comme si on eût voulu les fondre.

C’est ici une des opérations les plus délicates de l’art. Le degré de feu doit être ménagé de façon que ces morceaux de fonte se tiennent simplement mous pendant un tems très-notable. On a soin alors de les rassembler au milieu du foyer avec des ringards, afin qu’en se touchant, ils se prennent & soudent les uns aux autres.

Pendant ce tems les matieres étrangeres se fondent, & on leur procure l’écoulement par un trou fait au bas du creuset. Pour les morceaux réunis & soudés les uns aux autres, on en forme une masse qu’on appelle loupe. Le Forgeron souleve la loupe de tems en tems avec son ringard pour la mettre au-dessus de la sphere du vent, & l’empêcher de tomber au fond du creuset. En la soulevant, il donne encore moyen au charbon de remplir le fond du creuset, & de servir d’appui à la loupe élevée. Cette loupe reste cinq à six heures dans le feu, tant à se former qu’à se cuire. Quand on la retire du feu, on remarque que c’est une masse de fer toute boursouflée, spongieuse, pleine de charbons & de matiere vitrifiée. On la porte toute rouge sous le martinet, par le moyen duquel on la coupe en quatre grosses parts, chacune comme la tête d’un enfant. Si on casse une de ces loupes à froid, son intérieur présente des lames assez larges & très-brillantes, comme on en voit au bon fer forgé.

On rapporte une des quatre parts de la loupe au même feu, on la pose sur les charbons, on la recouvre d’autres charbons ; elle est placée un peu au-dessus de la tuyere. On la fait rougir fortement pendant trois ou quatre heures. On la porte ensuite sous le martinet ; on la bat, & on lui donne une forme quarrée. On la remet encore au feu assujettie dans une tenaille qui sert à la gouverner, & à l’empêcher de prendre, dans le creuset, des places qui ne lui conviendroient pas. Après une demi-heure elle est toute pénétrée de feu. On la pousse jusqu’au rouge-blanc ; on la retire, on la roule dans le sable, on lui donne quelques coups de marteau à main, puis on la porte sous le martinet. On forge toute la partie qui est hors de la tenaille ; on lui donne une forme quarrée de deux pouces de diametre, sur trois ou quatre de long ; & on la reprend, par ce bout forgé, avec les mêmes tenailles pour faire une semblable opération sur la partie qui étoit enfermée dans les tenailles. Cette manœuvre se réitere trois ou quatre fois, jusqu’à ce que le Forgeron sente que sa matiere se forge aisément, sans se fendre ni casser. Toute cette opération demande encore une grande expérience de main & d’œil pour ménager le fer en le forgeant, & juger, à la couleur, du degré de chaleur qu’il doit avoir pour être forgé.

Après toutes ces opérations, on le forge fortement sous le martinet. Il est en état de n’être plus ménagé : on l’allonge en une barre de deux piés & demi ou trois piés, qu’on coupe encore en deux parties, & qu’on remet ensemble au même feu, saisies chacune dans une tenaille différente ; on les pousse jusqu’au rouge-blanc, & on les allonge encore en barres plus longues & plus menues, qu’on jette aussitôt dans l’eau pour les tremper.

Jusques-là ce n’est encore que de l’acier brut, bon pour des instrumens grossiers comme bêches, socs de charrues, pioches, &c. dans cet état il a le grain gros, & est encore mêlé de fer. On porte ces barres d’acier brut dans une autre usine, qu’on appelle Affinerie. Quand elles y sont arrivées, on les casse en morceaux de la longueur de cinq à six pouces ; on remplit alors le creuset de charbon de terre jusqu’un peu au-dessus de la tuyere, observant de ne la pas boucher. On tape le charbon pour le presser & en faire un lit solide sur lequel on arrange ces derniers morceaux en forme de grillage, posés les uns sur les autres par leurs extrémités, sans que les côtés se touchent ; on en met jusqu’à quatre ou cinq rangs en hauteur, ce qui forme un prisme, qu’on voit en A, Planche de l’Acier ; puis on environne le tout de charbon de terre pilé & mouillé, ce qui forme une croûte ou calotte autour de ce petit édifice. Cette croûte dure autant que le reste de l’opération, parce qu’on a soin de l’entretenir & de la renouveller à mesure que le feu la détruit. Son usage est de concentrer la chaleur & de donner un feu de reverbere. Après trois ou quatre heures, les morceaux sont suffisamment chauds ; on les porte, les uns après les autres sous le martinet, où on les allonge en lames plates, que l’on trempe aussi-tôt qu’elles sortent de dessous le martinet. On observe cependant d’en tirer deux plus fortes & plus épaisses que les autres, auxquelles on donne une légere courbure, & que l’on ne trempe point. Le grain de ces lames est un peu plus fin que celui de l’acier brut.

Ces lames sont encore brisées en morceaux de toutes longueurs ; il n’y a que les deux fortes qui restent comme elles sont. On rassemble tous les autres fragmens ; on les rejoint bout à bout & plat contre plat, & on les enchâsse entre les deux longues lames non trempées. Le tout est saisi dans des tenailles, comme on voit Fig. B. même Planche, & porté à un feu de charbon de terre comme le précédent. On pousse cette matiere à grand feu ; & quand on juge qu’elle y a demeuré assez long-tems, on la porte sous le martinet. On ne lui fait supporter d’abord que des coups légers, qui sont précédés de quelques coups de marteau à main. Il n’est alors question que de rapprocher les fragmens les uns des autres, & de les souder. On reporte cette pince au feu, on la pousse encore au rouge-blanc, on la reporte sous le martinet ; on la frappe un peu plus fort que la premiere fois ; on allonge les parties des fragmens qui saillent hors de la pince ; on leur fait prendre par le bout la figure d’un prisme quarré. (Voyez la fig. C, même Planche.) On retire cette masse avec des pinces ; on la saisit avec une tenaille par le prisme quarré, & l’on fait souffrir au reste le même travail : c’est ainsi que l’on s’y prend pour faire du tout une longue barre que l’on replie encore une fois sur elle-même pour la souder derechef ; du nouveau prisme qui en provient, on forme des barres d’un pouce ou d’un demi pouce d’équarrissage, que l’on trempe & qui sont converties en acier parfait. La perfection de l’acier dépend, en grande partie, de la derniere opération. Le fer, ou plûtôt l’étoffe faite de petits fragmens, veut être tenue dans un feu violent, arrosée souvent d’argile pulvérisée, pour l’empêcher de brûler, & mise fréquemment sous le marteau, & du marteau au feu. On voit (même Planch. fig. D.) le prisme tiré en barres pour la derniere fois par le moyen du martinet.

Voilà la fabrication de l’acier naturel dans son plus grand détail. Nous n’avons omis que les choses que le discours ne peut rendre, & que l’expérience seule apprend. De ces choses, voici les principales.

Il faut 1°. savoir gouverner le feu ; tenir les loupes entre la fusion & la non fusion. 2°. Conduire avec ménagement le vent des soufflets ; le forcer & le rallentir à propos. 3°. Manier comme il convient la matiere sous le martinet, sans quoi elle sera mise en pieces. Ajoûtez à cela une infinité d’autres notions, comme celles de la trempe, de l’épaisseur des barres, des chaudes, de la couleur de la matiere en feu, &c.

Après toutes ces opérations, on ne conçoit pas comment l’acier peut être à si bon marché : mais il faut savoir qu’elles se font avec une vîtesse extrème, & que le travail est infiniment abregé pour les hommes, par les machines qu’ils emploient. L’eau & le feu les soulagent à tout moment ; le feu qui amollit la matiere, l’eau qui meut le martinet qui la bat. Les Ouvriers n’ont presque que la peine de diriger ces agens : c’en est encore bien assez.

Il y a d’autres manieres de fabriquer l’acier naturel, dont nous allons faire mention le plus briévement qu’il nous sera possible. Proche d’Hedmore, dans la Dalécarlie, on trouve une très-belle aciérie. La veine est noire, peu compacte & formée de grains ferrugineux. On la réduit aisément en poudre sous les doigts ; elle est lourde & donne un fer ténace & fibreux. Après la premiere fonte, on la remet dans une autre usine après l’avoir brisée en morceaux. On trouve dans cette usine une forge à peu près comme celle des Ouvriers en fer, mais plus grande. Son foyer est un creuset de quatorze doigts de diametre sur un peu plus de hauteur. Les parois & le fond de ce creuset sont revêtus de lames de fer. Il y a à la partie antérieure une ouverture oblongue pour retirer les scories. Quant à la tuyere, elle est à une telle distance du fond, que la lame de fer sur laquelle elle est posée, quoiqu’un peu inclinée, ne rencontreroit pas, en la prolongeant, l’extrémité des lames qui revêtent le fond. Depuis la levre inférieure de la tuyere jusqu’au fond, il y a une hauteur de six doigts & demi. Les deux canaux des soufflets se réunissent dans la tuyere qui est de cuivre. Il est nécessaire, pour réussir, que toutes ces pieces soient bien ajustées. On fait trois ou quatre cuites par jour.

Chaque matin, lorsqu’on commence l’ouvrage, on jette dans le creuset des scories, du charbon & de la poudre de charbon pêle-mêle, puis on met dessus la fonte en morceaux ; on la recouvre de charbons. On tient les morceaux dans le feu jusqu’à ce qu’ils soient d’un rouge-blanc, ce qu’on appelle blanc de Lune. Quand ils sont bien pénétrés de feu, on les porte en masse sous le marteau, & cette masse se divise là en parties de trois ou quatre livres chacune. Si le fer est ténace, quand il est rouge, & fragile, quand il est froid, on en bat davantage la masse avant que de la diviser. Si elle se met en gros fragmens, on reporte ces fragmens sur l’enclume pour être soûdivisés.

Cela fait, on prend ces morceaux & on les range dans la forge autour du creuset. On en jette d’abord quelques-uns dans le creuset ; on les y enfonce & ensévelit sous le charbon, puis on rallentit le vent, & on les laisse fondre. Pendant ce tems on sonde avec un fer pointu, & l’on examine si la matiere, prête à entrer en fusion, ne se répand point sur les coins, & hors de la sphere du vent. Si on trouve des morceaux écartés, on les met sous le vent ; & quand tout est fondu, pour entretenir la fusion, on force le vent. La fusion est à son point lorsque les étincelles des scories & de la matiere s’échappent avec vivacité à-travers les charbons, & lorsque la flamme, qui étoit d’abord d’un rouge-noir, devient blanche quand les scories sont enlevées.

Quand le fer a été assez long-tems en fonte, & qu’il est nettoyé de ses crasses, la chaleur se rallentit, & la masse se prend : alors on y ajoûte les autres morceaux rangés autour du creuset ; ils se fondent comme les précédens. On emplit ainsi le creuset dans l’intervalle de quatre heures : les morceaux de fer ont été jettés pendant ces quatre heures à quatre reprises différentes. Quand la masse a souffert suffisamment le feu, on y fiche un fer pointu, on la laisse prendre, & on l’enleve hors du creuset. On la porte sous le marteau, on en diminue le volume en la paitrissant, puis avec un coin de fer on la partage en trois, ou quatre, ou cinq.

Il est bon de savoir que si la tuyere est mal placée, & le vent inégal, ou qu’il survienne quelqu’accident, il ne se forme point de scories, le fer brûle, les lames du fond du creuset ne résistent pas, &c. & qu’il n’y a de remede à cela que de jetter sur la fonte une pelletée ou deux de sable de riviere.

On remet au feu les quatre parties coupées : on commence par en faire chauffer deux, dont l’une est pourtant plus près du vent que l’autre. Lorsque la premiere est suffisamment rouge, on la met en barre sur l’enclume ; pendant ce travail on tient la seconde sous le vent, & on l’étend de même quand elle est assez rouge. On en fait autant aux deux restantes. On leur donne à toutes une forme quarrée, d’un doigt & un quart d’épaisseur, & de quatre à cinq piés de long. On appelle cet acier acier de forge ou de fonte. On le forge à coups pressés, & on le jette dans une eau courante : quand il y est éteint on l’en retire, & on le remet en morceaux.

On porte ces morceaux dans une autre usine, où l’on trouve une autre forge qui differe de la premiere en ce que la tuyere est plus grande, & qu’au lieu d’être sémi-circulaire elle est ovale ; qu’il n’y a de sa forme ou levre jusqu’au bas du creuset, que deux à trois doigts de profondeur, & que le creuset a dix à onze pouces de large, sur quatorze à seize de longueur. Les morceaux d’acier sont rangés là par lits dans le foyer de la forge. Ces lits sont en forme de grillage, & les morceaux ne se touchent qu’en deux endroits. On couvre cette espece de pyramide de charbon choisi, on y met le feu, & on souffle. Le grillage est sous le vent. Après une demi-heure ou trois quarts d’heure de feu, les morceaux d’acier sont d’un rouge de lune : alors on arrête le vent, & on les retire l’un après l’autre, en commençant par ceux d’en haut : on les porte sous le martinet pour être forgés & mis en barre. Deux ouvriers, dont l’un tient le morceau par un bout & l’autre par l’autre, le font aller & venir dans sa longueur sous le martinet : l’enclume est entre deux. C’est ainsi qu’ils mettent tous les fragmens ou morceaux pris sur la pile ou pyramide & portés sous le martinet, en lames qu’ils jettent à mesure dans une eau courante & froide. Les deux derniers morceaux de la pile, ceux qui la soûtenoient, & qui sont plus grands que les autres, servent à l’usage suivant : on casse toutes les lames, & on en fait une étoffe entre ces deux gros morceaux qui n’ont point été trempés. On prend le tout dans des pinces, on remet cette espece d’étoffe au feu, & on l’y laisse jusqu’à ce qu’elle soit d’un rouge blanc. Cette masse rouge blanche se roule sur de l’argile sec & pulvérisé ; ce qui l’aide à se souder. On la remet au feu, on l’en retire ; on la frappe de quelques coups avec un marteau à main, pour en faire tomber les scories, & aider les lames à prendre. Quand la soudure est assez poussée, on porte la masse sous le martinet, on l’étend & on la met en barres. Ces barres ont neuf à dix piés de long, & sont d’un acier égal, sinon préférable à celui de Carinthie & de Stirie.

Il faut se servir dans toutes ces opérations de charbon de hêtre & de chêne, ou de pin & de bouleau. Les charbons récens & secs sont les meilleurs. Il en faut bien séparer la terre & les pierres. La ouille ou le charbon de terre est très-bon.

Il faut trois leviers aux soufflets pour élever leurs feuilles, & non un ou deux comme aux soufflets de forges, car on a besoin ici d’un plus grand feu.

Quant à ce qui concerne la diminution du fer, il a perdu presque la moitié de son poids avant que d’être en acier : de vingt-six livres de fer crud, on n’en retire que treize d’acier, quelquefois quatorze, si l’ouvrier est très-habile. En général, la diminution est de vingt-quatre livres sur soixante ou soixante-quatre, dans le premier feu : le restant perd encore huit livres au second.

Il faut ménager le feu avec soin : le fer trop chauffé se brûle ; pas assez, il ne donne point d’acier.

Pour obtenir un acier pur & exempt de scories, il faut fondre trois fois ; & sur la fin de la troisieme fonte, jetter dessus une petite partie de fer crud frisé, & mêlé avec du charbon ; mais plus de charbon que de fer.

Pour fabriquer un cent pesant d’acier, ou selon la façon de compter des Suédois, pour huit grandes tonnes, il faut trente tonnes de charbon.

La manufacture d’acier de Quvarnbaka est établie depuis le tems de Gustave Adolphe. Il y a deux fourneaux : ils sont si grands qu’un homme y peut tenir de toute sa hauteur : ni les murs ni le fond ne sont point revêtus de lames de fer ; c’est une pierre qui approche du talc qui les garantit. On jette chaque fois dans le feu dix grandes livres de fer. Le fer s’y cuit bien, & comme dans les forges. Il en faut souvent tirer les scories, afin que la masse fonde seche. Lorsque le fer est en fonte, on jette dessus des cendres mêlées de vitriol & d’alun. On estime que cette mixtion ajoûte à la qualité.

Quand le fer est fondu, il est porté & divisé sous un marteau, & les fragmens mis en barres ; les barres partagées en moindre parties, sont mises à chauffer, disposées en grillages ; chaudes, on les étend de nouveau ; & l’on réitere cette manœuvre jusqu’à ce qu’on ait un bon acier.

L’acier en baril de Suede est fait avec celui dont nous venons de donner la fabrication : on se contente après son premier recuit de le mettre en barres & de le tremper. L’acier pour les épées, qui est celui dont la qualité est exactement au-dessus de l’acier en baril, est mis quatre fois en lames, autant de fois chauffé au grillage, & mis autant de fois sous le marteau. L’acier excellent, ou celui qui est au-dessus du précédent, est façonné & trempé huit fois.

On met des marques à l’acier pour distinguer de quel genre il est : mais les habiles ouvriers ne se trompent pas au grain.

On fait chaque semaine quatorze cens pesant d’acier en baril, douze cens d’acier à épées, & huit cens d’acier à ressorts. Le cent pesant est de huit grandes barres de Suede, ou de cent soixante petites livres du même pays.

Pour le cent pesant du meilleur acier, de l’acier à ressorts, il faut treize grandes livres & demie de fer crud, & vingt-six tonnes de charbon : dix grandes livres de fer crud, & 24 tonnes de charbon pour l’acier à épées ; & la même quantité de fer crud & neuf tonnes de charbon pour l’acier en baril.

Lorsque la mine de fer est mise pour la premiere fois en fusion dans les fourneaux à fondre & destinés au fer forgé, on lui voit quelquefois surnager de petites masses ou morceaux d’acier qui ne vont point dans les angles, & qui ne se précipitent point au fond, mais qui tiennent le milieu du bain. Leur superficie extérieure est inégale & informe ; celle qui est enfoncée dans la matiere fluide est ronde : c’est du véritable acier qui ne se mêlera avec le reste que par la violence du vent. Ces masses donnent depuis six jusqu’à dix & quinze livres d’acier. Les ouvriers Suédois qui ont soin de recueillir cet acier qu’ils estiment, disent que le reste de la fonte n’y perd ni n’y gagne.

Dans la Dalecarlie on tire encore d’une mine marécageuse un fer, qu’on transforme de la maniere suivante en un acier qu’on emploie aux ouvrages qui n’ont pas besoin d’être retrempés : on tient ce fer au-dessus d’une flamme vive jusqu’à ce qu’il fonde & qu’il coule au fond du creuset : quand il est bien liquide, on redouble le feu ; on retire ensuite les charbons, & on le laisse refroidir : on met cette matiere froide en morceaux ; on prend les parties du centre, & l’on rejette celles qui sont à la circonférence : on les remet plusieurs fois au feu. On commence par un feu qui ne soit pas de fonte : quand cela arrive, on arrête le vent, & on donne le tems à la matiere fondue de s’épaissir. On jette dessus des scories ; on la remet en fusion, & l’on en sépare l’acier. Toute cette manœuvre mériteroit bien un plus long détail : mais outre qu’il nous manque, il allongeroit trop cet article. Si le fer de marais ne se fond pas, & qu’il reste gras & épais, on le retourne, & on l’expose au feu de l’autre face.

Dans le Dauphiné, près de d’Allévard & de la montagne de Vanche, il y a des mines de fer. Le fer crud qui en vient est porté dans un feu qu’on appelle l’affinerie. Le vent des soufflets donne sur la masse, qui se fond par ce moyen peu à peu. Le foyer du creuset est garni de lames de fer ; il est très-profond. On laisse ici le bain tranquille jusqu’à ce que le creuset soit plein ; alors on arrête le vent, & on débouche le trou ; la fonte coule dans des moules où elle se met en petites masses. On enleve de la surface de ces masses, des scories qui cachent le fer. On porte le reste sous le marteau, & on le met en barres. On porte ces barres dans un feu voisin qu’on appelle chaufferie : là, on les pousse jusqu’au blanc. On les roule dans le sable pour tempérer la chaleur, & on les forge pour les durcir & convertir en acier. Mais il faut observer qu’entre ces deux opérations, après l’avoir poussé jusqu’au rouge blanc, on le trempe.

A Saltzbourg, on choisit les meilleures veines : ce sont les brunes & jaunes. On calcine ; on fond ; on met en masses, qui pesent jusqu’à quatre cens dans la premiere fonte. On tient la matiere en fusion pendant douze heures ; on retire les crasses ; on remue ; on laisse figer ; on met en morceaux ; on plonge dans l’eau chaque morceau encore chaud : on le remet au feu ; on l’y laisse pendant six heures qu’on pousse le feu avec la derniere violence : on ôte les scories ; on refend & l’on trempe. Ces opérations réitérées donnent à l’acier une grande dureté : cependant on y revient une troisieme fois ; on remet les morceaux au feu pendant six heures ; on les forme en barres que l’on trempe. Ces barres plus épaisses que les premieres sont remises en morceaux, & forgées en petites barres quarrées d’un demi-doigt d’équarrissage. A chaque fois qu’on les trempe, on a soin qu’elles soient chaudes jusqu’au blanc, & l’on met du sel marin dans l’eau pour rendre la fraîcheur plus vive. Cet acier est extrèmement estimé. On en fait des paquets qui pesent vingt-cinq livres. Cet acier s’appelle bisson.

De quatre cens pesant de fer crud, on tire environ deux cens livres & demie de bisson : le reste s’en va en scories, crasses & fumées. On y emploie moitié charbons mous, moitié charbons durs. On en consomme à recuire six sacs. Trois hommes peuvent faire quinze à seize cens de cet acier par semaine. L’acier qui porte le nom de Stirie, se fait en Carinthie suivant cette méthode.

Il y a dans la Carinthie, la Stirie & le Tirol, des forges de fer & d’acier. Leurs fourneaux sont construits comme en Saxe ; la tuyere entre assez avant dans le creuset. Ils fondent quatre cens & demie à chaque fonte. On tient la matiere en fusion pendant trois ou quatre heures : pendant ce tems on ne cesse de l’agiter avec des ringards ; & à chaque renouvellement de matiere, on jette dessus de la pierre à fusil calcinée & pulvérisée. On dit que cette poudre aide les scories à se détacher. Lorsque la matiere a été en fusion pendant quatre heures, on retire les scories : on en laisse cependant quelques-unes qu’on a reconnues pour une matiere ferrugineuse. On enleve cette matiere en lames ; on la forge en barres, & l’on a du fer forgé. Quant au reste de la matiere en fusion, on le retire. On le porte sous le marteau, on le partage en quatre parties qu’on jette dans l’eau froide. On refond de nouveau comme auparavant : on réitere ces opérations trois ou quatre fois, selon la nature de la matiere. Quand on est assûré qu’elle est convertie en bon acier, on l’étend sous le marteau en barres de la longueur de trois piés. On la trempe à chaque barre dans une eau où l’on a fait dissoudre de l’argile ; puis on en fait des tonneaux de deux cens & demi pesant.

De quatre cens & demi de fer, on retire un demi cent de fer pur, le reste est acier. Trois hommes font un millier par semaine.

On suit presque cette méthode de faire l’acier en Champagne, dans le Nivernois, la Franche-Comté, le Dauphiné, le Limosin, le Périgord, & même la Normandie.

Enfin à Fordinberg & autres lieux, dans le Roussillon & le pays de Foix, on fond la mine de fer dans un fourneau ; on lui laisse prendre la forme d’un creuset ou d’un pain rond par-dessous, & plat dessus, qu’on appelle un masset. Cette masse tirée du feu se divise en cinq ou six parties qu’on remet au feu, & qu’on allonge ensuite en barres. Un côté de ces barres est quelquefois fer, & l’autre acier.

Il suit de tout ce qui précede, qu’il ne faut point supposer que les étrangers aient des méthodes de convertir le fer en acier dont ils fassent des secrets : que le seul moyen de faire d’excellent acier naturel, c’est d’avoir une mine que la nature ait formée pour cela, & que quant à la maniere d’obtenir de l’autre mine un acier artificiel, si celle de M. de Réaumur n’est pas la vraie, elle reste encore à trouver.

L’acier mis sur un petit feu de charbon, prend différentes couleurs. Une lame prend d’abord du blanc ; 2°. un jaune léger comme un nuage ; 3°. ce jaune augmente jusqu’à la couleur d’or ; 4°. la couleur d’or disparoît, & le pourpre lui succede ; 5°. le pourpre se cache comme dans un nuage, & se change en violet ; 6°. le violet se change en un bleu élevé ; 7°. le bleu se dissipe & s’éclaircit ; 8°. les restes de toutes ces couleurs se dissipent, & font place à la couleur d’eau. On prétend que pour que ces couleurs soient bien sensibles, il faut que l’acier mis sur les charbons ait été bien poli, & graissé d’huile ou de suif.

Nos meilleurs aciers se tirent d’Allemagne & d’Angleterre. Celui d’Angleterre est le plus estimé, par sa finesse de grain & sa netteté : on lui trouve rarement des veines & des pailles. L’acier est pailleux quand il a été mal soudé ; les pailles paroissent en écailles à sa surface : les veines sont de simples traces longitudinales. L’acier d’Allemagne au contraire est veineux, pailleux, cendreux, & piqué de nuances pâles qu’on apperçoit quand il est émoulu & poli. Les cendrures sont de petites veines tortueuses : mais les piquûres sont de petits trous vuides que les particules d’acier laissent entr’elles quand leur tissu n’est pas assez compact.

Les pailles & les veines rendent l’ouvrage malpropre, & le tranchant des instrumens inégal, foible, mou. Les cendrures & les piquûres le mettent en scie.

Pour distinguer le bon acier du mauvais, prenez le morceau que vous destinez à l’ouvrage dans des tenailles, mettez-le dans un feu de terre ou de charbon, selon le pays ; faites-le chauffer doucement, comme si vous vous proposiez de le souder : prenez garde de le surchauffer ; il vaut mieux lui donner deux chaudes qu’une ; l’acier surchauffé se pique, & le tranchant qu’on en fait est en scie, & par conséquent rude à la coupe ; ne surchauffez donc pas. Quand votre acier sera suffisamment chaud, portez-le sur l’enclume ; prenez-un marteau proportionné au morceau d’acier que vous éprouvez ; un marteau trop gros écrasera, & empêchera de souder : trop petit, il ne fera souder qu’à la surface, & laissera le cœur intact ; le grain sera donc inégal : frappez doucement votre morceau d’acier, jusqu’à ce qu’il ait perdu la couleur de cerise ; remettez-le au feu : faites-le rougir un peu plus que cerise ; plongez-le dans l’eau fraîche ; laissez-le réfroidir ; émoulez-le & le polissez ; essayez-le ensuite & le considérez : s’il a des pailles, des cendrures, des veines, des piquûres, vous les appercevrez. Il arrivera quelquefois qu’un, deux, trois, ou même tous les côtés du morceau éprouvé seront parfaits : s’il n’y en a qu’un de bon, faites-en le tranchant de votre ouvrage ; par ce moyen, les imperfections de l’acier se trouveront au dos de la piece : mais il y a des pieces à deux tranchans. L’acier ne sauroit alors être trop bon ni trop scrupuleusement choisi : il faut qu’il soit pur & net par ses quatre faces & au cœur.

L’acier d’Allemagne vient en barils d’environ deux piés de haut, & du poids de cent cinquante livres. Il étoit autrefois très-bon : mais il a dégénéré.

L’étoffe de Pont vient en barres de différentes grosseurs : c’est le meilleur acier pour les gros instrumens, comme ciseaux, forces, serpes, haches, &c. pour aciérer les enclumes, les bigornes, &c.

L’acier de Hongrie est à peu près de la même qualité que l’étoffe de Pont, & on peut l’employer aux mêmes usages.

L’acier de rive se fait aux environs de Lyon, & n’est pas mauvais : mais il veut être choisi par un connoisseur, & n’est propre qu’à de gros tranchans ; encore lui préfere-t-on l’étoffe de Pont, & l’on a raison. C’est cependant le seul qu’on emploie à Saint-Etienne & à Thiers.

L’acier de Nevers est très-inférieur à l’acier de rive : il n’est bon pour aucun tranchant : on n’en peut faire que des socs de charrue.

Mais le bon acier est propre à toutes sortes d’ouvrages entre les mains d’un ouvrier qui sait l’employer. On fait tout ce qu’on veut avec l’acier d’Angleterre. Il est étonnant qu’en France, ajoûte l’Artiste de qui je tiens les jugemens qui précedent sur la qualité des aciers, (c’est M. Foucou, ci-devant Coutelier) on ne soit pas encore parvenu à faire de bon acier, quoique ce Royaume soit le plus riche en fer, & en habiles ouvriers. J’ai bien de la peine à croire que ce ne soit pas plûtôt défaut d’intelligence dans ceux qui conduisent ces manufactures, que défaut dans les matieres & mines qu’ils ont à travailler. Il sort du Royaume près de trois millions par an pour l’acier qui y entre. Cet objet est assez considérable pour qu’on y fît plus d’attention, qu’on éprouvât nos fers avec plus de soin, & qu’on tâchât enfin d’en obtenir, ou de l’acier naturel, ou de l’acier artificiel, qui nous dispensât de nous en fournir auprès de l’étranger. Mais pour réussir dans cet examen, des Chimistes, sur-tout en petit, des contemplatifs systématiques ne suffisent pas : il faut des ouvriers, & des gens pourvûs d’un grand nombre de connoissances expérimentales sur les mines avant que de les mettre en fer, & sur l’emploi du fer au sortir des forges. Il faut des hommes de forges intelligens qui aient opéré, mais qui n’aient pas opéré comme des automates, & qui aient eu pendant vingt à trente ans le marteau à la main. Mais on ne fait pas assez de cas de ces hommes pour les employer : cependant ils sont rares, & ce sont peut-être les seuls dont on puisse attendre quelque découverte solide.

Outre les aciers dont nous avons fait mention, il y a encore les aciers de Piémont, de Clamecy, l’acier de Carme, qui vient de Kernant en Allemagne ; on l’appelle aussi acier à la double marque ; il est assez bon. L’acier à la rose, ainsi nommé d’une tache qu’on voit au cœur quand on le casse. L’acier de grain de Motte, de Mondragon, qui vient d’Espagne ; il est en masses ou pains plats de dix-huit pouces de diametre, sur deux, trois, quatre, cinq d’épaisseur. Il ne faut pas oublier l’acier de Damas, si vanté par les sabres qu’on en faisoit : mais il est inutile de s’étendre sur ces aciers, dont l’usage est moins ordinaire ici.

On a trouvé depuis quelques années une maniere particuliere d’aimanter l’acier. Voyez là-dessus l’article Aimant. Voyez aussi l’article Fer sur les propriétés medicinales de l’acier. Nous les renvoyons à cet article, parce que ces propriétés leur sont communes ; & l’on croit que pour l’usage de la Medecine le fer vaut mieux que l’acier. Voyez Geoffroy, Mat. Med. pag. 500.

Nous finirons cet article acier par le problème proposé aux Physiciens & aux Chimistes sur quelques effets qui naissent de la propriété qu’a l’acier de produire des étincelles, en le frappant contre un caillou, & résolu par M. de Reaumur. On s’étoit apperçû au microscope que les étincelles qui sortent de ce choc sont autant de petits globes sphériques. Cette observation a donné lieu à M. Kemp de Kerrwik de demander, 1°. laquelle des deux substances, ou du caillou, ou de l’acier, est employée à la production des petits globes ; 2°. de quelle maniere cela se fait ou doit faire ; 3°. pourquoi, si l’on emploie le fer au lieu d’acier, n’y a-t-il presque plus d’étincelles scorifiées.

M. de Reaumur commence la solution de ces questions par quelques maximes si sages, que nous ne pouvons mieux faire que de les rapporter ici. Ces questions ayant été inutilement proposées à la Société Royale de Londres plus d’un an avant que de parvenir à M. de Reaumur, il dit qu’on auroit souvent tort d’en croire des questions plus difficiles, parce que de très-habiles gens à qui on les a proposées n’en ont pas donné la solution ; qu’il faudroit être bien sûr auparavant qu’ils l’ont cherchée, & que quelqu’un qui est parvenu à se faire connoître par son travail, n’auroit qu’à renoncer à tout ouvrage suivi, s’il avoit la facilité de se livrer à tous les éclaircissemens qui lui seroient demandés.

M. de Reaumur laisse à d’autres à expliquer comment le choc de l’acier contre le caillou produit des étincelles brillantes, & il répond aux autres questions que le fer & l’acier sont pénétrés d’une matiere inflammable à laquelle ils doivent leur ductilité ; matiere qu’ils n’ont pas plûtôt perdue, qu’ils deviennent friables, & qu’ils sont réduits en scories ; qu’il ne faut qu’un instant pour allumer la matiere inflammable des grains de fer & d’acier très-petits, peut-être moins, ou aussi peu de tems que pour allumer des grains de sciûres de bois ; que si la matiere inflammable d’un petit grain d’acier est allumée subitement, si elle est toute allumée presqu’à la fois, cela suffit pour mettre le grain en fusion ; que les petits grains d’acier détachés par le caillou sont aussi embrasés soudainement ; que le caillou lui-même aide peut-être par la matiere sulphureuse qu’il fournit dans l’instant du choc à celle qui est propre au grain d’acier ; que ce grain d’acier rendu liquide s’arrondit pendant sa chûte ; qu’il devient une boule, mais creuse, friable, spongieuse, parce que sa matiere huileuse & inflammable a été brûlée & brûle avec éruption ; que ce tems suffit pour brûler celle d’un grain qui est dans l’air libre : enfin que l’acier plus dur que le fer, imbibé d’une plus grande quantité de matiere inflammable & mieux distribué, doit donner plus d’étincelles. On peut voir dans le Mémoire même de M. de Reaumur, Recueil de l’Académie des Sciences, annêe 1736. les preuves des suppositions sur lesquelles la solution que nous venons de rapporter est appuyée : ces preuves y sont exposées avec toute la clarté, l’ordre, & l’étendue qu’elles méritent, depuis la page 391 jusqu’à 403.

Acier tiré, terme d’Horlogerie. V. Fil de Pignon.

ACINIFORME, adject. ou acinosa tunica (en Anatomie) c’est une membrane de l’œil appellée aussi uvée. Voyez Uvée. (L)

* ACKEN ou ACHEN, s. ville d’Allemagne dans le cercle de Basse-Saxe sur l’Elbe.

ACME, s. (Medecine) vient du Grec ἀκμὴ, pointe ; il est particulierement en usage pour signifier le plus haut point, ou le fort d’une maladie ; car quelques uns divisent les maladies en quatre états ou périodes ; 1°. l’arche qui est le commencement ou la premiere attaque ; 2°. l’anabasis, du Grec ἀνάϐασις, qui est l’augmentation du mal ; 3°. l’acme qui en est le plus haut point ; 4°. le paracme qui en est le déclin.

Cette division mérite attention dans les maladies aiguës où elle a sur-tout lieu, comme dans la fievre continue, dans la fievre maligne, dans les inflammations. Les maladies suivent tous ces périodes selon le bon ou le mauvais traitement qu’on y apporte, ou selon la cause, le degré de malignité de la maladie, l’épuisement ou les forces actuelles du malade. (N)

* ACMELLA, subst. plante qui vient de l’Isle de Ceylan où elle est commune. Voici son caractere selon P. Hotton, Professeur de Botanique à Leyde. Les fleurs de cette plante sortent de l’extrémité des tiges, & sont composées d’un grand nombre de petites fleurs jaunes, radiées, qui forment en s’unissant une tête portée sur un calice à cinq feuilles. Lorsque ces fleurs sont tombées, il leur succede des semences d’un gris obscur, longues & lisses, excepté celles qui sont au sommet : elles sont garnies d’une double barbe qui les rend fourchues ; la tige est quarrée & couverte de feuilles posées par paires, semblables à celles de l’ortie morte, mais plus longues & plus pointues.

La vertu qu’elle a ou qu’on lui attribue de guérir de la pierre, en la dissolvant, l’a rendue célebre. En 1690 un Officier Hollandois assûra à la Compagnie des Indes Orientales qu’il avoit guéri plus de cent personnes de la néphrétique, & même de la pierre, par l’usage seul de cette plante. Ce témoignage fut confirmé par celui du Gouverneur de Ceylan. En 1699, le Chirurgien de l’Hôpital de la ville de Colombo écrivit les mêmes choses de l’Acmella à P. Hotton. Ce Chirurgien distinguoit dans sa Lettre trois sortes d’acmella différentes entr’elles, principalement par la couleur des feuilles ; il recommandoit sur-tout celle à semences noires & à grandes feuilles.

On cueille les feuilles avant que les fleurs paroissent ; on les fait sécher au soleil, & on les prend en poudre dans du thé, ou quelqu’autre véhicule convenable : ou l’on fait infuser la racine, les tiges, & les branches dans de l’esprit-de-vin que l’on distille ensuite ; l’on se sert des fleurs, de l’extrait, de la racine & de sels de cette plante dans la pleurésie, les coliques, & les fievres.

Comme une plante aussi importante ne peut être trop bien connue, j’ajoûterai à la description précédente celle de Breyn. Cet Auteur dit que sa racine est fibreuse & blanche, sa tige quarrée & haute d’environ un pié ; qu’elle se divise en plusieurs branches ; que ses feuilles sont longues, pointues, raboteuses, & un peu découpées, & que ses fleurs naissent aux extrémités des branches.

Le même Auteur ajoûte qu’on peut prendre deux ou trois fois par jour de la teinture d’acmella faite avec l’esprit-de-vin dans un verre de vin de France ou du Rhin, ou dans quelque décoction antinéphrétique, pour faciliter la sortie du gravier & des pierres.

Nous ne pouvons trop inviter les Naturalistes à rechercher les propriétés de cette plante. Quel bonheur pour le genre humain, si on lui découvroit par hasard celles qu’on lui attribue, & quel homme mériteroit mieux l’immortalité que celui qui se seroit livré à ce travail ? Peut-être faudroit-il faire le voyage de Ceylan. Les substances animales prennent des qualités singulieres par l’usage que font les animaux de certains alimens plûtôt que d’autres ; pourquoi n’en seroit-il pas de même des substances végétales ? Mais si cette induction est raisonnable, il s’ensuit que telle plante cueillie d’un côté de cette montagne aura une vertu qu’on ne retrouvera pas dans la même plante cueillie de l’autre côté ; que telle plante avoit jadis une propriété qu’elle n’a plus aujourd’hui, & qu’elle ne recouvrera peut-être jamais ; que les fruits, les végétaux, les animaux sont dans une vicissitude perpétuelle par rapport à leurs qualités, à leurs formes, à leurs élémens ; qu’un ancien d’il y a quatre mille ans, ou plûtôt que nos neveux dans dix mille ans ne reconnoîtront peut-être aucun des fruits que nous avons aujourd’hui, en les comparant avec les descriptions les plus exactes que nous en faisons ; & que par conséquent il faut être extrèmement réservé dans les jugemens qu’on porte sur les endroits où les anciens Historiens & Naturalistes nous entretiennent de la forme, des vertus, & des autres qualités d’êtres qui sont dans un mouvement perpétuel d’altération. Mais, dira-t-on, si les alimens salubres dégénerent en poison, de quoi vivront les animaux ? Il y a deux réponses à cette objection : la premiere, c’est que la forme, la constitution des animaux s’altérant en même proportion & par les mêmes degrés insensibles, les uns seront toûjours convenables aux autres ; la seconde, c’est que s’il arrivoit qu’une substance dégénérât avec trop de rapidité, les animaux en abandonneroient l’usage. On dit que le malum persicum ou la pêche nous est venue de Perse comme un poison ; c’est pourtant dans notre climat un excellent fruit, & un aliment fort sain.

* ACO, s. m. poisson dont Aldrovande fait mention, & qu’il dit être fort commun dans l’Epyre, la Lombardie, le lac Como, & d’une nourriture excellente. Cherchez maintenant ce que c’est que l’aco.

ACOCATS, s. m. pl. (Soierie.) Ce sont deux litteaux de deux piés de longueur environ, & d’un pouce d’épaisseur, taillés en dents faites en V à leur partie supérieure : ils servent à porter un bâton rond auquel le battant est suspendu ; & au moyen des entailles qui sont dans leur longueur, on peut avancer ou reculer le battant, selon que le travail l’exige. Les acocats sont attachés au-dedans du métier aux deux estases, parallelement l’un à l’autre. Les dents en V des acocats aident suffisamment à fixer le battant dans l’endroit où il est placé, pour qu’on ne craigne pas qu’il se dérange en travaillant. Voyez Velours ciselé, & l’explication du Métier à velours ciselé.

ACŒMETES, du Latin acœmetæ ou acœmeti, pour insomnii, s. m. pl. (Théolog.) nom de certains Religieux fort célebres dans les 1rs siecles de l’Eglise, sur-tout dans l’Orient ; appellés ainsi, non qu’ils eussent les yeux toûjours ouverts sans dormir un seul moment, comme quelques Auteurs l’ont écrit, mais parce qu’ils observoient dans leurs Eglises une psalmodie perpétuelle, sans l’interrompre ni jour ni nuit. Ce mot est Grec, ἀκοίμητος, composé d’ά privatif, & κοιμάω, dormir.

Les Acœmetes étoient partagés en trois bandes, dont chacune psalmodioit à son tour, & relevoit les autres ; de sorte que cet exercice duroit sans interruption pendant toutes les heures du jour & de la nuit. Suivant ce partage, chaque Acœmete consacroit religieusement tous les jours huit heures entieres au chant des Pseaumes, à quoi ils joignoient la vie la plus exemplaire & la plus édifiante : aussi ont-ils illustré l’Eglise Orientale par un grand nombre de Saints, d’Evêques, & de Patriarches.

Nicéphore donne pour fondateur aux Acœmetes un nommé Marcellus, que quelques Ecrivains modernes appellent Marcellus d’Apamée : mais Bollandus nous apprend que ce fut Alexandre, Moine de Syrie, antérieur de plusieurs années à Marcellus. Suivant Bollandus, celui-là mourut vers l’an 430. Il fut remplacé dans le gouvernement des Acœmetes par Jean Calybe, & celui-ci par Marcellus.

On lit dans Saint Grégoire de Tours, & plusieurs autres Ecrivains, que Sigismond, Roi de Bourgogne, inconsolable d’avoir, à l’instigation d’une méchante Princesse qu’il avoit épousée en secondes nôces, & qui étoit fille de Théodoric, Roi d’Italie, fait périr Géseric son fils, Prince qu’il avoit eu de sa premiere femme, se retira dans le Monastere de S. Maurice, connu autrefois sous le nom d’Agaune, & y établit les Acœmetes pour laisser dans l’Eglise un monument durable de sa douleur & de sa pénitence.

Il n’en fallut pas davantage pour que le nom d’Acœmetes & la psalmodie perpétuelle fût mise en vogue dans l’Occident, & sur-tout dans la France, dont plusieurs Monasteres, entr’autres celui de Saint Denys, suivirent presqu’en même tems l’exemple de celui de Saint Maurice : quelques Monasteres de filles se conformerent à la même regle. Il paroît par l’abregé des actes de Sainte Saleberge recueillis dans un manuscrit de Compiegne, cité par le P. Ménard, que cette Sainte, après avoir fait bâtir un vaste Monastere, & y avoir rassemblé trois cens Religieuses, les partagea en plusieurs chœurs différens, de maniere qu’elles pussent faire retentir nuit & jour leur Eglise du chant des Pfeaumes.

On pourroit encore donner aujourd’hui le nom d’Acœmetes à quelques Maisons religieuses où l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement fait partie de la regle, ensorte qu’il y a jour & nuit quelques personnes de la Communauté occupées de ce pieux exercice. Voyez Sacrement & Adoration.

On a quelquefois appellé les Stylites Acœmetes, & les Acœmetes, Studites. V. Stylite & Studite. (G)

* ACOLALAN, subst. m. (Hist. nat.) Punaise de l’Isle Madagascar qui devient grosse comme le pouce, & qui prend alors des ailes : elle ronge tout, mais sur-tout les étoffes.

ACOLYTHE, s. m. (Théolog. Hist. anc. & mod.) chez les Anciens signifioit une personne ferme & inebranlable dans ses sentimens. C’est pourquoi l’on donna ce nom à certains Stoïciens qui se piquoient de cette fermeté.

Ce nom est originairement Grec, ἀκολούθος. Quelques-uns le composent d’ά privatif & de κολεέτος, via, voie, chemin ; & pris en ce sens il signifie à la lettre qui persiste toûjours dans la même voie, qui ne s’en écarte jamais. D’autres écrivent acolyte sans h, & le dérivent d’άκολύτος, acolytus, formé d’ négatif & de κολύω, arceo, impedio ; d’autres enfin prétendent qu’il signifie à la lettre un suivant, un servant.

C’est en ce dernier sens que dans les Auteurs ecclésiastiques on trouve ce terme spécialement appliqué aux jeunes Clercs qui aspiroient au saint Ministere, & tenoient dans le Clergé le premier rang après les Soûdiacres. L’Eglise Greque n’avoit point d’acolythes, au moins les plus anciens monumens n’en font-ils aucune mention : mais l’Eglise Latine en a eu dès le iii. siecle ; Saint Cyprien & le Pape Corneille en parlent dans leurs Epîtres, & le iv. Concile de Carthage prescrit la maniere de les ordonner.

Les Acolythes étoient de jeunes hommes entre vingt & trente ans destinés à suivre toûjours l’Evêque, & à être sous sa main. Leurs principales fonctions dans les premiers siecles de l’Eglise étoient de porter aux Evêques les Lettres que les Eglises étoient en usage de s’écrire mutuellement, lorsqu’elles avoient quelque affaire importante à consulter ; ce qui, dans les tems de persécution où les Gentils épioient toutes les occasions de prophaner nos Mysteres, exigeoit un secret inviolable & une fidélité à toute épreuve : ces qualités leur firent donner le nom d’Acolythes, aussi-bien que leur assiduité auprès de l’Evêque qu’ils étoient obligés d’accompagner & de servir. Ils faisoient ses messages, portoient les eulogies, c’est-à-dire, les pains-benis que l’on envoyoit en signe de Communion : ils portoient même l’Eucharistie dans les premiers tems ; ils servoient à l’autel sous les Diacres ; & avant qu’il y eût des Soûdiacres, ils en tenoient la place. Le Martyrologe marque qu’ils tenoient autrefois à la Messe la patene enveloppée, ce que font à présent les Soûdiacres ; & il est dit dans d’autres endroits qu’ils tenoient aussi le chalumeau qui servoit à la Communion du calice. Enfin ils servoient encore les Evêques & les Officians en leur présentant les ornemens sacerdotaux. Leurs fonctions ont changé ; le Pontifical ne leur en assigne point d’autre, que de porter les chandeliers, allumer les cierges, & de préparer le vin & l’eau pour le Sacrifice : ils servent aussi l’encens, & c’est l’ordre que les jeunes Clercs exercent le plus. Thomass. Disciplin. de l’Eglise. Fleury, Instit. au Droit ecclesiast. tome I. part. 1. chap. 6.

Dans l’Eglise Romaine il y avoit trois sortes d’Acolythes : ceux qui servoient le Pape dans son Palais, & qu’on nommoit Palatins : les Stationnaires qui servoient dans les Eglises, & les Régionaires qui aidoient les Diacres dans les fonctions qu’ils exerçoient dans les divers quartiers de la ville.

Le nom d’Acolythe a encore été donné à des Officiers laïcs attachés à la personne des Empereurs de Constantinople ; & dans les Liturgies des Grecs, le mot ἀκολουτία signifie la suite, la continuation de l’Office, les cérémonies des Sacremens, & les prieres. (G)

* ACOMA, s. ville de l’Amérique septentrionale, au nouveau Mexique ; elle est capitale de la Province. Long 169. lat. 35.

* ACOMAS, s. m. (Hist. nat.) grand & gros arbre de l’Amérique, dont la feuille est large, le fruit en olive, d’une couleur jaune, & d’un goût amer. On emploie cet arbre dans la construction des navires, & on en tire des poutres de dix-huit pouces de diametre sur soixante piés de longueur.

ACONIT, s. m. (Hist. nat.) en Latin aconitum, herbe à fleur irréguliere, composée de plusieurs feuilles, & dont le pistil devient un fruit à plusieurs loges ou capsules. La fleur de cette plante a cinq feuilles qui sont toutes différentes entr’elles, & qui représentent en quelque façon la tête d’un homme revêtu d’un heaume ou d’un capuchon. La feuille supérieure tient lieu de casque ou de capuchon ; les deux feuilles inférieures sont à la place de la mentonniere, & celles des côtés peuvent être comparées à des oreillettes. Il sort du milieu de la fleur deux crosses qui sont cachées sous la feuille du dessus ; il en sort aussi le pistil, qui devient un fruit composé de gaînes membraneuses, qui sont disposées en maniere de tête, & qui renferment ordinairement des semences anguleuses & ridées. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Aconit, (l’) (Jardinage.) vient de semence sur couche, & aussi de brins sans racine. Il y a un aconit d’été & un autre d’hyver. (K)

Mais de tous les aconits (Mat. med.) il n’y en a qu’un qui puisse servir dans la Medecine ; c’est l’aconitum salutiferum sive anthora. C. B.

Sa racine est un contre-poison pour ceux qui ont mangé la racine des autres aconits. Les paysans des Alpes & des Pyrénées s’en servent contre les morsures des chiens enragés & contre la colique. Elle est donc alexitere, cordiale, stomachale, & bonne pour la colique venteuse. Elle contient beaucoup d’huile & de sel essentiel volatil.

La Nature a semblé faire naître l’aconit salutaire auprès du napel, qui est un vrai poison, pour servir de contre-poison ; aussi comme le napel coagule le sang, l’aconit salutaire agit en divisant les humeurs. (N)

ACONTIAS, s. m. (Hist. nat.) serpent qui s’élance comme un trait décoché, ce qui lui a fait donner le nom de javelot. Voyez Javelot. (I)

ACONTIAS, s. m. (Physiq.) nom employé par quelques Auteurs pour désigner une Comete, ou plûtôt un Météore, qui paroît avoir une tête ronde ou oblongue, & une queue longue & menue, à peu près de la forme d’un javelot. Voyez Comete & Météore. (O)

* ACOPIS, s. (Hist. nat.) pierre précieuse transparente comme le verre, avec des taches de couleur d’or. On l’a appellée acopis, parce que l’huile dans laquelle on la fait bouillir, passe pour un remede contre les lassitudes. Pline. Constant. Il faut attendre pour savoir à laquelle de nos pierres rapporter celle-ci & beaucoup d’autres dont nous parlerons dans la suite, que M. Daubenton, de l’Académie Royale des Sciences de Paris, ait fait usage de sa découverte ingénieuse sur la maniere de transmettre à nos descendans la maniere d’appliquer, sans erreur, nos noms de pierres, aux pierres mêmes auxquelles nous les avons donnés, & de trouver quel est celui de nos noms de pierres qui répond à tel ou tel nom des Anciens.

* ACOPOS, s. (Hist. nat.) plante dont il est fait mention dans Pline, & que l’on prétend être l’anagyris de Dioscoride, que Gerard regarde comme une espece de trifolium.

* AÇORES, s. Isles de l’Amérique qui appartiennent aux Portugais ; elles sont au nombre de neuf. Long. 346.-354. lat. 39.

Elles sont commodément situées pour la navigation des Indes Orientales & du Bresil : on en tire principalement des blés, des vins & du pastel : mais cette derniere denrée est le principal du négoce. Les batates entrent dans la cargaison des Hollandois. Les Açores donnent encore des citrons, des limons, des confitures, dont le fayal est la plus estimée. On y porte des toiles, de l’huile, du sel, des vins de Canarie & de Madere ; des taffetas, des rubans, des droguets de soie, des draps, des futaines, des bas de soie, du riz, du papier, des chapeaux, & quelques étoffes de laine. On a en retour de la monnoie d’or du Bresil, des sucres blancs, des moscoüades, du bois de Jacaranda, du cacao, du girofle : les Anglois y passent aussi des étoffes, des laines, du fer, des harengs, des sardines, du fromage, du beurre, & des chairs salées.

* ACORNA, s. (Hist. nat. & bot.) espece de chardon dont il est parlé dans Theophraste. Il a, dit cet Auteur, la tige & la feuille velues & piquantes ; ce qui convient non-seulement à l’actilis, mais à un grand nombre d’autres plantes.

L’acorna est, selon Pline, une espece de chêne verd semblable au houx ou au genevrier.

* ACORUS, s. m. (Hist. nat.) On donne aujourd’hui le nom d’acorus à trois racines différentes ; le vrai acorus, l’acorus des Indes, & le faux acorus.

Le vrai acorus est une racine longue, genouillée, de la grosseur du doigt, un peu plate, d’un blanc verdâtre au dehors ; quand elle est nouvelle, roussâtre ; quand elle est desséchée, blanche au dedans ; spongieuse, acre, amere, aromatique au goût & agréable à l’odorat. Des racines de cette plante rampante s’élevent des feuilles d’une coudée & demie, de la figure de l’iris à feuille étroite, applaties, pointues, d’un verd agréable, lisses, larges de 4 à 5 lignes, acres, aromatiques, un peu ameres, & odorantes quand on les froisse. Quant à ses fleurs, elles sont sans pétales, composées de six étamines rangées en épis serrés, entre lesquels croissent des embryons environnés de petites feuilles applaties ou écaillées. Chaque embryon devient un fruit triangulaire & à trois loges ; & toutes ces parties sont attachées à un poinçon assez gros, & forment un épi conique qui naît à une feuille sillonnée & plus épaisse que les autres. Cet acorus vient dans les lieux humides de la Lithuanie, de la Tartarie, & en Flandre, en Angleterre le long des ruisseaux. Sa racine distillée donne beaucoup d’huile essentielle, & un peu d’esprit volatil urineux. D’où il s’ensuit qu’elle est pleine de sel volatil, aromatique, huileux. On le recommande pour fortifier l’estomac, chasser les vents, appaiser les tranchées, lever les obstructions de la matrice & de la rate, provoquer les regles, augmenter le mouvement du sang. Il passe aussi pour alexipharmaque.

L’acorus des Indes est une racine semblable au vrai Acorus, mais un peu plus menue, d’une odeur plus agréable, amere & piquante au goût. Il vient des Indes Orientales & Occidentales. Celui du Bresil est assez semblable à celui de l’Europe. On l’ordonne seul ou avec d’autres remedes contre les humeurs visqueuses & les poisons.

Le troisieme acorus est une racine noüeuse, rouge intérieurement & extérieurement, sans odeur, surtout quand elle est verte ; d’un goût très-foible d’abord, mais qui devient bientôt d’une grande acrimonie. Dodonée dit qu’elle est bonne dans les dyssenteries, les flux de ventre, & toute hémorrhagie. On le prend ou en décoction ou de quelqu’autre maniere.

ACOTOIR, s. m. en Architecture, c’est le derriere d’un banc de pierre ou de bois qui sert à s’appuyer en arriere. (P)

ACOUDOIR, s. m. (Architect.) s’entend de tous murs à hauteur d’appui dont l’élévation est proportionnée à la grandeur humaine. Voyez Appui & Balustrade. (P)

* ACOUSMATIQUES, adj. pris subst. (Hist. anc.) Pour entendre ce que c’étoit que les Acousmatiques, il faut savoir que les disciples de Pythagore étoient distribués en deux classes séparées dans son école par un voile ; ceux de la premiere classe, de la classe la plus avancée, qui ayant pardevers eux cinq ans de silence passés sans avoir vû leur maître en chaire, car il avoit toûjours été séparé d’eux pendant tout ce tems par un voile, étoient enfin admis dans l’espece de sanctuaire d’où il s’étoit seulement fait entendre, & le voyoient face à face ; on les appelloit les Esotériques. Les autres qui restoient derriere le voile & qui ne s’étoient pas encore tûs assez long-tems pour mériter d’approcher & de voir parler Pythagore, s’appelloient Exotériques & Acousmatiques ou Acoustiques. Voyez Pythagoricien. Mais cette distinction n’étoit pas la seule qu’il y eût entre les Esotériques & les Exotériques. Il paroît que Pythagore disoit seulement les choses emblématiquement à ceux-ci ; mais qu’il les révéloit aux autres telles qu’elles étoient sans nuage, & qu’il leur en donnoit les raisons. On disoit pour toute réponse aux objections des Acoustiques, αὔτος ἐφὰ, Pythagore l’a dit : mais Pythagore lui-même résolvoit les objections aux Esotériques.

ACOUSTIQUE, s. f. est la doctrine ou la théorie des sons. Voyez Son. Ce mot vient du Grec ἀκούω, j’entends.

L’Acoustique est proprement la partie théorique de la Musique. C’est elle qui donne les raisons plus ou moins satisfaisantes du plaisir que nous fait l’harmonie, qui détermine les affections ou propriétés des cordes vibrantes, &c. V. Son, Harmonie, Corde

L’Acoustique est la même science qu’on a autrement appellée Phonique. Voyez Phonique.

Acoustiques, adj. pris subst. On dit les acoustiques pour les remedes acoustiques. Ce sont ceux qu’on emploie contre les défauts & les maladies de l’oreille ou du sens de l’oüie. Voyez Oreille & Ouie. On dit aussi maladies acoustiques, & instrumens acoustiques dans le même sens que remedes acoustiques. Acoustique se dit principalement des instrumens par lesquels ceux qui ont l’oüie dure remédient à ce défaut. Voyez Cornet, Porte-voix.

Le Docteur Hook prétend qu’il n’est pas impossible d’entendre à la distance d’une stade le plus petit bruit qu’une personne puisse faire en parlant ; & qu’il sait un moyen d’entendre quelqu’un à travers une muraille de pierre épaisse de trois piés. Voyez Echo, Cabinet secret& Porte-voix. (O)

* ACOUSTIQUES, s. m. V. Acousmatiques.

ACOUTREUR s. m. terme de Tireur d’or, c’est l’ouvrier qui resserre & polit le trou du fer ou de la filiere dans laquelle passe le trait, lorsqu’il s’agit de le tirer fin. Voyez Tireur d’or.

ACOUTUMANCE, s. f. (Architecture.) se dit, d’après Vitruve, pour exprimer l’habitude que l’on a de suivre un precepte, un auteur, ou un genre de bâtiment, selon l’usage du climat, du lieu, &c. C’est proprement de cette accoutumance ou habitude que se sont formées les regles du goût pour l’art de bâtir selon l’esprit de chaque Nation, & que sont nées les architectures Italienne, Françoise, Moresque, Chinoise, &c. (P)

ACOUTY, s. m. (Hist. nat.) animal quadrupede des Antilles. Il est de la grosseur du lapin ou du lievre, il a deux dents dans la mâchoire supérieure, & deux autres dans la mâchoire inférieure, semblables à celles du lievre, & il est fort agile ; sa tête est approchante de celle du rat ; son museau est pointu, ses oreilles sont courtes & arrondies ; il est couvert d’un poil roussâtre comme le cerf, & quelquefois brun tirant sur le noir, rude & clair comme celui d’un cochon de trois mois ; il a la queue plus courte que celle d’un lievre ; elle est dégarnie de poils, de même que les jambes de derriere : les quatre jambes sont courtes & menues ; le pié de celles de derriere est divisé en cinq doigts terminés par des ongles, tandis que les piés de devant n’ont que quatre doigts. Cet animal se retire dans les creux des arbres : la femelle porte deux ou trois fois l’année ; avant que de mettre bas, elle prépare, sous un buisson, un petit lit d’herbes & de mousse, pour y déposer ses petits, qui ne sont jamais que deux ; elle les allaite dans cet endroit pendant deux ou trois jours, & ensuite elle les transporte dans des creux d’arbres où elle les soigne jusqu’à ce qu’ils puissent se passer d’elle. L’acouty se nourrit de racines, & il mange avec ses pates de devant comme les écureuils ; il n’est jamais gras à moins qu’il ne se trouve assez près des habitations pour avoir des fruits de manioc & des patates ; alors il s’engraisse : mais en quelque état qu’il soit, il a toûjours un goût de venaison, & sa chair est dure ; cependant il y a beaucoup de gens qui l’aiment autant que celle du lapin. Au commencement que l’isle de la Guadeloupe fut habitée, on n’y vivoit presque d’autre chose. On chasse ces animaux avec des chiens qui les réduisent dans les creux des arbres qu’ils habitent : là on les enfume comme les renards, & ils n’en sortent qu’après avoir beaucoup crié : lorsque cet animal est irrité, il hérisse le poil de son dos, il frappe la terre de ses pattes de derriere comme les lapins ; il crie, il siffle & il mord ; on peut pourtant l’apprivoiser. Les Sauvages se servent des dents de l’acouty, qui sont fort tranchantes, pour se déchirer la peau dans leurs cérémonies. Hist. des Antilles, par le P. du Tertre ; Hist. nat. & mor. des Antilles de l’Amérique, &c. (I)

* ACQS, s. (Geog.) Voyez Dax.

* ACQUA-PENDENTE, s. ville d’Italie dans l’Etat de l’Eglise, au territoire d’Orviette, près de la Paglia. Long. 29. 28. lat. 42. 43.

* ACQUARIA, s. ville d’Italie, dans le Duche de Modene, près de la Sultena.

ACQUEREUR, s. m. en Droit, est la personne à qui l’on a transporté la propriété d’une chose, par vente, cession, échange, ou autrement. Il se dit singulierement de celui qui a fait l’acquisition d’un immeuble. (H)

ACQUÊT, s. m. (Jurisprud.) est un bien immeuble qu’on n’a point eu par succession, mais qu’on a acquis par achat, par donation, ou autrement. Voyez Immeuble. Ce mot vient du Latin acquirere, acquérir, gagner.

Nos Coûtumes mettent beaucoup de différence entre les acquêts & les propres : le Droit Civil ne fait pas cette distinction. Voyez Propre, & Patrimonial, &c.

Legs, ou donation faite à l’héritier présomptif en ligne collatérale, est acquêt en sa personne : mais ce qu’il recueille à titre de succession, lui devient propre. En ligne directe, tout héritage une fois parvenu aux enfans, même par legs ou donation, prend en leurs mains la qualité de propre, quand il ne l’auroit pas eue précédemment.

Les acquêts faits par le mari ou la femme avant le mariage, n’entrent point en communauté, quand même le prix n’en auroit été payé que depuis le mariage : mais dans ce second cas, la moitié du prix appartient à l’autre conjoint.

Des acquêts faits dans une Coûtume qui ne porte point communauté, ne laissent pas d’être communs, si les conjoints ont contracté mariage dans une Coûtume qui porte communauté, sans y déroger, ou s’ils l’ont expressément stipulée.

Nouveaux Acquêts, terme de finance, est un droit que payent au Roi les roturiers pour raison de l’acquisition & tenure de fiefs, dont autrement ils seroient obligés de vuider leurs mains, comme n’étant point de condition à posséder telle sorte de biens. Cependant les Bourgeois de Paris, & de quelques autres Villes, quoique roturiers, peuvent posséder des fiefs, sans être sujets à ce droit. (H)

* ACQUI, s. ville d’Italie, Duc. de Monferrat, sur la Bormia. Long. 26. 5. lat. 44. 40.

ACQUIESCEMENT, s. m. terme de Droit, est l’adhésion d’une des parties contractantes ou collitigeantes, ou de toutes deux, à un acte ou un jugement. Ainsi acquiescer à une condition, à une clause, c’est l’accepter : acquiescer à un jugement, c’est en passer par ce qu’il ordonne. (H)

Acquiescement, (Commerce.) consentement qu’un Négociant ou autre personne donne à l’exécution d’une Sentence arbitrale, d’une Sentence des Consuls, ou autre acte fait en Justice. On ne peut revenir contre un Jugement, après un acquiescement ; l’exécution d’un Jugement passe pour acquiescement. (G)

ACQUIESCER, demeurer d’accord d’une chose, en convenir. Ce Marchand a été obligé d’acquiescer à la Sentence arbitrale rendue contre lui. (G)

ACQUISITION, s. f. (Jurisp.) est l’action par laquelle on se procure la propriété d’une chose. Il se dit aussi de la chose même acquise. Ainsi l’on dit en ce sens : il a fait une mauvaise ou une bonne acquisition. Il se dit singulierement d’un immeuble.

Les acquisitions faites par l’un des conjoints survivans, avant la confection d’inventaire, appartiennent à la communauté qui étoit entre lui & le prédécédé. Voyez Communauté & Continuation de communauté. (H)

ACQUIT, s. m. terme de Pratique, synonyme à quittance, ou décharge. Voyez l’une & l’autre.

Acquit à caution, terme de finances, se dit d’un billet que les Commis de Bureaux d’entrée du Royaume délivrent à un particulier, qui se rend caution qu’une balle de marchandise sera vûe & visitée à la Doüane du lieu pour lequel elle est destinée ; sur le dos duquel billet les Commis de la Doüane, après avoir fait leur visite, en donnent leur certificat, qui sert de décharge à celui qui s’est porté caution.

Acquit à caution de transit, autre terme de finances. Ce terme regarde certaines marchandises ou choses servant aux ouvrages & fabrication d’icelles, qui sont exemptes des droits d’entrée & de sortie du Royaume, même des péages, octrois, & autres droits.

L’acquit ou certificat de franchise, concerne l’exemption des droits de sortie des marchandises destinées pour envoyer hors le Royaume, lesquelles sont achetées & enlevées pendant le tems des franchises des Foires.

Acquit de payement, est un terme usité dans les Bureaux des cinq grosses Fermes. Quand on paye les droits d’entrée & de sortie, le Receveur du Bureau fournit un acquit sur papier timbré, qu’on nomme acquit de payement, & qui sert de quittance & de décharge.

Acquit de comptant, sont des Lettres Patentes expédiées à la décharge du Garde du Thrésor Royal pour certaines sommes remises comptant entre les mains du Roi. Les acquits de comptant ne sont point libellés : ce sont des lettres de validation qui regardent certaines sommes données manuellement au Roi, & que Sa Majesté veut que la Chambre des Comptes passe en dépense, sans qu’il soit fait mention des emplois à quoi elles ont été destinées, imposant sur ce, silence à ses Procureurs Généraux. (H)

Acquit, s. m. (Commerce.) parmi des Négocians, signifie encore quittance, reçû, ou récépissé : payé à un tel par acquit du tel jour, c’est-à-dire sur sa quittance, reçû, ou récépissé.

Quand un Banquier ou une autre personne donne une Lettre de Change échûe, pour en aller recevoir le payement, il l’endosse en blanc, afin que le garçon puisse mettre le reçû au-dessus de sa signature. Il faut observer toûjours en faisant ces sortes d’endossemens en blanc, de mettre au-dessous de sa signature ces mots pour acquit, & cela afin qu’on ne puisse pas remplir le blanc d’un ordre payable à un autre. (G)

Acquit, s. m. (terme de jeu) au Billard ; c’est le coup que celui qui a le devant donne à joüer sur sa bille à celui qui est le dernier.

ACQUITER, v. a. signifie, payer des droits pour des marchandises aux entrées & sorties du Royaume, aux entrées des Villes, & dans les Bureaux du Roi. Il signifie aussi payer ses dettes. On dit acquiter des Lettres & Billets de change, des promesses, des obligations, pour dire les payer. (G)

Acquiter, v. a. (Jurisprud.) acquiter une promesse, un engagement, c’est le remplir. Acquiter ses dettes, ou celles d’un autre, c’est les payer ; acquiter quelqu’un de quelque chose, c’est l’en affranchir en la faisant pour lui, ou empêchant qu’il ne soit poursuivi pour raison de ce. Si, par exemple, un Seigneur qui releve lui-même d’un autre, a des vassaux sur qui le Seigneur suzerain prétende des droits, c’est à lui à les en acquiter ; car ils ne doivent le service qu’à leur Seigneur immédiat. (H)

ACQUITPATENT, s. m. (terme de finances.) est une ordonnance ou mandement du Roi, en vertu de laquelle les Thrésoriers ou Receveurs des Domaines de Sa Majesté sont obligés de payer au porteur d’icelle, quand elle est en bonne forme, la somme contenue en l’acquitpatent. Or la forme requise pour un acquitpatent valide, est qu’il soit signé, contre-signé, vérifié à la Chambre du Thrésor, contrôlé, &c. (H)

* ACRAMAR, ou VAN, ville & lac d’Arménie, en Asie. Lon. 62. lat. 36. 30.

* ACRATISME, s. m. (Hist. an.) Les Grecs faisoient quatre repas ; le déjeuner, qu’ils appelloient acratisma, ou dianestismos ; le dîner, ariston ou dorpiston : un petit repas entre le dîner & le souper, hesperisma, ce qu’on appelle en Latin merenda ; & le souper, dipnon, & quelquefois epidorpis.

* ACRATOPHORE, ou qui donne le vin pur (Myt.) nom qu’on donna à Bacchus, à Phigalie, ville d’Arcadie, où ce Dieu étoit principalement honoré.

* ACRATUS, (Myt.) Génie de la suite de Bacchus.

* ACRE, s. (Géogr.) Ptolémaïde, S. Jean d’Acre, ville d’Asie, qui appartient aux Turcs, proche de Tyr. Lon. 57. lat. 32. 40.

Acre, s. f. (Commerce.) mesure de terre, différente selon les différens pays. Voyez Mesure, Verge & Perche.

Ce mot vient du Saxon accre, ou de l’Allemand acker, lequel vraissemblablement est formé d’acer, & signifie la même chose. Saumaise cependant le fait venir d’acra, qui a été dit pour akena, & signifioit chez les Anciens une mesure de terre de dix piés.

L’acre en Angleterre & en Normandie est de 160 perches quarrées. L’acre Romaine étoit proprement la même chose que le jugerum. Voyez Arpent.

Il y a en Angleterre une taille réelle imposée par Charles II. à raison du nombre d’acres que possedent les habitans.

Le Chevalier Petty a calculé dans l’Arithmétique politique que l’Angleterre contient 39038500 acres ; les Provinces Unies 4382000, &c.

L’acre des bois est de quatre vergées, c’est-à-dire, 960 piés. Voyez Vergée. (E & G)

Acre, adj. (Chimie) se dit de ce qui est piquant, mordicant, & d’un goût désagréable. Tout excès & toute dépravation de salure fait l’acre. C’est en Medecine qu’on emploie plus communément ce terme.

Il y a autant de différentes especes d’acres que de différentes especes de sels. Il y a des acres aigres, des acres alkalis, & des acres moyens, qui tiennent de l’acide & de l’alkali en différentes proportions ; & on peut éprouver les acres pour en connoître l’espece, comme on éprouve les sels pour savoir s’ils sont acides ou alkalis, ou neutres. Voyez Sels.

On peut aussi distinguer les acres en acre scorbatique, acre vérolique, &c. Lorsque les différens sels qui sont naturellement dans les liqueurs du corps, sont en quantités disproportionnées, ou lorsque la dépuration de ces liqueurs est troublée, & leur chaleur naturelle augmentée, il se fait des acres de différentes especes. Certaines gangrenes font voir que les liqueurs du corps humain peuvent devenir si acres, qu’elles en sont caustiques. Les alkalis urineux qui se forment naturellement dans les corps vivans, sont dissolvans des parties animales, non-seulement des humeurs & des chairs, mais aussi des nerfs & des cartilages ; & les acres acides des animaux, comme est l’acide du lait, amollissent & dissolvent les os les plus durs. On peut en faire l’expérience avec du lait aigre ; on verra qu’il dissout jusqu’à l’ivoire.

Souvent un acre contre nature se trouve confondu dans les humeurs, & ne produit point de mal sensible tant qu’il n’y est pas en assez grande quantité, ou qu’il est plus foible que ne le sont les liqueurs qui n’ont qu’une salure naturelle. On a vû souvent des personnes qui portant un levain de vérole dans leurs humeurs, paroissoient se bien porter tant que le virus n’avoit pas fait assez de progrès pour se rendre sensible. Il y a des gouteux qui se portent bien dans les intervalles des accès de goutte, quoiqu’ils ayent dans eux de l’humeur acre de la goutte : c’est pour cette raison-là que les Medecins sages & habiles ont égard à la cause de la goutte dans toutes les maladies, qui arrivent aux gouteux, comme aux autres hommes.

Des charbons de peste ont sorti tout d’un coup à des personnes qui paroissoient être en parfaite santé ; & lorsque ces charbons pestilentiels sortent de quelque partie intérieure du corps, ceux à qui ce malheur arrive, meurent sans garder le lit ; & quelquefois même ils tombent morts dans les rues en allant à leurs affaires : ce qui prouve bien qu’on peut porter dans soi pendant quelque tems un levain de maladie, & d’une maladie très-dangereuse, sans s’en appercevoir. C’est ce qu’ont peine à comprendre ceux qui ayant la vérole conservent cependant toutes les apparences d’une bonne santé, n’ont rien communiqué, & ont des enfans sains.

Souvent des personnes sont prêtes d’avoir la petite vérole & semblent se porter bien ; cependant elles ont en elles le levain de cette maladie, qui quelques jours après les couvrira de boutons & d’ulceres. Ces choses sont approfondies, & clairement expliquées dans la Chimie Medicinale. (M)

* ACREMENT, s. m. (Commerce.) nom qu’on donne à Constantinople à des peaux assez semblables à celles qu’on appelle premiers cousteaux. Ces peaux sont de bœufs & de vaches, & sont apportées des environs de la mer noire.

ACRIDOPHAGES, s. pl. dans l’Histoire ancienne a été le nom d’un Peuple qui, disoit-on, vivoit de sauterelles ; ce que veut dire le mot acridophages, formé de ἀκρις, sauterelles, & φάγω, manger.

On plaçoit les Acridophages dans l’Ethiopie proche des déserts. Dans le printems ils faisoient une grande provision de sauterelles qu’ils saloient & gardoient pour tout le reste de l’année. Ils vivoient jusqu’à 40 ans, & mouroient à cet âge de vers ailés qui s’engendroient dans leur corps. Voyez S. Jerôme contre Jovinien ; & sur S. Jean, cap. iv. Diodore de Sicile, lib. III. cap. iij. & xxix. & Strabon, lib. XVI. Pline met aussi des Acridophages dans le pays des Parthes, & S. Jérôme dans la Libye.

Quoiqu’on raconte de ces Peuples des circonstances capables de faire passer tout ce qu’on en dit pour fabuleux, il peut bien y avoir eu des Acridophages : & même encore à présent il y a quelques endroits du Levant où l’on dit qu’on mange des sauterelles. Et l’Evangile nous apprend que S. Jean mangeoit dans le désert des sauterelles, ἄκριδες, y ajoûtant du miel sauvage. Matth. cap. iij. v. 4.

Il est vrai que tous les Savans ne sont pas d’accord sur la traduction de ἄκριδες, & ne conviennent pas qu’il faille le rendre par sauterelles. Isidore de Peluse entre autres, dans sa 132e Epître, parlant de cette nourriture de S. Jean, dit que ce n’étoit point des animaux, mais des pointes d’herbes ; & taxe d’ignorance ceux qui ont entendu ce mot autrement. Mais S. Augustin, Bede, Ludolphe & autres, ne sont pas de son avis. Aussi les Jésuites d’Anvers rejettent-ils l’opinion des Ebionites, qui à ἄκριδες substituent ἔγκριδες, qui étoit un mets délicieux, préparé avec du miel & de l’huile ; celle de quelques autres qui lisent ἀχάριδες ou χάριδες, des écrevisses de mer, & celle de Beze qui lit ἄχραδες, poires sauvages.

* ACRIMONIE, ACRETÉ, synonymes. Acrimonie est un terme scientifique qui désigne une qualité active & mordicante, qui ne s’applique guere qu’aux humeurs qui circulent dans l’être animé, & dont la nature se manifeste plûtôt par les effets qu’elle produit dans les parties qui en sont affectées, que par aucune sensation bien distincte.

Acreté est d’un usage commun, par conséquent plus fréquent : il convient aussi à plus de sortes de choses. C’est non-seulement une qualité piquante, capable d’être, ainsi que l’acrimonie, une cause active d’altération dans les parties vivantes du corps animal, c’est encore une sorte de saveur que le goût distingue & démêle des autres par une sensation propre & particuliere que produit le sujet affecté de cette qualité. On dit l’acrimonie des humeurs, & l’acreté de l’humeur.

* Acrimonie, s. f. (Chimie & Physiq.) considérée dans le corps acre, consiste dans quelque chose de spiritueux & qui tient de la nature du feu. Si on dépouille le poivre de son huile essentielle, & cette huile essentielle de son esprit recteur, le reste est fade, & ce reste est une si grande partie du tout, qu’à peine l’analyse donne-t-elle quelques grains d’acre sur une livre de poivre. Ce qui est acre dans les aromatiques est donc un esprit & un esprit fort subtil. Si un homme mange de la canelle pendant quelques années, il est sûr de perdre ses dents : cependant les aromatiques pris en petite quantité peuvent être remedes, mais leur abondance nuit. Le Docteur de Bontekoe dit que les parfums sont les mains des dieux ; & le Commentateur de Boerhaave a ajoûté avec autant de vérité que d’esprit, que si cela étoit, ils auroient tué bien des hommes avec ces mains.

L’acrimonie, sensation, est l’action de cet esprit uni à d’autres élémens sur nos organes. Cette action est suivie de la soif, du dessechement, de chaleur, d’ardeur, d’irritation, d’accélération dans les fluides, de dissipation de ces parties, & des autres effets analogues.

Acrimonie dans les humeurs, est une qualité maligne qu’elles contractent par un grand nombre de causes, telles que le croupissement, le trop d’agitation, &c. Cette qualité consiste dans le développement des sels & quelque tendance à l’alkalisation, en conséquence de la dissipation extrème du véhicule aqueux qui les enveloppe ; d’où l’on voit combien la longue abstinence peut être nuisible dans la plûpart des tempéramens.

ACROBATES, s. m. (Hist. anc.) espece de danseurs de corde. Il y en avoit de quatre sortes : les premiers se suspendant à une corde par le pié ou par le col voltigeoient autour, comme une roue tourne sur son essieu ; les autres voloient de haut en bas sur la corde, les bras & les jambes étendus, appuyés simplement sur l’estomac ; la troisieme espece étoient ceux qui couroient sur une corde tendue obliquement, ou du haut en bas ; & les derniers, ceux qui non-seulement marchoient sur la corde tendue horisontalement, mais encore faisoient quantité de sauts & de tours, comme auroit fait un danseur sur la terre. Nicéphore, Grégoras, Manilius, Nicétas, Vopiscus, Symposius, font mention de toutes ces différentes especes de danseurs de corde. (G)

ACROBATIQUE, adj. pris subst. (Architecture.) premier genre de machine dont les Grecs se servoient pour monter des fardeaux. Ils la nommoient acrobaticon. (P)

* ACROCERAUNES, (Géog. anc. & mod.) nom qu’on a donné à plusieurs hautes montagnes de différentes contrées : mais ce sont proprement celles qui sont en Epire qui donnent leur nom à un promontoire de la mer Adriatique.

* ACRŒA, adj. f. (Myth.) surnom de Junon & de la Fortune. Ce surnom leur venoit des Temples qu’elles avoient dans des lieux élevés : on n’immoloit que des chevres dans celui que Junon avoit dans la citadelle de Corinthe.

* ACRŒUS, adj. m. (Myth.) surnom que les habitans de Smyrne donnerent à Jupiter, comme & par la même raison que Junon & la Fortune furent surnommées acrœæ par les habitans de Corinthe. V. Acrœa.

ACROLITHOS, s. (Hist. anc.) statue colossale que le Roi Mausole fit placer au haut du Temple de Mars en la ville d’Halicarnasse : cette statue fut faite par l’excellent ouvrier Telochares, ou comme quelques-uns estiment, par Timothée. (P)

ACROMION ou ACROMIUM, s. en Anatomie est une apophise de l’omoplate produite par une éminence appellée épine. Voyez Omoplate.

Ce mot vient d’ἄκρος, extrème, & d’ὦμος, épaule, comme qui diroit l’extrémité de l’épaule, & non pas d’anchora, à raison de quelque ressemblance de figure de l’atromion avec une ancre, comme Dionis s’est imaginé.

Quelques-uns ont crû que l’acromion étoit d’une nature différente des autres os, parce que durant l’enfance il ne paroît que comme un cartilage qui s’ossifie peu-à-peu, & qui vers l’âge de vingt ans devient dur, ferme & continu avec l’omoplate. V. Epiphise, Ossification. (L)

* ACRON, s. petit Royaume d’Afrique sur la côte d’Or de Guinée. Il est divisé en deux parties, l’une qu’on appelle le petit Acron, & l’autre le grand Acron.

ACRONYQUE, adj. en Astronomie se dit du lever d’une étoile au-dessus de l’horison lorsque le soleil y entre, ou de son coucher, lorsque le soleil en sort. Voyez Lever & Coucher.

La plûpart écrivent achronique, faisant venir ce mot de privatif & χρόνος, tems, en quoi ils se trompent ; car c’est un mot francisé du Grec ἀκρόνυχος, composé de ἄκρον, extrémité, & νὺξ, nuit : ideo acronychum quòd circa ἄκρον τῆς νύκτος ; aussi quelques Auteurs écrivent-ils même acronyctal au lieu d’acronychus ; & cette façon de l’écrire est en effet très-conforme à l’étymologie, mais contraire à l’usage.

Lever ou coucher acronyque est opposé à lever ou coucher cosmique & héliaque.

Comme dans la premiere antiquité la plûpart des peuples n’avoient pas tout-à-fait réglé la grandeur de l’année, parce qu’ils ne connoissoient pas encore assez le mouvement apparent du soleil, il est évident que si on eût fixé à certains jours du mois quelque évenement remarquable, on auroit eu trop de peine à découvrir dans la suite précisément le tems de l’année auquel cela devoit répondre. On se servoit donc de la méthode usitée parmi les gens qui vivoient à la campagne ; car ceux-ci ne pouvoient se régler sur le calendrier civil, puisque les mêmes jours du mois civil ne répondoient jamais aux mêmes saisons de l’année, & qu’ainsi il falloit avoir recours à d’autres signes pour distinguer les tems & les saisons. Or les Laboureurs, les Historiens & les Poëtes, y ont employé le lever & le coucher des astres. Pour cet effet ils distinguerent trois sortes de lever & de coucher des astres, qu’ils ont nommé acronyque, cosmique, & héliaque. Voyez Cosmique & Héliaque. Instr. Astr. de M. Le Monnier. (O)

ACROSTICHE, s. f. (Belles-Lettres.) sorte de poësie dont les vers sont disposés de maniere que chacun commence par une des lettres du nom d’une personne, d’une devise ou tout autre mot arbitraire. Voyez Poeme, Poesie. Ce mot vient du Grec ἄκρος, summus, extremus, qui est à une des extrémités, & στίχος, vers.

Nos premiers Poëtes François avoient tellement pris goût pour les Acrostiches, qu’ils avoient tenté tous les moyens imaginables d’en multiplier les difficultés. On en trouve dont les vers, non-seulement commencent, mais encore finissent par la lettre donnée ; d’autres où l’Acrostiche est marquée au commencement des vers, & à l’hémistiche. Quelques-uns vont à rebours, commençant par la premiere lettre du dernier vers, & remontant ainsi de suite jusqu’au premier. On a même eu des sonnets Pentacrostiches, c’est-à-dire, où le même acrostiche répeté jusqu’à cinq fois formoit comme cinq différentes colonnes. Voyez Pentacrostiche.

Acrostiche, est aussi le nom que donnent quelques Auteurs à deux épigrammes de l’Anthologie, dont l’une est en l’honneur de Bacchus, & l’autre en l’honneur d’Apollon : chacune consiste en vingt-cinq vers, dont le premier est le précis de toute la piece ; & les vingt-quatre autres sont remplis d’épithetes commençant toutes dans chaque vers par la même lettre de l’alphabet, c’est-à-dire par a dans le second vers, par b dans le troisieme, & ainsi de suite jusqu’à Ω ; ce qui fait pour chaque Dieu quatre-vingt-seize épithetes. Voyez Anthologie.

Il y a beaucoup d’apparence qu’à la renaissance des Lettres sous François I. nos Poëtes, qui se piquoient beaucoup d’imiter les Grecs, prirent de cette forme de poésie le dessein des Acrostiches, qu’on trouve si répandus dans leurs écrits, & dans ceux des rimeurs qui les ont suivis jusqu’au regne de Louis XIV. C’étoit affecter d’imposer de nouvelles entraves à l’imagination déja suffisamment resserrée par la contrainte du vers, & chercher un mérite imaginaire dans des difficultés qu’on regarde aujourd’hui, & avec raison, comme puériles.

On se servoit aussi dans la cabale des lettres d’un mot pour en faire les initiales d’autant de mots différens ; & Saint Jerome dit que David employa contre Semeï, un terme dont chaque lettre signifioit un nouveau terme injurieux, ce qui revient à nos acrostiches. Mém. de l’Acad. t. IX. (G)

Acrostiche, s. f. en Droit, s’est dit pour cens. Voyez Cens.

* ACROSTOLION ou CORYMBE, s. m. (Hist. anc.) C’étoit l’extrémité de la proue des vaisseaux anciens. Le rostrum ou l’éperon étoit plus bas, & à fleur d’eau.

ACROTERES, s. f. (Architecture.) Quelques-uns confondent ce terme avec amortissement, couronnement, &c. à cause qu’il vient du Grec ἀκρωτήριον, qui signifie extrémité ou pointe : aussi Vitruve nomme-t-il acroteres de petits piés-d’estaux sans base, & souvent sans corniche, que les Anciens destinoient à recevoir les figures qu’ils plaçoient aux extrémités triangulaires de leurs frontons : mais dans l’Architecture françoise, ce terme exprime les petits murs ou dosserets que l’on place à côté des piés-d’estaux, entre le socle & la tablette des balustrades. Ces acroteres sont destinées à soûtenir la tablette continue d’un pié-d’estal à l’autre, & font l’office des de demi-balustres, que quelques Architectes affectent dans leur décoration, ce qu’il faut éviter. Voyez Balustrades. (P)

* ACROTERIA (Hist. anc.) ce sont, dans les médailles, les signes d’une victoire, ou l’emblème d’une ville maritime ; ils consistoient en un ornement de vaisseau recourbé.

ACRU, (Manége.) On dit monter à cru. V. Monter.

* ACTÆA, s. (Bot. Hist. nat.) herbe dont Pline fait mention, & que Ray prend pour l’Aconitum racemosum ou l’herbe de Saint-Christophe. Tous les Botanistes regardent le suc de la Christophorienne comme un poison ; cependant Pline dit qu’on en peut donner le quart d’une pinte dans les maladies internes des femmes. Il faut donc ou que l’Actæa ne soit pas la même plante que la Christophorienne ; ou que la Christophorienne ne soit pas un poison ; ou que ce soit une preuve des réflexions que j’ai faites à l’article Acmella. Voyez Acmella.

* ACTEA, n. p. (Myth.) une des cinquante Néréides.

ACTE, s. m. (Bel. Lettres.) partie d’un Poëme Dramatique, séparée d’une autre partie par un intermede.

Ce mot vient du Latin actus, qui dans son origine, veut dire la même chose que le δρᾶμα des Grecs ; ces deux mots venant des verbes ago & δράω, qui signifient faire & agir. Le mot δρᾶμα convient à toute une piece de théatre ; au lieu que celui d’actus en Latin, & d’acte en François, a été restraint, & ne s’entend que d’une seule partie du Poëme dramatique.

Pendant les intervales qui se rencontrent entre les actes, le théatre reste vacant, & il ne se passe aucune action sous les yeux des spectateurs ; mais on suppose qu’il s’en passe hors de la portée de leur vûe quelqu’une rélative à la piece, & dont les actes suivans les informeront.

On prétend que cette division d’une piece en plusieurs actes, n’a été introduite par les Modernes, que pour donner à l’intrigue plus de probabilité, & la rendre plus intéressante : car le spectateur à qui dans l’acte précédent on a insinué quelque chose de ce qui est supposé se passer dans l’entre-acte, ne fait encore que s’en douter, & est agréablement surpris, lorsque dans l’acte suivant, il apprend les suites de l’action qui s’est passée, & dont il n’avoit qu’un simple soupçon. Voyez Probabilité & Vraissemblance.

D’ailleurs les Auteurs dramatiques ont trouvé par-là le moyen d’écarter de la scene, les parties de l’action les plus seches, les moins intéressantes, celles qui ne sont que préparatoires, & pourtant idéalement nécessaires, en les fondant pour ainsi dire dans les entre-actes, de sorte que l’imagination seule les offre au spectateur en gros, & même assez rapidement pour lui dérober ce qu’elles auroient de lâche ou de désagréable dans la représentation. Les Poëtes Grecs ne connoissoient point ces sortes de divisions ; il est vrai que l’action paroît de tems en tems interrompue sur le théatre, & que les Acteurs occupés hors de la scene, ou gardant le silence, font place aux chants du chœur ; ce qui produit des intermedes, mais non pas absolument des actes dans le goût des Modernes, parce que les chants du chœur se trouvent liés d’intérêt à l’action principale avec laquelle ils ont toûjours un rapport marqué. Si dans les nouvelles éditions leurs tragédies se trouvent divisées en cinq actes, c’est aux éditeurs & aux commentateurs, qu’il faut attribuer ces divisions, & nullement aux originaux ; car de tous les Anciens qui ont cité des passages de comédies ou de tragédies Greques, aucun ne les a désignés par l’acte d’où ils sont tirés, & Aristote n’en fait nulle mention dans sa Poëtique. Il est vrai pourtant qu’ils considéroient leurs pieces comme consistant en plusieurs parties ou divisions, qu’ils appelloient Protase, Epitase, Catastase, & Catastrophe ; mais il n’y avoit pas sur le théatre d’interruptions réelles qui marquassent ces divisions. Voyez Protase, Epitase, &c.

Ce sont les Romains qui les premiers ont introduit dans les pieces de théatre cette division par actes. Donat, dans l’argument de l’Andrienne, remarque pourtant qu’il n’étoit pas facile de l’appercevoir dans leurs premiers Poëtes dramatiques : mais du tems d’Horace l’usage en étoit établi ; il avoit même passé en loi.

Neuve minor, neu sit quinto productior actu
Fabula, quæ posci vult & spectata reponi.

Mais on n’est pas d’accord sur la nécessité de cette division, ni sur le nombre des actes : ceux qui les fixent à cinq, assignent à chacun la portion de l’action principale qui lui doit appartenir. Dans le premier, dit Vossius, Institut. Poët. Lib. II. on expose le sujet ou l’argument de la piece, sans en annoncer le dénouement, pour ménager du plaisir au spectateur, & l’on annonce les principaux caracteres : dans le second on développe l’intrigue par degrés : le troisieme doit être rempli d’incidens qui forment le nœud : le quatrieme prépare des ressources ou des voies au dénouement, auquel le cinquieme doit être uniquement consacré.

Selon l’Abbé d’Aubignac, cette division est fondée sur l’expérience ; car on a reconnu 1°. que toute tragédie devoit avoir une certaine longueur ; 2°. qu’elle devoit être divisée en plusieurs parties ou actes. On a ensuite fixé la longueur de chaque acte ; il a été facile après cela d’en déterminer le nombre. On a vû, par exemple, qu’une tragédie devoit être environ de quinze ou seize cens vers partagés en plusieurs actes ; que chaque acte devoit être environ de trois cens vers : on en a conclu que la tragédie devoit avoir cinq actes, tant parce qu’il étoit nécessaire de laisser respirer le spectateur, & de ménager son attention, en ne la surchargeant pas par la représentation continue de l’action, & d’accorder au Poëte la facilité de soustraire aux yeux des spectateurs certaines circonstances, soit par bienséance, soit par nécessité ; ce qu’on appuie de l’exemple des Poëtes Latins, & des préceptes des meilleurs Critiques.

Jusques-là la division d’une tragédie en actes paroît fondée ; mais est-il absolument nécessaire qu’elle soit en cinq actes ni plus ni moins ? M. l’Abbé Vatry, de qui nous empruntons une partie de ces remarques, prétend qu’une piece de théatre pourroit être également bien distribuée en trois actes, & peut-être même en plus de cinq, tant par rapport à la longueur de la piece, que par rapport à sa conduite. En effet, il n’est pas essentiel à une tragédie d’avoir quinze ou seize cens vers. On en trouve dans les Anciens qui n’en ont que mille, & dans les Modernes qui vont jusqu’à deux mille. Or dans le premier cas, trois intermedes seroient suffisans ; & dans le second, cinq ne le seroient pas, selon le raisonnement de l’Abbé d’Aubignac. La division en cinq actes, est donc une regle arbitraire qu’on peut violer sans scrupule. Il peut se faire, conclut le même Auteur, qu’il convienne en général que la tragédie soit en cinq actes, & qu’Horace ait eu raison d’en faire un précepte ; & il peut être vrai en même tems qu’un Poëte feroit mieux de mettre sa piece en trois, quatre, ou six actes, que de filer des actes inutiles ou trop longs, embarassés d’épisodes, ou surchargés d’incidens étrangers, &c. M. de Voltaire a déja franchi l’ancien préjugé, en nous donnant la mort de César, qui n’est pas moins une belle tragédie, pour n’être qu’en trois actes.

Les actes se divisent en scenes, & Vossius remarque que dans les Anciens un acte ne contient jamais plus de sept scenes. On sent bien qu’il ne faudroit pas trop les multiplier, afin de garder quelque proportion dans la longueur respective des actes ; mais il n’y a aucune regle fixe sur ce nombre. Voss. Instit. Poëtic. Lib. II. Mem. de l’Acad. Tom. VIII. pag. 188. & suiv.

Comme les entr’actes parmi nous sont marqués par une symphonie de violons, ou par des changemens de décorations, ils l’étoient chez les Anciens par une toile qu’on baissoit à la fin de l’acte, & qu’on relevoit au commencement du suivant. Cette toile, selon Donat, se nommoit siparium. Voss. Instit. Poët. lib. II.

ACTES, s. m. pl. se dit quelquefois en matiere de Sciences, des Mémoires ou Journaux faits par une Société de gens de Lettres. On appelle les Actes de la Société Royale de Londres, Transactions ; ceux de l’Académie Royale des Sciences de Paris, Mémoires ; ceux de Léipsic sont nommés simplement Actes, ou Acta eruditorum, &c. Voyez Société royale, Académie, Journaux. (O)

Actes des Apôtres, s. m. plur. (Théolog.) Livre sacré du Nouveau Testament, qui contient l’Histoire de l’Eglise naissante pendant l’espace de 29 ou 30 ans, depuis l’Ascension de N. S. Jesus-Christ, jusqu’à l’année 63 de l’Ere Chrétienne. S. Luc est l’auteur de cet ouvrage, au commencement duquel il se nomme ; & il l’adresse à Théophile, auquel il avoit déja adressé son Evangile. Il y rapporte les actions des Apôtres, & presque toûjours comme témoin oculaire : de-là vient que dans le texte Grec, ce livre est intitulé πράξεις, Actes. On y voit l’accomplissement de plusieurs promesses de J. C. son Ascension, la descente du S. Esprit, les premieres prédications des Apôtres, & les prodiges par lesquels elles furent confirmées, un tableau admirable des mœurs des premiers Chrétiens ; enfin tout ce qui se passa dans l’Eglise jusqu’à la dispersion des Apôtres, qui se partagerent pour porter l’Evangile dans tout le monde. Depuis le point de cette séparation, St Luc abandonna l’histoire des autres Apôtres, dont il étoit trop éloigné, pour s’attacher particulierement à celle de St Paul qui l’avoit choisi pour son Disciple, & pour compagnon de ses travaux. Il suit cet Apôtre dans toutes ses missions, & jusqu’à Rome même, où il paroît que les actes ont été publiés la seconde année du séjour qu’y fit S. Paul, c’est-à-dire la 63 année de l’Ere Chrétienne, & la 9. & 10. de l’Empire de Néron. Au reste le style de cet ouvrage, qui a été composé en Grec, est plus pur que celui des autres Ecrivains Canoniques ; & l’on remarque que S. Luc qui possédoit beaucoup mieux la langue Greque que l’Hébraïque, s’y sert toûjours de la version des Septante dans les citations de l’Ecriture. Le Concile de Laodicée met les Actes des Apôtres au nombre des Livres Canoniques, & toutes les Eglises l’ont toûjours sans contestation reconnu comme tel.

Il y a eû dans l’Antiquité un grand nombre d’ouvrages supposés, & la plûpart par des hérétiques, sous le nom d’Actes des Apôtres. Le premier livre de cette nature qu’on vit paroître, & qui fut intitulé Actes de Paul & de Thecle, avoit pour Auteur un Prêtre Disciple de S. Paul. Son imposture fut découverte par S. Jean ; & quoique ce Prêtre ne se fût porté à composer cet ouvrage que par un faux zele pour son Maître, il ne laissa pas d’être dégradé du Sacerdoce. Ces Actes ont été rejettés comme apocryphes par le Pape Gelase. Depuis, les Manichéens supposerent des Actes de S. Pierre & S. Paul, où ils semerent leurs erreurs. On vit ensuite les Actes de S. André, de S. Jean, & des Apôtres en général, supposés par les mêmes hérétiques, selon S. Epiphane, S. Augustin, & Philastre ; les Actes des Apôtres faits par les Ebionites ; le Voyage de S. Pierre faussement attribué à S. Clément ; l’enlevement, ou le ravissement de S. Paul, composé par les Gasanites, & dont les Gnostiques se servoient aussi ; les Actes de S. Philippe & de S. Thomas, forgés par les Encratites & les Apostoliques ; la Mémoire des Apôtres, composée par les Priscillianites ; l’Itinéraire des Apôtres, qui fut rejetté dans le Concile de Nicée, & divers autres dont nous ferons mention, sous le nom des sectes qui les ont fabriqués. Act. Apostol. Hieronim. de Viris illustr. c. 7. Chysostom. in Act. Du<pin, Dissert. Prélim. sur le N. T. Tertull. de Baptism Epiphan. heres. VIII. n°. 47. & 61. S. Aug. de fide contr. Manich. & Tract. in Joann. Philastr. heres. 48. Dupin Biblioth. des Aut. Eccles. des III. prem. siecles.

Acte de Foi, s. m. (Hist. mod.) dans les pays d’Inquisition en Espagne, auto da fé, est un jour solennel que l’Inquisition assigne pour la punition des Hérétiques, ou pour l’absolution des accusés reconnus innocens. Voyez Inquisition.

L’auto se fait ordinairement un jour de grande Fête, afin que l’exécution se fasse avec plus de solennité & de publicité : on choisit ordinairement un Dimanche.

D’abord les criminels sont amenés à l’Eglise, où on leur lit leur sentence ou de condamnation ou d’absolution. Les condamnés à mort sont livrés au Juge séculier par les Inquisiteurs, qui le prient que tout se passe sans effusion de sang ; s’ils perséverent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs. (G)

Acte, s. m. (Droit & Hist. mod.) signifie déclaration, convention, ou stipulation, faite par ou entre des parties, en présence & par le ministere d’Officiers publics, ou sans leur ministere, & hors de leur présence.

En Angleterre l’expédition des actes se fait de deux manieres différentes : ou l’expédition est dentelée, ou elle ne l’est pas.

L’expédition dentelée, est celle dont le bord d’en-haut ou du côté, est découpé par crans, & qui est scellée du cacher de chacune des parties contractantes ; au moyen de quoi, en la rapprochant de la portion de papier ou de parchemin dont elle a été séparée, il est aisé de voir si c’est elle-même qui a été délivrée, ou si elle n’a point été contrefaite.

L’expédition non dentelée, est celle qui est unique, comme dans les cas où il n’est pas besoin que les deux parties aient une expédition chacune. Voyez Mi-parti.

Les actes sont ou publics ou particuliers ; ceux-là sont de jurisdiction volontaire, ou de jurisdiction contentieuse.

Les actes de jurisdiction volontaire, qu’on appelle aussi actes authentiques, sont tous les contrats, obligations, transactions, ou décharges, passés par-devant Notaires.

Les actes de jurisdiction contentieuse sont tous ceux qui se font en Justice, pour intenter une action, & la poursuivre jusqu’au jugement définitif.

Les actes privés, sont ceux qui se passent de particulier à particulier, sans le ministere d’Officiers publics, tels que les billets, quittances, baux, ou tous autres faits sous simple signature privée.

Acte d’appel, est celui par lequel une partie qui se plaint d’un jugement, déclare qu’elle s’en porte appellante.

Acte d’héritier, est toute démarche ou action, par laquelle il paroît que quelqu’un est dans la disposition de se porter héritier d’un défunt.

Acte de notoriété. Voyez Notoriété.

Acte du Parlement, en terme de Jurisprudence Angloise, est synonyme à Ordonnance. Cependant les Jurisconsultes du pays mettent quelque différence entre ces deux termes. Voyez-la au mot Ordonnance. (H)

Acte, s. m. en terme de Palais, signifie attestation donnée par les Juges pour constater quelque circonstance de fait ou de procédure. Ainsi l’une des parties, par exemple, qui a mis son inventaire de production au Greffe, en demande acte. Un Avocat dans ses écritures ou dans son plaidoyer demande acte de quelque aveu fait en Justice par sa partie adverse, & favorable à la sienne : mais il faut observer que ce terme n’est d’usage qu’au Parlement : dans les Justices inférieures on ne dit pas demander acte, mais demander lettres. Voyez Lettres.

On appelle aussi acte au Palais, l’attestation que donne un Greffier, ou autre personne ayant caractere en Justice, qu’une partie s’est présentée, ou a satisfait à telle ou telle formalité ou procédure. C’est en ce sens qu’on dit un acte de comparution, pour l’attestation qu’une partie a comparu ; un acte de voyage, pour l’attestation qu’une partie s’est transportée de tel lieu en tel autre, à l’effet de poursuivre son droit, ou de défendre à la demande contre elle formée. C’est dans ce sens aussi qu’on appelle acte de célébration de mariage, le certificat par lequel le Curé atteste qu’il a été célébré entre tel & telle. (H).

* ACTEON, n. p. (Myth.) un des chevaux qui conduisoient le char du Soleil dans la chûte de Phaeton. Actéon signifie lumineux. Les autres chevaux compagnons d’Actéon s’appellent Erythreus, Lampos, & Philogeus ou Aerson, Pyrois, Eous, & Phlégon, selon qu’on en voudra croire, ou le Poëte Ovide, ou Fulgence le Mythologue. Ovide appelle celui-ci Æthon.

ACTEUR se dit de tout homme qui agit. Voyez Acte, Action, Avocat.

Acteur, en parlant du Théatre, signifie un homme qui joue un rôle dans une piece, qui y représente quelque personnage ou caractere. Les femmes se nomment Actrices, & tous sont compris sous le nom général d’Acteurs.

Le Drame originairement ne consistoit qu’en un simple chœur qui chantoit des hymnes en l’honneur de Bacchus, desorte que les premiers Acteurs n’étoient que des Chanteurs & des Musiciens. Voyez Personnage, Tragédie, Caractere, Chœur.

Thespis fut le premier qui à ce chœur très-informe mêla, pour le soulager, un Déclamateur qui récitoit quelqu’autre avanture héroïque ou comique. Eschyle à qui ce personnage seul parut ennuyeux, tenta d’en introduire un second, & convertit les anciens récits en dialogues. Avant lui, les Acteurs barbouillés de lie, & traînés sur un tombereau, amusoient les passans : il donna la premiere idée des théatres, & à ses Acteurs des habillemens plus majestueux, & une chaussure avantageuse qu’on nomma brodequins ou cothurne. Voyez Brodequin.

Sophocle ajoûta un troisieme Acteur, & les Grecs se bornerent à ce nombre ; c’est-à-dire, qu’on regarda comme une regle du poëme dramatique de n’admettre jamais sur la scene plus de trois interlocuteurs à la fois : regle qu’Horace a exprimée dans ce vers,

Nec quarta loqui Persona laboret.

Ce qui n’empêchoit pas que les troupes de Comédiens ne fussent plus nombreuses : mais selon Vossius, le nombre de tous les Acteurs nécessaires dans une piece ne devoit pas excéder celui de quatorze. Avant l’ouverture de la piece, on les nommoit en plein théatre, & l’on avertissoit du rôle que chacun d’eux avoit à remplir. Les Modernes ont quelquefois mis sur le théatre un plus grand nombre d’Acteurs pour augmenter l’intérêt par la variété des personnages : mais il en a souvent résulté de la confusion dans la conduite de la piece.

Horace parle d’une espece d’Acteurs secondaires en usage de son tems, & dont le rôle consistoit à imiter les Acteurs du premier ordre, & à donner à ceux-ci le plus de lustre qu’ils pouvoient en contre-faisant les Nains. Au reste on sait peu quelles étoient leurs fonctions.

Les anciens Acteurs déclamoient sous le masque, & étoient obligés de pousser extrèmement leur voix pour se faire entendre à un peuple innombrable qui remplissoit les amphitéatres : ils étoient accompagnés d’un Joueur de flûte qui préludoit, leur donnoit le ton, & joüoit pendant qu’ils déclamoient.

Autant les Acteurs étoient en honneur à Athenes, où on les chargeoit quelquefois d’Ambassades & de Négociations, autant étoient-ils méprisés à Rome : non seulement ils n’avoient pas rang parmi les citoyens, mais même lorsque quelque citoyen montoit sur le théatre, il étoit chassé de sa tribu, & privé du droit de suffrage par les Censeurs. C’est ce que dit expressément Scipion dans Ciceron cité par Saint Augu. liv. II. de la cité de Dieu, c. XIII. cùm artem ludicram scenamque totam probro ducerent, genus id hominum, non modo honore reliquorum civium, sed etiam tribu moveri notatione censoriâ voluerunt ; & l’exemple de Roscius dont Ciceron faisoit tant de cas, ne prouve point le contraire. L’Orateur estime à la vérité les talens du Comédien : mais il fait encore plus de cas de ses vertus, qui le distinguoient tellement de ceux de sa profession, qu’elles sembloient devoir l’exclurre du théatre. Nous avons à cet égard à peu près les mêmes idées que les Romains : & les Anglois paroissent avoir en partie adopté celles des Grecs. (G)

ACTIAQUES, adj. (Hist. anc.) ont été des jeux qu’Auguste institua, ou selon d’autres, renouvella en mémoire de la fameuse victoire qu’il avoit remportée sur Marc-Antoine auprès d’Actium. Voyez Jeu.

Stephanus & quelques autres après lui ont prétendu qu’on les célébroit tous les trois ans : mais la plus commune opinion fondée sur le témoignage de Strabon, qui vivoit du tems d’Auguste, est que ce n’étoit que tous les cinq ans, & qu’on les célébroit en l’honneur d’Apollon surnommé Actius.

C’est donc une étrange bévûe que de s’imaginer, comme ont fait quelques Auteurs, que Virgile a eu intention d’insinuer qu’ils avoient été institués par Enée, dans ce passage de l’Enéide, liv. III. v. 280.

Actiaque Iliacis celebramus littora ludis.

Il est vrai que le Poëte en cet endroit fait allusion aux jeux Actiaques : mais il ne le fait que pour flater Auguste, en attribuant au Héros de qui cet Empereur descendoit, ce que cet Empereur lui-même avoit fait, comme le remarque Servius.

Actiaques (années) sont la suite d’années que l’on commença à compter depuis l’ere ou époque de la bataille d’Actium, qu’on appella aussi ere d’Auguste. Voyez Année & Epoque. (G)

ACTIF, active, terme de Grammaire ; un mot est actif quand il exprime une action. Actif est opposé à passif. L’agent fait l’action, le patient la reçoit. Le feu brûle, le bois est brûlé ; ainsi brûle est un terme actif, & brûlé est passif. Les verbes réguliers ont un participe actif, comme lisant, & un participe passif, comme .

Je ne suis point battant de peur d’être battu,
Et l’humeur débonnaire est ma grande vertu. (Mol.)

Il y a des verbes actifs & des verbes passifs. Les verbes actifs marquent que le sujet de la proposition fait l’action, j’enseigne ; le verbe passif au contraire marque que le sujet de la proposition reçoit l’action, qu’il est le terme ou l’objet de l’action d’un autre, je suis enseigné, &c.

On dit que les verbes ont une voix active & une voix passive, c’est-à-dire, qu’ils ont une suite de terminaisons qui exprime un sens actif, & une autre liste de désinances qui marque un sens passif, ce qui est vrai, sur-tout en Latin & en Grec ; car en François, & dans la plûpart des Langues vulgaires, les verbes n’ont que la voix active ; & ce n’est que par le secours d’une périphrase, & non par une terminaison propre, que nous exprimons le sens passif. Ainsi en Latin amor, amaris, amatur, & en Grec φιλέομαι, φιλέη, φιλέεται, veulent dire je suis aimé ou aimée, tu es aimé ou aimée, il est aimé ou elle est aimée.

Au lieu de dire voix active ou voix passive, on dit à l’actif, au passif ; & alors actif & passif se prennent substantivement, ou bien on sousentend sens : ce verbe est à l’actif, c’est-à-dire, qu’il marque un sens actif.

Les véritables verbes actifs ont une voix active & une voix passive : on les appelle aussi actifs transitifs, parce que l’action qu’ils signifient passe de l’agent sur un patient, qui est le terme de l’action, comme battre, instruire, &c.

Il y a des verbes qui marquent des actions qui ne passent point sur un autre objet, comme aller, venir, dormir, &c. ceux-là sont appellés actifs intransitifs, & plus ordinairement neutres, c’est-à-dire, qui ne sont ni actifs transitifs, ni passifs ; car neutre vient du Latin neuter, qui signifie ni l’un ni l’autre : c’est ainsi qu’on dit d’un nom qu’il est neutre, c’est-à-dire, qu’il n’est ni masculin ni féminin. Voyez Verbe. (F)

Actif, adj. ce qui communique le mouvement ou l’action à un autre. Voyez Action.

Dans ce sens le mot d’actif est opposé à passif. V. Passif.

C’est ainsi que l’on dit une cause active, des principes actifs, &c. Voyez Cause, Principes, &c.

Newton prétend que la quantité du mouvement dans l’Univers devroit toûjours diminuer en vertu des chocs contraires, &c. desorte qu’il est nécessaire qu’elle soit conservée par certains principes actifs.

Il met au nombre de ces principes actifs la cause de la gravité ou l’attraction, & celle de la fermentation ; & il ajoûte qu’on voit peu de mouvement dans l’Univers qui ne provienne de ces principes. La cause de l’attraction toûjours subsistante, & qui ne s’affoiblit point en s’exerçant, est selon ce Philosophe une ressource perpétuelle d’action & de vie.

Encore pourroit-il arriver que les effets de cette vertu vinssent à se combiner, de façon que le système de l’Univers se dérangeroit, & qu’il demanderoit, selon Newton, une main qui y retouchât, emendatricem manum desideraret. V. Mouvement, Gravité, Fermentation, Attraction. (O)

Actif, adj. en terme de Pratique, se dit des dettes du côté du créancier : considérées par rapport au débiteur, on les appelle dettes passives.

On appelle dans les Elections voix active, la faculté de donner son suffrage pour le choix d’un sujet ; & voix passive, l’habileté à être élû soi-même. (H)

Actifs, principes actifs, en Chimie, sont ceux que l’on suppose agir d’eux-mêmes, sans avoir besoin d’être mis en action par d’autres. V. Principe.

La plûpart des livres de Chimie distinguent les principes chimiques des corps en principes actifs & en principes passifs. Les principes actifs sont, selon eux, l’esprit, l’huile, & le sel ; & ils regardent comme principes passifs l’eau & la terre. Nous n’admettons point cette distinction, parce que ces choses sont relatives : tel principe qui est actif à quelques égards, est passif à d’autres. L’eau ne paroît pas devoir être mise au nombre des principes passifs.

M. Homberg & quelques Chimistes modernes après lui, ne font qu’un seul principe actif ; savoir, le soufre ou le feu qu’ils prétendent être la source de toute action & de tout évenement dans l’Univers. Voyez Soufre & Feu.

Le terme de principes actifs, dit le Docteur Quincy, a été employé pour exprimer certaines divisions de la matiere, qui par quelques modifications particulieres sont actives, respectivement à d’autres, comme l’esprit, l’huile, & le sel, dont les parties sont plus propres au mouvement que celles de la terre & de l’eau : mais l’on voit assez combien ce terme est employé improprement. Voyez la Chimie Physique. (M)

Actif, (Medecine.) nom que l’on donne aux remedes dont l’action est prompte & vive, de même qu’à ceux dont l’action est grande & subite. Tels sont les émétiques, les purgatifs violens, les alexitaires, les cordiaux. Ces derniers méritent sur-tout le nom d’actif. (N)

* ACTION, Acte, (Grammaire.) Action se dit généralement de tout ce qu’on fait, commun ou extraordinaire. Acte ne se dit que de ce qu’on fait de remarquable. Cette action est bonne ou mauvaise ; c’est un acte héroïque. C’est une bonne action que de soulager les malheureux ; c’est un acte généreux que de se retrancher du nécessaire pour eux. Le sage se propose dans toutes ses actions une fin honnête. Le Prince doit marquer tous les jours de sa vie par des actes de grandeur. On dit aussi une action vertueuse & un acte de vertu.

Un petit accessoire de sens physique ou historique, dit M. l’Abbé Girard, distingue encore ces deux mots : celui d’action a plus de rapport à la puissance qui agit, & celui d’acte en a davantage à l’effet produit, ce qui rend l’un propre à devenir attribut de l’autre. Ainsi on pourroit dire : conservez la présence d’esprit dans vos actions, & faites qu’elles soient toutes des actes d’équité. Voyez les Synonymes de M. l’Abbé Girard.

ACTION, s. f. (Morale.) Les actions morales ne sont autre chose que les actions volontaires de l’homme, considérées par rapport à l’imputation de leurs effets dans la vie commune. Par action volontaire, nous entendons celles qui dépendent tellement de la volonté humaine, comme d’une cause libre, que, sans sa détermination, produite par quelqu’un de ses actes immédiats, & précédée de la connoissance de l’entendement, elles ne se feroient point, & dont par conséquent l’existence, ou la non-existence, est au pouvoir de chacun.

Toute action volontaire renferme deux choses : l’une que l’on peut regarder comme la matiere de l’action ; & l’autre comme la forme. La premiere, c’est le mouvement même de la faculté naturelle, ou l’usage actuel de cette faculté considéré précisément en lui-même. L’autre, c’est la dépendance où est ce mouvement d’un décret de la volonté, en vertu dequoi on conçoit l’action comme ordonnée par une cause libre & capable de se déterminer elle-même. L’usage actuel de la faculté considéré précisément en lui-même, s’appelle plûtôt une action de la volonté, qu’une action volontaire ; car ce dernier titre est affecté seulement au mouvement des facultés envisagé comme dépendant d’une libre détermination de la volonté : mais on considere encore les actions volontaires ou absolument, & en elles-mêmes, comme des mouvemens physiques produits pourtant par un décret de la volonté, ou en tant que leurs effets peuvent être imputés à l’homme. Lorsque les actions volontaires renferment dans leur idée cette vûe réfléchie, on les appelle des actions humaines ; & comme on passe pour bien ou mal morigené, selon que ces sortes d’actions sont bien ou mal exécutées, c’est-à-dire, selon qu’elles conviennent ou ne conviennent pas avec la loi qui est leur reglé ; & que les dispositions même de l’ame, qui résultent de plusieurs actes réitérés, s’appellent mœurs ; les actions humaines, à cause de cela, portent aussi le titre d’actions morales.

Les actions morales, considérées au dernier égard, renferment dans leur essence deux idées : l’une qui en est comme la matiere, & l’autre comme la forme.

La matiere comprend diverses choses. 1°. Le mouvement physique de quelqu’une des facultés naturelles : par exemple, de la faculté motrice de l’appétit sensitif, des sens extérieurs & intérieurs. &c. On peut aussi mettre en ce même rang les actes mêmes de la volonté considérés purement & simplement dans leur être naturel, en tant que ce sont des effets produits par une faculté physique comme telle. 2°. Le défaut de quelque mouvement physique qu’on étoit capable de produire ou en lui-même ou dans sa cause ; car on ne se rend pas moins punissable par les péchés d’omission, que par ceux de commission. 3°. Ce ne sont pas seulement nos propres mouvemens, nos propres habitudes & l’absence des uns & des autres en notre propre personne, qui peuvent constituer la matiere de nos actions morales ; mais encore les mouvemens, les habitudes & leur absence qui se trouvent immédiatement en autrui, pourvû que tout cela puisse & doive être dirigé par notre propre volonté : ainsi à Lacedemone on répondoit des fautes d’un jeune homme qu’on avoit pris en amitié. (Voyez Imputation.) 4°. Il n’est pas jusqu’aux actions des bêtes brutes, ou aux opérations des végétaux & des choses inanimées en général, qui ne puissent fournir la matiere de quelque action morale, lorsque ces sortes d’êtres sont susceptibles d’une direction de notre volonté : d’où vient que, selon la loi même de Dieu, le propriétaire d’un bœuf qui frappe des cornes (Voyez Exod. XXI. 29.) est tenu du dommage que fait cette bête, s’il en connoissoit auparavant le défaut : ainsi on peut s’en prendre à un vigneron lorsque, par sa négligence, la vigne qu’il cultive n’a été fertile qu’en sarmens. 5°. Enfin les actions d’autrui, dont on est le sujet passif, peuvent être le sujet d’une action morale, en tant que, par sa propre faute, on a donné lieu de les commettre : ainsi une femme qui a été violée passe pour coupable, en partie, lorsqu’elle s’est exposée imprudemment à aller dans les lieux où elle pouvoit prévoir qu’elle couroit risque d’être forcée.

La forme des actions morales consiste dans l’imputabilité, si j’ose désigner ainsi cette qualité, par laquelle les effets d’une action volontaire peuvent être imputés à l’agent, c’est-à-dire, être censés lui appartenir proprement comme à leur auteur ; & c’est cette forme des actions qui fait appeller l’agent cause morale. Voyez Imputation & Moralité des actions.

Action est un terme dont on se sert en Méchanique pour désigner quelquefois l’effort que fait un corps ou une puissance contre un autre corps ou une autre puissance, quelquefois l’effet même qui résulte de cet effort.

C’est pour nous conformer au langage commun des Méchaniciens & des Physiciens, que nous donnons cette double définition. Car si on nous demande ce qu’on doit entendre par action, en n’attachant à ce terme que des idées claires, nous répondrons que c’est le mouvement qu’un corps produit réellement, ou qu’il tend à produire dans un autre, c’est-à-dire qu’il y produiroit si rien ne l’empêchoit. Voyez Mouvement.

En effet, toute puissance n’est autre chose qu’un corps qui est actuellement en mouvement, ou qui tend à se mouvoir, c’est-à-dire qui se mouvroit si rien ne l’en empêchoit. Voyez Puissance. Or dans un corps, ou actuellement mû, ou qui tend à se mouvoir, nous ne voyons clairement que le mouvement qu’il a, ou qu’il auroit s’il n’y avoit point d’obstacle : donc l’action d’un corps ne se manifeste à nous que par ce mouvement : donc nous ne devons pas attacher une autre idée au mot d’action que celle d’un mouvement actuel, ou de simple tendance ; & c’est embrouiller cette idée que d’y joindre celle de je ne sai quel être métaphysique, qu’on imagine resider dans le corps, & dont personne ne sauroit avoir de notion claire & distincte. C’est à ce même mal-entendu qu’on doit la fameuse question des forces vives qui, selon les apparences, n’auroit jamais été un objet de dispute, si on avoit bien voulu observer que la seule notion précise & distincte qu’on puisse donner du mot de force se réduit à son effet, c’est-à-dire au mouvement qu’elle produit ou tend à produire. Voyez Force.

Quantité d’action, est le nom que donne M. de Maupertuis, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris 1744, & dans ceux de l’Académie de Berlin 1746, au produit de la masse d’un corps par l’espace qu’il parcourt & par sa vitesse. M. de Maupertuis a découvert cette loi générale, que dans les changemens qui se font dans l’état d’un corps, la quantité d’action nécessaire pour produire ce changement, est la moindre qu’il est possible. Il a appliqué heureusement ce principe à la recherche des lois de la réfraction, des lois du choc, des lois de l’équilibre, &c. & s’est même élevé à des conséquences plus sublimes sur l’existence d’un premier être. Les deux ouvrages de M. de Maupertuis que nous venons de citer, méritent toute l’attention des Philosophes ; & nous les exhortons à cette lecture : ils y verront que l’Auteur a sû allier la métaphysique des causes finales (Voyez Causes finales) avec les vérités fondamentales de la méchanique ; faire dépendre d’une même loi le choc des corps élastiques & celui des corps durs, qui jusqu’ici avoient eu des lois séparées ; & réduire à un même principe les lois du mouvement & celles de l’équilibre.

Le premier Mémoire où M. de Maupertuis a donné l’idée de son principe, est du 15 Avril 1744 ; & à la fin de la même année, M. le Professeur Euler publia son excellent Livre : Methodus inveniendi lineas curvas maximi vel minimi proprietate gaudentes. Dans le supplément qui y avoit été ajoûté, illustre Géometre démontre que dans les trajectoires que des corps décrivent par des forces centrales, la vitesse multipliée par l’élément de la courbe, fait toûjours un minimum. Ce théoreme est une belle application du principe de M. de Maupertuis au mouvement des planetes.

Par le Mémoire du 15 Avril 1744 que nous venons de citer, on voit que les réflexions de M. de Maupertuis sur les lois de la réfraction, l’ont conduit au théoreme dont il s’agit. On sait le principe que M. de Fermat, & après lui M. Leibnitz, ont employé pour expliquer les lois de la réfraction. Ces grands Géometres ont prétendu qu’un corpuscule de lumiere qui va d’un point à un autre en traversant deux milieux différens, dans chacun desquels il a une vitesse différente, doit y aller dans le tems le plus court qu’il est possible : & d’après ce principe, ils ont démontré géométriquement que ce corpuscule ne doit pas aller d’un point à l’autre en ligne droite, mais qu’étant arrivé sur la surface qui sépare les deux milieux, il doit changer de direction, de maniere que le sinus de son incidence soit au sinus de sa réfraction, comme sa vitesse dans le premier milieu est à sa vitesse dans le second ; d’où ils ont déduit la loi si connue du rapport constant des sinus. Voyez Sinus, Réfraction, &c.

Cette explication, quoique fort ingénieuse, est sujette à une grande difficulté ; c’est qu’il faudroit que le corpuscule s’approchât de la perpendiculaire dans les milieux où sa vitesse est moindre, & qui par conséquent lui résistent davantage : ce qui paroît contraire à toutes les explications méchaniques qu’on a données jusqu’à présent de la réfraction des corps, & en particulier de la réfraction de la lumiere.

L’explication entre autres qu’a imaginée M. Newton, la plus satisfaisante de toutes celles qui ont été données jusqu’ici, rend parfaitement raison du rapport constant des sinus, en attribuant la réfraction des rayons à la force attractive des milieux ; d’où il s’ensuit que les milieux plus denses, dont l’attraction est plus forte, doivent approcher le rayon de la perpendiculaire : ce qui est en effet confirmé par l’expérience. Or l’attraction du milieu ne sauroit approcher le rayon de la perpendiculaire sans augmenter sa vitesse, comme on peut le démontrer aisément : ainsi, suivant M. Newton, la réfraction doit se faire en s’approchant de la perpendiculaire lorsque la vitesse augmente ; ce qui est contraire à la loi de MM. Fermat & Leibnitz.

M. de Maupertuis a cherché à concilier l’explication de M. Newton avec les principes métaphysiques. Au lieu de supposer avec MM. de Fermat & Leibnitz qu’un corpuscule de lumiere va d’un point à un autre dans le plus court tems possible, il suppose qu’un corpuscule de lumiere va d’un point à un autre, de maniere que la quantité d’action soit la moindre qu’il est possible. Cette quantité d’action, dit-il, est la vraie dépense que la nature ménage. Par ce principe philosophique, il trouve que non-seulement les sinus sont en raison constante, mais qu’ils sont en raison inverse des vitesses, (ce qui s’accorde avec l’explication de M. Newton) & non pas en raison directe, comme le prétendoient MM. de Fermat & Léibnitz.

Il est singulier que tant de Philosophes qui ont écrit sur la réfraction, n’ayent pas imaginé une maniere si simple de concilier la métaphysique avec la méchanique ; il ne falloit pour cela que faire un assez léger changement au calcul fondé sur le principe de M. de Fermat. En effet, suivant ce principe, le tems, c’est-à-dire l’espace divisé par la vitesse, doit être un minimum : de sorte que l’on appelle E l’espace parcouru dans le premier milieu avec la vitesse V, & e l’espace parcouru dans le second milieu avec la vitesse v, on aura à un minimum, c’est-à-dire . Or il est facile de voir que les sinus d’incidence & de réfraction sont entr’eux comme d E à -de ; d’où il s’ensuit que ces sinus sont en raison directe des vitesses V, v, & c’est ce que prétend M, de Fermat. Mais pour que ces sinus fussent en raison inverse des vitesses, il n’y auroit qu’à supposer VdE+vde=0 ; ce qui donne E x V + e x v = à un minimum : & c’est le principe de M. de Maupertuis. Voyez Minimum.

On peut voir dans les Mémoires de l’Académie de Berlin que nous avons déja cités, toutes les autres applications qu’il a faites de ce même principe, qu’on doit regarder comme un des plus généraux de la méchanique.

Quelque parti qu’on prenne sur la Métaphysique qui lui sert de base, ainsi que sur la notion que M. de Maupertuis a donnée de la quantité d’action, il n’en sera pas moins vrai que le produit de l’espace par la vitesse est un minimum dans les lois les plus générales de la nature. Cette vérité géométrique dûe à M. de Maupertuis, subsistera toûjours ; & on pourra, si l’on veut, ne prendre le mot de quantité d’action que pour une maniere abrégée d’exprimer le produit de l’espace par la vitesse. (O)

Action (Belles Lettres.) en matiere d’éloquence, se dit de tout l’extérieur de l’Orateur, de sa contenance, de sa voix, de son geste, qu’il doit assortir au sujet qu’il traite.

L’action, dit Ciceron, est pour ainsi dire l’éloquence du corps : elle a deux parties, la voix & le geste. L’une frappe l’oreille, l’autre les yeux ; deux sens, dit Quintilien, par lesquels nous faisons passer nos sentimens & nos passions dans l’ame des auditeurs. Chaque passion a un ton de voix, un air, un geste qui lui sont propres ; il en est de même des pensées, le même ton ne convient pas à toutes les expressions qui servent à les rendre.

Les Anciens entendoient sa même chose par prononciation, à laquelle Démosthene donnoit le premier, le second & le troisieme rang dans l’éloquence, c’est-à-dire, pour réduire sa pensée à sa juste valeur, qu’un discours médiocre soûtenu de toutes les forces & de toutes les graces de l’action, fera plus d’effet que le plus éloquent discours qui sera dépourvû de ce charme puissant.

La premiere chose qu’il faut observer, c’est d’avoir la tête droite, comme Ciceron le recommande. La tête trop élevée donne un air d’arrogance ; si elle est baissée ou négligemment panchée, c’est une marque de timidité ou d’indolence. La prudence la mettra dans sa véritable situation. Le visage est ce qui domine le plus dans l’action. Il n’y a, dit Quintilien, point de mouvemens ni de passions qu’il n’exprime : il menace, il caresse, il supplie, il est triste, il est gai, il est humble, il marque la fierté, il fait entendre une infinité de choses. Notre ame se manifeste aussi par les yeux. La joie leur donne de l’éclat ; la tristesse les couvre d’une espece de nuage : ils sont vifs, étincelans dans l’indignation, baissés dans la honte, tendres & baignés de larmes dans la pitié.

Au reste l’action des Anciens étoit beaucoup plus véhémente que celle de nos Orateurs. Cléon, Général Athénien, qui avoit une sorte d’éloquence impétueuse, fut le premier chez les Grecs qui donna l’exemple d’aller & de venir sur la tribune en haranguant. Il y avoit à Rome des Orateurs qui avoient ce défaut ; ce qui faisoit demander par un certain Virgilius à un Rhéteur qui se promenoit de la sorte, combien de milles il avoit parcouru en déclamant en Italie. Les Prédicateurs tiennent encore quelque chose de cette coûtume. L’action des nôtres, quoique plus modérée que celle des Italiens, est infiniment plus vive que celle des Anglois, dont les Sermons se réduisent à lire froidement une dissertation Théologique sur quelque point de l’Ecriture, sans aucun mouvement. Voyez Déclamation, Geste, Prononciation

Action du Poëme. Voyez Poeme & Epopée.
Action dans la Tragédie Tragédie & Dramatique.

Action en Poësie, ce qui fait le sujet ou la matiere d’un Poëme.

On en distingue de deux sortes : l’action principale, qu’on nomme proprement action ou fable. Voyez Fable. Et l’action incidente, qu’on appelle autrement Episode. Voyez Episode & Episodique. Nous ne traiterons que de la premiere.

Comme le grand Poëme se divise en Epique & en Dramatique, chacune de ces especes a aussi son action particuliere. Celle du Poëme Dramatique doit être une, intriguée, dénouée & complete, & d’une durée beaucoup moindre que celle qu’on donne à l’action du Poëme Epique. Voyez Dramatique, Intrigue, Denouement, Unité, Tragedie, &c.

L’action du Poëme Epique doit être grande, une, entiere, merveilleuse, & d’une certaine durée.

1°. Elle doit être grande, c’est-à-dire, noble & intéressante. Une avanture commune, ordinaire, ne fournissant pas de son propre fonds les instructions que se propose le Poëme Epique, il faut que l’action soit importante & héroïque. Ainsi dans l’Eneïde un Héros échappé des ruines de sa patrie, erre long-tems avec les restes de ses Concitoyens qui l’ont choisi pour Roi ; & malgré la colere de Junon qui le poursuit sans relâche, il arrive dans un pays que lui promettoient les destins, y défait des ennemis redoutables ; & après mille traverses surmontées avec autant de sagesse que de valeur, il y jette les fondemens d’un puissant Empire. Ainsi la conquête de Jérusalem par les Croisés ; celle des indes par les Portugais ; la réduction de Paris par Henri le Grand, malgré les efforts de la Ligue, sont le sujet des Poëmes du Tasse, du Camoens, & de M. de Voltaire ; d’où il est aisé de conclurre qu’une historiette, une intrigue amoureuse, ou telle autre aventure qui fait le fonds de nos romans, ne peut jamais devenir la matiere d’un Poëme Epique, qui veut dans le sujet de la noblesse & de la majesté.

Il y a deux manieres de rendre l’action épique intéressante : la premiere par la dignité & l’importance des personnages. C’est la seule dont Homere fasse usage, n’y ayant rien d’ailleurs d’important dans ses modeles, & qui ne puisse arriver à des personnages ordinaires. La seconde est l’importance de l’action en elle-même, comme l’établissement ou l’abolition d’une Religion ou d’un Etat, tel qu’est le sujet choisi par Virgile, qui en ce point l’emporte sur Homere. L’action de la Henriade réunit dans un haut degré ce double intérêt,

Le P. le Bossu ajoûte une troisieme maniere de jetter de l’intérêt dans l’action ; savoir, de donner aux lecteurs une plus haute idée des personnages du Poëme que celle qu’on se fait ordinairement des hommes, & cela en comparant les Héros du Poëme avec les hommes du siecle présent. Voyez Héros & Caractere.

2°. L’action doit être une, c’est-à-dire que le Poëte doit se borner à une seule & unique entreprise illustre exécutée par son Héros, & ne pas embrasser l’histoire de sa vie toute entiere. L’Iliade n’est que l’histoire de la colere d’Achille, & l’Odyssée, que celle du retour d’Ulysse à Itaque. Homere n’a voulu décrire ni toute la vie de ce dernier, ni toute la guerre de Troie. Stace au contraire dans son Achilléide, & Lucain dans sa Pharsale, ont entassé trop d’évenemens décousus pour que leurs ouvrages méritent le nom de Poëmes Epiques. On leur donne celui d’héroïques, parce qu’il s’y agit de Héros. Mais il faut prendre garde que l’unité du Héros ne fait pas l’unité de l’action. La vie de l’homme est pleine d’inégalités ; il change sans cesse de dessein, ou par l’inconstance de ses passions, ou par les accidens imprévûs de la vie. Qui voudroit décrire tout l’homme, ne formeroit qu’un tableau bisarre, un contraste de passions opposées sans liaison & sans ordre. C’est pourquoi l’épopée n’est pas la loüange d’un Héros qu’on se propose pour modele, mais le récit d’une action grande & illustre qu’on donne pour exemple.

Il en est de la Poësie comme de la Peinture. L’unité de l’action principale n’empêche pas qu’on n’y mette plusieurs incidens particuliers, & ces incidens se nomment Episodes. Le dessein est formé dès le commencement du Poëme, le Héros en vient à bout en franchissant tous les obstacles : c’est le récit de ces oppositions qui fait les Episodes : mais tous ces Episodes dépendent de l’action principale, & sont tellement liés avec elle & si unis entre-eux, qu’on ne perd jamais de vûe ni le Héros, ni l’action que le Poëte s’est proposé de chanter. Au moins doit-on suivre inviolablement cette regle, si l’on veut que l’unité d’action soit conservée. Discours sur le Poëme Epique à la tête du Telemaq. pag. 12 & 13. Princip. pour la lect. des Poëtes, tome II. pag. 109.

3°. Pour l’intégrité de l’action il faut, selon Aristote, qu’il y ait un commencement, un milieu, & une fin : précepte en soi-même assez obscur, mais que le P. le Bossu développe de la sorte. « Le commencement, dit-il, ce sont les causes qui influeront sur une action, & la résolution que quelqu’un prend de la faire ; le milieu, ce sont les effets de ces causes & les difficultés qui en traversent l’exécution ; & la fin, c’est le dénouement & la cessation de ces difficultés ».

« Le Poëte, ajoûte le même Auteur, doit commencer son action de maniere qu’il mette le lecteur en état d’entendre tout ce qui suivra, & que de plus ce commencement exige nécessairement une suite. Ces deux mêmes principes pris d’une maniere inverse, auront aussi lieu pour la fin ; c’est-à-dire, qu’il faudra que la fin ne laisse plus rien à attendre, & qu’elle soit nécessairement la suite de quelque chose qui aura précédé : enfin il faudra que le commencement soit lié à la fin par le milieu, qui est l’effet de quelque chose qui a précédé, & la cause de ce qui va suivre ».

Dans les causes d’une action on remarque deux plans opposés. Le premier & le principal est celui du Héros : le second comprend les desseins qui nuisent au projet du Héros. Ces causes opposées produisent aussi des effets contraires ; savoir, des efforts de la part du Héros pour exécuter son plan, & des efforts contraires de la part de ceux qui le traversent : comme les causes & les desseins, tant du Héros que des autres personnages du Poëme, forment le commencement de l’action, les efforts contraires en forment le milieu. C’est-là que se forme le nœud ou l’intrigue, en quoi consiste la plus grande partie du Poëme. Voyez Intrigue, Nœud.

La solution des obstacles est ce qui fait le dénouement, & ce dénouement peut se pratiquer de deux manieres, ou par une reconnoissance, ou sans reconnoissance ; ce qui n’a lieu que dans la Tragédie. Mais dans le Poëme Epique, les différens effets que le dénouement produit, & les divers états dans lesquels il laisse les personnages du Poëme, partagent l’action en autant de branches. S’il change le sort des principaux personnages, on dit qu’il y a péripétie, & alors l’action est implexe. S’il n’y a pas de péripétie, mais que le dénouement n’opere que le passage d’un état de trouble à un état de repos, on dit que l’action est simple. Voyez Péripétie, Catastrophe, Dénouement. Le P. le Bossu, Traité du Poëme Epique.

4°. L’action de l’Epopée doit être merveilleuse, c’est-à-dire, pleine de fictions hardies, mais cependant vraissemblables. Telle est l’intervention des divinités du paganisme dans les Poëmes des Anciens, & dans ceux des Modernes celle des passions personnifiées. Mais quoique le Poëte puisse aller quelquefois au-delà de la nature, il ne doit jamais choquer la raison. Il y a un merveilleux sage & un merveilleux ridicule. On trouvera sous les mots Machines & Merveilleux cette matiere traitée dans une juste étendue. Voyez Machine & Merveilleux.

5°. Quant à la durée de l’action du Poëme Epique, Aristote observe qu’elle est moins bornée que celle d’une Tragédie. Celle-ci doit être renfermée dans un jour, ou comme on dit entre deux soleils. Mais l’Epopée, selon le même Critique, n’a pas de tems borné. En effet, la Tragédie est remplie de passions véhémentes, rien de violent ne peut être de longue durée : mais les vertus & les habitudes qui ne s’acquierent pas tout d’un coup, sont propres au Poëme Epique, & par conséquent son action doit avoir une plus grande étendue. Le P. le Bossu donne pour regle que plus les passions des principaux personnages sont violens, & moins l’action doit durer : qu’en conséquence l’action de l’Iliade, dont le courroux d’Achille est l’ame, ne dure que quarante-sept jours ; au lieu que celle de l’Odyssée, où la prudence est la qualité dominante, dure huit ans & demi ; & celle de l’Enéide, où le principal personnage est un Héros pieux & humain, près de sept ans.

Mais ni la regle de cet Auteur n’est incontestable, ni son sentiment sur la durée de l’Odyssée & sur celle de l’Iliade n’est exact. Car quoique l’Epopée puisse renfermer en narration les actions de plusieurs années, les critiques pensent assez généralement que le tems de l’action principale, depuis l’endroit où le Poëte commence sa narration, ne peut être plus long qu’une année, comme le tems d’une action tragique doit être au plus d’un jour. Aristote & Horace n’en disent rien pourtant : mais l’exemple d’Homere & de Virgile le prouve. L’Iliade ne dure que quarante-sept jours : l’Odyssée ne commence qu’au départ d’Ulysse de l’isle d’Ogygie ; & l’Enéide, qu’à la tempête qui jette Enée sur les côtes de Carthage : Or depuis ces deux termes, ce qui se passe dans l’Odyssée ne dure que deux mois, & ce qui arrive dans l’Enéide remplit l’espace d’un an. Il est vrai qu’Ulysse chez Alcinoüs, & Enée chez Didon, racontent leurs aventures passées, mais ces récits n’entrent que comme récits dans la durée de l’action principale ; & le cours des années qu’ont pour ainsi dire consumé ces évenemens, ne fait en aucune maniere partie de la durée du Poëme. Comme dans la Tragédie, les évenemens racontés dans la Protase, & qui servent à l’intelligence de l’action dramatique, n’entrent point dans sa durée ; ainsi l’erreur du P. le Bossu est manifeste. Voyez Protase. Voyez aussi Fable. (G)

Action, dans l’œconomie animale, c’est un mouvement ou un changement produit dans tout le corps ou dans quelque partie, & qui differe de la fonction en ce que celle-ci n’est qu’une faculté de produire, au lieu que l’action est la faculté réduite en acte. Boerhaave.

On distingue les actions de même que les fonctions en vitales, naturelles & animales. Les actions vitales sont celles qui sont d’une nécessité absolue pour la vie ; telles sont le mouvement du cœur, la respiration, &c. Les actions naturelles, sont celles par le secours desquelles le corps est conservé, tel qu’il est ; telles sont la digestion, les secrétions, la nutrition, &c. Les actions animales sont celles qui produisent sur l’ame un certain changement, & sur lesquelles l’ame a quelque pouvoir ; telles sont le mouvement des muscles soûmis à la volonté, les sensations, &c. Voyez Fonction, Animal, Naturel & Vital. (L)

Action, se dit en Medecine dans le même sens que fonction ; c’est pourquoi l’on dit : l’action du ventricule sur les alimens est de les diviser, & de les mêler intimement ensemble. Un Medecin doit connoître l’action de toutes les parties du corps humain, pour distinguer la cause, le siége & les différences des maladies. Cette connoissance le met en état de prononcer sûrement du danger que court un malade, ou de la proximité de sa convalescence. V. Fonction.

Action se dit encore medicinalement pour force. On augmente l’action d’un purgatif en y ajoûtant quelque chose, c’est-à-dire, qu’on lui donne plus de force. Voyez Force. (N)

Action, dans l’Art militaire, est un combat qui se donne entre deux armées, ou entre différens corps de troupes qui en dépendent. Ce mot s’emploie aussi pour signifier quelque fait mémorable d’un Officier ou d’un Commandant d’un corps de troupes. (Q)

Action, en Droit, est une demande judiciaire fondée sur un titre ou sur la Loi, par laquelle le demandeur somme celui qu’il appelle en Justice, de satisfaire à ce à quoi il est obligé en vertu de l’un ou de l’autre, à faute de quoi il requiert qu’il y soit condamné par le Juge.

Les actions sont divisées par Justinien en deux especes générales ; en réelles, c’est-à-dire, dirigées contre la chose ; & en personnelles, c’est-à-dire, dirigées contre la personne : car lorsque quelqu’un exerce une action, ou il la dirige contre un homme qui lui fait tort, soit parce qu’il manque à sa convention, soit parce qu’il lui a fait quelqu’offense, auquel cas il y a action contre la personne ; ou il l’exerce contre un homme qui ne lui fait pas de tort, mais cependant avec qui il a quelque démêlé sur quelque matiere ; comme si Caius tient un champ, que Julius reclame comme lui appartenant, & qu’il intente son action afin qu’on le lui restitue ; auquel cas l’action a pour objet la chose même. Voyez les Instit. Liv. IV. tit. iv. où l’on expose sommairement les principales actions introduites par la Loi Romaine.

Il y a une troisieme action, que l’on appelle action mixte, & qui tient des deux classes d’actions réelles & personnelles.

L’action réelle est celle par laquelle le demandeur reclame le droit qu’il a sur des terres ou héritages, des rentes ou autres redevances, &c. Voyez Réel.

Celle-ci est de deux sortes ; ou possessoire ou pétitoire. Voyez Possessoire ou Réintégrande, & Pétitoire.

Une action n’est purement réelle que quand elle s’attaque uniquement à la chose, & que le détenteur est quitte en l’abandonnant : mais s’il est personnellement obligé à la restitution des fruits ou des intérêts, dès-lors elle est mixte.

L’action personnelle est celle que l’on a contre un autre, en conséquence d’un contrat ou quasi-contrat par lequel il s’est obligé de payer ou faire quelque chose, ou pour raison d’une offense qu’il a faite, ou par lui-même ou par quelqu’autre personne dont il est responsable. Voyez Personnel.

Dans le premier cas l’action est civile ; dans l’autre elle est ou peut être criminelle. Voyez Civil & Criminel.

L’action mixte est celle que l’on intente contre le détenteur d’une chose, tant en cette qualité que comme personnellement obligé. On l’appelle ainsi à cause qu’elle a un rapport composé, tant à la chose qu’à la personne.

On assigne communément trois sortes d’actions mixtes : l’action de partage entre co-héritiers, de division entre des associés, & de bornage entre des voisins. Voyez Partage & Bornage.

Les actions se divisent aussi en civiles & en pénales ou criminelles. L’action civile est celle qui ne tend qu’à recouvrer ce qui appartient à un homme, en vertu d’un contrat ou d’une autre cause semblable ; comme si quelqu’un cherche à recouvrer par voie d’action une somme d’argent qu’il a prêtée, &c. Voyez Civil.

L’action pénale ou criminelle tend à faire punir la personne accusée ou poursuivie, soit corporellement, soit pécuniairement. V. Peine, Amende, &c.

En France il n’y a pas proprement d’actions pénales, ou du moins elles ne sont point déférées aux particuliers, lesquels dans les procès criminels ne peuvent poursuivre que leur intérêt civil. Ce sont les Gens du Roi qui poursuivent la vindicte publique. Voyez Crime.

On distingue aussi les actions en mobiliaires & immobiliaires. Voyez ces deux termes.

L’action se divise encore en action préjudiciaire ou incidente, que l’on appelle aussi préparatoire ; & en action principale.

L’action préjudiciaire est celle qui vient de quelque point ou question douteuse, qui n’est qu’accessoire au principal ; comme si un homme poursuivoit son jeune frere pour des terres qui lui sont venues de son pere, & que l’on opposât qu’il est bâtard : il faut que l’on décide cette derniere question avant que de procéder au fonds de la cause ; c’est pourquoi cette action est qualifiée de prejudicialis, quia prius judicanda est.

L’action se divise aussi en perpétuelle & en temporelle.

L’action perpétuelle est celle dont la force n’est déterminée par aucun période ou par aucun terme de tems.

De cette espece étoient toutes les actions civiles chez les anciens Romains, sçavoir, celles qui venoient des Lois, des décrets du Sénat & des constitutions des Empereurs ; au lieu que les actions accordées par le Préteur ne passoient pas l’année.

On a aussi en Angleterre des actions perpétuelles & des actions temporelles ; toutes les actions qui ne sont pas expressément limitées étant perpétuelles.

Il y a plusieurs statuts qui donnent des actions, à condition qu’on les poursuive dans le tems prescrit.

Mais comme par le Droit civil il n’y avoit pas d’actions si perpétuelles que le tems ne rendît sujettes à prescription ; ainsi, dans le Droit d’Angleterre, quoique quelques actions soient appellées perpétuelles, en comparaison de celles qui sont expressément limitées par statuts, il y a néanmoins un moyen qui les éteint ; savoir, la prescription. Voyez Prescription.

On divise encore l’action en directe & contraire. Voyez Direct & Contraire.

Dans le Droit Romain le nombre des actions étoit limité, & chaque action avoit sa formule particuliere qu’il falloit observer exactement. Mais parmi nous les actions sont plus libres. On a action toutes les fois qu’on a un intérêt effectif à poursuivre, & il n’y a point de formule particuliere pour chaque nature d’affaire. (H)

Action, dans le Commerce, signifie quelquefois les effets mobiliaires ; & l’on dit que les Créanciers d’un Marchand se sont saisis de toutes ses actions, pour dire qu’ils se sont mis en possession & se sont rendus maîtres de toutes ses dettes actives.

Action de Compagnie. C’est une partie ou égale portion d’intérêt dont plusieurs jointes ensemble composent le fonds capital d’une Compagnie de Commerce. Ainsi une Compagnie qui a trois cens actions de mille livres chacune, doit avoir un fonds de trois cens mille livres : ce qui s’entend à proportion si les actions sont réglées ou plus haut ou plus bas.

On dit qu’une personne a quatre ou six actions dans une compagnie, quand il contribue au fonds capital, & qu’il y est intéressé pour quatre ou six mille livres, si chaque action est de mille livres, comme on vient de le supposer.

Un Actionnaire ne peut avoir voix délibérative dans les assemblées de la Compagnie, qu’il n’ait un certain nombre d’actions fixé par les Lettres patentes de l’établissement de la Compagnie ; & il ne peut être Directeur qu’il n’en ait encore une plus grande quantité. Voyez Compagnie.

Action s’entend aussi des obligations, contrats & reconnoissances que les Directeurs des Compagnies de Commerce délivrent à ceux qui ont porté leurs deniers à la caisse, & qui y sont intéressés. Ainsi délivrer une action, c’est donner & expédier en forme le titre qui rend un Actionnaire propriétaire de l’action qu’il a prise.

Les actions des Compagnies de Commerce haussent ou baissent suivant que ces Compagnies prennent faveur ou perdent de leur crédit. Peu de chose cause quelquefois cette augmentation ou cette diminution du prix des actions. Le bruit incertain d’une rupture avec des Puissances voisines, ou l’espérance d’une paix prochaine, suffisent pour faire baisser ou hausser considérablement les actions. On se rappelle avec étonnement, & la postérité aura peine à croire comment en 1719 les actions de la Compagnie d’Occident, connue depuis sous le nom de Compagnie des Indes, monterent en moins de six mois jusqu’à 1900 pour cent.

Le commerce des actions est un des plus importans qui se fasse à la Bourse d’Amsterdam & des autres villes des Provinces Unies où il y a des Chambres de la Compagnie des Indes Orientales. Ce qui rend ce commerce souvent très-lucratif en Hollande, c’est qu’il se peut faire sans un grand fonds d’argent comptant, & que pour ainsi dire il ne consiste que dans une vicissitude continuelle d’achats & de reventes d’actions qu’on acquiert quand elles baissent, & dont on se désait quand elles haussent.

L’on se sert presque toûjours d’un courtier lorsqu’on veut acheter ou vendre des actions de la Compagnie Hollandoise ; & quand on est convenu de prix, le vendeur en fait le transport & en signe la quittance en présence d’un des Directeurs qui les fait enregistrer par le Secrétaire ou Greffier ; ce qui suffit pour transporter la propriété des parties vendues du vendeur à l’acheteur. Les droits du Courtier pour sa négociation se payent ordinairement à raison de six florins pour chaque action de cinq cens livres de gros, moitié par l’acheteur & moitié par le vendeur.

Ce commerce est très-policé. Il n’en étoit pas de même de celui qui s’étoit établi en 1719 dans la rue Quinquempoix sans autorité, & qui a plus ruiné de familles qu’il n’en a enrichi. Aujourd’hui la Compagnie des Indes a donné parmi nous une forme réguliere au commerce des actions.

Les actions Françoises sont présentement de trois sortes : savoir, des actions simples, des actions rentieres, & des actions intéressées.

Les actions simples sont celles qui ont part à tous les profits de la Compagnie, mais qui en doivent aussi supporter toutes les pertes, n’ayant d’autre caution que le seul fonds de la Compagnie même.

Les actions rentieres sont celles qui ont un profit sûr de deux pour cent, dont le Roi s’est rendu garant, comme il l’étoit autrefois des rentes sur la Ville, mais qui n’ont point de part aux répartitions ou dividendes.

Les actions intéressées tiennent pour ainsi dire le milieu entre les deux ; elles ont deux pour cent de revenu fixe, avec la garantie du Roi, comme les actions rentieres, & outre cela elles doivent partager l’excédent du dividende avec les actions simples. Ces dernieres actions ont été créées en faveur des Communautés ecclésiastiques qui pouvoient avoir des remplacemens de deniers à faire.

Il y a quelques termes établis & propres au négoce des actions, comme ceux de dividend ou dividende, action nourrie, nourrir une action, fondre une action, qu’il est bon d’expliquer.

Nourrir une action, c’est payer exactement à leur échéance les diverses sommes pour lesquelles on a fait sa soûmission à la caisse de la Compagnie, suivant qu’il a été réglé par les Arrêts du Conseil donnés pour la création des nouvelles actions.

Fondre des actions, c’est les vendre & s’en défaire suivant les besoins qu’on a de ses fonds, soit pour nourrir d’autres actions, soit pour ses autres affaires.

Une action nourrie est celle dont tous les payemens sont faits, & qui est en état d’avoir part aux dividendes ou répartitions des profits de la Compagnie. Jusqu’à cet entier & parfait payement, ce n’est pas proprement une action, mais simplement une soûmission. Voyez Soumission.

Dividend ou dividende, c’est ce qu’on nomme autrement répartition, c’est-à-dire la part qui revient à chaque Actionnaire dans les profits d’une Compagnie, jusqu’au prorata de ce qu’il y a d’actions. V. Actionaire & Répartition.

En Angleterre les actions les plus anciennes, & qui se soûtiennent le mieux, sont celles du Sud, celles des Indes & celles de la Banque. Il se forma à Londres vers 1719 une Compagnie d’assûrances dont les actions furent d’abord très-brillantes, & tomberent totalement sur la fin de 1720. On peut voir dans le Dictionnaire du Commerce les différentes révolutions qu’a éprouvées le négoce des actions depuis 1719 jusqu’à 1721, tant en Angleterre que dans diverses nouvelles Compagnies de Hollande. (G)

Action du Forestaller. en Angl. Consiste à acheter sur les chemins les grains, les bestiaux, ou toute autre marchandise avant qu’elle arrive au marché ou à la foire où elle devoit être vendue ; ou à l’acheter lorsqu’elle vient d’au-delà des mers, & qu’elle est en route pour quelque Ville, Port, Havre, Baye ou Quai du Royaume d’Angleterre, dans le dessein d’en tirer avantage, en la revendant beaucoup plus cher qu’elle n’auroit été vendue. Voyez Fripier ou Regratier. Fleta dit que ce mot signifie obstructionem viæ, vel impedimentum transitus & fugæ averiorum.

On se sert particulierement de ce mot dans le pays de Crompton, pour exprimer l’action de celui qui arrête une bête fauve égarée de la forêt, & qui l’empêche de s’y retirer ; ou l’action de celui qui se met entre cette bête & la forêt, précisément dans le chemin par où la bête doit y retourner.

Action (Manége.) Cheval toûjours en action, bouche toûjours en action, se dit d’un cheval qui mâche son mord, qui jette beaucoup d’écume, & qui par-là se tient la bouche toûjours fraîche : c’est un indice de beaucoup de feu & de vigueur. M. de Neucastle a dit aussi les actions des jambes. (V)

Action, en Peinture & en Sculpture, est l’attitude ou la position des parties du visage & du corps des figures représentées, qui fait juger qu’elles sont agitées de passions. On dit : cette figure exprime bien par son action les passions dont elle est agitée ; cette action est bien d’un homme effrayé. L’on se sert également de ce terme pour les animaux ; l’on dit : voilà un chien dont l’action exprime bien la fureur ; d’un cerf aux abois : voilà un cerf qui par son action exprime sa douleur, &c. (R)

ACTIONAIRE ou ACTIONISTE s. m. (Commerce.) c’est le propriétaire d’une action ou d’une part dans le fonds ou capital d’une Compagnie. Voyez Action.

Les Anglois aussi bien que nous se servent du terme d’actionaire dans le sens que nous venons de marquer. Les Hollandois employent plus communément celui d’actioniste. (G)

ACTIVITÉ, s. f. (Physique) Vertu d’agir ou Faculté active. Voyez Faculté, &c.

L’activité du feu surpasse toute imagination. On dit l’activité d’un acide, d’un poison, &c. Les corps, selon M. Newton, tirent leur activité du principe d’attraction. Voyez Attraction.

Sphere d’activité d’un corps se dit d’un espace qui environne ce corps, & qui s’étend aussi loin que sa vertu ou son efficacité peut produire quelque effet sensible. Ainsi on dit la sphere d’activité d’une pierre d’aimant, d’un corps électrique, &c. Voyez Sphere, Ecoulement, &c. (O)

* ACTIUM, s. m. Promontoire d’Epire fameux par le combat où Auguste & Antoine se disputerent l’empire du monde.

* ACTIUS, adj. (Myth.) Apollon fut ainsi surnommé d’Actium où il étoit honoré.

ACTON, (Medecine.) Les eaux minérales d’Acton sont les plus énergiques entre les eaux purgatives des environs de Londres. Elles causent à ceux qui les prennent des douleurs au fondement & dans les intestins ; ce que l’on attribue à la grande quantité de sels qu’elles chassent du corps, & qui réunis à ceux dont ces eaux sont chargées, en deviennent plus actifs & plus piquans. (N)

ACTUAIRES, (Hist. anc.) vaisseaux pour l’action. C’est ainsi que les Anciens appelloient une sorte de longs vaisseaux, que l’on avoit construits particulierement d’une forme agile & propre aux expéditions ; ils reviennent à ce que l’on appelle en France des Brigantins. Voyez Vaisseau & Brigantin.

Ciceron dans une épître à Atticus appelle une chaloupe decem scalmorum, c’est-à-dire à cinq rames de chaque bord, actuariola ; ce qui fait présumer que les bâtimens nommés actuariæ naves ne pouvoient contenir ni un nombreux équipage, ni une nombreuse chiourme telle que celle des vaisseaux de haut-bord & à plusieurs rangs de rames. (G)

ACTUEL, adj. terme de Théologie, se dit d’un attribut qui détermine la nature de quelque sujet & le distingue d’un autre, mais non pas toûjours dans le même sens ni de la même maniere. Voyez Attribut, Sujet.

Ainsi les Théologiens scholastiques disent grace actuelle par opposition à la grace habituelle. Voyez Habituel.

Ils disent aussi péché actuel par opposition au péché originel.

La grace actuelle est celle qui nous est accordée par maniere d’acte ou de motion passagere. Voyez Acte & Motion. On pourroit la définir plus clairement celle que Dieu nous donne pour nous mettre en état de pouvoir, d’agir, ou de faire quelqu’action. C’est de cette grace que parle S. Paul, quand il dit aux Philippiens, chap. I. « Il vous a été donné non-seulement de croire en Jesus-Christ, mais encore de souffrir pour lui ». S. Augustin a démontré contre les Pélagiens, que la grace actuelle est absolument nécessaire pour toute action méritoire dans l’ordre du salut.

La grace habituelle est celle qui nous est donnée par maniere d’habitude, de qualité fixe & permanente, inhérente à l’ame, qui nous rend agréables à Dieu, & dignes des récompenses éternelles. Telle est la grace du baptême dans les enfans. Voyez Grace.

Le péché actuel est celui que commet par sa propre volonté & avec pleine connoissance une personne qui est parvenue à l’âge de discrétion. Le péché originel est celui que nous contractons en venant au monde, parce que nous sommes les enfans d’Adam. Voyez Péché. Le péché actuel se subdivise en péché mortel & péché véniel. V. Mortel & Veniel. (G)

Actuel, adj. s’applique dans la pratique de Medecine aux maladies, à leur accès, & à la façon de les traiter. Ainsi on dit douleur actuelle, pour signifier la présence de la douleur ; accès actuel, dans une fiévre, signifie l’état du malade présentement affligé d’une fievre ou continue, ou intermittente, ou d’un redoublement.

La cure actuelle est celle qui convient à l’accès même de la maladie.

Actuel, (en Chirurgie) se dit d’une des sortes de cauteres. Voyez Cautere. (N)

ACTUS, terme qu’on trouve dans les anciens Architectes ; c’est selon eux un espace de 120 piés. Vitruve page 266. (P)

ACUTANGLE, adj. Un triangle acutangle est celui dont les trois angles sont aigus. V. Triangle.

Acutangulaire. Section acutangulaire d’un cone, est la section d’un cone qui fait un angle avec l’axe du cone. Voyez Aigu. (E)

* ACUDIA, s. m. (Hist. nat.) animal de l’Amérique, de la grosseur & de la forme de l’escargot, qui jette, dit-on, de la lumiere par quatre taches luisantes, dont deux sont à côté de ses yeux, & deux sous ses ailes. On ajoûte que si l’on se frotte le visage de l’humidité de ses taches luisantes ou étoiles, on paroît resplendissant de lumiere tant qu’elle dure ; & que cette humidité éclairoit les Américains pendant la nuit avant l’arrivée des Espagnols.

* ACUITZEHUARIRA, ou ZOZOTAQUAM, ou CHIPAHUARZIL, (Hist. nat. Bot.) s. m. plante de Mechoacan, Province de l’Amérique. Sa racine est ronde, blanche en dedans, & jaune en dehors. On en tire une eau que les Espagnols appellent l’ennemie des venins, contre lesquels elle est apparemment un antidote.

AD

AD, (Gram.) préposition Latine qui signifie à, auprès, pour, vers, devant. Cette préposition entre aussi dans la composition de plusieurs mots, tant en Latin qu’en François ; amare, aimer, adamare, aimer fort ; addition, donner, adonner ; on écrivoit autrefois addonner, s’appliquer à, s’attacher, se livrer : cet homme est adonné au vin, au jeu, &c.

Quelquefois le d est supprimé, comme dans aligner, aguérir, améliorer, anéantir ; on conserve le d lorsque le simple commence par une voyelle, selon son étymologie ; adopter, adoption, adhérer, adhésion, adapter ; & dans les mots qui commencent par m, admettre, admirer, administrer, administration ; & encore dans ceux qui commencent par les consonnes j & v ; adjacent, adjectif, adverbe, adversaire, adjoint : autrefois on prononçoit advent, advis, advocat ; mais depuis qu’on ne prononce plus le d dans ces trois derniers mots, on le supprime aussi dans l’écriture.

Le méchanisme des organes de la parole a fait que le d se change en la lettre qui commence le mot simple, selon l’étymologie ; ainsi on dit accumuler, affirmer, affaire (ad faciendum) affamer, aggreger, annexer, annexe, applanir, arroger, arriver, associer, attribuer. Par la même méchanique le d étoit changé en c dans acquérir, acquiescer, parce que dans ces deux mots le q est le c dur : mais aujourd’hui on prononce aquérir, aquiescer. (F)

* ADA, (Géog. mod.) ville de la Turquie Asiatique, sur la route de Constantinople à Hispahan, & la riviere de Zacarat.

* ADAD ou ADOD, s. m. (Myth.) divinité des Assyriens, que les uns prennent pour le soleil, d’autres pour cet Adad qui fut étouffé par Azael qui lui succéda, & qui fut adoré ainsi qu’Adad par les Syriens, & sur-tout à Damas, au rapport de Josephe. Antiq. Judaïq.

ADAGE, s. m. (Belles-Lettres.) c’est un proverbe ou une sentence populaire que l’on dit communément. Voyez Proverbe, &c. Ce mot vient de ad & agor, suivant Scaliger, quod agatur ad aliud signandum, parce que l’on s’en sert pour signifier autre chose.

Erasme a fait une vaste & précieuse collection des adages Grecs & Latins, qu’il a tirés de leurs Poëtes, Orateurs, Philosophes, &c.

Adage, proverbe, & parœmia, signifient la même chose : mais l’adage est différent du gnome, de la sentence ou de l’apophthegme. V. Sentence & Apophthegme, &c. (G)

ADAGIO, terme de Musique. Ce mot écrit à la tête d’un air désigne le premier & le plus lent des quatre principaux degrés de mouvement établis dans la Musique Italienne. Adagio est un adverbe Italien, qui signifie à l’aise, posément ; & c’est aussi de cette maniere qu’il faut battre la mesure des airs auxquels il s’applique. Voyez Mouvement.

Le nom d’adagio se transporte assez communément par métonymie aux morceaux de Musique dont il détermine le mouvement ; & il en est de même des autres mots semblables. Ainsi l’on dira un adagio de Tartini, un andante de S. Martino, un allegro de Locatelli, &c. Voyez Allegro, Andante. (S)

ADALIDES, s. m. pl. (Hist. mod.) Dans le Gouvernement d’Espagne ce sont des Officiers de Justice qui connoissent de toutes les matieres concernant les forces militaires.

Dans les Lois du Roi Alphonse, il est parlé des Adalides comme de Magistrats établis pour diriger la marche des troupes & veiller sur elles en tems de guerre. Lopez les représente comme une sorte de Juges qui connoissent des différends nés à l’occasion des incursions, du partage du butin, des contributions, &c. peut-être étoit-ce la même chose que nos Intendans d’armée, ou nos Commissaires des Guerres. (G)

ADAM, s. (Théol.) nom du premier homme que Dieu créa, & qui fut la tige de tout le genre-humain, selon l’Ecriture.

Ce n’est pas précisément comme nom propre, mais comme nom appellatif, que nous plaçons dans ce Dictionnaire le nom d’Adam, qui désigne tout homme en général, & répond au grec ἄνθρωπος ; en particulier le nom Hébreu אדם, répond au Grec πυῤῥὸς, & au Latin rufus, à cause de la couleur roussâtre de la terre, dont, selon les Interpretes, Adam avoit été tiré.

On peut voir dans la Genese, chap. 1, 2, 3 & 4. toute l’histoire d’Adam ; comment il fut formé du limon, & placé dans le paradis terrestre, & institué chef & roi de la terre, & des animaux créés pour son usage ; & quelle fut sa premiere innocence & sa justice originelle ; par quelle désobéissance il en déchut, & quels châtimens il attira sur lui-même & sur sa postérité. Il faut nécessairement en revenir à ce double état de félicité & de misere, de foiblesse & de grandeur, pour concevoir comment l’homme, même dans l’état présent, est un composé si étrange de vices & de vertus, si vivement porté vers le souverain bien, si souvent entraîné vers le mal, & sujet à tant de maux qui paroissent à la raison seule les châtimens d’un crime commis anciennement. Les Payens même avoient entrevû les ombres de cette vérité, & elle est la base fondamentale de leur métempsycose, & la clé unique de tout le système du Christianisme.

Quoique tous les Peres aient regardé ces deux différens états d’Adam comme le premier anneau auquel tient essentiellement toute la chaîne de la révélation, on peut dire cependant que S. Augustin est le premier qui les ait développés à fond, & prouvé solidement l’un & l’autre dans ses écrits contre les Manichéens & les Pélagiens ; persuadé que pour combattre avec succès ces deux Sectes opposées, il ne pouvoit trop insister sur l’extrème différence de ces deux états, relevant contre les Manichéens le pouvoir du libre arbitre dans l’homme innocent, & après sa chûte, la force toute-puissante de la grace pour combattre les maximes des Pélagiens : mais il n’anéantit jamais dans l’un & l’autre état ni la nécessité de la grace, ni la coopération du libre arbitre.

Les Interpretes & les Rabbins ont formé diverses questions relatives à Adam, que nous allons parcourir, parce qu’on les trouve traitées avec étendue, soit dans le Dictionnaire de Bayle, soit dans le Dictionnaire de la Bible du P. Calmet.

On demande, 1°, combien de tems Adam & Eve demeurerent dans le jardin de délices. Quelques-uns les y laissent plusieurs années, d’autres quelques jours, d’autres seulement quelques heures. Dom Calmet pense qu’ils y pûrent demeurer dix ou douze jours, & qu’ils en sortirent vierges.

2°. Plusieurs auteurs Juifs ont prétendu que l’homme & la femme avoient été créés ensemble & collés par les épaules ayant quatre piés, quatre mains & deux têtes semblables en tout, hors le sexe, & que Dieu, leur ayant envoyé un profond sommeil, les sépara & en forma deux personnes : idée qui a beaucoup de rapport aux Androgynes de Platon. Voyez Androgyne. Eugubin, in Cosmopœia, veut qu’ils aient été unis, non par le dos, mais par les côtés ; ensorte que Dieu, selon l’Ecriture, tira la femme du côté d’Adam : mais cette opinion ne s’accorde pas avec le texte de Moyse, dans lequel on trouveroit encore moins de traces de la vision extravagante de la fameuse Antoinette Bourignon, qui prétendoit qu’Adam avoit été créé hermaphrodite, & qu’avant sa chûte il avoit engendré seul le corps de Jesus-Christ.

3°. On n’a pas moins débité de fables sur la beauté & la taille d’Adam. On a avancé qu’il étoit le plus bel homme qui ait jamais été, & que Dieu, pour le former, se revêtit d’un corps humain parfaitement beau. D’autres ont dit qu’il étoit le plus grand géant qui eût jamais été, & ont prétendu prouver cette opinion par ces paroles de la Vulgate, Josué, ch. XIV. Nomen Hebron ante vocabatur Cariath-arbe, Adam maximus ibi inter Enachim situs est : mais dans le passage le mot Adam n’est pas le nom propre du premier homme, mais un nom appellatif qui a rapport à arbé ; ensorte que le sens de ce passage est : cet homme (Arbé) étoit le plus grand ou le pere des Enachims. Sur ce fondement, & d’autres semblables, les Rabbins ont enseigné que le premier homme étoit d’une taille si prodigieuse, qu’il s’étendoit d’un bout du monde jusqu’à l’autre, & qu’il passa des isles Atlantiques dans notre continent sans avoir au milieu de l’Océan de l’eau plus haut que la ceinture : mais que depuis son péché Dieu appesantit sa main sur lui, & le réduisit à la mesure de cent aunes. D’autres lui laissent la hauteur de neuf cens coudées, c’est-à-dire, de plus de mille trois cens piés, & disent que ce fut à la priere des Anges effrayés de la premiere hauteur d’Adam, que Dieu le réduisit à celle-ci.

4°. On dispute encore aujourd’hui, dans les Ecoles, sur la science infuse d’Adam. Il est pourtant difficile d’en fixer l’étendue. Le nom qu’il a donné aux animaux prouve qu’il en connoissoit les proprietés, si dans leur origine tous les noms sont significatifs, comme quelques-uns le prétendent. Dieu l’ayant créé parfait, on ne peut douter qu’il ne lui ait donné un esprit vaste & éclairé : mais cette science spéculative n’est pas incompatible avec l’ignorance expérimentale des choses qui ne s’apprennent que par l’usage & par la refléxion. C’est donc sans fondement qu’on lui attribue l’invention des lettres hébraïques, le Pseaume XCI. & quelques ouvrages supposés par les Gnostiques & d’autres Novateurs.

5°. Quoique la certitude du salut d’Adam ne soit pas un fait clairement revélé, les Peres, fondés sur ces mots du Livre de la Sagesse ch. X. v. 2. custodivit & eduxit illum à deticto suo, ont enseigné qu’il fit une solide pénitence. C’est aussi le sentiment des Rabbins, & l’Eglise a condamné l’opinion contraire dans Tatien & dans les Encratites. Adam mourut âgé de neuf cent trente ans, & fut enterré à Hébron, selon quelques-uns qui s’appuient du passage de Josué, que nous avons déja cité. D’autres, en plus grand nombre, soûtiennent qu’il fut enterré sur le Calvaire ; ensorte que le pié de la Croix de Jesus-Christ répondoit à l’endroit même où reposoit le crane du premier homme, afin, disent-ils, que le sang du Sauveur coulant d’abord sur le chef de ce premier coupable, purifiât la Nature humaine comme dans sa source, & que l’homme nouveau fût enté sur l’ancien. Mais S. Jérôme remarque que cette opinion, qui est assez propre à flater les oreilles des peuples, n’en est pas plus certaine pour cela : favorabilis opinio, & mulcens aurem populi, nec tamen vera. In Matth. cap. xxvij.

Le terme d’Adam en matiere de morale & de spiritualité, a des significations fort différentes selon les divers noms adjectifs avec lesquels il se trouve joint. Quand il accompagne ceux-ci, premier, vieil, & ancien, il se prend quelquefois dans un sens littéral, & alors il signifie le premier homme considéré après sa chûte, comme l’exemple & la cause de la foiblesse humaine. Quelquefois dans un sens figuré, pour les vices, les passions déréglées, tout ce qui part de la cupidité & de la nature dépravée par le péché d’Adam. Quand il est joint aux adjectifs nouveau ou second, il se prend toûjours dans un sens figuré, & le plus souvent il signifie Jesus-Christ, comme l’homme Dieu, saint par essence, par opposition à l’homme pécheur, ou la justice d’une ame véritablement chrétienne, & en général toute vertu ou sainteté exprimée sur celle de Jesus-Christ, & produite par sa grace. (G)

* ADAMA, (Geog. anc.) ville de la Pentapole, qui étoit voisine de Gomorrhe & de Sodome, & qui fut consumée avec elles.

* ADAMANTIS, s. (Hist. nat.) nom d’une plante qui croît en Arménie & dans la Cappadoce, & à laquelle Pline attribue la vertu de terrasser les lions & de leur ôter leur férocité. Voyez le liv. XXIV. chap. xvij.

* ADAMIQUE (terre.) adamica terra, (Hist. nat.) Le fond de la mer est enduit d’un limon salé, gluant, gras, mucilagineux & semblable à de la gelée ; on le découvre aisément après le reflux des eaux. Ce limon rend les lieux qu’elles ont abandonnés, si glissans qu’on n’y avance qu’avec peine. Il paroît que c’est un dépôt de ce que les eaux de la mer ont de plus glaireux & de plus huileux, qui se précipitant continuellement de même que le sédiment que les eaux douces laissent tomber insensiblement au fond des vaisseaux qui les renferment, forme une espece de vase qu’on appelle terra adamica. On conjecture qu’outre la grande quantité de poissons & de plantes qui meurent continuellement, & qui se pourrissent dans la mer, l’air contribue encore de quelque chose à l’augmentation du limon dont il s’agit ; car on observe que la terre adamique se trouve en plus grande quantité dans les vaisseaux que l’on a couverts simplement d’un linge, que dans ceux qui ont été scellés hermétiquement. Mémoires de l’Académie, année 1700, pag. 20.

ADAMITES ou ADAMIENS, s. m. pl. (Théolog.) Adamistæ & Adamiani, secte d’anciens hérétiques, qu’on croit avoir été un rejetton des Basilidiens & des Carpocratiens.

S. Epiphane, après lui S. Augustin, & ensuite Theodoret, font mention des Adamites : mais les critiques sont partagés sur la véritable origine de cette secte, & sur le nom de son auteur. Ceux qui pensent qu’elle doit sa naissance à Prodicus, disciple de Carpocrate, la font commencer au milieu du iie siecle de l’Eglise : mais il paroît par Tertullien & par Saint Clément d’Alexandrie, que les sectateurs de Prodicus ne porterent jamais le nom d’Adamites, quoique dans le fond ils professassent les mêmes erreurs que ceux-ci. Saint Epiphane est le premier qui parle des Adamites, sans dire qu’ils étoient disciples de Prodicus : il les place dans son Catalogue des Hérétiques après les Montanistes & avant les Théodotiens, c’est-à-dire, sur la fin du iie siecle.

Quoi qu’il en soit, ils prirent, selon ce Pere, le nom d’Adamites, parce qu’ils prétendoient avoir été rétablis dans l’état de nature innocente, être tels qu’Adam au moment de sa création, & par conséquent devoir imiter sa nudité. Ils détestoient le mariage, soûtenant que l’union conjugale n’auroit jamais eu lieu sur la terre sans le péché, & regardoient la joüissance des femmes en commun comme un privilége de leur prétendu rétablissement dans la Justice originelle. Quelqu’incompatibles que fussent ces dogmes infames avec une vie chaste, quelques-uns d’eux ne laissoient pas que de se vanter d’être continens, & assûroient que si quelqu’un des leurs tomboit dans le péché de la chair, ils le chassoient de leur assemblée, comme Adam & Eve avoient été chassés du Paradis terrestre pour avoir mangé du fruit défendu ; qu’ils se regardoient comme Adam & Eve, & leur Temple comme le Paradis. Ce Temple après tout n’étoit qu’un soûterrain, une caverne obscure, ou un poële dans lequel ils entroient tout nuds, hommes & femmes ; & là tout leur étoit permis, jusqu’à l’adultere & à l’inceste, dès que l’ancien ou le chef de leur société avoit prononcé ces paroles de la Genese, chap. 1. v. 22. Crescite & multiplicamini. Théodoret ajoûte que, pour commettre de pareilles actions, ils n’avoient pas même d’égard à l’honnêteté publique, & imitoient l’impudence des Cyniques du paganisme. Tertullien assûre qu’ils nioient avec Valentin l’unité de Dieu, la nécessité de la priere, & traitoient le martyre de folie & d’extravagance. Saint Clément d’Alexandrie dit qu’ils se vantoient d’avoir des livres secrets de Zoroastre, ce qui a fait conjecturer à M. de Tillemont qu’ils étoient adonnés à la magie. Epiph. hæres. 52. Théodoret, liv. I. hæreticar. fabular. Tertull. contr. Prax. c. 3. & in Scorpiac. c. 15. Clem. Alex. Strom. lib. 1. Tillemont, tome II. page 280.

Tels furent les anciens Adamites. Leur secte obscure & détestée ne subsista pas apparemment long-tems, puisque Saint Epiphane doute qu’il y en eût encore, lorsqu’il écrivoit : mais elle fut renouvellée dans le XII. siecle par un certain Tandème connu encore sous le nom de Tanchelin, qui sema ses erreurs à Anvers sous le regne de l’Empereur Henri V. Les principales étoient qu’il n’y avoit point de distinction entre les Prêtres & les laïcs, & que la fornication & l’adultere étoient des actions saintes & méritoires. Accompagné de trois mille scélérats armés, il accrédita cette doctrine par son éloquence & par ses exemples ; sa secte lui survécut peu, & fut éteinte par le zele de Saint Norbert.

D’autres Adamites reparurent encore dans le XIV. siecle sous le nom de Turlupins & de pauvres Freres, dans le Dauphiné & la Savoie. Ils soûtenoient que l’homme arrivé à un certain état de perfection, étoit affranchi de la loi des passions, & que bien loin que la liberté de l’homme sage consistât à n’être pas soûmis à leur empire, elle consistoit au contraire à secouer le joug des Lois divines. Ils alloient tous nuds, & commettoient en plein jour les actions les plus brutales. Le Roi Charles V. secondé par le zele de Jacques de Mora, Dominicain & Inquisiteur à Bourges, en fit périr plusieurs par les flammes ; on brûla aussi quelques-uns de leurs livres à Paris dans la Place du marché aux pourceaux, hors la rue Saint Honoré.

Un fanatique nommé Picard, natif de Flandre, ayant pénétré en Allemagne & en Boheme au commencement du XV. siecle, renouvella ces erreurs, & les répandit sur-tout dans l’armée du fameux Zisca malgré la sévérité de ce Général. Picard trompoit les peuples par ses prestiges, & se qualifioit fils de Dieu : il prétendoit que comme un nouvel Adam il avoit été envoyé dans le monde pour y rétablir la loi de nature, qu’il faisoit sur-tout consister dans la nudité de toutes les parties du corps, & dans la communauté des femmes. Il ordonnoit à ses disciples d’aller nuds par les rues & les places publiques, moins réservé à cet égard que les anciens Adamites, qui ne se permettoient cette licence que dans leurs assemblées. Quelques Anabaptistes tenterent en Hollande d’augmenter le nombre des sectateurs de Picard : mais la séverité du Gouvernement les eut bientôt dissipés. Cette secte a aussi trouvé des partisans en Pologne & en Angleterre : ils s’assemblent la nuit ; & l’on prétend qu’une des maximes fondamentales de leur société est contenue dans ce vers,

Jura, perjura, secretum prodere noli.

Quelques Savans sont dans l’opinion que l’origine des Adamites remonte beaucoup plus haut que l’établissement du Christianisme : ils se fondent sur ce que Maacha mere d’Asa, Roi de Juda, étoit grande Prêtresse de Priape, & que dans les sacrifices nocturnes que les femmes faisoient à cette idole obscène, elles paroissoient toutes nues. Le motif des Adamites n’étoit pas le même que celui des adorateurs de Priape ; & l’on a vû par leur Théologie qu’ils n’avoient pris du Paganisme que l’esprit de débauche, & non le culte de Priape. Voyez Priape. (G)

* ADAM’S PIC en Anglois, ou Pic d’Adam en François, la plus haute montagne de Ceylan à vingt lieues de Colombo. Elle a deux lieues de hauteur, & à son sommet une plaine de deux cens pas de diametre. Long. 98. 25. lat. 5. 55.

* ADANA, ADENA, s. ville de la Natolie sur la riviere de Chaquen. Long. 54. lat. 38. 10.

ADANE, s. m. (Hist. nat.) en Italien, Adeilo ou Adeno ; en Latin, Attilus, poisson qui ne se trouve que dans le fleuve du Pô. Il a cinq rangs de grandes écailles rudes & piquantes, deux de chaque côté, & l’autre au milieu du dos : celui-ci finit en approchant de la nageoire, qui est près de la queue ; cette nageoire est seule sur le dos : il y en a deux sous le ventre & deux près des nageoires ; la queue est pointue. Ce poisson seroit assez ressemblant à l’esturgeon, sur-tout par ses grandes écailles : mais il les quitte avec le tems ; l’esturgeon au contraire ne perd jamais les siennes. Quand l’adane a quitté ses écailles, ce qui arrive lorsqu’il a un certain âge, il est fort doux au toucher. Ce poisson a la tête fort grosse, les yeux petits, la bouche ouverte, grande & ronde : il n’a point de dents ; lorsque la bouche est fermée, les levres ne sont pas en ligne droite, elles forment des sinuosités. Il a deux barbillons charnus & mous ; ses oüies sont couvertes, & son dos est blanchâtre. Ce poisson est si grand & si gros, qu’il pese jusqu’à mille livres, au rapport de Pline, ce qui est fort étonnant pour un poisson de riviere. On le pêche avec un hameçon attaché à une chaîne de fer ; & il faut deux bœufs pour le traîner lorsqu’il est pris. Pline assûre qu’on ne trouve ce poisson que dans le Pô. En effet on n’en a jamais vû dans l’Océan ni dans la Méditerranée. Quelque gros qu’il puisse être, ce n’est pas une raison pour croire qu’il ne soit pas de riviere ; car l’étendue & la profondeur du Pô sont plus que suffisantes dans de certains endroits pour de pareils poissons : celui-ci habite les lieux où il y a le plus de poisson, & il s’en nourrit ; il se retire pendant l’hyver dans les endroits les plus profonds. La chair de l’adane est molle, mais de bon goût, selon Rondelet. Aldrovande prétend qu’elle n’est pas trop bonne en comparaison de l’esturgeon. Voyez ces deux Auteurs & le mot Poisson (I)

* ADAOUS ou QUAQUA, Peuple d’Afrique dans la Guinée propre, au Royaume de Saccao.

ADAPTER, v. act. Adapter en Chimie, c’est ajuster un récipient au bec du chapiteau d’un alembic ou au bec d’une cornue, pour faire des distillations ou des sublimations. Il vaut mieux se servir du terme ajuster, parce qu’il sera mieux entendu de tout le monde. (M)

Adapter, terme d’Architecture, c’est ajoûter après coup par encastrement ou assemblage, un membre saillant d’Architecture ou de Sculpture, à quelque corps d’ouvrage, soit de maçonnerie, de menuiserie, &c. (P)

ADAR, s. m. (Hist. anc. & Théol.) douzieme mois de l’année sainte des Hébreux, & le sixieme de leur année civile. Il n’a que vingt-neuf jours, & répond à Février ; quelquefois il entre dans le mois de Mars, selon le cours de la lune.

Le septieme jour de ce mois, les Juifs célebrent un jeûne à cause de la mort de Moyse.

Le treizieme jour ils célebrent le jeûne qu’ils nomment d’Esther, à cause de celui d’Esther, de Mardochée, & des Juifs de Suses, pour détourner les malheurs dont ils étoient menacés par Aman.

Le quatorzieme, ils célebrent la féte de Purim ou des sorts, à cause de leur délivrance de la cruauté d’Aman. Esth. IX. 17.

Le vingt-cinquieme, ils font mémoire de Jechonias, Roi de Juda, élevé par Evilmerodach au-dessus des autres Rois qui étoient à sa Cour, ainsi qu’il est rapporté dans Jérémie, c. lij. v. 31 & 32.

Comme l’année lunaire que les Juifs suivent dans leur calcul, est plus courte que l’année solaire d’onze jours, lesquels au bout de trois ans font un mois ; ils intercalent alors un treizieme mois qu’ils appellent Véadar ou le second adar, qui a vingt-neuf jours. Voyez Intercaler, Dictionn. de la Bibl. tome I. page 55. (G)

* ADARCE, s. m. (Hist. nat.) espece d’écume salée qui s’engendre dans les lieux humides & marécageux, qui s’attache aux roseaux & à l’herbe, & qui s’y endurcit en tems sec. On la trouve dans la glatie : elle est de la couleur de la poudre la plus fine de la terre Assienne. Sa substance est lâche & poreuse, comme celle de l’éponge batarde, ensorte qu’on pourroit l’appeller l’éponge batarde des marais.

Elle passe pour détersive, pénétrante, résolutive, propre pour dissiper les dartres, les rousseurs, & autres affections cutanées : elle est aussi attractive, & l’on en peut user dans la sciatique. Dioscorid. lib. V. ch. cxxxvij.

* ADARGATIS ou ADERGATIS, ou ATERGATIS, (Myth.) divinité des Syriens, femme du dieu Adad. Selden prétend qu’Adargatis vient de Dagon par corruption. C’est presqu’ici le cas de l’épigramme : Mais il faut avouer aussi qu’en venant de-là jusqu’ici elle a bien changé sur la route. On la prend pour la Derecto des Babyloniens & la Venus des Grecs.

* ADARIGE, (Chimie.) Voyez Sel ammoniac, qu’Harris dit que quelques Chimistes nomment ainsi.

* ADARME, s. (Commerce.) petit poids d’Espagne dont on se sert à Buénos-Aires & dans l’Amérique Espagnole. C’est la seizieme partie de notre once qui est à celle de Madrid, comme cent est à quatre-vingts-treize.

* ADATIS, s. m. (Commerce.) c’est le nom qu’on donne à des mousselines qui viennent des Indes Orientales. Les plus beaux se font à Bengale ; ils portent trois quarts de large.

* ADDA, riviere de Suisse & d’Italie, qui a sa source au mont Braulis dans le pays des Grifons, & se jette dans le Pô auprès de Crémone.

* ADDAD, s. m. (Bot.) nom que les Arabes donnent à une racine d’herbe qui croît dans la Numidie & dans l’Afrique. Elle est très-amere, & c’est un poison si violent, que trente ou quarante gouttes de son eau distillée sont mourir en peu de tems. Ablanc. tract. de Marmol. liv. VII. c. j.

* ADÆQUAT ou TOTAL, adj. (Logique.) se dit de l’objet d’une Science. L’objet adæquat d’une Science est la complexion de ses deux objets, matériel & formel.

L’objet matériel d’une Science est la partie qui lui en est commune avec d’autres Sciences.

L’objet formel est la partie qui lui en est propre.

Exemple. Le corps humain en tant qu’il peut être guéri, est l’objet adæquat ou total de la Medecine. Le corps humain en est l’objet matériel : en tant qu’il peut être guéri, il en est l’objet formel.

Ædæquate ou Totale, se dit en Métaphysique de l’idée totale ou adæquate est une vûe de l’esprit occupé d’une partie d’un objet entier : l’idée partielle ou inadæquate, est une vûe de l’esprit occupé d’une partie d’un objet. Exemple : La vûe de Dieu est une idée totale. La vûe de sa toute-puissance est une idée partielle.

ADDEXTRÉ, adj. en terme de Blason, se dit des pieces qui en ont quelqu’autre à leur droite ; un pal qui n’auroit qu’un lion sur le flanc droit, seroit dit addextré de ce lion.

Thomassin en Provence, de sable semé de faulx d’or, le manche en haut, addextré & senestré de même. (V)

ADDICTION, s. f. (Jurisp.) dans la Loi Romaine, c’est l’action de faire passer ou de transférer des biens à un autre, soit par Sentence d’une Cour, soit par voie de vente à celui qui en offre le plus. Voyez Aliénation.

Ce mot est opposé au terme abdictio ou abdicatio. Voyez Abdication.

Il est formé d’addico, un des mots déterminés à l’usage des Juges Romains, quand ils permettoient la délivrance de la chose ou de la personne, sur laquelle on avoit passé Jugement.

C’est pourquoi les biens adjugés de cette maniere par le Préteur au véritable propriétaire, étoient appellés bona addicta ; & les débiteurs livrés par cette même voie à leurs créanciers pour s’acquiter de leurs dettes, s’appelloient servi addicti.

Addictio in diem, signifioit l’adjudication d’une chose à une personne pour un certain prix, à moins qu’à un jour déterminé le propriétaire ou quelque autre personne n’en donnât ou n’en offrît davantage. (H)

ADDITION, en Arithmétique, c’est la premiere des quatre regles ou opérations fondamentales de cette Science. Voyez Arithmétique.

L’addition consiste à trouver le total ou la somme de plusieurs nombres que l’on ajoûte successivement l’un à l’autre. Voyez Nombre, Somme ou Total.

Dans l’Algebre le caractere de l’addition est le signe +, que l’on énonce ordinairement par le mot plus : ainsi 3 + 4 signifie la somme de 3 & de 4 ; & en lisant on dit trois plus quatre. Voyez Caractere.

L’addition des nombres simples, c’est-à-dire composés d’un seul chiffre, est fort aisée. Par exemple, on apperçoit d’abord que 7 & 9, ou 7 + 9 font 16.

Dans les nombres composés, l’addition s’exécute en écrivant les nombres donnés par colonnes verticales, c’est-à-dire, en mettant directement les unités sous les unités, les dixaines sous les dixaines, &c. après quoi l’on prend séparément la somme de toutes ces colonnes.

Mais pour rendre cela bien intelligible par des exemples, supposons que l’on propose de faire l’addition des nombres 1357 & 172 : après les avoir écrits l’un sous l’autre, comme on le voit,

1357  
172  

1529 somme ou total

On commence par l’addition des unités, en disant 7 & 2 sont 9, qu’il faut écrire sous la colonne des unités ; passant ensuite à la colonne des dixaines, on dira 5 & 7 sont 12 (dixaines) qui valent 1 cent & 2 dixaines, on posera donc 2 dixaines sous la colonne des dixaines, & l’on retiendra 1 cent que l’on doit porter à la colonne des cens, où l’on continuera de dire 1 (cent qui a été retenu) & 3 sont 4, & 1 sont 5 (cens) ; on écrira 5 sous la colonne des cens : passant enfin à la colonne des mille où il n’y a qu’un, on l’écrira sous cette colonne, & la somme ou le total de tous ces nombres réunis, sera 1529.

Ensorte que pour faire cette opération, il faut réunir ou ajoûter toutes les unités de la premiere colonne, en commençant de la droite vers la gauche ; & si la somme de ces unités ne surpasse pas 9, on écrira cette somme entiere sous la colonne des unités : mais si elle est plus grande, on retiendra le nombre des dixaines contenues dans cette somme pour l’ajoûter à la colonne suivante des dixaines ; & dans le cas où il y aura quelques unités, outre ce nombre de dixaines, on les écrira sous la colonne des unités ; quand il n’y en aura pas, on mettra 0, ce qui signifiera qu’il n’y a point d’unités, mais simplement des dixaines, que l’on ajoûtera à la colonne suivante des dixaines, où l’on observera précisément les mêmes lois qu’à la précédente ; parce que 10 unités valent 1 dixaine ; 10 dixaines valent 1 cent ; 10 cens valent 1 mille, &c.

Ainsi pour faire l’addition des nombres 87899 + 13403 + 1920 + 885, on les disposera comme dans l’exemple précédent :

87899  
13403  
1920  
885  

104107 total

Et après avoir tiré une ligne sous ces nombres ainsi disposés, on dira 9 & 3 sont 12, & 5 sont 17, où il y a une dixaine & 7 unités ; on écrira donc 7 sous la colonne des unités, & l’on retiendra 1 (dixaine) que l’on portera à la colonne des dixaines, où l’on dira 1 (dixaine retenue) & 9 sont 10, & 2 sont 12, (le 0 ne se compte point) & 8 sont 20 (dixaines) qui valent précisément 2 cens, puisque 10 dixaines valent 1 cent ; on écrira donc 0 sous la colonne des dixaines pour marquer qu’il n’y a point de dixaine, & l’on portera les 2 cens à la colonne des cens, où il faudra poursuivre l’opération, en disant 2 (cens retenus) & 8 sont 10, & 4 sont 14, & 9 sont 23, & 8 sont 31 cens, qui valent 3 milles & 1 cent ; on posera donc 1 sous la colonne des cens, & l’on portera les 3 (mille) à celle des mille, où l’on dira 3 (mille retenus) & 7 sont 10, & 3 sont 13, & 1 sont 14 mille, qui valent 1 (dixaine) de mille, & 4 (mille) ; ainsi l’on écrira 4 (mille) sous la colonne des mille, & l’on portera 1 (dixaine de mille) à la colonne des dixaines de mille, où l’on dira 1 (dixaine de mille retenue) & 8 sont 9, & 1 sont 10 (dixaine de mille), qui valent précisément 1 centaine de mille ; ainsi l’on écrira 0 sous la colonne des dixaines de mille, pour marquer qu’il n’y a point de pareilles dixaines, & l’on placera en avant 1 (centaine de milles), ce qui achevera l’opération, dont la somme ou le total sera 108107.

Quand les nombres ont différentes dénominations : par exemple, quand ils contiennent des livres, des sous, & des deniers, ou des toises, des piés, des pouces, &c. on aura l’attention de placer les deniers sous les deniers, les sous sous les sous, les livres, &c. & l’on opérera comme ci-dessus. Supposons pour cela que l’on propose d’ajoûter les nombres suivans, 120 l. 15s. 9d. + 65 l 12s. 5d. + 9 l. 8s. 0d. (le signe l. signifie des livres ; celui-ci s. des sous, & celui-là d. des deniers), on les disposera comme on le voit dans cet exemple :

120 l. 15 s. 9 d.  
65 12 5  
9 8 0  

195 l. 16 s. 2 d. somme

Et après avoir tiré une ligne, on commencera par les deniers, en disant 9 & 5 sont 14 deniers, qui valent un sou & 2 deniers (puisque 1 sou vaut 12 deniers) ; on écrira donc 2 deniers sous la colonne des deniers, & l’on portera 1 sou à la colonne des sous, où l’on dira 1 (sou retenu) & 5 sont 6, & 2 sont 8, & 8 sont 16s. qui valent 6 sous & 1 dixaine de sous ; ainsi l’on écrira 6 sous sous les unités de sous, & l’on retiendra 1 dixaine de sous pour le porter à la colonne des dixaines de sous, où l’on dira 1 (dixaine retenue) & 1 sont 2, & 1 sont 3 dixaines de sous, qui valent 30 sous ou 1 livre & 1 dixaine de sous ; car 1 livre vaut 20 sous : on écrira donc 1 dixaine de sous sous la colonne des dixaines de sous ; & retenant 1 livre on la portera à la colonne des unités de livres, où continuant d’opérer à l’ordinaire, on trouvera que le total est 195 l. 16s. 2d.

L’addition des décimales se fait de la même maniere que celle des nombres entiers ; ainsi qu’on peut le voir dans l’exemple suivant :

  630. 953
51. 0807
305. 27
Somme 987. 3037

Voyez encore le mot Décimal. (E)

L’addition, en algebre, c’est-à-dire, l’addition des quantités indéterminées, désignées par les lettres de l’alphabet, se fait en joignant ces quantités avec leurs propres signes, & réduisant celles qui sont susceptibles de réduction ; savoir les grandeurs semblables. Voyez Semblable, & Algebre.

Ainsi a ajoûté à la quantité b, donne a + b ; & a joint avec – b, fait ab ; – a & – b, font – ab ; 7a & 9a font 7a + 9a = 16a ; car 7a & 9a sont des grandeurs semblables.

Si les grandeurs algébriques, dont on propose de faire l’addition, étoient composées de plusieurs termes où il y en a de semblables ; par exemple, si l’on avoit le polynome 3a2b3 – 5cs4 – 4dr + 2s qu’il fallût ajoûter au polynome – s + 4cs4a2b3 + 4dr ; l’on écriroit d’abord l’un de ces polynomes, tel qu’il est donné, comme on le voit :

3a2b3 – 5cs4 – 4dr + 2s
– a2b3 + 4cs4 + 4dr –s
2a2b3 – cs4 * +s… Total

On disposeroit ensuite l’autre polynome sous celui que l’on vient d’écrire, de maniere que les termes semblables fussent directement les uns sous les autres : on tireroit une ligne sous ces polynomes ainsi disposés, & réduisant successivement les termes semblables à leur plus simple expression, on trouveroit que la somme de ces deux polynomes est , en mettant une petite étoile ou un zero sous les termes qui se détruisent totalement.

Remarquez que l’on appelle grandeurs semblables, en Algebre, celles qui ont les mêmes lettres & précisément le même nombre de lettres ; ainsi 5abd & 2abd sont des grandeurs semblables ; la premiere signifie que la grandeur abd est prise 5 fois, & la seconde, qu’elle est prise 2 fois ; elle est donc prise en tout 7 fois ; l’on doit donc écrire 7abd au lieu de 5abd + 2abd ; & comme l’expression 7abd est plus simple que 5abd + 2abd, c’est la raison pour laquelle on dit en ce cas que l’on réduit à la plus simple expression.

Pour reconnoître facilement les quantités algébriques semblables, on ne doit point faire attention à leur coefficient : mais il faut écrire les lettres dans l’ordre de l’alphabet. Quoique 2abd soit la même chose que 2abd ou 2dba ; cependant on aura une grande attention de ne point renverser l’ordre de l’alphabet, & d’écrire 2abd, au lieu de 2abd ou de 2bda : cela sert à rendre le calcul plus clair ; 5abd & 2abd paroissent plûtôt des grandeurs semblables que 5bad & 2bda, qui sont pourtant la même chose que les précédentes. Les quantités 3b2c & 4b2c sont aussi des grandeurs semblables : mais les grandeurs 4a3f & 2a3 ne sont pas semblables, quoiqu’elles ayent de commun la quantité a3 ; parce qu’il est essentiel aux grandeurs semblables d’avoir les mêmes lettres & le même nombre de lettres.

On observera encore que les quantités positives ou affectées du signe + sont directement opposées aux quantités négatives ou précédées du signe – ; ainsi quand les grandeurs dont on propose l’addition sont semblables & affectées de signes contraires, elles se détruisent en tout ou en partie, c’est-à-dire, que dans le cas où l’une est plus grande que l’autre, il se détruit dans la plus grande une partie égale à la plus petite, & le reste est la différence de la plus grande à la plus petite, affectée du signe de la plus grande.

Or cette opération ou réduction tombe toûjours sur les coefficients : il est évident que 5df & – 3df se réduisent à + 2df ; puisque + 5df montre que la quantité df est prise 5 fois, & – 3df fait connoître que la même quantité df est retranchée 3 fois : mais une même quantité prise 5 fois & ôtée 3 fois se réduit à n’être prise que 2 fois.

Pareillement + 5fm & – 6fm se réduisent à – 1fm ou simplement à – fm ; car – 6fm est la quantité fm ôtée 6 fois, & + 5fm est la même quantité fm remise 5 fois ; la quantité fm reste donc négative encore une fois, & est par conséquent – fm. V. Négatif.

Il n’y a point de grandeurs Algébriques, dont on ne puisse faire l’addition, en tenant la conduite que l’on a indiquée ci-dessus : ainsi , , . De même . L’on a encore en ajoûtant ensemble les grandeurs a, b, qui multiplient la quantité .

Pareillement , puisque .

On fait l’addition des fractions positives ou affirmatives, qui ont le même dénominateur, en ajoûtant ensemble leur numérateur, & mettant sous cette somme le dénominateur commun : ainsi  ;  ;  ; & . Voyez Fraction.

On fait l’addition des quantités négatives de la même maniere précisément que celle des quantités affirmatives : ainsi &  ; &  ; & .

Quand il faut ajoûter une quantité négative à une quantité affirmative, l’affirmative doit être diminuée par la négative, ou la négative par l’affirmative : ainsi  ; &  ; &  ; pareillement  ; &  ; de même & .

S’il s’agit d’ajoûter des irrationels ; quand ils n’auront pas la même dénomination, on la leur donnera. En ce cas, s’ils sont commensurables entr’eux, on ajoûtera les quantités rationnelles sans les lier par aucun signe, & après leur somme on écrira le signe radical : ainsi . Au contraire & étant incommensurables, leur somme sera . Voyez Sourd & Incommensurable. Voyez aussi Arithmétique universelle. (O)

Addition, s. f. en termes de Pratique, est synonyme à supplément : ainsi une addition d’enquête ou d’information, est une nouvelle audition de témoins, à l’effet de constater davantage un fait dont la preuve n’étoit pas complete par l’enquête ou information précédemment faite. (H)

Additions, s. f. pl. dans l’Art de l’Imprimerie, sont de petites lignes placées en marge, dont le caractere est pour l’ordinaire de deux corps plus minuté que celui de la matiere. Elles doivent être placées à côté de la ligne à laquelle elles ont rapport, sinon on les indique par une * étoile, ou par les lettres a, b, c, &c. On y porte les dates, les citations d’Auteurs, le sommaire de l’article à côté duquel elles se trouvent. Quand les lignes d’additions par leur abondance excedent la colonne qui leur est destinée, & qu’on ne veut pas en transporter le restant à la page suivante, pour lors on fait son addition hachée, c’est-à-dire, que l’on raccourcit autant de lignes de la matiere, qu’il en est nécessaire pour y substituer le reste ou la suite des additions ; dans ce cas, ces dernieres lignes comprennent la largeur de la page & celle de l’addition.

ADDUCTEUR, s. m. pris adject. en Anatomie, est le nom qu’on donne à différens muscles destinés à approcher les parties auxquelles ils sont attachés, du plan que l’on imagine diviser le corps en deux parties égales & symmétriques, & de la partie avec laquelle on les compare ; ce sont les antagonistes des abducteurs. Voyez Muscle & Antagoniste.

Ce mot vient des mots Latins ad, vers, & ducere, mener.

L’adducteur de l’œil est un des quatre muscles droits de l’œil, ainsi nommé, parce qu’il fait avancer la prunelle vers le nez. Voyez Œil & Droit.

On le nomme aussi buveur, parce que quand on boit, il tourne l’œil du côté du verre. V. Buveur.

L’adducteur du pouce est un muscle du pouce qui vient de la face de l’os du métacarpe, qui soûtient le doigt index tourné du côté du pouce, & monte obliquement vers la partie supérieure de la premiere phalange du pouce, où il se termine par une large insertion ; c’est le mésothénar de Witil. exp. an. & l’anti-thenar de quelques autres Anatomistes. Voyez Doigt.

Adducteur du gros orteil, appellé aussi anti-thenar. Voyez Anti-thenar.

L’adducteur du doigt indice, est un muscle du doigt indice, qui vient de la partie interne de la premiere phalange du pouce, & se termine à la premiere phalange du doigt indice qu’il approche du pouce.

Adducteur propre de l’index. Voyez

Interosseux.

Adducteur du doigt du milieu.
Adducteur du doigt annulaire.

L’adducteur du petit doigt, ou métacarpien, vient du ligament annulaire interne de l’os pisiforme ou crochu, & se termine tout le long de la partie interne & concave de l’os du métacarpe du doigt auriculaire.

Les adducteurs de la cuisse. Voyez Triceps.

L’adducteur de la jambe. Voyez Couturieur.

Adducteur du pié. Voyez Jambier.

Adducteurs des doigts du pié. Voyez Interosseux. Voyez les planches d’Anatomie & leur explication. (L)

ADDUCTION, s. f. nom dont se servent les Anatomistes pour exprimer l’action par laquelle les muscles adducteurs approchent une partie d’un plan qu’ils supposent diviser le corps humain dans toute sa longueur en deux parties égales & symmétriques, ou de quelqu’autre partie avec laquelle ils les comparent. (L)

* ADEL, (Geogr.) qu’on nomme aussi Zeila, de sa Capitale, Royaume d’Afrique, côte méridionale du détroit de Babel-Mandel.

* ADELBERG, petite ville d’Allemagne, dans le Duché de Wirtemberg.

ADELITES, & ALMOGANENS, Adelitti, & Almoganeni, s. m. pl. (Hist. mod.) nom que les Espagnols donnent à certains peuples, qui par le vol & le chant des oiseaux, par la rencontre des bêtes sauvages & de plusieurs autres choses semblables, devinoient à point nommé tout ce qui doit arriver de bien ou de mal à quelqu’un. Ils conservent soigneusement parmi eux des livres qui traitent de cette espece de science, où ils trouvent des regles pour toutes sortes de pronostics & de prédictions. Les devins sont divisés en deux classes, l’une de chefs ou de maîtres, & l’autre de disciples ou d’aspirans. On leur attribue encore une autre sorte de connoissance, c’est d’indiquer non-seulement par où ont passé des chevaux ou autres bêtes de somme, mais aussi le chemin qu’auront tenu un ou plusieurs hommes, jusqu’à spécifier la nature ou la forme du terrein par où ils auront fait leur route, si c’est une terre dure ou molle, couverte de sable ou d’herbe, si c’est un grand chemin, pavé ou sablé, ou quelque sentier détourné, s’ils ont passé entre des roches, ensorte qu’ils pouvoient dire au juste le nombre des passans, & dans le besoin les suivre à la piste. Laurent Valla, de qui l’on a tiré ces particularités merveilleuses, a négligé de nous apprendre dans quelle Province d’Espagne & dans quel tems vivoient ces devins. (G)

ADEMPTION, s. f. en terme de Droit Civil, est la révocation d’un privilége, d’une donation, ou autre acte semblable.

L’ademption, ou la privation d’un legs, peut être expresse, comme quand le testateur déclare en forme qu’il révoque ce qu’il avoit légué ; ou tacite, comme quand il fait cette révocation seulement d’une maniere indirecte ou implicite. Voyez Révocation. (H)

* ADEN, (Géogr.) ville de l’Arabie heureuse, capitale du Royaume de ce nom. C’est un port de mer, dans une presqu’isle de la côte méridionale, vis-à-vis du cap de Guardafui. Lon. 63. 20. lat. 13. C’est aussi une montagne dans le Royaume de Fez.

* ADENA, ou ADANA, aujourd’hui Malmestra, (Géogr.) s. f. ville de Cilicie, dans l’Anatolie.

* ADENBOURG, ou ALDENBOURG, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, cercle de Westphalie, Duché de Berg. Long. 25. lat. 51. 2.

ADENERER, v. act. (Jurisprud.) est un ancien terme de Pratique, qui signifioit estimer, mettre à prix. (H)

ADENOGRAPHIE, s. f. en Anatomie, description des glandes. Ce mot est composé du Grec ἄδην, glande, & γραφὴ, description.

Nous avons un Livre de Wharton, intitulé Adenographia, in-12. à Londres 1656 ; & de Nuck un Ouvrage in-8°. imprimé à Leyde en 1691 & en 1722. (L)

* ADENOIDES, adj. pl. en Anat. glanduleux, glandiformes, épithete que l’on donne aux prostates.

ADENO-PHARYNGIEN, adj. pris sub. en Anatomie, nom d’une paire de muscles qui sont formés par un paquet de fibres qui se détache de la glande thyroïde, & s’unit de chaque côté avec le thyropharyngien. Winslow. Voyez Glandes Thyroides, Thyropharingien. Voyez les Planches d’Anatomie & leur explication. (L)

* ADENOS, s. m. ou coton de Marine, vient d’Alep par la voie de Marseille.

* ADENT, s. m. (Charpent. & Menuis.) ce sont des entailles ou assemblages où les pieces assemblées ont la forme de dents. On donne quelquefois ce nom à des mortoises, qui ont la même figure ; & l’on dit mortoises, assemblages en adent.

* ADÉONE, s. f. (Myth.) Déesse dont S. Augustin dit dans la Cité de Dieu, L. IV. chap. xxij. qu’elle étoit invoquée par les Romains quand ils alloient en voyage.

* ADEPHAGIE, s. f. (Myth.) Déesse de la gourmandise à laquelle les Siciliens rendirent un culte religieux : ils lui avoient élevé un Temple où sa statue étoit placée à côté de celle de Cérès.

* ADEPHAGUS, adj. (Myth.) surnom d’Hercule ; c’étoit à dire, Hercule le vorace.

* ADEPTES, adj. pris sub. (Philosoph.) C’est le nom qu’on donnoit jadis à ceux qui s’occupoient de l’art de transformer les métaux en or, & de la recherche d’un remede universel. Il faut, selon Paracelse, attendre la découverte de l’un & de l’autre immédiatement du Ciel. Elle ne peut, selon lui, passer d’un homme à un autre : mais Paracelse étoit apparemment dans l’enthousiasme lorsqu’il faisoit ainsi l’éloge de cette sorte de Philosophie, pour laquelle il avoit un extrème penchant : car dans des momens où son esprit étoit plus tranquille, il convenoit qu’on pouvoit l’apprendre de ceux qui la possédoient. Nous parlerons plus au long de ces visionnaires à l’article Alchimie. Voyez Alchimie.

ADEQUAT, adj. (Logiq.) Voyez Adæquat.

* ADERBIJAN, (Géog. mod.) grande Province de Perse. Long. 60-66. lat. 36-39.

ADERBOGH, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, cercle de haute Saxe, Duché de Poméranie. Elle appartient au Roi de Prusse.

* ADERNO, (Géog. mod.) ville de Sicile dans la vallée de Démone.

* ADES, s. (Myth.) ou Pluton. Voyez Pluton.

ADESSENAIRES, s. m. plur. (Théolog.) nom formé par Pratéolus du verbe Latin adesse, être présent, & employé pour désigner les Hérétiques du xvi. siécle, qui reconnoissoient la présence réelle de Jesus-Christ dans l’Eucharistie, mais dans un sens différent de celui des Catholiques. Voyez Présence, Eucharistie.

Ce mot au reste est peu usité, & ces hérétiques sont plus connus sous le nom d’Impanateurs, Impanatores : leur secte étoit divisée en quatre branches ; les uns soutenant que le Corps de Jesus-Christ est dans le pain, d’autres qu’il est à l’entour du pain, d’autres qu’il est sur le pain, & les derniers qu’il est sous le pain, Voyez Impanation. (G)

* ADGISTES, (Myth.) Génie hermaphrodite.

ADHATODA, s. (Hist. nat.) herbe à fleur d’une seule feuille irréguliere, en forme de tuyau évasé en gueule à deux levres, dont la supérieure est repliée en bas dans quelques especes, ou renversée en arriere dans quelques autres ; la levre inférieure est découpée en trois parties ; il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur : ce pistil devient dans la suite un fruit assez semblable à une massue, qui est divisé dans sa longueur en deux loges, & qui se partage en deux pieces : il renferme des semences qui sont ordinairement plates & échancrées en forme de cœur. Tournefort, Instit. rei herb. Voyez Plante. (I)

* On lui attribue la vertu d’expulser le fœtus mort ; & c’est de-là que lui vient le nom d’adhatoda, dans la Langue de Ceylan.

ADHERENCE ou ADHESION, s. f. en Physique, est l’état de deux corps qui sont joints & tiennent l’un à l’autre, soit par leur propre action, soit par la compression des corps-extérieurs. Ce mot est composé de la préposition Latine ad, & hærere, être attaché.

Les Anatomistes observent quelquefois des prosphyses ou adhérences des poumons aux parois du thorax ; à la plevre ou au diaphragme, qui donnent occasion à différentes maladies. Voyez Poumon, Plevre, Pleurésie, Phthisie, Péripneumonie , &c.

L’adhérence de deux surfaces polies & de deux moitiés de boules, sont des phénomenes qui prouvent la pesanteur & la pression de l’air.

M. Musschenbroek, dans son essai de Physique, donne beaucoup de remarques sur l’adhérence des corps : il y fait mention de différentes expériences qu’il a faites sur cette matiere, & dont les principales sont la résistance que différens corps font à la rupture, en vertu de l’adhérence de leurs parties. Il attribue l’adhérence des parties des corps principalement à leur attraction mutuelle. L’adhérence mutuelle des parties de l’eau entr’elles & aux corps qu’elle touche, est prouvée par les expériences les plus communes. Il en est de même de l’adhérence des parties de l’air, sur laquelle on trouvera un Mémoire de M. Petit le Medecin, parmi ceux de l’Académie des Sciences de 1731. Voyez Cohésion.

Quelques Auteurs paroissent peu portés à croire que l’adhérence des parties de l’eau, & en général de tous les corps, vienne de l’attraction de leurs parties. Voici la raison qu’ils en apportent. Imaginez une petite particule d’eau, & supposant que l’attraction agisse, par exemple à une ligne de distance, décrivez autour de cette petite particule d’eau un cercle dont le rayon soit d’une ligne, la particule d’eau ne sera retirée que par les particules qui seront dans ce cercle ; & comme ces particules agissent en sens contraires, leurs effets mutuels se détruiront, & l’attraction de la particule sera nulle, puisqu’elle n’aura pas plus de tendance vers un côté que vers un autre. (O)

ADHERENT, adj. (Jurisprud.) signifie celui qui est dans le même parti, la même intrigue, le même complot ; car ce terme se prend pour l’ordinaire en mauvaise part. Il est synonyme à complice : mais il en differe en ce que ce dernier se dit de celui qui a part à un crime, quel que soit ce crime : au lieu que le mot d’adhérent ne s’emploie guere que dans le cas de crime d’Etat, comme rebellion, trahison, félonie, &c. (H)

* Adhérent, attaché, annexé. Une chose est adhérente à une autre par l’union que la nature a produite, ou par celle que le tissu & la continuité ont mise entr’elles. Elle est attachée par des liens arbitraires, mais qui la fixent réellement dans la place ou dans la situation où l’on veut qu’elle demeure : elle est annexée par un effet de la volonté & par une loi d’institution, & cette sorte de réunion est morale.

Les branches sont adhérentes au tronc, & la statue l’est à son piédestal, lorsque le tout est fondu d’un seul jet : mais les voiles sont attachées au mât, les idées aux mots, & les tapisseries aux murs. Il y a des Emplois & des Bénéfices annexés à d’autres.

Adhérent est du ressort de la nature, & quelquefois de l’art ; & presque toûjours il est pris dans le sens littéral & physique : attaché est presque toûjours de l’art, & se prend assez communément au figuré : annexé est du style de la législation, & peut passer du littéral au figuré.

Les excroissances qui se forment sur les parties du corps animal, sont plus ou moins adhérentes selon la profondeur de leurs racines & la nature des parties. Il n’est pas encore décidé que l’on soit plus fortement attaché par les liens de l’amitié que par ces liens de l’intérêt si vils & si méprisés, les inconstans n’étant pas moins communs que les ingrats : il semble que l’air fanfaron soit annexé à la fausse bravoure, & la modestie au vrai mérite.

ADHÉSION, en Logique. Les Scholastiques distinguent deux sortes de certitude ; l’une de spéculation, qui naît de l’évidence de la chose ; & l’autre d’adhésion ou d’intérêt, qui ne naît pas de l’évidence, mais de l’importance de la chose & de l’intérêt qu’on y a. Voyez Certitude, Témoignage, Vérité, Evidence.

Adhésion se prend aussi simplement pour le consentement qu’on donne à une chose, & dans lequel on persiste constamment. (X)

Adhésion, s. en Physique, est la même chose qu’adhérence. Voyez Adhérence. (O)

* ADJA ou AGGA, (Geog. mod.) petite ville d’Afrique dans la Guinée, sur la côte de Fantin, proche d’Anemabo.

* ADIABENE, s. f. contrée d’Asie à l’Orient du Tigre, d’où l’on a fait Adiabenien, habitant de l’Adiabene.

ADJACENT, adj. (Géom.) ce qui est immédiatement à côté d’un autre. On dit qu’un angle est adjacent à un autre angle, quand l’un est immédiatement contigu à l’autre ; de sorte que les deux angles ont un côté commun. On se sert même plus particulierement de ce mot, lorsque les deux angles ont non seulement un côté commun, mais encore lorsque les deux autres côtés forment une même ligne droite. Voyez Angle & Côté.

Ce mot est composé de ad, à, & jacere, être situé.

Adjacent, adj. m. On dit souvent en Physique, les corps adjacens à un autre corps, pour dire les corps voisins. (O)

ADIANTE. Voyez Capillaire. (N)

ADIAPHORISTES, s. m. pl. (Théol.) nom formé du Grec ἀδιαφορος, indifférent, composé d’ privatif, & de διάφορος, différent.

On donna ce titre dans le xvj. siecle aux Luthériens mitigés qui adhéroient aux sentimens de Melanchton dont le caractere pacifique ne s’accommodoit point de l’extrème vivacité de Luther. Depuis en 1548, on appella encore Adiaphoristes les Luthériens qui souscrivirent à l’Interim que l’Empereur Charles V. avoit fait publier à la Diete d’Ausbourg. Sponde A. C. an de J. C. 1525 & en 1548. Voyez Lutherien. (G)

* ADIAZZO, ADIAZZE ou AJACCIO, (Geog. mod.) ville, port, & château d’Italie sur la côte occidentale de l’isle de Corse. Long. 26. 28. lat. 41. 54.

ADIEU-TOUT, parmi les Tireurs d’or, est une maniere de parler dont ils se servent pour avertir ceux qui tournent le moulinet que la main est placée sûrement, & qu’ils n’ont plus qu’à marcher.

ADJECTIF, terme de Grammaire. Adjectif vient du latin adjectus, ajoûté, parce qu’en effet le nom adjectif est toûjours ajoûté à un nom substantif qui est ou exprimé ou sous-entendu. L’adjectif est un mot qui donne une qualification au substantif ; il en désigne la qualité ou maniere d’être. Or comme toute qualité suppose la substance dont elle est qualité, il est évident que tout adjectif suppose un substantif : car il faut être, pour être tel. Que si nous disons, le beau vous touche, le vrai doit être l’objet de nos recherches, le bon est préférable au beau, &c. Il est évident que nous ne considérons même alors ces qualités qu’entant qu’elles sont attachées à quelque substance ou suppôt : le beau, c’est-à-dire, ce qui est beau ; le vrai, c’est-à-dire, ce qui est vrai, &c. En ces exemples, le beau, le vrai, &c. ne sont pas de purs adjectifs ; ce sont des adjectifs pris substantivement qui désignent un suppôt quelconque, entant qu’il est ou beau, ou vrai, ou bon, &c. Ces mots sont donc alors en même tems adjectifs & substantifs : ils sont substantifs, puisqu’ils désignent un suppôt, le . . . ils sont adjectifs, puisqu’ils désignent ce suppôt entant qu’il est tel.

Il y a autant de sortes d’adjectifs qu’il y a de sortes de qualités, de manieres & de relations que notre esprit peut considérer dans les objets.

Nous ne connoissons point les substances en elles-mêmes, nous ne les connoissons que par les impressions qu’elles font sur nos sens, & alors nous disons que les objets sont tels, selon le sens que ces impressions affectent. Si ce sont les yeux qui sont affectés, nous disons que l’objet est coloré, qu’il est ou blanc, ou noir, ou rouge, ou bleu, &c. Si c’est le goût, le corps est ou doux, ou amer ; ou aigre, ou fade, &c. Si c’est le tact, l’objet est ou rude, ou poli ; ou dur, ou mou ; gras, huileux, ou sec ; &c.

Ainsi ces mots blanc, noir, rouge, bleu, doux, amer, aigre, fade, &c. sont autant de qualifications que nous donnons aux objets, & sont par conséquent autant de noms adjectifs. Et parce que ce sont les impressions que les objets physiques font sur nos sens, qui nous font donner à ces objets les qualifications dont nous venons de parler, nous appellerons ces sortes d’adjectifs adjectifs physiques.

Remarquez qu’il n’y a rien dans les objets qui soit semblable au sentiment qu’ils excitent en nous. Seulement les objets sont tels qu’ils excitent en nous telle sensation, ou tel sentiment, selon la disposition de nos organes, & selon les lois du méchanisme universel. Une aiguille est telle que si la pointe de cette aiguille est enfoncée dans ma peau, j’aurai un sentiment de douleur : mais ce sentiment ne sera qu’en moi, & nullement dans l’aiguille. On doit en dire autant de toutes les autres sensations.

Outre les adjectifs physiques il y a encore les adjectifs métaphysiques qui sont en très-grand nombre, & dont on pourroit faire autant de classes différentes qu’il y a de sortes de vûes sous lesquelles l’esprit peut considérer les êtres physiques & les êtres métaphysiques.

Comme nous sommes accoûtumés à qualifier les êtres physiques, en conséquence des impressions immédiates qu’ils font sur nous, nous qualifions aussi les êtres métaphysiques & abstraits, en conséquence de quelque considération de notre esprit à leur égard. Les adjectifs qui expriment ces sortes de vûes ou considérations, sont ceux que j’appelle adjectifs métaphysiques, ce qui s’entendra mieux par des exemples.

Supposons une allée d’arbres au milieu d’une vaste plaine : deux hommes arrivent à cette allée, l’un par un bout, l’autre par le bout opposé ; chacun de ces hommes regardant les arbres de cette allée dit, voilà le premier ; de sorte que l’arbre que chacun de ces hommes appelle le premier est le dernier par rapport à l’autre homme. Ainsi premier, dernier, & les autres noms de nombre ordinal, ne sont que des adjectifs métaphysiques. Ce sont des adjectifs de relation & de rapport numéral.

Les noms de nombre cardinal, tels que deux, trois, &c. sont aussi des adjectifs métaphysiques qui qualifient une collection d’individus.

Mon, ma, ton, sa, son, sa, &c. sont aussi des adjectifs métaphysiques qui désignent un rapport d’appartenance ou de propriété, & non une qualité physique & permanente des objets.

Grand & petit sont encore des adjectifs métaphysiques ; car un corps, quel qu’il soit, n’est ni grand ni petit en lui-même ; il n’est appellé tel que par rapport à un autre corps. Ce à quoi nous avons donné le nom de grand a fait en nous une impression différente de celle que ce que nous appellons petit nous a faite ; c’est la perception de cette différence qui nous a donné lieu d’inventer les noms de grand, de petit, de moindre, &c.

Différent, pareil, semblable, sont aussi des adjectifs métaphysiques qui qualifient les noms substantifs en conséquence de certaines vûes particulieres de l’esprit. Différent qualifie un nom précisément entant que je sens que la chose n’a pas fait en moi des impressions pareilles à celles qu’un autre y a faites. Deux objets tels que j’apperçois que l’un n’est pas l’autre, font pourtant en moi des impressions pareilles en certains points : je dis qu’ils sont semblables en ces points là, parce que je me sens affecté à cet égard de la même maniere ; ainsi semblable est un adjectif métaphysique.

Je me promene tout autour de cette ville de guerre, que je vois enfermée dans ses remparts : j’apperçois cette campagne bornée d’un côté par une riviere & d’un autre par une forêt : je vois ce tableau enfermé dans son cadre, dont je puis même mesurer l’étendue & dont je vois les bornes : je mets sur ma table un livre, un écu ; je vois qu’ils n’occupent qu’une petite étendue de ma table ; que ma table même ne remplit qu’un petit espace de ma chambre, & que ma chambre est renfermée par des murailles : enfin tout corps me paroît borné par d’autres corps, & je vois une étendue au-delà. Je dis donc que ces corps sont bornés, terminés, finis ; ainsi borné, terminé, fini, ne supposent que des bornes & la connoissance d’une étendue ultérieure.

D’un autre côté, si je me mets à compter quelque nombre que ce puisse être, fût-ce le nombre des grains de sable de la mer & des feuilles de tous les arbres qui sont sur la surface de la terre, je trouve que je puis encore y ajoûter, tant qu’enfin, las de ces additions toûjours possibles, je dis que ce nombre est infini, c’est-à-dire, qu’il est tel, que je n’en apperçois pas les bornes, & que je puis toûjours en augmenter la somme totale. J’en dis autant de tout corps étendu, dont notre imagination peut toûjours écarter les bornes, & venir enfin à l’étendue infinie. Ainsi infini n’est qu’un adjectif métaphysique.

Parfait est encore un adjectif métaphysique. L’usage de la vie nous fait voir qu’il y a des êtres qui ont des avantages que d’autres n’ont pas : nous trouvons qu’à cet égard ceux-ci valent mieux que ceux-là. Les plantes, les fleurs, les arbres, valent mieux que les pierres. Les animaux ont encore des qualités préférables à celles des plantes, & l’homme a des connoissances qui l’élevent au-dessus des animaux. D’ailleurs ne sentons-nous pas tous les jours qu’il vaut mieux avoir que de n’avoir pas ? Si l’on nous montre deux portraits de la même personne, & qu’il y en ait un qui nous rappelle avec plus d’exactitude & de vérité l’image de cette personne, nous disons que le portrait est parlant, qu’il est parfait, c’est-à-dire qu’il est tel qu’il doit être.

Tout ce qui nous paroît tel que nous n’appercevons pas qu’il puisse avoir un degré de bonté & d’excellence au-delà, nous l’appellons parfait.

Ce qui est parfait par rapport à certaines personnes, ne l’est pas par rapport à d’autres, qui ont acquis des idées plus justes & plus étendues.

Nous acquérons ces idées insensiblement par l’usage de la vie ; car dès notre enfance, à mesure que nous vivons, nous appercevons des plus ou des moins, des bien & des mieux, des mal & des pis : mais dans ces premiers tems nous ne sommes pas en état de réfléchir sur la maniere dont ces idées se forment par degrés dans notre esprit ; & dans la suite, comme l’on trouve ces connoissances toutes formées, quelques. Philosophes se sont imaginé qu’elles naissoient avec nous : ce qui veut dire qu’en venant au monde nous savons ce que c’est que l’infini, le beau, le parfait, &c. ce qui est également contraire à l’expérience & à la raison. Toutes ces idées abstraites supposent un grand nombre d’idées particulieres que ces mêmes Philosophes comptent parmi les idées acquises : par exemple, comment peut-on savoir qu’il faut rendre à chacun ce qui lui est dû, si l’on ne sait pas encore ce que c’est que rendre, ce que c’est que chacun, & qu’il y a des biens & des choses particulieres, qui, en vertu des lois de la société, appartiennent aux uns plûtôt qu’aux autres ? Cependant sans ces connoissances particulieres, que ces Philosophes même comptent parmi les idées acquises, peut-on comprendre le principe général ?

Voici encore d’autres adjectifs métaphysiques qui demandent de l’attention.

Un nom est adjectif quand il qualifie un nom substantif : or qualifier un nom substantif, ce n’est pas seulement dire qu’il est rouge ou bleu, grand ou petit, c’est en fixer l’étendue, la valeur, l’acception, étendre cette acception ou la restraindre, ensorte pourtant que toûjours, l’adjectif & le substantif pris ensemble, ne présentent qu’un même objet à l’esprit ; au lieu que si je dis liber Petri, Petri fixe à la vérité l’étendue de la signification de liber : mais ces deux mots présentent à l’esprit deux objets différens, dont l’un n’est pas l’autre ; au contraire, quand je dis le beau livre, il n’y a là qu’un objet réel, mais dont j’énonce qu’il est beau. Ainsi tout mot qui fixe l’acception du substantif, qui en étend ou qui en restraint la valeur, & qui ne présente que le même objet à l’esprit, est un véritable adjectif. Ainsi nécessaire, accidentel, possible, impossible, tout, nul, quelque, aucun, chaque, tel, quel, certain, ce, cet, cette, mon, ma, ton, ta, vos, vôtre, nôtre, & même le, la, les, sont de véritables adjectifs métaphysiques, puisqu’ils modifient des substantifs, & les font regarder sous des points de vûe particuliers. Tout homme présente homme dans un sens général affirmatif : nul homme l’annonce dans un sens général négatif : quelque homme présente un sens particulier indéterminé : son, sa, ses, vos, &c. font considérer le substantif sous un sens d’appartenance & de propriété ; car quand je dis meus ensis, meus est autant simple adjectif qu’Evandrius, dans ce vers de Virgile :

Nam tibi, Timbre, caput, Evandrius abstulit ensis. Æn. Liv. X. v. 394.

meus marque l’appartenance par rapport à moi, & Evandrius la marque par rapport à Evandre.

Il faut ici observer que les mots changent de valeur selon les différentes vûes que l’usage leur donne à exprimer : boire, manger, sont des verbes ; mais quand on dit le boire, le manger, &c. alors boire & manger sont des noms. Aimer est un verbe actif : mais dans ce vers de l’opera d’Atys,

J’aime, c’est mon destin d’aimer toute ma vie.

aimer est pris dans un sens neutre. Mien, tien, sien, étoient autrefois adjectifs ; on disoit un sien frere, un mien ami : aujourd’hui, en ce sens, il n’y a que mon, ton, son, qui soient adjectifs ; mien, tien, sien, sont de vrais substantifs de la classe des pronoms, le mien, le tien, le sien. La Discorde, dit la Fontaine, vint,

Avec, Que si-que non, son frere ;
Avec, Le tien-le mien, son pere.

Nos, vos, sont toûjours adjectifs : mais vôtre, nôtre, sont souvent adjectifs, & souvent pronoms, le vôtre, le nôtre. Vous & les vôtres ; voilà le vôtre, voici le sien & le mien : ces pronoms indiquent alors des objets certains dont on a déja parlé. Voyez Pronom.

Ces réflexions servent à décider si ces mots Pere, Roi, & autres semblables, sont adjectifs ou substantifs. Qualifient-ils ? ils sont adjectifs. Louis XV. est Roi, Roi qualifie Louis XV ; donc Roi est-là adjectif. Le Roi est à l’armée : le Roi désigne alors un individu : il est donc substantif. Ainsi ces mots sont pris tantôt adjectivement, tantôt substantivement ; cela dépend de leur service, c’est-à-dire, de la valeur qu’on leur donne dans l’emploi qu’on en fait.

Il reste à parler de la syntaxe des adjectifs. Ce qu’on peut dire à ce sujet, se réduit à deux points.

1. La terminaison de l’adjectif. 2. La position de l’adjectif.

1°. A l’égard du premier point, il faut se rappeller ce principe dont nous avons parlé ci-dessus, que l’adjectif & le substantif mis ensemble en construction, ne présentent à l’esprit qu’un seul & même individu, ou physique, ou métaphysique. Ainsi l’adjectif n’étant réellement que le substantif même considéré avec la qualification que l’adjectif énonce, ils doivent avoir l’un & l’autre les mêmes signes des vûes particulieres sous lesquelles l’esprit considere la chose qualifiée. Parle-t-on d’un objet singulier : l’adjectif doit avoir la terminaison destinée à marquer le singulier. Le substantif est-il de la classe des noms qu’on appelle masculin : l’adjectif doit avoir le signe destiné à marquer les noms de cette classe. Enfin y a-t-il dans une Langue une maniere établie pour marquer les rapports ou points de vûe qu’on appelle cas : l’adjectif doit encore se conformer ici au substantif : en un mot il doit énoncer les mêmes rapports, & se présenter sous les mêmes faces que le substantif ; parce qu’il n’est qu’un avec lui. C’est ce que les Grammairiens appellent la concordance de l’adjectif avec le substantif, qui n’est fondée que sur l’identité physique de l’adjectif avec le substantif.

2°. A l’égard de la position de l’adjectif, c’est-à-dire, s’il faut le placer avant ou après le substantif, s’il doit être au commencement ou à la fin de la phrase, s’il peut être séparé du substantif par d’autres mots : je répons que dans les Langues qui ont des cas, c’est-à-dire, qui marquent par des terminaisons les rapports que les mots ont entre eux, la position n’est d’aucun usage pour faire connoître l’identité de l’adjectif avec son substantif ; c’est l’ouvrage, ou plûtôt la destination de la terminaison, elle seule a ce privilége. Et dans ces Langues on consulte seulement l’oreille pour la position de l’adjectif, qui même peut être séparé de son substantif par d’autres mots.

Mais dans les Langues qui n’ont point de cas, comme le François, l’adjectif n’est pas séparé de son substantif. La position supplée au défaut des cas.

Parve, nec invideo, sine me, Liber, ibis in urbem.

Ovid. I. trist. 1. 1.

Mon petit livre, dit Ovide, tu iras donc à Rome sans moi ? Remarquez qu’en François l’adjectif est joint au substantif, mon petit livre ; au lieu qu’en Latin parve qui est l’adjectif de liber, en est séparé, même par plusieurs mots : mais parve a la terminaison convenable pour faire connoître qu’il est le qualificatif de liber.

Au reste, il ne faut pas croire que dans les Langues qui ont des cas, il soit nécessaire de séparer l’adjectif du substantif ; car d’un côté les terminaisons les rapprochent toûjours l’un de l’autre, & les présentent à l’esprit, selon la syntaxe des vûes de l’esprit qui ne peut jamais les séparer. D’ailleurs si l’harmonie ou le jeu de l’imagination les sépare quelquefois, souvent aussi elle les rapproche. Ovide, qui dans l’exemple ci-dessus sépare parve de liber, joint ailleurs ce même adjectif avec son substantif.

Tuque cadis, patriâ, parve Learche, manu.

Ovid. IV, Fast. v. 490.

En François l’adjectif n’est séparé du substantif que lorsque l’adjectif est attribut ; comme Louis est juste, Phébus est sourd, Pégase est rétif : & encore avec rendre, devenir, paroître, &c.

Un vers étoit trop foible, & vous le rendez dur.
J’évite d’être long, & je deviens obscur.

Despreaux, Art. Poët. c. j.

Dans les phrases, telles que celle qui suit, les adjectifs qui paroissent isolés, forment seuls par ellipse une proposition particuliere :

Heureux, qui peut voir du rivage
Le terrible Océan par les vents agité

Il y a là deux propositions grammaticales : celui (qui peut voir du rivage le terrible Océan par les vents agité) est heureux, où vous voyez que heureux est l’attribut de la proposition principale.

Il n’est pas indifférent en François, selon la syntaxe élégante & d’usage d’énoncer le substantif avant l’adjectif, ou l’adjectif avant le substantif. Il est vrai que pour faire entendre le sens, il est égal de dire bonnet blanc ou blanc bonnet : mais par rapport à l’élocution & à la syntaxe d’usage, on ne doit dire que bonnet blanc. Nous n’avons sur ce point d’autre regle que l’oreille exercée, c’est-à-dire, accoûtumée au commerce des personnes de la nation qui font le bon usage. Ainsi je me contenterai de donner ici des exemples qui pourront servir de guide dans les occasions analogues. On dit habit rouge, ainsi dites habit bleu, habit gris, & non bleu habit, gris habit. On dit mon livre, ainsi dites ton livre, son livre, leur livre. Vous verrez dans la liste suivante zone torride, ainsi dites par analogie zone tempérée & zone glaciale ; ainsi des autres exemples.

Liste de plusieurs Adjectifs

qui ne vont qu’après leurs substantifs dans les exemples qu’on en donne ici.

Accent Gascon. Action basse. Air indolent. Air modeste. Ange gardien. Beauté parfaite. Beauté Romaine. Bien réel. Bonnet blanc. Cas direct. Cas oblique. Chapeau noir. Chemin raboteux. Chemise blanche. Contrat clandestin. Couleur jaune. Coûtume abusive. Diable boiteux. Dîme royale. Dîner propre. Discours concis. Empire Ottoman. Esprit invisible. État ecclésiastique. Etoiles fixes. Expression littérale. Fables choisies. Figure ronde. Forme ovale. Ganif aiguisé. Gage touché. Génie supérieur. Gomme arabique. Grammaire raisonnée. Hommage rendu. Homme instruit. Homme juste. Isle déserte. Ivoire blanc. Ivoire jaune. Laine blanche. Lettre anonyme. Lieu inaccessible. Faites une ligne droite. Livres choisis. Mal nécessaire. Matiere combustible. Méthode latine. Mode françoise. Morue fraîche. Mot expressif. Musique Italienne. Nom substantif. Oraison dominicale. Oraison funebre. Oraison mentale. Péché mortel. Peine inutile. Pensée recherchée. Perle contrefaite. Perle orientale. Pié fourchu. Plans dessinés. Plants plantés. Point mathématique. Poisson salé. Politique angloise. Principe obscur. Qualité occulte. Qualité sensible. Question métaphysique. Raisins secs. Raison décisive. Raison péremptoire. Raisonnement recherché. Régime absolu. Les Sciences exactes. Sens figuré. Substantif masculin. Tableau original. Terme abstrait. Terme obscur. Terminaison féminine. Terre labourée. Terreur panique. Ton dur. Trait piquant. Urbanité romaine. Urne fatale. Usage abusif. Verbe actif. Verre concave. Verre convexe. Vers iambe. Viande tendre. Vin blanc. Vin cuit. Vin verd. Voix harmonieuse. Vûe courte. Vûe basse. Des yeux noirs. Des yeux fendus. Zone torride, &c.

Il y a au contraire des adjectifs qui précedent toûjours les substantifs qu’ils qualifient, comme

Certaines gens. Grand Général. Grand Capitaine. Mauvaise habitude. Brave Soldat. Belle situation. Juste défense. Beau jardin. Beau garçon. Bon ouvrier. Gros arbre. Saint Religieux. Sainte Thérese. Petit animal. Profond respect. Jeune homme. Vieux pécheur. Cher ami. Réduit à la derniere misere. Tiers-Ordre. Triple alliance, &c.

Je n’ai pas prétendu insérer dans ces listes tous les adjectifs qui se placent les uns devant les substantifs, & les autres après : j’ai voulu seulement faire voir que cette position n’étoit pas arbitraire.

Les adjectifs métaphysiques comme le, la, les, ce, cet, quelque, un, tout, chaque, tel, quel, son, sa, ses, votre, nos, leur, se placent toûjours avant les substantifs qu’ils qualifient.

Les adjectifs de nombre précèdent aussi les substantifs appellatifs, & suivent les noms propres : le premier homme, François, premier, quatre personnes, Henri quatre, pour quatrieme : mais en parlant du nombre de nos Rois, nous disons dans un sens appellatif, qu’il y a eu quatorze Louis, & que nous en sommes au quinzieme. On dit aussi, dans les citations, livre premier, chapitre second ; hors de là, on dit le premier livre, le second livre.

D’autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs, c’est un savant homme, c’est un homme savant ; c’est un habile avocat ou un avocat habile ; & encore mieux, c’est un homme fort savant, c’est un avocat fort habile : mais on ne dit point c’est un expérimenté avocat, au lieu qu’on dit, c’est un avocat expérimenté, ou fort expérimenté ; c’est un beau livre, c’est un livre fort beau ; ami véritable, véritable ami ; de tendres regards, des regards tendres ; l’intelligence suprème, la suprème intelligence ; savoir profond, profond savoir ; affaire malheureuse, malheureuse affaire, &c.

Voilà des pratiques que le seul bon usage peut apprendre ; & ce sont-là de ces finesses qui nous échappent dans les langues mortes, & qui étoient sans doute très-sensibles à ceux qui parloient ces langues dans le tems qu’elles étoient vivantes.

La poësie, où les transpositions sont permises, & même où elles ont quelquefois des graces, a sur ce point plus de liberté que la prose.

Cette position de l’adjectif devant ou après le substantif est si peu indifférente, qu’elle change quelquefois entierement la valeur du substantif : en voici des exemples bien sensibles.

C’est une nouvelle certaine, c’est une chose certaine, c’est-à-dire, assûrée, véritable, constante. J’ai appris certaine nouvelle ou certaines choses ; alors certaine répond au quidam des Latins, & fait prendre le substantif dans un sens vague & indéterminé.

Un honnête-homme est un homme qui a des mœurs, de la probité & de la droiture. Un homme honnête est un homme poli, qui a envie de plaire : les honnêtes gens d’une ville, ce sont les personnes de la ville qui sont au-dessus du peuple, qui ont du bien, une réputation integre, une naissance honnête, & qui ont eu de l’éducation : ce sont ceux dont Horace dit, quibus est equus & pater & res.

Une sage-femme est une femme qui est appellée pour assister les femmes qui sont en travail d’enfant. Une femme sage est une femme qui a de la vertu & de la conduite.

Vrai a un sens différent, selon qu’il est placé, avant ou après un substantif : Gilles est un vrai charlatan, c’est-à-dire qu’il est réellement charlatan ; c’est un homme vrai, c’est-à-dire véridique ; c’est une nouvelle vraie, c’est-à-dire véritable.

Gentilhomme est un homme d’extraction noble ; un homme gentil est un homme gai, vif, joli, mignon.

Petit-maître, n’est pas un maître petit ; c’est un pauvre homme, se dit par mépris d’un homme qui n’a pas une sorte de mérite, d’un homme qui néglige ou qui est incapable de faire ce qu’on attend de lui ; & ce pauvre homme peut être riche ; au lieu qu’un homme pauvre est un homme sans bien.

Un homme galant n’est pas toujours un galant-homme : le premier est un homme qui cherche à plaire aux dames, qui leur rend de petits soins ; au lieu qu’un galant-homme est un honnête-homme, qui n’a que des procédés simples.

Un homme plaisant est un homme enjoüé, folatre, qui fait rire ; un plaisant homme se prend toûjours en mauvaise part ; c’est un homme ridicule, bisarre, singulier, digne de mépris. Une femme grosse, c’est une femme qui est enceinte. Une grosse femme est celle dont le corps occupe un grand volume, qui est grasse & replette. Il ne seroit pas difficile de trouver encore de pareils exemples.

A l’égard du genre, il faut observer qu’en Grec & en Latin, il y a des adjectifs qui ont au nominatif trois terminaisons, καλός, καλή, καλόν, bonus, bona, bonum ; d’autres n’ont que deux terminaisons dont la premiere sert pour le masculin & le féminin, & la seconde est consacrée au genre neutre, ὁ καὶ ἡ ἐυδαίμων heureux ; & en latin hic & hæc fortis & hoc forte, fort. Clenard & le commun des Grammairiens Grecs disent qu’il y a aussi en Grec des adjectifs qui n’ont qu’une terminaison pour les trois genres : mais la savante méthode Greque de P. R. assure que les Grecs n’ont point de ces adjectifs, liv. I. ch. ix. regle XIX. avertissement. Les Latins en ont un grand nombre, prudens, felix, ferax, tenax, &c.

En François nos adjectifs sont terminés : 1°. ou par un e muet, comme sage, fidele, utile, facile, habile, timide, riche, aimable, volage, troisieme, quatrieme, &c. alors l’adjectif sert également pour le masculin & pour le féminin ; un amant fidele, une femme fidele. Ceux qui écrivent fidel, util, font la même faute que s’ils écrivoient sag au lieu de sage, qui se dit également pour les deux genres.

2°. Si l’adjectif est terminé dans sa premiere dénomination par quelqu’autre lettre que par un e muet, alors cette premiere terminaison sert pour le genre masculin : pur, dur, brun, savant, fort, bon.

A l’égard du genre féminin, il faut distinguer : ou l’adjectif finit au masculin par une voyelle, ou il est terminé par une consonne.

Si l’adjectif masculin finit par toute autre voyelle que par un e muet, ajoûtez seulement l’e muet après cette voyelle, vous aurez la terminaison féminine de l’adjectif : sensé, sensée ; joli, jolie ; bourru, bourrue.

Si l’adjectif masculin finit par une consonne, détachez cette consonne de la lettre qui la précede, & ajoûtez un e muet à cette consonne détachée, vous aurez la terminaison féminine de l’adjectif : pur, pu-re ; saint, sain-te ; sain, sai-ne ; grand, grande ; sot, so-te ; bon, bo-ne.

Je sai bien que les Maîtres à écrire, pour multiplier les jambages dont la suite rend l’écriture plus unie & plus agréable à la vûe, ont introduit une seconde n dans bo-ne, comme ils ont introduit une m dans ho-me : ainsi on écrit communément bonne, homme, honneur, &c. mais ces lettres redoublées sont contraires à l’analogie, & ne servent qu’à multiplier les difficultés pour les étrangers & pour les gens qui apprennent à lire.

Il y a quelques adjectifs qui s’écartent de la regle : en voici le détail.

On disoit autrefois au masculin bel, nouvel, sol, mol, & au féminin selon la regle, belle, nouvelle, folle, molle ; ces féminins se sont conservés : mais les masculins ne sont en usage que devant une voyelle ; un bel homme, un nouvel amant, un fol amour : ainsi beau, nouveau, fou, mou, ne forment point de féminin : mais Espagnol est en usage, d’où vient Espagnole ; selon la regle générale, blanc fait blanche ; franc, franche ; long fait longue ; ce qui fait voir que le g de long est le g fort que les Modernes appellent gue : il est bon dans ces occasions d’avoir recours à l’analogie qu’il y a entre l’adjectif & le substantif abstrait : par exemple, longueur, long, longue ; douceur, doux, douce ; jalousie, jaloux, jalouse ; fraîcheur, frais, fraîche ; sécheresse, sec, seche.

Le f & le v sont au fond la même lettre divisée en forte & en foible ; le f est la forte, & le v est la foible : de-là naïf, naive ; abusif, abusive ; chétif, chétive ; défensif, défensive ; passif, passive ; négatif, négative ; purgatif, purgative, &c.

On dit mon, ma ; ton, ta ; son, sa : mais devant une voyelle on dit également au féminin mon, ton, son ; mon ame, ton ardeur, son épée : ce que le méchanisme des organes de la parole a introduit pour éviter le bâillement qui se feroit à la rencontre des deux voyelles, ma ame, ta épée, sa épouse ; en ces occasions, son, ton, mon, sont féminins, de la même maniere que mes, tes, ses, les, le sont au plurier, quand on dit, mes filles, les femmes, &c.

Nous avons dit que l’adjectif doit avoir la terminaison qui convient au genre que l’usage a donné au substantif : sur quoi on doit faire une remarque singuliere, sur le mot gens ; on donne la terminaison féminine à l’adjectif qui précede ce mot, & la masculine à celle qui le suit, fût-ce dans la même phrase : il y a de certaines gens qui sont bien sots.

A l’égard de la formation du plurier, nos anciens Grammairiens disent qu’ajoûtant s au singulier, nous formons le plurier, bon, bons. (Acheminement à la Langue Françoise par Jean Masset.) Le même Auteur observe que les noms de nombre qui marquent pluralité, tels que quatre, cinq, six, sept, &c. ne reçoivent point s, excepté vingt & cent, qui ont un plurier : quatre-vingts ans, quatre cens hommes.

Telle est aussi la regle de nos Modernes : ainsi on écrit au singulier bon, & au plurier bons ; fort au singulier, forts au plurier ; par conséquent puisqu’on écrit au singulier gâté, gâtée, on doit écrire au plurier gâtés, gâtées, ajoûtant simplement l’s au plurier masculin, comme on l’ajoûte au féminin. Cela me paroît plus analogue que d’ôter l’accent aigu au masculin, & ajoûter un z, gâtez : je ne vois pas que le z ait plûtôt que l’s le privilége de marquer que l’e qui le précede est un e fermé : pour moi je ne fais usage du z aprés l’e fermé, que pour la seconde personne plurielle du verbe, vous aimez, ce qui distingue le verbe du participe & de l’adjectif ; vous êtes aimés, les perdreaux sont gâtés, vous gâtez ce Livre.

Les adjectifs terminés au singulier par une s, servent aux deux nombres : il est gros & gras ; ils sont gros & gras.

Il y a quelques adjectifs qu’il a plû aux Maîtres à écrire de terminer par un x au lieu de s, qui finissant en dedans ne donnent pas à la main la liberté de faire de ces figures inutiles qu’ils appellent traits ; il faut regarder cet x comme une véritable s ; ainsi on dit : il est jaloux, & ils sont jaloux ; il est doux, & ils sont doux ; l’époux, les époux, &c. L’l final se change en aux, qu’on feroit mieux d’écrire aus : égal, égaus ; verbal, verbaus ; féodal, féodaus ; nuptial, nuptiaus, &c.

A l’égard des adjectifs qui finissent par ent ou ant au singulier, on forme leur pluriel en ajoûtant s, selon la regle générale, & alors on peut laisser ou rejetter le t : cependant lorsque le t sert au féminin, l’analogie demande qu’on le garde : excellent, excellente ; excellents, excellentes.

Outre le genre, le nombre, & le cas, dont nous venons de parler, les adjectifs sont encore sujets à un autre accident, qu’on appelle les degrés de comparaison, & qu’on devroit plûtôt appeller degrés de qualification, car la qualification est susceptible de plus & de moins : bon, meilleur, excellent ; savant, plus savant, très-savant. Le premier de ces degrés est appellé positif, le second comparatif, & le troisieme superlatif : nous en parlerons en leur lieu.

Il ne sera pas inutile d’ajoûter ici deux observations : la premiere, c’est que les adjectifs se prennent souvent adverbialement. Facile & difficile, dit Donat, quæ adverbia ponuntur, nomina potiùs dicenda sunt, pro adverbüs posita : ut est, torvùm clamat ; horrendùm resonat ; & dans Horace, turbidùm latatur : (Liv. II. Od. XIX. v. 6.) se réjoüit tumultueusement, ressent les saillies d’une joie agitée & confuse : perfidùm ridens Venus ; (Liv. III. Od. XXVII. v. 67.) Venus avec un soürire malin. Et même primò, secundò, tertiò, postremò, serò, optatò, ne sont que des adjectifs pris adverbialement. Il est vrai qu’au fond l’adjectif conserve toûjours sa nature, & qu’en ces occasions même il faut toûjours sousentendre une préposition & un nom substantif, à quoi tout adverbe est réductible : ainsi, turbidùm latatur, id est, loetatur juxta negotium ou modum turbidum : primò,secundò, id est, in primo vel secundo loco ; optatò advenis, id est, in tempore optato, &c.

A l’imitation de cette façon de parler latine, nos adjectifs sont souvent pris adverbialement ; parler haut, parler bas, sentir mauvais, voir clair, chanter faux, chanter juste, &c. on peut en ces occasions sousentendre une préposition & un nom substantif : parler d’un ton haut, sentir un mauvais goût, voir d’un œil clair, chanter d’un ton faux : mais quand il seroit vrai qu’on ne pourroit point trouver de nom substantif convenable & usité, la façon de parler n’en seroit pas moins elliptique ; on y sousentendroit l’idée de chose ou d’être, dans un sens neutre. V. Ellipse.

La seconde remarque, c’est qu’il ne faut pas confondre l’adjectif avec le nom substantif qui énonce une qualité, comme blancheur, étendue ; l’adjectif qualifie un substantif ; c’est le substantif même considéré comme étant tel, Magistrat équitable ; ainsi l’adjectif n’existe dans le discours que relativement au substantif qui en est le suppôt, & auquel il se rapporte par l’identité ; au lieu que le substantif qui exprime une qualité, est un terme abstrait & métaphysique, qui énonce un concept particulier de l’esprit, qui considere la qualité indépendamment de toute application particuliere, & comme si le mot étoit le nom d’un être réel & subsistant par lui-même : tels sont couleur, étendue, équité, &c. ce sont des noms substantifs par imitation. Voyez Abstraction.

Au reste les adjectifs sont d’un grand usage, surtout en Poësie, où ils servent à faire des images & à donner de l’énergie : mais il faut toûjours que l’Orateur ou le Poëte ayent l’art d’en user à propos, & que l’adjectif n’ajoûte jamais au substantif une idée accessoire, inutile, vaine ou déplacée. (F)

Adjectifs (Logique.) Les adjectifs étant destinés par leur nature à qualifier les dénominations, on en peut distinguer principalement de quatre sortes ; savoir les nominaux, les verbaux, les numéraux, & les pronominaux.

Les adjectifs nominaux sont ceux qui qualifient par un attribut d’espece, c’est-à-dire, par une qualité inhérente & permanente, soit qu’elle naisse de la nature de la chose, de sa forme, de sa situation ou de son état ; tels que bon, noir, simple, beau, rond, externe, autre, pareil, semblable.

Les adjectifs verbaux qualifient par un attribut d’évenement, c’est-à-dire, par une qualité accidentelle & survenue, qui paroît être l’effet d’une action qui se passe ou qui s’est passée dans la chose ; tels sont rampant, dominant, liant, caressant, bonifié, simplifié, noirci, embelli. Ils tirent leur origine des verbes, les uns du gérondif, & les autres du participe : mais il ne faut pas les confondre avec les participes & les gérondifs dont ils sont tirés. Ce qui constitue la nature des adjectifs, c’est de qualifier les dénominations ; au lieu que celle des participes & des gérondifs consiste dans une certaine maniere de représenter l’action & l’évenement. Par conséquent lorsqu’on voit le mot qui est participe, être dans une autre occasion simplement employé à qualifier, il faut conclurre que c’est ou par transport de service, ou par voie de formation & de dérivation, dont les Langues se servent pour tirer d’une espece les mots dont elles ont besoin dans une autre où elles les placent, & dès-lors en établissent la différence. Au reste il n’importe pas que dans la maniere de les tirer de leur source, il n’y ait aucun changement quant au matériel : les mots formés n’en seront pas moins distingués de ceux à qui ils doivent leur origine. Ces différences vont devenir sensibles dans les exemples que je vais citer.

Un esprit rampant ne parvient jamais au sublime. Tels vont rampant devant les Grands pour devenir insolens avec leurs égaux. Une personne obligeante se fait aimer de tous ceux qui la connoissent. Cette dame est bonne, obligeant toûjours quand elle le peut. L’ame n’a guere de vigueur dans un corps fatigué. Il est juste de se reposer après avoir fatigué.

Qui ne voit que rampant dans le premier exemple est une simple qualification, & que dans le second il représente une action ? Je dis la même chose des mots obligeante & obligeant, & de ceux-ci, un corps fatigué, & avoir fatigué.

Les adjectifs numéraux sont, comme leur nom le déclare, ceux qui qualifient par un attribut d’ordre numéral, tels que premier, dernier, second, deuxieme, troisieme, cinquieme.

Les adjectifs pronominaux qualifient par un attribut de désignation individuelle, c’est-à-dire par une qualité qui ne tenant ni de l’espece ni de l’action, ni de l’arrangement, n’est qu’une pure indication de certains individus ; ces adjectifs sont, ou une qualification de rapport personnel, comme mon, ma, ton ; notre, votre, son, leur, mien, tien, sien ; ou une qualification de quotité vague & non déterminée, tels que quelque, un, plusieurs, tout, nul, aucun ; ou enfin une qualification de simple présentation, comme les suivans, ce, cet, chaque, quel, tel, certain.

La qualification exprimée par les adjectifs est susceptible de divers degrés : c’est ce que l’art nomme degrés de comparaison, qu’il a réduits à trois, sous les noms de positif, comparatif, & superlatif.

Le positif consiste dans la simple qualification faite sans aucun rapport au plus ni au moins. Le comparatif est une qualification faite en augmentation ou en diminution, relativement à un autre degré de la même qualité. Le superlatif qualifie dans le plus haut degré, c’est-à-dire, dans celui qui est au-dessus de tous ; au lieu que le comparatif n’est supérieur qu’à un des degrés de la qualité : celui-ci n’exprime qu’une comparaison particuliere ; & l’autre en exprime une universelle.

Les adjectifs verbaux & nominaux sont aussi appellés concrets. Voyez ces termes. (X)

ADIEU-VA, terme de Marine ; c’est un terme dont on se sert lorsque voulant faire venir le vaisseau pour changer de route, on en avertit l’équipage pour qu’il se tienne prêt à obéir au commandement. (Z)

* ADIGE (Géog. mod.) riviere d’Italie qui prend sa source au midi du lac glacé dans les Alpes, & se jette dans le golphe de Venise.

* ADIMAIN, s. m. (Hist. nat.) On dit que c’est un animal privé, assez semblable à un mouton, à laine courte & fine, dont il n’y a que la femelle qui porte cornes, qui a l’oreille longue & pendante ; qu’il est de la grosseur d’un veau ; qu’il se laisse monter par les enfans ; qu’il peut les porter à une lieue, & qu’il compose la plus grande partie des troupeaux des habitans des deserts de Libye. Marm. trad. par Ablanc.

* ADIMIAN, (Jardinage.) c’est le nom que les Fleuristes donnent à une tulipe amarante, panachée de rouge & de blanc.

ADJOINDRE, v. act. (Jurisprudence.) c’est donner à quelqu’un un collegue, lui associer un second. Voyez Adjoint. (H)

ADJOINT, terme de Grammaire. Les Grammairiens qui font la construction des mots de la phrase, relativement au rapport que les mots ont entr’eux dans la proposition que ces mots forment, appellent adjoint ou adjoints les mots ajoûtés à la proposition, & qui n’entrent pas dans la composition de la proposition : par exemple, les interjections hélas, ha ! & les vocatifs.

Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux !

Que vous êtes heureux sont les mots qui forment le sens de la proposition ; que y entre comme adverbe de quantité, de maniere, & d’admiration ; quantum, combien, à quel point, vous est le sujet, êtes heureux est l’attribut, dont êtes est le verbe, c’est-à-dire, le mot qui marque que c’est de vous que l’on dit êtes heureux, & heureux marque ce que l’on dit que vous êtes, & se rapporte à vous par un rapport d’identité. Voilà la proposition complete. Hélas & petits moutons ne sont que des adjoints. V. Sujet, Attribut. (F)

Adjoints, adj. (Belles-Lettres) sont au nombre de sept, qu’on appelle aussi circonstances, exprimées par ce vers,

Quis, quid, ubi, quibus auxilüs, cur, quomodo, quando.

Les argumens qui se tirent des adjoints, sont des adminicules des preuves qui naissent des circonstances particulieres du fait. Voyez Preuve & Circonstance.

En Rhétorique, les adjoints, adjuncta, forment un lieu commun d’où l’on tire des argumens pour ou contre presque dans toutes les matieres, parce qu’il en est peu qui ne soient accompagnées de circonstances favorables ou défavorables ; la chose est si claire, qu’il seroit inutile d’en donner des exemples. (G)

Adjoint, adj. pris subst. On appelle ainsi une sorte d’associé, de collegue ou de coadjuteur qu’on donne à quelqu’un qui est en place, ou pour le soulager dans ses fonctions, ou pour rendre compte de sa vigilance & de sa fidélité.

Quelques-uns prononcent & écrivent ajoints : mais ils prononcent & écrivent mal. (H)

Adjoint de l’Académie des Sciences. Voyez Académie.

Adjoint, Officier de la Librairie ; c’est un Libraire élû à la pluralité des voix dans l’assemblée générale des Anciens, & de seize mandés dans le nombre des Modernes, qui sont ceux qui ont au moins dix ans de réception ; préposé conjointement avec le Syndic pour régir les affaires de la Communauté, & veiller à l’observation des Réglemens donnés par nos Rois sur le fait de la Librairie & de l’Imprimerie. Il y en a quatre qui avec le Syndic forment ce qu’on appelle les Officiers de la Librairie.

Leurs principales fonctions sont de visiter en la Chambre Syndicale de la Librairie les livres qui arrivent à Paris, soit des Provinces du Royaume, soit des Pays étrangers ; de faire des visites chez les Libraires & chez les Imprimeurs, pour voir s’il ne s’y passe rien contre le bon ordre ; & dans le cas de contravention, en rendre compte à M. le Chancelier. Ils sont encore chargés de faire la visite des bibliotheques ou cabinets de livres à vendre, afin de veiller à ce qu’il ne se débite par aucunes voies des livres proscrits, & délivrent un certificat sur lequel le Lieutenant de Police accorde la permission de vendre & d’afficher la vente. Voyez Syndic, Chambre syndicale.

ADJONCTION, s. f. terme de style du Palais, qu’on emploie dans les plaintes en matiere criminelle, où l’on demande l’intervention ou adjonction de M. le Procureur Général, ou de son Substitut, ou du Procureur fiscal, si la plainte n’est point portée devant une Justice royale. Or demander l’adjonction du Ministere public, c’est demander qu’il se porte accusateur, & poursuive l’accusé en son nom concurremment avec la partie civile. (H)

ADJOURNEMENT, s. m. (Jurisprud.) est une assignation à comparoître à certain jour nommé pour procéder par-devant une Cour de Justice ou un Juge aux fins & conclusions de l’exploit d’assignation, c’est-à-dire, les contester ou y déférer. Voyez Assignation.

Ménage dérive ce mot de adjurnare, comme qui diroit diem dicere, qu’on trouve en ce sens dans les capitulaires.

L’adjournement en Cour ecclésiastique s’appelle citation.

L’assignation n’emporte pas toûjours adjournement ; par exemple, les témoins qu’on assigne à venir déposer ne sont pas adjournés : l’assignation n’emporte adjournement que quand la partie est assignée à comparoître en Justice.

Les adjournemens doivent être libellés, c’est-à-dire, contenir les conclusions & les moyens de la demande. Voyez Libellé.

Les ajournemens par-devant les Juges inférieurs se donnent sans commissions : secùs ès Cours supérieures : par exemple, on ne peut donner adjournement aux Requêtes de l’Hôtel ou du Palais, qu’en vertu de Lettres de Committimus dont sera laissé copie avec l’exploit, si ce n’est qu’il y eût déjà instance liée ou retenue en cette Cour, auquel cas il ne seroit pas besoin de Lettres : on ne le peut non plus ès Cours supérieures, telles que le Parlement, ou autres, qu’en vertu de Lettres de Chancellerie, Commission particuliere, ou Arrêt : on ne le peut non plus au Conseil, ni même aux Requêtes de l’Hôtel, lorsqu’il s’agit de juger au Souverain, qu’en vertu d’Arrêt du Conseil ou Commission du Grand Sceau.

Les exploits d’adjournement doivent contenir le nom du Procureur du demandeur en tous siéges & matieres où le ministere des Procureurs est nécessaire. Voyez le titre II. de l’Ordonnance de 1667.

L’adjournement personnel est une assignation en matiere criminelle, par laquelle l’accusé est sommé de comparoître en personne. Il se décerne contre l’accusé, lorsque le crime n’est pas capital, & qu’il n’échet point de peine afflictive, ni même infamante ; ou contre une partie assignée simplement pour être ouie, laquelle a négligé de comparoître. Il emporte interdiction contre un Officier de judicature. Voyez Decret.

Un adjournement à trois briefs jours est une sommation faite à cri public au son de trompe, après qu’on a fait perquisition de la personne de l’accusé, à ce qu’il ait à comparoître dans les trois jours en Justice, à faute de quoi on lui fera son procès comme contumax.

Adjournement se dit en Angleterre d’une espece de prorogation, par laquelle on remet la séance du Parlement à un autre tems, toutes choses demeurant en état. Voyez Prorogation. (H)

ADIPEUX, adj. en Anatomie, se dit de certains conduits & de certains vaisseaux qui se distribuent à la graisse. Voyez Vaisseau & Graisse.

Il y a des vaisseaux adipeux qui font, suivant quelques Auteurs, une partie de la substance de l’épiploon. Voyez Epiploon.

Malpighi doute si les conduits adipeux sont des vaisseaux distincts (dans un Ouvrage imprimé après sa mort). Morgagni, advers. Anat. III. page 3. insinue qu’ils ne sont pas nécessaires, parce qu’il pense que la secrétion de la graisse peut se faire au moyen des arteres dans les cellules adipeuses, de même que dans les autres parties d’où elle peut être ensuite reprise par les veines, sans qu’il soit besoin d’admettre un troisieme genre de vaisseaux propres à cet office, tels que Malpighi paroît les avoir soupçonnés. Rivin n’admet point de conduits adipeux. dis. de omento.

ADIPEUSE, adj. ou GRAISSEUSE, en Anatomie, est le nom que l’on donne à une membrane ou tunique qui enveloppe le corps, & qui est située immédiatement sous la peau : on la regarde comme le soûtien de la graisse, qui est logée dans les intervalles qui se trouvent entre ses fibres, & dans les cellules particulieres qu’elle forme. Voyez Graisse, Peau, Cellule, &c.

Les Anatomistes sont partagés touchant l’existence de cette membrane. La plûpart des Modernes ne la regardent que comme la tunique extérieure de la membrane charnue, autrement de la membrane commune des muscles. Voyez Membrane charnue, Panicule, &c. (L)

Adipeuses, cellules. Voyez Cellules adipeuses.

ADIRÉ, adj. vieux terme de Pratique, qui est encore usité au Palais. Il est synonyme à égarer & se dit singulierement des pieces d’un procès qui ne se trouvent plus : ainsi l’on dira, par exemple, la meilleure piece de mon sac s’est trouvée adirée. Ce même terme signifie aussi quelquefois rayé ou biffé. (H)

ADIRER ou ADHIRER. Voyez Adiré.

Lorsqu’une Lettre de change payable à un particulier, & non au porteur, ou ordre, est adirée, le payement en peut être poursuivi & fait en vertu d’une seconde Lettre, sans donner caution, en faisant mention que c’est une seconde Lettre, & que la premiere ou autre précédente demeurera nulle.

Et au cas que la Lettre adirée fût payable au porteur ou à ordre, le payement n’en doit être fait que par ordonnance de Justice, en baillant caution de garantir le payement qui en sera fait. Voyez l’Ordonnance de 1673. tit. V. (G)

* ADIRES, s. m. pl. (Hist. Nat.) on appelle en Espagne adires, une sorte de petits chiens de Barbarie, fins, rusés, mais voraces, qu’on prend dans les maisons, quand ils y sont jettés par la faim. Il y en a de Perse qui sont plus grands que ceux de Barbarie ; les chiens n’osent attaquer ceux-ci, ils sont pourtant presque de la même couleur les uns & les autres : les jardiniers de ces contrées disent qu’ils se mêlent avec les chiens ordinaires. Il est parlé dans d’autres Auteurs, sous le nom d’Adire, d’un animal qu’on trouve en Afrique, de la grandeur du renard, & qui en a la finesse. Cette description & la précédente sont si différentes qu’on ne peut assûrer qu’elles soient l’une & l’autre du même animal.

ADITION, s. f. terme de Jurisprudence, qui ne s’emploie qu’avec le mot hérédité. Adition d’hérédité est la déclaration que fait l’héritier institué formellement ou tacitement, qu’il accepte l’hérédité qui lui est déférée. Dans le Droit Civil ce terme ne s’employoit qu’en parlant d’un héritier étranger appellé à la succession par le testament du défunt. Quand l’héritier naturel, ou héritier du sang acceptoit l’hérédité, cela s’appelloit s’immiscer, & l’acceptation immixtion. Mais nous ne faisons point cette distinction, & l’adition se prend en général pour l’acte par lequel l’héritier, soit naturel ou institué, prend qualité.

Un simple acte de l’héritier naturel ou institué, par lequel il s’est comporté comme héritier, opere l’adition d’hérédité, & lui ôte la faculté de renoncer ou de joüir du bénéfice d’inventaire. Voyez Rénonciation, Bénéfice d’inventaire.

ADJUDICATAIRE, s. m. terme de Palais, est celui au profit de qui est faite une adjudication. Voyez Adjudication & Adjuger.

ADJUDICATIF, adj. terme de Palais, qui se dit d’un Arrêt ou d’une Sentence qui porte adjudication au profit du plus offrant, d’un bien vendu par autorité de Justice, ou qui défere au moins demandant une entreprise de travaux ordonnés judiciairement. Voyez Adjudication & Adjuger.

ADJUDICATION, s. f. (Jurisprud.) est l’action d’adjuger. Voyez Adjuger.

L’effet de l’adjudication par decret est de purger les dettes & les hypotheques dont étoit affectée la chose vendue : elle ne purge pas cependant le doüaire lorsqu’il n’est point ouvert. Pour entendre ce que signifient ces expressions, purger le doüaire, les dettes, les hypotheques. Voyez au mot Purger. (H)

ADJUGER v. a. (Jurisprud.) c’est juger en faveur de quelqu’un, conformément à ses prétensions. Il signifie aussi donner la préférence dans une vente publique au plus offrant & dernier enchérisseur ; & dans une proclamation d’ouvrages ou entreprises au rabais, à celui qui demande moins. (H)

ADJURATION, s. f. (Théol.) commandement ou injonction qu’on fait au démon de la part de Dieu, de sortir du corps d’un possédé, ou de déclarer quelque chose.

Ce mot est dérivé du Latin adjurare, conjurer, solliciter avec instance, & l’on a ainsi nommé ces formules d’exorcisme, parce qu’elles sont presque toutes conçues en ces termes : adjurote, spiritus immunde, per Deum vivum, ut, &c. Voyez Exorcisme, Possession, &c. (G).

ADJUTORIUM, s. est le nom qu’on donne en Anatomie, à l’os du bras, ou à l’humerus. Voyez Humerus. (L).

* ADMETTRE, RECEVOIR. On admet quelqu’un dans une société particuliere ; on le reçoit à une charge, dans une Académie : il suffit pour être admis d’avoir l’entrée libre ; il faut pour être reçû du cérémonial. Le premier est une faveur accordée par les personnes qui composent la société, en conséquence de ce qu’elles vous jugent propre à participer à leurs desseins, à goûter leurs occupations, & à augmenter leur amusement ou leur plaisir. Le second est une opération par laquelle on acheve de vous donner une entiere possession, & de vous installer dans la place que vous devez occuper en conséquence d’un droit acquis, soit par bienfait, soit par élection, soit par stipulation.

Ces deux mots ont encore dans un usage plus ordinaire, une idée commune qui les rend synonymes. Il ne faut alors chercher de différence entr’eux, qu’en ce qu’admettre semble supposer un objet plus intime & plus de choix ; & que recevoir paroît exprimer quelque chose de plus extérieur & de moins libre. C’est par cette raison qu’on pourroit dire que l’on est admis à l’Académie Françoise, & qu’on est reçû dans les autres Académies. On admet dans sa familiarité & dans sa confidence ceux qu’on en juge dignes ; on reçoit dans les maisons & dans les cercles ceux qu’on y présente ; où l’on voit que recevoir dans ce sens n’emporte pas une idée de précaution qui est attachée à admettre. Le Ministre étranger est admis à l’audience du Prince, & le Seigneur qui voyage est reçû à sa Cour.

Mieux l’on veut que les sociétés soient composées, plus l’on doit être attentif à en bannir les esprits aigres, inquiets, & turbulens, quelque mérite qu’ils aient d’ailleurs ; à n’y admettre que des gens d’un caractere doux & liant. Quoique la probité & la sagesse fassent estimer, elles ne font pas recevoir dans le monde ; c’est la prérogative des talens aimables & de l’esprit d’agrément.

* ADMETE, s. f. (Myth.) une des Nymphes Océanides.

ADMINICULE, s. m. en droit, est ce qui forme un commencement de preuve, ou une preuve imparfaite ; une circonstance ou une conjecture qui tend à former ou à fortifier une preuve.

Ce mot vient du Latin adminiculum, qui signifie appui, échalas.

Les Antiquaires se servent du mot adminicules, pour signifier les attributs ou ornemens avec lesquels Junon est représentée sur les médailles. Voyez Attribut & Symbole. (H)

ADMINISTRATEUR, s. m. (Jurisprud.) est celui qui régit un bien comme un tuteur, curateur, exécuteur testamentaire. Voyez Administration, Exécuteur testamentaire. Les peres sont les administrateurs nés de leurs enfans.

On appelle singulierement administrateurs, ceux qui régissent les biens des Hôpitaux. Voyez Hôpital.

Si une femme est chargée d’une administration, on l’appelle administratrice, & elle est obligée à rendre compte comme le feroit l’administrateur (H)

ADMINISTRATION, s. f. (Jurisprud.) est la gestion des affaires de quelque particulier ou communauté, ou la régie d’un bien. Voyez Gouvernement, Régie.

Les Princes indolens confient l’administration des affaires publiques à leurs Ministres. Les guerres civiles ont ordinairement pour prétexte la mauvaise administration, ou les abus commis dans l’exercice de la Justice, &c.

Administration se dit singulierement de la direction des biens d’un mineur, ou d’un interdit pour fureur, imbécilité, ou autre cause, & de ceux d’un Hôpital ; par un tuteur, un curateur, ou un administrateur. Voyez Mineur, Pupille, Tuteur, Curateur, Administrateur , &c.

Administration se dit aussi des fonctions ecclésiastiques. C’est au Curé qu’appartient exclusivement à tout autre, l’administration des Sacremens dans sa Paroisse, Voyez Curé, Paroisse, &c. On doit refuser l’administration des Sacremens aux excommuniés. Voyez Excommunication.

En matiére bénéficiale, on distingue deux sortes d’administration, l’une au temporel, & l’autre au spirituel. Celle-ci consiste dans le pouvoir d’excommunier, de corriger, de conférer les bénéfices : l’autre dans l’exercice des droits & prérogatives attachées au bénéfice. Voyez Temporalité.

Administration s’emploie aussi au Palais comme synonyme à fournissement : ainsi l’on dit administrer des témoins, des moyens, des titres, des preuves. (H)

ADMIRABLE, adject. (Medecine.) épithete que des Chimistes ont donnée, par hyperbole, à quelques-unes de leurs compositions ; tel est le sel admirable de Glauber. On l’a appliquée généralement à toutes les pierres factices & medicinales : en voici une dont M. Lemeri donne la description à cause de ses grandes qualités.

Pulvérisez, mêlez ensemble du vitriol blanc, 18 onces ; du sucre fin, du salpetre, de chacun 9 onces ; de l’alun, 2 onces ; du sel ammoniac, 8 gros ; du camphre, 2 onces. Mettez le mêlange dans un pot de terre vernissé ; humectez-le en consistance de miel avec de l’huile d’olive ; puis mettez sur un petit feu, faites dessécher doucement la matiere jusqu’à ce qu’elle ait pris la dureté d’une pierre ; gardez-la couverte, car elle s’humecte aisément.

On observera de modérer le feu dans cette opération, à cause de la volatilité du camphre : mais quelque soin que l’on y apporte, il s’en dissipe toûjours une grande quantité. On en ajoûtera à cause de cela quelques grains dans la pierre, lorsqu’on s’en servira.

Cette pierre est détersive, vulnéraire, astringente ; elle résiste à la gangrene, arrête le sang, étant appliquée seche ou dissoute : on l’emploie dans les cataractes en collyre, contre les ulceres scorbutiques. On ne s’en sert qu’à l’extérieur. (N)

ADMIRATIF, adj. m. (Gramm.) comme quand on dit un ton admiratif, un geste admiratif ; c’est-à-dire, un ton, un geste, qui marque de la surprise, de l’admiration ou une exclamation. En terme de Grammaire, on dit un point admiratif, on dit aussi un point d’admiration. Quelques-uns disent un point exclamatif ; ce point se marque ainsi !. Les Imprimeurs l’appellent simplement admiratif, & alors ce mot est substantif masculin, ou adjectif pris substantivement, en sous-entendant point.

On met le point admiratif après le dernier mot de la phrase qui exprime l’admiration : Que je suis à plaindre ! Mais si la phrase commence par une interjection, ah, ou ha, hélas, quelle doit être alors la ponctuation ? Communement on met le point admiratif d’abord après l’interjection : Hélas ! petits moutons, que vous êtes heureux. Ha ! mon Dieu, que je souffre : mais comme le sens admiratif ou exclamatif ne finit qu’avec la phrase, je ne voudrois mettre le point admiratif qu’après tous les mots qui énoncent l’admiration. Hélas, petits moutons, que vous êtes heureux ! Ha, mon Dieu, que je souffre ! Voyez Ponctuation. (F)

* ADMIRATION, s. f. (Morale.) c’est ce sentiment qu’excite en nous la présence d’un objet, quel qu’il soit, intellectuel ou physique, auquel nous attachons quelque perfection. Si l’objet est vraiment beau, l’admiration dure ; si la beauté n’étoit qu’apparente, l’admiration s’évanoüit par la réflexion ; si l’objet est tel, que plus nous l’examinons, plus nous y découvrons de perfections, l’admiration augmente. Nous n’admirons gueres que ce qui est au-dessus de nos forces ou de nos connoissances. Ainsi l’admiration est fille tantôt de notre ignorance, tantôt de notre incapacité : ces principes sont si vrais, que ce qui est admirable pour l’un, n’attire seulement pas l’attention d’un autre. Il ne faut pas confondre la surprise avec l’admiration. Une chose laide ou belle, pourvu qu’elle ne soit pas ordinaire dans son genre, nous cause de la surprise ; mais il n’est donné qu’aux belles de produire en nous la surprise & l’admiration : ces deux sentimens peuvent aller ensemble & séparément. Saint-Evremond dit que l’admiration est la marque d’un petit esprit : cette pensée est fausse ; il eût fallu dire, pour la rendre juste, que l’admiration d’une chose commune est la marque de peu d’esprit : mais il y a des occasions où l’étendue de l’admiration est, pour ainsi-dire, la mesure de la beauté de l’ame & de la grandeur de l’esprit. Plus un être créé & pensant voit loin dans la nature, plus il a de discernement, & plus il admire. Au reste il faut un peu être en garde contre ce premier mouvement de notre ame à la présence des objets ; & ne s’y livrer que quand on est rassûré par ses connoissances, & surtout par des modeles auxquels on puisse rapporter l’objet qui nous est présent. Il faut que ces modeles soient d’une beauté universellement convenue. Il y a des esprits qu’il est extrèmement difficile d’étonner ; ce sont ceux que la Métaphysique a élevés au-dessus des choses faites ; qui rapportent tout ce qu’ils voyent, entendent, &c. au possible, & qui ont en eux-mêmes un modele idéal au-dessous duquel les êtres créés restent toûjours.

ADMISSIBLE, adj. (en Droit) qui mérite l’admission. Voyez ci-dessous Admission.

ADMISSION, s. f. (Jurisprud.) action par laquelle quelqu’un est admis à une place ou dignité.

Ce terme se dit spécialement de la reception aux Ordres, ou à quelque degré dans une Faculté ; & le billet des Examinateurs en faveur du Candidat, s’appelle admittatur, parce que l’admission est exprimée par ce terme latin. Voyez Candidat.

Admission se dit aussi au Palais, des preuves & des moyens, qui sont reçûs comme concluans & pertinens. (H)

* ADMITTATUR, terme latin, s. m. (Hist. mod.) billet qu’on accorde après les examens ordonnés à ceux qui se présentent aux Ordres, à certaines dignités, aux degrés d’une Faculté, &c. lorsqu’ils ont été trouvés dignes d’y être admis.

ADMODIATEUR, ou AMODIATEUR, s. m. (Jurisprud.) Fermier qui tient un bien à titre d’admodiation. Voyez ci-dessous Admodiation.

ADMODIATION, ou AMODIATION, s. f. (Jurisprud.) terme de Coûtumes, usité en quelques Provinces pour signifier un bail, dont le prix se paye en fruits par le Fermier, lequel en retient moitié, ou plus ou moins, pour son exploitation. Amodiation est aussi synonyme en quelques endroits à bail à ferme, & se dit du bail même, dont le prix se paye en argent.

ADMONESTER, v. a. terme de Palais, c’est faire une légere correction verbale en matiere de délit. Voyez Admonition.

ADMONITION, s. f. terme de Palais, est une remontrance que fait le Juge en matiere de délit au délinquant, à qui il remontre sa faute, & l’avertit d’être plus circonspect à l’avenir.

L’admonition est moindre que le blâme, & n’est pas flétrissante, si ce n’est qu’elle soit suivie d’amende ; elle se joint le plus ordinairement avec l’aumone, & se fait à huis clos.

Le terme d’admonition s’emploie aussi en matiere ecclésiastique, & alors il est synonyme à monition. Voyez ce dernier. (H)

ADNATA, adj. f. pris subst. en Anatomie, est une membrane épaisse & blanche, qui enveloppe le globe de l’œil, & qui en forme la tunique externe. On l’appelle en françois conjonctive. Voyez Tunique & Conjonctive. (L)

* ADOD, s. (Myth.) nom que les Phéniciens donnoient au Maître des Dieux.

ADOLESCENCE, s. f. (Physiolog.) est le tems de l’accroissement dans la jeunesse ; ou l’âge qui suit l’enfance, & qui se termine à celui où un homme est formé. Voyez Accroissement & Age. Ce mot vient du latin adolescere, croître.

L’état d’adolescence dure tant que les fibres continuent de croître & d’acquérir de la consistance. Voyez Fibre.

Ce tems se compte ordinairement depuis quatorze ou quinze ans jusqu’à vingt-cinq, quoique, selon les différentes constitutions, il puisse durer plus ou moins.

Les Romains l’appliquoient indistinctement aux garçons & aux filles ; & le comptoient depuis douze ans jusqu’à vingt-cinq pour les uns, & depuis douze jusqu’à vingt-un pour les autres. Voyez Puberté, &c.

Souvent même leurs Écrivains employoient indifféremment les termes de juvenis & adolescens pour toutes sortes de personnes en deçà de quarante-cinq ans.

Lorsque les fibres sont arrivées à un degré de consistance & de tension suffisant pour soûtenir les parties, la matiere de la nutrition devient incapable de les étendre davantage, & par conséquent elles ne sauroient plus croître. Voyez Mort. (H)

* ADOM ou ADON, (Géog. mod.) contrée qui borne la côte d’or de Guinée en Afrique.

* ADONAI, s. m. (Théol.) est, parmi les Hébreux, un des noms de Dieu, & signifie Seigneur. Les Massoretes ont mis sous le nom que l’on lit aujourd’hui Jehova, les points qui conviennent aux consonnes du mot Adonaï, parce qu’il étoit défendu chez les Juifs de prononcer le nom propre de Dieu, & qu’il n’y avoit que le Grand-Prêtre qui eût ce privilége, lorsqu’il entroit dans le Sanctuaire. Les Grecs ont aussi mis le mot Adonaï à tous les endroits où se trouve le nom de Dieu. Le mot Adonaï est dérivé d’une racine qui signifie base & fondement, & convient à Dieu, en ce qu’il est le soûtien de toutes les créatures, & qu’il les gouverne. Les Grecs l’ont traduit par κύριος, & les Latins par Dominus. Il s’est dit aussi quelquefois des hommes, comme dans ce verser du Pseaume 104. Constituit eum Dominum domûs suæ, en parlant des honneurs auxquels Pharaon éleva Joseph, où le texte hébreu porte : Adonaï. Genebrard, le Clerc, Cappel, de nomine Dei Tetragramm. (G)

ADONER, ADONE, terme de Marine, on dit le vent-adone, quand après avoir été contraire, il commence à devenir favorable, & que des rumbs ou airs de vent les plus prêts de la route qu’on doit faire, il se range vers les rumbs de la bouline, & du vent largue. Voyez Bouline. (Z)

* ADONÉE, (Myth.) nom que les Arabes donnoient au Soleil & à Bacchus, qu’ils adoroient. Ils offroient au premier tous les jours de l’encens & des parfums.

ADONIES, ou FESTES ADONIENNES, sub. f. (Myth.) qu’on célébroit anciennement en l’honneur d’Adonis favori de Venus, qui fut tué à la chasse par un sanglier dans les forêts du Mont Liban. Ces fêtes prirent naissance en Phénicie, & passerent delà en Grece. On en faisoit de semblables en Egypte en mémoire d’Osiris, Voici ce que dit Lucien de celles de Byblos en Phénicie : « Toute la Ville au jour marqué pour la solemnité, commençoit à prendre le deuil, & à donner des marques publiques de douleur & d’affliction : on n’entendoit de tous côtés que des pleurs & des gémissemens ; les femmes qui étoient les ministres de ce culte, étoient obligées de se raser la tête, & de se battre la poitrine en courant les rues. L’impie superstition obligeoit celles qui refusoient d’assister à cette cérémonie, à se prostituer pendant un jour, pour employer au culte du nouveau Dieu, l’argent qu’elles gagnoient à cet infame commerce. Au dernier jour de la fête, le deuil se changeoit en joie, & chacun la témoignoit comme si Adonis eût été ressuscité : la premiere partie de cette solemnité s’appelloit ἀφανισμὸς, pendant laquelle on pleuroit le Prince mort ; & la deuxieme εὔρεσις, le retour, où la joie succédoit à la tristesse. Cette cérémonie duroit huit jours, & elle étoit célébrée en même tems dans la basse Egypte. Alors, dit encore Lucien qui en avoit été témoin, les Egyptiens exposoient sur la mer un panier d’osier, qui étant poussé par un vent favorable, arrivoit de lui-même sur les côtes de Phénicie, où les femmes de Byblos, qui l’attendoient avec impatience, l’emportoient dans la Ville, & c’étoit alors que l’affliction publique faisoit place à une joie universelle ». S. Cyrille dit qu’il y avoit dans ce petit vaisseau des lettres par lesquelles les Egyptiens exhortoient les Phéniciens à se réjoüir, parce qu’on avoit retrouvé le Dieu qu’on pleuroit. Meursius a prétendu que ces deux différentes cérémonies faisoient deux fêtes distinctes qui se célébroient à différens tems de l’année, & à six mois l’une de l’autre, parce qu’on croyoit qu’Adonis passoit la moitié de l’année avec Proserpine, & l’autre moitié avec Venus. Les Juifs voisins de la Phénicie & de l’Egypte, & enclins à l’idolatrie, adopterent aussi ce culte d’Adonis. La vision du Prophete Ezechiel, où Dieu lui montre des femmes voluptueuses assises dans le Temple, & qui pleuroient Adonis, & ecce ibi sedebant mulieres plangentes Adonidem, ne permet pas de douter qu’ils ne fussent adonnés à cette superstition. Mém. de l’Acad. des Belles-Lettres. (G)

ADONIQUE ou ADONIEN, adject. (Poës.) sorte de vers fort court, usité dans la poësie Greque & Latine. Il n’est composé que de deux piés, dont le premier est un dactyle, & le second un spondée ou trochée, comme rara juventus.

On croit que son nom vient d’Adonis, favori de Venus, parce que l’on faisoit grand usage de ces sortes de vers dans les lamentations ou fêtes lugubres qu’on célébroit en l’honneur d’Adonis. V. Adonies ou Adoniennes. Ordinairement on en met un à la fin de chaque strophe de vers sapphiques, comme dans celle-ci :

Scandit æratas vitiosa naves
Cura, nec turmas equitum relinquit,
Ocyor cervis & agente nimbos
Ocyor euro. Horat.

Aristophane en entremêloit aussi dans ses comédies avec des vers anapestes. Voyez Anapeste & Saphique. (G)

* Adonis, s. f. (Jardinage.) sorte de renoncule, qui a la feuille de la camomille ; sa fleur est en rose, ses semences sont renfermées dans des capsules oblongues. On en distingue deux especes.

Ray attribue à la graine d’adonis hortensis, flore minore, atro, rubente, la vertu de soulager dans la pierre & dans la colique.

Et mêlée à l’adonis ellebori radice, buphthalmi flore, de tenir la place de l’ellébore même dans les compositions médicinales.

ADOPTIENS, s. m. pl. (Théolog.) hérétiques du huitieme siecle, qui prétendoient que Jesus-Christ, en tant qu’Homme, n’étoit pas fils propre ou fils naturel de Dieu, mais seulement son fils adoptif.

Cette secte s’éleva sous l’empire de Charlemagne vers l’an 783, à cette occasion. Elipand, Archevêque de Tolede, ayant consulté Felix, Evêque d’Urgel, sur la filiation de Jesus-Christ, celui-ci répondit que Jesus-Christ, en tant que Dieu, est véritablement & proprement fils de Dieu, engendré naturellement par le Pere ; mais que Jesus-Christ, en tant qu’Homme ou fils de Marie, n’est que fils adoptif de Dieu ; décision à laquelle Elipand souscrivit.

On tint en 791 un Concile à Narbonne, où la cause des deux évêques Espagnols fut discutée, mais non décidée. Felix ensuite se rétracta, puis revint à ses erreurs ; & Elipand de son côté ayant envoyé à Charlemagne une profession de foi, qui n’étoit pas orthodoxe, ce Prince fit assembler un Concile nombreux à Francfort en 794, où la doctrine de Felix & d’Elipand fut condamnée, de même que dans celui de Forli de l’an 795, & peu de tems encore après dans le Concile tenu à Rome sous le Pape Leon III.

Felix d’Urgel passa sa vie dans une alternative continuelle d’abjurations & de reohûtes, & la termina dans l’hérésie ; il n’en fut pas de même d’Elipand.

Geoffroi de Clairvaux impute la même erreur à Gilbert de la Porée ; & Scot & Durand semblent ne s’être pas tout-à-fait assez éloignés de cette opinion. Wuitasse, Trait. de l’Incarn. part. II. quest. viij. art. i. pag. 216. & suiv. (G)

ADOPTIF, adj. (Jurisprudence.) est la personne adoptée par une autre. Voyez Adoption.

Les enfans adoptifs, chez les Romains, étoient considérés sur le même pié que les enfans ordinaires, & ils entroient dans tous les droits que la naissance donne aux enfans à l’égard de leurs peres. C’est pourquoi il falloit qu’ils fussent institués héritiers ou nommément deshérités par le pere, autrement le testament étoit nul.

L’Empereur Adrien préféroit les enfans adoptifs aux enfans ordinaires, par la raison, disoit-il, que c’est le hasard qui nous donne ceux-ci, au lieu que c’est notre propre choix qui nous donne les autres.

M. Menage a publié un Livre d’éloges ou de vers adressés à cet Empereur, intitulé Liber adoptivus, auquel il a joint quelques autres ouvrages. Heinsius & Furstemberg de Munster ont aussi publié des Livres adoptifs. (H)

ADOPTION, s. f. (Jurisprud. Hist. anc. mod.) est un acte par lequel un homme en fait entrer un autre dans sa famille, comme son propre fils, & lui donne droit à sa succession en cette qualité.

Ce mot vient de adoptare qui signifie la même chose en latin ; d’où on a fait dans la basse latinité adobare, qui signifie faire quelqu’un chevalier, lui ceindre l’épée ; d’où est venu aussi qu’on appelloit miles adobatus un chevalier nouvellement fait ; parce que celui qui l’avoit fait chevalier étoit censé en quelque façon l’avoir adopté. Voyez Chevalier.

Parmi les Hébreux on ne voit pas que l’adoption proprement dite ait été en usage. Moyse n’en dit rien dans ses lois ; & l’adoption que Jacob fit de ses deux petits-fils Ephraïm & Manassé n’est pas proprement une adoption, mais une espece de substitution par laquelle il veut que les deux fils de Joseph ayent chacun leur lot dans Israel, comme s’ils étoient ses propres fils : Vos deux fils, dit-il, seront à moi ; Ephraim & Manassé seront réputés comme Ruben & Simeon : mais comme il ne donne point de partage à Joseph leur frere, toute la grace qu’il lui fait, c’est qu’au lieu d’une part qu’il auroit eu à partager entre Ephraim & Manassé, il lui en donne deux ; l’effet de cette adoption ne tomboit que sur l’accroissement de biens & de partage entre les enfans de Joseph. Genese xlviij. 5. Une autre espece d’adoption usitée dans Israel, consistoit en ce que le frere étoit obligé d’épouser la veuve de son frere décédé sans enfans, ensorte que les enfans qui naissoient de ce mariage étoient censés appartenir au frere défunt, & portoient son nom ; pratique qui étoit en usage avant la Loi, ainsi qu’on le voit dans l’histoire de Thamar. Mais ce n’étoit pas encore la maniere d’adopter connue parmi les Grecs & les Romains. Deut. xxv. 5. Ruth. iv. Matth. xxij. 24. Gen. xviij. La fille de Pharaon adopta le jeune Moyse, & Mardochée adopta Esther pour sa fille. On ignore les cérémonies qui se pratiquoient dans ces occasions, & jusqu’où s’étendoient les droits de l’adoption : mais il est à présumer qu’ils étoient les mêmes que nous voyons dans les lois Romaines ; c’est-à-dire, que les enfans adoptifs partageoient & succédoient avec les enfans naturels ; qu’ils prenoient le nom de celui qui les adoptoit, & passoient sous la puissance paternelle de celui qui les recevoit dans sa famille. Exode II. 10. Esther II. 7. 26.

Par la passion du Sauveur, & par la communication des mérites de sa mort qui nous sont appliqués par le baptême, nous devenons les enfans adoptifs de Dieu, & nous avons part à l’héritage céleste. C’est ce que S. Paul nous enseigne en plusieurs endroits. Vous n’avez pas reçu l’esprit de servitude dans la crainte, mais vous avez reçû l’esprit d’adoption des enfans par lequel vous criez, mon pere, mon pere. Et : Nous attendons l’adoption des enfans de Dieu. Et encore : Dieu nous a envoyé son fils pour racheter ceux qui étoient sous la Loi, afin que nous recevions l’adoption des enfans. Rom. viij. 15. & 23. Galat. iv. 4. & 5.

Parmi les Musulmans la cérémonie de l’adoption se fait en faisant passer celui qui est adopté par dedans la chemise de celui qui l’adopte. C’est pourquoi pour dire adopter en Turc, on dit faire passer quelqu’un par sa chemise ; & parmi eux un enfant adoptif est appellé abiet ogli, fils de l’autre vie, parce qu’il n’a pas été engendré en celle-ci. On remarque parmi les Hébreux quelque chose d’approchant. Élie adopte le Prophete Élisée, & lui communique le don de prophétie, en le revêtant de son manteau : Elias misit pallium suum super illum : & quand Élie fut enlevé dans un chariot de feu, il laissa tomber son manteau, qui fut relevé par Élisée son disciple, son fils spirituel & son successeur dans la fonction de Prophete. D’Herbelot, Bibliot. orient. page 47. III. Reg. xix. 19. IV. Reg. xi. 15.

Moyse revêt Éleasar des habits sacrés d’Aaron, lorsque ce Grand-Prêtre est prêt de se réunir à ses peres, pour montrer qu’Eleazar lui succédoit dans les fonctions du Sacerdoce, & qu’il l’adoptoit en quelque sorte pour l’exercice de cette dignité. Le Seigneur dit à Sobna Capitaine du Temple, qu’il le dépouillera de sa dignité, & en revêtira Éliacim fils d’Helcias. Je le revêtirai de votre tunique, dit le Seigneur, & je le ceindrai de votre ceinture, & je mettrai votre puissance dans sa main. S. Paul en plusieurs endroits dit que les Chrétiens se sont revêtus de Jesus-Christ, qu’ils se sont revêtus de l’homme nouveau, pour marquer l’adoption des enfans de Dieu dont ils sont revêtus dans le baptéme ; ce qui a rapport à la pratique actuelle des Orientaux. num. xx. 26. Isaie xxij. 21. Rom. xiij. Galat. iij. 26. Ephes. iv. 14. Coloss. iij. 10. Calmet, Dictionn. de la Bible, tome 1. lettre A. page 62. (G)

La coûtume d’adopter étoit très-commune chez les anciens Romains, qui avoient une formule expresse pour cet acte : elle leur étoit venue des Grecs, qui l’appelloient υἵωσις, filiation. Voyez Adoptif.

Comme l’adoption étoit une espece d’imitation de la Nature, inventée pour la consolation de ceux qui n’avoient point d’enfans, il n’étoit pas permis aux Eunuques d’adopter, parce qu’ils étoient dans l’impuissance actuelle d’avoir des enfans. V. Eunuque.

Il n’étoit pas permis non plus d’adopter plus âgé que soi ; parce que c’eût été renverser l’ordre de la Nature : il falloit même que celui qui adoptoit eût au moins dix-huit ans de plus que celui qu’il adoptoit, afin qu’il y eût du moins possibilité qu’il fût son pere naturel.

Les Romains avoient deux sortes d’adoption ; l’une qui se faisoit devant le Préteur ; l’autre par l’assemblée du peuple, dans le tems de la République ; & dans la suite par un Rescrit de l’Empereur.

Pour la premiere, qui étoit celle d’un fils de famille, son pere naturel s’adressoit au Préteur, devant lequel il déclaroit qu’il émancipoit son fils, se dépouilloit de l’autorité paternelle qu’il avoit sur lui, & consentoit qu’il passât dans la famille de celui qui l’adoptoit. Voyez Emancipation.

L’autre sorte d’adoption étoit celle d’une personne. qui n’étoit plus sous la puissance paternelle, & s’appelloit adrogation. Voyez Adrogation.

La personne adoptée changeoit de nom & prenoit le prénom, le nom, & le surnom de la personne qui l’adoptoit. Voyez Nom.

L’adoption ne se pratique pas en France. Seulement il y a quelque chose qui y ressemble, & qu’on pourroit appeller une adoption honoraire : c’est l’institution d’un héritier universel, à la charge de porter le nom & les armes de la famille.

Les Romains avoient aussi cette adoption testamentaire : mais elle n’avoit de force qu’autant qu’elle étoit confirmée par le peuple. Voyez Testament.

Dans la suite il s’introduisit une autre sorte d’adoption, qui se faisoit en coupant quelques cheveux à la personne, & les donnant à celui qui l’adoptoit.

Ce fut de cette maniere que le Pape Jean VIII. adopta Boson, Roi d’Arles ; exemple unique, peut-être, dans l’Histoire, d’une adoption faite par un ecclésiastique ; l’usage de l’adoption établi à l’imitation de la Nature ; ne paroissant pas l’autoriser dans des personnes à qui ce seroit un crime d’engendrer naturellement des enfans.

M. Boussac, dans ses Noctes Theologicæ, nous donne plusieurs formes modernes d’adoption, dont quelques-unes se faisoient au baptême, d’autres par l’épée. (H)

La demande en adoption nommée adrogatio étoit conçue en ces termes : Velitis, jubeatis uti L. Valerius Lucio Titio tam lege jureque filius sibi siet, quàm si ex eo patre matreque familias ejus natus esset ; utique ei vitæ necisque in eum potestas siet uti pariundo filio est. Hoc ità, ut dixi, ità vos ; Quirites, rogo. Dans les derniers tems les adoptions se faisoient par la concession des Empereurs. Elles se pratiquoient encore par testament. In imâ cerâ C. Octavium in familiam nomenque adoptavit. Les fils adoptifs prenoient le nom & le surnom de celui qui les adoptoit ; & comme ils abandonnoient en quelque sorte la famille dont ils étoient nés, les Magistrats étoient chargés du soin des dieux Pénates de celui qui quittoit ainsi sa famille pour entrer dans une autre. Comme l’adoption faisoit suivre à l’enfant adoptif la condition de celui qui l’adoptoit, elle donnoit aussi droit au pere adoptif sur toute la famille de l’enfant adopté. Le Sénat au rapport de Tacite condamna & défendit des adoptions feintes dont ceux qui prétendoient aux Charges avoient introduit l’abus afin de multiplier leurs cliens & de se faire élire avec plus de facilité. L’adoption étoit absolument interdite à Athenes en faveur des Magistrats avant qu’ils eussent rendu leurs comptes en sortant de charge. (G & H)

* ADOR & ADOREA, (Myth.) gâteaux faits avec de la farine & du sel, qu’on offroit en sacrifice ; & les sacrifices s’appelloient adorea sacrificia.

ADORATION, s. f. (Théol.) l’action de rendre à un être les honneurs divins. Voyez Dieu.

Ce mot est formé de la préposition Latine ad & de os, la bouche ; ainsi adorare dans sa plus étroite signification veut dire approcher sa main de sa bouche, manum ad os admovere, comme pour la baiser ; parce qu’en effet dans tout l’Orient ce geste est une des plus grandes marques de respect & de soûmission.

Le terme d’adoration est équivoque, & dans plusieurs endroits de l’Ecriture, il est pris pour la marque de vénération que des hommes rendent à d’autres hommes ; comme en cet endroit où il est parlé de la Sunamite dont Elisée ressuscita le fils. Venit illa, & corruit ad pedes ejus, & adoravit super terram. Reg. IV. cap. iv. v. 37.

Mais dans son sens propre, adoration signifie le culte de latrie, qui n’est dû qu’à Dieu. Voyez Culte & Latrie. Celle qu’on prodigue aux idoles s’appelle idolatrie. Voyez Idolatrie.

C’est une expression consacrée dans l’Eglise Catholique, que de nommer adoration le culte qu’on rend, soit à la vraie Croix, soit aux Croix formées à l’image de la vraie Croix. Les Protestans ont censuré cette expression avec un acharnement que ne méritoit pas l’opinion des Catholiques bien entendue. Car suivant la doctrine de l’Eglise Romaine, l’adoration qu’on rend à la vraie Croix, & à celles qui la représentent, n’est que relative à Jesus-Christ l’Homme-Dieu ; elle ne se borne ni à la matiere, ni à la figure de la Croix. C’est une marque de vénération singuliere & plus distinguée pour l’instrument de notre Rédemption, que celle qu’on rend aux autres images, ou aux reliques des Saints. Mais il est visible que cette adoration est d’un genre bien différent, & d’un degré inférieur à celle qu’on rend à Dieu. On peut voir sur cette matiere l’Exposition de la Foi, par M. Bossuet, & décider si l’accusation des Protestans n’est pas sans fondement. V. Latrie, Croix, Saint, Image, Relique.

Adoration, (Hist. mod.) maniere d’élire les Papes, mais qui n’est pas ordinaire. L’élection par adoration se fait lorsque les Cardinaux vont subitement & comme entraînés par un mouvement extraordinaire à l’adoration d’un d’entre eux, & le proclament Pape. Il y a lieu de craindre dans cette sorte d’élection que les premiers qui s’élevent n’entraînent les autres, & ne soient cause de l’élection d’un sujet auquel on n’auroit pas pensé. D’ailleurs quand on ne seroit point entraîné sans réflexion, on se joint pour l’ordinaire volontairement aux premiers, de peur que si l’élection prévaut, on n’encourre la colere de l’élû. Lorsque le Pape est élû, on le place sur l’Autel, & les Cardinaux se prosternent devant lui, ce qu’on appelle aussi l’adoration du Pape, quoique ce terme soit fort impropre, l’action des Cardinaux n’étant qu’une action de respect.

ADORER, v. a. (Théol.) Ce terme pris selon sa signification littérale & étymologique tirée du Latin, signifie proprement porter à sa bouche, baiser sa main, ou baiser quelque chose : mais dans un sentiment de vénération & de culte : si j’ai vû le soleil dans son état, & la lune dans sa clarté, & si j’ai baisé ma main, ce qui est un très-grand péché, c’est-à-dire, si je les ai adoré en baisant ma main à leur aspect. Et dans les Livres des Rois : Je me reserverai sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal, & toutes les bouches qui n’ont pas baisé leurs mains pour l’adorer. Minutius Felix dit que Cecilius passant devant la statue de Séraphis baisa la main, comme c’est la coûtume du peuple superstitieux. Ceux qui adorent, dit S. Jérôme, ont accoûtumé de baiser la main, & de baisser la tête ; & les Hébreux, suivant la propriété de leur Langue, mettent le baiser pour l’adoration ; d’où vient qu’il est dit : baisez le fils, de peur qu’il ne s’irrite, & que vous ne périssiez de la voie de justice, c’est-à-dire, adorez-le, & soûmettez-vous à son empire. Et Pharaon parlant à Joseph : tout mon peuple baisera la main à votre commandement, il recevra vos ordres comme ceux de Dieu ou du Roi. Dans l’Ecriture le terme d’adorer se prend non-seulement pour l’adoration & le culte qui n’est dû qu’à Dieu seul, mais aussi pour les marques de respect extérieures que l’on rend aux Rois, aux Grands, aux Personnes supérieures. Dans l’une & dans l’autre sorte d’adoration, on s’inclinoit profondément, & souvent on se prosternoit jusqu’en terre pour marquer son respect. Abraham adore prosterné jusqu’en terre les trois Anges qui lui apparoissent sous une forme humaine à Mambré. Loth les adore de même à leur arrivée à Sodome. Il y a beaucoup d’apparence que l’un & l’autre ne les prit d’abord que pour des hommes. Abraham adore le peuple d’Hébron : adoravit populum terræ. Il se prosterna en sa présence pour lui demander qu’il lui fit vendre un sépulcre pour enterrer Sara. Les Israélites ayant appris que Moyse étoit envoyé de Dieu pour les délivrer de la servitude des Egyptiens, se prosternerent & adorerent le Seigneur. Il est inutile d’entasser des exemples de ces manieres de parler : ils se trouvent à chaque pas dans l’Ecriture. Job xxxj. 26. 27. III. Reg. xix. 18. Minut. in octav. Hier. contr. Rufin. L. I. Ps. xj. 12. Genes. xlj. 40. Genes. xviij. 2. xix. 7. Exod. iv. 31. Calmet, Dictionn. de la Bibl. tom. I. lett. A. pag. 63.

* Adorer, honorer, revérer ; ces trois verbes s’emploient également pour le culte de Religion & pour le culte Civil. Dans le culte de Religion, on adore Dieu, on honore les Saints, on revere les Reliques & les images. Dans le culte Civil, on adore une maîtresse, on honore les honnêtes gens, on revere les personnes illustres & celles d’un mérite distingué. En fait de Religion, adorer c’est rendre à l’Être suprème un culte de dépendance & d’obéissance : honorer, c’est rendre aux êtres subalternes, mais spirituels, un culte d’invocation : revérer, c’est rendre un culte extérieur de respect & de soin à des êtres matériels, en mémoire des êtres spirituels auxquels ils ont appartenu.

Dans le style profane, on adore en se dévoüant entierement au service de ce qu’on aime, & en admirant jusqu’à ses défauts : on honore par les attentions, les égards, & les politesses : on revere en donnant des marques d’une haute estime & d’une considération au-dessus du commun.

La maniere d’adorer le vrai Dieu ne doit jamais s’écarter de la raison ; parce que Dieu est l’auteur de la raison, & qu’il a voulu qu’on s’en servît même dans les jugemens de ce qu’il convient de faire ou ne pas faire à son égard. On n’honoroit peut-être pas les Saints, ni on ne révéroit peut-être pas leurs images & leurs reliques dans les premiers siecles de l’Eglise, comme on a fait depuis, par l’aversion qu’on portoit à l’idolatrie, & la circonspection qu’on avoit sur un culte dont le précepte n’étoit pas assez formel.

La beauté ne se fait adorer que quand elle est soûtenue des graces ; ce culte ne peut presque jamais être justifié, parce que le caprice & l’injustice sont très-souvent les compagnes de la beauté.

L’éducation du peuple se borne à le faire vivre en paix & familierement avec ses égaux. Le peuple ne sait ce que c’est que s’honorer réciproquement : ce sentiment est d’un état plus haut. La vertu mérite d’être révérée : mais qui la connoît ? Cependant sa place est partout.

ADOS, (Jardinage.) est une terre élevée en talus le long d’un mur à l’exposition du midi, afin d’avancer promptement les pois, les feves, & les autres graines qu’on y seme. Ce moyen est infiniment plus court que de les semer en pleine terre. (K)

ADOSSÉ, adj. terme de Blason, il se dit de deux animaux rampans qui ont le dos l’un contre l’autre, Lions adossés : on le dit généralement de tout ce qui est de longueur, & qui a deux faces différentes, comme les haches, les doloires, les marteaux, &c. Clefs adossées, c’est-à-dire, qui ont leurs pannetons tournés en-dehors, l’un d’un côté & l’autre de l’autre. Haches adossées, marteaux adossés.

Descordes en Hainaut, d’or à deux lions adossés de gueules. (V)

ADOUBLER, v. a. terme de Jeu, se dit au jeu de trictrac aux dames, aux échecs, pour faire connoître qu’on ne touche une piece que pour l’arranger en sa place, & non pas pour la joüer.

* ADOUCIR, mitiger. Le premier diminue la rigueur de la regle par la dispense d’une partie de ce qu’elle prescrit, & par la tolérance des légeres inobservations ; il n’a rapport qu’aux choses passageres & particulieres. Le second diminue la rigueur de la regle par la réforme de ce qu’elle a de rude ou de trop difficile. C’est une constitution, sinon constante, du moins autorisée pour un tems.

Adoucir dépend de la facilité ou de la bonté d’un supérieur : mitiger est l’effet de la réunion des volontés ou de la convention des membres d’un corps, ou de la loi d’un maître, selon le gouvernement.

Adoucir & mitiger ont encore une légere différence qui n’est pas renfermée évidemment dans la distinction qui précede. Exemple : on adoucit les peines d’un ami : on mitige le châtiment d’un coupable.

Adoucir, en Peinture, c’est mêler ou fondre deux ou plusieurs couleurs ensemble avec le pinceau, de façon que le passage de l’une à l’autre paroisse insensible.

On adoucit ou fond la couleur avec toutes sortes de pinceaux, mais particulierement avec ceux qui ne se terminent pas en pointe ; ils sont de poil de putois, de bléreau, de chien, &c.

On se sert encore au même usage d’une autre espece de pinceau qu’on nomme brosse, & qui est de poil de porc.

On adoucit aussi les desseins lavés & faits avec la plume, en affoiblissant la teinte, c’est-à-dire en rendant ses extrémités moins noires. L’on adoucit encore les traits d’un visage en les marquant moins.

Adoucir, dans l’Architecture, c’est l’art de laver un dessein de maniere que les ombres expriment distinctement les corps sphériques d’avec les quadrangulaires, ceux qui donnent sur ces derniers ne devant jamais être adoucis, malgré l’habitude qu’ont la plûpart de nos Dessinateurs de fondre indistinctement leurs ombres ; inadvertance qu’il faut éviter absolument, devant supposer que le bâtiment qu’on veut représenter, reçoit sa lumiere du soleil, & non du jour : car toutes les ombres supposées du jour & non du soleil, n’étant pas décidées, paroissent foibles, incertaines, ôtent l’effet du dessein, mettent l’Artiste dans la nécessité de les adoucir & de négliger les reflets, sans lesquels un dessein géométral ne donne qu’une idée imparfaite de l’exécution. (P)

Adoucir, (en terme d’Epingletier-Aiguilletier) s’entend de l’action d’ôter les traits de la grosse lime avec une plus fine, pour pouvoir polir l’ouvrage plus aisément & plus exactement. Voyez Polir. Il faut observer en adoucissant, d’applatir tant soit peu la place de la chasse.

Le même terme s’emploie aussi dans le même sens parmi les Cloutiers Faiseurs d’aiguilles courbes, lorsqu’ils polissent l’aiguille avec une lime taillée en fin.

Adoucir, en terme d’Orphévrerie, c’est l’action de rendre l’or plus facile à être mis en œuvre, en l’épurant des matieres étrangeres qui le rendoient aigre & cassant. On adoucit l’or en le fondant à diverses reprises, jusqu’à ce que l’on voie qu’il ne travaille plus, & qu’il est tranquille dans le creuset : c’est la marque à laquelle on connoît qu’il est doux.

Adoucir (en terme de Diamantaire) c’est ôter les traits que la poudre a faits sur le diamant en le changeant de place & de sens, sur la roue de fer.

Adoucir, en terme de Doreur sur bois, c’est polir le banc dont la piece est enduite, & enlever les parties excédentes en l’humectant modérément avec une brosse, & la frottant d’abord d’une pierre-ponce avec une peau de chien fort douce, & enfin avec un bâton de soufre. Voyez Planche du Doreur, Fig. 4. qui représente un ouvrier qui adoucit.

Adoucir, terme d’Horlogerie ; il signifie rendre une piece plus douce, soit en la limant avec une lime plus douce, soit en l’usant avec différens corps.

Pour adoucir le laiton, les Horlogers se servent ordinairement de ponce, de pierres douces, & de petites pierres bleues ou d’Angleterre.

Pour l’acier trempé ou non trempé, ils employent l’émeril, & la pierre à l’huile broyée. Voyez Emeril, Pierre à l’huile broyée, &c.

La différence entre un corps poli & adouci, c’est que le premier est brillant, au lieu que le second a un air mat, quoique celui-ci ait souvent bien moins de traits que le premier. (T)

Adoucir, en terme de Fondeurs de plomb, c’est polir le plomb dans le moulin. Voyez Rouler.

* Adoucir, (Teint.) c’est réduire des couleurs trop vives à d’autres de la même espece qui le soient moins. Voyez l’article Teinture.

ADOUCISSEMENT, s. m. se dit, en Peinture, de l’action par laquelle les couleurs ont été fondues, & marque que les traits ne sont point tranchés, & qu’il n’y a point de dureté dans l’ouvrage. L’adoucissement des couleurs rend la peinture plus tendre & plus moëlleuse. Les Peintres disent plus volontiers la fonte des couleurs que l’adoucissement.

Adoucissement, terme d’Architecture, c’est la liaison d’un corps avec un autre corps formé par un congé, comme Palladio a uni la plinthe de ses bases Doriques, Ioniques, & Corinthiennes, avec la corniche de leurs piéd’estaux. Ordinairement toutes les plinthes extérieures d’un bâtiment s’unissent avec le nud des murs par un adoucissement, lorsque l’on veut éviter des retraites qui marquent le fruit que doivent avoir les murs à chaque étage d’un édifice ; quelquefois aussi on ne pratique qu’un talud, glacis, ou chamfrin, pour faire écouler l’eau qui séjourneroit sur la saillie horisontale des plinthes, corniches, impostes, &c. (P)

ADOUÉE, adj. (Fauconnerie.) on dit une perdrix adoüée, pour une perdrix appariée, accouplée.

* ADOUR, (Géog. mod.) riviere de France qui prend sa source aux montagnes de Bigorre, & se jette dans la mer par le Boucaut neuf. Il y a en Gascogne deux autres petites rivieres de même nom qui se jettent dans la premiere.

* ADOUX, venir adoux. (Teinture.) Il se dit des fleurs bleues que jette le pastel mis dans la cuve. Voyez Teint. Le Reglement de 1669 veut que la teinture des draps noirs se fasse avec de fort guesde, & qu’on y mêle six livres d’indigo tout apprêté avec chaque balle de pastel, quand la cuve sera en adoux.

* ADRA, (Géog. mod.) petite ville maritime, & château fort au Royaume de Grenade. Long. 61-25. lat. 36. Il y a encore d’autres villes de ce nom.

* ADRACHNE, s. f. (Bot.) plante commune dans la Candie sur les montagnes de Leuce, & dans d’autres endroits entre des rochers. Elle ressemble plus à un buisson qu’à un arbre : elle est toûjours verte ; sa feuille ressemble à celle du laurier. On ne peut l’en distinguer qu’à l’odorat ; celle de l’adrachne ne sent rien. L’écorce du tronc & des branches est si douce, si éclatante, si rouge, qu’on la prendroit pour du corail. En été elle se fend & tombe en morceaux ; alors l’arbrisseau perd sa couleur rouge, & en reprend une autre qui tient du rouge & du cendré : il fleurit, & porte fruit deux fois l’an. Ce fruit est tout-à-fait semblable à celui de l’arbousier : il est bon à manger ; il vient en grappe, & il est de la couleur & de la grosseur de la framboise.

* ADRAGANT, (la gomme, Hist, nat. Med. & Chim.) c’est un suc gommeux qui est tantôt en filets longs, cylindriques, entortillés de différente maniere, semblables à de petits vers ou à des bandes roulées & repliées de différente maniere ; tantôt en grumeaux blancs, transparens, jaunâtres ou noirâtres, secs, sans goût, sans odeur, un peu gluans. Elle vient de Crete, d’Asie, & de Grece. La bonne est en vermisseaux, blanche comme de la colle de poisson, sans ordures, Elle découle, ou d’elle-même, ou par incision, du tronc & des branches d’une plante appellée tragacantha extica flore parvo, texis purpureis striato. Voyez Tragacantha. La gomme adragant analysée donne du flegme liquide, sans odeur & sans goût, une liqueur flegmatique, roussatre, d’une odeur empyreumatique, d’un goût un peu acide, un peu amer, comme des noyaux de pêche, & donnant des marques d’un acide violent ; une liqueur légerement roussâtre, soit acide, soit urineuse alkaline ; une huile roussâtre, soit subtile, soit épaisse : la masse noire restée au fond de la cornue étoit compacte comme du charbon, & calcinée pendant vingt-huit heures, elle a laissé des cendres grises dont on a tiré par lixiviation du sel alkali fixe. Ainsi la gomme adragant a les mêmes principes, & presqu’en même rapport que la gomme arabique. Voyez gomme Arabique. Elle contient cependant un peu plus de sel acide, moins d’huile & plus de terre : elle ne se dissout ni dans l’huile ni dans l’esprit-de-vin. Elle s’enfle macérée dans l’eau ; elle se raréfie, & se met en un mucilage dense, épais, & se dissolvant à peine dans une grande quantité d’eau ; aussi s’en sert-on pour faire des poudres, & pour réduire le sucre en trochisques, pilules, rotules, gâteaux, tablettes. Elle épaissit les humeurs, diminue le mouvement, enduit de mucosité les parties excoriées, & adoucit par conséquent les humeurs. On l’emploie dans les toux seches & acres, dans l’enrouement, dans les maladies de poitrine causées par l’acreté de la lymphe, dans celles qui viennent de l’acrimonie des urines, dans la dysurie, la strangurie, l’ulcération des reins. On en unit la poudre avec des incrassans & des adoucissans, & on la réduit en mucilage avec l’eau-rose, l’eau de fleur d’orange ; on s’en sert rarement à l’extérieur.

* ADRAMELECH, s. m. (Myth.) faux Dieu des Sépharraïmites, peuples que les Rois d’Assyrie envoyerent dans la Terre-sainte après que Salmanazar eut détruit le Royaume d’Israël. Les adorateurs d’Adramelech faisoient brûler leurs enfans en son honneur. On dit qu’il étoit représenté sous la forme d’un mulet, d’autres disent sous celle d’un paon.

* ADRAMUS, s. m. (Myth.) Dieu particulier à la Sicile, & à la ville d’Adram qui portoit son nom. On l’adoroit dans toute l’Isle, mais spécialement à Adrame.

* ADRASTE, s. f. (Myth.) une des Melisses ou Nymphes qui nourrirent Jupiter dans l’antre de Dicté. V. Melisses.

* ADRASTÉE ou ADRASTIE, s. f. (Myth.) Divinité autrement appellée Nemesis, fille de Jupiter & de la Nécessité, ou, selon Hésiode, de la Nuit : c’étoit la vangeresse des crimes. Elle examinoit les coupables du haut de la sphere de la lune où les Egyptiens l’avoient reléguée.

* Adrastée ou Adrastie, (Géog. anc.) étoit encore le nom d’une ville de la Troade bâtie par Adraste, fils de Mérops.

* ADRESSE, souplesse, finesse, ruse, artifice, considérés comme synonymes.

Adresse, art de conduire ses entreprises de maniere à réussir. Souplesse, disposition à s’accommoder aux conjonctures. Finesse, façon d’agir secrete & cachée. Ruse, voie oblique d’aller à ses fins. Artifice, moyen injuste, recherché, & plein de combinaison, d’exécuter un dessein : les trois premiers se prennent souvent en bonne part ; les deux autres toûjours en mauvaise. L’adresse emploie les moyens ; la souplesse évite les obstacles ; la finesse s’insinue imperceptiblement ; la ruse trompe ; l’artifice surprend. Le Négociateur est adroit ; le Courtisan souple ; l’Espion rusé ; le flateur & le fourbe artificieux. Maniez les affaires difficiles avec adresse : usez de souplesse avec les Grands : soyez fin à la Cour : ne soyez rusé qu’en guerre : laissez l’artifice aux méchans.

Adresse, s. f. (Hist. mod.) expression singulierement usitée en Angleterre, où elle signifie Placet, Requête ou Remontrance présentée au Roi au nom d’un Corps, pour exprimer ou notifier ses sentimens de joie, de satisfaction, &c. dans quelqu’occasion extraordinaire. Ce mot est François : il est formé du verbe adresser, envoyer quelque chose à une personne.

On dit en Angleterre, l’adresse des Lords, l’adresse des Communes. Ces adresses commencerent à avoir lieu sous l’administration d’Olivier Comwell. A Paris, le lieu où s’impriment & se débitent les gazettes est appellé Bureau d’Adresse. (H)

Adresse, s. f. (Comm.) suscription qu’on met sur le dos d’une Lettre missive pour la faire tenir, ou par la poste ou autrement, à la personne à qui elle est adressée.

Cette adresse ou suscription doit contenir les noms, demeure & qualité de celui à qui elle doit être rendue, avec les noms de la Province, de la Ville & du lieu où l’on veut envoyer la Lettre.

Adresse se dit plus ordinairement dans le Commerce de ce qu’on écrit & met sur les balles, ballots, bannes, mannes & futailles remplies de marchandises qu’on envoie au loin par des voituriers. Ces adresses doivent contenir à peu près les mêmes choses que les suscriptions des Lettres. Il y a néanmoins des occasions où il faut ajoûter d’autres circonstances qui leur sont propres. V. Emballage & Emballeur.

Adresse est encore un terme qui a plusieurs autres significations dans le Commerce. On dit : mon adresse est à Lyon chez un tel, pour marquer que c’est là qu’on doit envoyer ce qu’on veut qui me soit rendu. J’ai accepté une Lettre de change payable à l’adresse de M. Nicolas ; ce qui sert comme d’élection de domicile pour le payement de cette Lettre, ou pour les poursuites que le porteur pourroit être obligé de faire, faute d’être acceptée ou payée. Cette Lettre de change est à l’adresse du sieur Simon, pour dire qu’elle est tirée sur lui.

ADRESSER, en terme de Commerce, signifie envoyer des marchandises en quelque lieu ou à quelque personne : par exemple, Je viens d’adresser quatre balles de poivre à Lyon, &c. (G)

* ADRIA ou HADRIA, (Géog. mod.) ville d’Italie qui a donné son nom au golfe Adriatique. Lon. 29. 38. lat. 45. Il y a dans l’Abruzze une autre ville du même nom.

* ADRIANE, s. f. ville de la Province de Cyrene en Afrique, ainsi nommée d’Adrien, Empereur.

ADRIANISTES, s. m. plur. (Théol.) Théodoret met les Adrianistes au nombre des hérétiques qui sortirent de la secte de Simon le Magicien : mais aucun autre Auteur ne parle de ces hérétiques. Théodor. Livre I. Fable hérétiq.

Les sectateurs d’Adrien Hamstedius, un des Novateurs du XVIe siecle, furent appellés de ce nom. Il enseigna premierement dans la Zélande, & puis en Angleterre, qu’il étoit libre de garder les enfans durant quelques années sans leur conférer le baptême ; que Jesus-Christ avoit été formé de la semence de la femme, & qu’il n’avoit fondé la Religion Chrétienne que dans certaines circonstances. Outre ces erreurs, & quelques-autres pleines de blasphèmes, il souscrivoit à toutes celles des Anabaptistes. Pratéole, Sponde, Lindan. (G)

* ADRIATIQUE, la mer (Géog.) c’est le golfe de Venise. Elle est appellée Adriatique, selon Strabon, du fleuve Adria.

Quelques Auteurs donnent encore le nom de mer Adriatique à celle qui est entre la Palestine & la Sicile. D’autres appellent la mer Phénicienne la mer Adriatique.

* ADRIEN, S. (Géog. mod.) petite ville des Pays-Bas en Flandre, sur la Dendre.

ADROGATION, s. f. terme de Droit civil, étoit une sorte d’adoption qui ne différoit de l’adoption simplement dite, qu’en ce qu’il falloit que le sujet adopté par l’adrogation fût affranchi de la puissance paternelle, soit par la mort de son pere naturel, soit par l’émancipation. Elle demandoit aussi un peu plus de solemnité, & ne se pouvoit faire du tems que la République subsistoit, que dans l’assemblée du Peuple, & depuis par un rescrit de l’Empereur. Quant aux effets, ils étoient précisément les mêmes que ceux de l’adoption. Voyez Adoption.

Adrogation se disoit aussi chez les Romains de l’association d’un Patricien dans l’Ordre des Plébeïens, où il se faisoit aggréger, soit pour gagner l’affection du peuple, soit pour parvenir au Tribunat. (H)

ADROIT, adject. (Manége.) se dit d’un cheval qui choisit bien l’endroit où il met son pié en marchant dans un terrein raboteux & difficile. Il y a des chevaux très-mal adroits, & qui font souvent un faux pas dans ces sortes d’occasions, quoiqu’ils aient la jambe très-bonne. (V)

* ADRUMETE, s. f. (Géog. anc. & mod.) ancienne ville d’Afrique, que les Arabes appellent aujourd’hui Hamametha ; elle étoit capitale de la Province de Bysacène.

* ADVENANT, s. m. (Jurisprudence.) c’est la portion légitime des héritages & patrimoine en laquelle une fille peut succéder ab intestat. La quatrieme partie de l’advenant est le plus que l’advenant dont les peres & meres peuvent disposer avant le mariage de leur fils aîné, en faveur de leur fille aînée ou autre fille mariée la premiere, soit en forme de dot, ou par autre don de noces. Ragueau.

ADVENEMENT, s. m. ou Avenement. (Hist. mod.) se dit de l’élevation d’un Prince sur le throne, d’un Pape à la souveraine prélature.

ADVENTICE ou ADVENTIF, adj. m. terme de Jurisprudence, se disent de ce qui arrive ou accroît à quelqu’un ou à quelque chose du dehors. Voyez Accretion. &c.

Ainsi matiere adventive est celle qui n’appartient pas proprement à un corps, mais qui y est jointe fortuitement.

Adventice se dit aussi des biens qui viennent à quelqu’un comme un présent de la fortune, ou par la libéralité d’un étranger, ou par succession collatérale, & non pas par succession directe. V. Biens.

En ce sens adventice est opposé à profectice, qui se dit des biens qui viennent en ligne directe du pere ou de la mere au fils. Voyez Profectice. (H)

ADVERBE, s. m. terme de Grammaire : ce mot est formé de la préposition Latine ad, vers, auprès, & du mot verbe ; parce que l’adverbe se met ordinairement auprès du verbe, auquel il ajoûte quelque modification ou circonstance : il aime constamment, il parle bien, il écrit mal. Les dénominations se tirent de l’usage le plus fréquent : or le service le plus ordinaire des adverbes est de modifier l’action que le verbe signifie, & par conséquent de n’en être pas éloignés ; & voilà pourquoi on les a appellés adverbes, c’est-à-dire mots joints au verbe ; ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait des adverbes qui se rapportent aussi au nom adjectif, au participe & à des noms qualificatifs, tels que roi, pere, &c. car on dit, il m’a paru fort changé ; c’est une femme extrèmement sage & fort aimable ; il est véritablement roi.

En faisant l’énumération des différentes sortes de mots qui entrent dans le discours, je place l’adverbe après la préposition, parce qu’il me paroît que ce qui distingue l’adverbe des autres especes de mots, c’est que l’adverbe vaut autant qu’une préposition & un nom ; il a la valeur d’une préposition avec son complément ; c’est un mot qui abrége ; par exemple, sagement vaut autant que avec sagesse.

Ainsi tout mot qui peut être rendu par une préposition & un nom, est un adverbe ; par consequent ce mot y, quand on dit il y est, ce mot, dis-je, est un adverbe qui vient du Latin ibi ; car il y est est comme si l’on disoit, il est dans ce lieu-là, dans la maison, dans la chambre, &c.

est encore un adverbe qui vient du Latin ubi, que l’on prononçoit oubi, où est-il ? c’est-à-dire, en quel lieu.

Si, quand il n’est pas conjonction conditionnelle, est aussi adverbe, comme quand on dit, elle est si sage, il est si savant ; alors si vient du Latin sic, c’est-à-dire, à ce point, au point que, &c. c’est la valeur ou signification du mot, & non le nombre des syllabes, qui doit faire mettre un mot en telle classe plûtôt qu’en telle autre ; ainsi à est préposition quand il a le sens de la préposition Latine à ou celui de ad, au lieu que a est mis au rang des verbes quand il signifie habet, & alors nos peres écrivoient ha.

Puisque l’adverbe emporte toûjours avec lui la valeur d’une préposition, & que chaque préposition marque une espece de maniere d’être, une sorte de modification dont le mot qui suit la préposition fait une application particuliere ; il est évident que l’adverbe doit ajoûter quelque modification ou quelque circonstance à l’action que le verbe signifie ; par exemple, il a été reçû avec politesse ou poliment.

Il suit encore de-là que l’adverbe n’a pas besoin lui-même de complément ; c’est un mot qui sert à modifier d’autres mots, & qui ne laisse pas l’esprit dans l’attente nécessaire d’un autre mot, comme font le verbe actif & la préposition ; car si je dis du Roi qu’il a donné, on me demandera quoi & à qui. Si je dis de quelqu’un qu’il s’est conduit avec, ou par, ou sans, ces prépositions font attendre leur complément ; au lieu que si je dis, il s’est conduit prudemment, &c. l’esprit n’a plus de question nécessaire à faire par rapport à prudemment : je puis bien à la vérité demander en quoi a consisté cette prudence ; mais ce n’est plus là le sens nécessaire & grammatical.

Pour bien entendre ce que je veux dire, il faut observer que toute proposition qui forme un sens complet est composée de divers sens ou concepts particuliers, qui, par le rapport qu’ils ont entr’eux, forment l’ensemble ou sens complet.

Ces divers sens particuliers, qui sont comme les pierres du bâtiment, ont aussi leur ensemble. Quand je dis le soleil est levé ; voilà un sens complet : mais ce sens complet est composé de deux concepts particuliers : j’ai le concept de soleil, & le concept de est levé : or remarquez que ce dernier concept est composé de deux mots est & levé, & que ce dernier suppose le premier. Pierre dort : voilà deux concepts énoncés par deux mots : mais si je dis, Pierre bat, ce mot bat n’est qu’une partie de mon concept, il faut que j’énonce la personne ou la chose que Pierre bat : Pierre bat Paul ; alors Paul est le complément de bat : bat Paul est le concept entier, mais concept partiel de la préposition Pierre bat Paul.

De même si je dis Pierre est avec, sur, ou dans, ces mots avec, sur, ou dans ne sont que des parties de concept, & ont besoin chacun d’un complément ; or ces mots joints à un complément font un concept, qui, étant énoncé en un seul mot, forme l’adverbe, qui, en tant que concept particulier & tout formé, n’a pas besoin de complément pour être tel concept particulier.

Selon cette notion de l’adverbe, il est évident que les mots qui ne peuvent pas être réduits à une préposition suivie de son complément, sont ou des conjonctions ou des particules qui ont des usages particuliers : mais ces mots ne doivent point être mis dans la classe des adverbes ; ainsi je ne mets pas non, ni oui parmi les adverbes ; non, ne, sont des particules négatives.

A l’égard de oui, je crois que c’est le participe passif du verbe ouir, & que nous disons oui par ellipse, cela est oui, cela est entendu : c’est dans le même sens que les Latins disoient, dictum puto. Ter. Andr. act. I. sc. 1.

Il y a donc autant de sortes d’adverbes qu’il y a d’especes de manieres d’êtres qui peuvent être énoncées par une préposition & son complément, on peut les réduire à certaines classes.

Adverbes de tems. Il y a deux questions de tems, qui se font par des adverbes, & auxquelles on répond ou par des adverbes ou par des prépositions avec un complément.

1. Quando, quand viendrez-vous ? demain, dans trois jours.

2. Quandiu, combien de tems ? tandiu, si long-tems que, autant de tems que.

D. Combien de tems Jesus-Christ a-t-il vêcu ? R. Trente-trois ans : on sous-entend pendant.

Voici encore quelques adverbes de tems : donec jusqu’à ce que ; quotidie tous les jours : on sous-entend la préposition pendant, per : nunc maintenant, présentement, alors, c’est-à-dire à l’heure.

Auparavant : ce mot étant adverbe ne doit point avoir de complément ; ainsi c’est une faute de dire auparavant cela ; il faut dire avant cela, autrefois, dernierement.

Hodie, aujourd’hui, c’est-à-dire au jour de hui, au jour présent ; on disoit autrefois simplement hui, je n’irai hui. Nicod. Hui est encore en usage dans nos provinces méridionales ; heri, hier ; cras, demain ; olim, quondam, alias, autrefois, un jour, pour le passé & pour l’avenir.

Aliquando, quelquefois ; pridie, le jour de devant ; postridie, quasi posterà die, le jour d’après ; perindie, après demain ; mane, le matin ; vespere & vesperi, le soir ; sero, tard ; nudius-tertius, avant-hier, c’est-à-dire, nunc est dies tertius, quartus, quintus, &c. il y a trois, quatre, cinq jours, &c. unquam, quelques jours, avec affirmation ; nunquam, jamais, avec négation ; jam, déjà ; nuper, il n’y a pas long-tems.

Diu, long-tems ; recens & recenter, depuis peu ; jam-dudum, il y a long-tems ; quando, quand ; antehac, ci-devant ; posthac, ci-après ; dehinc, deinceps, à l’avenir ; antea, priùs, auparavant ; antequam, priusquam, avant que ; quoad, donec, jusqu’à ce que ; dum, tandis que ; mox, bien-tôt ; statim, dabord, tout-à-l’heure ; tum, tunc, alors ; etiam-nunc, ou etiam-num, encore maintenant ; jam-tum, dès-lors ; prope-diem, dans peu de tems ; tandem, demum, denique, enfin ; deinceps, à l’avenir ; plerumque, crebro, frequenter, ordinairement, d’ordinaire.

Adverbes de lieu. Il y a quatre manieres d’envisager le lieu : on peut le regarder 1°. comme étant le lieu où l’on est, où l’on demeure ; 2°. comme étant le lieu où l’on va ; 3°. comme étant le lieu par où l’on passe ; 4°. comme étant le lieu d’où l’on vient. C’est ce que les Grammairiens appellent in loco, ad locum, per locum, de loco ; ou autrement, ubi, quo, qua, unde.

1. In loco, ou ubi, où est-il ? il est là ; & , sont adverbes ; car on peut dire en quel lieu ? R. en ce lieu ; hic, ici, où je suis ; istic, où vous êtes ; illic, & ibi, là où il est.

2. Ad locum, ou quò ; ce mot pris aujourd’hui adverbialement, est un ancien accusatif neutre, comme duo & ambo ; il s’est conservé en quocirca, c’est pourquoi, c’est pour cette raison : quò vadis, où allez-vous ? R. Huc, ici ; istuc, là où vous êtes ; illuc, là où il est ; , là.

3. Qua ? qua ibo ? là, où irai-je ? R. hac, par ici ; istac, par là où vous êtes ; illac, par là où il est.

4. Unde ? unde venis ? D’où venez-vous ? hinc, d’ici ; istinc, de-là ; illinc, de-là ; inde, de-là.

Voici encore quelques adverbes de lieu ou de situation ; y, il y est, ailleurs, devant, derriere, dessus, dessous, dedans, dehors, partout, autour.

De quantité : quantum, combien ; multum, beaucoup, qui vient de bella copia, ou selon un beau coup ; parum, peu ; minimum, fort peu ; plus, ou ad plus, davantage ; plurimum, très-fort ; aliquantulum, un peu ; modicè, médiocrement ; largè, amplement ; affatim, abundanter, abundè, copiosè, ubertim, en abondance, à foison, largement.

De qualité : doctè, savamment ; piè, pieusement ; ardenter, ardemment ; sapienter, sagement ; alacriter, gaiement ; benè, bien ; malè, mal ; feliciter, heureusement ; & grand nombre d’autres formés des adjectifs, qui qualifient leurs substantifs.

De maniere : celeriter, promptement ; subitò, tout d’un coup ; lentè, lentement ; festinanter, properè, properanter, à la hâte ; sensim, peu-à-peu ; promiscuè, confusément ; protervè, insolemment ; multifariam, de diverses manieres ; bifariam, en deux manieres : racine, bis & viam, ou faciem, &c.

Utinam peut être regardé comme une interjection, ou comme un adverbe de desir, qui vient de ut, uti, & de la particule explétive nam : nous rendons ce mot par une périphrase, plût à Dieu que.

Il y a des adverbes qui servent à marquer le rapport, ou la relation de ressemblance : ita ut, ainsi que ; quasi, ceu, par un c, ut, uti, velut, veluti, sic, sicut, comme, de la même maniere que ; tanquam, de même que.

D’autres au contraire marquent diversité ; aliter, autrement ; alioquin, cæteroquin, d’ailleurs, autrement.

D’autres adverbes servent à compter combien de fois : semel, une fois ; bis, deux fois ; ter, trois fois, &c. en François, nous sous-entendons ici quelques prépositions, pendant, pour, par trois fois ; quoties, combien de fois ; aliquoties, quelquefois ; quinquies, cinq fois ; centies, cent fois ; millies, mille fois ; iterum, denuò, encore ; saepè, crebrò, souvent ; rarò, rarement.

D’autres sont adverbes de nombre ordinal, primò, premierement ; secundò, secondement, en second lieu : ainsi des autres.

D’interrogation : quare, c’est-à-dire, quâ de re, & par abréviation, cur, quamobrem, ob quam rem, quapropter, pourquoi, pour quel sujet ; quomodò, comment. Il y a aussi des particules qui servent à l’interrogation, an, anne, num, nunquid, nonne, ne, joint à un mot ; vides-ne ? voyez-vous ? ec joint à certains mots, ecquando, quand ? ecquis, qui ? ecqua mulier (Cic.), quelle femme ?

D’affirmation : etiam, ita, ainsi ; certè, certainement ; sanè, vraiment, oui, sans doute : les Anciens disoient aussi Hercle, c’est-à-dire, par Hercule ; Pol, Ædepol, par Pollux ; Næcastor, ou Mecastor, par Castor, &c.

De négation : nullatenus, en aucune maniere ; nequaquam, haudquaquam, neutiquam, minimè, nullement, point du tout ; nusquam, nulle part, en aucun endroit.

De diminution : fermè, ferè, penè, propè, presque ; tantum non, peu s’en faut.

De doute : fors, forte, forsan, forsitan, fortasse, peut-être.

Il y a aussi des adverbes qui servent dans le raisonnement, comme quia, que nous rendons par une préposition & un pronom, suivi du relatif que, parce que, propter illud quod est ; atque ita, ainsi ; atqui, or ; ergo, par conséquent.

Il y a aussi des adverbes qui marquent assemblage : una, simul, ensemble ; conjunctim, conjointement ; pariter, juxta, pareillement : d’autres division : seorsim, seorsum, privatim, à part, en particulier, séparément ; sigillatim, en détail, l’un après l’autre.

D’exception : tantum, tantummodo, solum, solummodo, duntaxat, seulement.

Il y a aussi des mots qui servent dans les comparaisons pour augmenter la signification des adjectifs : par exemple on dit au positif pius, pieux ; magis pius, plus pieux ; maximè pius, très-pieux ; ou fort pieux. Ces mots plus, magis, très-fort, sont aussi considérés comme des adverbes : fort, c’est-à-dire fortement, extrèmement ; très, vient de ter, trois fois ; plus, c’est-à-dire, ad plus, selon une plus grande valeur, &c. minus, moins, est encore un adverbe qui sert aussi à la comparaison.

Il y a des adverbes qui se comparent, surtout les adverbes de qualité, ou qui expriment ce qui est susceptible de plus ou de moins : comme diu, long-tems ; diutius, plus long-tems ; doctè, savamment ; doctius, plus savamment ; doctissimè, très-savamment ; fortiter, vaillamment ; fortiùs, plus vaillamment ; fortissimè, très-vaillamment.

Il y a des mots que certains Grammairiens placent avec les conjonctions, & que d’autres mettent avec les adverbes : mais si ces mots renferment la valeur d’une préposition, & de son complément, comme quia, parce que ; quapropter, c’est pourquoi, &c. ils sont adverbes, & s’ils font de plus l’office de conjonction, nous dirons que ce sont des adverbes conjonctifs.

Il y a plusieurs adjectifs en Latin & en François qui sont pris adverbialement. transversa tuentibus hircis, où transversa est pour transversè, de travers ; il sent bon, il sent mauvais, il voit ciair, il chante juste, parlez bas, parlez haut, frappez fort. (F)

ADVERBIAL, ALE, adjectif, terme de Grammaire ; par exemple, marcher à tâtons, iter prætentare baculo, ou dubio manuum conjectu : à tâtons, est une expression adverbiale ; c’est-à-dire qui est équivalente à un adverbe. Si l’usage avoit établi un seul mot pour exprimer le même sens, ce mot seroit un adverbe ; mais comme ce sens est énoncé en deux mots, on dit que c’est une expression adverbiale. Il en est de même de vis-à vis, & tout-d’un-coup, tout-à-coup, à coup-sûr, qu’on exprime en Latin en un seul mot par des adverbes particuliers, improvisè, subitò, certò, & tout-de-bon, seriò, &c.

ADVERBIALEMENT, adv. c’est-à-dire, à la maniere des adverbes. Par exemple, dans ces façons de parler, tenir bon, tenir ferme ; bon & ferme sont pris adverbialement, constanter perstare : sentir bon, sentir mauvais ; bon & mauvais sont encore pris adverbialement, bene, ou jucundè olere, male olere.

ADVERSATIF, IVE, adj. terme de Grammaire, qui se dit d’une conjonction qui marque quelque différence, quelque restriction ou opposition, entre ce qui suit & ce qui précéde. Ce mot vient du Latin adversus, contraire, opposé.

Mais est une conjonction adversative : il voudroit savoir, mais il n’aime pas l’étude. Cependant, néanmoins, pourtant, sont des adverbes qui font aussi l’office de conjonction adversative.

Il y a cette différence entre les conjonctions adversatives & les disjonctives, que dans les adversatives le premier sens peut subsister sans le second qui lui est opposé ; au lieu qu’avec les disjonctives, l’esprit considere d’abord les deux membres ensemble, & ensuite les divise en donnant l’alternative, en les partageant & les distinguant : c’est le soleil ou la terre qui tourne. C’est vous ou moi. Soit que vous mangiez, soit que vous bûviez. En un mot, l’adversative restraint ou contrarie, au lieu que la disjonctive sépare ou divise. (F)

ADVERSAIRE, s. m. (Jurisprud.) Voyez Antagoniste, Opposant, Combat, Duel, &c.

Ce mot est formé de la préposition latine adversus, contre, composée de ad, vers, & vertere, tourner. Il signifie au Palais la Partie adverse de celui qui est engagé dans un Procès.

ADVERSE, adj. (Partie) terme de Palais, signifie la Partie avec laquelle on est en procès. Voyez ci-dessus Adversaire.

ADVERTISSEMENT, s. m. terme de Palais, pieces d’écritures que fait l’Advocat dans un procès appointé en premiere instance, pour établir l’état de la question, & les moyens tant de fait que de droit.

ADVEU & DÉNOMBREMENT, s. m. terme de Jurisprudence féodale, est un acte que le nouveau vassal est obligé de donner à son Seigneur dans les quarante jours après avoir fait la foi & hommage ; portant qu’il reconnoît tenir de lui tels & tels héritages, dont l’acte doit contenir la description, si ce ne sont des Fiefs, par tenans & aboutissans. On appelle cet acte adveu, parce qu’il emporte reconnoissance que son fief réleve du Seigneur à qui il présente l’adveu.

L’adveu est opposé au desaveu. Voyez ce dernier.

Après le fournissement dudit adveu & dénombrement, le Seigneur a quarante jours pour le blâmer ; lesquels expirés, le vassal le peut retirer d’entre les mains du Seigneur : & alors si le Seigneur ne l’a pas blâmé, il est tenu pour reçû. Voyez Blasme.

Les adveux & dénombremens ne sauroient nuire à un tiers : soit que ce tiers soit un autre Seigneur prétendant la directe sur les héritages mentionnés en l’adveu, ou sur partie d’iceux ; soit que ce fût un autre vassal qui prétendît droit de proprieté sur une portion de ces mêmes héritages ou sur la totalité.

Si l’adveu est blâmé par le Seigneur, le vassal peut être contraint de la réformer par saisie de son fief. Ainsi jugé au Parlement de Paris par Arrêt du 24 Janvier 1642.

L’adveu & dénombrement n’est pas dû comme la foi & hommage à chaque mutation de la part du fief dominant. Cependant si le nouveau Seigneur l’exige, le vassal est obligé de le fournir, quoiqu’il l’ait déja fourni précédemment ; mais ce sera aux frais du Seigneur.

Les Coûtumes sont différentes sur le sujet du dénombrement, tant pour le délai, que pour la peine du vassal qui ne l’a pas fourni à tems. Dans celle de Paris, il a quarante jours, à compter de celui qu’il a été reçu en foi & hommage, au bout desquels, s’il n’y a pas satisfait, le Seigneur peut saisir le fief : mais il ne fait pas les fruits siens ; il doit établir des Commissaires, qui en rendent compte au vassal, après qu’il a satisfait à la Coûtume.

ADVIS, s. m. en terme de Palais, signifie le suffrage des Juges ou Conseillers séans pour la décision d’un procès.

Advis signifie encore, en terme de pratique, le résultat des délibérations de personnes commises par la Justice pour examiner une affaire, & en dire leur sentiment. C’est en ce sens qu’on dit un advis de parens. (H)

ADULTE, s. m. en Anatomie, se dit des corps animés, dont toutes les parties sont parvenues à leur dernier état de perfection.

On peut considérer tout ce qui est relatif aux corps animés, ou dans un sujet adulte, ou dans un corps qui ne commence qu’à se former. Tout ce que nous avons de connoissances sur le fœtus, nous le devons à l’analogie, ou à la comparaison que nous avons faite des visceres & des vaisseaux des jeunes sujets, avec les parties de l’adulte. (L)

Adulte, (Jurisprud.) est une personne arrivée à l’âge de discrétion, ou à l’âge d’adolescence, & qui est assez grande & assez âgée pour avoir des sentimens & du discernement. Voyez Age & Puberté.

Ce mot est formé du participe du verbe latin adolescere, croître. C’est comme qui diroit crû. Voyez Adolescence. (H)

Il y a bien de la différence entre les proportions d’un enfant & celles d’un adulte. Un homme fait comme un fœtus, seroit un monstre, & n’auroit presque pas figure humaine, comme l’a observé M. Dodart. Voyez Fœtus & Embryon.

Les Anabaptistes ne donnent le baptême qu’aux adultes. Voyez Bapteme & Anabaptiste.

ADULTÉRATION, s. f. terme de Droit, est l’action de dépraver & gâter quelque chose qui est pur, en y mêlant d’autres choses qui ne le font pas. Ce mot vient du latin adulterare qui signifie la même chose. Ce n’est pas un mot reçû dans le langage ordinaire : on dit plûtôt altération.

Il y a des lois qui défendent l’adultération du caffé, du thé, du tabac, soit en bout, soit en poudre ; du vin, de la cire, de la poudre à poudrer les cheveux.

C’est un crime capital dans tous les pays d’adultèrer la monnoie courante. Les Anciens le punissoient avec une grande sévérité : les Egyptiens faisoient couper les deux mains aux coupables ; le Droit civil les condamnoit à être exposés aux bêtes ; l’Empereur Tacite ordonna qu’ils seroient punis de mort ; & Constantin, qu’ils seroient réputés criminels de lese-Majesté. Parmi nous, l’adultération des monnoies est un cas pendable. Voyez Monnoie, Espece. (H)

Adultération, (Pharmacie) est l’action de falsifier un médicament, en y ajoûtant quelque chose qui en diminue la vertu, ou en le mêlant avec quelqu’autre qui, ayant la même couleur, n’est pas aussi chere. Les poudres sont sujettes à adultération par la difficulté que l’on a à s’en appercevoir à l’inspection.

Il est d’une conséquence infinie pour les malades de ne point acheter les médicamens des coureurs de pays, qui les vendent adultérés. (N)

ADULTERE, est l’infidélité d’une personne mariée qui au mépris de la foi conjugale qu’elle a jurée, a un commerce charnel avec quelqu’autre que son épouse ou son époux ; ou le crime d’une personne libre avec une autre qui est mariée. Voyez Fornication, Mariage. (H)

Adultere, (Morale.) Je ne mettrai pas ici en question si l’adultere est un crime, & s’il défigure la société. Il n’y a personne qui ne sente en sa conscience que ce n’est pas là une question à faire, s’il n’affecte de s’étourdir par des raisonnemens qui ne sont autres que les subtilités de l’amour propre. Mais une autre question bien digne d’être discutée, & dont la solution emporte aussi celle de la précédente, seroit de savoir lequel des deux fait le plus de tort à la société, ou de celui qui débauche la femme d’autrui, ou de celui qui voit une personne libre, & qui évite d’assurer l’état des enfans par un engagement régulier.

Nous jugeons avec raison, & conformément au sentiment de toutes les Nations, que l’adultere est, après l’homicide, le plus punissable de tous les crimes, parce qu’il est de tous les vols le plus cruel, & un outrage capable d’occasionner les meurtres & les excès les plus déplorables.

L’autre espece de conjonction illégitime ne donne pas lieu communément aux mêmes éclats que l’adultere. Les maux qu’elle fait à la société ne sont pas si apparens : mais ils ne sont pas moins réels, & quoique dans un moindre degré d’énormité, ils sont peut-être beaucoup plus grands par leurs suites.

L’adultere, il est vrai, est l’union de deux cœurs corrompus & pleins d’injustice, qui devroient être un objet d’horreur l’un pour l’autre, par la raison que deux voleurs s’estiment d’autant moins, qu’ils se connoissent mieux. L’adultere peut extrèmement nuire aux enfans qui en proviennent, parce qu’il ne faut attendre pour eux, ni les effets de la tendresse maternelle, de la part d’une femme qui ne voit en eux que des sujets d’inquiétude, ou des reproches d’infidélité ; ni aucune vigilance sur leurs mœurs, de la part d’une mere qui n’a plus de mœurs, & qui a perdu le goût de l’innocence. Mais quoique ce soient là de grands désordres, tant que le mal est secret, la société en souffre peu en apparence : les enfans sont nourris, & reçoivent même une sorte d’éducation honnête. Il n’en est pas de même de l’union passagere des personnes qui sont sans engagement.

Les plaisirs que Dieu a voulu attacher à la société conjugale, tendent à faire croître le genre humain ; & l’effet suit l’institution de la Providence, quand ces plaisirs sont assujettis à une regle : mais la ruine de la fécondité & l’opprobre de la société sont les suites infaillibles des liaisons irrégulieres.

D’abord elles sont la ruine de la fécondité : les femmes qui ne connoissent point de devoirs, aiment peu la qualité de mere, & s’y trouvent trop exposées ; ou si elles le deviennent, elles ne redoutent rien tant que le fruit de leur commerce. On ne voit qu’avec dépit ces malheureux enfans arriver à la lumiere ; il semble qu’ils n’y aient point de droit, & l’on prévient leur naissance par des remedes meurtriers ; ou on les tue après qu’ils ont vu le jour, ou l’on s’en délivre en les exposant. Il se forme de cet amas d’enfans dispersés à l’aventure, une vile populace sans éducation, sans biens, sans profession. L’extrème liberté dans laquelle ils ont toujours vécu, les laisse nécessairement sans principe, sans regle & sans retenue. Souvent le dépit & la rage les saisissent, & pour se vanger de l’abandon où ils se voyent, ils se portent aux excès les plus funestes.

Le moindre des maux que puissent causer ces amours illégitimes, c’est de couvrir la terre de citoyens infortunés, qui périssent sans pouvoir s’allier, & qui n’ont causé que du mal à cette société, où on ne les a vûs qu’avec mépris.

Rien n’est donc plus contraire à l’accroissement & au repos de la société, que la doctrine & le célibat infame de ces faux Philosophes, qu’on écoute dans le monde, & qui ne nous parlent que du bien de la société, pendant qu’ils en ruinent en effet les véritables fondemens. D’une autre part, rien de si salutaire à un Etat, que la doctrine & le zele de l’Eglise, puisqu’elle n’honore le célibat que dans l’intention de voir ceux qui l’embrassent en devenir plus parfaits, & plus utiles aux autres ; qu’elle s’applique à inculquer aux grands comme aux petits, la dignité du mariage, pour les fixer tous dans une sainte & honorable société ; puisqu’enfin c’est elle qui travaille avec inquietude à recouvrer, à nourrir, & à instruire ces enfans, qu’une Philosophie toute bestiale avoit abandonnés.

Les anciens Romains n’avoient point de loi formelle contre l’adultere ; l’accusation & la peine en étoient arbitraires. L’Empereur Auguste fut le premier qui en fit une, qu’il eut le malheur de voir exécuter dans la personne de ses propres enfans : ce fut la loi Julia, qui portoit peine de mort contre les coupables : mais, quoiqu’en vertu de cette loi, l’accusation du crime d’adultere fût publique & permise à tout le monde, il est certain néanmoins que l’adultere a toûjours été consideré plûtôt comme un crime domestique & privé, que comme un crime public ; ensorte qu’on permettoit rarement aux étrangers d’en poursuivre la vengeance, surtout si le mariage étoit paisible, & que le mari ne se plaignît point.

Aussi quelques-uns des Empereurs qui suivirent, abrogerent-ils cette loi qui permettoit aux étrangers l’accusation d’adultere ; parce que cette accusation ne pouvoit être intentée sans mettre de la division entre le mari & la femme, sans mettre l’état des enfans dans l’incertitude, & sans attirer sur le mari le mépris & la risée ; car comme le mari est le principal intéressé à examiner les actions de sa femme, il est à supposer qu’il les examinera avec plus de circonspection que personne ; de sorte que quand il ne dit mot, personne n’est en droit de parler. Voyez Accusation.

Voilà pourquoi la loi en certains cas a établi le mari juge & exécuteur en sa propre cause ; & lui a permis de se venger par lui-même de l’injure qui lui étoit faite, en surprenant dans l’action même les deux coupables qui lui ravissoient l’honneur. Il est vrai que quand le mari faisoit un commerce infame de la débauche de sa femme, ou que témoin de son désordre, il le dissimuloit & le souffroit ; alors l’adultere devenoit un crime public ; & la loi Julia decernoit des peines contre le mari même aussi-bien que contre la femme.

A présent, dans la plûpart des contrées de l’Europe, l’adultere n’est point réputé crime public ; il n’y a que le mari seul qui puisse accuser sa femme : le Ministere public même ne le pourroit pas, à moins qu’il n’y eût un grand scandale.

De plus, quoique le mari qui viole la foi conjugale soit coupable aussi-bien que la femme, il n’est pourtant point permis à celle-ci de l’en accuser, ni de le poursuivre pour raison de ce crime. Voyez Mari, &c.

Socrate rapporte que sous l’Empereur Théodose en l’année 380, une femme convaincue d’adultere, fut livrée, pour punition, à la brutalité de quiconque voulut l’outrager.

Lycurgue punissoit un homme convaincu d’adultere comme un parricide ; les Locriens lui crevoient les yeux ; & la plûpart des peuples orientaux punissent ce crime très-séverement.

Les Saxons anciennement brûloient la femme adultere ; & sur ses cendres ils élevoient un gibet où ils étrangloient le complice. En Angleterre le Roi Edmond punissoit l’adultere comme le meurtre : mais Canut ordonna que la punition de l’homme seroit d’être banni, & celle de la femme d’avoir le nez & les oreilles coupés.

En Espagne on punissoit le coupable par le retranchement des parties qui avoient été l’instrument du crime.

En Pologne, avant que le Christianisme y fût établi, on punissoit l’adultere & la fornication d’une façon bien singuliere. On conduisoit le criminel dans la place publique ; là on l’attachoit avec un crochet par les testicules, lui laissant un rasoir à sa portée ; de sorte qu’il falloit de toute nécessité qu’il se mutilât lui-même pour se dégager ; à moins qu’il n’aimât mieux périr dans cet état.

Le Droit civil, réformé par Justinien, qui sur les remontrances de sa femme Theodora modéra la rigueur de la loi Julia, portoit que la femme fût fouettée & enfermée dans un couvent pour deux ans : & si durant ce tems le mari ne vouloit point se résoudre à la reprendre, on lui coupoit les cheveux & on l’enfermoit pour toute sa vie. C’est là ce qu’on appella authentique, parce que la loi qui contenoit ces dispositions étoit une authentique ou novelle. V. Authentique & Authentiquer.

Les lois concernant l’adultere sont à présent bien mitigées. Toute la peine qu’on inflige à la femme convaincue d’adultere, c’est de la priver de sa dot & de toutes ses conventions matrimoniales, & de la reléguer dans un monastere. On ne la fouette même pas, de peur que si le mari se trouvoit disposé à la reprendre, cet affront public ne l’en détournât.

Cependant les héritiers ne seroient pas reçûs à intenter contre la veuve l’action d’adultere, à l’effet de la priver de ses conventions matrimoniales. Ils pourroient seulement demander qu’elle en fût déchûe, si l’action avoit été intentée par le mari : mais il leur est permis de faire preuve de son impudicité pendant l’an du deuil, à l’effet de la priver de son doüaire. Voyez Deuil.

La femme condamnée pour adultere, ne cesse pas pour cela d’être sous la puissance du mari.

Il y eut un tems où les Lacédemoniens, loin de punir l’adultere, le permettoient, ou au moins le toléroient, à ce que nous dit Plutarque.

L’adultere rend le mariage illicite entre les deux coupables, & forme ce que les Theologiens appellent impedimentum criminis.

Les Grecs & quelques autres Chrétiens d’Orient sont dans le sentiment que l’adultere rompt le lien du mariage ; en sorte que le mari peut sans autre formalité épouser une autre femme. Mais le Concile de Trente, Session XXIV. can. 7. condamne ce sentiment, & anathématise en quelque sorte ceux qui le soûtiennent.

En Angleterre, si une femme mariée abandonne son mari pour vivre avec un adultere, elle perd son doüaire, & ne pourra pas obliger son mari à lui donner quelqu’autre pension :

Sponte virum mulier fugiens, & adultera facta,
Dote suâ careat, nisi sponso sponte retracta.
(H)

* Quelques Astronomes appellent adultere les éclipses du soleil & de la lune, lorsqu’elles arrivent d’une maniere insolite, & qu’il leur plaît de trouver irreguliere ; telles que sont les éclipses horisontales : car quoique le soleil & la lune soient diamétralement opposés alors, ils ne laissent pas de paroître tous deux au-dessus de l’horison ; ce mot n’est plus usité. Voyez Éclipse, Réfraction, &c.

ADULTÉRIN, adj. terme de Droit, se dit des enfans provenus d’un adultere. Voyez Adultere.

Les enfans adultérins sont plus odieux que ceux qui sont nés de personnes libres. Les Romains leur refusoient même la qualité d’enfans naturels, comme si la nature les desavoüoit. Voyez Bastard.

Les bâtards adultérins sont incapables de Bénéfice, s’ils ne sont légitimés ; & il y a des exemples de pareilles légitimations. Voyez Légitimation.

Le mariage subséquent, s’il devient possible par la dissolution du celui du pere ou de la mere de l’enfant adultérin, ou de tous les deux, n’opere point la légitimation ; c’est au contraire un nouveau crime, les Lois canoniques défendant le mariage entre les adulteres, sur-tout s’ils se sont promis l’un à l’autre de le contracter lors de leur adultere. V. Adultere. (H)

ADVOATEUR, s. m. terme usité dans quelques Coûtumes pour signifier celui qui, autorisé par la loi du pays, s’empare des bestiaux qu’il trouve endommageant ses terres. (H)

ADVOCAT, parmi nous, est un Licentié ès Droits immatriculé au Parlement, dont la fonction est de défendre de vive voix ou par écrit les parties qui ont besoin de son assistance.

Ce mot est composé de la préposition Latine ad à & vocare, appeller, comme qui diroit appellé au secours des parties.

Les Advocats à Rome, quant à la plaidoirie, faisoient la même fonction que nos Advocats font au Barreau ; car pour les conseils ils ne s’en mêloient point : c’étoit l’affaire des Jurisconsultes.

Les Romains faisoient un grand cas de la profession d’Advocat : les siéges du Barreau de Rome étoient remplis de Consuls & de Sénateurs, qui se tenoient honorés de la qualité d’Advocats. Ces mêmes bouches qui commandoient au peuple étoient aussi employées à le défendre.

On les appelloit Comites, Honorati, Clarissimi, & même Patroni ; parce qu’on supposoit que leurs cliens ne leur avoient pas de moindres obligations que les esclaves en avoient aux Maîtres qui les avoient affranchis. Voyez Patron & Client.

Mais alors les Advocats ne vendoient point leurs services. Ceux qui aspiroient aux honneurs & aux charges se jettoient dans cette carriere pour gagner l’affection du peuple ; & toûjours ils plaidoient gratuitement : mais lorsque le luxe se fut introduit à Rome, & que la faveur populaire ne servit plus à parvenir aux dignités, leurs talens n’étant plus récompensés par des honneurs ni des emplois, ils devinrent mercenaires par nécessité. La profession d’Advocat devint un métier lucratif ; & quelques-uns pousserent même si loin l’avidité du gain, que le Tribun Cincius, pour y pourvoir, fit une loi appellée de son nom Cincia, par laquelle il étoit expressément défendu aux Advocats de prendre de l’argent de leurs cliens. Frédéric Brummerus a fait un ample Commentaire sur cette loi.

Il avoit déjà été défendu aux Advocats de recevoir aucuns présens pour leurs plaidoyers : l’Empereur Auguste y ajoûta une peine : mais nonobstant toutes ces mesures, le mal étoit tellement enraciné, que l’Empereur Claudius crut avoir fait beaucoup que de leur défendre de prendre plus de dix grands sesterces pour chaque cause ; ce qui revient à 437 liv. 10 s. de notre monnoie.

Il y avoit à Rome deux sortes d’Advocats ; les plaidans & les Jurisconsultes : distinction que nous faisons aussi au Palais entre nos Advocats, dont les uns s’appliquent à la plaidoirie, & les autres se renferment dans la consultation. Il y avoit seulement cette différence que la fonction des Jurisconsultes qui donnoient simplement leurs conseils, étoit distincte de celle des Advocats plaidans, qu’on appelloit simplement Advocats, puisqu’on n’en connoissoit point d’autres. Les Jurisconsultes ne plaidoient point : c’étoit une espece de Magistrature privée & perpétuelle, principalement sous les premiers Empereurs. D’un autre part, les Advocats ne devenoient jamais Jurisconsultes ; au lieu qu’en France les Advocats deviennent Jurisconsultes ; c’est-à-dire, qu’ayant acquis de l’expérience & de la réputation au Barreau, & ne pouvant plus en soûtenir le tumulte & la fatigue, ils deviennent Advocats consultans.

Advocat Général est un Officier de Cour souveraine, à qui les parties communiquent les causes où le Roi, le Public, l’Eglise, des Communautés ou des Mineurs sont intéressés ; & qui après avoir résumé à l’Audience les moyens des Advocats, donne lui-même son avis, & prend des conclusions en faveur de l’une des parties.

L’Advocat Fiscal des Empereurs, Officier institué par Adrien, avoit quelque rapport avec nos Advocats Généraux, car il étoit aussi l’Advocat du Prince, mais spécialement dans les causes concernant le fisc, & ne se mêloit point de celles des particuliers.

Advocat Consistorial, est un Officier de Cour de Rome, dont la fonction est entr’autres de plaider sur les oppositions aux Provisions des Bénéfices en cette Cour : ils sont au nombre de douze. V. Provision.

Advocat d’une Cité ou d’une Ville : c’est dans plusieurs endroits d’Allemagne un Magistrat établi pour l’administration de la Justice dans la ville, au nom de l’Empereur. Voyez Advoué.

Advocat se prend aussi dans un sens plus particulier, dans l’Histoire Ecclésiastique, pour une personne dont la fonction étoit de défendre les droits & les revenus de l’Eglise & des Communautés Religieuses, tant par armes qu’en Justice. Voyez Défenseur, Vidame.

Pris en ce sens, c’est la même chose qu’Advoüé, Défenseur, Conservateur, Œconome, Causidicus, mundiburdus, Tuteur, Acteur, Pasteur lai, Vidame, Scholastique, &c. Voyez Advoué, Œconome, &c.

Il a été employé pour synonyme à Patron ; c’est-à-dire celui qui a l’advouerie ou le droit de présenter en son propre nom. Voyez Patron, Advouerie, Présentation, &c.

Les Abbés & Monasteres ont aussi des Advocats ou Advoüés. Voyez Abbé, &c. (H)

ADVOUATEUR, s. m. terme usité en quelques Coûtumes pour signifier celui qui réclame & reconnoît pour sien du bétail qui a été pris en dommageant les terres d’autrui. (H)

ADVOUÉ, adj. (Jurisprud.) signifioit anciennement l’Advocat, c’est-à-dire, le Patron ou Protecteur d’une Eglise ou Communauté Religieuse.

Ce mot vient, ou du Latin Advocatus, appellé à l’aide, ou de advotare, donner son suffrage pour une chose.

Les Cathédrales, les Abbayes, les Monasteres, & autres Communautés ecclésiastiques, avoient leurs Advoüés. Ainsi Charlemagne prenoit le titre d’Advoüé de Saint Pierre ; le Roi Hugues, de Saint Riquier : & Bollandus fait mention de quelques Lettres du Pape Nicolas, par lesquelles il établissoit le saint Roi Edouard & ses successeurs Advoüés du Monastere de Westminster, & de toutes les Eglises d’Angleterre.

Ces Advoüés étoient les Gardiens, les Protecteurs, & en quelque sorte les Administrateurs du temporel des Eglises ; & c’étoit sous leur autorité que se faisoient tous les contrats concernant ces Eglises. Voyez Défenseurs, &c.

Il paroît même par d’anciennes chartres que les donations qu’on faisoit aux Eglises étoient conférées en la personne des Advoüés.

C’étoient eux qui se présentoient en jugement pour les Eglises dans toutes leurs causes, & qui rendoient la justice pour elles dans tous les lieux où elles avoient jurisdiction.

C’étoient eux qui commandoient les troupes des Eglises en guerre, & qui leur servoient de champions & de duellistes. Voyez Combat, Duel, Champion.

On prétend que cet office fut introduit dès le tems de Stilicon dans le IV. siecle : mais les Bénédictins n’en font remonter l’origine qu’au VIII. act. S. Bened. S. III. P. I. Præf. p. 9. &c.

Dans la suite, les plus grands Seigneurs même firent les fonctions d’Advoüés, & en prirent la qualité, lorsqu’il fallut défendre les Eglises par leurs armes, & les protéger par leur autorité. Ceux de quelques Monasteres prenoient le titre de Conservateurs : mais ce n’étoit autre chose que des Advoüés sous un autre nom. Voyez Conservateur.

Il y eut aussi quelquefois plusieurs Sous-advoüés ou Sous-advocats dans chaque Monastere, ce qui néanmoins fit grand tort aux Monasteres, ces Officiers inférieurs y introduisant de dangereux abus ; aussi furent-ils supprimés au Concile de Rheims en 1148.

A l’exemple de ces Advoüés de l’Eglise, on appella aussi du même nom les maris, les tuteurs, ou autres personnes en général qui prenoient en main la défense d’un autre. Plusieurs villes ont eu aussi leurs Advoüés. On trouve dans l’Histoire les Advoués d’Ausbourg, d’Arras, &c.

Les Vidames prenoient aussi la qualité d’Advoüés ; & c’est ce qui fait que plusieurs Historiens du VIII. siecle confondent ces deux qualités. Voyez Vidame.

Et c’est aussi pourquoi plusieurs grands Seigneurs d’Allemagne, quoique séculiers, portent des mitres en cimier sur leur écu, parce que leurs peres ont porté la qualité d’Advoüés de grandes Eglises. Voyez Mitre & Cimier.

Spelman distingue deux sortes d’Advoüés ecclésiastiques en Angleterre : les uns pour les causes ou procès, qu’il appelle Advocati causarum ; & les autres pour l’administration des domaines, qu’il appelle Advocati soli.

Les premiers étoient nommés par le Roi, & étoient ordinairement des Advocats de profession, intelligens dans les matieres ecclésiastiques.

Les autres qui subsistent encore, & qu’on appelle quelquefois de leur nom primitif Advoüés, mais plus souvent Patrons, étoient & sont encore héréditaires, étant ceux-mêmes qui avoient fondé des Eglises, ou leurs héritiers. Voyez Patrons.

Il y a eu aussi des femmes qui ont porté la qualité d’Advoüées, Advocatissæ ; & en effet le Droit canonique fait mention de quelques-unes qui avoient même droit de présentation dans leurs Eglises que les Advoüés ; & même encore à présent, si le droit de Patronage leur est transmis par succession, elles l’exercent comme les mâles.

Dans un Edit d’Edouard III. Roi d’Angleterre, on trouve le terme d’Advoüé en chef, c’est-à-dire, Patron souverain qui s’entend du Roi, qualité qu’il prend encore à présent, comme le Roi de France la prend dans ses Etats.

Il y a eu aussi des Advoüés de contrées & de provinces. Dans une chartre de 1187, Berthold Duc de Zeringhem est appellé Advoüé de Thuringe ; & dans la notice des Eglises Belgiques publiée par Miræus, le Comte de Louvain est qualifié Advoüé de Brabant. Dans l’onzieme & douzieme siecle, on trouve aussi des Advoüés d’Alsace, de Souabe, &c.

Raymond d’Agiles rapporte qu’après qu’on eut repris Jérusalem sur les Sarrasins, sur la proposition qu’on fit d’élire un Roi, les Evêques soûtinrent, « qu’on ne devoit pas créer un Roi pour une ville où un Dieu avoit souffert & avoit été couronné », non debere ibi eligi Regem ubi Deus & coronatus est, &c. « que c’étoit assez d’élire un Advoüé pour gouverner la Place, &c. ». Et en effet, Dodechin, Abbé Allemand, qui a écrit le voyage à la Terre-sainte du XII. siecle, appelle Godefroy de Bouillon, Advoüé du saint Sépulchre. (H)

ADVOUERIE. s. f. (Jurisprud.) qualité d’Advoüé. Voyez Advoué.

Advouerie signifie entr’autres choses le droit de présenter à un Bénéfice vacant. Voyez Présentation.

En ce sens, il est synonyme à patronage. Voyez Patronage.

La raison pourquoi on a donné au patronage le nom d’advoüerie, c’est qu’anciennement ceux qui avoient droit de présenter à une Eglise, en étoient les Protecteurs & les Bienfaiteurs, ce qu’on exprimoit par le mot Advoüés, Advocati.

Advoüerie pris pour synonyme à patronage, est le droit qu’a un Evêque, un Doyen, ou un Chapitre, ou un Patron laïque, de présenter qui ils veulent à un Bénéfice vacant. V. Vacance & Bénéfice, &c.

L’advoüerie est de deux sortes ; ou personnelle, ou réelle ; personnelle, quand elle suit la personne & est transmissible à ses enfans & à sa famille, sans être annexée à aucun fonds ; réelle, quand elle est attachée à la glebe & à un certain héritage.

On acquiert l’advoüerie ou patronage, en bâtissant une Eglise, ou en la dotant.

Lorsque c’est un laïque qui la bâtit ou la dote, elle est en patronage laïque. Si c’est un Ecclésiastique, il faut encore distinguer ; car s’il l’a fondée ou dotée de son propre patrimoine, c’est un patronage laïque : mais si c’est du bien de l’Eglise qu’elle a été fondée, c’est un patronage ecclésiastique.

Si la famille du fondateur est éteinte, le patronage en appartient au Roi, comme Patron de tous les Bénéfices de ses Etats, si ce n’est les Cures, & autres Bénéfices à charge d’ames qui tombent dans la nomination de l’Ordinaire.

Si le Patron est retranché de l’Eglise, ou par l’excommunication, ou par l’hérésie, le patronage dort & n’est pas perdu pour le Patron, qui recommencera à en exercer les droits dès qu’il sera rentré dans le sein de l’Eglise. En attendant, c’est le Roi ou l’Ordinaire qui pourvoient aux Bénéfices vacans à sa présentation. Voyez Patron.

ADUSTE, adj. en Medecine, s’applique aux humeurs qui, pour avoir été long-tems échauffées, sont devenues comme brûlées. (Ce mot vient du Latin adustus, brûlé). On met la bile au rang de ces humeurs adustes ; & la mélancholie n’est à ce que l’on croit qu’une bile noire & aduste. Voyez Bile, Mélancholie, &c.

On dit que le sang est aduste, lorsqu’ayant été extraordinairement échauffé, ses parties les plus subtiles se sont dissipées, & n’ont laissé que les plus grossieres à demi brûlées pour ainsi dire, & avec toutes leurs impuretés : la chaleur raréfiant le sang, ses parties aqueuses & séreuses s’atténuent & s’envolent, & il ne reste que la partie fibreuse avec la globuleuse, concentrée & dépouillée de son véhicule ; c’est alors que se forme tantôt cette couenne, tantôt ce rouge brillant que l’on remarque au sang qui est dans une palette. Cet état des humeurs se rencontre dans les fievres & les inflammations, & demande par conséquent que l’on ôte la cause en restituant au sang le véhicule dont il a besoin pour circuler. Le remede le plus efficace alors est l’usage des délayans ou aqueux, tempérés par les adoucissans. Voyez Sang & Humeur, &c. (N)

* ADY. Voyez Palmier.

ADYTUM, s. ἀδύτον, (Hist. anc.) terme dont les Anciens se servoient pour désigner un endroit au fond de leurs Temples, où il n’étoit permis qu’aux Prêtres d’entrer ; c’étoit le lieu d’où partoient les Oracles.

Ce mot est Grec d’origine, & signifie inaccessible : il est composé d’ privatif & de δύω ou δύνω, entrer.

Parmi les Juifs, le tabernacle où reposoit l’Arche d’Alliance, & dans le Temple de Salomon le Saint des Saints, étoient les lieux où Dieu manifestoit particulierement sa volonté : il n’étoit permis qu’au Grand-Prêtre d’y entrer, & cela une seule fois l’année. (G)

Æ   A E

Æ. (Gramm.) Cette figure n’est aujourd’hui qu’une diphthongue aux yeux, parce que quoiqu’elle soit composée de a & de e, on ne lui donne dans la prononciation que le son de l’e simple ou commun, & même on ne l’a pas conservée dans l’orthographe Françoise : ainsi on écrit César, Enée, Enéide, Equateur, Equinoxe, Eole, Préfet, Préposition, &c.

Comme on ne fait point entendre dans la prononciation le son de l’a & de l’e en une seule syllabe, on ne doit pas dire que cette figure soit une diphthongue.

On prononce a-éré, exposé à l’air, & de même a-érien : ainsi a-é ne sont point une diphthongue en ces mots, puisque l’a & l’e y sont prononcés chacun séparément en syllabes particulieres.

Nos anciens Auteurs ont écrit par æ le son de l’ai prononcé comme un ê ouvert : ainsi on trouve dans plusieurs anciens Poëtes l’ær au lieu de l’air, aer, & de même æles pour aîles ; ce qui est bien plus raisonnable que la pratique de ceux qui écrivent par ai le son de l’é ouvert, Français, connaître. On a écrit connoître dans le tems que l’on prononçoit connoître ; la prononciation a changé, l’orthographe est demeurée dans les Livres ; si vous voulez réformer cette orthographe & la rapprocher de la prononciation présente, ne réformez pas un abus par un autre encore plus grand : car ai n’est point fait pour représenter ê. Par exemple, l’interjection hai, hai, hai, bail, mail, &c. est la prononciation du Grec ταῖς, μούσαις.

Que si on prononce par ê la diphthongue oculaire ai en palais, &c. c’est qu’autrefois on prononçoit l’a & l’i en ces mots-là ; usage qui se conserve encore dans nos Provinces méridionales : de sorte que je ne vois pas plus de raison de réformer François par Français, qu’il y en auroit à réformer palais par palois.

En Latin æ & ai étoient de véritables diphthongues, où l’a conservoit toûjours un son plein & entier, comme Plutarque l’a remarqué dans son Traité des Festins, ainsi ai que nous entendons le son de l’a dans notre interjection, hai, hai, hai ! Le son de l’e ou de l’i étoit alors très-foible, & c’est à cause de cela qu’on écrivoit autrefois par ai ce que depuis on a écrit par æ, Musai ensuite Musæ, Kaisar & Cæsar. Voyez la Méthode Latine de P. R. (F)

ÆDES, f. (Hist. anc.) chez les anciens Romains, pris dans un sens général, signifioit un bâtiment, une maison, l’intérieur du logis, l’endroit même où l’on mangeoit, si l’on adopte cette étymologie de Valafridus Strabon : potest enim fieri ut ædes ad edendum in eis, ut cænacula ad cænandum primo sint factæ.

Le même mot dans un sens plus étroit, signifie une Chapelle ou sorte de Temple du second ordre, non consacré par les augures comme l’étoient les grands édifices proprement appellés Temples. On trouve dans les anciennes descriptions de Rome, & dans les Auteurs de la pure Latinité : Ædes Fortunæ, Ædes Herculis, Ædes Juturnæ. Peut-être ces Temples n’étoient-ils affectés qu’aux dieux du second ordre ou demi-dieux. Le fond des Temples où se rencontroit l’autel & la statue du dieu, se nommoit proprement Ædicula, diminutif d’Ædes.

ÆGILOPS, terme de Chirurgie, signifie un ulcere au grand angle de l’œil. La cause de cette maladie est une tumeur inflammatoire qui a suppuré & qui s’est ouverte d’elle-même. On confond mal-à-propos l’ægilops avec la fistule lachrymale. L’ægilops n’attaquant point le sac ou reservoir des larmes, n’est point une maladie lachrymale. Voyez Anchilops.

La cure de l’ægilops ne differe point de celle des ulceres. Voyez Ulcere. (Y)

* Ægilops. Voyez Yeuse.

* ÆGIUCHUS, (Myth.) surnom de Jupiter, sous lequel les Romains l’honoroient quelquefois en mémoire de ce qu’il avoit été nourri par une chevre.

* ÆGOCEROS, (Myth.) Pan mis par les dieux au rang des astres, se métamorphosa lui-même en chevre, ce qui le fit surnommer ægoceros.

ÆGOLETHRON, plante décrite par Pline. Il paroît que c’est celle que Tournefort a décrit sous le nom de chamærododendros Pontica maxima mespili folio, flore luteo.

Cette plante croît dans la Colchide, & les abeilles sucent sa fleur : mais le miel qu’elles en tirent rend furieux ou ivres ceux qui en mangent, comme il arriva à l’armée des dix mille à l’approche de Trebisonde, au rapport de Xenophon ; ces soldats ayant mangé de ce miel, il leur prit un vomissement & une diarrhée suivis de rêveries, de sorte que les moins malades ressembloient à des ivrognes ou à des furieux, & les autres à des moribonds : cependant personne n’en mourut, quoique la terre parût jonchée de corps comme après une bataille ; & le mal cessa le lendemain, environ à l’heure qu’il avoit commencé ; de sorte que les soldats se leverent le troisieme & le quatrieme jour, mais en l’état que l’on est après avoir pris une forte medecine. La fleur de cet arbrisseau est comme celle du chevrefeuille, mais bien plus forte, au rapport du Pere Lamberti, Missionnaire Théatin. Mémoires de l’Académie Royale des Sciences 1704. (N)

* Voici les caracteres de cette plante. Elle s’éleve à cinq ou six piés : son tronc est accompagné de plusieurs tiges menues, divisées en branches inégales, foibles & cassantes, blanches en dedans, couvertes d’une écorce grisâtre & lisse, excepté à leurs extrémités où elles sont velues. Elles portent des touffes de feuilles assez semblables à celles du néflier des bois. Ces feuilles sont longues de quatre pouces, sur un pouce & demi de largeur vers le milieu, aiguës par les deux bouts, mais sur-tout par celui d’embas, de couleur verd gai, & légerement velues, excepté sur les bords où leurs poils forment une espece de sourcil. Elles ont la côte assez forte, & cette côte se distribue en nervures sur toute leur surface. Elle n’est qu’un prolongement de la queue des feuilles, qui n’a le plus souvent que trois ou quatre lignes de longueur sur une ligne d’épaisseur. Les fleurs naissent rassemblées au nombre de dix-huit ou vingt. Elles forment des bouquets à l’extrémité des branches, où elles sont soûtenues par des pédicules d’un pouce de long, velus, & naissans des aisselles de petites feuilles membraneuses, blanchâtres, longues de sept à huit lignes sur trois de large. Chaque fleur est un tube de deux lignes & demie de diametre, légerement canelé, velu, jaune, tirant sur le verd. Il s’évase au-delà d’un pouce de diametre, & se divise en cinq portions dont celle du milieu a plus d’un pouce de long sur presqu’autant de largeur : elle est refleurie en arriere ainsi que les autres, & terminée en arcade gothique. Sa couleur est le jaune pâle, doré vers le milieu ; les autres portions sont plus étroites & plus courtes, mais pareillement jaunes pâles. La fleur entiere est ouverte par derriere, & s’articule avec un pistil pyramidal, cannelé, long de deux lignes, verd blanchâtre, légerement velu, garni d’un filet courbe, long de deux pouces, & terminé par un bouton verd pâle. Des environs de l’ouverture de la fleur sortent cinq étamines plus courtes que le pistil, inégales, courbes, chargées de sommets longs d’une ligne & demie, & chargés d’une poussiere jaunâtre. Les étamines sont aussi de cette couleur : elles sont velues depuis leur origine jusques vers leur milieu, & toutes les fleurs sont inclinées comme celles de la fraxinelle. Le pistil devient dans la suite un fruit d’environ quinze lignes de long, sur six ou sept lignes de diametre. Il est relevé de cinq côtés, dur, brun & pointu. Il s’ouvre de l’une à l’autre extrémité en sept ou huit endroits creusés en gouttieres ; ces goutieres vont se terminer sur un axe qui traverse le fruit dont il occupe le milieu ; cet axe est cannelé, & distribue l’intérieur du fruit en autant de loges qu’il y a de gouttieres à l’extérieur.

C’est ainsi que M. Tournefort caractérise cette plante, dont les Anciens ont connu les propriétés dangereuses.

* ÆGOPHAGE, (Myth.) Junon fut ainsi surnommée des chevres qu’on lui sacrifioit.

ÆGYPTE. Voyez Egypte.

* ÆLURUS, (Myth.) Dieu des chats. Il est représenté dans les antiques Egyptiennes, tantôt en chat, tantôt en homme à tête de chat.

AEM ou AM, (Commerce.) mesure dont on se sert à Amsterdam pour les liquides. L’aem est de quatre ankers, l’anker de deux stekans ou trente-deux mingles ou mingelles, & le mingle revient à deux pintes, mesure de Paris. Six aems font un tonneau de quatre bariques de Bordeaux, dont chaque barique rend à Amsterdam douze stekans & demi, ce qui fait 50 stekans le tonneau, ou 800 mingles vin & lie ; ce qui peut revenir à 1600 pintes de Paris ; & par conséquent l’aem revient à 250 ou 260 pintes de Paris.

Aem, Am ou Ame. (Commerce.) Cette mesure pour les liqueurs qui est en usage dans presque toute l’Allemagne, n’est pourtant pas la même que celle d’Amsterdam, quoiqu’elle en porte le nom, ou un approchant ; & elle n’est pas même semblable dans toutes les villes d’Allemagne. L’ame communément est de 20 vertels, ou de 80 masses. A Heydelberg elle est de 12 vertels, & le vertel de 4 masses, ce qui réduit l’ame à 48 masses. Et dans le Wirtemberg l’ame est de 16 yunes, & l’yune de 10 masses, ce qui fait monter l’ame jusqu’à 160 masses. (G)

* ÆON, (Myth.) la premiere femme créée, dans le système des Phéniciens. Elle apprit à ses enfans à prendre des fruits pour leur nourriture, à ce que dit Sanchoniathon.

* ÆORA ou GESTATION, (Hist. anc. gymnast.) Voyez Gestation.

* ÆREA, (Myt.) Diane fut ainsi surnommée d’une montagne de l’Argolide où on lui rendoit un culte particulier.

* AÉRER, v. act. (Archit.) donner de l’air à un bâtiment. Il a fait percer sa galerie des deux côtés pour l’aérer davantage. Ce terme est de peu d’usage ; & l’on dit plûtôt mettre en bel air.

Aérer, (Chasse.) se dit des oiseaux de proie qui font leurs aires ou leurs nids sur les rochers.

AÉRIEN, adj. qui est d’air ou qui concerne l’air. Voyez Air.

Les Esseniens qui étoient chez les Juifs, la secte la plus subtile & la plus raisonnable, tenoient que l’ame humaine étoit une substance aérienne. Voyez Esseniens.

Les bons ou les mauvais Anges qui apparoissoient autrefois aux hommes, prenoient, dit-on, un corps aérien pour se rendre sensibles. Voyez Ange.

Porphyre & Jamblique admettoient une sorte de Démons aériens à qui ils donnoient différens noms. Voyez Démon, Génie, &c.

Les Rosecroix, ou confreres de la Rosecroix, & autres Visionnaires, peuplent toute l’atmosphere d’habitans aériens. Voyez Rosecroix, Gnome, &c. (G)

* AERIENNE, (Myt.) surnom donné à Junon, qui passoit pour la Déesse des airs.

AERIENS, adj. pris sub. (Théol.) Sectaires du ive siecle qui furent ainsi appellés d’Aérius, Prêtre d’Arménie, leur chef. Les Aériens avoient à peu près les mêmes sentimens sur la Trinité que les Ariens : mais ils avoient de plus quelques dogmes qui leur étoient propres & particuliers : par exemple, que l’épiscopat est l’extension du caractere sacerdotal, pour pouvoir exercer certaines fonctions particulieres que les simples Prêtres ne peuvent exercer. Voyez Evêque, Prêtre, &c. Ils fondoient ce sentiment sur plusieurs passages de S. Paul, & singulierement sur celui de la premiere Epître à Timothée, chap. IV. v. 14. où l’Apôtre l’exhorte à ne pas négliger le don qu’il a reçu par l’imposition des mains des Prêtres. Sur quoi Aérius observe qu’il n’est pas là question d’Evêques, & qu’il est clair par ce passage que Timothée reçut l’ordination des Prêtres. V. Ordination.

S. Epiphane, Héres. 75. s’éleve avec force contre les Aériens en faveur de la supériorité des Evêques. Il observe judicieusement que le mot Presbyterii, dans S. Paul, renferme les deux ordres d’Evêques & de Prêtres, tout le Sénat, toute l’assemblée des Ecclésiastiques d’un même endroit, & que c’étoit dans une pareille assemblée que Timothée avoit été ordonné. Voyez Presbytere.

Les disciples d’Aérius soûtenoient encore après leur Maître que la priere pour les morts étoit inutile, que les jeûnes établis par l’Eglise, & sur-tout ceux du Mercredi, du Vendredi & du Carême étoient superstitieux, qu’il falloit plûtôt jeûner le Dimanche que les autres jours, & qu’on ne devoit plus célébrer la Pâque. Ils appelloient par mépris Antiquaires les fideles attachés aux cérémonies prescrites par l’Eglise & aux traditions ecclésiastiques. Les Ariens se réunirent aux Catholiques pour combattre les rêveries de cette secte, qui ne subsista pas long-tems. S. Epiphane, Hæres. 757. Onuphre, in Chronic. ad ann. christ. 349. Tillemont, Hist. Ecclesiast. tome 9. (G)

AÉROLOGIE, s. f. (Med.) traité ou raisonnement sur l’air, ses propriétés, & ses bonnes ou mauvaises qualités. On ne peut réussir dans la pratique de la Medecine sans la connoissance de l’aérologie ; c’est par elle qu’on s’instruit des impressions de l’air & de ses différens effets sur le corps humain. Voyez Air. (N)

AÉROMANTIE, s. f. (Divin. Hist. anc.) sorte de divination qui se faisoit par le moyen de l’air & par l’inspection des phénomenes qui y arrivoient. Aristophane en parle dans sa Comédie des Nuées. Elle se subdivise en plusieurs especes, selon Delrio. Celle qui se fait par l’observation des météores, comme le tonnerre, la foudre, les éclairs, se rapporte aux augures. Elle fait partie de l’Astrologie, quand elle s’attache aux aspects heureux ou malheureux des Planetes ; & à la Teratoscopie, quand elle tire des présages de l’apparition de quelques spectres qu’on a vûs dans les airs, tels que des armées, des cavaliers, & autres prodiges dont parlent les Historiens. L’aéromantie proprement dite étoit celle où l’on conjuroit l’air pour en tirer des présages. Cardan a écrit sur cette matiere. Voyez Delrio, disquisit. magicar. lib. IV. cap. ij. quæst. vj. sect. 4. page 547.

Ce mot est formé du Grec ἀὴρ, air, & μαντεία, divination. (G)

AÉROMÉTRIE. Voyez AIROMÉTRIE.

AEROPHOBIE, s. f. (Med.) crainte de l’air, symptomes de phrénésie. Voyez Phrénesie. (N)

* AERSCHOT, (Géog. mod.) ville des Pays-Bas dans le Duché de Brabant sur la riviere de Demere. Long. 26. 10. lat. 51. 4.

* ÆS, ÆSCULANUS, ÆRES, (Myt.) nom de la divinité qui présidoit à la fabrication des monnoies de cuivre. On la représentoit debout avec l’habillement ordinaire aux déesses, la main gauche sur la haste pure, dans la main droite une balance. Æsculanus étoit, disoit-on, pere du dieu Argentin.

* ÆS USTUM ou CUIVRE BRULÉ, préparation de Chymie médicinale. Mettez dans un vaisseau de terre de vieilles lames de cuivre, du soufre & du sel commun en parties égales ; arrangez-les couche sur couche ; couvrez le vaisseau ; lutez la jointure du couvercle avec le vaisseau, ne laissant qu’un petit soûpirail ; faites du feu autour & calcinez-la matiere. Ou, faites rougir une lame de cuivre ; éteignez-la dans du vinaigre ; réitérez sept fois la même opération ; broyez le cuivre brûlé ; réduisez-le en poudre fine que vous laverez légerement dans de l’eau, & vous aurez l’æs ustum. On recommande ce remede pour les luxations, les fractures & les contusions. On le fait prendre dans du vin : mais l’usage interne en est suspect. C’est à l’extérieur un bon détersif.

ÆTHER des Chimistes, & ÆTHERÉ. V. Éther & Étheré.

* ÆTHON, (Myth.) un des quatre chevaux du Soleil qui précipiterent Phaéton, selon Ovide. Claudien donne le même nom à un des chevaux de Pluton. Le premier vient d’αἴθειν, brûler ; & l’autre vient d’αἰθὸς, noir.

AÉTIENS, s. m. pl. (Théol.) hérétiques du jv. siecle, ainsi nommés d’Aëtius leur chef, surnommé l’Impie ou l’Athée, natif de la Célésyrie aux environs d’Antioche ou d’Antioche même. Il joignoit à la plus vile extraction les mœurs les plus débordées : fils d’un pere qui périt par une mort infame, il fut dans ses premieres années esclave de la femme d’un vigneron : sorti de servitude, il apprit le métier de Forgeron ou d’Orfevre, puis exerça-celui de Sophiste : de là successivement Medecin, ou plûtôt charlatan ; Diacre & déposé du Diaconat ; détesté de Constance & flétri par plusieurs exils ; enfin chéri de Gallus & rappellé par Julien l’Apostat, sous le regne duquel il fut ordonné Evêque. Il fut d’abord sectateur d’Arius, & se fit ensuite chef de parti. Tillemont, tom. VI. art. lxv. pag. 405. & suiv.

Les Aëtiens imbus de ses erreurs, étoient une branche d’Ariens plus outrés que les autres, & soûtenoient que le Fils & le Saint-Esprit étoient en tout différens du Pere. Ils furent encore appellés Eunoméens d’Eunome, un des principaux Disciples d’Aëtius ; Hétérousiens, Anoméens, Exoucontiens, Troglytes ou Troglodytes, Exocionites & purs Ariens. Voyez tous ces mots sous leurs titres. (G)

AETITE, AETITES, s. f. (Hist. nat.) minéral connu communément sous le nom de Pierre d’aigle. Voyez Pierre d’aigle. (I)

A F

AFFAIRE, s. f. (Jurisp.) en terme de Pratique est synonyme à procès. Voyez Procès. (H)

Affaire, (Commerce.) terme qui dans le Commerce a plusieurs significations.

Quelquefois il se prend pour marché, achat, traité, convention, mais également en bonne & en mauvaise part, suivant ce qu’on y ajoûte pour en fixer le sens : ainsi selon qu’un marché est avantageux ou desavantageux, on dit qu’un Marchand a fait une bonne ou une mauvaise affaire.

Quelquefois affaire se prend pour la fortune d’un Marchand ; & selon qu’il fait des gains ou des pertes considérables, qu’il est riche, sans dettes, ou endetté, on dit qu’il est bien ou mal dans ses affaires.

Entendre ses affaires, c’est se bien conduire dans son négoce ; entendre les affaires, c’est entendre la chicane, la conduite d’un procès ; mettre ordre à ses affaires, c’est les régler, payer ses dettes, &c. On dit en proverbe que qui fait ses affaires par Procureur, va en personne à l’hôpital. Savary, Dict. du Comm. tom. I. page. 579. (G)

Affaire, terme de Fauconnerie ; on dit c’est un oiseau de bonne affaire, pour dire, c’est un oiseau bien dressé pour le vol, bien duit à la volerie.

AFFAISSÉ, adj. terme d’Architecture. On dit qu’un bâtiment est affaissé, lorsqu’étant fondé sur un terrain de mauvaise consistance, son poids l’a fait baisser inégalement ; ou qu’étant vieux, il menace ruine.

On dit aussi qu’un plancher est affaissé, lorsqu’il n’est plus de niveau ; on en dit autant d’un pié droit, d’une jambe sous poutre, lorsque sa charge ou sa vétusté l’a mise hors d’aplomb, &c. Voyez Niveau. (P)

* AFFAISSEMENT, s. m. (Med.) maladie. Boerhaave distingue cinq especes de maladies, relatives aux cavités retrécies, & l’affaissement en est une. « Il faut rapporter ici, dit ce grand Medecin, l’affaissement des vaisseaux produit par leur inanition, ce qui détruit leur cavité. N’oublions pas, ajoûte-t-il, ce qui peut arriver à ceux qui trop détendus par une matiere morbifique, se vuident tout-à-coup par une trop grande évacuation. Rapportons encore ici la trop grande contraction occasionnée par l’action excessive des fibres orbiculaires » ; ce qui soûdivise l’affaissement en trois branches différentes. Exemple de l’affaissement de la seconde sorte : si quelqu’un est attaqué d’une hydropisie anasarque, la maladie a son siége dans le pannicule adipeux, que l’eau épanchée distend au point d’augmenter le volume des membres dix fois plus que dans l’état de santé. Si dans cet état on se brûle les jambes, il s’écoulera une grande quantité d’eau qui étoit en stagnation ; cette eau s’écoulant, il s’ensuivra l’affaissement ; les parties deviendront si flasques, que les parties du bas-ventre en pourront contracter des adhérences, comme il est arrivé quelquefois. Cet affaissement suppose donc toûjours distension. Voyez Instit. Med. de Boerhaave en François, & Comment.

Affaissement des terres. Quelquefois une portion considérable de terre, au-dessous de laquelle il y a une espace vuide, s’enfonce tout d’un coup, ce qu’on appelle s’affaisser : cela arrive surtout dans les montagnes. Voyez Caverne. (O)

Affaissement, (Jardinage.) s’emploie en parlant des terres rapportées qui viennent à s’abbaisser ; ainsi que d’une couche dont on n’a pas eu soin de bien fouler le fumier. (K)

AFFAISSER, s’abaisser, (Jardinage.) Lorsque les terres ne sont pas assez solides, ou que les eaux passent par-dessus les bords d’un bassin, souvent le niveau s’affaisse, & le bassin s’écroule. (K)

Affaisser, v. a. terme de Fauconn. c’est dresser des oiseaux de proie à voler & revenir sur le poing ou au leurre ; c’est aussi les rendre plus familiers, & les tenir en santé, en leur ôtant le trop d’embonpoint. On dit dans le premier sens, l’affaissage est plus difficile qu’on ne pense.

AFFALE, terme de commandement ; (Marine.) il est synonyme à fait baisser. L’on dit affale les cargues-fond. Voyez Cargue-fond. (Z)

AFFALÉ, être affalé sur la côte, (Marine.) c’est-à-dire, que la force du vent ou des courans porte le vaisseau près de terre, d’où il ne peut s’éloigner & courir au large, soit par l’obstacle du vent, soit par l’obstacle des courans ; ce qui le met en danger d’échoüer sur la côte, & de périr.

AFFALER, v. act. (Marine.) affaler une manœuvre, c’est la faire baisser. Voyez Manœuvre. (Z)

* AFFANURES, s. f. pl. (Agricult.) c’est la quantité de blé que l’on accorde dans quelques Provinces aux moissonneurs & aux batteurs en grange pour le prix de leur journée. Cette maniere de payer n’a plus lieu aujourd’hui, que quand le fermier manque d’argent, & que les ouvriers veulent être payés sur le champ.

AFFEAGER, v. act. terme de Coûtumes ; c’est donner à féage, c’est-à-dire, démembrer une partie de son fief pour le donner à tenir en fief ou en roture. Voyez Féage. (H)

AFFECTATION. s. f. Ce mot qui vient du Latin affectare, rechercher avec soin, s’applique à différentes choses. Affectation dans une personne est proprement une maniere d’être actuelle, qui est ou qui paroît recherchée, & qui forme un contraste choquant, avec la maniere d’être habituelle de cette personne, ou avec la maniere d’être ordinaire des autres hommes. L’affectation est donc souvent un terme relatif & de comparaison ; de maniere que ce qui est affectation dans une personne relativement à son caractere ou à sa maniere de vivre, ne l’est pas dans une autre personne d’un caractere différent ou opposé ; ainsi la douceur est souvent affectée dans un homme colere, la profusion dans un avare, &c.

La démarche d’un Maître à danser & de la plûpart de ceux qu’on appelle petits Maîtres, est une démarche affectée ; parce qu’elle differe de la démarche ordinaire des hommes, & qu’elle paroît recherchée dans ceux qui l’ont, quoique par la longue habitude elle leur soit devenue ordinaire & comme naturelle.

Des discours pleins de grandeur d’ame & de philosophie, sont affectation dans un homme qui, après avoir fait sa cour aux Grands, fait le Philosophe avec ses égaux. En effet rien n’est plus contraire aux maximes philosophiques, qu’une conduite dans laquelle on est souvent forcé d’en pratiquer de contraires.

Les grands complimenteurs sont ordinairement pleins d’affectation, sur-tout lorsque leurs complimens s’adressent à des gens médiocres ; tant parce qu’il n’est pas vraissemblable qu’ils pensent en effet tout le bien qu’ils en disent, que parce que leur visage dément souvent leurs discours ; de maniere qu’ils feroient très-bien de ne parler qu’avec un masque.

Affectation, s. f. dans le langage & dans la conversation, est un vice assez ordinaire aux gens qu’on appelle beaux parleurs. Il consiste à dire en termes bien recherchés, & quelquefois ridiculement choisis, des choses triviales ou communes : c’est pour cette raison que les beaux parleurs sont ordinairement si insupportables aux gens d’esprit, qui cherchent beaucoup plus à bien penser qu’à bien dire, ou plûtôt qui croyent que pour bien dire, il suffit de bien penser, qu’une pensée neuve, forte, juste, lumineuse, porte avec elle son expression ; & qu’une pensée commune ne doit jamais être présentée que pour ce qu’elle est, c’est-à-dire avec une expression simple.

Affectation dans le style, c’est à peu près la même chose que l’affectation dans le langage, avec cette différence que ce qui est écrit doit être naturellement un peu plus soigné que ce que l’on dit, parce qu’on est supposé y penser mûrement en l’écrivant ; d’où il s’ensuit que ce qui est affectation dans le langage ne l’est pas quelquefois dans le style. L’affectation dans le style est à l’affectation dans le langage, ce qu’est l’affectation d’un grand Seigneur à celle d’un homme ordinaire. J’ai entendu quelquefois faire l’éloge de certaines personnes, en disant qu’elles parlent comme un livre : si ce que ces personnes disent étoit écrit, cela pourroit être supportable : mais il me semble que c’est un grand défaut que de parler ainsi ; c’est une marque presque certaine que l’on est dépourvû de chaleur & d’imagination : tant pis pour qui ne fait jamais de solécismes en parlant. On pourroit dire que ces personnes-là lisent toûjours, & ne parlent jamais. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’ordinairement ces beaux parleurs sont de très-mauvais écrivains : la raison en est toute simple ; ou ils écrivent comme ils parleroient, persuadés qu’ils parlent comme on doit écrire ; & ils se permettent en ce cas une infinité de négligences & d’expressions impropres qui échappent, malgré qu’on en ait, dans le discours ; ou ils mettent, proportion gardée, le même soin à écrire qu’ils mettent à parler ; & en ce cas l’affectation dans leur style est, si on peut parler ainsi, proportionnelle à celle de leur langage, & par conséquent ridicule. (O)

* Affectation, Afféterie. Elles appartiennent toutes les deux à la maniere extérieure de se comporter, & consistent également dans l’éloignement du naturel ; avec cette différence que l’affectation a pour objet les pensées, les sentimens, le goût dont on fait parade, & que l’afféterie ne regarde que les petites manieres par lesquelles on croit plaire.

L’affectation est souvent contraire à la sincérité ; alors elle tend à décevoir ; & quand elle n’est pas hors de la vérité, elle déplaît encore par la trop grande attention à faire paroître ou remarquer cet avantage. L’afféterie est toûjours opposée au simple & au naïf : elle a quelque chose de recherché qui déplaît sur-tout aux partisans de la franchise : on la passe plus aisément aux femmes qu’aux hommes. On tombe dans l’affectation en courant après l’esprit, & dans l’afféterie en recherchant des graces. L’affectation & l’afféterie sont deux défauts que certains caracteres bien tournés ne peuvent jamais prendre, & que ceux qui les ont pris ne peuvent presque jamais perdre. La singularité & l’affectation se font également remarquer : mais il y a cette différence entr’elles, qu’on contracte celle-ci, & qu’on naît avec l’autre. Il n’y a gueres de petits Maîtres sans affectation, ni de petites Maîtresses sans afféterie.

Affectation, terme de Pratique, signifie l’imposition d’une charge ou hypotheque sur un fonds, qu’on assigne pour sûreté d’une dette, d’un legs, d’une fondation, ou autre obligation quelconque.

Affectation, en Droit canonique, est telle exception ou réservation que ce soit, qui empéche que le collateur n’en puisse pourvoir à la premiere vacance qui arrivera ; comme lorsqu’il est chargé de quelque mandat, indult, nomination, ou réservation du Pape. Voyez Mandat, Indult, Nomination, & Réservation.

L’affectation des Bénéfices n’a pas lieu en France, où les réservations papales sont regardées comme abusives. (H)

AFFECTÉ. Equation affectée, en Algebre, est une équation dans laquelle la quantité inconnue monte à deux ou à plusieurs degrés différens. Telle est, par exemple, l’équation , dans laquelle il y a trois différentes puissances de x ; savoir ou x. Voyez Equation.

Affecté se dit aussi quelquefois en Algebre, en parlant des quantités qui ont des coefficiens : par exemple, dans la quantité 2 a, a est affecté du coefficient 2. Voyez Coefficient.

On dit aussi qu’une quantité Algébrique est affectée du signe + ou du signe-, ou d’un signe radical, pour dire qu’elle a le signe + ou le signe-, ou qu’elle renferme un signe radical. Voyez Radical, &c. (O)

AFFECTION, s. f pris dans sa signification naturelle & littérale, signifie simplement un attribut particulier à quelque sujet, & qui naît de l’idée que nous avons de son essence. Voyez Attribut.

Ce mot vient du verbe Latin afficere, affecter, l’attribut étant supposé affecter en quelque sorte le sujet par la modification qu’il y apporte.

Affection en ce sens est synonyme à propriété, ou à ce qu’on appelle dans les écoles proprium quarto modo. Voyez Propriété, &c.

Les Philosophes ne sont pas d’accord sur le nombre de classes des différentes affections qu’on doit reconnoître.

Selon Aristote, elles sont, ou subordonnantes, ou subordonnées. Dans la premiere classe est le mode tout seul ; & dans la seconde, le lieu, le tems, & les bornes du sujet.

Le plus grand nombre des Péripatéticiens partagent les affections en internes, telles que le mouvement & les bornes ; & externes, telles que la place & le tems. Selon Sperlingius, il est mieux de diviser les affections en simples ou unies, & en séparées ou désunies. Dans la premiere classe, il range la quantité, la qualité, la place, & le tems ; & dans l’autre, le mouvement & le repos.

Sperlingius paroît rejetter les bornes du nombre des affections, & Aristote & les Péripatéticiens, la quantité & qualité : mais il n’est pas impossible de concilier cette différence, puisque Sperlingius ne nie pas que le corps ne soit fini ou borné ; ni Aristote & ses sectateurs, qu’il n’ait le quantum & le quale. Ils ne different donc qu’en ce que l’un n’a pas donné de rang propre & spécial à quelques affections à qui l’autre en a donné.

On distingue aussi les affections en affections du corps & affections de l’ame.

Les affections du corps sont certaines modifications qui sont occasionnées ou causées par le mouvement en vertu duquel un corps est disposé de telle ou telle maniere. Voyez Corps, Matiere, Mouvement, Modification, &c.

On subdivise quelquefois les affections du corps en premieres & secondaires.

Les affections premieres sont celles qui naissent de l’idée de la matiere, comme la quantité & la figure ; ou de celle de la forme, comme la qualité & la puissance ; ou de l’une & l’autre, comme le mouvement, le lieu, & le tems. Voyez Quantité, Figure, Qualité, Puissance, Mouvement, Lieu, Tems.

Les secondaires ou dérivatives sont celles qui naissent de quelqu’une des premieres, comme la divisibilité, la continuité, la contiguité, les bornes, l’impénétrabilité, qui naissent de la quantité, la régularité & l’irrégularité qui naissent de la figure, la force & la santé qui naissent de la qualité, &c. Voyez Divisibilite, &c.

Les affections de l’ame sont ce qu’on appelle plus ordinairement passion. Voyez Passion.

Les affections méchaniques. (Cet article se trouvera traduit au mot Mechaniques Affections qu’il faudra rapporter ici).

AFFECTION, terme qu’on employoit autrefois en Géométrie, pour désigner une propriété de quelque courbe. Cette courbe a telle affection, est la même chose que cette courbe a telle propriété. V. Courbe. (O)

* Affection, (Physiol.) se peut prendre en général pour l’impression que les êtres qui sont ou au-dedans de nous, ou hors de nous, exercent sur notre ame. Mais l’affection se prend plus communément pour ce sentiment vif de plaisir ou d’aversion que les objets, quels qu’ils soient, occasionnent en nous ; on dit d’un tableau qui représente des êtres qui dans la nature offensent les sens, qu’on en est affecté desagréablement. On dit d’une action héroïque, ou plûtôt de son récit, qu’on en est affecté délicieusement.

Telle est notre construction qu’à l’occasion de cet état de l’ame, dans lequel elle ressent de l’amour ou de la haine, ou du goût ou de l’aversion, il se fait dans le corps des mouvemens musculaires, d’où, selon toute apparence, dépend l’intensité, ou la rémission de ces sentimens. La joie n’est jamais sans une grande dilatation du cœur, le pouls s’éleve, le cœur palpite, jusqu’à se faire sentir ; la transpiration est si forte qu’elle peut être suivie de la défaillance & même de la mort. La colere suspend ou augmente tous les mouvemens, surtout la circulation du sang ; ce qui rend le corps chaud, rouge, tremblant, &c… or il est évident que ces symptomes seront plus ou moins violens, selon la disposition des parties & le méchanisme du corps. Le méchanisme est rarement tel que la liberté de l’ame en soit suspendue à l’occasion des impressions. Mais on ne peut douter que cela n’arrive quelquefois : c’est dans le méchanisme du corps qu’il faut chercher la cause de la différence de sensibilité dans différens hommes, à l’occasion du même objet. Nous ressemblons en cela à des instrumens de musique dont les cordes sont diversement tendues ; les objets extérieurs font la fonction d’archets sur ces cordes, & nous rendons tous des sons plus ou moins aigus. Une piquûre d’épingle fait jetter des cris à une femme mollement élevée ; un coup de bâton rompt la jambe à Epictete sans presque l’émouvoir. Notre constitution, notre éducation, nos principes, nos systèmes, nos préjugés, tout modifie nos affections, & les mouvemens du corps qui en sont les suites. Le commencement de l’affection peut être si vif, que la Loi qui le qualifie de premier mouvement, en traite les effets comme des actes non libres. Mais il est évident par ce qui précede, que le premier mouvement est plus ou moins durable, selon la différence des constitutions, & d’une infinité d’autres circonstances. Soyons donc bien réservés à juger les actions occasionnées par les passions violentes. Il vaut mieux être trop indulgent que trop sévere ; supposer de la foiblesse dans les hommes que de la méchanceté, & pouvoir rapporter sa circonspection au premier de ces sentimens plûtôt qu’au second ; on a pitié des foibles ; on déteste les méchans, & il me semble que l’état de la commisération est préférable à celui de la haine.

Affection, en Medecine, signifie la même chose que maladie. Dans ce sens, on appelle une maladie hystérique une affection hystérique, une maladie mélancholique ou hypochondriaque, une affection mélancholique ou hypochondriaque. Voyez Hystérique, Melancholique, &c. (N)

AFFÉRENT, adj. terme de pratique, qui n’est usité qu’au féminin avec le mot part : la part afférente dans une succession est celle qui appartient & revient de droit à chacun des cohéritiers. (H)

AFFERMER, v. act. terme de Pratique, qui signifie prendre ou donner, mais plus souvent donner à ferme une terre, métairie, ou autre domaine, moyennant certain prix ou redevance que le preneur ou fermier s’oblige de payer annuellement. Voyez Ferme. (H)

AFFERMIR la bouche d’un cheval, v. act. (Manége.) ou l’affermir dans la main & sur les hanches ; c’est continuer les leçons qu’on lui a données, pour qu’il s’accoûtume à l’effet de la bride, & à avoir les hanches basses. Voyez Assurer. (V)

AFFERTEMENT, s. m. (Marine.) on se sert de ce terme sur l’Océan pour marquer le prix qu’on paye pour le loüage de quelque vaisseau. Sur la Méditerranée, on dit nolissement : l’accord qui se fait entre le propriétaire du navire & celui qui charge ses marchandises, s’appelle contrat d’affertement.

AFFERTER, v. act. (Marine.) c’est loüer un vaisseau sur l’Océan. (Z)

AFFERTEUR, s. m. (Marine.) c’est le nom qu’on donne au Marchand qui loüe un vaisseau, & qui en paye tant par mois, par voyage, ou par tonneau, au propriétaire pour le fret.

Le Roi défend de donner aucun de ses bâtimens de mer à fret, que l’Afferteur ne paye comptant au moins la dixieme partie du fret dont on sera convenu. (Z)

AFFEURAGE, s. terme de Coûtumes. Voyez Afforage, qui est la même chose.

AFFEURER, (Commerce.) vieux mot de Commerce qui signifie, mettre les marchandises & les denrées qui s’apportent dans les marchés à un certain prix, les taxer, les estimer. Voyez Afforage. (G)

AFFICHES, s. f. pl. terme de Palais, sont des placards que l’Huissier procédant à une saisie réelle, est obligé d’apposer en certains endroits lors des criées qu’il fait de quatorzaine en quatorzaine de l’immeuble saisi. Voyez Criée, & Saisie réelle.

Ces affiches doivent contenir aussi-bien que le procès-verbal de criées, les noms, qualités, & domiciles du poursuivant & du débiteur, la description des biens saisis, par tenans & aboutissans, si ce n’est que ce soit un fief ; auquel cas, il suffit de le désigner par son principal manoir, dépendances & appartenances.

Elles doivent être marquées aux armes du Roi, & non à celles d’aucun autre Seigneur, à peine de nullité, & apposées à la principale porte de l’Église paroissiale sur laquelle est situé l’immeuble saisi ; à celle de la Paroisse du débiteur, & à celle de la Paroisse du siége dans lequel se poursuit la saisie réelle. (H)

Affiche, en Librairie, est un placard ou feuille de papier que l’on applique ordinairement au coin des rues pour annoncer quelque chose avec publicité, comme jugemens rendus, effets à vendre, meubles perdus, livres imprimés nouvellement ou réimprimés, &c. Toute affiche à Paris doit être revêtue d’une permission du Lieutenant de Police.

Il est une feuille périodique que l’on appelle Affiches de Paris ; c’est un assemblage exact de toutes les affiches, ou au moins des plus intéressantes : elle renferme les biens de toute espece à vendre ou à loüer, les effets perdus ou trouvés ; elle annonce les découvertes nouvelles, les spectacles, les morts, le cours & le change des effets commerçables, &c. Cette feuille se publie régulierement toutes les semaines.

AFFICHER, v. a. est l’action d’appliquer une affiche. Voyez Afficheur.

AFFICHEUR, s. m. nom de celui qui fait métier d’afficher. Il est tenu de savoir lire & écrire, & doit être enregistré à la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs, avec indication de sa demeure. Il fait corps avec les Colporteurs, & doit comme eux porter au devant de son habit une plaque de cuivre, sur laquelle soit écrit Afficheur. Il lui est défendu de rien afficher sans la permission du Lieutenant de Police.

* AFFILE, adj. (Agricult.) Les Laboureurs désignent par ce terme l’état des blés, lorsque les gelées du mois de Mars les ont fait souffrir en altérant les fibres de la fane qui est encore tendre, & qui cesse par cet accident de prendre son accroissement en longueur & en diametre.

* AFFILER, v. act. (Jardinage.) c’est planter à la ligne. Voyez Aligner.

Affiler, (terme de Tireurs-d’or.) c’est disposer l’extrémité d’un fil d’or à passer dans une filiere plus menue. Voyez Tireur d’or.

Affiler (terme commun à presque tous les Arts où l’on use d’outils tranchans, & à presque tous les ouvriers qui les font.) Ainsi les Graveurs affilent leurs burins ; les Couteliers affilent leurs rasoirs, leurs couteaux, ciseaux & lancettes.

Ce terme se prend en deux sens fort différens. 1o. Affiler, c’est donner à un instrument tranchant, tel qu’un couteau, une lancette, &c. la derniere façon, en enlevant après qu’il est poli, cette barbe menue & très-coupante qui le borde d’un bout à l’autre, que les ouvriers appellent morfil. 2o. Affiler, c’est passer sur la pierre à affiler un instrument dont le tranchant veut être réparé, soit qu’il y ait bréche, soit qu’à force de travailler il soit émoussé, en un mot un tranchant qui ne coupe plus assez facilement. Il y a généralement trois sortes de pierre à affiler : une grosse pierre bleue, couleur d’ardoise, & qui n’en est qu’un morceau, sur laquelle on ôte le morfil aux couteaux quand ils sont neufs, & sur laquelle on répare leurs tranchans quand ils ne coupent plus. Cette pierre ne sert guere qu’à affiler les instrumens dont il n’est pas nécessaire que le tranchant soit extrèmement fin. Pour les instrumens dont le tranchant ne peut être trop fin, comme les rasoirs, on a une autre pierre blanchâtre plus tendre & d’un grain plus fin que la premiere, qui se trouve en Lorraine : celle-ci sert à deux usages. Le premier, c’est d’enlever le morfil : le second, c’est en usant peu-à-peu les grains de l’acier, à rendre le tranchant plus fin qu’il n’a pû l’être au sortir de dessus la polissoire ; aussi la pierre d’ardoise n’a-t-elle pas plûtôt enlevé le morfil des couteaux & des autres instrumens auxquels elle sert, que ces instrumens sont affilés. Il n’en est pas de même du rasoir, ni des autres outils qui veulent être passés sur la seconde pierre blanche, qu’on appelle pierre à rasoir. L’ouvrier fait encore aller & venir doucement son rasoir sur cette pierre long-tems après que le morfil est emporté. Il y a une troisieme pierre qu’on appelle pierre du Levant, dont la couleur est ordinairement d’un verd très-obscur, très-sale, & tirant par endroits sur le blanchâtre ; son grain est fin, & elle est ordinairement très-dure : mais pour qu’elle soit bonne, on veut qu’elle soit tendre. C’est une trouvaille pour un ouvrier qu’une pierre du Levant d’une bonne qualité. Cette pierre est à l’usage des Graveurs ; ils affilent sur elle leurs burins : elle sert aux Couteliers qui affilent sur elle les lancettes : en général elle paroît par la finesse du grain, propre pour les petits outils & autres dont le tranchant doit être fort vif, & à qui on peut & on doit donner cette finesse de tranchant ; parce qu’ils ont été faits d’un acier fort fin & à grain très-petit, & qu’ils sont destinés à couper promptement & nettement. Il y a une quatrieme pierre du Levant d’un tout-à-fait beau verd, sur laquelle on repasse aussi les petits outils, tels que les lancettes, & dont les ouvriers font grand cas quand elle est bonne.

Pour repasser un couteau on tient la pierre de la main gauche, & l’on appuie dessus la lame du couteau qui fait avec la pierre un angle assez considérable : de cette maniere la lame prend sur la pierre & perd son morfil. On fait aller & venir quatre à cinq fois le tranchant sur la pierre, depuis le talon jusqu’à la pointe, sur un des plats en allant, & sur l’autre plat en revenant ; la pierre est à sec. Le rasoir s’affile entierement à plat ; & la pierre à rasoir est arrosée d’huile. Mais comme le morfil du rasoir est fin, que le grain de la pierre est fin, & que la lame du rasoir va & vient à plat sur la pierre, il pourroit arriver que le morfil seroit long-tems à se détacher. Pour prévenir cet inconvénient, l’ouvrier passe légerement le tranchant du rasoir perpendiculairement sur l’ongle du pouce : de cette maniere le morfil est renversé d’un ou d’autre côté, & la pierre l’enleve plus facilement. La lancette ne s’affile pas tout-à-fait tant à plat que le rasoir ; la pierre du Levant est aussi arrosée d’huile d’olive, & la lancette n’est censée bien affilée par l’ouvrier, que quand elle entre par son propre poids & celui de sa chasse, & sans faire le moindre bruit, sur un morceau de canepin fort fin que l’ouvrier tient tendu entre les doigts de la main gauche. Il y a des instrumens qu’on ne passe point sur la pierre à affiler, mais sur lesquels au contraire on appuie la pierre. C’est la longueur de l’instrument, & la forme qu’on veut donner au tranchant, qui déterminent cette maniere d’affiler.

AFFILIATION, s. f. (Jurispr.) s’est dit par les Ecrivains du moyen âge pour adoption. Voyez Adoption.

Chez les anciens Gaulois l’affiliation étoit une adoption qui se pratiquoit seulement parmi les grands. Elle se faisoit avec des cérémonies militaires. Le pere présentoit une hache de combat à celui qu’il vouloit adopter pour fils, comme pour lui faire entendre que c’étoit par les armes qu’il devoit se conserver la succession à laquelle il lui donnoit droit. (H)

* AFFINAGE, s. m. (Arts mèchaniques.) se dit en général de toute manœuvre par laquelle on fait passer une portion de matiere, solide surtout, quelle qu’elle soit d’ailleurs, d’un état à un autre, où elle est plus dégagée de parties hétérogenes, & plus propre aux usages qu’on s’en promet. Le sucre s’affine ; le fer s’affine ; le cuivre s’affine, &c. Je dis une portion de matiere solide, parce que l’affinage ne se dit pas des fluides : on les clarifie ; on les purifie, &c. mais on ne les affine pas.

L’affinage des métaux (Chimie.) se pratique différemment en différens pays, & selon les différentes vûes de ceux qui affinent. Il y a pour l’argent l’affinage au plomb, qui se fait avec une coupelle bien seche qu’on fait rougir dans un fourneau de reverbere ; ensuite on y met du plomb. La quantité du plomb qu’on emploie n’est pas la même par tout. On emploie plus ou moins de plomb, selon que l’argent qu’on veut coupeller est soupçonné d’avoir plus ou moins d’alliage. Pour savoir la quantité de plomb qu’on doit employer, on met une petite partie d’argent avec deux parties de plomb dans la coupelle ; & si on voit que le bouton d’argent n’est pas bien net, on ajoûte peu à peu du plomb jusqu’à ce qu’on en ait mis suffisamment ; ensuite on suppute la quantité de plomb qu’on a employée, & on sait ainsi combien il en faut pour affiner l’argent ; on laisse fondre le plomb avant que de mettre l’argent, & même il faut que la litarge qui se forme sur le plomb fondu, soit fondue aussi : c’est ce qu’on appelle en terme d’Art, le plomb découvert ou en nappe. Si on y mettoit l’argent plûtôt, on risqueroit de faire sauter de la matiere : si au contraire on tardoit plus qu’il ne faut pour que le plomb soit découvert, on gâteroit l’opération ; parce que le plomb seroit trop diminué par la calcination.

Le plomb étant découvert, on y met l’argent. Si on enveloppe l’argent, il vaut mieux l’envelopper dans une lame de plomb, que dans une feuille de papier ; parce qu’il seroit à craindre que le papier ne s’arrêtât à la coupelle.

L’argent dans la coupelle se fond, & tourne sans cesse de bas en haut & de haut en bas, formant des globules qui grossissent de plus en plus à mesure que la masse diminue ; & enfin ces globules, que quelques-uns nomment fleurs, diminuent en nombre, & deviennent si gros, qu’ils se réduisent à un qui couvre toute la matiere, en faisant une corruscation ou éclair, & reste immobile. Lorsque l’argent est dans cet état, on dit qu’il fait l’opale, & pendant ce tems il paroît tourner. Enfin on ne le voit plus remuer ; il paroît rouge ; il blanchit, & on a peine à le distinguer de la coupelle ; & dans cet état il ne tourne plus. Si on le tire trop vîte pendant qu’il tourne encore, l’air le saisissant il vegette, & il se met en spiralle ou en masse hérissée, & quelquefois il en sort de la coupelle.

Il y a quelques différences entre la façon de coupeller en petit, & celle de coupeller en grand : par exemple, lorsqu’on coupelle en grand, on souffle sur la coupelle pendant que l’argent tourne, pour le dégager de la litarge ; on présente à la litarge un écoulement, en pratiquant une échancrure au bord de la coupelle, & on retire la litarge avec un rateau ; ce qui fait que lorsque l’ouvrier ne travaille pas bien, on trouve du plomb dans la litarge, & quelquefois de l’argent ; ce qui n’arrive pas, & ce qu’on ne fait pas lorsqu’on coupelle en petit. Il faut dans cette opération compter sur seize parties de plomb pour chaque partie d’alliage.

L’affinage de l’argent au salpetre se fait en faisant fondre de l’argent dans un creuset dans un fourneau à vent ; lorsque l’argent est fondu, c’est ce qu’on appelle la matiere est en bain : l’argent étant dans cet état, on jette dans le creuset du salpetre, & on laisse bien fondre le tout ensemble ; ce qu’on appelle braser bien la matiere en bain.

On retire le creuset du feu, & on verse par inclination dans un baquet plein d’eau où l’argent se met en grenaille, pourvû qu’on remue l’eau avec un balai ou autrement : si l’eau est en repos, l’argent tombe en masse.

On fond aussi l’argent trois fois, en y mettant du salpetre & un peu de borax chaque fois ; & la troisieme fois, on laisse refroidir le creuset sans y toucher, & on le verse dans une lingotiere ; ensuite on le casse, & on y trouve un culot d’argent fin : les scories qui sont dessus, sont composées du salpetre & de l’alliage qui étoit dans l’argent.

Deux onces de salpetre & un gros de borax calciné par marc d’argent, ce qu’on réitere tant que les scories ont de la couleur.

On peut affiner l’or par le nitre, comme on affine par ce moyen l’argent, si ce n’est qu’il ne faut pas y employer le borax, parce qu’il gâte la couleur de l’or : l’or melé d’argent ne peut s’affiner par le salpetre.

L’affinage de l’or se fait en mettant fondre de l’or dans un creuset, & on y ajoûte peu à peu, lorsque l’or est fondu, quatre fois autant d’antimoine : lorsque le tout sera dans une fonte parfaite, on versera la matiere dans un culot, & lorsqu’elle sera refroidie, on séparera les scories du métal ; ensuite on fera fondre ce métal à feu ouvert pour en dissiper l’antimoine en soufflant ; ou pour avoir plûtôt fait, on y jettera à différentes reprises du salpetre.

L’antimoine n’est meilleur que le plomb pour affiner l’or, que parce qu’il emporte l’argent, au lieu que le plomb le laisse, & même en donne.

Il y a l’affinage de l’or par l’inquart qui se fait par le moyen de l’esprit de nitre, qui dissout l’alliage de l’or & l’en sépare. Cet affinage ne se peut faire que lorsque l’alliage surpasse de beaucoup en quantité l’or ; il faut qu’il y ait le quart d’or : il se peut faire lorsqu’il y en a plus ; il ne se fait pas si bien lorsqu’il y en a moins.

On affine aussi l’or par la cimentation, en mettant couche sur couche des lames d’or & du ciment composé avec de la brique en poudre, du sel ammoniac & du sel commun, & on calcine le tout au feu : il y en a qui mettent du vitriol ; d’autres du verd de gris, &c.

Affiner, v. a. rendre plus pur : affiner l’argent, c’est purifier ce métal de tous les métaux qui peuvent lui être unis, en les séparant entierement de lui.

Affiner est aussi neutre : on peut dire l’or s’affine, &c.

Affineur, s. m. celui qui affine l’or & l’argent, &c.

Affinerie, s. f. lieu où l’on rend plus purs les métaux, le sucre, &c. Affinerie se dit aussi du fer affiné. On peut dire, j’ai acheté tant de milliers d’affinerie.

Il y en a qui disent raffiner, raffinement, raffineur & raffiné : mais ces mots sont plus propres dans le moral que dans le physique. Voyez sur ces différentes affineries les articles des métaux. (M)

Affinage, terme de Filassier. Voyez Chanvre & Affiner.

AFFINER, v. neut. terme de Marine. On dit le tems affiné : c’est-à-dire qu’il n’est plus si sombre ni si chargé, & que l’air commence à s’éclaircir. Le tems s’étant affiné, nous découvrîmes deux vaisseaux qui étoient sous le vent à nous, auxquels nous donnâmes chasse jusqu’au soir. Voyez Tems. (Z)

Affiner, en terme de Cloutier d’épingle, c’est faire la pointe au clou, en le faisant passer sur la meule. Voyez Meule.

Affiner, c’est la derniere façon que les Filassiers donnent au chanvre pour le rendre assez fin & assez menu, pour en pouvoir faire du fil propre à toutes sortes d’ouvrages. Voyez Chanvre.

AFFINERIE : on donne le nom d’affinerie, aux bâtimens, où les ouvriers affineurs travaillent. Par conséquent il y a des bâtimens d’affinerie de sucre, des affineries de fer, des affineries de cuivre, &c. Voyez Fer, Sucre, Forge, &c. & en général les articles qui portent le nom des différentes matieres à affiner ; la maniere dont on s’y prend pour les affiner, avec la description des outils & des bâtimens appellés affineries. Par exemple, Forges, Planche IX. pour l’affinage du fer.

* AFFINEUR, s. m. (Arts méchan.) C’est le nom que l’on donne en général à tout ouvrier entre les mains duquel une substance solide, quelle qu’elle soit, passe pour recevoir une nouvelle modification qui la rende plus propre aux usages qu’on en tirera. Ainsi les sucreries ont leurs affineurs & leurs affineries. Il en est de même des forges, & de toutes les manufactures où l’on travaille les métaux & d’autres substances solides qui ne reçoivent pas toute leur perfection de la premiere main d’œuvre.

Affineur, à la Monnoie, appellé plus communément Essayeur. Voyez Essayeur.

AFFINOIR : les Filassiers donnent ce nom au seran qui, plus fin que tous les autres, sert à donner la derniere façon à la filasse pour la rendre en état d’être filée. Voyez la fig. Pl. du Cordier.

AFFINITÉ, s. f. (Jurisprud.) est la liaison qui se contracte par mariage entre l’un des conjoints, & les parens de l’autre.

Ce mot est composé de la préposition latine ad, & de fines, bornes, confins, limites ; c’est comme si l’on disoit que l’affinité confond ensemble les bornes qui séparoient deux familles, pour n’en faire plus qu’une, ou du moins faire qu’elles soient unies ensemble.

Affinité est différent de consanguinité. Voyez Consanguinité.

Dans la loi de Moyse il y avoit plusieurs degrés d’affinité qui formoient des empêchemens au mariage, lesquels ne semblent pas y faire obstacle en ne suivant que la loi de nature. Par exemple, il étoit défendu (Levit. c. xviii. v. 16.) d’épouser la veuve de son frere, à moins qu’il ne fût mort sans enfans ; auquel cas le mariage étoit non-seulement permis, mais ordonné. De même il étoit défendu à un mari d’épouser la sœur de sa femme, lorsque celle-ci étoit encore vivante ; ce qui néanmoins étoit permis avant la prohibition portée par la loi ; comme il paroît par l’exemple de Jacob.

Les anciens Romains n’avoient rien dit sur ces mariages ; & Papinien est le premier qui en ait parlé à l’occasion du mariage de Caracalla. Les Jurisconsultes qui vinrent ensuite étendirent si loin les liaisons de l’affinité, qu’ils mirent l’adoption au même point que la nature. Voyez Adoption.

L’affinité, suivant les Canonistes modernes, est un empêchement au mariage jusqu’au quatrieme degré inclusivement ; mais seulement en ligne directe, & non pas en ligne collatérale. Affinis mei affinis, non est affinis meus. V. Degré, Direct, Collateral.

Il est à remarquer que cet empêchement ne résulte pas seulement d’une affinité contractée par mariage légitime, mais aussi de celle qui l’est par un commerce illicite ; avec cette différence pourtant que celle-ci ne s’étend qu’au deuxieme degré inclusivement ; au lieu que l’autre, comme on l’a observé, s’étend jusqu’au quatrieme. Voyez Adultere, Concubine, &c.

Les Canonistes distinguent trois sortes d’affinité : la premiere est celle que nous avons définie, & celle qui se contracte entre le mari & les parens de sa femme, & entre la femme & les parens du mari.

La seconde entre le mari & les alliés de la femme, & entre la femme & les alliés du mari.

La troisieme, entre le mari & les alliés des alliés de sa femme, & entre la femme & les alliés des alliés du mari.

Mais le IVe Concile de Latran, tenu en 1213, jugea qu’il n’y avoit que l’affinité du premier genre qui produisît une véritable alliance ; & que les deux autres especes d’affinité n’étoient que des rafinemens qu’il falloit abroger. C. non debet, Tit. de consang. & affin.

Les degrés d’affinité se comptent comme ceux de parenté ; & conséquemment autrement dans le Droit canon, que dans le Droit civil. Voyez Degré.

Il y a encore une affinité ou cognation spirituelle, qui est celle qui se contracte par le sacrement de baptême & de confirmation. En conséquence de cette affinité le parrein ne peut pas épouser sa filleule sans dispense. Voyez , Baptême, &c.

AFFINITÉ, en matiere de Sciences. V. Analogie.

AFFINS, terme de Droit, vieilli : ce mot avoit été francisé & étoit synonyme à alliés qui se dit des personnes de deux familles distinctes, mais attachées seulement l’une à l’autre par les liens de l’affinité. (H)

AFFIRMATIF, affirmative, adj. Il y a en Algebre des quantités affirmatives ou positives. Ces deux mots reviennent au même. Voyez Quantité & Positif.

Le signe ou le caractere affirmatif est +. (O)

Affirmatif, adj. (Théol.) se dit spécialement à l’Inquisition, des hérétiques qui avoüent les sentimens erronées qu’on leur impute ; & qui à leurs interrogatoires les défendent & les soütiennent avec force. Voyez Inquisition & Hérétique. (G).

AFFIRMATION, s. f. au Palais, est la déclaration que fait en justice avec serment l’une des parties litigantes. Voyez Serment.

L’affirmation est de deux sortes : celle qui se fait en matiere civile, & celle qui se fait en matiere criminelle. C’est une maxime de notre Droit que l’affirmation ne sauroit être divisée ; c’est-à-dire qu’il faut faire droit sur toutes les parties de la déclaration, & non pas avoir égard à une partie & rejetter l’autre. Si par exemple une partie à qui on défere le serment en justice sur la question de savoir si elle a reçû un dépôt qu’on lui redemande, répond qu’elle l’a reçû, mais qu’elle l’a restitué depuis ; on ne pourra pas en conséquence de l’aveu qu’elle fait de l’avoir reçû, la condamner à restituer : il faudra au contraire la décharger de la demande à fin de restitution, en conséquence de ce qu’elle affirmé avoir restitué ; mais cette maxime ne s’observe qu’en matiere civile : en matiere criminelle, comme l’affirmation ne suffit pas pour purger l’accusé, on se sert contre lui de ses aveux pour opérer sa conviction, sans avoir toûjours égard à ce qu’il dit à sa décharge. Si, par exemple, un homme accusé de meurtre avoue avoir menacé la personne qui depuis s’est trouvé tuée, quoiqu’il affirme que ce n’est pas lui qui l’a tuée, la présomption qui résulte de sa menace, ne laissera pas d’être regardée comme un adminicule ou commencement de preuve, nonobstant ce qu’il ajoûte à sa décharge.

Et même en matiere civile, lorsque l’affirmation n’est pas litis-décisoire, comme sont les déclarations que fait une partie dans ses défenses sans prestation de serment, ou même celles précédées de prestation de serment dans un interrogatoire sur faits & articles ; le Juge y aura seulement tel egard que de raison.

En Angleterre on se contente d’une simple affirmation sans serment de la part des Quacres, qui soûtiennent que le serment est absolument contraire à la loi de Dieu. Voyez Quacre & Serment.

Cette secte y causa beaucoup de trouble par son opposition déclarée à toutes sortes de sermens, & spécialement par le refus qu’ils firent de prêter le serment de fidélité exigé par Charles II. jusqu’à ce qu’en 1689. le Parlement fit un Acte qui portoit que leur déclaration solemnelle d’obéissance & de fidélité vaudroit le serment ordinaire. Voyez Declaration & Fidelité.

En 1695, ils obtinrent pour un tems limité, un autre Acte, portant que leur affirmation solemnelle vaudroit serment dans tous les cas où le serment est solemnellement prescrit par la loi ; excepté dans les matieres criminelles, pour posséder des charges de judicature, des postes de confiance & des emplois lucratifs : laquelle affirmation devoit être conçue en cette forme : « je N. en présence de Dieu tout-puissant, témoin de la vérité de ce que j’atteste ; déclare que », &c.

Dans la suite cet Acte fut renouvellé & confirmé pour toûjours. Mais la formule de cette affirmation n’étant pas encore à leur gré, comme contenant en substance tout ce qui fait l’essence du serment, ils solliciterent le Parlement d’y faire quelques changemens, à quoi ils parvinrent en 1721, qu’on la rectifia de la maniere qui suit, à la satisfaction universelle de tous les Quacres : « je N. déclare & affirme sincerement, solemnellement & avec vérité ». A présent on se contente à leur égard de cette formule, de la maniere pourtant, & en exceptant les cas qu’on vient de dire en parlant de la formule de 1695. Et celui qui après une pareille affirmation déposeroit faux, seroit réputé coupable de parjure, & punissable comme tel. Voyez Parjure.

Affirmation, en termes de bureaux, est la déclaration qu’un comptable met à la tête de son compte pour le certifier véritable. Selon l’usage des bureaux, l’affirmation se met au haut de la premiere page du compte, & à la marge en forme d’apostille.

Ce terme se dit aussi du serment que fait le comptable, lorsqu’il présente son compte à la Chambre des Comptes en personne, & qu’il affirme que toutes les parties en sont véritables. Voyez Interrogatoire (H).

AFFLICTION, s. f. (Med.) passion de l’ame, qui influe beaucoup sur le corps. L’affliction produit ordinairement les maladies chroniques. La phthisie est souvent la suite d’une grande affliction. Voyez Chagrin. (N)

* AFFLICTION, chagrin, peine, synonymes. L’affliction est au chagrin, ce que l’habitude est à l’acte. La mort d’un pere nous afflige ; la perte d’un procès nous donne du chagrin ; le malheur d’une personne de connoissance nous donne de la peine. L’affliction abat ; le chagrin donne de l’humeur ; la peine attriste pour un moment : l’affliction est cet état de tristesse & d’abattement, où nous jette un grand accident, & dans lequel la mémoire de cette accident nous entretient. Les affligés ont besoin d’amis qui les consolent en s’affligeant avec eux ; les personnes chagrines de personnes gaies, qui leur donnent des distractions ; & ceux qui ont une peine, d’une occupation, quelle qu’elle soit, qui détourne leurs yeux, de ce qui les attriste, sur un autre objet.

AFFLUENT, adj. terme de rivieres, se dit d’une riviere qui tombe dans une autre : la riviere de Marne afflue dans la Seine. Confluent se dit des deux rivieres ; & affluent de l’une ou de l’autre. Au Confluent de la Marne & de la Seine. A l’affluent de la Marne dans la Seine.

AFFOLCÉE, boussole, aiguille affolcée, (Marine.) c’est l’épithete de toute aiguille défectueuse, & touchée d’un aimant qui ne l’anime pas assez, ou qui ne lui donne pas la véritable direction, indiquant mal le Nord, & ayant d’autres défauts. Voyez Boussole. (Z)

AFFORAGE, s. terme de Droit, qui se prend dans deux significations différentes : dans les Coûtumes où il est employé, il signifie un droit qu’on paye au Seigneur, pour avoit droit de vendre du vin, du cidre, ou autre liqueur dans l’étendue de sa seigneurie, suivant le prix qui y a été mis par ses Officiers. Et dans l’ordonnance de la Ville, du mois de Décembre 1672, il signifie le tarif même de ces sortes de marchandises fixé par les Echevins.

Ce terme paroît venir du mot Latin forum, qui signifie marché.

AFFOUAGE, s. terme de Coûtumes, qui signifie le droit de couper du bois dans une forêt, pour son usage & celui de sa famille. Ce mot est dérivé de feu.

AFFOUAGEMENT, s. m. terme de Coûtumes usité dans la Provence, & en quelques autres endroits où les tailles sont réelles : il signifie l’état ou la liste du nombre de feux de chaque paroisse, qu’on dresse à l’effet d’asseoir la taille avec équité & proportion. Ce mot est dérivé du précédent. (H)

AFFOURCHE, s. f. (travail d’ancres.) anchre d’affourche, est la troisieme ancre d’un vaisseau. Voyez Ancre.

AFFOURCHER, v. a. (Marine.) c’est mouiller une seconde ancre après la premiere, de façon que l’une est mouillée à stribord de la proue, & l’autre à bas-bord ; au moyen de quoi les deux cables font une espece de fourche au-dessous des écubiers, & se soulagent l’un l’autre, empêchant le vaisseau de tourner sur son cable ; car l’une de ces ancres assûre le vaisseau contre le flot, & l’autre contre le jusan. On appelle cette seconde ancre, ancre d’affourche ou d’affourché. Voyez Ancre, Jusan, Écubier.

Affourcher à la voile, (Marine.) c’est porter l’ancre d’affourche avec le vaisseau, lorsqu’il est encore sous les voiles. (Z)

AFFRANCHI, en Latin libertinus, s. m. (Theol.) Ce terme signifie proprement un esclave mis en liberté ; dans les Actes des Apôtres il est parlé de la synagogue des affranchis, qui s’éleverent contre Saint Etienne, qui disputerent contre lui, & qui témoignerent beaucoup de chaleur à le faire mourir. Les Interpretes sont fort partagés sur ces libertins ou affranchis. Les uns croyent que le texte Grec qui porte Libertini, est fautif, & qu’il faut lire Libystini, les Juifs de la Libye voisine de l’Egypte. Le nom de libertini n’est pas Grec ; & les noms auxquels il est joint dans les Actes, font juger que saint Luc a voulu désigner des peuples voisins des Cyrenéens & des Alexandrins : mais cette conjecture n’est appuyée sur aucun manuscrit ni sur aucune version que l’on sache. Joann. Drus. Cornel. à lapid. Mill.

D’autres croyent que les affranchis dont parlent les Actes, étoient des Juifs que Pompée & Sosius avoient emmenés captifs de la Palestine en Italie, lesquels ayant obtenu la liberté, s’établirent à Rome, & y demeurerent jusqu’au tems de Tibere, qui les en chassa, sous prétexte de superstitions étrangeres, qu’il vouloit bannir de Rome & de l’Italie. Ces affranchis pûrent se retirer en assez grand nombre dans la Judée, avoir une synagogue à Jérusalem, où ils étoient lorsque saint Etienne fut lapidé. Les Rabins enseignent qu’il y avoit dans Jérusalem jusqu’à quatre cens synagogues, sans compter le Temple. Œcumenius Lyran. &c. Tacit. Annal. lib. II. Calmet, Dictionn. de la Bibl. Tom. I. lettre A, pag. 71. (G)

Affranchi, adj. pris subst. dans le Droit Romain, étoit un nouveau citoyen parvenu à la qualité d’homme libre par l’affranchissement ou manumission. V. l’un & l’autre de ces deux mots.

L’affranchi, quoique sorti de l’esclavage par la manumission, n’étoit pas exempt de tous devoirs envers son ancien maître, devenu son patron. En général, il étoit obligé à la reconnoissance, non-seulement par la loi naturelle qui l’exige sans distinction pour toute sorte de bienfait ; mais aussi par la loi civile qui lui en faisoit un devoir indispensable, à peine de rentrer dans la servitude : si, par exemple, son patron ou le pere ou la mere de son patron étoient tombés dans l’indigence, il étoit obligé de fournir à leur subsistance, selon ses facultés, sous peine de rentrer dans les fers. Il encouroit la même peine s’il avoit maltraité son patron, ou qu’il eût suborné des témoins contre lui en justice.

L’honneur que l’affranchi devoit à son patron empêchoit qu’il ne pût épouser sa mere, sa veuve ou sa fille.

Le fils de l’affranchi n’étoit pas réputé affranchi, & étoit pleinement libre à tous égards. Voyez Libertin.

Quelques Auteurs mettent de la différence entre libertus & libertinus, & veulent que libertus signifie celui même qui a été tiré de l’état de servitude, & libertinus, le fils de l’affranchi : mais dans l’usage tous les deux signifient un affranchi. L’acte par lequel un esclave étoit mis en liberté s’appelloit en Droit manumissio, comme qui diroit dimissio de manu, « affranchissement de l’autorité d’un maître ». Voyez Affranchissement.

Les affranchis conservoient leur nom, & le joignoient au nom & au prénom de leur maître ; c’est ainsi que le poëte Andronicus, affranchi de M. Livius Salinator, fut appellé M. Livius Andronicus. Les affranchis portoient aussi quelquefois le prénom de la personne à la recommandation de laquelle ils avoient obtenu la liberté. Ces nouveaux citoyens étoient distribués dans les tribus de la ville qui étoient les moins honorables ; on ne les a placés que très-rarement dans les tribus de la Campagne.

Dès l’instant de l’affranchissement les esclaves se coupoient les cheveux comme pour chercher dans cette offrande une juste compensation du don précieux de la liberté qu’ils recevoient des Dieux, cette dépouille passant dans toute l’antiquité payenne pour un présent extrèmement agréable à la divinité.

C’étoit un des priviléges des esclaves devenus libres par leur affranchissement, que de ne pouvoir plus être appliqués à la question dans une affaire où leur maître se seroit trouvé impliqué. Milon, accusé du meurtre de Clodius, se servit de cette précaution pour détourner des dépositions qui ne lui auroient pas été favorables. Il aima mieux donner la liberté à des esclaves témoins du fait, que de s’exposer à être chargé par des gens d’autant moins capables de résister à la torture, qu’ils étoient presque tous délateurs nés de leurs maîtres. La condition d’affranchis étoit comme mitoyenne entre celle des citoyens par droit de naissance, & celle des esclaves ; plus libre que celle-ci, mais toutefois moins indépendante que la premiere. (G & H.)

* AFFRANCHIR la pompe. (Marine.) La pompe est dite affranchie ou franche quand ayant jetté plus d’eau hors du vaisseau qu’il n’y en entre, elle cesse de travailler. Voyez Franche & Franchir.

AFFRANCHISSEMENT, s. m. (Jurisprud.) est l’acte par lequel on fait passer un esclave de l’état de servitude à celui de liberté. Voyez, pour les différentes manieres dont on procédoit à l’affranchissement d’un esclave chez les Romains, le mot Manumission.

Affranchissement, dans notre Droit, est la concession d’immunités & d’exemptions d’impôts & de charges publiques, faite à une ville, une Communauté, ou à des particuliers.

On le prend en Angleterre dans un sens analogue à celui-ci, pour l’aggrégation d’un particulier dans une Société ou dans un Corps politique, au moyen de laquelle il acquiert certains priviléges & certaines prérogatives.

Ainsi on dit en Angleterre qu’un homme est affranchi, quand il a obtenu des Lettres de naturalisation, au moyen desquelles il est réputé régnicole, ou des Patentes qui le déclarent bourgeois de Londres, ou de quelque autre ville. Voyez Aubain & Naturalisation. (H)

AFFRIANDER, v. act. (Chasse.) Affriander l’oiseau, en Fauconnerie, c’est le faire revenir sur le leurre avec du pât de pigeonneaux ou de poulets.

AFFRONTAILLES, s. f. pl. terme de Pratique usité en quelques endroits pour signifier les bornes de plusieurs héritages aboutissantes à celles d’un autre fonds. (H)

AFFRONTÉ, terme de Blason ; c’est le contraire d’adossé ; il se dit de deux choses opposées de front, comme deux lions, ou deux autres animaux.

Gonac en Vivarès, de gueules à deux levrettes affrontées d’argent, accollées de sable, clouées d’or. (V)

AFFURAGE ou AFFEURÉS. V. Afforage.

AFFUSION, s. f. (Pharmacie.) L’affusion consiste à verser une liqueur chaude ou froide sur certains médicamens. Il y a des substances dont les infusions & les préparations doivent se faire de cette façon pour n’en pas dissiper les parties volatiles : telles sont les infusions de cresson, de cochléaria, de beccabunga, des plantes labiées, & de la plûpart des plantes aromatiques, comme l’absinthe, la tanesie, la santoline, l’aurone, &c.

Sans cette précaution, on se prive de l’huile essentielle & de l’esprit érecteur ou incoercible, qui fait toute l’énergie de ces plantes. (N)

AFFUSTAGE, s. m. (terme de Chapelier.) c’est ainsi qu’on appelle les façons que l’on donne aux vieux chapeaux en les remettant à la teinture, en leur rendant le lustre, ou en les redressant sous les plombs, & sur-tout quand on les retourne, & qu’on leur donne une nouvelle colle.

* Affustage, (Menuisiers, Charpentiers, & autres ouvriers qui se servent d’outils en fer) c’est raccommoder la pointe ou le taillant d’un outil émoussé, ou sur la meule, ou sur la pierre à repasser.

* Affustage, (Métier.) se dit aussi de l’assortissement des outils nécessaires à ce métier. Il est mal ou bien affusté. Cette boutique est bien ou mal affustée. Je ne suis pas affusté ici pour cet ouvrage.

AFFUT, s. m. est un assemblage de Charpente sur lequel on monte le canon, & qu’on fait mouvoir par le moyen de deux roues. Il sert à tenir le canon dans une situation convenable pour faire aisément son service.

L’affut est composé de deux longues pieces de bois HI, KL. (Pl. VI. de l’art. Milit. fig. 4.) qu’on nomme ses flasques. Elles font chacune une espece de ligne courbée dont une des extrémités I est immédiatement posée à terre, & l’autre H est appuyée sur l’axe ou l’essieu des roues, qu’elle déborde d’environ un pié. Les flasques sont jointes l’une à l’autre par quatre pieces de bois appellées entretoises. La premiere A est appellée entretoise de volée ; la seconde C, entretoise de couche ; la troisieme D, entretoise de mire ; & la quatrieme G, qui occupe tout l’intervalle de la partie des flasques qui touche à terre, se nomme entretoise de lunete. On pratique dans les flasques entre la partie qui répond à l’entretoise de volée, & celle qui répond à l’essieu des roues de l’affut, des entailles dans lesquelles on place les tourillons du canon. On pose sur les trois premieres entretoises A, C, D, une piece de bois fort épaisse sur laquelle pose la culasse du canon. Cette piece se nomme la semelle de l’affut.

La fig. 2. de la Planche VI. de l’art. Milit. fait voir le canon monté sur son affut. La fig. 3. de la même Planche représente le profil de l’affut dont AB est une des flasques ; & la fig. 4. le plan du même affut.

Lorsqu’on veut mener le canon en campagne, ou le transporter d’un lieu à un autre ; on attache un avant-train à la partie de ces flasques où est l’entretoise de lunete, comme on le voit, Pl. VI. Art. Mil. fig. 3. La figure 2. de la Planche VII. fait voir le plan de l’avant-train, & de l’affut qui y est joint ou attaché.

Outre l’affut qu’on vient de faire connoître, qui est le plus ordinaire, & qui se nomme affut à roüage, il y a des affuts de place, des marins, & des bâtards, lesquels, au lieu des roues ordinaires, n’ont que des roulettes pleines qui suffisent pour faire mouvoir le canon sur un rampart ou sur de petits espaces.

Le mortier a aussi un affut pour la facilité du service, & pour le faire tenir plus solidement dans telle situation qu’on veut.

L’affut du mortier n’a point de roues, attendu qu’on ne transporte point le mortier sur son affut, comme on y transporte le canon. On a imaginé différentes sortes d’affuts de mortiers ; il y en a de fer, il y en a eu de fonte : mais nous ne parlerons ici que du plus ordinaire. Il est composé de deux pieces de bois plus ou moins fortes & longues, suivant la grosseur du mortier : on les appelle flasques, comme dans le canon ; elles sont jointes par des entretoises fort épaisses. Sur la partie supérieure du milieu des flasques, il y a une entaille pour recevoir les tourillons du mortier ; par-dessus chaque entaille, se pose une forte bande de fer appellée sus-bande, dont le milieu est courbé en demi-cercle pour encastrer les tourillons, & les tenir fortement joints ou attachés aux flasques de l’affut. Dans l’intérieur de chaque entaille est une pareille bande de fer appellée, à cause de sa position, sous-bande. Ces bandes sont attachées aux flasques par de longues & fortes chevilles de fer ; quelquefois la sus-bande est attachée aux flasques par une autre bande de fer, qui couvre chacune de ses extrémités. Il y a sur le devant & sur le derriere des flasques, des especes de barres de fer arrondies qui les traversent de part & d’autre, & qui servent à les serrer exactement avec les entretoises : c’est ce qu’on appelle des boulons. Sur le devant des flasques ou de l’affut, il y a quatre chevilles de fer élevées perpendiculairement entre lesquelles est un morceau de bois, sur lequel s’appuie le ventre du mortier, ou sa partie qui contient la chambre. Ce morceau de bois sert à soûtenir le mortier lorsqu’on veut le faire tirer ; il est appellé coussinet. Au lieu de chevilles pour le tenir, il est quelquefois encastré dans une entaille que l’on fait exprès vers l’extrémité des flasques. Lorsqu’on veut relever le mortier, & diminuer son inclinaison sur le coussinet, on introduit entre le mortier & le coussinet un coin de mire, à peu près comme celui qui sert à pointer le canon. On voit, Pl. VII. de fortif. figure 8. un mortier A monté sur son affut X. Traité d’Artillerie par M. le Blond. (Q)

Affut, terme de Chasse ; c’est un lieu caché où l’on se met avec un fusil prêt à tirer, & où on attend le soir le gibier à la sortie d’un bois. On dit, il fait bon aller ce soir à l’affut ; on va le matin à la rentrée.

AFFUTER, v. act. parmi les Graveurs, les Sculpteurs, & autres ouvriers, est synonyme à aiguiser. On dit, affuter les outils, pour aiguiser les outils. Voyez Aiguiser.

Les Peintres & les Dessinateurs disent, affuter les crayons, pour dire, aiguiser les crayons.

Pour affuter comme il faut les burins, il suffit seulement de les aiguiser sur trois faces ab, ac, & sur le biseau abcd, (fig. 17. Pl. II. de Gravûre.) On arguise les faces ab, ac, en les appliquant sur la pierre, & appuyant avec le doigt indice sur la face opposée, comme on le voit dans la figure 6. & poussant vivement le burin de b en a, & de c en d, & le ramenant de même. Après que les deux faces sont aiguisées, on aiguise le biseau abcd, en l’appliquant sur la pierre à l’huile, & le poussant & ramenant plusieurs fois de e en f & de f en e, ainsi qu’on peut le voir dans la figure 8. Il y a cette différence entre aiguiser & affuter, qu’affuter se dit plus ordinairement du bois & des crayons que des métaux, & qu’on aiguise un instrument neuf & un instrument qui a déjà servi ; au lieu qu’on n’affute gueres que l’instrument qui a servi. Aiguiser désigne indistinctement l’action de donner la forme convenable à l’extrémité d’un instrument qui doit être aigu ; au lieu qu’affuter désigne la réparation de la même forme altérée par l’usage.

AFILIATION. Voyez Affiliation.

AFLEURER, v. act. terme d’Architecture, c’est réduire deux corps saillans l’un sur l’autre à une même surface : désafleurer, c’est le contraire. On dit : cette porte, cette croisée désafleure le nud du mur, lorsque l’une des deux fait ressaut de quelques lignes, & qu’alors il faut approfondir leurs fellures ou ôter de leurs épaisseurs pour détruire ce désafleurement. (P)

AFRAISCHER, v. n. (Marine.) Le vent afraîche. Les matelots se servent de ce mot pour dire que le vent devient plus fort qu’il n’étoit. V. Fraischir, Frais. Ils marquent aussi par la même expression le desir qu’ils ont qu’il s’éleve un vent frais : afraîche, disent-ils. (Z)

* AFRICAINE. Voyez Œillet-d’Inde.

* AFRIQUE, (Géog.) l’une des quatre parties principales de la Terre. Elle a depuis Tanger jusqu’à Suez environ 800 lieues ; depuis le Cap-verd jusqu’au cap Guardafui 1420 ; & du cap de Bonne-Espérance jusqu’à Bone 1450. Long. 1-71. lat. mérid. 1-35. & lat. sept. 1-37. 30.

On ne commerce gueres que sur les côtes de l’Afrique ; le dedans de cette partie du monde n’est pas encore assez connu, & les Européens n’ont gueres commencé ce commerce que vers le milieu du XIVe siecle. Il y en a peu depuis les Royaumes de Maroc & de Fés jusqu’aux environs du Cap-verd. Les établissemens sont vers ce cap & entre la riviere de Sénegal & de Serrelionne. La côte de Serrelionne est abordée par les quatre Nations : mais il n’y a que les Anglois & les Portugais qui y soient établis. Les Anglois seuls résident près du cap de Misérado. Nous faisons quelque commerce sur les côtes de Malaguette ou de Greve : nous en faisons davantage au petit Dieppe & au grand Sestre. La côte d’Ivoire ou des Dents est fréquentée par tous les Européens ; ils ont presque tous aussi des Habitations & des Forts à la côte d’Or. Le cap de Corse est le principal établissement des Anglois : on trafique peu à Asdres. On tire de Benin & d’Angole beaucoup de Negres. On ne fait rien dans la Cafrerie. Les Portugais sont établis à Sofala, à Mozambique, à Madagascar. Ils font aussi tout le commerce de Melinde. Nous suivrons les branches de ces commerces sous les différens articles Cap-verd, Sénegal, &c.

* Afrique, (Géog.) Port & Ville de Barbarie au Royaume de Tunis en Afrique.

* Afrique, (Géog. mod.) petite ville de France en Gascogne, Généralité de Montauban.

AFSLAGERS, s. m. (Commerce.) On nomme ainsi à Amsterdam les personnes établies par les Bourguemaîtres pour présider aux ventes publiques qui se font dans la Ville, y recevoir les encheres & faire l’adjudication des cavelins ou partie de marchandises au plus offrant & dernier enchérisseur. L’Afslager doit toûjours être accompagné d’un clerc de la Secrétairerie pour tenir une note de la vente.

Les Commissaires se nomment aussi Vendu meester, ou maitres de la vente ; & c’est ainsi qu’on les appelle le plus ordinairement. Voyez Vendu meester.

(G)
A G

AGA, s. m. (Hist. mod.) dans le langage du Mogol, est un grand Seigneur ou un Commandant.

Les Turcs se servent de ce mot dans ce dernier sens ; ainsi chez eux l’Aga des Janissaires est le Colonel de cette troupe. Le Capi-Aga est le Capitaine de la porte du Serrail. Voyez Janissaire, Capi-Aga.

Ils donnent aussi quelquefois le titre d’Aga par politesse à des personnes de distinction, sans qu’elles ayent de charge ni de commandement. Mais aux personnes revêtues du titre d’Aga, par honneur & par respect pour leur dignité, on emploie le mot d’Agarat, terme pluriel, au lieu de celui d’Aga qui est singulier. Ainsi parmi nous, au lieu de vous, nous disons à certaines personnes votre Grandeur ; & au lieu de je, un Ministre ou Officier Général écrit nous, &c.

En quelques occasions, au lieu d’Aga, ils disent Agasi ou Agassi : ainsi ils appellent l’Aga ou Commandant général de la Cavalerie, Spahilar Agassi. Voyez Page, Oda, Spahi, &c.

Aga des Janissaires, Voyez Janissaire-Aga.

Aga des Spahis, Voyez Spahilar-Aga. (G)

AGACE, s. f. (Hist. nat.) oiseau plus connu sous le nom de Pie. Voyez Pie. (I)

* AGADES, (Géog.) Royaume & Ville de même nom, dans la Nigritie en Afrique. Long. 20. 15. lat. 19. 10.

* AGANIPPIDES, (Myt.) Les Muses furent ainsi surnommées de la fontaine Aganippe qui leur étoit consacrée.

AGANTE, (Marine.) terme qui n’est employé que par quelques Matelots pour prends. (Z)

AGAPES, s. f. termes de l’Hist. ecclesiast. Ce mot est tiré du Grec ἀγαπὴ, amour, & on l’employoit pour signifier ces repas de charité que faisoient entr’eux les premiers Chrétiens dans les Eglises, pour cimenter de plus en plus la concorde & l’union mutuelle des membres du même corps.

Dans les commencemens ces agapes se passoient sans désordre & sans scandale, au moins les en bannissoit-on séverement, comme il paroît par ce que S. Paul en écrivit aux Corinthiens. Epit. I. ch. xi. Les Payens qui n’en connoissoient ni la police ni la fin, en prirent occasion de faire aux premiers Fideles les reproches les plus odieux. Quelque peu fondés qu’ils fussent, les Pasteurs, pour en bannir toute ombre de licence, défendirent que le baiser de paix par où finissoit cette assemblée se donnât entre les personnes de sexe différent, ni qu’on dressât des lits dans les Eglises pour y manger plus commodément : mais divers autres abus engagerent insensiblement à supprimer les agapes. S. Ambroise & S. Augustin y travaillerent si efficacement, que dans l’Eglise de Milan l’usage en cessa entierement, & que dans celle d’Afrique il ne subsista plus qu’en faveur des Clercs, & pour exercer l’hospitalité envers les étrangers, comme il paroît par le troisieme Concile de Carthage. Thomass. Discip. de l’Eglise, part. IIIe ch. xlvii. n° i.

Quelques Critiques pensent, & avec raison, que c’est de ces agapes que parle S. Paul dans l’endroit que nous avons déjà cité. Ce qu’ils ajoûtent n’est pas moins vrai ; savoir, que la perception de l’Eucharistie ne se faisoit pas dans les agapes mêmes, mais immédiatement après, & qu’on les faisoit en mémoire de la derniere cene que Jesus-Christ célébra avec ses Apôtres, & dans laquelle il institua l’Eucharistie : mais depuis qu’on eut réglé qu’on recevroit ce Sacrement à jeun, les agapes précéderent la communion.

D’autres Ecrivains prétendent que ces agapes n’étoient point une commémoration de la derniere cene de Jesus-Christ, mais une coûtume que les nouveaux Chrétiens avoient empruntée du paganisme. Mos vero ille, ut referunt, dit Sédulius sur le chap. xi. de la premiere Epit. aux Corinth. de gentili adhuc superstitione veniebat. Et S. Augustin rapporte que Fauste le Manichéen reprochoit aux Fideles qu’ils avoient converti les sacrifices des Payens en agapes : Christianos sacrificia Paganorum convertisse in agapas.

Mais outre que le témoignage de Fauste, ennemi des Catholiques, n’est pas d’un grand poids, son objection & celle de Sédulius ne sont d’aucune force, dès qu’on fait attention que les Juifs étoient dans l’usage de manger des victimes qu’ils immoloient au vrai Dieu, & qu’en ces occasions ils rassembloient leurs parens & leurs amis. Le Christianisme qui avoit pris naissance parmi eux, en prit cette coûtume, indifférente en elle-même, mais bonne & loüable par le motif qui la dirigeoit. Les premiers fideles d’abord en petit nombre, se considéroient comme une famille de freres, vivoient en commun : l’esprit de charité institua ces repas, où régnoit la tempérance : multipliés par la suite, ils voulurent conserver cet usage des premiers tems ; les abus s’y glisserent, & l’Eglise fut obligée de les interdire.

On trouve dans les Epitres de S. Grégoire le Grand que ce Pape permit aux Anglois nouvellement convertis de faire des festins sous des tentes ou des feuillages, au jour de la dédicace de leurs églises ou des fêtes des Martyrs, auprès des églises, mais non pas dans leur enceinte. On rencontre aussi quelques traces des agapes dans l’usage où sont plusieurs Eglises Cathédrales & Collégiales de faire, le Jeudi-saint, après le lavement des piés & celui des autels, une collation dans le Chapitre, le Vestiaire, & même dans l’Eglise. Tertull. orig. Clem. Alex. Minut. Felix. S. Aug. S. Chrysost. S. Greg. Ep. 71. L. IX. Baronius, ad ann. 57. 377. 384. Fleury, Hist. eccles. tome I. page 94. Liv. I.

AGAPETES, s. f. terme de l’Histoire ecclésiastique, c’étoient dans la primitive Eglise des Vierges qui vivoient en communauté, & qui servoient les Ecclésiastiques par pur motif de piété & de charité.

Ce mot signifie bien aimées, & comme le précédent il est dérivé du grec ἀγαπάω.

Dans la premiere ferveur de l’Eglise naissante, ces pieuses sociétés, loin d’avoir rien de criminel, étoient nécessaires à bien des égards. Car le petit nombre de Vierges, qui faisoient avec la Mere du Sauveur partie de l’Eglise, & dont la plûpart étoient parentes de Jesus-Christ ou de ses Apôtres, ont vécu en commun avec eux comme avec tous les autres fideles. Il en fut de même de celles que quelques Apôtres prirent avec eux en allant prêcher l’Évangile aux Nations ; outre qu’elles étoient probablement leurs proches parentes, & d’ailleurs d’un âge & d’une vertu hors de tout soupçon, ils ne les retinrent auprès de leurs personnes que pour le seul intérêt de l’Évangile, afin de pouvoir par leur moyen, comme dit Saint Clement d’Alexandrie, introduire la foi dans certaines maisons, dont l’accès n’étoit permis qu’aux femmes ; car on sait que chez les Grecs surtout, le gynecée ou appartement des femmes étoit séparé, & qu’elles avoient rarement communication avec les hommes du dehors. On peut dire la même chose des Vierges dont le pere étoit promu aux Ordres sacrés, comme des quatre filles de Saint Philippe Diacre, & de plusieurs autres : mais hors de ces cas privilégiés & de nécessité, il ne paroît pas que l’Eglise ait jamais souffert que des Vierges, sous quelque prétexte que ce fût, vécussent avec des Ecclésiastiques autres que leurs plus proches parens. On voit par ses plus anciens monumens qu’elle a toûjours interdit ces sortes de sociétés. Car Tertullien, dans son livre sur le voile des Vierges, peint leur état comme un engagement indispensable à vivre éloignées des regards des hommes ; à plus forte raison, à fuir toute cohabitation avec eux. Saint Cyprien, dans une de ses Epîtres, assûre aux Vierges de son tems, que l’Eglise ne sauroit souffrir non-seulement qu’on les vît loger sous le même toît avec des hommes, mais encore manger à la même table : nec pati Virgines cum masculis habitare, non dico simul dormire, sed nec simul vivere. Le même saint Evêque, instruit qu’un de ses collegues venoit d’excommunier un Diacre pour avoir logé plusieurs fois avec une Vierge, félicite ce Prélat de cette action comme d’un trait digne de la prudence & de la fermeté épiscopale : consultè & cum vigore fecisti, abstinendo Diaconum qui cum virgine sæpè mansit. Enfin les Peres du Concile de Nicée défendent expressément à tout Écclésiastique d’avoir chez eux de ces femmes qu’on appelloit subintroductæ, si ce n’étoit leur mere, leur sœur ou leur tante paternelle, à l’égard desquelles, disent-ils, ce seroit une horreur de penser que des Ministres du Seigneur fussent capables de violer les lois de la nature, de quibus nominibus nefas est aliud quam natura constituit suspicari.

Par cette doctrine des Peres, & par les précautions prises par le Concile de Nicée, il est probable que la fréquentation des Agapetes & des Ecclésiastiques avoit occasionné des désordres & des scandales. Et c’est ce que semble insinuer Saint Jérôme quand il demande avec une sorte d’indignation : unde Agapetarum pestis in Ecclesiâ introüt ? C’est à cette même fin que Saint Jean Chrysostome, après sa promotion au Siége de Constantinople, écrivit deux petits traités sur le danger de ces sociétés ; & enfin le Concile général de Latran, sous Innocent III. en 1139. les abolit entierement.

M. Chambers avoit brouillé tout cet article, confondu les Diaconesses avec les Agapetes, donné une même cause à la suppression des unes & des autres, & autorisé par des faits mal exposés le concubinage des Prêtres. Il est certain que l’Eglise n’a jamais toléré cet abus en tolérant les Agapetes, & il n’est pas moins certain que ce n’est point à raison des desordres qu’elle a aboli les fonctions de Diaconesses. Voyez Diaconesse. (G)

* AGARÉENS, (Géog. Hist. anc.) peuples ainsi nommés d’Agar mere d’Ismael, dont ils descendoient ; & depuis appellés Sarrasins.

AGARIC, minéral (Hist. nat.) matiere de la nature des pierres à chaux, qui se trouve dans les carrieres de ces pierres. L’agaric minéral est mieux nommé moelle de pierre. Voyez Moelle de pierre. (I)

Agaric, s. m. (Hist. nat.) en latin Agaricus, herbe, dit M. Tournefort, dont on ne connoît ni les fleurs ni les graines, qui croît ordinairement contre le tronc des arbres, & qui ressemble en quelque façon au champignon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Mais M. Micheli prétend avoir vû des fleurs dans l’agaric ; & conséquemment voici comment il décrit ce genre. « L’agaric est un genre de plante dont les caracteres dependent principalement de la forme de ses différentes feuilles ; elles sont composées de deux parties différentes : il y en a qui sont poreuses en dessous, d’autres sont dentelées en forme de peigne, d’autres sont en lames, d’autres enfin sont unies. Les fleurs sont sans petales, & n’ont qu’un seul filet ; elles sont stériles, elles n’ont ni calice, ni pistil, ni étamines. Elles naissent dans des enfoncemens, ou à l’orifice de certains petits trous. Les semences sont rondes ou arrondies ; elles sont placées dans différents endroits comme il est expliqué dans les soûdivisions de ce genre, & dans le détail des especes qu’a donné M. Micheli. Nova'plant. genera, pag. 117. & suivantes. Voyez Plante. (I).

* M. Boulduc, continuant l’histoire des purgatifs répandue dans les Mémoires de l’Académie, en est venu à l’agaric, & il lui paroît (Mém. 1714. p. 27.) que ce purgatif a été fort estimé des Anciens, quoiqu’il le soit peu aujourd’hui & avec raison ; car il est très-lent dans son opération, & par le long séjour qu’il fait dans l’estomac, il excite des vomissemens, ou tout au moins des nausées insupportables, suivies de sueurs, de syncopes, & de langueurs qui durent beaucoup ; il laisse aussi un long dégoût pour les alimens. Les Anciens qui n’avoient pas tant de purgatifs à choisir que nous, n’y étoient apparemment pas si délicats ; ou bien, auroit pû ajoûter M. Boulduc, l’agaric n’a plus les mêmes propriétés qu’il avoit.

C’est, dit cet Académicien, une espece de champignon qui vient sur le larix ou melese. Quelques-uns croyent que c’est une excroissance, une tumeur produite par une maladie de l’arbre : mais M. Tournefort le range sans difficulté parmi les plantes & avec les autres champignons. On croit que celui qui nous est apporté du Levant, vient de la Tartarie, & qu’il est le meilleur. Il en vient aussi des Alpes & des montagnes du Dauphiné & de Trentin. Il y a un mauvais agaric qui ne croît pas sur le larix, mais sur les vieux chênes, les hêtres, &c. dont l’usage seroit très-pernicieux.

On divise l’agaric en mâle & femelle ; le premier a la superficie rude & raboteuse, & la substance intérieure fibreuse, ligneuse, difficile à diviser, de diverses couleurs, hormis la blanche ; il est pesant. Le second au contraire à la superficie fine, lisse, brune ; il est intérieurement blanc, friable, & se met aisément en farine, & par conséquent il est léger : tous deux se font d’abord sentir au goût sur la langue, & ensuite ils sont amers & acres ; mais le mâle a plus d’amertume & d’acreté. Celui-ci ne s’emploie point en Medecine, & peut-être est-ce le même que celui qui ne croît pas sur le larix.

M. Boulduc a employé sur l’agaric les deux grandes especes de dissolvans, les sulphureux & les aqueux. Il a tiré par l’esprit de vin une teinture résineuse d’un goût & d’une odeur insupportable : une goutte mise sur la langue faisoit vomir, & donnoit un dégout de tout pour la journée entiere. De deux onces d’agaric, il est venu six dragmes & demie de teinture : le marc qui ne pesoit plus que neuf dragmes, ne contenoit plus rien, & n’étoit qu’un mucilage ou une espece de boue.

Sur cela, M. Boulduc soupçonna que ce mucilage inutile qui étoit en si grande quantité, pouvoit venir de la partie farineuse de l’agaric, détrempée & amollie ; & la teinture résineuse, de la seule partie superficielle ou corticale. Il s’en assûra par l’expérience ; car ayant séparé les deux parties, il ne tira de la teinture que de l’extérieur, & presque point de l’intérieur ; ce qui fait voir que la premiere est la seule purgative, & la seule à employer, si cependant on l’emploie ; car elle est toûjours très-desagréable, & cause beaucoup de nausées & de dégoût. Pour diminuer ses mauvais effets, il faudroit la mêler avec d’autres purgatifs.

Les dissolvants aqueux n’ont pas non plus trop bien réussi sur l’agaric ; l’eau seule n’en tire rien : on n’a par son moyen qu’un mucilage épais, une boue, & nul extrait. L’eau aidée du sel de tartre, parce que les sels alkalis des plantes dissolvent ordinairement les parties résineuses, donne encore un mucilage, dont, après quelques jours de repos, la partie supérieure est transparente, en forme de gelée, & fort différente du fond, qui est très-épais. De cette partie supérieure séparée de l’autre, M. Boulduc a tiré par évaporation à chaleur lente un extrait d’assez bonne consistance, qui devoit contenir la partie résineuse & la partie saline de l’agaric, l’une tirée par le sel de tartre, l’autre par l’eau. Deux onces d’agaric avec une demi-once de sel de tartre, avoient donné une once & demi-dragme de cet extrait : il purge très bien, sans nausées, & beaucoup plus doucement que la teinture résineuse tirée avec l’esprit de vin. Quant à la partie inférieure du mucilage, elle ne purge point du tout, ce n’est que la terre de l’agaric.

M. Boulduc ayant employé le vinaigre distillé au lieu de sel de tartre, & de la même maniere, il a eu un extrait tout pareil à l’autre, & de la même vertu, mais en moindre quantité.

La distillation de l’agaric a donné à M. Boulduc assez de sel volatil, & un peu de sel essentiel : il y a très peu de sel fixe dans la terre morte.

L’agaric mâle, que M. Boulduc appelle faux agaric, & qu’il n’a travaillé que pour ne rien oublier sur cette matiere, a peu de parties résineuses, & moins encore de sel volatil ou de sel essentiel. Aussi ne vient-il que sur de vieux arbres pourris, dans lesquels il s’est fait une résolution ou une dissipation des principes actifs. L’infusion de cet agaric faite dans l’eau, devient noire comme de l’encre, lorsqu’on la mêle avec la solution de vitriol : aussi l’agaric mâle est-il employé pour teindre en noir. On voit par-là qu’il a beaucoup de conformité avec la noix de galle, qui est une excroissance d’arbres.

AGATE. Les Tireurs d’or appellent ainsi un instrument dans le milieu duquel est enchassée une agate qui sert à rebrunir l’or.

Agate, Achates, s. f. (Hist. nat.) Pierre fine que les Auteurs d’Histoire naturelle ont mise dans la classe des Pierres fines demi-transparentes. Voyez Pierre fine.

On croit que le nom de l’agate vient de celui du fleuve Achates dans la vallée de Noto en Sicile, que l’on appelle aujourd’hui le Drillo ; & on prétend que les premieres pierres d’agate furent trouvées sur les bords de ce fleuve.

La substance de l’agate est la même que celle du caillou, que l’on appelle communément pierre à fusil : toute la différence que l’on peut mettre entre l’une & l’autre, est dans les couleurs ou dans la transparence. Ainsi l’agate brute, l’agate imparfaite, par rapport à la couleur & à la transparence, n’est pas différente du caillou ; & lorsque la matiere du caillou a un certain degré de transparence ou des couleurs marquées, on la nomme agate.

On distingue deux sortes d’agates par rapport à la transparence : sçavoir, l’agate orientale & l’agate occidentale : la premiere vient ordinairement des pays Orientaux, comme son nom le désigne, & on trouve la seconde dans les pays Occidentaux, en Allemagne, en Boheme, &c. On reconnoît l’agate orientale à la netteté, à la transparence, & à la beauté du poli ; au contraire l’agate occidentale est obscure, sa transparence est offusquée, & son poliment n’est pas aussi beau que celui des agates orientales. Toutes les agates que l’on trouve en Orient n’ont pas les qualités qu’on leur attribue ordinairement, & on rencontre quelquefois des agates en Occident que l’on pourroit comparer aux orientales.

La matiere ou la pâte de l’agate orientale, comme disent les Lapidaires, est un caillou demi-transparent, pur & net : mais dès qu’un tel caillou a une teinte de couleur, il retient rarement le nom d’agate. Si la couleur naturelle du caillou est laiteuse & mêlée de jaune ou de bleu, c’est une chalcedoine ; si le caillou est de couleur orangée, c’est une sardoine ; s’il est rouge, c’est une cornaline. Voyez Caillou, Chalcedoine, Cornaline, Sardoine. On voit par cette distinction qu’il y a peu de variété dans la couleur des agates orientales ; elles sont blanches, ou plûtôt elles n’ont point de couleur. Au contraire l’agate occidentale a plusieurs couleurs & différentes nuances dans chaque couleur ; il y en a même de jaunes & de rouges, que l’on ne peut pas confondre avec les sardoines ni les cornalines, parce que le jaune de l’agate occidentale, quoique mêlé de rouge, n’est jamais aussi vif & aussi net que l’orangé de la sardoine. De même le rouge de l’agate occidentale semble être lavé & éteint en comparaison du rouge de la cornaline : c’est la couleur du minium comparée à celle du vermillon.

La matiere de l’agate occidentale est un caillou, dont la transparence est plus qu’à demi-offusquée, & dont les couleurs n’ont ni éclat ni netteté.

Il est plus difficile de distinguer l’agate des autres pierres demi-transparentes, telles que la chalcedoine, la sardoine & la cornaline, que de la reconnoître parmi les pierres opaques, telles que le jaspe & le jade ; cependant on voit souvent la matiere demi-transparente de l’agate mêlée dans un même morceau de pierre avec une matiere opaque, telle que le jaspe ; & dans ce cas on donne à la pierre le nom d’agate jaspée, si la matiere d’agate en fait la plus grande partie ; & on l’appelle jaspe agaté si c’est le jaspe qui domine.

L’arrangement des taches & l’opposition des couleurs dans les couches, dont l’agate est composée, sont des caracteres pour distinguer différentes especes qui sont l’agate simplement dite, l’agate onyce, l’agate œillée, & l’agate herborisée.

L’agate simplement dite est d’une seule couleur ou de plusieurs, qui ne forment que des taches irrégulieres posées sans ordre & confondues les unes avec les autres. Les teintes & les nuances des couleurs peuvent varier presqu’à l’infini ; de sorte que dans ce mêlange & dans cette confusion il s’y rencontre des hasards aussi singuliers que bisarres. Il semble quelquefois qu’on y voit des gasons, des ruisseaux & des paysages, souvent même des animaux & des figures d’hommes ; & pour peu que l’imagination y contribue, on y apperçoit des tableaux en entier : telle étoit la fameuse agate de Pyrrhus Roi d’Albanie, sur laquelle on prétendoit voir, au rapport de Pline, Apollon avec sa lyre, & les neuf Muses, chacune avec ses attributs : ou l’agate dont Boece de Boot fait mention ; elle n’étoit que de la grandeur de l’ongle, & on y voyoit un Evêque avec sa mitre : & en retournant un peu la pierre, le tableau changeant, il y paroissoit un homme & une tête de femme. On pourroit citer quantité d’autres exemples, ou plûtôt il n’y a qu’à entendre la plûpart des gens qui jettent les yeux sur certaines agates, ils y distinguent quantité de choses que d’autres ne peuvent pas même entrevoir. C’est pousser le merveilleux trop loin, les jeux de la nature n’ont jamais produit sur les agates que quelques traits toujours trop imparfaits, même pour y faire une esquisse.

L’agate onyce est de plusieurs couleurs : mais ces couleurs au lieu de former des taches irrégulieres, comme dans l’agate simplement dite, forment des bandes ou des zones qui représentent les différentes couches dont l’agate est composée. La couleur de l’une des bandes n’anticipe pas sur les bandes voisines. Chacune est terminée par un trait net & distinct. Plus les couleurs sont opposées & tranchées l’une par rapport à l’autre, plus l’agate onyce est belle. Mais l’agate est rarement susceptible de ce genre de beauté, parce que ses couleurs n’ont pas une grande vivacité. Voyez Onyce.

L’agate œillée est une espece d’agate onyce dont les couches sont circulaires. Ces couches forment quelquefois plusieurs cercles concentriques sur la surface de la pierre ; elles peuvent être plus épaisses les unes que les autres, mais l’épaisseur de chacune en particulier est presqu’égale dans toute son étendue : ces couches ou plûtôt ces cercles ont quelquefois une tache à leur centre commun, alors la pierre ressemble en quelque façon à un œil ; c’est pourquoi on les a nommées agates œillées. Il y a souvent plusieurs de ces yeux sur une même pierre ; c’est un assemblage de plusieurs cailloux qui se sont formés les uns contre les autres, & confondus ensemble en grossissant. Voyez Caillou. On monte en bagues les agates œillées, & le plus souvent on les travaille pour les rendre plus ressemblantes à des yeux. Pour cela on diminue l’épaisseur de la pierre dans certains endroits, & on met dessous une feuille couleur d’or ; alors les endroits les plus minces paroissent enflammés, tandis que la feuille ne fait aucun effet sur les endroits de la pierre qui sont les plus épais. On ne manque pas aussi de faire une tache noire au centre de la pierre en dessous, pour représenter la prunelle de l’œil, si la nature n’a pas fait cette tache.

On donne à l’agate le nom d’herborisée ou de dendrite, (Voyez Dendrite.) lorsqu’on y voit des ramifications qui représentent des plantes telles que des mousses, & même des buissons & des arbres. Les traits sont si délicats, le dessein est quelquefois si bien conduit, qu’un Peintre pourroit à peine copier une belle agate herborisée : mais elles ne sont pas toutes aussi parfaites les unes que les autres. On en voit qui n’ont que quelques taches informes ; d’autres sont parsemées de traits qui semblent imiter les premieres productions de la végétation, mais qui n’ont aucun rapport les uns aux autres. Ces traits quoique liés ensemble, ne forment que des rameaux imparfaits & mal dessinés. Enfin, les belles agates herborisées présentent des images qui imitent parfaitement les herbes & les arbres ; le dessein de ces especes de peintures est si régulier, que l’on peut y distinguer parfaitement les troncs, les branches, les rameaux, & même les feuilles : on est allé plus loin, on a cru y voir des fleurs. En effet, il y a des dendrites dans lesquelles les extrémités des ramifications sont d’une belle couleur jaune, ou d’un rouge vif. Voyez Cornaline herborisée, Sardoine herborisée.

Les ramifications des agates herborisées sont d’une couleur brune ou noire, sur un fond dont la couleur dépend de la qualité de la pierre ; il est net & transparent, si l’agate est orientale ; si au contraire elle est occidentale, ce fond est sujet à toutes les imperfections de cette sorte de pierre. Voyez Caillou. (I)

* Les agates & les jaspes se peuvent facilement teindre : mais celles de ces pierres qui sont unies naturellement, sont par cette même raison, composées de tant de parties hétérogenes, que la couleur ne sauroit y prendre uniformément : ainsi, on n’y peut faire que des taches, pour perfectionner la régularité de celles qui s’y rencontrent ; mais non pas les faire changer entierement de couleur, comme on fait à l’agate blanchâtre nommée chalcedoine.

Si l’on met, sur un morceau d’agate chalcedoine, de la dissolution d’argent dans de l’esprit de nitre, & qu’on l’expose au soleil, on la trouvera teinte au bout de quelques heures, d’une couleur brune tirant sur le rouge. Si l’on y met de nouvelle dissolution, on l’aura plus foncée, & la teinture la pénetrera plus avant, & même entierement ; si l’agate n’a qu’une ou deux lignes d’épaisseur, & qu’on mette de la dissolution des deux côtés, cette teinture n’agit pas uniformément. Il y a dans cette sorte d’agate, & dans la plûpart des autres pierres dures, des veines presqu’imperceptibles qui en sont plus facilement pénétrées que le reste ; ensorte qu’elles deviennent plus foncées, & forment de très-agréables variétés qu’on ne voyoit point auparavant.

Si l’on joint à la dissolution d’argent le quart de son poids, ou environ, de suie & de tartre rouge mêlés ensemble, la couleur sera brune tirant sur le gris.

Au lieu de suie & de tartre, si on met la même quantité d’alun de plume, la couleur sera d’un violet foncé tirant sur le noir.

La dissolution d’or ne donne à l’agate qu’une légere couleur brune qui pénetre très-peu ; celle du bismuth la teint d’une couleur qui paroît blanchâtre & opaque, lorsque la lumiere frappe dessus, & brune quand on la regarde à travers le jour. Les autres dissolutions de métaux, & de minéraux, employées de la même maniere, n’ont donné aucune sorte de teinture.

Pour réussir à cette opération, il est nécessaire d’exposer l’agate au soleil : M. Dufay en a mis sous une moufle ; mais elles n’ont pris que très-peu de couleur, & elle ne pénetroit pas si avant. Il a même remarqué plusieurs fois que celles qu’il avoit exposées au soleil ont pris moins de couleur dans tout le cours de la premiere journée, qu’en une demi-heure du second jour, même sans y remettre de nouvelle dissolution. Cela lui a fait soupçonner, que peut-être l’humidité de l’air étoit très-propre à faire pénétrer les parties métalliques. En effet, il a fait colorer des agates très-promptement, en les portant dans un lieu humide aussi-tôt que le soleil avoit fait sécher la dissolution, & les exposant de rechef au soleil.

Pour tracer sur la chalcedoine des figures qui aient quelque sorte de régularité, la maniere qui réussit le mieux est de prendre la dissolution d’argent avec une plume, ou un petit bâton fendu, & de suivre les contours avec une épingle, si l’agate est dépolie ; le trait n’est jamais bien fin, parce que la dissolution s’étend en très-peu de tems : mais si elle est bien chargée d’argent, & qu’elle se puisse crystalliser promptement au soleil, elle ne court plus risque de s’épancher, & les traits en seront assez délicats. Ils n’approcheront cependant jamais du trait de la plume, & par conséquent de ces petits arbres qu’on voit si délicatement formés par les dendrites.

Supposé pourtant qu’on parvînt à les imiter, voici deux moyens de distinguer celles qui sont naturelles d’avec les factices. 1°. En chauffant l’agate colorée artificiellement, elle perd une grande partie de sa couleur, & on ne peut la lui faire reprendre qu’en remettant dessus de nouvelle dissolution d’argent. La seconde maniere, qui est plus facile & plus simple, est de mettre sur l’agate colorée un peu d’eau forte ou d’esprit de nitre, sans l’exposer au soleil ; il ne faut qu’une nuit pour la déteindre entierement. Lorsque l’épreuve sera faite, on lui restituera, si l’on veut, toute sa couleur, en l’exposant au soleil plusieurs jours de suite : mais il ne faut pas trop compter sur ce moyen, comme on verra par ce qui suit.

On sait que par le moyen du feu, on peut changer la couleur de la plûpart des pierres fines ; c’est ainsi qu’on fait les saphirs blancs, les amethistes blanches. On met ces pierres dans un creuset, & on les entoure de sable ou de limaille de fer ; elles perdent leurs couleurs à mesure qu’elles s’échauffent ; on les retire quelquefois fort blanches. Si l’on chauffe de même la chalcedoine ordinaire, elle devient d’un blanc opaque ; & si l’on fait des taches avec de la dissolution d’argent, ces taches seront d’un jaune citron, auquel l’eau-forte n’apporte plus aucun changement. La dissolution d’argent mise sur la chalcedoine ainsi blanchie & exposée au soleil plusieurs jours de suite, y fait des taches brunes.

La dissolution d’argent donne à l’agate orientale une couleur plus noire qu’à la chalcedoine commune. Sur une agate parsemée de taches jaunes, elle a donné une couleur de pourpre. Voyez Mémoires de l’Académie, année 1728, par M. Dufay. Nous avons dit dans l’endroit où l’on propose le moyen de reconnoître l’agate teinte d’avec l’agate naturelle, qu’il ne falloit pas trop compter sur l’eau-forte. En effet, M. de la Condamine ayant mis deux dendrites naturelles dans de l’eau-forte, pendant trois ou quatre jours, il n’y eut point de changement. Les dendrites mises en expérience, ayant été oubliées sur une fenêtre pendant quinze jours d’un tems humide & pluvieux, il se mêla un peu d’eau de pluie dans l’eau-forte ; & l’agate où les arbrisseaux étoient très-fins, se déteignit entierement : le même sort arriva à l’autre, du moins pour la partie qui trempoit dans l’eau-forte ; il fallut pour cette expérience de l’oubli, au lieu de soin & d’attention.

Agate, (Mat med.) on attribue de grandes vertus à l’agate, de même qu’à d’autres pierres précieuses : mais elles sont toutes imaginaires. Geoffroy. (N)

L’agate (en Architecture.) sert à l’embellissement des tabernacles, des cabinets de pieces de rapport, de marqueterie, &c. (P)

* AGATE, (St) Géog. petite ville d’Italie au Royaume de Naples, dans la Province ultérieure. Long. 32-8. lat. 40-55.

Agate, Gatte, Jatte. (Marine.) Voyez Gatte. (Z)

* AGATHYRSES, s. m. pl. (Hist. anc.) peuples de la Sarmatie d’Europe, dont Herodote, S. Jerôme, & Virgile, ont fait mention. Virgile a dit qu’ils se peignoient ; S. Jerôme, qu’ils étoient riches sans être avares ; & Herodote, qu’ils étoient efféminés.

* AGATY, (Hist. nat. Botan.) arbre du Malabare qui a quatre à cinq fois la hauteur de l’homme, & dont le tronc a environ six piés de circonférence. Ses branches partent de son milieu & de son sommet, & s’étendent beaucoup plus en hauteur ou verticalement qu’horisontalement ; il croît dans les lieux sablonneux. Sa racine est noire, astringente au goût, & pousse des fibres à une grande distance. Le bois d’agaty est tendre, & d’autant plus tendre qu’on le prend plus voisin du cœur. Si l’on fait une incision à l’écorce, il en sort une liqueur claire & aqueuse, qui s’épaissit & devient gommeuse peu après sa sortie. Ses feuilles sont ailées. Elles ont un empan & demi de long. Elles sont formées de deux lobes principaux, unis à une maîtresse côte, & opposées directement. Leur pédicule est fort court & courbé en devant. Leurs petits lobes sont oblongs & arrondis par les bords. Ils ont environ un pouce & demi de longueur & un travers de doigt de largeur. Cette largeur est la même à leur sommet qu’à leur base. Leur tissu est extrèmement compact & uni ; d’un verd éclatant en dessus, pâle en dessous, & d’une odeur qu’ont les féves quand on les broie. De la grosse côte partent des ramifications déliées, qui tapissent toute la surface des feuilles. Ces feuilles se fermont pendant la nuit, c’est-à-dire que leurs lobes s’approchent.

Les fleurs sont papilionacées, sans odeur, naissent quatre à quatre, ou cinq à cinq, ou même en plus grand nombre, sur une petite tige qui sort d’entre les ailes des feuilles. Elles sont composées de quatre pétales, dont un s’éleve au-dessus des autres. Les latéraux forment un angle, sont épais, blancs & striés par des veines, blanches d’abord, puis jaunes & ensuite rouges. Les étamines des fleurs forment un angle & se distribuent, à leur extrémité, en deux filamens qui portent deux sommets jaunes & oblongs. Le calice qui environne la base des pétales est profond, composé de quatre portions ou feuilles courtes, arrondies & d’un verd pâle.

Lorsque les fleurs sont tombées, il leur succede des cosses longues de quatre palmes, & larges d’un travers de doigt, droites, un peu arrondies, vertes & épaisses. Ces cosses contiennent des féves oblongues, arrondies, placées chacune dans une loge, séparée d’une autre loge par une cloison charnue, qui regne tout le long de la cosse ; les féves ont le goût des nôtres, & leur ressemblent, excepté qu’elles sont beaucoup plus petites. Elles blanchissent à mesure qu’elles mûrissent ; on peut en manger. Si les tems sont pluvieux, cet arbre portera des fruits trois ou quatre fois l’année.

Sa racine broyée dans de l’urine de vache, dissippe les tumeurs. Le suc tiré de l’écorce, mêlé avec le miel & pris en gargarisme, est bon dans l’esquinancie, & les aphthes de la bouche. Je pourrois encore rapporter d’autres propriétés des différentes parties de cet arbre : mais elles n’en seroient pas plus réelles, & mon témoignage n’ajoûteroit rien à celui de Ray, d’où la description précédente est tirée.

* AGDE, (Géog.) ville de France en Languedoc, au territoire d’Agadez, differ. de long. à l’Observatoire de Paris, 1d 7′ 37″ à l’orient. Lat. 43-18-54. Mém. de l’Acad. 1724, pag. 89. Hist.

* AGE, (Myth.) Les Poëtes ont distribué le tems qui suivit la formation de l’homme, en quatre âges. L’âge d’or, sous le regne de Saturne au ciel, & sous celui de l’innocence & de la justice en terre. La terre produisoit alors sans culture, & des fleuves de miel & de lait couloient de toutes parts. L’âge d’argent, sous lequel ces hommes commencerent à être moins justes & moins heureux. L’âge d’airain, où le bonheur des hommes diminua encore avec leur vertu ; & l’âge de fer, sous lequel, plus méchans que sous l’âge d’airain, ils furent plus malheureux. On trouvera tout ce système exposé plus au long dans l’ouvrage d’Hésiode, intitulé Opera & dies ; ce Poëte fait à son frere l’histoire des siecles écoulés, & lui montre le malheur constamment attaché à l’injustice, afin de le détourner d’être méchant. Cette allégorie des âges est très-philosophique & très-instructive ; elle étoit très-propre à apperendre aux peuples à estimer la vertu ce qu’elle vaut.

Les Historiens, ou plûtôt les Chronologistes, ont divisé l’age du Monde en six époques principales, entre lesquelles ils laissent plus ou moins d’intervalles, selon qu’ils font le monde plus ou moins vieux. Ceux qui placent la création six mille ans avant Jesus-Christ, comptent pour l’âge d’Adam jusqu’au déluge, 2262 ans ; depuis le déluge jusqu’au partage des Nations, 738 ; depuis le partage des Nations jusqu’à Abraham, 460 ; depuis Abraham jusqu’à la pâque des Israëlites, 645 ; depuis la pâque des Israëlites jusqu’à Saül, 774 ; depuis Saül jusqu’à Cyrus, 583 ; & depuis Cyrus jusqu’à Jesus-Christ, 538.

Ceux qui ne font le monde âgé que de quatre mille ans, comptent de la création au déluge, 1656 ; du déluge à la vocation d’Abraham, 426 ; depuis Abraham jusqu’à la sortie d’Egypte, 430 ; depuis la sortie d’Egypte jusqu’à la fondation du Temple, 480 ; depuis la fondation du Temple jusqu’à Cyrus, 476 ; depuis Cyrus jusqu’à Jesus-Christ, 532.

D’autres comptent de la création à la prise de Troie, 2830 ans ; & à la fondation de Rome, 3250 ; de Carthage vaincue par Scipion à Jesus-Christ, 200 ; de Jesus-Christ à Constantin, 312, & au rétablissement de l’Empire d’Occident, 808.

Age, en terme de Jurisprudence, se dit de certains périodes de la vie auxquels un citoyen devient habile à tels ou tels actes, à posséder telles ou telles dignités, tels ou tels emplois : mais ce qu’on appelle purement & simplement en Droit être en âge, c’est être majeur. Voyez Majeur & Majorité.

Dans la coûtume de Paris on est en âge, pour tester de ses meubles & acquêts, à vingt ans : mais on ne peut disposer de ses immeubles qu’à vingt-cinq.

On ne peut être reçû Conseiller ès Parlemens & Présidiaux, Maître, Correcteur ou Auditeur des Comptes, Avocat ou Procureur du Roi, Bailli, Sénéchal, Vicomte, Prevôt, Lieutenant Général, Civil, Criminel, ou Particulier ès Siéges qui ne ressortissent pas nûment au Parlement, ni Avocat ou Procureur du Roi èsdits Siéges, avant l’âge de vingt-sept ans accomplis ; ni Avocat ou Procureur Général, Bailli, Sénéchal, Lieutenant Général & Particulier, Civil ou Criminel, ou Président d’un Présidial, qu’on n’ait atteint l’âge de trente ans ; ni Maître des Requêtes de l’Hôtel avant trente-sept ans ; ni Président ès Cours Souveraines avant quarante : mais le Roi, quand il le juge à propos, accorde des dispenses, moyennant finance, à l’effet de rendre habiles à ces charges ceux qui n’ont pas atteint l’âge prescrit par les Edits. Voyez Dispense.

Et quant aux dignités Ecclésiastiques, on ne peut être promû à l’Episcopat avant vingt-sept ans ; à une Abbaye, aux Dignités, Personats, Cures & Prieurés claustraux, ayant charge d’ames, avant vingt-cinq ans : si cependant la Cure attachée au Prieuré claustral est exercée par un Vicaire perpétuel, vingt ans suffisent. On peut même en France posséder des Prieurés électifs à charge d’ames à vingt-trois ans, & ceux qui n’ont point charge d’ames, à vingt-deux commencés ; & c’est de cette maniere qu’il faut entendre l’âge requis pour tous les Bénéfices que nous venons de dire ; car c’est une maxime en Droit canonique, que l’année commencée se compte comme si elle étoit accomplie.

Pour les Bénéfices simples ou Bénéfices à simple tonsure, tels que les Chapelles ou Chapellenies, les Prieurés qu’on appelle ruraux, & qui n’ont rien qui tienne de ce qu’on appelle rectorerie, on les peut posséder à sept ans, mais accomplis. Il en faut quatorze aussi complets, pour posséder les Bénéfices simples, qui sont des especes de rectoreries, & pour les Canonicats des Cathédrales & des Métropoles, si ce n’est qu’ils vaquent en régale ; car alors sept ans suffisent. Mais le droit commun est qu’on ne puisse être pourvû d’aucun Bénéfice, même simple, avant quatorze ans.

Age (Lettres de Bénéfice d’) est synonyme à Lettres d’émancipation. Voyez Emancipation.

Age (dispense d’) est une permission que le Roi accorde, & qui s’expédie en Chancellerie, pour être reçu à exercer une charge avant l’âge requis par les Ordonnances.

Age du bois (en style d’Eaux & Forêts.) est le tems qu’il y a qu’un taillis n’a été coupé. Voyez Taillis.

Age nubile, (Jurisprud.) dans les Auteurs du Palais, est l’âge auquel une fille devient capable de mariage, lequel est fixé à douze ans. (H)

Age se prend, en Medecine, pour la division de la vie humaine. La vie se partage en plusieurs âges, savoir en enfance, qui dure depuis le moment de la naissance, jusqu’au tems où l’on commence à être susceptible de raison. Suit après l’âge de puberté, qui se termine à quatorze ans dans les hommes, & dans les filles à douze. L’adolescence succede depuis la quatorzieme année, jusqu’à vingt ou vingt-cinq ans, ou pour mieux dire, tant que la personne prend de l’accroissement. On passe ensuite à l’âge viril, dont on sort à quarante-cinq ou cinquante ans. Delà, l’on tombe dans la vieillesse, qui se subdivise en vieillesse proprement dite, en caducité & décrépitude, qui est la borne de la vie.

Chaque âge a ses maladies particulieres ; elles dépendent de la fluidité des liquides, & de la résistance que leur opposent les solides : dans les enfans, la délicatesse des fibres occasionne diverses maladies, comme le vomissement, la toux, les hernies, l’épaississement des liqueurs, d’où procedent les aphthes, les fluxions, les diarrhées, les convulsions, sur-tout lorsque les dents commencent à paroître, ce qu’on appelle vulgairement le germe des dents. A peine les enfans sont-ils quittes de ces accidens, qu’ils deviennent sujets aux inflammations des amygdales, au rachitis, aux éruptions vers la peau, comme la rougeole & la petite vérole, aux tumeurs des parotides, à l’épilepsie : dans l’âge de puberté ils sont attaqués de fievres aiguës, à quoi se joignent les hémorrhagies par le nez ; & dans les filles, les pâles couleurs. Cet âge est vraiment critique, selon Hippocrate : car si les maladies opiniâtres auxquelles les jeunes gens ont été sujets ne cessent alors, ou, selon Celse, lorsque les hommes connoissent pour la premiere fois les femmes, & dans le sexe féminin au tems de l’éruption des regles, elles deviennent presque incurables. Dans l’adolescence la tension des solides devenant plus considérable, les alimens étant d’une autre nature, les exercices plus violens, les humeurs sont plus atténuées, divisées, & exaltées : de-là résultent les fievres inflammatoires & putrides, les péripneumonies, les crachemens de sang, qui, lorsqu’on les néglige, dégénerent en phthisie, maladie si commune à cet âge, qu’on ne pensoit pas autrefois que l’on y fût sujet lorsque l’on avoit atteint l’âge viril, qui devient lui-même le regne de maladies très-considérables. L’homme étant alors dans toute sa force & sa vigueur, les fibres ayant obtenu toute leur élasticité, les fluides se trouvent pressés avec plus d’impétuosité ; de-là naissent les efforts qu’ils font pour se soustraire à la violence de la pression ; de-là l’origine d’une plus grande dissipation par la transpiration, des inflammations, des dyssenteries, des pleurésies, des flux hémorrhoidaux, des engorgemens du sang dans les vaisseaux du cerveau, qui produisent la phrénésie, la léthargie, & autres accidens de cette espece, auxquels se joignent les maladies qu’entraînent après elles la trop grande application au travail, la débauche dans la premiere jeunesse, les veilles, l’ambition demesurée, enfin les passions violentes & l’abus des choses non-naturelles ; telles sont l’affection hypochondriaque, les vapeurs, la consomption, la catalepsie, & plusieurs autres.

La vieillesse devient à son tour la source d’un nombre de maladies fâcheuses ; les fibres se dessechent & se raccornissent, elles perdent leur élasticité, les vaisseaux s’obstruent, les pores de la peau se resserrent, la transpiration devient moins abondante ; il se fait un reflux de cette matiere sur les autres parties : de-lâ naissent les apoplexies, les catharres, l’évacuation abondante des sérosités par le nez & par la voie des crachats, que l’on nomme vulgairement pituite ; l’épaississement de l’humeur contenue dans les articulations, les rhûmatismes, les diarrhées & les stranguries habituelles ; de l’affaissement des vaisseaux & du raccornissement des fibres proviennent les dysuries, la paralysie, la surdité, le glaucome, maladies si ordinaires aux vieillards, & dont la fin est le terme de la vie.

L’on a vû jusqu’ici la différence des maladies selon les âges : les remedes varient aussi selon l’état des fluides & des solides, auxquels on doit les proportionner. Les doux, & ceux qui sont légerement toniques, conviennent aux enfans ; les délayans & les aqueux doivent être employés pour ceux qui ont atteint l’âge de puberté, en qui l’on doit modérer l’activité du sang. Dans ceux qui sont parvenus à l’adolescence & à l’âge viril, la sobriété, l’exercice modéré, le bon usage des choses non-naturelles, deviennent autant de préservatifs contre les maladies auxquelles on est sujet ; alors les remedes délayans & incisifs sont d’un grand secours si, malgré le régime ci-dessus, l’on tombe en quelque maladie.

Une diete aromatique & atténuante soûtiendra les vieillards ; on peut avec succès leur accorder l’usage modéré du vin ; les diurétiques & les purgatifs légers & réitérés suppléront au défaut de transpiration. Toutes ces regles sont tirées d’Hoffman, & des plus fameux Praticiens en Medecine. (N)

Age, (Anat.) Les cartilages & les ligamens s’ossifiant, & le cerveau se durcissant avec l’âge, celui des vieillards est plus propre aux démonstrations Anatomiques. On concevra la callosité qui doit se former dans les vaisseaux les plus mous de la tête, si on fait attention à la mémoire incertaine par rapport aux nouvelles idées qu’on voudroit donner aux gens avancés en âge, eux qui ne se souviennent que trop fidelement de ce qu’ils ont vû jadis. Laudator temporis acti. (L)

Age de la Lune, (en Astronomie.) se dit du nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. Ainsi trouver l’age de la Lune, c’est trouver le nombre de jours écoulés depuis la nouvelle Lune. V. Lune. (O)

Age, (Jardinage.) On dit l’âge d’un bois, d’une graine, d’un arbre : ce bois à neuf ans demande à être coupé ; cette graine à deux ou trois ans, est trop vieille pour être bonne à semer : on en doit choisir de plus jeune. Cet arbre doit avoir tant d’années ; il y a tant d’années qu’il est planté. Voyez Arbre.

L’âge d’un arbre se compte par les cercles ligneux qu’on remarque sur son tronc coupé ou scié horisontalement. Chaque année le tronc & les branches d’un arbre reçoivent une augmentation qui se fait par un cercle ligneux, ou par une nouvelle enveloppe extérieure de fibres & de trachées. (K)

Age, en terme de Manége, se dit du tems qu’il y a qu’un cheval est né, & des signes qui l’indiquent. Voyez Cheval.

Il y a plusieurs marques qui font connoître l’âge du cheval dans sa jeunesse : telles sont les dents, le sabot, le poil, la queue, & les yeux. Voyez Dent, Sabot, &c.

La premiere année il a ses dents de lait, qui ne sont que ses mâchelieres & ses pinces ou dents de devant ; la seconde année ses pinces brunissent & grossissent ; la troisieme il lui tombe une partie de ses dents de lait, dont il ne lui reste plus que deux de chaque côté en haut & en bas ; la quatrieme, il lui tombe encore la moitié de ce qui lui restoit de dents de lait ; ensorte qu’il ne lui en reste plus qu’une de chaque côté en haut & en bas. A cinq ans toutes ses dents de devant sont renouvellées, & ses crochets complets des deux côtés. Celles qui ont remplacê les dernieres dents de lait, à savoir les coins, sont creuses, & ont une petite tache au milieu, qu’on appelle marque ou feve dans la bouche d’un cheval. Voyez Marque. A six ans il pousse de nouveaux crochets, qui sont entourés vers la racine d’un petit bourlet de chair, du reste blancs, menus, courts, & pointus. A sept ans ses dents sont au bout de leur croissance ; & c’est alors que la marque ou féve est la plus apparente. A huit ans toutes les dents sont pleines, unies & polies au-dessus, & la marque ne se distingue presque plus : ses crochets sont alors jaunâtres. A neuf ans les dents de devant ou les pinces paroissent plus longues, plus jaunes, & moins nettes qu’auparavant ; & la pointe de ses crochets est un peu émoussée. A dix ans on ne sent plus de creux en dedans des crochets supérieurs, comme on l’avoit senti jusqu’alors, & ses tempes commencent à se creuser & à s’enfoncer. A onze ans ses dents sont fort longues, jaunes, noires, & sales : mais celles de ses deux mâchoires se répondent encore, & portent les unes sur les autres. A douze ans les supérieures croisent sur les inférieures. A treize ans si le cheval a beaucoup travaillé, ses crochets sont presque perdus dans la gencive ; sinon ils en sortent noirs, sales, & longs.

2°. Quant au sabot, s’il est poli, humide, creux, & qu’il sonne, c’est un signe de jeunesse : si au contraire il a des aspérités, des avalures les unes sur les autres, s’il est sec, sale, & mat, c’est une marque de vieillesse.

3°. Quant à la queue ; en la tâtant vers le haut, si l’on sent l’endroit de la jointure plus gros & plus saillant que le reste, le cheval n’a pas dix ans : si au contraire les jointures sont unies & égales au reste, il faut que le cheval ait quinze ans.

4°. S’il a les yeux ronds, pleins, & assûrés, que la paupiere supérieure soit bien remplie, unie, & de niveau avec les tempes, & qu’il n’ait point de rides ni au-dessus de l’œil, ni au-dessous ; c’est une marque de jeunesse.

5°. Si lorsqu’on lui pince la peau, & qu’on la lâche ensuite, elle se rétablit aussi-tôt sans laisser de rides ; c’est une preuve que le cheval est jeune.

6°. Si à un cheval de poil brun, il pousse du poil grisâtre aux paupieres ou à la criniere ; ou qu’un cheval blanchâtre devienne ou tout blanc, ou tout brun, c’est une marque indubitable de vieillesse.

Enfin lorsqu’un cheval est jeune, les barres de la bouche sont tendres & élevées ; s’il est vieux, elles sont basses, & n’ont presque pas de sentiment. Voyez Barres.

Il y a une sorte de chevaux appellés bégaux, qui ont à tout âge du noir à la dent, ce qui peut tromper ceux qui ne s’y connoissent pas.

Age, ou discernement qu’on fait des bêtes noires, comme marcassins, bêtes de compagnies, ragot, sanglier en son tieran, sanglier en son quartan, vieux sanglier miré, & laie.

Age, ou discernement qu’on fait des cerfs ; on dit jeune cerf, cerf de dix cors jeunement, cerf de dix cors & vieil cerf.

Age, ou discernement qu’on fait des lievres ; on dit levrauts, lievres & hazês.

Age, ou discernement qu’on fait des chevreuils ; on dit fans, chevrotins, jeune chevreuil, vieil chevreuil & chevrette.

Age des loups ; on dit louveteaux, jeunes loups, vieux loup, & louve.

Age des renards ; on dit renardeaux, jeunes renards, vieux renards, & renardes.

Agé, adj. en termes de Jurisprudence, est celui qui a l’âge compétent & requis par les lois, pour exercer certains actes civils, ou posséder certains emplois ou dignités. Voyez Age. (H)

* AGELAROU : Au haut de la seconde planche du pavé du temple de la Fortune de Palestrine, on apperçoit un animal avec l’inscription agelarou. Cet animal a beaucoup de ressemblance avec le singe d’Angole. Des Ethiopiens vont l’attaquer ; les uns ont des boucliers ; d’autres des fleches : c’est-là le seul endroit où il en soit fait mention. Voyez les Antiquités du Pere de Montfaucon, supplément, tom. IV. pag. 163.

AGEMOGLANS, s. m. ou AGIAM-OGLANS, ou AZAMOGLANS, (Hist. mod.) sont de jeunes enfans que le Grand Seigneur achette des Tartares, ou qu’il prend en guerre, ou qu’il arrache d’entre les bras des Arétiens soûmis à sa domination.

Ce mot dans la langue originale signifie enfant de Barbare ; c’est-à-dire, suivant la maniere de s’exprimer des Musulmans, né de parens qui ne sont pas Turcs. Il est composé des deux mots Arabes ; אגם, agem, qui signifie parmi les Turcs la même chose que barbare parmi les Grecs ; les Turcs distinguant tous les habitans de la terre en Arabes ou Turcs, & en agem, comme les Grecs les divisoient en Grecs & en Barbares ; l’autre mot est עלאם, oglan, qui signifie enfant.

La plûpart de ces enfans sont des enfans de Chrétiens que le Sultan fait enlever tous les ans par forme de tribut, des bras de leurs parens. Ceux qui sont chargés de la levée de cet odieux impôt, en prennent un sur trois, & ont soin de choisir ceux qui leur paroissent les mieux faits & les plus adroits.

On les mene aussi-tôt à Gallipoli, ou à Constantinople, où on commence par les faire circoncire ; ensuite on les instruit dans la religion Mahométane ; on leur apprend la langue Turque, & on les forme aux exercices de guerre, jusqu’à ce qu’ils soient en âge de porter les armes : & c’est de cette école qu’on tire les Janissaires. Voyez Janissaires.

Ceux qu’on ne trouve pas propres à porter les armes, on les emploie aux offices les plus bas & les plus abjects du serrail ; comme à la cuisine, aux écuries, aux jardins, sous le nom de Bostangis, Attagis, Halvagis, &c. Ils n’ont ni gages ni profits, à moins qu’ils ne soient avancés à quelque petite charge, & alors même leurs appointemens sont très médiocres, & ne montent qu’à sept aspres & demi par jour, ce qui revient à environ trois sols & demi de notre monnoie. (G)

* AGEN, (Géog.) ancienne ville de France, capitale de l’Agénois, dans la Guienne, sur la rive droite de la Garonne. Long. 18. 15. 49. lat. 44. 12. 7.

AGENDA, adj. pris subst. (Comm.) tablette ou livret de papier sur lequel les Marchands écrivent tout ce qu’ils doivent faire pendant le jour pour s’en souvenir, soit lorsqu’ils sont chez eux soit lorsqu’ils vont par la ville.

Ce mot est originairement latin : agenda, les choses qu’il faut faire, dérivé du verbe ago ; mais nous l’avons francisé.

L’agenda est très-nécessaire aux Négocians, particulierement à ceux qui ont peu ou point de mémoire, ou qui sont chargés de trop grandes affaires, parce qu’il sert à leur rappeller des occasions importantes, soit pour l’achat, soit pour la vente, soit pour des négociations de lettres de change, &c.

On appelle aussi agenda un petit almanach de poche que les Marchands ont coûtume de porter sur eux pour s’assûrer des dates, jours de rendez-vous, &c. (G)

* AGENOIS, adj. pris subst. (Geog.) contrée de France dans la Guienne, qui a pris son nom d’Agen sa capitale.

* AGENORIA, (Myth.) c’étoit la déesse du courage & de l’industrie. On lui opposoit Vacuna déesse de la paresse.

AGENS de Change & de Banque. s. m. pl. (Comm.) sont des Officiers établis dans les villes commerçantes de la France pour négocier entre les Banquiers & Commerçans les affaires du change & l’achat ou la vente des marchandises & autres effets. A Paris & à Lyon, on les nomme Agens de change ; en Provence on les appelle Censals ; ailleurs on les appelle Courtiers. Voyez Courtier & Change.

A Paris il y a 30 Agens de change & Courtiers de marchandises, de draps, de soie, de laine, de toile, &c. qui furent créés en titre d’office par Charles IX. en Juin 1572, & le nombre en fut fixé par Henri IV. en 1595. Ce nombre a fort varié depuis ; car d’abord il n’y avoit que huit Agens de change pour la ville de Paris, de la création d’Henri IV. Leur nombre fut augmenté jusqu’à 20 en 1634, & porté à 30 par un Edit du mois de Décembre 1638. En 1645 Louis XIV. créa six nouveaux Offices, & les choses demeurerent en cet état jusqu’en 1705 que tous les Offices d’Agens de change ou de banque ayant été supprimés dans toute l’étendue du Royaume, à la réserve de ceux de Marseille & de Bordeaux, le Roi créa en leur place cent seize nouveaux Offices pour être distribués dans les principales villes du Royaume avec la qualité de Conseillers du Roi, Agens de banque, change, commerce & finance. Ces nouvelles charges furent encore supprimées en 1708 pour Paris ; & au lieu de vingt Agens de change qu’y établissoit l’Edit de 1705, celui de 1708 en porta le nombre à quarante, & en 1714 le Roi y en ajoûta encore vingt autres pour la ville de Paris. Mais le titre de ces Agens fut encore supprimé en 1720, & soixante autres Agens par commission furent établis pour faire leurs fonctions. Ceux-ci furent à leur tour supprimés, & d’autres créés en leur place en titre d’Office par Edit du mois de Janvier 1723. Ainsi il y a actuellement soixante Agens de change à Paris ; ils font un corps qui élit des Syndics. Ils ne prennent plus la qualité de Courtiers, mais celle d’Agens de change depuis l’Arrêt du Conseil de 1639 ; & par l’Edit de 1705, ils ont aussi le titre de Conseillers du Roi. Voyez Courtier. Leur droit est un quart pour cent dont la moitié est payable par celui qui donne son argent, & l’autre par celui qui le reçoit ou qui en fournit la valeur en lettres de change ou autres effets. Dans la négociation du papier qui perd beaucoup, comme par exemple, des contrats sur l’Hôtel de ville, &c. dont l’acheteur ne paye pas la moitié de la somme totale portée dans le contrat à cause de la variation du cours de ces effets, l’Agent de change prend son droit sur le papier, c’est-à-dire, sur la somme qu’il valoit autrefois, & non sur l’argent qu’on le paye selon le cours de la place. Dans les villes où les Agens ne sont pas établis en titre d’Office, ils sont choisis par les Consuls, Maires & Echevins devant lesquels ils prêtent le serment. Les Agens de change ne peuvent être Banquiers, & porter bilan sur la place, où ils doivent avoir un livre paraphé d’un Consul, coté & numeroté, par l’Ordonnance de 1673. On peut voir dans le Dictionnaire du Commerce de Savary les divers réglemens faits pour le corps des Agens de change, & surtout ceux qui sont portés par l’Arrêt du Conseil du 24 Septembre 1724.

Agens Généraux du Clergé : ce sont ceux qui sont chargés des affaires du Clergé de l’Eglise Gallicane. Il y en a deux qui font ou poursuivent au Conseil toutes les affaires de l’Eglise : on les change de cinq ans en cinq ans, & même à chaque assemblée du Clergé, si elle le juge à propos. Les assemblées du Clergé ayant été reglées sous Charles IX, on laissoit à la suite de la Cour, après qu’elles étoient finies, des personnes qui prenoient soin des affaires, à qui on donnoit le nom de Syndics : mais en 1595 on établit des Agens fixes, avec un pouvoir beaucoup plus étendu, & on régla 1°. leurs gages ; 2°. qu’ils seroient nommés alternativement par les Provinces ecclésiastiques ; savoir, l’un par celles de Lyon, Sens, Ambrun, Reims, Vienne, Rouen, Tours ; & l’autre par celles d’Auch, Arles, Narbonne, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Aix ; 3°. que ceux que l’on nommeroit seroient actuellement Prêtres, qu’ils posséderoient un Bénéfice payant décimes dans la Province. Les Agens Généraux ont droit de Committimus. Cette place est remplie par MM. les Abbés de Coriolis & de Castries, en la présente année 1751. (G)

AGENT, adj. pris subst. se dit en Méchanique & en Physique d’un corps, ou en général d’une puissance qui produit ou qui tend à produire quelque effet par son mouvement actuel, ou par sa tendance au mouvement. Voyez Puissance & Action. (O)

Agent & Patient, (Jurisprud.) se dit dans le Droit coûtumier d’Angleterre de celui ou de celle qui se fait ou qui se donne quelque chose à soi-même ; de sorte qu’il est tout à la fois & celui qui fait ou qui donne la chose, & celui à qui elle est donnée, ou à qui elle est faite. Telle est, par exemple, une femme quand elle s’assigne à elle-même sa dot sur partie de l’héritage de son mari. (H)

Agent se dit aussi de celui qui est commis pour avoir soin des affaires d’un Prince ou de quelque Corps, ou d’un Particulier. Dans ce sens Agent est la même chose que Député, Procureur, Syndic, Facteur. Voyez Député, Syndic, &c.

En Angleterre parmi les Officiers de l’Echiquier, il y a quatre Agens pour les taxes & impôts. Voyez Taxe, Echiquier.

Agent, en terme de Négociation, est une personne au service d’un Prince ou d’une République, qui veille sur les affaires de son maître afin qu’elles soient expédiées. Les Agens n’ont point de Lettres de créance, mais simplement de recommendation ; on ne leur donne pas audience comme aux Envoyés & aux Résidens ; mais il faut qu’ils s’adressent à un Secrétaire d’Etat, ou tel autre Ministre chargé de quelque Département. Ils ne joüissent pas non plus des Priviléges que le Droit des Gens donne aux Ambassadeurs, aux Envoyés & aux Résidens. Dict. de Furetiere.

AGEOMETRIE, défaut ou ignorance de Géométrie, qui fait qu’on s’écarte dans quelque chose des principes & des regles de cette Science. Voyez Géométrie.

On l’appelle autrement ageometresie ; ces deux mots sont purement Grecs, Ἀγεωμετρησία & Ἀγεωμετρία ; les Anglois & quelques Ecrivains, les ont conservés tels qu’ils sont. (O)

AGERATE, ageratum, (Hist. nat.) plante dont la fleur est monopétale ; légumineuse, en forme de tuyau par le bas, & divisée par le haut en deux levres, dont la supérieure est découpée en deux parties, & l’inférieure en trois : le pistil qui sort du calice devient un fruit oblong, membraneux, partagé en deux loges, & rempli de petites semences attachées au placenta. Tournefort, instit. rei herb. appendix. V. Plante.

AGERATOIDE, en Latin ageratoides, (Hist. nat.) genre de plante qui porte ses fleurs sur une petite tête faite en forme de demi-globe. Ces fleurs sont composées de fleurons d’une seule feuille : les semences qu’elles produisent sont couronnées par un anneau membraneux, & tiennent au fond d’un calice qui est à nud. Pontederæ dissert. VIII. Voyez Plante. (I)

* AGERONIA ou ANGERONIA, (Myth.) Déesse du Silence : elle présidoit aux conseils. On avoit placé sa statue dans le temple de la Volupté. Elle est représentée dans les monumens avec un doigt sur la bouche. Sa fête se célébroit le 21 Décembre.

* AGESILAUS, (Myth.) premier nom de Pluton.

* AGETORION, (Myth.) fête des Grecs dont il est fait mention dans Hesychius, mais où l’on n’en apprend que le nom.

* AGGERHUS, (Géog.) gouvernement de Norvege, dont Anslo est la capitale.

AGGLUTINANS, adj. pris subst. (Med.) Les agglutinans sont la plûpart d’une nature visqueuse, c’est-à-dire, qu’ils se réduisent facilement en gelée, & prennent une consistance gommeuse, d’où leur vient le nom d’Agglutinans, qui est formé d’ad à, & gluten, glu. Voyez Glu & Agglutination.

Les agglutinans sont des remedes fortifians, & dont l’effet est de réparer promptement les pertes, en empâtant les fluides, & en s’attachant aux solides du corps ; ainsi ils remplacent abondamment ce que les actions vitales ont commencé à détruire. Ces remedes ne conviennent qu’aux gens affoiblis & épuisés par les remedes évacuans, la diete & les boissons trop aqueuses, comme il arrive à ceux qui ont essuyé de longues & fâcheuses maladies.

On doit diviser les agglutinans en deux classes. La premiere comprend les alimens bien nourrissans, & empâtant les parties acres des fluides : tels sont les gelées en général, comme celles de corne de cerf, de mou de veau, de pié de veau, & de mouton, de poulets. La seconde comprend les remedes qui ne sont pas alimens ; telles sont la gomme arabique, la gomme adragante, la graine de psyllium, la graine de lin, l’oliban, le sang de dragon & d’autres.

Mais parmi les remedes agglutinans il y en a qui s’appliquent extérieurement ; tels sont le baume du Commandeur, celui d’André de la Croix, les térébenthines, la sarcocolle, l’ichtyocolle, les poix, & quelques plantes même, comme la consoude, le plantin, les orties, les millefeuilles, &c. il en est d’autres dont l’usage est intérieur & extérieur. Voyez Remedes, Nutrition, Fortifians, &c.

AGGLUTINATION, s. m. (Med.) action de réunir les parties du corps séparées par une plaie, coupure, &c. De là vient le nom que l’on donne à certains topiques qui produisent cet effet, le nom d’agglutinans.

Mais ce terme peut convenir aux remedes intérieurs agglutinans & incrassans, qui empâtant de leur naturel les particules acres de nos fluides, émoussent leur pointe, & changeant ainsi leur consistance, les rendent plus propres à fournir un suc nourricier loüable & capable de réparer les parties.

La nutrition ne remplit tous ces termes qu’au moyen de cette agglutination, & c’est à son défaut que nous attribuons le dessechement de nos solides, la fonte de nos humeurs, & les flux colliquatifs qui détruisent les fluides & corrodent les solides, &c. Voyez Nutrition, Atrophie, Consomption, Agglutinans. (N)

*AGGOUED-BUND, (Soierie.) Il y a différentes sortes de soie qui se recueillent au Mogol : l’aggoued-bund est la meilleure.

AGGRAVATION, s. f. (Jurispr.) dans le sens de son verbe d’où il est formé, devroit signifier l’action de rendre une faute plus criminelle, ou d’en augmenter le châtiment ; car c’est-là la signification d’aggraver : mais il n’est pas François en ce sens.

Aggravation ou aggrave est un terme de Droit canonique par où l’on entend une censure ecclésiastique, une menace d’excommunication après trois monitions faites sans fruit. Voyez Censure.

Après l’aggravation on procede à la réaggravation ou réaggrave, qui est l’excommunication définitive : le reste jusqu’alors n’avoit été que comminatoire. V. Excommunication & Réaggravation, &c.

L’aggravation & réaggravation ne peuvent être ordonnées sans la permission du Juge laïque.

AGGRAVE, s. m. terme de Droit canonique, est la même chose qu’aggravation. Voyez suprà. (H)

AGGRÉGATION, s. f. en physique, se dit quelquefois de l’assemblage & union de plusieurs choses qui composent un seul tout sans qu’avant cet assemblage les unes ni les autres eussent aucune dépendance ou liaison quelconque ensemble.

Ce mot vient de la préposition Latine ad, & grex, troupeau. En ce sens un monceau de sable, un tas de décombres, sont des corps par aggrégation. (O)

Aggrégation, (Jurispr.) se dit aussi dans l’usage ordinaire pour association. Voyez Association.

Ainsi l’on dit qu’une personne est d’une compagnie ou communauté par aggrégation ; une aggrégation de Docteurs aux Ecoles de Droit. En Italie on fait fréquemment des aggrégations de plusieurs familles ou maisons, au moyen dequoi elles portent les mêmes noms & les mêmes armes. (H)

AGGREGÉ, adj. pris substant. dans les Ecoles de Droit. On appelle aggregés en Droit ou simplement aggregés, des Docteurs attachés à la Faculté, & dont les fonctions sont de donner des leçons de Droit privées & domestiques, pour disposer les étudians à leurs examens & theses publiques, de les présenter à ces examens & theses comme suffisamment préparés, & de venir interroger ou argumenter les récipiendaires lors de ces examens ou de ces theses.

Ces places se donnent au concours, c’est-à-dire, à celui des compétiteurs qui en est réputé le plus digne, après avoir soûtenu des theses publiques sur toutes les matieres de Droit. Il faut pour être habile à ces places être déjà Docteur en Droit ; on ne l’exige pas de ceux qui disputent une chaire, quoique le titre de Professeur soit au-dessus de celui d’Aggregé. La raison qu’on en rend, est que le titre de Professeur emporte éminemment celui de Docteur. (H)

Aggregé, pris comme substantif, est la réunion ou le résultat de plusieurs choses jointes & unies ensemble. Ce mot n’est presque plus en usage ; il vient du Latin aggregatum qui signifie la même chose ; & on dit souvent l’aggregat au lieu de l’aggregé : mais ce dernier mot ne s’emploie gueres. Voyez Aggrégation & Somme. Il a la même origine que aggrégation.

Les corps naturels sont des aggregés ou assemblages de particules ou corpuscules unis ensemble par le principe de l’attraction. Voyez Corps, Particule, &c. On disoit aussi anciennement en Arithmétique l’aggregé ou l’aggregat de plusieurs quantités, pour dire la somme de ces mêmes quantités. (O)

AGGRESSEUR, s. m. en terme de Droit, est celui de deux contendans ou accusés, qui a commencé la dispute ou la querelle : il est censé le plus coupable.

En matiere criminelle, on commence par informer qui des deux a été l’aggresseur.

AGGRESSION, s. f. terme de Pratique, est l’action par laquelle quelqu’un se constitue aggresseur dans une querelle ou une batterie. (H)

* AGHAIS, terme de Coûtume, marché à aghais ou fait à terme de payement & de livraison, & qui oblige celui qui veut en profiter, à ne point laisser passer le jour convenu au d’aghais sans livrer ou payer, ou sans consigner & faire assigner au refus de la partie. Voyez Galland, Traité du franc-aleu.

* AGIDIES, (Mythol.) Joüeurs de gobelets, Faiseurs de tours de passe-passe ; c’étoit l’épithete que les Payens mêmes donnoient aux Prêtres de Cybele.

AGILITÉ, SOUPLESSE, s. f. (Physiolog.) disposition au mouvement dans les membres ou parties destinées à être mûes. Voyez Muscle & Musculaire. (L)

AGIO, s. m. terme de Commerce, usité principalement en Hollande & à Venise, pour signifier ce que l’argent de banque vaut de plus que l’argent courant ; excédent qui est assez ordinairement de cinq pour cent. Ce mot vient de l’Italien agio, qui signifie aider.

Si un Marchand, dit Savary dans son Dictionnaire du Commerce, en vendant sa marchandise, stipule le payement, ou seulement cent livres en argent de banque, ou cent cinq en argent de caisse ; en ce cas on dit que l’agio est de cinq pour cent.

L’agio de banque, ajoûte le même Auteur, est variable dans presque toutes les places à Amsterdam. Il est ordinairement d’environ trois ou quatre pour cent ; à Rome de près de vingt-cinq sur quinze cens ; à Venise, de vingt pour cent fixe.

Agio se dit aussi pour exprimer le profit qui revient d’une avance faite pour quelqu’un ; & en ce sens les noms d’agio & d’avance sont synonymes. On se sert du premier parmi les Marchands & Négocians, pour faire entendre que ce n’est point un intérêt, mais un profit pour avance faite dans le commerce : ce profit se compte ordinairement sur le pié de demi pour cent par mois, c’est-à-dire, à raison de six pour cent par an. On lui donne quelquefois, mais improprement, le nom de change. Savary, Dictionnaire du Commerce, Tome I. page 606.

Agio se dit encore, mais improprement, du change d’une somme négociée, soit avec perte, soit avec profit.

Quelques-uns appellent agio d’assûrance, ce que d’autres nomment prime ou coust d’assûrance. Voyez Prime. Id. ibid. (G)

AGIOGRAPHE, pieux, utile, qui a écrit des choses saintes, & qu’on peut lire avec édification. Ce mot vient de ἅγιος, saint, sacré, & de γράφω, j’écris. C’est le nom que l’on donne communément aux Livres qui ne sont pas compris au nombre des Livres sacrés, qu’on nomme Apocryphes : mais dont l’Eglise a cependant jugé la lecture utile aux Fideles, & propre à leur édification. Voyez Hagiographe.

AGIOTEUR, s. m. (Commerce.) c’est le nom qu’on donne à celui qui fait valoir son argent à gros intérêt, & qui prend du public des effets de commerce sur un pié très-bas, pour les faire rentrer ensuite dans le public sur un pié très-haut. Ce terme n’est pas ancien : il fut, je crois, employé pour la premiere fois, ou lors du fameux système, ou peu de tems après. (G)

AGIR, v. act. (Morale.) Qu’est-ce qu’agir ? c’est, dit-on, exercer une puissance ou faculté ; & qu’est-ce que puissance ou faculté ? c’est, dit-on, le pouvoir d’agir : mais le moyen d’entendre ce que c’est que pouvoir d’agir, quand on ne sait pas encore ce que c’est qu’agir ou action ? on ne dit donc rien ici, si ce n’est un mot pour un autre : l’un obscur, & qui est l’état de la question ; pour un autre obscur, & qui est également l’état de la question.

Il en est de même de tous les autres termes qu’on a coûtume d’employer à ce sujet. Si l’on dit qu’agir, c’est produire un effet, & en être la cause efficiente & proprement dite. Je demande, 1°. ce que c’est que produire ; 2°. ce que c’est que l’effet ; 3°. ce que c’est que cause ; 4°. ce que c’est que cause efficiente, & proprement dite.

Il est vrai que dans les choses matérielles & en certaines circonstances, je puis me donner une idée assez juste de ce que c’est que produire quelque chose & en être la cause efficiente, en me disant que c’est communiquer de sa propre substance à un être censé nouveau. Ainsi la terre produit de l’herbe qui n’est que la substance de la terre avec un surcroît ou changement de modifications pour la figure, la couleur, la flexibilité, &c.

En ce sens-là je comprens ce que c’est que produire ; j’entendrai avec la même facilité ce que c’est qu’effet, en disant que c’est l’être dont la substance a été tirée de celle d’un autre avec de nouvelles modifications ou circonstances ; car s’il ne survenoit point de nouvelles modifications, la substance communiquée ne differeroit plus de celle qui communique.

Quand une substance communique ainsi à une autre quelque chose de ce qu’elle est, nous disons qu’elle agit : mais nous ne laissons pas de dire qu’un être agit en bien d’autres conjonctures, où nous ne voyons point qu’une substance communique rien de ce qu’elle est.

Qu’une pierre se détache du haut d’un rocher, & que dans sa chûte elle pousse une autre pierre qui commence de la sorte à descendre, nous disons que la premiere pierre agit sur la seconde ; lui a-t-elle pour cela rien communiqué de sa propre substance ? C’est, dira-t-on, le mouvement de la premiere qui s’est communiqué à la seconde ; & c’est par cette communication de mouvement que la premiere pierre est dite agir. Voilà encore de ces discours où l’on croit s’entendre, & où certainement on ne s’entend point assez ; car enfin comment le mouvement de la premiere pierre se communique-t-il à la seconde, s’il ne se communique rien de la substance de la pierre ? c’est comme si l’on disoit que la rondeur d’un globe peut se communiquer à une autre substance, sans qu’il se communique rien de la substance du globe. Le mouvement est-il autre chose qu’un pur mode ? & un mode est-il réellement & physiquement autre chose que la substance même dont il est mode ?

De plus, quand ce que j’appelle en moi mon ame ou mon esprit ; de non pensant ou de non voulant à l’égard de tel objet, devient pensant ou voulant à l’égard de cet objet ; alors d’une commune voix il est dit agir. Cependant & la pensée & la volition n’étant que les modes de mon esprit, n’en sont pas une substance distinguée ; & par cet endroit encore agir n’est point communiquer une partie de ce qu’est une substance à une autre substance.

De même encore si nous considérons Dieu en tant qu’ayant été éternellement le seul être, il se trouva par sa volonté avec d’autres êtres que lui, qui furent nommés créatures ; nous disons encore par-là que Dieu a agi : dans cette action ce n’est point non plus la substance de Dieu qui devint partie de la substance des créatures. On voit par ces différens exemples que le mot agir forme des idées entierement différentes : ce qui est très-remarquable.

Dans le premier, agir signifie seulement ce qui se passe quand un corps en mouvement rencontre un second corps, lequel à cette occasion est mis en mouvement, ou dans un plus grand mouvement, tandis que le premier cesse d’être en mouvement, ou dans un si grand mouvement.

Dans le second, agir signifie ce qui se passe en moi, quand mon ame prend une des deux modifications dont je sens par expérience qu’elle est susceptible, & qui s’appellent pensée ou volition.

Dans le troisieme, agir signifie ce qui arrive, quand en conséquence de la volonté de Dieu il se fait quelque chose hors de lui. Or en ces trois exemples, le mot agir exprime trois idées tellement différentes, qu’il ne s’y trouve aucun rapport, sinon vague & indéterminé, comme il est aisé de le voir.

Certainement les Philosophes, & en particulier les Métaphysiciens, demeurent ici en beau chemin. Je ne les vois parler ou disputer que d’agir & d’action ; & dans aucun d’eux, pas même dans M. Loke, qui a voulu pénétrer jusqu’aux derniers replis de l’entendement humain, je ne trouve point qu’ils aient pensé nulle part à exposer ce que c’est qu’agir.

Pour résultat des discussions précédentes, disons ce que l’on peut répondre d’intelligible à la question. Qu’est-ce qu’agir ? je dis que par rapport aux créatures, agir est, en général, la disposition d’un être en tant que par son entremise il arrive actuellement quelque changement ; car il est impossible de concevoir qu’il arrive naturellement du changement dans la nature, que ce ne soit par un être qui agisse ; & nul être créé n’agit, qu’il n’arrive du changement, ou dans lui-même, ou au-dehors.

On dira qu’il s’ensuivroit que la plume dont j’écris actuellement devroit être censée agir, puisque c’est par son entremise qu’il se fait du changement sur ce papier qui de non écrit devient écrit. A quoi je réponds que c’est de quoi le torrent même des Philosophes doivent convenir, dès qu’ils donnent à ma plume en certaine occasion le nom de cause instrumentale ; car si elle est cause, elle a un effet ; & tout ce qui a un effet, agit.

Je dis plus : ma plume en cette occasion agit aussi réellement & aussi formellement qu’un feu soûterrain qui produit un tremblement de terre ; car ce tremblement n’est autre chose que le mouvement des parties de la terre excité par le mouvement des parties du feu : comme les traces formées actuellement sur ce papier ne sont que de l’encre mûe par ma plume, qui elle-même est mûe par ma main, il n’y a donc de différence, sinon que la cause prochaine du mouvement de la terre est plus imperceptible, mais elle n’en est pas moins réelle.

Notre définition convient encore mieux à ce qui est dit agir à l’égard des esprits, soit au-dedans d’eux-mêmes par leurs pensées & volitions, soit au-dehors par le mouvement qu’ils impriment à quelque corps ; chacune de ces choses étant un changement qui arrive par l’entremise de l’ame.

La même définition peut convenir également bien à l’action de Dieu dans ce que nous en pouvons concevoir. Nous concevons qu’il agit entant qu’il produit quelque chose hors de lui ; car alors c’est un changement qui se fait par le moyen d’un être existant par lui-même. Mais avant que Dieu eût rien produit hors de lui, n’agissoit-il point, & auroit-il été de toute éternité sans action ? question incompréhensible. Si, pour y répondre, il faut pénétrer l’essence de Dieu impénétrable dans ce qu’elle est par elle-même, les Savans auront beau nous dire sur ce sujet que Dieu de toute éternité agit par un acte simple, immanent & permanent ; grand discours, & si l’on veut respectable, mais sous lequel nous ne pouvons avoir des idées claires.

Pour moi qui, comme le dit expressément l’Apôtre Saint Paul, ne connois naturellement le Créateur que par les créatures, je ne puis avoir d’idée de lui naturellement qu’autant qu’elles m’en fournissent ; & elles ne m’en fournissent point sur ce qu’est Dieu, sans aucun rapport à elles. Je vois bien qu’un être intelligent, comme l’auteur des créatures, a pensé de toute éternité. Si l’on veut appeller agir à l’égard de Dieu, ce qui est simplement penser ou vouloir, sans qu’il lui survienne nulle modification, nul changement ; je ne m’y oppose pas ; & si la Religion s’accorde mieux de ce terme agir, j’y serai encore plus inviolablement attaché : mais au fond la question ne sera toûjours que de nom ; puisque par rapport aux créatures je comprends ce que c’est qu’agir, & que c’est ce même mot qu’on veut appliquer à Dieu, pour exprimer en lui ce que nous ne comprenons point.

Au reste je ne comprends pas même la vertu & le principe d’agir dans les creatures ; j’en tombe d’accord. Je sai qu’il y a dans mon ame un principe qui fait mouvoir mon corps ; je ne comprends pas quel en est le ressort : mais c’est aussi ce que je n’entreprends point d’expliquer. La vraie Philosophie se trouvera fort abrégée, si tous les Philosophes veulent bien, comme moi, s’abstenir de parler de ce qui manifestement est incompréhensible.

Pour finir cet article, expliquons quelques termes familiers dans le sujet qui fait celui de ce même article.

1°. Agir, comme j’ai dit, est en général, par rapport aux créatures, ce qui se passe dans un être par le moyen duquel il arrive quelque changement.

2°. Ce qui survient par ce changement s’appelle effet ; ainsi agir & produire un effet, c’est la même chose.

3°. L’être considéré en tant que c’est par lui qu’arrive le changement, je l’appelle cause.

4°. Le changement considéré au moment même où il arrive, s’appelle par rapport à la cause, action.

5°. L’action en tant que mise ou reçûe dans quelque être, s’appelle passion ; & entant que reçûe dans un être intelligent, qui lui-même l’a produite, elle s’appelle acte ; de sorte que dans les êtres spirituels on dit d’ordinaire que l’acte est le terme de la faculté agissante, & l’action l’exercice de cette faculté.

6o. La cause considérée au même tems, par rapport à l’action & à l’acte, je l’appelle causalité. La cause considérée entant que capable de cette causalité, je l’appelle puissance ou faculté. Cet article est tiré du Traité des premieres vérités, dans le Cours des Sciences du P. Buffier, Jésuite.

Agir est d’usage en Méchanique & en Physique : on dit qu’un corps agit pour produire tel ou tel effet. Voyez Action. On dit aussi qu’un corps agit sur un autre, lorsqu’il le pousse ou tend à le pousser Voyez Percussion. (O)

Agir, en terme de Pratique, signifie poursuivre une demande ou action en Justice. Voyez Action & Demande[1]. (H)

AGITATEURS, s. m. (Hist. mod.) nom que l’on donna en Angleterre vers le milieu du siecle passé à certains Agens ou Solliciteurs que l’armée créa pour veiller à ses intérêts.

Cromwel se ligua avec les Agitateurs, trouvant qu’ils étoient plus écoutés que le Conseil de guerre même. Les Agitateurs commencerent à proposer la réforme de la Religion & de l’Etat, & contribuerent plus que tous les autres factieux à l’abolition de l’Episcopat & de la Royauté : mais Cromwel parvenu à ses fins par leur moyen, vint à bout de les faire casser. (G)

AGITATION, s. f. (Phys.) signifie le secouement, le cahotage ou la vacillation d’un corps en différens sens. Voyez Mouvement.

Les Prophetes, les Pythies étoient sujets à de violentes agitations de corps, &c. & aujourd’hui les Quakres ou Trembleurs en ont de semblables en Angleterre. Voyez Prophete, Pythie, &c.

Les Physiciens appliquent quelquefois ce mot à l’espece de tremblement de terre qu’ils appellent tremor & arietatio. Voyez Tremblement de terre.

Les Philosophes l’employent principalement pour signifier l’ébranlement intestin des parties d’un corps naturel. Voyez Intestin.

Ainsi on dit que le feu agite les plus subtiles parties des corps. Voyez Feu. La fermentation & l’effervescence ne se font pas sans une vive agitation des particules du corps fermentant. V. Fermentation, Effervescence & Particule. (O)

AGITO, qu’on nomme aussi gito, (Comm.) petit poids dont on se sert dans le Royaume de Pegu. Deux agito font une demi-biza ; la biza pese cent reccalis, c’est-à-dire, deux livres cinq onces poids-fort, ou trois livres neuf onces poids léger de Venise. Savary, Diction. du Commerce, tome I. p. 606.

* AGLAIA, (Myth.) nom de la plus jeune des trois Graces, qu’on donne pour épouse à Vulcain. Voyez Graces.

* AGLAOPHÈME, (Myth.) une des Sirenes. Voyez Sirenes.

* AGLATIA. Tout ce que nous savons de l’aglatia, c’est que c’est un fruit dont les Egyptiens faisoient la récolte en Février, & qui dans les caracteres symboliques dont ils se servoient pour désigner leurs mois, servoit pour indiquer celui de sa récolte. Voyez le tome II. du Supplem. des Antiquités du Pere Montfaucon.

* AGLIBOLUS, (Myth.) Dieu des Palmyréniens. Ils adoroient le soleil sous ce nom : ils le représentoient sous la figure d’un jeune homme vêtu d’une tunique relevée par la ceinture, & qui ne lui descendoit que jusqu’au genou, & ayant à sa main gauche un petit bâton en forme de rouleau ; ou selon Hérodien, sous la forme d’une grosse pierre ronde par enbas, & finissant en pointe ; ou sous la forme d’un homme fait, avec les cheveux frisés, la figure de la lune sur l’épaule, des cothurnes aux piés, & un javelot à la main.

* AGMAT ou AGMET, (Géog.) ville d’Afrique, au Royaume de Maroc, dans la province & sur la riviere de même nom. Long. 11. 20. lat. 30. 35.

* AGNACAT, (Hist. nat. bot.) Rai fait mention de cet arbre, qu’on trouve, dit-il, dans une contrée de l’Amérique voisine de l’isthme de Darien : il est de la grandeur & de la figure du poirier ; ses feuilles sont d’un beau verd, & ne tombent point. Il porte un fruit semblable à la poire, verd lors même qu’il est mûr. Sa pulpe est aussi verte, douce, grasse, & a le goût de beurre. Il passe pour un puissant érotique.

* AGNADEL, (Géog.) village du Milanez, dans la terre de Crémone, sur un canal entre l’Adda & Serio. Long. 27. lat. 45. 10.

* AGNANIE ou ANAGNI, (Géog.) ville d’Italie dans la campagne de Rome. Long. 30-41. lat. 41-45.

* AGNANO, (Géog.) lac du Royaume de Naples dans la Terre de Labour.

AGNANS, s. m. pl. (terme de Riviere.) sortes de morceaux de fer en triangle, percés par le milieu, qui servent à river les clous à clains qui entrent dans la composition d’un batteau foncet.

* AGNANTHUS, (Hist. nat. bot.) plante dont Vaillant fait mention. Ses fleurs sont placées aux extrémités des tiges & des branches en bouquets. Elles ressemblent beaucoup à celles de l’agnus castus. C’est un petit tube dont le bord antérieur est découpé en portions inégales : de ces portions les trois supérieures forment un trefle ; des trois inférieures, celle du milieu est la plus grande des six, & ses deux latérales les plus petites de toutes. L’ovaire naît du fond d’un calice découpé : cet ovaire tient à l’extrémité du tube qui forme la fleur. Quand la fleur tombe, il se change, à ce que rapporte Plumier, en une baie qui contient une seule semence : il n’y en a qu’une espece. Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences 1722.

AGNATION, s. f. terme du Droit Romain, qui signifie le lien de parenté ou de consanguinité entre les descendans par mâles d’un même pere. Voyez Agnats.

L’étymologie de ce mot est la préposition Latine ad, & nasci, naître.

L’agnation differe de la cognation en ce que celle-ci étoit le nom universel sous lequel toute la famille & même les agnats étoient renfermés ; au lieu que l’agnation n’étoit qu’une sorte particuliere de cognation, qui ne comprenoit que les descendans par mâles. Une autre différence est que l’agnation tire ses droits & sa distinction du Droit civil, & que la cognation au contraire tire les siens de la Loi naturelle & du sang. Voyez Cognation.

Par la Loi des douze Tables, les femmes étoient appellées à la succession avec les mâles, suivant leur degré de proximité, & sans distinction de sexe. Mais la Jurisprudence changea dans la suite ; & par la Loi Voconia les femmes furent exclues du privilége de l’agnation, excepté celles qui étoient dans le degré même de consanguinité, c’est-à-dire, les sœurs de celui qui étoit mort intestat : & voilà d’où vint la différence entre les agnats & les cognats.

Mais cette distinction fut dans la suite abolie par Justinien, Institut. III. 10. & les femmes furent rétablies dans les droits de l’agnation ; en sorte que tous les descendans paternels, soit mâles ou femelles, furent admis indistinctement à lui succéder suivant le degré de proximité.

Par-là le mot de cognation rentra dans la signification naturelle, & signifia tous les parens, tant du côté du pere que du côté de la mere ; & agnation signifia seulement les parens du côté paternel.

Les enfans adoptifs joüissoient aussi des priviléges de l’agnation, que l’on appelloit à leur égard civile, par opposition à l’autre qui étoit naturelle.

AGNATS, terme de Droit Romain, les descendans mâles d’un même pere. V. Agnation.

Agnats se dit par opposition à cognats, terme plus générique qui comprend aussi la descendance féminine du même pere. V. Cognats, Cognation & Agnation. (H)

AGNEAU. (Théol.) Voyez Pascal.

* AGNEAU, s. m. (Œconom. rustiq.) c’est le petit de la brebis & du bélier. Aussi-tôt qu’il est né on le leve, on le met sur ses piés, on l’accoûtume à téter : s’il refuse, on lui frotte les levres avec du beurre & du sain-doux, & on y met du lait. On aura le soin de tirer le premier lait de la brebis, parce qu’il est pernicieux : on enfermera l’agneau avec sa mere pendant deux jours, afin qu’elle le tienne chaudement & qu’il apprenne à la connoître. Au bout de quatre jours on menera la mere aux champs, mais sans son petit ; il se passera du tems avant qu’il soit assez fort pour l’y suivre. En attendant on le laissera sortir le matin & le soir, & téter sa mere avant que de s’en séparer. Pendant le jour on lui donnera du son & du meilleur foin pour l’empêcher de bêler. Il faut avoir un lieu particulier dans la bergerie pour les agneaux : ils y passeront la nuit séparés des meres par une cloison. Outre le lait de la mere, il y en a qui leur donnent encore de la vesce moulue, de l’avoine, du sain-foin, des feuilles, de la farine d’orge ; tous ces alimens sont bons : on les leur exposera dans de petites auges & de petits rateliers : on pourra leur donner aussi des pois qu’on fera cuire modérément, & qu’on mettra ensuite dans du lait de vache ou de chevre. Ils font quelquefois difficulté de prendre cette nourriture ; mais on les y contraint, en leur trempant le bout du museau dans l’auget, & en les faisant avaler avec le doigt. Comme on fait saillir les brebis au mois de Septembre, on a des agneaux en Fevrier : on ne garde que les plus forts, on envoie les autres à la boucherie : on ne conduit les premiers aux champs qu’en Avril, & on les sevre sur la fin de ce mois. La brebis n’allaite son petit que sept à huit semaines au plus, si on le lui laisse : mais on a coûtume de le lui ôter au bout d’un mois. On dit qu’un agneau ne s’adresse jamais à une autre qu’à sa mere, qu’il reconnoît au bêlement, quelque nombreux que soit un troupeau. Le sain-foin, les raves, les navets, &c. donneront beaucoup de lait aux brebis, & les agneaux ne s’en trouveront que mieux. Ceux qui font du fromage de brebis, les tirent le matin & le soir, & n’en laissent approcher les agneaux que pour se nourrir de ce qui reste de lait dans les pis ; & cela leur suffit, avec l’autre nourriture, pour les engraisser. On vend tous les agneaux de la premiere portée, parce qu’ils sont foibles. Entre tous, on préfere les plus chargés de laine, & entre les plus chargés de laine, les blancs, parce que la laine blanche vaut mieux que la noire. Il ne doit y avoir dans un troupeau bien composé qu’un mouton noir contre dix blancs. Vous châtrerez vos agneaux à cinq ou six mois, par un tems qui ne soit ni froid ni chaud. S’ils restoient beliers, ils s’entre-détruiroient, & la chair en seroit moins bonne. On les châtre en leur faisant tomber les testicules par une incision faite à la bourse, ou en les prenant dans le lacs d’un cordeau qu’on serre jusqu’à ce que le lacs les ait détachés. Pour prévenir l’enflure qui suivroit, on frotte la partie malade avec du sain-doux, & on soulage l’agneau en le nourrissant avec du foin haché dans du son, pendant deux ou trois jours. On appelle agneaux primes ceux qu’on a d’une brebis mise en chaleur, & couverte dans le tems requis : ces agneaux sont plus beaux & se vendent un tiers, & quelquefois moitié plus que les autres. Ces petits animaux sont sujets à la fievre & à la gratelle. Aussi-tôt qu’ils sont malades, il faut les séparer de leur mere. Pour la fievre, on leur donne du lait de leur mere coupé avec de l’eau : quant à la gratelle qu’ils gagnent au menton, pour avoir, à ce qu’on dit, brouté de l’herbe qui n’a point encore été humectée par la rosée, on les en guérit en leur frottant le museau, la langue & le palais, avec du sel broyé & mêlé avec l’hysope ; en leur lavant les parties malades avec du vinaigre, les frottant ensuite avec du sain-doux & de la poix-résine fondue ensemble. On s’apercevra que les agneaux sont malades, aux mêmes symptomes qu’on le reconnoît dans les brebis. Outre les remedes précédens pour la gratelle, d’autres se servent encore de verd-de-gris & de vieux-oing, deux parties de vieux-oing contre une de verd-de-gris ; on en frotte la gratelle à froid : il y en a qui font macérer des feuilles de cyprès broyées dans de l’eau, & ils en lavent l’endroit du mal.

Agneau, (Cuisine.) Tout ce qui se mange de l’agneau est délicat. On met la tête & les piés en potage : on les échaude, on les assaissonne avec le petit-lard, le sel, le poivre, les clous de girofle, & les fines herbes : on frit la cervelle après l’avoir bien saupoudrée de mie de pain : on met la fressure au pot, ou dépecée en morceaux on la fricasse : on sert la poitrine frite : on la coupe par morceaux ; on la fait tremper dans le verjus, le vinaigre, le sel, le poivre, le clou de girofle, le laurier, pendant quatre heures : on fait une pâte claire de farine, jaune d’œufs & vin blanc : on a une poële de beurre ou de sain-doux toute prête sur le feu, & l’on y jette les morceaux d’agneau, après qu’on les a tournés & retournés dans la pâte claire ; mais il faut pour cela que le beurre fondu soit assez chaud. On peut faire une entrée avec la tête & les piés ; les piés sur-tout seront excellens, si on en ôte les grands os, qu’on en remplisse le dedans d’une farce grasse de blanc de volaille, de perdrix, de riz, avec truffes, champignons, moelle, lard blanchi & haché, fines herbes, sel, poivre, clous, crême, & jaune d’œufs. On partage l’agneau par quartiers, & on le met à la broche ; c’est un très-bon rôti. Voilà la vieille cuisine, celle de nos peres. Il n’est pas possible de suivre la nouvelle dans tous ses rafinemens : il vaudroit autant se proposer l’histoire des modes, ou celle des combinaisons de l’Alchimie. Tous les articles de la Cuisine ne seront pas faits autrement. Nous ne nous sommes pas proposés de décrire les manieres différentes de dénaturer les mets, mais bien celle de les assaisonner.

Question de Jurisprudence. Les agneaux sont-ils compris dans un legs fait sous le nom d’oves ? Non, il faut les en séparer. Mais à quel âge un agneau est-il mis au nombre des brebis ? A un an dans quelques endroits ; à la premiere tonte de laine dans d’autres.

La chair des agneaux trop jeunes passe pour gluante, visqueuse, & mauvaise nourriture.

Dans des tems de mortalité de bestiaux, on a quelquefois défendu de tuer des agneaux. On lit dans un Reglement de Charles IX. du 28 Janvier 1563, art. 39 : Inhibons & défendons de tuer ni manger agneaux, de ce jour en un an, sous peine de dix livres d’amende. Différens anciens Reglemens restreignent le tems du commerce des agneaux au tems seul compris depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte. Il y en eut aussi qui fixerent l’âge auquel ils pouvoient être vendus, & il ne fut permis de tuer que les agneaux d’un mois, de six semaines, & de deux mois au plus. Le tems de la vente des agneaux s’étendit dans la suite depuis le premier de Janvier jusqu’après la Pentecôte.

Il y eut un Arrêt en 1701, qui ne permit de vendre & tuer des agneaux que dans l’étendue de dix lieues aux environs de Paris, & que depuis Noël jusqu’à la Pentecôte. Si l’on fait attention à l’importance qu’il y a d’avoir des laines en quantité, on conviendra de la sagesse de ces lois & de celle du gouvernement, qui n’a presque pas perdu de vûe un seul des objets qui pourroient intéresser notre bien-être. Nous avons un nombre infini d’occasions de faire cette réflexion, & nous ne nous lasserons point de la répéter, afin que les peuples apprennent à aimer la société dans laquelle ils vivent, & les Puissances qui les gouvernent.

Agneau, (Mat. med.) On emploie plusieurs de ses parties en Medecine. Hippocrate dans son traité de superfætatione, ordonne d’appliquer une peau d’agneau toute chaude sur le ventre des filles qui sont incommodées par une suppression de regles, dans le dessein de relâcher les vaisseaux de l’uterus & d’en diminuer la tension.

M. Freind dans son Emmenalogie recommande des fomentations émollientes pour le même effet : mais la chaleur balsamique de la peau d’un agneau nouvellement tué, me paroît plus propre qu’aucune autre chaleur artificielle à relâcher les vaisseaux.

Ses poumons sont bons dans les maladies de la poitrine ; son fiel est propre contre l’épilepsie, la dose en est depuis deux gouttes jusqu’à huit. La caillette qui se trouve au fond de son estomac est regardée comme un antidote contre les poisons. Les poumons de cet animal brûlés & réduits en poudre guérissent les meurtrissures que causent les souliers trop étroits.

L’agneau contient une grande quantité d’huile & de sel volatil. Les parties de l’agneau les meilleures & les plus légeres sont, suivant Celse, la tête & les piés. Il donne un suc gluant.

L’agneau est humectant, rafraîchissant ; il nourrit beaucoup & adoucit les humeurs acres & picotantes : quand il est trop jeune & qu’il n’est pas assez cuit, il est indigeste. Il convient dans les tems chauds aux jeunes gens bilieux : mais les personnes d’un tempérament froid & phlegmatique, doivent s’en abstenir & en user modérément. (N)

La peau d’agneau garnie de son poil & préparée par les Pelletiers-Fourreurs ou par les Mégissiers, s’emploie à de fort bonnes fourrures qu’on appelle fourrure d’agnelins.

Ces mêmes peaux dépouillées de la laine, se passent aussi en mégie, & on en fabrique des marchandises de ganterie. A l’égard de la laine que fournissent les agneaux, elle entre dans la fabrique des chapeaux, & on en fait aussi plusieurs sortes d’étoffes & de marchandises de bonneterie.

* Agneaux de Perse, (Commerce.) Les fourrures de ces agneaux sont encore préférées en Moscovie à celles de Tartarie : elles sont grises & d’une frisure plus petite & plus belle : mais elles sont si cheres qu’on n’en garnit que les retroussis des vêtemens.

* Agneaux de Tartarie, (Commerce.) agneaux dont la fourrure est précieuse en Moscovie : elle vient de la Tartarie & des bords du Volga. La peau est trois fois plus chere que l’animal sans elle. La laine en est noire, fortement frisée, courte, douce & éclatante. Les Grands de Moscovie en fourrent leurs robes & leurs bonnets, quoiqu’ils pussent employer à cet usage les martres zibelines, si communes dans ce pays.

Agneau de Scythie. Voyez Agnus Scythicus.

* AGNEL ou AIGNEL, ancienne monnoie d’or qui fut battue sous S. Louis, & qui porte un agneau ou mouton. On lit dans le Blanc que l’agnel étoit d’or fin, & de 59 au marc sous S. Louis, & valoit 12 sous 6 deniers tournois. Ces sous étoient d’argent & presque du poids de l’agnel. La valeur de l’agnel est encore fixée par le même Auteur à 3 deniers 5 grains trébuchans. Le Roi Jean en fit faire qui étoient de 10 à 12 grains plus pesans. Ceux de Charles VI. & de Charles VII. ne pesoient que 2 deniers, & n’étoient pas or fin.

* AGNELINS, (terme de Mégisserie.) peaux passées d’un côté, qui ont la laine de l’autre côté.

Nous avons expliqué à l’article Agneau, l’usage que les Mégissiers, les Chapeliers, les Pelletiers-Fourreurs & plusieurs autres ouvriers font de la peau de cet animal.

Agnelins se dit encore de la laine des agneaux qui n’ont pas été tondus, & qui se leve pour la premiere fois au sortir des abattis des Bouchers ou des boutiques des Rôtisseurs.

Agnelins se dit en général de la laine des agneaux qui n’ont pas été tondus, soit qu’on la coupe sur leur corps, ou qu’on l’enleve de dessus leurs peaux après qu’ils ont été tués.

* AGNESTIN, (Géog.) ville de Transylvanie sur la riviere d’Hospach. Long. 43. 12. lat. 46. 45.

AGNOITES ou AGNOETES, s. m. pl. (Théol.) secte d’hérétiques qui suivoient l’erreur de Théophrone de Cappadoce, lequel soûtenoit que la Science de Dieu par laquelle il prévoit les choses futures, connoît les présentes & se souvient des choses passées, n’est pas la même, ce qu’il tâchoit de prouver par quelques passages de l’Ecriture. Les Eunomiens ne pouvant souffrir cette erreur le chasserent de leur communion ; & il se fit chef d’une secte, à laquelle on donna le nom d’Eunomisphroniens. Socrate, Sozomene & Nicéphore qui parlent de ces hérétiques, ajoûtent qu’ils changerent aussi la forme du baptême, usitée dans l’Eglise, ne baptisant plus au nom de la Trinité, mais au nom de la mort de Jesus-Christ. Voyez Baptême & Forme. Cette secte commença sous l’empire de Valens, vers l’an du salut 370.

Agnoites ou Agnoetes, secte d’Eutychiens dont Thémistius fut l’auteur dans le VI. siecle. Ils soûtenoient que Jesus-Christ en tant qu’Homme ignoroit certaines choses, & particulierement le jour du jugement dernier.

Ce mot vient du Grec ἀγνοηται, ignorant, dérivé d’ἀγνοεῖν, ignorer.

Eulogius, Patriarche d’Alexandrie, qui écrivit contre les Agnoïtes sur la fin du vi. siecle, attribue cette erreur à quelques Solitaires qui habitoient dans le voisinage de Jérusalem, & qui pour la défendre alléguoient différens textes du Nouveau Testament, & entre autres celui de S. Marc, c. xiij. v. 32. que nul homme sur la terre ne sait ni le jour, ni l’heure du jugement, ni les Anges qui sont dans le ciel, ni même le Fils, mais le Pere seul.

Il faut avoüer qu’avant l’hérésie des Ariens qui tiroient avantage de ce texte contre la divinité de Jesus-Christ, les Peres s’étoient contentés de leur répondre que ces paroles devoient s’entendre de Jesus-Christ comme homme. Mais depuis l’Arianisme & les disputes des Agnoïtes, les Théologiens Catholiques répondent que Jesus-Christ, même comme homme, n’ignoroit pas le jour du jugement, puisqu’il en avoit prédit l’heure en S. Luc, c. xvij. v. 31. le lieu en S. Matthieu, c. xxiv. v. 28. les signes & les causes en S. Luc, c. xxj. v. 25. ce qui a fait dire à S. Ambroise, lib. V. de fide, c. xvj. n°. 204. quomodo nescivit judicii diem qui & horam prædixit, & locum & signa expressit ac causas ? mais que par ces paroles le Sauveur avoit voulu réprimer la curiosité indiscrete de ses disciples, en leur faisant entendre qu’il n’étoit pas à propos qu’il leur révélât ce secret : & enfin, que ces mots, le Pere seul, n’excluent que les créatures & non le Verbe incarné, qui connoissoit bien l’heure & le jour du jugement en tant qu’Homme, mais non par la nature de son humanité quelqu’excellente qu’elle fût, dit S. Grégoire : in naturâ quidem humanitatis novit diem & horam, non ex naturâ humanitatis novit. Ideo scientiam, quam ex naturâ humanâ non habuit, in quâ cum Angelis creatura fuit, hanc se cum Angelis habere denegavit. Lib. I. epist. xlij. Wuitass. tract. de Trinit. part. I. qu. iv. art. 2. sect. iij. p. 408. & seq. (G)

* AGNONE ou ANGLONE, (Géog.) ville considérable du Royaume de Naples dans l’Abruzze près du Mont-Marel.

AGNUS-CASTUS, en latin vitex, arbrisseau dont la fleur est composée d’une seule feuille, & dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs capsules. Cette fleur semble être divisée en deux levres ; sa partie postérieure forme un tuyau ; il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur ; dans la suite il devient un fruit presque sphérique, divisé en quatre cellules, & rempli de semences oblongues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Agnus Castus, (Mat. med.) on se sert de sa feuille, de sa fleur, & surtout de sa semence pour résoudre, pour attenuer, pour exciter l’urine & les mois aux femmes, pour ramollir les duretés de la rate, pour chasser les vents ; on en prend en poudre & en décoction ; on l’applique aussi extérieurement. (N)

AGNUS DEI, (Théol.) est un nom que l’on donne aux pains de cire empreints de la figure d’un agneau portant l’étendart de la croix, & que le pape bénit solemnellement le dimanche in albis après sa consécration, & ensuite de 7 ans en 7 ans, pour être distribué au peuple.

Ce mot est purement Latin & signifie agneau de Dieu, nom qu’on lui a donné à cause de l’empreinte qu’il porte.

L’origine de cette cérémonie vient d’une coûtume ancienne dans l’église de Rome. On prenoit autrefois le dimanche in albis, le reste du cierge pascal béni le jour du samedi saint, & on le distribuoit au peuple par morceaux. Chacun les brûloit dans sa maison, dans les champs, les vignes, &c. comme un préservatif contre les prestiges du démon, & contre les tempêtes & les orages. Cela se pratiquoit ainsi hors de Rome : mais dans la ville, l’archidiacre au lieu du cierge pascal, prenoit d’autre cire sur laquelle il versoit de l’huile, & en faisant divers morceaux en figures d’agneaux, il les bénissoit & les distribuoit au peuple. Telle est l’origine des agnus Dei que les papes ont depuis bénis avec plus de cérémonies. Le sacristain les prépare long-tems avant la bénédiction. Le pape revêtu de ses habits pontificaux, les trempe dans l’eau-benite & les bénit. Après qu’on les en a retirés, on les met dans une boëte qu’un soûdiacre apporte au pape à la messe après l’agnus Dei, & les lui présente en répétant trois fois ces paroles : ce sont ici de jeunes agneaux qui vous ont annoncé l’alleluia ; voilà qu’ils viennent à la fontaine pleins de charité, alleluia. Ensuite le pape les distribue aux cardinaux, évêques, prélats, &c. On croit qu’il n’y a que ceux qui sont dans les ordres sacrés qui puissent les toucher ; c’est pourquoi on les couvre de morceaux d’étoffe proprement travaillés, pour les donner aux laïques. Quelques écrivains en rendent bien des raisons mystiques, & leur attribuent plusieurs effets. L’ordre Romain. Amalarius, Valafrid Strabon, Sirmond dans ses notes sur Ennodius ; Théophile, Raynaud.

Agnus Dei, partie de la Liturgie de l’Eglise Romaine, ou priere de la messe entre le pater & la communion. C’est l’endroit de la messe où le prêtre se frappant trois fois la poitrine, répete autant de fois à voix intelligible, la priere qui commence par ces deux mots agnus Dei. (G)

* AGNUS SCYTHICUS. (Hist. nat. bot.) Kircher est le premier qui ait parlé de cette plante. Je vais d’abord rapporter ce qu’a dit Scaliger pour faire connoître ce que c’est que l’agnus scythicus, puis Kempfer & le savant Hans Sloane nous apprendront ce qu’il en faut penser. « Rien, dit Jules César Scaliger, n’est comparable à l’admirable arbrisseau de Scythie. Il croît principalement dans le Zaccolham, aussi célebre par son antiquité que par le courage de ses habitans. L’on seme dans cette contrée une graine presque semblable à celle du melon, excepté qu’elle est moins oblongue. Cette graine produit une plante d’environ trois piés de haut, qu’on appelle boramets, ou agneau, parce qu’elle ressemble parfaitement à cet animal par les piés, les ongles, les oreilles & la tête ; il ne lui manque que les cornes, à la place desquelles elle a une touffe de poil. Elle est couverte d’une peau légere dont les habitans font des bonnets. On dit que sa pulpe ressemble à la chair de l’écrevisse de mer, qu’il en sort du sang quand on y fait une incision, & qu’elle est d’un goût extrèmement doux. La racine de la plante s’étend fort loin dans la terre : ce qui ajoûte au prodige, c’est qu’elle tire sa nourriture des arbrisseaux circonvoisins, & qu’elle périt lorsqu’ils meurent ou qu’on vient à les arracher. Le hasard n’a point de part à cet accident : on lui a causé la mort toutes les fois qu’on l’a privée de la nourriture qu’elle tire des plantes voisines. Autre merveille, c’est que les loups sont les seuls animaux carnassiers qui en soient avides. (Cela ne pouvoit manquer d’être.) On voit par la suite que Scaliger n’ignoroit sur cette plante que la maniere dont les piés étoient produits & sortoient du tronc ».

Voilà l’histoire de l’agnus scythicus, ou de la plante merveilleuse de Scaliger, de Kircher, de Sigismond, d’Hesberstain, d’Hayton Arménien, de Surius, du Chancelier Bacon, (du Chancelier Bacon, notez bien ce témoignage) de Fortunius Licetus, d’André Lebarrus, d’Eusebe de Nuremberg, d’Adam Olearius, d’Olaus Vormius, & d’une infinité d’autres Botanistes.

Seroit-il bien possible qu’après tant d’autorités qui attestent l’existence de l’agneau de Scythie, après le détail de Scaliger, à qui il ne restoit plus qu’à savoir comment les piés se formoient, l’agneau de Scythie fût une fable ? Que croire en Histoire naturelle, si cela est ?

Kempfer, qui n’étoit pas moins versé dans l’Histoire naturelle que dans la Medecine, s’est donné tous les soins possibles pour trouver cet agneau dans la Tartarie, sans avoir pû y réussir. « On ne connoît ici, dit cet auteur, ni chez le menu peuple ni chez les Botanistes, aucun zoophite qui broute ; & je n’ai retiré de mes recherches que la honte d’avoir été trop crédule ». Il ajoûte que ce qui a donné lieu à ce conte, dont il s’est laissé bercer comme tant d’autres, c’est l’usage que l’on fait en Tartarie de la peau de certains agneaux dont on prévient la naissance, & dont on tue la mere avant qu’elle les mette bas, afin d’avoir leur laine plus fine. On borde avec ces peaux d’agneaux des manteaux, des robes & des turbans. Les voyageurs, ou trompés sur la nature de ces peaux par ignorance de la langue du pays, ou par quelqu’autre cause, en ont ensuite imposé à leurs compatriotes, en leur donnant pour la peau d’une plante la peau d’un animal.

M. Hans-Sloane dit que l’agnus scythicus est une racine longue de plus d’un pié, qui a des tubérosités, des extrémités desquelles sortent quelques tiges longues d’environ trois à quatre pouces, & assez semblables à celles de la fougere, & qu’une grande partie de sa surface est couverte d’un duvet noir jaunâtre, aussi luisant que la soie, long d’un quart de pouce, & qu’on emploie pour le crachement de sang. Il ajoûte qu’on trouve à la Jamaïque plusieurs plantes de fougere qui deviennent aussi grosses qu’un arbre, & qui sont couvertes d’une espece de duvet pareil à celui qu’on remarque sur nos plantes capillaires ; & qu’au reste il semble qu’on ait employé l’art pour leur donner la figure d’un agneau, car les racines ressemblant au corps, & les tiges aux jambes de cet animal.

Voilà donc tout le merveilleux de l’agneau de Scythie réduit à rien, ou du moins à fort peu de chose, à une racine velue à laquelle on donne la figure, ou à peu près, d’un agneau en la contournant.

Cet article nous fournira des réflexions plus utiles contre la superstition & le préjugé, que le duvet de l’agneau de Scythie contre le crachement de sang. Kircher, & avant Kircher, Jules César Scaliger, écrivent une fable merveilleuse ; & ils l’écrivent avec ce ton de gravité & de persuasion qui ne manque jamais d’en imposer. Ce sont des gens dont les lumieres & la probité ne sont pas suspectes : tout dépose en leur faveur : ils sont crus ; & par qui ? par les premiers génies de leur tems ; & voilà tout d’un coup une nuée de témoignages plus puissans que le leur qui le fortifient, & qui forment pour ceux qui viendront un poids d’autorité auquel ils n’auront ni la force ni le courage de résister, & l’agneau de Scythie passera pour un être réel.

Il faut distinguer les faits en deux classes ; en faits simples & ordinaires, & en faits extraordinaires & prodigieux. Les témoignages de quelques personnes instruites & véridiques, suffisent pour les faits simples ; les autres demandent, pour l’homme qui pense, des autorités plus fortes. Il faut en général que les autorités soient en raison inverse de la vraissemblance des faits ; c’est-à-dire, d’autant plus nombreuses & plus grandes, que la vraissemblance est moindre.

Il faut subdiviser les faits, tant simples qu’extraordinaires, en transitoires & permanens. Les transitoires, ce sont ceux qui n’ont existé que l’instant de leur durée ; les permanens, ce sont ceux qui existent toûjours, & dont on peut s’assûrer en tout tems. On voit que ces derniers sont moins difficiles à croire que les premiers, & que la facilité que chacun a de s’assûrer de la vérité ou de la fausseté des témoignages, doit rendre les témoins circonspects, & disposer les autres hommes à les croire.

Il faut distribuer les faits transitoires en faits qui se sont passés dans un siecle éclairé, & en faits qui se sont passés dans des tems de ténebres & d’ignorance ; & les faits permanens, en faits permanens dans un lieu accessible ou dans un lieu inaccessible.

Il faut considérer les témoignages en eux-mêmes, puis les comparer entr’eux : les considérer en eux-mêmes, pour voir s’ils n’impliquent aucune contradiction, & s’ils sont de gens éclairés & instruits : les comparer entr’eux, pour découvrir s’ils ne sont point calqués les uns sur les autres, & si toute cette foule d’autorités de Kirker, de Scaliger, de Bacon, de Libarius, de Licetus, d’Eusebe, &c. ne se réduiroit pas par hazard à rien, ou à l’autorité d’un seul homme.

Il faut considérer si les témoins sont oculaires ou non ; ce qu’ils ont risqué pour se faire croire ; quelle crainte ou quelles espérances ils avoient en annonçant aux autres des faits dont ils se disoient témoins oculaires ! S’ils avoient exposé leur vie pour soûtenir leur déposition, il faut convenir qu’elle acquéreroit une grande force ; que seroit-ce donc s’ils l’avoient sacrifiée & perdue ?

Il ne faut pas non plus confondre les faits qui se sont passés à la face de tout un peuple, avec ceux qui n’ont eu pour spectateurs qu’un petit nombre de personnes. Les faits clandestins, pour peu qu’ils soient merveilleux, ne méritent presque pas d’être crus : les faits publics, contre lesquels on n’a point reclamé dans le tems, ou contre lesquels il n’y a eu de reclamation que de la part de gens peu nombreux & mal intentionnés ou mal instruits, ne peuvent presque pas être contredits.

Voilà une partie des principes d’après lesquels on accordera ou l’on refusera sa croyance, si l’on ne veut pas donner dans des rêveries, & si l’on aime sincerement la vérité. V. Certitude, Probabilité, &c.

* AGOBEL, (Géog.) ville d’Afrique au Royaume de Maroc, dans la Province d’Ea en Barbarie.

AGON, s. m. (Hist. anc.) chez les Anciens étoit une dispute ou combat pour la supériorité dans quelqu’exercice du corps ou de l’esprit.

Il y avoit de ces combats dans la plûpart des fêtes anciennes en l’honneur des Dieux ou des Héros. V. Fête, Jeu.

Il y en avoit aussi d’institués exprès, & qui ne se célébroient pas simplement pour rendre quelque fête plus solemnelle. Tels étoient à Athenes l’agon gymnicus, l’agon nemeus, institué par les Argiens dans la 53e Olympiade ; l’agon olympius, institué par Hercule 430. ans avant la premiere Olympiade. Voyez Némeen, Olympique, &c.

Les Romains, à l’imitation des Grecs, instituerent aussi de ces sortes de combats. L’Empereur Aurélien en établit un sous le nom d’agon solis, combat du soleil ; Diocletien un autre, sous le nom d’agon capitolinus, qui se célébroit tous les quatre ans à la maniere des jeux Olympiques. C’est pourquoi au lieu de compter les années par lustres, les Romains les ont quelquefois comptées par agones.

Agon se disoit aussi du Ministre dans les sacrifices dont la fonction étoit de frapper la victime. Voyez Sacrifice, Victime.

On croit que ce nom lui est venu de ce que se tenant prêt à porter le coup, il demandoit : agon ou agone, frapperai-je ?

L’agon en ce sens s’appelloit aussi pona cultrarius & victimarius. (G)

AGONALES, adj. pris subst. (Hist. anc.) fêtes que les Romains célébroient à l’honneur du Dieu Janus, ou, à ce que d’autres prétendent, à l’honneur du Dieu Agonius, que les Romains avoient coûtume d’invoquer lorsqu’ils entreprenoient quelque chose d’important. Voyez Fête.

Les Auteurs ne sont pas d’accord sur l’étymologie de ce mot. Quelques-uns le sont venir du mont Agonus, qui depuis fut nommé Quirinal, où se faisoit cette solemnité. D’autres le dérivent de la cérémonie qui se pratiquoit en cette fête, où le Prêtre tenant un couteau dégaîné, & prêt à frapper la victime qui étoit un bélier, demandoit, agone, ferai-je ? C’est le sentiment d’Ovide, Fast. Liv. I. v. 319. Voyez Sacrifice.

Agonales. On nommoit encore ainsi des jeux publics consistans en combats & en luttes, tant d’hommes que d’animaux. Ces jeux se donnoient dans l’amphithéatre dédié à Mars & à Minerve.

AGONAUX, jours ou fêtes agonales célébrées chez les Romains au commencement du mois de Janvier. Elles paroissent avoir été en usage dès le tems des Rois de Rome, puisque Varron rapporte que dans ces jours le Prince immoloit une victime dans son Palais. Ovide, après d’autres Auteurs, rapporte l’origine de ce nom à plusieurs étymologies ; mais la plus vraissemblable, & celle à laquelle il s’en tient, est celle-ci :

Fas etiam fieri solitis atate priorum
Nomina de ludis Græca tulisse diem.
Et priùs antiquus dicebat Agonia sermo ;
Veraque judicio est ultima causa meo.

D’autres prétendent que ces sacrifices se nommoient agonalia, parce qu’ils se faisoient sur les montagnes nommées par les anciens Latins Agones : au moins appelloient-ils le mont Quirinal mons Agonus, & la porte Colline, Porta Agonensis.

AGONAUX, adj. pris subst. (Hist. anc.) surnom que l’on donnoit aux Saliens, Prêtres que Numa Pompilius avoit institués pour le service du Dieu Mars, surnommé Gradivus. Voyez Saliens.

On les appelloit aussi Quirinaux, du mont Quirinal où ils faisoient leurs fonctions. Rosinus les appelle Agonenses Salii. (G)

AGONIENS, (Myth.) c’étoient les Dieux qu’on invoquoit lorsqu’on vouloit entreprendre quelque chose d’important ; ce mot vient du verbe ago.

AGONIOS, (Myth.) nom donné à Mercure, parce qu’il présidoit aux jeux agonaux dont on lui attribuoit l’invention.

AGONIUS, (Myth.) surnom donné à Janus dans les fêtes agonales qu’on célébroit en son honneur. Janus Agonali luce piandus erit. (G)

AGONISTIQUE, adj. f. pris subst. (Hist. anc.) la science des exercices du corps usités dans les spectacles des Anciens, ainsi nommée à cause des jeux publics, ἀγῶνες, qui en étoient le principal objet, & à l’institution desquels est dû l’établissement de la profession d’athlete. On en apprenoit les statuts avec un soin extrème, & ils n’étoient pas exécutés avec moins de sévérité. Nous avons de Pierre Dufaur un traité d’agonistique, plein d’érudition, mais confus & sans méthode. (G)

AGONISTIQUES, (Théol.) du Grec ἀγὼν, combat, nom par lequel Donat & les Donatistes désignoient les Prédicateurs qu’ils envoyoient dans les villes & les campagnes, pour répandre leur doctrine, & qu’ils regardoient comme autant de combattans propres à leur conquérir des disciples. On les appelloit ailleurs Circuiteurs, Circellions, Circumcellions, Catropites, Coropites, & à Rome Montenses. L’Histoire ecclésiastique est pleine des violences qu’ils exerçoient contre les Catholiques. Voyez Circoncellions, Donatistes, &c. (G)

AGONOTHETE, s. m. (Hist. anc.) chez les Grecs étoit un Magistrat qui faisoit la fonction de Directeur, de Président, & de Juge des combats, ou jeux publics, qu’on appelloit agons. C’étoit lui qui en ordonnoit les préparatifs, & qui adjugeoit le prix aux vainqueurs. Voyez Jeu, Combat, &c.

Ce mot est composé d’ἀγὼν, combat, & de τίθημι, mettre, disposer.

Les Romains appelloient designator & numerarius, l’officier qui faisoit chez eux la fonction de l’agonothete.

On appelloit encore athlothetes & hellanodiques, ceux qui présidoient aux jeux, dont voici les principales fonctions. Ils écrivoient sur un registre le nom & le pays des athletes qui s’enrolloient, pour ainsi dire ; & à l’ouverture des jeux, un héraut proclamoit publiquement ces noms. L’agonothete leur faisoit prêter serment qu’ils observeroient très-religieusement toutes les lois prescrites pour chaque sorte de combat, & qu’ils ne feroient rien ni directement, ni indirectement, contre l’ordre & la police établie dans les jeux. Il faisoit punir sur le champ les contrevenans par des officiers ou licteurs armés de verges, & nommés mastophotes. Enfin pour régler le rang de ceux qui devoient disputer le prix dans chaque espece de combat, ils les faisoient tirer au sort, & décidoient des contestations qui pouvoient s’élever entre eux. C’est sur ce modele qu’on avoit établi dans nos anciens tournois des juges de barriere.

Les Agonothetes placés au bout ou à l’un des côtés du stade, distribuoient les couronnes aux athletes victorieux ; des javelots élevés devant eux, étoient le symbole de leur authorité, qui n’étoit point subordonnée à celle des Amphyctions ; car quoique ceux-ci fissent l’office de Juges aux jeux Pythiens, on appelloit de leurs décisions à l’agonothete, ou intendant des jeux, & de celui-ci à l’Empereur. (G)

AGONYCLITES, s. m. pl. (Théol.) hérétiques du VII. siecle, qui avoient pour maxime de ne prier jamais à genoux, mais debout.

Ce mot est composé d’ privatif, de γόνυ, genou, & du verbe κλίνω, incliner, plier, courber. Voyez Génuflexion. (G)

AGORANOME, s. m. (Hist. anc.) étoit un Magistrat chez les Athéniens, établi pour maintenir le bon ordre & la police dans les marchés, mettre le prix aux denrées, juger des contestations qui s’élevoient entre le vendeur & l’acheteur, & examiner les poids & mesures.

Ce mot est composé du Grec, ἀγορὰ, marché, & νέμω, distribuer.

L’agoranome étoit à peu près chez les Grecs ce qu’étoit un Edile curule chez les Romains. Voyez Edile.

Aristote distingue deux sortes de Magistrats : les agoranomes, qui avoient inspection sur les marchés ; & les astynomes, ἀστυνόμοι, qui l’avoient sur les bâtimens, ou sur la construction des cités, ἄστια.

Les Romains n’ont méconnu ni le nom ni les fonctions de ce Magistrat, comme il paroît par ces vers de Plaute :

Euge pe ! edictiones ædilitias hic habet quidem
Mirumque adeo est, ni hunc fecere sibi Ætoli
Agoranomum. Captiv.

L’agoranome avoit principalement inspection sur les poids & sur les mesures des denrées. Ainsi il n’avoit pas des fonctions si étendues que celles des Ediles chez les Romains. (G)

* AGOREUS, (Myth.) surnom donné à Mercure, d’une statue qu’il avoit sur le marché de Lacédémene. Mercure agoreus est synonyme à Mercure du marché.

* AGOSTA, (Géog.) ville de Sicile, & port. Long. 33. lat. 37. 17.

AGOUTY, s. m. (Hist. nat.) animal quadrupede, de l’Amérique. Voyez Acouty. (I)

* AGRA, (Géog.) ville capitale de l’Indostan, dans les Etats du Mogol en Asie, sur la riviere de Gemene. Long. 96. 26. lat. 26. 40.

Le Commerce s’y fait par des caravanes qui partent d’Amadabath, de Surate, & d’ailleurs, sur des chameaux dont se servent les François, les Anglois, les Hollandois, les Maures, les Turcs, les Arabes, les Persans, &c. On en tire d’excellent indigo, des étoffes, & des toiles : on dit qu’il n’y a point de confiscation pour avoir fait sortir ou entrer des marchandises en fraude, mais qu’on paye le double du droit.

* AGRA, (Hist, nat.) bois de senteur, qui vient de l’isle de Haynan, à la Chine. On en distingue de trois sortes, dont on sait le prix ; mais on ne nous apprend rien sur la nature de ce bois, ni de la plante qui le fournit. On dit que le plus fin s’achete à Haynan 80. taels le pié, & se vend à Canton 90. Voyez Taels.

* AGRA-CARAMBA, autre bois de senteur, qui vient pareillement de Haynan, mais sur lequel on ne nous instruit pas davantage que sur l’agra simple. On dit qu’il coûte soixante taels le cati, & se vend à Canton 80 sous, qu’il est purgatif, & que les Japonois en font cas.

AGRAFE, s. s. (terme d’architect.) on entend par ce nom tout ornement de sculpture qui semble unir plusieurs membres d’architecture, les uns avec les autres, comme le haut de la bordure d’une glace, avec celle du tableau au-dessus, ou cette derniere avec la corniche qui regne à l’extrémité supérieure d’un salon, d’une galerie, &c. mais en général, agrafe exprime la décoration qu’on peut affecter sur le parement extérieur de la clé d’une croisée ou arcade plein ceintre, bombée, ou anse de panier ; c’est dans cette espece de sculpture, qu’il faut être circonspect : nos sculpteurs modernes ont pris des licences, à cet égard, qu’il faut éviter, plaçant des ornemens chimériques, de travers, & de formes variées, qui ne sont point du ressort de la décoration de la clé d’une arcade, qui représente expressément la solidité que cette clef donne à tous les voussoirs, qu’elle seule tient dans un équilibre parfait. D’ailleurs les ornemens de pierre en général doivent être d’une composition grave, la beauté des formes en doit faire tous les frais, & sur-tout celle de ce genre-ci. Sa forme doit indiquer son nom. C’est-à-dire qu’il faut qu’elle paroisse agrafer l’archivolte, le chambranle ou bandeau avec le claveau, sommier, plinthe ou corniche de dessus. Voyez la figure. (P)

Agrafe, (Jardinage.) est un ornement qui sert à lier deux figures dans un parterre, alors il peut se prendre pour un nœud ; on peut encore entendre par le mot d’agrafe, un ornement qu’on attache, & que l’on cole à la plate bande d’un parterre, pour n’en faire paroître que la moitié, qui se lie & forme un tout avec le reste de la Broderie. (K)

Agrafe, (Serrurerie.) c’est un terme générique pour tout morceau de fer qui sert à suspendre, à accrocher, ou à joindre, &c. Dans les espagnolettes, par exemple, l’agrafe, c’est le morceau de fer évidé & large qui s’applique sur l’un des guichets des croisées, & dans lequel passe le panneton de l’espagnolette qui va se refermer sur le guichet opposé. Voyez Serrurerie, Planche 13. figure chiffrée 11. 12. 13. 14. 18. 19. en 18. & 19. une agrafe avec un panneton. Même Planche fig. 15 l’agrafe séparée.

* AGRAHALID, (Hist. nat. bot.) plante d’Egypte & d’Ethiopie, à laquelle Rai donne le nom suivant, Lycio affinis Ægyptiaca. C’est, selon Lemery, un arbre grand comme un poirier sauvage, peu branchu, épineux, ressemblant au Lycium. Sa feuille ne differe guere de celle du buis ; elle est seulement plus large & plus rare. Il a peu de fleurs. Elles sont blanches, semblables à celles de l’hyacinthe, mais plus petites. Il leur succede de petits fruits noirs, approchans de ceux de l’hieble, & d’un goût styptique amer. Ses feuilles aigrelettes & astringentes donnent une décoction qui tue les vers.

AGRAIRE, (Hist. anc) terme de Jurisprudence romaine, dénomination qu’on donnoit aux lois concernant le partage des terres prises sur les ennemis. Voyez Loi. Ce mot vient du Latin ager, champ.

Il y en a eu quinze ou vingt, dont les principales furent, la loi Cassia, de l’an 267 de Rome ; la loi Licinia, de l’an 377. la loi Flaminia, de l’an 525. les deux lois Sempronia en 620. la loi Apuleia en 653 ; la loi Bœbia ; la loi Cornelia en 673 ; la loi Servilia en 690 ; la loi Flavia ; la loi Julia, en 691 ; la loi Ælia Licinia ; la loi Livia ; la loi Marcia ; la loi Roscia, après la destruction de Carthage ; la loi Floria, & la loi Titia.

Mais lorsqu’on dit simplement la loi agraire, cette dénomination s’entend toûjours de la loi Cassia publiée par Spurius Cassius, pour le partage égal des terres conquises entre tous les citoyens, & pour régler la quantité d’acres ou arpens que chacun pourroit posséder. Les deux autres lois agraires, dont il est fait mention dans le Digeste, & dont l’une fut publiée par César & l’autre par Nerva, n’ont pour objet que les limites ou bornes des terres, & n’ont aucun rapport avec la loi Cassia.

Nous avons quelques Oraisons de Ciceron, avec le titre de lege agraria ; elles sont contre Rullus, Tribun du peuple, qui vouloit que les terres conquises fussent vendues à l’encan, & non distribuées aux citoyens. L’exorde de la seconde est admirable. (H)

AGRANIES, AGRIANIES ou AGRIONIES, (Hist. anc. Myth.) fête instituée à Argos en l’honneur d’une fille de Proëtus. Plutarque décrit ainsi cette fête. Les femmes y cherchent Bacchus, & ne le trouvant pas elles cessent leurs poursuites, disant qu’il s’est retiré près des Muses. Elles soupent ensemble, & après le repas elles se proposent des énigmes : mystere qui signifioit que l’érudition & les Muses doivent accompagner la bonne chere ; & si l’ivresse y survient, sa fureur est cachée par les Muses qui la retiennent chez elles, c’est-à-dire, qui en répriment l’excès. On célébroit ces fêtes pendant la nuit, & l’on y portoit des ceintures & des couronnes de liere, arbuste consacré à Bacchus & aux Muses. (G)

AGRAULIES ou AGLAURIES, (Histoire anc. Myth.) fêtes ainsi nommées parce qu’elles devoient leur institution aux Agraules, peuples de l’Attique, de la tribu Evertheïde, qui avoit pris leur nom d’agraule ou aglaure, fille du Roi Cecrops. On en ignore les cérémonies, & l’on sait seulement qu’elles se faisoient en honneur de Minerve. (G)

* AGRAULIES, (Myt.) fêtes qu’on célébroit en l’honneur de Minerve. Elles étoient ainsi nommées des Agraules, peuples de l’Attique, de la tribu Erec theide qui les avoient instituées.

* AGRÉABLE, GRACIEUX, considérés grammaticalement. L’air & les manieres, dit M. l’Abbé Girard, rendent gracieux. L’esprit & l’humeur rendent agréable. On aime la rencontre d’un homme gracieux ; il plaît. On recherche la compagnie d’un homme agréable ; il amuse. Les personnes polies sont toûjours gracieuses. Les personnes enjoüées sont ordinairement agréables. Ce n’est pas assez pour la société d’être d’un abord gracieux, & d’un commerce agréable. On fait une réception gracieuse. On a la conversation agréable. Il semble que les hommes sont gracieux par l’air, & les femmes par les manieres.

Le gracieux & l’agréable ne signifient pas toûjours des qualités personnelles. Le gracieux se dit quelquefois de ce qui flatte les sens & l’amour propre ; & l’agréable, de ce qui convient au goût & à l’esprit. Il est gracieux d’avoir de beaux objets devant soi ; rien n’est plus agréable que la bonne compagnie. Il peut être dangereux d’approcher de ce qui est gracieux, & d’user de ce qui est agréable. On naît gracieux, & l’on fait l’agréable.

* AGRÉAGE, (Commerce.) on nomme ainsi à Bourdeaux, ce qu’ailleurs on appelle courtage. Voyez Courtage. (H)

AGREDA, (Géog.) ville d’Espagne dans la vieille Castille. Long. 15-54. lat. 41-53.

* Agreda, (Géog.) ville de l’Amérique méridionale, au Royaume de Popaïan.

AGRÉER, v. act. (Marine.) on dit agréer un vaisseau, c’est l’équiper de ses manœuvres, cordages, toiles, poulies, vergues, ancres, cables, en un mot de tout ce qui est nécessaire pour le mettre en état de naviger.

AGRÉEUR, s m. (Marine.) c’est ainsi qu’on nomme celui qui agrée le vaisseau, qui passe le funin, frappe les poulies, oriente les vergues, & met tout en bon ordre, & en état de faire manœuvre.

AGREILS, AGREZ, AGREZILS, s. m. pl. (Marine.) On entend par ce mot, les cordages, poulies, vergues, voils, caps de mouton, cables, ancres, & tout ce qui est nécessaire pour naviger. Sur la Mediterranée, quelques-uns se servent du mot sortil. On dit rarement agrezils. (Z)

AGRÉMENT, s. m. en Droit, signifie consentement ou ratification ; consentement, lorsqu’on adhere à un acte ou contract d’avance, ou dans le tems même qu’il se fait ; ratification, lorsqu’on y adhere après coup. (H)

AGRÉMENS, s. m. (Passement.) On comprend sous ce nom tous les ouvrages de mode qui servent à l’ornement des robes des Dames ; ces ouvrages sont momentanées, c’est-à-dire, sujets à des variations infinies qui dépendent souvent ou du goût des femmes, ou de la fantaisie du fabriquant. C’est pourquoi il n’est guere possible de donner une idée parfaite & détaillée de tous ces ouvrages ; ils seroient hors de mode avant que le détail en fût achevé : on en dira seulement le plus essentiel & le moins sujet au changement. On doit l’origine de ces sortes d’agrémens au seul métier de Rubannerie, qui est l’unique en possession du bas métier : cet ouvrage a été connu seulement dans son principe sous le nom de soucis d’hannetons, dont la fabrique a été d’abord fort simple, & est aujourd’hui extrèmement étendue. Nous allons en détailler une partie qui fera connoître l’importance de ce seul objet : premierement, c’est sur le bas métier annoncé plus haut, que s’operent toutes les petites merveilles dont nous rendons compte : ce bas métier est une simple planche bien corroyée, longue de deux piés & demi sur un pié de large. Vers les deux extrémités de cette planche sont deux trous dans lesquels entrent deux montans, sur l’un desquels est placée une pointe aiguë & polie, qui servira à la tension de l’ouvrage à faire ; c’est sur l’autre que sont mises les soies à employer : enfin on peut dire qu’il ressemble parfaitement au métier des Perruquiers, & peut, comme lui, être placé sur les genoux. Les soies sont tendues sur ce métier, & elles y font l’effet de la chaîne des autres ouvrages ; on tient ces soies ouvertes par le moyen d’un fuseau de buis qu’on y introduit, & dont la tête empêche sa sortie à travers d’elles ; ce fuseau, outre qu’il tient ces soies ouvertes, leur sert encore de contrepoids dans le cas où les montans, par leur mouvement, occasionneroient du lâche. C’est par les différens passages & entrelacemens des soies contenues sur le petit canon qui sert de navette, passages & entrelacemens qui font l’office de la trame, que sont formés différens nœuds, dans divers espaces variés à l’infini, & dont on fera l’usage qui sera décrit ci-après. Quand une longueur contenue entre les deux montans dont on a parlé plus haut, se trouve ainsi remplie de nœuds, elle est enroulée sur le montant à pointe, & fait place à une autre longueur qui sera fixée comme celle-ci sur cette pointe ; ce premier ouvrage ainsi fait jusqu’au bout, est ensuite coupé entre le milieu de deux nœuds, pour être de nouveau employé à l’usage qu’on lui destine. Ces nœuds ainsi coupés sont appellés nœuds simples, & forment deux especes de petites touffes de soie, dont le nœud fait la jonction. De ces nœuds sont formés, toûjours à l’aide de la chaîne, d’autres ouvrages d’abord un peu plus étendus, appellés travers ; puis encore d’autres encore plus étendus appellés quadrille : cette quantité d’opérations tendent toutes à donner la perfection à chaque partie & au tout qu’on en formera. C’est du génie & du goût de l’ouvrier que dépendent les différens arrangemens des parties dont on vient de parler : c’est à lui à faire valoir le tout par la variété des desseins, par la diversité des couleurs artistement unies, par l’imitation des fleurs naturelles, & d’autres objets agréables. Ces ouvrages regardés souvent avec trop d’indifférence, forment cependant des effets très-galans, & ornent parfaitement les habillemens des Dames : on les emploie encore sur des vestes, on en forme des aigrettes, pompons, bouquets à mettre dans les cheveux, bouquets de côté, brasselets, ornemens de coëffures & de bonnets, &c. On y peut employer la chenille, le cordonnet, la milanese & autres. Quant à la matiere, l’or, l’argent, les perles, la soie, peuvent y entrer lorsqu’il est question d’en former des franges. La derniere main d’œuvre s’opere sur le haut métier à basses lisses & à plate navette, & par le secours d’une nouvelle & derniere chaîne. Il y a de ces agrémens appellés fougere, parce qu’ils réprésentent cette plante ; il y a presqu’autant de noms que d’ouvrages différens ; nous en donnerons quelques-uns à leurs articles, avec la description du métier appliqué à une figure.

* AGRERE (Géog.) petite ville de France dans le haut-Vivarez, au pié des Monts.

* AGRIA (Géog.) en Allemagne, ville de la haute Hongrie sur la riviere d’Agria. Longitude 37. lat. 47. 30.

AGRICULTURE, s. s. (Ordre Encycl. Histoire de la Nat. Philos. Science de la Nat. Botan. Agricult.) L’agriculture est, comme le mot le fait assez entendre, l’art de cultiver la terre. Cet art est le premier, le plus utile, le plus étendu, & peut-être le plus essentiel des arts. Les Egyptiens faisoient honneur de son invention à Osiris ; les Grecs à Cerès & à Triptoleme son fils ; les Italiens à Saturne ou à Janus leur Roi, qu’ils placerent au rang des Dieux en reconnoissance de ce bienfait. L’agriculture fut presque l’unique emploi des Patriarches, les plus respectables de tous les hommes par la simplicité de leurs mœurs, la bonté de leur ame, & l’élevation de leurs sentimens. Elle a fait les délices des plus grands hommes chez les autres peuples anciens. Cyrus le jeune avoit planté lui-même la plûpart des arbres de ses jardins, & daignoit les cultiver ; & Lisandre de Lacédemone, & l’un des chefs de la République, s’écrioit à la vûe des jardins de Cyrus : O Prince, que tous les hommes vous doivent estimer heureux, d’avoir sü joindre ainsi la vertu à tant de grandeur & de dignité ! Lisandre dit la vertu, comme si l’on eût pensé dans ces tems qu’un Monarque agriculteur ne pouvoit manquer d’être un homme vertueux ; & il est constant du moins qu’il doit avoir le goût des choses utiles & des occupations innocentes. Hiéron de Syracuse, Attalus, Philopator de Pergame, Archelaüs de Macédoine, & une infinité d’autres, sont loüés par Pline & par Xenophon, qui ne loüoient pas sans connoissance, & qui n’étoient pas leurs sujets, de l’amour qu’ils ont eu pour les champs & pour les travaux de la campagne. La culture des champs fut le premier objet du Législateur des Romains ; & pour en donner à ses sujets la haute idée qu’il en avoit lui-même, la fonction des premiers Prêtres qu’il institua, fut d’offrir aux Dieux les prémices de la terre, & de leur demander des recoltes abondantes Ces Prêtres étoient au nombre de douze ; ils étoient appellés Arvales, de arva, champs, terres labourables. Un d’entr’eux étant mort, Romulus lui-même prit sa place ; & dans la suite on n’accorda cette dignité qu’à ceux qui pouvoient prouver une naissance illustre. Dans ces premiers tems, chacun faisoit valoir son héritage, & en tiroit sa subsistance. Les Consuls trouverent les choses dans cet état, & n’y firent aucun changement. Toute la campagne de Rome fut cultivée par les vainqueurs des Nations. On vit pendant plusieurs siecles, les plus célebres d’entre les Romains, passer de la campagne aux premiers emplois de la République, &, ce qui est infiniment plus digne d’être observé, revenir des premiers emplois de la République aux occupations de la campagne. Ce n’étoit point indolence ; ce n’étoit point dégoût des grandeurs, ou éloignement des affaires publiques : on retrouvoit dans les besoins de l’Etat nos illustres agriculteurs, toujours prêts à devenir les défenseurs de la patrie. Serranus semoit son champ, quand on l’appella à la tête de l’Armée Romaine : Quintius Cincinnatus labouroit une piece de terre qu’il possédoit au-delà du Tibre, quand il reçut ses provisions de Dictateur ; Quintius Cincinnatus quitta ce tranquille exercice ; prit le commandement des armées ; vainquit les ennemis ; fit passer les captifs sous le joug ; reçut les honneurs du triomphe, & fut à son champ au bout de seize jours. Tout dans les premiers tems de la République & les plus beaux jours de Rome, marqua la haute estime qu’on y faisoit de l’agriculture : les gens riches, locupletes, n’étoient autre chose que ce que nous appellerions aujourd’hui de gros Laboureurs & de riches Fermiers. La premiere monnoie, pecunia à pecu, porta l’empreinte d’un mouton ou d’un bœuf, comme symboles principaux de l’opulence : les registres des Questeurs & des Censeurs s’appellerent pascua. Dans la distinction des citoyens Romains, les premiers & les plus considérables furent ceux qui formoient les tribus rustiques, rusticæ tribus : c’étoit une grande ignominie, d’être réduit, par le défaut d’une bonne & sage œconomie de ses champs, au nombre des habitans de la ville & de leurs tribus, in tribu urbana. On prit d’assaut la ville de Carthage : tous les livres qui remplissoient ses Bibliotheques furent donnés en présent à des Princes amis de Rome ; elle ne se réserva pour elle que les vingt-huit livres d’agriculture du Capitaine Magon. Decius Syllanus fut chargé de les traduire ; & l’on conserva l’original & la traduction avec un très-grand soin. Le vieux Caton étudia la culture des champs, & en écrivit : Ciceron la recommande à son fils, & en fait un très bel éloge : Omnium rerum, lui dit-il, ex quibus aliquid exquisitur, nihil est agriculturâ melius, nihil uberius, nihil dulcius, nihil homine libero dignius. « De tout ce qui peut être entrepris ou recherché, rien au monde n’est meilleur, plus utile, plus doux, enfin plus digne de l’homme libre, que l’agriculture ». Mais cet éloge n’est pas encore de la force de celui de Xénophon. L’agriculture naquit avec les lois & la société ; elle est contemporaine de la division des terres. Les fruits de la terre furent la premiere richesse : les hommes n’en connurent point d’autres, tant qu’ils furent plus jaloux d’augmenter leur félicité dans le coin de terre qu’ils occupoient, que de se transplanter en différens endroits pour s’instruire du bonheur ou du malheur des autres : mais aussitôt que l’esprit de conquête eut agrandi les sociétés & enfanté le luxe, le commerce, & toutes les autres marques éclatantes de la grandeur & de la méchanceté des peuples ; les métaux devinrent la représentation de la richesse, l’agriculture perdit de ses premiers honneurs ; & les travaux de la campagne abandonnés à des hommes subalternes, ne conserverent leur ancienne dignité que dans les chants des Poëtes. Les beaux esprits des siecles de corruption, ne trouvant rien dans les villes qui prêtât aux images & à la peinture, se répandirent encore en imagination dans les campagnes, & se plurent à retracer les mœurs anciennes, cruelle satyre de celles de leur tems : mais la terre sembla se venger elle-même du mépris qu’on faisoit de sa culture. « Elle nous donnoit autrefois, dit Pline, ses fruits avec abondance ; elle prenoit, pour ainsi dire, plaisir d’être cultivée par des charrues couronnées par des mains triomphantes ; & pour correspondre à cet honneur, elle multiplioit de tout son pouvoir ses productions. Il n’en est plus de même aujourd’hui ; nous l’avons abandonnée à des Fermiers mercenaires ; nous la faisons cultiver par des esclaves ou par des forçats ; & l’on seroit tenté de croire qu’elle a ressenti cet affront. » Je ne sai quel est l’état de l’agriculture à la Chine : mais le Pere du Halde nous apprend que l’Empereur, pour en inspirer le goût à ses sujets, met la main à la charrue tous les ans une fois ; qu’il trace quelques sillons ; & que les plus distingués de sa Cour lui succedent tour à tour au même travail & à la même charrue.

Ceux qui s’occupent de la culture des terres sont compris sous les noms de Laboureurs, de Laboureurs fermiers, Sequestres, Œconomes, & chacune de ces dénominations convient à tout Seigneur qui fait valoir ses terres par ses mains, & qui cultive son champ. Les prérogatives qui ont été accordées de tout tems à ceux qui se sont livrés à la culture des terres, leur sont communes à tous. Ils sont soûmis aux mêmes lois, & ces lois leur ont été favorables de tout tems ; elles se sont même quelquefois étendues jusqu’aux animaux qui partageoient avec les hommes les travaux de la campagne. Il étoit défendu par une loi des Athéniens, de tuer le bœuf qui sert à la charrue ; il n’étoit pas même permis de l’immoler en sacrifice. « Celui qui commettra cette faute, ou qui volera quelques outils d’agriculture, sera puni de mort ». Un jeune Romain accusé & convaincu d’avoir tué un bœuf, pour satisfaire la bisarrerie d’un ami, fut condamné au bannissement, comme s’il eût tué son propre Métayer, ajoûte Pline.

Mais ce n’étoit pas assez que de protéger par des lois les choses nécessaires au labourage, il falloit encore veiller à la tranquillité & à la sûreté du Laboureur & de tout ce qui lui appartient. Ce fut par cette raison que Constantin le Grand défendit à tout créancier de saisir pour dettes civiles les esclaves, les bœufs, & tous les instrumens du labour. « S’il arrive aux créanciers, aux cautions, aux Juges mêmes, d’enfreindre cette loi, ils subiront une peine arbitraire à laquelle ils seront condamnés par un Juge supérieur ». Le même Prince étendit cette défense par une autre loi, & enjoignit aux Receveurs de ses deniers, sous peine de mort, de laisser en paix le Laboureur indigent. Il concevoit que les obstacles qu’on apporteroit à l’agriculture diminueroient l’abondance des vivres & du commerce, & par contrecoup l’étendue de ses droits. Il y eut un tems où l’habitant des provinces étoit tenu de fournir des chevaux de poste aux couriers, & des bœufs aux voitures publiques ; Constantin eut l’attention d’excepter de ces corvées le cheval & le bœuf servant au labour. « Vous punirez séverement, dit ce Prince à ceux à qui il en avoit confié l’autorité, quiconque contreviendra à ma loi. Si c’est un homme d’un rang qui ne permette pas de sévir contre lui, dénoncez-le moi, & j’y pourvoirai : s’il n’y a point de chevaux ou de bœufs que ceux qui travaillent aux terres, que les voitures & les couriers attendent ». Les campagnes de l’Illyrie étoient désolées par de petits Seigneurs de villages qui mettoient le Laboureur à contribution & le contraignoient à des corvées nuisibles à la culture des terres : les Empereurs Valens & Valentinien instruits de ces désordres les arrêterent par une loi qui porte exil perpétuel & confiscation de tous biens contre ceux qui oseront à l’avenir exercer cette tyrannie.

Mais les lois qui protegent la terre, le Laboureur & le bœuf, ont veillé à ce que le Laboureur remplît son devoir. L’Empereur Pertinax voulut que le champ laissé en friche appartînt à celui qui le cultiveroit ; que celui qui le défricheroit fût exempt d’imposition pendant dix ans ; & s’il étoit esclave, qu’il devînt libre. Aurelien ordonna aux Magistrats municipaux des villes d’appeller d’autres citoyens à la culture des terres abandonnées de leur domaine, & il accorda trois ans d’immunité à ceux qui s’en chargeroient. Une loi de Valentinien, de Théodose & d’Arcade met le premier occupant en possession des terres abandonnées, & les lui accorde sans retour, si dans l’espace de deux ans personne ne les réclame : mais les Ordonnances de nos Rois ne sont pas moins favorables à l’agriculture que les Lois Romaines.

Henri III. Charles IX. Henri IV. se sont plûs à favoriser par des Reglemens les habitans de la campagne. Ils ont tous fait défenses de saisir les meubles, les harnois, les instrumens & les bestiaux du Laboureur. Louis XIII. & Louis XIV. les ont confirmés. Cet article n’auroit point de fin, si nous nous proposions de rapporter toutes les Ordonnances relatives à la conservation des grains depuis la semaille jusqu’à la récolte. Mais ne sont-elles pas toutes bien justes ? Est-il quelqu’un qui voulût se donner les fatigues & faire toutes les dépenses nécessaires à l’agriculture, & disperser sur la terre le grain qui charge son grenier, s’il n’attendoit la récompense d’une heureuse moisson ?

La Loi de Dieu donna l’exemple. Elle dit : « Si l’homme fait du dégât dans un champ ou dans une vigne en y laissant aller sa bête, il réparera ce dommage aux dépens de son bien le meilleur. Si le feu prend à des épines & gagne un amas de gerbes, celui qui aura allumé ce feu supportera la perte ». La loi des hommes ajoûta : « Si quelque voleur de nuit dépouille un champ qui n’est pas à lui, il sera pendu, s’il a plus de quatorze ans ; il sera battu de verges, s’il est plus jeune, & livré au propriétaire du champ, pour être son esclave jusqu’à ce qu’il ait réparé le dommage, suivant la taxe du Préteur. Celui qui mettra le feu à un tas de blé, sera fouetté & brûlé vif. Si le feu y prend par sa négligence, il payera le dommage, ou sera battu de verges, à la discrétion du Préteur ».

Nos Princes n’ont pas été plus indulgens sur le dégât des champs. Ils ont prétendu qu’il fût seulement réparé, quand il êtoit accidentel ; & réparé & puni, quand il étoit médité. « Si les bestiaux se répandent dans les blés, ils seront saisis, & le berger sera châtié ». Il est défendu, même aux Gentils-hommes, de chasser dans les vignes, dans les blés, dans les terres ensemencées. Voyez l’Edit d’Henri IV. c. Follembray, 12 Janvier 1599. Voyez ceux de Louis XIV. Août 1689. & 20 Mai 1704. Ils ont encore favorisé la récolte en permettant d’y travailler même les jours de Fêtes. Mais nous renvoyons à l’article Grain & à d’autres articles, ce qui a rapport à la récolte, à la vente, au commerce, au transport, à la police des grains, & nous passons à la culture des terres.

Pour cultiver les terres avec avan age, il importe d’en connoître la nature : telle terre demande une façon, telle autre une autre ; celle-ci une espece de grains, celle-là une autre espece. On trouvera à l’article Terre & Terroir en général ce qui y a rapport, & aux plantes différentes le terroir & la culture qu’elles demandent : nous ne réserverors ici que ce qui concerne l’agriculture en général ou le labour.

1. Proportionnez vos bêtes & vos ustenciles, le nombre, la profondeur, la figure, la saison des labours & des repos, à la qualité de vos terres & à la nature de votre climat.

2. Si votre domaine est de quelqu’étendue, divisez-le en trois parties égales ou à peu près ; c’est ce qu’on appelle mettre ses terres en soles.

Semez l’une de ces trois parties en blé, l’autre en avoine & menus grains, qu’on appelle mars, & laissez la troisieme en jachere.

3. L’année suivante, semez la jachere en blé ; changez en avoine celle qui étoit en blé, & mettez en jachere celle qui étoit en avoine.

Cette distribution rendra le tribut des années, le repos & le travail des terres à peu près égaux, si l’on combine la bonté des terres avec leur étendue. Mais le Laboureur prudent, qui ne veut rien laisser au hasard, aura plus d’égard à la qualité des terres qu’à la peine de les cultiver ; & la crainte de la disette le déterminera plûtôt à fatiguer considérablement une année, afin de cultiver une grande étendue de terres ingrates, & égaliser ses années en revenus, que d’avoir des revenus inégaux en égalisant l’étendue de ses labours ; & il ne se mettra que le moins qu’il pourra dans le cas de dire, ma sole de blé est forte ou foible cette année.

4. Ne dessolez point vos terres, parce que cela vous est défendu, & que vous ne trouveriez pas votre avantage à les faire porter plus que l’usage & un bon labourage ne le permettent.

5. Vous volerez votre maître, si vous êtes fermier, & que vous décompotiez contre sa volonté, & contre votre bail. Voyez Décompoter.

Terres à blé. Vous donnerez trois façons à vos terres à blé avant que de les ensemencer, soit de froment, soit de méteil, soit de seigle : ces trois façons vous les donnerez pendant l’année de jachere. La premiere aux environs de la Saint Martin, ou après la semaille des menus grains vers Pâques : mais elle est plus avantageuse & plus d’usage en automne. Elle consiste à ouvrir la terre & à en détruire les mauvaises herbes : cela s’appelle faire la cassaille, ou sombrer, ou égerer, ou jacherer, ou lever le guéret, ou guerter, ou mouvoir, ou casser, tourner, froisser les jacheres. Ce premier labour n’est gueres que de quatre doigts de profondeur, & les sillons en sont serrés : il y a pourtant des Provinces où l’on croit trouver son avantage à le donner profond. Chacun a ses raisons. On retourne en terre par cette façon le chaume de la dépouille précédente, à moins qu’on n’aime mieux y mettre le feu. Si on y a mis le feu, on laboure sur la cendre, ou bien on brûle le chaume, comme nous venons de dire ; ou on l’arrache pour en faire des meules, & l’employer ensuite à différens usages ; ou on le retourne, en écorchant légerement la terre. Dans ce dernier cas, on lui donne le tems de pourir, & au mois de Décembre on retourne au champ avec la charrue, & on lui donne le premier des trois véritables labours : ce labour est profond, & s’appelle labour en plante. Il est suivi de l’émotage qui se fait avec le casse-motte, mais plus souvent avec une forte herse garnie de fortes dents de fer. Il faut encore avoir soin d’ôter les pierres ou d’épierrer, d’ôter les souches ou d’essarter les ronces, les épines, &c.

Le second labour s’appelle binage ; quand on a donné la premiere façon avant l’hyver, on bine à la fin de l’hyver ; si on n’a donné la premiere façon qu’après l’hyver, on bine six semaines ou un mois après. On avance ou on recule ce travail, suivant la température de l’air ou la force des terres. Il faut que ce labour soit profond.

Le troisieme labour s’appelle, ou tierçage, ou rebinage. On fume les terres avant que de le donner, si on n’y a pas travaillé plûtôt. Il doit être profond quand on ne donne que trois façons ; on le donne quand l’herbe commence à monter sur le guéret, & qu’on est prêt à l’emblaver, & tout au plus huit à quinze jours avant.

Comme il faut qu’il y ait toûjours un labour avant la semaille, il y a bien des terres qui demandent plus de trois labours. On donne jusqu’à quatre à cinq labours aux terres fortes, à mesure que les herbes y viennent ; quand la semaille est précédée d’un 4e labour, ce labour est léger ; il s’appelle traverser. On ne traverse point les terres glaiseuses, enfoncées, & autres d’où les eaux s’écoulent difficilement. Quand on donne plus de trois labours, on n’en fait gueres que deux ou trois pleins ; deux l’hyver, un avant la semaille : les autres ne sont proprement que des demi-labours qui se font avec le soc simple, sans coutre & sans oreilles.

Terres à menus grains. On ne laisse reposer ces terres depuis le mois de Juillet ou d’Août qu’elles ont été dépouillées de blé, que jusqu’en Mars qu’on les ensemence de menus grains. On ne leur donne qu’un ou deux labours, l’un avant l’hyver, l’autre avant de semer. Ceux qui veulent amender ces terres y laissent le chaume, ou le brûlent : ils donnent le premier labour aux environs de la Saint-Martin, & le second vers le mois de Mars.

On n’emploie en France que des chevaux ou des bœufs. Le bœuf laboure plus profondément, commence plûtôt, finit plus tard, est moins maladif, coûte moins en nourriture & en harnois, & se vend quand il est vieux : il faut les accoupler serrés, afin qu’ils tirent également. On se sert de buffles en Italie, d’ânes en Sicile ; il faut prendre ces animaux jeunes, gras, vigoureux, &c.

1. N’allez point aux champs sans connoître le fonds, sans que vos bêtes soient en bon état, & sans quelque outil tranchant. La terre n’est bonne que quand elle a dix-huit pouces de profondeur.

2. Choisissez un tems convenable ; ne labourez ni trop tôt ni trop tard ; c’est la premiere façon qui décidera des autres quant aux terres.

3. Ne labourez point quand la terre est trop seche : ou vous ne feriez que l’égratigner par un labour superficiel, ou vous dissiperiez sa substance par un labour profond. Le labour fait dans les grandes chaleurs doit être suivi d’un demi-labour avant la semaille.

4. Si vous labourez par un tems trop mou, la terre chargée d’eau se mettra en mortier ; ensorte que ne devenant jamais meuble, la semence s’y porteroit mal. Prenez le tems que la terre est adoucie, après les pluies ou les brouillards.

5. Renouvellez les labours quand les herbes commencent à pointer, & donnez le dernier peu de tems avant la semaille.

6. Labourez fortement les terres grasses, humides & fortes, & les novales ; légerement les terres sabloneuses, pierreuses, seches, & légeres, & non à vive jauge.

7. Ne poussez point vos sillons trop loin, vos bêtes auront trop à tirer d’une traite. On dit qu’il seroit bon que les terres fussent partagées en quartiers, chacun de quarante perches de long au plus pour les chevaux, & de cent cinquante piés au plus pour les bœufs ; ne les faites reposer qu’au bout de la raie.

8. Si vous labourez sur une colline, labourez horisontalement, & non verticalement.

9. Labourez à plat & uniment dans les pays où vos terres auront besoin de l’arrosement des pluies. Labourez en talus, à dos d’âne, & en sillons hauts, les terres argilleuses & humides. On laisse dans ces derniers cas un grand sillon aux deux côtés du champ pour recevoir & décharger les eaux.

10. Que vos sillons soient moins larges, moins unis, & plus élevés dans les terres humides que dans les autres. Si vos sillons sont étroits, & qu’ils n’aient que quatorze à quinze pouces de largeur sur treize à quatorze de hauteur, labourez du midi au Nord, afin que vos grains ayent le soleil des deux côtés. Cette attention est moins nécessaire si vos sillons sont plats. Si vous labourez à plat & en planches des terres humides, n’oubliez pas de pratiquer au milieu de la planche un sillon plus profond que les autres, qui reçoive les eaux. Il y a des terres qu’on laboure à uni, sans sillons ni planches, & où l’on se contente de verser toutes les raies du même côté, en ne prenant la terre qu’avec l’oreille de la charrue ; ensorte qu’après le labour on n’apperçoit point d’enrue ; on se sert alors d’une charrue à tourne-oreille.

11. Sachez que les sillons porte-eaux ne sont permis que quand ils ne font point de tort aux voisins, & qu’ils sont absolument nécessaires.

12. Donnez le troisieme labour de travers, afin que votre terre émotée en tout sens se nettoye plus facilement de pierres, & s’imbibe plus aisément des eaux de pluie.

13. Que votre dernier labour soit toûjours plus profond que le précédent. Que vos sillons soient pressés. Changez rarement de soc. Ne donnez point à la même terre deux fois de suite la même sorte de grains. Ne faites point labourer à prix d’argent : si vous y êtes forcé, veillez à ce que votre ouvrage se fasse bien.

14. Ayez une bonne charrue. V. à l’article Charrue, une casse-mote, une herse, des pioches, &c.

Voulez-vous connoître le travail de votre année ? le voici.

En Janvier. Dépouillez les gros légumes. Retournez les jacheres. Mettez en œuvre les chanvres & lins. Nettoyez, raccommodez vos charrettes, tombereaux, & apprêtez des échalas & des osiers. Coupez les saules & les peupliers. Relevez les fossés, façonnez les haies. Remuez les terres des vignes. Fumez ceux des arbres fruitiers qui languiront. Emondez les autres. Essartez les prés. Battez les grains. Retournez le fumier. Labourez les terres légeres & sablonneuses qui ne l’ont pas été à la Saint-Martin. Quand il fera doux, vous recommencerez à planter dans les vallées. Entez les arbres & arbrisseaux hâtifs. Enterrez les cormes, amandes, noix, &c. Faites tiller le chanvre & filer. Faites faire des fagots & du menu bois. Faites couver les poules qui demanderont. Marquez les agneaux que vous garderez. Salez le cochon. Si vous êtes en pays chaud, rompez les guérets, préparez les terres pour la semaille de Mars, &c.

En Fevrier. Continuez les ouvrages précédens. Plantez la vigne. Curez, taillez, échaladez les vignes plantées. Fumez les arbres, les champs, les prés, les jardins, & les couches. Habillez les prairies. Elaguez les arbres, nettoyez-les de feuilles mortes, de vers, de mousse, d’ordures, &c. Donnez la façon aux terres que vous semerez en Mars, sur-tout à celles qui sont en côteaux. Vous semerez l’avoine, si vous écoutez le proverbe. Semez les lentilles, les pois chiches, le chanvre, le lin, le pastel. Préparez les terres à sainfoin. Visitez vos vins s’ils sont délicats. Plantez les bois, les taillis, les rejettons. Nettoyez le colombier, le poulaillier, &c. Repeuplez la garenne. Raccommodez les terriers. Achetez des ruches & des mouches. Si votre climat est chaud, liez la vigne à l’échalas. Rechauffez les piés des arbres. Donnez le verrat aux truies, sinon attendez.

En Mars. Semez les petits blés, le lin, les avoines, & les mars. Achevez de tailler & d’échalader les vignes. Donnez tout le premier labour. Faites les fagots de sarmens. Soûtirez les vins. Donnez la seconde façon aux jacheres. Sarclez les blés. Semez les olives, & autres fruits à noyau. Dressez des pepinieres. Greffez les arbres avant qu’ils bourgeonnent. Mettez vos jardins en état. Semez la lie d’olive sur les oliviers languissans. Défrichez les prés. Achetez des bœufs, des veaux, des genisses, des poulains, des taureaux, &c.

En Avril. Continuez de semer les mars & le sainfoin. Labourez les vignes & les terres qui ne l’ont pas encore été. Greffez les arbres fruitiers. Plantez les oliviers, greffez les autres. Taillez la vigne nouvelle. Donnez à manger aux pigeons, car ils ne trouveront plus rien. Donnez l’étalon aux cavales, aux ânesses, & aux brebis. Nourrissez bien les vaches qui vêlent ordinairement dans ce tems. Achetez des mouches ; cherchez-en dans les bois. Nettoyez les ruches, & faites la chasse aux papillons.

En Mai. Semez le lin, le chanvre, la navette, le colsa, le millet, & le panis, si vous êtes en pays froid. Plantez le safran. Labourez les jacheres. Sarclez les blés. Donnez le second labour & les soins nécessaires à la vigne. Otez les pampres & les sarmens sans fruit. Coupez les chênes & les aunes pour qu’ils pelent. Emondez & entez les oliviers. Soignez les mouches à miel, & plus encore les vers à soie. Tondez les brebis. Faites beurre & fromage. Remplissez vos vins. Châtrez vos veaux. Allez chercher dans les forêts du jeune feuillage pour vos bestiaux.

En Juin. Continuez les labours & les semailles des mois précédens. Ebourgeonnez & liez la vigne. Continuez de soigner les mouches, & de châtrer les veaux. Faites provision de beurre & de fromage. Si vous êtes en pays froid, tondez vos brebis. Donnez le deuxieme labour aux jacheres. Charriez les fumiers & la marne. Préparez & nettoyez l’aire de la grange. Châtrez les mouches à miel. Tenez leurs ruches nettes. Fauchez les prés, & autres verdages. Fanez le foin. Recueillez les légumes qui sont en maturité. Sciez sur la fin du mois vos orges quarrés. En Italie, vous commencerez à dépouiller vos fromens, partout vous vous disposerez à la moisson. Battez du blé pour la semaille. Dépouillez les cerisiers. Amassez des claies, & parquez les bestiaux.

En Juillet. Achevez de biner les jacheres. Continuez de porter les fumiers. Dépouillez les orges de primeur, les navettes, colsas, lins, vers à soie, récoltes, les légumes d’été. Serrez ceux d’hyver. Donnez le troisieme labour à la vigne. Otez le chiendent. Unissez la terre pour conserver les racines. Déchargez les pommiers & les poiriers des fruits gâtés & superflus. Ramassez ceux que les vents auront abattus, & faites-en du cidre de primeur. Faites couvrir vos vaches. Visitez vos troupeaux. Coupez les foins. Vuidez & nettoyez vos granges. Retenez des moissonneurs. En climat chaud, achetez à vos brebis des beliers, & rechaussez les arbres qui sont en plein vent.

En Août. Achevez la moisson. Arrachez le chanvre. Faites le verjus. En pays froid, effeuillez les seps tardifs ; en pays chaud, ombragez-les. Commencez à donner le troisieme labour aux jacheres. Battez le seigle pour la semaille prochaine. Continuez de fumer les terres. Cherchez des sources, s’il vous en faut, vous aurez de l’eau toute l’année, quand vous en trouverez en Août. Faites la chasse aux guêpes. Mettez le feu dans les pâtis pour en consumer les mauvaises herbes. Préparez vos pressoirs, vos cuves, vos tonneaux, & le reste de l’attirail de la vendange.

En Septembre. Achevez de dépouiller les grains & les chanvres, & de labourer les jacheres ; fumez les terres ; retournez le fumier ; fauchez la deuxieme coupe des prés ; cueillez le houblon, le senevé, les pommes, les poires, les noix, & autres fruits d’automne ; ramassez le chaume pour couvrir vos étables ; commencez à semer les seigles, le méteil & même le froment ; coupez les riz & les millets ; cueillez & préparez le pastel & la garence ; vendangez sur la fin du mois. En pays chaud, semez les pois, la vesce, le sénegré, la dragée, &c. cassez les terres pour le sainfoin ; faites de nouveaux prés ; raccommodez les vieux ; semez les lupins, & autres grains de la même nature, & faites amas de cochons maigres pour la glandée.

En Octobre. Achevez votre vendange & vos vins, & la semaille des blés ; recueillez le miel & la cire ; nettoyez les ruches ; achevez la récolte du safran ; serrez les orangers ; semez les lupins, l’orge quarré, les pois, les féverolles, l’hyvernache ; faites le cidre & le résiné ; plantez les oliviers ; déchaussez ceux qui sont en pié ; confisez les olives blanches ; commencez sur la fin de ce mois à provigner la vigne, à la rueller, si c’est l’usage ; veillez aux vins nouveaux ; commencez à abattre les bois, à tirer la marne & à planter. En pays chaud, depuis le 10 jusqu’au 23, vous semerez le froment ras & barbu, & même le lin, qu’on ne met ici en terre qu’au printems.

En Novembre. Continuez les cidres ; abattez les bois ; plantez, provignez & déchaussez la vigne ; amassez les olives quand elles commencent à changer de couleur, tirez-en les premieres huiles ; plantez les oliviers, taillez les autres ; semez de nouveaux piés ; récoltez les marons & chataignes, la garence & les osiers ; serrez les fruits d’automne & d’hyver ; amassez du gland pour le cochon ; serrez les raves ; ramassez & faites sécher des herbes pour les bestiaux ; charriez les fumiers & la marne ; liez les vignes ; rapportez & serrez les échalas ; coupez les branches de saules ; tillez-les ou fendez ; faites l’huile de noix ; commencez à tailler la vigne ; émondez les arbres ; coupez les bois à bâtir & à chauffer ; nettoyez les ruches, & visitez vos serres & vos fruiteries. On a dans un climat chaud des moutons dès ce mois ; on lâche le bouc aux chevres ; on seme le blé ras & barbu, les orges, les féves & le lin. En pays froid & tempéré, cette semaille ne se fait qu’en Mars.

En Décembre. Défrichez les bois, coupez-en pour bâtir & chauffer ; fumez & marnez vos terres ; battez votre blé ; faites des échalas, des paniers de jonc & d’osier, des rateaux, des manches ; préparez vos outils ; raccommodez vos harnois & vos ustensiles ; tuez & salez le cochon ; couvrez de fumier les piés des arbres & les légumes que vous voulez garder jusqu’au printems ; visitez vos terres ; étêtez vos peupliers & vos autres arbres, si vous voulez qu’ils poussent fortement au printems ; tendez des rets & des piéges, & recommencez votre année. Voyez le détail de chacune de ces opération à leurs articles.

Voilà l’année, le travail & la maniere de travailler de nos laboureurs. Mais un Auteur Anglois a proposé un nouveau système d’agriculture que nous allons expliquer, d’après la traduction que M. Duhamel nous a donnée de l’ouvrage Anglois, enrichi de ses propres découvertes.

M. Tull distingue les racines, en pivotantes qui s’enfoncent verticalement dans la terre, & qui soûtiennent les grandes plantes, comme les chênes & les noyers ; & en rampantes, qui s’étendent parallelement à la surface de la terre. Il prétend que celles-ci sont beaucoup plus propres à recueillir les sucs nourriciers que celles-là. Il démontre ensuite que les feuilles sont des organes très-nécessaires à la santé des plantes, & nous rapporterons à l’article Feuille les preuves qu’il en donne : d’où il conclut que c’est faire un tort considerable aux lusernes & aux sainfoins, que de les faire paître trop souvent par le bétail, & qu’il pourroit bien n’être pas aussi avantageux qu’on se l’imagine de mettre les troupeaux dans les blés quand ils sont trop forts.

Après avoir examiné les organes de la vie des plantes, la racine & la feuille, M. Tull passe à leur nourriture : il pense que ce n’est autre chose qu’une poudre très-fine, ce qui n’est pas sans vraissemblance, ni sans difficulté ; car il paroît que les substances intégrantes de la terre doivent être dissolubles dans l’eau, & les molécules de terre ne semblent pas avoir cette propriété : c’est l’observation de M. Duhamel. M. Tull se fait ensuite une question très-embarrassante ; il se demande si toutes les plantes se nourrissent d’un même suc ; il le pense : mais plusieurs Auteurs ne sont pas de son avis ; & ils remarquent très bien que telle terre est épuisée pour une plante, qui ne l’est pas pour une autre plante ; que des arbres plantés dans une terre où il y en a eu beaucoup & long-tems de la même espece, n’y viennent pas si bien que d’autres arbres ; que les sucs dont l’orge se nourrit, étant plus analogues à ceux qui nourrissent le blé, la terre en est plus épuisée qu’elle ne l’eût été par l’avoine ; & par conséquent que tout étant égal d’ailleurs, le blé succede mieux à l’avoine dans une terre qu’à l’orge. Quoi qu’il en soit de cette question, sur laquelle les Botanistes peuvent encore s’exercer, M. Duhamel prouve qu’un des principaux avantages qu’on se procure en laissant les terres sans les ensemencer pendant l’année de jachere, consiste à avoir assez de tems pour multiplier les labours autant qu’il est nécessaire pour détruire les mauvaises herbes, pour ameublir & soulever la terre, en un mot pour la disposer à recevoir le plus précieux & le plus délicat de tous les grains, le froment : d’où il s’ensuit qu’on auroit beau multiplier les labours dans une terre, si on ne laissoit des intervalles convenables entre ces labours, on ne lui procureroit pas un grand avantage. Quand on a renversé le chaume & l’herbe, il faut laisser pourrir ces matieres, laisser la terre s’imprégner des qualités qu’elle peut recevoir des météores, sinon s’exposer par un travail précipité à la remettre dans son premier état. Voilà donc deux conditions ; la multiplicité des labours, sans laquelle les racines ne s’étendant pas facilement dans les terres, n’en tireroient pas beaucoup de sucs ; des intervalles convenables entre ces labours, sans lesquels les qualités de la terre ne se renouvelleroient point. A ces conditions il en faut ajoûter deux autres ; la destruction des mauvaises herbes, ce qu’on obtient par les labours fréquens ; & le juste rapport entre la quantité de plantes & la faculté qu’a la terre pour les nourrir.

Le but des labours fréquens, c’est de diviser les molécules de la terre ; d’en multiplier les pores, & d’approcher des plantes plus de nourriture : mais on peut encore obtenir cette division par la calcination & par les fumiers. Les fumiers alterent toûjours un peu la qualité des productions ; d’ailleurs on n’a pas du fumier autant & comme on veut, au lieu qu’on peut multiplier les labours à discrétion sans altérer la qualité des fruits. Les fumiers peuvent bien fournir à la terre quelque substance : mais les labours réitérés exposent successivement différentes parties de la terre aux influences de l’air, du soleil & des pluies, ce qui les rend propres à la végétation.

Mais les terres qui ont resté long-tems sans être ensemencées, doivent être labourées avec des précautions particulieres, dont on est dispensé quand il s’agit de terres qui ont été cultivées sans interruption. M. Tull fait quatre classes de ces terres : 1°. celles qui sont en bois ; 2°. celles qui sont en landes ; 3°. celles qui sont en friche ; 4°. celles qui sont trop humides. M. Tull remarque que quand la rareté du bois n’auroit pas fait cesser la coûtume de mettre le feu à celles qui étoient en bois pour les convertir en terres labourables, il faudroit s’en départir ; parce que la fouille des terres qu’on est obligé de faire pour enlever les souches, est une excellente façon que la terre en reçoit, & que l’engrais des terres par les cendres est sinon imaginaire, du moins peu efficace. 2°. Il faut, selon lui, brûler toutes les mauvaises productions des landes vers la fin de l’été, quand les herbes sont desséchées, & recourir aux fréquens labours. 3°. Quant aux terres en friche, ce qui comprend les sainfoins, les lusernes, les trefles, & généralement tous les prés, avec quelques terres qu’on ne laboure que tous les huit ou dix ans, il ne faut pas se contenter d’un labour pour les prés, il faut avec une forte charrue à versoir commencer par en mettre la terre en grosses mottes, attendre que les pluies d’automne ayent brisé ces mottes, que l’hyver ait achevé de les détruire, & donner un second labour, un troisieme, &c. en un mot ne confier du froment à cette terre que quand les labours l’auront assez affinée. On brûle les terres qui ne se labourent que tous les dix ans ; & voici comment on s’y prend : on coupe toute la surface en pieces les plus régulieres qu’on peut, comme on les voit en aaa (fig. 1. Pl. d’agriculture) de huit à dix pouces en quarré sur deux à trois doigts d’épaisseur : on les dresse ensuite les unes contre les autres, comme on voit en bbb (fig. 2.) Quand le tems est beau, trois jours suffisent pour les dessécher : on en fait alors des fourneaux. Pour former ces fourneaux, on commence par élever une petite tour cylindrique, afb (fig. 3.) d’un pié de diametre. Comme la muraille de la petite tour est faite avec des gasons, son épaisseur est limitée par celle des gasons : on observe de mettre l’herbe en-dedans, & d’ouvrir une porte f d’un pié de largeur, du côté que souffle le vent. On place au-dessus de cette porte un gros morceau de bois qui sert de lintier. On remplit la capotte de la tour de bois sec mêlé de paille, & l’on acheve le fourneau avec les mêmes gasons en dôme, comme on voit (fig. 4.) en e d. Avant que la voûte soit entierement fermée, on allume le bois, puis on ferme bien vîte la porte d, fermant aussi avec des gasons les crevasses par où la fumée sort trop abondamment.

On veille aux fourneaux jusqu’à ce que la terre paroisse embrasée ; on étouffe le feu avec des gasons, si par hasard il s’est formé des ouvertures, & l’on rétablit le fourneau. Au bout de 24 à 28 heures le feu s’éteint & les mottes sont en poudre, excepté celles de dessus qui restent quelque fois crues, parce qu’elles n’ont pas senti le feu. Pour éviter cet inconvénient, il n’y a qu’à faire les fourneaux petits : on attend que le tems soit à la pluie, & alors on répand la terre cuite le plus uniformément qu’on peut, excepté aux endroits où étoient les fourneaux. On donne sur le champ un labour fort léger ; on pique davantage les labours suivans ; si l’on peut donner le premier labour en Juin, & s’il est survenu de la pluie, on pourra tout d’un coup retirer quelque profit de la terre, en y semant du millet, des raves, &c. ce qui n’empêchera pas de semer du seigle ou du blé l’automne suivant. Il y en a qui ne répandent leur terre brûlée qu’immédiatement avant le dernier labour. M. Tull blâme cette méthode malgré les soins qu’on prend pour la faire réussir ; parce qu’il est très avantageux de bien mêler la terre brûlée avec le terrein. 4°. On égouttera les terres humides par un fossé qui sera pratiqué sur les côtés, ou qui la refendra. M. Tull expose ensuite les différentes manieres de labourer : elles ne different pas de celles dont nous avons parlé plus haut : mais voici où son système va s’éloigner le plus du système commun. Je propose, dit M. Tull, de labourer la terre pendant que les plantes annuelles croissent, comme on cultive la vigne & les autres plantes vivaces. Commencez par un labour de huit à dix pouces de profondeur ; servez-vous pour cela d’une charrue à quatre coutres & d’un soc fort large : quand votre terre sera bien préparée, semez : mais au lieu de jetter la graine à la main & sans précaution, distribuez-la par rangées, suffisamment écartées les unes des autres. Pour cet effet ayez mon semoir. Nous donnerons à l’article Semoir la description de cet instrument. A mesure que les plantes croissent, labourez la terre entre les rangées ; servez-vous d’une charrue légere. V. à l’art. Charrue la description de celle-ci. M. Tull se demande ensuite s’il faut plus de grains dans les terres grasses que dans les terres maigres, & son avis est qu’il en faut moins où les plantes deviennent plus vigoureuses.

Quand au choix des semences, il préfere le nouveau froment au vieux. Nos fermiers trempent leurs blés dans l’eau de chaux : il faut attendre des expériences nouvelles pour savoir s’ils ont tort ou raison ; & M. Duhamel nous les a promises. On estime qu’il est avantageux de changer de tems en tems de semence, & l’expérience justifie cet usage. Les autres Auteurs prétendent qu’il faut mettre dans un terrein maigre des semences produites par un terrein gras, & alternativement. M. Tull pense au contraire, que toute semence doit être tirée des meilleurs terreins ; opinion, dit M. Duhamel, agitée, mais non démontrée dans son ouvrage. Il ne faut pas penser comme quelques-uns, que les grains changent au point que le froment devienne seigle ou ivraie. Voilà les principes généraux d’agriculture de M. Tull, qui different des autres dans la maniere de semer, dans les labours fréquens, & dans les labours entre les plantes. C’est au tems & aux essais à décider, à moins qu’on n’en veuille croire l’auteur sur ceux qu’il a faits. Nous en rapporterons les effets aux articles Blé, Froment, Sainfoin, &c. & ici nous nous contenterons de donner le jugement qu’en porte M. Duhamel, à qui l’on peut s’en rapporter quand on sait combien il est bon observateur.

Il ne faut pas considérer, dit M. Duhamel, si les grains de blé qu’on met en terre en produisent un plus grand nombre, lorsqu’on suit les principes de M. Tull ; cette comparaison lui seroit trop favorable. Il ne faut pas non plus se contenter d’examiner si un arpent de terre cultivé suivant ses principes, produit plus qu’une même quantité de terre cultivée à l’ordinaire ; dans ce second point de vûe, la nouvelle culture pourroit bien n’avoir pas un grand avantage sur l’ancienne.

Ce qu’il faut examiner, c’est 1°. si toutes les terres d’une ferme cultivées, suivant les principes de M. Tull, produisent plus de grains que les mêmes terres n’en produiroient cultivées à l’ordinaire : 2°. si la nouvelle culture n’exige pas plus de frais que l’ancienne, & si l’accroissement de profit excede l’accroissement de dépense : 3°. si l’on est moins exposé aux accidens qui frustrent l’espérance du Laboureur, suivant la nouvelle méthode que suivant l’ancienne,

A la premiere question, M. Tull répond qu’un arpent produira plus de grain cultivé suivant ses principes, que selon la maniere commune. Distribuez, dit-il, les tuyaux qui sont sur les planches dans l’étendue des plates bandes, & toute la superficie de la terre se trouvera aussi garnie qu’à l’ordinaire : mais mes épis seront plus longs, les grains en seront plus gros, & ma récolte sera meilleure.

On aura peine à croire que trois rangées de froment placées au milieu d’un espace de six piés de largeur, puissent par leur fécondité suppléer à tout ce qui n’est pas couvert ; & peut-être, dit M. Duhamel, M. Tull exagere-t-il : mais il faut considérer que dans l’usage ordinaire il y a un tiers des terres en jachere, un tiers en menus grains, & un tiers en froment ; au lieu que suivant la nouvelle méthode, on met toutes les terres en blé : mais comme sur six piés de largeur on n’en emploie que deux, il n’y a non plus que le tiers des terres occupées par le froment. Reste à savoir si les rangées de blé sont assez vigoureuses, & donnent assez de froment, non-seulement pour indemniser de la récolte des avoines, estimée dans les fermages le tiers de la récolte du froment, mais encore pour augmenter le profit du Laboureur.

A la seconde question, M. Tull répond qu’il en coûte moins pour cultiver ses terres ; & cela est vrai, si l’on compare une même quantité de terre cultivée par l’une & l’autre méthode : mais comme suivant la nouvelle il faut cultiver toutes les terres d’une ferme, & que suivant l’ancienne on en laisse reposer un tiers, qu’on ne donne qu’une culture au tiers des avoines, & qu’il n’y a que le tiers qui est en blés, qui demande une culture entiere, il n’est pas possible de prouver en faveur de M. Tull ; reste à savoir si le profit compensera l’excès de dépense.

C’est la troisieme question ; M. Tull répond que des accidens qui peuvent arriver aux blés, il y en a que rien ne peut prévenir, comme la grêle, les vents, les pluies & les gelées excessives, certaines gelées accidentelles, les brouillards secs, &c. mais que quant aux causes qui rendent le blé petit & retrait, chardonné, &c. sa méthode y obvie.

Mais voici quelque chose de plus précis : supposez deux fermes de trois cens arpens, cultivées l’une par une méthode, l’autre par l’autre ; le fermier qui suivra la route commune divisera sa terre en trois soles, & il aura une sole de cent arpens en froment, une de même quantité en orge, en avoine, en pois, &c. & la troisieme sole en repos.

Il donnera un ou deux labours au lot des menus grains, trois ou quatre labours au lot qui doit rester en jachere, & le reste occupé par le froment ne sera point labouré. C’est donc six labours pour deux cens arpens qui composent les deux soles en valeur ; ou, ce qui revient au même, son travail se réduit à labourer une fois tous les ans quatre ou six cens arpens.

On paye communément six francs pour labourer un arpent ; ainsi, suivant la quantité de labours que le fermier doit donner à ses terres, il déboursera 2400 ou 3600 liv.

Il faut au moins deux mines & demie de blé, mesure de Petiviers, la mine pesant quatre-vingts livres, pour ensemencer un arpent. Quand ce blé est chotté, il se renfle & il remplit trois mines ; c’est pourquoi l’on dit qu’on seme trois mines par arpent. Nous le supposerons aussi, parce que le blé de semence étant le plus beau & le plus cher, il en résulte une compensation. Sans faire de différence entre le prix du blé de récolte & celui de semence, nous estimons l’un & l’autre quatre liv. la mine ; ainsi il en coûtera 1200 liv. pour les cent arpens.

Il n’y a point de frais pour ensemencer & herser les terres, parce que le laboureur qui a été payé des façons met le blé en terre gratis.

On donne pour scier & voiturer le blé dans la grange six livres par arpent ; ce qui fait pour les cent arpens 600 liv.

Ce qu’il en coûte pour arracher les herbes ou sarcler, varie suivant les années ; on peut l’évaluer à une liv. dix sous par arpent, ce qui fera 150 livres.

Il faut autant d’avoine ou d’orge que de blé pour ensemencer le lot qui produira ces menus grains : mais comme ils sont à meilleur marché, les fermiers ne les estiment que le tiers du froment. 400. liv.

Les frais de semaille se bornent au roulage, qui se paye à raison de dix sous l’arpent. 50 liv.

Les frais de récolte se montent à 200 liv. le tiers des frais de récolte du blé. 200 liv.

Nous ne tiendrons pas compte des fumiers : 1°. parce que les fermiers n’en achetent pas ; ils se contentent du produit de leur fourrage : 2°. ils s’employent dans les deux méthodes, avec cette seule différence que dans la nouvelle méthode on fume une fois plus de terre que dans l’ancienne.

Les frais de fermage sont les mêmes de part & d’autre, ainsi que les impôts : ainsi la dépense du fermier qui cultive trois cens arpens de terre à l’ordinaire, se monte à 5000 liv. s’il ne donne que trois façons à ses blés, & une à ses avoines ; ou à 6200 liv. s’il donne quatre façons à ses blés, & deux à ses avoines.

Voyons ce que la dépouille de ses terres lui donnera. Les bonnes terres produisant environ cinq fois la semence, il aura donc quinze cens mines, ou 6000 livres.

La récolte des avoines étant le tiers du froment, lui donnera 2000 liv.

Et sa récolte totale sera de 8000 liv. ôtez 5000 liv. de frais, reste 3000 liv. sur quoi il faudroit encore ôter 1200 liv. s’il avoit donné à ses terres plus de quatre façons.

On suppose que la terre a été cultivée pendant plusieurs années à la maniere de M. Tull, dans le calcul suivant : cela supposé, on doit donner un bon labour aux plates bandes après la moisson, un labour léger avant de semer, un labour pendant l’hyver, un au printems, un quand le froment monte en tuyau, & un enfin quand il épie. C’est six labours à donner aux trois cens arpens de terre. Les trois cens arpens doivent être cultivés & ensemencés en blé : ce seroit donc 1800 arpens à labourer une fois tous les ans. Mais comme à chaque labour il y a un tiers de la terre qu’on ne remue pas, ces 1800 arpens seront réduits à 1200 ou à 1000 ; ce qui coutera à raison de six liv. 6000 ou 7200 liv.

On ne consume qu’un tiers de la semence qu’on a coûtume d’employer ; ainsi cette dépense sera la même pour les 300 arpens que pour les 100 arpens du calcul précédent. 1200 liv.

Supposons que les frais de semence & de récolte soient les mêmes pour chaque arpent que dans l’hypothese précédente, c’est mettre les choses au plus fort, ce seroit pour les trois cens arpens 1800 liv.

Le sarclage ne sera pas pour chaque arpent le tiers de ce que nous l’avons supposé dans l’hypothese précédente ; ainsi nous mettons pour les trois cens arpens 150 liv.

Toutes ces sommes réunies font 10350 liv. que le fermier sera obligé de dépenser, & cette dépense excede la dépense de l’autre culture de 5350 liv.

On suppose, contre le témoignage de M. Tull, que chaque arpent ne produira pas plus de froment qu’un arpent cultivé à l’ordinaire. J’ai mis quinze mines par arpent ; c’est 4500 mines pour les trois cens arpens, à raison de quatre liv. la mine, 18000 liv. Mais si l’on ôte de 18000 l. la dépense de 10350 liv. restera à l’avantage de la nouvelle culture sur l’ancienne 4650 liv.

D’où il s’ensuit que quand deux, arpens cultivés suivant les principes de M. Tull, ne donneroient que ce qu’on tire d’un seul cultivé à l’ordinaire, la nouvelle culture donneroit encore 1650 livres par trois cens arpens de plus que l’ancienne. Mais un avantage qu’on n’a pas fait entrer en calcul, & qui est très-considérable, c’est que les récoltes sont moins incertaines.

Nous nous sommes étendus sur cet objet, parce qu’il importe beaucoup aux hommes. Nous invitons ceux à qui leurs grands biens permettent de tenter des expériences coûteuses, sans succès certain & sans aucun derangement de fortune, de se livrer à celles-ci, d’ajoûter au parallele & aux conjectures de M. Duhamel les essais. Cet habile Académicien a bien senti qu’une légere tentative feroit plus d’effet sur les hommes que des raisonnemens fort justes, mais que la plûpart ne peuvent suivre, & dont un grand nombre, qui ne les suit qu’avec peine, se méfie toûjours. Aussi avoit-il fait labourer une piece quarrée oblongue de terre, dont il avoit fait semer la moitié à l’ordinaire, & l’autre par rangées éloignées les unes des autres d’environ quatre piés. Les grains étoient dans les rangées à six pouces les uns des autres. Ce petit champ fut semé vers la fin de Décembre. Au mois de Mars M. Duhamel fit labourer à la bêche la terre comprise entre les rangées : quand le blé des rangées montoit en tuyau, il fit donner un second labour, enfin un troisieme avant la fleur. Lorsque ce blé fut en maturité, les grains du milieu de la partie cultivée à l’ordinaire n’avoient produit qu’un, deux, trois, quatre, quelquefois cinq & rarement six tuyaux ; au lieu que ceux des rangées avoient produit depuis dix-huit jusqu’à quarante tuyaux ; & les épis en étoient encore plus longs & plus fournis de grains. Mais malheureusement, ajoûte M. Duhamel, les oiseaux dévorerent le grain avant sa maturité, & l’on ne put comparer les produits.

AGRIER, s. m. terme de Coûtume, est un droit ou redevance seigneuriale, qu’on appelle en d’autres coûtumes terrage. Voyez Terrage. (H)

* AGRIGNON, (Géog.) l’une des îles des Larrons ou Mariannes. Lat. 19. 40.

AGRIMENSATION, s. f. terme de Droit, par où l’on entend l’arpentage des terres. V. Arpentage. (H)

AGRIMONOIDE, s. f. en Latin agrimonoides, (Hist. nat.) genre d’herbe dont la fleur est en rose, & dont le calice devient un fruit sec. Cette fleur est composée de plusieurs feuilles qui sont disposées en rond, & qui sortent des échancrures du calice. La fleur & le calice sont renfermés dans un autre calice découpé. Le premier calice devient un fruit oval & pointu qui est enveloppé dans le second calice, & qui ne contient ordinairement qu’une seule semence. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

AGRIPAUME, s. f. en Latin cardiaca, (Hist. nat.) herbe à fleur composée d’une seule feuille, & labiée : la levre supérieure est pliée en gouttiere, & beaucoup plus longue que l’inférieure qui est divisée en trois parties. Il sort du calice un pistil qui tient à la partie postérieure de la fleur comme un clou, & qui est environné de quatre embrions ; ils deviennent ensuite autant de semences anguleuses qui remplissent presque toute la cavité de la capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

* Elle donne dans l’analyse chimique de ses feuilles & de ses sommités fleuries & fraîches, une liqueur limpide, d’une odeur & d’une saveur d’herbe un peu acide ; une liqueur manifestement acide, puis austere ; une liqueur rousse, imprégnée de beaucoup de sel volatil urineux ; de l’huile. La masse noire restée dans la cornue laisse après la calcination & la lixiviation des cendres un sel fixe purement alkali. Cette plante contient un sel essentiel tartareux, uni avec beaucoup de soufre subtil & grossier. Elle a plus de réputation, selon M. Geoffroy, qu’elle n’en mérite. On l’appelle cardiaca, de l’erreur du peuple qui prend les maladies d’estomac pour des maladies de cœur. Le cataplasme de ses feuilles pilées & cuites, résout les humeurs visqueuses, & soulage le gonflement & la distension des hypochondres qui occasionnent la cardialgie des enfans. On lui attribue quelques propriétés contre les convulsions, les obstructions des visceres, les vers plats, & les lombrics ; & l’on dit que prise en poudre dans du vin elle excite les urines & les regles, & provoque l’accouchement. Ray parle de la décoction d’agripaume ou de sa poudre seche mêlée avec du sucre, comme d’un remede merveilleux dans les palpitations, dans les maladies de la rate, & les maladies hystériques. Il y a des maladies des chevaux & des bœufs, dans lesquelles les Maquignons & les Maréchaux l’employent avec succès.

AGRIPPA, (Hist. anc.) nom que l’on donnoit anciennement aux enfans qui étoient venus au monde dans une attitude autre que celle qui est ordinaire & naturelle, & spécialement à ceux qui étoient venus les piés en devant. V. Délivrance, Accouchement.

Ils ont été ainsi appellés, selon Pline, parce qu’ils étoient ægrè parti, venus au monde avec peine.

De savans critiques rejettent cette étymologie, parce qu’ils rencontrent ce nom dans d’anciens Auteurs Grecs, & ils le dérivent d’ἀγρεῖν, chasser, & de ἵππος, cheval, c’est-à-dire chasseur à cheval : quoi qu’il en soit, ce mot a été à Rome un nom, puis un surnom d’hommes, qu’on a féminisé en agrippina. (G)

* AGRIS, bourg de France dans la Généralité de Limogés.

* AGROTERE, adj. (Myth.) nom de Diane, ainsi appellée parce qu’elle habitoit perpétuellement les forêts & les campagnes. On immoloit tous les ans à Athenes cinq cens chevres à Diane Agrotere. Xénophon dit que ce sacrifice se faisoit en mémoire de la défaite des Perses, & qu’on fut obligé de réduire, par un decret du Senat, le nombre des chevres à cinq cens par an ; car le vœu des Athéniens ayant été de sacrifier à Diane agrotere autant de chevres qu’ils tueroient de Perses, il y eut tant de Perses tués, que toutes les chevres de l’Attique n’auroient pas suffi à satisfaire au vœu. On prit le parti de payer en plusieurs fois ce qu’on avoit promis en une, & de transiger avec la Déesse à cinq cens chevres par an.

* AGROTES, s. m. (Myth.) divinité des Phéniciens, qu’on promenoit en procession le jour de sa fête, dans une niche couverte, sur un chariot traîné par différens animaux.

* AGUAPA, s. m. (Hist. nat. bot.) arbre qui croît aux Indes occidentales, dont on dit que l’ombre fait mourir ceux qui s’y endorment nuds, & qu’elle fait enfler les autres d’une maniere prodigieuse. Si les habitans du pays ne le connoissent pas mieux qu’il ne nous est désigné par cette description, ils sont en grand danger.

* AGUARA PONDA, s. m. Brasilianis Marggravii, Ruttensteert Belgis, id est myosuros, viola spicata Brasiliana. (Hist. nat. bot.) plante haute d’un pié & demi & plus, à tige lisse, ronde, verte & noüeuse. Il sort de chaque nœud quatre ou cinq feuilles étroites, crenelées, pointues, vertes & inégales. Le sommet de sa tige est chargé d’un épi long d’un pouce & plus, uni & couvert de fleurs d’un bleu violet, & formées de cinq feuilles rondes. Elle ressemble à la violette, & en a l’odeur. Sa racine est droite, d’une médiocre grosseur & divisée en branches filamenteuses.

Il y en a une autre espece qui differe de la précédente par la largeur de ses feuilles. Elle est marquée au sommet de ses tiges d’un cube creux, qui forme une espece de casque verd ; de ce creux sortent des fleurs bleues semblables aux premieres.

* AGUAS, (Géogr.) peuple considérable de l’Amérique méridionale, sur le bord du fleuve des Amazones. Ce sont, dit-on dans l’excellent Dictionnaire portatif de M. Vosgien, les plus raisonnables des Indiens : ils serrent la tête entre deux planches à leurs enfans aussi-tôt qu’ils sont nés.

* AGUATULCO ou AQUATULCO ou GUATULCO, ville & port de la nouvelle Espagne, en Amérique, sur la mer du Sud. Longit. 279. latit. 25. 10.

* AGUAXIMA, (Hist. nat. bot.) plante du Brésil & des isles de l’Amérique méridionale. Voilà tout ce qu’on nous en dit ; & je demanderois volontiers pour qui de pareilles descriptions sont faites. Ce ne peut être pour les naturels du pays, qui vraissemblablement connoissent plus de caracteres de l’aguaxima, que cette description n’en renferme, & à qui on n’a pas besoin d’apprendre que l’aguaxima naît dans leur pays ; c’est, comme si l’on disoit à un François, que le poirier est un arbre qui croît en France, en Allemagne, &c. Ce n’est pas non plus pour nous ; car que nous importe qu’il y ait au Brésil un arbre appellé aguaxima, si nous n’en savons que ce nom ? à quoi sert ce nom ? Il laisse les ignorans tels qu’ils sont ; il n’apprend rien aux autres : s’il m’arrive donc de faire mention de cette plante, & de plusieurs autres aussi mal caractérisées, c’est par condescendance pour certains lecteurs, qui aiment mieux ne rien trouver dans un article de Dictionnaire, ou même n’y trouver qu’une sottise, que de ne point trouver l’article du tout.

* AGUIATE, ou AGUÉE, (Myth.) qui est dans les rues. Les Grecs donnoient cette épithete à Apollon, parce qu’il avoit des statues dans les rues.

* AGUILA, ou AGLE, ville de la Province de Habat, au Royaume de Fez en Afrique, sur la riviere d’Erguila.

AGUI L’AN NEUF, (Hist. mod.) quête que l’on faisoit en quelques Diocèses le premier jour de l’an pour les cierges de l’Eglise. Il paroît que cette cérémonie instituée d’abord pour une bonne fin, dégénéra ensuite en abus. Cette quête se faisoit par de jeunes gens de l’un & de l’autre sexe : ils choisissoient un chef qu’ils appelloient leur follet, sous la conduite duquel ils commettoient même dans les Eglises des extravagances qui approchoient fort de la Fête des Fous. Voyez Fête des Fous.

Cette coûtume fut abolie dans le Diocèse d’Angers en 1595 par une ordonnance synodale : mais on la pratiqua encore hors des Eglises ; ce qui obligea un autre synode en 1668 de défendre cette quête qui se faisoit dans les maisons avec beaucoup de licence & de scandale, les garçons & les filles y dansant & chantant des chansons dissolues. On y donnoit aussi le nom de bacchelettes à cette folle réjoüissance, peut-être à cause des filles qui s’y assembloient, & qu’en langage du vieux tems on appelloit bachelettes. Thiers, Traité des Jeux.

Au gui l’an neuf, (Hist. anc.) cri ou refrain des anciens Druides, lorsqu’ayant cueilli le gui de chêne le premier jour de l’an, ils alloient le porter en pompe soit dans les villes, soit dans les campagnes voisines de leurs forêts. On cueilloit ce gui avec beaucoup de cérémonies dans le mois de Décembre ; au premier jour de l’an, on l’envoyoit aux Grands, & on le distribuoit pour étrennes au peuple, qui le regardoit comme un remede à tous maux, & le portoit pendu au cou, à la guerre, &c. On en trouvoit dans toutes les maisons & dans les temples. (G)

* AGUILAR DEL CAMPO, (Géog.) petite ville d’Espagne, dans la vieille Castille.

* AGUILLES, s. f. (Commerce.) c’est le nom de toiles de coton, qui se font à Alep.

* AGUITRAN, s. m. poix molle. Voyez Poix.

* AGUL, (Hist. nat. bot.) c’est un petit arbrisseau fort épineux, dont les feuilles sont longuettes, & semblables à celles de la sanguinaire. Il a beaucoup de fleurs rougeâtres, auxquelles succedent des gousses. Sa racine est longue & purpurine : il se trouve en Arabie, en Perse, & en Mésopotamie. Ses feuilles sont chargées le matin de manne grosse comme des grains de coriandre ; cette manne a le goût & la saveur de la nôtre ; mais si on laisse passer le Soleil dessus, elle se fond & se dissipe. Les feuilles de l’agul passent pour purgatives. Lemery. Voyez Alhagi.

* AGUTIGUEPA (Hist. nat. bot.) plante du Brésil, à racine ronde par le haut, d’un rouge foncé, & bonne à manger ; à tige droite, longue de trois piés jusqu’à cinq, grosse comme le doigt, portant sans ordre sur des pédicules qui ont six travers de doigt de longueur, des feuilles longues depuis un pié jusqu’à deux, larges de quatre travers de doigt, pointues, d’un beau verd, luisantes, semblables aux feuilles du paco-eira, relevées dans toute leur longueur d’une côte & d’une infinité de veines qui rampent obliquement sur toute la surface, & bordées tout autour d’un trait rouge. Du sommet de la tige s’éleve une fleur semblable au lis, de couleur de feu, composée de trois ou quatre feuilles : chaque fleur a trois ou quatre étamines, de même couleur, & faites en défenses de sanglier. On dit que sa racine pilée guérit, mondifie, &c. les ulceres. Dans des tems de disette, on la fait bouillir ou griller, & on la mange.

* AGUTI TREVA ou AGOUTI TREVA, plante des Isles Mariannes ; sa feuille est semblable à celles de l’oranger, mais plus mince ; sa fleur est couverte d’une espece de rosée ; son fruit est gros, couvert d’une écorce rougeâtre, & contient des semences semblables à celles de la grenade, transparentes, douces & agréables au goût. Ray.

* AGYNNIENS (Théol.) hérétiques, qui parurent environ l’an de J. C. 694. Ils ne prenoient point de femmes, & prétendoient que Dieu n’étoit pas auteur du mariage. Ce mot vient d’ά privatif & de γυνή, femme. Prateol. (G)

* AGYRTES, joüeurs de gobelets, farceurs, faiseurs de tours de passe-passe ; voilà ce que signifie agyrte, & c’étoit le nom que portoient, & que méritoient bien les Galles, prêtres de Cybele.

AH

AH-AH, (Jardinage.) CLAIRE VOIE ou SAULT DE LOUP. On entend par ces mots une ouverture de mur sans grille, & à niveau des allées avec un fossé au pié, ce qui étonne & fait crier ah-ah. On prétend que c’est Monseigneur, fils de Louis XIV, qui a inventé ce terme, en se promenant dans les jardins de Meudon. (K)

* AHATE de Pauncho Recchi, (Histoire naturelle, botanique.) arbre d’une grosseur médiocre, d’environ vingt piés de haut. Son écorce est fongueuse & rouge en dedans. Son bois blanc & dur. Ses branches en petit nombre & couvertes d’une écorce verte & cendrée. Sa racine jaunâtre, d’un odeur forte, & d’un goût onctueux. Sa feuille oblongue & semblable à celle du malacatijambou ; froissée dans la main, elle rend une huile sans odeur. Sa fleur est attachée par des pédicules aux plus petites feuilles. Elle a trois feuilles triangulaires, épaisses comme du cuir, blanches en dedans, vertes en dessus, & rendant l’odeur du cuir brûlé, quand on les met au feu.

Le fruit sort des étamines de la fleur. Il est dans sa maturité de la grosseur d’un citron ordinaire, verd & strié par dehors ; blanc en dedans, & plein d’une pulpe succulente, d’un goût & d’une odeur agréable. Ses semences sont oblongues, unies, luisantes & enfermées dans des cosses. On le cueille avant qu’il soit mûr, & il devient comme la nefle dans la serre où on le met. Cet arbre a été apporté des Indes, aux isles Philippines. Il aime les climats chauds. Il fleurit deux fois l’an, la premiere fois en Avril. Ray lui attribue différentes propriétés, ainsi qu’aux feuilles & aux autres parties de l’arbre.

AHOUAI est un genre de plante à fleur, composée d’une seule feuille en forme d’entonnoir & découpée. Il sort du fond du calice un pistil qui est attaché au bas de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit charnu en forme de poire, qui renferme un noyau presque triangulaire, dans lequel il y a une amande. Tournefort. Inst rei herb. app. Voyez Plante. (I)

* AHOVAI, Theveti Clusii, (Hist. nat. bot.) fruit du Bresil de la grosseur de la chataigne, blanc, & de la figure à-peu-près des trufes d’eau. Il croît sur un arbre grand comme le poirier, dont l’écorce est blanche, piquante & succulente ; la feuille longue de deux ou trois pouces, large de deux, toûjours verte ; & la fleur monopétale, en entonnoir, découpée en plusieurs parties ; & du calice s’éleve un pistil qui devient le fruit. Ce fruit est un poison. Lemery.

Millet en distingue un autre, qui croît pareillement en Amérique & qui n’est pas moins dangereux ; on dit que l’arbre qui le porte répand un odeur désagréable quand on l’incise.

* AHUILLE, bourg de France dans la Généralité de Tours.

* AHUN, petite ville de France dans la haute-Marche, Généralité de Moulins. Long. 19. 38. lat. 49. 5.

* AHUS ou AHUIS, (Geog.) ville maritime de Suéde, Principauté de Gothlande & terre de Bleckingie ; elle est située proche la mer Baltique. Long. 32. 14. lat. 56.

AI AJ

AJACCIO. (Géog.) Voyez ADIAZZO.

* AJAN, (Géogr.) nom général de la côte orientale d’Afrique, depuis Magadoxo jusqu’au cap Guardafui sur la pointe du détroit de Babelmandel.

* AJAXTIES, fêtes qu’on célébroit à Salamine en l’honneur d’Ajax, fils de Telamon. C’est tout ce qu’on en sait.

AICH, (Géog.) ville d’Allemagne, dans la haute-Baviere, sur le Par. Long. 28. 50. lat. 48. 30.

* AICHÉERA, un des sept dieux célestes que les Arabes adoroient, selon M. d’Herbelot.

AICHSTAT, (Géog.) ville d’Allemagne dans la Franconie, sur la riviere Altmul. Long. 28. 45. lat. 49.

AIDE signifie assistance, secours qu’on prête à quelqu’un. Il signifie aussi quelquefois la personne même qui prête ce secours ou cette assistance ; ainsi dans ce dernier sens, on dit aide de camp. Voyez Aide de camp. Aide-major. Voyez Aide-major.

Aide se dit aussi en général de quiconque est adjoint à un autre en second pour l’aider au besoin ; ainsi l’on dit en ce sens aide des cérémonies, d’un officier qui assiste le grand-maître, & tient sa place s’il est absent. On appelle aussi aides les garçons qu’un Chirurgien mene avec lui pour lui prêter la main dans quelque opération de conséquence. On appelle aide de cuisine un cuisinier en second, ou un garçon qui sert à la cuisine.

Aide, en Droit Canon, ou Eglise succursale, est une Eglise bâtie pour la commodité des paroissiens, quand l’Eglise paroissiale est trop éloignée, ou trop petite pour les contenir tous.

Aide, dans les anciennes coûtumes, signifie un subside en argent, que les vassaux ou censitaires étoient obligés de payer à leur Seigneur en certaines occasions particulieres.

Aide differe de taxe en ce que la taxe s’impose dans quelque besoin extraordinaire & pressant ; au lieu que l’aide n’est exigible qu’autant qu’elle est établie par la coûtume, & dans le cas marqué par la coûtume ; de cette espece sont les aides de relief & de chevel. Voyez aide-relief & aide-chevel.

On payoit une aide au Seigneur quand il vouloit acheter une terre. Mais il n’en pouvoit exiger une semblable qu’une fois en sa vie.

Ces aides, dans l’origine, étoient libres & volontaires ; c’est pourquoi on les appelloit droits de complaisance.

Il paroît que les Seigneurs ont imposé cette marque de servitude sur leurs vassaux, à l’exemple des Patrons de l’ancienne Rome, qui recevoient des présens de leurs cliens & de leurs affranchis, en certaines occasions, comme pour doter leurs filles, ou en certains jours solemnels comme le jour de leur naissance. Voyez Patron & Client. (G)

Aide, en terme de Jurisprudence féodale, sont des secours auxquels les vassaux, soit gentilshommes ou roturiers, sont tenus envers leur Seigneur dans quelques occasions particulieres, comme lorsqu’il marie sa fille ou fait recevoir son fils chevalier, ou qu’il est prisonnier de guerre ; ce qui fait trois sortes d’aides, l’aide de mariage, l’aide de chevalerie, & l’aide de rançon. On appelle d’un nom commun ces trois sortes d’aides, aide-chevel, quia capitali domino debentur.

L’aide de rançon s’appelloit aussi aides loyaux, parce qu’elle étoit dûe indispensablement. On appella aussi aides loyaux, sous Louis VII. une contribution qui fut imposée sur tous les sujets sans distinction, pour le voyage d’outre-mer ou la croisade ; & on appelloit ainsi en général toutes celles qui étoient dûes en vertu d’une loi.

On appelloit au contraire aides libres ou gracieuses, celles qui étoient offertes volontairement par les sujets ou vassaux.

L’aide chevel est le double des devoirs que le sujet doit ordinairement chaque année, pourvû qu’ils n’excedent pas ving-cinq sous. Si le sujet ne doit point de devoirs, il payera seulement vingt-cinq sous. Le Seigneur ne peut exiger cette aide qu’une fois en sa vie pour chaque cas.

Aides raisonnables étoient celles que les vassaux étoient obligés de fournir au Seigneur dans de certaines nécessités imprévûes, & pour raison desquelles on les taxoit au prorata de leurs facultés ; telles étoient par exemple, en particulier, celles qu’on appelloit aides de l’ost & de chevauchée, qui étoient des subsides dûs au Seigneur pour l’aider à subvenir aux frais d’une guerre, comme qui diroit de nos jours, le dixieme denier du revenu des biens.

Aide-relief est un droit dû en certaines Provinces par les vassaux aux héritiers de leur Seigneur immédiat, pour lui fournir la somme dont ils ont besoin pour payer le relief du fief qui leur échet par la mort de leur parent.

On trouve aussi dans l’Histoire ecclésiastique des aides levées par des Evêques dans des occasions qui les obligeoient à des dépenses extraordinaires, comme lors de leur sacre ou joyeux avenement, lorsqu’ils reçoivent les Rois chez eux ; lorsqu’ils partoient pour un Concile, ou qu’ils alloient à la cour du Pape.

Ces aides s’appelloient autrement coûtumes episcopales ou synodales, ou denier de Pâque.

Les Archidiacres en levoient aussi chacun dans leur Archidiaconé.

Il est encore d’usage & d’obligation de leur payer un droit lorsqu’ils font leur visite, droit qui leur est dû par toutes les Eglises paroissiales, même celles qui sont desservies par des Religieux.

Aide, adj. pris subst. en Cuisine, est un domestique subordonné au Cuisinier, & destiné à l’aider.

Aide se joint aussi à plusieurs mots avec lesquels il ne fait proprement qu’un seul nom substantif.

Aides, en terme de finance, signifie les impôts qui se levent, à quelque titre que ce soit, par le Souverain sur les denrées & les marchandises qui se vendent dans le Royaume. Ce droit répond à ce que les Romains appelloient vectigal, à vehendo ; parce qu’il se levoit, comme parmi nous, à titre de péage, d’entrée ou de sortie sur les marchandises qui étoient transportées d’un lieu à un autre. Le vectigal étoit opposé à tributum, lequel se levoit par têtes sur les personnes, comme parmi nous les aides sont opposées à la taille ou capitation, qui sont aussi des taxes personnelles.

On a appellé les aides de ce nom, parce que c’étoit originairement des subsides volontaires & passagers, que les sujets fournissoient au Prince dans des besoins pressans, & sans tirer à conséquence pour la suite. Mais enfin elles ont été converties en impositions obligatoires & perpétuelles.

On croit que ces aides furent établies sous le regne de Charles V. vers l’an 1270, & qu’elles n’étoient qu’à raison d’un sou pour livre du prix des denrées. Les besoins de l’Etat les ont fait monter successivement à des droits beaucoup plus forts. (H)

La Cour des Aides est une Cour Souveraine établie en plusieurs Provinces du Royaume pour connoître de ces sortes d’impositions & de toutes les matieres qui y ont rapport : elle connoît, par exemple, des prétendus titres de noblesse, à l’effet de décharger ceux qui les alleguent des impositions roturieres, s’ils sont véritablement nobles, ou de les y soûmettre s’ils ne le sont pas.

Dans plusieurs Provinces, telles que la Provence, la Bourgogne & le Languedoc, la Cour des Aides est unie à la Chambre des Comptes.

Il y a en France douze Cours des Aides, comme douze Parlemens ; savoir, à Paris, à Roüen, à Nantes, à Bourdeaux, à Pau, à Montpellier, à Montauban, à Grenoble, à Aix, à Dijon, à Châlons & à Metz.

Avant l’érection des Cours des Aides, il y avoit des Généraux des aides pour la perception & la régie des droits, & une autre sorte de Généraux pour le jugement des contestations en cette matiere ; & ce furent ces Généraux des aides, sur le fait de la Justice, qui réunis en corps par François premier, commencerent à former un tribunal en matiere d’aides, qu’on appella par cette raison la Cour des Aides.

Aides, s. f. (Manége.) se dit des secours & des soûtiens que le cavalier tire des effets modérés de la bride, de l’éperon, du caveçon, de la gaule, du son de la voix, du mouvement des jambes, des cuisses, & du talon, pour faire manier un cheval comme il lui plaît. On emploie les aides pour prévenir les châtimens qu’il faut souvent employer pour dresser un cheval. Il y a aussi les aides secretes du corps du cavalier ; elles doivent être fort douces. Ainsi on dit : ce cheval connoît les aides, obéit, répond aux aides, prend les aides avec beaucoup de facilité & de vigueur. On dit aussi : ce cavalier donne les aides extrèmement fines, pour exprimer qu’il manie le cheval à propos, & lui fait marquer avec justesse ses tems & ses mouvemens. Lorsqu’un cheval n’obéit pas aux aides du gras des jambes, on fait venir l’éperon au secours, en pinçant de l’un ou des deux. Si l’on ne se sert pas avec discrétion des aides du caveçon, elles deviennent un châtiment qui rebute peu à peu le cheval sauteur, qui va haut & juste en ses sauts & sans aucune aide. Voyez Sauteur. Un cheval qui a les aides bien fines se brouille ou s’empêche de bien manier, pour peu qu’on serre trop les cuisses, ou qu’on laisse échapper les jambes.

Aides du dedans, aides du dehors : façons de parler relatives au côté sur lequel le cheval manie sur les voltes, ou travaille le long d’une muraille ou d’une haie. Les aides dont on se sert pour faire aller un cheval par airs, & celles dont on se sert pour le faire aller sur le terrein, sont fort différentes. Il y a trois aides distinguées qui se font ayant les rênes du dedans du caveçon à la main. La premiere est de mettre l’épaule de dehors du cheval en dedans ; la seconde est de lui mettre aussi l’épaule de dedans en dedans ; & la troisieme est de lui arrêter les épaules. On dit : répondre, obéir aux aides ; tenir dans la sujétion des aides. Voyez RÉpondre, ObÉir & Sujétion, (V)

Aides, s. f. pl. (Architect.) piece où les aides de cuisine & d’office font leur service ; c’est proprement la décharge des cuisines, où l’on épluche, lave & prépare tout ce qui se sert sur la table, après avoir été ordonné par le maître d’hôtel. Ces aides doivent être voisines des cuisines, avoir des tables, une cheminée, des fourneaux & de l’eau abondamment. (P)

AIDE DE CAMP, s. m. On appelle ainsi en France de jeunes volontaires qui s’attachent à des Officiers Généraux pour porter leurs ordres partout où il est besoin, principalement dans une bataille. Ils doivent les bien comprendre, & les déclarer très exactement & très-juste.

Le Roi entretient quatre aides de Camp à un Général en campagne ; deux à chaque Lieutenant Général, & un à chaque Maréchal de Camp. (Q)

* AIDE-MAJOR, s. m. est un Officier qui seconde le Major d’un Régiment dans ses fonctions. Voyez Major. Ils roulent avec les Lieutenans : ils commandent du jour de leur brevet d’Aide Major, ou du jour de leurs lettres de Lieutenans, s’ils l’ont été, dans le Régiment où ils servent.

Les Aides-Majors d’Infanterie marchent avec les Colonels réformés attachés à leur Régiment, pour quelque service que ces Colonels soient commandés, & avec leurs Lieutenans Colonels.

Les Aides-Majors ont pour les aider des Sous-Aides-Majors, ou Garçons-Majors, qui exécutent les ordres qu’ils leur donnent. Ils sont à cheval dans le combat comme le Major, afin de pouvoir se transporter facilement & promptement dans tous les endroits où il est nécessaire pour bien faire manœuvrer le Régiment.

Il y a aussi des Aides-Majors des places. Ce sont des Officiers qui remplissent toutes les fonctions des Majors en leur absence : ils doivent précéder & commander à tous les Enseignes ; & lorsqu’il ne se trouve dans les places ni Gouverneur, ni Lieutenans de Roi, ni Major, ni Capitaines des Régimens, ils doivent y commander préférablement aux Lieutenans d’Infanterie qui se trouveront avoir été reçûs Lieutenans depuis que les Aides-Majors auront été reçûs en ladite Charge d’Aide-Major. Briquet, Code Militaire. (Q)

AIDE-MAJOR, (Marine.) a les mêmes fonctions que le Major en son absence. Voyez Major.

Le Major & l’Aide-Major s’embarquent sur le vaisseau du Commandant : mais s’il y a plusieurs Aides-Majors dans une armée navale, on les distribue sur les principaux pavillons. En l’absence du Major, l’Aide-Major a les mêmes fonctions ; & quand le Major a reçu l’ordre du Commandant dans le port, & qu’il le porte lui-même au Lieutenant général, à l’Intendant & aux Chefs d’Escadre, l’Aide-Major le porte en même tems au Commissaire général & au Capitaine des Gardes. (Z)

* AIDE-BOUT-AVANT, s. m. C’est dans les salines le nom qu’on donne à celui qui-aide dans ses fonctions celui qui est chargé de remplir le vaxel avec les pelles destinées à cet usage, & de frapper ou de faire frapper un nombre de coups uniforme, afin de conserver le poids & l’égalité dans les mesurages. Voyez Vaxel & Bout-avant.

* AIDE-LEVIER, s. m. (en Anat.) ce mot est synonyme à points d’appui en méchanique : tel est le grand trocanter au muscle fessier ; le sinus de l’os des îles ; la rotule pour les extenseurs du tibia. Voyez Appui, Point d’appui.

AIDE-MAÇON. C’est le nom qu’on donne à ceux qui portent aux maçons & aux couvreurs les matériaux dont ils ont besoin ; métier dur & dangereux, qui donne à peine du pain : heureusement ceux qui le font, sont heureux quand ils n’en manquent pas.

* AIDE-MAISTRE DE PONT, autrement Chableur, est le titre qu’on donne à des Officiers de ville qui aident les batteaux à passer dans les endroits difficiles de la riviere, comme sous les arches des ponts.

* AIDE-MOULEUR, se dit d’Officiers de ville, commis par le Prevôt & les Echevins pour emplir les membrures, corder, mettre dans la chaîne les bois à brûler qui doivent y être mesurés, & soulager les Marchands de bois dans toutes leurs fonctions ; ils sont aux ordres de ces derniers.

AIDER un cheval, (Manége.) c’est se servir, pour avertir un cheval, d’une ou de plusieurs aides ensemble, comme appeller de la langue, approcher les jambes, donner des coups de gaule ou d’éperon. Voyez Aides, Gaule, Éperon, &c. (V)

AIGLANTIER, s. m. (Hist. nat.) espece de rosier, mieux nommé églantier. Voyez Rosier, pour la description du genre. (I)

AIGLE, (Hist. nat.) s. m. très-grand oiseau de proie qui va le jour : c’est le plus courageux de tous ; son bec est recourbé sur toute sa longueur, ce qui peut le faire distinguer du faucon, dont le bec n’est crochu qu’à l’extrémité. On a distingué six especes principales d’aigles ; savoir 1°. l’aigle royal, qui a été appellé chrysaëtos, ou asterias, sans doute parce que ses plumes sont rousses ou de couleur d’or, & qu’elles sont parsemées de taches dont on a comparé la blancheur à celle des étoiles. 2°. L’orfraie, aigle de mer, halieaëtos. Voyez. 3°. Le petit aigle noir, melaneaëtos, ou valeria. 4°. L’aigle à queue blanche, pygargus. 5°. Le huard, morphnos, ou clanga. (Voyez Huard. 6°. Le percnoptere, percnopteros. Voyez Percnoptere.

Aigle Royal. On trouve dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences la description suivante de deux aigles que l’on a rapportés à l’espece de l’aigle royal. L’un étoit mâle, & l’autre femelle ; ils ne pesoient chacun guere plus de huit livres, parce qu’ils étoient jeunes. Le bec étoit noir par le bout, jaune vers sa naissance, & bleuâtre par le milieu : l’œil étoit enfoncé dans l’orbite, & couvert par une saillie de l’os du front qui faisoit comme un sourcil avancé ; il étoit de couleur isabelle fort vive, & ayant l’éclat d’une topase ; les paupieres étoient grandes, chacune étant capable de couvrir tout l’œil ; outre les paupieres supérieures & inférieures, il y en avoit une interne qui étoit relevée dans le grand coin de l’œil, & qui étant étendue vers le petit, couvroit entierement la cornée. Le plumage étoit de trois couleurs, de châtain brun, roux, & blanc ; le dessus de la tête étoit mêlé de châtain & de roux ; la gorge & le ventre étoient mêlés de blanc, de roux & de châtain, peu de roux, & encore moins de blanc. Les tuyaux des grandes plumes des ailes avoient neuf lignes de tour ; les plumes de la queue étoient fort brunes vers l’extrémité, ayant quelque peu de blanc vers leur origine : les cuisses, les jambes, & le haut des piés, jusqu’au commencement des doigts, étoient couverts de plumes moitié blanches & moitié rousses ; chaque plume étant rousse par le bout, & blanche vers son origine. Outre les grandes plumes qui couvroient le corps, il y avoit à leur racine un duvet fort blanc & fort fin, de la longueur d’un pouce. Les autres plumes qui couvroient le dos & le ventre, avoient quatre ou cinq pouces de long ; celles qui couvroient les jambes en dehors, avoient jusqu’à six pouces, & elles descendoient de trois pouces au-dessous de la partie qui tient lieu de tarse & de métatarse. Les plumes qui garnissoient la gorge & le ventre, avoient sept pouces de long & trois de large à la femelle, & elles étoient rangées les unes sur les autres comme des écailles. Au mâle elles étoient molles, n’ayant des deux côtés du tuyau qu’un long duvet, dont les fibres n’étoient point accrochées ensemble, comme elles sont ordinairement aux plumes fermes arrangées en écailles. Ces plumes étoient doubles ; car chaque tuyau après être sorti de la peau de la longueur d’environ deux lignes & demie, jettoit deux tiges inégales, l’une étant une fois plus grande que l’autre. Les doigts des piés étoient jaunes, couverts d’écailles de différentes grandeurs. Celles de dessus étoient grandes & en table, principalement vers l’extrémité, les autres étant fort petites : les ongles étoient noirs, crochus, & fort grands, surtout celui du doigt de derriere, qui étoit presque une fois plus grand que les autres. Descript. des Anim. vol. III. part. 2. page 89. & suiv.

Joignons à cette description d’un jeune aigle quelque chose de ce qu’Aldrovande a dit d’un aigle royal, qui avoit pris tout son accroissement ; il pesoit douze livres ; il avoit trois piés neuf pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue, qui n’excédoit les pattes étendues que d’environ quatre pouces ; l’envergure étoit de six piés, le bec avoit une palme & un pouce de longueur, & deux pouces de largeur au milieu ; l’extrémité crochue de la partie supérieure du bec étoit longue d’un pouce & de couleur noire ; le reste étoit de couleur de corne, tirant sur le bleu pâle, taché de brun ; la langue ressembloit assez à celle de l’homme ; les yeux étoient fort enfoncés sous une prééminence de l’os du front ; l’iris brilloit comme du feu, & étoit légerement teinte de vert ; la prunelle étoit fort noire ; les plumes du cou étoient fermes & de couleur de fer ; les aîles & la queue étoient brunes, & cette couleur étoit d’autant plus foncée, que les plumes étoient plus grandes ; les petites plumes du reste du corps étoient d’un brun roux ou châtain, & parsemées de taches blanches, plus fréquentes sur le dos que sur le ventre de l’oiseau. Toutes ces plumes étoient blanches à leur racine ; il y avoit six grandes plumes dans chaque aile : les tuyaux étoient forts, plus courts que ceux des plumes d’oie, & très-bons pour écrire. Les jambes étoient revêtues de plumes jusqu’aux piés, dont la couleur étoit jaunâtre ; les doigts étoient couverts d’écailles ; les griffes avoient depuis deux jusqu’à six pouces de longueur.

Willughby a vû trois aigles dont la queue étoit blanche en partie, & il les rapporte à l’espece de l’aigle royal. Chrysaëtos, Ornit. page 28.

Petit Aigle noir, Willughby a décrit un aigle de cette espece, qui étoit de moitié plus gros que le corbeau, mais plus petit que l’aigle à queue blanche ; il avoit les mâchoires & les paupieres dégarnies de plumes & rougeâtres : la tête, le cou, & la poitrine étoient noires ; on voyoit au milieu du dos, ou plûtôt entre les épaules, une grande tache de figure triangulaire, & d’un blanc roussâtre le croupion étoit roux ; les petites plumes des ailes étoient de la couleur de la buse ; les grandes plumes étoient traversées par une bande noire qui joignoit une autre bande blanche : enfin ce qui restoit des plumes jusqu’à leur extrémité étoit d’une couleur cendrée très-foncée ; le bec étoit moins gros que celui de l’aigle blanc ; sa pointe étoit noire, & le gros bout de couleur jaunâtre, auprès de la peau qui étoit rouge vers les narines ; l’iris des yeux étoit de couleur de noisette ; il y avoit des plumes qui couvroient le dessus des pattes, qui étoient rouges au-dessous des plumes : enfin les ongles étoient fort longs.

Aigle a queue blanche. Cet oiseau tire son nom de la couleur blanche qu’il a sur la queue, selon la description que Willughby a faite d’un mâle de cette espece dans son Ornithologie, page 31. Il pese huit livres & demie ; il a environ deux piés & demi depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue, & seulement vingt-six à vingt-sept pouces si on ne prend la longueur que jusqu’au bout des pattes ; l’envergure est de six piés quatre pouces. Le bec a presque deux pouces de longueur depuis la pointe jusqu’aux narines, & trois jusqu’aux angles de la bouche, & presque trois jusqu’aux yeux. Le bec a près d’un pouce un quart de largeur ; l’extrémité crochue de la partie supérieure du bec excede presque d’un pouce la partie inférieure : l’ouverture des narines est longue d’un demi-pouce, & se trouve dans une direction oblique. Le bec est d’un jaune clair, de même que la peau qui recouvre sa base & qui environne les narines. La langue est large, charnue, & noire par le bout ; son impression est marquée sur le palais par une cavité ; il a de grands yeux enfoncés sous une prééminence de l’os du front. Ses yeux sont de couleur de noisette pâle. Willughby en avoit vû d’autres de la même espece avec des yeux jaunes & rouges ; celui-ci a les piés d’une couleur jaune claire avec de grands ongles crochus ; celui de derriere, qui est le plus grand, a un pouce de longueur ; le doigt du milieu a deux pouces. La tête de l’oiseau est blanchâtre ; la côte des petites plumes pointues est noire : il n’y a point de plumes entre les yeux & les narines, mais cet espace est couvert de soies cotoneuses par le bas. Les plumes du cou sont fort étroites, & les premieres un peu roussâtres. Le croupion est noirâtre, & tout le reste du corps de couleur de fer. Il y a environ vingt-sept grandes plumes dans chaque aile, qui sont très-bonnes pour écrire ; la troisieme & la quatrieme sont les plus longues ; la seconde a un demi-pouce de moins que la troisieme, & la premiere environ trois pouces & demi moins que la seconde. Toutes les grandes plumes des ailes sont noirâtres, & les plus petites sont de couleur cendrée par le bord. Les ailes repliées ne vont pas jusqu’au bout de la queue. La queue est composée de douze plumes, & longue de près de onze pouces ; la partie supérieure des plumes est blanchâtre, & l’inférieure noire. Willughby avoit vû un autre oiseau de cette espece, dont la queue étoit blanche à son origine, & noire par le bout. Dans celui-ci les plumes extérieures de la queue sont moins longues que celles du milieu, & leur longueur diminue par degrés à mesure qu’elles en sont éloignées.

Willughby trouva cet aigle à Venise, & il le rapporta à l’espece dont il s’agit à cause du blanc de la queue. La couleur de la tête & du bec de cet oiseau suffit, selon l’auteur qui vient d’être cité, pour le distinguer de l’aigle royal, dont la queue est traversée par une bande blanche.

Cette description de l’aigle à queue blanche, n’est pas d’accord avec celle d’Aldrovande dans son Ornithologie, liv. II. cap. 5.

Il y a des aigles sur le mont Caucase, sur le Taurus, au Pérou, en Angleterre, en Allemagne, en Pologne, en Suede, en Danemarck, en Prusse, en Russie, & en général dans tout le Septentrion, où ils trouvent des oiseaux aquatiques qui sont aisés à prendre parce-qu’ils volent difficilement, & quantité d’animaux, &c. Ils habitent les rochers les plus escarpés, & les arbres les plus élevés. Ils se plaisent dans les lieux les plus reculés & les plus solitaires, fuyant non-seulement les hommes & leurs habitations, mais aussi le voisinage des autres oiseaux de proie. Il y a deux especes d’aigles qui semblent être plus familiers : l’aigle à queue blanche, qui approche des villes & qui séjourne dans les bois & dans les plaines ; & le huard qui reste sur les lacs & les étangs. En général ils se nourrissent de la chair des poissons, des crabes, des tortues, des serpens, des oiseaux, tels que les pigeons, les oies, les cygnes, les poules, & beaucoup d’autres. Ils n’épargnent pas même ceux de leur espece, lorsqu’ils sont affamés. Ils enlevent les lievres ; ils attaquent & ils déchirent les brebis, les daims, les chevres, les cerfs, & même les taureaux ; enfin ils tombent sur toute sorte d’animaux, & quelquefois le berger n’est pas en sûreté contr’eux auprès de son troupeau. L’aigle est très-chaud. On a prétendu qu’il s’approchoit jusqu’à trente fois au moins de sa femelle en un seul jour ; & on a ajoûté que la femelle ne refusoit jamais le mâle même après l’avoir reçu tant de fois. Les aigles font leur aire sur les rochers les plus escarpés ou sur le sommet des arbres les plus élevés. Quelquefois les bâtons dont l’aire est composée tiennent d’un côté à un rocher & de l’autre à des arbres. On a vû des aires qui avoient jusqu’à six piés en quarré ; elles sont revêtues de morceaux de peaux de renard ou de lievre & d’autres pelleteries pour tenir les œufs chauds. La ponte est ordinairement de deux œufs, & rarement de trois : ils les couvent pendant vingt ou trente jours ; la chaleur de l’incubation est très-grande : on croît qu’il n’éclôt ordinairement qu’un seul aiglon : le pere & la mere ont grand soin de leurs petits ; ils leur apportent dans leur bec le sang des animaux qu’ils ont tués, & ils leur fournissent des alimens en abondance, souvent même des animaux, comme des lievres, ou des agneaux encore vivans sur lesquels les aiglons commencent à exercer leur férocité naturelle. Lorsqu’on peut aborder une aire, on y trouve différentes parties d’animaux, & même des animaux entiers bons à manger, du gibier, des oiseaux. &c. On les enleve à mesure que l’aigle les apporte, & on retient l’aiglon en l’enchaînant pour faire durer cet approvisionnement : mais il faut éviter la présence de l’aigle ; cet oiseau seroit furieux, & on auroit beaucoup à craindre de sa rencontre ; car on dit que sans être irrité, il attaque les enfans. On dit aussi que l’aigle porte son petit sur ses ailes, & que lorsqu’il est assez fort pour se soûtenir, il l’éprouve en l’abandonnant en l’air, mais qu’il le soûtient à l’instant où les forces lui manquent. On ajoûte que dès qu’il peut se passer de secours étrangers, le pere & la mere le chassent au loin, & ne le souffrent pas dans leur voisinage non plus qu’aucun autre oiseau de proie. Mais la plûpart de ces faits n’ont peut-être jamais été bien observés ; il faudroit au moins tâcher de les confirmer. Je ne parlerai pas de ceux qui sont démentis par l’expérience, ou absurdes par eux-mêmes : par exemple, la pierre d’aigle qui tempere la chaleur de l’incubation, & qui fait éclorre les petits : Voyez Pierre d’Aigle : l’épreuve qu’ils font de leurs petits en les exposant aux rayons du Soleil, & en les abandonnant s’ils ferment la paupiere : la maniere dont les vieux aigles se rajeunissent ; & tant d’autres faits qu’il est inutile de rapporter.

Les Naturalistes assûrent que l’aigle vit long-tems, & peut-être plus qu’aucun autre oiseau. On prétend que lorsqu’il est bien vieux, son bec se courbe au point qu’il ne peut plus prendre de nourriture. Cet oiseau est un des plus rapides au vol & des plus forts pour saisir sa proie. Il est doüé à un degré éminent de qualités, qui lui sont communes avec les autres oiseaux de proie, comme la vûe perçante, la férocité, la voracité, la force du bec & des serres, &c. Voyez Oiseau de proie. (I)

*l’Aigle est un oiseau consacré à Jupiter, du jour où ce Dieu ayant consulté les augures dans l’isle de Naxos, sur le succès de la guerre qu’il alloit entreprendre contre les Titans, il parut un aigle qui lui fut d’un heureux présage. On dit encore que l’aigle lui fournit de l’ambroisie pendant son enfance, & que ce fut pour le récompenser de ce soin qu’il le plaça dans la suite parmi les astres. L’aigle se voit dans les images de Jupiter, tantôt aux piés du Dieu, tantôt à ses côtés, & presque toûjours portant la foudre entre ses serres. Il y a bien de l’apparence que toute cette fable n’est fondée que sur l’observation du vol de l’aigle qui aime à s’élever dans les nuages les plus hauts, & à se tenir dans la région du tonnerre. C’en fut là tout autant qu’il en falloit pour en faire l’oiseau du Dieu du ciel & des airs, & pour lui donner la foudre à porter. Il n’y avoit qu’à mettre les Payens en train, quand il falloit honorer leurs Dieux : la superstition imagine plûtôt les visions les plus extravagates & les plus grossieres, que de rester en repos. Ces visions sont ensuite consacrées par le tems & la crédulité des peuples, & malheur à celui qui sans être appellé par Dieu au grand & périlleux état de missionnaire, aimera assez peu son repos & connoîtra assez peu les hommes, pour se charger de les instruire. Si vous introduisez un rayon de lumiere dans un nid de hibous, vous ne ferez que blesser leurs yeux & exciter leurs cris. Heureux cent fois le peuple à qui la religion ne propose à croire que des choses vraies, sublimes & saintes, & à imiter que des actions vertueuses ; telle est la nôtre, où le Philosophe n’a qu’à suivre sa raison pour arriver aux piés de nos Autels.

Aigle, s. m. en Astronomie, est le nom d’une des constellations de l’hémisphere septentrional ; son aile droite touche à la ligne équinoctiale ; son aile gauche est voisine de la tête du serpent ; son bec est séparé du reste du corps par le cercle qui va du cancer au capricorne.

L’aigle & Antinoüs ne font communément qu’une même constellation. Voyez Constellation.

Ptolomée dans son catalogue ne compte que 15 étoiles dans la constellation de l’aigle & d’Antinoüs, Tycho-Brahé en compte 17 : le catalogue Britannique en compte 70. Hevelius a donné les longitudes, latitudes, grandeurs, &c. des étoiles qui sont nommées par les deux premiers Auteurs ; on peut voir le calcul du catalogue Britannique sur cette constellation dans l’Histoire Celeste de Flamstéed. (O)

Aigle, s. f. en Blason, est le symbole de la royauté, parce qu’il est, selon Philostrate, le roi des oiseaux ; c’est aussi la raison pour laquelle les anciens l’avoient dédié à Jupiter.

L’Empereur, le Roi de Pologne, &c. portent l’aigle dans leurs armes : on l’estime une des parties les plus nobles du Blason ; & suivant les connoisseurs dans cet art, elle ne devroit jamais être donnée qu’en récompense d’une bravoure ou d’une générosité extraordinaire. Dans ces occasions, on peut permettre de porter ou une aigle entiere, ou une aigle naissante, ou bien seulement une tête d’aigle.

On représente l’aigle quelquefois avec une tête, quelquefois avec deux, quoiqu’elle n’ait jamais qu’un corps, deux jambes, & deux ailes ouvertes & étendues, & en ce cas on dit qu’elle est éployée : telle est l’aigle de l’Empire, qu’on blasonne ainsi ; une aigle éployée, sable, couronnée ; languée, becquée & membrée de gueule.

La raison pour laquelle on a coûtume de donner dans le Blason des aigles avec les ailes ouvertes & étendues, est que dans cette attitude elles remplissent mieux l’écusson, & qu’on s’imagine que cette attitude est naturelle à l’aigle lorsqu’elle arrange son plumage, ou qu’elle regarde le Soleil. On voit cependant dans les armoiries, des aigles dans d’autres attitudes ; il y en a de monstrueuses, à tête d’homme, de loup, &c.

Les Auteurs modernes se servent du mot éployée, pour désigner une aigle qui a deux têtes ; & l’appellent simplement aigle, sans ajoûter d’épithete, lorsqu’elle n’en a qu’une. Le Royaume de Pologne porte gueule, une aigle argent, couronnée & membrée, or.

L’aigle a servi d’étendart à plusieurs nations. Les premiers peuples qui l’ont portée en leurs enseignes sont les Perses, selon le témoignage de Xénophon. Les Romains, après avoir porté diverses autres enseignes, s’arrêterent enfin à l’aigle, la seconde année du Consulat de Marius : avant cette époque, ils portoient indifféremment des loups, des léopards & des aigles, selon la fantaisie de celui qui les commandoit. Voyez Étendart.

Plusieurs d’entre les Savans soûtiennent que les Romains emprunterent l’aigle de Jupiter, qui l’avoit prise pour sa devise, parce que cet oiseau lui avoit fourni du nectar pendant qu’il se tenoit caché dans l’isle de Crete, de peur que son pere Saturne ne le dévorât. D’autres disent qu’ils la tiennent des Toscans, & d’autres enfin des habitans de l’Epire.

Il est bon de remarquer que ces aigles Romaines n’étoient point des aigles peintes sur des drapeaux ; c’étoient des figures en relief, d’or ou d’argent, au haut d’une pique ; elles avoient les ailes étendues, & tenoient quelquefois un foudre dans leurs serres. Voyez l’Hist. de Dion. liv. XI. Au-dessous de l’aigle on attachoit à la pique des boucliers, & quelquefois des couronnes. Voyez Feschius Dissert. de insignibus. Et Lipse, de Militia Romana. liv. IV. Dialogue 5.

On dit que Constantin fut le premier qui introduisit l’aigle à deux têtes, pour montrer qu’encore que l’Empire semblât divisé, ce n’étoit néanmoins qu’un même corps. D’autres disent que ce fut Charlemagne, qui reprit l’aigle, comme étant l’enseigne des Romains, & qu’il y ajoûta une seconde tête. Mais cette opinion est détruite par un aigle à deux têtes, que Lipse a observé dans la colonne Antonine, & parce qu’on ne voit qu’une seule tête dans le sceau de l’Empereur Charles IV. qui est apposé à la Bulle d’or. Ainsi, il y a plus d’apparence à la conjecture du Pere Menestrier, qui dit que de même que les Empereurs d’Orient, quand il y en avoit deux sur le Trône, marquoient leurs monnoies d’une croix à double traverse, que chacun d’eux tenoit d’une main, comme étant le symbole des Chrétiens ; aussi firent-ils la même chose de l’aigle dans leurs enseignes, & au lieu de doubler leurs aigles, ils les joignirent & les représenterent avec deux têtes : en quoi les Empereurs d’Occident suivirent bien-tôt leur exemple.

Le Pere Papebrock demande que la conjecture du Pere Menestrier soit prouvée par d’anciennes monnoies, sans quoi il doute si l’usage de l’aigle à deux têtes n’a point été purement arbitraire ; cependant il convient qu’il est probable que cet usage s’est introduit à l’occasion de deux Empereurs qui avoient été en même tems sur le throne : il ajoûte que depuis l’aigle à deux têtes de la colonne Antonine, on n’en trouve plus jusqu’au quatorzieme siecle sous l’Empereur Jean-Paléologue.

Selon M. Spanheim, l’aigle sur les médailles est un symbole de la divinité & de la providence : mais tous les autres Antiquaires disent que c’est le symbole de la Souveraineté ou de l’Empire ; les Princes sur les médailles desquels on la trouve le plus souvent, sont les Ptolemées & les Seleucides de Syrie : une aigle avec le mot consecratio dénote l’apothéose d’un Empereur. (V)

Aigle, (en Architecture.) c’est la représentation de cet oiseau qui servoit anciennement d’attribut aux chapiteaux des Temples dédiés à Jupiter. On s’en sert encore pour orner quelques chapiteaux, comme à l’ionique de l’Eglise des PP. Barnabites de Paris. (P)

* Aigle, (Géog.) petite ville de France dans la haute Normandie, à onze lieues d’Evreux & dix-neuf de Rouen.

AIGLE-BLANC, (Hist. mod.) Ordre de Chevalerie en Pologne, institué en 1325 par Uladislas V. lorsqu’il maria son fils Casimir avec la Princesse Anne fille du grand Duc de Lithuanie. Le Roi de Pologne Frédéric Auguste, Electeur de Saxe, renouvella l’Ordre de l’Aigle-blanc en 1705, afin de s’attacher par cette distinction les principaux Seigneurs, dont plusieurs penchoient pour le Roi Stanislas, Les Chevaliers de cet Ordre portoient une chaîne d’or, d’où pendoit sur l’estomac un aigle d’argent couronné.

Aigle-noir ; c’est aussi le nom d’un Ordre de Chevalerie institué le 18 Janvier 1701 par l’Electeur de Brandebourg, lorsqu’il eut été couronné Roi de Prusse. Les Chevaliers de l’Aigle-noir portent un ruban orangé, qui de l’épaule gauche passe sous le bras droit, & d’où pend une croix bleue entourée d’aigles noirs. (G)

AIGLE CELESTE, se dit figurément par les Alchimistes en parlant du sel ammoniac, parce que ce sel volatilise & emporte avec lui des matieres naturellement très-pesantes ; c’est pourquoi on se sert en Chimie de sel ammoniac pour diviser & volatiliser les minéraux & les métaux mêmes : c’est ainsi qu’on fait les fleurs de pierre hæmatite. Voyez Sel ammoniac. (M)

AIGLETTE, s. f. terme dont on se sert dans le Blason, lorsqu’il y a plusieurs aigles dans un écu. Elles y paroissent avec bec & jambes, & sont fort souvent becquées & membrées d’une autre couleur, ou d’un autre métal que le gros du corps. (V)

AIGLURES, s. f. pl. (Fauconnerie.) ce sont des taches rousses qui bigarrent le dessus du corps de l’oiseau. Le lanier plus que tous les autres est bigarré d’aiglures, qu’on appelle aussi bigarrures.

AIGNAI-LE-DUC, (Géog.) petite ville de France en Bourgogne, Généralité de Dijon.

AIGNAN (Saint) (Géog.) ville de France dans le Berry sur le Cher.

AIGRE, (Med.) ce mot exprime ce goût piquant accompagné d’astringence que l’on trouve dans les fruits qui ne sont pas encore mûrs ; c’est une bonne qualité dans ces fruits considérés comme remedes acides. Voyez Acide. (N)

AIGREDON, s. m. (Hist. nat.) espece de duvet mieux nommé édredon. Voyez Edredon. (I)

AIGREFIN, s. m. (Hist. nat.) poisson de mer mieux connu sous le nom d’égrefin. V. Egrefin. (I)

AIGREMOINE, s. f. (Hist. nat. bot.) en Latin Agrimonia, herbe dont la fleur est composée de plusieurs feuilles disposées en rose & soûtenues par le calice. Lorsque la fleur est passée, le calice devient un fruit oblong pour l’ordinaire, hérissé de piquans, & renfermant une ou deux semences le plus souvent oblongues. Tournefort, Inst. rei herb. V. Plante. (I)

AIGREMOINE, ou Eupatorium Græcorum offic. (Mat. Med.) Quelques Auteurs prétendent qu’on a donné à cette plante le nom d’Eupatorium, quasi Hepatorium, parce qu’elle est bonne contre les maladies du foie. D’autres veulent qu’elle tire son nom de Mythridate Eupator, qui, selon Pline, découvrit le premier les vertus de cette plante.

L’aigremoine a une odeur très-agréable ; on la met en infusion dans du vin jusqu’à ce qu’elle lui ait communiqué son odeur ; elle passe pour un remede souverain dans la mélancholie. Elle est un excellent vulnéraire, & quoique corroborative & astringente, elle est fort bonne dans les inflammations ; elle est aussi salutaire dans les maladies qui viennent du relâchement des fibres, dans le flux de sang, & dans les obstructions que la foiblesse des fibres cause dans les visceres. Sa vertu est admirable contre le flux hépatique, la diarrhée, la dyssenterie, le scorbut, la pourriture des gencives, la consomption, le crachement de sang, l’hydropisie, & la langueur que cause la fievre. On emploie extérieurement les feuilles de l’aigremoine bouillies dans du vin éventé avec du son, en forme de cataplasme, pour les luxations & les descentes de matrice. Elle est d’une grande utilité, lorsqu’il est question de fortifier & de ranimer les esprits ; on peut en user en forme de thé, & mettre un peu de miel dans l’infusion pour la rendre moins astringente : on veut qu’elle soit propre au foie, parce qu’étant mise en infusion dans du vin ou du petit lait, elle dégage les intestins des matieres qui y séjournent, & les fortifie ensuite ; ce qui est fort avantageux au foie. Elle est d’un usage admirable dans les pays froids.

Les gargarismes les plus ordinaires se font avec sa décoction, l’orge & le sirop de mûres. L’aigremoine contient de l’huile, du sel essentiel & du phlegme. (N)

* AIGREMONT-LE-DUC, (Géogr.) Ville de France en Bourgogne, Généralité de Dijon.

AIGREMORE, s. m. (Artificier.) Les Artificiers déguisent sous ce nom toutes sortes de charbons de bois tendres propres aux feux d’artifice, comme sont ceux de bois de bourdaine ou purine, de saule, de coudre, de tilleul, & autres semblables, lorsqu’ils sont écrasés & tamisés.

AIGRETTE, s. f. (Hist. nat.) Ardea alba minor, oiseau qui pese près d’une livre, & qui a environ vingt-deux pouces de longueur depuis la pointe du bec jusqu’à l’extrémité de la queue, & trente pouces si on prend la longueur jusqu’au bout des pattes. Tout son corps est d’un beau blanc ; il a une petite aigrette qui lui pend derriere la tête. On lui voit un espace auprès des yeux, dégarni de plumes & de couleur verte ; le bec est noirâtre & long d’environ quatre pouces ; l’iris des yeux est d’un jaune-pâle ; la langue est courte ; les pattes sont de couleur verte, & couvertes d’espace en espace d’une corne noirâtre qu’on peut lever en écaille. Le bas des jambes est dégarni de plumes ; la premiere phalange du doigt extérieur tient au doigt du milieu par une membrane.

Willughby croit que cet oiseau est le même que celui que Gesner & Aldrovande ont décrit sous le nom d’Ardea alba minor, ou Garzetta, & que Bellon appelle en François Aigrette, quoique les descriptions soient un peu différentes.

Gesner dit que les plumes de l’aigrette sont très longues & d’un grand prix ; mais Bellon & Aldrovande prétendent que les plumes dont les Grands ornent leur tête, & qui se vendent à un si haut prix en Turquie, ne sont pas de plumes de la tête de cet oiseau, mais qu’elles viennent sur le dos, à côté des ailes. Willaghby.

Cet Auteur avoit acheté à Venise l’aigrette qu’il a décrite ; elle n’avoit pas les plumes d’aigrettes ; il soupçonne qu’on les avoit arrachées avant que de vendre l’oiseau. Voyez Oiseau. (I)

Aigrette, s. f. en latin Pappus, terme de Botanique, c’est une espece de brosse ou de pinceau de poil délié qui se trouve au haut des graines des chardons, de la dent de lion, des asters, & de plusieurs autres plantes. Ces graines se soûtiennent aisément en l’air au moyen de leurs aigrettes, de sorte que le moindre vent les disperse & les porte au loin. Ces aigrettes sont un caractere par lequel on distingue plusieurs genres de plantes. Voyez Plante. (I)

* Aigrette, s. f. partie du casque connu dans les anciens Auteurs sous le nom de juba ou crista. C’étoit une boëte quarrée fixée sur le devant d’où sortoient de grandes plumes ; ce qui faisoit un assez bel ornement de tête.

Aigrette en terme de Metteur en œuvre, c’est un petit bouquet de pierres précieuses serties & assemblées dont les Dames décorent leurs coëffures. On y distingue sa queue, ses branches, ses feuillages, & ses fleurs voltigeantes. Au reste il y a des aigrettes de toutes sortes de formes, de rondes, d’ovales, de longues, de ramassées, d’étalées, à branches, sans branches, &c.

Aigrette de verre, autre sorte d’ornement ou parure des femmes, & composé de fils de verre aussi fins que des cheveux. Voyez à l’article Émail la maniere de tirer le fil de verre dont on forme des aigrettes. On lie ensemble par un bout un faisceau de ces fils au moyen d’un fil de léton très-fin & recuit pour qu’il soit plus flexible. On coupe ensuite tous les fils d’une même longueur, & l’aigrette est achevée.

Les fils des petites aigrettes après être liés, sont soudés ensemble au moyen de la flamme que le chalumeau de la lampe d’Émailleur porte sur leurs extrémités.

Aigrette se prend aussi communément par les Plumassiers pour le bouquet entier des lits & des dais ; quoique l’aigrette ne fasse que le terminer par en-haut, & que le bas du bouquet soit composé de plumes d’autruche.

Aigrette (Artific.) espece d’artifice dont le flux d’étincelles imite un peu les aigrettes de verre. On n’en parle gueres que lorsqu’il sert de porte-feu à un pot qui jette quantité d’autres artifices sous le nom de pot à aigrette.

Aigrettes, s. f. pl. ardeolæ cristæ (Hist. nat.) plumes qui ont fait donner le nom d’aigrette à l’oiseau qui les porte. V. Aigrette, oiseau. Ces plumes servent d’ornement de tête chez les nations qui ont des turbans ou des bonnets, comme les Turcs, les Perses, les Polonois, &c. On les apporte du Levant par la voie de Marseille. (I)

AIGREUR, s. f. se dit, en Medecine, des rapports acides qui viennent des premieres voies. Ces rapports sont produits par les alimens qui prennent dans l’estomac, ou reçoivent de ce viscere une qualité acide à laquelle ils sont quelquefois enclins de leur nature. La foiblesse des organes de la digestion est la cause principale des aigreurs. Aussi les enfans, les femmes, les vaporeux & les convalescens y sont-ils plus sujets que d’autres. On y remédie par les évacuants, les amers absorbans, les remedes toniques, l’exercice, la diette restaurante, &c. (N)

Aigreur, s. f. terme relatif au sens du goût : c’est cette qualité dans une substance, ou la sensation excitée sur les organes du goût par cette qualité, que nous reconnoissons dans les citrons, l’épine vinette, & autres. Exprimer l’aigre du citron, c’est en tirer le jus. (N)

AIGRIR, v. n. c’est contracter, par quelque cause que ce soit, cette qualité relative au goût que nous remarquons dans certains fruits, & qui leur est naturelle. Voyez Aigres.

Les confitures prennent cette qualité par l’humidité des fruits, quand on n’a pas soin de leur faire rendre ou leur eau naturelle, ou celle dont ils ont été imbibés en blanchissant, elle décuit le sucre, & occasionne la moisissure.

AIGU, POINTU, ou TRANCHANT, adj. m. ce qui se termine en pointe ou en tranchant, dont la forme est propre à percer ou à couper.

Ce mot pris en ce sens, est ordinairement opposé à ce que l’on appelle obtus. Voyez Obtus.

Angle aigu en Géometrie, est celui qui est plus petit qu’un angle droit, ou qui n’est pas assez grand pour être mesuré par un arc de 90 degrés. Voyez Angle. Tel est l’angle A E C. (Pl. Géom. fig. 86.)

Le triangle acutangle est celui dont les trois angles sont aigus ; on l’appelle aussi triangle oxygone. Voyez Triangle. Tel est le triangle A C B. (Pl. Géom. fig. 68.

Section acutangulaire d’un cone. C’est une expression dont les anciens Géometres se servoient pour désigner l’ellipse. Voyez Ellipse & Cone. (E.)

Aigu, en terme de Musique, se dit d’un son ou d’un ton perçant ou élevé, par rapport à quelqu’autre ton. Voyez Son.

En ce sens ce mot est opposé au mot grave.

Les sons considérés en tant qu’aigus & graves, c’est-à-dire, sous les rapports d’aigu & de grave, sont un des fondemens de l’harmonie. Voyez Ton, Accord & Harmonie. (S).

* Aigu, accent aigu, terme de Grammaire. Voyez Accent.

Aigu, adj. vaisseau aigu, aigu par l’avant, aigu par l’arriere ; c’est un vaisseau qui est étroit en son dessous, ou par les façons. (Z).

AIGUADE, s. f. c’est le lieu où les vaisseaux envoient l’équipage pour faire de l’eau, c’est-à-dire, pour renouveller leur provision d’eau douce. On trouve dans cette rade une aiguade excellente ; c’est un ruisseau qui descend des montagnes voisines, &c.

On entend aussi par ce mot la provision d’eau douce qu’on fait pour le vaisseau. On dit : Nous fîmes aiguade à cette île : mais cette expression n’est plus guere en usage, &c. On dit plus communément nous fîmes de l’eau. (Z)

AIGUAILLE, s. f. terme de chasse, c’est la rosée qui tombe le matin dans la campagne, on dit : les chiens d’aiguaille ne valent rien le haut du jour.

AIGUE-MARINE, s. f. (Hist. nat.) Aqua marina des Italiens, pierre précieuse d’une couleur mêlée de vert & de bleu, à peu près comme la couleur de l’eau de mer, d’où vient le nom d’aigue-marine, que les Modernes ont donné à cette pierre. Il y a très-grande apparence que les Anciens la connoissoient sous le nom de beril ; les plus beaux berils, dit Pline, sont ceux qui imitent la couleur de l’eau de la mer ; il distingue plusieurs especes de beril, (Voyez Beril,) auxquels il seroit très-difficile de rapporter nos aigues-marines ; par exemple, les Chryso-Berils qui avoient de la couleur d’or. Je suppose que cette couleur d’or soit sur un fond vert, c’est notre peridot, (Voyez Peridot), mais on ne peut avoir à présent que des présomptions sur la vraie signification des anciennes dénominations de la plûpart des pierres précieuses. Quoi qu’il en soit du nom ancien de l’aigue-marine, tâchons de donner un moyen sûr pour distinguer cette pierre précieuse de toute autre. L’aigue-marine étant d’une couleur verte mêlée de bleu, on ne peut la confondre qu’avec les pierres vertes & les pierres bleues qui sont les émeraudes & les saphirs : (Voyez Emeraude, Saphir) mais si on fait attention que l’emeraude doit être purement verte sans aucune teinte de bleu, & le saphir purement bleu ou indigo, & toûjours sans aucune teinte de vert, on reconnoîtra aisément que toute pierre teinte de vert & de bleu mêlés ensemble, n’est ni une émeraude ni un saphir. Ce mêlange de la couleur de l’émeraude & de celle du saphir, c’est-à-dire du vert & du bleu, caractérise si bien l’aigue-marine, qu’il n’est pas possible de s’y méprendre. Il y a des aigues-marines où le vert domine plus que le bleu ; il y en a où le bleu domine plus que le vert. Quel que soit le mêlange de ces deux couleurs, la teinte en peut être plus ou moins foncée. Ces pierres different encore entr’elles par la dureté ; les unes sont orientales, les autres sont occidentales ; les premieres sont les plus dures, leur poli est le plus fin ; elles sont par conséquent plus belles, plus rares & plus cheres que les aigues-marines occidentales. On peut distinguer toutes ces différentes especes comme il sera expliqué au mot Pierre précieuse. Les plus belles aigues-marines viennent des Indes orientales ; on dit qu’on en trouve sur les bords de l’Euphrate & au pié du mont Taurus. Les aigues-marines occidentales viennent de Boheme, d’Allemagne, de Sicile, de l’île d’Elbe, &c. On assûre qu’il y en a sur quelques côtes de la mer Océane. (I).

* AIGUES-MORTES, (Géog.) ville de France, dans le bas Languedoc. Long. 22. 54. lat. 43. 34.

* AIGUE-PERSE, (Géog.) ville de France, dans la basse Auvergne. Long. 20. 46. lat. 45. 50.

AIGUILLAT, s. m. (Hist. nat.) poisson de mer, mieux connu sous le nom de Chien de mer. Voyez Chien de mer. (I).

AIGUILLE, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer. Il y a deux sortes de poisson de mer que l’on appelle aiguille, parce que leurs mâchoires sont si fort allongées, qu’elles ressemblent en quelque façon à de longues aiguilles ; la premiere espece dont il est question dans cet article, retient simplement le nom d’aiguille ; l’autre est appellée aiguille d’Aristote. Voyez Aiguille d’Aristote.

L’aiguille est nommée en latin acus ou aculeatus ; en Normandie on lui donne le nom d’arphye. Ce poisson n’est pas gluant comme la plûpart des autres poissons ; il est long & lisse, les deux mâchoires sont fort menues & fort allongées ; celle du dessous avance plus que celle du dessus, elle est molle à son extrémité ; toutes les deux sont garnies de petites dents posées fort près les unes des autres. La tête est de couleur verte & de figure triangulaire ; les yeux sont grands, ronds & jaunes, il se trouve deux trous devant les yeux. Ce poisson a quatre ouïes doubles de chaque côté, deux nageoires près des ouïes, deux autres petites sous le ventre, & deux autres plus grandes près de la queue, l’une en dessous & l’autre au dessus ; ces deux nageoires sont garnies d’aiguillons jusqu’à la queue, qui est courte & terminée par deux petites nageoires qui la rendent fourchue. L’aiguille a le ventre plat, son corps paroît quarré, à cause d’une suite d’écaille qui va depuis la tête jusqu’à la queue ; le reste est lisse & sans écailles. L’épine du dos est verte, le dos bleu, & le ventre blanc. Toutes les parties intérieures sont allongées comme la figure de ce poisson. En été son ventre est rempli d’œufs. Sa chair est dure, seche, & indigeste. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

Aiguille d’Aristote, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer. Il y a deux sortes de poissons de mer, appellés aiguille, dont l’une retient simplement le nom d’aiguille. Voyez Aiguille. L’autre, dont il est ici question est appellée aiguille d’Aristote, parce que c’est l’espece dont l’auteur a fait mention en plusieurs endroits de ses ouvrages. On lui donne en Languedoc le nom de trompette. Il y a plusieurs de ces poissons qui sont de la longueur d’une coudée : mais ils ne sont tous pas plus gros que le doigt. L’extrémité de la tête de ce poisson est en forme de tuyau, ce qui lui a fait donner le nom de trompette ; son corps a six faces depuis la tête jusqu’à l’anus, & dans le reste il n’y a que quatre faces ; il n’est pas couvert d’écailles, mais d’une sorte d’écorce dure & gravée ; l’anus est placé presque au milieu du corps. On voit derriere l’anus une fente longue, dans laquelle on trouve des œufs, & quelquefois des petits nouvellement éclos, de différentes grandeurs. Ce poisson a deux petites nageoires auprès des ouïes, & une autre fort petite sur le dos, qui n’est bien apparente que lorsque le poisson s’agite dans l’eau ; La queue est terminée par une seule nageoire fort menue. L’aiguille d’Aristote a un conduit long qui communique de la bouche à l’estomac, qui est petit & allongé. Le foie est grand, les boyaux sont étroits & droits ; ce poisson n’a pour ainsi dire point de chair. Rondelet. Voyez Poisson.

Aiguille de Berger, scandix, (Hist. nat.) ou pecten Veneris, genre de plante, plus connu sous le nom de peigne de Venus. Voyez Peigne de Venus. (I)

Aiguille aimantée, est une lame d’acier longue & mince, mobile sur un pivot par son centre de gravité, & qui a reçu d’une pierre d’aimant la propriété de diriger ses deux bouts vers les poles du monde. Voyez Aimant.

Les meilleures aiguilles ont environ six pouces de longueur, deux lignes & demie de largeur vers le milieu, & deux lignes vers les extrémités ; l’épaisseur doit être d’environ un sixieme de ligne.

On donne ordinairement aux aiguilles aimantées la figure d’une fleche, & on fait ensorte que ce soit la pointe qui se tourne du côté du nord. V. Pl. de physique, fig. 47. Mais il est plus avantageux que ces extrémités se terminent en une pointe qui ne soit point trop aigue, comme on voit dans la fig. 48. & il sera facile de désigner par les lettres N & S, qu’on gravera sur ces extrémités, les pointes qui doivent se diriger au nord & au sud. La chappe C doit être de laiton, soudée sur le milieu de l’aiguille, & creusée d’une forme conique, dont l’axe soit bien perpendiculaire à l’aiguille, & passe par son centre de gravité. Le style F qui doit servir de pivot, doit être d’acier bien trempé, exactement droit, délié & fixé perpendiculairement sur la base B. Enfin la pointe de ce style doit être extrèmement polie & terminée en une pointe un peu mousse.

Comme il est difficile de bien placer la chappe dans le centre de gravité, on tâchera de la mettre dans cette situation le plus exactement qu’il sera possible, & l’ayant mise ensuite sur son pivot, si on remarque qu’elle ne soit pas en équilibre, on en ôtera un peu du côté qui paroîtra le plus pesant.

Quoique la plûpart des lames d’acier qu’on emploie à cet usage, aient naturellement la propriété de se diriger vers les poles du monde, & qu’on puisse aider cette propriété naturelle en les trempant dans l’eau froide après les avoir fait rougir, & les faisant recuire peu à peu, il n’est cependant pas douteux qu’on ne doit compter que sur les aiguilles qui auront été aimantées par un bon aimant.

La meilleure maniere d’aimanter une aiguille, est de la fixer sur une table, & de poser sur son milieu de chaque côté de la chappe, le pole boréal d’un bon aimant, & le pole austral d’un autre, de maniere cependant que le pole boréal de l’aimant soit posé sur la partie de l’aiguille qui doit se tourner au sud, & le pole austral de l’autre aimant sur la partie qui doit se tourner vers le nord. Ensuite on coulera chacun de ces poles en appuyant fortement du milieu vers la pointe, & on réiterera cette opération quinze ou vingt fois, en observant d’éloigner un peu les pierres avant que de les approcher de la chappe ; alors l’aiguille sera aimantée, & la partie qui aura été touchée par le pole austral de la pierre, se dirigera constamment vers le nord, & avec vivacité.

L’excellence de l’aimant avec lequel on touche l’aiguille, & la grande vertu magnétique qu’elle reçoit dans toutes les circonstances que nous venons de rapporter, sont qu’elle obéit plus facilement aux impressions magnétiques, & que les obstacles du frottement & de la résistance de l’air deviennent comme nuls : mais elle ne prend pas une meilleure direction que si elle eut été moins bien aimantée. En effet on observe que la direction des aiguilles qui n’ont jamais touché à l’aimant, ou qui ont été trempées après avoir été rougies, celles de toutes les especes d’aiguilles aimantées sur différentes pierres, de figures & de qualités différentes, & dans quelque partie du monde que ce soit ; on observe, dis-je, que la direction de toutes ces aiguilles se fait uniformément suivant le même méridien magnétique particulier à chaque lieu. Voyez fig. 35. n°. 2.

Il est arrivé quelquefois que le tonnerre tombé auprès d’une aiguille aimantée, en a changé la direction, & même qu’il lui en a donné une directement contraire : mais ces accidens sont assez rares, & ne doivent point être comptés parmi ceux qui agissent sur l’aiguille aimantée, & qui en changent constamment la direction.

On seroit bien plus porté à croire que les mines de fer, dans le voisinage desquelles se trouveroit une aiguille aimantée, pourroient altérer sa vertu directive : on s’est assûré du contraire en mettant une aiguille très-mobile auprès d’un morceau d’excellente mine de fer, qui rendoit 23 livres de fer par chaque quintal, (110 livres) sans que l’aiguille en ait été sensiblement dérangée. Mais il y a d’autres causes inconnues, dépendantes sans doute des météores, qui dérangent sensiblement l’aiguille aimantée : par exemple, à la latitude de 41d 10′ du nord & à 28d 0′ de longitude du cap Henri en Virginie, le 2 Septembre 1724, l’aiguille aimantée devint d’une agitation si grande, qu’il fut impossible de se servir de la boussole pour faire la route ; & on eut beau mettre plusieurs aiguilles en différens endroits du vaisseau, & en aimanter quelques-unes de nouveau, la même agitation continua & dura pendant plus d’une heure, après quoi elle se calma, & l’aiguille se dirigea comme à l’ordinaire.

Il y a quelque apparence que le grand froid détruit, ou du moins suspend la vertu directive de l’aiguille aimantée. Le Capitaine Ellis rapporte dans son voyage à la Baie d’Hudson, qu’un jour que son vaisseau étoit environné de beaucoup de glace, ses aiguilles aimantées perdirent entierement leur vertu directive ; que pendant que l’une suivoit une certaine direction, l’autre en marquoit une toute différente, & que pas une ne resta long-tems dans la même direction ; qu’il tâcha de remédier à ces accidens, en touchant ses aiguilles à un aimant artificiel : mais qu’il y perdit ses peines, & qu’elles perdoient en un moment la vertu qu’elles acquéroient par ce moyen ; & qu’il fut bien convaincu après plusieurs essais, que ce dérangement des aiguilles ne pouvoit être corrigé par l’attouchement de l’aimant ; que le moyen qui lui réussit le mieux pour remédier à cet accident, fut de placer ses aiguilles dans un lieu chaud, où elles reprirent effectivement leur activité, & pointerent juste comme à l’ordinaire : d’où il conclut que le froid excessif causé par les montagnes de glace dont il étoit environné, en resserrant trop les pores des aiguilles, empêchoit les écoulemens de la matiere magnétique de les traverser, & que la chaleur dilatant ces mêmes pores, rendoit la liberté au passage de cette même matiere.

Lorsqu’on place une aiguille aimantée sur une bonne méridienne, ensorte que son pivot soit bien perpendiculaire & dans le plan de cette méridienne, & qu’on la laisse ensuite se diriger d’elle-même suivant son méridien magnétique, on observe qu’elle ne se dirige pas exactement vers les poles du monde, mais qu’elle en décline de quelques degrés, tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, suivant les différens lieux, & en différens tems dans le même lieu.

La découverte de cette déclinaison de l’aiguille aimantée, a suivi de peu de tems celle de sa direction. Il étoit naturel de chercher à approfondir les circonstances de cette vertu directive, & en la mettant si souvent sur la ligne méridienne, on se sera bientôt apperçû qu’elle déclinoit. Thevenot assure dans ses voyages avoir vû une lettre de Pierre Adsiger, écrite en 1269, dans laquelle il est dit que l’aiguille aimantée déclinoit de cinq degrés : & M. de Lisle le Géographe possedoit un manuscrit d’un Pilote de Dieppe nommé Crignon, dédié en 1534 à Sebastien Chabot, Vénitien, dans lequel on fait mention de la déclinaison de l’aiguille aimantée ; cependant on fait honneur de cette découverte à Chabot lui-même, à Gonzales de Oviedo, à Robert Normann, à Dalancé, & autres.

Il paroît au reste que cette découverte étoit très connue dans le XVI. siecle ; car Hartmann l’a observée en Allemagne de 10d 15′ en l’année 1536. Dans le commencement on attribuoit cette déclinaison de l’aiguille à ce qu’elle avoit été mal aimantée, ou à ce que la vertu magnétique s’affoiblissoit : mais les observations réitérées ont mis cette vérité hors de doute.

La variation de la déclinaison, c’est-à-dire, ce mouvement continuel dans l’aiguille aimantée, qui fait que dans une même année, dans le même mois, & même à toutes les heures du jour, elle se tourne vers différens points de l’horison ; cette variation, dis-je, paroît avoir été connue de bonne-heure en France. Les plus anciennes observations sont celles qui ont été faites en 1550 à Paris ; l’aiguille déclinoit alors de 8d vers l’est, en 1580 de 11d 30′ vers l’est, en 1610 de 8d 0′ vers l’est, jusqu’à ce qu’en 1625 Gellibrand a fait en Angleterre des observations très-exactes sur cette variation.

Nous joignons ici la table des différens degrés de déclinaison de l’aiguille aimantée, faites à Paris, surtout à l’Observatoire Royal.

Table des différens Degrés de Déclinaison de l’Aiguille aimantée, observés à Paris.
1550 8 0     1716 12 20    
1580 11 30 1717 12 45
1610 8 0 1718 12 30
1640 3 0 1719 12 30
1664 0 40 1720 13 0
1666 0 0     1721 13 0
1670 1 30 1722 13 0
1680 1 40 1723 13 0
1681 2 30 1724 13 0
1683 3 50 1725 13 15
1684 4 10 1726 13 45
1685 4 10 1727 14 0
1686 4 30 1728 14 0
1692 5 50 1729 14 10
1693 6 20 1730 14 25
1695 6 48 1731 14 45
1696 7 8 1732 15 15
1698 7 40 1733 15 45
1699 8 10 1734 15 45
1700 8 12 1735 15 40
1701 8 25 1735 15 40
1702 8 48 1736 15 0
1703 9 6 1737 14 45
1704 9 20 1738 15 30
1705 9 35 1739 15 20
1706 9 48 1740 15 45
1707 10 10 1741 15 40
1708 10 15 1742 15 40
1709 10 15 1743 15 10
1710 10 50 1745 15 15
1711 10 50 1746 16 15
1712 11 15 1747 16 30
1713 11 12 1748 16 15
1714 11 30 1749 16 30
1715 11 10 1750 17 15

Pour observer commodément la déclinaison de l’aiguille aimantée, il faut tracer d’abord une ligne méridienne bien exacte sur un plan horisontal, dans un endroit qui soit éloigné de murs, ou des autres endroits où il pourroit y avoir du fer ; ensuite on placera sur cette ligne la boîte graduée d’une aiguille bien suspendue sur son axe, ensorte que le point O de la graduation soit tourné & posé bien exactement sur la méridienne du côté du nord. On aura soin que la boîte soit bien horisontale sur le plan, & que rien n’empêche la liberté des vibrations de l’aiguille ; alors l’extrémité B de l’aiguille marquera sa déclinaison, qui sera exprimée par l’arc compris depuis O jusqu’à l’endroit vis-à-vis duquel l’aiguille est arrêtée. Voyez fig. 37. n° 2.

Les observations qu’on a faites sur la déclinaison de l’aiguille aimantée, ont mis à portée de découvrir son inclinaison, c’est-à-dire, cette propriété qu’elle a de s’incliner vers un des poles du monde plûtôt que vers un autre. En effet si on construit une aiguille qui soit parfaitement en équilibre sur son pivot avant que d’être aimantée, c’est-à-dire, que son plan soit bien parallele à l’horison, dès qu’elle aura été aimantée, elle cessera d’être en équilibre, & s’inclinera dans notre hémisphere vers le pole boréal & vers le pole austral dans l’hémisphere méridional de notre globe.

Cette inclinaison est d’autant plus considérable, que l’aiguille est plus proche des poles du monde, & d’autant moindre, qu’elle est proche de l’équateur, ensorte que sous la ligne l’aiguille est parfaitement horisontale. Cette inclinaison au reste varie dans tous les lieux de la terre comme la déclinaison ; elle varie aussi dans tous les tems de l’année & dans les différentes heures du jour ; & il paroît que les variations de cette inclinaison sont plus considérables que celles de la déclinaison, & pour ainsi dire indépendantes l’une de l’autre. On peut voir dans la fig. 35. n°. 3. de quelle maniere on dispose l’aiguille pour observer son inclinaison. Mais on n’a pas été long-tems à s’appercevoir qu’une grande partie de cette variation dépendoit du frottement de l’axe sur lequel l’aiguille devoit tourner pour se mettre en équilibre ; car en examinant la quantité des degrés d’inclinaison d’une aiguille mise en mouvement & revenue à son point de repos, on la trouvoit tout-à-fait variable, quoique l’expérience fût faite dans les mêmes circonstances, dans la même heure, & avec la même aiguille : d’ailleurs on a fait différentes aiguilles avec tout le soin imaginable ; on les a faites de même longueur & épaisseur, du même acier ; on les a frottées toutes également & de la même maniere sur un bon aimant ; ç’a été par hasard quand deux se sont accordées à donner la même inclinaison ; ces inégalités ont été quelquefois à 10 ou 12 degrés : ensorte qu’il a fallu absolument chercher une méthode de construire des aiguilles d’inclinaison exemptes de ces inégalités. Ce problème a été un de ceux que l’Académie des Sciences a jugé digne d’être proposé aux plus habiles Physiciens de l’Europe ; & voici les regles que prescrit M. Dan. Bernoulli qu’elle a couronné.

1°. On doit faire ensorte que l’axe des aiguilles soit bien perpendiculaire à leur longueur, & qu’il passe exactement par leur centre de gravité.

2°. Que les tourillons de cet axe soient exactement ronds & polis, & du plus petit diametre que le permettra la pesanteur de l’aiguille.

3°. Que cet axe roule sur deux tablettes qui soient dans un même plan bien horisontal, très-dur & très poli. Mais comme l’inflexion de l’aiguille, & la difficulté de placer cet axe exactement dans le centre de gravité, peut causer des erreurs sensibles dans l’inclinaison de l’aiguille aimantée, voici la construction d’une nouvelle aiguille.

On en choisira une d’une bonne longueur, à laquelle on ajustera un axe perpendiculaire, & dans le centre de gravité le mieux qu’il sera possible ; on aura un petit poids mobile, comme de 10 grains, pour une aiguille qui en pese 6000, & on approchera ce petit poids auprès des tourillons jusqu’à environ la 20e partie de la longueur d’une des moitiés ; ensuite on mettra l’aiguille en équilibre horisontalement avec toute l’attention possible ; & lorsqu’elle sera en cette situation, on marquera le lieu du petit poids : alors on l’éloignera des tourillons vers l’extrémité de l’aiguille jusqu’à ce qu’elle ait pris une inclinaison de 5 degrés. On marquera encore sur l’aiguille le lieu du petit poids, & on le reculera jusqu’à ce que l’inclinaison soit de 10 degrés, & ainsi de suite en marquant le lieu du petit poids de cinq en cinq degrés. Après ces préparations on aimantera l’aiguille, en observant que le côté auquel est attaché le petit poids, devienne le pole boréal pour les pays où la pointe méridionale de l’aiguille s’éleve, & qu’il soit au contraire le côté méridional pour les pays où la pointe méridionale s’éleve au-dessus de l’horison.

La maniere de se servir de cette boussole d’inclinaison consiste à mettre d’abord le petit poids à la place qu’on présumera convenir à peu près à la véritable inclinaison de l’aiguille ; après quoi on l’avancera ou reculera jusqu’à ce que l’inclinaison marquée par l’aiguille s’accorde avec celle que marque le petit poids, & de cette maniere l’inclinaison de l’aiguille sera la véritable inclinaison.

L’action de l’aimant, du fer & des autres corps magnétiques mis dans le voisinage d’une aiguille aimantée, est capable de déranger beaucoup sa direction : il faut bien se souvenir que l’aiguille aimantée est un véritable aimant qui attire ou est attiré par le fer & les corps magnétiques, suivant cette loi uniforme & constante, que les poles de différens noms s’attirent mutuellement, & ceux de même nom se repoussent : c’est pourquoi si on présente une aiguille aimantée à une pierre d’aimant, son extrémité boréale sera attirée par le pole du sud de l’aimant, & la pointe australe par le pole du nord ; au contraire le pole du nord repoussera la pointe boréale, & le pole du sud repoussera pareillement la pointe australe. La même chose arrivera avec une barre de fer aimantée, ou simplement avec une barre de fer tenue verticalement, dont l’extrémité supérieure est toûjours un pole austral, & l’extrémité inférieure un pole boréal. Mais ce dernier cas souffre quelques exceptions, parce que les poles d’une barre de fer verticale ne sont pas les mêmes par toute la terre, & qu’ils varient beaucoup en cette sorte.

Dans tous les lieux qui sont sous le cercle polaire boréal & le 10e degré de latitude nord, le pole boréal de l’aiguille aimantée sera toûjours attiré par la partie supérieure de la barre, & la pointe du sud par la partie inférieure ; & on aura beau renverser la barre, la pointe boréale de l’aiguille sera toûjours attirée par le bout supérieur quel qu’il soit, pourvû que la barre soit tenue bien verticalement. A la latitude de 9d 42′ N. la pointe australe de l’aiguille étoit fortement attirée par l’extrémité inférieure de la barre : mais la pointe boréale n’étoit pas si fortement attirée par la partie supérieure qu’auparavant.

A 4d 33′ de latitude N. & 5d 18′ de longitude du cap Lésard, la pointe boréale commençoit à s’éloigner de la partie supérieure de la barre, & la pointe australe étoit encore plus vivement attirée par le bas de la barre.

A 0d 52′ de latitude méridionale, & 11d 52′ à l’occident du cap Lésard, la pointe boréale de l’aiguille n’étoit plus attirée par le haut de la barre, non plus que par sa partie inférieure ; la pointe australe se tournoit toûjours vers la partie inférieure, mais moins fortement.

A la latitude de 5d 17′ méridionale, & 15d 9′ de longitude du cap Lésard, la pointe méridionale se tournoit vers l’extrémité inférieure de la barre d’environ deux points ; & lorsqu’on éloignoit la barre, l’aiguille reprenoit sa direction naturelle après quelques oscillations : mais le même pole de l’aiguille ne se tournoit point du tout vers le bord supérieur de la barre, & la pointe septentrionale n’étoit attirée ni par le bord supérieur, ni par l’inférieur ; seulement en mettant la barre dans une situation horisontale & dans le plan du méridien, le pole boréal de l’aiguille se dirigeoit vers l’extrémité tournée au sud, & la pointe australe vers le bout de la barre tourné du côté du nord, ensorte que l’aiguille s’écartoit de sa direction naturelle de 5 ou 6 points de la boussole, & non davantage : mais en remettant la barre dans sa situation perpendiculaire, & mettant son milieu vis-à-vis de l’aiguille, elle suivoit sa direction naturelle comme si la barre n’y eût point été.

A la latitude de 8d 17′ N. & à 17d 35′ ouest du cap Lésard, la pointe boréale de l’aiguille ne se tournoit plus vers la partie supérieure de la barre, au contraire elle la fuyoit : mais le pole austral se détournoit un peu vers le bord inférieur, & changeoit sa position naturelle d’environ deux points : mais en mettant la barre dans une situation inclinée, de maniere que le bout supérieur fût tourné vers la pointe australe de l’aiguille, & le bout inférieur vers sa pointe boréale, celle-ci étoit attirée par le bout inférieur : mais lorsqu’on mettoit le bout supérieur vers le nord, & le bout inférieur vers le sud, la pointe boréale fuyoit celui-ci ; & si on tenoit la barre tout-à-fait horisontalement, il arrivoit la même chose que dans les observations précédentes.

A 15d 0′ de latitude sud, & 20d 0′ de longitude occidentale du cap Lésard, le pole austral de l’aiguille a commencé à regarder le bout supérieur de la barre, & la pointe boréale s’est tournée vers le bout inférieur d’environ un point de la boussole : mais en tenant la barre horisontalement, le pole boréal s’est tourné vers le bout de la barre qui regardoit le sud, & vice versâ.

A 20d 20′ de latitude sud, & 19d 20′ de longitude occidentale du cap Lésard, la pointe australe de l’aiguille s’est tournée vers le haut bout de la barre, & la pointe boréale vers le bout inférieur, & assez vivement ; ensorte que l’aiguille s’est dérangée de sa direction naturelle d’environ quatre points.

Enfin à 29d 25′ de latitude méridionale, & 13d 10′ de longitude occidentale du méridien du cap Lésard, les mêmes choses sont arrivées plus vivement, & cette direction a continué d’être réguliere jusqu’à une plus grande latitude méridionale.

Il paroît donc que la vertu polaire d’une barre de fer que l’on tient verticalement, n’est pas constante par toute la terre comme celle de l’aimant ou d’un corps aimanté ; qu’elle s’affoiblit considérablement entre les deux tropiques, & devient presque nulle sous la ligne ; & que les poles sont changés réciproquement d’un hémisphere à l’autre. Cet article nous a été fourni par M. le Monnier, Medecin, de l’Académie Royàle des Sciences. Voyez Aimant.

AIGUILLE, dans l’Artillerie, est un outil à Mineur qui sert à travailler dans le roc pour y pratiquer de petits logemens de poudre propres à faire sauter des roches, accommoder des chemins, &c. V. Mine. (Q)

Aiguille, s. f. c’est en Horlogerie la piece qui marque les heures ou les minutes &c. sur le cadran de toutes sortes d’horloges. Voyez la fig. I. Pl. I. de l’Horlogerie. Pour que des aiguilles soient bien faites, il faut qu’elles soient légeres, sans cependant être trop foibles, & que celles qui sont fort longues, ou qui tournent fort vîte soient bien de pesanteur, de façon qu’un bout ne l’emporte pas sur l’autre ; sans cela, dans différentes situations elles accélereroient ou retarderoient le mouvement de l’horloge. On doit encore tâcher que leur couleur soit telle qu’elle ne se confonde point avec celle du cadran, afin qu’on les distingue facilement & de loin. Ces aiguilles se fondent d’abord, si elles sont d’or ou d’argent ; & s’achevent ensuite à la lime, au foret, &c.… Quant à la maniere de les fondre, elle n’a rien de particulier. (T)

Aiguille, (Marine.) on donne ce nom à une grosse piece de bois en arc-boutant avec laquelle les Charpentiers appuient les mâts d’un vaisseau qu’on met sur le côté pour lui donner carene. Les Ordonnances du Roi veulent que lorsqu’on carene un vaisseau, le maitre de l’équipage ait soin que les aiguilles soient bien présentées & bien saisies ; les ponts bien étançonnés aux endroits où ils portent ; les caliornes bien étropées & bien garnies ; & que les pontons soient aussi garnis de caliornes, franc-funnis, barres & cabestans.

On donne encore le nom d’aiguilles à diverses pieces de bois posées à plomb, qui-servent à fermer les pertuis des rivieres pour arrêter l’eau. On les leve, lorsqu’on veut faire passer des bateaux.

On appelle aussi aiguilles des petits bateaux pêcheurs des rivieres de Garonne & Dordogne. (Z)

Aiguille (en Archit.) c’est une pyramide de charpente établie sur la tour d’un clocher ou le comble d’une église pour lui servir de couronnement. Une aiguille est composée d’une plate-forme qui lui sert d’empattement. Cette plate-forme qui porte sur la maçonnerie de la tour est traversée par plusieurs entraits qui se croisent au centre du clocher. Sur le point de réunion de ces entraits est élevé verticalement un poinçon que l’on appelle proprement aiguille. Il est soûtenu en cette situation par plusieurs arbalêtriers emmortoisés dans le poinçon & les entraits, & entouré de chevrons dont toutes les extrémités supérieures se réunissent près de son sommet. Les chevrons sont emmortoisés par en bas dans la plate-forme, & soûtenus dans différens points de leur longueur par de petits entraits qui s’assemblent avec les chevrons & le poinçon autour duquel ils sont placés. On latte sur les chevrons, & on couvre le tout de plomb ou d’ardoise.

Les aiguilles que l’on pratique sur les combles des églises sont construites de la même façon, à cette différence près, qu’elles n’ont point pour empattement une maçonerie, mais le haut de la cage du clocher qui est de charpente, lequel leur sert de plate-forme.

Aiguille, Voyez Obélisque.

Aiguille ou Poinçon, (Charpent.) piece de bois debout dans un cintre, entretenue par deux arbalêtriers qui sont quelquefois courbes, pour porter les dosses d’un pont.

Aiguille, s. f. petit instrument d’acier trempé, délié, poli, & ordinairement pointu par un bout, & percé d’une ouverture longitudinale par l’autre bout. Je dis ordinairement, & non pas, toûjours percé & pointu ; parce qu’entre les instrumens qui portent le nom d’aiguille, & à qui on a donné ce nom, à cause de l’usage qu’on en fait, il y en a qui sont pointus & non percés, d’autres qui sont percés & non pointus, & d’autres encore qui ne sont ni pointus ni percés. De toutes les manieres d’attacher l’un à l’autre deux corps flexibles, celle qui se pratique avec l’aiguille est une des plus étendues. Aussi distingue-t-on un grand nombre d’aiguilles différentes. On a les aiguilles à coudre ou de tailleur, les aiguilles de chirurgie, d’artillerie, de bonnetier ou faiseur de bas au métier, d’horloger, de cirier, de drapier, de guainier, de perruquier, de coëffeuse, de faiseuse de coëffe à perruque, de piqueur d’étuis, tabatieres & autres semblables ouvrages, de sellier, d’ouvrier en soie, de brodeur, de tapissier, de chandelier, d’embaleur, à matelas, à empointer, à tricoter, à enfiler, à presser, à brocher, à relier, à nater, à boussole ou aimantée, &c. sans compter les machines qu’on appelle du nom d’aiguille, par le rapport de leur forme avec celle de l’aiguille à coudre. Voyez Aiguille, Architecture.

Aiguille de tailleur ou à coudre. Cette aiguille qui semble avoir donné son nom à toutes les autres sortes, se fabrique de la maniere suivante. Ayez de l’acier d’Allemagne ou de Hongrie ; mais surtout de Hongrie, car celui d’Allemagne commence à dégénérer. Voyez l’article Acier. Faites passer cet acier soit au charbon de terre, soit au charbon de bois, selon l’endroit où vous fabriquerez. Mettez-le chaud sous le martinet pour lui ôter ses angles, l’étirer & l’arrondir. Lorsqu’il sera fort étiré & qu’il ne pourra plus soûtenir le coup du martinet, continuez de l’étirer & de l’arrondir au marteau. Ayez une filiere à différens trous ; faites passer ce fil par un des grands trous de votre filiere, & trifilez-le. Ce premier trifilage s’appelle dégrossir. Quant aux machines dont on se sert pour trifiler. Voyez les articles épinglier & trifilerie. Après le premier trifilage ou le dégrossi, donnez un second trifilage par un plus petit trou de votre filiere, après avoir fait chauffer votre fil ; puis un troisieme trifilage par un troisieme trou plus petit que le second. Continuez ainsi jusqu’à ce que votre fil soit réduit par ces trifilages successifs au degré de finesse qu’exige la sorte d’aiguilles que vous voulez fabriquer. Mais observez deux choses, c’est qu’il semble que la facilité du trifilage demande un acier ductile & doux, & que l’usage de l’aiguille semble demander un acier fin, & par conséquent très-cassant. C’est à l’ouvrier à choisir entre tous les aciers, celui où ces deux qualités sont combinées de maniere que son fil se tire bien, & que les aiguilles aient la pointe fine, sans être cassantes. Mais comme il y a peu d’ouvriers en général qui entendent assez bien leurs intérêts, pour ne rien épargner quand il s’agit de rendre leur ouvrage excellent ; il n’y a guere d’aiguilliers qui ne disent que plus on cassera d’aiguilles, plus ils en vendront ; & qui ne les fassent de l’acier le plus fin, d’autant plus qu’ils ont répandu le préjugé que les bonnes aiguilles devoient casser. Les bonnes aiguilles cependant ne doivent être ni molles ni cassantes. Graissez votre fil de lard, à chaque trifilage, il en sera moins revêche & plus docile à passer par les trous de la filiere.

Lorsque l’acier est suffisamment trifilé, on le coupe par brins à-peu-près d’égale longueur ; un ouvrier prend de ces brins autant qu’il en peut tenir les uns contre les autres étendus & paralleles, de la main gauche. Voyez cet ouvrier aiguillier Pl. I. fig. 1. a. Il est assis devant un banc. Ce banc est armé d’un anneau fixe à son extrémité c. Il est échancré circulairement à son extrémité b. L’anneau de l’extrémité c reçoit le bout long, de la branche d’une cisaille ou force d. A l’échancrure circulaire b, est ajusté un seau rond ; l’ouvrier tient l’autre branche de la cisaille de la main droite a, & coupe les brins de fil d’acier qui tombent dans le seau. Ces bouts de fil d’acier coupés passent entre les mains d’un second ouvrier qui les palme. Palmer les aiguilles, c’est les prendre quatre à quatre, plus ou moins, de la main gauche, par le bout qui doit faire la pointe, placé entre le pouce & l’intervalle de la troisieme & de la seconde jointure de l’index, de les tenir divergentes, & d’en applatir sur l’enclume l’autre bout. Ce bout fera le cul de l’aiguille. Voyez fig. 4. un ouvrier qui palme : Voyez la même manœuvre, même Planche figure 16. k est la main de l’ouvrier palmeur : l sont les aiguilles à palmer sur l’enclumeau. On conçoit aisément que ce petit applatissement fera de la place à la pointe de l’instrument qui doit percer l’aiguille : mais pour faciliter encore cette manœuvre, on tache d’amollir la matiere. Pour cet effet, on passe toutes les aiguilles palmées par le feu, on les laisse refroidir ; & un autre ouvrier tel que celui qu’on voit fig. 2. assis devant un billot à trois piés d, prend un poinçon à percer, l’applique sur une des faces applaties de l’aiguille, & frappe sur le poinçon ; il en fait autant à l’autre face applatie, & l’aiguille est percée. On voit cette manœuvre séparée, même Planche, figure 15. n est la main de l’ouvrier armée du marteau à percer ; m est l’autre main avec le poinçon. On apperçoit sous le poinçon l’aiguille, & l’aiguille est posée sur l’enclumeau. On transporte les aiguilles percées sur un bloc de plomb, où un ouvrier qu’on voit fig. 3. ôte à l’aide d’un autre poinçon le petit morceau d’acier qui est resté dans l’œil de l’aiguille, & qui le bouche. Cet ouvrier s’appelle le troqueur ; & sa manœuvre, troquer les aiguilles. Les aiguilles troquées passent entre les mains d’un ouvrier qui pratique à la lime cette petite rainure qu’on apperçoit des deux côtés du trou & dans sa direction ; c’est ce qu’on appelle les évider. Quand les aiguilles sont évidées ; & que la canelle ou la rainure ou la railure est faite, & le cul de l’aiguille arrondi, ce qui est encore de l’affaire de l’évideur ; on commence à former la pointe à la lime ; ce qui s’appelle pointer l’aiguille ; & de la même manœuvre, on en forme le corps, ce qui s’appelle dresser l’aiguille. Quand les aiguilles sont pointées & dressées, on les range sur un fer long, plat, étroit & courbé par le bout. Voyez ce fer en p, fig. 13. avec la pince dont on prend ce fer, quand il est chaud. Quand il est tout couvert, on fait rougir sur ce fer les aiguilles, à un feu de charbon. Rouges on les faits tomber dans un bassin d’eau froide pour les tremper. C’est cette opération qu’on voit même Pl. fig. 5. c’est la plus délicate de toutes. C’est d’elle que dépend toute la qualité de l’aiguille. Trop de chaleur brûle l’aiguille ; trop peu la laisse molle. Il n’y a point de regle à donner la-dessus. C’est l’expérience qui forme l’œil de l’ouvrier, & qui lui fait reconnoître à la couleur de l’aiguille quand il est temps de la tremper. Après la trempe, se fait le recuit. Pour recuire les aiguilles, on les met dans une poele de fer, sur un feu plus ou moins fort, selon que les aiguilles sont plus ou moins fortes. L’effet du recuit, est de les empêcher de se casser facilement. Il faut encore avoir ici grande attention au degré de la chaleur. Trop de chaleur les rend molles & détruit la trempe ; trop peu, les laisse inflexibles & cassantes. Il arrive aux aiguilles dans la trempe, où elles sont jettées dans l’eau fraîche, de se courber, de se tordre & de se défigurer. C’est pour les redresser & les restituer dans leur premier état, qu’on les a fait recuire. On les redresse avec le marteau ; cette manœuvre s’appelle dresser les aiguilles de marteau. Il s’agit ensuite de les polir. Pour cet effet, on en prend douze à quinze mille qu’on range en petits tas, les uns auprès des autres, sur un morceau de treillis neuf couvert de poudre d’émeri. Quand elles sont ainsi arrangées, on répand dessus de la poudre d’émeri ; on arrose l’émeri d’huile ; on roule le treillis ; on en fait un espece de bourse oblongue, en le liant fortement par les deux bouts, & le serrant par tout avec des cordes. Voyez fig. 24. les aiguilles rangées sur le treillis, & fig. 12. le treillis roulé & mis en bourse. On prend cette bourse ou ce rouleau ; on le porte sur la table à polir ; on place dessus une planche épaisse, chargée d’un poids & suspendue par deux cordes. Un ou deux ouvriers font aller & venir cette charge sur le rouleau ou la bourse, pendant un jour & demi & même deux jours de suite. Par ce moyen, les aiguilles enduites d’émeri sont continuellement frottées les unes contre les autres selon leur longueur, & se polissent insensiblement. V. cette manœuvre même Pl. fig. 6. L est la table ; M est la planche ; n est le poids dont elle est chargée ; oo les cordes qui tiennent le tout suspendu ; p l’ouvrier. On peut polir de plusieurs manieres ; à deux, ou à un : à deux, le poids est suspendu par quatre cordes égales, & la table est horisontale : à un, il n’y a que deux cordes & la table est inclinée. L’ouvrier tire la charge, & la laisse ensuite aller. En Allemagne, on fait aller ces machines ou d’autres semblables par des moulins à eau. La machine qu’on voit figure 6 s’appelle polissoire ; & son effet est le poliment. Lorsque les aiguilles sont polies, on délie les deux extrémités du rouleau, s’il n’y en avoit qu’un sous la polissoire ; car on peut très-bien y en mettre plusieurs. Le rouleau délié ; on jette les aiguilles dans de l’eau chaude & du savon ; ce mêlange en détache le camboui formé d’huile, de parties d’acier & de parties d’émeri dont elles sont enduites ; & cette manœuvre s’appelle lessive. Lorsque les aiguilles sont lessivées ; on prend du son humide, qu’on étale ; on répand les aiguilles encore humides sur ce son. Elles s’en couvrent, en les remuant un peu. Quand elles en sont chargées, on les jette avec ce son dans une boëte ronde qui est suspendue en l’air par une corde & qu’on agite jusqu’à ce qu’on juge que le son, & les aiguilles sont secs & sans humidité. C’est ce qu’on entend par vanner les aiguilles. Mais il est plus commode d’avoir pour van, une machine telle qu’on la voit fig. 8. même Planche. C’est une boîte ab quarrée, traversée par un axe, à une des extrémités duquel est une manivelle qui met en mouvement la boîte, avec le son & les aiguilles qu’elle contient. Après que les aiguilles sont nettoyées par le van, où on a eu le soin de les faire passer par deux ou trois sons différens, on les en tire, en ouvrant la porte b du van qui est tenue barrée. On les met dans des vases de bois. On les trie. On sépare les bonnes des mauvaises ; car on se doute bien qu’il y en a un bon nombre dont la pointe ou le cul s’est cassé sous la polissoire & dans le van. Ce triage, & l’action de leur mettre à toutes la pointe du même côté, s’appelle détourner les aiguilles : il n’est plus question que de les empointer, pour les achever. C’est ce qu’un ouvrier placé comme dans la fig. 7. exécute sur une pierre d’émeri qu’il fait tourner comme on voit même fig. tenant la manivelle de la roue d’une main, & roulant la pointe de l’aiguille sur la pierre d’émeri qui est en mouvement. Voilà enfin le travail des aiguilles achevé. La derniere manœuvre que nous venons de décrire s’appelle l’affinage.

Lorsque les aiguilles sont affinées, on les essuie avec des linges mollets, secs, & plûtôt gras & huilés qu’humides. On en fait des comptes de deux cens cinquante qu’on empaquete dans de petits morceaux de papier bleu que l’on plie proprement. De ces petits paquets on en forme de plus gros qui contiennent jusqu’à cinquante milliers d’aiguilles de différentes qualités & grosseurs ; on les distingue par numero. Celles du numero 1 sont les plus grosses ; les aiguilles vont en diminuant de grosseur jusqu’au numero 22, qui marque les plus petites. Les 50 milliers sont distribués en treize paquets, douze de 4 milliers, & un paquet de deux milliers. Le paquet de quatre milliers est distribué en quatre paquets d’un millier, & le paquet d’un millier en quatre paquets de deux cens cinquante. Chaque paquet porte le nom & la marque de l’ouvrier. Le paquet de deux cens cinquante est en gros papier bleu ; les autres en papier blanc ; tous sont encore couverts de gros papiers blancs en six ou sept doubles, qui font leur enveloppe commune : cette enveloppe est bien ficelée ; on la recouvre de deux vessies de cochon qu’on ficelle, & les vessies de cochon, d’une grosse toile d’emballage. Toutes ces précautions sont nécessaires, si l’on ne veut pas que les aiguilles se rouillent. Le paquet tel que nous venons de le former, est marqué à l’extérieur avec de l’encre, des différens numeros des aiguilles qui y sont contenues.

Ce sont les Merciers & les Aiguilliers-Alèniers qui font le négoce des aiguilles ; il est considérable : on les tire de Rouen & d’Evreux. L’Allemagne en fabrique beaucoup ; il en vient sur-tout d’Aix-la-Chapelle. On n’en fabrique plus guere à Paris ; si on y trouve encore quelques Aiguilliers, ce sont de ceux qui font de grandes aiguilles à broder, pour la tapisserie, pour les métiers à bas ; en un mot des seules sortes qui se font à peu de frais, & qui se vendent cher. Il y a des aiguilles à tapisserie qu’on vend jusqu’à six sols la piece. Il n’étoit guere possible qu’une Communauté d’ouvriers fabriquant l’aiguille à coudre, qui demande tant de préparations, & qui se donne à si bon marché, se formât & se soûtînt dans une ville capitale où les vivres sont chers, à moins qu’elle n’en eût eu le privilége exclusif : mais il me semble qu’il n’y a qu’un seul cas où les priviléges exclusifs puissent être accordés sans injustice ; c’est celui ou c’est l’inventeur d’une chose utile qui le demande. Il faut récompenser les inventeurs, afin d’exciter entre les sujets d’un état l’esprit de recherche & d’invention : mais accorder à une Compagnie le privilége exclusif de la fabrication d’un ouvrage que beaucoup de gens peuvent faire, c’est vouloir que cet ouvrage, au lieu de se perfectionner, aille toûjours en dégénérant, & soit toûjours vendu plus cher ; le fabriquant privilégié sûr de vendre, met à ce qu’il fait le moins d’étoffe & de perfection qu’il peut ; & le Marchand est contraint d’acheter sans mot dire. Dans l’impossibilité de se mieux pourvoir ailleurs, il faut qu’il se contente de ce qu’il trouve.

Les aiguilles à Tailleur se distribuent en aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres, & en aiguilles à rabattre, à coudre, & à rentraire. L’aiguille dont le Tailleur se sert pour coudre, rentraire, & rabattre, est la même : mais entre les Tailleurs, les uns font ces manœuvres avec une aiguille fine, les autres avec une aiguille un peu plus grosse. Il en est de même des aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres ; il ne seroit pourtant pas mal de prendre l’aiguille à boutons & à galons, un peu plus forte que l’aiguille à boutonnieres, parce qu’elle a plus de résistance à vaincre.

Les Chirurgiens se servent d’aiguilles ordinaires pour coudre les bandes, & autres pieces d’appareils. Il y en a de particulieres pour différentes opérations. On se sert d’aiguilles pour la réunion des plaies & pour la ligature des vaisseaux. Ces aiguilles sont courbes (V. les figures 6 & 7. Pl. III.) on y considere trois parties, la tête, le corps, & la pointe. La tête doit avoir moins de volume que le corps ; elle est percée d’une ouverture longuette entre deux rainures latérales plus ou moins profondes, suivant la dimension de l’aiguille. L’usage de ces rainures est de contenir une partie des fils qui traversent l’œil, afin qu’ils passent facilement dans les chairs. Les rainures & l’œil doivent se trouver du côté des tranchans. Le corps de l’aiguille commence où finissent les rainures ; il doit être rond, & commencer un triangle en approchant de la pointe. La pointe est la partie la plus large de l’aiguille : elle doit en comprendre le tiers. Elle forme un triangle dont la base est plate en-dehors ; les angles qui terminent cette surface sont tranchans, & par conséquent très-aigus. Le commencement de cette pointe est large, & diminue insensiblement jusqu’à l’extrémité qui doit être assez fine pour faire le moins de douleur qu’il est possible, mais en même tems assez solide pour ne point s’émousser en perçant le tissu de la peau. La base du triangle dont nous avons parlé forme le dos ou la convexité de l’aiguille ; la surface concave est double : ce sont deux biseaux séparés par une vive arrête. Par cette construction, le corps & la tête armée des fils passent facilement par l’ouverture que la pointe a faite ; & le Chirurgien ne risque point de se blesser, le corps de l’aiguille n’étant point tranchant ; condition que la plûpart des Couteliers négligent. La courbure mal faite donne une grande imperfection aux aiguilles ; & cette imperfection est commune. Il ne faut pas que la courbure soit particulierement affectée à la pointe ; tout le corps de l’aiguille doit contribuer à former un arc ; car l’aiguille en pénétrant à une certaine distance d’une levre de la plaie pour passer par son fond, & sortir à pareille distance de l’autre levre, doit décrire une ligne courbe dans toute son étendue ; & si toute l’aiguille ne contribue pas également à la formation de sa courbure, l’opération sera très-douloureuse, & sujette à accidens ; parce que la tête & le corps formant une ligne droite, ne pourroient traverser les chairs qu’en froissant considérablement le passage. Il y a des aiguilles de différentes grandeurs & de différens degrés de courbure, selon la profondeur des plaies ; on proportionne toûjours le volume du fil à celui des aiguilles, comme l’aiguille à la plaie. Voyez Plaie.

Les aiguilles pour la suture des tendons (Voyez fig. 8. Pl. III.) ont le corps rond ; la pointe ne coupe point sur les côtés : elles sont plates par cette extrémité où il n’y a qu’un tranchant dans la concavité, la partie convexe étant arrondie & mousse ; cette construction a été imaginée pour que l’aiguille ne fasse qu’écarter les fibres tendineuses qui sont disposées parallelement. L’œil de cette aiguille doit par la même raison répondre à son tranchant & à son dos, afin que le fil passe plus facilement, & n’écarte pas la plaie. Les habiles Chirurgiens ne se servent pas de suture pour la réunion des tendons, ce qui supprime l’usage de ces aiguilles. Voyez Plaie des tendons.

Les aiguilles pour le bec de lievre (fig. 9. Pl. III.) sont toutes droites ; leur corps est exactement cylindrique, & elles n’ont point d’œil. Leur pointe est applatie, tranchante sur les côtés, & a la forme d’une langue de vipere, afin de couper en perçant, & de faire une voie large au reste de l’aiguille. Quelques Praticiens veulent que ces aiguilles soient d’or, pour ne se point rouiller dans la plaie.

M. Petit a imaginé des épingles d’or ou d’argent à deux têtes pour l’opération du bec de lievre. (fig. 11. Pl. III.) Les aiguilles qui sont destinées à les conduire sont en forme de lardoires. (fig. 10. Pl. III.) Leur corps est cylindrique ; leur tête est fendue pour loger une extrémité des épingles : la pointe est un peu courbe, triangulaire, & tranchante sur les côtés. Voyez Bec de lièvre.

Il y a une aiguille particuliere pour la ligature de l’artere intercostale. On en doit l’invention à M. Goulard, Chirurgien de Montpellier, & de la Société Royale des Sciences de cette ville. Elle ressemble à une petite algalie ; sa tête est en plaque, son corps qui a trois pouces de longueur, est cylindrique : sa pointe qui est tranchante sur les côtés, & percée de deux trous, est à l’extrémité d’un demi-cercle capable d’embrasser une côte. Il y a une rainure sur la convexité pour loger les fils. Nous parlerons de ce moyen en parlant de la ligature de l’artere intercostale.

Les aiguilles à abattre la cataracte (fig. 12. Planche XXIII.) sont montées sur un manche d’ivoire, de bois, ou de métal, de trois pouces de long : elles sont droites, & la pointe est à langue de serpent bien tranchante. Il faut en avoir qui aient une petite rainure le long de leur corps pour conduire une lancette en cas de besoin. Ces aiguilles doivent être d’un acier bien pur & bien trempé ; leur longueur au-delà du manche est d’un pouce trois ou quatre lignes ; le manche peut leur servir d’étui. Voyez Cataracte.

L’aiguille à anevrisme (fig. 18. Pl. III.) a le corps cylindrique, sa tête est une petite palette qui sert à la tenir avec plus de sûreté ; sa courbure est grande, & forme une panse pour donner plus de jeu à l’instrument. La pointe au lieu d’être triangulaire, comme aux autres aiguilles, est un cylindre applati dont les côtés sont obtus. L’extrémité de la pointe ne pique point ; elle a un œil à quelques lignes de sa pointe. On trouve une aiguille de cette forme, mais un peu plus matérielle, dans Ambroise Paré à l’article du point doré pour les hernies. Je n’ai pas pû découvrir à qui l’on devoit la perfection & l’application de cet instrument à l’opération de l’anevrisme. Saviard, Obs. 7. décrit cette aiguille dans l’appareil préparé pour l’opération d’un anevrisme en 1691, & en parle comme d’un instrument d’usage ordinaire. Voyez Anévrisme.

M. Petit a imaginé une aiguille pour l’anevrisme (Pl. XIX. fig. 3.) elle est plate, large, & un peu courbée en S. Elle a vers sa pointe qui est mousse deux ouvertures dans lesquelles on fait passer les deux bouts d’un ruban composé de trois ou quatre brins de fil. Lorsque cette aiguille est passée sous l’artere ; on coupe l’anse du fil qu’elle portoit, & les deux bouts se trouvent d’un seul coup d’aiguille placés aux endroits où il faut faire la ligature. Cette aiguille convient aux anevrismes faux ; on ne peut pas s’en servir aux anevrismes par dilatation, parce qu’il faudroit que la pointe de cette aiguille fût plus large que la poche, afin de porter d’un seul coup les fils au lieu où il le faut ; & en outre il faudroit autant d’aiguilles qu’il peut y avoir de degrés différens de dilatation.

Il y a une aiguille pour l’opération de la fistule à l’anus ; (Pl. XXVI. fig. 13.) cette aiguille doit être d’un argent mou & fort pliant : elle est longue de sept pouces, épaisse d’une demi-ligne, large de deux lignes à l’endroit de sa tête, & diminuant doucement pour se terminer en pointe. Il y a une ouverture ou chas de sept lignes de longueur à la tête de cet instrument ; & on pratique sur une de ses surfaces une rainure qui commence à quelques lignes de son ouverture, & finit à quelques lignes de sa pointe. L’ouverture sert en cas de besoin à passer un séton, & la rainure à conduire un bistouri pour ouvrir un sinus, si on le juge à propos.

Il faut aussi que le Chirurgien porte dans son étui une aiguille à sétons. Je ne désigne pas par-là un mauvais instrument piquant & tranchant en forme de carrelet, pour percer la peau dans l’opération du séton, mais j’entends un stylet d’argent boutonné par une de ses extrémités, & avant à l’autre un œil ou chas propre à porter une bandelette de linge effilée qu’on nomme séton, pour entretenir la communication de deux plaies. Voyez Séton & Opération du séton.

Comme il peut se trouver des plaies qui percent la cuisse de part en part, il faut que le Chirurgien ait une aiguille fort longue ; on la fait de deux pieces qui ont chacune environ cinq pouces de longueur. Une de ces pieces peut être appellée mâle, & l’autre femelle : celle-là a son extrémité antérieure boutonnée, & son autre extrémité est en vis. La piece femelle a un écrou dans son extrémité antérieure, & un œil ou chas à son autre bout qui sert de tête à l’instrument. (Y)

* Ce sont les Couteliers qui font ces aiguilles ; elles se forgent, s’émoulent, & se polissent comme les autres ouvrages de ces ouvriers. Voyez l’article Coutelier.

Aiguille, instrument de blanchisseurs de cire ; c’est un morceau de fer long dont ils se servent pour déboucher les trous de la greloüoire, lorsque la cire s’y arrête.

Aiguille, terme & outil de Guainier ; cette aiguille est de la longueur d’un pouce ; elle se met dans le porte-aiguille, & sert à l’ouvrier à faire les trous dans ses ouvrages pour y poser les petits clous d’ornement. Du reste elle n’a rien de particulier dans sa forme, sinon que pointue par un bout, comme la plûpart des autres aiguilles, elle n’est pas ouverte ou percée par l’autre.

Il y a une petite aiguille de Gantier qui n’est proprement, ni à cul rond, ni à cul long, mais dont la pointe est en tiers point ; de maniere pourtant qu’une des faces est plus large que les deux autres. La raison de cette forme, c’est que cette aiguille destinée à coudre des peaux extrèmement fines, qui doivent être cousues à points imperceptibles, étant faite proprement en langue, fend plûtôt ces peaux qu’elle n’y fait des trous, & permet une couture si fine qu’on le veut.

Aiguille à tête ou à cheveux ; c’est un morceau d’acier, fer, léton, argent, or, &c. poli & menu, de quatre pouces de longueur, ou environ, dont les femmes se servent pour arranger leurs cheveux quand elles se coëffent. Ces aiguilles ont la tête plate & percée en longueur, & la pointe peu piquante. Il n’est pas nécessaire de rendre raison de cette forme.

Aiguille à réseau ; c’est un morceau de fer fendu par les deux extrémités, dont on se sert pour faire les réseaux sur lesquels les Perruquiers appliquent les tresses de cheveux pour monter leurs perruques. V. Réseau.

Aiguille à emballer, grosse aiguille de fer ou d’acier, longue de cinq ou six pouces, ronde par la tête, tranchante & à trois quarres par la pointe.

Aiguille à matelas, autre espece d’aiguille de douze ou quinze pouces de longueur ; les Tapissiers s’en servent pour piquer de ficelle leurs matelas, & autres ouvrages.

Aiguille à empointer ; especes de carrelets assez longs dont les Marchands se servent pour arrêter avec du gros fil ou de la ficelle les plis des pieces d’étoffe.

Aiguille servant à faire les filets ou reseaux de ficelle, corde, cordonet, & dont on se sert pour pêcher, chasser, & fermer les baies des jeux de paulme, est pour les grands ouvrages à mailles larges, une piece de bois, & pour les petits une piece de fer terminée en pointe obtuse par une de ses extrémités A (fig. 1. Planche du Paumier.) & par l’autre en fourchette sur laquelle on monte la ficelle ou le fil dont le filet doit être composé. Cette aiguille a une ouverture vers sa pointe dont les deux tiers sont occupés par une languette cylindrique qui se termine en pointe. Cette languette doit être dans le même plan que l’aiguille qui est plate. On attache en D extrémité inférieure de la languette un bout de la ficelle dont on veut garnir l’aiguille. Cette ficelle ainsi attachée est conduite dans la fourchette C, & revient par l’autre côté de l’aiguille embrasser la languette B ; elle retourne ensuite dans la fourchette d’où elle revient encore embrasser la languette, mais du côté opposé à son premier tour, ainsi de suite jusqu’à ce que l’aiguille en soit suffisamment garnie. Voyez à l’article Filet l’usage de cette aiguille & comment on fabrique les filets par son moyen.

Aiguille, chez les Piqueurs d’étuis, de tabatieres, &c. est une espece de petit poinçon dont on se sert pour forer les pieces qu’on veut piquer. Elle est trop petite pour être tenue entre les doigts ; c’est pour cela qu’elle est montée sur une espece de manche ou porte-aiguille. Si la matiere à piquer est dure, on supplée à l’aiguille par le foret ou le perçoir. Voyez Perçoir.

Aiguille à Sellier ; c’est une aiguille à quatre quarres, dont les Selliers se servent pour coudre leurs ouvrages ; on l’appelle aussi carrelet à cause de sa figure qui est quarrée : il y en a de grosses, de moyennes & de fines, suivant la délicatesse de l’ouvrage auquel on veut les employer.

Aiguille de chasse, morceau de fer (N fig. 11. Planche de Draperie.) ouvert d’un côté, d’un pié de longueur, & tarodé de l’autre de la même longueur, servant à soûtenir la chasse ou le battant des métiers de draps, à la hausser ou baisser, avancer ou reculer suivant le besoin. Les lames des chasses C sont insérées dans l’ouverture de l’aiguille & arrêtées avec deux ou trois vis à écrou. La partie tarodée Y de l’aiguille passe dans une ouverture de la traverse B du métier qui arrête le pié de devant & celui de derriere. Il y a dans cette traverse une ouverture de la longueur d’un pié sur dix-huit lignes de largeur ; & sur cette traverse sont attachées deux tringles de fer dentelées xx de même longueur, & posées chacune le long de l’ouverture. Une piece de fer vv faite en coûteau & ouverte dans le milieu reçoit par son ouverture la partie tarodée de l’aiguille, est posée sur les deux tringles xx appellées cramailleres, & forme avec l’aiguille une espece de croix. Au-dessus de la piece vv est un écrou à oreilles appellé le poulet, qui reçoit la partie tarodée de l’aiguille. Le poulet sert à hausser ou baisser la chasse ; & la piece de fer qui forme la croix & qui soûtient la chasse a encore la liberté d’avancer ou reculer sur les cramailleres, & d’entraîner avec elle la chasse qui avance ou recule en même tems. On verra à l’article Draperie la nécessité d’avancer ou reculer, hausser ou baisser la chasse.

Aiguille à meche ; c’est dans la fabrique des chandelles moulées un fil de fer long d’un pié, recourbé par un bout & en anneau par l’autre bout. On le fait entrer dans le moule par l’ouverture d’en-haut, le crochet ou bout recourbé tourné vers l’ouverture d’enbas ; on passe dans le crochet la boucle d’un nœud coulant qui tient à la meche, & qui par cette raison s’appelle fil à meche. En tirant l’aiguille on entraine la meche qui suit le fil à meche ; on attache le fil à meche au culot du moule ; cela fait, on prend l’autre extrémité de la meche qui est restée hors du moule & qui excede l’ouverture d’en-bas ; on la tire ferme avec les doigts afin de tenir la meche droite, tendue & au centre du moule. Voyez Moule, Chandelle moulée, Culot. Les Chandeliers ont encore une autre aiguille qu’ils appellent aiguille à enfiler. Elle est longue d’un pié ou environ ; ils s’en servent pour mettre la chandelle par livres : ils enfilent le nombre de chandelles qui doit former ce poids, puis avec un morceau de fil dont l’aiguille à enfiler est garnie, ils attachent ensemble ces chandelles. On appelle pennes les morceaux de fil qui sont employés à cet usage par les Chandeliers ; ils les achetent des Tisserands. Ce sont des bouts de chaînes qu’on ne peut travailler, & qui restent quand on leve les pieces entre le battant & l’ensuple de derriere.

Aiguille à presser, espece de grosse aiguille de fer longue de quelques pouces & triangulaire par sa pointe. Les ouvriers en tapisserie s’en servent pour arranger, séparer ou presser leurs soies ou leurs laines après qu’ils les ont placées entre les fils de la chaine, afin de former plus parfaitement les contours du dessein. Voyez fig. 5. Planche de tapisserie de haute-lisse. Il est évident que sa pointe triangulaire & ses angles rendent cette aiguille beaucoup plus propre à ces usages que si elle étoit ronde.

Aiguille, (Hydraul.) est une piece de bois arrondie, assez menue, & longue de six piés, retenue en tête par la brise, & portant par le pié sur le seuil d’un pertuis. Cette piece sert, en la fermant, à faire hausser l’eau. (K)

Aiguille, (Fauconnerie.) maladie des faucons, causée par de petits vers courts qui s’engendrent dans leur chair. Ces vers sont plus petits & plus dangereux que les filandres.

Aiguille ; (Chasse.) on tuoit autrefois les loups avec des aiguilles : on en avoit deux ; elles étoient pointues par les deux bouts ; on les mettoit en croix, & on les attachoit l’une sur l’autre avec un crin de cheval, qui tendoit à les séparer. On les replioit avec effort, pour les enfoncer dans un morceau de viande. On exposoit aux loups cette viande ainsi préparée ; les loups avaloient les aiguilles & la viande goulument ; & quand la viande étoit digérée, les aiguilles reprenant leur premiere situation, en vertu de l’effort du crin de cheval, revenoient en croix, piquoient les intestins, & faisoient mourir ces animaux.

Aiguilles, sont aussi des fils ou lardons que les valets de chiens pour sanglier, doivent porter pour panser & recoudre les chiens que les défenses du sanglier auront blessés.

AIGUILLER la soie, en terme de Manufacture, c’est se servir de poinçons d’aiguilles, & autres instrumens de cette nature, pour nettoyer la soie sur l’asple ou hors de l’asple. Cette manœuvre est expressément défendue par l’article 17 du règlement de Piémont, sous peine de dix livres d’amende ; &c c’est avec juste raison : la soie sur l’asple s’érailleroit & se détordroit par le poinçon ; hors de l’asple ce seroit encore pis, parce qu’elle est sèche. D’ailleurs, ce besoin d’aiguiller la soie marque qu’on n’a pas pris les précautions nécessaires, soit dans la séparation des cocons, soit dans leur séjour dans la bassine, pour en tirer une soie pure & nette.

Aiguille à tricoter ; ce sont des fils de fer ou de laiton, longs, menus, polis, & arrondis par les bouts, qui servent à tricoter des bas, des gants, & autres ouvrages de cette nature, soit en fil, soit en laine.

Aiguilles d’ensuple ; les aiguilles d’ensuple ne sont autre chose que des pointes d’aiguilles ordinaires qu’on casse pour l’usage qui fuit. Dans les manufactures d’ouvrages en soie, si vous appuyez votre main sur l’ensuple de devant des métiers à velours ciselés & à petits velours, vous vous sentirez piquer d’une multitude de petites pointes. Ce sont des bouts d’aiguilles cassées qui sont fichés dans l’ensuple, la partie aiguë en haut. Ils sont placés sur quatre bandes différentes, & il y en a trois rangées sur chaque bande. Ils débordent au-dessus de la surface de l’ensuple d’une ligne ou environ. Leur usage est d’arrêter les velours ciselés & les petits velours à mesure qu’on les fabrique, & de contribuer en même tems à la tension qui convient à la chaîne. Les ensuples des velours unis ont été très-long-tems garnies de bouts d’aiguilles, ainsi que les ensuples des velours ciselés, & celles des petits velours, qu’on appelle communément velours de Hollande. Mais on conçoit facilement que ces petites pointes passant à travers l’étoffe, la percent d’une infinité de trous, & que l’étoffe étant tendue & tirée, ces petits trous sont encore aggrandis par cette action ; aussi l’ouvrage regardé au jour au sortir de dessus l’ensuple, en paroît-il criblé. On conçoit encore que ce doit être un inconvénient considérable pour des fabriquans qui se piquent de mettre dans leurs ouvrages la derniere perfection. On a beaucoup cherché le moyen d’y remédier, & l’on désespérois presque de le découvrir, lorsqu’on inventa l’entacage. Il n’y a point d’embarras pour les étoffes qui peuvent être roulées fortement sur elles-mêmes sans se gâter. Mais il n’en est pas ainsi des velours : si on les rouloit fortement, dès le commencement du second tour l’envers se trouveroit appliqué & serré sur le poil, qui en seroit écrasé. Voilà ce qui a fait imaginer les aiguilles. Elles tiennent l’ouvrage également tendu dans toute sa largeur ; mais elles le piquent, & ne satisfont qu’à la moitié de ce qu’on souhaite. De quoi s’agissoit-il donc quand on cherchoit l’entacage ? de trouver une machine qui se plaçat & se déplaçât en peu de tems, & qui tînt l’ouvrage tendu également dans fa longueur & fa largeur, sans le piquer en dessous & sans le froisser en dessus. Il n’y a que la seconde partie de ce probleme qui soit résolue par l’entacage, car il faut trop de tems pour entaquer & desantaquer. C’est par cette raison principalement qu’on ne s’en sert point dans les ouvrages où la fassure, c’est-à-dire la plus grande quantité d’étoffe que l’ouvrier puisse fabriquer sans tourner l’ensuple & sans enrouler, est très-petite ; c’est le cas des velours ciselés & des petits velours. La tire fatigueroit trop la chaîne, si la fassure étoit longue dans les velours ciselés ; d’ailleurs comme ce genre d’étoffe est très-fourni, les piquûres des aiguilles n’y font pas grand dommage. Dans les petits velours la chaine est trop fine, pour que la fassure puisse être longue. Il faut donc dans ces deux sortes de velours, tourner fréquemment, & par conséquent s’en tenir aux aiguilles, quoiqu’elles doivent rendre le travail des petits velours fort délicat. L’entacage n’a donc chassé les pointes que de l’ensuple des velours unis, dont l’ouvrier ne fabriquant qu’environ deux fassures par jour, ne desantaque qu’une fois ou deux. Reste donc un beau problème à proposer aux Méchaniciens, & surtout à l’habile Académicien M. de Vaucanson, à qui ces objets sont si connus, & qui s’est déja immortalisé par tant de machines délicates. Ce problème consiste à trouver une machine appliquable à tout genre d’étoffe en général, qui ne la pique point en dessous, qui ne la froisse point en dessus, & qui soit telle encore que l’ouvrier puisse changer souvent de fassure sans perdre beaucoup de tems. Ceux qui chercheront cette machine, trouveront plus de difficulté à la trouver qu’elle n’en présente d’abord.

Aiguilles à Brodeur. Les Brodeurs ont trois sortes d’aiguilles au moins ; les aiguilles à passer, les aiguilles à soie, & les aiguilles à frisure, L’aiguille à passer l’or & l’argent differe de l’aiguille à coudre en ce qu’elle a le trou oblong, au lieu que celle à Tailleur ou à coudre l’a quarré. Comme il faut effiler l’or pour enfiler cette aiguille, & que quand l’or est effilé il ne reste plus qu’une soie plate, il étoit nécessaire que l’aiguille à passer eût l’œil oblong. L’aiguille à soie est plus menue que l’aiguille à passer, & son œil est aussi très-oblong. L’aiguille à frisure s’enfilant d’une soie extremement fine, est encore plus petite que l’aiguille à soie, & a l’œil encore plus oblong : son œil est une petite fente imperceptible. L’aiguille à enlever s’enfile de ficelle ou de fil, & a le cul rond comme celle du Tailleur. Outre les noms que nous venons de donner à ces aiguilles, celle à enlever s’appelle encore aiguille à lisiere ; & celle à frisure, aiguille à bouillon.

Les aiguilles à faire le point sont comme les aiguilles à passer, mais extrèmement menues.

Les aiguilles à tapisserie sont grosses, fortes, & ont l’œil extrèmement large & long, sur-tout quand elles sont à tapisserie en laine.

Aiguilles de métier à bas ou de Bonnetier. Ces aiguilles sont plates par un bout, aiguës & recourbées par l’autre. La partie recourbée & aigue trouve, quand on la presse, une petite chasse pratiquée dans le corps de l’aiguille où elle peut se cacher. Voyez Planches d’Aiguillier-Bonnetier, fig. 7. 1. est la queue de l’aiguille, 2. sa tête, 3. son bec, 4. 5. sa chasse. Voici la maniere dont on fabrique cette aiguille. On a du fil d’acier fort élastique & fort doux : comme le fil d’acier nous vient des trifileries en paquets roulés, il s’agit d’abord de le redresser : pour cet effet, on le fait passer à plusieurs reprises entre des clous d’épingles plantés perpendiculairement & à la distance convenable sur une planche où on les voit par rangées. La fig. 1. Plan. de l’Aiguiller-Bonnetier est l’engin. La planche est percée de deux trous, 1. 2. à ses extrémités, pour pouvoir être fixée par des vis, 34. 34. 34. sont les clous d’épingles fichés sur la planche. 56. est le fil d’acier passé entre ces clous d’épingles. Quand le fil d’acier est redressé, on le coupe par morceaux de la longueur que doit avoir l’aiguille. On prend chacun de ces morceaux & on les aiguise en pointe avec une lime rude ; ce qui s’appelle ébaucher. On n’a que faire de dire que cette pointe formera le bec de l’aiguille. On prend l’aiguille ébauchée ; on a une espece de gaufrier chaud ; on insere dans ce gaufrier le bec de l’aiguille : cette manœuvre, qu’on appelle donner le recuit, détrempe l’aiguille & la rend moins cassante. Quand elle est recuite, elle se perce à l’étau. L’étau dont on se sert pour percer l’aiguille est une machine très-ingénieuse : sa queue A, en forme de pyramide, fig. 3. s’enfonce comme celle d’un tas d’Orfevre dans un billot de bois : son corps B a un rebord a, a, a, qui empêche l’étau d’enfoncer dans le billot. Ses deux mâchoires laissent entr’elles une ouverture quarrée F, dans laquelle on place une piece quarrée G. On doit remarquer à cette piece quarrée G, qui s’appelle bille, une rainure 1. 2. assez profonde. C’est dans cette rainure qu’est reçûe l’aiguille dont on veut faire la chasse ou qu’on veut percer. Imaginez la bille G placée dans le quarré F, sa rainure tournée vers l’ouverture n. Tournez la vis E ; l’extrémité de cette vis appuiera sur la bille, la pressera latéralement, & l’empêchera de sortir par le côté qu’elle est entrée. La bille ne pourra pas non plus sortir par le côté du quarré F opposé à son entrée, parce qu’on l’a fait un peu plus étroit ; en sorte que cette bille G entre en façon de coin dans ce quarré F. On a pratiqué l’ouverture n à la mâchoire courbe de l’étau, perpendiculairement au-dessus de la rainure 1. 2. de la bille G, & par conséquent de l’aiguille qu’il faut y supposer placée. Tournez la piece c, afin que l’aiguille qui s’insere dans la rainure par le côté opposé de la bille, ne s’y insere que d’une certaine quantité déterminée, & que toutes les aiguilles soient percées à la même distance du bec. Assemblez maintenant avec le corps de l’étau la piece H, au moyen des trois vis 1. 2. 3. qui fixent cette piece sur les deux mâchoires. Vous voyez dans le plan supérieur de cette piece H une ouverture m ; que cette ouverture corresponde encore perpendiculairement à l’ouverture n & à la rainure 1. 2. de la bille G : cela supposé il est évident qu’un poinçon kl, qui passeroit juste par l’ouverture m, par l’ouverture n, rencontreroit la rainure 1. 2. de la bille G, & par conséquent l’aiguille qui y est logée. Soit l’extrémité tranchante de ce poinçon, correspondante à la rainure & au milieu de l’aiguille ; frappez un coup de marteau sur la tête k de ce poinçon, il est évident que son extrémité 4. tranchante, ouvrira ou plûtôt s’imprimera dans l’aiguille. C’est cette empreinte qu’on appelle chasse ; & l’aiguille au sortir de cet instrument ou étau, est dite aiguille percée, quoique dans le vrai elle ne soit que creusée, & non ouverte d’outre en outre.

Cet étau est très-bon : mais il y en a un plus simple de l’invention du sieur Barat, le premier faiseur de métier à bas qu’il y ait à Paris, & qu’il y aura peut-être jamais. Voyez Planche 8. du métier à bas, fig. 1. ABCD est un étau fixé sur un établi : E est l’extrémité du poinçon. 1. 2. 3. 4. 5. 6. fig. 2. est sa partie inférieure. K, fig. 3. est la bille à laquelle on voit plusieurs rainures, afin qu’elle puisse servir à percer plusieurs sortes d’aiguilles. Fig. 4. L, est une plaque qui s’ajuste par le moyen des vis mn, dans l’endroit de la partie inférieure de l’étau chifré 5. 6. 4. 7. Imaginez donc la partie inférieure 1. 2. 3. 4. fig. 2. couverte de sa supérieure, comme on voit en A B C D, fig. 1. Imaginez la bille K, fig. 3. placée dans le quarré 8. 3. 6. 4. Imaginez la plaque L, figure 4 fixée en 5. & 7. fig. 2. par les vis mn. Imaginez la grande vis à écrou à oreille, fig. 5 passée dans l’ouverture S de la plaque, fig. 4 & dans le trou 6. du dessous de l’étau fig. 2 l’écrou de la grande vis fig. 5 se trouvera appliqué sur le milieu de la plaque qui fixera la bille dans le quarré 8. 3. 6. 4. fig. 2 l’aiguille à percer fig. 6. s’inserera en G fig. 1. dans la rainure de la bille, & ne pourra s’avancer dans cette rainure qu’autant que le lui permettra l’extrémité de la grande vis qui est percée d’un petit trou dans lequel l’extrémité de l’aiguille est reçûe. Le poinçon fig. 7. entrant exactement par l’ouverture 1. 2. rencontrera avec son tranchant l’aiguille ; & s’il est frappé il y formera une chasse.

On n’a qu’à choisir de ces deux machines celle qu’on voudra ; elles percent les aiguilles également bien : mais la derniere est la plus simple. Quand l’aiguille est percée, on l’adoucit à la lime, & on l’applatit un peu à l’endroit de la chasse : quand elle est adoucie on la polit. Pour la polir, on l’enferme avec un grand nombre d’autres dans un morceau de treillis, & l’on procede comme pour polir l’aiguille à coudre ou à Tailleur. Voyez Aiguille à coudre ou à Tailleur. On la savonne de même ; on la seche : pour la sécher, on en prend un grand nombre qu’on met avec du son & de la mie de pain dans le moulin. Le moulin est une boite ronde & cylindrique, traversée par un arbre, qui est la seule piece de cette machine qui mérite d’être considérée. Voyez fig. 8. le moulin, & fig. 6. son arbre. Cet arbre est traversé de bâtons qui servent à sasser & vanner les aiguilles, pendant que le corps du moulin tourne sur lui-même. On plie les aiguilles au sortir du moulin : on a pour cet effet un outil appellé plioir, qu’on voit fig. 5. c’est une plaque de fer pliée en double, de maniere que les côtes AB, CD, soient bien paralleles. On insere dans le pli la pointe d’une aiguille IKL on tourne le plioir qu’on tient par la partie EFGH, qui lui sert de manche : on tient l’aiguille ferme ; par ce moyen sa pointe se plie en K ; & il est évident qu’une autre aiguille se pliera de la même quantité. On fait le bec ou le crochet, en saisissant avec une tenaille l’extrémité de l’aiguille, & en la contournant comme on voit figure 7. de maniere que l’extrémité aigue puisse se cacher dans la chasse. Après que le bec est fait, on palme : palmer, c’est applatir dans le plan du corps du bec sur un tas l’extrémité de l’aiguille qui doit être prise dans le plomb à aiguille. Voyez Plomb à aiguille. Enfin on les jauge, & c’est la derniere façon. On voit fig. 4. la jauge. C’est une plaque mince d’acier ou de fer, percée de trous ronds, & fendue par les bords de fentes de différentes largeurs, mais qui vont toutes jusqu’au trou. On place la tête d’une aiguille dans un de ces trous, & on la fait ensuite sortir par une des fentes : il est évident que si l’aiguille a plus de diametre que la fente, elle ne passera pas. On présente successivement la même aiguille à différentes sentes, en allant de la plus étroite à la plus large, & la fente par laquelle elle sort marque son numero ou sa grosseur.

Ces numeros commencent à 22. & continuent jusqu’à 26. inclusivement : ils reprennent à 28. il n’y a point d’aiguilles du 29. il y en a du 30. du 40. point des numeros intermédiaires : il y en a quelquefois du 25. mais rarement. Voyez à l’article Bas au métier la raison de ces numeros & de leurs sauts. Il est ordonné par le Reglement du 30. Mars 1700. que pour les ouvrages de soie chaque plomb portera trois aiguilles ; & que pour les ouvrages de laine, de fil, de coton, de poil de castor, chaque plomb en portera deux : quant à l’usage de ces aiguilles, Voyez aussi l’article Bas au métier & les planches.

Aiguilles à Perruquier ; ce sont des aiguilles très-fortes, aiguës par un bout, percées par l’autre, & beaucoup plus longues que les aiguilles ordinaires. Les Perruquiers s’en servent pour monter les perruques.

Les Aiguilles passe-grosses ou passe-très-grosses, n’ont rien de particulier que ce nom qu’on leur a donné parce qu’elles ne sont point comprises dans les numeros qui désignent les différentes grosseurs des autres aiguilles.

Les Aiguilles à ficelle sont encore plus grosses que les précédentes ; elles portent trois pouces de long : leur nom indique leur usage.

On donne aussi le nom d’aiguille à cette partie du fléau d’une balance, qui s’eleve perpendiculairement sur son milieu, & qui par son inclinaison de l’un ou de l’autre côté de la fourchette, indique l’inégalité de pesanteur des choses mises sur les plateaux, ou qui par son repos & son parallélisme aux branches de la fourchette, indique équilibre ou égalité de poids entre les choses pesées. La romaine a deux aiguilles qui ont la même fonction ; l’une en dessus de la broche qui porte la garde forte, & l’autre au-dessus de celle qui porte la garde foible.

Aiguilles de l’éperon. C’est la partie de l’éperon d’un vaisseau, qui est comprise entre la gorgere & les portes-vergues, c’est-à-dire la partie qui fait une grande saillie en mer. Voyez Fleche, & la fig. marine, Planche IV. n°. 184. & Planche V. fig. 2.

Les aiguilles sont deux pieces de bois qu’on proportionne au relevement qu’ont les préceintes, pour les y joindre bien juste, & leur donner en même tems une belle rondeur, afin que l’éperon ne baisse pas, & ne paroisse pas comme se détacher du bâtiment, ce qui est extrèmement laid. On place la frise entre les deux aiguilles. L’aiguille inférieure d’un vaisseau de 134 piés de long de l’étrave à l’étambord, doit avoir 22 piés de long, 17 pouces de large, & 14 pouces d’épaisseur à son arriere, c’est-à-dire au bout qui joint l’avant du vaisseau. Sa courbure doit être de plus de 20 pouces pour donner plus de grace. A 5 piés de son arriere l’aiguille doit avoir 12 pouces de large ; à 9 piés, elle doit avoir 11 pouces ; & à 2 piés de son extrèmité, au bout de devant, elle n’a que 5 pouces, c’est-à-dire en son dessus. L’aiguille supérieure est moins forte que l’inférieure, elle doit avoir un pié de large à son arriere, & 5 pouces en avant ; son épaisseur doit être de 12 pouces à son arriere, & 9 en devart. (Z)

Aiguilles de tré ou de trévier. Ce sont les aiguilles dont on se sert pour coudre les voiles. Il y en a de trois sortes ; aiguilles de couture : aiguilles à œillets, c’est pour faire des boucles de certaines cordes qu’on appelle bagues, & les appliquer sur des trous qu’on appelle œillets, où l’on passe des garcettes ; aiguilles de ralingue doubles & simples, c’est-à-dire pour coudre & appliquer ces cordes qu’on emploie pour servir d’ourlet aux voiles. (Z)

Aiguilles. Ce sont, dans les Manufactures en soie, des filets de plomb de 10 à 11 pouces de longueur, du poids de deux onces, attachés aux mailles de corps pour tenir les cordes de sample & de rame tendues, & la soie de la chaîne baissée. Il y a des aiguilles de demi-once, plus ou moins, dans les métiers à la petite tire. Quand au nombre qu’il en faut pour chaque métier, Voyez l’article Velours cïselé, auquel nous avons rapporté la plûpart des autres étoffes. Voyez Planche VI. soierie, n°. 14. les aiguilles.

* Aiguilles, (Hist. anc.) acus discriminales & crinales. Les premieres ou les discriminales servoient aux femmes mariées à séparer en deux leurs cheveux sur le devant, & cette raie pratiquée entre leurs cheveux ainsi séparés, les distinguoit des filles. En effet presque toutes les têtes antiques de femmes qu’on trouve dans le P. Montfaucon, ont les cheveux séparés : les autres les ont frisés sur le devant du front, à l’exception de quelques-unes : mais il n’y a rien d’étonnant en cela, les modes varioient chez les Romains ainsi que parmi nous, & les coëffures ont rechangé à Rome jusqu’à quatre fois en vingt ans. Les aiguilles crinales servoient seulement à tenir les boucles des cheveux frisés.

AIGUILLETIER, s. m. est à Paris un ouvrier qui fait & vend des lacets & autres ustenciles ferrés de cette espece. Il peut vendre encore des nœuds d’épaule, & toutes sortes de menue mercerie, comme cordons de canne, de chapeaux, lisieres d’enfans, jarretieres, &c. Les Aiguilletiers font à Paris un corps de Communauté, mais peu nombreux. Le plus beau de leur privilége est de vendre, sans aucuns fers, toutes les marchandises qu’ils peuvent ferrer.

AIGUILLETTE, s. f. (Mercerie.) est un morceau de tresse, tissu ou cordon plat ou rond, ferré par les deux bouts, dont on se sert pour mettre sur l’épaule ou pour attacher quelque chose. Les aiguillettes sont du commerce des Marchands Merciers : mais ce sont les Passementiers-Boutonniers qui les fabriquent, & ont droit de les vendre, pourvû qu’elles soient faites de tresses rondes ou plates. On fait des aiguillettes de fil d’or & d’argent, de soie, de fil, &c. Les aiguillettes ont eu le sort de bien d’autres ajustemens ; elles sont hors de mode. On n’en voit plus gueres qu’aux domestiques, & aux cavaliers de certains régimens. On dit aujourd’hui nœud d’épaule.

Aiguillette (Manége.) Noüer l’aiguillette, espece de proverbe qui signifie cinq ou six sauts ou ruades consécutives & violentes qu’un cheval fait tout-à-coup par gaieté, ou pour démonter son cavalier. Voyez Saut, Ruade. (V)

* Aiguillettes de mahot, petites cordes faites avec l’écorce du mahot filée : on s’en sert dans les isles Françoises-Américaines à attacher les plantes de tabac aux gaulettes, quand on veut les faire secher à la pente.

Aiguillettes, sont parmi les Aiguilletiers des rubans de fil ou de soie ferrés à l’ordinaire, dont les dames & les enfans se servent pour soûtenir leurs juppes.

AIGUILLIER, Artisan qui fait & qui vend des aiguilles, des alenes, &c. Les Aiguilliers forment à Paris une Communauté, dont les statuts sont du 15 Septembre 1599. Par ces statuts ils sont qualifiés Maîtres Aiguilliers-Alèniers, & faiseurs de burins, carrelets & autres petits outils servant aux Orfevres, Cordonniers, Bourreliers & autres, &c. Suivant ces statuts, aucun ne peut être reçû maître qu’il n’ait atteint l’âge de vingt ans, qu’il n’ait été en apprentissage pendant cinq ans, & ensuite servi les maîtres trois années en qualité de compagnon, & qu’il n’ait fait chef-d’œuvre : il faut pourtant en excepter les fils de maîtres qui sont reçûs après un seul examen.

Chaque maître est obligé d’avoir sa marque particuliere, dont l’empreinte soit mise sur une table déposée chez le Procureur du Roi au Châtelet.

Vers la fin du XVII. siecle, la Communauté des Aiguilliers ayant de la peine à subsister, fut réunie à celle des maîtres Epingliers par Lettres patentes de l’année 1695. Les Jurés des deux Communautés réunies furent réduits au nombre de trois ; savoir, deux Aiguilliers & un Epinglier. On fit quelques changemens dans les statuts, qui pour le surplus resterent en vigueur. Voyez l’article Epinglier.

AIGUILLON, s. m. (Hist. nat.) aculeus, partie du corps de plusieurs insectes. Par exemple, l’abeille a un aiguillon qui est placé à la partie postérieure de son corps ; c’est avec cet aiguillon qu’elle pique. V. Abeille, Insecte. On a donné le nom d’aiguillon, aculeus, aux parties osseuses & pointues qui sont dans les nageoires & sur d’autres parties du corps de la plûpart des poissons. Voyez Poisson. On entend aussi quelquefois par le mot aiguillon, aculeus, spina, les pointes, les piquans des hérissons, des porc-épics, des oursins, &c. Voyez Herisson, Porc-épic, Oursin. (I)

Aiguillon, (Manége.) Voyez Valet.

Aiguillon, instrument de la campagne ; c’est un bâton de neuf à dix piés de longueur, d’un bon pouce de diametre, armé d’une douille pointue par le bout, ou simplement aiguisée & durcie au feu : on s’en sert pour piquer les bœufs & les exciter au travail.

Aiguillon, (Chasse.) se dit de la pointe qui termine les fumées des bêtes fauves. Les fumées ont des aiguillons, c’est une bête fauve qui a passé.

Aiguillon, (Géog.) ville de France en Guyenne dans l’Agenois. Long. 18. 8. lat. 44. 25.

AIGUILLONNÉ, adj. (Chasse.) se dit des fumées qui portent un aiguillon quand elles sont en nœuds, ce qui marque ordinairement que les cerfs ont eu quelque ennui.

AIGUISÉ, adject. en terme de Blason, se dit d’une croix, d’une fasce, d’un pal, dont les bouts sont taillés en pointe, mais de sorte néanmoins que ces pointes ne forment que des angles obtus.

L’aiguisé differe du fiché en ce que celui-ci s’appétissant depuis le haut, se termine par le bas en une pointe aiguë ; au lieu que la pointe de l’aiguisé ne prend que tout au bas.

Chandos, d’argent au pal aiguisé de gueules. (V)

AIGUISER la pierre ; on entend par cette expression dans les usines où l’on travaille la pierre calaminaire & le cuivre, détacher l’enduit qui couvre les faces intérieures des moules dans lesquels on coule les tables, lorsque cet enduit ne peut plus supporter de fonte. Voyez le détail de cette opération à l’article Calamine.

AIGURANDE, (Géog.) ville de France dans la Marche sur les confins du Berry. Long. 19. 35. lat. 46. 25.

AIL, en Latin allium, s. m. (Hist. nat.) herbe dont la fleur approche en quelque maniere de celle du lis : elle est composée de six feuilles ; le pistil en occupe le milieu, & devient dans la suite un fruit arrondi & divisé en trois loges remplies de semences presque rondes. Ajoûtez au caractere de ce genre les fleurs qui naissent en bouquets sphériques, les racines composées de tuniques qui enveloppent plusieurs tubercules charnus, & les feuilles de la plante qui ne sont point en tuyau comme celles de l’oignon. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Ail, (Jardinage.) Rien n’est si fort que l’odeur de cette plante ; elle rend l’appétit aux animaux dégoûtés, & il y a des pays où l’on en met dans les viandes à rôtir. On enfonce les cayeux en terre de trois ou quatre pouces à la fin de Février, & à autant de distance l’un de l’autre. On les sort de terre à la fin de Juillet pour les faire sécher dans un lieu convenable, & les garder d’une année à l’autre. (K)

* Ail, (Mat. med.) On tire des gousses de l’ail dans l’analyse chimique un phlegme limpide, qui a le goût & l’odeur de l’ail, d’abord un peu acide & salé, puis moins salé & fort acide ; une liqueur limpide fort acide & enfin acerbe ; une liqueur limpide roussâtre, soit un peu acide, soit alkaline urineuse & pleine de sel volatil urineux ; un sel volatil urineux concret ; une huile épaisse, & de la consistance d’extrait.

La masse noire restée dans la cornue, calcinée pendant 9 heures au feu de réverbere, a donné des cendres dont on a tiré par lixiviation du sel fixe salé. Ainsi l’ail est composé d’un sel ammoniac uni avec beaucoup d’huile, soit subtile, soit grossiere, acre, mais capable d’une grande expansion.

Il contient des parties subtiles, actives, acres & un peu caustiques : actives, si on en met à la plante des piés en emplâtre, l’haleine sentira l’ail : acre, cette qualité se discerne au goût : caustique, c’est une suite de l’analyse chimique & d’autres expériences.

* AILAH, (Géog.) petite & ancienne ville d’Asie dans l’Arabie Petrée sur la mer rouge : c’est l’ancien Elath. Long. 53. 10. lat. 29. 20.

AILE, s. f. (Ecrivain.) Les Ecrivains entendent par l’aile d’une plume la partie supérieure & barbue d’une plume. Ils y distinguent le dessus & le dessous, la partie cannelée qu’ils nomment l’aile intérieure ou le dedans de l’aile, & la partie lisse qu’ils appellent l’extérieure ou le dessus.

Aile, ala. Les Hébreux sous le nom d’aile entendent non-seulement les ailes des oiseaux, mais aussi le pan des habits, l’extrémité d’un pays, les ailes d’une armée ; & dans le sens figuré & métaphorique, la protection, la défense. Dieu dit qu’il a porté son Peuple sur les ailes des aigles ; c’est-à-dire, qu’il les a tirés de l’Egypte comme un aigle porte ses petits sous ses ailes. Le Prophete prie Dieu de le protéger sous ses ailes : il dit que les enfans des hommes esperent dans la protection de ses ailes, in tegmine alarum tuarum sperabunt. Ruth prie Booz d’étendre sur elle l’aile de son habit : expande pallium tuum (Hébreu) alam tuam super famulam tuam. Dans Jérémie ij. 34, le sang s’est trouvé dans vos ailes, dans le pan de vos habits. Isaïe parlant à l’armée du Roi d’Israel & de Syrie, qui devoit venir sur les terres de Juda, dit : l’étendue de ses ailes remplira toute votre terre, ô Emmanuel. Le même Prophete nomme les sistres des Egyptiens cimbalum alarum, apparemment à cause des baguettes qui joüoient dans les trous du sistre. Exod. xix. 4. Deut. xxxij. 11. Psal. xxj. 9. xxv. 8. Ruth iij. Is. viij. 8. & xviij. 1.

Ailleurs il nomme l’aile de la terre l’extrémité du pays. Isaïe xiv. 16. Nous avons oüi les loüanges du juste de l’extrémité de la terre : à finibus terræ, (l’Hébreu) ab alis terræ. Voyez aussi Job xxxviij. 13. Tenuisti extrema terræ. Malach. vj. 2. On donne aux rayons du soleil le nom d’ailes : orietur vobis sol justitiæ & sanitas in pennis ejus : ou plûtôt on nous représente le soleil comme ayant des ailes à cause de la rapidité de sa course. Les Poëtes donnent quelquefois des ailes aux animaux qui traînent le char d’Apollon : ils en donnent aussi à Mithras, qui est le soleil. Osée iv. 19. parlant du vent, nous le représente avec des ailes : ligavit eum spiritus in alis suis. Calmet, Dict de la bib. tom. I. lettre A. pag. 88. (G)

Aile, en Anatomie, se dit de différentes parties, comme des inférieures du nez, des deux lames osseuses de l’apophyse ptérigoide, des quatre apophyses de l’os sphenoide, dont deux sont appellées les grandes ailes, & deux les petites ailes. Voyez Pterigoide, Sphenoide, Nez, &c. Voyez Pl. I. Anatomie, fig. 2. 5. HIK VX4 l’os sphenoide. VX4 les grandes ailes. H l’aile externe. I l’aile interne. K le petit crochet qui s’observe à l’extrémité de l’aile interne. (L)

Aile, partie du corps des oiseaux qui est double, & qui correspond à nos bras & aux jambes de devant des quadrupedes. C’est par le moyen des ailes que les oiseaux se soûtiennent en l’air & volent. Tout animal qui peut voler, a des ailes ou des parties de son corps qui ressemblent à des ailes pour la figure & pour le mouvement, comme on le voit dans plusieurs insectes tels que les mouches, les papillons, les scarabés, &c. On trouve même des animaux bien différens des insectes & des oiseaux, qui sont cependant conformés de façon qu’ils peuvent voler ; tels sont les chauve-souris & l’écureuil volant. Aussi y a-t-il beaucoup de différence entre toutes ces sortes d’ailes ; les unes sont membraneuses, les autres sont cutanées. Voyez Insecte, Chauve-souris, écureuil. Les ailes des oiseaux sont couvertes de plumes, ou pour mieux dire les plumes sont la principale partie des ailes des oiseaux. Cette conformation paroît la plus favorable pour le vol : cependant il y a des oiseaux qui ne peuvent pas voler, quoiqu’ils aient des ailes ; tels sont le pingouin, l’émeu & l’autruche.

Il ne sera ici question que des ailes des oiseaux. Voici ce que dit à ce sujet M. Formey, Secrétaire de l’Académie Royale des Sciences de Berlin, dans un manuscrit qu’il nous a remis.

« Ailes, parties du corps des oiseaux, qui sont les instrumens du vol, & qui sont façonnées pour cet effet avec beaucoup d’art, placées à l’endroit le plus commode du corps, & le plus propre à le tenir dans un exact équilibre au milieu d’un fluide aussi subtil que l’air. En général, toute la structure des ailes est parfaitement convenable à leur méchanisme

» Elles sont façonnées avec beaucoup d’art. Cet art incomparable brille dans la construction de chaque plume. Le tuyau en est extrèmement roide & creux par le bas, ce qui le rend en même tems fort & léger. Vers le haut il n’est pas moins dur, & il est rempli d’une espece de parenchyme, ou de moelle, ce qui contribue aussi beaucoup à sa force & à sa légereté. La barbe des plumes est rangée régulierement des deux côtés, large d’un côté & étroite de l’autre. On ne sauroit assez admirer l’exactitude du sage Auteur de la nature dans le soin exact qu’il a pris d’une partie aussi peu considérable que le paroît cette barbe des plumes qui sont aux ailes. On y peut observer entr’autres ces deux choses. 1°. Que les bords des filets extérieurs & étroits de la barbe se courbent en bas ; au lieu que ceux des intérieurs & plus larges, se courbent en haut. Par ce moyen les filets tiennent fortement ensemble ; ils sont clos & serrés, lorsque l’aile est étendue, de sorte qu’aucune plume ne perd rien de la force ou de l’impression qu’elle fait sur l’air. 2°. On peut remarquer une adresse & une exactitude qui ne sont pas moins grandes, dans la maniere dont les plumes sont coupées à leur bord. Les intérieures vont en se rétrécissant, & se terminent en pointe vers la partie supérieure de l’aile. Les extérieures se rétrécissent d’un sens contraire, de la partie supérieure de l’aile vers le corps, du moins en beaucoup d’oiseaux. Celles du milieu de l’aile ayant une barbe partout égale ne sont gueres coupées de biais ; de sorte que l’aile soit étendue, soit resserrée, est toujours façonnée & taillée aussi exactement que si elle avoit été coupée avec des ciseaux. Mais pour revenir à la rissure même de cette barbe dont nous avons entrepris l’examen, elle est composée de filets si artistement travaillés, entrelaçés d’une maniere si curieuse, que la vûe n’en peut qu’exciter l’admiration, sur-tout lorsqu’on les regarde avec des microscopes. Cette barbe ne consiste pas dans une seule membrane continue ; car alors, cette membrane étant une fois rompue, ne se remettroit en ordre qu’avec beaucoup de peine : mais elle est composée de quantité de petites lames, ou de filets minces & roides, qui tiennent un peu de la nature d’un petit tuyau de plume. Vers la tige ou le tuyau (sur-tout dans les grosses plumes de l’aile) ces petites lames sont plus larges & creusées dans leur largeur en demi-cercle ; ce qui contribue beaucoup à leur force, & à serrer davantage ces lames les unes sur les autres, lorsque l’aile fait ses battemens sur l’air. Vers le bord ou la partie extérieure de la plume, ces lames deviennent très-minces, & se terminent presqu’en pointe ; en dessous elles sont minces & polies, mais en dessus leur extrémité se divise en deux parties, garnies de petits poils, chaque côté ayant une différente sorte de poils. Ces poils sont larges à leur base ; leur moitié supérieure est plus menue & barbue.

» Les ailes sont placées à l’endroit le plus commode du corps. Il est constant que dans tous les oiseaux qui ont le plus d’occasion de voler, les ailes sont placées à l’endroit le plus propre à balancer le corps dans l’air, & à lui donner un mouvement progressif aussi rapide que les ailes & le corps sont capables d’en recevoir. Sans cela nous verrions les oiseaux chanceler à tout moment, & voler d’une maniere inconstante & peu ferme ; comme cela arrive, lorsqu’on trouble l’équilibre de leur corps, en coupant le bout d’une de leurs ailes, ou en suspendant un poids à une des extrémités du corps. Quant à ceux qui nagent & qui volent, les ailes pour cet effet sont attachées au corps hors du centre de gravité ; & pour ceux qui se plongent plus souvent qu’ils ne volent, leurs jambes sont plus reculées vers le derriere, & leurs ailes plus avancées vers le devant du corps.

» Structure des ailes. La maniere dont les plumes sont rangées dans chaque aile est fort étonnante. Elles sont placées dans un ordre, qui s’accorde exactement avec la longueur & la force de chaque plume : les grosses servent d’appui aux moindres ; elles sont si bien bordées, couvertes, & défendues par les plus petites, que l’air ne sauroit passer à travers ; par là leurs impulsions sur ce fluide sont rendues très-fortes. Enfin pour finir cet article qui mériteroit que nous nous y arrêtassions plus long-tems, quel appareil d’os très-forts, mais sur-tout légers, & formés avec une adresse incomparable ! quelles jointures qui s’ouvrent, se ferment, ou se meuvent de quelque côté que l’occasion le demande, soit pour étendre les ailes, soit pour les resserrer vers le corps ! en un mot, quelle diversité de muscles, parmi lesquels la force singuliere des muscles pectoraux mérite sur-tout l’attention, parce qu’ils sont beaucoup plus forts & plus robustes dans les oiseaux que dans l’homme, que dans tout autre animal qui n’a pas été fait pour voler. Plaçons ici la remarque de Borelli à cet égard : pectorales musculi hominis flectentes humeros, parvi & parum carnosi sunt, non æquant quinquagesimam aut septuagesimam partem omnium musculorum hominis. Contra in avibus pectorales musculi validissimi sunt, & æquant, imo excedunt, & magis pendent quam reliqui omnes musculi ejusdem avis simul sumpti. De motu animal. Vol. I. Prop. 184. M. Willughby après avoir fait la même remarque, ajoûte la réflexion suivante : C’est par cette raison, que s’il étoit possible à l’homme de voler, ceux qui ont considéré le plus attentivement ce sujet, croyent que pour entreprendre une pareille chose avec espérance de succès, on doit tellement ajuster & ménager les ailes, que pour les diriger on se serve des jambes & non des bras, parce que les muscles des jambes sont beaucoup plus robustes, comme il l’observe très-bien. Willug. Ornith. L. I. c. 1. §. 19, apud Derham Theol. Phys. p. 474 ». Ici finit le Manuscrit de M. Formey, pour le mot aile.

Je n’ajouterai à cet article qu’une énumération des principales parties de l’aile. « Tous les oiseaux, dit Willughby, ont à l’extrémité de l’aile une sorte d’appendice en forme de doigt, qu’il appelle l’aile secondaire extérieure, ou la fausse aile extérieure ; elle n’est composée que de quatre ou cinq plumes. Quelques oiseaux ont un rang de plumes sur la partie intérieure de l’aile ; c’est ce qu’on appelle la fausse aile intérieure. Ses plumes sont ordinairement blanches. On distingue dans les ailes deux sortes de plumes : les grandes qui sont celles qui servent le plus pour le vol, c’est pourquoi on les appelle alarum remiges, comme si on disoit, les rameurs ou les rames de l’aile ; les autres plumes sont les plus petites, elles recouvrent la partie inférieure des grandes, ce qui leur a fait donner le nom de remigum tegetes. On distingue celles qui sont sur la face extérieure de l’aile, & celles qui sont sur la face intérieure. Ces plumes sont disposées sur l’une & sur l’autre face par rangs qui suivent la longueur de l’aile & qui se surmontent les uns les autres. Les plumes qui se trouvent sur la côte de l’aile sont les plus petites ; les autres sont plus grandes à mesure qu’elles approchent des grandes plumes de l’aile. On les a appellées alarum vestitrices, parce qu’elles revêtent les ailes en dessus & en dessous. (I)

Aile, s’emploie aussi en Fauconnerie ; on dit : monter sur l’aile ; donner du bec & des pennes, pour exprimer les différentes manieres de voler. Monter sur l’aile, c’est s’incliner sur une des ailes, & s’élever principalement par le mouvement de l’autre. Donner du bec & des pennes, c’est accélérer le vol par l’agitation redoublée de la tête & de l’extrémité des ailes.

Aile, terme de Botanique. Les ailes des fleurs légumineuses sont les deux pétales qui se trouvent placés entre ceux que l’on a nommés le pavillon & la carene ; ce sont les mêmes pétales qui représentent les ailes de papillon dans ces mêmes fleurs auxquelles on a aussi donné le nom de papilionacées à cause de cette ressemblance. On entend aussi quelquefois par le mot d’ailes de petites branches qui sortent de la tige ou du tronc des plantes. On ne doit pas prendre le mot d’aile pour celui d’aisselle qui est l’angle que la feuille forme avec sa tige. Voyez Aisselle des plantes. On donne le nom d’aile à la petite membrane qui fait partie de certaines graines, par exemple, de celles de l’érable ; on appelle ces graines semences ailées. On dit aussi tige ailée, lorsqu’il y a de ces sortes de membranes qui s’étendent le long d’une tige. (I)

Aile, terme d’Architecture. Les Anciens comprennent généralement sous ce nom le portique & toutes les colonnes qui sont autour d’un temple, c’est-à-dire celles des faces aussi-bien que celles des côtés. Ils appelloient péripteres les temples qui avoient des ailes tout à l’entour ; & par conséquent les colonnes des faces de devant & de derriere, étoient selon eux, des ailes. Voyez Périptere.

Aile se dit, par métaphore, d’un des côtés en retour d’angle, qui tient au corps du milieu d’un bâtiment.

On dit aile droite & aile gauche par rapport au bâtiment où elles tiennent, & non pas à la personne qui le regarde ; ainsi la grande galerie du Louvre, en regardant le château du côté de la grande cour, est l’aile droite du palais des Thuileries.

On donne encore ce nom aux bas-côtés d’une Église.

Ailes de mur. Voyez Mur en ailes.

Ailes de cheminée : ce sont les deux côtés de mur dans l’étendue d’un pié, qui touche au manteau & tuyau d’une cheminée, & dans lesquels on scelle les boulins pour échafauder.

Ailes de pavé ; ce sont les deux côtés ou pente de la chaussée d’un pavée depuis le tas droit jusqu’aux bordures.

Ailes se dit aussi des deux plus petits côtés d’un vestibule. Vitruve, Lib. VI. pag. 212. (P)

Aile ; espece de bierre très-commune en Angleterre & en France. M. James, Anglois, & qui doit savoir par conséquent ce que c’est que l’aile, dit qu’elle est jaunâtre, claire, transparente & fort piquante ; qu’elle prend au nez, qu’elle est apéritive & agréable au goût ; qu’il n’y entre ni houblon ni autres plantes ameres ; & que sa grande force vient d’une fermentation extraordinaire qu’on y a excitée par quelques ingrédiens acres & piquans.

Nos Brasseurs au contraire entendent par aile, la même chose que par métiers, une liqueur sans houblon ; la premiere dissolution de la farine dans l’eau chaude, qu’on fait ensuite bouillir & dont on obtient, sans autre préparation, une liqueur doucereuse, même sucrée, mais jusqu’à la fadeur, & qui n’est pas de garde.

Ailes de saint Michel, est le nom d’un ordre de Chevalerie institué en Portugal en 1165, suivant le Pere Mendo, Jésuite, ou en 1171, suivant D. Michieli, comme on le peut voir dans son Tesoro militar de Cavalleria. Alphonse-Henri premier, Roi de Portugal, fonda cet ordre à l’occasion d’une victoire qu’il avoit remportée sur le Roi de Séville & les Sarrasins, & dont il attribuoit le succès au secours de S. Michel, qu’il avoit pris pour patron contre les Infideles.

La banniere de cet Ordre étoit une aile semblable à celles de l’Archange, de couleur de pourpre, & environnée de rayons d’or. La regle des Chevaliers étoit celle de S. Benoît. Ils faisoient vœu de défendre la Religion chrétienne, & les frontieres du Royaume, & de secourir les orphelins. Leur devise étoit quis ut Deus ? qui est en Latin la signification du mot Hébreu, Michel. (G)

Ailes, s. f. pl. en terme de Guerre, sont les deux extrémités d’une armée rangée en bataille : on les distingue en aile droite & en aile gauche. Voyez Armée, Bataillon, &c. La cavalerie est ordinairement portée sur les ailes, c’est-à-dire sur les flancs, à la droite & à la gauche de chaque ligne ; on la place ainsi afin de couvrir l’infanterie qui est au milieu. Voyez Ligne & Flanc.

Pan, l’un des Capitaines de Bacchus, est regardé comme le premier inventeur de cette maniere de ranger une armée en bataille ; & c’est-là la cause, à ce qu’on prétend, pourquoi les Anciens, qui nommoient cornua ce que nous appellons ailes aujourd’hui, representoient Pan avec des cornes à la tête. Voyez Panique.

Ce qu’il y a de certain, c’est que cette maniere de ranger les armées est très-ancienne. On sait que les Romains donnoient le nom d’ailes à deux corps de troupes de leurs armées, qui étoient placés l’un à droite & l’autre à gauche, & qui consistoient l’un & l’autre dans 400 chevaux & 4200 fantassins. Ces ailes étoient ordinairement de troupes alliées, & leur usage étoit de couvrir l’armée Romaine, comme les ailes d’un oiseau servent à lui couvrir le corps. Les troupes des ailes étoient appellées alares, & alares copiæ.

Aujourd’hui les armées sont divisées en aile droite, aile gauche, & centre.

Ailes signifie aussi les deux files qui terminent la droite & la gauche d’un bataillon ou d’un escadron. Du tems qu’on avoit des Piquiers, on les plaçoit dans le milieu, & les Mousquetaires aux ailes. (Q)

Ailes, dans la Fortification, sont les côtés ou les branches des ouvrages à corne, à couronne & autres ouvrages extérieurs. V. Ouvrage à corne, &c.

Les ailes ou côtés doivent être flanqués ou par le corps de la place, lorsqu’elles n’en sont pas trop éloignées, ou du moins par des redoutes, ou par des traverses faites dans leur fossé. Celles des ouvrages à corne placés vis-à-vis les courtines, sont flanquées ou des demi-lunes collatérales ou des faces des bastions. Il en est de même des ouvrages à corne placés vis-à vis les bastions, & des ouvrages à couronne.

Il faut observer que si l’on veut que ces ailes soient exactement défendues, leur extrémité vers la campagne ne doit être éloignée des parties qui les défendent que de la portée du fusil, c’est-à-dire de 120 ou 140 toises. Il faut aussi que la défense n’en soit pas trop oblique ; autrement elle devient très-foible, & d’un très-léger obstacle à l’ennemi. (Q)

Les Ailes du nez. Voyez Nez. (L)

Ailes de chauve-souris, vespertilionum alæ, en Anatomie, sont deux ligamens fort larges & membraneux, qui tiennent le fond de la matrice attachée aux os de l’ilium ; leur nom vient de la ressemblance qu’elles ont avec les ailes d’une chauve-souris. (N)

Ailes, nom que les Horlogers donnent aux dents d’un pignon. Voyez Dent, Pignon.

Pour que la roue mene uniformément le pignon, lorsque la dent rencontre l’aile dans la ligne des centres, il faut que la face de cette aile soit une ligne droite tendante au centre. Voyez Roue, Engrenage. (T)

Ailes, se dit, en Jardinage, des arbres ou des plantes qui poussant des branches à côté les unes des autres, forment des especes d’ailes. On voit aux artichaux, des pommes à côté du principal montant & sur la même tige ; ces pommes sont appellées les ailes d’un pié d’artichaux. (K)

Ailes, terme de Tourneur ; ce sont deux pieces de bois plates & triangulaires qu’on attache en travers à une des poupées du tour, pour lui servir de support, quand on veut tourner des quadres ronds.

Ailes, ou Ailerons, en terme de Vitrier, sont les extrémités les plus minces du plomb qui entretiennent les pieces de verre dont un panneau de vitre est composé ; & qui recouvrant de part & d’autre ces mêmes pieces, empêchent que le vent ni la pluie ne passent entre le plomb & le verre. Voyez Lingotiere.

Ailes, (Manége) les ailes de la lance sont les pieces de bois qui forment l’endroit le plus large de la lance au-dessus de la poignée. Voyez Lance. (V)

Ailes, en Blason, se portent quelquefois simples & quelquefois doubles ; on appelle ces dernieres ailes conjointes. Quand les pointes sont tournées vers le bas de l’écusson, on les nomme ailes renversées, & ailes élevées, quand les pointes sont en haut. Voyez Vol. (V)

Ailes, (terme de riviere.) sont deux planches formant arrondissement, de trois pouces d’épaisseur, que l’on met au bout des semelles d’un bateau foncet en avant & en arriere.

Aile, partie de moulin à vent. Voyez Moulin.

Aile de fiche, ou Couplet ; c’est la partie de ces ouvrages de serrurerie qui s’attache sur le bois, & qui est entraînée dans le mouvement d’une porte, d’une fenêtre, d’un volet brisé ; en un mot, on donne le nom d’aile, à tout ce qui n’est pas la charniere.

Aile, se dit de la partie des lardoires à l’usage des cuisiniers & rotisseurs, qui est fendue en plusieurs parties, & évasée autant qu’il le faut pour recevoir le lard, dont on veut piquer une viande.

AILÉ, adjectif, terme de Blason : il se dit de toutes les pieces auxquelles on donne des ailes contre leur nature, comme d’un lion, d’un léopard, &c. Il se dit encore de tous les animaux volatils qui ont des ailes d’un autre émail ou couleur que le reste de leur corps. D’azur au taureau ailé & élancé d’or ; de gueules au grifon d’or ailé d’argent.

Manuel en Espagne, de gueules à une main de carnation ailée d’or, tenant une épée d’argent, la garde d’or. (V)

AILERON, s. m. (terme d’Architecture) c’est une espece de console renversée, de pierre ou de bois, revêtue de plomb, dont on orne les côtés d’une lucarne, comme on en voit au-devant des combles de la place de Vendôme à Paris, ou à côté d’un second ordre du portail d’une Eglise, comme à Saint Roch, aux Barnabites, aux petits Peres, &c. Ces consoles renversées sont ainsi pratiquées sur le devant d’un portail pour cacher les arcboutans élevés sur les bas côtés d’une Eglise, & servant à soûtenir les murs de la neffe. (P)

AILERON, c’est le nom que l’on donne dans les carrieres d’ardoises à une petite piece. Planche d’ardoise, figure 11. qui sert de support à la partie du seau qu’on appelle le chapeau. Voyez l’article Ardoise & Engin.

Ailerons du nez. Voyez Nez.

AILESBURY, (Géog.) ville d’Angleterre, dans le Bukinghamshire, sur la Tamise, Long. 16. 49. lat. 51. 50.

AILETTES ou ALETTES. s. f. terme de Cordonnerie, ce sont deux morceaux de cuir minces, parés dans leur pourtour, que les Cordonniers cousent aux parties latérales internes de l’empeigne du soulier pour la renforcir en cet endroit. Les ailettes sont cousues comme l’empeigne avec les semelles. Elles s’étendent depuis le paton jusqu’à l’origine du quartier. Elles sont prises en devant entre l’empeigne & le paton. On doit observer de bien parer toutes ces pieces, puisque la moindre inégalité dans l’intérieur du soulier est capable d’incommoder le pié, dont les parties latérales sont celles qui s’appliquent aux ailettes.

AILURES, ILOIRES, s. f. ce sont deux solivaux que l’on place sur le pont du vaisseau, portés sur les barrots, faisant un quarré avec ces barrots, & ce quarré est l’ouverture nommée écoutille. Voyez Iloires. (Z)

* AIMABLE Orphée, c’est, en terme de Fleuriste, un œillet panaché de cramoisi & de blanc, qui vient de l’Ille. Sa fleur n’est pas bien large : mais elle est bien tranchée. Sa feuille & sa tige sont d’un beau verd ; il abonde en marcottes.

AIMANT, s. m. pierre ferrugineuse assez semblable en poids & en couleur à l’espece de mine de fer qu’on appelle en roche. Elle contient du fer en une quantité plus ou moins considérable, & c’est dans ce métal uni au sel & à l’huile que réside la vertu magnétique plûtôt que dans la substance pierreuse. Cette pierre fameuse a été connue des Anciens ; car nous savons sur le témoignage d’Aristote, que Thalès, le plus ancien Philosophe de la Grece, a parlé de l’aimant : mais il n’est pas certain que le nom employé par Aristote soit celui dont Thalès s’est servi. Onomacrite qui vivoit dans la LX. Olympiade, & dont il nous reste quelques Poësies sous le nom d’Orphée, est celui qui nous fournit le plus ancien nom de l’aimant ; il l’appelle μαγνήτης. Hippocrate (lib. de sterilib. mulier.) a désigné l’aimant sous la périphrase de la pierre qui attire le fer λίθος ἥτις τὸν σίδερον ἁρπάξες.

Les Arabes & les Portugais se servent de la même périphrase, que Sextus Empiricus a exprimée en un seul mot σιδηραγωγός. Sophocle, dans une de ses pieces qui n’est pas venue jusques à nous, avoit nommé l’aimant Λυδία λίθος, pierre de Lydie. Hesychius nous a conservé ce mot aussi bien que Λυδικὴ λίθος, qui en est une variation. Platon, dans le Timée appelle l’aimant Ἡρακλέια λίθος, pierre d’Héraclée, nom qui est un des plus usités parmi les Grecs.

Aristote a fait plus d’honneur que personne à l’aimant, en ne lui donnant point de nom ; il l’appelle ἡ λίθος, la pierre par excellence. Themipius s’exprime de même. Théophraste avec la plûpart des anciens, a suivi l’appellation déjà établie de λίθος Ἡρακλέια.

Pline, sur un passage mal entendu de ce Philosophe, a crû que la pierre de touche, coticula, qui entre ses autres noms a celui de Λυδὴ λίθος, avoit de plus celui d’Ἡρακλέια, commun avec l’aimant : les Grecs & les Latins se sont aussi servis du mot σιδηρίτις tiré de σιδήρος, fer, d’où est venu le vieux nom François pierre ferriere. Enfin les Grecs ont diversifié le nom de μαγνήτης en diverses façons : on trouve dans Tzetzès μαγνήσσα λίθος, dans Achilles Tatius μαγνήσια ; μαγνήτις dans la plûpart des Auteurs ; μαγνίτις dans quelques-uns, aussi bien qu’ὁ λίθος μαγνίτης, par la permutation de η en ι, familiere aux Grecs dès les premiers tems ; & μαγνής, qui n’est pas de tous ces noms le plus usité parmi eux, est presque le seul qui soit passé aux Latins.

Pour ce qui est de l’origine de cette dénomination de l’aimant, elle vient manifestement du lieu où l’aimant a d’abord été découvert. Il y avoit dans l’Asie mineure deux villes appellées Magnetie : l’une auprès du Méandre ; l’autre, sous le mont Sypile : cette derniere qui appartenoit particulierement à la Lydie, & qu’on appelloit aussi Héraclée, selon le témoignage d’Ælius Dionysius dans Eustathe, étoit la vraie patrie de l’aimant. Le mont Sypile étoit sans doute fécond en métaux, & en aimant par conséquent ; ainsi l’aimant appellé magnes du premier lieu de sa découverte, a conservé son ancien nom, comme il est arrivé à l’acier & au cuivre, qui portent le nom des lieux où ils ont été découverts : ce qu’il y a de singulier, c’est que le plus mauvais aimant des cinq especes que rapporte Pline, étoit celui de la Magnésie d’Asie mineure, premiere patrie de l’aimant, comme le meilleur de tous étoit celui d’Æthiopie.

Marbodæus dit, que l’aimant a été trouvé chez les Troglodytes, & que cette pierre vient aussi des Indes. Isidore de Seville dit, que les Indiens l’ont connu les premiers ; & après lui, la plûpart des auteurs du moyen & bas âge appellent l’aimant lapis Indicus, donnant la patrie de l’espece à tout le genre.

Les anciens n’ont guere connu de l’aimant que sa propriété d’attirer le fer ; c’étoit le sujet principal de leur admiration, comme l’on peut voir par ce beau passage de Pline : Quid lapidis rigore pigrius ? Ecce sensus manusque tribuit illi natura. Quid ferri duritie pugnacius ? Sed cedit & patitur mores : Trahitur namque à magnete lapide, domitrixque illa, rerum omnium materia ad inane nescio quid currit, atque ut propiùs venit, assistit teneturque, & complexu hœret. Plin. Liv. XXXVI. cap. xvj.

Cependant, il paroît qu’ils ont connu quelque chose de sa vertu communicative ; Platon en donne un exemple dans l’Ion, où il décrit cette fameuse chaîne d’anneaux de fer suspendus les uns aux autres, & dont le premier tient à l’aimant. Lucrece, Philon, Pline, Galien, Némesus, rapportent le même phénomene ; & Lucrece fait de plus mention de la propagation de la vertu magnétique au-travers des corps les plus durs, comme il paroît dans ces vers :

Exultare etiam Samothracia ferrea vidi,
Et ramenta simul ferri furere intus ahenis
In scaphiis, lapis hic magnes cum subditus esset.

Mais on ne voit par aucun passage de leurs écrits qu’ils aient rien connu de la vertu directive de l’aimant : on ignore absolument dans quel tems on a fait cette découverte, & on ne sait pas même au juste quand est-ce qu’on l’a appliquée aux usages de la navigation.

Il y a toute apparence que le hasard a fait découvrir à quelqu’un que l’aimant mis sur l’eau dans un petit bateau se dirigeoit constamment Nord & Sud, & qu’un morceau de fer aimanté avoit la même proprieté : qu’on mit ce fer aimanté sur un pivot afin qu’il pût se mouvoir plus librement : qu’ensuite on imagina que cette découverte pourroit bien être utile aux navigateurs pour connoître le midi & le septentrion lorsque le tems seroit couvert, & qu’on ne verroit aucun astre ; enfin qu’on substitua la boussole ordinaire à l’aiguille aimantée pour remédier aux dérangemens occasionnés par les secousses du vaisseau. Il paroît au reste que cette découverte a été faite avant l’an 1180. Voyez l’article Aiguille, où l’on traite plus particulierement de cette découverte.

I. Des Poles de l’aimant, et de sa vertu directive.

Chaque aimant a deux poles dans lesquels réside la plus grande partie de sa vertu : on les reconnoît en roulant une pierre d’aimant quelconque dans de la limaille de fer ; toutes les parties de cette limaille qui s’attachent à la pierre se dirigent vers l’un ou l’autre de ces poles, & celles qui sont immédiatement dessus sont en ces points perpendiculairement hérissées sur la pierre : enfin la limaille est attirée avec plus de force & en plus grande abondance sur les poles que par-tout ailleurs. Voici une autre maniere de connoître les poles ; on place un aimant sur un morceau de glace polie, sous laquelle on a mis une feuille de papier blanc : on répand de la limaille peu à peu sur cette glace autour de l’aimant, & on frappe doucement sur les bords de la glace pour diminuer le frottement qui empêcheroit les molécules de limaille d’obéir aux écoulemens magnétiques : aussi-tôt on apperçoit la limaille prendre un arrangement régulier, tel qu’on l’observe dans la figure, dans lequel la limaille se dirige en lignes courbes AEB, AEB, (Pl. Phys. fig. 58.) à mesure qu’elle est éloignée des poles, & en lignes droites AA, BB, à mesure qu’elle s’en approche ; ensorte que les poles sont les points où convergent toutes ces différentes lignes courbes & droites.

Maintenant on appelle axe de l’aimant, la ligne droite qui le traverse d’un pole à l’autre ; & l’équateur de l’aimant est le plan perpendiculaire qui le partage par le milieu de son axe. Or cette propriété de l’aimant d’avoir des poles est comme essentielle à tous les aimants ; car on aura beau casser un aimant en tant de morceaux que l’on voudra, les deux poles se trouveront toujours dans chaque morceau. Cette polarité de l’aimant ne vient point, comme on l’a cru, de ce que les mines de l’aimant sont dirigées nord & sud ; car il est très-certain que ces mines affectent comme les autres toute sorte de direction, & nommément il y a dans le Devonshire une mine d’aimant, dont les veines sont dirigées de l’est à l’ouest, & dont les poles se trouvent aussi dans cette direction : mais les poles de l’aimant ne doivent point être regardés comme deux points si invariables qu’ils ne puissent changer de place : car M. Boyle dit, qu’on peut changer les poles d’un petit morceau d’aimant en les appliquant contre les poles plus vigoureux d’une autre pierre ; ce qui a été confirmé de nos jours par M. Gwarin Knight, qui peut changer à volonté les poles d’un aimant naturel, par le moyen des barreaux de fer aimantés.

On a donné aux poles de l’aimant les mêmes noms qu’aux poles du monde, parce que l’aimant mis en liberté, a la propriété de diriger toûjours ses poles vers ceux de notre globe ; c’est-à-dire, qu’un aimant qui flotte librement sur une eau dormante, ou qui est mobile sur son centre de gravité, ayant son axe parallele à l’horison, s’arrêtera constamment dans une situation telle, qu’un de ses poles regarde toûjours le nord, & l’autre le midi : & si on le dérange de cette situation, même en lui en donnant une directement contraire, il ne cessera de se mouvoir & d’osciller jusqu’à ce qu’il ait retrouvé sa premiere direction. On est convenu d’appeller pole austral de l’aimant, celui qui se tourne vers le nord, & pole boréal celui qui se dirige vers le sud. Le méridien magnétique est le plan perpendiculaire à l’aimant suivant la longueur de son axe, qui passe par conséquent par les poles.

Lorsqu’après avoir bien reconnu les poles & l’axe d’un aimant, on le laisse flotter librement sur un liége, le vaisseau dans lequel il flotte étant posé sur une méridienne exactement tracée, on s’appercevra que les poles de l’aimant ne regardent pas précisément ceux du monde, mais qu’ils en déclinent plus ou moins à l’est ou à l’ouest, suivant les différens lieux de la terre où se fait cette observation. Cette déclinaison de l’aimant varie aussi chaque année, chaque mois, chaque jour, & même à chaque heure dans le même lieu. V. l’article Aiguille, où l’on en traite plus particulierement.

Pareillement, si l’on fait nager sur du mercure un aimant sphérique, après en avoir bien reconnu l’axe & les poles, il se dirigera d’abord à peu près nord & sud : mais on remarquera aussi que son axe s’inclinera d’une maniere constante ; ensorte que dans nos climats le pole austral s’incline, & le pole boréal s’éleve, & au contraire dans l’autre hémisphere. Cette inclinaison varie aussi dans tous les lieux de la terre & dans tous les tems de l’année, comme on peut le voir à l’article Aiguille, où l’on en parle plus amplement.

Les poles de l’aimant sont, comme nous l’avons dit précédemment, des points variables que nous sommes quelquefois les maîtres de produire à volonté, & sans le secours d’aucun aimant ; comme nous verrons qu’il est facile de le faire par les moyens que nous exposerons dans la suite : car lorsqu’on coupe doucement & sans effort un aimant par le milieu de son axe, chacume de ses parties a constamment deux poles, & devient un aimant complet : les parties qui étoient contiguës sous l’équateur avant la section, & qui n’étoient rien moins que des poles, le sont devenues, & même poles de différens noms ; ensorte que chacune de ces parties pouvoit devenir également pole boréal ou pole austral, suivant que la section se seroit faite plus près du pole austral ou du pole boréal du grand aimant. & la même chose arriveroit à chacune de ces moitiés, si on les coupoit par le milieu de la même maniere. Voyez Pl. physiq. fig. 66.

Mais si au lieu de couper l’aimant par le milieu de son axe AB, on le coupe suivant sa longueur, (Pl. physiq. fig. 67.) on aura pareillement 4 poles aa, bb, dont ceux du même nom seront dans chaque partie, du même côté qu’ils étoient avant la section, à la reserve qu’il se sera formé dans chaque partie un nouvel axe ab, ab, parallele au premier, & plus ou moins rentré au-dedans de la pierre, suivant qu’elle aura naturellement plus de force magnétique.

II. De la vertu attractive de l’aimant
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§. I. De l’attraction réciproque de deux aimans, & de la répulsion.

Le phénomene de l’attraction réciproque de deux aimans, d’un aimant & d’un morceau de fer, ou bien de deux fers aimantés, est celui de tous qui a le plus excité l’admiration des anciens Philosophes, & qui a fait dire à quelques-uns que l’aimant étoit animé. En effet qu’y a-t-il de-plus singulier que de voir deux aimans se porter l’un vers l’autre comme par sympathie ; s’approcher avec vitesse comme par empressement ; s’unir par un côté déterminé au point de ne se laisser séparer que par une force considérable ; témoigner ensuite dans une autre situation, une haine réciproque qui les agite tant qu’ils sont en présence ; se fuir avec autant de vitesse qu’ils s’étoient recherchés, & n’être tranquilles que lorsqu’ils sont fort éloignés l’un de l’autre ? Ce sont cependant les circonstances du phénomene de l’attraction & de la répulsion de l’aimant, comme il est facile de s’en convaincre par l’expérience suivante.

Prenez deux aimans ab, AB, (fig. 64. physiq.) mettez-les chacun dans une petite boîte de sapin pour qu’ils puissent aisément flotter sur une eau dormante & à l’abri des mouvemens de l’air ; faites ensorte qu’ils ne soient pas plus éloignés l’un de l’autre que ne s’étend leur sphere d’activité : vous verrez qu’ils s’approcheront avec une vitesse accélérée, & qu’ils s’uniront enfin dans un point C qui sera le milieu de leur distance mutuelle, si les aimans sont égaux en force & en masse, & si les deux boîtes sont parfaitement semblables : marquez les points b, A, par lesquels ces aimans se sont unis, & éloignez-les l’un de l’autre de la même distance, ils s’approcheront avec la même vitesse, & s’uniront par les mêmes points : mais si vous changez l’un de ces aimans de situation, de maniere qu’il présente à l’autre le point directement contraire à celui qui étoit attiré, ils se fuiront réciproquement avec une égale vitesse jusqu’à ce qu’ils soient hors de la sphere d’activité l’un de l’autre.

L’expérience fait connoître que ces deux aimans s’attirent par les poles de différent nom ; c’est-à-dire, que le pole boréal de l’un attire le pole austral de l’autre, & le pole boréal de celui-ci attire le pole austral du premier : au contraire les deux poles du nord se fuient aussi-bien que les deux poles du sud ; ensorte que c’est une loi constante du magnétisme, que l’attraction mutuelle & réciproque se fait par les poles de différent nom ; & la répulsion, par les poles de même dénomination.

On a cherché à découvrir si la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimans, agit sur eux seulement jusqu’à un terme déterminé ; si elle agit uniformément à toutes les distances en deçà de ce terme : ou si elle étoit variable, dans quelle proportion elle croîtroit ou décroîtroit par rapport aux différentes distances : mais le résultat d’un grand nombre d’expériences a appris que la force d’un aimant s’étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l’activité s’étend jusqu’à 14 piés ; d’autres dont la vertu est insensible à 8 ou 9 pouces. La sphere d’activité d’un aimant donné, a elle-même une étendue variable ; elle est plus grande en certains jours que dans d’autres, sans qu’il paroisse que ni la chaleur, ni l’humidité, ni la secheresse de l’air ayent part à cet effet.

D’autres expériences ont fait connoître que vers les termes de la sphere d’activité, la force magnétique agit d’abord d’une maniere insensible ; qu’elle devient plus considerable à mesure que le corps attiré s’approche de l’aimant, & qu’elle est la plus grande de toutes dans le point de contact : mais la proportion de cette force dans les différentes distances, n’est pas la même dans les différens aimans ; ce qui fait qu’on ne sauroit établir de regle générale.

Voici le résultat d’une expérience faite avec soin par M, du Tour.

Il a rempli d’eau un grand bassin M, (Pl. physiq. fig. 63.) & il a fait nager par le moyen d’une fourchette une aiguille à coudre A B qu’il avoit aimantée (qu’on peut par conséquent regarder comme un aimant, ainsi que nous le verrons par la suite) ; il a présenté une pierre d’aimant T à la distance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui étoit à peu près le terme de sa sphere d’activité, & il a examiné le rapport des vitesses de l’aiguille à différentes distances. Voici le résultat de son observation.

L’aiguille a employé à parcourir

le 1er pouce 120 " 7 28
2e 110 8 16
3 70 9 12
4 72 10 6
5 56 11 3
6 44 12 & 13 1

Total pour les 13 pouces, 546″=9′ 6″

Ce qu’on a observé de la répulsion, est en quelque sorte semblable aux circonstances du phénomene de l’attraction ; c’est-à-dire, que la sphere de répulsion varie dans les différens aimans, aussi-bien que la force répulsive dans les différentes distances. Plusieurs Auteurs ont cru que la force répulsive ne s’étend dans aucun aimant aussi loin que la force attractive, & qu’elle n’est nulle part aussi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle est la plus grande. La force attractive des poles de différens noms de deux aimans étoit, par une observation de M. Musschenbroek, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulsive des poles de même nom de ces deux aimans, n’étoit que de 44 grains dans le point de contact de ces deux poles.

Ces Auteurs joignent à ces observations une autre, qui n’est pas moins singuliere : c’est qu’on trouve des aimans (& la même chose arrive à des corps aimantés) dont les poles de même nom se repoussent tant qu’ils sont à une distance moyenne des termes de leur sphere d’activité, & s’attirent au contraire dans le point de contact ; d’autres se repoussent avec plus de vivacité vers le milieu de leur sphere d’activité qu’aux environs du point de contact, où il semble que la répulsion diminue. Néanmoins M. Mitchell prétend avoir observé par le moyen des aimans artificiels, que les deux poles attirent & repoussent également aux mêmes distances, & dans toute sorte de direction ; que l’erreur de ceux qui ont cru la répulsion plus foible que l’attraction, vient de ce que l’on affoiblit toûjours les aimans & les corps magnétiques, en les approchant par les poles de même nom, au lieu qu’on augmente leur vertu lorsqu’on les approche par les poles de différente dénomination ; que cette augmentation ou diminution de force occasionnée par la proximité de deux aimans, devient insensible à mesure qu’on les éloigne : c’est pourquoi l’on voit qu’à une grande distance l’attraction & la répulsion approchent de plus en plus de l’égalité ; & réciproquement s’éloignent de l’égalité à mesure que la distance réciproque des deux aimans diminue, & qu’ils agissent l’un sur l’autre ; ensorte que si un aimant est assez fort & assez près pour endommager considérablement un aimant foible qui l’approche par les poles de même nom, il arrivera que le pole de celui-ci sera détruit & changé en un pole d’une dénomination différente, au moyen dequoi la répulsion sera convertie en attraction. Plusieurs expériences au reste font croire à M. Mitchell que l’attraction & la répulsion croissent & décroissent en raison inverse des quarrés des distances respectives des deux poles.

Tous ces effets d’attraction & de répulsion réciproques de deux aimans, n’éprouvent aucun obstacle de la part des corps solides, ni des fluides. L’attraction & la répulsion de deux aimans étoit egalement forte, soit qu’il y eût une masse de plomb de 100 livres d’épaisseur entre-deux, soit qu’il n’y eût que de l’air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au-travers du verre scellé hermétiquement, qu’on sait être un corps des plus impénétrables par aucune sorte d’écoulement particulier : le fer seul paroît intercepter la matiere magnétique ; car une plaque de fer battu interposée entre deux aimans, affoiblit considérablement leurs forces attractives & répulsives.

De même ni le vent, ni la flamme, ni le courant des eaux n’interrompent les effets d’attraction & de répulsion de deux aimans ; ces actions sont aussi vives dans l’air commun, que dans l’air raréfié ou condensé

dans la Machine pneumatique. Planche physiq. fig. 32. & 35.
§. 2. De l’attraction réciproque de l’aimant & du fer.

L’aimant attire le fer avec encore plus de vigueur qu’il n’attire un autre aimant : qu’on mette sur un liége A, Planche phys. fig. 62.. un morceau de fer cubique B qui n’ait jamais été aimanté, & que le tout flotte sur l’eau, & qu’on lui présente un aimant C par quelque pole que ce soit, le fer s’en approchera avec vivacité ; & réciproquement si on met l’aimant sur le liége & qu’on lui présente le morceau de fer, il s’approchera de celui-ci avec la même vitesse ; ensorte qu’il paroît que l’action de l’aimant sur le fer & de celui-ci sur l’aimant est égale & réciproque.

Cette attraction de l’aimant sur le fer s’étend jusques sur tous les corps qui contiennent des particules de ce métal, & le nombre en est très-grand dans la nature : il attire des particules de toutes les especes de terres, de sables, de pierres ; des sels & des résidences de toutes les fontaines ; des cendres & des suies de toutes sortes de bois & de tourbes ; des charbons, des huiles & des graisses de toute espece ; du miel, de la cire, du castor, & une infinité d’autres matieres. En un mot l’aimant est la pierre de touche par le moyen de laquelle on démêle jusqu’aux plus petites parties ferrugineuses que renferme un corps.

A la vérité pour découvrir que ces corps renferment du fer, il est souvent nécessaire d’employer le moyen de la calcination pour soûmettre ce métal à l’action de l’aimant : mais cette préparation n’est employée que pour les corps qui ne tiennent pas le fer sous une forme métallique, ou lorsque ses particules sont confondues d’une maniere particuliere avec d’autres métaux : dans ce cas le fer obéit souvent à l’action d’un aimant très-foible, tandis qu’il se refuse à celle d’un aimant fort. Ainsi on a vû à Petersboug un alliage de fer & d’étain qu’un foible aimant attiroit, & sur lequel un excellent aimant n’avoit aucune action.

Aucuns corps solides ou fluides n’empêchent en rien l’action mutuelle du fer & de l’aimant, si ce n’est le fer lui-même, comme nous l’avons remarqué précédemment. La chaleur excessive du fer ne diminue pas non plus ces effets ; car on a appliqué le pole boréal d’un aimant sur un clou à latte tout rouge, qui a été vivement attiré & qui est resté suspendu : mais on a remarqué aussi que la chaleur excessive de l’aimant diminue sa vertu du moins pour un tems : on a fait rougir l’aimant qui avoit servi dans l’expérience précédente, & quand il a été bien rougi, on a appliqué son pole boréal sur un autre clou à latte semblable, qui a été attiré foiblement, quoiqu’il soit resté suspendu : néanmoins au bout de deux ou trois jours la pierre attiroit le clou aussi vivement qu’avant d’avoir été au feu. La plus grande force attractive d’un aimant est aux environs de ses poles : il y a des aimants qui peuvent lever des clous assez considérables par leurs poles, & qui ne sauroient lever les plus petites parties de limaille par leur équateur. Cependant si on fait ensorte que différentes parties de l’équateur deviennent des poles, comme nous avons dit qu’il arrive en coupant l’aimant en plusieurs parties, la force attractive sera très-sensible dans ces nouveaux poles, de maniere que la somme des poids que pourra lever un-gros aimant ainsi coupé par parties excedera de beaucoup ce que ce morceau pouvoit soûlever, lorsqu’il étoit entier.

§. 3. De l’armure de l’aimant.

La force attractive d’un aimant nouvellement sorti de la mine ne consiste qu’à lui faire lever de petits clous ou d’autres morceaux de fer d’une pesanteur peu considérable ; c’est pourquoi on est obligé de l’armer pour augmenter sa force : d’ailleurs l’armure réunit, dirige & condense toute sa vertu vers les poles, & fait que ses émanations sont toutes dirigées vers la masse qu’on met sous ses poles.

Il est essentiel avant que d’armer un aimant, de bien reconnoître la situation de ses poles : car l’armure lui deviendroit inutile si elle étoit placée partout ailleurs que sur ces parties. Afin donc de reconnoître exactement les poles d’un aimant, on le mettra sur un carton blanc lissé, & on répandra par-dessus de la limaille de fer qui ne soit point rouillée, ce qui se fera plus uniformément par le moyen d’un tamis : on frappera doucement sur le carton, & on verra bien-tôt se former autour de l’aimant un arrangement symmétrique de la limaille qui se dirigera en lignes courbes E E (Planche phys. fig. 58.) vers l’équateur, en suivant les lignes droites A B vers les poles qui seront dans les deux parties de l’aimant où tendront toutes ces lignes droites : mais on les déterminera encore plus précisément en plaçant dessus une aiguille fort fine & très-courte : car elle se tiendra perpendiculairement élevée à l’endroit de chaque pole, & elle sera toûjours oblique sur tout autre point.

Lorsqu’on a bien déterminé où sont les poles de l’aimant, il faut le scier de maniere qu’il soit bien plan & bien poli à l’endroit de ces poles : de toutes les figures qu’on peut lui donner, la plus avantageuse sera celle où l’axe aura la plus grande longueur, sans cependant trop diminuer les autres dimensions.

Maintenant pour déterminer les proportions de l’armure, il faut commencer par connoître la force de l’aimant qu’on veut armer ; car plus cette force est grande, plus il faut donner d’épaisseur aux pieces qui composent l’armure. Pour cet effet on aura de petits barreaux d’acier bien polis & un peu plats, qu’on appliquera sur un des poles de l’aimant : on présentera à ce barreau d’acier immédiatement au-dessous du pole un petit anneau de fer auquel sera attaché le bassin d’une balance, & l’on éprouvera quelle est la plus grande quantité de poids que l’aimant pourra supporter, sans que l’anneau auquel tient le plan de la balance se sépare du barreau d’acier : on fera successivement la même expérience avec plusieurs barreaux semblables, mais de différentes épaisseurs, & on découvrira facilement par le moyen de celui qui soûlevera le plus grand poids, quelle épaisseur il faudra donner aux boutons de l’armure.

Lorsqu’on aura déterminé cette épaisseur, on choisira des morceaux d’acier bien fins & non trempés qu’on taillera de cette maniere. A B (fig. 59.) est une des jambes de l’armure, dont la hauteur & la largeur doivent être égales respectivement à l’épaisseur & à la largeur de l’aimant : B E D est un bouton de la même piece d’acier dont le plan S B D est perpendiculaire à A B : sa largeur à l’endroit où il touche le plan A B doit être des deux tiers de G G, largeur de la plaque A B, & l’épaisseur du bouton S E doit avoir la même dimension : enfin la longueur B D, qui est la quantité dont le bouton sera avancé au-dessous de la pierre, sera des deux tiers de D S ou de S E. Il est nécessaire que ce bouton devienne plus mince, & aille en s’arrondissant par-dessous depuis S & D jusqu’en E, de maniere que sa largeur en E soit d’un tiers ou d’un quart de la largeur S D. Il est encore fort important de faire attention à l’épaisseur de la jambe A B ; car si on la fait trop épaisse ou trop mince, l’armure en aura moins de force : or c’est ce qu’on ne sauroit bien déterminer qu’en tâtonnant ; c’est pourquoi il y faudra procéder comme on a fait pour déterminer l’épaisseur du bouton. On observe en général que l’extrémité supérieure C C, doit être arrondie, & un peu moins élevée que l’aimant, & que l’épaisseur de la plaque doit être moindre vers C C, que vers G G. On appliquera donc ces deux plaques avec leurs boutons sur les poles respectifs de l’aimant, de maniere que ces deux pieces touchent l’aimant dans le plus de points qu’il sera possible ; & on les contiendra avec un bandage de cuivre bien ferré, auquel on ajustera le suspensoir X, fig. 60.

Maintenant pour réunir la force attractive des deux poles, il faut avoir une traverse d’acier D A C B bien souple & non trempée, dont la longueur excede d’une ou deux lignes les boutons de l’armure, & dont l’épaisseur soit à peu près d’une ligne : il doit y avoir un trou avec un crochet L, afin qu’on puisse suspendre les poids que l’aimant pourra lever.

Lorsqu’on aura ainsi armé l’aimant, il sera facile de s’appercevoir que sa vertu attractive sera considérablement augmentée ; car tel aimant qui ne sauroit porter plus d’une demi-once lorsqu’il est nud, leve sans peine un poids de dix livres lorsqu’il est armé : cependant ses émanations ne s’étendent pas plus loin lorsqu’il est armé que lorsqu’il est nud, comme il paroit par son action sur une aiguille aimantée mobile sur son pivot ; & si l’on applique sur les piés de l’armure la traverse qui sert à soûtenir les poids qu’on fait soulever à l’aimant, la distance à laquelle il agira sur l’aiguille sera beaucoup moindre, la vertu magnétique se détournant pour la plus grande partie dans la traverse.

Lorsqu’on présente à un aimant armé un morceau de gros fil de fer A B (fig. 61.) assez pesant pour que le bouton de l’armure duquel on l’approche ne puisse pas le supporter, on le fera attirer aussi-tôt, si on ajoûte la traverse G dans la situation que la figure le représente ; & si on ôte cette piece lorsque le fil de fer A B sera ainsi fortement attiré, il tombera aussi-tôt, & cessera d’être soûtenu.

On a mis sur un des boutons de l’armure une petite plaque d’acier poli de dix à onze lignes de long, de sept lignes de large, & d’une ligne d’épaisseur. Cette plaque T (figure 61. n°. 2.) portoit un petit crochet auquel étoit suspendu le plateau d’une balance ; à l’autre pié de l’armure étoit placée la traverse G, de façon que la traverse & la plaque se touchoient : on a ensuite mis des poids dans le plateau S, jusqu’à ce que l’aimant ait cessé de soûtenir la plaque T, & on a trouvé qu’il falloit dix-huit onces : ayant ensuite ôté la traverse, & laissé la plaque toute seule appliquée contre l’aimant, un poids de deux onces dans la balance a suffi pour séparer la plaque ; ce qui prouve que la proximité de la traverse a augmenté de seize onces la vertu attractive du pole auquel la plaque étoit appliquée.

Quoique l’attraction d’un aimant armé paroisse considérable, il arrive cependant que des causes assez foibles en détruisent l’effet en un instant : par exemple, lorsqu’on soûtient un morceau de fer oblong F (fig. 68.) sous le pole d’un excellent aimant M, & qu’on présente à l’extrémité inférieure de ce morceau de fer le pole de différent nom d’un autre aimant N, plus foible ; celui-ci enlevera le fer au plus fort. On jugera bien mieux du succès de cette expérience, si elle est faite sur une glace polie & horisontale. La même chose arrive aussi à une boule d’acier qu’on touche avec un aimant foible dans le point diamétralement opposé au pole de l’aimant vigoureux sous lequel elle est suspendue.

Pareillement si on met la pointe d’une aiguille S (fig. 69.) sous un des poles de l’aimant, ensorte qu’elle soit pendante par sa tête, & qu’on présente à cette tête une barre de fer quelconque F par son extrémité supérieure, l’aiguille quittera aussi-tôt l’aimant pour s’attacher à la barre : cependant si l’aiguille tient par sa tête au pole de l’aimant, alors ni la barre de fer, ni un aimant foible ne la détacheront : il sembleroit d’abord que l’aiguille s’attacheroit à celui des deux qu’elle toucheroit en plus de points : mais des expériences faites à dessein ont prouvé le contraire.

Une autre circonstance assez légere fait encore qu’un aimant armé & vigoureux paroît n’avoir plus de force : c’est la trop grande longueur du fer qu’on veut soulever par un des poles. Il seroit facile de faire lever à de certains aimans un morceau cubique de fer pesant une livre : mais le même aimant ne pourroit pas soûtenir un fil de fer d’un pié de longueur ; en sorte qu’augmenter la longueur du corps suspendu est un moyen de diminuer l’effet de la vertu attractive des poles de l’aimant. C’est par cette raison que lorsqu’on présente le pole d’un bon aimant sur un tas d’aiguilles, de petits clous ou d’anneaux, l’aimant en attire seulement sept ou huit au bout les uns des autres ; & il est facile de remarquer que l’attraction du premier clou au second est beaucoup plus forte que celle du second au troisieme, & ainsi de suite ; de maniere que l’attraction du pénultieme au dernier est extrèmement foible. Voyez fig. 34.

III. De la communication de la vertu magnétique.

L’aimant peut communiquer au fer les qualités directives & attractives ; & l’on doit considérer celui qui les a reçûes de cette maniere, comme un véritable aimant, qui peut lui-même aussi les communiquer à d’autre fer. Un aimant vigoureux donnera aussi de la vertu à un aimant foible, & rendra pour toûjours les effets de celui-ci aussi sensibles & aussi vifs que ceux d’un bon aimant.

En général, il suffit de toucher ou même seulement d’approcher le pole d’une bonne pierre du corps à qui l’on veut communiquer la vertu magnétique, & aussi-tôt celui-ci se trouve aimanté. A la vérité le fer qui n’aura reçû de vertu que par un instant de contact avec l’aimant, la perdra presque aussi-tôt qu’il en sera séparé : mais on rendra sa vertu plus durable, en le laissant plus long-tems auprès de l’aimant, ou bien en le faisant rougir avant que de l’approcher de la pierre, & le laissant refroidir dans cette situation : dans ce cas, la partie qu’on présentera au pole boréal de l’aimant, deviendra un pole austral, & deviendroit pareillement pole boréal, si on l’approchoit du pole austral de l’aimant.

Mais comme ces moyens simples ne procurent pas une grande vertu, on en employe ordinairement d’autres plus efficaces.

Premierement on a découvert que le fer frotté sur un des poles de l’aimant, acquiert beaucoup plus de vertu que sur toute autre partie de la pierre, & que la vertu que ce pole communique au fer, est bien plus considérable lorsqu’il est armé, que lorsqu’il est nud. 2°. Plus on passe lentement le fer, & plus on le presse contre le pole de l’aimant, plus il reçoit de vertu magnétique. 3°. Il est plus avantageux d’aimanter le fer sur un seul pole de l’aimant, que successivement sur les deux poles ; parce que le fer reçoit de chaque pole la vertu magnétique, dans des directions contraires, & dont les effets se détruisent. 4°. On aimante beaucoup mieux un morceau de fer en le passant uniformément & dans la même direction sur le pole de l’aimant suivant sa longueur, qu’en le frottant simplement par son milieu ; & on remarque que l’extrémité qui touche le pole la derniere, conserve le plus de force. 5°. Un morceau d’acier poli, ou bien un morceau de fer acéré, reçoivent plus de vertu magnétique, qu’un morceau de fer simple & de même figure ; & toutes choses d’ailleurs égales, on aimante plus fortement un morceau de fer long, mince & pointu, qu’un autre d’une forme toute différente : ainsi une lame de sabre, d’épée ou de couteau, reçoivent beaucoup plus de vertu qu’un carreau d’acier de même masse, qui n’a d’autres pointes que ses angles. En général un morceau de fer ou d’acier, passé sur le pole d’un aimant, comme nous avons dit, ne reçoit, ou plûtôt ne conserve jamais qu’une vertu magnétique déterminée ; & il paroît que cette quantité de vertu magnétique est déterminée par la longueur, la largeur & l’épaisseur du morceau de fer ou d’acier qu’on aimante. 6°. Puisque le fer ne reçoit de vertu magnétique que suivant sa longueur ; il est important, lorsqu’on veut lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, que cette longueur soit un peu considérable : c’est pourquoi une lame d’épée reçoit plus de vertu qu’une lame de couteau, passée sur la même pierre. Il y a cependant de certaines proportions d’épaisseur & de longueur, hors desquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; en voici un exemple : on a aimanté six lames de fer de 4 pouces de long, & d’environ de pouce d’épaisseur ; leur largeur respective étoit de 1, 2, 3, 4, 5, & 6 lignes ; on les a passées chacune trois fois & de la même maniere sur le pole d’un excellent aimant, & on a éprouvé les différens poids qu’elles pourroient soulever. La premiere, qui étoit la plus petite, leva

1 grain
La 2e large de deux lignes, 10
La 3e large de trois lignes, 7
La 4e large de quatre lignes, 2 0
La 5e large de cinq lignes, 1
La 6e large de six lignes, 1

Voici maintenant la preuve que la force magnétique qu’un morceau de fer peut recevoir d’un aimant, dépend aussi de la proportion de sa longueur : on a pris une lame de fer de de pouce d’épaisseur, de 5 lignes de large, & de pouces de long : on l’a passée trois fois sur le pole d’un aimant, & elle a porté 25 grains : on l’a réduite à la longueur de 10 pouces, & on l’a aimantée trois autres fois ; elle a porté 33 grains : réduite à 9 pouces, elle a porté 19 grains : à 8 pouces, 17 grains : à 4 pouces, grain : d’où l’on voit que la longueur doit être déterminée à 10 pouces ou entre 10 & , pour qu’avec la largeur & l’épaisseur donnée, cette barre puisse acquérir le plus de vertu magnétique.

Lorsqu’une lame de fer ou d’acier d’une certaine largeur & épaisseur se trouve trop courte, pour recevoir beaucoup de vertu magnétique par communication, on peut y suppléer en l’attachant sur un autre morceau de fer plus long, à-peu-près de même largeur & épaisseur, ensorte que se tout soit à-peu-près aussi long qu’il est nécessaire, pour qu’une barre qui auroit ces mêmes dimensions pût acquérir le plus de vertu magnétique qu’il est possible en la passant sur le pole de l’aimant : alors en séparant la petite barre de la grande, on trouvera sa vertu magnétique considérablement augmentée. C’est ainsi qu’on a trouvé moyen d’augmenter considérablement la vertu magnétique d’un bout de lame de sabre d’un pied de long, en l’appliquant sur un autre qui avoit 2 piés 7 pouces & huit lignes de longueur, & en les aimantant dans cette situation : alors la petite lame qui ne pouvoit porter, étant aimantée toute seule, que 4 onces 2 gros 36 grains, soûleva après avoir été séparée de la grande, 7 onces 3 gros 36 grains.

Il faut cependant observer que deux lames ainsi unies l’une à l’autre, ne reçoivent pas autant de vertu magnétique, qu’une seule lame de même longueur & d’égale dimension. Car on a coupé en deux parties bien égales une lame de fer médiocrement mince, & on a partagé une des moitiés en plusieurs morceaux rectangulaires : on a rapproché les parties sciées les unes des autres, afin qu’elles pussent faire à-peu-près la longueur qu’elles avoient auparavant, & on les a fixées dans cette situation : on a placé à côté la moitié de la lame qui n’a point été coupée, & on les a aimantées toutes deux également : la partie qui étoit restée entiere a eu beaucoup plus de vertu magnétique que l’autre, & la partie coupée en recevoit d’autant moins, que ses fragmens étoient moins contigus les uns aux autres.

Indépendamment de ces méthodes de communiquer au fer la vertu magnétique par le moyen de l’aimant, il y en a d’autres dont nous parlerons ci-après en traitant du magnétisme artificiel : mais nous ne saurions nous dispenser à présent de faire savoir qu’il y a des moyens de donner au fer une vertu magnétique très-considérable, & même d’augmenter celle des aimans foibles au point de les rendre très-vigoureux. M. Knight du Collége de la Magdelaine à Oxford, est l’auteur de cette découverte, qu’il n’a pas encore rendue publique : voici des exemples de la grande vertu magnétique qu’il a communiquée à des barreaux d’acier, qu’on ne pouvoit pas leur procurer en les aimantant sur les meilleurs aimans à la maniere ordinaire : 1°. un petit barreau d’acier à huit pans, de trois pouces de long, & du poids d’environ une demi-once, a levé par un de ses bouts environ onze onces sans être armé : 2°. un autre barreau d’acier parallelepipede de de pouce de long, de de pouce de large, & de d’épaisseur, pesant deux onces huit grains , a levé vingt onces par une de ses extrémités sans être armé : 3°. un autre barreau de la même forme & de quatre pouces de long, armé d’acier comme un aimant, l’armure contenue avec un bandage d’argent, le tout pesant une once quatorze grains, a levé par le pié de son armure quatre livres : 4°. un barreau d’acier parallelepipede de quatre pouces de long, d’un pouce de large, & de de pouce d’épaisseur, armé par ses extrémités avec un bandage de cuivre pour maintenir l’armure, le tout pesant quatorze onces un scrupule, a levé par un des piés de l’armure quatorze livres deux onces & demie.

Il a fait aussi un aimant artificiel avec douze barreaux d’acier armés à la maniere ordinaire, lequel a levé par un des piés de l’armure 23 livres deux onces & demie. Ces 12 barreaux avoient chacun un peu plus de 4 pouces de long, de pouce de large, & d’épaisseur ; chacune de ces lames pesoit environ 25 scrupules ; & elles étoient placées l’une sur l’autre, ensorte qu’elles formoient un parallelepipede d’environ deux pouces de haut : toutes ces lames étoient bien serrées avec des liens de cuivre, & portoient une armure d’acier à l’ordinaire ; le tout pesoit 20 onces.

La méthode de communiquer une grande vertu magnétique, particuliere à M. Knight, n’est pas bornée au fer & à l’acier : il sait aussi aimanter un aimant foible au point de le rendre excellent : il en a présenté un à la Société Royale de Londres, qui pesoit tout armé 7 scrupules 14 grains, & qui pouvoit à peine lever deux onces ; l’ayant aimanté diverses fois, suivant sa méthode, il souleva jusqu’à 13 onces. Il aimante si fort un aimant foible, qu’il fait évanoüir la vertu de ses poles, & leur en substitue ensuite d’autres plus vigoureux & directement contraires, ensorte qu’il met le pole boréal où étoit naturellement le pole austral, & ainsi de l’autre pole : pareillement il place les poles d’un aimant où étoit auparavant l’équateur, & l’équateur où étoient les poles : dans un aimant cylindrique il met un pole boréal tout-au-tour de la circonférence du cercle qui fait une des bases, & le pole austral au centre de ce même cercle, tandis que toute la circonférence de l’autre base est un pole austral, & le centre est pole boréal. Il place à sa volonté les poles d’un aimant en quel endroit on peut le desirer ; par exemple, il rend pole boréal le milieu d’une pierre, & les deux extrémités sont pole austral. Enfin dans un aimant parallelepipede il place les poles aux deux extrémités de telle sorte, que la moitié supérieure de la surface est pole austral, & la moitié inférieure pole boréal : la moitié supérieure de l’autre extrémité est pole boréal ; & l’inférieure, pole austral.

Il est vraissemblable que M. Knight réussit à produire tous ces effets par quelque moyen analogue à celui qui a été révélé au Public par M. Mitchell, c’est-à-dire, par le secours des aimans artificiels faits avec des barreaux d’acier trempés & polis, aimantés d’une façon particuliere, qu’il nomme la double touche. Il est très-certain qu’on peut donner à des barreaux d’acier d’une figure convenable, & trempés fort dur, une quantité de vertu magnétique très-considérable. L’acier trempé a cet avantage sur le fer & sur l’acier doux, qu’il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu’il ait plus de peine à s’en imbiber, & qu’on est le maître de placer les poles à telle distance qu’on voudra l’un de l’autre, & dans les endroits qu’on jugera les plus convenables. Nous exposerons tout à l’heure à l’article de l’aimant artificiel la maniere d’aimanter par le moyen de la double touche.

La communication de la vertu magnétique n’épuise en aucune maniere sensible l’aimant dont on emprunte la vertu. Quel que soit le nombre de morceaux de fer qu’on aimante avec une même pierre, on ne diminue rien de sa force ; quoique cependant on ait vû des aimans qui ont donné au fer plus de vertu pour lever des poids, qu’ils n’en avoient eux-mêmes, sans que pour cela leur force ait paru diminuer.

Le fer ne s’enrichit pas non plus aux dépens de l’aimant, quelque vertu qu’il acquierre ; car on a pesé exactement une lame d’acier polie, & un aimant armé ; & après avoir marqué le poids de chacun séparément, on a aimanté la lame : après l’opération, on a trouvé le poids de ces deux corps exactement le même, quoiqu’on se soit servi d’une balance très exacte.

Au reste, ce ne sont pas les aimans qui levent les plus grands poids, qui communiquent le plus de vertu : l’expérience a appris que des aimans très-petits & très-foibles pour porter du fer, communiquent cependant beaucoup de vertu magnétique : il est vrai qu’il y a des especes de fer qui ne reçoivent presque point de vertu d’un bon aimant, tandis qu’une autre espece de fer en reçoit une très-considérable. Mais cette vérité ne paroît pas d’une maniere plus évidente que dans les aimans artificiels, qui communiquent pour la plûpart beaucoup de vertu, & qui néanmoins levent ordinairement peu de fer.

Aimant artificiel.

Lorsqu’un morceau de fer ou d’acier est aimanté, il peut communiquer de la vertu magnétique à d’autre fer, & à de l’aimant même (s’il est assez fort) : alors il ne differe en rien de l’aimant, quant aux effets ; c’est pourquoi on le nomme aimant artificiel. Entre les méthodes de faire des aimans artificiels, voici celle qui a été proposée comme la meilleure.

On choisira plusieurs lames de fleuret bien trempées, polies & bien calibrées, ensorte qu’elles soient égales en longueur, largeur & épaisseur : elles auront environ six pouces de long, cinq lignes de largeur, & une ligne d’épaisseur ; & si on veut augmenter leur longueur, on augmentera en même raison leurs autres dimensions. On aimantera bien chaque lame séparément sur le pole d’un excellent aimant bien armé : on préparera une armure ABCD, (fig. 36.) qui puisse les contenir toutes appliquées les unes sur les autres, & qui les serre & les embrasse par les boutons C & D posés vers leurs extrémités. L’épaisseur des jambages A & B, aussi-bien que celle des boutons C & D, doit être d’autant plus grande, qu’il y a un plus grand nombre de barres assemblées : lors donc qu’on aura disposé toutes ces barres les unes sur les autres entre les deux jambages de maniere que les poles de même nom soient tous du même côté ; on les assujettira dans cette situation par le moyen des vis O, O, P, P, & l’aimant artificiel sera fait.

On se contente quelquefois d’unir ensemble plusieurs lames de fleuret aimantées chacune séparément, & auxquelles on conserve toute leur longueur ; on les tient assujetties par des cercles de cuivre en prenant garde que toutes leurs extrémités soient bien dans le même plan ; c’est sur cette extrémité qu’on passe les lames d’acier & les aiguilles qu’on veut aimanter, & ces sortes d’aimans artificiels sont préférables à beaucoup d’aimans naturels. Ces aimans artificiels seront d’autant meilleurs qu’ils seront construits d’excellent acier bien trempé & bien poli, qu’ils auront été passés sur le pole d’un aimant naturel ou artificiel bien vigoureux, qu’ils auront plus de longueur, enfin qu’ils seront rassemblés en plus grand nombre.

Il faut avoüer cependant que malgré toutes ces précautions, faute d’un aimant assez fort, on ne sauroit communiquer aux barres d’acier qui composent l’aimant artificiel, toute la vertu magnétique qu’elles sont capables de recevoir & de contenir ; car il faut observer qu’un morceau d’acier donné est capable d’une quantité de vertu magnétique déterminée, au-delà de laquelle il n’en sauroit plus acquérir ou tout au moins conserver. Il seroit donc trés-avantageux qu’on pût donner facilement aux lames d’acier toute la quantité de magnétisme qu’elles peuvent recevoir ; c’est précisément en quoi consiste l’avantage de la méthode de M. Mitchell, appellée la double touche ; méthode par laquelle il rend les aimans artificiels bien supérieurs à ceux qu’on peut faire par les méthodes précédentes, & plus forts même que les meilleurs aimans naturels : voici en quoi consiste cette méthode.

On prendra douze barres d’acier plat, égales, longues de six pouces & larges de six lignes, & d’une épaisseur telle qu’elles ne pesent qu’environ une once trois quarts. Après les avoir bien limées & ajustées, on les fera rougir à un feu modéré (car un trop grand feu, ou un trop foible, ne conviendroit pas si bien) & on les trempera. On fera auprès d’une de leurs extrémités une marque avec un ciseau ou un poinçon, afin qu’on puisse reconnoître le pole qui doit se tourner vers le nord, & qu’on nomme pole austral.

Toutes ces barres étant ainsi préparées, on en disposera six sur une table dans une même ligne droite, suivant la direction du méridien magnétique à peu près, & on les assujettira de maniere que toutes les extrémités marquées d’un coup de ciseau soient tournées vers le nord, & touchent l’extrémité de la barre voisine qui n’est pas marquée : ensuite on prendra une bonne pierre d’aimant armée, & on placera ses deux poles sur une des barres, ensorte que son pole du nord soit tourné vers le bout marqué de la barre qui doit devenir pole austral, & que le pole austral de l’aimant soit tourné vers l’extrémité de la barre qui n’est pas marquée, & qui doit devenir un pole boréal. On glissera l’aimant de côté & d’autre d’une extrémité à l’autre de la ligne formée par ces six barres, & on répetera la même opération trois ou quatre fois, prenant bien garde de les toucher toutes : ensuite ramenant l’aimant sur une des barres du milieu, on ôtera les deux barres qui sont aux extrémités, & on les placera dans le milieu de la ligne dans la même situation qu’elles étoient, après quoi on passera encore la pierre trois ou quatre fois dessus, mais sans aller cette fois-ci jusqu’au bout de la ligne, parce que les barres qui sont actuellement aux extrémités, & qui étoient auparavant dans le milieu, ont déjà plus de vertu qu’elles n’en pourroient recevoir aux extrémités de la ligne où elles sont à présent, & même elles en perdroient une partie si on les repassoit encore ; & c’est justement parce que les barres qui sont aux extrémités ne reçoivent pas autant de vertu que celles qui sont au milieu, que l’on conseille de les remettre au milieu pour les repasser.

Après qu’on aura exécuté toutes ces opérations, il sera bon de retourner toutes les barres sens dessus-dessous, & de les retoucher de l’autre côté, excepté celles des extrémités qu’on ne retouchera point, par les raisons qu’on vient de dire, mais qu’on ramenera dans le milieu pour les retoucher après les autres. Ayant ainsi communiqué un peu de magnétisme aux six barres d’acier, on disposera les six autres sur une table, de la même maniere que les précédentes. On peut voir dans la figure 72 la disposition de trois de ces barres A B, & les marques du poinçon & du ciseau qui sont sur leurs extrémités qui sont à main droite, & où doit être leur pole austral. C D & E F représentent les six autres barres déjà aimantées, comme nous venons de le dire, dont il y en a trois dans l’assemblage C D, & trois en E F ; elles se touchent toutes par le haut : mais elles sont éloignées par le bas de la dixieme partie d’un pouce ou un peu plus, quoique d’abord, quand elles n’ont qu’une foible vertu, on puisse les approcher un peu plus près pourvû qu’elles ne se touchent point, ce qu’elles ne doivent jamais faire.

Pour les empêcher de se toucher, on pourra mettre entre-deux un petit morceau de bois ou de toute autre matiere, pourvû que ce ne soit pas du fer.

Les trois aimans C D (car on peut déjà les nommer ainsi, quoique leur vertu soit encore très-foible) ont tous trois leur pole austral en-bas & du côté des extrémités des barres qui ne sont pas marquées, c’est-à-dire celles qui doivent devenir pole boréal ; & les trois aimans E F ont leur pole boréal en-bas tourné vers les extrémités des barres qui sont marquées. Quand on les aura ainsi disposés tous six, on les coulera trois ou quatre fois d’un bout à l’autre de la ligne en allant & revenant ; ensuite on ramenera les barres des extrémités dans le milieu pour les repasser comme nous avons dit ci-dessus, & on les retournera toutes pour faire la même chose sur l’autre plat.

Si les six premieres barres C D, E F, ont été aimantées par un aimant assez vigoureux, ces six dernieres seront déjà aimantées plus fortement que les premieres ; c’est pourquoi on remettra les six premieres dans une ligne droite sur une table comme auparavant, & on les repassera de même avec les dernieres, jusqu’à ce qu’elles soient devenues encore plus fortes ; alors on s’en servira pour aimanter de la même maniere la seconde demi-douzaine, & on répétera cette opération jusqu’à ce que ces barres ne paroissent plus acquérir de vertu par ces touches réitérées.

Chacune de ces six barres, lorsqu’elle a été bien trempée & aimantée de la maniere que nous venons d’exposer, pourra lever par un de ses poles un morceau de fer d’une livre ou plus (pourvû qu’il soit d’une forme convenable) ; & six de ces barres une fois bien aimantées & employées de la maniere que nous venons d’enseigner, aimantent tout-à-fait six barres nouvelles en les passant seulement trois ou quatre fois d’un bout à l’autre, excepté celles des extrémités qu’il faut toûjours repasser après les avoir ramenées dans le milieu.

Dans toutes ces opérations on est souvent obligé de désunir ou de rassembler les barreaux de fer qui composent les deux paquets C D, E F, aussi-bien que les six qui forment la ligne A B. Or comme deux aimans qui ont les poles de même nom du même côté, s’affoiblissent toûjours réciproquement lorsqu’ils se touchent, il est absolument nécessaire (& on doit y prendre garde bien soigneusement dans toutes les occasions) de n’en jamais placer deux à la fois du même côté C D ou E F : mais on les mettra un à un de chaque côté, en les faisant toucher dans toute leur longueur, ou bien en mettant leurs extrémités inférieures sur la ligne des barres qu’on veut aimanter, tandis qu’ils se touchent par les extrémités supérieures ; & on observera la même chose en les retirant, c’est-à-dire un à un de chaque côté. Il sera plus court de les assembler tous six en un faisceau en les prenant un à un à la fois de chaque côté, & les transportant sur la ligne des barres ; on les partagera en deux faisceaux, comme nous avons enseigné : mais on prendra bien garde de les séparer par le bas avant qu’ils soient sur la barre ; car dès le moment ils s’affoibliroient. Au reste, s’ils venoient à s’affoiblir par cet accident, on pourroit les aimanter en les repassant avec les six autres, de la maniere que nous avons enseigné.

Il faut user des mêmes précautions pour conserver ces barreaux aimantés. C’est pourquoi on aura une boîte convenable dans laquelle on fera ajuster deux pieces de fer d’environ un pouce de longueur (qui est à peu près l’épaisseur de six barres d’acier) perpendiculairement l’une vis-à-vis de l’autre, & à la distance de six pouces de dehors en dehors ; ces pieces de fer seront d’environ un quart de pouce quarré & bien polies sur les côtés ; on placera à côté d’elles, & tout joignant, les douze barres d’acier, six d’un côté & six de l’autre ; les six d’un côté avec leur pole du nord vers un bout de la boîte, & les six de l’autre avec leur pole du sud vers ce même bout. Il faut bien prendre garde de ne les jamais mettre ni retirer toutes à la fois d’un côté ou de l’autre, car on les désaimanteroit : mais on en mettra à la fois une de chaque côté, de maniere que leur effort se contre-balance continuellement ; c’est une observation qu’on doit toûjours faire, de n’en laisser jamais deux ou plusieurs ensemble avec leur pole de même nom du même côté, sans quoi elles ne manqueroient pas de perdre leur vertu.

La vertu magnétique que l’on communique à un morceau de fer ou d’acier, y réside tant que ces corps ne sont pas exposés à aucune action violente qui puisse la dissiper : il y a néanmoins des circonstances assez légeres qui peuvent détruire en très-peu de tems le magnétisme du fer le mieux aimanté. Nous allons rapporter ici les principales.

Premierement, lorsqu’on a aimanté un morceau de fer sur un aimant vigoureux, si on vient à le passer sur le pole semblable d’un aimant plus foible, il perd beaucoup de sa vertu, & n’en conserve qu’autant que lui en auroit pû donner l’aimant foible sur lequel on l’a passé en dernier lieu. 2° Lorsqu’on passe une lame de fer ou d’acier sur le même pole de l’aimant sur lequel on l’a déjà aimantée, mais dans une direction contraire à la premiere, la vertu magnétique de la lame se dissipe aussi tôt, & ne se rétablira qu’en continuant de passer la lame sur le même pole dans le dernier sens : mais les poles seront changés à chaque extrémité, & on aura bien de la peine à lui communiquer autant de vertu magnétique qu’elle en avoit d’abord.

3°. Il est essentiel de bien toucher les poles de l’aimant avec le morceau de fer qu’on veut aimanter, & de ne pas se contenter de l’en approcher à une petite distance, non-seulement parce que c’est le meilleur moyen de lui communiquer beaucoup de vertu magnétique ; mais parce que la matiere magnétique se distribue dans le fer suivant une seule & même direction. Voici une expérience qui prouve la nécessité du contact du fer & de l’armure de l’aimant, pour que la communication soit parfaite : si on passe une aiguille de boussole d’un pole à l’autre de l’aimant, en lui faisant toucher successivement les deux boutons de l’armure, elle acquerra la vertu magnétique, & se dirigera nord & sud, comme l’on sait. Mais si après avoir examiné sa direction, on la repasse une seconde fois sur l’aimant dans le même sens qu’on l’avoit fait d’abord, avec cette seule différence, qu’au lieu de toucher les boutons de l’armure, on ne fasse que l’en approcher, même le plus près qu’il est possible : sa vertu magnétique s’affoiblira d’abord, & elle en acquerra une autre, mais avec une vertu directive précisément contraire à la premiere. Et si on continue à l’aimanter dans le même sens, en recommençant à toucher les boutons de l’armure : cette seconde vertu magnétique se détruira, & elle en reprendra une autre avec sa premiere direction ; & on détruira de cette maniere son magnétisme & sa direction autant de fois que l’on voudra.

4o . Pour bien conserver la vertu magnétique que l’on a communiquée à un morceau de fer, il faut le garantir de toute percussion violente ; car toute percussion vive & irréguliere détruit le magnétisme : on a aimanté une lame d’acier sur un excellent aimant, & après avoir reconnu sa vertu attractive, qui étoit très-forte, on l’a battue pendant quelque tems sur une enclume ; elle a bien-tôt perdu toute sa vertu, à cela près, qu’elle pouvoit bien lever quelques parcelles de limaille, comme fait tout le fer battu, mais elle n’a jamais pû enlever la plus petite aiguille : la même chose seroit arrivée en la jettant plusieurs fois sur un quarreau de marbre.

5o . L’action du feu détruit aussi en grande partie la vertu magnétique que l’on a communiquée : après avoir bien aimanté une lame de fer, on la fait rougir dans le feu de forge jusqu’au blanc ; lorsqu’on l’a présentée toute chaude à de la limaille de fer, elle n’en a point attiré : mais elle a repris le magnétisme en se refroidissant. Cependant lorsqu’on a aimanté une lame de fer actuellement rouge, elle a attiré de la limaille de fer, & cette attraction a été plus vive après que le lame a été refroidie.

6o . L’action de plier ou de tordre un morceau de fer aimanté lui fait aussi perdre sa vertu magnétique : on a aimanté un morceau de fil de fer de maniere qu’il se dirigeoit avec vivacité, suivant le méridien magnétique ; ensuite on l’a courbé pour en former un anneau, & on a trouvé qu’il n’avoit plus de direction sous cette forme ; on l’a redressé dans son premier état : mais toutes ces violences lui avoient enlevé la vertu magnétique, ensorte qu’il ne se dirigeoit plus. On a conjecturé que les deux poles avoient agi l’un sur l’autre dans le point de contact, & s’étoient détruits mutuellement ; on a donc aimanté de nouveau le même fil de fer & plusieurs autres semblables, & on en a fait des anneaux imparfaits. On a remarqué qu’ils avoient aussi perdu leur vertu magnétique sous cette nouvelle forme, & qu’il ne la recouvroient que quand on les avoit redressés. Cette expérience réussit toûjours quand le fil de fer est bien & dûment courbé, & surtout si on lui fait faire plusieurs tours en spirale sur un cylindre ; car si la moindre de ses parties n’est pas courbée avec violence, elle conservera son magnétisme : la même chose arrivera à un fil de fer aimanté qu’on plie d’abord en deux, & dont on tortille les deux moitiés l’une sur l’autre ; ensorte qu’il paroît que le magnétisme est détruit par la violence qu’on fait souffrir au fer dans tous ces cas, & par le dérangement qu’on cause dans ses parties, comme il est facile de s’en convaincre par le moyen du microscope.

Voici une expérience qui confirme cette vérité, & qui fait voir que le dérangement causé dans les parties, du fer détruit le magnétisme. On a mis de la limaille de fer dans un tuyau de verre bien sec, & on l’a pressée avec soin ; on l’a aimantée doucement avec une bonne pierre armée, & le tube a attiré des parcelles de limaille répandues sur une table : mais si-tôt qu’on a eu secoüé le tube, & changé la situation respective des particules de limaille, la vertu magnétique s’est évanoüie.

Du fer aimanté sans avoir jamais touché à l’aimant.

Il n’est pas toûjours besoin d’une pierre d’aimant, ou d’un aimant artificiel, pour communiquer la vertu magnétique au fer & à l’acier : ces corps s’aimantent quelquefois naturellement ; on les aimante quelquefois par différens moyens, sans qu’il soit nécessaire d’emprunter le secours d’aucun aimant.

Premierement, un morceau de fer quelconque de figure oblongue, qui demeure pendant quelque tems dans une position verticale, devient un aimant d’autant plus parfait, qu’il a resté plus long-tems dans cette position : c’est ainsi que les croix des clochers de Chartres, de Delft, de Marseille, &c. sont devenues des aimans si parfaits, quelles ont presque perdu leur qualité métallique, & qu’elles attirent & exercent tous les effets des meilleurs aimans : d’ailleurs la vertu magnétique qu’elles ont ainsi contractée à la longue, est demeurée fixe & constante, & se manifeste dans toute sorte de situation. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à fixer verticalement sur un liége C un morceau de fer ab (figure 54.) qui ait resté long-tems dans la position verticale, & faire nager le tout sur l’eau ; si on approche de l’extrémité supérieure a de ce morceau de fer, le pole boréal B d’une pierre d’aimant, le fer sera attiré, mais il sera répoussé si on lui présente l’autre pole A de la pierre : de même si on approche le pole A de l’extrémité inférieure b du fer, celui-ci sera attiré, & repoussé si on en approche le pole B de l’aimant.

En second lieu, les pelles & les pincettes, les barres de fer des fenêtres, & généralement toutes les pieces de fer qui restent long-tems dans une situation perpendiculaire à l’horison, acquierent une vertu magnétique plus ou moins permanente, suivant le tems qu’elles ont demeuré en cet état ; & la partie supérieure de ces barres devient toûjours un pole austral, tandis que le bas est un pole boréal.

3o . Il y a de certaines circonstances dans lesquelles le tonnerre communique au fer une grande vertu magnétique : il tomba un jour dans une chambre dans laquelle il y avoit une caisse remplie de couteaux & de fourchettes d’acier destinés à aller sur mer ; le tonnerre entra par l’angle méridional de la chambre justement où étoit la caisse ; plusieurs couteaux & fourchettes furent fondus & brisés ; d’autres qui demeurerent entiers, furent très-vigoureusement aimantés, & devinrent capables de lever de gros clous & des anneaux de fer : & cette vertu magnétique leur fut si fortement imprimée, qu’elle ne se dissipa pas en les faisant rougir.

4o . La même barre de fer peut acquérir sans toucher à l’aimant des poles magnétiques, fixes ou variables, qu’on découvrira facilement par le moyen d’une aiguille aimantée en cette sorte. On approche d’une aiguille aimantée, bien mobile sur son pivot, une barre de fer qui n’ait jamais touché à l’aimant, ni resté long-tems dans une position verticale ; on soûtient cette barre de fer bien horisontalement, & l’aiguille reste immobile quelle que soit l’extrémité de la barre qu’on lui présente ; sitôt qu’on présente la barre dans une situation verticale, aussitôt son extrémité supérieure attire vivement (dans cet hémisphere septentrional de la terre) l’extrémité boréale de l’aiguille, & la partie inférieure de la barre, attire le sud de l’aiguille (fig. 55.) : mais si on renverse la barre, ensorte que sa partie supérieure soit celle même qui étoit en-bas dans le cas précédent, le nord de l’aiguille sera toûjours attiré constamment par l’extrémité supérieure de la barre, & le sud par l’extrémité inférieure ; d’où il est évident que la position verticale détermine les poles d’une barre de fer ; savoir, le bord supérieur est toûjours (dans notre hémisphere) un pole austral, & l’inférieur un pole boréal : & comme l’on peut mettre chaque extrémité de la barre en haut ou en bas, il est clair que les poles qu’elle acquiert par cette méthode sont variables. On donne à une barre de fer des poles fixes en cette sorte : On la fait rougir & on la laisse refroidir en la tenant dans le plan du méridien : alors l’extrémité qui regarde le nord, devient un pole boréal constant ; & celle qui se refroidit au sud, devient un pole austral aussi constant. Mais pour que cette expérience réussisse, il doit y avoir une certaine proportion entre la grosseur de la barre & sa longueur : par exemple, une barre de de pouce de diametre doit avoir au moins 30 pouces pour acquérir des poles fixes par cette méthode ; & une barre de 30 pouces de long, doit n’avoir que de pouce de diametre ; car si elle étoit plus épaisse, elle n’auroit que des poles variables.

5°. On a vû précédemment qu’une percussion forte & prompte dans un morceau de fer aimanté, est capable de détruire sa vertu magnétique ; une semblable percussion dans un morceau de fer qui n’a jamais touché à l’aimant, est capable de lui donner des poles. On a mis sur une grosse enclume, & dans le plan du méridien, une barre de fer doux, longue & mince, & on a frappé avec un marteau sur l’extrémité qui étoit tournée du côté du nord : aussi-tôt elle est devenue pole boréal ; on a frappé pareillement l’autre extremité, laquelle est devenue pole austral : il faut toûjours observer dans ces sortes d’expériences, que la longueur de la barre soit proportionnée à son épaisseur, sans quoi elles ne réussissent point. Cet effet, au reste, que l’on produit avec un marteau, arrive aussi en limant ou en sciant la barre par une de ses extrémités.

6°. Les outils d’acier qui servent à couper ou à percer le fer, s’aimantent par le travail, sur-tout en s’échauffant, ensorte qu’il y en a qui peuvent soûlever des petits clous de fer. Ces outils n’ont presque point de force au sortir de la trempe : mais lorsqu’après avoir été recuits, on les lime & on les use, ils acquierent alors beaucoup de vertu, qui diminue néanmoins quand ils se refroidissent. Les morceaux d’acier qui se terminent en pointe s’aimantent beaucoup plus fortement que ceux qui se terminent en une langue large & plate : ainsi un poinçon d’acier attire plus par sa pointe qu’un ciseau ou qu’un couteau ordinaire ; plus les poinçons sont longs, plus ils acquierent de vertu ; ensorte qu’un poinçon long d’un pouce & de 9 lignes de diametre attire beaucoup moins qu’un foret de 3 à 4 pouces & d’une ligne de diametre.

On a remarqué que la vertu attractive de tous les corps aimantés de cette maniere étoit beaucoup plus forte lorsqu’on en éprouvoit l’effet sur une enclume ou sur quelqu’autre grosse piece de fer ; ensorte que selon toutes les apparences, les petits clous devenus des aimans artificiels par le contact de l’enclume, presentoient aux poinçons leurs poles de différens noms, ce qui rendoit l’attraction plus forte que lorsqu’ils étoient sur tout autre corps, où ils n’avoient plus de vertu polaire.

7°. On aimante encore très-bien un morceau de fer doux & flexible, & toûjours d’une longueur proportionnée à son épaisseur, en le rompant par l’une ou l’autre de ses extrémités à force de le plier de côté & d’autre. C’est ainsi qu’on a aimanté un morceau de fil de fer très-flexible, long de deux piés & demi, & de la grosseur du petit doigt ; on l’a serré dans un étau à cinq pouces de son extrémité, & après l’avoir plié de côté & d’autre on l’a cassé, chacun de ses bouts a attiré par la cassure un petit clou de broquette : on a remis dans l’étau le bout le plus long, & on l’a serré à un demi-pouce de la cassure, & on l’a plié & replié plusieurs fois sans le rompre, & on a trouvé sa vertu attractive considérablement augmentée à l’endroit de la cassure : on l’a plié ainsi à huit différentes reprises jusqu’au milieu, & il a pû lever quatre broquettes : mais lorsqu’on a continué de le plier au-delà du milieu vers l’autre extrémité, sa vertu a diminué à l’endroit de la cassure, & il a attiré au contraire par le bout opposé, jusqu’à ce qu’ayant été plié plusieurs fois jusqu’à cette derniere extrémité, il a soûlevé quatre broquettes par celle-ci, tandis qu’il pouvoit à peine soûlever quelques particules de limaille par l’extrémité où il avoit été rompu.

Si on plie un morceau de fer dans son milieu, il n’acquerra presque pas de vertu magnétique : si on le plie à des distances égales du milieu, chacune de ses extrémités sera aimantée, mais plus foiblement que si on ne l’avoit plié que d’un côté.

8°. Enfin, M. Marcel, de la Société Royale de Londres, a trouvé un moyen de communiquer la vertu magnétique à des morceaux d’acier, qui est encore indépendant de la pierre d’aimant.

Ce moyen consiste à mettre ces pieces d’acier sur une enclume bien polie, & à les frotter suivant leur longueur, & toûjours dans le même sens, avec une grosse barre de fer verticale, dont l’extrémité inférieure est arrondie & bien polie ; en répétant ce frottement un grand nombre de fois sur toutes les faces de la piece d’acier qu’on veut aimanter, elle acquiert autant de vertu magnétique que si elle eût été touchée par le meilleur aimant ; c’est ainsi qu’il a aimanté des aiguilles de boussole, des lames d’acier destinées à faire des aimans artificiels, & des couteaux qui pouvoient porter une once trois quarts.

Dans les morceaux d’acier qu’on aimante de cette maniere, l’extrémité par où commence le frottement se dirige toûjours vers le nord, & celle par où le frottement finit se dirige vers le sud, quelle que soit la situation de l’acier sur l’enclume.

Cette expérience réussit, au reste, beaucoup mieux lorsque le morceau de fer ou d’acier qu’on veut aimanter par cette méthode est dans la direction du méridien magnétique, un peu inclinée vers le nord, & sur-tout entre deux grosses barres de fer assez longues pour contenir & contre-balancer l’effort des écoulemens magnétiques qu’on imprime au morceau d’acier.

Cet article nous a été donné tout entier par M. Lemonier, Medecin, des Académies Royales des Sciences de Paris & de Berlin, qui a fait avec beaucoup de succès une étude particuliere de l’aimant. Sur la cause des propriétés de l’aimant. V. Magnétisme.

Aimant. (Mat. med.) On ne fait aucun usage en Medecine de la pierre d’aimant pour l’intérieur du corps, quoique Galien dans le Livre des vertus des remedes simples, y reconnoisse les mêmes vertus que dans la pierre hématite ; & que dans le Livre de la Medecine simple, il vante sa vertu purgative, & surtout pour les humeurs aqueuses dans l’hydropisie ; & que Dioscoride l’ait aussi proposée jusqu’au poids de trois oboles, pour évacuer les humeurs épaisses des mélancholiques.

Quelques-uns croyent qu’il y a dans l’aimant une vertu destructive ; d’autres le nient : mais je croirois qu’il faudroit plûtôt attribuer cette mauvaise qualité à une autre espece d’aimant qui a la couleur de l’argent, & qui me paroît être une espece de litarge naturelle, qu’à l’aimant qui attire le fer.

L’aimant employé extérieurement desseche, resserre & affermit ; il entre dans la composition de l’emplâtre appellé main de Dieu, dans l’emplâtre noir, l’emplâtre divin, & l’emplâtre styptique de Charras. Geoffroy.

Schroder dit que l’aimant est astringent, qu’il arrête les hémorrhagies ; calciné, il chasse les humeurs grossieres & atrabilaires : mais on s’en sert rarement. (N)

Aimant arsénical, magnes arsenicalis, (Chim.) c’est une préparation d’antimoine avec du soufre & de l’arsénic blanc qu’on met ensemble dans une phiole, & dont on fait la fusion au feu de fable. Les Alchimistes prétendent ouvrir parfaitement l’or par le moyen de cette composition, qui est d’un beau rouge de rubis, après la fusion. (M)

* AIMORROUS, s. m. (Hist. nat.) serpent qu’on trouvoit autrefois & qu’on trouve même encore aujourd’hui en Afrique. L’effet de sa morsure est très-extraordinaire ; c’est de faire sortir le sang tout pur des poumons. M. de la Métrie dans son Commentaire sur Boerhaave cite ce fait sur l’endroit des institutions où son Auteur dit des venins, qu’il y en a qui nuisent par une qualité occulte, & qui exigent de ces remedes merveilleux appellés spécifiques, dont la découverte ne se peut faire que par hasard. On ne connoît la vertu de l’amorrous que par expérience, ajoûte M. de la Metrie ; l’expérience seule peut mener à la découverte des remedes.

AINE, s. f. bâton qu’on passe à travers la tête des harengs, pour les mettre sorer à la fumée.

Aine, terme d’Anatomie, c’est la partie du corps qui s’étend depuis le haut de la cuisse jusqu’au-dessus des parties génitales.

Ce mot est purement Latin, & dérivé selon quelques-uns d’unguen, onguent, parce qu’on oint souvent ces parties : d’autres le dérivent d’ango, à cause qu’on sent souvent des douleurs dans cet endroit : d’autres d’ingenero, à cause que les parties de la génération y sont placées. (L)

AINÉ, adj. pris subst. en Droit, est le plus âgé des enfans mâles, & à qui à ce titre échet dans la succession de ses pere & mere, une portion plus considérable qu’à chacun de ses freres ou sœurs. Voyez Préciput.

Je dis des enfans mâles ; parce que l’ainesse ne se considere qu’entre mâles, & qu’il n’y a pas de droit d’ainesse entre filles, si ce n’est dans quelques coûtumes particulieres, dans lesquelles au défaut d’enfans mâles, l’ainée des filles a un préciput. Voyez ci-dessous Ainesse.

L’ainé ne se considere qu’au jour du décès ; ensorte néanmoins que les enfans de l’ainé, quoique ce soit des filles, représentent leur pere au droit d’ainesse.

Il n’est tenu des dettes pour raison de son préciput ; & si son fief ou préciput est saisi & vendu pour les biens de la succession, il doit être récompensé sur les autres biens.

L’ainé a les mêmes prérogatives du préciput & de la portion avantageuse dans les terres tenues en franc-alleu noble, que dans les fiefs. Voyez Alleu & Fief. (H)

AINES & DEMI-AINES, s. f. (Orgue.) ce sont les premieres des pieces de peau de mouton Y de forme de losange, & les secondes des pieces X de la même étoffe, qui sont triangulaires ; elles servent à joindre les éclisses & les têtieres des soufflets d’orgue. Voyez Soufflet d’Orgue, & la figure 25. Pl. d’Orgue.

AINESSE, s. f. en Droit, priorité de naissance ou d’âge entre des enfans nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, pour raison de laquelle le plus âgé des mâles emporte de la succession de son pere ou de sa mere, une portion plus considérable que celle de chacun de ses freres ou sœurs en particulier. Voyez Ainé.

J’ai dit entre des enfans nobles, ou qui ont à partager des biens possédés noblement, par rapport à la coûtume de Paris, & plusieurs autres semblables : mais il y a des coûtumes où le droit d’ainesse a lieu, même entre roturiers & pour des biens de roture.

Le droit d’ainesse étoit inconnu aux Romains : il a été introduit singulierement en France pour perpétuer le lustre des familles en même tems que leurs noms.

Dans la coûtume de Paris, le droit d’ainesse consiste 1°. dans un préciput, c’est-à-dire, une portion que l’ainé préleve sur la masse de la succession avant que d’entrer en partage avec ses freres & sœurs : & ce préciput consiste dans le château ou principal manoir, la basse-cour attenant & contiguë audit manoir ; & en outre un arpent dans l’enclos ou jardin joignant ledit manoir ; le corps du moulin, four ou pressoir banaux, étant dans l’enclos du préciput de l’ainé, lui appartient aussi : mais le revenu en doit être partagé entre les puînés, en contribuant par eux à l’entretenement desdits moulin, four ou pressoir. Peut toutefois l’ainé garder pour lui seul le profit qui en revient, en récompensant ses freres.

2°. Le préciput prélevé, voici comme se partage le reste des biens : s’il n’y a que deux enfans, l’ainé des deux prend les deux tiers des biens restans, & le cadet l’autre tiers : s’il y a plus de deux enfans, l’ainé de tous prend la moitié pour lui seul, & le reste se partage également entre tous les autres enfans.

S’il n’y avoit pour tout bien dans la succession qu’un manoir, l’ainé le garderoit : mais les puînés pourroient prendre sur icelui leur légitime, ou droit de doüaire coûtumier ou préfixe ; si mieux n’aimoit l’ainé, pour ne point voir démembrer son fief, leur bailler récompense en argent.

Si au contraire il n’y avoit dans la succession que des terres sans manoir, l’ainé prendroit pour son préciput un arpent avant partage.

S’il y a des fiefs dans différentes coûtumes, l’ainé peut prendre un préciput dans chaque coûtume selon la coûtume d’icelle ; ensorte que le principal manoir que l’ainé aura pris pour son préciput dans un fief situé dans la coûtume de Paris, n’empêche pas qu’il ne prenne un autre manoir dans un fief situé dans une autre coûtume, qui attribuera le manoir à l’ainé pour son préciput.

Ce droit est si favorable, que les pere & mere n’y sauroient préjudicier en aucune façon, soit par derniere volonté, ou par actes entre-vifs, par constitution de dot ou donation en avancement d’hoirie, au profit des autres enfans.

Ce droit se prend sur les biens substitués, même par un étranger : mais il ne se prend pas sur les biens échûs à titre de doüaire, & ne marche qu’après la légitime ou le doüaire.

Voyez sur cette matiere la Coûtume de Paris, article xiij. xiv. &c. jusqu’à xix. inclusivement. C’est sur cette coûtume que se reglent toutes celles qui n’ont pas de dispositions contraires.

Le droit d’ainesse ne peut être ôté par le pere au premier né, & transporté au cadet, même du consentement de l’ainé : mais l’ainé peut de son propre mouvement & sans contrainte, renoncer validement à son droit : & si la renonciation est faite avant l’ouverture de la succession, elle opere le transport du droit d’ainesse sur le puîné ; secus, si elle est faite après l’ouverture de la succession : auquel cas elle accroît au profit de tous les enfans, à moins qu’il n’en ait fait cession expresse à l’un d’eux.

Les filles n’ont jamais de droit d’ainesse, à moins qu’il ne leur soit donné expressément par la Coûtume.

La représentation a lieu pour le droit d’ainesse dans la plûpart des Coûtumes, & spécialement dans celle de Paris, où les enfans de l’ainé, soit mâles ou femelles, prennent tout l’avantage que leur pere auroit eu.

Observez néanmoins que les filles ne représentent leur pere au droit d’ainesse, que lorsque le défunt n’a pas laissé de frere : seulement elles prennent à ce titre la part qu’auroit eu un enfant mâle, laquelle est double de celle qui revient à une fille.

Quoique la plûpart des Coutumes se servent indifféremment du mot de préciput, en parlant du principal manoir, & de la moitié ou des deux tiers que l’ainé prend dans les fiefs, néanmoins ce qu’on appelle proprement le préciput, c’est le manoir, la basse-cour ou le vol du chapon : le reste s’appelle communément la portion avantageuse. V. Portion avantageuse.

Il y a cette différence de l’un à l’autre, que quand il y auroit dix terres en fiefs toutes bâties, dans une même succession & dans une même Coûtume, l’ainé ne peut avoir qu’un château tel qu’il veut choisir pour son préciput, au lieu qu’il prend la portion avantageuse dans tous les fiefs. (H)

AIOL, Scarus varius, s. m. (Hist. nat.) Poisson de mer appellé en grec αἰόλος, à cause de ses différentes couleurs d’où sont venus les noms d’aiol & d’auriol. On a aussi appellé ce poisson rochau, parce qu’il vit au milieu des rochers, comme les autres poissons que l’on appelle saxatiles : celui-ci a les yeux & le bas du ventre où se trouve l’anus, de couleur de pourpre, la queue de couleur bleue, & le reste du corps en partie vert & en partie noir bleuâtre, les écailles sont parsemées de taches obscures. La bouche est petite, les dents larges, celles de la mâchoire supérieure sont serrées, & celles de la mâchoire inférieure sont éloignées les unes des autres & pointues. Ce poisson a sur le dos presque jusqu’auprès de la queue, des aiguillons posés à des distances égales, & qui tiennent à une membrane mince qui est entr’eux ; il y a aussi à la pointe de chaque aiguillon, une autre petite membrane qui flotte comme un étendard. Les nageoires qui sont auprès des ouïes sont larges & presqu’ovales ; il y a deux taches de couleur de pourpre sur le milieu du ventre : ce poisson est un des plus beaux que l’on puisse voir, sa chair est tendre & délicate. On en trouve à Marseille & à Antibe. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

AJOURÉ, adj. terme de Blason. Il se prend pour une couverture du chef, de quelque forme qu’elle soit, ronde, quarrée, en croissant, &c. pourvû qu’elle touche le bout de l’écu ; il se dit encore des jours d’une tour & d’une maison, quand ils sont d’autre couleur.

Viry en Bourgogne, de sable à la croix anchrée d’argent, ajourée en cœur, en quarré, c’est-à-dire ouverte au milieu ; ce sont des croix de fer de moulin. (V)

AJOURNEMENT. Voyez Adjournement.

AJOUTÉE ou ACQUISE, adj. pris subst. c’est, dans la musique des Grecs, la corde ou le son qu’ils appelloient Proslambanomenos. Voyez ce mot.

Sixte ajoutée. Voyez Sixte. (S)

* AJOUTER, AUGMENTER. On ajoute une chose à une autre. On augmente la même. Ajouter laisse une perception distincte des choses ajoutées ; lorsque j’ai ajouté une somme connue à une autre somme connue, j’en vois deux. Augmenter ne laisse pas cette perception ; on n’a que l’idée du tout, lorsqu’on augmente l’eau contenue dans un bassin. Aussi, M. l’Abbé Girard a-t-il dit très-heureusement, Syn. Franç. Bien des gens ne font point scrupule pour augmenter leur bien, d’y ajoûter celui d’autrui. Ajoûter est toujours actif ; augmenter est quelquefois neutre. Notre ambition augmente avec notre fortune ; à peine avons nous une dignité, que nous pensons à y en ajoûter une autre. Voyez Syn. Franç. l’addition est de parties connues & déterminées ; l’augmentation de parties indéterminées.

AJOUX, s. m. se dit parmi les Tireurs d’or, de deux lames de fer, entre lesquelles sont retenues les filieres & les précatons. Voyez Filieres & Précatons.

AIR, s. m. est un corps léger, fluide, transparent, capable de compression & de dilatation ; qui couvre le globe terrestre jusqu’à une hauteur considérable. Voyez Terre & Terrestre. Ce mot vient du grec ἀὴρ, qui signifie la même chose.

Quelques Anciens ont considéré l’air comme un élement : mais ils ne prenoient pas le mot élement dans le même sens que nous. Voyez Élement.

Il est certain que l’air, pris dans sa signification ordinaire, est très-éloigné de la simplicité d’une substance élémentaire, quoiqu’il puisse avoir des parties qui méritent cette dénomination. C’est pourquoi on peut distinguer l’air en air vulgaire ou hétérogene, & en propre ou élémentaire.

L’air vulgaire ou hétérogene est un assemblage de corpuscules de différentes sortes, qui toutes ensemble constituent une masse fluide, dans laquelle nous vivons & nous nous mouvons, & que nous inspirons & expirons alternativement. Cette masse totale est ce que nous appellons atmosphere. V. Atmosphere.

A la hauteur où finit cet air ou atmosphere, commence l’éther selon quelques Philosophes. V. Éther & Réfraction.

Les substances hétérogenes dont l’air est composé, peuvent se reduire à deux sortes ; savoir 1°. la matiere de la lumiere ou du feu, qui émane perpetuellement des corps célestes. Voyez Feu. A quoi quelques Physiciens ajoûtent les émanations magnétiques de la terre, vraies ou prétendues. Voyez Magnétisme.

2°. Ce nombre infini de particules qui s’élevent en forme de vapeurs ou d’exhalaisons seches de la terre, de l’eau, des minéraux, des végétaux, des animaux, &c. soit par la chaleur du soleil, ou par celle des feux soûterrains, ou par celle des foyers. Voyez Vapeur & Exhalaison.

L’air élémentaire, ou air proprement dit, est une matiere subtile, homogene & élastique, qui est la base, pour ainsi-dire, & l’ingrédient fondamental de tout l’air de l’atmosphere, & qui lui donne son nom.

On peut reconnoître l’air proprement dit, à une infinité de caracteres ; nous en allons ici exposer quelques-uns.

1°. Lorsqu’on renferme l’air dans quelque vaisseau de métal ou dans un verre, il y reste sans qu’il lui arrive aucun changement, & toûjours sous la forme d’air : mais il n’en est pas de même des vapeurs ; car dès qu’elles deviennent froides, elles perdent toute leur élasticité, & vont s’attacher tout autour des parois internes du verre, d’où elles dégoûtent & tombent ensuite en-bas ; de sorte que les verres & les vaisseaux, qui auparavant étoient remplis de vapeurs élastiques, se trouvent ensuite comme vuides. Il en est à peu-près de même des exhalaisons des autres corps, qui se dissipent avec le tems & se perdent en quelque maniere, lorsque leurs parties, après avoir perdu l’élasticité qu’elles avoient, viennent à se réunir & à ne faire qu’un corps. Cela paroît par plusieurs expériences qui ont été faites par M. Boyle avec l’air que l’on tire des raisins, de la pâte de farine, de la chair, & de plusieurs autres corps : cela se confirme aussi par les expériences dont M. Hales a donné la description dans son ouvrage intitulé la Statique des végétaux & l’analyse de l’air.

2°. Une autre propriété de l’air, c’est que par son moyen les corps terrestres qui sont en feu, continuent de bruler jusqu’à ce que toutes les parties qui peuvent contenir du feu, soient consumées ; au contraire les vapeurs & les exhalaisons éteignent dans l’instant le feu le plus vif, de même que l’éclat des charbons & du fer ardent. Ces mêmes vapeurs, bien loin d’être nécessaires à la respiration, comme l’air, y nuisent souvent, & quelquefois suffoquent. Témoin l’effet du soufre allumé, & celui de la grotte d’Italie, où un chien est suffoqué en un clin d’œil.

3°. Si l’air n’est pas un fluide différent des vapeurs & des exhalaisons, pourquoi reste-t-il tel qu’il étoit auparavant, après une grosse pluie mêlée d’éclairs & de tonnerre ? En effet, lorsqu’il fait des éclairs, les exhalaisons se mettent en feu, & tombent sur la terre en forme de pluie avec les vapeurs : mais après la pluie, on ne remarque pas qu’il soit arrivé aucun changement à l’air, si ce n’est qu’il se trouve purifié ; il doit donc être différent des exhalaisons terrestres. Mussch. Essai de Phys.

Quant à la nature & la substance de l’air, nous n’en savons que bien peu de chose ; ce que les Auteurs en ont dit jusqu’à présent n’étant que de pures conjectures. Il n’y a pas moyen d’examiner l’air seul & épuré de toutes les matieres qui y sont mêlées ; & par conséquent on ne peut pas dire quelle est sa nature particuliere, abstraction faite de toutes les matieres hétérogenes parmi lesquelles il est confondu.

Le Docteur Hook veut que ce ne soit rien autre chose que l’éther même, ou cette matiere fluide & active, répandue dans tout l’espace des régions célestes ; ce qui répond au medium subtile, ou milieu subtil de Newton. Voyez Éther, Milieu.

Considéré comme tel, on en fait une substance sui generis, qui ne dérive d’aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui est incorruptible, immuable, présente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D’autres s’attachent à son élasticité, qu’ils regardent comme son caractere essentiel & distinctif ; ils supposent qu’il peut être produit & engendré, & que ce n’est autre chose que la matiere des autres corps, devenue par les changemens qui s’y sont faits, susceptible d’une élasticité permanente. M. Boyle nous rapporte plusieurs expériences qu’il a lui-même faites sur la production de l’air : ce Philosophe appelle produire de l’air, tirer une quantité d’air sensible de corps où il ne paroissoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroissoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il observe que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures sont la fermentation, la corrosion, la dissolution, la décomposition, l’ébullition de l’eau & des autres fluides, & l’action réciproque des corps, surtout des corps salins, les uns sur les autres. Hist. de l’air. Il ajoûte que les différens corps solides & minéraux, dans les parties desquels on ne soupçonneroit pas la moindre élasticité, étant plongés dans des menstrues corrosifs, qui ne soient point élastiques non plus, on aura cependant au moyen de l’atténuation des parties, causée par leur froissement, une quantité considérable d’air élastique. Voyez Ibid.

Newton est du même sentiment. Selon ce Philosophe, les particules d’une substance dense, compacte & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puissante force attractive, ne peuvent être séparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais sans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, se transforment en un air vraiment élastique. Voyez l’Optique de Newton. Sur ce principe, il ajoûte que la poudre à canon produit de l’air par son explosion. Ibid.

Voilà donc non-seulement des matériaux pour produire de l’air, mais aussi la méthode d’y procéder : en conséquence de quoi on divise l’air en réel ou permanent, & en apparent ou passager. Car pour se convaincre que tout ce qui paroît air ne l’est pas pour cela, il ne faut que l’exemple de l’éolipile, où l’eau étant suffisamment raréfiée par le feu, sort avec un siflement aigu, sous la forme d’une matiere parfaitement semblable à l’air ; mais bientôt après perd cette ressemblance, surtout au froid, & redevient eau par la condensation, telle qu’elle étoit originairement. On peut observer la même chose dans l’esprit de vin, & autres esprits subtils & fugitifs qu’on obtient par la distillation ; au lieu que l’air réel ne se peut réduire ni par la compression, ni par la condensation ou autre voie, en aucune autre substance que de l’air. Voyez Eolipile.

On peut donc faire prendre à l’eau pour quelque tems l’apparence de l’air : mais elle reprend bientôt la sienne. Il en est de même des autres fluides ; la plus grande subtilisation qu’on y puisse produire, est de les réduire en vapeurs, lesquelles consistent en un fluide extrèmement raréfié, & agité d’un mouvement fort vif. Car pour qu’une substance soit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu’elle soit d’une nature fixe ; autrement elle ne sauroit subir la transmutation qu’il faudroit qui s’y fît ; mais elle s’envole & se dissipe trop vîte. Ainsi la différence entre l’air passager & l’air permanent, répond à celle qui est entre les vapeurs & les exhalaisons, qui consiste en ce que celles-ci sont seches, & celles-là humides, &c. Voyez Vapeur & Exhalaison

La plûpart des Philosophes font consister l’élasticité de l’air dans la figure de ses particules. Quelques-uns veulent que ce soit de petits floccons semblables à des touffes de laine ; d’autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en spirale comme des fils d’archal, des copeaux de bois, ou le ressort d’une montre, & faisant effort pour se rétablir en vertu de leur contexture ; de sorte que pour produire de l’air, il faut, selon eux, produire des particules disposées de cette maniere, & qu’il n’y a de corps propres à en produire, que ceux qui sont susceptibles de cette disposition. Or c’est dequoi, ajoûtent-ils, les fluides ne sont pas susceptibles, à cause du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.

Mais Newton, (Opt. p. 371.) propose un système différent : il ne trouve pas cette contexture des parties suffisante pour rendre raison de l’élasticité surprenante qu’on observe dans l’air, qui peut être raréfié au point d’occuper un espace un million de fois plus grand que celui qu’il occupoit avant sa raréfaction. Or comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulsif, & que ces deux qualités sont d’autant plus fortes dans les corps, qu’ils sont plus denses, plus solides, & plus compacts ; il en conclut que quand par la chaleur, ou par l’effet de quelqu’autre agent, la force attractive est surmontée, & les particules du corps écartées au point de n’être plus dans la sphere d’attraction, la force répulsive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d’autant plus de force qu’elles étoient plus étroitement adhérentes entre elles, & ainsi il s’en forme un air permanent. C’est pourquoi, dit le même Auteur, comme les particules d’air permanent sont plus grossieres, & formées de corps plus denses que celles de l’air passager ou des vapeurs, le véritable air est plus pesant que les vapeurs, & l’atmosphere humide plus légere que l’atmosphere seche. Voyez Attraction, Répulsion, &c.

Mais, après tout, il y a encore lieu de douter si la matiere ainsi extraite des corps solides a toutes les propriétés de l’air ; si cet air n’est pas passager, ou si l’air permanent qu’on tire des corps n’y existoit pas déjà. M. Boyle prouve par une expérience faite dans la Machine pneumatique avec une meche allumée, que cette fumée subtile que le feu éleve même des corps secs, n’a pas autant de ressort que l’air, puisqu’elle ne sauroit empêcher l’expansion d’un peu d’air enfermé dans une vessie qu’elle environne. Physic. mech. Exper. Néanmoins dans quelques expériences postérieures, en dissolvant du fer dans l’huile de vitriol & de l’eau, ou dans de l’eau-forte, il a formé une grosse bulle d’air qui avoit un véritable ressort, & qui en conséquence de son ressort, empêchoit que la liqueur voisine ne prit sa place ; lorsqu’on y appliqua la main toute chaude, elle se dilata aisément comme tout autre air, & se sépara dans la liqueur même en plusieurs bulles, dont quelques-unes s’éleverent hors de la liqueur en plein air. Ibid.

Le même Physicien nous assûre avoir tiré une substance vraiment élastique de plusieurs autres corps ; comme du pain, du raisin, de la bierre, des pommes, des pois, du bœuf, &c. & de quelques corps, en les brûlant dans le vuide, & singulierement du papier, de la corne de cerf : mais cependant cette substance, à l’examiner de près, étoit si éloignée de la nature d’un air pur, que les animaux qu’on y enfermoit, non-seulement ne pouvoient respirer qu’avec peine, mais même y mouroient plus vîte que dans un vuide, où il n’y auroit point eu d’air du tout. Physic. mechan. exper.

Nous pouvons ajoûter ici une observation de l’Académie Royale des Sciences, qui est que l’élasticité est si éloignée d’être la qualité constitutive de l’air, qu’au contraire s’il se joint à l’air quelques matieres hétérogenes, il devient plus élastique qu’il ne l’étoit dans toute sa pureté. Ainsi M. de Fontenelle assûre en conséquence de quelques expériences faites à Paris par M. de la Hire, & à Boulogne par M. Stancari, que l’air rendu humide par le mélange des vapeurs est beaucoup plus élastique, & plus capable d’expansion, que quand il est pur ; & M. de la Hire le juge huit fois plus élastique que l’air sec. Hist. de l’Acad. an. 1708.)

Mais il est bon d’observer aussi que M. Jurin explique ces expériences d’une autre maniere, & prétend que la conséquence qu’on en tire, n’en est pas une suite nécessaire. Append. ad V aren. Geogr.

Tout ce que nous venons de dire, s’entend de l’air considéré en lui-même : mais, comme nous l’avons remarqué, cet air n’existe nulle part pur de tout mêlange. Or ces substances hétérogenes des propriétés & des effets desquels nous avons à traiter ici, sont selon M. Boyle, d’une nature toute différente de celle de l’air pur. Boerhaave même fait voir que c’est un cahos & un assemblage de toutes les especes de corps créés. Tout ce que le feu peut volatiliser s’éleve dans l’air : or il n’y a point de corps qui puisse résister à l’action du feu. Voyez Feu, Volatil, &c.

Par exemple, il doit s’y trouver 1°. des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne minéral : car toutes ces substances, telles que les sels, les soufres, les pierres, les métaux, &c. peuvent être converties en fumée, & par conséquent prendre place parmi les substances aériennes. L’or même, le plus fixe de tous les corps naturels, se trouve dans les mines fortement adhérent au soufre, & peut conséquemment être élevé avec ce minéral. Voyez Or, &c.

2°. Il faut aussi qu’il y ait dans l’air des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne animal. Car les émanations abondantes qui sortent perpétuellement des corps des animaux par la transpiration qu’opere sans cesse la chaleur vitale, portent dans l’air pendant le cours entier de la vie d’un animal plus de particules de sa substance qu’il n’en faudroit pour récomposer plusieurs corps semblables. Voyez Transpiration, Emanation, &c.

De plus, quand un animal mort reste exposé à l’air, toutes ses parties s’évaporent & se dissipent bien-tôt ; de sorte que la substance dont étoit composé un animal, un homme par exemple, un bœuf ou tout autre, se trouve presque toute convertie en air.

Voici une preuve entre mille autres, qui fait bien voir que l’air se charge d’une infinité de particules excrémenteuses ; on dit qu’à Madrid, on n’est point dans l’usage d’avoir des privés dans les maisons ; que les rues en servent la nuit : que cependant l’air enleve si promptement les particules fétides, qu’il n’en reste aucune odeur le jour.

3°. Il est également certain que l’air est aussi chargé de végétaux ; car on sait que toutes les substances végétales deviennent volatiles par la putréfaction, sans même en excepter ce qu’il y a de terreux & de vasculaire qui s’échappe à son tour. Voyez Végétal, Plante, &c.

De toutes ces émanations qui flotent dans le vaste océan de l’atmosphere, les principales sont celles qui consistent en parties salines. La plûpart des Auteurs imaginent qu’elles sont d’une espece nitreuse : mais il n’y a pas à douter qu’il n’y en ait de toutes sortes ; du vitriol, de l’alun, du sel marin, & une infinité d’autres. Voyez Sel, Nitre, &c.

M. Boyle observe même qu’il peut y avoir dans l’air quantité de sels composés qui ne sont point sur terre : formés par la rencontre fortuite & le mêlange de différens esprits salins. Ainsi l’on voit des vitrages d’anciens bâtimens, corrodés comme s’ils avoient été rongés par des vers, quoique aucun des sels que nous connoissons en particulier, ne fût capable de produire cet effet.

Les soufres sont sans doute une partie considérable de la substance aérienne, à cause du grand nombre de volcans, de grottes, de cavernes, & de soûpiraux ; d’où il sort une quantité considérable de soufres qui se répand dans l’atmosphere. Voyez Soufre, Volcan, &c.

Et l’on peut regarder les aggrégations, les séparations, les frottemens, les dissolutions & les autres opérations d’une matiere sur une autre, comme les sources d’une infinité de substances neutres & anonymes qui ne nous sont pas connues.

L’air, pris dans cette acception générale, est un des agens les plus considérables & les plus universels qu’il y ait dans la nature, tant pour la conservation de la vie des animaux, que pour la production des plus importans phénomenes qui arrivent sur la terre. Ses propriétés & ses effets-ayant été les principaux objets des recherches & des découvertes des Philosophes modernes ; ils les ont réduits à des lois & des démonstrations précises qui font partie des branches des Mathématiques qu’on appelle Pneumatique & Airométrie. Voyez Respiration, Pneumatique & Airometrie, &c.

Parmi les propriétés & les effets méchaniques de l’air, les principaux sont sa fluidité, sa pesanteur & son élasticité. 1°. Commençons par la fluidité. Cette propriété de l’air est constante par la facilité qu’ont les corps à le traverser, par la propagation des sons, des odeurs & émanations de toutes sortes qui s’échappent des corps ; car ces effets désignent un corps dont les parties cedent au plus léger effort, & en y cédant, se meuvent elles-mêmes avec beaucoup de facilité : or voilà précisément ce qui constitue le fluide. L’air ne perd jamais cette propriété, soit qu’on le garde plusieurs années dans une bouteille fermée, soit qu’on l’expose au plus grand froid naturel ou artificiel, soit qu’on le condense en le comprimant fortement. On n’a jamais remarqué dans aucun de ces cas qu’il se soit réduit en parties solides ; cela vient de sa rareté, de sa mobilité, & de la figure de ses parties. M. Formey. V. Fluide & Son, &c.

Ceux, qui suivant le sentiment de Descartes, font consister la fluidité dans un mouvement perpétuel & intestin des parties, trouveront ce caractere dans l’air. Ainsi dans une chambre obscure où les représentations des objets extérieurs ne sont introduites que par un seul rayon, on voit les corpuscules dont l’air est rempli dans une fluctuation perpétuelle ; & les meilleurs Thermometres ne sont jamais dans un parfait repos. Voyez Thermometre.

Quelques Philosophes modernes attribuent la cause de la fluidité de l’air, au feu qui y est entremêlé, sans lequel toute l’atmosphere, selon eux, se durciroit en une masse solide & impénétrable ; & en effet, plus le degré de feu y est considérable, plus elle est fluide, mobile & perméable ; & selon que les différentes positions du soleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l’air en reçoit toûjours une température proportionnée. Voyez Feu.

C’est-là, sans doute en grande partie, ce qui fait que sur les sommets des plus hautes montagnes, les sensations de l’oüie, de l’odorat, & les autres, se trouvent plus foibles. Voyez Montagne.

Comme l’air est un fluide, il presse dans toutes sortes de directions avec la même force, c’est-à-dire, en haut, en bas, latéralement, obliquement, ainsi que l’expérience le démontre dans tous les fluides. On prouve que la pression latérale de l’air est égale à la pression perpendiculaire par l’expérience suivante, qui est de M. Mariotte. On prend une bouteille haute, percée vers son milieu d’un petit trou ; lorsque cette bouteille est pleine d’eau, on y plonge un tuyau de verre ouvert de chaque côté, dont l’extremité inférieure descend plus bas que le petit trou fait à la bouteille. On bouche le col de la bouteille avec de la cire ou de la poix, dont on a soin de bien envelopper le tuyau, ensorte qu’il ne puisse point du tout entrer d’air entre le tuyau & le col : lors donc que le tuyau se trouve rempli d’eau & que le trou latéral de la bouteille vient à s’ouvrir, l’eau s’écoule en partie du tuyau, mais elle s’arrête proche de l’extrémité inférieure du tuyau à la hauteur du trou, & toute la bouteille reste pleine. Or si la pression perpendiculaire de l’air l’emportoit sur la pression latérale, toute l’eau devroit être poussée hors du tuyau, & ne manqueroit pas de s’écouler ; c’est pourtant ce qui n’arrive pas, parce que l’air presse latéralement avec tant de force contre le trou, que l’eau ne se peut échapper de la bouteille. Mussch. ess. de Phys.

II. La pesanteur ou la gravité. Cette propriété de l’air est peut-être une suite de ce qu’il est une substance corporelle ; la pesanteur étant ou une propriété essentielle de la matiere, ou du moins une propriété qui se rencontre dans tous les corps. Voyez Attraction, Pesanteur, Gravité

Nous avons une infinité de preuves de cette propriété par les expériences. La pesanteur de l’air paroit d’abord en ce qu’il n’abandonne point le centre de la terre. Si on pompe l’air d’un verre, & qu’on ouvre ensuite ce verre en-haut, l’air se précipitera sur le champ dans le verre par l’ouverture, & le remplira. Toutes les expériences de la machine pneumatique prouvent cette qualité de l’air. Voyez Pneumatique. Qu’on applique la main sur l’orifice d’un vaisseau vuide d’air, on sent bien-tôt le poids de l’atmosphere qui la comprime. Des vaisseaux de verre dont on a pompé l’air, sont aisément brisés par la pesanteur de l’air qui les comprime en dehors. Si l’on joint bien exactement deux moitiés d’une sphere creuse, & qu’on en pompe l’air, elles seront pressées l’une contre l’autre par le poids de l’air voisin, avec une force égale à celle d’un poids de cent livres.

Lorsqu’on pose sur un récipient de Machine pneumatique un disque mince & plat de plomb ou de verre, & qu’on pompe ensuite l’air du récipient, l’air extérieur presse alors par sa pesanteur le disque de plomb dans le récipient, ou il brise en pieces avec beaucoup de violence le verre en le poussant en dedans. Si on enveloppe un cylindre ouvert par en haut, d’une vessie de cochon bien mince, dès qu’on aura pompé l’air de ce cylindre, la vessie sera déchirée avec beaucoup de violence. Lorsqu’on pose sur la plaque de la Machine pneumatique des verres ou vases sphériques dont on pompe l’air, ils se trouvent d’abord pressés avec beaucoup de force contre cette plaque, par la pesanteur de l’air extérieur qui les comprime ; de sorte qu’on ne peut les en retirer ensuite qu’avec beaucoup de force.

Autre expérience : Prenez un tuyau fermé par un bout, emplissez-le de mercure, plongez-le par le bout ouvert dans un bassin plein du même fluide, & le tenez droit ; le mercure sera suspendu dans le tuyau à la hauteur d’environ 27 à 28 pouces, au-dessus de la surface du mercure qui est dans le bassin. La raison de cette suspension est, que le mercure du tuyau ne sauroit descendre plus bas sans faire monter celui qui est dans le bassin, lequel étant pressé par le poids de l’atmosphere qu’il supporte, ne permet pas à celui du tuyau de descendre, à moins que le poids de ce dernier n’excede celui de l’air qui presse sur le bassin. Ce qui prouve que c’est-là la cause de cette suspension, c’est que si l’on met le bassin & le tuyau sous le récipient de la Machine pneumatique, à mesure que l’on pompera l’air, le mercure du tuyau baissera ; & réciproquement à mesure que l’on laissera rentrer l’air, le mercure remontera à sa premiere hauteur. C’est-là ce qu’on appelle l’expérience de Torricelli.

C’est aussi à la pesanteur de l’air qu’on doit attribuer l’effet des pompes. Car supposons un tuyau de verre ouvert de chaque côté, & qu’on pousse dedans jusqu’en bas un piston attaché à un manche, qu’on mette ce tuyau dans un petit bassin de mercure, & qu’on tire le piston en haut, qu’en arrivera-t-il ? Comme il n’y a pas d’air & par conséquent point de résistance ni aucune cause qui agisse par la pression, entre le piston & le mercure qui est dans le petit bassin, placé à l’ouverture du tuyau, il faut que le mercure du bassin étant pressé par l’air supérieur & extérieur, monte dans le tuyau & suive le piston ; & lorsque le piston est arrivé à la hauteur de 28 pouces environ, & qu’on continue de le tirer, il faut que le mercure abandonne le piston, & qu’il reste suspendu dans le tuyau à la hauteur de 28 pouces. Car le poids de l’air extérieur n’a pas la force de l’élever d’avantage. Si on prend de l’eau au lieu du mercure, comme elle est environ 14 fois plus légere, l’air la fera aussi monter plus haut, c’est-à-dire, jusqu’à environ 32 pieds.

L’action des enfans qui tetent ne differe pas beaucoup de celle d’une pompe ; car un enfant qui tete, avale l’air qui est dans sa bouche ; il bouche les narines par derriere dans le gosier, & prend le mammelon qu’il serre tout autour avec ses levres. Il gonfle ensuite ses joues & produit de cette maniere un vuide dans sa bouche. L’air presse par sa pesanteur sur les mammelles, & pousse le lait vers le mammelon, & de-là dans la bouche.

On peut aussi expliquer l’action des ventouses par le même principe. Car la partie de la peau qui est enfermée sous la ventouse, se trouve sous un vase dont on a pompé l’air ; de sorte que les humeurs du corps sont poussées vers cette partie par l’action de l’air extérieur : ce qui fait que la peau & ses vaisseaux se gonflent & se levent sous la ventouse. Mussch.

Enfin on peut peser l’air : car si l’on met un vaisseau plein d’air commun dans une balance bien juste, on le trouvera plus pesant que si l’air en avoit été retiré ; & le poids sera encore bien plus sensible, si l’on pese ce même vaisseau rempli d’air condensé sous un récipient d’où on aura pompé l’air. Voyez Balance hydrostatique.

Quelques personnes douteront peut-être que l’air soit pesant de lui-même, & croiront que sa pesanteur peut venir des vapeurs & des exhalaisons dont il est rempli. Il n’y a aucun lieu de douter que la pesanteur de l’air ne dépende effectivement en partie des vapeurs, comme on peut l’expérimenter, en prenant une boule de verre pleine d’air, qu’on pompera ensuite fort exactement. Pour cet effet on mettra en haut sur l’ouverture par laquelle l’air devra rentrer dans la boule, un entonnoir fait exprès, qui aura une cloison percée de petits trous ; on mettra ensuite dessus de la potasse fort seche ou du sel de tartre, & on laissera entrer l’air lentement à travers ces sels dans la boule. On attendra assez long-tems afin que la boule se remplisse d’air, & qu’elle ne se trouve pas plus chaude que l’air extérieur, en cas qu’il puisse s’échauffer par quelque fermentation en passant à travers les sels. Si l’air de l’atmosphere est sec, on trouve que l’air qui avoit auparavant rempli la boule, étoit de même pesanteur que celui qui y est entré en traversant les sels ; & s’il fait un tems humide, on trouvera que l’air qui a passé à travers les sels, est plus léger que celui qui auparavant avoit rempli la boule. Mais quoique cette expérience prouve que la pesanteur de l’air dépende en partie des vapeurs qui y nagent, on ne peut s’empêcher de reconnoître que l’air est pesant de lui-même ; car autrement il ne seroit pas possible de concevoir comment les nuées qui pesent beaucoup pourroient y rester suspendues, ne faisant le plus souvent que flotter dans l’air avec lequel elles sont en équilibre. Otez cet équilibre, & vous les verrez bien-tôt se précipiter en bas. Mussch.

Le poids de l’air varie perpétuellement selon les différens degrés de chaleur & de froid. Riccioli estime que sa pesanteur est à celle de l’eau, comme 1 est à 1000. Mersene, comme 1 est à 1300, ou à 1356. Galilée, comme 1 est à 400. M. Boyle, par une expérience plus exacte, trouve ce rapport aux environs de Londres, comme 1 est à 938 ; & pense que tout bien considéré, la proportion de 1 à 1000 doit être regardée comme sa pesanteur respective moyenne ; car on n’en sauroit fixer une précise, attendu que le poids de l’air, aussi bien que celui de l’eau même, varie à chaque instant. Ajoûtez que les mêmes expériences varient en différens pays, selon la différente hauteur des lieux, & le plus ou le moins de densité de l’air, qui résulte de cette différente hauteur. Boyle, Phys. méchan. exper.

Il faut ajoûter cependant que par des expériences faites depuis en présence de la Société Royale de Londres, la proportion du poids de l’air à celui de l’eau s’est trouvée être de 1 à 840 ; dans une expérience postérieure, comme 1 est à 852 ; & dans une troisieme, comme 1 est à 860. Philos. transact. n°. 181 ; & enfin en dernier lieu, par une expérience fort simple & fort exacte faite par M. Hawksbée, comme 1 est à 885. Physiq. méchan. exper. Mais toutes ces expériences ayant été faites en été, le Docteur Jurin est d’avis qu’il faut choisir un tems entre le froid & le chaud, & qu’alors la proportion de la pesanteur de l’air à celle de l’eau sera de 1 à 800. M. Musschenbroek dit avoir quelquefois trouvé que la pesanteur de l’air étoit à celle de l’eau comme 1 à 606, lorsque l’air étoit fort pesant. Il ajoûte qu’en faisant cette expérience en différentes années & dans des saisons différentes, il a observé une différence continuelle dans cette proportion de pesanteur ; de sorte que suivant les expériences faites en divers endroits de l’Europe il croit que le rapport de la pesanteur de l’air à celle de l’eau doit être réduit à certaines bornes, qui sont comme 1 à 606, & de-là jusqu’à 1000.

L’air une fois reconnu pesant & fluide, les lois de sa gravitation & de sa pression doivent être les mêmes que celles des autres fluides ; & conséquemment sa pression doit être proportionnelle à sa hauteur perpendiculaire. Voyez Fluide.

D’ailleurs cette conséquence est confirmée par les expériences. Car si l’on porte le tube de Torricelli en un lieu plus élevé, où par conséquent la colonne d’air sera plus courte, la colonne de mercure soûtenue sera moins haute, & baissera d’un quart de pouce lorsqu’on aura porté le tube à cent piés plus haut, & ainsi de cent piés en cent piés à mesure qu’on montera.

De ce principe dépend la structure & l’usage du Barometre. Voyez Barometre.

De ce même principe il s’ensuit aussi que l’air comme tous les autres fluides presse également de toutes parts. C’est ce que nous avons déjà démontré ci-dessus ; & dont on voit encore la preuve, si l’on fait attention que les substances molles en soûtiennent la pression sans que leur forme en soit changée, & les corps fragiles sans en être brisés, quoique la pression de la colonne d’air sur ces corps soit égale à celle d’une colonne de mercure de 30 pouces, ou d’une colonne d’eau de 32 piés. Ce qui fait que la figure de ces corps n’est point altérée, c’est la pression égale de l’air qui fait qu’autant il presse d’un côté, autant il résiste du côté opposé. C’est pourquoi si l’on ôte ou si l’on diminue la pression seulement d’un côté, l’effet de la pression sur le côté opposé se sentira bien-tôt.

De la gravité & la fluidité considérées conjointement s’ensuivent plusieurs usages & plusieurs effets de l’air. 1°. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui sont dessus, les presse, & les unit avec une force considérable. Pour le prouver, nous observerons que dès qu’on connoît la pesanteur spécifique de l’air, on peut savoir d’abord combien pese un pié cube d’air ; car si un pié cube d’eau pese 64 livres, un pié cube d’air pesera environ la 800e partie de 64 livres ; delà on pourra conclurre quel est le poids d’une certaine quantité d’air. On peut aussi déterminer quelle est la force avec laquelle l’air comprime tous les corps terrestres. Car il est évident que cette pression est la même que si tout notre globe étoit couvert d’eau à la hauteur de 32 piés environ. Or un pié cube d’eau pesant 64 livres, 32 piés peseront 32 fois 64 livres, ou environ 2048 livres ; & comme la surface de la terre contient à peu près 5547800000000000 piés quarrés, il faudra prendre 2048 fois ce grand nombre, pour avoir à peu près le poids réduit en livres avec lequel l’air comprime notre globe. Or on voit aisément que l’effet d’une telle pression doit être fort considérable. Par exemple, elle empêche les vaisseaux artériels des plantes & des animaux d’être excessivement distendus par l’impétuosite des sucs qui y circulent, ou par la force élastique de l’air dont il y a une quantité considérable dans le sang. Ainsi nous ne devons plus être surpris que par l’application des ventouses, la pression de l’air étant diminuée sur une partie du corps, cette partie s’enfle ; ce qui cause nécessairement un changement à la circulation des fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.

Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s’échapper à travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C’est ce qu’éprouvent les voyageurs à mesure qu’ils montent des montagnes élevées : ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu’ils avancent vers le haut ; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d’autres hémorrhagies ; & cela parce que l’air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poulmons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique : à mesure qu’on en pompe l’air, ils s’enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Vuide.

2°. C’est à ces deux mêmes qualités de l’air, la pesanteur & la fluidité, qu’est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des fluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l’air se mêlent promptement & d’eux-mêmes, ne se mêleront point, s’ils sont dans le vuide.

3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l’air détermine l’action d’un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s’éteint, & la flamme se dissipe, si l’on retire l’air ; parce qu’alors il n’y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l’or en dissolution dans l’eau régale. Ce menstrue cesse d’agir sur le métal dès qu’on a retiré l’air ; & c’est en conséquence de cette faculté déterminante de l’air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez Digestoire.

C’est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le Pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l’esprit de vin, sont presque insipides ; car faute d’un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie ; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu’il n’en puisse être écarté aisément.

Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu’un air mis en mouvement par quelque altération dans son équilibre. Voyez Vent.

III. Une autre qualité de l’air d’où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité ; par laquelle il cede à l’impression des autres corps en rétrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue en écartant ou affoiblissant la cause qui l’avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l’air ; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.

Une infinité de preuves nous convainquent que l’air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l’air qui y est enfermé ; & si l’on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussitôt.

C’est de cette propriété de l’air que dépend la structure & l’usage de la Machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.

Chaque particule d’air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lutte contre les particules voisines qui en font aussi un semblable : mais si la résistance vient à cesser ou à s’affoiblir, à l’instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C’est ce qui fait que si l’on enferme sous le récipient de la Machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d’air & bien fermées, & qu’ensuite on pompe l’air, elles y crevent par la force de l’air qu’elles contiennent. Si l’on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très-peu d’air ; lorsqu’on vient à pomper l’air, elle s’y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l’on porte une vessie flasque sur le sommet d’une haute montagne.

Cette même expérience fait voir d’une maniere évidente, que l’élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l’air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l’air. En effet, lorsque l’air cesse d’être comprimé, non-seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu’auparavant ; ce qu’on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu’ils avoient avant que d’être comprimés.

L’air tel qu’il est tout proche de notre globe se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c’est-à-dire, que si l’air pressé par un certain poids, occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu’il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu’on comprime l’air, comme M. Mariotte l’a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte ; car en comprimant l’air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l’effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage ; d’un poids plus grand que la regle ne l’exige. En effet pour peu qu’on y fasse attention, on verra qu’il est impossible que la regle soit exactement vraie : car lorsque l’air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu’une seule masse solide, il n’y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n’est pas moins évident que l’air ne sauroit se raréfier à l’infini, & que sa raréfaction a des bornes ; d’où il s’ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n’est pas non plus entierement exacte : car il faudroit suivant cette regle, qu’à un degré quelconque de raréfaction de l’air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d’être plus grande. Or lorsque l’air est raréfié le plus qu’il est possible, il n’est alors chargé d’aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.

On ne sauroit assigner de bornes précises à l’élasticité de l’air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences pour voir s’il pourroit affoiblir le ressort d’un air extrèmement raréfié dans la Machine pneumatique, en le tenant long-tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu’il soûtînt la force pendant un seul instant : & après tout ce tems il n’a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant 16 ans d’air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force, qu’auroit pû faire un air tout récemment condensé.

Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu’il a faite depuis, que le ressort de l’air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu’il ne puisse plus se rétablir qu’au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d’abord une demi-pinte d’eau ; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d’air qu’il n’y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vase & en laissa sortir l’air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l’un des bouts étoit plongé dans l’eau : il trouva peu de tems après que l’eau s’étoit élevée d’un pié dans le tuyau, & qu’elle venoit jusqu’à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de là, que la force élastique de l’air avoit été affoiblie pendant quelque tems ; car si elle fût restée la même qu’elle étoit auparavant, tout l’air n’eût pas manqué de s’échapper du vase après qu’il eut été ouvert : d’où il s’ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s’y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l’eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu’il seroit peut-être entré une plus grande quantité d’air dans l’eau, parce que l’air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l’air n’auroit été en état de se dégager de l’eau qu’après un certain tems ; ensorte que celui qui avoit pû s’échapper librement, seroit en effet sorti du vase, tandis que celui qui avoit pénétré l’eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroek ayant versé du mercure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l’air dans le bout recourbé, scella ensuite l’autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l’air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l’air avoit le même degré de chaleur qu’au commencement de l’expérience. Au contraire lorsque l’air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d’où il paroîtroit s’ensuivre que la compression de l’air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l’air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Hales a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d’air : & peut-être y a-t il un plus grand nombre d’exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.

Il est visible que le poids ou la pression de l’air ne dépend pas de son élasticité, & qu’il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu’il est élastique, il s’ensuit qu’il doit être susceptible d’une pression qui le réduise à un tel espace que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.

En effet, la loi de l’élasticité est qu’elle augmente à proportion de la densité de l’air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu’il y ait une égalité entre l’action & la réaction ; c’est-à-dire, que la gravité de l’air qui opere sa compression, & l’élasticité de l’air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez Densité, Réaction, &c.

Ainsi l’élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l’air augmente ou diminue, c’est-à-dire, à proportion que l’espace entre ses particules diminue ou augmente, il n’importe que l’air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l’atmosphere, ou par quelque autre cause ; il suffit qu’il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C’est pourquoi si l’air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu’il n’ait plus du tout de communication avec l’air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d’être égale au poids de l’atmosphere. Aussi voyons nous que l’air d’une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le Barometre par sa force élastique à la même hauteur que feroit le poids de toute l’atmosphere. Voyez l’art. Elasticité.

Suivant ce principe, on peut par de certaines méthodes condenser l’air. Voyez Condensation.

C’est sur ce même principe qu’est fondée la structure de l’arquebuse-à-vent. Voyez Arquebuse-à-vent.

L’air peut donc être condensé : mais jusqu’à quel point le peut-il être, ou à quel volume est-il possible de le réduire en le comprimant ? Nous n’en connoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l’air treize fois plus dense en le comprimant : d’autres prétendent l’avoir vû réduit à un volume 60 fois plus petit. M. Hales l’a rendu 38 fois plus dense à l’aide d’une presse : mais en faisant geler de l’eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l’air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu’il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l’eau ; ainsi comme l’eau ne peut être comprimée, il s’ensuit de là que les parties aëriennes doivent être d’une nature bien différente de celles de l’eau : car autrement on n’auroit pû réduire l’air qu’à un volume 800 fois plus petit ; il auroit alors été précisément aussi dense que l’eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l’on remarque dans l’eau. Mussch.

M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d’expériences faites à Londres, & d’autres faites à Florence dans l’Académie del Cimento, qu’on peut en toute sûreté décider qu’il n’y a pas de force capable de réduire l’air à un espace 800 fois plus petit que celui qu’il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, qu’on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l’air ; que plus on le chargera, plus on le condensera ; qu’il n’est élastique qu’en vertu du feu qu’il contient ; & que comme il est impossible d’en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au-delà duquel on ne puisse plus aller.

L’expérience que nous venons de rapporter de M. Hales, prouve du moins que l’air peut être plus condensé que ne l’a prétendu M. Halley. C’est à l’élasticité de l’air qu’on doit attribuer les effets de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d’eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l’eau, se tournent & se meuvent comme on le veut. C’est encore à cette élasticité que l’on doit l’action des pompes à feu. Voyez Fontaine & Pompe.

L’air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant ; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L’air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit, d’où il arrive qu’il fait effort pour s’étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid, de sorte qu’on diroit alors qu’il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l’air échauffé, lorsqu’on l’enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu’on met ensuite sur le feu ; l’air se raréfie avec tant de force, qu’il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non-seulement elle se gonflera par la raréfaction de l’air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l’air rendu aussi chaud que l’eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l’atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35 ; & que la chose réussissoit également, soit qu’on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d’air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu’une portion d’air enfermée dans un tuyau de verre, lorsqu’il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à celui de la même quantité d’air dans la plus grande chaleur de l’été comme 6 à 7.

Lorsque l’air se trouve en liberté & délivré de la cause qui le comprimoit, il prend toûjours une figure sphérique dans les interstices des fluides où il se loge, & dans lesquels il vient à se dilater. Cela se voit lorsqu’on met des fluides sous un récipient dont on pompe l’air : car on voit d’abord paroître une quantité prodigieuse de bulles d’air d’une petitesse extraordinaire, & semblables à des grains de sable fort menus, lesquelles se dispersent dans toute la masse du fluide & s’élevent en-haut. Lorsqu’on tire du récipient une plus grande quantité d’air, ces bulles se dilatent davantage, & leur volume augmente à mesure qu’elles s’élevent, jusqu’à ce qu’elles sortent de la liqueur, & qu’elles s’étendent librement dans le récipient.

Mais ce qu’il y a sur-tout de remarquable, c’est que dans tout le trajet que font alors ces bulles d’air, elles paroissent toûjours sous la forme de petites spheres.

Lorsqu’on met dans la liqueur une plaque de métal, & qu’on commence à pomper, on voit la surface de cette plaque couverte de petites bulles ; ces bulles ne sont autre chose que l’air qui étoit adhérent à la surface de la plaque, & qui s’en détache peu-à-peu. Voyez Adhérence & Cohésion.

On n’a rien négligé pour découvrir jusqu’à quel point l’air peut se dilater lorsqu’il est entierement libre, & qu’il ne se trouve comprimé par aucune force extérieure. Cette recherche est sujette à de grandes difficultés, parce que notre atmosphere est composée de divers fluides élastiques, qui n’ont pas tous la même force ; par conséquent, si l’on demandoit combien l’air pur & sans aucun mêlange peut se dilater, il faudroit pour répondre à cette question, avoir premierement un air bien pur ; or c’est ce qui ne paroît pas facile. Il faut ensuite savoir dans quel vase & comment on placera cet air, pour faire ensorte que ses parties soient séparées, & qu’elles n’agissent pas les unes sur les autres. Aussi plusieurs Physiciens habiles désesperent-ils de pouvoir arriver à la solution de ce problème. On peut néanmoins conclurre, selon M. Musschenbroek, de quelques expériences assez grossieres, que l’air qui est proche de notre globe, peut se dilater jusqu’à occuper un espace 4000 fois plus grand que celui qu’il occupoit. Mussch.

M. Boyle, dans plusieurs expériences, l’a dilaté une premiere fois jusqu’à lui faire occuper un volume neuf fois plus considérable qu’auparavant ; ensuite il lui a fait occuper un espace 31 fois plus grand ; après cela il l’a dilaté 60 fois davantage ; puis 150 fois ; enfin il prétend l’avoir dilaté 8000 fois davantage, ensuite 10000 fois, & en dernier lieu 13679 fois, & cela par sa seule vertu expansive, & sans avoir recours au feu. Voyez Raréfaction.

C’est sur ce principe que se regle la construction & l’usage du Manometre. Voyez Manometre.

Il conclut de-là que l’air que nous respirons près de la surface de la terre est condensé par la compression de la colonne supérieure en un espace au moins 13679 fois plus petit que celui qu’il occuperoit dans le vuide. Mais si ce même air est condensé par art, l’espace qu’il occupera lorsqu’il le sera autant qu’il peut l’être, sera à celui qu’il occupoit dans ce premier état de condensation, comme 550000 est à 1. Voyez Dilatation.

L’on voit par ces différentes expériences, qu’Aristote se trompe lorsqu’il prétend que l’air rendu dix fois plus rare qu’auparavant, change de nature & devient feu.

M. Amontons & d’autres, comme nous l’avons déjà observé, font dépendre la raréfaction de l’air du feu qu’il contient : ainsi en augmentant le degré de chaleur, la raréfaction sera portée bien plus loin qu’elle ne pourroit l’être par une dilatation spontanée. Voyez Chaleur.

De ce principe se déduit la construction & l’usage du Thermometre. Voyez Thermometre.

M. Amontons est le premier qui ait découvert que plus l’air est dense, plus avec un même degré de chaleur il se dilatera. Voyez Densité.

En conséquence de cette découverte, cet habile Académicien a fait un discours pour prouver que « le ressort & le poids de l’air joints à un degré de chaleur moderé, peuvent suffire pour produire même des tremblemens de terre, & d’autres commotions très-violentes dans la nature ».

Suivant les expériences de cet Auteur, & celles de M. de la Hire, une colonne d’air sur la surface de la terre, de la hauteur de 36 toises, est égale au poids de trois lignes de mercure ; & des quantités égales d’air occupent des espaces proportionnels aux poids qui les compriment. Ainsi le poids de l’air qui rempliroit tout l’espace occupé par le globe terrestre, seroit égal à celui d’un cylindre de mercure, dont la base égaleroit la surface de la terre, & qui auroit en hauteur autant de fois trois lignes que toute l’atmosphere contient d’orbes égaux en poids à celui que nous avons supposé haut de 36 toises. Donc en prenant le plus dense de tous les corps, l’or par exemple, dont la gravité est environ 14630 fois plus grande que celle de l’air que nous respirons ; il est aisé de trouver par le calcul que cet air seroit réduit à la même densité que l’or, s’il étoit pressé par une colonne de mercure qui eût 14630 fois 28 pouces de haut, c’est-à-dire 409640 pouces ; puisque les densités de l’air en ce cas seroient en raison directe des poids par lesquels elles seroient pressées. Donc 409640 pouces expriment la hauteur à laquelle le barometre devroit être dans un endroit où l’air seroit aussi pesant que l’or, & lignes l’épaisseur à laquelle seroit réduite dans ce même endroit notre colonne d’air de 36 toises.

Or nous savons que 409640 pouces ou 43528 toises ne sont que la 74e partie du demi-diametre de la terre. Donc si au lieu de notre globe terrestre, on suppose un globe de même rayon, dont la partie extérieure soit de mercure à la hauteur de 43538t. & l’intérieure pleine d’air, tout le reste de la sphere dont le diametre sera de 6451538t. sera rempli d’un air dense plus lourd par degré que les corps les plus pesans que nous ayons. Conséquemment, comme il est prouvé que plus l’air est comprimé, plus le même degré de feu augmente la force de son ressort & le rend capable d’un effet d’autant plus grand ; & que, par exemple, la chaleur de l’eau bouillante augmente le ressort de notre air au-delà de sa force ordinaire d’une quantité égale au tiers du poids avec lequel il est comprimé ; nous en pouvons inférer qu’un degré de chaleur qui dans notre orbe ne produiroit qu’un effet modéré, en produiroit un beaucoup plus violent dans un orbe inférieur ; & que comme il peut y avoir dans la nature bien des degrés de chaleur au-delà de celle de l’eau bouillante, il peut y en avoir dont la violence secondée du poids de l’air intérieur soit capable de mettre en pieces tout le globe terrestre. Mém. de l’Ac. R. des Sc. an. 1703. Voyez Tremblement de terre.

La force élastique de l’air est encore une autre source très-féconde des effets de ce fluide. C’est en vertu de cette propriété qu’il s’insinue dans les pores des corps, y portant avec lui cette faculté prodigieuse qu’il a de se dilater, qui opere si facilement ; conséquemment il ne sauroit manquer de causer des oscillations perpétuelles dans les particules du corps auxquelles il se mêle. En effet le degré de chaleur, la gravité & la densité de l’air ; & conséquemment son élasticité & son expansion ne restant jamais les mêmes pendant deux minutes de suite, il faut nécessairement qu’il se fasse dans tous les corps une vibration, ou une dilatation & contraction perpétuelles. Voyez Vibration, Oscillation, &c.

On observe ce mouvement alternatif dans une infinité de corps différens, & singulierement dans les plantes dont les trachées des vaisseaux à air font l’office de poûmons : car l’air qui y est contenu se dilatant & se resserrant alternativement à mesure que la chaleur augmente ou diminue, contracte & relâche tour à tour les vaisseaux, & procure ainsi la circulation des fluides. V. Végétal, Circulation, &c.

Aussi la végétation & la germination ne se feroient-elles point dans le vuide. Il est bien vrai qu’on a vû de féves s’y gonfler un peu ; & quelques-uns ont cru qu’elles y végétoient : mais cette prétendue végétation n’étoit que l’effet de la dilatation de l’air qu’elles contenoient. Voyez Végétation, &c.

C’est par la même raison que l’air contenu en bulles dans la glace la rompt par son action continuelle ; ce qui fait que souvent les vaisseaux cassent quand la liqueur qu’ils contiennent est gelée. Quelquefois des blocs de marbre tout entiers se cassent en hyver, à cause de quelque petite bulle d’air qui y est enfermée & qui a acquis un accroissement d’élasticité.

C’est le même principe qui produit la putréfaction & la fermentation : car rien ne fermentera ni ne pourrira dans le vuide, quelque disposition qu’il ait à l’un ou à l’autre. Voyez Putréfaction & Fermentation.

L’air est le principal instrument de la nature dans toutes ses opérations sur la surface de la terre & dans son intérieur. Aucun végétal ni animal terrestre ou aquatique ne peut être produit, vivre ou croître sans air. Les œufs ne sauroient éclorre dans le vuide. L’air entre dans la composition de tous les fluides, comme le prouvent les grandes quantités d’air qui en sortent. Le chêne en fournit un tiers de son poids ; les pois autant ; le blé de Turquie, un quart ; &c. Voyez la Statique des végétaux de M. Hales.

L’air produit en particulier divers effets sur le corps humain, suivant qu’il est chargé d’exhalaisons, & qu’il est chaud, froid ou humide. En effet, comme l’usage de l’air est inévitable, il est certain qu’il agit à chaque instant sur la disposition de nos corps. C’est ce qui a été reconnu par Hippocrate, & par Sydenham l’Hippocrate moderne, qui nous a laissé des épidémies écrites sur le modele de celle du Prince de la Medecine, contenant une histoire des maladies aiguës entant qu’elles dépendent de la température de l’air. Quelques savans Medecins d’Italie & d’Allemagne ont marché sur les traces de Sydenham ; & une Société de Medecins d’Edimbourg suit actuellement le même plan. Le célebre M. Clifton nous a donné l’histoire des maladies épidémiques avec un journal de la température de l’air par rapport à la ville d’Yorck depuis 1715 jusquen 1725. A ces Ouvrages il faut joindre l’Essai sur les effets de l’air par M. Jean Arbuthnot Docteur en Medecine, & traduit de l’Anglois par M. Boyer. Par. 1740. in-12. M. Formey.

L’air rempli d’exhalaisons animales, particulierement de celles qui sont corrompues, a souvent causé des fievres pestilentielles. Les exhalaisons du corps humain sont sujettes à la corruption. L’eau où l’on s’est baigné acquiert par le séjour une odeur cadavéreuse. Il est démontré que moins de 3000 hommes placés dans l’étendue d’un arpent de terre y formeroient de leur propre transpiration dans 34 jours une atmosphere d’environ 71 piés de hauteur, laquelle n’étant point dissipée par les vents deviendroit pestilentielle en un moment. D’où l’on peut inférer que la premiere attention en bâtissant des villes est qu’elles soient bien ouvertes, les maisons point trop hautes, & les rues bien larges. Des constitutions pestilentielles de l’air ont été quelquefois précédées de grands calmes. L’air des prisons cause souvent des maladies mortelles : aussi le principal soin de ceux qui servent dans les hôpitaux doit être de donner un libre passage à l’air. Les parties corruptibles des cadavres ensevelis sous terre sont emportées quoique lentement dans l’air ; & il seroit à souhaiter qu’on s’abstînt d’ensevelir dans les églises, & que tous les cimetieres fussent hors des villes en plein air. On peut juger delà que dans les lieux où il y a beaucoup de monde assemblé, comme aux spectacles, l’air s’y remplit en peu de tems de quantité d’exhalaisons animales très dangereuses par leur prompte corruption. Au bout d’une heure on ne respire plus que des exhalaisons humaines ; on admet dans ses poûmons un air infecté sorti de mille poitrines, & rendu avec tous les corpuscules qu’il a pû entraîner de l’intérieur de toutes ces poitrines, souvent corrompues & puantes. M. Formey.

L’air extrèmement chaud peut réduire les substances animales à un état de putréfaction. Cet air est particulierement nuisible aux poûmons. Lorsque l’air extérieur est de plusieurs degrés plus chaud que la substance du poûmon, il faut nécessairement qu’il détruise & corrompe les fluides & les solides, comme l’expérience le vérifie. Dans une rafinerie de sucre où la chaleur étoit de 146 degrés, c’est-à-dire, de 54 au-delà de celle du corps humain, un moineau mourut dans deux minutes, & un chien en 28. Mais ce qu’il y eut de plus remarquable, c’est que le chien jetta une salive corrompue, rouge & puante. En général personne ne peut vivre long-tems dans un air plus chaud que son propre corps. M. Formey.

Le froid condense l’air proportionnellement à ses degrés. Il contracte les fibres animales & les fluides, aussi loin qu’il les pénetre ; ce qui est démontré par les dimensions des animaux, réellement moindres dans le froid que dans le chaud. Le froid extrème agit sur le corps en maniere d’aiguillon, produisant d’abord un picotement, & ensuite un léger degré d’inflammation causé par l’irritation & le resserrement des fibres. Ces effets sont bien plus considérables sur le poûmon, où le sang est beaucoup plus chaud & les membranes très-minces. Le contact de l’air froid entrant dans ce viscere seroit insupportable, si l’air chaud en étoit entierement chassé par l’expiration. L’air froid resserre les fibres de la peau, & refroidissant trop le sang dans les vaisseaux, arrête quelques-unes des parties grossieres de la transpiration, & empêche quantité de sels du corps de s’évaporer. Faut-il s’étonner que le froid cause tant de maladies ? Il produit le scorbut avec les plus terribles symptomes par l’irritation & l’inflammation des parties qu’il resserre. Le scorbut est la maladie des pays froids, comme on le peut voir dans les journaux de ceux qui ont passé l’hyver dans la Groenlande & dans d’autres régions froides. On lit dans les Voyages de Martens & du Capitaine Wood, que des Anglois ayant passé l’hyver en Groenlande, eurent le corps ulcéré & rempli de vessies ; que leurs montres s’arrêterent ; que les liqueurs les plus fortes se gelerent, & que tout se glaçoit même au coin du feu. M. Formey.

L’air humide produit le relâchement dans les fibres animales & végétales. L’eau qui s’insinue par les pores du corps en augmente les dimensions. C’est ce qui fait qu’une corde de violon mouillée baisse en peu de tems. L’humidité produit le même effet sur les fibres des animaux. Un nageur est plus abattu par le relâchement des fibres de son corps, que par son exercice. L’humidité facilite le passage de l’air dans les pores ; l’air passe aisément dans une vessie mouillée ; l’humidité affoiblit l’élasticité de l’air ; ce qui cause le relâchement des fibres en tems de pluie. L’air sec produit le contraire. Le relâchement des fibres dans les endroits où la circulation du sang est imparfaite, comme dans les cicatrices & dans les parties luxées ou contuses, cause de grandes douleurs. M. Formey.

Un des exemples de l’efficacité merveilleuse de l’air, c’est qu’il peut changer les deux regnes, l’animal & le végétal, l’un en l’autre. Voyez Animal, &c.

En effet il paroît que c’est de l’air que procede toute la corruption naturelle & l’altération des substances ; & les métaux, & singulierement l’or, ne sont durables & incorruptibles, que parce que l’air ne les sauroit pénétrer. C’est la raison pourquoi on a vû des noms écrits dans le sable ou dans la poussiere sur de hautes montagnes se lire encore bien distinctement au bout de quarante ans, sans avoir été aucunement défigurés ou effacés. Voyez Corruption, Altération, &c.

Quoique l’air soit un fluide fort délié, il ne pénetre pourtant pas toutes sortes de corps. Il ne pénetre pas, comme nous venons de dire, les métaux : il en est même quelques-uns qu’il ne pénetre pas, quoique leur épaisseur ne soit que de 1/24 de pouce ; il passeroit à travers le plomb, s’il n’étoit battu à coups de marteau : il ne traverse pas non plus le verre, ni les pierres dures & solides, ni la cire, ni la poix, la résine, le suif & la graisse : mais il s’insinue dans toutes sortes de bois, quelque durs qu’ils puissent être. Il passe à travers le cuir sec de brebis, de veau, le parchemin sec, la toile seche, le papier blanc, bleu, ou gris, & une vessie de cochon tournée à l’envers. Mais lorsque le cuir, le papier, le parchemin ou la vessie se trouvent pénétrés d’eau, ou imbibés d’huile ou de graisse, l’air ne passe plus alors à travers : il pénetre aussi bien plus facilement le bois sec que celui qui est encore verd ou humide. Cependant lorsque l’air est dilaté jusqu’à un certain point, il ne passe plus alors à travers les pores de toutes sortes de bois. Mussch.

Venons aux effets que les différentes substances mêlées dans l’air produisent sur les corps inanimés. L’air n’agit pas uniquement en conséquence de sa pesanteur & de son élasticité ; il a encore une infinité d’autres effets qui résultent des différens ingrédiens qui y sont confondus.

Ainsi 1°. non-seulement il dissout & atténue les corps par sa pression & son froissement, mais aussi comme étant un chaos qui contient toutes sortes de menstrues, & qui conséquemment trouve partout à dissoudre quelque sorte de corps. V. Dissolution.

On sait que le fer & le cuivre se dissolvent aisément & se rouillent à l’air, à moins qu’on ne les garantisse en les enduisant d’huile. Boerhaave assûre avoir vû des barres de fer tellement rongées par l’air, qu’on les pouvoit mettre en poudre sous les doigts. Pour le cuivre, il se convertit à l’air en une substance à peu près semblable au verd-de-gris qu’on fait avec le vinaigre. Voyez Fer, Cuivre, Verd-de-gris, Rouille , &c.

M. Boyle rapporte que dans les régions méridionales de l’Angleterre, les canons se rouillent si promptement, qu’au bout de quelques années qu’ils sont restés exposés à l’air, on en enleve une quantité considérable de crocus de Mars.

Acosta ajoûte que dans le Pérou l’air dissout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd ; cependant l’or passe généralement pour ne pouvoir être dissous par l’air, parce qu’il ne contracte jamais de rouille, quelque long-tems qu’on l’y laisse exposé. La raison en est que le sel marin, qui est le seul menstrue capable d’agir sur l’or, étant très-difficile à volatiliser, il n’y en a qu’une très-petite quantité dans l’air à proportion des autres substances. Dans les laboratoires de Chimie, où l’on prépare l’eau régale, l’air étant imprégné d’une grande quantité de ce sel, l’or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez Or, &c.

Les pierres même subissent le sort commun aux métaux : ainsi en Angleterre on voit s’amollir & tomber en poussiere la pierre de Purbec, dont est bâtie la Cathédrale de Salisbury ; & M. Boyle dit la même chose de la pierre de Blackington. Voyez Pierre.

Il ajoûte que l’air travaille considérablement sur le vitriol, même lorsque le feu n’a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d’une liqueur corrosive agissoient plus promptement & plus manifestement sur un métal exposé à l’air, que ne faisoit la liqueur elle-même sur le même métal, qui n’étoit pas en plein air.

2°. L’air volatilise les corps fixes : par exemple, si l’on calcine du sel, & qu’on le fonde ensuite, qu’on le seche & qu’on le refonde encore, & ainsi de suite plusieurs fois ; à la fin il se trouvera tout-à-fait évaporé, & il ne restera au fond du vase qu’un peu de terre. Voyez Volatil, Volatilisation, &c.

Van-Helmont fait un grand secret de Chimie de volatiliser le sel fixe de tartre : mais l’air tout seul suffit pour cela. Car si l’on expose un peu de ce sel à l’air dans un endroit rempli de vapeurs acides, le sel tire à lui tout l’acide ; & quand il s’en est soûlé, il se volatilise. Voyez Tartre, &c.

3°. L’air fixe aussi les corps volatils : ainsi quoique le nitre ou l’eau-forte s’évaporent promptement au feu, cependant s’il y a près du feu de l’urine putréfiée, l’esprit volatil se fixera & tombera au fond.

4°. Ajoûtez que l’air met en action les corps qui sont en repos, c’est-à-dire, qu’il excite leurs facultés cachées. Si donc il se répand dans l’air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur est le menstrue en étant dissous, sont mis dans un état propre à l’action. Voyez Acide, &c.

En Chimie, il n’est point du tout indifférent qu’un procédé se fasse à l’air ou hors de l’air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainsi le camphre brûlé dans un vaisseau fermé se met tout en sels ; au lieu que si pendant le procédé on découvre le vaisseau, & qu’on en approche une bougie, il se dissipera tout en fumée. De même pour faire du soufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée, on pourroit le sublimer jusqu’à mille fois sans qu’il prît feu. Si l’on met du soufre sous une cloche de verre avec du feu dessous, il s’y élevera un esprit de soufre : mais s’il y a la moindre fente à la cloche par où l’air enfermé puisse avoir communication avec l’air extérieur, le soufre s’enflammera aussi-tôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuset bien luté, y restera sans déchet pendant quatorze ou quinze jours à la chaleur d’un fourneau toûjours au feu ; tandis que la millieme partie du feu qu’on y a consumé, l’auroit mis en cendres dans un air libre. Van-Helmont ajoûte que pendant tout ce tems-là le charbon ne perd pas même sa couleur noire ; mais que s’il s’y introduit un peu d’air, il tombe aussi-tôt en cendres blanches. Il faut dire la même chose de toutes les substances animales & végétales, qu’on ne sauroit calciner qu’à feu ouvert, & qui dans des vaisseaux fermés ne peuvent être réduits qu’en charbons noirs.

L’air peut produire une infinité de changemens dans les substances, non-seulement par rapport à ses propriétés méchaniques, sa gravité, sa densité, &c. mais aussi à cause des substances hétérogenes qui y sont mêlées. Par exemple, dans un endroit où il y a beaucoup de marcassites, l’air est imprégné d’un sel vitriolique mordicant, qui gâte tout ce qui est sur terre en cet endroit, & se voit souvent à terre en forme d’efflorescence blanchâtre. A Fahlun en Suede, ville connue par ses mines de cuivre, qui lui ont fait aussi donner le nom de Copperberg, les exhalaisons minérales affectent l’air si sensiblement, que la monnoie d’argent & de cuivre qu’on a dans la poche en change de couleur. M. Boyle apprit d’un Bourgeois qui avoit du bien dans cet endroit, qu’au dessus des veines de métaux & de minéraux qui y sont, on voyoit souvent s’élever des especes de colonnes de fumée, dont quelques-unes n’avoient point du tout d’odeur, d’autres en avoient une très-mauvaise, & quelques-unes en avoient une agréable. Dans la Carniole, & ailleurs, où il y a des mines, l’air devient de tems en tems fort mal sain, d’où il arrive de fréquentes maladies épidémiques, &c. Ajoûtons que les mines qui sont voisines du cap de Bonne-Espérance, envoyent de si horribles vapeurs d’arsénic dont il y a quantité, qu’aucun animal ne sauroit vivre dans le voisinage ; & que dès qu’on les a tenues quelque tems ouvertes, on est obligé de les refermer.

On observe la même chose dans les végétaux : ainsi lorsque les Hollandois eurent fait abbatre tous les girofliers dont l’Isle de Ternate étoit toute remplie, afin de porter plus haut le prix des clous de girofle, il en résulta un changement dans l’air qui fit bien voir combien étoient salutaires dans cette Isle les corpuscules qui s’échappoient de l’arbre & de ses fleurs : car aussi-tôt après que les girofliers eurent été coupés, on ne vit plus que maladies dans toute l’Isle. Un Medecin qui étoit sur les lieux, & qui a rapporté ce fait à M. Boyle, attribue ces maladies aux exhalaisons nuisibles d’un volcan qui est dans cette Isle, lesquelles vraissemblablement étoient corrigées par les corpuscules aromatiques que répandoient dans l’air les girofliers.

L’air contribue aussi aux changemens qui arrivent d’une saison à l’autre dans le cours de l’année. Ainsi dans l’hyver la terre n’envoye guere d’émanations au-dessus de sa surface, par la raison que ses pores sont bouchés par la gelée ou couverts de neige. Or pendant tout ce tems la chaleur soûterraine ne laisse pas d’agir au-dedans, & d’y faire un fond dont elle se décharge au printems. C’est pour cela que la même graine semée dans l’automne & dans le printems, dans un même sol & par un tems également chaud, viendra pourtant tout différemment. C’est encore pour cette raison que l’eau de la pluie ramassée dans le printems, a une vertu particuliere pour le froment, qui y ayant trempé, en produit une beaucoup plus grande quantité qu’il n’auroit fait sans cela. C’est aussi pourquoi il arrive d’ordinaire, comme on l’observe assez constamment, qu’un hyver rude est suivi d’un printems humide & d’un bon été.

De plus, depuis le solstice d’hyver jusqu’à celui d’été, les rayons du soleil donnant toûjours de plus en plus perpendiculairement, leur action sur la surface de la terre acquiert de jour en jour une nouvelle force, au moyen de laquelle ils relâchent, amollissent & putréfient de plus en plus la glebe ou le sol, jusqu’à ce que le soleil soit arrivé au tropique où avec la force d’un agent chimique, il résout les parties superficielles de la terre en leurs principes, c’est-à-dire, en eau, en huile, en sels, &c. qui s’élevent dans l’atmosphere. Voyez Chaleur.

Voilà comme se forment les météores qui ne sont que des émanations de ces corpuscules répandus dans l’air. Voyez Météore.

Ces météores ont des effets très-considérables sur l’air. Ainsi, comme on sait, le tonnerre fait fermenter les liqueurs. Voyez Tonnerre, Fermentation, &c.

En effet tout ce qui produit du changement dans le degré de chaleur de l’atmosphere, doit aussi en produire dans la matiere de l’air. M. Boyle va plus loin sur cet article, & prétend que les sels & autres substances mêlées dans l’air, sont maintenus par le chaud dans un état de fluidité, qui fait qu’étant mêlés ensemble ils agissent conjointement ; & que par le froid ils perdent leur fluidité & leur mouvement, se mettent en crystaux, & se séparent les uns des autres. Si les colonnes d’air sont plus ou moins hautes, cette différence peut causer aussi des changemens, y ayant peu d’exhalaisons qui s’élevent au-dessus des plus hautes montagnes. On en a eu la preuve par certaines maladies pestilentielles, qui ont emporté tous les habitans qui peuploient un côté d’une montagne, sans que ceux qui peuploient l’autre côté s’en soient aucunement sentis.

On ne sauroit nier non plus que la secheresse & l’humidité ne produisent de grands changemens dans l’atmosphere. En Guinée, la chaleur jointe à l’humidité cause une telle putréfaction, que les meilleures drogues perdent en peu de tems toutes leurs vertus, & que les vers s’y mettent. Dans l’isle de S. Jago, on est obligé d’exposer le jour les confitures au soleil, pour en faire exhaler l’humidité qu’elles ont contractée pendant la nuit, sans quoi elles seroient bien-tôt gâtées.

C’est sur ce principe que sont fondés la construction & l’usage de l’Hygrometre. Voyez Hygrometre.

Ces différences dans l’air ont aussi une grande influence sur les expériences des Philosophes, des Chimistes & autres.

Par exemple, il est difficile de tirer l’huile du soufre, per campanam, dans un air clair & sec, parce qu’alors il est très-facile aux particules de ce minéral de s’échapper dans l’air : mais dans un air grossier & humide, elle vient en abondance. Ainsi tous les sels se mêlent plus aisément, & étant fondus agissent avec plus de force dans un air épais & humide ; toutes les séparations de substances s’en font aussi beaucoup mieux. Si le sel de tartre est exposé dans un endroit où il y ait dans l’air quelque esprit acide flottant, il s’en impregnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites sur des sels à Londres, où l’air est abondamment impregné du soufre qui s’exhale du charbon de terre qu’on y brûle, réussissent tout autrement que dans les autres endroits du Royaume où l’on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matieres. C’est aussi pourquoi les ustenciles de métal se rouillent plus vîte ailleurs qu’à Londres, où il y a moins de corpuscules acides & corrosifs dans l’air & pourquoi la fermentation qui est facile à exciter dans un lieu où il n’y a point de soufre, est impraticable dans ceux qui abondent en exhalaisons sulphureuses. Si du vin tiré au clair après qu’il a bien fermenté est transporté dans un endroit où l’air soit imprégné des fumées d’un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainsi le sel de tartre s’enfle comme s’il fermentoit, si on le met dans un endroit où l’on prépare de l’esprit de nitre, du vitriol, ou du sel marin. Les Brasseurs, les Distillateurs & les Vinaigriers font une remarque qui mérite bien d’avoir place ici : c’est qu’il n’y a pas de meilleur tems pour la fermentation des sucs des plantes, que celui où ces plantes sont en fleurs. Ajoutez que les taches faites par les sucs des substances végétales ne s’enievent jamais mieux de dessus les étoffes, que quand les plantes d’où ils proviennent sont dans leur primeur. M. Boyle dit qu’on en a fait l’expérience sur des taches de jus de coing, de houblon & d’autres végétaux ; & que singulierement une qui étoit de jus de houblon, & qu’on n’avoit pas pû emporter quelque chose qu’on y fît, s’en étoit allée d’elle-même dans la saison du houblon.

Outre tout ce que nous venons de dire de l’air, quelques Naturalistes curieux & pénétrans ont encore observé d’autres effets de ce fluide, qu’on ne peut déduire d’aucune des propriétés dont nous venons de parler. C’est pour cela que M. Boyle a composé un Traité exprès, intitulé Conjectures sur quelques propriétés de l’air encore inconnues. Les phénomenes de la flamme & du feu dans le vuide portent à croire, selon cet auteur, qu’il y a dans l’air une substance vitale & singuliere, que nous ne connoissons pas, en conséquence de laquelle ce fluide est si nécessaire à la nutrition de la flamme. Mais quelle que soit cette substance, il paroît en examinant l’air qui en est dépouillé, & dans lequel conséquemment la flamme ne peut plus subsister, qu’elle y est en bien petite quantité en comparaison du volume d’air qui en est imprégné, puisqu’on ne trouve aucune altération sensible dans les propriétés de cet air. Voyez Flamme.

D’autres exemples qui servent à entretenir ces conjectures, font les sels qui paroissent & qui s’accroissent dans certains corps, qui n’en produiroient point du tout ou en produiroient beaucoup moins s’ils n’étoient pas exposés à l’air. M. Boyle parle de quelques marcassites tirées de dessous terre, qui etant gardées dans un endroit sec, se couvroient assez vîte d’une efflorescence vitriolique, & s’égrugeoient en peu de tems en une poudre qui contenoit une quantité considérable de couperose, quoique vraissemblablement elles fussent restées en terre plusieurs siécles sans se dissoudre. Ainsi la terre ou la mine d’alun & de quantité d’autres minéraux, dépouillée de ses sels, de ses métaux & autres substances, les recouvre avec le tems. On observe la même chose du fraisi dans les forges, Voyez Mine, Fer, &c.

M. Boyle ajoûte, que sur des enduits de chaux de vieilles murailles, il s’amasse avec le tems une efflorescence copieuse d’un qualité nitreuse dont on tire du salpetre. Le colcothar de vitriol n’est point naturellement corrosif, & n’a de lui-même aucun sel : mais si on le laisse quelque tems exposé à l’air, il donne du sel, & beaucoup. Voyez Colcothar.

Autre preuve qui constate ces propriétés cachées de l’air ; c’est que ce fluide, introduit dans les médicamens antimoniaux, les rend émétiques, propres à causer des foiblesses de cœur & des brûlemens d’entrailles ; & qu’il gâte & pourrit en peu de tems des arbres déracinés qui s’étoient conservés sains & entiers pendant plusieurs siecles qu’ils étoient restés sur pié. Voyez Antimoine.

Enfin les soies dans la Jamaïque se gâtent bien-tôt, si on les laisse exposées à l’air, quoiqu’elles ne perdent pas toûjours leur couleur ; au lieu que quand on ne les y expose pas, elles conservent leur force & leur teinture. Le taffetas jaune porté au Bresil y devient en peu de jours gris-de-fer, si on le laisse exposé à l’air ; au lieu que dans les boutiques il conserve sa couleur. A quelques lieues au-delà du Paraguai, les hommes blancs deviennent tannés : mais dès qu’ils quittent cette contrée, ils redeviennent blancs. Ces exemples, outre une infinité d’autres que nous ne rapportons point ici, suffisent pour nous convaincre que nonobstant toutes les découvertes qu’on a faites jusqu’ici sur l’air, il reste encore un vaste champ pour en faire de nouvelles.

Par les observations qu’on a faites sur ce qui arrive, lorsqu’après avoir été saigné dans des rhûmatismes on vient à prendre du froid, il est avéré que l’air peut s’insinuer dans le corps avec toutes ses qualités, & vicier toute la masse du sang & des autres humeurs. Voyez Sang.

Par les paralysies, les vertiges & autres affections nerveuses que causent les mines, les lieux humides & autres, il est évident que l’air chargé des qualités qu’il a dans ces lieux, peut relâcher & obstruer tout le système nerveux. Voyez Humidité, &c. Et les coliques, les fluxions, les toux & les consomptions que produit un air humide, aqueux & nitreux, font bien voir qu’un tel air est capable de gâter & de dépraver les parties nobles, &c. Voyez l’article Atmosphere.

M. Desaguliers a imaginé une machine pour changer l’air de la chambre d’une personne malade, en en chassant l’air impur, & y en introduisant du frais par le moyen d’une roue qu’il appelle roue centrifuge, sans qu’il soit besoin d’ouvrir ni porte, ni fenêtre ; expédient qui seroit d’une grande utilité dans les mines, dans les hôpitaux & autres lieux semblables, où l’air ne circule pas. On a déja pratiqué quelque chose de semblable à Londres, pour évacuer de ces lieux l’air échauffé par les lumieres & par l’haleine & la sueur d’un grand nombre de personnes, ce qui est très-incommode, surtout dans les grandes chaleurs. Voyez Transact. Philos. n°. 437. p. 41.

M. Hales a imaginé depuis peu une machine très propre à renouveller l’air. Il appelle cette machine le ventilateur. Il en a donné la description dans un ouvrage qui a été traduit en François par M. de Mours, Docteur en Medecine, & imprimé à Paris il y a peu d’années. Voyez Ventilateur.

Air inné, est une substance aërienne extrèmement subtile, que les Anatomistes supposent être enfermée dans le labyrinthe de l’oreille interne, & qui sert selon eux à transmettre les sons au sensorium commune. Voyez Labyrinthe, Son, Ouie.

Mais par les questions agitées dans ces derniers tems au sujet de l’existence de cet air inné, il commence à être fort vraissemblable que cet air n’existe pas réellement.

Machine à pomper l’air. Voyez Machine pneumatique. (O)

Air, (Théol.) L’air est souvent désigné dans l’Ecriture sous le nom de ciel ; les oiseaux du ciel pour les oiseaux de l’air. Dieu fit pleuvoir du ciel sur Sodome le soufre & le feu ; c’est-à-dire, il fit pleuvoir de l’air ; que le feu descende du ciel, c’est-à-dire de l’air. Moyse menace les Israélites des effets de la colere de Dieu, de les faire périr par un air corrompu : percutiat te Dominus aere corrupto ; ou peut-être par un vent brûlant qui cause des maladies mortelles, ou par une sécheresse qui fait périr les moissons. Battre l’air, parler en l’air, sont des manieres de parler usitées même en notre langue, pour dire parler sans jugement, sans intelligence, se fatiguer en vain. Les puissances de l’air, (Ephes. xj. 2.) sont les démons qui exercent principalement leur puissance dans l’air, en y excitant des tempêtes, des vents & des orages. Genes. xix. 24. IV. Reg. j. 10. Deut. xxij. 22. I. Cor. ix. 24. xiv. 9. Dict. de la Bibl. du P. Calmet, tom. I. A. pag. 89. (G)

* Air. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter régnoit dans la partie supérieure de l’atmosphere, Junon dans sa partie inférieure. L’Air est aussi quelquefois une divinité qui avoit la lune pour femme & la rosée pour fille. Il y avoit des divinations par le moyen de l’air ; elles consistoient ou à observer le vol & le cri des oiseaux, ou à tirer des conjectures des météores & des cometes, ou à lire les évenemens dans les nuées ou dans la direction du tonnerre. Ménelas dans Iphigénie atteste l’air témoin des paroles d’Agamemnon : mais Aristophane traite d’impiété ce serment d’Euripide. Plus on considere la religion des Payens, plus on la trouve favorable à la Poësie ; tout est animé, tout respire, tout est en image ; on ne peut faire un pas sans rencontrer des choses divines & des dieux, & une foule de cérémonies agréables à peindre : mais peu conformes à la raison.

* Air, Manieres, considérés grammaticalement. L’air semble être né avec nous ; il frappe à la premiere vûe. Les manieres sont d’éducation. On plaît par l’air ; on se distingue par les manieres. L’air prévient ; les manieres engagent. Tel vous déplaît & vous éloigne par son air, qui vous retient & vous charme ensuite par ses manieres. On se donne un air ; on affecte des manieres. On compose son air ; on étudie ses manieres. Voyez les Synonymes François. On ne peut être un fat sans savoir se donner un air & affecter des manieres ; pas même peut-être un bon Comédien. Si l’on ne sait composer son air & étudier ses manieres, on est un mauvais courtisan ; & l’on doit s’éloigner de tous les états où l’on est obligé de paroître différent de ce qu’on est.

Air se dit en Peinture de l’impression que fait un tableau, à la vûe duquel on semble réellement respirer l’air qui regne dans la nature suivant les différentes heures du jour : frais, si c’est un soleil levant qu’il représente ; chaud, si c’est un couchant. On dit encore qu’il y a de l’air dans un tableau, pour exprimer que la couleur du fond & des objets y est diminuée selon les divers degrés de leur éloignement : cette diminution s’appelle la perspective aërienne. On dit aussi air de tête : tel fait de beaux airs de tête. On dit encore attraper, saisir l’air d’un visage, c’est-à-dire le faire parfaitement ressembler. En ce cas l’air sembleroit moins dépendre de la configuration des parties, que de ce qu’on pourroit appeller le geste du visage. (R)

Air en Musique, est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson ou d’une petite piece de Poësie propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Dans les Opéra on donne le nom d’airs à tous les morceaux de musique mesurés, pour les distinguer du récitatif qui ne l’est pas ; & généralement on appelle air tout morceau de musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divise entre deux parties, l’air s’appelle duo, si entre trois, trio, &c.

Saumaise croit que ce mot vient du Latin œra ; & M. Burette est de son opinion, quoique Menage combatte ce sentiment dans son étymologie de la langue Françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le rythme, ainsi que les Grecs avoient les leurs ; & ces signes, tirés aussi de leurs caracteres numériques, se nommoient non-seulement numerus, mais encore œra, c’est-à-dire nombre, ou la marque du nombre ; numeri nota, dit Nonius Marcellus. C’est en ce sens qu’il se trouve employé dans ce vers de Lucile :

Hæc est ratio ? perversa œra ? summa subducta improbè ?

Et Sextus Rusus s’en est servi de même. Or quoique ce mot œra ne se prît originairement parmi les Musiciens que pour le nombre ou la mesure du chant, dans la suite on en fit le même usage qu’on avoit fait du mot numerus ; & l’on se servoit d’œra pour désigner le chant même : d’où est venu le mot François air, & l’Italien aria pris dans le même sens.

Les Grecs avoient plusieurs sortes d’airs qu’ils appelloient nomes, qui avoient chacun leur caractere, & dont plusieurs étoient propres à quelques instrumens particuliers, à peu près comme ce que nous appellons aujourd’hui pieces ou sonates.

La musique moderne a diverses especes d’airs qui conviennent chacune à quelque espece de danse dont ils portent le nom. Voyez Menuet, Gavotte, Musette, Passepié, Chanson, &c. (S)

Air, (Jardinage.) On dit d’un arbre qu’il est planté en plein vent ou en plein air, ce qui est synonyme. Voyez Air. (K)

Air, en Fauconnerie ; on dit l’oiseau prend l’air, c’est-à-dire, qu’il s’éleve beaucoup.

* Air ou Ayr, (Géog.) ville d’Ecosse à l’embouchure de la riviere de son nom. Long. 14. 40. lat. 56. 22.

AIRAIN ou CUIVRE JAUNE, s. m. (Chim.) c’est un métal factice composé de cuivre fondu avec la pierre de calamine qui lui communique la dureté & la couleur jaune. Voyez Métal, Cuivre.

On dit que les Allemands ont possédé long-tems le secret de faire ce métal. Voici présentement comment on le prépare. On mêle avec du charbon de terre de la pierre calamine calcinée & réduite en poudre : on incorpore ces deux substances en une seule masse par le moyen de l’eau ; ensuite quand cela est ainsi préparé, on met environ sept livres de calamine dans un vase à fondre qui doit contenir environ quatre pintes, & on y joint à peu près cinq livres de cuivre : on met le vase dans une fournaise à vent de huit piés de profondeur, & on l’y laisse environ onze heures, au bout duquel tems l’airain est formé. Quand il est fondu, on le jette en masses ou en bandes. Quarante-cinq livres de calamine crue, trente livres étant brûlée ou calcinée, & soixante livres de cuivre, font avec la calamine cent livres d’airain. Du tems d’Erker, fameux Métallurgiste, soixante & quatre livres de cuivre ne donnoient par le moyen de la calamine, que quatre-vingts-dix livres d’airain.

Airain qui autrefois ne signifioit que le cuivre, & dont on se sert présentement plus particulierement pour signifier le cuivre jaune, se dit encore du métal dont on fait des cloches, & qu’on nomme aussi bronze. Ce métal se fait le plus communément avec dix parties de cuivre rouge & une partie d’étain ; on y ajoûte aussi un peu de zinc.

L’airain de Corinthe a eu beaucoup de réputation parmi les Anciens. Le consul Mummius ayant saccagé & brûlé Corinthe 146 ans avant J. C. on dit que ce précieux métal fut formé de la prodigieuse quantité d’or, d’argent & de cuivre dont cette ville étoit remplie, & qui se fondirent ensemble dans cet incendie. Les statues, les vases, &c. qui étoient faits de ce métal, étoient d’un prix inestimable. Ceux qui entrent dans un plus grand détail, le distinguent en trois sortes : l’or étoit le métal dominant de la premiere espece ; l’argent de la seconde ; & dans la troisieme, l’or, l’argent & le cuivre, étoient en égale quantité.

Il y a pourtant une difficulté au sujet du cuivre de Corinthe ; c’est que quelques Auteurs disent que ce métal étoit fort recherché avant le sac de Corinthe par les Romains, ce qui prouveroit que le cuivre de Corinthe n’étoit point le produit des métaux fondus confusément dans l’incendie de cette ville, & que les Corinthiens avoient possédé particulierement l’art de composer un métal où le cuivre dominoit, & qu’on nommoit pour cela cuivre de Corinthe. V. Cuivre.

L’airain ou cuivre jaune est moins sujet à verdir que le cuivre rouge : il est aussi plus dur, c’est de tous les métaux le plus dur : c’est ce qui a fait qu’on s’en est servi pour exprimer la dureté ; on dit un siecle d’airain, un front d’airain, &c. Les limes qui ne peuvent plus servir à l’airain sont encore bonnes pour limer le fer ; ce qui prouve que le fer est moins dur que l’airain. (M)

AIRE, area, s. f. Une aire est proprement une surface plane sur laquelle on marche. Voyez Plan.

Le mot Latin area, d’où vient aire, signifie proprement le lieu où l’on bat le blé ; il est dérivé de arere, être sec.

Aire, en Géometrie, est la surface d’une figure rectiligne, curviligne ou mixtiligne, c’est-à-dire l’espace que cette figure renferme. Voyez Surface, Figure, &c.

Si une aire, par exemple un champ, a la figure d’un quarré dont le côté soit de 40 piés, cette aire aura 1600 piés quarrés, ou contiendra 1600 petits quarrés dont le côté sera d’un pié. Voyez Quarré, Mesure.

Ainsi, trouver l’aire ou la surface d’un triangle, d’un quarré, d’un parallélogramme, d’un rectangle, d’un trapeze, d’un rhombe, d’un polygone, d’un cercle ou d’une autre figure, c’est trouver combien cette aire contient de piés, de pouces & de lignes quarrés. Quant à la maniere de faire cette réduction d’une surface en surfaces partielles quarrées, voyez Triangle.

Pour mesurer un champ, un jardin, un lieu entouré de murs, fermé de haies, ou terminé par des lignes, il faut prendre les angles qui se trouvent dans le contour de ce lieu, les porter sur le papier, & réduire ensuite l’aire comprise entre ces angles & leurs côtés en arpens, &c. en suivant les méthodes prescrites pour la mesure des figures planes en général. Voyez Faire ou Lever un plan. (E).

Si du centre du soleil on conçoit une ligne tirée au centre d’une planete, cette ligne engendrera autour du soleil des aires elliptiques proportionnelles aux tems. Telle est la loi que suivent les planetes dans leur mouvement autour du soleil : ainsi le soleil étant supposé en S, & une planete en A, (Planche d’Astronomie, fig. 61. n°. 2) si cette planete parvient en B dans un tems quelconque donné, le rayon vecteur AS aura formé dans ce mouvement l’aire ASB : soit ensuite la même planete parvenue en P, & soit pris le point D, tel que l’aire PSD soit égale à l’aire ASB ; il est certain par la proposition précédente, qu’elle aura parcouru les arcs PD & AB dans des tems égaux. Voyez Planete & Ellipse.

Le célebre Newton a démontré que tout corps qui dans son mouvement autour d’un autre, suit la loi dont nous venons de parler, c’est-à-dire, que tout corps qui décrit autour d’un autre corps des aires proportionnelles au tems, gravite ou tend vers ce corps. Voyez Gravitation & Philosophie newtonienne. (O)

Aire, terme d’Architecture, est une place ou superficie plane & horisontale sur laquelle l’on trace un plan, une épure, &c. Voyez Epure.

Il se dit encore d’un enduit de plâtre dressé de niveau pour tracer une épure ou quelque dessein.

Aire de plancher, se dit de la charge qu’on met sur les solives d’un plancher, d’une couche de plâtre pur pour recevoir le carreau.

Aire de moilon ; c’est une petite fondation au rez-de-chaussée, sur laquelle on pose des lambourdes, du carreau de pierre, de marbre, ou dalles de pierre : c’est ce que Vitruve entend par statumen.

Aire de chaux & de ciment ; c’est un massif en maniere de chape pour conserver le dessus des voûtes qui sont à l’air, comme il en a été fait un sur l’Orangerie de Versailles.

Aire de recoupes ; c’est une épaisseur d’environ huit à neuf pouces de recoupes de pierre pour affermir les allées des jardins. (P)

Aire de pont ; c’est le dessus d’un pont sur lequel on marche, pavé ou non pavé.

Aire d’un bassin ; c’est un massif d’environ un pié d’épaisseur fait de chaux & de ciment avec des cailloux ou un corroi de glaise pavé par-dessus, ce qui fait le fond du bassin. Cette aire se conserve long-tems pourvû que la superficie de l’eau s’écoule aisément ; quand le tuyau de décharge est trop menu, l’eau superflue regorgeant sur les bords, delaye le terrein sur lequel est assis le bassin, & le fait périr. (K)

Aire. C’est, en œconomie rustique, le nom que l’on donne à la surface des granges, des poulailliers, des colombiers, des toits à porc, des bergeries, des vinées, &c. sur laquelle on marche.

L’aire de la grange d’une grande ferme est percée d’une porte charretiere au moins, quelquefois de deux. Pour faire l’aire on commence par labourer le terrein ; on enleve un demi pié de terre ; on lui substitue de la glaise paitrie & rendue ferme. On étend bien cette glaise ; on a soin que sa surface garde le niveau.

On laisse essuyer la terre ; on la bat à trois ou quatre reprises avec une batte de Jardinier. V. Batte. On n’y laisse point de fentes ; on l’applanit bien avec un gros cylindre de pierre fort pesant. On ne prend pas toûjours cette précaution. C’est sur cette aire qu’on bat le blé.

Pour l’aire des bergeries, il ne faut pas la faire de niveau ; il faut qu’elle soit un peu en pente, afin d’avoir la commodité de la nettoyer ; du reste sans pierre & bien battue.

Celle des toits à porc doit être pavée, sans quoi les cochons la fouilleront.

Aire (Jardinage.) est un terrein plein & uni sur lequel on se promene, tel que seroit la place d’un parterre, d’un potager, le fond d’un boulingrin, & autres. (K)

Aire, s. f. nidus, est le nid ou l’endroit qu’habitent les grands oiseaux de proie, tel que l’aigle, le faucon, l’autour, &c. Ces oiseaux se retirent & élevent leurs petits dans les rochers les plus escarpés, ou sur les arbres les plus élevés ; ils y construisent des aires qui ont jusqu’à une toise quarrée d’étendue, & qui sont faites avec des bâtons assez gros, & des peaux des animaux qu’ils ont dévorés. Voyez Aigle. (I)

Article VIII. de l’Ordonnance de Louis XIV. du mois d’Août 1669. (Chasse.) il est dit : « Défendons à toutes personnes de prendre dans nos forêts, garennes, buissons & plaisirs, aucunes aires d’oiseaux de quelque espece que ce soit ; & en tout autre lieu les œufs de cailles, perdrix & faisans, à peine de 100 livres pour la premiere fois, 200 livres pour la seconde, & du foüet & bannissement à six lieues de la forêt pendant cinq ans, pour la troisieme ».

Aire, en terme de Vannier, c’est un endroit plein dans un ouvrage de faisserie, qui commence à la torche & monte jusqu’à une certaine distance ; ce qui se fait en tournant un brin d’osier autour de chaque pé. Voyez Faisserie, Torche,

* Aire (Géog.) ville de France dans la Gascogne sur l’Adour. Long. 17. 49. lat. 43. 47.

* Aire, (Géog.) ville des Pays-Bas, comté d’Artois. Long. 20d 3′ 28″. lat. 50d 38′ 18″.

AIRELLE, s. f. ou MIRTILLE, s. m. (Hist. nat) en Latin vitis Idœa, plante dont la fleur est d’une seule feuille en forme de cloche ou de grelot. Il sort du calice un pistil qui est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & qui devient dans la suite un fruit mou ou une baie pleine de suc creusée en forme de nombril : cette baie est remplie de semences ordinairement assez menues. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

* AIRES, s. f. ce sont dans les marais salans le nom qu’on donne aux plus petits des bassins quarrés dans lesquels le fond de ces marais est distribué. Les aires ou œillettes, car on leur donne encore ce dernier nom, ont chacune 10 à 12 piés de largeur sur 15 de longueur ou environ : elles sont séparées par de petites digues de treize à quatorze pouces de large ; & on retire dix-huit à vingt livres de sel par an d’une aire ou œillette, tous frais faits.

Aires, Manege. Voyez Airs.

* AIRÈS, fête qu’on célébroit à Athenes en l’honneur de Cerès & de Bacchus, en leur offrant les prémices de la récolte du blé & du vin. Elle se nommoit aussi Aloes. Voyez Aloes.

AIROMETRIE, s. f. est la science des propriétés de l’air. Voyez Air. Ce mot est composé d’ἀὴρ, air, & de μέτρειν, mesurer.

L’airométrie comprend les lois du mouvement, de la pesanteur, de la pression, de l’élasticité, de la raréfaction, de la condensation, &c. de l’air. V. Elasticité, Raréfaction, &c.

Le mot d’airométrie n’est pas fort en usage ; & on appelle ordinairement cette branche de la Physique la pneumatique. Voyez Pneumatique.

M. Wolf, Professeur de Mathématique à Hall, ayant réduit en démonstrations géométriques plusieurs des propriétés de l’air, publia le premier à Leipsic en 1709. les élémens de l’airométrie en Allemand, & ensuite plus amplement en Latin ; & ces élémens d’airométrie ont depuis été insérés dans le cours de Mathématiques de cet Auteur en 5. volumes in-4o. à Geneve. (O)

AIRS, s. m. pl. en terme de Manége, sont tous les mouvemens, allures & exercices qu’on apprend au cheval de manége. Voyez Manege, Académie, Cheval.

Le pas naturel d’un cheval, le trot & le galop, ne sont point comptés au nombre des airs de manege, qui sont les balotades, les croupades, les caprioles, les courbettes & demi-courbettes, les falcades, le galop gaillard, le demi air ou mesair, le pas, le saut, les passades, les pesades, les piroüettes, le répolon, le terre à terre, les voltes & demi-voltes. Voyez les explications de tous ces airs à leurs lettres respectives.

Quelques Auteurs prennent les airs dans un sens plus étendu, & les divisent en bas & relevés : les airs bas sont la démarche naturelle du cheval, telle que le pas, le trot, le galop & le terre à terre : les airs élevés sont ceux par lesquels le cheval s’éleve davantage de terre. Un cheval qui n’a point d’air naturel, est celui qui plie fort peu les jambes en galopant. On dit : ce cavalier a bien rencontré l’air de ce cheval, & il manie bien terre à terre : ce cheval prend l’air des courbettes, se présente bien à l’air des caprioles, pour dire qu’il a de la disposition à ces sortes d’airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent léger du dedans, le mettent sur les hanches. Ces airs le font arrêter sur les hanches, le font aller par sauts & l’assûrent dans la main. Il faut ménager un cheval qui se présente de lui-même aux airs relevés, parce qu’ils le mettent en colere quand on le presse trop. (V)

AIS, s. m. (Menuis. Charpen.) planche de chêne ou de sapin à l’usage de la Menuiserie : on nomme les ais entrevouts lorsqu’ils servent à couvrir les espaces des solives, & qu’ils en ont la longueur sur neuf ou dix pouces de large & un pouce d’épaisseur. Cette maniere de couvrir les entrevouts étoit fort en usage autrefois : mais on se sert à présent de lattes que l’on ourdit de plâtre dessus & dessous ; cela rend les planchers plus sourds, & empêche la poussiere de pénétrer ; ce qu’il est presqu’impossible d’éviter dans l’usage des ais de planches, qui sont sujets à se fendre ou gercer : ces entrevouts de plâtre ne servent même aujourd’hui que pour les chambres en galetas : on plafonne presque toutes celles habitées par les maîtres ; ce qui occasionne la ruine des planchers ; les Charpentiers trouvant par-là occasion d’employer du bois verd rempli de flaches & d’aubiers ; au lieu qu’on voit presque tous les planchers des bâtimens des derniers siecles subsister sans affaissement ; le bois étant apparent, ayant une portée suffisante, étant bien écarri, quarderoné sur les arrêtes & les entrevouts, garni d’ais bien dressés & corroyés, ornés de peintures & sculptures, ainsi que sont celles de la grande galerie du Luxembourg à Paris.

Ais de bois de bâteau ; ce sont des planches de chêne ou de sapin qu’on tire des débris des bâteaux déchirés, & qui servent à faire des cloisons légeres, lambrissées de plâtre des deux côtés pour empêcher le bruit & le vent, pour ménager la place & la charge dans les lieux qui ont peu de hauteur de plancher. Voyez Cloison à claire voie. (P)

Ais, outil de Fondeur en sable ; c’est une planche de bois de chêne d’environ un pouce d’épaisseur : cette planche sert aux Fondeurs pour poser les chassis dans lesquels ils font le moule. Voyez Fondeur en sable, & la fig. 17. Pl. du Fondeur en sable.

Ais, ustensile d’Imprimerie ; c’est une planche de bois de chêne de deux piés de long sur un pié & demi de large, & de huit à dix lignes d’épaisseur, unie d’un côté, & traversée de l’autre de deux barres de bois posées à deux ou trois pouces de chaque extrémité. On se sert d’ais pour tremper le papier, pour le remanier, pour le charger après l’avoir imprimé. Il y a à chaque presse deux ais ; un sur lequel est posé le papier préparé pour l’impression, & l’autre pour recevoir chaque feuille imprimée.

Les Compositeurs ont aussi des ais pour desserrer leurs formes à distribuer & mettre leurs lettres. (V. Forme.) Mais le plus souvent ils ne se servent que de demi-ais : deux de ces demi-ais sont de la grandeur d’un grand ais.

Ais, terme de Paumier ; c’est une planche maçonnée dans le mur à l’extrémité d’un tripot ou jeu de paume, qu’on appelle quarré. L’ais est placé précisément dans l’angle du jeu de paume qui touche à la gallerie, & dans la partie du tripot où est placé le serveur. Les tripots ou jeux de paume qu’on appelle des dedans, n’ont point d’ais. Quand la balle va frapper de volée dans l’ais, ce qui se connoît par le son de la planche, le joüeur qui l’a poussée gagne un quinze. Voyez Jeu de Paume.

Ais à presser ou mettre les livres en presse, outil des Relieurs ; ils doivent être de bois de poirier. Il en faut de différente grandeur, c’est-à-dire, pour in-folio, in-4o, in-8o, in-12 & in-18. Voyez Plan. I. de la Reliûre, fig. V.

Quand on ne trouve point de poirier, on prend du bois de hêtre.

Ais à endosser, ce sont de petites planches de hêtre bien polies, dont un des côtés dans la largeur est rond, l’autre est quarré. On met une de ces planches entre chacun des volumes qui sont tous tournés du même sens, lorsqu’ils sont couchés & qu’on se prépare à les mettre en presse pour y faire le dos, le côté quarré de la planche tout joignant le bout des ficelles de la couture ; ensorte que ces planches pressant un peu plus le bord des livres, servent à faire sortir le dos en rond. Il y en a pour toutes les formes de livre. Voyez Plan. I. fig. F.

Ais à fouetter ; il y a des planches toutes semblables pour fouetter, mais plus larges que les précédentes. On dit ais à fouetter. Voyez Pl. I. fig. G.

Ais à rogner, ce sont de petites planches qui servent aux Relieurs à maintenir les livres qu’ils veulent rogner dans la presse. Voyez Rogner, Fouetter,& Endosser.

Ais feuillé, en terme de Vitrerie ou Planche à la soudure, est un ais qui sert à couler l’étain pour souder.

Ais du corps, partie du bois du métier des étoffes en soie. Ce sont deux petites planches oblongues percées d’autant de trous que l’exige le nombre des mailles du corps, ou des maillons ou des aiguilles.

Elles ont quatre cens trous chacune pour les métiers de 400 cordes & 600 trous pour les métiers de 600 cordes : il y a huit trous dans la largeur pour les métiers de 400, & il y en a 10 pour les métiers de 600. Leur usage est de tenir les mailles de corps & les arcades dans la direction qu’elles doivent avoir. V. Pl. 6, n°. 7, la Pl. est un des ais du corps.

Ais en Serrurerie. C’est un outil à l’usage de la Serrurerie en ornement. Sa forme est bien simple ; ce n’est proprement qu’un morceau de bois, d’un pouce ou un pouce & demi d’épaisseur, oblong, porté sur deux piés, percé à sa surface de trous ronds & concaves, qui servent à l’ouvrier pour emboutir des demi-boules. Voyez Serrur. Pl. 15. fig. M.

Ais à coller, bout de planche d’un bois léger & uni, qui a la forme de la moitié d’un cercle dont on auroit enlevé un petit segment, ensorte que les deux arcs terminés par la corde de ce segment & par le diametre fussent égaux de part & d’autre. Ces ais sont à l’usage de ceux qui peignent en éventail ; c’est là-dessus qu’ils collent leurs papiers, ou peaux ; ces papiers ou peaux ne sont collés que sur les bords de l’ais. Voyez de ces ais Pl. de l’évantailliste. 11. 12. 13. 14.

AISANCE, s. f. en terme de Pratique, se dit d’un service ou d’une commodité qu’un voisin retire d’un autre, en vertu de titres ou de possession immémoriale, sans qu’il en revienne aucun fruit à cet autre voisin ; comme la souffrance d’un passage sur ses terres, d’un égoût, &c. Ce terme est synonyme à servitude. Voyez Servitude. (H)

AISANCE, s. f. (Architect.) siége de commodité propre & commode, que l’on place attenant une chambre à coucher, une salle de compagnie, cabinet, &c. à la faveur d’une soupape que l’on y pratique aujourd’hui, ce qui leur a fait donner le nom d’aisance ou de lieux à soupape, aussi bien qu’à la piece qui contient ce siége ; il s’en fait de marbre & de pierre de lierre que l’on revêt de menuiserie ou de marqueterie, orné de bronze, tel qu’on en voit aux Hôtels de Talmont, de Villars, de Villeroy, & ailleurs.

Ces sortes de pieces font partie des garde-robes ; & lorsque l’on ne peut, faute d’eau, y pratiquer des soupapes, on y tient seulement des chaises percées.

On donne le nom de Latrines aux lieux domestiques. Voyez Latrines. (P)

AISAY-LE-DUC, (Géog.) ville de France en Bourgogne, Bailliage de Chatillon.

AISEMENT, Garde-robe, s. m. (Marine.) L’éperon sert d’aisement aux Matelots ; mais on en fait dans les Galeres & ailleurs pour les Officiers. (Z)

* AISNAY-LE-CHASTEAU, (Géog.) ville de France dans la Généralité de Bourges.

* AISNE, (Géog.) riviere de France, qui a sa source en Champagne, & se joint à l’Oise vers Compiegne.

AISSADE de poupe. (Marine.) c’est l’endroit où la poupe commence à se rétrécir, & où sont aussi les Radiers. Voyez Poupe & Radier. (Z)

* AISSANTES, s. f. pl. ou AISSIS ou BARDEAUX, s. m. pl. c’est le nom que les Couvreurs donnent à de très-petits ais faits de douves, ou d’autres bouts de planches minces dont on couvre les chaumieres à la campagne. Cette couverture est légere. On s’en sert aussi pour les hangards, sur-tout quand la tuile est rare. Il faut que les aissantes soient sans aubier, sans quoi elles se pourriront. Elles demandent beaucoup de clous. Il ne seroit pas mal de les peindre. On regagne toutes ces petites dépenses sur la grosse charpente qui peut être moins forte.

AISSELLE, s. f. Anatom. cavité qui est sous la partie la plus élevée du bras. Voyez Bras. Ce mot est un diminutif d’axis, & signifie petit axe. Voyez Axe.

Les abscès dans les aisselles sont ordinairement dangereux, à cause de la quantité des vaisseaux sanguins, lymphatiques, & des nerfs qui forment beaucoup de plexus autour de cette partie. Les anciennes Lois ordonnoient de pendre les criminels impuberes par dessous les aisselles. V. Puberté, &c. (L)

Il y a des personnes en qui la sueur ou la transpiration des aisselles de même que celle des aines, est puante : on en peut corriger la puanteur, selon Paul Eginette, de cette façon : prenez alun liquide, deux parties ; myrrhe, une partie dissoute dans du vin : lavez souvent les aisselles avec ce mêlange.

Ou bien prenez de la litharge calcinée & éteinte dans du vin odoriférant, & battez-la en y ajoûtant un peu de myrrhe, jusqu’à ce qu’elle ait acquis la consistance du miel.

Ou bien prenez litharge d’argent, six gros ; myrrhe, deux gros ; amome, un gros, que vous arroserez avec du vin.

Enfin, prenez alun liquide ; huit gros ; amome, myrrhe, lavande, de chacun quatre gros ; broyez-les avec du vin. Paul Eginete, Chap. xxxvj. lib. III. (N)

Aisselle, (Jardinage.) se dit encore des tiges qui s’élevent & qui sortent des côtés du maître brin, en se fourchant & se subdivisant en d’autres branches qui sont moindres ; elles produisent à leur extrémité des boutons foibles qu’il faut retrancher, afin de laisser toute la seve au maître brin qui en devient plus beau ; coupez ces branches avec l’ongle, ou aux ciseaux, au-dessous du fourchon, sans l’écarter. (K)

Aisselle des Plantes, Ala, s. f. (Hist. nat. Bot.) c’est le petit espace creux qui se trouve à la jonction des feuilles ou des rameaux avec la branche ou la tige ; il en sort de nouvelles poussées, & quelquefois des fleurs. Dans ce cas, on dit que les fleurs naissent dans les aisselles des feuilles. (I)

AISSELIER, s. m. chez les Charpentiers ; on entend par un aisselier une piece de bois ou droite ou arcuée, terminée par deux tenons, dont l’un a sa mortoise dans une des deux pieces de bois assemblées de maniere qu’elles forment un angle à l’endroit de leur assemblage, & dont l’autre tenon a sa mortoise dans l’autre de ces deux pieces de bois. Ainsi les deux pieces & l’aisselier forment un triangle dont l’aisselier est la base, & dont les parties supérieures des pieces assemblées forment les côtés. L’aisselier est employé pour fortifier l’assemblage des deux pieces, & pour empêcher que celle qui est horisontale ne se sépare de celle qui est perpendiculaire, ou verticale, soit par son propre poids, soit par les poids dont elle sera chargée. Ainsi, planc. II. des ardoises, fig. 1. la piece de bois opposée à l’angle K, dans la machine, est un aisselier. Il suffit de cet exemple, pour reconnoître l’aisselier toutes les fois qu’il se rencontrera dans les autres figures. Voyez aussi les Planches de Charpente.

Aisseliers, on donne aussi le nom d’aisseliers, aux bras d’une roue, lorsqu’ils excedent la circonférence de cette roue, de maniere que la puissance appliquée à ces bras, fait mouvoir la roue plus facilement.

AISSES, Voyez Esses.

AISSIEU d’ancre. Voyez Jas. Voyez aussi Essieu.

AIT acte, expression de Palais, est une ordonnance qui se met au bas des requêtes présentées par les parties, lorsqu’elles demandent acte de l’emploi qu’elles font d’icelles pour quelques écritures. Par exemple, dans une requête d’emploi pour griefs, l’appellant demande acte que pour griefs, il emploie la présente requête, & le Rapporteur met au bas d’icelle, ait acte, & soit signifié. (H)

* AITMAT, nom que les Arabes donnent à l’antimoine.

* AJUBATIPITA Brasiliensium, nom d’un arbrisseau du Brésil qui a cinq ou six palmes de haut, & dont le fruit est semblable à l’amande, excepté qu’il est noir. On en tire une huile de la même couleur, dont les sauvages se servent pour fortifier les articulations.

AJUDANT, s. m. terme dont on se sert dans quelques pays étrangers, pour signifier ce que nous appellons Aide-de-Camp. Voyez Aide-de-camp. (Z)

* AIUS-LOCUTIUS, Dieu de la parole, que les Romains honoroient sous ce nom extraordinaire : mais comme il faut savoir se taire, ils avoient aussi le Dieu du silence. Lorsque les Gaulois furent sur le point d’entrer en Italie, on entendit sortir du bois de Vesta ; une voix qui crioit ; si vous ne relevez les murs de la ville, elle sera prise. On négligea cet avis ; les Gaulois arriverent, & Rome fut prise. Après leur retraite on se rappella l’oracle, & on lui éleva un autel sous le nom dont nous parlons. Il eut ensuite un Temple à Rome, dans l’endroit même où il s’étoit fait entendre la premiere fois. Ciceron dit au deuxieme livre de la Divination, que quand ce Dieu n’étoit connu de personne, il parloit ; mais qu’il s’étoit tu depuis qu’il avoit un Temple & des autels, & que le Dieu de la parole étoit devenu muet aussi-tôt qu’il avoit été adoré. Il est difficile d’accorder la vénération singuliere que les Payens avoient pour leurs Dieux, avec la patience qu’ils ont eue pour les discours de certains Philosophes : ces Chrétiens qu’ils ont tant persécutés, disoient-ils rien de plus fort que ce qu’on lit dans Ciceron ? Les livres de la Divination ne sont que des traités d’irreligion. Mais quelle impression devoient faire sur les peuples, ces morceaux d’éloquence où les Dieux sont pris à témoin, & sont invoqués ; où leurs menaces sont rappellées ; en un mot, où leur existence est supposée ; quand ces morceaux étoient prononcés par des gens dont on avoit une foule d’écrits philosophiques, où les Dieux & la religion étoient traités de fables ! Ne trouveroit-on pas la solution de toutes ces difficultés dans la rareté des manuscrits du tems des Anciens ? Alors le peuple ne lisoit gueres : il entendoit les discours de ses Orateurs, & ces discours étoient toûjours remplis de piété envers les Dieux ; mais il ignoroit ce que l’Orateur en pensoit & en écrivoit dans son cabinet ; ces ouvrages n’étoient qu’à l’usage de ses amis. Dans l’impossibilité où l’on sera toûjours d’empêcher les hommes de penser & d’écrire, ne seroit-il pas à désirer qu’il en fût parmi nous, comme chez les Anciens ? Les productions de l’incrédulité ne sont à craindre que pour le peuple & que pour la foi des simples. Ceux qui pensent bien savent à quoi s’en tenir ; & ce ne sera pas une brochure qui les écartera d’un sentier qu’ils ont choisi avec examen, & qu’ils suivent par goût. Ce ne sont pas de petits raisonnemens absurdes qui persuadent à un Philosophe d’abandonner son Dieu : l’impiété n’est donc à craindre que pour ceux qui se laissent conduire. Mais un moyen d’accorder le respect que l’on doit à la croyance d’un peuple, & au culte national, avec la liberté de penser, qui est si fort à souhaiter pour la découverte de la vérité, & avec la tranquillité publique, sans laquelle il n’y a point de bonheur ni pour le Philosophe, ni pour le peuple ; ce seroit de défendre tout écrit contre le gouvernement & la religion en langue vulgaire ; de laisser oublier ceux qui écriroient dans une langue savante, & d’en poursuivre les seuls traducteurs. Il me semble qu’en s’y prenant ainsi, les absurdités écrites par les Auteurs, ne feroient de mal à personne. Au reste, la liberté qu’on obtiendroit par ce moyen, est la plus grande, à mon avis, qu’on puisse accorder dans une société bien policée. Ainsi partout où l’on n’en joüira pas jusqu’à ce point-là, on n’en sera peut-être pas moins bien gouverné : mais à coup sûr, il y aura un vice dans le gouvernement partout où cette liberté sera plus étendue. C’est-là, je crois, le cas des Anglois & des Hollandois : il semble qu’on pense dans ces contrées, qu’on ne soit pas libre, si l’on ne peut être impunément effréné[2].

AJUSTE, Voyez Avuste.

AJUSTEMENT, s. m. se dit en général de tout ce qui orne le corps humain en le couvrant ; il s’entend en Peinture, non-seulement des draperies ou vêtemens de mode & de fantaisie, mais encore de la façon d’orner les figures, soit en les ceignant de chaînes d’or, ou d’autres riches ceintures, soit en les habillant de légeres étoffes, en les coëffant de diadèmes de belle forme, ou de voiles singulierement liés avec des rubans, en relevant leurs cheveux, ou les laissant pendre galamment ; enfin en les ornant de colliers, de brasselets, &c. (R).

AJUSTER, Voyez Avuster.

AJUSTER un œillet, (Jardinage.) c’est arranger à la main ses feuilles, de maniere qu’elles se trouvent si bien disposées que l’œillet en paroisse plus large. On fait ce travail quand la fleur est toute épanoüie. (K)

Ajuster un cheval (Manége.) c’est lui apprendre son exercice en lui donnant la grace nécessaire.

Ajuster un fer, (Maréchalerie.) c’est le rendre propre au pied du cheval. (V)

Ajuster, en terme de Balancier, c’est rendre les poids conformes aux poids étalonnés ou à l’étalon.

Ajuster, en terme de Bijoutier, c’est remplir les vuides d’une piece, tabatiere ou autre, de morceaux de pierres fines, de cailloux ; de coquillages, &c. & pour ainsi dire la marqueter.

Ajuster carreaux, (terme d’ancien Monnoyage.) c’étoit couper avec des cisoires les angles ou pointes des pieces de métal qui alors étoient préparées en quarré pour être ensuite arrondies.

Ajuster, se dit, dans les Manufactures de soie, des lisses qui ne doivent être ni plus élevées ni plus basses que l’ouvrage ne le comporte. Ajuster, c’est leur donner cette disposition. Il est impossible de faire de bel ouvrage, quand les lisses sont mal ajustées ; parce qu’alors les parties de la chaîne se séparent mal. Il n’est même pas possible de travailler, quand elles sont très-mal ajustées. Voyez Lisse.

AJUSTEURS (à la Monnoie.) ne peuvent, non plus que les Monnoyeurs, être reçûs, s’ils ne sont d’estoc & ligne. Leur fonction est de donner aux flancs le poids qu’ils doivent avoir. Leur droit, de deux sols pour l’or, un sol pour l’argent & le billon ; lequel droit ils partagent entre eux.

AJUSTOIRE, s. m. (à la Monnoie.) est une balance qui sert aux ajusteurs à déterminer si le flanc à monnoyer est du poids fixé, s’il est fort ou foible ; les flancs qui sont d’un poids au-dessous sont cisaillés pour ensuite être remis à la fonte ; ceux qui sont trop forts sont limés & diminués par leur surface avec une écoüane. Voyez Flanc, Cisailler, Ecouane.

AJUTAGE ou AJOUTOIR, s. m. (Fontainier.) Les ajutages ou ajoutoirs sont des cylindres de fer-blanc ou de cuivre percés de plusieurs façons, lesquels se vissent sur leur écrou que l’on soude au bout d’un tuyau montant appellé souche.

Il y a deux sortes d’ajutages, les simples & les composés ; les simples sont ordinairement élevés en cone & percés d’un seul trou.

Les composés sont applatis en-dessus & percés sur la platine de plusieurs trous, de fentes, ou d’un faisceau de tuyaux qui forment des gerbes & des girandoles.

Parmi les ajutages composés, il y en a dont le milieu de la superficie est tout rempli, & qui ne sont couverts que d’une zone qui les entoure ; on les appelle ajoutoirs à l’épargne, parce qu’on prétend qu’ils dépensent moins d’eau, & que le jet en paroît plus gros. On fait prendre aux ajoutoirs plusieurs figures, comme de gerbes, de pluies, d’évantails, soleils, girandoles, bouillons. Voyez Pluies, Evantails, Girandoles, Bouillons, Souche. (K).

Il s’ensuit de ce qui précede, que c’est la

  1. Voir erratum, tome III, p. xv.
  2. Voir erratum, tome III, p. xv.